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jeudi, 17 février 2022

Le grand jeu de l'énergie : l'accord Xi-Poutine qui effraie l'Europe

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Le grand jeu de l'énergie : l'accord Xi-Poutine qui effraie l'Europe

Federico Giuliani

Source: https://it.insideover.com/energia/il-grande-gioco-dellenergia-laccordo-xi-putin-che-spaventa-leuropa.html

Si le renforcement des liens politiques sino-russes est un avertissement pour les États-Unis et l'OTAN, les accords économiques consolidés lors de la dernière rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine sont un message direct à l'Europe. L'UE doit maintenant faire ses propres calculs, notamment en termes d'avantages et d'inconvénients énergétiques, et choisir à quelle croisade elle se joindra. Est-ce celle prêchée à Washington, qui continue à diaboliser Moscou en alimentant l'hypothèse d'une invasion russe en Ukraine ? Ou, au contraire, choisira-t-elle la croisade entreprise par le véritable nouvel ordre mondial, réuni en grande pompe dans les tribunes du stade national de Pékin, théâtre des Jeux d'hiver de 2022 en Chine ? Il y aurait aussi une troisième voie : utiliser le pragmatisme pour éviter, comme nous le verrons, de se retrouver dans des sables mouvants.

Il va sans dire que l'Union européenne, entendue comme une institution supranationale, n'a pas la moindre intention de trahir ses valeurs libérales, démocratiques et atlantistes; mais il est tout aussi vrai qu'épouser de trop près le combat de Joe Biden - une question qui semble, à la rigueur, ne concerner que les États-Unis - pourrait conduire à une aggravation de la tempête énergétique qui se prépare depuis quelques semaines. Oui, car l'Europe est dépendante des importations de gaz naturel russe, lequel hydrocarbure est fondamental pour l'approvisionnement en énergie et donc pour répondre aux besoins quotidiens de la population, notamment pour cuisiner et chauffer les maisons.

Il va sans dire qu'en cas d'une hypothétique implication militaire en Ukraine contre la Russie ou d'un renforcement des sanctions, le Vieux Continent se trouverait exposé à de probables représailles économiques de la part de Moscou. À ce moment-là, Poutine aurait tout le pouvoir de fermer les robinets des gazoducs russes vers l'Europe pour acheminer le précieux combustible vers la Chine, où la soif d'énergie est grande. Entre-temps, les Jeux olympiques d'hiver ont sanctionné un nouveau rapprochement tous azimuts entre la Chine et la Russie, qui "s'opposent à un nouvel élargissement de l'OTAN et appellent l'Alliance de l'Atlantique Nord à abandonner ses attitudes idéologiques de la guerre froide" et à "respecter la souveraineté, la sécurité et les intérêts des autres pays".

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Le gaz russe en Europe

Il est inutile de faire comme si de rien n'était : l'Union européenne est largement dépendante du gaz naturel russe. Les données les plus récentes d'Eurostat, qui remontent à 2019, ont montré que l'UE importait 41,1 % de son gaz de Moscou. Ensuite, bien sûr, la situation varie d'un pays à l'autre, avec des gouvernements à la merci des humeurs du Kremlin et d'autres capables, du moins en partie, de s'extraire d'une dépendance pesante. Selon les données du ministère de la Transition écologique, en 2020, l'Italie importerait 41,1 % de son gaz naturel de Russie, 22,8 % d'Algérie et environ 10 % de Norvège et du Qatar. Pas besoin de calculatrice pour comprendre qu'en cas de coupures russes, Rome perdrait une bonne moitié de ses importations de gaz, avec des effets indésirables sur toute la chaîne économique et des répercussions sur la vie quotidienne des citoyens.

Mais il y a même ceux qui pourraient se retrouver sans gaz : c'est le cas de la Macédoine du Nord, de la Moldavie et de la Bosnie, dont les importations de gaz proviennent à 100% de la Russie, de la Finlande (94%), de la Lituanie (93%), de la Serbie (89%) et de l'Estonie (79%) ; l'Allemagne est "exposée" à 49%, tandis que l'Autriche et la France le sont respectivement à 64% et 24%. En bref, si le scénario ukrainien devait s'aggraver - on pense à une guerre ou à une augmentation des sanctions russes lancées par Bruxelles - il n'est pas exclu que Moscou vende tout son gaz à la Chine. Ainsi, au milieu des États-Unis et de la Russie, deux ports de fer, l'Europe risque de se retrouver comme un pauvre pot de terre et de payer les conséquences les plus coûteuses d'une éventuelle augmentation des tensions internationales.

Pétrole et gaz : les derniers accords entre la Chine et la Russie

La Chine et la Russie ont montré qu'elles étaient sérieuses. Entre-temps, les deux pays, comme le rappelle Reuters, ont signé des accords pétroliers et gaziers d'une valeur de 117,5 milliards de dollars (une part appelée à augmenter, probablement dans un jeu à somme nulle avec l'Europe), ainsi qu'un échange total en 2021 de 146,8 milliards de dollars (contre 107,8 milliards en 2020 et 65,2 en 2015). En ce qui concerne le pétrole, le géant russe Rosneft, dirigé par Igor Sechin, a signé un accord avec la société chinoise CNPC pour fournir 100 millions de tonnes d'or noir via le Kazakhstan d'ici les dix prochaines années, prolongeant ainsi un accord existant. Valeur de l'opération : les Russes ont parlé de 80 milliards de dollars.

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Cela nous amène au deuxième accord, celui qui concerne le gaz. Le géant russe Gazprom s'est engagé à fournir aux Chinois de CNPC 10 milliards de mètres cubes de gaz par an via une route située dans l'Extrême-Orient russe, prévoyant de porter les exportations de gaz vers la Chine à 48 milliards de mètres cubes par an (mais on ne sait pas quand ; selon les plans précédents, la Russie devait fournir à la Chine 38 milliards de mètres cubes d'ici 2025). De ce point de vue, il est intéressant de s'attarder sur l'"itinéraire" cité par Moscou. De telles déclarations pourraient en fait impliquer la décision de construire un second pipeline dédié aux besoins de Pékin, capable d'accompagner le gazoduc Power of Siberia déjà existant. Rappelons que la Russie envoie déjà du gaz à la Chine via ce gazoduc dit Power of Siberia susmentionnée, qui a commencé à pomper des fournitures de gaz naturel liquéfié en 2019, et qui, pour la seule année 2021, a exporté 16,5 milliards de mètres cubes de gaz et de gaz liquide au-delà de la Grande Muraille. Si l'on considère que le prix moyen de 1000 mètres cubes de gaz est d'environ 150 dollars, le dernier pacte signé entre Poutine et Xi - à long terme, pour une durée de 25 ans - pourrait valoir environ 37,5 milliards de dollars.

À cet égard, il est important d'apporter quelques précisions. Tout d'abord, le réseau Power of Siberia n'est actuellement pas relié aux gazoducs qui acheminent le gaz vers l'Europe. Toutefois, il n'est pas exclu que le second gazoduc vanté par le Kremlin puise dans la péninsule de Yamal, le même gisement d'où provient une grande partie du gaz destiné au marché européen. D'autres rumeurs affirment que le nouvel accord avec Pékin concerne le gaz russe de l'île de Sakhaline, dans le Pacifique, qui sera transporté par gazoduc à travers la mer du Japon jusqu'à la province de Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine, pour atteindre jusqu'à 10 milliards de mètres cubes par an vers 2026. Ensuite, et c'est peut-être le plus important, dans le face-à-face avec l'UE, Poutine a envoyé un message fort et clair. La construction éventuelle d'une nouvelle ligne destinée à l'Est indiquerait les nouveaux plans de Moscou. De plus en plus orientée vers l'Asie et de moins en moins vers l'Occident.

mardi, 15 février 2022

Dislocations politiques et révolutions systémiques

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Dislocations politiques et révolutions

 

systémiques

 

La Russie, la Triade et l'onde de choc

 

de la crise ukrainienne

 

Irnerio Seminatore

 

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2022/janvier/dislo...

 

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT

L'HÉGÉMONIE ET LA PUISSANCE GLOBALE

LA PUISSANCE GLOBALE ET SES ATTRIBUTS. LE LINKAGE, LA DIPLOMATIE TOTALE, L’ « ALLIANCE GLOBALE » ET LA « GUERRE HORS LIMITE »

STABILITÉ ET CRITIQUES DE L'HÉGÉMONIE

ASYMÉTRIE ET INCERTITUDES STRATÉGIQUES

DEREGULATION ET PRECARITE STRATEGIQUE DU SYSTÈME INTER-ETATIQUE

L’ERE DE L’ASYMETRIE

LES STRATÉGIES DES « COMBINAISONS CROISÉES »

STABILITE ET INSTABILITE DE L’ORDRE HEGEMONIQUE

HÉGÉMONIE ET EMPIRE

THEORIES DES CYCLES HEGEMONIQUES

STRAUSZ-HUPE ET LES REVOLUTIONS SYSTÉMIQUES

SECURITE ET SOUVERAINETE

 L’UKRAINE, LA MER NOIRE ET LE THEATRE BALTIQUE

LA RUSSIE ET SES CONCEPTIONS POLITIQUES DE POLITIQUE ETRANGERE. LA RUSSIE EST ELLE A L’OFFENSIVE ?  

L’HYPOTHESE D’INVASION DE L’UKRAINE ET L’ONDE DE CHOC PREVISIBLE                     
           

AVERTISSEMENT

Ce texte est divisé en deux parties, dont la première, à caractère académique, fait référence à l’Hégémonie et à ses interprétations et figure sur le site www.ieri.be

La deuxième partie, à orientation stratégique, s’insère dans le débat sur la sécurité européenne et sur les événements de dislocation politique en Europe de l’Ouest.

DEUXIEME PARTIE

SECURITE ET SOUVERAINETE

La grande majorité des analystes expriment  la conviction que le système international actuel opère une transition vers une alternative hégémonique et ils identifient les facteurs de ce changement, porteur de guerres  de haute intensité, dans une série de besoins insatisfaits et principalement dans l’exigence de sécurité, repérable dans les conflits gelés et dans les zones d’influence disputées (en Europe, dans les pays baltes, en Biélorussie et en Ukraine et, en Asie centrale, au Kazakhstan , au  Kirghizistan, Afghanistan et autres points parsemés). L’énumération de ces besoins va de l’instabilité politique interne  et de ses problèmes  irrésolus, mais sujets à l’intervention de puissances extérieures, à  l’usure des systèmes politiques démocratiques, gangrenés en Eurasie, par l’inefficacité ou par la corruption et, en Afrique, par le sous-développement, l’absence d’infrastructures modernes, la santé publique et une démographie sans contrôle. Cependant le trait prédominant et grave demeure l’absence, au niveau du système, d’un leadership mondial établi, capable d’imposer et de faire respecter les règles créées par lui-même.

Or, sans la capacité d’imposer la stabilité et de s’engager pour la défendre et sans pouvoir compter sur la relation symbiotique entre l’hégémonie déclinante (USA) et l’hégémonie montante (Chine), comme ce fut le cas entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis,  l'Hégémon ne peut exercer une prépondérance de pouvoir, par la diplomatie, l’économie, la coercition, ou la persuasion, que s’il ne garde pas  une suprématie inégalée, dans au moins un aspect essentiel du pouvoir international (armée, organisation militaire, avancées technologiques, ou autres).

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Fiche didactique sur le modèle de Modelski (en anglais): https://www.e-education.psu.edu/geog128/node/646

Or, selon le modèle de Modelski, les guerres majeures relèvent essentiellement de décisions systémiques. Elles doivent tenir compte de l’échiquier mondial, de la constellation diplomatique et du jeu des alliances, mais aussi de l’intensité et de la durée d’un engagement militaire éventuel ; en particulier  de mauvais calculs et des pulsions irréfléchies et revanchardes de certains acteurs (Kiev -Donbass).

Un signe d’affaiblissement de la puissance hégémonique est constitué en outre par la considération, réelle ou symbolique, que l’acteur dominant n’est plus bénéfique ou déterminant pour les grandes puissances ainsi que pour la communauté internationale. La manifestation la plus évidente de ce retournement du poids international de l’Hégémon, repose sur le rabaissement diplomatique, la perte de rang et l’exclusion des négociations diplomatiques de ses alliés les plus proches (Union Européenne). C’est le signe d’une régionalisation contre-productive de la sécurité et de la distinction entre théâtres d’action futurs.

L’UKRAINE, LA MER NOIRE ET LE THEATRE BALTIQUE

Alors qu’aux frontières de l’Ukraine, une guerre de haute intensité ne peut être exclue et que les politiques extérieures de deux des puissances de la Triade (les Etats-Unis et la Russie) testent leurs volontés et déterminations réciproques en Europe centrale et orientale, la géopolitique de cette zone, apparait divisée, aux yeux de la Russie en deux théâtres, la Mer Noire et la Mer Baltique et comporte deux stratégies différenciées.

Dans la Mer Noire, depuis la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie, puis à partir de 2014, avec le retour de la Crimée dans le giron de la mère-patrie, s’exerce une prédominance militaire russe, contrastée par les agissements militaires de la Turquie, gardienne des détroits du Bosphore et des Dardanelles selon la Convention de Montreux (1935). Moscou y montre une préoccupation légitime, face aux tentatives de l’Otan de prendre de l’ascendant dans son flanc Sud, en menaçant directement le cœur de la Russie et en brisant la continuité stratégique avec la Syrie, la Méditerranée, le Proche et Moyen-Orient et le Golfe.

Dans la deuxième en revanche, depuis 2010, l’hypothèse d’une projection des forces russes vers le théâtre de la Baltique (Estonie, Lettonie et Lituanie, auxquelles il faut joindre récemment la Finlande et la Suède), est l’un des scénarios d’affrontement prévisibles, selon le documentaire de la chaine britannique BBC, Word War Three. Inside the War Room. L’impact psycho-politique de cette hypothèse, prenant en considération le caractère indéfendable de ces pays par l’Otan et par l’Occident, a eu pour but d’influencer la politique régionale de l’Hégémon, sollicité à intervenir. Par la mise en œuvre d’une dissuasion par le déni, les pays baltes sont ainsi parvenus à influencer les orientations de l’Allemagne et des Etats-Unis, dans la conception de contre-mesures, politiques, économiques et énergétiques (blocage de Nord Stream 2), ainsi que le durcissement de la position de la Pologne.

A l’échelle globale, la surextension impériale de l’Hégémon, disposant de bases militaires dans plus de cinquante-cinq pays, produit d’elle-même des stress stratégiques et s’approche de plusieurs points de rupture.

Par ailleurs la vulnérabilité des pays de la Baltique, mise en exergue par un rapport de la Rand Corporation de 2016, a influencé le renforcement stratégique de la part de Moscou à Kaliningrad, dans la conception de sa défense du flanc occidental. L’extension des tensions et des intérêts en conflit entre la Russie, l’Otan et l’Europe occidentale, dans l’élargissement du cadre d’action de l’alliance atlantique et son rapprochement à Moscou, justifie la question capitale suivante : la Russie est-elle à l’offensive ? La réaction russe à ce rapprochement progressif de la menace est indéniablement liée, dans la pensée et dans les perceptions stratégiques russes au système de défense anti-missiles et engendre inquiétude et exacerbation pour la volte-face américaine consécutive à la dissolution de pacte de Varsovie.  

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Ces sentiments remontent aux promesses liées à l’effondrement de l’Union Soviétique et à la disparition illusoire de la notion d’ennemi. La réponse à cette question pose par ailleurs l’exigence d’un recours à des explications d’ordre historique et culturel, car, à l’opposé de la géopolitique occidentale, s’exprimant en termes de souveraineté juridique et abstraite, la géopolitique russe se conçoit en termes de rapports de forces et de zones d’influence. Autrement dit, dans le sens classique du réalisme politique. Les intérêts de sécurité de la Fédération russe vont jusqu’à la revendication de droits historiques (Crimée, étranger proche). Sur la base de cette clé de lecture, on ne sera pas surpris de la demande par Moscou, d’un engagement écrit pour une reconnaissance de ses droits. Ceux-ci sauraient interprétés comme une satisfaction de prestige pour la place de la Russie dans les affaires mondiales. Ainsi le déplacement de l’accent diplomatique sur un accord de principe justifierait paradoxalement les évidences de l’histoire et de la géographie, par l’abstraction formelle du droit, autrement dit sur le contraire d’une ligne politique traditionnelle, appuyée sur le réalisme, la méthode coercitive et l’image de la puissance.

L’HYPOTHESE D’UNE INVASION DE L’UKRAINE ET L’ONDE DE CHOC PREVISIBLE

Or, la puissance réelle et la balance mondiale du pouvoir renvoient au système international et au troisième pilier de la triade, l’Empire du milieu.

La montée en puissance de ce dernier apparait renforcée par l’offensive politico-diplomatique de l’Hégémon en Europe et provoque un rapprochement de la Russie et de la Chine. Le renforcement des liens entre la Russie et les pays d’Asie centrale est ainsi le corrélat continental de la stratégie océanique de l’Hégémon dans l’Indo-Pacifique, par la stipulation d’une alliance tripartite (AUKUS), entre les Etats-Unis, le Royaume Uni et l’Australie, en fonction antichinoise. Ce Traité actualise la politique du containment de la guerre froide, celle des puissances de la mer contre les forces militaires de la masse continentale, solidaires du même enjeu.

Ainsi, la modification régionale des conditions de sécurité en Europe, en apparence irréversible, sera le détonateur d’une onde de choc, qui transformera la configuration politique du continent et la balance mondiale, modifiant la hiérarchie de pouvoir au sein de la Triade et plus en général la multipolarité planétaire. L’instabilité du système internationale en sera affectée et convergera avec force dans la révolution systémique de l’âge moderne, décrite par Strausz-Hupé.

Bucarest le 27 janvier 2022

 

Alexander Dugin : Alors que les libéraux échouent, un nouveau monde dirigé par la Russie et la Chine a émergé

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Alexander Dugin : Alors que les libéraux échouent, un nouveau monde dirigé par la Russie et la Chine émerge

亚历山大·杜金:自由主义者功败垂成,中俄引领的新世界已经出现了

Source : http://www.4pt.su/zh-hant/content/ya-li-shan-da-du-jin-zi-you-zhu-yi-zhe-gong-bai-chui-cheng-zhong-e-yin-ling-de-xin-shi-jie?fbclid=IwAR0yqNA0ZiutSxwwrO-dTLuUfIGHOgYboYcnO1ghUGKHWZPpHOAWMyiSrn4

La crise actuelle des relations de la Russie avec l'Occident n'a rien à voir avec le gaz, le pétrole, l'énergie ou l'économie en général. Les tentatives d'expliquer la politique en termes de théorie des "prix", comme le fait Daniel Yergin, sont futiles et superficielles. (Note : Daniel Yergin est un auteur américain qui a écrit un livre sur la relation entre le pétrole et le pouvoir et la richesse intitulé The Prize (= "Le Prix"). Nous avons affaire à des processus civilisationnels et géopolitiques dans lesquels les questions économiques et énergétiques sont secondaires, ce sont simplement des outils à emprunter.

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D'un point de vue civilisationnel, tout est question d'idéologie, surtout sous l'administration démocrate de Biden. L'administration américaine actuelle est composée de mondialistes extrémistes, de néoconservateurs et de faucons libéraux. Ils observent que le monde unipolaire, l'idéologie libérale mondiale et l'hégémonie occidentale sont en train de s'effondrer, et ils sont prêts à tout - même à déclencher une troisième guerre mondiale - pour empêcher que cela ne se produise.

Les mondialistes ont de nombreux ennemis - l'islam, le populisme (y compris Trump), le conservatisme, l'islam politisé, etc. Mais seules deux puissances ont un réel potentiel pour défier cette hégémonie - la Russie et la Chine. La Russie est une puissance militaire, tandis que la Chine est une puissance économique.

Cela laisse de la place pour des manœuvres géopolitiques. Pour Biden, il était important de couper la Russie d'une Europe qui voulait son indépendance. Le problème de l'Ukraine est donc apparu et la crise du Donbass s'est aggravée. La Russie et Poutine ont été diabolisés et accusés de vouloir envahir un pays voisin. Bien que l'invasion n'ait pas vraiment eu lieu, Washington a agi comme si c'était le cas.

Il s'en est suivi des sanctions et même la possibilité de mesures militaires préventives dans la région du Donbass. Puisque tous les Occidentaux croient que la Russie va envahir le pays, toute action militaire des Ukrainiens dans le Donbass, soutenue par l'OTAN, sera considérée comme une "légitime défense". Dans le même temps, on estime également qu'une campagne médiatique contre la Russie empêchera toute réponse appropriée de la part de Moscou. Le conflit sur le gaz et Nord Stream 2 n'est qu'un outil technique pour une guerre de classement.

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La situation est la même pour la Chine. Biden a déjà créé une coalition anti-chinoise avec l'accord AUKUS des pays anglo-saxons (Australie, Royaume-Uni) et le mécanisme QUAD des pays asiatiques (Japon, Inde). La pierre d'achoppement préparée pour la Chine cette fois-ci est Taïwan (comme l'Ukraine l'est pour la Russie). L'objectif ultime est de saper et d'empêcher l'"expansion économique" de la Chine qui y procède par le biais de l'initiative Belt and Road.

L'alliance entre la Russie et la Chine, combinée aux tentatives de la Russie de faire revivre la "Grande Profondeur" en associant l'initiative "Grande Eurasie" à l'initiative Belt and Road (comme annoncé par les dirigeants russes et chinois il y a quelques années). Une nouvelle "Grande Profondeur" signifierait la fin irréversible de l'hégémonie occidentale. La récente rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping montre sans aucun doute que le projet de "Grande Eurasie" est sérieux et poursuivi avec détermination. En conséquence, l'ultra-libéral et mondialiste Soros a lancé une attaque féroce contre la Chine.

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Tout ceci est un cas classique de géopolitique, répétant le projet atlantiste qui va de Mackinder à Brzezinski, c'est-à-dire qu'il y a un duel entre la puissance maritime (libéraux, mondialistes) et la puissance terrestre (Eurasie).

Dans le même temps, la Russie et la Chine pourraient accueillir dans leur giron d'autres Etats prétendants participer à l'émergence d'un monde multipolaire.

- l'Amérique latine (comme l'a souligné le président argentin Albert Fernandez lors de sa visite à Moscou, et comme l'évoquera certainement le président brésilien Bolsonaro lors de sa visite en Russie).

- le monde islamique (qui rêve de se libérer du contrôle occidental - avec l'Iran, la Turquie et le Pakistan à l'avant-garde), et

- l'Afrique (où la Russie et la Chine ont commencé à purger les régimes fantoches mis en place et consolidés jusqu'ici par les Français),

- et, enfin, le continent européen lui-même (qui est de plus en plus fatigué de subir l'atlantisme et rêve de devenir lui-même un pôle - bien que l'élite libérale atlantiste soit toujours au pouvoir en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne, ces idées sont de plus en plus populaires dans ces pays).

Seuls l'Inde (en raison de ses conflits avec la Chine et le Pakistan), le Japon (toujours sous le contrôle étroit des États-Unis) et certains États fantoches mondialistes restent du côté des perdants de toute évidence. C'est devenu une véritable honte d'être du côté des perdants.

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Cela affecte également l'idéologie. Tous ceux qui s'opposent à l'hégémonie américaine et se désintéressent des tentatives de sauvetage du monde unipolaire par Biden (dans l'esprit de la "Ligue des démocraties") commencent également à prendre leurs distances avec les dogmes libéraux - surtout lorsqu'ils apparaissent sous leur forme actuelle, dégoûtante et pathologique (la légalisation de l'homosexualité, de la bisexualité, du transsexualisme, du mariage homosexuel et d'autres perversions, voire l'application totalitaire radicale de ces lois ; et l'autonomisation de l'intelligence artificielle conduisant à l'émergence des menaces très réelles que la promotion agressive du "post-humanisme" par les grandes entreprises technologiques a engendrées).

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Si l'on ajoute à cela l'échec des politiques de prévention des épidémies, les vaccinations douteuses (dont l'épidémie Omicron a prouvé la totale inefficacité), les confinements irrationnels et mal organisés dans les villes, les nouvelles obligations de porter sur soi un passeport sanitaire et quasi biométrique selon les modèles totalitaires des dystopies, le tout assorti d'un système de surveillance totale, il est clair que l'effondrement du libéralisme est plus imminent que jamais. Le succès du groupe rebelle canadien des "Freedom Trucks", qui a forcé le mondialiste libéral Justin Trudeau à aller se cacher, et la popularité des candidats anti-Macron en France (de Zemmour et Marine Le Pen à Mélenchon, qui sont tous du côté anti-libéral et anti-OTAN) ne sont que quelques-uns des symptômes du processus de mondialisation. Ce ne sont là que quelques-uns des symptômes du processus de mondialisation qui annonce la fin de l'hégémonie atlantique.

Tensions à la frontière russo-ukrainienne

La Russie est maintenant confrontée directement à l'atlantisme, et la Russie devrait donc:

- opposer le globalisme à la multipolarité dans la perspective de la géopolitique eurasienne.

- s'opposer au libéralisme en poussant en avant des valeurs civilisationnelles traditionnelles, véritables alternatives constructives ; refuser les dérives LGBT et affirmer l'excellence et la préséance de la famille traditionnelle (inscrite dans la constitution) ; refuser l'individualisme méthodologique du néolibéralisme et affirmer l'État porteur d'une identité historique, etc.

La Chine soutient généralement cette approche tout comme Moscou. Pékin s'oppose également au mondialisme et à l'hégémonie occidentale, tout en défendant les valeurs traditionnelles chinoises.

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Ces points de vue ont été clairement exprimés par Poutine et Xi Jinping lors de leur dernière rencontre.

- Moscou et Pékin entendent s'opposer à toute tentative de violation de leur souveraineté (et combattre jusqu'au bout l'hégémonie et le mondialisme).

- La Chine et la Russie ont pris en compte le fait que Biden veut créer un bloc anti-chinois et activer les mécanismes de l'OTAN en Europe de l'Est, et ont l'intention de s'opposer (ensemble) à ces actions.

- Les dirigeants des deux pays ont fait allusion au bioterrorisme américain (une menace connue sous le nom de "biologie militaire américaine"), ce qui signifie en fait que les deux pays pensent que c'est l'Occident (les États-Unis et le Royaume-Uni) qui a déclenché la pandémie du nouveau coronavirus.

- Pékin soutient Moscou en Europe orientale, Moscou soutient Pékin dans l'océan Indien et le Pacifique, et Poutine a explicitement déclaré que "Taïwan est aux Chinois".

- Les deux pays condamnent l'"Union des démocraties" (l'alliance visant à maintenir l'unipolarité) et s'engagent à préserver l'ordre mondial multipolaire (ce qui doit être interprété comme une déclaration visant à préserver le système de Yalta et l'ONU).

Le bloc eurasien russo-chinois a pris forme. Tous les autres pays doivent choisir - quel côté prendre.

- Se placer du côté de l'hégémonie américaine agressive et devenue complètement folle.

- ou travailler avec le groupe des pays visant l'avènement d'une réelle multipolarité (dont la Russie, la Chine, l'Iran, le Pakistan, le Belarus, la Corée du Nord, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua, la Syrie, le Mali, la République centrafricaine, le Burkina Faso, la Guinée, et, pas encore totalement rejoints, la Turquie, l'Argentine et le Brésil) qui s'opposent aux États-Unis afin de préserver leur souveraineté nationale et leur identité culturelle.

L'avenir est définitivement multipolaire et le bloc eurasien doit donc l'emporter. Après l'effondrement de l'Union soviétique, le dernier effort pour construire un empire mondial a échoué parce que les libéraux n'ont pas été capables de consolider et de conserver leur succès, et un nouveau monde a émergé.

Cet article est une exclusivité de l'Observer. Le contenu de cet article est purement l'opinion personnelle de l'auteur et ne représente pas les vues de la plateforme. Suivez l'Observateur sur WeChat guanchacn pour lire quotidiennement des articles intéressants.

Hola

mercredi, 09 février 2022

L'Asie centrale devient une plateforme de coopération entre la Russie, l'Inde et la Chine

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L'Asie centrale devient une plateforme de coopération entre la Russie, l'Inde et la Chine

Vladimir Platov

Source: http://aurorasito.altervista.org/?p=22414

L'Asie centrale (AC), en raison de sa position géostratégique au carrefour de l'Europe et de l'Asie, de sa proximité avec les principaux acteurs internationaux tels que la Russie et la Chine, de sa richesse en ressources naturelles et des opportunités commerciales et économiques qui n'ont pas encore été pleinement exploitées, a récemment suscité un intérêt croissant de la part des acteurs internationaux. Afin de créer une position stable dans la région et de rompre les liens traditionnels de longue date des pays d'Asie centrale avec la Russie et la Chine, les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN préfèrent recourir à la politique de provocation et à l'activité accrue des services de renseignement occidentaux. Ils appliquent notamment le soft power ou lancent des attaques avec l'aide de terroristes spécialement formés (comme cela s'est produit notamment lors des événements au Kazakhstan), et incitent aux conflits ethniques, comme l'escalade à la frontière entre le Kirghizistan et le Tadjikistan. La Russie, la Chine et, dernièrement, l'Inde agissent différemment en Asie centrale : elles cherchent à renforcer la coopération culturelle, commerciale, économique et politique fondée sur la responsabilité partagée de la sécurité et du développement harmonieux de la région, à laquelle ces trois États sont le plus étroitement liés.

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Pour Pékin, la région d'Asie centrale est particulièrement importante, notamment pour empêcher le fondamentalisme islamique de pénétrer dans ces pays et de déborder sur la RPC. Il est également important pour Pékin de créer une infrastructure fiable en Asie centrale pour l'envoi de marchandises chinoises à l'étranger et pour assurer la sécurité énergétique de la Chine : c'est en Asie centrale que Pékin achète de grandes quantités de gaz, de pétrole et d'uranium. Les échanges commerciaux de la Chine avec les cinq pays d'Asie centrale ont atteint 40 milliards de dollars en 2018. Le 25 janvier, le président Xi Jinping a présidé une réunion en ligne avec les dirigeants d'Asie centrale pour célébrer le 30e anniversaire des relations diplomatiques entre les pays d'Asie centrale et la Chine et a promis d'importer davantage de produits agricoles et d'autres biens de haute qualité, de porter le commerce bilatéral avec la région à 70 milliards de dollars d'ici 2030, de fournir 500 millions de dollars d'aide, 50 millions de doses de vaccins et 1200 bourses d'études aux étudiants. Le dirigeant chinois a également évoqué plusieurs projets communs d'importance stratégique : le gazoduc Chine-Asie centrale, l'oléoduc Chine-Kazakhstan, l'autoroute Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan et l'autoroute Chine-Tadjikistan.

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Après Xi Jinping, le Premier ministre Narendra Modi a également organisé un sommet en ligne le 27 janvier pour marquer le 30e anniversaire des relations diplomatiques avec les pays de l'AC, qui a également été célébré en Inde. Les résultats, ainsi que l'importance du développement et de l'approfondissement des relations avec les pays d'Asie centrale pour New Delhi, ont été largement repris dans les médias indiens. En particulier, il a été noté que New Delhi avait établi des liens spéciaux avec certains pays d'Asie centrale au cours des dernières années. Par exemple, des troupes kazakhes font partie du bataillon indien de maintien de la paix des Nations unies au Liban. Au Kirghizstan, l'Inde a construit cinq centres de télémédecine, a accordé des prêts d'un montant de 200 millions de dollars, organise l'exercice militaire annuel de Khanjar et compte une communauté de 15.000 étudiants. Avec le Tadjikistan, New Delhi coopère étroitement dans le domaine de la défense. L'Inde a prêté 1 milliard de dollars à l'Ouzbékistan, a approuvé quatre projets d'une valeur de 450 millions de dollars et investit 50 millions de dollars dans la création d'une usine pharmaceutique. Au Turkménistan, l'Inde a construit un centre informatique. Avant cela, l'Inde avait signé un accord de défense et de technologie militaire avec le Kazakhstan, mis en place une équipe conjointe de lutte contre le terrorisme avec l'Ouzbékistan et conclu des accords de coopération militaire avec le Kirghizstan et le Turkménistan. En développant la coopération en matière de défense avec la région, l'Inde vise clairement à devenir un fournisseur d'armes pour cette partie du monde, dans l'espoir qu'en utilisant des armes russes, les pays de la CA achèteront des pièces de rechange et des composants que l'Inde produit.

Le sommet s'est concentré sur des propositions visant à accroître les échanges, les liens commerciaux, la coopération culturelle et, bien entendu, à contrer la menace du terrorisme, qui s'est intensifiée depuis le retrait des États-Unis d'Afghanistan. Narendra Modi a noté que ces événements ont montré la nécessité d'une plus grande interaction. Les médias indiens ont rappelé que le ministre en chef indien avait visité les républiques de la région en 2015. Et en décembre 2021, un dialogue a eu lieu au niveau du ministère des affaires étrangères entre les cinq pays et l'Inde, axé sur l'Afghanistan, la pandémie et les relations mutuelles. New Delhi se positionne comme un acteur majeur en Afghanistan et en Asie centrale, en s'appuyant sur l'accès aux ressources énergétiques, conformément à la déclaration faite il y a 30 ans. New Delhi espérait activer un corridor de transport à partir du port de Chabahar en Iran, puis à travers l'Afghanistan. Cependant, en 2019, l'Inde s'est rangée du côté des États-Unis dans le différend entre l'Iran et les États-Unis en adhérant aux sanctions américaines, l'Iran ayant un avis contraire et certains projets, notamment le port de Chabahar, étant gelés. Comme la Chine, l'Inde ne souhaite raisonnablement pas que la région d'Asie centrale devienne un refuge pour les islamistes. Elle craignait également la formation d'un bloc de pays musulmans en Asie centrale, en Afghanistan, au Pakistan et en Turquie, dont New Delhi était convaincu qu'il aurait un parti pris anti-indien. Elle a donc agi de manière décisive, en essayant d'obtenir une base aérienne au Tadjikistan et en envoyant des conseillers militaires en Afghanistan.

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Selon les rapports officiels de New Delhi, l'un des principaux résultats du sommet en ligne lancé par Modi le 27 janvier a été un accord entre les dirigeants de l'Inde et des pays d'Asie centrale pour tenir des sommets tous les deux ans, faisant de l'Asie centrale le point culminant de l'engagement diplomatique de New Delhi avec tous les pays de la région ces dernières années, selon le ministère indien des affaires étrangères. Le sommet a accueilli favorablement la proposition de l'Inde de créer un centre Inde-Asie centrale à New Delhi, qui servira de secrétariat aux réunions du sommet, selon la déclaration de Delhi adoptée à l'issue du sommet. En outre, les parties ont noté l'importance de l'idée de créer un forum parlementaire Inde-Asie centrale. Le sommet en ligne a soutenu la proposition de l'Inde d'inclure le port iranien de Chabahar dans la structure du corridor de transport international Nord-Sud, ainsi que l'initiative du Turkménistan d'inclure également le port de Turkmenbashi. En outre, la partie indienne a salué l'intérêt des dirigeants d'Asie centrale pour l'utilisation du terminal Shahid Beheshti du port de Chabahar, dans le golfe d'Oman, qui est en cours de construction avec la participation active d'investisseurs indiens, facilitant ainsi les échanges avec l'Inde et d'autres marchés. En particulier, les États du Golfe expédiant des marchandises vers l'Europe occidentale et septentrionale à partir de l'Iran, de l'Azerbaïdjan et de la Russie, le fait de relier les chemins de fer des trois pays réduira le délai de livraison des marchandises de deux à trois fois grâce à l'utilisation de ce corridor.

dimanche, 06 février 2022

L'Europe entre l'Est et l'Ouest

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Dawid Kaczmarek

L'Europe entre l'Est et l'Ouest: réflexions spenglériennes

Ex: https://3droga.pl/w-pol-drogi/numer-1/dawid-kaczmarek-europa-miedzy-wschodem-i-zachodem/

Oswald Spengler (1880-1936) - Historien, publiciste et Kulturphilosoph allemand. Né dans une famille de la petite bourgeoisie. Dès l'école secondaire, il a développé activement ses intérêts scientifiques. Il a étudié en tant qu'auditeur libre, choisissant des conférences dans divers domaines à Munich, Berlin et Halle. En septembre 1913, il publie le premier volume de son œuvre phare, Le déclin de l'Occident. Ce livre, qui constitue une sorte de manifeste programmatique du catastrophisme alors très répandu, lui a valu une popularité considérable dans le monde entier. Ses lecteurs, cependant, étaient plus souvent des artistes et des écrivains philosophes que des universitaires, qui, dès le début, ont soulevé de nombreuses objections quant à ses méthodes de recherche. Dans tous les cas, Spengler a inclus dans ses pages sa propre conception du changement social cyclique. Il considérait la civilisation comme un organisme vivant pareil à tous les autres, et définissait donc son développement de la même manière, au sein duquel il distinguait trois étapes principales : la croissance, le déclin et la chute.

