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dimanche, 09 février 2020

Le Royaume-Uni brexité se tournera inévitablement vers la Chine et la Russie

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Le Royaume-Uni brexité se tournera inévitablement vers la Chine et la Russie

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il s'agira d'une évolution que ne pourra pas empêcher la "special retationship" avec les Etats-Unis.

Si le Royaume-Uni a décidé de quitter l'Union Européenne, ce que l'on nomme le Brexit, il semble que ce soit principalement parce que, dans le cadre de l'Union, qui demeure presque entièrement dépendante politiquement de Washington, elle commençait à étouffer sous le poids de contraintes d'inspiration américaine lui interdisant toutes relations économiques avec la Russie et la Chine.

Celles-ci contrariaient de plus en plus ses intérêts économique. Or en Grande Bretagne, l'économie est plus encore que le politique un déterminant de la politique extérieure. Jusqu'à présent, dans le cadre de la « special relationship » avec les Etats-Unis, le Royaume Uni pouvait bénéficier économiquement de la domination américaine sur une partie du monde. Aujourd'hui, comme Washington perd de plus en plus de terrain face à Pékin (à supposer que l'épidémie de coronavirus s'y éteigne) et Moscou, Londres revendique plus d'indépendance.

Deux faits apparemment mineurs mais significatifs le montrent. Boris Johnson, le Premier ministre britannique, vient de refuser de se plier à l'ordre de Donald Trump lui imposant de renoncer aux équipements pour la 5G fournis par le géant chinois Huawei dominant ce secteur. Dans un tout autre domaine, il a décidé de lever à partir de 2021, certaines des « sanctions » imposées à la Russie dans le cadre de l'Union, mais sous pression de Trump. au prétexte d'une prétendue annexion de la Crimée.

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Il est clair que les intérêts financiers britanniques veulent profiter de la mise en valeur de la Russie, sur le plan industriel et géographique, notamment en Sibérie, qui vient d'être décidée par Vladimir Poutine. Cela se fera nécessairement aux dépends des intérêts américains. Une autre grande puissance économique européenne, l'Allemagne, ne voudra certainement pas être exclue de ces perspectives par les injonctions américaines. On peut penser que Berlin, bien qu'encore très soumis à Washington, n'hésitera pas à affronter les interdits américains dans ce domaine.

Il en sera de même des relations britanniques avec la Chine. Si celle-ci, répétons-le, échappe rapidement à la fragilisation que lui impose aujourd'hui l'épidémie de coronavirus, elle retrouvera rapidement son statut de première puissance économique mondiale.

Ayant retrouvé grâce au Brexit, face aux Etats-Unis et à l'Union européenne, toute sa liberté de négociation, le Royaume-Uni ne tardera pas à exploiter ces perspectives. Ceci évidemment ne l'empéchera pas de continuer à s'affirmer fidèle à la special relationship.

mardi, 04 février 2020

Coranovirus: nouveau front de la guerre hybride contre la Chine

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Coranovirus: nouveau front de la guerre hybride contre la Chine

Par Laurent SCHIAPARELLI

Les réactions des autorités occidentales, outrepassant les recommandations de l’OMS, contribuent à semer un climat de panique face à une épidémie encore somme toute limitée. Pourquoi ne réagit-on pas de la même manière à des menaces sanitaires autrement plus meurtrières?

L’Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) développe depuis quelques années le concept militaire de guerre mosaïquée (mosaic warfare), une sous-catégorie de la guerre hybride (combinaison de moyens militaires, cybernétiques et non-conventionnels, comme le terrorisme, la guerre de l’information, la criminalité).

Que ce soit dans le champ militaire, ou ici médiatique, il s’agit de projeter vers l’ennemi une multitude d’attaques de taille et de nature différente, qui individuellement sont peu décisives, mais qui, combinées et déployées simultanément ou successivement, ont pour but d’épuiser et de submerger les défenses adverses.

Il semble que cette stratégie soit aujourd’hui à l’œuvre dans le volet médiatique de la guerre économique déclarée par les États-Unis à la Chine.

Sur le devant de la scène, une guerre économique conventionnelle, au sujet de laquelle les deux gouvernements négocient de façon théâtrale depuis un an. En parallèle, une multitude d’attaques antichinoises restreintes et évolutives: droits de l’homme (Xinjiang), intégrité territoriale (Mer de Chine du Sud), souveraineté (Hong Kong) mais également environnementale (pollution, déforestation, incendies), et depuis quelques semaines, sanitaires avec l’apparition du coronavirus dans un marché à Wuhan.

Le fait que la DARPA finance plusieurs projets de recherche sur le forçage génétique, technique hautement controversée, est sûrement une coïncidence sur laquelle nous n’aurons pas le temps de nous attarder ici.

Reconnaissance de l’OMS, mais sanctions des Etats

Au cours de sa réunion du 30 janvier 2020, le Comité d’urgence de l’OMS a convenu, «dans un esprit de soutien et de reconnaissance envers la Chine», que la flambée épidémique constitue une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). Cette déclaration se borne à une série de recommandations à destination du personnel de l’OMS, de la Chine et de la communauté internationale, principalement sur un renforcement des échanges des données collectées.

Le point saillant de ce communiqué est l’absence de recommandation de restriction des déplacements. «[…] Les faits ont montré que la restriction de la circulation des personnes et des biens pendant les urgences de santé publique peut être inefficace […]. En outre, les restrictions peuvent interrompre l’aide et l’appui technique nécessaires, perturber les entreprises et avoir des effets négatifs sur l’économie des pays touchés.»

Ainsi, l’interruption de vols commerciaux vers et en provenance de la Chine de compagnies aériennes occidentales (British Airways, Lufthansa, Swiss, Air France) s’apparente dans le meilleur des cas à un excès de précautions, et dans le pire à une tentative malveillante de clouer la Chine au pilori.

Les États-Unis viennent de diffuser un avis de voyage de niveau 4 à destination de la Chine, l’Allemagne demande à ses ressortissants de quitter la ville de Wuhan, et la France propose le rapatriement aux Français de Wuhan qui le souhaitent (comment? Air France ne dessert plus la Chine depuis le 31 janvier). L’hystérie est donc alimentée depuis l’étranger une nouvelle fois, alors que les chiffres de propagation, aussi bien en Chine où l’épidémie est la plus grave, qu’à l’étranger, ne le justifient pas. Et ce le jour où l’OMS déclare que des restrictions de déplacements ne sont pas souhaitables.

Péril pulmonaire jaune ou gastro-entérite bien de chez nous?

En France, les médias sèment la panique. Cinq cas diagnostiqués, et on ne trouve déjà plus de masques en pharmacie. Le SAMU reçoit des appels de personnes qui s’inquiètent d’avoir «récemment mangé chinois», ou d’avoir reçu un colis de Chine. Les médias tournent en dérision cette psychose outrancière, mais plutôt que d’expliquer pourquoi il n’y a pas lieu de paniquer, ces médias nous apprennent que les services médicaux français sont «prêts». Sous-entendu, «il y a bien un danger venu de Chine».

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Pourtant, si on avait sincèrement voulu désamorcer ce début d’hystérie collective, il eut été plus simple de donner l’antenne à un expert, pour apporter un point de vue documenté et apaisant. On aurait pu donner la parole au Professeur Didier Raoult, Directeur de l’IHU Méditerranée Infection à Marseille, qui aurait pu expliquer à une heure de grande écoute, comme il le fait chaque semaine sur sa chaîne YouTube, que cette flambée épidémique en Chine est bénigne au regard d’autres maladies infectieuses qui sévissent en Occident dans le silence médiatique le plus total.

Dans une de ses brèves vidéos, datée du 17 septembre 2019, il explique que l’infection au clostridium difficile tue 20,000 personnes par an en Europe et 20,000 aux États-Unis. 10% de la population occidentale serait «colonisée» par ce clostridium difficile, qui est LA vraie maladie émergente, mais qui étrangement ne fait pas le buzz dans nos médias. Peut-être est-ce le fait qu’elle sévit fortement dans les EPHAD, où il faut bien mourir de quelque chose, de vieillesse, de maltraitance, ou de maladie.

Sa létalité va de 5 à 50% selon la souche, et elle a une très forte contagiosité. Malgre sa cinquième position au classement des maladies responsables de décès en France, le professeur Raoult constate que «ce n’est pas un problème médiatique».

En comparaison, le coronavirus 2019-nCoV a une létalité de 2,3% et s’est peu répandu à l’étranger: 259 cas sur 1100 au 1er février. Cette épidémie bénéficie d’une caisse de résonance médiatique que ni sa contagiosité ni sa létalité ne justifient. A l’inverse, l’avis d’un expert comme celui du professeur Raoult ne génère aucun buzz dans les médias. Il est même suspect aux yeux de certains membres de la communauté française en Chine, à qui on ne la fait pas, car ils ont consulté la fiche Wikipedia en français du Professeur Raoult, et n’ont pas manqué d’y remarquer la marque au fer rouge qui frappe ce professeur, celle qui expose son crime dès les premières lignes, celui d’être «climato-sceptique». Sa fiche Wikipedia en anglais, plus exhaustive, ne mentionne pas son opinion sur le climat, préférant détailler ses réussites dans son domaine, la biologie (brevets, prix, création de startups) et sur le fait qu’il soit présent dans le top 10 des chercheurs français, attribué par la revue Nature, et dans le top 99 des microbiologistes dans le monde.

La ligne de front est stoïque, les planqués s’affolent

Ainsi, la Chine fait face, sans débordements, à cette nouvelle épreuve, et comptabilise les mauvaises nouvelles qui s’accumulent, surtout en provenance de ses «partenaires étrangers». Autant de gouvernements occidentaux qui en temps normal font la danse du ventre pour signer des contrats commerciaux, mais qui, à l’annonce d’une épidémie encore bénigne, retournent leur veste et prennent des décisions draconiennes et inamicales d’évacuation, qui délivrent un tout autre message: la Chine ne serait pas capable de gérer cette épidémie, alors même que l’OMS salue la transparence et la réactivité chinoise dans cette crise. La crise du SRAS de 2003, qui avait explosé à Hong Kong, n’avait pas causé autant d’émoi chez les Occidentaux à l’époque.

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La population de Hong Kong justement (11 cas, 0 décès pour 7,1 millions d’habitants), habituée aux débordements émotionnels, ne manque pas de saisir la balle au bond pour exhiber un peu plus sa sinophobie schizophrénique: elle vient de faire pression sur l’Exécutif pour repousser l’ouverture des écoles au 2 mars (elle était prévue pour le 3, puis le 17 février), et fermer les liens ferroviaires avec la Chine (en contradiction avec les recommandations de l’OMS). Dans la continuité des émeutes des derniers mois, les appels se multiplient pour couper toute voie de communication avec la Chine. Les médecins sont à l’avant-garde de ces revendications, menaçant le gouvernement de se mettre en grève si toutes les voies de communication ne sont pas coupées d’ici le 3 février. Des bâtiments destinés à accueillir les patients en quarantaine ont été incendiés par le voisinage, des hôpitaux traitant des patients chinois ont été attaqués, et de nombreuses mises à sac de parapharmacies ont été signalées, pour de l’alcool et des masques. Ces scènes, dignes des classiques américains que sont Black Friday et L’attaque des zombies, montrent à quel point le virus de l’américanisation est actif dans ce petit territoire.

Cette nouvelle campagne médiatique antichinoise fera son petit effet sur les peuples occidentaux, dont une partie doit tout de même ressentir une certaine fatigue à ne lire que des informations systématiquement négatives et caricaturales sur la Chine. Comme souvent par le passé, les gouvernements européens ont tendance à trop en faire pour plaire à l’Oncle Sam, et s’exposent ainsi au ridicule tout d’abord, puis à une certaine rancune de la part du peuple et du gouvernement chinois, qui ne manquera pas de se transformer en mesure de rétorsion contre ceux partis trop précipitamment, et qui ont ainsi amplifié les difficultés économiques de la Chine au moment où il aurait été sage de montrer une certaine solidarité pragmatique.

Source : l’Antipresse n° 218 du 02/02/2020.

samedi, 25 janvier 2020

Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World

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Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World

by Dongxian Jiang

 Ex: https://www.voegelinview.com

Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World: Reorienting the Political, Kai Marchal and Carl K.Y. Shaw, eds. Lanham, Lexington Books, 2017.

51SaQUAXfmL._SX331_BO1204203200_-e1527628158686.jpgCarl Schmitt and Leo Strauss are extremely popular in China, especially in Mainland China—this is no longer a secret in the Western academia. As early as 2003, Stanley Rosen had already told the Boston Globe that “A very, very significant circle of Strauss admirers has sprung up, of all places, China.”[1] Then, in 2010, Mark Lilla, after returning from a visit to Chinese universities, published a widely-circulated article in the New Republic, reporting that there was a “strange taste in Western philosophers” among Chinese scholars and college students, i.e. their strange obsession with Leo Strauss and Carl Schmitt.[2] A 2015 article published on “The China Story” website by Flora Sapio further described the reception of Carl Schmitt by China’s New Left intellectuals and showed the author’s concern with the potential danger of Schmitt’s legal and political theory.[3] Schmitt and Strauss have become philosophical and political stars in China is well-known in the Western world. The question that still puzzles people is—Why?

It is in line with this growing visibility of China’s “Schmitt-Strauss fever” that Kai Marchal and Carl K.Y. Shaw edited this current volume on Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-speaking World, a long-waited contribution to the decoding of and engagement with this enigmatic intellectual phenomenon. The greatest virtue of this volume is, as the two editors say in the Introduction, that “while individual authors may differ in their evaluation of the nature of this reception and its possible implications,” they all agree that this intellectual phenomenon should be treated in a serious way (p. 13). Taken as a whole, this volume is currently the most in-depth discussion in the entire world of the Chinese receptions of Schmitt and Strauss, and should be recommended to anyone who is interested in Chinese intellectual history in the post-Mao era.

Readers who are intrigued by the Schmitt-Strauss fever in the Sinophone world would naturally ask three questions, and they expect that this volume would answer them from different angles. First, why are Schmitt and Strauss so popular in China (the “Why” question)? Second, how do Chinese intellectuals use Schmitt’s and Strauss’s political thought to participate in China’s political debates? And third, how can liberals respond to these Chinese Schmittians and Straussians, if they are using Schmitt’s and Strauss’s “illiberal” thought to express their discontent with the Western modernity? The contributors in this volume aim to do all these jobs, but as I shall demonstrate, several drawbacks of the book might have made it unsuccessful to fulfill readers’ expectations. Specifically, I shall argue, while the volume contains detailed answers to the second question, it does not provide persuasive and sufficient accounts of the “Why” question. In addition, though the volume aims to engage with the Chinese Schmittians and Straussians, the strategies that some contributors use may not be promising in the Chinese context.