Cette vision du concept a également influencé de manière appropriée sa compréhension de l'histoire. Spengler a rejeté sa forme linéaire (c'est-à-dire celle qui présuppose une image de l'histoire comme une ligne allant d'un début préhistorique à un point indéfini dans le futur, qui constitue en même temps le stade le plus élevé du progrès humain), préférant une approche cyclique qui décrit l'histoire comme un cercle fermé d'événements spécifiques dont le chemin est chaque fois déterminé par un destin incontestable et immuable.

La biographie d'Oswald Spengler, ou peut-être surtout sa théorie, fournit un excellent contexte pour mes prochaines réflexions. La notion de changement, qu'on la rapporte ici à la civilisation, à la culture ou à l'équilibre des forces dans les relations internationales, est sans doute le leitmotiv de l'époque dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Vous pouvez le sentir dans l'air aujourd'hui et le voir dans presque tous les domaines de la vie humaine. On pourrait écrire beaucoup de choses à ce sujet, en s'appuyant sur les travaux de nombreux éminents philosophes, mais la clé pour nous ici sera, avant tout, de comprendre et d'accepter le caractère inévitable des changements en cours. Ce seul fait devrait suffire à nous faire comprendre qu'il ne contournera pas la Pologne, et même si notre pays n'est pas à l'avant-garde, cela ne dispense pas les élites dirigeantes d'en assumer les conséquences.

En analysant le sujet au plus haut niveau de généralité, on peut définir le système actuel des relations internationales en le considérant comme une sorte de résultat de la rivalité mondiale entre les États-Unis et la République populaire de Chine et (selon certains experts) la Fédération de Russie. Dans cette optique, les États-Unis apparaissent dans la position d'une puissance dominante, défendant l'état actuel des choses, dont, en principe, depuis la fin de la guerre froide, ils sont l'unique architecte et le principal bénéficiaire. La Chine est une puissance révisionniste qui, en raison d'une série de conditions politiques, économiques et idéologiques différentes, a un profond (et croissant au fil des ans) sentiment d'injustice et la conviction que le système actuel non seulement sous-estime sa puissance, en lui conférant pas une place appropriée dans la hiérarchie mondiale, mais ne lui fournit pas non plus des conditions équitables pour un développement ultérieur. Une telle approche semble également tentante pour la Russie qui, après avoir résolu ses problèmes internes lors de la transformation politique du début du siècle, s'efforce plus ou moins activement depuis près de 20 ans de retrouver sa position de superpuissance de l'ère soviétique.

Les relations de ces deux Etats sont certes déterminées par une certaine convergence d'intérêts dans le monde (notamment lorsqu'il s'agit de contrer les Etats-Unis), mais il ne faut pas présumer à l'avance de leur unanimité et de leur accord. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit néanmoins de deux acteurs différents, avec un agenda stratégique et une culture différents. La relation entre elles est largement asymétrique, il s'agit en fait d'un "mariage de convenance" (et un tel mariage est conclu dans un but précis, dure rarement et se défait une fois que l'objectif initial a été réalisé), qui profite actuellement davantage aux Chinois, pour qui la Russie, en plus d'être un partenaire économique et politique, est aussi un voile détournant efficacement l'attention de l'opinion publique mondiale de leurs propres actions sur la scène internationale.

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On peut donc conclure que le changement actuel dans la configuration des relations internationales se déroule dans les conditions d'un "choc des empires". Bien entendu, il s'agit d'un terme journalistique plutôt que scientifique. Elle ne doit pas être comprise en termes militaires (bien que cette rivalité se transforme parfois en guerres par procuration, qui seront abordées plus loin), mais plutôt comme un état objectivement existant d'affrontement dynamique d'intérêts contradictoires d'acteurs individuels. Nous sommes conscients du fait que toute présentation exhaustive de sa nature dépasse le cadre de cet article, et que toute tentative d'analyse plus détaillée ne présentera de toute façon qu'un fragment incomplet de la réalité, aussi, pour aller plus loin, il convient de procéder au moins à une classification de base des niveaux sur lesquels elle se déroule actuellement.

Le premier d'entre eux sera donc le niveau financier. Bien qu'elle se trouve, pour ainsi dire, dans l'ombre (hors de la vue de l'homme ordinaire, sans effets visibles dans la vie quotidienne), elle est aussi importante que les autres. Le début des empires dans cette zone consiste principalement en un phénomène de dédollarisation. Je fais ici référence à toutes les mesures prises par les Etats pour minimiser l'importance du dollar américain dans les transactions internationales. La Chine et la Russie sont toutes deux actives dans ce domaine et encouragent l'utilisation du yuan chinois dans les règlements internationaux. Actuellement, cette monnaie est utilisée, par exemple, dans les échanges entre la Chine et les pays africains en développement, ou pour payer le pétrole en provenance de Russie et, plus récemment, d'Iran (en raison des sanctions américaines renouvelées dans le cadre du retrait de l'accord JCPOA). L'objectif est de saper la position des États-Unis dans le système monétaire international, ce qui affecte directement, par exemple, l'état de leur économie nationale ou la compétitivité de leurs marchandises sur le marché étranger.

Le second sera le plan technologique. Deux questions méritent une mention spéciale : la controverse sur les activités de Huawei et le programme de développement d'armes hypersoniques (qui seront indétectables par les systèmes radar actuels). Sur le premier point, les Américains soulèvent des objections quant aux normes internes de l'entreprise (en Chine, il n'existe pas de réglementation légale protégeant la confidentialité des données acquises, ce qui, dans le cas des réseaux 5G, peut revêtir une importance stratégique) et ont réussi à la faire expulser des marchés locaux (par exemple dans le cas du Canada, du Japon ou de l'Australie). La Pologne a même vu l'arrestation d'un employé chinois de cette société pour espionnage.

Les armes hypersoniques (sur lesquelles la Russie, et certainement la Chine, sont plus avancées que les États-Unis) permettront à un pays d'acquérir un avantage stratégique sur le champ de bataille du futur, où le principal déterminant du succès sera la capacité à frapper rapidement une cible désignée.

L'affrontement sur le plan politique (au sens large du terme) est plus visiblement centré sur le projet de la nouvelle route de la soie. Cet énorme projet d'infrastructure est calculé non seulement pour obtenir des bénéfices économiques concrets, mais aussi pour renforcer l'influence de l'Empire du Milieu dans le monde et défier le modèle américain de communauté internationale (à différents niveaux). Avec une telle analyse formulée de cette manière, il est également nécessaire de mentionner les guerres par procuration (qui représentent le plus souvent l'étape suivante des guerres civiles, qui se poursuivent là où les intérêts des superpuissances s'accumulent dans des conditions de déstabilisation générale). L'exemple le plus marquant de ce type de guerre sera la Syrie, où le conflit civil entre le président Bachar al-Assad et l'"opposition" s'est transformé en une véritable guerre par procuration aux conséquences mondiales, qui oppose de facto la Russie (soutenue par l'Iran et le Hezbollah, entre autres) aux États-Unis (soutenus par la France et l'Occident au sens large).

Cette classification permet d'identifier quelques régularités intéressantes. Tout d'abord, jusqu'à récemment, les Etats-Unis, suivant une doctrine encore pratiquement issue de la guerre froide, ont mené des actions calculées pour contenir l'influence de la Russie (notamment en Europe de l'Est et au Moyen-Orient). Actuellement (malgré un durcissement formel de sa rhétorique générale), elle réoriente apparemment son intérêt vers l'Asie orientale. Cela s'explique non seulement par l'importance croissante de cette partie du monde, mais aussi par les actions de plus en plus audacieuses de la Chine dans cette région (par exemple, dans le cas du différend sur la mer de Chine méridionale). Le tournant de l'administration de Donald Trump vers l'Asie a été mis en œuvre de manière extrêmement inepte, trébuchant à chaque étape du processus. Au Moyen-Orient, la Russie en a profité (Poutine a utilisé la Syrie pour sortir de l'isolement international après avoir annexé la Crimée).

Nous pouvons également constater une différence significative dans le schéma d'action entre la Russie et la Chine. Les deux pays cherchent à contester l'influence de l'Amérique à différents niveaux et le font de différentes manières. La Chine préfère les actions douces, politiques et en coulisses. La Russie, quant à elle, n'hésite pas à s'engager dans des actions militaires et hybrides. Cela nous révèle l'essence de la relation entre les deux États. Les actions de la Russie et de la Chine (du moins si l'on parle de celles qui s'opposent aux États-Unis) semblent effectivement complémentaires, mais c'est la Chine qui tire le plus de bénéfices réels des actions de la Russie, qui semblent lui permettre de "gagner" du temps jusqu'au moment où elle sera obligée de s'engager plus directement dans les problèmes internationaux. La Russie est certainement consciente de la disproportion qui existe dans les relations avec la Chine, il ne faut donc pas supposer aveuglément la compatibilité permanente de ces acteurs. Il y a donc là une sorte d'espace de négociation que les États-Unis pourraient, dans des conditions favorables, utiliser pour rallier la Russie à leur cause. Même si une telle démarche ne devait rester que du domaine du possible, elle n'en a pas moins de sérieuses implications stratégiques.

Bien sûr, les empires ont leurs alliés (puissances régionales, petits États), et ils utilisent leur aide pour poursuivre leurs propres objectifs, mais ils ne placent pas leurs liens avec eux au-dessus de leur stratégie préconçue ou de l'équilibre des forces entre eux et leurs rivaux directs. Cela conduit à la conclusion que les empires ont deux objectifs principaux sur la scène internationale : obtenir un avantage sur leur rival direct et empêcher les puissances régionales de trop se renforcer. Ce point est bien illustré par la question de l'influence croissante de l'Iran en Syrie. Lorsque, suite à l'avancée des troupes d'Assad et des milices iraniennes qui lui sont alliées, la possibilité s'est présentée de créer un pont terrestre reliant l'Iran (via l'Irak, la Syrie et le Liban) à la Méditerranée, ce qui renforcerait Téhéran économiquement et politiquement, les États-Unis ont immédiatement agi, qui a établi une base militaire à Al-Tanf (un endroit stratégique à la frontière irako-syrienne), mais aussi la Russie, qui a presque immédiatement réorienté son engagement ailleurs dans le pays, privant les forces iraniennes d'un soutien aérien et d'un parapluie politique.

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L'Europe n'est impliquée dans aucun des affrontements que je viens de mentionner et qui sont cruciaux pour la nouvelle image du monde (à l'exception du conflit avec Huawei, où il y a eu des tentatives maladroites de développer une position). Dans toutes ces questions, dont la grande majorité est extrêmement importante pour les relations internationales actuelles, l'Union européenne est un objet, et non un sujet, de la politique des superpuissances. Ses États sont joués par des empires qui s'affrontent, ce qui ne fait qu'approfondir son chaos institutionnel et renforcer sa stagnation progressive. Un élément de ce jeu est le projet Tri-City animé par la Pologne, qui n'a aucune chance d'être mis en œuvre, et qui est soutenu par Trump dans le seul but de créer un marché pour son GNL et ainsi de faire pression sur la Russie (que les Américains abandonneront sans hésiter ; que ce soit au nom d'une réinitialisation diplomatique suite au changement d'administration au Capitole ou en cas de renforcement radical de la Chine), ou la politique énergétique de la Fédération de Russie, qui, en manipulant les prix du gaz ou par le biais de projets tels que Nord Stream 2, divise l'Europe en pays occidentaux et orientaux, ce qui lui permet d'y mener beaucoup plus facilement sa politique de puissance.

Pendant la guerre froide, le mouvement des non-alignés a permis d'équilibrer les actions des blocs politiques hostiles et a été l'un des facteurs qui ont empêché le déclenchement d'un conflit armé à grande échelle. S'il est certainement impossible d'assimiler le "choc des empires" d'aujourd'hui à la réalité de cette époque, le choc des deux périodes révèle néanmoins la nécessité naturelle de l'émergence d'un troisième système dans les relations internationales, qui non seulement s'opposerait à toutes les puissances adverses, mais serait également capable de contrer activement leurs actions en sauvegardant la souveraineté de ses membres et en luttant pour leurs intérêts à l'échelle mondiale. Nous devrions abandonner les fantasmes paranormaux à ce sujet et dire clairement qu'aucun pays d'Europe n'est aujourd'hui capable de défendre seul son indépendance. Il n'est pas possible d'élaborer un programme de politique étrangère sur la base d'un empire, quel qu'il soit, car la disproportion du pouvoir signifie inévitablement qu'aucun autre pays que lui-même ne sera jamais traité comme un partenaire par un tel empire. Enfin, notre sort ne sera pas assuré par l'Inter-Marium qui, même s'il voyait le jour, dans la réalité actuelle, ne pourrait être qu'un projet poursuivant les intérêts américains, totalement incapable d'agir de manière indépendante en raison de la désintégration institutionnelle de l'Ukraine et des États baltes trop faibles. Face à la faillite apparente de toutes les autres orientations politiques, l'ère du "choc des empires" révèle la nécessité historique pour l'Europe d'émerger à nouveau comme un bloc uni actif dans la politique mondiale.

Il est évident que l'Union européenne n'est pas en mesure aujourd'hui d'assumer cette responsabilité. Compromise par ses fondements idéologiques libéraux, ses nombreux et graves échecs - tels que le Brexit, la crise de l'immigration, son incapacité à combler le fossé entre les pays de l'ancienne et de la nouvelle Union, ou encore sa bureaucratie pléthorique - elle doit finalement être reléguée hors de l'histoire, laissant place à un nouveau modèle d'intégration européenne. Il est donc nécessaire de créer un système qui prenne en compte et valorise correctement l'identité de ses membres et assure sa survie dans les conditions de la mondialisation. L'institution qui naîtra de sa mise en oeuvre, que nous l'appelions Organisation des Nations Européennes, Alliance Européenne ou simplement Empire, deviendra un acte si capital dans l'histoire du monde que, comme l'a écrit Spengler, il donnera lieu non seulement à un véritable changement dans l'ordre international, mais ouvrira aussi une phase entièrement nouvelle dans l'histoire de notre civilisation. Il n'y a pas de retour aux anciennes méthodes. Les idées d'il y a un siècle ne nous sauveront pas. Nous ne pouvons pas nous permettre de rêvern d'être dans les nuages. Lorsque la volonté créatrice reviendra à l'Europe, qui reste malgré tout le centre de notre monde, et que la force sera à nouveau rassemblée autour d'elle - le troisième système dans les relations internationales, qui se développera entre l'Est et l'Ouest -, cela rétablira la stabilité nécessaire au monde et nous donnera la place qui nous revient.

Bibliographie :

G. Adinolfi, Conquer Brussels !, EurHope,https://www.eurhopethinktank.eu/pl/articles/podbic-bruksele (26.03.2018).

G. Adinolfi, Empire, EurHope,https://www.eurhopethinktank.eu/pl/articles/imperium(26.03.2018).

R. Oliver, La pensée d'Oswald Spengler ; critique et hommage, portail 3droga.co.uk, 

J. Bartyzel, Oswald Spengler, Myśl Konserwatywna, https://myslkonserwatywna.pl/oswald-spengler/ (26.03.2018).

W. Repetowicz, Al-Kaim; klucz do granicy z Syrią i szlaku z Iranu nad Morze Śródziemne, Defence24, https://www.defence24.pl/irackie-al-kaim-klucz-do-granicy-z-syria-i-szlaku-z-iranu-nad-morze-srodziemne (26.03.2018).

K. Dębiec, J. Groszkowski, M. Bogusz, J. Jakóbowski, Czesko-chiński spór o Huawei i ZTE,https://www.osw.waw.pl/pl/publikacje/analizy/2019-01-17/czesko-chinski-spor-o-huawei-i-zte (26.03.2018).

F. Pieraccini, How Russia and China gained a strategic advantage in hypersonic technology, Strategic Culture Foundation, https://www.strategic-culture.org/news/2018/05/21/how-russia-china-gained-strategic-advantage-in-hypersonic-technology.html (26.03.2018).

Europę uratuje tylko Imperium – rozmowa z Tomaszem Gabisiem, Nowa Konfederacja,

La Russie et la Chine à l'avant-garde de la multipolarité

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La Russie et la Chine à l'avant-garde de la multipolarité

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/en/article/russia-and-china-vanguard-multipolarity?fbclid=IwAR3WuHuvEpE1vSunkZcrBw38kFSzsEPFhZPcC_YQiRZhw8k6xcEVpgbZzro

La crise que connaissent aujourd'hui les relations entre la Russie et l'Occident n'a rien à voir avec le gaz, le pétrole, les ressources énergétiques ou l'économie. Les tentatives d'expliquer la politique comme une sorte de compétition pour un certain "Prix" matériel, comme le fait Daniel Yerguine, sont assez superficielles et vaines. Ce qui se passe fait partie des luttes entre civilisations et des conflits géopolitiques où les questions économiques sont secondaires et instrumentales.

Les processus de civilisation tournent autour de l'idéologie et c'est précisément ce qui explique en grande partie ce qui se passe avec l'administration Biden. Les États-Unis sont aujourd'hui dirigés par une alliance ultra-mondialiste qui unit les néoconservateurs aux faucons libéraux. Ils savent tous que l'unipolarité, le libéralisme mondial et l'hégémonie occidentale sont en train de s'effondrer et ils sont prêts à tout - même à déclencher une troisième guerre mondiale - pour empêcher que cela ne se produise.

Les mondialistes font face à de nombreux ennemis, notamment l'islam, le populisme (dont Trump), le conservatisme, l'islam politique, etc. Cependant, il n'y a que deux puissances capables de contester efficacement son hégémonie : la Russie et la Chine. La Russie est une puissance militaire et la Chine est une puissance économique.

C'est là que la géopolitique devient pertinente. Biden veut éloigner la Russie de l'Europe, qui aspire à devenir indépendante. C'est pourquoi les feux de la guerre sont attisés en Ukraine et dans le Donbass en particulier. La Russie et Poutine sont diabolisés par les médias et accusés d'envahir leurs voisins. Bien qu'il n'y ait pas d'invasion, Washington se comporte comme si elle avait eu lieu. Ainsi, toutes sortes de sanctions sont imposées et il est même proposé de mener des opérations militaires dans le Donbass. Et comme tout le monde à l'Ouest considère qu'une invasion russe va de soi, toute opération militaire menée par les Ukrainiens dans le Donbass sera certainement soutenue par l'OTAN comme une guerre d'"autodéfense". En outre, la campagne médiatique contre la Russie devrait permettre d'éviter toute réponse symétrique de notre part, car sinon l'Europe romprait toutes ses relations diplomatiques avec Moscou.

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Pendant ce temps, les différends sur le gaz et le Nord Stream-2 ne sont rien d'autre qu'une guerre de position.

Il en va de même pour la Chine. Biden a encouragé la création de deux alliances anti-chinoises : une formée par les Anglo-Saxons (Australie, Grande-Bretagne) qui est connue sous le nom d'AUKUS et une autre formée par une coalition de pays asiatiques, notamment le Japon et l'Inde, qui est appelée QUAD. La Chine fait face à Taïwan à une situation très similaire à celle de la Russie par rapport à l'Ukraine et l'objectif reste le même : empêcher l'expansion économique chinoise à travers le projet Belt and Road.

L'alliance russo-chinoise est un premier pas vers la restauration du "Grand Espace" chinois et la création d'un projet eurasien global, tel que formulé par les dirigeants de ces pays il y a plusieurs années. Un tel projet implique la fin définitive de l'hégémonie occidentale. Les réunions actuelles que Poutine et Xi Jinping tiennent ne laissent aucun doute sur le fait que ce projet est sérieux et que rien ne peut l'arrêter, explique la sortie hystérique de l'ultra-libéral et mondialiste Soros. Jusqu'à présent, l'Occident répète mot pour mot toutes les maximes de la géopolitique atlantiste depuis ses débuts chez Mackinder jusqu'à ses dernières formulations chez Brzezinski. Le temps est venu de la confrontation entre la puissance de la mer (libérale, mondialiste) et la puissance de la terre (Eurasie).

Or, la Russie et la Chine sont favorables à la naissance d'autres pôles autonomes et favorisent leur développement. Il s'agirait de :

1. L'Amérique latine (la visite d'Alberto Fernández, président de l'Argentine, à Moscou l'a bien montré et la prochaine visite du président du Brésil, Jair Bolsonaro, confirmera sans doute ces aspirations).

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2. Le monde islamique (qui a toujours rêvé de se débarrasser de l'hégémonie occidentale, des pays comme l'Iran, la Turquie et le Pakistan étant à l'avant-garde de ce mouvement).   

3. L'Afrique (où la Russie et la Chine contribuent à renverser les gouvernements fantoches qui dominent cette région).

4. Et la même Europe continentale (qui s'éloigne de plus en plus de l'atlantisme, cherchant à devenir un pôle autonome et souverain, une idée très populaire en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne, malgré le maintien au pouvoir des élites libérales atlantistes).

Malheureusement, l'Inde (qui a des conflits historiques avec la Chine et le Pakistan) et le Japon (qui est sous occupation américaine), ainsi que d'autres États au service du mondialisme, se sont rangés du côté des perdants. Cependant, continuer à s'accrocher à ce monde en train de sombrer peut devenir une grande honte par la suite.

Ces problèmes ont également des répercussions idéologiques, car tous ceux qui s'opposent à l'hégémonie américaine et aux tentatives maladroites de Biden de sauvegarder l'unipolarité par le biais de la "Ligue démocratique" ont commencé à prendre leurs distances avec les dogmes libéraux, notamment tout ce qu'il y a de répugnant ou de pathologique comme la légalisation ou l'imposition totalitaire des idées LGBT+, du mariage gay et d'autres perversions, ainsi que la cession de nos décisions à l'intelligence artificielle ou aux projets post-humanistes financés par Big Tech. La pandémie du Covid-19, les vaccins peu fiables (qui ont fini par expirer avant Omicron) et les confinements injustifiés et horribles promus par les autorités publiques ou l'établissement de passeports de vaccination et de systèmes orwelliens de surveillance totale, de sorte que nous pouvons dire que maintenant nous sommes plus proches que jamais de l'effondrement du libéralisme. Le succès de la marche des camionneurs au Canada (le convoi de la Liberté), qui a contraint le mondialiste et libéral Trudeau à se cacher, ou la montée en popularité de tous les candidats anti-Macron en France (tant Zemmour que Marine Le Pen et Mélenchon défendent des positions anti-libérales et anti-OTAN) ne sont rien d'autre que des symptômes de la fin de l'hégémonie atlantiste.

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De son côté, la Russie défie l'Occident de manière symétrique :

a)  Géopolitiquement, l'eurasisme s'oppose à l'unipolarité et au globalisme;

b) Le rejet du libéralisme et la promotion des valeurs traditionnelles de notre civilisation; Au lieu des idées LGBT, la Russie promeut la famille traditionnelle (inscrite dans la Constitution) et, au lieu de l'individualisme, on défend la nation et l'identité historique, etc.

La Chine suit largement les idées de Moscou. Pékin s'oppose également au mondialisme et à l'hégémonie occidentale en promouvant ses propres valeurs traditionnelles, mais dans une version chinoise.

Cela clarifie beaucoup la rencontre entre Poutine et Xi Jinping, qui a tourné autour des sujets suivants:

1. Moscou et Pékin ne soutiendront aucune tentative de limiter leur souveraineté (c'est-à-dire que l'hégémonie occidentale et le mondialisme seront combattus jusqu'au bout);

2. La Russie et la Chine savent que Biden a créé une série d'associations anti-chinoises et que l'OTAN étend ses opérations en Europe de l'Est, elles ont donc décidé d'agir (ensemble !) contre lui;

3. Les deux dirigeants ont indirectement accusé les États-Unis de pratiquer le terrorisme biologique (ils l'appellent "activités biologico-militaires américaines"), déclarant que l'Occident (États-Unis et Grande-Bretagne) est responsable du déclenchement de la pandémie du Covid-19 ;

4. Pékin soutiendra Moscou en Europe orientale et Moscou soutiendra Pékin dans les océans Indien et Pacifique. Poutine a explicitement déclaré que "Taïwan est à lui" (Xi Jinping, à son tour, a murmuré "donc l'Ukraine est à lui") ;

5. Les deux pays rejettent la "Ligue démocratique" (unipolarité) et ont juré de préserver l'ordre mondial polycentrique (ceci doit être compris comme une défense des traités de Yalta et de l'ONU).

Enfin, un bloc russo-chinois - eurasien ! - et cela signifie que chaque pays doit prendre une décision :

    - Soutenir l'hégémonie occidentale agressive et insensée qui s'effondre aujourd'hui,
    - Ou rejoindre le bloc de nations (dont la Russie, la Chine, l'Iran, le Pakistan, la Biélorussie, la Corée du Nord, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua, la Syrie, le Mali, la RCA, le Burkina Faso, la Guinée, et en partie la Turquie, l'Argentine et le Brésil) qui sont en faveur de la préservation de la souveraineté des États et de l'identité civilisationnelle.
    - Sans aucun doute, l'avenir est du côté de la multipolarité et, par conséquent, de l'Eurasie. Le libéralisme s'est avéré être victime de son propre succès et a été incapable de maintenir et de protéger l'ordre issu de l'effondrement de l'URSS. Cette tentative de créer un empire mondial a échoué et un nouveau monde a commencé.

samedi, 05 février 2022

Sommet Chine-Asie centrale

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Sommet Chine-Asie centrale

Ex: https://katehon.com/ru/article/sammit-kitay-centralnaya-aziya

Pékin s'intéresse de près à l'Eurasie. La Russie pourrait être confrontée à la concurrence de son partenaire.

Un sommet des chefs d'État de la Chine, du Kirghizstan, du Kazakhstan, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan s'est tenu en ligne le 25 janvier pour marquer le 30e anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques après l'effondrement de l'Union soviétique.

Le discours de Xi Jinping intitulé Ensemble pour un avenir commun contient désormais un certain nombre de propositions. En particulier, au cours des trois prochaines années, la Chine fournira aux pays d'Asie centrale (AC) une aide non remboursable de 500 millions de dollars pour la construction de divers projets. De toute évidence, cet argent constituerait un stimulant supplémentaire pour l'initiative chinoise "la Ceinture et la Route", car Xi Jinping a également annoncé que la Chine enverrait 50 millions de doses supplémentaires de vaccins aux pays d'Asie centrale en 2022, qu'elle allouerait 5000 quotas pour la formation de spécialistes d'Asie centrale dans les domaines de la santé, de l'agriculture, des communications et des technologies de l'information, et qu'elle offrirait 1200 bourses gouvernementales aux étudiants des pays d'Asie centrale.

En outre, le président du CPC de la RPC a suggéré :

    - Établir un mécanisme de coopération en matière de commerce électronique ;
    - organiser un forum de coopération industrielle et d'investissement dans un avenir proche ;
    - promouvoir la construction du corridor de transport Chine-CA ;
    - assurer le fonctionnement stable de l'oléoduc et du gazoduc Chine-CA et étendre la coopération à toute la chaîne de l'industrie énergétique ;
    - renforcer la coopération dans les domaines de haute technologie tels que l'intelligence artificielle, le big data et le cloud computing ;
    - continuer à lutter contre les "trois maux" (terrorisme, séparatisme, extrémisme), approfondir les contrôles aux frontières et les autres formes de coopération, et construire un solide bouclier de sécurité régional ;
    - créer des centres de médecine traditionnelle ;
    - multiplier les contacts de haut niveau, organiser un certain nombre de mécanismes de dialogue et de coopération tels que les réunions des ministres des affaires étrangères Chine + 5 CA;
    - enfin, de renforcer en permanence la confiance mutuelle, d'approfondir la coopération mutuellement bénéfique et de parvenir à un développement et une prospérité communs.

Les dirigeants des cinq pays d'Asie centrale ont déclaré qu'ils approuvaient pleinement la proposition de Xi Jinping et qu'ils étaient prêts à collaborer avec la Chine pour développer un partenariat stratégique, créer une communauté de destin commune pour la Chine et les pays d'Asie centrale, et contribuer à la construction d'une communauté mondiale au destin commun.

Il est révélateur que la Russie n'ait pas été mentionnée dans le discours de Xi Jinping, alors que l'Afghanistan l'a été. Il y a donc lieu de se méfier de la zone d'influence traditionnelle de la Russie, d'autant que les deux États d'Asie centrale font partie de l'EAEU. Sur le plan économique, Pékin peut désormais prendre le dessus sur Moscou dans la région, notamment en raison de l'influence que la Chine y exerce déjà.

De toute évidence, la Russie a des raisons d'intensifier ses actions en direction de l'Asie centrale, notamment au vu des suites à apporter après les récentes vicissitudes survenues au Kazakhstan.

Moscou bénéficie certainement de sa coopération avec la Chine pour contrer les États-Unis et leurs satellites et agents apparents, ce qui pourrait s'appliquer à l'Asie centrale également. Toutefois, avec l'influence culturelle et les capacités financières croissantes de Pékin, ainsi que sa technologie, la position de la Russie pourrait à terme être considérablement affaiblie.

Le sommet a également adopté et publié une déclaration commune à l'occasion du 30e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du discours de Xi Jinping: Ensemble pour un avenir commun.

Discours de Xi Jinping, président de la République populaire de Chine, au sommet en ligne des chefs d'État de la Chine et des États d'Asie centrale (25 janvier 2022).

Chers collègues, chers amis,

Ce n'est pas en vain que nous disons : "L'homme atteint la maturité à l'âge de trente ans". La maturité de 30 ans acquise dans les relations et la coopération entre la Chine et les États d'Asie centrale se manifeste par une profonde confiance mutuelle, l'égalité et des avantages mutuels.

Depuis 30 ans, nous construisons une relation de confiance et de bon voisinage selon les impératifs de l'époque. Dans un esprit de compréhension mutuelle et de réciprocité, les questions frontalières historiques restantes ont été définitivement résolues, et la frontière commune de plus de 3300 kilomètres s'est transformée en un facteur d'amitié, de confiance et de coopération. La Chine a établi un partenariat stratégique avec tous les États d'Asie centrale, et la confiance politique et la coopération mutuellement bénéfique sont continuellement renforcées. Le bon voisinage, l'amitié et la coopération mutuellement bénéfique entre la Chine et les pays d'Asie centrale sont devenus un modèle pour la construction d'un nouveau type de relations interétatiques.

Depuis 30 ans, nous avons toujours été aux côtés l'un de l'autre sur la voie du développement commun. Au cours de ces années, le chiffre d'affaires commercial et les investissements mutuels ont été multipliés par près de 100. Un certain nombre de projets de coopération importants ont été mis en œuvre avec succès, tels que le gazoduc Chine-Asie centrale, l'oléoduc Chine-Kazakhstan, la route Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan et la route Chine-Tadjikistan. Le trafic ferroviaire entre la Chine et l'Europe en transit par l'Asie centrale augmente rapidement. Dans un esprit de consultations conjointes, de construction conjointe et d'utilisation conjointe, notre coopération dans le cadre de l'initiative "Une ceinture, une route" a été fructueuse.

Pendant 30 ans, nous avons été liés par des intérêts particuliers et une sécurité commune. Nous mettons fidèlement en œuvre le nouveau concept de sécurité indivisible, globale, coopérative et durable ; nous combattons ensemble les trois maux, la criminalité transnationale organisée et le trafic de drogue ; nous rejetons catégoriquement l'ingérence extérieure dans les affaires intérieures et la provocation de révolutions de couleur ; et nous défendons efficacement les intérêts de sécurité communs, la paix et la stabilité dans l'ensemble de la région.

Nous sommes en contact étroit et nous nous rapprochons depuis 30 ans. Cinquante-huit paires de villes jumelles ont été créées. Chaque année, des centaines de milliers de nos citoyens effectuent des voyages réciproques et remplacent dignement l'amitié séculaire des peuples de Chine et des États d'Asie centrale. Un jeune garçon du Kazakhstan, Ismail Daurov, qui a combattu aux côtés du peuple de la province de Shaanxi dans une lutte anti-chinoise, s'est décrit comme "un étranger, mais pas un ennemi". Ses paroles ont touché le cœur de millions de Chinois. Des épisodes comme celui-ci, et il y en a beaucoup, réchauffent l'âme et forment un merveilleux poème sur l'amitié millénaire entre les peuples de Chine et d'Asie centrale, qui partagent toujours entre eux les joies et les difficultés.

Depuis 30 ans, nous sommes solidaires de la justice. Ensemble, en prônant le multilatéralisme, nous nous sommes résolument soutenus sur des questions d'intérêt vital, nous avons été solidaires dans les moments critiques, défendant ainsi nos droits légitimes et nos intérêts stratégiques, démocratisant les relations internationales et façonnant un ordre mondial plus juste et plus rationnel.

Le secret du succès de la coopération entre nos deux États, qui dure depuis trente ans, réside dans les principes de respect mutuel, de bon voisinage, d'assistance mutuelle et de bénéfice mutuel. Ces quatre principes représentent non seulement une expérience inestimable et un héritage commun, mais aussi un garant politique du développement dynamique de nos relations et une source de force pour l'expansion des relations bilatérales amicales.

Chers collègues, chers amis, le temps passe, le jour se transforme en jour - année après année. Indépendamment de l'instabilité de la situation internationale et du niveau de développement de la Chine, nous avons été et resterons un bon voisin, un partenaire fiable, un ami proche et un pays frère des États d'Asie centrale, sur lesquels on peut toujours compter. La Chine soutient fermement la voie de développement que vous avez choisie conformément à vos caractéristiques nationales, vos efforts pour protéger votre souveraineté, votre indépendance et votre intégrité territoriale, la cause du développement, de l'unité et de la renaissance nationale, ainsi que le rôle croissant de vos pays sur la scène internationale.

La Chine est prête à collaborer de manière constructive avec ses partenaires pour former une communauté de destin commune plus étroite Chine-Asie centrale. À cet égard, je formule cinq propositions :

1) Tout d'abord, renforcer les liens de bon voisinage et d'amitié. Le bon voisinage et l'amitié sont au cœur de nos relations. En adhérant au concept de bonne volonté, de sincérité, d'avantages mutuels et de tolérance, nous continuerons à multiplier les contacts au plus haut niveau et à intensifier la coordination stratégique. Il est important d'utiliser le rôle des réunions des ministres des affaires étrangères Chine-Asie centrale et d'autres mécanismes de dialogue, de renforcer la solidarité et la confiance mutuelle et d'approfondir la coopération mutuellement bénéfique pour le développement et la prospérité communs.

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Nous nous opposons tous catégoriquement aux tentatives des forces extérieures d'instiguer une "révolution de couleur" dans la région, de s'ingérer dans les affaires intérieures sous le prétexte des droits de l'homme, de saper la vie pacifique de nos peuples. Les récents troubles au Kazakhstan ont causé des pertes humaines et des dégâts matériels considérables. En tant que voisin et ami du Kazakhstan, la Chine soutient fermement les efforts visant à mettre fin à la violence et à stabiliser la situation, et est prête à fournir au Kazakhstan le soutien et l'assistance nécessaires. Je suis convaincu que sous la direction fidèle du président Tokayev, le peuple kazakh ouvrira un avenir radieux à son pays. 

2) Deuxièmement, créer une ceinture de coopération de haute qualité. Nous sommes prêts à ouvrir un large accès aux biens de qualité et aux produits agricoles d'Asie centrale à l'immense marché intérieur chinois, à poursuivre la pratique fructueuse de l'organisation du forum de coopération commerciale et économique entre la RPC et les pays d'Asie centrale, à nous efforcer de porter le chiffre d'affaires commercial entre la Chine et l'Asie centrale à 70 milliards de dollars d'ici 2030. Je propose de créer un mécanisme de dialogue sur la coopération en matière de commerce électronique et de tenir un forum de coopération en matière d'industrie et d'investissement, selon les besoins.

Dans le contexte de la pandémie en cours, nous rétablirons progressivement les vols de passagers, formerons un "couloir express" pour la circulation des personnes et améliorerons le fonctionnement des "couloirs verts" pour le trafic de marchandises. Nous sommes prêts à promouvoir le projet ferroviaire Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan et les corridors de transport Chine-Asie centrale pour une connectivité plus sûre et plus efficace. Il est important de garantir un fonctionnement stable des oléoducs et gazoducs, d'accélérer la construction du quatrième tronçon du gazoduc Chine-Asie centrale, de développer la coopération énergétique le long de toutes les chaînes de production et de promouvoir une transformation à faible émission de carbone dans le domaine énergétique. Nous devrions approfondir la coopération dans le domaine des hautes technologies, notamment l'intelligence artificielle, le big data et l'informatique en nuage, afin que les habitants de nos pays puissent profiter des avantages des technologies avancées.

3) Troisièmement, créer un "bouclier" crédible pour la construction de la paix. La paix est une aspiration commune des peuples de notre région. Pour construire un réseau de sécurité solide, nous devons continuer à travailler ensemble contre les "trois forces du mal", approfondir la coopération en matière de contrôle des frontières, lutter contre le cyberterrorisme et mener une opération conjointe.

L'épidémie de COVID-19 a prouvé une fois de plus que le virus ne connaît pas de frontières, et que l'humanité partage le même sort. La Chine est prête à continuer à livrer des vaccins et des cargaisons anti-épidémies aux États d'Asie centrale, à développer la production conjointe de vaccins et de médicaments spéciaux et le transfert de technologies. Je profite de cette occasion pour annoncer qu'en 2022, la Chine fournira à vos pays 50 millions de doses supplémentaires de vaccins à titre d'aide humanitaire et ouvrira des centres de médecine traditionnelle chinoise dans les pays qui en ont besoin. Nous appelons à la création d'une alliance des industries de la santé entre la Chine et l'Asie centrale.

L'Afghanistan est un voisin et un partenaire de la Chine et des pays de l'AC. Il est dans l'intérêt commun de tous nos pays d'assurer sa paix, sa stabilité, son développement et sa prospérité. Nous soutenons les efforts déployés par l'Afghanistan pour établir une configuration politique ouverte et inclusive par le dialogue et la consultation, nous demandons à la communauté internationale d'accroître l'aide humanitaire et à l'Afghanistan de se dissocier de toutes les organisations terroristes. Nous sommes impatients de voir la paix et l'harmonie régner entre l'Afghanistan et ses voisins.

4) Quatrièmement, créer une "grande famille" dans la région, en tenant pleinement compte de la diversité culturelle et de l'interaction étroite. La civilisation ne se développe et ne s'épanouit que par la communication et l'échange. Il convient d'établir des liens culturels et humanitaires multiformes, d'intensifier l'ouverture de centres culturels, le dialogue sur la protection du patrimoine culturel, ainsi que les contacts à travers les femmes, les centres intellectuels et les médias. Il est important d'intensifier la coopération dans le domaine du tourisme. La Chine est prête à créer une plateforme de présentation des ressources touristiques et à inclure tous vos pays dans la liste des pays de tourisme émetteur. Nous proposons d'organiser un forum d'amitié entre le peuple chinois et les États d'Asie centrale et d'augmenter le nombre de villes jumelées jusqu'à 100 paires dans les 5 à 10 ans à venir.

Les jeunes sont l'avenir du pays. Au cours des cinq prochaines années, la Chine allouera un quota de 1 200 étudiants des États d'Asie centrale bénéficiant d'une bourse du gouvernement, et l'Asie centrale sera un partenaire prioritaire pour l'ouverture de nouveaux instituts et classes Confucius. Des événements importants tels que le festival des arts de la jeunesse et le camp des jeunes dirigeants Bridge to the Future sont prévus.

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Les Jeux olympiques d'hiver s'ouvriront bientôt à Pékin. Nous accueillons vos athlètes et leur souhaitons bonne chance et succès. Nous sommes prêts à accueillir le festival d'art en ligne Splendeurs de l'AC dans le cadre du festival culturel olympique de Pékin.

5) Cinquièmement, assurer la paix et le développement dans le monde. Récemment, du haut de la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies, j'ai annoncé l'Initiative mondiale pour le développement, qui vise à coordonner les efforts pour contrer les risques et les défis, et à faire progresser le programme de développement durable des Nations unies à l'horizon 2030. J'annonce l'octroi d'une aide non remboursable de 500 millions de dollars américains aux États d'Asie centrale au cours des trois prochaines années pour la mise en œuvre de projets d'importance sociale, ainsi que 5000 quotas pour améliorer la qualification des spécialistes dans des domaines tels que les soins de santé, la réduction de la pauvreté et l'amélioration des moyens de subsistance en milieu rural, la connectivité et les technologies de l'information, qui serviront d'impulsion au développement.

Collègues !

La sagesse chinoise dit : "bien que le chemin soit petit, on ne peut le traverser sans avancer ; bien que la cause soit insignifiante, on ne peut l'achever par l'inaction". Je nous invite à faire tous les efforts possibles pour renforcer l'amitié et la coopération pour le bien de nos peuples, pour écrire un nouveau chapitre brillant dans l'histoire des relations entre la Chine et l'Asie centrale, pour ouvrir un bel avenir à la Communauté d'un destin commun de l'humanité.

Merci de votre attention !

Détruire l’Europe pour détruire la Chine et la Russie ?

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Détruire l’Europe pour détruire la Chine et la Russie ?

par Ben Fofana

Ex: https://reseauinternational.net/detruire-leurope-pour-detruire-la-chine-et-la-russie/

Depuis plusieurs années, les élites européistes mènent des politiques dont l’effet à court terme est de réduire le pouvoir d’achat des populations. À moyen et long termes, cela a provoqué une destruction de la classe moyenne européenne. Le phénomène a pris de l’ampleur avec l’entrée en service de l’euro qui a pour effet de détruire le tissu industriel, du moins a coïncidé avec la délocalisation massive des emplois industriels. Cela n’est pas sans rappeler la dékoulakisation, une politique de destruction des petits fermiers par les bolcheviques après la révolution russe. Un tel acharnement des élites mondialistes sur leur propres populations, peut laisser songeur si on ignore les desseins qui sont viser : détruire les consommateurs de biens manufacturés chinois et ceux de l’énergie russe afin de stopper le développement économique de ces deux pays et les mettre à genou financièrement. Au passage, cela permettrait de reprendre la main sur le système politico-économique à travers la grande réinitialisation ou Great Reset.

Détruire l’Europe pour détruire la Chine

L’Europe est le marché d’avenir de la Chine qui a commencé un découplage forcé en urgence d’avec les États-Unis. Il y a plusieurs raisons à ce découplage. La première, c’est que le dollar est de plus en plus perçu comme une monnaie de singe par les élites chinoises. Si les énormes réserves permettaient d’acquérir la technologie occidentale, la Chine a quasiment rattrapé son retard technologique. Elle n’a plus besoin d’importer en masse la plupart des technologies qu’elle fabrique très bien localement. La seconde raison de ce découplage économique, c’est que la Chine ne voulant plus se cantonner dans le rôle d’atelier pour produits à bas prix, vise un public plus nanti. Or la situation de la classe moyenne américaine (si on peut encore parler de classe moyenne) est désastreuse. Les emplois sont précaires et le niveau d’endettement des ménages est intenable. Les USA ne sont plus un marché viable à long terme. La troisième raison, et qui a accéléré ce découplage des deux économies, c’est la guerre commerciale déclenchée par l’équipe Trump pour faire plier la Chine aux désirs des transnationales américaines.

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Pour réduire les vulnérabilités de leur économie, les dirigeants du parti communiste ont entrepris de se concentrer sur le marché européen, comptant cinq cent millions de consommateurs et où le pouvoir d’achat est encore relativement élevé. Pour ce faire, ils ont développé le projet des routes de la soie : des corridors terrestres et maritimes constitués d’autoroutes, de chemins de fer et de ports pour d’une part contourner les voies contrôlées par l’US Navy, et d’autres part, raccourcir le temps de transit des marchandises de la Chine jusqu’en Europe1.

La Chine pour continuer à se développer a donc misé sur le marché européen de cinq cent millions de consommateurs avides de consommer (n’est-ce pas le propre du consommateur de consommer ?). C’est là qu’entrent en jeu les mondialistes. Ayant échoué à faire plier la Chine devant leurs désidérata, ils ont décidé de plomber l’Europe économiquement. C’est la stratégie de l’attrition du marché c’est-à-dire réduire le nombre de personnes susceptibles d’acheter les produits chinois. En détruisant la classe moyenne européenne, ils détruisent par la même occasion le marché sur lequel compte l’empire du milieu pour continuer à se développer. Pour rappel, la Chine a su éviter le piège du revenu intermédiaire autour de 5000 dollars US par habitant que les élites occidentales lui ont prédit puisque le PIB par habitant chinois se situait déjà autour de 16.000 dollars US par habitant en 20172.

Détruire l’Europe pour détruire la Russie

Pour saper l’économie européenne, les États-Unis s’y prennent de deux manières : brider les transnationales européennes et entraver leur essor voire les racheter pour empêcher l’émergence de géants non anglo-saxons et couper l’Europe d’une énergie bon marché, c’est-à-dire russe, pour tuer ce qui lui reste d’industrie avec les emplois qui vont avec. Ces deux stratégies ont déjà été expliquées plus en détail dans un précédent article. Détruire l’Europe économiquement signifie tuer un marché avec lequel la Russie a réalisé 40% de ses exportations3 et 35% de ses importations en 2020. Perdre un tel partenaire du fait de son insolvabilité serait un coup dur pour l’économie russe. Certes, elle pourrait s’en passer si elle y était contrainte. Mais cela demanderait énormément de temps pour trouver de nouveaux débouchés pour le pétrole et le gaz et de nouveaux fournisseurs pour les biens d’équipements et produits chimiques européens et provoqueraient d’énormes désagréments à court terme. Ou peut-être pas !

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Un plan perdu d’avance

Le plan des élites mondialistes est très simple quand on l’observe et il se décline en trois objectifs principaux :

  • Détruire l’économie chinoise ;
  • Détruire l’économie russe ;
  • Reprendre le contrôle de la mondialisation qui leur a échappé à l’aide du Great Reset et de son pendant économique le Green New Deal4

Les deux premiers objectifs, traités plus haut n’ont guère de chance de réussir car les deux puissances ciblées l’ont déjà anticipé et ont pris leurs dispositions. Aujourd’hui, les deux partenaires travaillent en étroite collaboration et leurs actions et déclarations sur la scène internationale sont coordonnées, y compris la récente demande russe de garanties de sécurité écrites et contraignantes aux USA.

Pour amortir un éventuel reflux de ses exportations (le parti communiste est conscient depuis longtemps de la nécessité de changer de modèle économique et a conçu un plan de développement basé sur le marché intérieur), la Chine a changé de modèle économique en passant d’un système tourné vers les exportations à un autre reposant cette fois sur le marché intérieur, avec comme cible, une classe moyenne évaluée à 400 millions5 de personnes en 2021 (soit plus que le marché américain et presqu’autant que le marché européen) et projette d’atteindre 800 millions de personnes en 2035. Ce modèle est chapeauté par le Made in China 2025, un plan destiné à faire de la Chine le leader mondial en matière de technologie à un moment où son leadership économique serait enfin reconnu par les occidentaux (la Chine est la première puissance économique en terme de PIB PPA depuis 2014). Et devinez quel est le centre technologique de ce plan technologique ? Wuhan6 !

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En ce qui concerne la Russie, elle ne peut être mise à genou économiquement tant que la Chine est débout. N’ayant aucun intérêt à voir sa voisine écrasée être la suivante sur la liste, on n’imagine mal la Chine ne pas soutenir cette dernière. Surtout que le secteur en question, l’énergie, demeure un enjeu stratégique pour l’économie chinoise qui a besoin de sources d’énergie abondante et bon marché pour maintenir sa croissance économique. On peut donc supposer qu’en cas de disparition du marché européen, la Russie disposerait d’un autre client pour prendre la relève. Quelques faits plaident en faveur de cette thèse, comme le méga projet gazier Force de Sibérie de 400 milliards7 de dollars US sur 25 ans entré en service en 2019. Et la dépendance dans ce cas serait mutuelle donc équilibrée. Pour les biens manufacturés européens qui ne seraient plus disponibles, la Chine pourraient les fournir, le temps que l’industrie russe achève sa politique de substitution aux importations (pour laquelle l’UE a déposé une plainte auprès de l’OMC).

Le troisième objectif et la raison pour laquelle il échouera saute aux yeux. Il ne peut y avoir de Green New Deal et une nouvelle mondialisation « verte » si la Russie et la Chine ne sont pas vaincues. Or c’est précisément ce que nous venons de voir plus haut. D’ailleurs Vladimir Poutine et Xi Xipping ont clairement envoyé une fin de non recevoir à tout Great Reset lors du dernier forum (virtuel) de Davos tenu en 2021, donc fin de la partie !

source : Africa Politics

lundi, 31 janvier 2022

L'axe géopolitique Iran-Chine-Russie converge - l'Inde s'y joindra-t-elle ?

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L'axe géopolitique Iran-Chine-Russie converge - l'Inde s'y joindra-t-elle?

Par Alfredo Jalife Rahme

Source: https://kontrainfo.com/converge-el-eje-geopolitico-iran-china-y-rusia-se-incorpora-india-por-alfredo-jalife-rahme/

Les visites des dirigeants des quatre grandes puissances eurasiatiques - Russie, Chine, Inde et Iran - ont été activées. Avant la fin de l'année 2021, le tsar Vladimir Poutine a effectué une visite triomphale en Inde (https://bit.ly/3rLH7Uf).

Le nombre de fois où Poutine et le mandarin Xi Jinping se sont rencontrés a déjà été oublié.

Aujourd'hui, Poutine rendra visite à son homologue chinois à l'occasion de l'ouverture des Jeux olympiques d'hiver à Pékin.

Il y a quelques jours, le nouveau président chiite de l'Iran, Ebrahim Raisi, a rendu visite à son homologue russe, au moment même où l'Iran s'est tourné "vers l'Est" alors que les puissances de l'UE et de l'OTAN lui ont bloqué l'accès à la partie orientale de la Méditerranée (à l'exception des côtes de la Syrie et du Liban).

Un "rectangle géostratégique eurasien" transcendantal est configuré, où la Russie entretient des relations optimales avec les trois autres puissances : la Chine, l'Inde et l'Iran. Les relations de l'Iran avec les trois autres piliers sont également excellentes, seules la Chine et l'Inde (qui, elle, est sur le point d'être séduite par l'axe anglo-saxon pour être jetée dans le feu d'une guerre contre Pékin (https://bit.ly/3Iv2CQ9)).

La consolidation du "rectangle géostratégique eurasien" sera graduelle. Après le spectaculaire "accord stratégique" de 25 ans entre la Chine et l'Iran, le choc entre le grand projet de la route de la soie et l'idée de grande réinitialisation anglo-saxonne a donné le ton à un nouveau partenariat stratégique de 20 ans entre la Russie et l'Iran, dont l'objectif principal, d'un point de vue financier, est de renverser le système bancaire SWIFT dominé par les États-Unis et, d'un point de vue géo-économique et géopolitique, de converger avec les aspirations de l'Organisation de coopération de Shanghai (https://bit. ly/2W3XhMX), l'Union économique eurasienne, les 15-RCEP (https://bit.ly/3tOAFyJ) et les BRICS, selon le célèbre géopoliticien brésilien Pepe Escobar (https://bit.ly/35lEstf), qui tient grâce aux projets financiers de la Chine (CIPS) et de la Russie (SPFS), pour éviter l'asphyxie par SWIFT.

Depuis cinq ans, aucun président iranien n'a rencontré son homologue russe. Aujourd'hui, le président iranien a qualifié sa présence au Kremlin de "moment décisif" dans la relation bilatérale, alors que Téhéran poursuit ses négociations triangulées à Vienne avec Biden pour chercher à remédier à la rupture provoquée naguère par Trump qui avait dénoncé l'accord nucléaire, des négociations par ailleurs entravées par les intrigues insidieuses de son ancien allié et désormais ennemi Netanyahu (https://bit.ly/3tQXamx).

Le ministre iranien des affaires étrangères, Amir Abdollahian, a défini la cosmogonie géopolitique de l'Iran comme une "politique centrée sur le bon voisinage, avec une approche politique asiatique tournée vers l'Est et une diplomatie centrée sur l'économie".

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Dans son vibrant discours à la Douma, le président Raisi a rappelé qu'"aujourd'hui, la stratégie de domination a échoué, les États-Unis sont dans leur position la plus faible et la puissance des pays indépendants connaît une croissance historique", grâce au "concept de résistance", en tant qu'"élément central des équations de dissuasion", qui a "hissé le drapeau du nationalisme, de l'indépendance et du développement scientifique", malgré toutes les sanctions étouffantes. À l'issue de la visite très médiatisée de M. Raisi en Russie, les exercices militaires trilatéraux Russie/Chine/Iran dans le golfe d'Oman ont immédiatement débuté. Le Global Times, le porte-parole officieux du Parti communiste chinois, a annoncé la fin de l'exercice militaire de trois jours dans le Golfe d'Oman entre les marines de la Russie, de la Chine et de l'Iran (https://bit.ly/3tQTaT3). C'est la deuxième fois que cet exercice militaire trilatéral a lieu alors que les États-Unis affrontent simultanément la Chine dans le détroit de Taïwan et la Russie en Ukraine/mer Noire/Biélorussie.

Le golfe d'Oman est très sensible, car il relie le détroit d'Ormuz, super-stratégique, où transite un tiers du pétrole mondial, au nord de l'océan Indien.

Lors du sommet Poutine-Raisi, la signature, il y a 20 ans, entre la Russie, l'Iran et l'Inde, du "Corridor multimodal Nord-Sud (https://bit.ly/3fOcWqf)" de 7200 kilomètres, qui forme les trois piliers du "rectangle géostratégique eurasien", a-t-elle pris forme ?

Pour suivre le Prof. Alfredo Jalife-Rahme:

http://alfredojalife.com

Facebook : AlfredoJalife

Vk : alfredojalifeoficial

Télégramme : AJalife

https://www.youtube.com/channel/UClfxfOThZDPL_c0Ld7psDsw?view_as=subscriber

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mardi, 25 janvier 2022

Wang Huning et la souveraineté culturelle

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Wang Huning et la souveraineté culturelle

Par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasia-rivista.com/wang-huning-e-la-sovranita-culturale/

Le titre de cet article est tiré d'un essai de 1994 de Wang Huning lui-même intitulé Expansion culturelle et souveraineté culturelle: un défi au concept de souveraineté.

Il y aurait beaucoup à dire sur le destin de ce brillant théoricien, ancien professeur de la prestigieuse université Fudan de Shanghai. Ses premiers ouvrages, Souveraineté nationale et Analyse politique comparative, ont fait forte impression sur Jiang Zemin, qui le voulait à ses côtés pour développer la "théorie des trois représentations". Huning, dont le nom signifie littéralement "tranquillité de Shanghai", a en effet centré son parcours théorique sur le concept de souveraineté. Sa thèse, comme il fallait s'y attendre, s'intitulait De Bodin à Maritain : les théories de la souveraineté développées par la bourgeoisie occidentale.

En particulier dans Souveraineté nationale (Guoja Zhuquan), Huning réaffirme l'idée que la souveraineté doit nécessairement être fondée sur deux aspects interconnectés : la suprématie nationale et l'indépendance extérieure. Écrit au plus fort de la popularité du dengisme, le livre présentait déjà la thèse selon laquelle les réformes politiques et économiques ne devraient jamais être soutenues au détriment de la stabilité interne. Selon Wang, les réformes ne pouvaient être menées à bien que par une autorité rigidement centralisée, capable d'englober les six principales fonctions du gouvernement: a) contrôle ; b) coordination ; c) orientation ; d) promotion ; e) service ; et f) équilibre [1].

Cependant, la suprématie intérieure est impensable sans indépendance extérieure. L'essai Cultural Expansion and Cultural Sovereignty, rédigé quelques années après le "tumulte" de Tiananmen, porte précisément sur cette question. Plus précisément, Wang, convaincu de la vulnérabilité de la Chine populaire à la pénétration d'idées étrangères par le biais des instruments du "soft power", se concentre sur la manière de renforcer le socialisme face aux forces de la mondialisation occidentale. Face à la fin ruineuse de l'Union soviétique (c'est-à-dire l'adieu à un monde complexe, bien que bipolaire, et l'entrée dans une phase encore plus complexe), la question qu'il pose ouvertement est la suivante : comment protéger la souveraineté nationale ?

Avec la fin de la guerre froide, les conflits militaires sont rapidement remplacés par des conflits culturels. En utilisant une terminologie empruntée directement à l'anglosphère, on pourrait dire que le hard power est rapidement remplacé par le soft power. Dans ce contexte, la confrontation géopolitique entre l'Est et l'Ouest se présente comme une lutte pour défendre sa propre culture contre l'hégémonie culturelle occidentale ; ou plutôt, contre l'expansionnisme culturel occidental. Cette forme plus insidieuse d'expansionnisme, selon Wang, ne peut être contrée que par la réaffirmation de la souveraineté culturelle spécifique de chacun (qui pourrait également être définie en termes de "conservatisme culturel", si l'on garde à l'esprit que cela n'a rien à voir avec le "conservatisme" libéral de l'"Occident").

La souveraineté culturelle, dans la perspective du théoricien chinois, est une forme de pouvoir de l'État. La souveraineté culturelle est avant tout une question de sécurité. Et le garant de cette sécurité ne peut être que le Parti, dont la tâche est également de renforcer la puissance chinoise : c'est-à-dire de produire un modèle de modernisation capable de fusionner avec un système de valeurs traditionnelles responsable du maintien d'institutions fortes et solides (dans ce cas, on reconnaît l'empreinte de la tradition légiste de la pensée traditionnelle chinoise) [2]. La sécurité et la défense culturelles ne peuvent toutefois pas devenir une excuse pour l'isolement. La souveraineté culturelle signifie également la capacité de dialoguer avec des cultures étrangères sans s'imposer ou se soumettre à qui que ce soit. C'est l'exact opposé de l'expansionnisme culturel que, dans ces mêmes années, l'administration Bush (père) a adopté comme moyen d'étendre les valeurs nord-américaines à l'échelle mondiale. Ce que le chercheur néerlandais Cees J. Hamelink (photo) a défini en termes de "synchronisation culturelle" [3]. Il ne s'agit de rien d'autre qu'une forme d'impérialisme culturel, dont l'expansion peut se faire selon deux axes : l'imposition forcée (sens vertical, du haut vers le bas) ; la pénétration culturelle (sens horizontal) par le biais des instruments du "soft power" susmentionné.

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Wang Huning reconnaît dans les théories de Francis Fukuyama (qui prétendent expliquer l'histoire humaine à travers le prisme de l'histoire occidentale) la plus haute expression de l'expansionnisme culturel. En ce sens, sa perspective se rapproche de celle de Samuel P. Huntington, auquel il reconnaît avoir bien compris le défi que la culture traditionnelle chinoise millénaire et intacte aurait posé au modèle expansionniste occidental. En effet, si l'idée de la "fin de l'histoire" élaborée par Fukuyama s'est avérée fatalement fallacieuse (du moins à court terme), il en va autrement de l'affirmation toujours ininterrompue de la "culture occidentale" comme "culture globale" (le remplacement de la colonisation par la "coca-colonisation"). Ici, Wang Huning va même jusqu'à adopter des positions quasi nietzschéennes. L'évolution du capitalisme à l'échelle mondiale a en effet conduit l'homme à abandonner les valeurs et la culture, réduisant ses besoins à la simple matière. Elle a transformé l'homme en "dernier homme" : celui qui a renoncé à être humain. Fukuyama, désireux d'éviter un retour en arrière, contrairement à Huning, défend ouvertement le "dernier homme" comme stade définitif de l'évolution humaine. Le "retour au passé" (au "premier homme") est empêché par le développement technologique qui, en satisfaisant les désirs matériels immédiats (y compris ceux que l'homme ne connaît pas encore, puisqu'ils sont déterminés par les modes du moment), détourne l'homme du regard vers l'abîme: en termes heideggériens, du vertige abyssal du Néant dans lequel résonne l'appel de l'Être.

L'analyse de Wang sur l'omniprésence du modèle culturel expansionniste occidental part de son expérience d'étude aux États-Unis, qui a conduit à la publication du livre America versus America (1991). Dans ce travail, Wang, en utilisant le schéma interprétatif de l'un de ses textes précédents (l'Analyse Politique-Comparative déjà mentionnée), étudie la gestion des processus politico-sociaux de la société américaine sur un plan historico-culturel. Le développement et le déroulement historique de la société, selon cette approche, sont indissociables de la politique et de la manière dont elle est gérée. Il n'est pas possible d'interpréter le "phénomène américain" (une nation qui, en seulement deux cents ans d'histoire, est devenue la plus grande puissance du monde) en recourant uniquement aux schémas dogmatiques du marxisme centrés sur la plus-value et la dictature bourgeoise du capital. Marx et Engels, rappelle Wang, disaient que la société bourgeoise creusait sa propre tombe. Lénine, au début du 20e siècle, a prédit le déclin de l'impérialisme. Cependant, l'impérialisme et la société bourgeoise sont toujours là, et la force motrice de l'"empire" américain (aussi déclinant soit-il) nécessite une analyse des conditions historiques et culturelles spécifiques dans lesquelles (et grâce auxquelles) cet "empire" s'est établi.

S'il est vrai que la force économique est ce qui accroît le statut d'un pays sur la scène internationale, il est tout aussi vrai que le développement d'une société n'est pas le résultat de forces purement économiques. En ce sens, selon Wang, il est nécessaire d'opposer l'Amérique imaginaire (ou idéalisée) à l'Amérique réelle, en partant du constat que la "plus grande démocratie du monde" n'est pas du tout une démocratie. La "culture" spécifique de l'Amérique est ici cruciale. Ayant un sens très limité de l'histoire, le regard américain est toujours orienté vers l'avenir. Le progrès et la tradition en Amérique sont une seule et même chose. La tradition n'est rien d'autre que l'innovation d'il y a vingt ou trente ans. Tout est évalué en termes quantitatifs et pragmatiques. La religion elle-même est imprégnée d'une vision matérialiste qui, sur la base d'interprétations littérales des Saintes Écritures [4], voit dans la richesse un signe de la bienveillance divine. Cela souligne naturellement la prétention américaine à la supériorité morale sur les autres peuples. Même si les Américains eux-mêmes, écrit Wang, "adorent le succès plus que Dieu" [5].

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Ainsi, il est nécessaire d'explorer les contradictions de la société et de la "culture" américaines afin de mieux comprendre comment s'y opposer (6). La première chose qui saute aux yeux du théoricien chinois au cours de son voyage est la différence substantielle entre les zones rurales et les métropoles (et entre le centre et la périphérie à l'intérieur de ces mêmes métropoles) : une division persistante qui, selon Wang, s'accentuera encore au fil du temps, devenant un enjeu majeur pour l'avenir. Cependant, les principales contradictions se révèlent au niveau "politique" (et avec elles, le sort de tout l'"Occident" sous le contrôle hégémonique et la suprématie culturelle de l'Amérique du Nord).

À cet égard, Wang se réfère une fois de plus à Samuel P. Huntington et à son article de 1981 intitulé American Politics : the promise of disharmony (Harvard University Press). Le credo politique américain, selon Huntington, repose sur cinq piliers : a) la liberté ; b) l'égalité ; c) l'individualisme ; d) la démocratie ; et e) l'État de droit.

L'analyse de l'actuel conseiller de Xi Jinping part du constat que le choix de ces piliers fondateurs découle du fait que, en l'absence de contenu bien défini, ils sont extrêmement faciles à appliquer. Cependant, ils sont en contradiction l'un avec l'autre. Il existe, par exemple, une tension profonde entre la liberté et l'égalité, ainsi qu'entre l'individualisme et la démocratie. Wang est surpris de constater que les inégalités économiques actuelles au sein de la société américaine sont considérées comme une forme d'égalité. L'égalité, en fait, est surtout considérée comme une sorte de "mythe fondateur" : une égalité de départ dans laquelle s'est installé le principe méritocratique de l'individu qui construit sa propre richesse par lui-même, grâce à ses capacités et à la bienveillance divine susmentionnée. Ce modèle d'égalité s'effondre vertigineusement dès lors qu'il est appliqué aux minorités présentes ou apparues sur le territoire américain : la population indigène (soumise à un génocide), la population noire (rappelons que l'idée de Lincoln était de ne donner aux esclaves noirs que la liberté et non de leur garantir des droits égaux à ceux des Blancs), ou encore les vagues migratoires successives.

Ici, la perspective de Wang prend un caractère purement schmittien. Comme le juriste allemand, le théoricien chinois est convaincu que l'idée d'égalité ne peut être satisfaite par des concepts libéraux abstraits. L'idée libérale de l'égalité se heurte naturellement à l'idée démocratique de l'égalité. Pour être traités sur un pied d'égalité, les citoyens d'un État démocratique doivent faire partie d'une "substance commune". L'idée démocratique d'égalité exige nécessairement une distinction entre ceux qui appartiennent au demos et ceux qui n'y appartiennent pas. Elle (l'idée démocratique d'égalité), indépendamment des abstractions libérales sur l'égalité des hommes, existe néanmoins en raison de la contrepartie nécessaire de l'inégalité.

Sans cette "substance commune", l'État démocratique se réduit à une simple association d'individus. Carl Schmitt écrit :

"Si l'État devient un État pluraliste en termes de partis, l'unité de l'État ne peut être maintenue que tant que deux ou plusieurs partis s'accordent sur la reconnaissance de prémisses communes. Cette unité réside alors en particulier dans la constitution, qui est reconnue par toutes les parties et doit être respectée sans réserve comme condition préalable à la création commune. L'éthique de l'État devient alors une éthique constitutionnelle. C'est en fonction de la substantialité, de l'univocité et de l'autorité de la constitution que l'on peut trouver une unité réelle et effective. Mais il peut aussi arriver que la Constitution se consume en simples règles du jeu, son éthique de l'État en une simple éthique du fair-play ; et cela, finalement, dans la dissolution pluraliste de l'unité du politique dans sa totalité. Cela conduit inévitablement au point où l'unité n'est qu'un agglomérat de changements d'alliances entre groupes hétérogènes. L'éthique constitutionnelle s'amenuise donc encore davantage, au point que l'éthique de l'État se réduit à la proposition pacta sunt servanda" (7).

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A partir de cette réflexion schmittienne, on peut commencer à élaborer une critique radicale du système américain. Wang, dans son texte, rapporte un épisode assez emblématique. Face à la question explicite "quelle est l'idéologie américaine ?", ses interlocuteurs américains répondent : "l'idéologie, c'est la Constitution". Il va sans dire que cette affirmation est, une fois encore, particulièrement abstraite, étant donné que l'idéologie ne peut jamais avoir force de loi, quels que soient les efforts déployés pour la traduire sous forme de normes et de règles. Cependant, la Constitution, entendue au sens idéologique, est à même de créer et de développer cette homogénéité qui, dans le cas américain (peu après l'instant de la fondation), n'existait plus en termes de "substance commune" que grâce à l'appel pseudo-religieux de la "destinée manifeste".

Est-il donc correct de supposer, comme le font les interlocuteurs de Wang, que l'idéologie américaine se trouve dans la Charte constitutionnelle ? La réponse est oui. Pour le simple fait que cette Constitution n'est (à la manière schmittienne) qu'un simple recueil de règles du jeu : c'est-à-dire le fondement d'un système dans lequel le politique est enfermé dans un modèle techno-économique précis.

On a évoqué précédemment l'affinité substantielle entre les concepts de progrès et de tradition au sein de la société nord-américaine (ce n'est pas un hasard si les États-Unis sont nés en pleine révolution industrielle). Cet accent mis sur le développement technologique a souvent été associé (plutôt à tort) à une expansion de la liberté individuelle. Wang écrit à ce sujet :

"Les États-Unis sont le pays où tout le monde révère l'individualisme, où l'individualisme règne en maître, et où aucun pouvoir ne peut s'y opposer" [8].

Cependant, Wang poursuit en soulignant une autre contradiction ouverte, un ordre purement techno-économique restreint considérablement la suprématie de l'individu mentionnée ci-dessus. L'innovation technologique augmente la capacité de contrôle structurel de la société, et non la diminue. En ce sens, il rend le capital capable de contrôler la société elle-même à tous égards. La logique dictée par la superstructure technique (et non idéologique) du capital est précisément de conduire le peuple (les gens) à être gouverné (s) et dirigé(s) sans coup férir. L'ordre technique n'est pas un ordre politique, malgré le fait qu'Aristote, dans l'Éthique à Nicomaque, identifie la science politique comme une forme de Τέχνη (plus précisément comme "la plus autorisée et architecturale des sciences pratiques") [9]. Cela nécessite une organisation croissante au sein de laquelle chaque individu a un rôle précis, puisque le début du travail est séparé de sa fin. Contrairement au processus de production traditionnel, dans lequel l'artisan construisait lui-même la totalité de l'objet, l'homme de l'ordre technique n'en produit qu'une partie. Et, ce faisant, il obéit et est plus facilement sensible au stimulus technique qu'au stimulus proprement politique.

L'homogénéité susmentionnée est donc déterminée par une homologation technique et ne découle plus d'une communion spirituelle ou lignagère, ce qui la rend facilement exportable hors des frontières américaines ou "occidentales". La société elle-même est transformée en une techno-structure, dans laquelle le rôle des dirigeants devient essentiellement apolitique. Les partis nord-américains, par exemple, sont essentiellement indiscernables et dépourvus de théories systématiques. Ce sont des masses agrégées (Wang Huning les désigne par le terme péjoratif de "populace") qui ne s'unissent qu'au moment des élections : le seul moment où le peuple a la présomption de pouvoir compter pour quelque chose. Cependant, ils ne restent que des spectateurs du pouvoir ; ils n'y participent en aucune façon. Le pouvoir est géré par trois groupes interconnectés et complémentaires : a) les sociétés industrielles et financières ; b) l'armée (à laquelle est réservée la plus grande partie des dépenses publiques) ; c) les dirigeants politiques. Selon les calculs du chercheur Thomas R. Dye (photo, ci-dessous), le présumé pluralisme démocratique nord-américain serait réduit à la gestion des affaires publiques et à la prise de décision par environ 5000 personnes [10].

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Ainsi, la politique (ou ce qu'il en reste) est gérée et pensée comme une activité économique et mécanique. Les dirigeants politiques sont eux-mêmes un rouage de la techno-structure. La politique devient impensable sans la technologie. Et la technologie, comprise de cette manière, devient le pouvoir ultime, et non l'homme (bien que celui-ci reste dans la boîte). En ce sens, l'obsession nord-américaine pour la suprématie technologique n'est pas surprenante. Il y a plus de 30 ans, Wang constatait déjà que tous les centres de recherche et d'études stratégiques nord-américains étaient focalisés sur le même sujet : combien de temps les Etats-Unis seraient-ils capables de maintenir leur position hégémonique dans le domaine technologique et, par conséquent, leur hégémonie mondiale, alors que la concurrence des pays émergents devenait de plus en plus intense, agressive et diversifiée.

Face à l'envahissement et à l'expansionnisme de ce système homogénéisant, la solution proposée par Wang (du moins en ce qui concerne la Chine) était (et est toujours) d'étendre la foi dans le Parti (le seul instrument capable de guider politiquement la technologie et de ne pas se laisser brider par elle) et dans le socialisme pour recalibrer le processus de mondialisation afin de placer le système international à un niveau multipolaire qui permet la survie de cultures et de systèmes différents. Mais l'élargissement de la foi dans le Parti exige son dévouement total à deux causes : a) la préservation de la souveraineté et de la culture nationales ; b) l'enrichissement matériel et culturel du peuple.