As a book dealing with the Chinese reception of Schmitt and Strauss, several chapters are devoted to the analysis of the writings of Chinese Schmittians and Straussians, with a focus on how they use Schmitt’s and Strauss’s ideas to address distinctively Chinese issues. The chapters by Shaw, Marchal and Nadon are especially helpful for readers to know who the Schmittians and Straussians are in China and how they are politically motivated to invoke Schmitt’s and Strauss’s authorities. These close analyses, based on first-hand textual evidence, provide solid bases for the contributors in this volume to engage with the Chinese thinkers, and to show what they are getting right and where they are going wrong.

In terms of the historical accounts of China’s reception of Schmitt and Strauss, contributors have made significant efforts in reconstructing the historical context of China’s post-Mao period and in explaining why certain Schmittian and Straussian ideas have resonance in this particular circumstance. For example, Shaw is very successful in providing “a contextual and immanent analysis which demonstrates the rationale of the receptions, the inner logic of the theoretical reconstructions, and their relevance for contemporary Chinese intellectual debates” (p. 40). Similarly, Charlotte Kroll reconstructs the legal and political issues that Chinese intellectuals cared about when Schmitt was introduced, and connects Schmitt fever with what Jan-Werner Mueller calls “Schmitt’s globalization” in the 1990s. Before unfolding his engagement with and critique of Liu Xiaofeng’s interpretation and application of Strauss’s political thought in the Chinese context, Marchal presents an overview of the intellectual trajectories of China’s leading Straussians and briefly explains why Strauss is attractive to scholars who are concerned with the “nihilism” issue in the post-Maoist China.

However, as the Schmitt-Strauss fever is the most enigmatic, even “strange” intellectual phenomenon in contemporary China, this volume should have devoted more efforts to the investigations into the “Why” question. A reasonable account of this phenomenon must answer 1) why it is in this particular historical moment that Schmitt and Strauss become authoritative for many Chinese intellectuals, and 2) why it is Schmitt and Strauss, not other critics of Western modernity and liberal democracy, that especially attract the attentions of Chinese intellectuals. In the 1980s and 90s, for example, one of the most fashionable things to do among China’s leading intellectuals was to discuss Nietzsche, Heidegger, Sartre, and Foucault. Why these critics of modernity and liberal democracy, either from the Left or the Right, did not trigger a similar wave of anti-liberalism in China is a question that all scholars interested in Chinese political thought should painstakingly think about. Therefore, a contextualized account of the Schmitt-Strauss fever is not complete if there lacks a comprehensive investigation of China’s reception of Western thought in general, and of China’s reception of anti-Enlightenment and illiberal thought in particular. This, I admit, is not an easy task, but is worth doing if we really take the Schmitt-Strauss fever in China seriously.

Another thing that this volume should have done is an excavation of the pre-Schmittian and pre-Straussian writings of intellectuals like Liu Xiaofeng and Gan Yang, to name a few, because these writings may provide some clues for explaining their intellectual transformations. Contributors like Marchal and Nadon have mentioned that Liu and Gan were not Schmittians and Straussians from the very beginning of their academic lives, but what they have not fully elaborated is that these two figures were active liberals before encountering Schmitt and Strauss. In the 1980s and early 90s, Liu was a “cultural Christian” advocating for China’s radical transformation from “traditional culture” to Christianity, but his political position was by and large liberal. Gan asked Confucianism to modernize itself in order to embrace modern values such as individual rights, equality, pluralism, and democracy. Before their encounter with Schmitt and Strauss, they were obsessed by various “illiberal” or “anti-liberal” philosophers in the West, such as Nietzsche, Heidegger and Sartre, but this obsession did not prevent them from appreciating Berlin, Habermas and Rawls. Just one year before Liu Xiaofeng’s open conversion to Strauss’s political thought and his embrace of illiberalism, he was using public reason liberalism to criticize Charles Taylor and his Chinese followers who wanted to use communitarian insights to fight for the Confucian causes.

After his Straussian turn, however, Liu has been increasingly intolerant of liberal political theory, thinking that a return to the “classical mentality” is incompatible with the pursuit of liberal reform in China. A detailed description of Liu’s “liberal years” may make his sudden but whole-hearted conversion to Schmitt and Strauss more enigmatic, but may also provide hints about whether his particular and idiosyncratic conception of liberalism actually paved way for his later conversion to anti-liberalism. For example, a close reading of his early works shows that the pursuit of an “absolute value” is a constant theme in his liberal years, and that his discomfort with value pluralism to some extent foreshadows his embrace of Strauss’s political thought.

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The absence of detailed and sound explanations of the Schmitt-Strauss fever may be remedied if the Chinese Schmittians and Straussians in this volume could take this opportunity to explain why they think that China needs Schmitt and Strauss for imagining its political future. Readers may have the expectation to look for direct articulations and defenses of their motivations for invoking the authority of Schmitt and Strauss. The volume contains three articles written by Mainland Chinese and Taiwanese scholars who are sympathetic toward Schmitt and Strauss.

Among them, however, only Chuan-Wei Hu’s is a straightforward defense of Strauss in the Taiwanese context and an articulation of why Strauss matters for Taiwan’s democracy. The other two “Mainland” pieces, surprisingly, refrain from providing any direct answers to the “Why” question, and thus miss the opportunity for Mainland Chinese Schmittians and Straussians to make a case for themselves. Han Liu’s chapter, which argues that the global diffusion of constitutionalism and judicial guardianship is a bad thing, does not provide any positive proposals for China to design an alternative legal system in accordance with Schmittian insights, despite his merely one-paragraph assertion that “China should pay attention to its own political culture, however defined, to ground a firm constitutional authority” (pp. 134-5).

The chapter by Jianhong Chen, a leading Mainland Straussian, provides an excellent reinterpretation of Strauss’s political thought, and he argues, against various Western scholars, that Strauss should not be understood as a conservative thinker merely defending the status quo, because political philosophy as Strauss understands is still a radical “negation” of actual politics, thus preserving a utopian and normative dimension. By claiming that Heinrich Meier’s interpretation of Strauss is a myth (pp. 197-8), Chen hints that Liu Xiaofeng’s reception of Strauss might also be mistaken, because Liu encountered Strauss largely through Meier’s secondary literature. But, again, Chen does not elaborate the possible implications of his understanding of Strauss, such as whether Strauss can be used in a way to challenge the political status quo in China. If readers who are not able to read Chinese want to understand why Schmitt and Strauss are important for China from an indigenous perspective, they can read Wang Tao’s article published in the Claremont Review of Books, in which he provides an explanation and justification of China’s reverence for Strauss.[4]

Lastly, the most significant accomplishment that this volume has achieved is a theoretical engagement with the Chinese Schmittians and Straussians. The contributors believe that this wave of anti-liberalism in China inspired by Schmitt and Strauss should be taken seriously, and this volume is a valuable addition to the intercultural conversation in the burgeoning field of comparative political theory. Chapters written by Shaw, Wenning, Nadon and Marchal are recommended for readers who are looking for evaluations of the Schmitt-Strauss fever. Among these four chapters, Shaw and Marchal are generally critical of the Chinese Straussians, arguing that they either fail to grasp Strauss’s true spirit or distort his key teachings. Wenning has a similar critical attitude toward Chinese Schmittians and claims that these scholars have not recognized the “internal complexity” (p. 82) of Schmitt’s thought. Based on his discussion of Schmitt’s later writings, to which few Schmitt scholars have paid adequate attention, Wenning shows how this underappreciated dimension of Schmitt’s political thought might have the potential to overcome the one-sidedness of the current Chinese reception of Schmitt. In contrast, Nadon provides the most positive evaluation of the Chinese reception of Strauss, and contends that Liu Xiaofeng may ultimately “articulate a new and inspiring vision of what Chinese civilization could be” (p. 12).

A theme that unifies many contributors in this volume is their worry that some leading Chinese intellectuals in this fever, most notably Liu Xiaofeng, have an extremely hostile attitude toward liberalism and liberal democracy. While their discontent with Western cultural hegemony should be sympathized, contributors still feel that liberalism as a universal value should be defended in the Chinese context. As Marchal and Wenning have exemplified, one strategy to criticize Chinese Schmittians and Straussians is to show that they are misinterpreting Strauss and neglecting the internal richness of Schmitt. However, I wonder whether this is a promising strategy for engaging with these anti-liberal scholars.

Take Marchal’s chapter as an example, the underlying logic of his strategy is that if Chinese intellectuals get Strauss correctly, then they should have used Strauss for different purposes, rather than merely justifying China’s particular tradition and extant authoritarian regime. Based on his comparison of Strauss and Liu Xiaofeng, he argues that Liu’s use of Strauss “leads to a number of fundamental distortions” of Strauss’s claims in On Tyranny, that “instead of having discerned Strauss’s esoteric messages, Liu may thus have misunderstood his teacher” (p. 184), and that “Liu Xiaofeng’s project is being played out according to a very different agenda than Strauss’s original project,” which Strauss “likely never anticipated” (p. 181). In a word, “It is quite remarkable that the Chinese Straussian Liu Xiaofeng can relate to Strauss’s critique of liberal democracy without further ado in a non-liberal, non-democratic society (which China undoubtedly still is)” (p. 186).

However, what makes Marchal’s comparison of Strauss and Liu problematic is that he applies a double standard when interpreting Strauss’s and Liu’s works respectively. In terms of Strauss, Marchal is fully aware that his works are notoriously enigmatic, and recognizes that reconstructing a “real Strauss” is extremely difficult, so he carefully chooses what he thinks the “more convincing and theoretically plausible” secondary literature, and based on these, provides a charitable reading of Strauss’s political philosophy, i.e., Strauss as an eternal sceptic and critical friend of liberal democracy. When it comes to Liu, he chooses Liu’s most “Straussian book” to date, Republic and Statecraft, as a target for criticism, because he thinks that Liu misapplies Strauss’s teachings in On Tyranny in this book. However, the problem with his reading of Liu is that he does not attempt to use the same method to decode Strauss’s and Liu’s writings, thus making his understanding of Liu dubious and uncharitable.

As Liu himself claims in the afterword of this book, Republic and Statecraft is an expansion of his reading notes of Xiong Shili’s lengthy letter to Mao Zedong.[5] In this book, there is no place where Liu openly articulates his own positions, and, like Strauss, he hides his own ideas behind his textual analysis of Xiong’s letter. Xiong was a well-known New Confucian philosopher in twentieth century China who claimed that modern values such as equality and democracy could be interpreted from the Confucian canons. When the CCP came to power in 1949, Xiong decided to stay in the Mainland, and wrote a series of letters to Mao to make a plea for the protection of China’s traditional culture by arguing that the revolutionary spirit was compatible with Confucianism. In one letter, Xiong expressed his admiration of Mao by claiming that Mao was a modern reincarnation of the ancient sage-king, and that his authoritarian rule was necessary for China to realize freedom and democracy. Liu finds this letter extremely interesting, and uses a Straussian hermeneutics to interpret Xiong’s thought.

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Marchal is aware that Liu is practicing Straussian hermeneutics in this book, but surprisingly, he unreflectively presumes that Liu affirms and praises Xiong’s ideas. Without presenting any quotations from this book, Marchal argues that “[Liu’s] argumentation in Republic and Statecraft strongly suggests that Liu regards Xiong Shili’s attempt to ground Mao’s revolution in the horizon of traditional Chinese culture as meaningful” (p. 188). It is true that Liu does admire Mao in recent years, but this does not necessarily mean that Liu expresses his admiration in a way similar to Xiong’s. His other Straussian writings show his disapproval of the attempt in the twentieth century to develop modern values from within the Confucian tradition, because the Straussian teaching of “transcending the modern horizon” inspires him to praise classical Confucianism, in which, according to him, moral and political hierarchy is the core of the authentic Confucian spirit. As Xiong belongs to the New Confucian school and speaks highly of equality and democracy, it is highly probable that Liu, in his Republic and Statecraft, fundamentally disagrees with Xiong’s ideas. Therefore, while reading Strauss in a charitable way, Marchal to a large degree provides an uncharitable reading of Liu. This double standard fatally discredits his claim that Liu distorts Strauss’s thought, as Liu may easily retort that Marchal is distorting Liu’s thought in the first place.

However, even if Marchal could distribute his charity evenly to Strauss and Liu, the effectiveness of his strategy in combating Chinese anti-liberalism is still doubtful. After all, to what extent is Liu distorting Strauss is a highly contestable issue, as Strauss himself is an extremely enigmatic political thinker. For Marchal, the “real Strauss” he identifies is a Strauss constantly skeptical about Western modernity but never attempts to offer any positive account of a radical alternative, not to mention actively pursues such an alternative in political actions (p. 176). In contrast, Liu distorts Strauss in the sense that he wants to craft a concrete alternative based on the Chinese tradition, and tends to put this project into action.

Were Marchal to do a close analysis of Liu’s interpretations of Strauss, he would quickly find that Liu is almost familiar with Strauss’s entire corpus, and it is extremely difficult to claim that Liu distorts Strauss without going through all his quotations of Strauss’s original texts. In particular, what Marchal does not mention in this chapter is that Liu is especially interested in Strauss’s “theologico-political predicament,” i.e., the tension between the philosopher and the political society. According to Strauss, it is the philosopher’s virtue to constrain its eagerness to challenge the conventions, customs, moral codes, religions, superstitions, laws, and political authorities of the political society, because a replacement of these nomoi with pure reason will lead to the very disintegration of the political society. Therefore, the philosopher should uphold and gently improve the nomoi in his exoteric teachings, while conceal his true philosophical teachings in his esoteric writings.

What Liu takes from Strauss is that a philosopher in the Chinese context should do the same thing, but this leads him to protect the extant values and political authority which Chinese people have inherited from the ancient times, against the encroachment of Enlightenment thought from the modern West. Liu’s construction of the Chinese nomoi might be wrong and politically motivated, as Marchal shows in his chapter, but this does not mean that Liu’s understanding of Strauss per se is also mistaken. After all, Strauss never anticipated that his thought would be applied someday in a non-Western society, so he did not set a rule for approvable applications, despite his criticism of totalitarianism and communism. Therefore, instead of “distorting” Strauss, one might say that Liu is “extending” Strauss in the Chinese context.

Therefore, if Marchal really wants to criticize Chinese Straussianism and defend liberal principles, his call for a correct understanding and application of Strauss in Mainland China may not work well. Even if there is a correct understanding of Strauss, the application of Strauss might be “beyond right and wrong,” and Marchal actually accepts that “[Strauss’s] writings encourage alternative readings in the context of non-Western intellectual traditions” (p. 174). In the “Conclusion” of his chapter, Marchal hopes that “it may be possible that other forms of Chinese Straussianism may preserve a genuinely critical, zetetic force,” a “more balanced understanding of the cultural differences between East and West,” and a less nationalist defense of the authoritarian regime (p. 191).