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À cet égard, Deng Xiaoping a déclaré en 1984 :

"Qu'est-ce que le socialisme et qu'est-ce que le marxisme ? Nous n'avons pas été très clairs à ce sujet par le passé. Le marxisme attache la plus grande importance au développement des forces productives. Nous avons dit que le socialisme est le stade primaire du communisme et qu'au stade avancé, le principe "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins" s'appliquera. Cela nécessite des forces productives hautement développées et une abondance écrasante de richesses matérielles. Par conséquent, la tâche fondamentale de la phase socialiste est de développer les forces productives. La supériorité du système socialiste est finalement démontrée par le développement plus rapide et plus important de ces forces par rapport au système capitaliste. Au fur et à mesure de leur développement, la vie matérielle et culturelle des gens s'améliore constamment. L'une de nos lacunes depuis la fondation de la République populaire est que nous n'avons pas accordé suffisamment d'attention au développement des forces productives. Le socialisme signifie l'élimination de la pauvreté. Le paupérisme n'est pas le socialisme, encore moins le communisme" [11].

NOTES:

[1] Wang Huning, National Sovereignty, People’s Publishing, Pechino 1987, p. 57.

[2] La théorie politique du légisme se concentre sur l'autorité de la guidance politique qui doit se rendre capable de maintenir le contrôle de la société par le truchement de trois idées-force: a) par sa propre position en tant qu'autorité (Shi); b) par des techniques administratives bien définies (Shu); c) par le droit et les lois (Fa). Le rôle de l'autorité souveraine, en fait, est celui de créer et de promulguer des "lois idéales", capables de garantire le fonctionnement régulier du gouvernement.

[3] Voir C. J. Hamelink, The politics of world communication, SAGE Publication LTD, New York 1994; J. Tomlinson, Cultural imperialism: a critical introduction, John Hopkins University Press 1991. 

[4] En particulier ce passage de Jean (10,10): “Je suis venu pour que vous ayiez la vie, et vous l'aurez en grande abondance";  Epitre aux Philippiens (4,19): “Mon Dieu vous forunira tout ce qui vous sera nécessaire, selon sa richesse, avec la gloire de Jésus-Christ".

[5] Wang Huning, America against America, Shanghai Arts Press, Shanghai 1991, p. 87.

[6] L'analyse de Wang Huning porte également sur des phénomènes qui semblent en totale opposition avec la culture américaine vouée au progrès et à l'individualisme : par exemple, la secte religieuse des Amish (qui rejette totalement le progrès lui-même) ou d'autres formes de collectivisme agricole.

[7] C. Schmitt, Staatsethik und pluralisticher Staat, Kantstudien, Berlino 1930, p. 145.

[8] America against America, ivi cit., p. 136. À cet égard, Wang est aussi particulièrement surpris par le traitement des personnes âgées jetées dans des maisons de retraite par la "culture" individualiste nord-américaine. Ce qui contraste totalement avec le profond respect que leur voue la tradition chinoise.

[9] Aristotele, Etica Nicomachea, I, 1, 1094a-b.

[10] Ces thèses sont résumées dans la série d'ouvrages Who's running America ? dans lesquels le politologue nord-américain examine les structures du pouvoir américain de l'ère Carter à nos jours.

[11]Deng Xiaoping, Opere scelte (vol. III), Edizioni in lingue estere, Pechino 1994, p. 73.

Le discours dogmatique américain sur la démocratie et la pratique démocratique de la Chine

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Le discours dogmatique américain sur la démocratie et la pratique démocratique de la Chine

Elif İlhamoğlu*

Ex: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/politica/36311-2021-12-24-15-56-00

The Atlantic, un site d'information et d'analyse bien connu aux États-Unis, a publié un article de fond la semaine dernière. La phrase mise en exergue dans l'article de synthèse d'Anne Applebaum intitulé "Les méchants gagnent" résume parfaitement le problème : "Si le XXe siècle a été l'histoire d'une progression lente et inégale vers la victoire de la démocratie libérale sur d'autres idéologies - communisme, fascisme, nationalisme virulent -, le XXIe siècle est, jusqu'à présent, une histoire inverse" (1). Ces observations et d'autres semblables sont devenues monnaie courante dans les médias et les groupes de réflexion occidentaux. On peut les lire dans les médias presque chaque semaine, voire chaque jour.

Il ne fait aucun doute qu'il y a une intention derrière ces publications. En effet, la stratégie actuelle de l'administration américaine est basée sur l'objectif de polariser le monde sous couvert d'un "discours démocratique". Par conséquent, il y a d'un côté les États-Unis et leurs alliés, qui appliquent la démocratie de style occidental, et de l'autre, les États qui ne se conforment pas à ces normes et qui sont classés comme rivaux ou adversaires. Le président américain Joe Biden, qui a ouvertement exprimé cette stratégie depuis son entrée en fonction, a prononcé les mots suivants en juin de cette année : "Les démocraties occidentales sont dans une course pour concurrencer les gouvernements autocratiques" (2).

Démocratie occidentale dogmatique

L'essence de cette stratégie repose sur la création d'un climat de peur et d'une image (négative) de l'ennemi. À cette fin, les discours sont créés à partir d'un point de vue dogmatique. Le dogme central est que "la bonne administration de l'État n'est possible que dans les démocraties de type occidental" ! Il s'agit d'une tentative de monopoliser le concept de "démocratie", que les États-Unis imposent selon leurs propres critères. Les États-Unis déterminent si un pays est démocratique ou non. Naturellement, cela a conduit à une polarisation mondiale, la Chine étant positionnée comme le principal adversaire ; sans parler du recours fréquent à la désinformation dans la poursuite de cette politique.

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Le dernier livre de Kishore Mahbubani (photo, ci-dessus), ancien bureaucrate singapourien et professeur bien connu et respecté en Occident, fait l'objet de nombreuses discussions depuis des mois. Connaissant bien l'Occident et l'Asie, Mahbubani a interprété le point de vue dogmatique américain dans son livre Has China Won ? de manière surprenante : "Est-il sage de croire qu'il existe une voie unique que toutes les sociétés doivent suivre si elles veulent croître et progresser ? Sommes-nous en train de prendre un nouveau tournant dans l'histoire de l'humanité où des modèles alternatifs de développement social et économique émergent ? ... Les penseurs et les intellectuels publics américains sont particulièrement fermés lorsqu'il s'agit de saisir et de comprendre la Chine. Lorsqu'il s'agit d'analyser les systèmes politiques, les analystes américains ont tendance à adopter une vision du monde en noir et blanc : société ouverte ou fermée, société démocratique ou totalitaire, libérale ou autoritaire. Pourtant, alors même que nous nous éloignons d'une odieuse domination occidentale de deux cents ans sur l'histoire du monde, nous nous éloignons également d'un monde en noir et blanc" (3).

Le droit de l'homme le plus vital

En quelques points simples, il est possible de rejeter le postulat américain selon lequel "la Chine n'est pas démocratique". Premièrement, le peuple chinois est à l'avant-garde des sociétés dont le niveau de bien-être croît le plus rapidement aujourd'hui. Dans la lutte contre la pauvreté et le progrès économique, des réalisations historiques ont été accomplies. En Chine, aucune personne ne vit dans la pauvreté absolue depuis 2020. 100 millions de personnes ont été sorties de la pauvreté au cours des huit dernières années, et plus de 700 millions de personnes ont été sorties de la pauvreté au cours des 40 dernières années. L'espérance de vie moyenne a augmenté (de 44 ans en 1960, elle approche aujourd'hui les 80 ans), l'accès à l'éducation s'est accru et les taux de malnutrition ont diminué. La Chine est devenue le premier pays au monde à éradiquer la pauvreté absolue. La réduction de la pauvreté est l'un des principaux objectifs de l'Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable.

En Chine, le revenu disponible (annuel) par habitant est passé de 98 yuans en 1956 à 171 yuans en 1978 et à 28.228 yuans l'année dernière. Cela représente une croissance annuelle de 6,1 %. Grâce à toutes ces avancées économiques, la Chine a connu le plus grand enrichissement de son histoire et possède aujourd'hui la plus grande classe moyenne du monde. Selon une étude de McKinsey, en 2000, seulement 4 % de la population urbaine chinoise faisait partie de la classe moyenne, mais en 2012, ce pourcentage était passé à 68 % (4). Il convient de noter, à titre de contraste intéressant, que si l'on considère la moitié à faible revenu de la société, les États-Unis sont le seul pays industrialisé dont le revenu moyen a diminué au cours des 30 dernières années.

Comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies, toute personne a droit à la sécurité sociale, au travail, à la protection contre le chômage, à une rémunération équitable lui assurant une existence conforme à la dignité humaine, au logement, à la santé et à l'éducation (articles 22 à 26). C'est le devoir premier et fondamental de tout État qui se veut démocratique.

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Liberté économique et créativité

Alors que le nombre de touristes chinois voyageant à l'étranger était d'environ 5 millions en 1995, ce nombre a atteint 169 millions en 2019 (5). Ces données indiquent sans équivoque que les revenus de la population chinoise ont augmenté. Plus important encore, chacun de ces 169 millions de touristes chinois est rentré chez lui. Ils ont choisi de ne pas s'installer ou de ne pas chercher refuge dans les pays occidentaux où ils se sont rendus. Ils ne seraient pas retournés en Chine s'ils vivaient sous une pression extrême et s'ils étaient privés de liberté dans leur propre pays, comme cela a été dit. Parallèlement, il convient de noter que 145 millions de touristes étrangers ont visité la Chine la même année. L'enseignement supérieur présente une autre statistique intéressante. Lorsque l'on regarde les chiffres de 2011, seulement la moitié des Chinois ayant étudié à l'étranger sont rentrés chez eux, aujourd'hui ce taux a dépassé les 80%.

D'autre part, certaines données sur la vie des entreprises sont également indicatives. Selon les données de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), la Chine s'est classée première dans la liste des pays ayant le plus grand nombre de demandes de brevets en 2020. Alors que la Chine compte 68.720 demandes en 2020, les États-Unis en comptent 60.000 (6). Créer une entreprise et faire des affaires est devenu plus facile en Chine, surtout ces dernières années. Un important rapport publié par la Banque mondiale en 2019 pointe du doigt les facilités accordées notamment aux petites et moyennes entreprises (7). Ces données et d'autres semblables montrent la vitalité de la société chinoise et le haut niveau de créativité individuelle. Une personne qui ne se sent pas libre et ne voit pas la possibilité de prendre des décisions indépendantes prend-elle des risques économiques ou commerciaux ?

Le soutien de la population au gouvernement

Les résultats de l'enquête, qui reposent sur des entretiens en face à face avec plus de 31.000 personnes issues de zones urbaines et rurales en Chine entre 2003 et 2016 et qui examinent la perception qu'ont les Chinois du Parti communiste chinois et de l'État, ont été publiés en 2020. Alors que 86,1 % des Chinois se déclaraient satisfaits du PCC et du gouvernement en 2003, date du début de l'étude, ce taux a atteint un niveau record de 93,1 % au cours de la dernière année de l'étude. L'enquête, préparée par le Ash Center for Democratic Governance and Innovation de la Harvard Kennedy School, révèle que les citoyens chinois considèrent que les cadres du PCC et le gouvernement sont plus compétents et plus influents que jamais sur de nombreuses questions (8).

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Selon le Pew Research Center, 85 % des Chinois en 2013 étaient satisfaits de leur gouvernement, alors que seulement 35 % des Américains avaient le même sentiment à son égard. En mai 2020, une enquête de l'Université de Californie a révélé que 88 % des Chinois préféraient le système politique de leur pays. Selon le rapport Edelman Global Trust Barometer, le taux de confiance du public dans le gouvernement chinois était de 84 % en 2018, 86 % en 2019 et 90 % en 2020. Au cours de la même période, la confiance des Américains dans le gouvernement américain a oscillé entre 37% et 40%. Ces enquêtes sont menées par des organisations occidentales.

Mécanismes de prise de décision

"En Chine, le système de gouvernement est composé de congrès du peuple à tous les niveaux : des villages aux régions et des régions au gouvernement national. Les plus petites unités de gouvernement sont les comités de village dans les zones rurales et les comités de quartier dans les villes. Pour être candidat à ces comités, il n'est pas nécessaire d'être membre du CPC. L'élection des comités de village et de quartier se fait au scrutin secret avec vote ouvert. L'organe de gouvernement suprême est le Congrès du peuple. Il n'est pas nécessaire d'être membre d'un parti pour être élu. Le Congrès du peuple se tient au moins deux fois par an. L'autorité gouvernementale est assumée par un "comité permanent" élu au Congrès du peuple. Les présidents des collectivités locales sont nommés par le comité permanent et approuvés par le Congrès du peuple (9).

Dans la structure administrative de la Chine, les plus hautes autorités législatives et consultatives du pays jouent un rôle crucial. Le plus haut organe consultatif politique de la Chine, la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), se compose de 2158 membres issus de divers segments de la société. Ces membres soumettent des propositions sur diverses questions et celles qui sont approuvées sont transmises aux services gouvernementaux. La CCPPC n'a pas de pouvoir législatif, mais son influence sur la politique chinoise est croissante. Avec l'amendement constitutionnel de mars 2019, la CCPPC a reçu le pouvoir de préparer des projets de loi. Le rôle de la CCPPC peut se résumer à mettre les préoccupations et les attentes des citoyens ordinaires à l'ordre du jour du gouvernement.

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Le Congrès national du peuple (CNP), l'organe législatif suprême de la Chine, est chargé de réglementer les lois. Il nomme les principaux fonctionnaires de l'État et les responsables des unités administratives. Le CNP est composé de 2980 délégués, dont 742 sont des femmes et 468 des ouvriers et des agriculteurs. Les représentants de l'APN, l'organe législatif suprême de la Chine, sont composés de représentants élus des provinces, des régions autonomes, des villes centrales et de l'armée. Les membres de la CPPCC sont élus par les partis politiques et les indépendants. D'autre part, il existe un mécanisme appelé "mécanisme des deux sessions", un terme qui désigne les réunions annuelles des principaux organes législatifs et consultatifs de la Chine.

Conclusion

Chaque système a ses propres avantages et inconvénients, qui peuvent être discutés. Toutefois, le débat doit se poursuivre à l'aide de données scientifiques et réelles. Dire qu'il n'existe pas d'administration démocratique en Chine, que les élections ne sont pas organisées, que les processus de négociation politique ne sont pas mis en œuvre et que les gens ne disposent pas de libertés individuelles peut être dû à l'ignorance ou aux préjugés. Les intellectuels et les hommes politiques occidentaux devraient accepter que la "démocratie de style occidental" n'est pas la seule option correcte pour les sociétés du monde.

En conséquence, la société chinoise contemporaine est plus vivante et dynamique que jamais. Laissons le dernier mot à Kishore Mahbubani. Dans son ouvrage le plus récent, Mahbubani, un intellectuel qui connaît bien toutes les géographies du monde, a fourni l'évaluation succincte suivante de la nature des sociétés, en particulier de la Chine d'aujourd'hui : "En fin de compte, une société ne peut prospérer que lorsque les gens sentent qu'ils ont suffisamment de liberté pour poursuivre leurs rêves personnels" (10).

Notes:

1 https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2021/12/the-autocrats-are-winning/620526/

2 https://www.reuters.com/world/biden-democratic-nations-race-compete-with-autocratic-governments-2021-06-13/

3 Mahbubani Kishore, La Chine a-t-elle gagné ? China's challenge to US primacy, Public Affairs, 2020, art. 172-173.

4 https://www.mckinsey.com/industries/retail/our-insights/mapping-chinas-middle-class

5 https://www.statista.com/estadísticas/277250/número-de-viajes-de-turistas-chinos/

6 https://www.reuters.com/article/us-un-patents-idUSKCN2AU0TM

7 https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2018/10/31/doing-business-report-china-carries-out-record-business-reforms-edges-into-top-50 -économies

8 https://ash.harvard.edu/publications/understanding-ccp-resilience-surveying-chinese-public-opinion-through-time

9 https://unitedworldint.com/9600-democrat-elements-of-the-chinese-system/

10 Mahbubani Kishore, La Chine a-t-elle gagné ? China's challenge to US primacy, Public Affairs, 2020, art. 166.

*Elif İlhamoğlu est politologue et journaliste (Turquie). Il prépare un doctorat au département des sciences politiques et des relations internationales de l'université d'Istanbul (études du Moyen-Orient). Il s'est rendu à plusieurs reprises dans les pays du Moyen-Orient, en Syrie, au Liban et en Iran, et a réalisé des entretiens avec des dirigeants tels que Mahmoud Ahmadinejad, Hilal al-Hilal, secrétaire général du parti Ba'ath syrien.

Source : https://uwidata.com/22182-us-dogmatic-discourse-of-democracy-and-chinas-democratic-practice/

11:03 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, démocratie, états-unis, chine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 19 janvier 2022

Asie du Sud et de l'Est : tendances et perspectives pour 2022

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Asie du Sud et de l'Est : tendances et perspectives pour 2022

par l'équipe de Katehon.com

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/yugo-vostochnaya-aziya-tendencii-i-prognoz-na-2022-g

En 2021, le Rimland d'Asie a connu des processus actifs directement liés à la géopolitique mondiale. La Chine étant un pôle nouveau et activement émergent du futur ordre mondial, de nombreux événements étaient directement ou indirectement liés à ce pays. Le découplage, c'est-à-dire la rupture des liens économiques et politiques, a été clairement visible dans les relations avec les États-Unis. Les revendications de souveraineté en mer de Chine méridionale ainsi que la tentative d'unification avec Taïwan (que Pékin considère comme son territoire) ont encouragé les États-Unis et leurs satellites dans la région à intensifier leur coopération et à former ouvertement une coalition anti-chinoise. Le 24 septembre 2021, la première réunion en face à face du dialogue de sécurité quadrilatéral (États-Unis, Japon, Inde et Australie) s'est tenue à Washington et une nouvelle alliance (Australie, Royaume-Uni, États-Unis) a été formée - toutes deux dirigées contre la Chine. "Le Quatuor (Quad) a été créé il y a relativement longtemps - en 2007 - mais jusqu'à récemment, il était peu actif. Ce n'est qu'en 2020 que l'alliance a été relancée et que de nouvelles réunions et de nouveaux accords ont été prévus.

Certains médias ont décrit le Quad comme rien de moins qu'une "OTAN asiatique", bien que cette caractérisation soit plutôt exagérée. De toute évidence, le principal moteur de l'alliance est les États-Unis, qui exploitent habilement les craintes des autres membres à l'égard de la Chine. Mais si l'accord AUKUS est ajouté à ce quatuor, avec la présence du Pentagone dans l'Indo-Pacifique et un certain nombre d'accords bilatéraux, cela ressemble à un pilier supplémentaire pour renforcer la position de l'atlantisme. Et dans un tel format, le Quad sape la sécurité dans la région et la confiance entre les pays qui la composent.

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En janvier 2021, l'USS Theodore Roosevelt, un groupe d'attaque centré sur un porte-avions, est entré dans la mer de Chine méridionale pour des opérations de routine, notamment des exercices navals et un entraînement tactique coordonné entre les unités de surface et aériennes.

La nouvelle loi chinoise sur les garde-côtes, qui est entrée en vigueur le 1er février, a été qualifiée par les experts occidentaux et les représentants des pays qui ont des différends territoriaux avec Pékin d'escalade inquiétante des conflits en mer de Chine méridionale.

Les tensions militaires dans la région du Pacifique autour de Taïwan, de Hong Kong et de la mer de Chine méridionale se sont intensifiées à la mi-2021. Les États-Unis ont lancé une série d'exercices dans la région. Les manœuvres, orchestrées par ce fer de lance du Pacifique, se sont déroulées à Guam et dans les îles Mariannes du Nord, avec une démonstration d'une impressionnante puissance aérienne, terrestre et maritime. Il y a également eu un exercice conjoint de deux ans en Australie, appelé Talisman Saber, auquel ont participé 17.000 soldats des États-Unis et de pays alliés.

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À la fin de l'année, il était clair que Washington tentait d'inciter ses alliés et partenaires dans la région - Australie, Nouvelle-Zélande, Japon et Corée du Sud - à élaborer une stratégie commune pour contrer la Chine.

Chine

Le sommet du PCC et le plénum du comité central du PCC sont deux événements importants de la politique intérieure chinoise.

Le 6 juillet 2021, un sommet du Parti communiste chinois a été organisé. Lors de ce sommet ouvert du PCC, le 6 juillet, le président chinois Xi Jinping a affirmé la nécessité de s'opposer à une politique de force et d'unilatéralisme dans le monde, et de combattre l'hégémonisme et l'abus de pouvoir politique. "Alors que le monde est entré dans une période de grandes turbulences et de changements, l'humanité est confrontée à divers risques. L'étroite interaction sino-russe constitue un exemple à suivre et un modèle pour l'élaboration d'un nouveau type de relations internationales. Nous apprécions cela", a déclaré Xi Jinping.

Le 6e plénum du 19e Comité central du Parti communiste chinois s'est tenu à Pékin du 8 au 11 novembre 2021.

Selon le communiqué du plénum, le Parti a défini le rôle du camarade Xi Jinping en tant que noyau dirigeant du Comité central du PCC et de l'ensemble du Parti, et a affirmé le rôle directeur des idées de Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises dans la nouvelle ère.

En politique étrangère, il y a tout d'abord le découplage avec les États-Unis, qui s'intensifie en raison des changements du modèle économique chinois ainsi que de la perception différente de l'ordre mondial par la RPC et les États-Unis. Tant que les États-Unis suppriment les droits de douane supplémentaires sur les produits chinois, les prix des produits manufacturés, fabriqués en Chine, se situent dans une fourchette de prix moyenne, mais peuvent également baisser de manière significative, ce qui ralentit l'inflation. Toutefois, les États-Unis restent une superpuissance et ne peuvent donc pas éliminer les droits de douane de manière unilatérale.

imachusages.jpgDans le cas où l'administration Biden lève les droits de douane supplémentaires sans aucune condition pour la Chine, on peut considérer que Biden a capitulé devant la Chine. Le gouvernement américain exige donc que la Chine augmente ses achats de biens en provenance des États-Unis et mette en œuvre la première phase de l'accord commercial.

Sinon, l'administration actuelle de Biden aura à cœur de poursuivre les politiques de Trump. En d'autres termes, les États-Unis menacent la Chine. Si la Chine n'augmente pas ses achats de biens aux États-Unis conformément à l'accord, les États-Unis continueront à déclencher la guerre commerciale qui a débuté en 2015. Toutefois, si la Chine augmente ses achats de produits en provenance des États-Unis conformément à l'accord, les États-Unis lèveront les droits de douane déjà imposés sur certains produits chinois.

Les États-Unis utilisent également des tactiques de "propagation de rumeurs" contre la Chine. Il a été signalé publiquement et à plusieurs reprises que la Chine a restreint la production et l'exportation de matériel, produisant des équipements et des dispositifs médicaux de qualité inférieure. Cela a accru la méfiance à l'égard de la chaîne de fabrication chinoise dans de nombreux pays du monde, entraînant une "dé-sinisation de la chaîne de fabrication".

La Chine a également été blâmée pour la chaîne d'approvisionnement "hégémonique" des produits médicaux et de l'industrie automobile chinois, qui serait à l'origine de dommages sanitaires. Le 9 avril 2021, le conseiller économique de la Maison Blanche, Larry Kudlow, a exhorté toutes les entreprises américaines à quitter la Chine et à revenir aux États-Unis, proposant de "compléter" les entreprises pour leur retour dans leur pays d'origine.

Les États-Unis ont lancé une alliance de partenariat appelée Economic Prosperity Network, dont on parle depuis avant Trump. Il encourage la réorganisation des chaînes d'approvisionnement chinoises dans des domaines clés, tels que les infrastructures, etc., dans le but de se débarrasser complètement de la dépendance chinoise. Avec le soutien des États-Unis, le Japon a alloué 2,3 milliards de dollars américains et 108.000 milliards de yens (environ 989 milliards de dollars américains) pour financer des entreprises qui transfèrent des lignes de production de la Chine vers le Japon ou vers d'autres pays.

Cette année 2021 marque exactement les 20 ans de la signature du Traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération entre la Fédération de Russie et la République populaire de Chine par Vladimir Poutine et Jiang Zemin à Moscou le 16 juillet 2001 (photo).  Aujourd'hui encore, la coopération avec la Chine joue un rôle clé dans la politique étrangère de la Russie. De nombreux analystes et politiciens nationaux présentent la Chine comme un allié géopolitique important.

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Lors d'une réunion en ligne entre les deux chefs d'État, Vladimir Poutine a souligné l'importance de la coopération conjointe : "Dans un contexte de turbulences géopolitiques croissantes, de rupture des accords de contrôle des armements et d'augmentation du potentiel de conflit dans diverses régions du monde, la coordination russo-chinoise joue un rôle stabilisateur dans les affaires mondiales. Y compris sur des questions urgentes de l'agenda international telles que la résolution de la situation dans la péninsule coréenne, en Syrie, en Afghanistan, et le renouvellement du plan d'action conjoint sur le programme nucléaire iranien".

Bien qu'il n'y ait pas de croissance particulière du commerce entre la Chine et la Russie. Et ce, malgré le nombre important de projets conjoints sino-russes dans le domaine de la sécurité énergétique, de la coopération dans le cadre de l'initiative "Une ceinture, une route", au sein de l'OCS, de la lutte conjointe contre le terrorisme, etc.

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Dans le voisinage immédiat, la Chine a continué à mettre en œuvre des projets d'infrastructure. Au Laos, par exemple, la construction d'une voie ferrée à grande vitesse de 420 km de long, dirigée par la Chine, a été achevée. Les travaux ont commencé en 2016 pour relier la ville de Kunming, dans le sud de la Chine, à la capitale laotienne de Vientiane. Tout cela fait partie de la vision plus large de Pékin concernant un éventuel chemin de fer panasiatique qui s'étendrait au sud jusqu'à Singapour. En tant que projet central de l'initiative "Ceinture et Route", la route fait également partie de la vision stratégique du Laos, qui souhaite passer d'un pays enclavé à un pays "relié à la terre" et combler le fossé de développement dicté par le fait que le Laos est un pays montagneux intérieur.

Il existe une dépendance à l'égard de la Chine dans un contexte d'endettement croissant, mais Vientiane entend rattraper des décennies de développement rapide dans la région. Un autre projet, la construction du port sec de Thanaleng (TDP) et du parc logistique de Vientiane (VLP), est un exemple de la manière dont la dépendance excessive du Laos vis-à-vis de la Chine peut être réduite. Approuvé par une résolution de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l'Asie et le Pacifique (CESAP) en 2013, le projet est financé principalement par des sponsors privés et vise à relier le Laos aux routes commerciales maritimes. 

Inde

En 2021, l'Inde tente de manœuvrer entre les grands centres géopolitiques, comme auparavant, tout en essayant d'asseoir sa propre influence. Les problèmes de coronavirus freinent l'économie indienne.

Dans le même temps, la victoire des talibans (interdits en Russie) en Afghanistan a obligé New Delhi à modifier ses plans pour l'Asie centrale et l'endiguement du Pakistan. Tout le personnel diplomatique indien et les membres de leurs familles ont été évacués d'Afghanistan, qui avait auparavant été utilisé comme une plateforme pour étendre son influence, y compris dans les périphéries pakistanaises du Baloutchistan et des territoires majoritairement pachtounes.

En février 2021, le différend territorial avec la Chine dans la région montagneuse du Ladakh, où un conflit armé avait eu lieu la veille, a été temporairement résolu. Cependant, les deux parties ont continué à renforcer leur présence militaire à la frontière. À l'automne, un affrontement a eu lieu entre des patrouilles frontalières dans le secteur de Tawang, en Arunachal Pradesh. Le 12 janvier 2022, une nouvelle série de pourparlers a eu lieu entre les commandants de corps d'armée des forces armées indiennes et l'Armée populaire de libération de la Chine. Les tensions devraient se poursuivre tout au long de l'année 2022.

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Dans le cadre de la stratégie indo-pacifique, les États-Unis ont continué à attirer l'Inde dans leur sphère d'influence. En septembre 2021, les forces aériennes américaines et indiennes ont signé un nouvel accord de coopération pour développer des véhicules aériens sans pilote. L'objectif de cette collaboration est de "concevoir, développer, démontrer, tester et évaluer des technologies, y compris des équipements physiques tels que des petits véhicules aériens sans pilote, des systèmes d'avionique, d'alimentation de charge utile, de propulsion et de lancement, par le biais du prototypage, qui répondent aux exigences opérationnelles des forces aériennes indiennes et américaines". Le coût prévu de ce projet est de 22 millions de dollars, qui seront répartis à parts égales. Le Pentagone a déjà qualifié l'accord de "plus important de l'histoire" des relations entre les deux pays.

Kelly Seybolt, sous-secrétaire américain de l'armée de l'air pour les affaires internationales, a déclaré : "Les États-Unis et l'Inde partagent une vision commune d'une région indo-pacifique libre et ouverte. Cet accord de développement conjoint renforce encore le statut de l'Inde en tant que partenaire majeur en matière de défense et s'appuie sur notre solide coopération existante dans ce domaine."

Le nouvel accord a été signé sous l'égide de l'initiative américano-indienne en matière de technologie et de commerce de la défense, ou DDTI. Ce projet a débuté en 2012 et était l'un des projets favoris du sous-secrétaire à la défense de l'époque, Ash Carter. Lorsque Carter est devenu ministre en 2015, il a intensifié ses efforts. Ellen Lord, qui a dirigé les achats du Pentagone pour l'administration Trump, a également été un grand défenseur du renforcement des liens de développement avec l'Inde.

Selon le SIPRI, l'Inde était le deuxième plus grand importateur d'équipements militaires et de systèmes d'armes en 2020 et représentait environ 9,5 % de tous les achats d'armes mondiaux. En 2018, les expéditions en provenance des États-Unis ont représenté 12 % de cette part.

Pour changer ce rapport, sous Donald Trump, une exception a même été faite pour que l'Inde coopère avec la Russie. La même année, les responsables du ministère indien ont déclaré qu'ils allaient abandonner les systèmes de défense aérienne russes Pechora et investir un milliard de dollars dans leur équivalent américain, le NASAMS-II.

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Et en septembre 2018, les États-Unis et l'Inde ont signé un accord de coopération militaire spécial, l'accord de compatibilité et de sécurité des communications (COMCASA). Il implique le partage de données, l'intensification des exercices conjoints et la fourniture par les États-Unis de types d'armes spécifiques à l'Inde. Bien sûr, l'accord visait également à établir un monopole par les États-Unis. En décembre 2018, l'Inde a inauguré le centre d'information conjoint maritime avec l'aide des États-Unis.

Il est déjà évident que cet accord dans le domaine du développement des forces aériennes entre les deux pays mettait en péril les liens russo-indiens en matière de technologie militaire et de fourniture d'armes. L'Inde aurait pu justifier cela par la nécessité de passer à des produits nationaux.  

A la fin de l'année, cependant, la Russie avait effectué une démarche en direction de l'Inde. La visite du président russe Vladimir Poutine en Inde le 6 décembre et les discussions parallèles dans le format 2+2 (ministres des affaires étrangères et de la défense des deux États) ont permis de renouveler plusieurs anciens traités et de signer de nouveaux accords. Alors que la coopération entre Moscou et New Delhi s'est ralentie ces dernières années, le nouveau paquet indique la volonté des deux parties de rattraper le temps perdu, tout en étendant considérablement l'ancien cadre.

Comme indiqué dans la déclaration conjointe sur la réunion, "les parties ont adopté une vision positive des relations multiformes entre l'Inde et la Russie, qui couvrent divers domaines de coopération, notamment la politique et la planification stratégique, l'économie, l'énergie, l'armée et la sécurité, la science et la technologie, la culture et l'interaction humanitaire.

Parmi les accords importants, il convient de mentionner le passage à des règlements mutuels en monnaie nationale, qui constitue une suite logique de la politique russe de sortie de la dépendance au dollar.

L'Inde a également invité la Russie dans le secteur de la défense. Auparavant, les retards dans la signature des contrats entre les parties ont été interprétés comme un désintérêt de New Delhi pour les armements russes et la crainte de sanctions américaines. Mais le sujet de la coopération militaro-technique est également présent dans le nouveau bloc d'accords. Il est révélateur qu'en dépit du programme indien de production de défense nationale, les entreprises russes ont également leur place dans ce secteur. L'expérience antérieure de la coopération entre l'Inde et Israël avait montré qu'une telle entrée sur le marché intérieur indien était possible.

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Le Kremlin vise toutefois à trouver un format pratique et acceptable pour que la troïka Russie-Inde-Chine puisse coopérer activement à l'avenir. Il serait bon d'y associer le Pakistan, d'autant que les relations entre Islamabad et New Delhi s'améliorent : la veille, les deux parties ont commencé à s'accorder des visas pour le personnel diplomatique et ont opté pour une désescalade militaire.

Si l'on s'inquiète toujours de l'influence de l'Inde sur les États-Unis, notamment en ce qui concerne la stratégie indo-pacifique, Moscou doit être proactive et proposer elle-même de nouveaux formats d'engagement. En outre, il est nécessaire de surveiller les actions de Washington à cet égard. Jusqu'à présent, rien n'indique clairement qu'il y aura une forte influence sur New Delhi, mais dans le cadre de la politique anti-chinoise globale des États-Unis, ils tenteront de conserver leurs partenaires par le biais de diverses préférences et stratagèmes diplomatiques.

Pakistan

Le Pakistan a intensifié sa politique étrangère en 2021. À la suite du changement de régime en Afghanistan, le Pakistan a déployé des efforts considérables pour normaliser la situation et des responsables ont engagé des pourparlers avec les talibans. Les militaires, y compris l'Inter-Services Intelligence (ISI) du Pakistan, ont également participé au processus. Il est important pour le Pakistan d'établir des liens amicaux avec les talibans en tant que force légitime afin de pouvoir influencer la politique pachtoune dans son propre pays. Les talibans pakistanais agissant comme une organisation autonome et étant interdits au Pakistan, Islamabad doit disposer de garanties et d'un levier fiable sur ses zones frontalières peuplées de Pachtounes.

À la fin de l'année, Islamabad a accueilli une réunion de l'Organisation de la coopération islamique, qui a également porté sur un règlement afghan.

Mais la percée la plus importante a été faite dans la direction de la Russie.

Début avril 2021, Sergey Lavrov s'est rendu à Islamabad pour discuter d'un large éventail de coopération entre les deux pays, allant des questions militaires et techniques à la résolution de la situation dans l'Afghanistan voisin. Évidemment, ce voyage a précipité la signature d'un accord sur un gazoduc (l'autre sujet dans le domaine énergétique était l'atome pacifique). Un message du président russe Vladimir Poutine a également été transmis aux dirigeants pakistanais, indiquant qu'ils étaient prêts à "faire table rase" dans les relations bilatérales.

Le 28 mai, un accord bilatéral sur la construction du gazoduc Pakistan Stream a été signé à Moscou. Du côté russe, le document a été signé par le ministre russe de l'énergie Nikolay Shulginov et, du côté pakistanais, par l'ambassadeur Shafqat Ali Khan. 

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L'accord est en préparation depuis 2015 sous le nom initial de gazoduc Nord-Sud et revêt une grande importance géopolitique pour les deux pays.

Le nouveau pipeline aura une longueur de 1 100 kilomètres. La capacité sera de 12,3 milliards de mètres cubes par an. Le coût est estimé à 2,5 milliards de dollars. Le gazoduc reliera les terminaux de gaz naturel liquéfié de Karachi et de Gwadar, dans les ports du sud du Pakistan, aux centrales électriques et aux installations industrielles du nord. Initialement, la Russie devait détenir une participation de 51 % et l'exploiter pendant 25 ans. Mais les sanctions occidentales ont bouleversé ces plans. La participation russe sera désormais de 26 %. Mais la partie russe aura un droit de regard décisif sur le choix des contractants, sur la conception, l'ingénierie, les fournitures et la construction.

Le Pakistan a encore deux projets potentiels, le gazoduc iranien, qui n'a pas encore été construit, et le gazoduc Turkmenistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (TAPI), qui a fait l'objet d'une grande publicité mais n'a jamais été mis en service. Ce dernier projet a été gelé en raison de la situation instable en Afghanistan. Par conséquent, le Pakistan Stream est le plus prometteur en termes d'attente d'un retour immédiat une fois sa construction achevée.

Pour la Russie, la participation au projet procure un certain nombre d'avantages directs et indirects.

Premièrement, la participation même de la Russie au projet vise à obtenir certains dividendes.

Deuxièmement, la participation de la Russie doit également être considérée sous l'angle de la politique d'image.

Troisièmement, la Russie équilibrera la présence excessive de la Chine au Pakistan, car Pékin est le principal donateur et participant à ces projets d'infrastructure depuis de nombreuses années.

Quatrièmement, la Russie ferait mieux d'explorer les possibilités du corridor économique Chine-Pakistan pour y participer et l'utiliser comme une porte maritime méridionale pour l'UEE (le port en eau profonde de Gwadar). Le gazoduc Pakistan Stream suivrait essentiellement le même itinéraire.

Cinquièmement, étant donné les réserves de gaz naturel au Pakistan même (province du Baloutchistan), la Russie, qui s'est révélée être un partenaire fiable disposant de l'expertise technique nécessaire, pourra, dans un certain temps, participer au développement des champs de gaz nationaux également.

Sixièmement, la présence de la Russie facilitera automatiquement la participation à d'autres projets bilatéraux - avec l'économie dynamique et la croissance démographique du Pakistan, elle élargit les options en matière de commerce, d'industrie et d'affaires.

Septièmement, notre présence renforce la tendance à la multipolarité, en particulier dans une situation où l'Inde suit les États-Unis et s'engage dans divers projets suspects et déstabilisants de type quadrilatéral (comme l'a mentionné le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov).

L'amélioration et le développement des contacts avec ce pays sont importants pour la Russie en raison de sa position géostratégique. Tant dans le cadre de l'intégration eurasienne actuelle, y compris en liaison avec l'initiative chinoise "Une ceinture, une route", que dans le cadre de l'intégration continentale à venir. 

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En 2022, il y a des chances que les relations Pakistan-Russie se développent davantage. La coopération avec la Chine et les autres grands partenaires du Pakistan, la Turquie et l'Arabie saoudite, se poursuivra également.

Japon

En 2021, le Japon a continué à approfondir sa coopération avec les États-Unis en matière de défense et d'économie. Un accord a été conclu selon lequel les coûts d'entretien des bases américaines seront partiellement couverts par le budget du Japon.

À la mi-juillet 2021, le ministère japonais de la défense a publié un livre blanc, qui a suscité l'attention des responsables et des experts des pays voisins ainsi que des États-Unis. Un certain nombre de caractéristiques de ce document indiquent la dynamique de changement dans la planification politico-militaire de cette nation, indiquant que, tout en incitant Washington et en s'engageant dans des projets régionaux tels que le dialogue quadrilatéral sur la sécurité, le Japon reste un satellite fidèle des États-Unis, mettant l'accent sur des préoccupations identiques.

D'après l'introduction du Livre blanc, il semble que le Japon ait désormais deux menaces principales - la Chine et la Corée du Nord.

C'est la première fois que le ministère japonais de la défense supprime Taïwan de la carte de la Chine. Les années précédentes, le livre blanc regroupait Taïwan et la Chine dans un même chapitre et sur une même carte, ce qui suscitait des critiques de la part des Taïwanais vivant au Japon. Toutefois, la dernière version souligne la distinction entre les deux, ce qui indique un changement de politique de la part du ministre japonais de la Défense, Nobuo Kishi.

Le document souligne que "la stabilisation de la situation autour de Taïwan est importante pour la sécurité du Japon et la stabilité de la communauté internationale." Le document ajoute : "Il est donc plus que jamais nécessaire que nous accordions une attention particulière à la situation à l'approche de la crise."

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En ce qui concerne les secteurs préoccupants, les préoccupations du Japon sont les suivantes :

- la défense d'îles éloignées ;

- organiser une réponse efficace à d'éventuelles attaques de missiles ;

- la possibilité d'agir dans l'espace ;

- sécuriser les cyber-systèmes ;

- le développement des capacités du spectre électromagnétique ;

- la réponse aux grandes catastrophes et aux calamités naturelles (y compris l'épidémie de coronavirus).

Il y a eu peu de changement dans la politique intérieure. Le 31 octobre 2021, des élections législatives ont eu lieu au Japon. Selon la procédure, un premier ministre a été nommé. Le Premier ministre sortant, Fumio Kishida, a conservé son poste, le parti qu'il dirige ayant conservé la majorité des sièges au Parlement. 

Myanmar

Le 1er février 2021, un coup d'État au Myanmar a renversé un gouvernement civil dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), conduite par Aung San Suu Kyi et Win Myint. Les militaires du pays, les Tatmadaw, ont instauré une dictature dans l'État.  Le nouveau gouvernement militaire a promis d'organiser des élections générales dans un an ou deux, puis de remettre le pouvoir au vainqueur. 

Les députés de la NLD, qui ont conservé leur liberté, ont formé un comité d'ici avril 2021 pour représenter le Parlement de l'Union, un organe parallèle au gouvernement, que le gouvernement militaire a déclaré association illégale et a accusé ses membres de haute trahison. Aung San Suu Kyi a été arrêtée et jugée.  

En juin 2021, le généralissime Min Aung Hline a conduit une délégation du Myanmar en Russie pour assister à la conférence de Moscou sur la sécurité internationale. 

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Min Aung Hline s'est déjà rendu plusieurs fois en Russie, mais c'est la première fois en tant que chef d'État. Min Aung Hline a toujours soutenu le développement des relations avec notre pays, en particulier dans les domaines militaire et militaro-technique. Au début des années 2000, il a élaboré un programme de formation pour les militaires birmans de la Fédération de Russie (plus de 7000 officiers ont étudié dans les universités russes au cours de ces années). Sous sa direction, le Myanmar a commencé à acheter des avions d'entraînement au combat Yak-130, des chasseurs polyvalents Su-30SM, des véhicules blindés, etc.

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Cette visite a coïncidé avec un regain de pression internationale sur le Myanmar : le vendredi 18 juin, l'Assemblée générale des Nations unies a condamné les actions de l'armée au Myanmar. 119 pays ont soutenu la proposition visant à rétablir la transition démocratique dans le pays, le Belarus s'y est opposé et 36 pays (dont la Russie et la Chine) se sont abstenus.

Pour la Russie elle-même, la coopération avec le Myanmar est bénéfique non seulement en termes de fourniture d'équipements militaires et de formation du personnel militaire du pays asiatique. Le soutien politique (ou la neutralité) de Moscou souligne la ligne générale de sa politique étrangère - non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États et respect de la souveraineté - tout en rejetant le concept occidental de "protection des valeurs démocratiques". Le rôle d'une sorte d'équilibre, d'équilibrage de l'influence chinoise, est également assez commode pour Moscou. Et dans le contexte de la géopolitique mondiale, il suffit de regarder la carte pour comprendre l'importance stratégique de cet État d'une superficie de 678.000 kilomètres carrés, situé au centre de l'Asie du Sud-Est et ayant accès à l'océan Indien.

Projets régionaux-mondiaux

Le 9 janvier 2021, le site web du Conseil d'État de la République populaire de Chine a publié une annonce selon laquelle la Chine va étendre son réseau de libre-échange dans le monde. Selon le ministre du commerce Wang Wentao, la Chine intensifiera ses efforts pour accroître son réseau de zones de libre-échange avec ses partenaires du monde entier afin d'élargir son "cercle d'amis", tout en éliminant les droits de douane supplémentaires sur les marchandises et en facilitant les investissements et l'accès au marché pour le commerce des services.

Wang a déclaré à l'agence de presse Xinhua, dans une récente interview, que ces efforts favoriseraient l'ouverture à un niveau supérieur. Il a ajouté que le pays allait promouvoir les négociations sur un accord de libre-échange entre la Chine, le Japon et la République de Corée, les négociations avec le Conseil de coopération Chine-Golfe, ainsi que les accords de libre-échange (ALE) Chine-Norvège et Chine-Israël. En outre, l'adhésion à l'accord global et progressif de partenariat transpacifique sera envisagée.

Les chiffres officiels montrent que la Chine a signé des ALE avec 26 pays et régions, les ALE représentant 35 % du commerce extérieur total du pays.

La création d'un réseau de zones de libre-échange d'envergure mondiale est conforme à l'objectif de la Chine de créer un nouveau niveau d'ouverture à l'échelle mondiale, comme le soulignent les propositions de la direction du parti pour le 14e plan quinquennal (2021-2025) de développement économique et social national et les objectifs à long terme jusqu'en 2035.

La signature d'un plus grand nombre d'ALE aiderait la Chine à étendre et à stabiliser ses marchés étrangers et à atteindre un niveau d'ouverture plus élevé, surtout si le pays procède activement à des ajustements pour répondre aux exigences nécessaires, comme l'adoption de réglementations environnementales plus strictes et l'égalisation des conditions de concurrence pour tous les acteurs du marché.

En plus de faciliter le commerce des biens et des services, les ALE constituent également des plateformes permettant d'établir des règles largement acceptées et reconnues dans des domaines tels que l'économie numérique et la protection de l'environnement.

La Chine a fait des progrès notables dans la promotion du commerce multilatéral en 2020, en signant un partenariat économique global régional à la mi-novembre et en concluant les négociations sur le traité d'investissement Chine-UE plus tard dans l'année.

Le 1er janvier 2022, l'accord sur la plus grande zone de libre-échange du monde - le Partenariat économique global régional - est entré en vigueur (l'accord a été signé en novembre 2020). L'accord couvre 10 États membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est et 5 États avec lesquels l'ANASE a déjà signé des accords de libre-échange. Le RCEP comprend 3 pays développés et 12 pays en développement.

La région Asie-Pacifique est aujourd'hui la première région de croissance économique du monde, offrant de grandes possibilités de commerce et d'expansion. Certains pays pensent que leurs entreprises peuvent prendre de l'avance dans la course à la concurrence grâce à l'accord global et progressif sur le partenariat transpacifique (CPTPP) - un accord de libre-échange entre 11 pays de la région Asie-Pacifique : Australie, Brunei, Chili, Canada, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam.

En substance, le CPTPP est un accord de libre-échange ambitieux et de grande qualité qui couvre pratiquement tous les aspects du commerce et de l'investissement. L'accord comprend des engagements en matière d'accès au marché pour le commerce des biens et des services, des engagements en matière d'investissement, de mobilité de la main-d'œuvre et de marchés publics. L'accord établit également des règles claires pour aider à créer un environnement cohérent, transparent et équitable pour faire des affaires sur les marchés du CPTPP, avec des chapitres dédiés couvrant des questions clés telles que les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, l'administration douanière, la transparence et les entreprises d'État.

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Un État qui souhaite adhérer doit en informer le gouvernement néo-zélandais (le dépositaire de l'accord), qui informera ensuite les autres membres. La Commission du CPTPP décide ensuite de lancer ou non le processus d'adhésion. S'il décide de lancer le processus, un groupe de travail sera formé. Dans les 30 jours suivant la première réunion du groupe de travail, le candidat devra soumettre ses propositions en matière d'accès au marché : réductions tarifaires ; listes des secteurs de services dont il a proposé d'exclure les membres du CPTPP ; et parties des marchés publics qui ne seront pas ouvertes aux propositions des autres membres du CPTPP. Le processus de négociation commencera alors. Une fois que tous les participants existants sont satisfaits, la Commission invitera officiellement un candidat à devenir membre.

Au début de l'année 2021, la Grande-Bretagne a demandé à adhérer au CPTPP. Cependant, on n'a toujours pas de nouvelles sur l'état d'avancement des aspirations de Londres. Tout ce que l'on sait, c'est que les négociations ont été lancées en juin.

En janvier 2021, la Corée du Sud a également déclaré son désir de rejoindre le CPTPP. Pour ce faire, une procédure a été lancée pour examiner ses propres règlements et lois afin de vérifier leur conformité avec le CPTPP. La Thaïlande a également manifesté son intérêt pour le partenariat.

Et en septembre 2021, la Chine s'est portée candidate. Cela s'est produit quelques jours seulement après la signature du traité AUKUS. 

***

En 2022, la région restera une zone d'intérêts contradictoires entre les puissances mondiales. Le Cachemire continuera d'être un point de conflit (la zone de contrôle indienne est la plus problématique, car New Delhi ne permet à aucune tierce partie de participer au règlement), mais une escalade est peu probable sans provocations graves. Nous ne devons pas non plus nous attendre à une invasion chinoise de Taïwan, comme le disent les politiciens américains et leurs médias contrôlés. Les États-Unis et leurs partenaires poursuivront les exercices militaires de routine et tenteront de former une coalition anti-chinoise plus impressionnante.

dimanche, 16 janvier 2022

Hu Xijin : la Chine et la Russie ne permettront pas aux États-Unis et à l'Occident de pousser le Kazakhstan dans l'abîme des troubles à long terme

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Hu Xijin : la Chine et la Russie ne permettront pas aux États-Unis et à l'Occident de pousser le Kazakhstan dans l'abîme des troubles à long terme

Un point de vue chinois sur l'affaire du Kazakhstan

par Hu Xijin

Source : Hu Xijin & https://news.ifeng.com/c/8CZINfEL3y7?fbclid=IwAR3KY83bpLL-TpnK79vMEP-jft2P7PsVVy1DkhW0Mfyoo40-4rvf81Csd9M

Le Kazakhstan a connu les pires émeutes de ses 30 années d'indépendance, déclenchées par une hausse du prix du gaz de pétrole liquéfié, mais rapidement suivies de revendications politiques visant à "punir la corruption" et à cibler le père du pays, Nazarbayev. Le président Tokaev a accepté la démission du premier ministre, l'état d'urgence a été imposé dans la capitale, Nursultan, et dans la première ville, Almaty, le prix du GPL a été ramené à des niveaux plus abordables, et Tokaev a annoncé le 5 janvier qu'il deviendrait président du Conseil national de sécurité (un poste précédemment occupé par Nazarbayev). Mais la suite de l'évolution de la situation est encore incertaine. Une vidéo montre des personnes dans une ville en train de renverser une statue de Nazarbayev. Par ailleurs, huit officiers de police sont morts.

La Russie a déjà déclaré qu'elle souhaitait que le Kazakhstan normalise la situation dès que possible par la voie du dialogue. La Russie a également affirmé que le gouvernement kazakh résoudrait ses propres problèmes internes et qu'une intervention extérieure était inacceptable. M. Laohu estime que la Chine soutiendra également avec force les efforts du Kazakhstan pour stabiliser la situation par ses propres moyens.

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Le Kazakhstan, ancienne république soviétique, est le plus grand et le plus riche pays d'Asie centrale, riche en pétrole et en gaz. Nazarbayev a été le premier secrétaire du parti communiste de la république avant l'indépendance du pays, puis a été président jusqu'en 2019. Il a contribué à l'indépendance et au développement du Kazakhstan. Sa fin n'était pas non plus un cas isolé. M. Akaïev, ancien président du Kirghizstan, voisin de notre province du Xinjiang, a été renversé par une révolution de couleur en 2005 et s'est exilé en Russie, où il a ensuite travaillé comme professeur à l'université d'État de Moscou. Nazarbayev et Akaïev ont toujours entre eux des liens familiaux. Certaines sources non officielles affirment que Nazarbayev s'est rendu en Russie.

Le Kazakhstan est un voisin de la Russie et de la Chine, et sa stabilité est d'un intérêt majeur pour la Chine et la Russie. Les États-Unis se sont efforcés d'infiltrer le Kazakhstan, et certaines ONG sont devenues des avant-postes de cette infiltration. Nazarbayev a eu une attitude positive à l'égard du développement des relations avec les États-Unis, dans l'intention de contrebalancer la double influence russe et chinoise. Mais en même temps, il a toujours gardé un œil sur les États-Unis. En conséquence, une révolution de couleur est finalement née au Kazakhstan.

Le Kazakhstan a le revenu par habitant le plus élevé d'Asie centrale, mais ces deux dernières années, la stabilité politique du pays a été gravement ébranlée par une épidémie qui fait rage et par la récession économique. M. Nazarbayev est au pouvoir depuis longtemps et le pays a accumulé, comme on pouvait s'y attendre, des classes d'intérêt bien établies et un mécontentement public croissant, mais c'est le retournement de l'économie et des moyens de subsistance de la population qui a été le déclencheur de la rupture. C'est le prétexte que les puissances occidentales exploitent au Kazakhstan. Il est évident qu'ils veulent mettre la pagaille dans le pays, et leur objectif est de déstabiliser la stratégie de bon voisinage de la Chine et de la Russie en créant un fossé au Kazakhstan.

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Pourtant, ni la Russie ni la Chine ne permettront aux États-Unis et à l'Occident de pousser le Kazakhstan dans un abîme de turbulences à long terme. Les Russes représentent à ce jour environ 20 % de la population du Kazakhstan, la Chine est le principal acheteur d'énergie du pays et l'Organisation de coopération de Shanghai apporte son soutien à la stabilité de ses États membres. Il suffit de dire qu'il existe encore de nombreuses conditions internes et externes pour que le Kazakhstan retrouve sa stabilité passée après une telle période de chaos.

[Editeur responsable : Ye Zhiqiu PN302]

vendredi, 14 janvier 2022

Le Maidan kazakh: pour encercler la Chine ?

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Le Maidan kazakh: pour encercler la Chine ?

Konrad Rękas

Ex: https://www.geopolitica.ru/en/article/kazakh-maidan-encircling-china

Les Kazakhs ont été les leaders de l'eurasisme. Mais il est difficile de faire de l'eurasisme sans la Russie, et Moscou, comme d'habitude, s'est laissé entraîner dans l'intégration du Continent en voulant pimenter cette opération de quelques conneries à l'européenne. Astana (Nur-Sultan) a commencé à jouer avec la multi-vectorialité, et cela finit toujours mal pour les pays de l'Est. Et Ianukovitch, et même Lukashenko pourraient en dire beaucoup à ce sujet.

Russie - Il est temps de revenir en Eurasie

Bien sûr, ceux qui descendent dans la rue n'ont pas besoin d'être anti-russes sur tous les plans. Comme lors de l'Euromaidan - ils veulent seulement que les machines à laver soient moins chères (le gaz coûte déjà moins cher) et que les dirigeants volent moins. Mais, pour le reste, tout peut se dérouler comme d'habitude. Mukhtar Ablyazov, l'oligarque kazakh connu pour son implication professionnelle dans les Maidans qui ont suivi - essaie déjà de s'en assurer. C'est pourquoi si les Russes n'aident pas, même ceux qui ne veulent pas et ne demandent pas - ils n'auront pas une autre Bolotnaya, mais aussi la Place Rouge. Pleine de gens. Ou, pire - Dvortsovaya Ploshchad. Vous savez - cette place en face du Palais d'Hiver ...

Et pour que les choses soient claires: c'est tout le Kazakhstan qu'il faut sauver. L'envoi de forces antiterroristes est bien sûr un pas dans la bonne direction - mais c'est encore insuffisant. Il sera probablement possible de ramener l'ordre au Kazakhstan. ET QUOI ? Les garçons de Zhas Otan pourront recommencer à brutaliser les gens parce qu'ils parlent russe et dungan ? Tokayev sera toujours en deux chaises, entre l'Est et l'Ouest ? L'opération limitée de contre-terrorisme n'est qu'une méthode. La Russie ne peut pas simplement agir ici et là dans l'intérêt de l'oligarchie locale. Il est impossible de sauver le Kazakhstan sans instaurer une profonde intégration eurasienne. Sans cela, de telles crises dans toute l'Asie centrale ne seront que plus fréquentes et plus difficiles à gérer.

Ce serait également une grave erreur de limiter l'opération aux seules zones habitées par la minorité russe. Lugansk-bis ne fera rien sur le plan géopolitique. La leçon arménienne est ici probablement encore plus instructive que la leçon ukrainienne (bien que celle-ci soit la plus explicite). Apparemment, l'Arménie n'est pas passée complètement de l'autre côté - mais combien de problèmes cela pourrait causer ! Tout le problème est que la Fédération de Russie, même dans sa forme actuelle, va s'avérer être comme Navalny. Elle se limite elle-même. Elle ne veut pas comprendre ce qu'est la véritable MAISON des Russes. Elle ne veut pas penser en termes de l'ensemble, de l'ancien Soyouz. "Nous ne pouvons plus décider pour les autres". "Nous avons nos propres problèmes à résoudre". Oui. Vous en avez. Parce que vous vous êtes un jour retirés du bloc de l'Est. Parce que vous avez fait s'effondrer votre propre, grand, puissant État. Vous avez aussi vos propres problèmes, bien sûr. Mais maintenant le question est la suivante : voulez-vous qu'ils soient MOINS ou PLUS nombreux à l'avenir ? C'est à vous de choisir. Et une partie de ce choix - se trouve aussi au Kazakhstan.

Ou remontez plus loin. Jusqu'à ce que la patinoire près de GUM veuille se démocratiser et se séparer. Tout le problème de la Russie se résume au fait qu'elle n'est pas l'Union soviétique, qu'elle n'est pas impériale ou expansionniste, et qu'elle n'essaie même pas d'atteindre l'étranger, même proche. Aujourd'hui encore, les représentants de l'élite kazakhe actuelle, notamment ceux de la famille Nazarbayev, qui se trouvent déjà à Moscou, sont traités avec une certaine réticence. Et pas (seulement) parce qu'ils ont fait preuve de condescendance et d'arrogance à l'égard de la Russie. Que c'est le gouvernement actuel qui s'est attaché à faire passer l'occidentalisation bizarre de l'alphabet et de la culture kazakhs. Non, les Russes jouent les inaccessibles non pas par mépris des pleurnichards - mais par la paresse innée des Slaves.

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Dernier espoir en Chine ?

Les atermoiements des Russes leur ont toujours coûté cher. Et à tous les voisins - encore plus. Mais soyons honnêtes - ne dramatisons pas trop. Malgré son aspect impressionnant sur la carte, ce n'est pas le Kazakhstan qui est la clé et le plus important en Asie centrale, mais l'Ouzbékistan. Celui-ci est tombé tout de suite dans les mains de l'Occident, il y a trois décennies. Et maintenant, lentement, très lentement et de manière incohérente - mais en essayant de s'en sortir, en suivant la trace d'Erdogan et de Aliyev. Conclusion ? Le multi-vectorialisme est payant quand on va de l'Ouest vers l'Est, jamais l'inverse.

Car une variante actuellement très discutée dans les médias russes est également possible. Qu'il s'agit d'un jeu interne. Une montée délibérée des humeurs - difficile à deviner seulement, par les jeunes caniches du président Kassym Jomart-Tokayev ? Ou peut-être par les Alabais de Nazarbayev, toujours affamés ? Le problème, c'est que nous l'avons déjà vu. Je me suis rendu à Kiev plusieurs fois pendant le Maïdan, puis à nouveau juste avant sa fin. Et jusqu'à la fin, les proches de Ianoukovitch étaient non seulement sûrs d'avoir tout en main. Ils n'avaient aucun doute sur le fait qu'il s'agissait d'une excellente occasion de resserrer les rangs, de changer la garde au sein du camp, de vérifier la loyauté et de couper les branches pourries. Et le président lui-même était sûr que grâce à ce capharnaüm sur la place, il pourrait jouer avec l'Occident et avec la Russie. Et cela a tourné comme cela a tourné. Et j'espère seulement que la Chine dispose d'un meilleur réseau au Kazakhstan que celui de la Russie... Sur lequel, dans de telles situations, on ne peut généralement pas compter - à moins que les Russes eux-mêmes ne prennent les armes et qu'un oligarque plus conscient ne verse de l'argent, puis pousse là où c'est nécessaire.

Mais là-bas, il y a aussi Pékin. Qui comprend probablement parfaitement que la prochaine révolution colorée en Asie centrale ne vise pas seulement à encercler la Russie, mais surtout la Chine. Et le nouveau régime pourrait être non pas intentionnellement anti-russe, mais bien, si cela arrive... il sera certainement anti-chinois, à la frontière même du Xinjiang. Donc même si la Russie panique à nouveau, il y aura de l'espoir chez les Chinois. Pour toute l'Eurasie.

mardi, 11 janvier 2022

Malacca, Sonde et Lombok: trois détroits-clés pour deux océans 

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Malacca, Sonde et Lombok: trois détroits-clés pour deux océans 

Paolo Mauri

SOURCE : https://it.insideover.com/politica/malacca-sonda-lombok-tre-stretti-fondamentali-per-due-oceani.html

Depuis quelques décennies, l'Asie est devenue le pivot de l'économie mondiale. L'axe du commerce mondial, porté par les géants chinois et indiens, s'est déplacé vers le continent qui surplombe deux océans (l'Indien et le Pacifique) plus l'océan Arctique. En conséquence, l'axe géopolitique a également abandonné en grande partie l'Europe pour se déplacer vers l'Extrême-Orient, qui est devenu le théâtre de diatribes enflammées concernant des revendications territoriales intimement liées à des questions économiques/stratégiques plutôt que de prestige national. Dans ce secteur du globe, qui porte le nom d'Indo-Pacifique, les deux puissances mondiales actuelles - les États-Unis et la Chine - s'affrontent de manière de plus en plus explicite depuis trois décennies, précisément en raison de l'importance stratégique des mers qui entourent le continent asiatique, du Pacifique à l'océan Indien.

Étapes obligatoires

Dans ce contexte, et en regardant une carte de l'Asie, on s'aperçoit immédiatement qu'il existe des passages obligés entre les deux océans, qui sont devenus cruciaux précisément en raison de l'importance des volumes de trafic commercial qui y transitent.

Les routes maritimes qui circulent dans les deux sens entre l'océan Pacifique et l'océan Indien passent toutes essentiellement par trois "goulets d'étranglement" (choke points): le détroit de Malacca, entre la Malaisie et l'Indonésie, le détroit de la Sonde, entre les îles de Java et de Sumatra, et le détroit de Lombok, entre l'île qui lui a donné son nom et Bali.

Le détroit de Malacca présente également une morphologie particulière qui restreint le passage des plus grands navires : sa profondeur minimale, dans certaines zones où le bras de mer est particulièrement étroit, est de 25 mètres, de sorte que les navires dont les dimensions dépassent une longueur de 470 mètres, une largeur de 60 et un tirant d'eau de 20 (limites définies comme Malaccamax), doivent nécessairement emprunter l'un des deux autres détroits.

Plus de la moitié du tonnage annuel de l'ensemble de la flotte marchande mondiale passe par ces trois points d'étranglement, la majeure partie se poursuivant dans la mer de Chine méridionale. Le trafic de pétroliers dans le détroit de Malacca est plus de trois fois supérieur à celui du canal de Suez et bien plus de cinq fois supérieur à celui du canal de Panama. La quasi-totalité des navires empruntant les détroits de Malacca et de la Sonde doivent passer près des célèbres îles Spratly, occupées par la Chine et revendiquées par d'autres États riverains.

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En l'occurrence, près d'un tiers du commerce maritime mondial transite chaque année par la mer de Chine méridionale, pour une valeur totale d'environ 4.000 milliards de dollars (2016 : 3.400 milliards). Huit des dix ports à conteneurs les plus fréquentés du monde sont situés dans la région Asie-Pacifique. Plus d'un tiers des expéditions mondiales de pétrole (environ 35 %) transitent par l'océan Indien vers le Pacifique, en grande partie à destination d'une Chine de plus en plus avide d'énergie. Parmi ces expéditions, plus de 90 % qui ont traversé la mer de Chine méridionale sont passées par le détroit de Malacca, la route maritime la plus courte entre les fournisseurs d'Afrique et du golfe Persique et les marchés d'Asie, ce qui en fait l'un des principaux points d'étranglement du pétrole dans le monde. La Chine, dont 80 % des importations de pétrole transitent par la mer de Chine méridionale, n'est pas la seule à dépendre de ce détroit: environ deux tiers des approvisionnements énergétiques de la Corée du Sud et près de 60 % de ceux du Japon et de Taïwan passent par cette portion de mer contestée.

Pétrole, gaz et pêche

Outre le pétrole en transit, il existe d'importantes réserves d'hydrocarbures dans toute la région de l'Asie du Sud-Est, qui sont en cours d'évaluation et d'exploitation. L'USGS, l'institut géologique des États-Unis, a calculé dans un rapport de 2020 que dans la zone, entre les gisements offshore et onshore, il existe des ressources techniquement récupérables de 10,5 milliards de barils de pétrole et de 7 700 milliards de mètres cubes de gaz répartis dans 33 provinces géologiques identifiées par la recherche exploratoire. À titre de comparaison, selon l'USGS, les réserves d'hydrocarbures récupérables dans la partie extérieure du plateau continental et sur le talus continental du Golfe du Mexique, l'une des zones les plus productives du monde, ont été estimées à environ 2,98 milliards de barils de pétrole et 1.100 milliards de mètres cubes de gaz.

Toute la zone, notamment les mers situées au nord des détroits considérés ici, est particulièrement riche en poissons et largement exploitée de ce point de vue par les nations côtières, mais pas seulement.

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En particulier, la mer de Chine méridionale est à nouveau au centre de l'attention. Il s'agit d'une zone particulièrement riche en vie marine en raison d'une heureuse combinaison de facteurs environnementaux et géographiques: l'important débit d'eaux chargées en nutriments en provenance de la terre et la remontée d'eaux profondes dans certaines zones de la mer contribuent à cette abondance. Selon des études réalisées par le ministère philippin de l'environnement et des ressources naturelles, la mer de Chine méridionale abrite un tiers de la biodiversité marine mondiale et fournit environ dix pour cent des prises mondiales. Selon certaines estimations, ces réserves de vie marine souffrent: 40 % des stocks se sont effondrés ou sont surexploités, tandis que 70 % des récifs coralliens sont gravement appauvris. La surpêche et les pratiques destructrices, comme l'utilisation de la dynamite et du cyanure, contribuent principalement à cet épuisement.

Bien que les réserves d'hydrocarbures méritent l'attention dans l'équilibre stratégique global de la zone, les différends sur les droits de pêche sont également apparus ces dernières années comme un facteur supplémentaire du conflit. En effet, l'épuisement des stocks de poissons a conduit à des affrontements par le passé, et les interdictions annuelles de pêche imposées par la Chine, sous couvert de protection de l'environnement, sont considérées comme un moyen supplémentaire de revendiquer la souveraineté sur ces eaux contestées. La mer de Chine méridionale est en effet parcourue par des dizaines de milliers de bateaux de pêche : la Chine a envoyé à elle seule 23.000 bateaux de pêche en août 2012 après la levée de l'interdiction annuelle, et Pékin, pour pallier l'épuisement de cette ressource, a commencé à déployer sa flotte de pêche dans les mers les plus lointaines, allant par exemple jusqu'à l'archipel des Galápagos.

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La pêche pourrait donc devenir le casus belli d'un éventuel conflit futur, la concurrence s'étant accrue entre des pays à plus forte vocation comme le Vietnam, les Philippines et, bien sûr, la Chine. Cette concurrence a augmenté la fréquence et l'intensité des affrontements entre navires de pêche ces dernières années, à tel point que, dans la mer de Chine méridionale elle-même, on trouve des navires de pêche armés dans les flottes vietnamienne et chinoise, ainsi qu'un nombre croissant de "patrouilles" effectuées par des cotres de la garde côtière de Pékin, qui ont toute l'apparence de l'intimidation.

Le poisson représente 22 % des apports en protéines de la région, contre une moyenne mondiale de 16 %, et la plupart des populations côtières de Chine, du Viêt Nam et des Philippines dépendent exclusivement de la pêche pour leur subsistance. La pêche peut donc être considérée comme une activité stratégique et est perçue à juste titre comme faisant partie de l'activité expansionniste de la Chine. En fait, les flottes de pêche sont utilisées à des fins géopolitiques dans le cadre de la tactique chinoise consistant à "pêcher, protéger, contester et occuper" afin d'affirmer sa souveraineté sur la mer de Chine méridionale, ainsi que pour l'exploration pétrolière et gazière offshore par des navires d'étude géologique.

Pour mieux comprendre l'ampleur du problème, il convient de rappeler que les données de 2015 estimaient que plus de la moitié des navires de pêche du monde opéraient dans ces eaux.

Minéraux précieux

Une ressource vitale pour l'économie mondiale mais qui reste à estimer dans les eaux entourant les détroits étudiés, notamment la mer de Chine méridionale, est celle des terres rares, éléments chimiques grâce auxquels les technologies modernes sont devenues essentielles et dont la gestion, de l'extraction à la transformation, est essentiellement détenue par la Chine, ce qui en fait un véritable monopole. Récemment, en 2018, une étude géologique offshore japonaise a identifié des réserves de ces éléments au fond de l'océan de la zone d'exclusivité économique japonaise au sud-est de l'archipel, perturbant la relative tranquillité de la Chine quant à la commercialisation de ces éléments, qui sont également utilisés par Pékin comme un outil de pression diplomatique le cas échéant.

Selon l'article scientifique publié dans Nature, il y aurait suffisamment d'yttrium pour répondre à la demande mondiale pendant 780 ans, de dysprosium pour 730, d'europium pour 620 et de terbium pour 420.

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Le réservoir est situé au large de l'île de Minamitori, à environ 1850 kilomètres au sud-est de Tokyo. Étant donné qu'ils sont contenus dans la "boue" des fonds marins, c'est-à-dire dans des sédiments plus ou moins superficiels, il serait intéressant de les rechercher dans les mêmes gisements situés ailleurs dans les mers du Pacifique occidental et de l'océan Indien, et il n'est pas exclu que les campagnes de recherche océanographique menées par les navires chinois à l'aide d'UUV (Unmanned Underwater Vehicles) dans ces eaux, outre l'affirmation de leur souveraineté dans certains secteurs déjà connus, visent également à trouver ces ressources minérales fondamentales.

Le "dilemme de Malacca" chinois

Des goulots d'étranglement et des mers qui, pour les raisons énumérées ci-dessus, sont fondamentaux pour l'économie mondiale et encore plus pour la Chine. Le commerce maritime étant devenu un élément de plus en plus important de l'économie moderne de la Chine, des inquiétudes se font jour à Pékin quant à la sécurité des routes maritimes vitales qui passent par les détroits examinés dans le cadre de cette discussion.

Hu Jintao a été le premier à souligner les dangers d'une économie étroitement dépendante de l'accès aux mers par lesquelles transitent la plupart des ressources énergétiques et non énergétiques dont la Chine a besoin pour sa prospérité. Il est à l'origine de la formulation du "dilemme de Malacca" fin 2003, qui décrit le problème des routes maritimes cruciales pour le commerce chinois et, en particulier, celle passant par le détroit de Malacca, qui peut facilement faire l'objet d'une interdiction par un autre État.

La tentation de résoudre unilatéralement la question et d'éviter qu'une puissance mondiale comme les États-Unis, assistés de leurs alliés, puisse fermer le détroit par des mécanismes de déni de mer a été la force motrice qui a conduit la Chine à moderniser ses forces navales et à les accroître numériquement. Cependant, il reste dans l'intérêt de Pékin de travailler avec les États côtiers et les autres grandes puissances pour assurer une plus grande sécurité dans la région de Malacca, même en cherchant des approches parallèles à la force militaire mais quelque peu controversées, comme la proposition de "découpage" de la péninsule de Kra pour avoir un canal artificiel qui, en plus de raccourcir la route à travers le détroit de Malacca, sera sous contrôle chinois.

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Si d'un point de vue strictement énergétique, la campagne d'exploration massive en cours dans les eaux de la mer de Chine méridionale, subventionnée par des investissements à hauteur de 20 milliards de dollars par la China National Offshore Oil Corporation, pourrait rassurer le Politburo, qui serait ainsi moins dépendant des hydrocarbures en provenance du golfe Persique et du Moyen-Orient, le "dilemme de Malacca" continue, dans son sens le plus général, à troubler le sommeil des dirigeants du PCC.

Pékin sait, en effet, que la marine américaine pourrait, si nécessaire, interrompre les lignes maritimes entre les océans Pacifique et Indien en bloquant les détroits, et nous avons vu qu'un volume très important de trafic commercial et la quasi-totalité du trafic de la Chine passent par ces points d'étranglement. Les États-Unis pourraient donc facilement - également grâce à des alliés comme le Japon, l'Australie, les Philippines et la Corée du Sud - étrangler l'économie chinoise par un blocus naval, car ils disposent non seulement d'une flotte capable d'exprimer au mieux le concept de projection de force, mais bénéficient aussi de bases à l'étranger avec des chantiers navals et des travailleurs qui garantiraient le soutien logistique et la maintenance nécessaire à une opération de ce type, qui durerait longtemps.