However, if Marchal really wants to achieve these goals and give liberalism a try in China, one may wonder whether Strauss is the “Mr Right”—Why not drop Strauss and resort to other liberal thinkers in the West for intellectual resources? After all, as primarily a critic of modernity and liberal democracy, Strauss not only upsets liberals in China but also liberals in the Western world. His mystical genre and his unwillingness to engage in public dialogues make him unfit for defending liberalism, let alone defending liberalism in the Chinese context. As the prospect of liberalism in China has been increasingly bleak in recent years, the need for a straightforward defense of basic liberal principles is needed. Building a liberal-friendly team of Straussianism in China as Marchal hopes is not impossible if some scholars can do what American Straussians did after 2001, i.e., defending Strauss while reconciling him with liberal democracy, but people caring about the future of Chinese liberalism may wonder whether Strauss is really an indispensable intellectual authority at all. After all, why should liberals play the game whose rules are one-sidedly settled by their rivals, instead of opening a new field to play?

Finally, at the end of my review, I should point out that even if the volume offers a variety of insights, it should have had some stylistic improvements for readers to have a better reading experience. Key arguments should be presented clearly in the beginning of each chapter, and convoluted expressions should be avoided. Therefore, readers interested in the Chinese reception of Schmitt and Strauss can start from this volume, but they have good reasons to wait for better works on this subject to be done.

Notes

[1] Jeet Heer, “The Philosopher the Late Leo Strauss has Emerged as the Thinker of the Moment in Washington, but His Ideas Remain Mysterious. Was He an Ardent Opponent of Tyranny, or an Apologist for the Abuse of Power?” Boston Globe, May 11, 2003.

[2] Mark Lilla, “Reading Strauss in Beijing,” New Republic, 2010, http://www.newrepublic.com/article/magazine/79747/reading-leo-strauss-in-beijing-china-marx#, accessed March 19, 2014.

[3] Flora Sapio, “Carl Schmitt in China,” The China Story, Oct 7, 2015, https://www.thechinastory.org/2015/10/carl-schmitt-in-china/, accessed March 31, 2018.

[4] Wang Tao, “Leo Strauss in China,” Claremont Review of Books, Spring 2012, accessed March 19, 2014, http://www.claremont.org/publications/crb/id.1955/article_detail.asp.

[5] Liu Xiaofeng, Gonghe yu jinglun 共和与经纶 (Republic and Statecraft), Beijing, Sanlian chubanshe, 2012, 303-4.

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Dongxian Jiang

Dongxian Jiang is a Ph.D. Candidate in Political Theory at Princeton University where he is also the Laurance S. Rockefeller Graduate Prize Fellow at Princeton’s University Center for Human Values. He is working on a dissertation justifying liberal principles in the Chinese context.

lundi, 20 janvier 2020

La "Muslim Belt" et le levier djihadiste ouighour

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La "Muslim Belt" et le levier djihadiste ouighour

par René Naba

Ex: https://www.madaniya.info

Embourbés en Afghanistan depuis près de vingt ans, harcelés par leurs anciens alliés les Talibans, les Etats Unis paraissent vouloir se cramponner à ce qui a longtemps été leur arme favorite, la stratégie du «Muslim Belt», la ceinture verte de l’espace musulman, ayant vocation à encercler le «Heartland» eurasiatique (la Chine et la Russie) qui détient les clés de la maîtrise du monde. Une arme quelque peu érodée par les déboires des groupements terroristes en Syrie, la déconfiture politique de la Confrérie des Frères Musulmans, la matrice originelle des groupements takfiristes éradicateurs et la désaffection de l’Arabie saoudite à leur égard.

À l’instigation de Washington et d’Ankara, le Parti Islamiste du Turkestan s’est ainsi engagé sur la voie de la mondialisation de son combat, avec un ciblage prioritaire, la Chine et les bouddhistes, autrement dit, l’Inde.

1- La Turquie et les Etats Unis, parrains occultes du PIT

Au terme de huit ans de présence en Syrie, particulièrement dans le nord du pays, dans le secteur d’Alep, le mouvement djihadiste du Turkestan s’apprête à donner une impulsion régionale à son combat, au delà de la Syrie, avec un ciblage prioritaire: la Chine.

Telle est du moins la substance du discours mobilisateur du prédicateur Abou Zir Azzam diffusé à l’occasion de la fête du Fitr, en juin 2018, mettant en relief «l’injustice» subie par le Turkestan dans ses deux versants, le versant occidental (Russie) et le versant oriental (Chine).

En juin 2017, la Turquie et les Etats Unis ont encouragé cette orientation au prétexte de préserver les combattants de cette formation afin de les affecter à d’autres théâtres d’opération, contre les adversaires des Etats Unis regroupés au sein du BRICS (La Chine et la Russie), le pôle contestataire à l’hégémonie américaine à travres le Monde.

2- La duplicité de la Turquie

Tiraillé entre ses alliances contradictoires, le néo islamiste Teyyeb Reccep Erdogan, -membre du groupe d’Astana (Russie, Iran, Turquie) en même temps que membre de l’OTAN-, a proposé l’aménagement d’un vaste périmètre pour y abriter les djihadistes dans une zone sous l’autorité de la Turquie afin de procéder au tri entre groupements islamistes inscrits sur la liste noire du terrorisme et djihadistes regroupés sous le label VSO «The Vetted Syrian Opposition» (Opposition syrienne validée par les Occidentaux) dans une opération destinée à permettre à turque de séparer le bon grain de l’ivraie, selon le schéma de l’Otan.

Autrement dit libérer les Syriens, repentis et désarmés, mettre en veilleuse les Syriens jusqu’au-boutistes notamment le groupe Adanani, garder sous le coude, les combattants étrangers (Tchétchènes, Ouighours) en vue de les exfiltrer clandestinement vers d’autres théâtres d’opérations.

A la faveur du déploiement des forces américaines dans le nord de la Syrie, dans le périmètre de la base aérienne de Manbij et d’Idlib, la Turquie a mis à profit cette phase préparatoire de l’offensive pour exfiltrer ses sympathisants, principalement les Ouïghours et Al Moharjirine (les migrants), les combattants étrangers relevant de «Hayat Tahrir As Cham» de tendance djihadiste salafiste, dont le groupement a été inscrit sur la liste noire du terrorisme par l’ONU en 2013.

Le président russe Vladimir Poutine a donné son accord à la proposition turque au sommet de Sotchi, dix jours plus tard, le 17 septembre, soucieux de préserver sa nouvelle alliance avec la Turquie en butte à une guerre hybride de la part des Etats Unis.

Le débauchage de la Turquie constitue la carte maitresse de la Russie dans ses négociations avec la coalition occidentale au point que Moscou paraît si soucieuse d’encourager cette déconnection stratégique de l’axe Turquie Etats Unis, qu’elle a été jusqu’à promettre la livraison du système balistique SSS 400 pour 2019. Ankara espère, de son côté, préserver l’essentiel de sa force de nuisance dans la zone, avec un objectif sous-jacent d’aménager dans le secteur d’Idlib une enclave turque sur la modèle de la République turque de Chypre, en procédant à une modification démographique de la zone en y concentrant en une sorte de barrière humaine les ressortissants syriens relevant la mouvance des Frères Musulmans qu’elle considère comme relevant de fait de son autorité

La zone démilitarisée concédée provisoirement à la Turquie s’étend sur 15 km de large le long de la frontière syro-turque dans le secteur d’Idlib, englobant la zone de déploiement des forces kurdes soutenues par les Etats Unis.

Sur la duplicité de la Turquie dans la guerre de Syrie, cf ces liens:

3- La terminologie marxiste en guise d’habillage juridique au tournant.

L’habillage idéologique du tournant du PIT a été puisé dans la terminologie marxiste. Au terme d’un débat interne de plusieurs mois, les légistes de cette formation ont décidé de donner une dimension planétaire à leur combat en privilégiant, L’ENNEMI PROCHE (La Chine) sur L’ENNEMI LOINTAIN (La Syrie).

Une concurrence jurisprudentielle s’est établie entre les prescripteurs rivaux Abdel Rahman Al Chami, proche du Jabhat An Nosra, franchise syrienne d’Al Qaida, et Abdel Halim Al Zarkaoui, proche de Daech.

4- Le discours mobilisateur Abou Zir Azzam.

Ce prédicateur a fait une irruption politique remarquée par un discours mobilisateur diffusé à l’occasion de la fête du Fitr, en juin 2018, mettant en relief «l’injustice» subie par le Turkestan dans ses deux versants, le versant occidental (Russie) et le versant oriental (Chine). Lançant un appel au boycottage commercial de la Chine, il a énuméré les sévices historiques infligés par les Chinois aux Ouïghours, mentionnant «le viol des musulmanes» et «l’obligation de manger du porc».

«Le Parti Islamique du Turkestan s’apprête au Djihad contre les boudhistes», ce lien pour les locuteurs arabophones

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5 – Chine: La Syrie, un réceptacle au terrorisme mondial.

La fermentation djihadiste ouighoure en Syrie, et dans des pays de la lointaine périphérie de la Chine ont conduit Pékin, en mars 2018, a déployé discrètement des troupes en Syrie au motif officiel d’encadrer des détachements de l’armée syrienne et de leur fournir un soutien logistique et médical.

Pékin a justifié cette attitude de pro activité par sa connexion idéologique avec le pouvoir baasiste en raison de sa nature laïque, ainsi que par la présence dans le nord de la Syrie d’un important contingent de combattants ouïghours.

Ce faisant, la Chine vise à faire pièce aux djihadistes ouighours, dont elle veut neutraliser leur éventuel retour en Chine, alors que se confirment les liens entre les séparatistes islamistes des Philippines et au Mayanmar et les groupes islamistes opérant en Syrie, comme en témoignent l’arrestation d’agents de l’Etat Islamique (Daech) en Malaisie en mars 2018, à Singapour en juin 2018.

L’entrée en scène progressive de la Chine sur le théâtre syrien, où elle a déjà obtenu des facilités navales dans le périmètre de la base navale russe de Tartous est de consolider son positionnement d’un des trois grands investisseurs du financement de la reconstruction de la Syrie, au même titre que la Russie et l’Iran.

En complément à Tartous, la Chine a aménagé sa première base navale à l’étranger à Djibouti, en 2017. Jouxtant le port de Doraleh et la zone franche de Djibouti –tous deux construits par la Chine– cette base ne devrait abriter dans un premier temps «que» 400 hommes.

Mais, selon plusieurs sources, ce sont près de 10.000 hommes qui pourraient s’y installer d’ici à 2026, date à laquelle les militaires chinois auront transformé cette enclave en avant-poste militaire de la Chine en Afrique.

En superposition, la Chine a participé aux manœuvres navales russes au large de la Méditerranée, début septembre, les plus importantes manœuvres de la flotte russe de l’histoire navale mondiale. Elle a dépêche des troupes vers la Syrie, pour la première fois de son histoire, en mars 2018, pour convoyer les forces gouvernementales syriennes lors de la prise d’Idbib, notamment décrypter les communications entre les djihadistes ouighours en vue de les neutraliser.

Au regard de la Chine, la Syrie sert de réceptacle au terrorisme mondial, y compris pour l’intérieur chinois. Soucieuse de soulager la trésorerie russe et de soutenir l’effort de guerre syrien, la Chine a octroyé une aide militaire de 7 milliards de dollars à la Syrie dont les forces combattent dans la bataille d’Alep, les djihadistes Ouïghours, (des musulmans turcophones du Nord-Ouest de la Chine), où près de 5.000 familles, soit près de quinze mille personnes, sont implantés à Alep Est.

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6- La problématique ouïghoure.

L’instrumentalisation des Ouïghours par les Américains répond à leur souci de disposer d’un levier de pression contre Pékin, en ce que «la Chine et les États-Unis sont engagés, à long terme, sur une trajectoire de collision. Les précédents historiques montrent qu’une puissance ascendante et une puissante déclinante sont vouées le plus souvent à l’affrontement», soutient l’ancien premier ministre français Dominique de Villepin, particulièrement à une époque où la scène diplomatique internationale est en pleine phase de transition vers un monde post occidental. Son objectif sous-jacent est d’entraver la mise en œuvre de la 2me route de la soie».

Musulmans turcophones, les Ouïghours djihadistes sont originaires de la province de Xingjiang, à l’extrême-ouest de la Chine, frontalière de huit pays (Mongolie, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Afghanistan, Tadjikistan, Pakistan et Inde).

Bon nombre d’Ouïghours ont combattu en Syrie sous la bannière du Mouvement islamique du Turkestan oriental (Sharqi Turkestan) alias Xinjiang, une organisation séparatiste de lutte armée dont l’objectif est l’établissement d’un «État Ouïghour Islamique» au Xinjiang.

Les combattants ouïghours ont reçu l’aide des services de renseignements turcs pour leur transfert vers la Syrie, via la Turquie. Ce fait a généré une tension entre les services de renseignements turcs et chinois en ce que la Chine s’inquiète du rôle des Turcs dans le soutien aux combattants ouïghours en Syrie, rôle qui pourrait augurer d’ un soutien turc aux combats au Xinjiang.

La communauté ouïghoure en Turquie compte 20.000 membres, dont certains travaillent pour l’Association de Solidarité et d’Education du Turkestan Oriental, qui fournit une aide humanitaire aux Syriens et qui est pointée du doigt par la Chine. Une vidéo du PIT de janvier 2017 affirme que sa brigade syrienne a combattu avec le front al-Nosra, en 2013, dans les provinces de Raqqa, Hassakeh et Alep.

En juin 2014, le groupe djihadiste a officialisé sa présence en Syrie: Sa brigade sur place, dirigée par Abou Ridha al-Turkestani, un locuteur arabophone, probablement un Syrien, a revendiqué une attaque suicide à Urumqi en mai 2014 et une attaque sur la place Tiananmen en octobre 2013.

Le groupe a prêté allégeance au Mollah Omar des Talibans. Vingt-deux Ouïghours sont détenus à Guantanamo, puis relâchés faute de preuves. Suivant l’exemple de l’Emirat islamique du Caucase, dont la branche syrienne opérait dans le cadre de Jaysh Muhajirin Wal-Ansar, le PIT a créé sa propre branche en Syrie qui opère de concert avec Jabhat An Nosra entre les provinces d’Idlib et de Lattaquié.

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7 – L’environnement djihadiste de l’Inde et son basculement vers Israël.

La destruction des Bouddhas de Bamyan par les Talibans, en Mars 2001, soit six mois avant le raid du 11 septembre contre les symboles de l’hyperpuissance américaine, a constitué un déclic conduisant l’inde à abandonner sa traditionnelle politique d’amitié avec les pays arabes, notamment l’Egypte, son partenaire majeur au sein du Mouvement des Non Alignés, pour se rapprocher d’Israël.

L’environnement djihadiste de l’Inde a d’ailleurs conduit ses dirigeants à se rapprocher également des Etats Unis dans un contexte marqué par la disparition du partenaire soviétique, parallèlement à une accentuation de la coopération sino-pakistanaise débouchant sur le transfert d’énergie nucléaire de Pékin à Islamabad et le lancement d’un programme nucléaire pakistanais avec des subsides saoudiens.

La nouvelle alliance avec les États Unis et Israël a été scellée sur la base d’une convergence d’intérêts et une approche sensiblement analogue de pays se présentant comme des démocraties partageant une même vision pluraliste du monde, ayant le même ennemi commun, l’«Islam radical».

Le rapprochement avec Israël s’est traduit par une normalisation des relations israélo-indiennes, en 1992, concrétisée par la première visite d’un dirigeant israélien à New Delhi, en 2003, en la personne du premier ministre Ariel Sharon, l’année de l’invasion américaine de l’Irak.

Troisième puissance régionale avec la Chine et le Japon, l’Inde se trouve dans une position ambivalente en ce qu’elle doit maintenir des liens étroits avec les superpuissances pour se maintenir dans le peloton de tête du leadership mondial, sans pour autant distendre ses liens avec le tiers monde, dont elle fut longtemps l’un des chefs de file. Sa présence au sein du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) répond à cette logique.

Les Ouïghours, de mémoire d’observateur, ne sont jamais morts pour la Palestine pas un. Mais nombreux l’ont été contre la Syrie, dans un dévoiement sectaire de leur idéologie.

Aux yeux des stratèges du Pentagone, l’instrumentalisation de l’irrédentisme ouïghour devrait avoir sur la Chine le même effet déstabilisateur que le djihadisme tchétchène sur la Russie de Poutine. Mais une éventuelle montée en puissance du Parti islamique du Turkestan pourrait initier une redistribution de cartes, dont les principaux victimes pourraient être les djihadistes ouighours, à l’instar des islamistes de Syrie. A trop vouloir servir de «chairs à canon» à des combats mercenaires décidés par des commanditaires dictés exclusivement par leur raison d’etat de leur propre puissance, le sort des supplétifs est inéluctablement scellé: Dindon de la farce d’une gigantesque duperie.

8 – La défection de trois pays musulmans alliés de l’Occident.

Devant une telle configuration, le Pakistan, le pompier pyromane du djihadisme planétaire pendant des décennies a paru amorcer une révision déchirante de ses alliances, renonçant à son ancien rôle de body guard de la dynastie wahhabite pour un rôle plus valorisant de partenaire de la Chine, la puissance planétaire en devenir, via le projet OBOR.

Deux autres pays musulmans, jadis alliés de l’Occident, lui ont emboité le pas: la Malaisie, et sans doute la Turquie, à moyen terme, frappée de sanctions économiques par les Etats Unis.

Si l’hypothèse du djihadisme anti bouddhiste se concrétisait, elle initierait une gigantesque tectonique des plaques à l’effet de sceller une alliance de fait entre la Chine et l’Inde, les deux états continents d’Asie, de surcroit non musulmans, en vue de terrasser l’hydre islamiste qui rôde à leur périphérie.

Pour aller plus loin

samedi, 11 janvier 2020

China actual: entrevista a Gustavo Girado

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China actual: entrevista a Gustavo Girado

Ex: https://hernandezarregui.blogspot.com

En el contexto de las 7° Jornadas de Comercio Exterior organizadas por el Consejo Profesional de Ciencias Económicas (CPCE) de Córdoba el 1 de noviembre de 2019, conversamos con el Mgter. Gustavo Girado sobre la República Popular China, su nuevo rol en los esquemas de poder global y qué lugar cabe a América Latina, y Argentina en particular, en el presente contexto.

¿TIENE POSIBILIDAD CHINA DE CONVERTIRSE EN UN “IMPERIO” CULTURAL?

Por grado de alcance a primera vista parecería que sí, pero hay que ser cautos de no analizar a China bajo categorías republicanas, ya que sus nacionales poseen un carácter civilizatorio al respecto. Es decir, no se miran a sí mismos como un Estado Nación, sino como una civilización. Entonces, cuando los chinos se autorreferencian, incluyen asimismo a su diáspora. Si uno tiene en cuenta que en muchos de los países de la región de Asia-Pacífico los chinos constituyen la primera etnia comercial, entonces sí cabe considerar que la cultura china permea gran parte de lo que se consume a nivel mundial.

Ahora bien hay que tener en cuenta las diferencias entre lo que se considera como “imperio cultural” y el desarrollo del soft power, el cual los chinos recién están empezando a desarrollar. Por ejemplo, no podría Huawei, la cual utiliza componentes tecnológicos cotidianos para sus teléfonos móviles, difundirse en el mundo sin un trasfondo de empatía con los valores orientales que fueron los que lo generaron. La categoría de “imperio” no me parece correcta para el momento histórico en el que vivimos y como concepto para describir la forma de desarrollo de la política exterior china.

La etnia china tiene actualmente una fuerte presencia en muchos lugares del mundo, por ende es inevitable que te permeen sus tradiciones y costumbres. Pero si uno va puntualmente al soft power, ejemplificándolo con el desarrollo de los Instituto Confucio, eso recién empieza, sino observemos hace cuánto otros institutos culturales occidentales (franceses, italianos o estadounidenses) tienen presencia en nuestro país y como no nos referimos a ese fenómeno como algo imperialista.

En síntesis, si consideramos entonces a la cultura como un hecho humano, sí podemos afirmar con certeza que hay una fuerte presencia china en el mundo hoy, fuerte en América del Norte, Europa, África y buena parte de Asia lógicamente. Sí hay que decir que esa presencia es escasa en América Latina y más en Argentina.

TENIENDO EN CUENTA EL DESARROLLO EN EL PLANO MATERIAL Y ECONÓMICO, ¿EN QUÉ SECTORES ECONÓMICOS ESTÁ FOCALIZADO HOY CHINA, Y CÓMO LA GUERRA COMERCIAL CON ESTADOS UNIDOS PUEDE AFECTAR ESTO?

Esta pregunta se relaciona con el Plan Made in China 2025, el cual comprende un conjunto de sectores vinculados a la alta tecnología y en los cuales China busca posicionarse a la vanguardia. Entre estos podemos mencionar a las energías renovables, robótica, Inteligencia Artificial, vehículos autónomos, la tecnología 5G, etc. Son aproximadamente 10 sectores que están incluidos en este Plan. Ahora bien, este contexto de conflicto comercial los va a atrasar indefectiblemente, ya que el núcleo de esta guerra (afirmado por el propio Trump) reside en detener el avance chino en estos campos, el cual amenaza la superioridad estadounidense al respecto.

POR ENDE, CONSIDERANDO LA DIRECCIÓN DEL DESARROLLO CHINO, EL CONTEXTO INTERNACIONAL, Y EL RECIENTE CAMBIO DE GESTIÓN EN ARGENTINA, CON UNA RETÓRICA MÁS CONFRONTATIVA PARA CON LOS CENTROS TRADICIONALES DE PODER, ¿PIENSA QUE PUEDE HABER UN ACERCAMIENTO POLÍTICO MÁS SÓLIDO HACIA CHINA, MÁS ALLÁ DE LA TRADICIONAL COOPERACIÓN EN MATERIA ECONÓMICA?

Sí, yo creo que va a haber. Desafortunadamente nuestra situación económica es muy mala. Si esta no fuese tan extrema habría muchas más posibilidades. Esto a razón de que la próxima gestión de gobierno no va a contar con herramientas para negociar y se vería forzado a aceptar cualquier tipo de términos en una hipotética mesa de negociaciones.

Más allá de eso, va a haber una cooperación un poco más sólida simplemente porque el formato de la relación externa que la próxima gestión quiere construir no implica una relación tan estrecha y fuerte con el ordenamiento del hemisferio norte occidental liderado por Estados Unidos, la cual se hizo explícita por la gestión del presidente Macri.

Esto último tuvo sus consecuencias ya que cuando Macri quiso disminuir vínculos con China en favor de los Estados Unidos, no le fue bien. China era el único que financiaba y traía infraestructura sin ningún tipo de condicionalidades, y eso en buena parte se perdió. Las promesas hechas por Trump para el ingreso de productos argentinos, como los limones o los biocombustibles se vieron finalmente truncas. Además, para agregarle a este contexto, Europa permaneció cerrada a los dichos productos, como lo estuvo desde el 2001, acompañado de una ausencia casi total de inversiones de dicho continente en Argentina.

¿ENTONCES QUÉ MODELO POLÍTICO CONSIDERA QUE PUEDE EXPLOTAR MEJOR LAS OPORTUNIDADES DE COMERCIO QUE OFRECE CHINA?

Yo creo que lo puede aprovechar mejor un futuro gobierno de Fernández por lo que han dicho hasta aquí. Juzgando el pasado tendría que asumir que lo que viene es igual a lo que hubo y no tengo por qué pensar eso. La situación argentina es mucho peor pero no es distinta a la de 1989, 1990 y quizá no es muy distinta a la del 2001. Así que no sé si vale medir con la misma vara momentos tan diferentes.

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¿QUÉ PODRÍA IMITAR ARGENTINA DEL MODELO PRODUCTIVO CHINO?

Básicamente nada. Pero bien podríamos retomar la vieja historia de planificación que tanto éxito tuvo a nivel institucional. Cuando Argentina planificaba crecía, de Perón en adelante, los ministerios tenían una cultura institucional. Pero la planificación implica tener Junta Nacional de Granos, precios fijados por el Estado para que el pequeño productor no trabaje a pérdida, no es que solamente cuatro genios digan que tenemos que hacer aviones nacionales. Implica todo un plan. Acá hubo planes quinquenales en la época de Perón que en parte fueron exitosos así que uno puede pensar que retomar los planes quinquenales no es una idea descabellada, pero eso enseguida tiene una connotación política casi fascista, estalinista. No tenemos por qué llamarlo así, podemos llamarlos cuatrienales, que respondan a un gobierno entero. Pero ahora no se puede planificar nada, tenés que ver cómo generar recursos para darle de comer a la gente y generar trabajo. Precio sostén, junta nacional de granos, ley de semillas.

¿QUÉ OBSTÁCULOS EN LA RELACIÓN BILATERAL HABRÍA QUE SUPERAR?

No se me ocurre a primera intuición. Si es bilateral es gobierno-gobierno, está todo por ganar ahí. Siempre va a haber obstáculos. A nosotros nos cuesta vender, pero la dificultad es nuestra. A ellos les cuesta trabajar con culturas laborales mucho más institucionalizadas que las que tienen allá. Ellos también tienen que superar eso.

ES UNA PREGUNTA CONTRAFÁCTICA, PERO TENIENDO EN CUENTA EL CAMBIO DE GOBIERNO Y LAS DIVERSAS CRISIS QUE ESTÁN SUCEDIENDO EN LA REGIÓN, ¿INFLUIRÍA EN LA RELACIÓN CON CHINA QUE ARGENTINA PUEDA CONFIGURAR UN MAPA TERRITORIAL DE FILIACIÓN CON LOS OTROS GOBIERNOS?

No proyectaría. China nos sigue viendo como un conjunto agregado de economías muy extrañas para ellos, con poco apego al trabajo dirían. Pero no comprenden por qué habiendo comida y recursos seguimos siendo un apéndice norteamericano. Si a nosotros nos cuesta entenderlo, más les cuesta a ellos.

¿CREE QUE SERÍA BENEFICIOSO PARA ARGENTINA ROMPER EL VÍNCULO DE INVERSIONES CON ESTADOS UNIDOS Y BUSCAR MÁS INVERSIÓN CHINA?

No creo que sea necesario, hay muy poco vínculo comercial y de inversiones con Estados Unidos, hay solo una fuerte vocación política en la conducción actual que se puede congelar. ¿Qué implica? Estados Unidos usa un brazo financiero que es el Fondo Monetario Internacional para aplicar determinadas políticas en Sudamérica, con mucho éxito hasta ahora, y Argentina decidió políticamente que esto no lo va a revertir, que va a pagar la deuda. Si es cierto que el gobierno norteamericano ha puesto exigencias para seguir apoyando, ahí sí es otro escenario. Pero yo creo que sería muy equivocado que Argentina se recueste en China para decirle que no a Estados Unidos, no es necesario.

Extraído de CBAGLOABAIL 

lundi, 06 janvier 2020

Stratagèmes : agir sur les représentations - La leçon chinoise

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Stratagèmes : agir sur les représentations

La leçon chinoise
 
par François-Bernard Huyghe
Ex: http://www.huyghe.fr

Inventant la sophistique et la rhétorique, les Grecs d’il y a vingt-cinq siècles mettaient en formules les premières techniques d’action sur le psychisme humain (les psychagogia). Pendant des siècles propagandistes, démagogues, publicitaires et autres manipulateurs ont cherché à reproduire à l’usage des foules et avec des moyens de masses ce que les orateurs athéniens faisaient à des individus en face à face.

La différence n’est pas mince, dans la mesure où le rhéteur grec se livrait à un duel : argument fort contre argument faible. Certes, il pouvait utiliser des syllogismes trompeurs ou jouer de l’émotion de ses interlocuteurs, mais il s’exposait à une réplique d’égal à égal : le philosophe, l’avocat, ou le politicien partisans la thèse adverse avaient un droit égal à la parole. Ils pouvaient, s’ils en étaient capables, réfuter ses raisonnements et dévoiler ses méthodes. Les plus habiles, comme Socrate, parvenaient à ridiculiser les beaux parleurs qui discouraient en vue de produire un effet et non de découvrir la vérité.

strch-36.jpgLa rhétorique est une stratégie symétrique du verbe : ce que l’un a fait, l’autre peut le défaire ou le contrarier. Les moyens (les arguments) sont disposés en ordre de bataille en vue de la victoire (la persuasion) et affrontent des moyens similaires, meilleurs ou plus faibles. Il y a enchaînement d’arguments comme en escrime, il y a enchaînement de bottes, feintes et parades.

Stratagèmes : agir sur la situation


Mais il est une autre source des stratégies de l’information : c’est la culture du stratagème. Donc de la tromperie. Un stratagème ou une ruse suppose que sa victime soit au minimum inconsciente de l’effet recherché. Par exemple abusée par une habile mise en scène, elle contribuera par ses actes à réaliser sa propre ruine. Ici tout le monde songe au cheval de Troie et aux ruses d’Ulysse. Monter un stratagème, c’est construire une sorte de machine où les actes de l’un et de l’autre vont s’enchaîner jusqu’à produire l’effet recherché C’est organiser des apparences et partant produire les conditions d’une situation. Elle tournera à votre avantage, non pas malgré mais à cause des efforts du rival ou de l’adversaire. Une relation évidemment asymétrique. Non seulement on économise ses moyens pour renverser plus fort que soi, mais surtout on recourt à des moyens auxquels il ne songe même pas. La perception de la réalité que se forme l’adversaire (ou un tiers qui coopérera sans le savoir dans le cas des stratagèmes les plus sophistiqués) est elle même utilisée comme un moyen. Il s’agit d’une tout autre bataille de l’opinion.

Ici, entrent en scène les stratèges chinois, dont le fameux Sun Tzu n’est que le plus illustre.

Certes, il existe d’autres cultures stratégiques de la ruse, notamment indiennes.