Malacca, la Sonde et Lombok, pour toutes ces raisons, représentent trois détroits qui n'ont pas seulement de la valeur d'un point de vue commercial, mais qui ont aussi une profonde importance stratégique dans un monde qui passe de la condition d'unipolarité née après la dissolution de l'URSS et du système soviétique à celle de multipolarité résultant de la naissance de nouvelles puissances qui aspirent à avoir une influence globale et pas seulement d'un point de vue économique.

Paolo Mauri

samedi, 08 janvier 2022

Les dix conflits à surveiller en 2022

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Les dix conflits à surveiller en 2022

Mauro Indelicato

Source: https://it.insideover.com/guerra/i-dieci-conflitti-da-monitorare-nel-2022.html

La nouvelle année fait ressurgir de vieux conflits. Avec la nouvelle année qui commence, la politique internationale doit s'accommoder des modèles politiques et militaires hérités de 2021. Au cours des 12 prochains mois, il y aura au moins dix situations très chaudes à surveiller. Pas seulement des guerres au sens strict du terme, mais aussi des confrontations plus ou moins directes concernant la domination d'une certaine zone ou des questions de sécurité nationale. Voici les principaux conflits que le monde de 2022 devra observer.

1. Tensions entre les États-Unis et la Chine

Le principal bras de fer de l'année qui vient de commencer pourrait une fois de plus opposer Washington et Pékin. Il existe de nombreux nœuds dans les relations entre les deux puissances. Le principal défi, pour l'instant plus politique que militaire, se situe dans le Pacifique. 2021 est l'année de l'accord Aukus entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Un pacte dont l'intention évidente est de créer une alliance capable de dissuader les visées chinoises dans la région. L'année 2022 pourrait amener le point culminant de l'affrontement directement à Taïwan, où la présence de troupes américaines a déjà été signalée ces derniers mois et où, de leur côté, les Chinois ont effectué de nombreuses manœuvres de survol de l'espace aérien. Taïwan, l'île revendiquée par Pékin, est également un carrefour économique important. Elle produit la plus grande part des puces sur le marché international, et à une époque comme la nôtre, marquée par une pénurie de puces et de semi-conducteurs, l'influence de l'île est utile à toutes les grandes puissances du secteur.

2. L'Ukraine et la guerre du Donbass

Pour les mois à venir, il est très important de surveiller ce qui se passera dans le Donbass, la région pro-russe de l'est de l'Ukraine qui est en guerre avec le gouvernement de Kiev depuis 2014. L'année qui vient de s'achever a été marquée par une nette escalade. L'armée ukrainienne a capturé un certain nombre d'emplacements dans les zones tampons établies dans le cadre des accords de Minsk de 2014. De son côté, Moscou a donné le feu vert au déploiement de centaines de troupes le long de la frontière. En décembre, après un appel téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Joe Biden, une phase de détente a débuté. Cependant, la possibilité d'un conflit direct entre Moscou et Kiev reste très forte. Les intérêts en jeu sont multiples. L'éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, et donc la possibilité d'une expansion malvenue de l'Alliance atlantique vers l'est, est le premier spectre qui plane sur le conflit. L'impression, indépendamment de la recrudescence des combats, est que le bras de fer entre les parties est destiné à durer encore longtemps.

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3. L'Afghanistan et le retour du terrorisme

En 2021, mis à part Covid, l'événement le plus marquant a été l'entrée des talibans à Kaboul et le retrait américain d'Afghanistan. En août, après exactement 20 ans, les étudiants coraniques ont repris le pouvoir. De cette façon, le groupe fondamentaliste a effectivement gagné une guerre qui a commencé immédiatement après le 11 septembre 2001. Cependant, le conflit afghan n'est pas terminé. Bien que les Talibans soient de nouveau au pouvoir, ils sont confrontés à un certain nombre de problèmes qui pourraient déstabiliser le pays dans les mois à venir. À commencer par une crise économique générée par le gel des réserves de change de l'ancien gouvernement afghan, une circonstance qui empêche le mouvement de relancer le commerce et de payer les salaires. Ensuite, il y a la question de la présence d'Isis. La cellule afghane du groupe a déjà organisé plusieurs attaques depuis le mois d'août et toute détérioration de la sécurité est susceptible d'affaiblir davantage les talibans. Le blocus économique et l'alerte terroriste sont deux éléments susceptibles d'accélérer une éventuelle déstabilisation de l'Afghanistan.

4. Kazakhstan et Asie centrale

La crise kazakhe représente peut-être le seul véritable front ouvert en cette nouvelle année. En réalité, les causes des émeutes qui ont débuté le 4 janvier dans ce pays d'Asie centrale remontent aux années précédentes. La violence des protestations et le ton général d'émeute observé à Almaty, la plus grande ville et ancienne capitale, ont pris les autorités par surprise. La réponse du gouvernement pourrait d'une part ramener la situation à la normale, mais d'autre part, elle pourrait conduire à un affrontement encore plus violent entre les autorités elles-mêmes et les groupes rebelles. Ces derniers, grâce aussi au pillage des casernes et des postes de police, disposent d'armes et de munitions. Toute instabilité au Kazakhstan aurait des répercussions importantes pour plusieurs raisons. Premièrement, il s'agirait d'une nouvelle épine dans le pied de la Russie dans l'ancien espace soviétique. Deuxièmement, elle pourrait également attirer une déstabilisation supplémentaire dans les pays voisins. La zone de l'Asie centrale, il est bon de le rappeler, est stratégique et délicate, également du point de vue géographique, dans la perspective de la confrontation entre les États-Unis d'un côté et la Russie et la Chine de l'autre.

5. Instabilité en Libye

2021 était censé être une année électorale en Libye. Cependant, les consultations n'ont pas eu lieu et l'échec du processus électoral pourrait être le prologue à une nouvelle phase d'instabilité. Malgré les ambitions de l'ONU d'organiser des élections présidentielles, le pays d'Afrique du Nord reste très fragmenté, tant sur le plan politique que militaire. Depuis mars dernier, il existe un gouvernement d'unité nationale, mais dans le même temps, la configuration institutionnelle actuelle n'est pas claire et le contrôle réel du territoire est confié à des milices de toutes sortes. En outre, les mercenaires étrangers sont encore très présents en Libye, notamment ceux liés à la Turquie à l'ouest et à la Russie à l'est. Plus de dix ans après la mort de Mouammar Kadhafi, le pays n'a pas retrouvé sa stabilité et la possibilité d'une reprise de la guerre à grande échelle n'est pas si éloignée. Compte tenu de l'importance stratégique de la Libye, le conflit au sein de ce pays est l'un des plus importants à surveiller en 2022.

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6. La guerre au Tigré, en Éthiopie

Parmi les fronts les plus chauds, c'est peut-être celui que la communauté internationale a le moins abordé. Pourtant, il y a une guerre, qui entre fin 2020 et 2021 a fait des milliers de morts et fait trembler Addis-Abeba. Le conflit en Éthiopie, qui oppose les forces gouvernementales à celles liées aux Tigréens du TPLF dans la région septentrionale du Tigré, a généré de l'instabilité dans la plus grande économie de la Corne de l'Afrique et provoqué un changement politique dans le pays le plus important de la région. En particulier, depuis que la guerre est entrée dans sa phase la plus délicate, le gouvernement éthiopien s'est appuyé sur la Chine et la Turquie et a ainsi diversifié ses alliances après des années de proximité avec les États-Unis. Depuis la fin du mois de décembre dernier, il n'y a plus de tirs, non pas en raison d'un cessez-le-feu mais en raison d'un équilibre atteint qui satisfait les deux forces sur le terrain. Le gouvernement a récupéré tous les territoires perdus au cours des mois précédents, les Tigréens ont conservé le contrôle de la capitale Makallè. En 2022, cependant, l'impasse pourrait être brisée et la guerre pourrait alors entrer à nouveau dans une phase aiguë avec des résultats imprévisibles pour la stabilité de la région.

7. Le conflit sans fin en Syrie

La Syrie est peu évoquée dans les circuits médiatiques, mais la guerre est toujours bien présente et capable à tout moment de créer quelques maux de tête internationaux. Le gouvernement de Bashar Al Assad, soutenu par la Russie, a depuis longtemps repris le contrôle de toutes les villes principales. Cependant, la province d'Idlib, aux mains des forces extrémistes et pro-turques, est toujours  en dehors du contrôle du gouvernement. Pour cette raison, le conflit impliquera toujours un dialogue intense entre Moscou et Ankara et l'équilibre futur dépendra de la confrontation entre Poutine et Erdogan. La question kurde est également en jeu. Les milices kurdes contrôlent l'est de la Syrie et sont dans le collimateur d'une Turquie toujours prête à entrer en territoire syrien pour débusquer ceux qu'elle considère comme ses ennemis. Une recrudescence du conflit entre Idlib et les zones aux mains des Kurdes impliquerait donc la Russie et la Turquie, mais aussi les États-Unis qui sont toujours présents dans les zones pétrolières le long de l'Euphrate. La Syrie est en fait une partie d'échecs permanente entre les différentes puissances ayant des intérêts dans la région.

8. Iran - États-Unis et négociations nucléaires

Des pourparlers sont en cours à Vienne pour parvenir à un éventuel nouvel accord sur la question du nucléaire iranien. Cinq ans après le premier accord et quatre ans après la décision de Donald Trump de rompre cet accord, Téhéran et Washington tentent à nouveau la voie du dialogue. Mais le bras de fer entre les deux parties devrait rester l'un des sujets les plus chauds de 2022. Les projets de raid américain sur le territoire iranien n'ont jamais été complètement abandonnés. En Irak, en revanche, deux ans après le bombardement américain qui a tué le général Qasem Soleimani, les forces américaines auraient déjoué au moins six attaques contre leurs propres cibles commandées par des milices chiites liées à Téhéran. Derrière l'affrontement entre les Iraniens et les Américains, l'ombre israélienne est bien présente. L'État juif s'inquiète des programmes d'enrichissement d'uranium de la République islamique et a frappé à plusieurs reprises des cibles iraniennes en Syrie fin 2021.

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9. La guerre oubliée au Yémen

L'Iran est également impliqué dans un bras de fer avec ses rivaux régionaux, l'Arabie saoudite. L'un des principaux théâtres de cette confrontation est le Yémen. La guerre au Yémen dure depuis 2015, lorsque Riyad a donné l'ordre d'attaquer les milices Houthi, liées à l'Iran qui furent capables de conquérir la capitale yéménite Sanaa l'année précédente. Depuis lors, le conflit n'a jamais cessé et a provoqué de graves répercussions humanitaires. Pour les Saoudiens, la guerre s'est avérée désastreuse. La coalition dirigée par les Saoudiens s'est en partie effondrée et n'a pas réussi à atteindre ses objectifs politiques et militaires. Le conflit s'est accéléré dans les dernières semaines de 2021 avec les avancées de Houti à Marib et dans la ville portuaire de Hodeida. Une nouvelle augmentation de l'intensité des combats est à prévoir en 2022. La guerre au Yémen est importante pour comprendre l'équilibre des forces dans la région du Moyen-Orient.

10. Israël-Palestine et les tensions non résolues

En 2022 également, la situation en Cisjordanie et à Gaza méritera l'attention. L'année dernière, la troisième intifada failli se déclencher et la bande de Gaza a connu des scènes de guerre suite à l'affrontement entre Israël et le Hamas. Tout a commencé par des protestations palestiniennes contre les expropriations ordonnées par le gouvernement israélien entre avril et mai dans la vieille ville de Jérusalem. Une fusée capable de déclencher la réaction aussi bien des Arabes israéliens, avec des scènes de guérilla également entre les villes où une minorité arabe bien visible est présente, que du Hamas. Le mouvement fondamentaliste a lancé de nombreuses roquettes, provoquant des incursions israéliennes dans la bande de Gaza. Des scénarios qui ne seront malheureusement pas si éloignés de la réalité en 2022. La tension dans la région est toujours très élevée.

jeudi, 06 janvier 2022

Le Kazakhstan: la nouvelle cible

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Le Kazakhstan: la nouvelle cible

Daniele Perra

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/obiettivo-kazakistan

Avant-propos
Avant de tirer des conclusions hâtives sur la nature des manifestations actuelles au Kazakhstan, il est nécessaire de développer une vision globale permettant de situer le pays dans un paysage géopolitique international de plus en plus complexe.

À cet égard, plusieurs facteurs méritent une attention particulière. En premier lieu, on ne peut éviter de souligner que la Russie et la Chine, surtout au cours des dix dernières années, ont développé des stratégies capables de contrebalancer (et, à certains égards, d'empêcher) la force propulsive des tentatives occidentales de réaliser les soi-disant "changements de régime". Les cas les plus évidents à cet égard sont l'endiguement des manifestations à Hong Kong (en ce qui concerne la Chine), la réponse russe au coup d'État atlantiste en Ukraine et la récente crise entre la Pologne et le Bélarus. Les deux derniers exemples en particulier ont fait " jurisprudence ". En ce qui concerne l'Ukraine, en 2014, la Russie est même allée jusqu'à utiliser le concept de "responsabilité de protéger" (la fameuse R2P largement exploitée par l'Occident en Serbie et en Libye) pour justifier l'annexion de la Crimée: en d'autres termes, elle a utilisé un instrument "occidental" pour mener à bien une action qui, en réalité, est en totale contradiction avec le positivisme normatif qui règne dans le droit international américano-centré. Il en va de même pour la récente crise migratoire à la frontière entre la Pologne et le Belarus (qui a également été au centre d'une tentative ratée de révolution colorée). Nous avons encore une fois assisté à l'utilisation d'une arme typiquement occidentale (le flux migratoire visant à déstabiliser la politique interne du pays qui le subit) contre un pays occidental (plus ou moins la même chose que ce qui est arrivé à l'Italie, mais perpétrée par des alliés supposés) qui a contribué à créer ces vagues migratoires grâce à sa participation active aux guerres d'agression des États-Unis et de l'OTAN (la Pologne faisait partie de la fameuse "coalition des volontaires" qui a attaqué l'Irak en 2003 avec la Grande-Bretagne, l'Australie et les États-Unis).

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Sur la même longueur d'onde, on peut interpréter l'attitude russe envers l'Arménie de l'ancien Premier ministre pro-occidental Nikol Pashynian. Ce dernier, arrivé au pouvoir à la suite d'un exemple typique de "révolution colorée", après n'avoir rien fait pour éviter un nouveau conflit avec l'Azerbaïdjan, a naturellement dû se heurter à la réalité d'un Occident peu intéressé par la santé du peuple arménien et beaucoup plus intéressé par la création du chaos aux frontières de la Russie. Une prise de conscience qui l'a inévitablement conduit à chercher une solution du côté russe pour assurer sa propre survie et celle de l'Arménie elle-même.

Deuxièmement, il est nécessaire de garder à l'esprit que la pénétration occidentale (en particulier nord-américaine) en Asie centrale est ancienne. Sans s'embarrasser de la doctrine de "l'arc de crise" de Brzezinski et de ses associés, avec ses suites terroristes, il suffit dans ce cas de rappeler la formule C5+1 (les anciennes républiques soviétiques plus les États-Unis) inaugurée sous l'administration Obama et renforcée sous la présidence Trump. L'objectif de cette formule était (et est toujours) de favoriser la pénétration américaine dans la région, notamment en termes de "soft power" et de services de renseignement, afin de contrer le projet chinois de la nouvelle route de la soie. À cet égard, il ne faut pas négliger le fait que Washington n'a jamais cessé de rêver à la rupture de l'axe stratégique Moscou-Pékin. Et il n'est pas si improbable que ce soit précisément le Kazakhstan (un pays dans lequel la pénétration nord-américaine est plus forte qu'ailleurs) qui ait été chargé de cette tâche (ce que l'on ne pourra commencer à évaluer que dans les prochains jours). On ne peut pas non plus exclure que la Russie et la Chine en soient parfaitement conscientes.

Pénétration nord-américaine du Kazakhstan

Le Kazakhstan entretient de solides relations diplomatiques et commerciales avec les États-Unis depuis son indépendance. Washington a été le premier à ouvrir un bureau de représentation diplomatique dans l'ancienne République soviétique après son indépendance et Nursultan Nazarbayev a été le premier président d'un État d'Asie centrale à se rendre aux États-Unis. En fait, le Kazakhstan a cherché à mettre en œuvre une stratégie d'équilibre substantiel entre les puissances eurasiennes voisines (Russie et Chine) et la puissance mondiale hégémonique (les États-Unis). Si cette tentative d'équilibrage géopolitique (d'équilibre multi-vecteurs entre les puissances) a porté ses fruits dans les deux premières décennies de la vie de la République, il n'en va pas de même à partir du moment où la compétition entre l'Occident et l'Eurasie (malgré les efforts de la Chine pour échapper au "piège de Thucydide") s'est davantage aggravée. En effet, une telle stratégie (dont nous sommes peut-être en train d'observer les résultats), dans un contexte international où la crise permanente est devenue une normalité (due également à l'anxiété stratégique de la puissance hégémonique qui sent sa primauté remise en cause), devient particulièrement problématique. Et avec cela, le risque d'être englouti dans les mécanismes d'une nouvelle guerre froide devient de plus en plus élevé.

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Il est bon de souligner que le pays reste l'un des principaux alliés de la Russie et de la Chine. Il est fermement ancré dans l'Union économique eurasienne et l'Organisation du traité de sécurité collective (ces deux institutions, pourrait-on dire, n'auraient aucun sens sans le Kazakhstan). En même temps, elle fait partie intégrante de l'Organisation de coopération de Shanghai et joue un rôle central dans le projet chinois d'interconnexion eurasienne de la nouvelle route de la soie.

Cela n'a pas empêché le pays de développer davantage ses liens étroits avec Washington. À une époque où de nombreux pays d'Asie centrale se sont désintéressés des États-Unis (considérés comme n'étant plus indispensables pour contrebalancer l'influence russe et chinoise), leur préférant la Turquie pour des raisons d'affinités culturelles, le Kazakhstan est resté accroché aux États-Unis. Sa relation avec Washington, contrairement à ses voisins immédiats, n'était en aucun cas associée à la présence américaine en Afghanistan. Les entreprises américaines gèrent toujours une grande partie de la production pétrolière du Kazakhstan, qui représente 44 % des recettes de l'État. Plus précisément, 30 % du pétrole du Kazakhstan est extrait par des sociétés nord-américaines, contre 17 % par les sociétés chinoises CNPC, Sinopec et CITIC et 3 % par la société russe Lukoil.

En 2020, les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Kazakhstan se sont élevés à environ 2 milliards de dollars. Il s'agit d'un chiffre plutôt faible si on le compare aux 21,4 milliards de dollars d'échanges avec la Chine (qui a ouvert son énorme marché intérieur aux produits agricoles kazakhs) et aux 19 milliards de la Russie (où l'industrie de l'armement joue un rôle majeur). Toutefois, les 2 milliards d'échanges avec les États-Unis sont presque trois fois plus élevés que les 600 millions d'échanges totaux avec les autres pays d'Asie centrale [1].

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En outre, depuis 2003, le Kazakhstan organise chaque année des exercices militaires conjoints avec l'OTAN. En outre, de 2004 à 2019, les États-Unis ont vendu au Kazakhstan des armes pour une valeur totale de 43 millions de dollars (un chiffre qui n'est pas particulièrement élevé, mais qui indique bien que le Kazakhstan a toujours essayé de créer des canaux alternatifs aux fournitures russes).

Il n'est donc pas surprenant que la rhétorique officielle de la République et de ses principaux médias soit totalement dépourvue des invectives anti-occidentales qui caractérisent les autres pays de la région. L'actuel président Kassym-Jomart Tokayev (un sinologue diplômé de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou), par exemple, n'a jamais pris parti pour Moscou sur les questions internationales, essayant toujours de maintenir une vague neutralité. Et tant Moscou que Pékin n'ont pas manqué de critiquer le Kazakhstan lorsque le pays a permis aux États-Unis de rouvrir et de poursuivre le développement de certains laboratoires biologiques de l'ère soviétique. En particulier, de nombreux doutes ont été émis quant aux réelles activités nord-américaines dans les laboratoires d'Almaty et d'Otar (près des frontières avec la Russie et la Chine). L'accusation (même pas trop voilée) est que des armes biologiques sont développées dans ces sites. Cette accusation ne semble pas si infondée si l'on considère que les États-Unis disposent de laboratoires similaires dans 25 pays. Ces laboratoires sont financés par la Defence Threat Reduction Agency (DTRA), dont les gestionnaires des programmes militaires sont des entreprises privées qui ne sont pas directement responsables devant le Congrès américain. Et c'est précisément dans ces laboratoires que les expériences sur les coronavirus ont eu lieu (et ont encore lieu) [2].

Les protestations

Qu'est-ce qui a motivé les protestations de ces derniers jours ? Tout d'abord, il est nécessaire de garder à l'esprit que ce n'est pas la première fois que de telles manifestations ont lieu au Kazakhstan. En 2011, par exemple, 14 travailleurs de l'industrie pétrolière ont été tués à Zhanaozen lors d'une manifestation contre les conditions de travail difficiles et les bas salaires.

Il n'est pas surprenant que les manifestations de ces derniers jours aient commencé plus ou moins dans la même région, non seulement en raison de l'augmentation exponentielle du prix du carburant, mais aussi des licenciements massifs mis en œuvre par la gestion "occidentale" de l'industrie pétrolière et de la politique économique fondée sur des modèles néolibéraux. Les travailleurs protestataires sont principalement issus de la société Tenghizchevroil (50% Chevron, 25% ExxonMobil et 20% KazMunayGas). L'une des raisons de cette protestation est le fait que 70 % de la production pétrolière kazakhe est destinée à l'Occident.

Cela devrait, du moins en théorie, démontrer le caractère essentiellement spontané des premières manifestations. A première vue, il ne semble pas possible de parler d'une réponse occidentale (au cœur de l'Eurasie) aux avancées diplomatiques chinoises en Amérique latine. Cela n'exclut toutefois pas que les manifestations puissent être utilisées pour créer le chaos et déstabiliser le pays (une possibilité non négligeable si l'on considère le réseau dense d'organisations occidentales présentes, le rôle néfaste de la "cinquième colonne" d'oligarques pro-occidentaux et l'intérêt croissant de certaines agences de presse pour ce qui se passe en ces heures), peut-être même en exploitant les tensions potentielles entre les différentes communautés ethniques qui composent la population kazakhe.

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En conclusion, ce que les dirigeants politiques de nombreux pays de l'ex-Union soviétique (et de l'ancien bloc socialiste) n'ont pas encore compris, c'est que tenter de devenir amis avec l'Occident n'est pas en soi une garantie de survie politique. L'Ukraine, par exemple, est un État en déliquescence que l'OTAN cherche à exploiter comme champ de bataille (fourrage à abattre en cas d'agression contre la Russie). La Pologne doit sa "bonne fortune" à sa situation géographique entre la Russie et l'Allemagne, etc. Sans parler des innombrables cas dans lesquels les États-Unis se sont acharnés sur leurs anciens alliés et leurs outils géopolitiques extemporanés : de Noriega à Saddam, en passant par Ben Laden et Al-Qaïda.

Dans ce contexte, le rôle de la Russie et de la Chine sera à nouveau d'empêcher le chaos: d'empêcher la déstabilisation du Kazakhstan et d'éviter que cela n'affecte le processus d'interconnexion de l'Eurasie.

Source première: https://www.eurasia-rivista.com/obiettivo-kazakistan/

NOTES
[1] T. Umarov, Can Russia and China edge the United States out of Kazakhstan, www.carnagiemoscow.org.

[2] Voir The Pentagon Bio-weapons, www.dylana.bg.

mardi, 28 décembre 2021

Un nouvel axe géopolitique en devenir ? Arabie Saoudite - Iran - Pakistan - Chine

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Un nouvel axe géopolitique en devenir? Arabie Saoudite - Iran - Pakistan - Chine

par Peter Logghe

Source: Nieuwsbrief Knooppunt Delta - Nr. 164 - December 2021
 
Le programme nucléaire iranien a régulièrement fait la une de la presse par le passé ; le fait que les États-Unis soient à couteaux tirés avec l'Iran y est probablement pour beaucoup. La politique nucléaire saoudienne est beaucoup plus discrète. En 2008, les États-Unis et l'Arabie saoudite ont signé un accord sur l'utilisation non militaire de l'énergie nucléaire produite par l'Arabie saoudite. En novembre 2021, l'Arabie saoudite a annoncé qu'elle allait bientôt annoncer qui sera en charge du programme nucléaire, avec 4 candidats restants.

L'énergie nucléaire et l'Arabie saoudite continuent de provoquer des troubles, mais pas dans le monde occidental. En 2003, il y a déjà eu un tollé dans la région lorsqu'il est apparu que le royaume saoudien voulait fabriquer la bombe atomique. En 1988, les Saoudiens ont acheté aux Chinois des missiles qui peuvent atteindre n'importe quelle cible au Moyen-Orient. Et en 1984, une équipe militaire saoudienne, dont faisait partie le prince Sultan, alors ministre de la défense, a été reçue au Pakistan où elle a visité les installations nucléaires en compagnie de Nawaz Sharif, alors Premier ministre du Pakistan. Le scientifique pakistanais, Abdul Qadeer Khan, père spirituel de la bombe atomique pakistanaise, a fourni au prince saoudien des informations sur l'énergie nucléaire et la bombe atomique. En 2012, le Pakistan et l'Arabie saoudite ont signé un accord de coopération mutuelle sur l'énergie nucléaire.

La question a longtemps été minimisée par les États-Unis : l'Arabie saoudite n'a-t-elle pas été un allié privilégié des États-Unis pendant des décennies ? Les relations entre les États-Unis et l'Arabie saoudite semblent se détériorer sous l'influence de la nouvelle politique étrangère "idéaliste" de Biden. Le président John Biden a souligné que sa politique étrangère serait désormais déterminée par les droits de l'homme - même si ces droits sont interprétés de manière hypocrite par les États-Unis dans leurs relations avec certains pays comme la Colombie et le Maroc.

La politique étrangère "idéaliste" crée des tensions entre les États-Unis et l'Arabie saoudite. Par exemple, les rebelles houthis au Yémen (qui luttent contre le régime légal yéménite, soutenu par l'Arabie saoudite) ne sont plus considérés comme des terroristes par les États-Unis. Les États-Unis ont également annulé un contrat de vente d'armes à l'Arabie saoudite. 
 
La Chine exploite toutes les failles laissées par l'Occident

Le programme nucléaire saoudien a été lancé en 2018 avec le soutien de la Chine. Israël et les États-Unis ne sont pas à l'aise avec cela. Pékin a aidé à mettre en place une usine saoudienne pour extraire le yellowcake des minerais d'uranium. Se pourrait-il que Riad penche de plus en plus vers de bonnes relations diplomatiques avec Pékin plutôt que de poursuivre ses relations avec les États-Unis ?

Si ce scénario se vérifie, les autorités pakistanaises pourraient bien être la passerelle vers de nouvelles relations sino-saoudiennes élargies. Ce n'est peut-être pas sans importance que le royaume saoudien a décidé, début octobre, d'offrir au Pakistan - qui connaît de graves difficultés économiques - une enveloppe financière de 4,2 milliards de dollars.

Il n'est pas surprenant que des rumeurs fassent état d'un nouvel axe Chine-Arabie saoudite-Pakistan, dont la plaque tournante serait le port de Gwadar au Pakistan, sur les rives de la mer d'Oman. Islamabad a cédé le contrôle du port à une entreprise d'État chinoise en 2013. Le port revêt une importance stratégique pour la Chine, car plus de la moitié du pétrole importé par la Chine provient de la région du Golfe et passe par le détroit d'Ormuz, situé à 650 kilomètres à peine de Gwadar. Gwadar est l'un des principaux points économiques de la route chinoise "One Belt One Road"


Lors de sa visite au Pakistan au mois de février 2021, le prince saoudien Sultan a annoncé que le royaume allait investir dans la raffinerie de pétrole de Gwadar. La Chine et l'Arabie saoudite ont de lourds intérêts géoéconomiques dans les infrastructures pakistanaises.

À la lumière du partenariat entre la Chine, le Pakistan et l'Arabie saoudite, le partenariat entre la Chine et l'Iran revient également sur le devant de la scène. La Chine pourrait jouer le rôle de médiateur afin d'accélérer l'amélioration des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran.  Après tout, l'Arabie saoudite, qui est actuellement plutôt isolée sur le plan géopolitique, a besoin de nouveaux partenaires. Si le royaume saoudien parvient à optimiser ses relations avec la Chine et à mettre sur les rails ses relations avec l'Iran, alors les ambitions nucléaires de l'Arabie saoudite pourront également se concrétiser. En tout état de cause, elle ne favorisera pas le calme géopolitique au Moyen-Orient et en Asie centrale, mais elle modifie fondamentalement le cadre géopolitique de la région.
 
Peter Logghe

mardi, 30 novembre 2021

Pourquoi les États-Unis, la Chine et la Russie veulent s'emparer du Groenland

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Pourquoi les États-Unis, la Chine et la Russie veulent s'emparer du Groenland

Antonio Fernandez

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestrategia/35765-2021-10-31-12-06-59

En 1867, les États-Unis ont acheté l'Alaska à la Russie pour 7,2 millions de dollars. La soif de territoire émanant de Washington n'a pas cessé depuis. Il y a deux ans, le président Donald Trump a proposé au Danemark d'acheter le Groenland, la plus grande île du monde, de plus de 2 millions de kilomètres carrés, alors qu'elle ne compte que 60.000 habitants, pour la plupart des Inuits. La Chine et la Russie veulent également prendre le contrôle du Groenland dans une course qui rappelle la fièvre colonialiste de la fin du 19ème siècle.

Le Groenland est devenu un territoire contesté à la fois entre Pékin et Washington, dont l'offre d'achat lancée par Trump a été qualifiée d'"absurde" par le gouvernement danois. La région fait partie du Danemark, mais jouit d'une large autonomie depuis l'adoption d'un statut en 2009. Le Groenland n'appartient pas à l'Union européenne, mais ses relations diplomatiques et militaires, ainsi que la santé de son économie basée sur la pêche, dépendent de Copenhague.

Le potentiel de cette immense île se cache derrière le différend géopolitique actuel entre les grandes puissances. Le Groenland possède d'énormes richesses naturelles qui n'ont pas encore été exploitées, mais c'est sa situation géographique qui en fait un butin potentiel très alléchant. La recherche de nouvelles voies de communication à travers le pôle Nord a été alimentée ces dernières années par la fonte des océans, qui rend les distances de plus en plus courtes pour les États impliqués dans la lutte géostratégique, comme la Russie et la Chine. La fonte des glaces de l'Arctique facilite le transport entre l'Asie et l'Europe sans qu'il soit nécessaire de passer par des canaux tels que le canal de Suez ou de Panama, ce qui raccourcit les temps de transit de 15 jours. En termes simples, le secrétaire d'État à la marine américaine, Richard Spencer, a exprimé ce qui se passe dans cette partie de l'Arctique en disant que "toute cette maudite chose a fondu".

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Les experts estiment que près de 13 % des réserves mondiales de pétrole se trouvent sous la surface du Groenland, selon l'US Geological Survey, mais il n'est actuellement pas rentable de les extraire en raison des complexités techniques liées à l'exploitation de ce territoire au climat polaire et à la glace permanente. Le sous-sol contient également quelque 38,5 millions de tonnes de terres rares (néodyme, dysprosium, yttrium, ainsi que de l'uranium, du zinc et de l'or), dont l'exploitation est vitale pour la production de nouvelles technologies, domaine dans lequel la Chine devance les États-Unis dans l'extraction et la transformation de ces éléments.

Les États-Unis, qui disposent d'une base radar sur Thulé depuis 1941, ont récemment séduit les autorités de l'île avec un programme d'aide de 12,1 millions de dollars consacré à l'extraction de matières premières, au tourisme et à l'éducation. Les analystes considèrent essentiellement cette aide comme un moyen d'étendre la présence militaire américaine sur l'île et aussi comme un élément d'une stratégie visant à contrebalancer la présence russe et chinoise. En outre, la promesse d'argent frais a semé la division entre les autorités groenlandaises, favorables à un coup de pouce américain, et le Danemark, qui y voit une provocation.

La Chine souhaite également reproduire dans l'Arctique le succès de la route de la soie prévue pour l'océan Indien et la Méditerranée. Pour ce faire, elle doit conclure des accords avec les autorités régionales en échange de routes et d'infrastructures. Elle a déjà essayé avec l'Islande, lorsqu'elle a échoué dans sa tentative de construire un grand port qui n'a finalement pas été approuvé. Les entreprises chinoises sont présentes au Groenland depuis 2008.

La guerre des brise-glace

Mais l'acteur le plus puissant dans l'Arctique est sans aucun doute la Russie, qui, selon RT, a construit 10 stations polaires, 16 ports, 13 aérodromes et même 10 stations de défense aérienne. La Russie a sa propre stratégie globale pour l'Arctique et a créé il y a plusieurs années une structure militaire axée sur cette région, le "Commandement du Nord". Moscou a investi massivement dans la construction de sept bases dans l'océan Arctique, notamment dans la mer de Barents, à la frontière norvégienne. La Russie est également le pays qui possède le plus grand nombre de brise-glace pour aider les navires à naviguer dans ses eaux gelées. Ces grands navires sont essentiels car ils peuvent naviguer partout. Moscou en possède sept dotés de réacteurs nucléaires et 20 autres brise-glace conventionnels, contre deux aux États-Unis.

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Pour toutes ces raisons, l'amiral américain Paul Zukunft a conclu il y a longtemps que "nous ne jouons pas avec la Russie dans la même catégorie". Nous ne jouons même pas le jeu. Sur cet échiquier qu'est l'Arctique, les Russes nous ont mis échec et mat dès le départ", aurait-il déclaré dans le magazine Newsweek.

En 2008, les cinq pays possédant un territoire arctique (le Danemark, la Russie, les États-Unis, la Norvège et le Canada) ont signé la déclaration dite d'Ilulissat, dans laquelle ils s'engagent à maintenir la paix et la stabilité dans la région tout en respectant les conventions des Nations unies visant à protéger la zone contre les conflits. L'inquiétude grandit face à l'accélération de la concurrence entre les grandes puissances pour obtenir une part du gâteau convoité.

Source : La Razón

jeudi, 25 novembre 2021

Révolution culturelle 2.0 : la lutte de la Chine contre la féminisation des hommes

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Révolution culturelle 2.0 : la lutte de la Chine contre la féminisation des hommes

Alexander Markovics

Si l'on observe la jeunesse allemande et européenne, on constate de nombreux développements inquiétants: la féminisation de l'homme est omniprésente, les soi-disant "pop stars" deviennent des modèles individuels pour les adolescents. De plus en plus de jeunes se perdent dans les mondes virtuels des jeux vidéo, animés par le rêve de devenir une star du "sport électronique" ou un youtubeur connu et de gagner ainsi beaucoup d'argent. Ce style de vie matérialiste est la réalité d'un nombre croissant de jeunes - si l'on en croit les médias et les politiques occidentaux, il n'y a même pas d'alternative et fait partie d'un "développement individuel sain". Mais la Chine prouve qu'il existe aussi une alternative.

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Après que le parti communiste local a tenu en laisse le géant de la technologie Ali Baba (dont l'importance en République populaire est comparable à celle de Google en Occident), voici la prochaine étape de la révolution culturelle 2.0 : le président Xi Jinping appelle au rajeunissement national. Les influences d'une culture pop dégénérée venue du Japon et de la Corée du Sud, qui propage surtout des hommes dégingandés et efféminés comme modèles, sont une épine dans le pied des dirigeants communistes. Ceux-ci doivent désormais être bannis de la télévision, tout comme le culte des "célébrités vulgaires d'Internet" (comparable au blogueur allemand Rezo).