Certes il existe une tradition intellectuelle grecque de la ruse (la métis), et en cherchant bien dans l’Illiade, dans l’Anabase ou dans des traités comme celui d’Énée le Tacticien, on trouverait des exemples d’opérations que nous appellerions aujourd’hui de désinformation, d’intoxication, d’action psychologique…

Certes, les penseurs Chinois, de leur côté, n’ignoraient pas le pouvoir du Verbe et celui du raisonnement. Ainsi, il a existé une école philosophique Mingjia («École des noms»), celle des « mohistes » plus divers logiciens et sophistes dont l’habileté à analyser les problèmes sémantiques et à imaginer des paradoxes intellectuels pouvait rivaliser avec celle des Grecs.

Citons le plus célèbre, celui du cheval blanc de Gongsun Long : « Cheval blanc n'est pas cheval [...] Car si vous cherchez un cheval, on peut vous amener indifféremment un cheval jaune ou noir ; mais si vous cherchez un cheval blanc, on ne peut vous fournir ni un cheval jaune ni un cheval noir [...] C'est pourquoi, bien que le cheval jaune et le cheval noir restent identiques, ils ne peuvent correspondre qu'à « cheval » et non à « cheval blanc ». Il est donc évident que cheval blanc n'est pas cheval »

Pourtant, les arts de la persuasion évoquent plutôt le monde grec et les arts du stratagème et de l’influence, plutôt le monde chinois. La raison en est simple : dans chaque cas, il y a eu écriture, donc systématisation et technicisation de la chose. Dès le VI° et V° siècle avant notre ère, des auteurs aux deux extrémités de l’Eurasie notent et classent les méthodes qui assurent la victoire, qui dans un débat, qui dans une bataille.

François Jullien souligne très bien le contraste entre ces deux approches : « les deux procédures qui s’opposent ainsi – persuasion et manipulation – dépassent le cadre historique qui les a formées… soit on fait directement pression sur autrui par sa parole, à l’on fois l’on montre et l’on démontre, on met « sous les yeux » grâce à la véhémence oratoire en même temps qu’on s’attache à la nécessité exigée par le raisonnement ; et de fait l’éloquence contient bien à la fois le théâtre et la logique, les deux composantes grecques de notre histoire. Soit c’est sur la situation qu’on opère pour atteindre indirectement l’adversaire en l’orientant progressivement de façon que, sans se découvrir et par le seul effet de ce qu’on y avait impliqué, elle enserre autrui et le désarme. »

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La victoire en quelques idéogrammes

Aux manuels de rhétorique comme ceux d’Aristote (Topiques, Rhétoriques, Réfutations sophistiques), peuvent s’opposer les grands classiques chinois dont le plus connu est l’art de la guerre de Sun Tzu. Ce n’est pas par hasard que le général chinois du VI° siècle avant notre ère est si souvent cité dans les académies militaires les plus branchées, par les « infoguerriers » qui ont la moindre prétention intellectuelle, sans oublier la plupart des praticiens de l’intelligence économique. Ses sentences lapidaires comme « L’art de la guerre est fondé sur la duperie » ou « Sans mener de bataille, tâchez d’être victorieux » se retrouvent dans les manuels de management, alors que, depuis toujours, en Chine, la possession d’un rare traité de stratégie fait partie des fiertés d’un homme de culture.

Les praticiens connaissent bien d’autres classiques comme « les 36 stratagèmes » datant de la dynastie Ming ou le « Sac à stratagèmes » ou encore « Le Tao du Prince » (Han Fei).

La notion chinoise de stratagème peut se comprendre de deux façons

- soit comme des répertoires de manœuvres guerrières (qui peuvent être aisément généralisées à la lutte politique, aux affaires, voire à la vie personnelle ou amoureuse).

- soit comme une vision générale des relations humaines, une pensée de l’opportunité, de l’efficacité et de l’incitation, un art de faire éclore en amont et en douceur les possibilités latentes dans chaque situation. Bref une première philosophie générale de l’influence.

Dans la première perspective, taxinomique et pratique, les stratagèmes se prêtent à classification. Souvent figés en formules faciles à retenir, ils offrent des recettes, une panoplie toujours prête en cas de besoin et ne demandant qu’à être adaptée au cas qui surgit.

Dans cet esprit, les 36 stratagèmes qu’un des meilleurs commentateurs, Pierre Fayard qualifie de « version vulgarisée de Sun Tzu », fourmillent de ces sentences laconiques en quelques idéogrammes ( 36, le nombre 36 faisant référence aux diagrammes du Yi King). Elles sont illustrées par une série de cas et se déclinent au gré de l’imagination du disciple.

strch-gongsunlivre.gifL’expression est souvent imagée. Ainsi « Tuer avec une épée d’emprunt » signifie qu’il peut être utile de faire accomplir son travail par d’autres. « Cacher dans la lumière » suggère, sur le modèle de la lettre volée d’Edgar Poe, de dissimuler ses plans en semblant agir de la façon la plus banale. « Encercler Wei pour sauver Xaho » plaide en faveur des opérations secondaires qui permettront de profiter des vides qui se créeront dans le dispositif adverse. « Mener grand bruit à l’Est pour attaquer à l’Ouest » peut se comprendre comme une incitation à envoyer de faux signaux à l’adversaire pour l’amener à disperser inutilement ses forces. « Sacrifier le prunier pour sauver le pêcher » est une façon de dire qu’il faut parfois abandonner quelques petits avantages pour en gagner de grands…

Certains stratagèmes se réfèrent à des cas exemplaires historiques. Ainsi, « Montée discrète à Chencan » fait allusion fait allusion à un stratège qui fit très ostensiblement réparer le pont menant à une province ennemie pour, finalement, l’attaquer par un chemin de montagne, là où personne ne l’attendait. « La ville vide » renvoie au coup de génie de ce général qui, sachant que la cité qu’il défendait ne pourrait résister à un siège, en fit ouvrir toutes les portes et s’installa pour jouer de la flute sur la plus haute tour, de telle sorte que l’assiégeant déconcerté n’osa pas s’engager dans ce qui paraissait un piège…

Avec un peu d’imagination, il est possible transposer ces principes chinois aux affaires, à la politique ou aux stratégies amoureuses. Il existe d’ailleurs d’excellents manuels pour cela.

Une philosophie de l'influence efficace


Mais la stratégie chinoise est aussi cette philosophie de l’influence évoquée plus haut.

Elle en interprète d’abord le principe de façon agressive. Utiliser l’information pour vaincre ce peut être dégrader les défenses morales de l’adversaire, l’affaiblir et le diviser en n’utilisant que des mots ou des signes. Ce peut être s’en prendre à ses plans, à son organisation, à son moral, à sa confiance en soi pour le rendre présomptueux afin de le pousser à la faute ou au contraire craintif et indécis.

strchhanfeilivre.jpgSun Tzu dit la chose sans fioritures : « Discrédite le bien, compromets les chefs, ébranle leur foi, utilise des hommes vils, désorganise les autorités, sème la discorde entre citoyens, excite les jeunes contre les vieux, ridiculise les traditions, perturbe le ravitaillement, fais entendre des musiques lascives, fournis des concubines, répands la luxure, débourse, sois renseigné. ».

Il s’agit de s’en prendre à l’adversaire en amont, avant qu’il se soit mis en action et peut-être même avant qu’il songe au conflit. Il s’agit ensuite de l’attaquer en profondeur dans les ressorts mêmes de sa volonté et dans les principes en fonction desquels il évaluera la situation. Il s’agit enfin de le pousser à suivre sa propre pente, à développer le trait de caractère – méfiance, arrogance, mollesse – qui peut le plus le desservir mais qu’il portait déjà en lui.

Sun Tzu consacre un chapitre entier de son traité à la division chez l’ennemi et en propose cinq catégories : division au dehors, division du dedans, division entre les inférieurs et les supérieurs, division de mort, division de vie. La première consiste à détacher du parti adverse les habitants des villes et des villages sous sa domination. La seconde (division du dedans) à corrompre ses meilleurs officiers, la division entre inférieurs et supérieurs à mettre la mésintelligence entre les différentes composantes des forces ennemies. La division de mort correspondrait assez bien à la définition moderne de l’intoxication : faire parvenir à la cible de faux avis sur ses propres forces et ses propres plans, mais aussi faire croire à l’adversaire que ses généraux sont prêts à le trahir pour l’amener à se défier de serviteurs fidèles. La division de vie, enfin, est un pure et simple corruption : répandre de l’argent sur ceux qui viennent du camp adverse se mettre à votre service… Subversion, désinformation, opérations psychologiques, …, il n’y a rien que n’aient inventé les modernes stratèges de l’information et que l’on ne puisse rattacher à un principe de Sun Tzu.

Cette mise en condition de l’ennemi s’inscrit dans une logique de l’anticipation qui s’applique aussi bien au renseignement préalable qu’à la préparation des approvisionnements ou à la prédisposition des troupes : évaluer dès les premiers indices les potentialités de la situation, qu’elles soient matérielles ou psychologiques, pour favoriser celles qui vous sont favorables comme pour saisir immédiatement celles qui vous sont favorables. Cette logique s’inscrit dans les cadres traditionnel de la pensée chinoise, qu’il s’agisse de la notion du « wei wu wei », faire advenir sans agir, de celle d’opportunité ou de celle de « potentiel » de la situation qui peut évoluer, ou encore de l’économie de moyens. « Ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemie sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un État sans opérations prolongées » dit encore Sun Tzu.

Les choses, les gens, les informations

Les stratèges antiques nous enseignent au moins trois façons d’utiliser l’information pour vaincre :

- Soit réduire sa propre incertitude (avoir un bon renseignement, posséder des connaissances qui permettent d’être plus efficace et de prendre de bonnes décisions). Ceci suppose corollairement de mettre son adversaire en infériorité en ce domaine, tantôt en préservant bien ses secrets pour se rendre impénétrable, tantôt en accroissant son incertitude, en faussant sa perception de la réalité
- Soit envoyer des messages à sa cible pour la séduire, la convaincre, obtenir son assentiment, lui faire peur, bref pour produire directement la réaction psychologique recherchée.
- Soit enfin en rendant l’autre prévisible, en agissant sur sa façon de penser, en changeant son code ( y compris son code moral ou son code linguistique…)

strchtaoprince.jpgLa première méthode agit sur les choses (par le savoir que l’on acquiert et dont on prive l’autre), la seconde sur les gens pour les faire réagir d’une certaine façon (acheter, voter, adhérer, faire la guerre…) Mais la dernière agit sur l’information et sur le sens qu’elle prend pour les acteurs…

Quand Sun Tzu conseille d’avoir des espions partout, cela ressort à la première catégorie, quand il suggère de feindre l’inactivité au moment où on s’apprête à lancer son attaque, à la seconde. Mais quand le général chinois recommande de songer au moral de ses troupes et de démoraliser les adversaires de leur instiller une fausse confiance avant les hostilités, il se range dans le troisième cas de figure.

dimanche, 22 décembre 2019

Nouvelles routes de la soie, « La ceinture et la route »

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Nouvelles routes de la soie, « La ceinture et la route »

Intervention  de François-Bernard Huyghe à la 3° session du forum sur les enjeux technologiques des nouvelles routes de la soie  (19 décembre 2019,  Unesco)
 
Ex: http://www.huyghe.fr
 
D’une route l’autre : un étonnement de vingt-deux siècles

Pour parler des relations « technologiques » entre la Chine et l’Europe, il faudrait sans doute remonter avant notre ère, à l’ouverture historique de la route de la soie. L’Occident découvre alors un produit à la fois
- - hautement désirable (la vogue de la soie perturbe l’économie romaine dès avant l’ère chrétienne),
- - lié au secret (dans la mesure où les acheteurs finaux ne savent ni comment elle est fabriquée, ni comment atteindre directement le pays d’origine)
- - et dont l’exportation a été décidée- par l’Empire dans une stratégie de souveraineté.

Dans l’imaginaire, la Chine devient le pays des Sères (de la soie), mais l’itinéraire (par des pistes caravanières avec de rares abris ou par mer, de port en port et de cale en cale) est long, fractionné et aléatoire et l’information authentique se perd souvent en chemin. Ou laisse place à des légendes.
 

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Ces relations sont marquées pendant des siècles par une quasi ignorance (les choses circulent mieux que les connaissances), mais aussi par un rapport culturel ambigu. Ainsi, au fil des siècles, l’Europe s’étonnera à la fois de l’inventivité technologique de l’Empire, du fait que la maîtrise de techniques (comme l’imprimerie, la poudre ou la boussole) ne produisent pas les mêmes effets et ne débouchent pas sur l’équivalent de la Renaissance ou des grandes explorations. Ou encore de la faculté que possède l’Empire de se fermer brusquement au monde en dépit de sa capacité de l’explorer (comme après l’expédition de Zeng-He en 1433).

Ces trois questions que les Européens se sont posées pendant des siècles - technicité, territorialité et autorité: Comment ? D’où ou par où ? Et selon quelle norme ? - reviennent sous des formes très contemporaines. Comme celle d’une «ceinture économique de la route de la soie» («Silk Road Economic Belt», devenue la «Belt and Road Initiative», BRI).

Le projet des nouvelles routes de la soie vise à développer les infrastructures physiques (des routes, des rails, des tuyaux, des ports, etc.), retraçant et prolongeant les routes maritimes et terrestres séculaires des marchandises. Il nous interroge à neuf sur le rapport entre circulation des choses et des informations, mais aussi sur la relation de l’État avec l’économie. Nous parlons ici de la capacité qu’a Pékin de conserver à la fois ses frontières et de se projeter dans un temps long.

Lancé à un rythme étonnant après un discours de Xi Jinping en 2013, mais se projetant sur plusieurs décennies, le projet bientôt inscrit dans la constitution du parti prend valeur de proclamation solenelle d’une ère d’ouverture et d’accélération. Les moyens suivent : l’adjectif qui revient le plus souvent est celui de « pharaonique » pour désigner des budgets de milliards par an.

Évidemment c’est le caractère unidirectionnel de cette circulation (produits manufacturés, capitaux, transferts monétaires, entreprises mobilisées) qui fait problème. Il suscite une crainte du déséquilibre en termes de puissance et d’influence. D’où des réticences, notamment d’E. Macron, face à une « nouvelle hégémonie ». L’Europe se partage plutôt sur un axe Nord/Sud face au projet des Nouvelles Routes, tandis que s’affirme une contre stratégie américaine, puissance maritime s’inquiétant d’une puissance continentale qui la concurrence au-delà de ce qui était imaginable.

On mesurera aussi en cette occasion comment le politique peut utiliser l’obstacle des normes, l’argument de sécurité et confidentialité, les impératifs écologiques, etc., pour contrôler une montée en puissance politique et économique à la fois.
Vue de l’ouest ou vues de l’est, ces routes témoignent que nous nous sommes trop vite crus libérés des contraintes de la matérialité (l’économie ce sont d’abord des choses qui circulent et qui demandent des voies et des vecteurs) mais nous avons aussi cru trop tôt qu’un modèle technoéconomique unique s’imposait sans que les Nations puissent faire autre chose qu’accélérer ou retarder l’inévitable.
 

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Parallèlement, la façon dont la Chine est devenue une cyberpuissance fut une autre surprise historique. La numérisation du pays montre aussi comment l’État peut
- favoriser l’émergence d’équivalents des GAFAM, mais sans leur accorder d’autonomie géopolitique,
- se protéger des influences extérieures, notamment derrière sa « grande muraille de feu » (un dispositif logiciel qui lui permet de s’isoler comme un Intranet mais à l’échelle de la première population du monde),
- redéfinir les règles de la cyberstratégie internationale, etc.

Le tout concrétise la maîtrise chinoise dans les trois couches du cyberespace, physique (serveurs, câbles, stockage), logique ou logicielle (non dépendance des algorithmes, normes et plateformes made in USA) et enfin sémantique (au sens du contenu des messages accessibles à sa population).

Sans compter le démenti apporté à la thèse qui prédisait que l’Internet menait irréversiblement, sinon vers un cyberespace émancipé du politique, du moins vers l’adoption d’un régime à l’occidentale ou de ses valeurs culturelles. La Chine n’a pas imité le modèle « californien» cher à la Silicon Valley, ni son type de start-up et son mode de conquête des marchés. En cherchant l’explication technique d’un rattrapage surprenant, mais avec d’autres codes, on constate une adaptation culturelle du capitalisme chinois high tech, des rapports étroits avec l’autorité politique, l’exploitation des effets d’échelle (notamment du plus grand gisement de données potentiel de la planète), l’évolution culturelle de la population, l’hyperréactivité au programme étatique d’innovation systématique, l’intégration des services numériques aux modes de vie...

Là aussi se pose la question des supports et infrastructures. Ainsi dans le domaine de la 5G où l’avance de Huawei suscite des réactions à l’énormité de ses investissements en recherche et à ses ambitions. Mais aussi à des soupçons de cyberespionnage. On voit ainsi la Chine protéger à la fois sa « muraille » (en conservant ses données, en se préservant du pouvoir des GAFAM, en contrôlant les contenus) et exporter ses matériels et réseaux. Toujours le va-et-vient entre la connaissance numérique (des données qui peuvent être dérobées ou protégées, des inventions qui peuvent être reproduites) et le support ou le dispositif physique.

D’où les tenttives d’exclusion de leurs marchés de pays se réclamant pourtant du libéralisme : le politique (USA, Australie, Allemagne) redevient interventionnistes lorsqu’il s’agit de protéger son économie d’une influence qui passerait aussi par les infrastructures numériques. Voir l’obligation faite aux appareils Huawei de se passer de la technologie Android Google. La perspective que les écosystèmes numériques puissent littéralement divorcer et se séparer, chose impensable il y a trois ans, s’impose.

Sans doute en réponse, en Chine, une directive gouvernementale dite « 3-5-2 » joue l’autarcie technologique à long terme : elle exige le remplacement des matériels et logiciels informatiques dans l’administration. Ce qui représente un marché gigantesque. Dans le contexte de ce que l’on a surnommé la balkanisation d’Internet, il faut renoncer à la notion que la technologie est sans frontières et le politique impuissant.

La Chine dans le cadre d’un plan « Made in China 2025 » prévoit de relancer largement l’industrie par des investissements publics dans la recherche et de s’émanciper de plus en plus de la technologie étrangère. Mais aussi d’être un grand pays maritime, en pointe dans l’espace, grand exportateur, etc. Cela fait le lien avec sa défense par une éventuelle « guerre des intelligences » qui exploiterait militairement les technologies sophistiquées émergentes (dans le prolongement de la « guerre hors limites » théorisée dès les années 90). Mais en même temps la coopération civilo-militaire, public-privé,central-régional contribue à l’objectif de faire de la Chine un pays qui investit énormément dans la recherche de pointe...

Enfin, l’Intelligence Artificielle (nous aurions aussi bien pu parler de l’espace, des drones, des robots, des objets connectés etc., tout étant lié) est un domaine où s’est engagée une autre course Chine / USA. Il révèle aussi le rapport entre ambition géopolitique et technologie. Suivant la version la plus souvent rapportée, après la défaire du plus grand maître de Go face à un algorithme en 2016, la Chine aurait décidé d’emporter la compétition plus générale pour l’IA.Et notamment dans le domaine de l’IA dite perceptive (qui reconnaît des visages, des mots, un environnement) ou de son intégration aux usages quotidiens.
Là encore il y a des explications à chercher dans le pragmatisme, dans l’échelle de la mutation, dans l’acceptation de la population, dans les interactions entre le pouvoir politique et l’économie...
Tout ceci confère un avantage, si l’on admet qu’à ce stade, les deux principales fonctions de l’IA sont d’imiter ou de remplacer le comportement humain (par un calcul plus complet et des instructions plus adaptées) mais aussi d’anticiper ledit comportement et les interactions avec l’environnement pour une meilleure gestion de notre activité. Éventuellement couplée à des objets connectés ou dispositifs, l’IA devient capable non seulement de présenter la meilleure solution en fonction des règles préétablies, mais aussi de s’adapter à chaque situation et de la modifier.

Là encore, l’IA chinoise est partie tard, mais aussi sans avoir connu les « hivers », les phases de blocage de la recherche (et son financement) depuis les années 50. Elle ambitionne de devenir la première au monde à l’horizon de quelques décennies.
Ce processus repose sur la synergie entre l’autorité politique et les milieux économiques et universitaires, sur l’échelle de la population qui permet l’exploitation de toute innovation mais aussi sur le contrôle de la population. Ainsi le système dit de crédit social, basé sur l’omniprésence des systèmes de surveillance. En attendant en 2020 le crédit social « corporate » pour les entreprises.

Le hardware et le soft, la route et la muraille, le numérique et le tangible, la souveraineté et le négoce, la copie et l’invention... tout nous semble reposer sur des équilibres et des contrôles, dont rien ne garantit d’ailleurs qu’ils dureront éternellement. Ni qu’ils soient adaptables chez nous ou que de soit souhaitable. Mais qui enseignent au moins aux Européens que l’absence de volontarisme politique et la confiance dans les mécanismes technoéconomiques étaient des erreurs.

mercredi, 18 décembre 2019

Pamir Highway: the Road on the Roof of the World

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Pamir Highway: the Road on the Roof of the World
Photo, above: Chinese container cargo trucks after crossing the Kulma pass at the Tajik-China border. Photo: Pepe Escobar / Asia Times

This is arguably the ultimate road trip on earth. Marco Polo did it. All the legendary Silk Road explorers did it. Traveling the Pamir Highway back to back, as a harsh winter approaches, able to appreciate it in full, in silence and solitude, offers not only a historical plunge into the intricacies of the ancient Silk Road but a glimpse of what the future may bring in the form of the New Silk Roads.

This is a trip steeped in magic ancient history. Tajiks trace their roots back to tribes of Sogdians, Bactrians and Parthians. Indo-Iranians lived in Bactria (“a country of a thousand towns”) and Sogdiana from the 6-7th centuries BC to the 8th century AD Tajiks make up 80% of the republic’s population, very proud of their Persian cultural heritage, and kin to Tajik-speaking peoples in northern Afghanistan and the region around Tashkurgan in Xinjiang.

Proto-Tajiks and beyond were always at the fringe of countless empires – from the Achaemenids, Kushan and Sogdians to the Greco-Bactrians, the Bukhara emirate and even the USSR. Today many Tajiks live in neighboring Uzbekistan – which is now experiencing an economic boom. Due to Stalin’s demented border designs, fabled Bukhara and Samarkand – quintessential Tajik cities – have become “Uzbek.”

Bactria’s territory included what are today northern Afghanistan, southern Tajikistan and southern Uzbekistan. The capital was fabled Balkh, as named by the Greeks, carrying the informal title of “mother of all cities.”

Sogdiana was named by the Greeks and Romans as Transoxiana: between the rivers, the Amu-Darya and the Syr-Darya. Sogdians practiced Zoroastrianism and lived by arable agriculture based on artificial irrigation.

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Western Pamirs: Road upgrade by China, Pyanj River, Tajikistan to the left, Afghanistan to the right, Hindu Kush in the background. Photo: Pepe Escobar

We all remember that Alexander the Great invaded Central Asia in 329 B.C. After he conquered Kabul, he marched north and crossed the Amu-Darya. Two years later he defeated the Sogdians. Among the captured prisoners was a Bactrian nobleman, Oxyartes, and his family.

Alexander married Oxyartes’s daughter, the ravishing Roxanne, the most beautiful woman in Central Asia. Then he founded the city of Alexandria Eskhata (“The Farthest”) which is today’s Kojand, in northern Tajikistan. In Sogdiana and Bactria, he built as many as 12 Alexandrias, including Aryan Alexandria (today’s Herat, in Afghanistan) and Marghian Alexandria (today’s Mary, formerly Merv, in Turkmenistan).

By the middle of the 6th century, all these lands had been divided among the Turkic Kaghans, the Sassanian Empire and a coalition of Indian kings. What always remained unchanged was the emphasis on agriculture, town planning, crafts, trade, blacksmithing, pottery, manufacture of copper and mining.

The caravan route across the Pamirs – from Badakshan to Tashkurgan – is the stuff of legend in the West. Marco Polo described it as “the highest place in the world.” Indeed: the Pamirs were known by the Persians as Bam-i-Dunya (translated, appropriately, as “roof of the world”).

The highest peaks in the world may be in the Himalayas. But the Pamirs are something unique: the top orographic crux in Asia from which all the highest mountain ranges in the world radiate: the Hindu Kush to the northwest, the Tian Shan to the northeast, and the Karakoram and the Himalayas to the southeast.

Ultimate imperial crossroads

The Pamirs are the southern boundary of Central Asia. And let’s cut to the chase, the most fascinating region in the whole of Eurasia: as wild as it gets, crammed with breathtaking peaks, snow-capped spires, rivers ragged with crevasses, huge glaciers – a larger-than-life spectacle of white and blue with overtones of stony gray.

This is also the quintessential crossroad of empires – including the fabled Russo-British 19th century Great Game. No wonder: picture a high crossroads between Xinjiang, the Wakhan Corridor in Afghanistan and Chitral in Pakistan. Pamir may mean a “high rolling valley.” But the bare Eastern Pamirs might as well be on the moon – traversed less by humans than curly-horned Marco Polo sheep, ibex and yaks.

Countless trade caravans, military units, missionaries and religious pilgrims also made the Pamir Silk Road known as “road of Ideologies.” British explorers like Francis Younghusband and George Curzon hit the upper Oxus and mapped high passes into British India. Russian explorers such as Kostenko and Fedchenko tracked the Alai and the great peaks of the northern Pamir. The first Russian expedition arrived in the Pamirs in 1866, led by Fedchenko, who discovered and lent his name to an immense glacier, one of the largest in the world. Trekking toward it is impossible as winter approaches.

And then there were the legendary Silk Road explorers Sven Hedin (in 1894-5) and Aurel Stein (1915), who explored its historical heritage.

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Chinese container cargo trucks negotiate the Western Pamirs. Photo: Pepe Escobar

The Pamir Highway version of the Silk Road was actually built by the Soviet Union between 1934 and 1940, predictably following ancient caravan tracks. The name of the region remains Soviet: the Gorno-Badakhshan Autonomous Oblast (GBAO). To travel the highway, one needs a GBAO permit.

For no less than 2,000 years – from 500 B.C. to the early 16th century – camel caravans carried not only silk from East to West, but goods made of bronze, porcelain, wool and cobalt, also from West to East. There are no fewer than four different branches of the Silk Road in Tajikistan. The ancient Silk Roads were an apotheosis of connectivity: ideas, technology, art, religion, mutual cultural enrichment. The Chinese, with a keen historical eye, not by accident identified “common legacy of mankind” as the conceptual/philosophical base for the Chinese-led New Silk Roads, or Belt and Road Initiative.

Have China upgrade, will travel

In villages in Gorno-Badakhshan, stretched out along stunning river valleys, life for centuries has been about irrigation farming and seasonal-pasture cattle farming. As we progress toward the barren Eastern Pamirs, the story mutates into an epic: how mountain people eventually adapted to living at altitudes as high as 4,500 meters.

In the Western Pamirs, the current road upgrade was by – who else? – China. The quality is equivalent to the northern Karakoram Highway. Chinese building companies are slowly working their way towards the Eastern Pamirs – but repaving the whole highway may take years.

The Pyanj river draws a sort of huge arc around the border of Badakhshan in Afghanistan. We see absolutely amazing villages perched on the hills across the river, including some nice houses and owners with an SUV instead of a donkey or a bike. Now there are quite a few bridges over the Pyanj, financed by the Aga Khan foundation, instead of previous planks jammed with stones suspended above vertiginous cliffs.

From Qalaykhumb to Khorog and then all the way to Ishkoshim, the Pyanj river establishes the Afghan border for hundreds of kilometers – traversing poplar trees and impeccably-tended fields. Then we enter the legendary Wakhan valley: a major – barren – branch of the Ancient Silk Road, with the spectacular snow-capped peaks of the Hindu Kush in the background. Farther south, a trek of only a few dozen kilometers of trekking, it’s Chitral and Gilgit-Baltistan in Pakistan.

The Wakhan could not be more strategic – contested, over time, by Pamiris, Afghans, Kyrgyz and Chinese, peppered with qalas (fortresses) that protected and taxed the Silk Road trade caravans.

The star of the qalas is the 3rd century B.C. Yamchun fortress – a textbook medieval castle, originally 900 meters long and 400 meters wide, set in a virtually inaccessible rocky slope, protected by two river canyons, with 40 towers and a citadel. Legendary Silk Road explorer Aurel Stein, who was here in 1906, on the way to China, was gobsmacked.The fortress is locally known as the “Castle of the Fire Worshippers”.

Pre-Islamic Badakhshan was Zoroastrian, worshipping fire, the sun and spirits of ancestors and at the same time practicing a distinct Badakhshani version of Buddhism. In fact, in Vrang, we find the remains of 7th-8th century Buddhist man-made caves that could have also been a Zoroastrian site in the past. The early Tang dynasty wandering monk Xuanzang was here, in the 7th century. He described the monasteries and, tellingly, took notice of a Buddhist inscription: “Narayana, win.”

Ishkoshim, which Marco Polo crossed in 1271 on the way to the upper Wakhan, is the only border crossing in the Pamirs into Afghanistan open to foreigners. To talk of “roads” on the Afghan side is audacious. But old Silk Road tracks remain, negotiable only with a study Russian jeep, delving into Faizabad and farther into Mazar-i-Sharif.

Here are the parts the 18-year-long, trillion-dollar, Hindu Kush-of-lies-told American war on Afghanistan never reaches. The only “America” available is Hollywood blockbusters on DVDs at 30 cents apiece.

I was very fortunate to spot the real deal: a camel caravan, straight from the ancient Silk Road, following a track on the Afghan side of the Wakhan. They were Kyrgyz nomads. There are roughly 3,000 Kyrgyz nomads in the Wakhan, who would like to resettle back in their homeland. But they are lost in a bureaucratic maze – even assuming they secure Afghan passports.

These are the ancient Silk Roads the Taliban will never be able to reach.

Traveling the Pamir Highway, we’re not only facing a geological marvel and a magic trip into ancient history and customs. It’s also a privileged window on a trade revival that will be at the heart of the expansion of the New Silk Roads.