Parallèlement, le parti met un terme à l'industrie des jeux vidéo et n'autorise les moins de 18 ans à ne jouer que trois heures par semaine. Outre la censure des contenus non patriotiques, le gouvernement tente ainsi de lutter contre le phénomène croissant de la dépendance aux jeux vidéo. Face à la menace croissante de l'Occident, récemment renforcée par la création de l'alliance militaire AUKUS entre les États-Unis, l'Australie et la Grande-Bretagne, Pékin mise sur le renforcement de sa propre culture dans cette guerre hybride, qui passe aussi de plus en plus par Internet et la culture pop.

Au lieu de la folie décadente du gendérisme, il faut promouvoir "la culture traditionnelle chinoise, révolutionnaire et progressiste-socialiste". Pékin a donc compris l'avertissement de la Russie, où l'analyste Leonid Savin, entre autres, a attiré l'attention sur ce phénomène, à savoir que la guerre contre les peuples libres de ce monde est également menée par le biais des médias, dont font partie Internet et les jeux vidéo. Par conséquent, la Chine veut protéger sa jeunesse des influences néfastes de l'Occident, non pas parce qu'elle veut asservir ses peuples, mais parce que l'Empire du Milieu a compris que sa souveraineté ne peut pas être défendue par des mauviettes efféminées, des matérialistes uniquement préoccupés par leur solde bancaire, des narcissiques en quête de gloire et des homosexuels.

Pour cela, il est indispensable de combattre la "culture pop" occidentale partout où cela est possible, et ce de préférence par la promotion et la redécouverte de sa propre culture et de ses propres traditions. Celui qui se réfère à sa propre tradition dans la lutte contre le mondialisme peut l'emporter. Mais ceux qui misent sur la culture de la mondialisation ne peuvent que périr.

mardi, 16 novembre 2021

Carl Schmitt en Chine

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Carl Schmitt en Chine

Le livre de Jan-Werner Müller, A Dangerous Mind : Carl Schmitt in Post-War European Thought, en traduction chinoise.

par Flora Sapiová

Ex: https://deliandiver.org/2017/08/carl-schmitt-v-cine.html

Les idées de Carl Schmitt (1888-1985), connu sous le nom de "juriste de la couronne du Troisième Reich" (Kronjurist), jouissent d'une immense popularité auprès des intellectuels chinois depuis le début du 21ème siècle. Le travail d'universitaires de premier plan comme Liu Xiaofeng 刘小枫, Gan Yang 甘阳 et Wang Shaoguang 王绍光 sur la diffusion des idées de Schmitt, ainsi que le fait que ses théories sur l'État contribuent à légitimer le régime de parti unique, ont rendu le discours "schmittien" à la fois à la mode et rentable en Chine (les politiques habituellement strictes des censeurs ne touchent que légèrement aux articles et aux livres inspirés par Schmitt).

Schmitt a rejoint le NSDAP en 1933, lorsque Adolf Hitler est devenu chancelier du Troisième Reich, et a participé avec enthousiasme aux purges des Juifs et de l'influence juive dans la vie publique allemande. Antilibéral et antisémite, Schmitt était un ardent partisan d'un gouvernement national-socialiste et aspirait à devenir le théoricien officiel du droit du Troisième Reich. Vers la fin de 1936, cependant, il est accusé d'opportunisme et de récidive catholique dans un article du journal officiel SS Das Schwarze Korps. Malgré la main protectrice de Hermann Göring, il doit renoncer à ses grandes ambitions et se concentrer sur l'écriture et l'enseignement.

Dans le milieu universitaire euro-américain, la vision pragmatique de la politique de Schmitt a été sévèrement critiquée. Les penseurs de gauche sont ambivalents quant à son héritage - en effet, malgré le léger arrière-goût de son passé nazi, il reste populaire parmi les théoriciens universitaires. En dépit des lacunes des idées de Schmitt, ils reconnaissent la perspicacité de son analyse et étudient son œuvre pour sa compréhension des manquements de la politique libérale, qu'ils ne font eux-mêmes que critiquer de manière impuissante depuis les confins confortables et forcés de la Realpolitik gouvernementale contemporaine.

La réception chinoise de la pensée de Schmitt pourrait être décrite comme beaucoup plus simple ; en effet, même Adolf Hitler a joui d'une certaine popularité incontestée en Chine après la mort de Mao. Les théoriciens chinois (continentaux) cherchant à consolider le système de parti unique ont trouvé dans l'œuvre de Schmitt des arguments utiles pour renforcer à la fois le rôle de l'État et la position du chef souverain (ou démiurge chinois) dans le maintien de l'unité et de l'ordre national.

Les disciples intellectuels chinois de Schmitt ont jusqu'à présent quelque peu négligé certains des concepts clés de son œuvre qui conviendraient aux ambitions d'un parti d'État dirigé par le timonier Xi Jinping. Nous pensons ici en particulier aux vues de Schmitt sur le Großraum (Grand Espace) ou la sphère d'influence. Le Großraum de Schmitt - inspiré par son interprétation de la doctrine Monroe promue par les Américains dans le but d'asseoir leur hégémonie sans entrave sur le Nouveau Monde - était destiné à justifier les ambitions de l'Empire allemand en Europe et à légitimer sa domination. Avec l'initiative de la Chine vers la création d'une Communauté de destin partagé 命运共同体 en Asie et dans le Pacifique (voir notre Annuaire 2014 sur ce sujet), la notion de sphères d'influence a retrouvé les faveurs de certains théoriciens des relations internationales. À titre d'exemple, considérons l'analyse de l'Australien Michael Wesley dans Restless Continent : Wealth, Rivalry and Asia's New Geopolitics (Black Inc., 2015).

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Dans le cadre de son travail au Centre australien sur la Chine dans le monde, vers la fin de l'année, la juriste Flora Sapiovà a organisé un séminaire sur Schmitt en Chine. Elle a eu la gentillesse d'accéder à notre demande et a rédigé l'essai suivant sur cette importante évolution "étatiste" de la culture intellectuelle chinoise pour The China Story.

Flora Sapiovà est chargée de mission au Centre australien pour la Chine et le monde. Ses travaux portent sur le droit pénal et la philosophie du droit. Elle a écrit Sovereign Power and the Law in China (Brill, 2010) ; et a coédité The Politics of Law and Stability in China (Edward Elgar, 2014) ; et Detention and its Reforms in China (Ashgate, 2016) - Éditeurs.

___________________

    Nous avons établi la forme idéale (eidos),
    que nous considérons comme le but (telos),
    et nous le faisons,
    afin de les réaliser. (1)

L'intellectuelle schmittienne aime jouer à la roulette russe avec une innovation intéressante : elle croit qu'il y a une balle dans le barillet du revolver, mais elle sait aussi que ce n'est pas forcément le cas. Le seul à connaître réellement la vérité est le Souverain, une figure dont l'intellectuel ne peut percevoir la profondeur de la volonté. Le Souverain décide qui joue le jeu et combien de fois. Si la schmittienne refuse une offre qui ne l'est pas, elle sera déclarée ennemie et abattue. Si l'on considère à quel point ce brouillage intellectuel - maquillé en attitude - oblige à se soumettre à tout moment aux diktats du Souverain, on peut se demander pourquoi plusieurs intellectuels chinois de premier plan ont choisi le professeur Carl Schmitt, le juriste suprême du Troisième Reich, comme saint patron intellectuel.

La poursuite des rêves de richesse et de pouvoir fait partie intégrante de l'histoire et de la vie intellectuelle de la Chine depuis la fin du 19ème siècle. Les rêves de la Chine, qu'il s'agisse de ceux du Mouvement du Quatrième Mai (1919) ou des visions qui ont enflammé l'imagination du chef du Parti, de l'État et de l'armée, Xi Jinping, près d'un siècle plus tard, sont ancrés dans la conviction que la Chine était dotée d'une essence nationale distinctive : 国粹. Elle est à la Chine ce que l'âme est à l'homme. Et tout comme l'homme (religieux) cherche à monter au ciel en cultivant et en purifiant son âme, la Chine ne peut acquérir richesse et puissance que si son essence nationale est renforcée et purifiée des influences polluantes. Le mouvement des Nouvelles Lumières qui a émergé du dégel politique de la fin des années 1970 a accusé le traditionalisme et le féodalisme d'être à l'origine du retard de la Chine. Puis, dans les années 1980, les intellectuels chinois ont réfléchi à la manière de faire revivre le véritable caractère national de la Chine. Beaucoup voyaient la solution dans l'utilisation éclectique des valeurs, des théories et des modèles occidentaux (2). Après le massacre de Pékin en 1989, cependant, la fortune du mouvement s'est détournée et le sentiment nationaliste, en partie encouragé par l'État et en partie suscité par une réaction aux inégalités de la réforme du marché, a prévalu dans les années 1990. La réaction du public aux événements extérieurs a également joué un rôle.

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Comment distinguer un ami d'un ennemi

C'est dans le contexte de ces changements et développements rapides que nous devons donc évaluer l'obsession de la Chine pour Carl Schmitt (3). La réception de Carl Schmitt par les intellectuels chinois, dont beaucoup sont des membres influents de la Nouvelle Gauche, n'a été possible que grâce au travail acharné de l'influent universitaire Liu Xiaofeng 刘小枫 (qui enseigne à l'Université Renmin de Pékin), qui a traduit, commenté et promu les œuvres rassemblées de Schmitt. Titulaire d'un doctorat en théologie de l'université de Bâle, sa thèse préconisait de séparer le christianisme de ses dimensions "occidentales" et ecclésiastiques, afin que la pensée chrétienne puisse être traitée uniquement comme un objet de recherche universitaire. Ainsi conçue, la pensée chrétienne pourrait alors entrer en dialogue avec d'autres disciplines et contribuer, entre autres, à la modernisation de la société chinoise. Liu compare le développement du christianisme au développement des nations et de leur identité, en s'inspirant largement de Max Weber et de ses thèses dans Protestant Ethics and the Spirit of Capitalism, dont la traduction chinoise était à la fois très lue et influente dans les cercles intellectuels chinois dans les années 1980.

41cOPVfpdCL._SX326_BO1,204,203,200_.jpgSelon Liu, le christianisme s'est implanté en Chine sous une forme unique, indépendamment des efforts d'évangélisation des missionnaires occidentaux. Les débuts de la théologie chrétienne ont ainsi permis le développement d'un discours sino-chrétien visant à résoudre les "problèmes de la Chine" (4), en abordant des questions telles que le développement économique, la justice sociale, la stabilité et, surtout, la légitimité politique du gouvernement du Parti communiste.

Liu se décrit comme un "chrétien culturel", c'est-à-dire un chrétien sans affiliation religieuse : un chrétien qui étudie les arguments et les concepts théologiques pour le bien-être de sa nation. Avec une telle approche de la recherche, il n'est pas surprenant que Liu ait rapidement trouvé un penchant pour Carl Schmitt. Car selon lui, l'État a une origine théologique et doit être traité comme une entité de type divin s'il veut réussir à contenir le chaos et le désordre et assurer la sécurité et la prospérité du peuple. Schmitt suggère également que tous les concepts politiques modernes sont, au fond, enracinés dans la théologie. Le revers de la médaille est donc la possibilité de travailler avec la théologie comme une forme d'art politique (5). Liu a accepté très ouvertement les idées schmittiennes dès le début. Nous devrions également nous arrêter sur la facilité avec laquelle l'œuvre de Schmitt a trouvé un public enthousiaste en Chine. Contrairement au segment du monde intellectuel chinois qui s'inspire des modèles démocratiques libéraux occidentaux et qui, jusqu'à ce jour, souffre souvent de l'intervention de la censure, les partisans du clivage ami-ennemi de Schmitt et de sa critique de la démocratie parlementaire n'ont pas eu à faire face à des problèmes similaires.

En tant que catholique conservateur, Schmitt comprenait la politique (qu'il appelait, pour tenter d'en saisir l'essence, "le politique") comme étant ancrée dans la distinction ami/ennemi. Parmi les intellectuels chinois qui ont grandi entourés de la rhétorique marxiste (6), et donc familiers avec l'utilisation de la dyade ami-ennemi 敌我 aux fins de la politique post-maoïste (7), cette distinction fondamentale de Schmitt a eu une forte résonance. En effet, elle peut être utilisée pour délimiter n'importe quelle paire d'adversaires dès lors que l'on peut démontrer que les valeurs des deux parties sont si incommensurables qu'elles les amènent à tenter de détruire leur adversaire dans le but de préserver leur propre identité.

La distinction ami/ennemi est au cœur de la théorie politique et constitutionnelle de Schmitt, et elle est également à la base de sa critique de la démocratie parlementaire et des idées d'"état d'exception" et de souveraineté. Il a cherché à montrer que les démocraties libérales étaient piégées dans leurs fausses catégories politiques: en ignorant la distinction fondamentale entre ami et ennemi, elles risquaient de devenir des instruments de protection des intérêts de riches individus et de cliques qui utiliseraient ensuite l'État pour servir leurs propres intérêts au détriment du bien-être général. Selon Schmitt, les sociétés libérales font comme si le gouvernement et la nation étaient soumis aux diktats de normes juridiques fiables - mais ce faux-semblant se dissipe rapidement dès qu'un ennemi extérieur ou intérieur menace la nation et sa sécurité. Par conséquent, selon Schmitt, une dépendance excessive à l'égard des débats parlementaires et des procédures juridiques peut mettre le pays en danger de chaos en empêchant une action efficace et immédiate en réponse à une crise.

Selon Schmitt, la souveraineté ne réside pas dans l'État de droit, mais dans une personne ou une institution qui a le pouvoir de suspendre la loi afin de rétablir la normalité lorsqu'une crise grave éclate. Ainsi, un souverain ayant le pouvoir de déclarer l'état d'urgence (Ausnahmezustand) jouit d'une légitimité incontestable, qu'elle soit inscrite ici explicitement (c'est-à-dire dans la constitution) ou implicitement. Mais comment un pouvoir souverain opérant en dehors et au-dessus de la loi peut-il bénéficier d'une légitimité ? Ce pouvoir ne serait-il pas auto-renforcé et basé sur la violence pure ? Schmitt répond que la légitimité d'un tel pouvoir peut être défendue avec succès si l'on sépare les concepts de libéralisme et de démocratie. Pour lui, elles sont loin d'être identiques, et Schmitt décide d'élaborer sa propre définition de la démocratie.

Pour lui, un système politique basé sur l'opinion inconstante du peuple peut difficilement être légitime. Il a donc fait appel aux idées d'égalité et de volonté populaire (8). Pour Schmitt, l'égalité politique signifie une relation de "co-égalité" entre le gouvernant et le gouverné. Tant que les uns et les autres appartenaient au même groupe - ou étaient "amis" - avec une vision identique de l'ennemi, l'arrangement politique restait démocratique. Lorsque la volonté de la nation se reflétait dans les décisions du dirigeant, le peuple gouvernait selon cette métrique schmittienne. La volonté du peuple, ainsi conçue, n'avait pas besoin d'être façonnée ou exprimée par le suffrage universel: les demandes formulées en assemblée publique pour traduire la volonté du peuple étaient un instrument suffisamment efficace (9).

La définition éclectique que Schmitt donne de la volonté du peuple l'amène à considérer la démocratie comme une dictature démocratique. Cette façon de penser a fortement impressionné les intellectuels qui privilégiaient les solutions étatistes et nationalistes aux questions et problèmes politiques et internationaux (10).

Pourquoi Schmitt ?

Les raisons de la fascination des intellectuels chinois pour Carl Schmitt sont assez simples et directes. Les concepts interdépendants de "(la) division entre ami et ennemi", d'"état d'urgence" et de "décisionnisme" sont simples et exploitables. Ainsi, les concepteurs de programmes et leurs conseillers peuvent facilement les utiliser pour analyser la situation. Le langage de Schmitt peut également fournir un soutien théorique aux propositions de réforme, devenir une source d'inspiration ou fournir des briques imaginaires dans la construction d'arguments pro-étatiques dans les sciences politiques et les études constitutionnelles. En outre, la division schmittienne entre ami et ennemi complète et justifie bon nombre des interprétations nationalistes et exceptionnalistes de la culture qui ont récemment gagné en influence parmi les intellectuels chinois. S'il ne s'agit pas, bien sûr, d'un phénomène uniquement chinois, n'oublions pas non plus qu'ils contrastent fortement avec les aspects universalistes et internationalistes de la doctrine d'État du communisme chinois. L'argument central des schmittiens chinois est que le monde n'est pas une unité politiquement homogène, mais un plurivers dans lequel des systèmes politiques radicalement différents existent côte à côte dans une relation antagoniste. La Chine a donc non seulement le droit de suivre sa propre voie vers la puissance et la prospérité, mais elle doit surtout la trouver et la défendre.

Ce raisonnement des schmittiens chinois justifie la position de l'État-parti selon laquelle la démocratie parlementaire occidentale, une forme robuste d'État de droit, la société civile ou les valeurs et institutions du constitutionnalisme occidental ne conviennent pas à la Chine. Les thèses de Schmitt permettent aux partisans de ces positions d'affirmer que ces idées appartiennent à un cosmopolitisme libéral "étranger", finalement nuisible au mode de vie chinois. En 2013, un règlement d'État appelé "Document 9" a identifié ces idées comme une menace sérieuse pour le "domaine idéologique" de la Chine (11).

9782081228733.jpgLes idées de Carl Schmitt ont gagné en influence parmi les intellectuels chinois et il est souvent cité comme une autorité étrangère pour s'opposer au "libéralisme" et aux modèles occidentaux ou américains de développement économique et politique. Dans le discours intellectuel chinois, cependant, vous n'entendrez jamais la philosophie de Schmitt fondée sur le principe de la politique comme exclusion et même élimination physique de l'ennemi (si cela était jugé nécessaire pour atteindre un objectif idéologique). La distinction entre ami et ennemi encourage une forme implacable de pensée binaire. On a beau essayer de définir la catégorie de l'ami, il y a toujours une projection de son contraire. "Ami" prend un sens par la reconnaissance de ce que signifie "ennemi". On peut utiliser, comme Schmitt lui-même l'a souligné, toutes sortes de caractéristiques pour définir un "ami" : la religion, la langue, l'ethnicité, la culture, le statut social, l'idéologie, le sexe, et en fait tout ce qui peut devenir un élément essentiel d'une distinction donnée entre ami et ennemi.

La distinction ami/ennemi est une distinction publique : elle parle d'amitié et d'hostilité entre des groupes, et non des individus. (Il est toujours possible d'admirer en privé un membre d'un groupe ennemi). La délimitation de l'identité est toutefois assez souple, car une communauté politique se forme par l'identification partagée d'une menace présumée (13). En d'autres termes, une communauté n'acquiert un sens au sens d'un groupe membre (in-group) qu'en distinguant "ceux qui se tiennent à l'extérieur". De cette façon, la manière schmittienne de définir "le peuple" évite la nécessité d'une délimitation ou d'une définition juridique. "Le peuple" en tant que communauté politique au sens schmittien se préoccupe avant tout de savoir si une autre communauté politique (ou des individus capables de former une telle communauté) constitue une menace pour son propre mode de vie. Pour Schmitt, le clivage ami-ennemi est un clivage purement politique, et doit donc être entièrement dissocié de l'éthique (14). Puisque la préoccupation première est la survie du "groupe membre" en tant que "peuple" et communauté politique, les thèses de Schmitt suggèrent la possibilité de justifier l'élimination de l'ennemi comme une nécessité pratique (15). Les personnes qui se définissent comme des intellectuels schmittiens devraient donc noter que les arguments de Schmitt sont construits sur la notion de nécessité. Tant qu'il y a une cause qui doit être défendue, n'importe quel nombre de morts peut être justifié.

De plus, cette nécessité est fondée sur l'antagonisme. Toutes les idées de Schmitt sur la politique et le constitutionnalisme sont basées sur la division entre ami et ennemi. Mais c'est précisément la raison pour laquelle nombre des analyses les plus utiles de la politique et du constitutionnalisme chinois ont émergé de ses concepts. La vision de Schmitt du souverain, qui doit avoir la liberté d'intervenir à volonté pour le bien de l'ensemble du pays, correspond au "courant intellectuel étatiste" 国家主义思潮 dans le discours chinois, dont Wang Shan 王山 et Wang Xiaodong 王小东 ont été et restent les principaux représentants...

Ce mouvement a contribué à l'élaboration de l'argument autour de la signification de la "capacité de l'État". Dans leur ouvrage influent de 2001, les politologues Wang Shaoguang 王绍光 et Hu Angang 胡鞍钢 ont identifié la "capacité de l'État" comme la clé de la bonne gouvernance et de la politique. Ils ont critiqué les processus de décision démocratiques en mettant en évidence leurs concomitants défavorables. En effet, selon eux, ils s'accompagnent inévitablement de débats interminables qui entraînent des retards dans la mise en œuvre des mesures nécessaires, voire une paralysie politique et institutionnelle. Ils considèrent que la "capacité de l'État à mettre en œuvre sa volonté" est essentielle pour protéger le bien-être de la nation (16). Depuis lors, la défense de la "capacité de l'État" et de ses suppléments corollaires de contrôle social et de légitimité basée sur la performance comme alternative viable à la démocratie parlementaire est apparue dans de nombreuses publications universitaires chinoises.

Idées utiles et citables

Dans un ouvrage intitulé de manière provocante Quatre chapitres sur la démocratie (17), Wang Shaoguang rend un hommage tacite aux Quatre chapitres sur la doctrine de la souveraineté de Schmitt. Comme le juriste allemand, Wang rejette la démocratie représentative pour des raisons utilitaires et pragmatiques, affirmant que le système ne parvient pas à élever le niveau de bien-être de l'ensemble de la population. Dans l'esprit des arguments de Schmitt sur l'abus du parlementarisme par les groupes d'intérêt, Wang soutient que le suffrage universel fait le jeu des riches tout en poussant les pauvres dans le rôle de spectateurs passifs.

Wang avance également la notion de "peuple", basée sur la pensée de Schmitt, comme base de la démocratie responsable (responsive), puisque, selon lui, les pays ayant une grande capacité d'assimilation et de gouvernance (c'est-à-dire une nation unie sous un leader fort) ont également une meilleure qualité de démocratie. Une partie de la terminologie de Wang est basée sur le travail du théoricien politique démocratique Robert Dahl, mais le raisonnement soutenant la notion de démocratie responsable de Wang est similaire à celui de Schmitt (18).

L'argument de la "capacité de l'État" avancé par Wang, Hu et d'autres a été examiné de près par les sinologues occidentaux contemporains pendant plus d'une décennie. Il est régulièrement cité dans les publications universitaires sur l'économie chinoise, l'économie politique et l'administration publique.

Dans nombre de ces publications (en anglais et dans d'autres langues européennes), les auteurs attribuent à la doctrine de la "capacité de l'État" le mérite d'avoir permis à l'État chinois de prendre des mesures plus efficaces pour accélérer le développement économique du pays. La preuve de la réussite économique de la Chine a ensuite encouragé un certain nombre d'universitaires à aller jusqu'à déclarer que les gouvernements autoritaires peuvent atteindre la croissance économique avec une plus grande efficacité que les gouvernements démocratiques libéraux. Étonnamment, certaines de ces personnes sont également, selon leurs propres termes, "favorables à la transformation de la Chine en une société plus ouverte, fondée sur l'État de droit et les droits de l'homme" (19). Si, par société "plus ouverte", ils entendent plus de liberté dans le sens de la démocratie libérale, alors cet objectif est en contradiction avec leur argument selon lequel le système chinois de parti unique (communiste) doit être renforcé par une série de mesures (étatiques) de renforcement de ses capacités.

Les thèses de Schmitt ont également eu une influence non négligeable sur la théorie constitutionnelle chinoise. Après Mao, l'État à parti unique avait besoin - et dans une certaine mesure a toujours besoin - d'une ontologie politique typiquement chinoise. Cette façon de conceptualiser et de comprendre le monde doit impliquer un système politique bipartite (bipartisan) dans lequel un vaste appareil de parti existe à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des normes juridiques et exerce son pouvoir souverain sur l'État. En outre, ce système d'État-parti doit être cohérent sur le plan interne: il doit être capable de s'auto-préserver dans la mesure où il ne perd pas sa légitimité aux yeux de la nation chinoise et à l'étranger. Les juristes chinois tels que Qiang Shigong 強世功, qui considèrent le droit constitutionnel dans cette perspective, ont commencé dans la première décennie de ce siècle à utiliser tout l'arsenal de la philosophie schmittienne pour défendre leurs vues. Le résultat a été la trinité des concepts d'"état d'exception", de "pouvoir constituant et constitué" et de "représentation politique par consensus général" (représentés par les termes "État, mouvement et peuple" utilisés par Schmitt dans son ouvrage de 1933, Staat, Bewegung, Volk), que ce courant d'universitaires a exaltés comme la véritable essence du droit chinois.

Dans le cas des citations directes, l'influence de Schmitt n'est pas contestée, mais certains intellectuels comme Cui Zhiyuan 崔之元 s'inspirent implicitement de ses idées dans leur théorisation de la politique et de la gouvernance chinoises. En effet, son influence peut être discernée assez clairement dans la perception de Cui de la Chine comme un "système constitutionnel mixte" de "trois niveaux politiques" (20). De même, la conception de Chen Ruihong 陈瑞洪 de "l'inconstitutionnalité vertueuse" (21); Han Yuhai 韩毓海 et sa doctrine du "constitutionnalisme dans un État prolétarien" (22); Hu Angang 胡鞍钢 rebaptisant le Politburo en "présidence collective" (23) ou le modèle 强世功 de Qiang Shigong de "souveraineté partagée sous la direction de l'État-parti" (24) peuvent être décrites comme les thèses phares des deux dernières décennies, basées sur la pensée de Schmitt. Bien que ces théories appartiennent à différents domaines de la recherche constitutionnelle chinoise (25), elles revêtent toutes uniformément le souverain schmittien dans l'habit de l'État-parti chinois. Plus précisément, chacune de ces théories défend la notion de représentation politique en liant le consensus à l'acceptation générale des diktats du parti étatique. D'une manière ou d'une autre, ils qualifient aussi uniformément "l'Occident" et ses institutions politiques et juridiques d'inappropriés pour la Chine.

La recherche juridique occidentale n'a pas encore abordé en profondeur ces arguments influents ou leurs implications juridiques et politiques. Mais certains chercheurs suggèrent que ces thèses pourraient être pertinentes pour la Chine. Par exemple, Randall Pereenboom a produit une analyse utile du système juridique chinois en tant que plurivers de différentes conceptions de l'état de droit (26). Michael Dowdle, issu des positions de la Nouvelle Gauche, soutient que la conception libérale du constitutionnalisme a des limites au-delà desquelles il est possible de légitimer l'Etat par d'autres moyens (27). Larry Catà Backer, quant à lui, a avancé l'idée que le Parti et l'Etat constituent une entité unitaire. Inspirée par les réalités des institutions chinoises, cette construction théorique permet un lien shuanggui 双规 juridiquement justifiable (28). D'une certaine manière, ces œuvres peuvent aussi être comprises comme une façon de verser du sel sur les blessures de nos propres contradictions. Si nous pouvons critiquer le système juridique chinois pour défendre un modèle idéalisé du système juridique occidental, nous ne pouvons pas éviter le droit chinois tel qu'il est débattu et tel qu'il existe en République populaire de Chine.

Certains intellectuels chinois ont remarqué que si leurs compatriotes aiment bien s'en prendre à l'Occident, ils ne comprennent plus pourquoi ils s'appuient sur un penseur politique allemand pour le faire (29). Si cette critique est valable, elle ne tient pas compte d'un problème plus général: les partisans des modèles et des concepts indigènes, les défenseurs de la "troisième voie" et les libéraux de type occidental ont tous refusé jusqu'à présent d'aborder leur propre préférence pour une logique qui appartient à la métaphysique occidentale plutôt qu'à la pensée chinoise indigène (le confucianisme ou d'autres formes de pensée dérivées de sources préchinoises). Selon cette logique occidentale, il faut créer un modèle idéal de la forme d'un système politique ou juridique, d'une société, ou même de toute autre chose, puis essayer de "faire entrer" la réalité dans ce modèle, souvent sans trop se soucier des conséquences.

D'une manière ou d'une autre, nous assistons, dans la recherche juridique chinoise, à la montée en puissance des concepts schmittiens par rapport aux concepts libéraux. Des modérés politiques comme He Baogang 何包钢 (30) ont tenté de concilier les arguments des deux camps en proposant, par exemple, que la Cour constitutionnelle ait le pouvoir de décider de ce qui constitue l'"état d'exception" qui sous-tend l'autorité absolue du souverain schmittien. Ces efforts, cependant, ne font qu'illustrer la faiblesse des positions libérales par rapport aux positions schmittiennes. Le professeur He illustre ainsi le dilemme et la difficulté de la tâche de ceux qui tentent de concilier des éléments du modèle démocratique libéral (comme l'indépendance de la branche judiciaire du gouvernement) avec les concessions de la formule ami-ennemi de Schmitt.

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Schmitt et Xi

Depuis l'accession de Xi Jinping au poste de chef suprême de l'État en novembre 2012, la distinction ami-ennemi si centrale dans la philosophie de Carl Schmitt a pris une importance accrue en Chine, tant dans la "théorie du parti" que dans la vie académique. La reprise sélective de la rhétorique de combat maoïste dans l'introduction de la nouvelle campagne d'éducation de masse le 18 juin 2013 peut nous servir de bon exemple de l'adaptation de la distinction ami-ennemi aux conditions du régime actuel de parti unique.

Pour voir les conséquences de la pensée de Schmitt, il ne faut pas oublier les raisons pour lesquelles il a mis l'accent sur la distinction ami-ennemi et la souveraineté absolue. Schmitt pensait que sa théorie garantirait le plus grand bien. Nous pouvons à juste titre qualifier sa philosophie de théologie politique, car elle était fondée sur le concept biblique de katekhon (du grec τὸ κατέχον, "ce qui retient" ou ὁ κατέχων "celui qui retient"), la puissance qui retient la venue de l'Antéchrist (31). Schmitt a fait entrer le katekhon dans le registre politique lorsqu'il l'a défini comme le pouvoir qui maintient le statu quo (32). Il peut être exercé par une institution (par exemple, un État-nation) ou par un souverain (qu'il s'agisse d'un dictateur ou d'un défenseur de la constitution). L'aboutissement logique de la croyance de Schmitt dans le katekhon était la fusion des idées religieuses et politiques. Pour lui, les forces opposées à une souveraineté donnée ne sont donc rien d'autre que des agents du mal et des ennemis qui sèment les graines du chaos et de la perturbation.  Protéger sa propre nation ou son propre souverain est donc devenu un devoir sacré et une voie de salut.

Nous pouvons être fondamentalement en désaccord avec les intellectuels chinois qui ont adopté une vision schmittienne du monde. Mais si nous voulons défendre le pluralisme intellectuel, nous devons accepter la liberté des personnes de choisir leur propre perspective. Par conséquent, la montée du discours schmittien chinois dans le monde universitaire élargit en fait la portée des arguments d'inspiration schmittienne des universitaires de gauche et de droite américains et européens.

Ajoutons qu'en Chine, comme ailleurs, les distinctions politiques entre la gauche et la droite ou entre la nouvelle gauche et les libéraux émergent et restent pour la plupart prisonnières d'un milieu partagé que l'on pourrait appeler, avec Schmitt, un paradigme politico-théologique commun. Les différences politiques ont un sens dans un environnement commun dans lequel les personnes acquièrent et développent leurs schémas mentaux, leur vocabulaire politique et tout l'univers des concepts nécessaires à la pensée politique. Grâce au paradigme politico-théologique du parti unique en République populaire de Chine, les intellectuels chinois doivent s'accrocher bon gré mal gré aux schémas mentaux, au vocabulaire et aux concepts que cet environnement a permis de faire émerger. Mais nous devons nous rappeler que les idées occidentales doivent également s'y adapter.

Le fait de vivre dans un pays qui a connu une forte augmentation de sa richesse matérielle et de sa puissance mondiale au cours des trois dernières décennies a conduit les intellectuels schmittiens en Chine à l'idée de combiner une philosophie dont les origines et le développement remontent à l'Allemagne de l'entre-deux-guerres avec les idées d'État qui ont commencé à se répandre en Chine dans les années 1980. Ce mélange de pensée schmittienne et d'"étatisme" est aujourd'hui très influent dans les cercles universitaires chinois, même si peu d'entre eux semblent s'inquiéter du potentiel destructeur de la philosophie de Schmitt.

Notes :

(1) François Jullien, Traité de l'efficacité : entre pensée occidentale et pensée chinoise, Honolulu : University of Hawai'i Press, 2004, p. 1.

(2) Sur le mouvement des Nouvelles Lumières, voir Xu Jilin, "The Fate of an Enlightenment - Twenty Years in the Chinese Intellectual Sphere (1978-1998)", dans Geremie R Barmé et Gloria Davies, East Asian History, no 20 (2000) : pp 169-186. De manière plus générale et critique, voir Zhang Xudong, ed, Whither China : Intellectual Politics in Contemporary China, Durham : Duke University Press, 2001, partie 1.

(3) L'étude de la philosophie européenne n'était pas une priorité du neuvième plan quinquennal de recherche en sciences sociales et en philosophie 国家哲学社会科学研究九五规划重大课题, qui couvrait la période 1996-2000 ; et le premier livre de Liu sur Carl Schmit, une critique de Carl Schmitt and Authoritarian Liberalism de Renato Cristi, date de 1997. Voir Liu Xiaofeng 刘小枫, 'Shimite gushide youpai jiangfa : quanwei ziyouzhyi?' 施米特故事的右派讲法: 权威自由主义 ? , 28 septembre 2005, en ligne : http://www.aisixiang.com/data/8911.html. Sur le neuvième plan quinquennal, voir Guojia Zhexue Shehui Kexue Yanjiu Jiuwu (1996-2000) Guihua Bangongshi 国家哲学社会科学研究九五 规划办公室, Guojia Zhexue Shehui Kexue Yanjiu Jiuwu (1996-2000) Guihua 国家哲学社会科学研究九五 (1996-2000) 规划, Beijing 北京 : Xuexi chubanshe 学习出版社, 1997.

(4) Liu Xiaofeng 刘小枫, 'Xiandai yujing zhongde hanyu jidu shenxue' 现代语境中的汉语基督神学, 2 avril 2010, en ligne : http://www.aisixiang.com/data/32790.html. Sur la théologie sino-chrétienne, voir également Yang Huiling et Daniel HN Yeung, eds, Sino-Christian Studies in China, Newcastle : Cambridge Scholars Press, 2006 ; Pan-chiu Lai et Jason Lam, eds, Sino-Christian Theology : A Theological Qua Cultural Movement in Contemporary China, Frankfurt am Main : Peter Lang, 2010 ; et Alexander Chow, Theosis, Sino-Christian Theology and the Second Chinese Enlightenment : Heaven and Humanity in Unity, New York : Peter Lang, 2013. Pour un commentaire du courant dominant sur l'influence de Carl Schmitt en Chine, voir Mark Lilla, " Reading Strauss in Beijing ", The New Republic, 17 décembre 2010, en ligne : http://www.newrepublic.com/article/magazine/79747/reading-leo-strauss-in-beijing-china-marx.

(5) Carl Schmitt, Théologie politique : quatre chapitres sur le concept de souveraineté, trans. George Schwab, Chicago : University of Chicago Press, 2005 p. 36.

(6) Mao Tse-tung, "On the Correct Handling of Contradictions Among the People", Selected Works of Chairman Mao Tsetung, Volume 5, édité par le Comité d'édition et de publication des œuvres du président Mao Tsetung, Comité central du Parti communiste chinois, Beijing : Foreign Language Press, 1977, pp. 348-421.

(7)  Pour une discussion de son utilisation dans le domaine de la politique de sécurité, voir Michael Dutton, Policing Chinese Politics : A History, Durham : Duke University Press, 2005.

(8) Carl Schmitt, Dictature : de l'origine du concept moderne de souveraineté à la lutte des classes prolétarienne, trad. Michael Hoelzl et Graham Ward, Cambridge : Polity Press, 2014.

(9) Carl Schmitt, La crise de la démocratie parlementaire, trans. Ellen Kennedy, Cambridge et Londres : MIT Press, 2000 ; et Carl Schmitt, Constitutional Theory, trans. Jeffrey Seitzer, Durham : Duke University Press, 2008.