Khorog is the only town in the Pamirs – its cultural, economic and educational center, the site of the multi-campus University of Central Asia, financed by the Agha Khan foundation. Ismailis place tremendous importance on education.

Badakhshan was always world-famous for lapis lazuli and rubies. The Kuh-i-Lal ruby mine, south of Khorog, was legendary. Marco Polo wrote that in “Syghinan” (he was referring to the historical district of Shughnan) “the stones are dug on the king’s account, and no one else dares dig in that mountain on pain of forfeiture of life”.

Shughnan worshipped the sun, building circular structures with the corresponding solar symbolism. This is what we see in Saka graves in the Eastern Pamir. As we keep moving east, the settled Pamiri culture, with its profusion of orchards of apricots, apples and mulberries, gives way to semi-nomadic Kyrgyz life and irrigated villages are replaced by seasonal yurt camps (not at this time of the year though, because of the bitter cold.)

At Langar, the last village of the Wakhan, rock paintings depict mountain goats, caravans, horse riders with banners, and the Ismaili symbol of a palm with five fingers. Archeologist A. Zelenski, in fascination, called the historical monuments of the Wakhan “the Great Pamir Route.” Aurel Stein stressed this was the main connection between Europe and Asia, thus between the whole classical world and East Asia, with Central Asia in between. We are at the heart of the Heartland.

Last stop before Xinjiang

Following the Wakhan all the way would lead us to Tashkurgan, in Xinjiang. The Pakistani border, close to the Karakoram Highway, is only 15 km to 65 km away, across forbidding Afghan territory.

It’s the Koyzetek pass (4,271 meters) that finally leads to the Eastern Pamir plateau, which the Chinese called Tsunlin and Ptolomy called Iamus, shaped like a giant shallow dish with mountain ranges at the edges and lakes at record altitudes. Marco Polo wrote, “The land is called Pamier, and you ride across it for twelve days together, finding nothing but a desert without habitations or any green thing, so that travelers are obliged to carry with them whatever they need. The region is so lofty and cold that you don’t even see any birds flying. And I must notice also that because of this great cold, fire does not burn so brightly and give out so much heat as usual, not does it cook effectually.”

Murghab, peopled by Kyrgyz – whose summers are spent in very remote herding camps – revolves around a mini-bazaar in containers. If we follow the Aksu river – once considered the source of both the water and the name of the Oxus – we reach the ultimate, remote corner of Central Asia: Shaymak – only 80 km from the tri-border of Afghanistan, Pakistan and China.

The Little Pamirs are to the south. As I reported for Asia Times way back in 2001, it was in this area, crammed with the most important Silk Roads passes of both China and Pakistan, that Osama bin Laden might have been hiding, before he moved to Tora Bora.

From Murghab, I had to inspect the Kulma pass (4,362 meters high), a New Silk Road border. The road – made by China – is impeccable. I found lonely Chinese container truck drivers and businessmen from Kashgar driving made-in-China minivans across the Pamirs to be sold in Dushanbe.

On the High Pamirs we find around 800 ancient lakes created by earthquakes, tectonic activity and glaciers. Yashilkul lake (“Blue Water”), at 3,734 meters frozen this time of the year, sits in a plateau scouted by Stone Age hunters. Tajik archeologist V. Ranov found rock paintings of horses and carts, attributes of Mitra, the Persian god of the Sun. During the 10th to 3rd centuries B.C, the plateau was inhabited by nomadic tribes of the Persian-speaking Sakas.

From Shughnan to Ishkoshim, here we are in what the ancients called “The country of the Sakas.”

From Scythians to containers

The vast Scythian steppes that range from the Danube all the way to China were inhabited by a vast confederation of tribes. Then, in the 2nd to 1st centuries B.C., the tribes started moving to the east of the Greco-Bactrian state. Some of them settled in the Pamirs and became the ethno-genetic component of the Pamiri ethnicity. Alex, my driver, is a true Pamiri from Khorog. He’s also the real Pamir Highway Star with his badass black Land Cruiser. (“It’s a killing machine/ it’s got everything,” as Deep Purple immortalized it.)

The highlight of the Eastern Pamirs is the spectacular blue inland, saltwater Karakul Lake, formed 10 million years ago by a meteor. Under the sun, it’s a radiant turquoise; this time of the year, I saw it deep, deep blue, not really the “Black Lake” that its name implies. Karakul because of its slight salinity was not frozen. This is chong (big) Karakul, the older brother of the kichi (small) Karakul across the border in Xinjiang, which I had the pleasure of visiting in my Karakoram Highway travels.

The High Pamirs are right behind Karakul, concealing the 77-km-long Fedchenko glacier. East of the lake, if you could survive a trek in Arctic conditions, is Xinjiang. The early Tang dynasty wandering monk Xuanzang was here in 642 (he thought the lake was people by dragons). Marco Polo was here in 1274.

Our base to explore Yashilkul and later Karakul was Bulungkul – this time of the year a sort of Arctic station, with only 40 houses served by solar panels in the middle of nowhere, and temperatures hovering around minus 22 Celsius. It’s the toughest of lives. They told me that in winter the temperature drops to -63C.

Farther down the road, I took a diversion east to observe the Kulma pass, at 4,363 meters the official Tajik border with China, reached by a – what else? – made-by-China road, opened in 2004 following the ancient Silk Road.

The Tajik-Kyrgyz border at the Kyzyl-Art pass looked like a scene from Tarkovsky’s Stalker, utterly Soviet-style desolate except for a shared taxi loaded with Kyrgyz going to Khorog. From there, it’s a spectacular drive all the way to the crossroads of Sary Tash, and through the head-spinning, 3,615 meter-high Taldyk pass, towards Osh, the gateway to the Ferghana valley.

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The Taldyk pass in southern Kyrgyzstan, all the way to Osh. Photo: Pepe Escobar / Asia Times

All across this mesmerizing Central Asia/Heartland journey, especially in the bazaars, we see in detail the crossroads of pastoral nomadism and irrigation culture, fertilized century after century by cross-cultural Silk Road trade involving herders, farmers, merchants, all of them part of commodity trading and provisioning for the caravans.

We delve into the vortex of immensely rich social, religious, scientific, aesthetic and ideological influences – especially from Persia, India, China and Iran. The shift from overland to sea trade in the 16th century – the start of European world domination – in fact never erased the traditional routes to India via Afghanistan, China via Xinjiang and Europe via Iran. Trade remains the top factor in Central Asian life.

Today the Pamir Highway is a privileged microcosm of what is slowly but surely evolving as the intersection between the New Silk Roads and Greater Eurasia – with its main hubs configured by Russia, China, Iran, Pakistan and – it may be hoped – India.

The ultimate crossroads of civilizations, the Heartland, is back – once again at the heart of history.

(Republished from Asia Times by permission of author or representative)

mardi, 17 décembre 2019

La Chine deviendra-t-elle totalement indépendante dans les technologies numériques ?

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La Chine deviendra-t-elle totalement indépendante dans les technologies numériques ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Jusqu'à présent, la Chine importe des Etats-Unis ou de Corée du Sud un certain nombre de composants électroniques et d'éléments de programme encore essentiels. Elle est donc dépendante des entreprises numériques étrangères, notamment de celles soumises à un contrôle politique de Washington.

Si les tensions sino-américaines s'aggravaient, elle pourrait donc se trouver d'un jour à l'autre privée par une décision américaine d'éléments stratégiques indispensables. Elle disposerait certes de moyens de riposte, car les firmes américaines telles que Microsoft , HP, Dell utilisent de plus en plus de composants chinois. Néanmoins, aujourd'hui, la Chine veut devenir totalement indépendante, et ceci en permanence.

Selon un article du Financial Times (accès payant) daté du 09/12/2019, le Parti Communiste Chinois qui contrôle le gouvernement vient d'ordonner à toutes les administrations et entreprises publique dépendantes du gouvernement centrale ou des régions de se débarrasser d'ici 3 ans de tous les équipements électroniques, composants et programme qu'elles utilisent aujourd'hui. On peut penser qu'il s'agit d'une riposte à la décision récente américaine d'exclure les chinois Huawei et ZTE du marché américain des télécommunications, au prétexte de risques d'espionnage. Mais il ne s'agit pas seulement de cela. 

Pékin veut ne reposer désormais que sur ses propres entreprises dans le domaine numérique. Il veut aussi être capable d'exporter ses produits dans le monde entier, y compris en Europe et même en Russie, si du moins Moscou le demande.

Les experts occidentaux affirment que la Chine, au moins dans le domaine des logiciels et des systèmes d'exploitation, aura du mal d'ici 2022 à se passer des produits Microsoft, Windows et Apple. Ce serait notamment le cas concernant les portables, où l'OS chinois Kylin, initialement conçu par l'armée chinoise, se révèle encore non compétitif, même en Chine où il est peu utilisé. De plus, vu l'imbrication actuel des composants et des logiciels,comment distinguer facilement ceux qui seront d'origine chinoise ou d'origine étrangère ?

Mais il apparait que les informations disponibles aujourd'hui contredisent en grande partie ces "experts occidentaux". Les systèmes informatiques chinois sont déjà très indépendants de la technologies américaine, pour les applications comme pour les logiciels de base. D'une part, ils utilisent largement les systèmes en Open Source, accessibles à tous, du type de Red Hat ou Linux. D'autre part ils y développent des logiciels qui demeurent sous contrôle chinois, fut-ce en Joint Venture avec des start-up (s) américaines. Même concernant les produits Microsoft, surtout Windows, l'objectif reste plus difficile, mais ils travaillent activement. Des variantes Open Source sont déjà disponibles, mais moins aisées a mettre en oeuvre.

Pour le hardware, par contre, il reste beaucoup de travail à faire. Néanmoins les Chinois y s'emploient activement, là encore en collaboration avec des entreprises étrangères telles qu'AMD. Le point faible demeure encore le manque d'usines en Chine. Pour le moment, la Chine travaille en coopération avec Taiwan, mais elle veut s'affranchir rapidement de cette dépendance.

On notera qu'un des secteurs  principaux d'investissements chinois sera l'Intelligence Artificielle et les Big Data. Il ne serait pas question de laisser à d'autres le monopole dans ces problèmes essentiels. Inutile d'ajouter que l'industrie spatiale chinoise a déjà réalisé ses propres logiciels et que ceux-ci seront rapidement réutilisés, sous des versions moins spécialisées, dans les applications civiles.

Le Parti Communiste Chinois, qui gouverne pour le moment la Chine, n'hésite pas à affirmer, selon l'expression française, que  "quand on veut, on peut". 

 

 

Opération « 3-5-2 ». La Chine va se passer des technologies américaines en 3 ans !

Alors que les marchés financiers se demandent encore si Trump réussira à signer un « trade deal » – un accord commercial avec la Chine avant Noël, histoire que tous les revendeurs puissent charger la barque en containers entiers de chinoiseries inutiles et polluantes qui serviront à remplir aussi bien les rayons des supermarchés que les hottes des pères noël – la démondialisation est en pleine accélération.

La démondialisation est en marche, et rien ne semble plus pouvoir l’arrêter.

Le plan colossal de la Chine pour se passer des technologies américaines en 3 ans !

« Beijing orders state offices to replace foreign PCs and software » derrière ce titre du FT se cache une terrible réalité pour les mondialistes. En effet, le Financial Times indique que « Pékin ordonne que toutes les administrations remplacent les PC et logiciels étrangers » par des technologies 100 % chinoises.

Le monde est en train de se refermer.

Pékin vient de lancer un programme qui n’est ni plus ni moins qu’une purge technologique surnommée « 3-5-2 » pour 30 % en 2020, 50 % en 2021 et les 20 % en 2022. Ce sont les objectifs de réduction d’utilisation de technologies étrangères.

Cela sera valable évidemment pour les technologies américaines mais aussi européennes.

Le monde qui vient est un monde très technologique.

Dans ce monde, on sera soumis ou indépendant.

On ne peut pas être un peu soumis, ou un peu indépendant comme on ne peut pas être un peu enceinte !

Les fournisseurs américains seront, de facto, exclus de tous les marchés publics chinois, puis des grandes entreprises, puis de Chine.

La Chine veut que ses infrastructures soient « sécurisées et contrôlables ».

Lorsque nous déploierons toutes les voitures autonomes qui fonctionneront avec la 5G, car c’est à cela que va servir la 5G (pour l’internet des objets), si vous ne maîtrisez pas les risques, un pays tiers peut faire se rentrer dedans les 5 millions de voitures qui roulent à l’heure de pointe…

L’indépendance a un prix.

Elle a un coût.

Elle doit aussi se penser politiquement.

Notre pays est en train de laisser partir ses pépites technologies vers des intérêts étrangers au moment même où nous devrions penser notre puissance et protéger nos savoir-faire précieux.

Vive la France.

Charles SANNAT

« Ceci est un article « presslib » et sans droit voisin, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »

Source Financial Times ici

 
 
 
 
 
 

jeudi, 12 décembre 2019

« Propagande massive des médias en vue d’une confrontation occidentale avec la Chine »

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« Propagande massive des médias en vue d’une confrontation occidentale avec la Chine »

 
 
Auteur : Willy Wimmer
Ex: http://www.zejournal.mobi

« Les plans anglo-japonais visant à diviser la grande Chine unifiée en au moins huit nouveaux États sont connus depuis longtemps. Cela mettrait temporairement en suspens le facteur mondial croissant représenté par la Chine. Dans un avenir prévisible, nous verrons dans les fameux « hot spots » en Chine, où l’on joue encore avec le feu […] »

D’un point de vue global, un sentiment de déjà-vu émerge actuellement en observant la propagande massive des médias en vue d’une confrontation occidentale avec la Chine. On s’attaque délibérément aux anciennes lignes de conflits pour déstabiliser ce pays. Ce sont des signes inquiétants.

Dans le cadre de la guerre en Afghanistan et du déploiement de la Bundeswehr dans la région, un ancien ministre allemand de la Défense a péroré « qu’on défend l’Allemagne au Hindou Kouch » ; mais maintenant il s’agit de la Chine.

L’artillerie de la presse est disposée le long des lignes de conflit, selon la volonté du quartier général de Washington. La province chinoise du Xinjiang et les peuples turcs qui y vivent sont mis en position contre le gouvernement central de Pékin. La situation est parfaitement préparée pour un conflit majeur.

Un conflit d’ailleurs qui, dans sa structure de base, se développe depuis près de trente ans. Actuellement, on joue son rôle, car le mégaprojet chinois des « Nouvelles Routes de la soie » rapproche visiblement le continent euro-asiatique commun. Cela affaiblira de façon permanente la domination américaine des routes commerciales mondiales et des sanctions pour la destruction d’États en temps de paix. Les événements de Hong Kong montrent clairement qu’on s’attaque aux coins et aux aspérités de la Chine.