(10) Sur les tendances intellectuelles étatistes et nationalistes, voir Xu Jilin 许纪霖, " Jin shinianlai Zhongguo guojiazhuyi sichaozhi pipan " 近十年来中国国家主义思潮之批判, 5 juillet 2011, en ligne : http://www.aisixiang.com/data/41945.html.

(11) "Communiqué sur l'état actuel de la sphère idéologique". A Notice from the Central Committee of the Communist Party of China's General Office", en ligne : http://www.chinafile.com/document-9-chinafile-translation.

(12) Comme la relation d'agonisme, où l'ennemi schmittien devient l'adversaire. Dans ce contexte, voir Chantal Mouffe, "On the Political. Londres et New York : Routledge, 2005.

(13) Carl Schmitt, Le concept du politique.

(14) Schmitt, Le concept du politique.

(15) Schmitt, Le concept du politique.

(16) Wang et Hu entendent par là : "le rapport entre le degré réel d'intervention que l'État est capable d'entreprendre et le degré d'intervention que l'État espère atteindre. Voir Wang Shaoguang et Hu Angang, The Chinese Economy in Crisis : State Capacity and Tax Reform, New York : ME Sharpe, 2001, p. 190.

(17) Wang Shaoguang 王绍光, Minzhu sijiang 民主四讲, Beijing 北京 : Sanlian shudian 三联书店, 2008.

(18) Wang Shaoguang, 'The Problem of State Weakness', Journal of Democracy 14.1 (2003) : 36-42. Par le même auteur, voir "Democracy and State Effectiveness", dans Natalia Dinello et Vladimir Popov, eds, Political Institutions and Development : failed expectations and renewal hopes, Londres : Edward Elgar, 2007, pp.140-167.

(19) "Dialogue UE-Chine sur les droits de l'homme", disponible en ligne à l'adresse suivante : http://eeas.europa.eu/delegations/china/eu_china/political_relations/humain_rights_dialogue/index_en.htm.

(20) Cui Zhiyuan 崔之元, "A Mixed Constitution and a Tri-level Analysis of Chinese Politics" 混合宪法与对中国政治的三层分析, 25 mars 2008, en ligne à l'adresse : http://www.aisixiang.com/data/18117.html.

(21) Chen Ruihong 陈瑞洪, 'Une coupe du monde pour les études de droit constitutionnel : A Dialogue between Political and Constitutional Scholars on Constitutional Power' 宪法学的知识界碑 - 政治学者和宪法学者关于制宪权的对话, 5 octobre 2010, en ligne : http://www. aisixiang.com/data/36400.html ; et aussi Xianfa yu zhuquan 宪法与主权, Beijing 北京 : Falü chubanshe 法律出版社, 2007.

(22) Han Yuhai 韩毓海, " La Constitution et l'État prolétarien " 宪政与无产阶级国家 en ligne.

(23) Hu Angang, La présidence collective de la Chine, New York : Springer, 2014.

(24) Qiang Shigong 强世功, "The Unwritten Constitution in China's Constitution" 中国宪法中的不成文宪法, 19 juin 2010, en ligne : http://www.aisixiang.com/data/related-34372.html.

(25) Voir également le numéro spécial "The Basis for the Legitimacy of the Chinese Political System : Whence and Whither ? Dialogues entre universitaires occidentaux et chinois VII', Chine moderne, vol. 40, n° 2 (mars 2014).

(26) Randall Peerenboom, China's Long March Towards the Rule of Law, Cambridge : Cambridge University Press, 2002.

(27) Michael Dowdle, " Constitutional Listening ", Chicago Kent Law Review, vol. 88, no 1, (2012-2013) : p. 115-156.

(28) Larry Catá Backer et Keren Wang, " The Emerging Structures of Socialist Constitutionalism with Chinese Characteristics : Extra Judicial Detention (Laojiao and Shuanggui) and the Chinese Constitutional Order ", Pacific Rim Law and Policy Journal, vol. 23, no. 2 (2014) : pp. 251-341.

(29) Liu Yu 刘瑜, 'Have you read your Schmitt today?' 你今天施密特了吗?, Caijing, 30 août 2010, en ligne : https://web.archive.org/web/20170725205823/http://blog.caijing.com.cn:80/expert_article-151338-10488.shtml option=com_content&view=article&id=189:2010-10-08-21-43-05&catid=29:works&Itemid=69&lang=fr

(30) He Baogang 何包钢, 'In Defence of Procedure : a liberal's critique of Carl Schmitt's theory of exception' 保卫程序 一个自由主义者对卡尔施密特例外理论的批评, 26 décembre 2003, en ligne :

(31) Nouveau Testament 2, Thessaloniciens 2 : 3-8 : Ne vous laissez tromper par personne, car cela n'arrivera pas avant qu'il y ait rébellion contre Dieu et que l'homme de l'illégalité, le Fils de la Perdition, apparaisse. Il résistera et s'élèvera au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou à qui l'honneur divin est rendu. Il s'assiéra même dans le temple de Dieu et prétendra être Dieu. Tu ne te souviens pas que je t'ai dit ça quand j'étais avec toi ? Vous savez ce qui l'empêche d'apparaître avant son heure. Cette iniquité est déjà à l'œuvre, mais seulement en secret, jusqu'à ce que celui qui l'entrave soit écarté du chemin.

(32) Pour une illustration simple, voir Gopal Balakrishnan, The Enemy : An Intellectual Portrait of Carl Schmitt, London : Verso, 2002, ch. 17. Pour un résumé du débat sur le rôle du kathechon et la généalogie de la conception de Schmitt en matière de théologie politique, voir Julia Hell, 'Katechon : Carl Schmitt's Imperial Theology and the Ruins of the Future', The Germanic Review, vol. 84, no. 4, (2009) : pp. 283-325.

La réflexion de Flora Sapiovà, Carl Schmitt en Chine, a été publiée sur The China Story le 7 octobre 2015.

lundi, 08 novembre 2021

Un monde tripolaire : nouveaux horizons et Logos intemporels

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Un monde tripolaire : nouveaux horizons et Logos intemporels

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/trehpolyarnyy-mir-novye-gorizonty-i-vechnye-logosy

Un monde tripolaire s'est en fait construit sous nos yeux. Il n'importe plus de savoir quelle force politique prévaut en Amérique, les mondialistes (comme Biden aujourd'hui) ou les nationalistes (comme Trump hier). L'échec du maintien de l'hégémonie mondiale américaine ne dépend plus de l'orientation de l'élite dirigeante américaine. Les néocons et les ultra-libéraux de Biden vudraient revenir au modèle unipolaire qui prévalait dans les années 1990 après l'effondrement de l'URSS, mais ils ne le peuvent tout simplement plus. La Chine et la Russie, à partir d'un certain moment, sont devenues des entités géopolitiques et civilisationnelles si manifestement souveraines qu'il n'est plus possible de le nier.

Bien sûr, les libéraux en lutte contre Trump ont essayé de l'accuser d'être celui qui a contribué (et même tout à fait délibérément) à l'indépendance de la Russie de Poutine. C'était l'une des principales thématiques de l'élection américaine. Mais il est désormais clair qu'il s'agissait d'un pur coup politicien: il n'était pas question des sympathies de Trump pour Poutine ou de l'ingérence de la Russie dans les élections américaines. Le fait est que les États-Unis ne peuvent plus diriger le monde seuls. Et Biden est exactement dans la même position que Trump : la limite stratégique de l'unipolarité a été atteinte et il n'y a plus de ressources pour la maintenir et la renforcer. En dépit de Biden ou de Trump, nous sommes effectivement passés à un monde tripolaire.

Il existe trois centres de décision pleinement souverains dans ce monde.

    - Les Etats-Unis, qui ne représentent plus l'Occident tout entier, mais l'axe anglo-saxon (d'où le lancement des alliances AUKUS et QUAD) + ses satellites régionaux ;
    - La Russie, qui, malgré tout, ne fait que renforcer sa position sur la scène internationale, en essayant de trouver de nouveaux points d'application tant dans l'espace post-soviétique que dans d'autres régions ;
    - La Chine qui supporte avec succès le poids de la confrontation économique et militaro-stratégique croissante avec les Anglo-Saxons, qui se sont sérieusement engagés dans un endiguement régional de la Chine en Asie du Sud-Est.

Entre ces centres complets de pouvoir oscillent

    - L'Union européenne, désemparée, a été amenée au bord d'un désastre énergétique par les politiques ratées de Washington et s'est retrouvée pratiquement exclue du bloc anglo-saxon ;
    - La Turquie, l'Iran et le Pakistan, qui renforcent systématiquement leurs capacités régionales ;
    - Le Japon et l'Inde, qui cherchent à renforcer leur position en utilisant de manière pragmatique l'impasse entre les États-Unis et la Chine (tandis que l'Inde, de manière tout à fait rationnelle, continue de maintenir un partenariat stratégique avec la Russie) ;
    - Les pays islamiques du Moyen-Orient et du Maghreb, qui se sont détachés des États-Unis et tentent désormais de résoudre les conflits locaux sans se tourner vers Washington ;
    - Les régimes africains qui rejettent de plus en plus le néocolonialisme européen et, plus largement, occidental (incarné de manière très vivante par la nouvelle vague de panafricanisme anti-européen - comme les Urgences panafricanistes de Kemi Seba)
    - Les pays d'Amérique latine, effectivement abandonnés par les États-Unis et cherchant une nouvelle place dans le système mondial sur le modèle du Sud global ;
    - Les acteurs émergents d'Asie du Sud - Indonésie, Malaisie, Corée du Sud, etc.

Ainsi, entre les trois piliers de la tripolarité, qui ont désormais une supériorité incontestable, bien qu'asymétrique, commence un mouvement de pôles secondaires, un peu moins établis et encore incomplets. Néanmoins, certains d'entre eux - notamment l'Inde et certains pays d'Amérique latine - ont un potentiel très élevé et ne tarderont pas à atteindre la cour des grands.

Et c'est là que la partie amusante entre en jeu. Ce monde tripolaire, et demain un monde multipolaire au sens plein, a deux aspects.

D'une part, certains aspects technologiques de la civilisation - dans le système de communication, dans la sphère énergétique, dans les modèles de réseaux numériques et de développement de l'économie virtuelle - seront communs à tous les pôles, grands et petits, même si ce n'est que pour un court moment. Cela permettra de parvenir à une standardisation, même minime, des relations entre les pôles, et de justifier des algorithmes communs. Cela permettra d'établir un modèle spécifique sur le plan pratique, accepté par tous (ou presque), constitué de protocoles et de règles reflétant les nouvelles conditions. Oui, personne n'aura le monopole de la résolution des situations problématiques à lui seul. Toute solution peut être contestée par l'autre pôle ou par une alliance situationnelle de pôles. Dans une telle situation, personne n'aura le droit exclusif d'insister sur quoi que ce soit. Le pouvoir de l'un ne sera limité que par le pouvoir de l'autre. Le reste est une question de négociation. 

Cela signifie, en fait, le début de la démocratie multipolaire ou "démocratie des normes". Une situation similaire existe d'ailleurs aux États-Unis, où chaque État a ses propres lois, qui se contredisent parfois directement. Dans un modèle international, la "démocratie des normes" peut être encore plus souple : certains pays proposent et acceptent leurs normes, d'autres acceptent les leurs, et ainsi de suite.

Bien sûr, il est dans l'intérêt de tous qu'il existe des algorithmes stables d'interaction internationale, mais les règles changeront constamment, chaque pôle cherchant à modifier la situation en sa faveur. Toutefois, un certain "universalisme" (de nature purement technique), bien que limité, sera manifestement exigé par tous.

Mais d'un autre côté, chaque pôle aura intérêt à renforcer son identité civilisationnelle. Et là, la situation sera encore plus intéressante.

Les trois pôles principaux déjà entièrement formés sont donc:

    - Les Anglo-Saxons,
    - La Russie et
    - La Chine

On insistera clairement sur l'identité historique de chacun. Sur leur propre Logos. Et c'est là que les surprises nous attendent.

Il n'est pas du tout évident que les États-Unis, par exemple, bien que fortement liés à la Grande-Bretagne et à l'Australie, continueront sur la voie de l'ultra-libéralisme, du post-humanisme, de la dégénérescence LGBT+, etc. Ce modèle mondialiste est un échec total. Elle est de plus en plus rejetée, tant aux États-Unis qu'en Europe. Il ne faut donc pas écarter la possibilité d'un retour de Trump et du trumpisme (plus largement du populisme) aux États-Unis. Il est très révélateur que le symbole de la réussite mondiale, Elon Musk, se soit mis à lire Ernst Jünger. Le vent a tourné. L'élite des milliardaires prend un détour intellectuel intéressant - et résolument conservateur. Un autre milliardaire, Peter Thiel, lit depuis longtemps mes textes géopolitiques et les écrits de Carl Schmitt. Oui, il y a toujours Soros, Gates, méta-Zuckerberg, Bernard-Henri Lévy et Jeff Bezos avec les fous furieux de Google et Twitter, mais ils seront bientôt dans une impasse irrémédiable pour avoir tenté d'établir leurs monopoles. Et eux aussi chercheront à s'attaquer à la lecture de Jünger.

En Europe, la tendance montante du nouveau conservatisme est représentée par une figure comme Eric Zemmour, la star des prochaines élections présidentielles françaises. Zemmour rejette radicalement les LGBT+ et le libéralisme, appelle à l'arrêt complet des migrations, au retour à l'identité française, au gaullisme et à une alliance eurasienne avec la Russie.

La Hongrie et la Pologne, en Europe de l'Est, démontrent que le libéralisme commence à s'enliser aussi dans cette région.

Il n'est donc pas du tout certain que dans un monde tripolaire, les posthumanistes, les postmodernes, les maniaques de la technocratie et les pervers libéraux conserveront le monopole du Logos occidental. Un virage conservateur est également très probable. Et maintenant, ça pourrait devenir intéressant. Mais il n'en reste pas moins qu'un tel virage conservateur sera fondé sur les valeurs occidentales. Oui, ils ne seront pas aussi agressifs et intrusifs que la ligne totalitaire et déjà folle des mondialistes libéraux. Mais ce sera toujours une nouvelle affirmation de l'Occident - avec tout ce que cela implique.

La Chine, avec ses milliers d'années de civilisation et son système socio-politique tout à fait original, dispose là encore d'un énorme avantage. Ce n'est pas seulement l'économie et le contrôle politique étroit du PCC qui sont la clé du succès du Logos chinois. La société chinoise - tant l'État que le peuple lui-même - est un système de valeurs cohérent, avec une dimension impériale, une éthique et une sorte de métaphysique chinoise. Ce n'est pas seulement une question de pouvoir ; le fait est qu'entre le pouvoir du PCC et la société chinoise proprement dite se trouve un continent entier de culture traditionnelle chinoise - anthropologique, éthique, spirituelle. Et la Chine ne fera que se renforcer et étendre son influence dans les régions voisines.

Il est grand temps pour la Russie de réfléchir au Logos russe. Sur l'identité russe, sur la conscience de soi historique, sur notre système de valeurs, qui n'est pas moins original et distinctif que celui de l'Occident ou de la Chine. Hélas, nous y prêtons encore très peu d'attention. Mais il vaut la peine de se tourner vers l'histoire russe, vers les trésors inestimables de l'orthodoxie et de la tradition, vers notre littérature et notre art, vers notre philosophie religieuse, vers l'éthique russe de la justice et de la solidarité - et les grandes lignes de la civilisation russe s'ouvriront devant nous. Et là, il faut être décisif : même si ce n'est pas une vérité universelle, elle n'est pas universelle, mais c'est la nôtre, la russe. Qui est prêt à l'accepter, qu'il soit le bienvene. Pour ceux qui n'y sont pas prêts, eh bien, que le monde soit plus riche et plus complet grâce à la diversité et à l'identité.

Et encore les trois Logos...

    ...l'Occidental..,
    ... le chinois et...
    le russe -

sont comme trois civilisations - et ils ne seront bientôt que les principaux pôles de la multipolarité. Les civilisations islamique ou indienne, africaine ou latino-américaine, avec toutes leurs particularités locales, auront l'occasion de multiplier leur Logos, de défendre et de développer leur identité, de construire leurs Etats, leurs cultures, leurs systèmes.

Bien sûr, il y aura des difficultés en cours de route. Mais il est parfois important de prêter d'abord attention aux nouveaux horizons, sans tout réduire à la concurrence, aux conflits, aux affrontements et au scepticisme geignard : "rien ne marchera pour l'humanité, comme rien n'a jamais marché". C'est un mensonge - cela a parfois fonctionné, et l'humanité a connu les plus grands succès, les plus grandes réalisations, les plus grands exploits et les plus hauts sommets, bien qu'il y ait eu aussi des chutes sévères et des catastrophes.

Il vaut la peine de se pencher sur un monde multipolaire - aujourd'hui tripolaire - avec responsabilité et animé de solides bonnes intentions. Après tout, c'est le monde dans lequel nous vivons que nous créons nous-mêmes. Concentrons-nous donc, nous les Russes, sur la recherche du Logos russe.

tg-Nezigar (@russica2)

Le chercheur russe Artyom Lukin : trois options idéologiques à l'oeuvre dans le monde

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Le chercheur russe Artyom Lukin : trois options idéologiques à l'oeuvre dans le monde

Markku Siira

Ex: https://markkusiira.com/2021/11/06/venalaistutkija-kolme-ideologista-vaihtoehtoa/

Le chercheur russe Artyom Lukin conteste l'argument selon lequel la compétition géopolitique actuelle ne peut être comparée à la guerre froide, car il ne s'agit plus d'un "choc des idéologies". Selon M. Lukin, les trois superpuissances actuelles - les États-Unis, la Chine et la Russie - représentent des "choix idéologiques différents".

Les États-Unis défendent "une idéologie libérale-progressiste, connue dans sa forme extrême [de pureté idéologique] sous le nom de wokeness". La Chine et la Russie remettent en question cette vision libérale américaine - et, par ailleurs, néo-gauchiste.

La Chine et la Russie sont souvent mises dans le même sac en tant qu'"amis autocratiques", note M. Lukin. Toutefois, le spécialiste de la Russie estime que Pékin et Moscou représentent "des modèles idéologiques très différents". Le modèle chinois est "une synthèse du socialisme marxiste-léniniste-maoïste et de la culture traditionnelle chinoise coutumière, renforcée par une technologie numérique avancée".

M. Lukin estime également que c'est une erreur de penser que M. Poutine veut faire revivre l'Union soviétique communiste. En fait, le président russe de longue date est très ambivalent à l'égard de l'ancien modèle soviétique. "Poutine n'est pas un communiste, mais plutôt un suzerain néo-féodal", dit Lukin.

La préférence de Poutine semble être pour la "vieille Russie tsariste": pour lui, la Russie ne doit pas être un empire idéologique universel, mais une "large autocratie continentale" qui s'appuie sur "les armes nucléaires, un conservatisme sain et des traditions éprouvées".

L'idéal russe de Poutine vient donc du passé ; en tant que telle, l'idéologie russe plaît à "certains conservateurs de droite en Europe et en Amérique du Nord". C'est pourquoi l'élite libérale occidentale considère Poutine comme son "adversaire idéologique".

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Pourtant, le défi idéologique de la Russie à l'égard de l'Occident n'est rien comparé au défi posé par la Chine. "L'Occident a de plus en plus peur de la Chine, non seulement en raison de la puissance économique et militaire croissante de la Chine, mais aussi parce que le développement moderne et très réussi de la Chine renforce l'idéologie du parti communiste chinois", explique M. Lukin.

Il estime que "la pandémie du coronavirus a été un moment décisif qui a montré la supériorité du système chinois". "Alors que la plupart des pays occidentaux, ainsi que la Russie et l'Inde, ont échoué de manière désastreuse à protéger leurs populations, la Chine a gagné la bataille contre le virus", estime l'universitaire russe. Les lecteurs critiques peuvent, s'ils le souhaitent, débattre de la validité de ce point de vue dans le fil de discussion du compte Twitter de Lukin.

M. Lukin admet que le système chinois présente des "caractéristiques dystopiques", mais qu'il est actuellement "le système le plus efficace lorsqu'il s'agit de générer des richesses matérielles pour les masses et de protéger la vie humaine biologique". Au lieu d'arguments plus spécifiques, il invite les lecteurs à explorer le personnage du "grand inquisiteur" créé par l'écrivain Fyodor Dostoïevski.

Lukin n'oublie pas de mentionner qu'il existait également une quatrième idéologie concurrente, l'"islamisme radical", mais que l'"État islamique" qui la représentait a été détruit par l'action collective des grandes puissances. Il s'agit de la plus extraordinaire des affirmations de Lukin, car il existe des exemples plus réussis de groupes terroristes fondés sur le modèle de la civilisation islamique en Iran, en Arabie saoudite et, par exemple, en Turquie.

En résumé, Lukin conclut que "l'humanité a désormais le choix entre le wokéisme occidental, le néoféodalisme russe et le socialisme numérique quelque peu dystopique de la Chine". Y a-t-il vraiment un choix entre ces modèles, ou est-ce l'histoire, la géographie et les liens avec la politique étrangère et de sécurité qui déterminent à quelle superpuissance appartient chaque pays ? La deuxième question est la suivante : comment la crise mondiale actuelle affectera-t-elle les aspirations des grandes puissances ?

jeudi, 04 novembre 2021

Le nouvel axe géopolitique Russie/Chine/Allemagne/Iran pourrait reléguer la domination mondiale des États-Unis aux oubliettes de l'histoire

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Le nouvel axe géopolitique Russie/Chine/Allemagne/Iran pourrait reléguer la domination mondiale des États-Unis aux oubliettes de l'histoire

Par Alfredo Jalife Rahme

Ex: https://kontrainfo.com/nuevo-eje-geopolitico-entre-rusia-china-alemania-iran-podria-enviar-el-dominio-global-estadunidense-al-basurero-de-la-historia-por-alfredo-jalife-rahme/

Le géopoliticien brésilien Pepe Escobar - l'un des meilleurs au monde pour la région eurasienne et bien supérieur à l'israélo-américain Robert Kaplan, devenu un vulgaire propagandiste du Pentagone - lance une théorie prospective téméraire sur le nouvel axe Russie/Chine/Allemagne/Iran (cf. https://bit.ly/2Vl1BXV).

Après 117 ans, la thèse du géographe Sir Halford John Mackinder (https://amzn. to/3yqgPsV) - énoncée en soutien à la thalassocratie britannique - sur l'Eurasie comme "heartland" - alors qu'il imaginait au départ que les États-Unis risquaient fort de se confiner sur une "île" marginalisée - est de retour avec vigueur, ayant rempli sa mission téléologique de domination universelle par l'Anglosphère depuis la Première Guerre mondiale jusqu'à la grave crise financière de 2008 - pour d'autres, depuis la mise en scène hollywoodienne du 11 septembre - or ce scénario mackindérien revient maintenant en "sens inverse" : lorsque les Eurasiens, posés comme "isolés" selon les héritiers de cette perspective mackindérienne, reprendront le flambeau géostratégique, ce sera au détriment du déclin indéniable des États-Unis.

Dans son style très sympathique d'optimisation des "hard data" au rythme de la samba, Escobar déclare: "Aujourd'hui, ce n'est pas l'axe Allemagne-Japon, mais le spectre d'une entente Russie-Chine-Allemagne qui terrifie [sic] l'hégémon en tant que trio eurasien capable d'envoyer la domination mondiale des États-Unis dans les poubelles [sic] de l'histoire".

Il explique que la Russie et la Chine ont cessé de faire preuve de leur "infinie patience taoïste (note : philosophie chinoise de l'harmonie et de la "voie spirituelle")" dès que les "acteurs majeurs" du cœur de l'Eurasie (Mackinder dixit) "ont clairement vu à travers le brouillard de la propagande impériale".

En effet, l'empire américain désormais décadent, étendu à l'anglosphère thalassocratique et financiariste, détient encore un leadership inégalé avec sa puissante machine de "propagande noire", à l'unisson avec le dollaro-centrisme, lequel est cependant ébranlé par le projet du yuan numérique et le retour triomphal des métaux précieux (or et argent).

Escobar ne cache pas que la route sera "longue et sinueuse, mais l'horizon [sic] finira par dévoiler une alliance Allemagne/Russie/Chine/Iran [sic] qui remaniera l'échiquier mondial"; il énonce cette thèse en référence au livre de feu le russophobe obsessionnel et compulsif Zbigniew Brzezinski (https://amzn.to/3xt1C9q). Alors que les États-Unis - qu'il décrit comme un "empire du chaos (https://amzn.to/3rR6jII)" - sont "progressivement et inexorablement expulsés (sic) du cœur de l'Eurasie, la Russie et la Chine gèrent conjointement les affaires de l'Asie centrale", comme en témoigne la récente conférence de Tachkent (Ouzbékistan), pays d'Asie centrale.

Escobar expose la collision de la Route de la Soie contre la QUAD -USA/Inde/Japon/Australie-, et le leadership régional de la Russie, qui pousse au "grand partenariat eurasien", et qui, par ailleurs, a renouvelé avec la Chine pour cinq années supplémentaires le Traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération, signé en 2001 (https://bit.ly/37g7B6P).

Il est clair qu'au cours des six premiers mois de Biden, peut-être dans le but de séduire Berlin pour créer une sainte alliance européenne contre la Chine, les États-Unis ont renié les affects antirusses de l'Ukraine, de la Pologne et des États baltes ("Le gazoduc Nord Stream 2 : l'Allemagne et la Russie gagnent ; l'Ukraine et les États-Unis perdent ; cf. https://bit.ly/3AamvaO), tandis qu'ils se retirent d'Afghanistan et d'Irak.

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Pepe Escobar décrit l'affrontement à Tianjin entre les États-Unis et la Chine comme un "séisme géopolitique", comme je l'ai déjà signalé à propos des "trois commandements" avec lesquels le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi a damé le pion à la sous-secrétaire d'État américano-israélienne Wendy Sherman (https://bit.ly/3ymLRBT).

Escobar se moque du niveau avilissant des think tanks américains, lorsque le Carnegie Endowment, avec 11 auteurs - dont le conseiller à la sécurité nationale (https://bit.ly/3jh4DEB), l'israélo-américain Jake Sullivan - soutient comment "la politique étrangère américaine fonctionnera mieux pour la classe moyenne". Sans commentaire !

Escobar conclut que "c'est maintenant le début d'un nouveau monde géopolitique et le préquel" - le contexte qui mène aux événements - "d'un requiem impérial" où "de nombreuses suites suivront".

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mardi, 02 novembre 2021

La Chine de Wang Huning et la crise existentielle de l'Occident

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La Chine de Wang Huning et la crise existentielle de l'Occident

par Markku Siira

Ex: https://markkusiira.com/2021/11/01/wang-huningin-kiina-ja-lannen-eksistentiaalinen-kriisi/

L'analyse de la géopolitique nécessite d'avoir un aperçu des cultures politiques des différents pays, et au cours de ses recherches, le géopolitologue rencontre souvent des personnages intéressants. L'un d'entre eux est le Chinois Wang Huning, qui a été appelé "le Richelieu de la Chine moderne".

Wang est l'un des principaux idéologues de la République populaire de Chine et est considéré comme le cerveau derrière tous les grands concepts politiques chinois actuels. Le "rêve chinois", la campagne de lutte contre la corruption, l'initiative "la Ceinture et la Route", une politique étrangère plus affirmée et même la "pensée Xi Jinping" figurent au crédit de M. Wang.

Si vous regardez une photo du président Xi lors d'un voyage ou d'une réunion importante, vous verrez probablement le fonctionnaire à lunettes Wang à l'arrière-plan, jamais très loin du dirigeant.

Wang a ainsi mérité d'être comparé à des personnages célèbres de l'histoire de la Chine, tels que Zhuge Liang et Han Fei (les historiens appellent ce dernier le "Machiavel de la Chine"), qui ont agi comme des "gardiens derrière le trône", mais des gardiens officieux: des conseillers stratégiques de haut niveau et même des "professeurs de l'empereur".

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Une telle figure est aussi facilement reconnaissable en Occident avec les éminences grises, comme François Leclerc du Tremblay, Charles Maurice de Talleyrand, Klemens von Metternich, Henry Kissinger ou l'ancien conseiller de Vladimir Poutine, Vladislav Surkov.

Mais ce qui est particulièrement remarquable chez Wang, c'est qu'il a réussi à jouer le rôle du philosophe de cour avec non pas un, mais trois des plus récents dirigeants de la Chine. Avant la présidence de Xi Jinping, Wang était l'idéologue à l'origine de la théorie des "Trois Représentants" de Jiang Zemin et de la plate-forme de la "Société harmonieuse" de Hu Jintao, entre autres.

Il s'agit d'une réussite sans précédent dans le monde de la politique des factions du parti communiste chinois. Wang a été recruté dans le parti par le "gang de Shanghai" de Jiang, une faction rivale que Xi a cherché à évincer après son arrivée au pouvoir en 2012. Nombre de ses membres éminents, dont l'ancien chef de la sécurité Zhou Yongkang et l'ancien vice-ministre de la sécurité Sun Lijun, ont, depuis, fini en prison.

Entre-temps, le fait de Hu Jintao a également été ignoré, tandis que la faction de Xi n'a fait que consolider son pouvoir. Wang Huning, cependant, reste toujours. Sa présence continue en dit long sur la profondeur de sa ruse politique, ainsi que sur son importance pour l'appareil d'État chinois.

L'éminence grise de la Chine était autrefois un écrivain très prolifique, publiant près de vingt livres et de nombreux essais. L'apparente continuité entre les idées contenues dans ces œuvres et ce qui se passe en Chine aujourd'hui révèle que Pékin voit toujours le monde à travers les yeux de Wang Huning.

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En 1988, à l'âge de 30 ans, Wang est devenu le plus jeune professeur de l'université Fudan, carrière entamée à une vitesse sans précédent. Wang a également pu se rendre aux États-Unis, où il a passé six mois en tant que chercheur invité. Wang avait une profonde curiosité pour l'Amérique et il en a profité pour faire le tour de différentes villes et universités, comme une sorte d'Alexis de Tocqueville chinois moderne.

Ce qu'il a vu l'a profondément choqué et a définitivement changé sa vision de l'Occident. Wang a consigné ses observations dans un livre publié en Chine en 1991 sous le titre America versus America. Il s'y étonne, choqué, des campements de sans-abri dans les rues de Washington, de la criminalité liée à la drogue qui sévit dans les quartiers noirs pauvres de New York et de San Francisco, et des grandes entreprises qui semblent avoir fusionné avec le gouvernement et en avoir pris le contrôle.

En fin de compte, il a conclu que l'Amérique était en proie à un "courant sous-jacent de crise imparable" découlant de ses contradictions sociales, notamment entre les riches et les pauvres, le pouvoir démocratique et oligarchique, les privilèges de classe, les droits individuels et les obligations collectives, les traditions culturelles et les solvants de la modernité liquide.

Mais si les Américains ont le sentiment d'être confrontés à des "problèmes sociaux et culturels complexes", dit-il, ils ont tendance à penser qu'ils doivent être résolus séparément. Wang affirme que cela ne nous mène nulle part, car les problèmes sont en fait inextricablement liés et ont la même cause profonde : l'individualisme radical et nihiliste au cœur du libéralisme américain moderne.

"La véritable cellule de la société aux États-Unis est l'individu", dit-il. C'est parce que la cellule la plus fondamentale de la société, la famille, "s'est effondrée". En même temps, dans le système américain, "tout a une double nature" et le glamour de la haute caste marchande est abondant. Le sexe, la connaissance, la politique, le pouvoir et la législation sont devenus des marchandises.

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Cette "marchandisation corrompt la société à bien des égards et entraîne de nombreux problèmes sociaux graves". Après tout, "le système économique américain a créé la solitude humaine" comme son principal produit, ainsi que des inégalités frappantes. En conséquence, le nihilisme est devenu un "mode de vie", avec des conséquences désastreuses pour la culture américaine.

Cette expérience révélatrice a donc influencé les opinions de Wang. Il a ainsi analysé le système politique chinois et la manière dont il diffère du système occidental. Wang critique fortement la démocratie occidentale, affirmant qu'elle n'est que nominale. Il estime que la politique américaine est dominée par des intérêts particuliers, et il n'a probablement pas tort.

Il estime que la Chine devrait suivre son propre modèle de leadership fort et centralisé. Il défend fermement le système hybride de la Chine, le "socialisme aux caractéristiques chinoises", que Xi Jinping a désormais adapté à l'idée d'une "nouvelle ère" pour la Chine. "Là où il n'y a pas de gouvernement central ou là où le gouvernement central est en déclin", a écrit un jour Wang, "la nation est divisée et dans un état chaotique".

De nombreux écrits de Wang portent sur les défis de la gouvernance. Il a comparé les styles de gouvernance dans différents pays et ce qui pousse les administrateurs à évaluer les besoins des citoyens. Aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Japon, dit-il, la "sécurité" est la priorité, alors qu'en Inde, par exemple, c'est le "respect" qui prime.

"Les besoins d'un individu peuvent être influencés par de nombreux facteurs, tels que les traditions sociales, les relations économiques, les activités politiques, les idéologies religieuses et les convictions morales", explique Wang. La confiance dans le gouvernement, dit-il, dépend en fin de compte du respect de ses promesses fondamentales envers la population.

Le sinologue Jude Blanchette a noté qu'après 1989, Wang et d'autres universitaires ont souligné la nécessité d'une stabilité politique pour soutenir le développement économique et se sont fortement opposés aux appels à la décentralisation politique parallèlement aux réformes économiques de Deng Xiaoping.

Selon Wang, "la formation d'institutions démocratiques requiert des conditions historiques, sociales et culturelles spécifiques". Tant que ces conditions ne sont pas réunies, le pouvoir politique doit être orienté vers le développement de ces conditions. Il a même exprimé sa crainte que la Chine ne soit "divisée en 30 duchés et 2000 principautés concurrentes" par la décentralisation.

Blanchette affirme que "l'héritage du néo-autoritarisme de Wang et de son cousin, le néo-conservatisme, perdurera sous Xi Jinping". L'administration de Xi a renforcé le contrôle des entreprises d'État aux provinces. Toutefois, pour ceux qui s'attendaient à un "culte de Xi" à la Mao, il convient de noter que l'idéologue Wang est également un critique virulent des excès du maoïsme. La révolution culturelle n'a été, selon lui, qu'un "désastre politique".

Selon un rapport divulgué par Wikileaks, Xi Jinping - qui a été surnommé "M. Propre" par des sources diplomatiques américaines - partage l'avis de Wang sur la commercialisation omniprésente de la société chinoise et les néo-riches qui en découlent, la corruption officielle, la perte des valeurs, de la dignité et du respect de soi, ainsi que les vices moraux tels que la drogue et la prostitution, qui sont des phénomènes "odieux".

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Wang a maintenant apparemment convaincu Xi qu'ils n'ont d'autre choix que de prendre des mesures drastiques pour contrer les menaces existentielles que le capitalisme libéral économique et culturel occidental fait peser sur l'ordre social chinois. Ces menaces sont presque identiques aux problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis.

En effet, les dirigeants chinois actuels, suivant les idées de Wang, ont cherché à saper l'influence toxique de l'Occident libéral. Cela se reflète également dans la répression de la politique chinoise au nom des minorités sexuelles, et l'influence perçue comme néfaste des boys bands androgynes, populaires auprès des jeunes, a été remplacée par des idéaux de masculinité et de nationalisme.

Avec la montée de la Chine conservatrice, l'Occident devrait se livrer à une introspection profonde et rigoureuse. Ce serait une étape nécessaire vers le changement fondamental qui s'impose. Il semble toutefois que ni les États-Unis ni l'Union européenne ne disposent d'une idéologie comme celle de Wang pour aider à actualiser un modèle de civilisation en déclin vers une forme plus saine et durable. Pas assez de volonté non plus, je suppose ?

À l'heure actuelle, il semble que l'on nous propose presque la seule "alternative" au "capitalisme vert" et au transhumanisme des oligarques occidentaux, combinée à un système de notation sociale à la chinoise.

En cas de crise systémique, l'élite dirigeante de l'Occident devait choisir entre la perte du pouvoir économique ou le rejet dans les coulisses de la "démocratie libérale" ; la "nouvelle normalité" de l'ère Corona a montré ce qu'elle a choisi. L'Occident ne peut plus se permettre de critiquer la Chine de Wang Huning pour son autoritarisme.