Les plans anglo-japonais visant à diviser la grande Chine unifiée en au moins huit nouveaux États sont connus depuis longtemps. Cela mettrait temporairement en suspens le facteur mondial croissant représenté par la Chine. Dans un avenir prévisible, nous verrons dans les fameux « hot spots » en Chine, où l’on joue encore avec le feu et où l’on organise la plus grande implication globale possible derrière des manœuvres transparentes de rivalité.

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Dans le Xinjiang, et en particulier en ce qui concerne les Ouïghours, le conflit mondial de base entre les États-Unis et le « reste du monde » se présente de manière exemplaire. Depuis les combats qui se sont déroulés il y a quelques décennies sur les rives du fleuve Ussuri entre les puissances communistes de l’époque, l’Union Soviétique et la République Populaire de Chine, le monde est conscient de la sensibilité de cette région. C’est pourquoi l’ancien président kazakh Noursoultan Nazarbaïev a fait un effort particulier pour développer un mécanisme de prévention des conflits entre les États concernés sur le modèle des Accords d’Helsinki (CSCE).

D’ailleurs, avec beaucoup de succès, comme le montre l’actuel « Organisation de coopération de Shanghai ». À l’est de Moscou, les États y participent parce qu’ils préfèrent le travail laborieux pour la paix au lieu de déclencher la guerre. Depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, ces concepts ont fait l’objet de travaux, comme j’ai pu le constater personnellement en participant aux conférences préparatoires à Almaty. Il fallait éviter à tout prix que le processus de désintégration de l’Union Soviétique sur le territoire chinois ne se transforme en une énorme guerre. Les questions frontalières furent réglées et on créa de nouvelles règles d’autonomie pour prévenir la guerre dans une situation dramatiquement compliquée.

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Dès le premier jour, les États-Unis se sont massivement opposés à l’élaboration d’un mécanisme de résolution pacifique des conflits. Le projet de conférence de « l’Organisation de coopération de Shanghai » fut subverti autant que possible. Lorsque les États de la région se sont tout de même mis d’accord, les États-Unis ont quitté le projet de conférence.

Depuis lors, tous ceux qui le souhaitent peuvent observer comment les deux concepts rivaux s’affrontent. Depuis la construction du « barrage des Trois Gorges » sur le Yang Tsé, le gouvernement central chinois tente de modifier la structure démographique de base du Xinjiang en faveur de la population chinoise de souche.

Au cours de la dernière décennie, les magazines allemands ont à maintes reprises et docilement décrit les soulèvements dirigés par la CIA dans cette province. La manière dont le conflit mondial américano-chinois influence l’actualité est illustrée par les attaques des États-Unis contre les investissements chinois au Pakistan en lien avec la Route de la Soie.

Et qu’allons-nous faire en Allemagne ? L’Allemagne impériale, grâce à ses scientifiques et ses expéditions dans cette région, savait ce qui s’y passait. Déjà à l’époque, cela se faisait en rivalité avec d’autres puissances. De nos jours, la décision stratégique prévisible des États-Unis d’installer le siège mondial des Ouïghours à Munich lors de la préparation de « l’Organisation de coopération de Shanghai » était une décision stratégique prévisible. Les mécanismes pouvant en découler sont bien connus dans d’autres conflits : ils ont abouti à la guerre.

lundi, 25 novembre 2019

Quand la Chine bouscule l’ordre capitaliste et géopolitique mondial

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Quand la Chine bouscule l’ordre capitaliste et géopolitique mondial

Ex: https://lautjournal.info

La Chine connaît une progression économique et technologique fulgurante, perçue par les États-Unis comme une menace à leur hégémonie mondiale.

Des chiffres : en parité de pouvoir d’achat, le PIB de la Chine s’élevait, en 2017, à 21 219 milliards de dollars; celui des USA : 17 762.  Entre 1980 et 2015, le PIB chinois par habitant est passé de 194 $ à 9 174$ (en dollars constants de 2015).

Plus encore, cette montée en puissance de la Chine et de son modèle de développement capitaliste à forte teneur nationaliste ébranlent les certitudes libre-échangistes néolibérales et obligent tout le monde à repenser l’ordre géopolitique international instauré par les États-Unis à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale.

De leur côté, les États-Unis de Trump versent également dans le nationalisme économique. Donald Trump critique durement ses prédécesseurs, les accusant d’avoir «mené une politique agressive de globalisation [qui] a déplacé nos emplois, notre richesse et nos usines à l’étranger». Il dénonce «une classe dirigeante qui vénère le globalisme plutôt que l’américanisme». Il propose l’américanisme : America First! Comment y parvenir? Trump croit que c’est en réduisant le déficit commercial des États-Unis, ce qui aurait pour effet de ravigoter la production nationale.

La guerre des tarifs pour forcer l’ouverture de la Chine aux produits made in USA

Trump s’attaque donc principalement à la Chine, le pays avec lequel la balance commerciale des États-Unis s’avère la plus déficitaire : plus de 380 milliards de dollars annuellement.

Il accuse la Chine d’enfreindre les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Et il blâme l’OMC de ne point contraindre la Chine à ouvrir davantage son marché aux produits et services états-uniens.

En janvier 2018, un an après son installation à la Maison Blanche, Trump engage le combat qui pourrait se révéler comme le grand affrontement du XXIe siècle. Il impose des tarifs douaniers d’abord sur les panneaux solaires et des appareils ménagers que les États-Unis importent par centaines de millions. Puis en mars, il signe un décret instaurant des tarifs de 25% sur l’aluminium et 10% sur l’acier. La Chine riposte en imposant à son tour des tarifs là où ça fait mal : les produits agricoles. S’ensuit une escalade préjudiciable pour les deux parties qui décident de négocier. À ce jour, les négociations n’aboutissent pas, car Trump veut faire plier la Chine, pour finalement l’affaiblir et la replonger dans le sous-développement. Mais le dragon ne reculera pas.

Dans cette guerre des tarifs, le peuple chinois s’est massivement rangé derrière ses dirigeants, malgré les inconvénients qu’il en subit et le régime dictatorial qui lui est imposé. Pourquoi ? Parce que cette guerre commerciale apparaît aux Chinois comme une réplique de l’odieuse Guerre de l’opium. Si les Occidentaux ont aujourd’hui oublié ou minimisé ce conflit qui a mis la Chine à genoux, les Chinois, eux, se souviennent.

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La Guerre de l’opium pour forcer l’ouverture de la Chine aux produits made in Britain

Elle se voyait comme le cœur du monde. La Chine, le fier et autosuffisant Empire du Milieu, qui avait inventé la soie, la porcelaine, l’imprimerie, la boussole… et le thé. Pour se procurer ces produits de luxe, l’Europe d’alors, technologiquement arriérée, avait ouvert un long corridor terrestre : la Route de la soie.

Au début du XVIIIe siècle, la Grande-Bretagne importe une quantité toujours croissante de thé, de soie et de porcelaine - significativement appelé china en anglais. Elle paie en lingots d’or et d’argent. La Chine n’accepte pas d’autres paiements. Quand les Anglais voulurent lui vendre certaines marchandises pour équilibrer leur balance commerciale, les Chinois s’excusèrent : «Nous n’avons besoin de rien».

Qu’à cela ne tienne! Les commerçants britanniques, impatients de pénétrer ce prodigieux marché de 400 millions d’habitants, décident d’y aller par la bande. Un vaste réseau de contrebandiers s’organise. Le produit phare de ce commerce illégal provient de l’Inde, la colonie britannique voisine : le pavot, d’où l’on extrait l’opium.

Dans les années 1830, il entre en Chine une quantité fabuleuse d’opium : 1 400 000 tonnes annuellement. Les fumeries se multiplient. Au point que les effets dépravants de l’opium se font sentir sur les travailleurs. L’économie devient moins productive.

En 1839, l’empereur décide d’intervenir. Cette fois, il prend les grands moyens : interdiction absolue d’importer et de consommer de l’opium, accompagnée de sanctions sévères, pouvant aller jusqu’à la peine de mort. Il ordonne la destruction des fumeries et fait brûler ou jeter à la mer les tonnes d’opium trouvées dans le pays.

À Londres, les membres du Parlement de mèche avec les marchands contrebandiers s’en offusquent : casus belli!. Il faut déclarer la guerre à «ce pays obstructionniste qui refuse les bénédictions du libre-échange».

Bientôt, les canonnières britanniques se pointent et bombardent les ports chinois. L’empereur ne dispose pas d’une marine capable de les repousser. En 1841, un détachement anglais prend possession de l’île de Hong Kong.

Obligé de négocier, l’empereur se soumet. Il signe, en 1842, le Traité de Nankin, qui cède Hong Kong aux Britanniques, ouvre cinq ports au libre-échange et à la libre entrée de l’opium qui va inonder encore davantage le pays. Les États-Unis, la France et une douzaine de pays prédateurs profiteront de cette brèche ouverte par l’Angleterre pour s’y engouffrer et prélever leur part du gâteau.

Le traité de Nankin, le premier des traités inégaux imposés à la Chine, entame pour celle-ci un siècle d’humiliations. Elle restera dominée par les puissances occidentales jusqu’en 1949.

En 1911, la Chine impériale, millénaire, inventive, s’effondre. Elle s’ouvre à la rapacité de l’Occident et entre bon gré mal gré dans l’ère industrielle.

Aujourd’hui encore, les Chinois appellent cette période coloniale, qui a duré de 1839 à 1949, «le siècle de l’humiliation». En Chine, nombre de livres d’histoire divisent l’histoire du pays en deux grandes époques; non pas celles d’avant et d’après Mao, comme on pourrait s’y attendre, mais celles d’avant et d’après les Guerres de l’opium.   

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Que veut la Chine d’aujourd’hui?

Aujourd’hui, que cherche la Chine de Xi Jinping[1]? Lui et les dirigeants chinois poursuivent trois objectifs majeurs :

  • La Chine veut abord s’affranchir définitivement de la dépendance envers les puissances étrangères et de leur domination. Comment? En maîtrisant les filières technologiques les plus avancées dans tous les domaines. Le fer de lance, emblème de cette politique, c’est Huawei. Une compagnie privée devenue le premier fournisseur mondial d’équipements pour les entreprises de téléphonie et d’internet. Elle détient une avance notable dans le développement de la téléphonie mobile, ultra rapide, de cinquième génération : le 5G. De quoi affoler les élites états-uniennes qui considèrent la haute technologie numérique comme la ligne de front dans la guerre pour l’hégémonie mondiale. C’est la raison pour laquelle Trump a demandé au gouvernement canadien de procéder à l’arrestation de madame Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, qui faisait une escale à Vancouver.  Justin Trudeau, en fidèle tâcheron de l’Oncle Sam, a obtempéré. Mal lui en prit, car la Chine ne lui pardonne pas cette intrusion et punit le Canada.
  • Deuxièmement, la Chine veut reprendre sa place au centre des affaires du monde. Derrière la guerre commerciale en cours se profile une guerre de pouvoir[2]. Contrairement à l’URSS qui, au temps de la guerre froide, visait à renverser les États-Unis et le système capitaliste, la Chine ne vise pas le renversement des États-Unis, ni la destruction du capitalisme. Alors que L’URSS boudait les organisations internationales, la Chine y adhère de plain-pied… à sa manière. Elle s’inscrit dans la globalisation capitaliste, tout en maintenant jalousement son indépendance.
  • Troisièmement, la Chine vise à consolider son hégémonie régionale sur toute l’Asie du Sud-Est : du Japon à l’Australie en passant par l’Indonésie.  Pour ce faire, elle parraine deux imposantes organisations : 1) Le Partenariat économique régional global (PERG) lancé en 2012, qui regroupe 15 pays; un accord de libre-échange qui laisse plus d’autonomie aux gouvernements nationaux, contrairement au néolibre-échange occidental qui fait primer le marché sur le politique. 2) L’Organisation de Coopération de Shanghai, créé en 1996, qui regroupe six pays : La Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghzistan, le Tadjikistan et Ouzbékistan. Il s’agit d’une alliance politique, économique et militaire eurasienne. En outre, elle lance des initiatives pharaoniques, comme la nouvelle Route de la soie, dont le but est de relier la Chine à l’Europe, en passant par l’Afrique.

Le retour des nations

Devenue une actrice majeure de la mondialisation économique, la Chine s’est mise en frais de refonder les règles du capitalisme. C’est ainsi que nous voyons se redessiner sous nos yeux une nouvelle articulation entre l’économique et le politique. Alors que la classe politique occidentale embrasse sans réserve la doctrine néolibérale qui prône la primauté du marché sur le politique, les dirigeants chinois ont une autre vision, très claire : l’économie au service de la grandeur de la Chine et du recouvrement de sa position de grande puissance au cœur des affaires du monde. Pour cela, elle fait intervenir la main visible de l’État, plutôt que de laisser faire la main invisible du marché.

Partout dans le monde, du Chili au Liban en passant par l’Algérie, les peuples se soulèvent pour recouvrer la maîtrise de leur destin. Serait-ce le retour de la souveraineté des nations trop longtemps sacrifiée sur l’autel du néolibéralisme et du néolibre-échange?  

jacquesbgelinas.com


[1] Voir à ce sujet l’article de Odd Arne Westad, «The Sources of Chinese Conduct», dans la revue  Foreign Affairs, septembre-octobre 2019.

[2] Voir Philip S. Golub, «Entre les États-Unis et la Chine, une guerre moins commerciale que géopolitique», Le Monde diplomatique, octobre 2019.

mercredi, 20 novembre 2019

Alexandre DOUGUINE: Principles for Comprehending Chinese Civilization

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Principles for Comprehending Chinese Civilization

Ex: https://www.geopolitica.ru

China is recognized to be an independent and unique civilization by virtually everyone, and therefore there is no need to prove this. Rather, we are faced with attempting to reveal the structure of this civilization’s Logos and to determine as much as is possible its geosophical map both within the borders of China and beyond, as well as in its dialogue with neighboring civilizations.

Chinese culture has exercised an enormous and at times decisive influence on neighboring peoples, first and foremost on Korea, Vietnam, and Japan, all of which during certain eras held themselves to be part of Great China – not in the sense of political unity, but as indelible and organic parts of Chinese civilization and the Chinese horizon. This horizon also substantially impacted the peoples of Tibet as well as the nomads of Turan bordering China from the North. Moreover, we can encounter definite influences of the Chinese element among the peoples of Indochina and South-East Asia, such as in Cambodia, Laos, Myanmar, Thailand, Malaysia, as well as, although to a lesser extent, Indonesia and the Philippines.

On the other hand, China itself has in some cases re-translated tendencies and influences originating in other civilizations. China was heavily influenced by the peoples of Turan, who often came to form the core of the ruling elites (such as among the Xianbei, the Mongols, the Manchurians, etc).[1] In the most ancient periods of Chinese history, the Indo-European factor was significant, as the Indo-Europeans remained the main force of the Eurasian Steppe up to the first few centuries AD.[2] It is from the Indo-Europeans that the ancient Chinese borrowed the horse, the chariot, and a number of cultural forms, above all the art of war, which the Indo-Europeans of Turan had developed with priority. 

Also Indo-European in semantics and origins was Buddhism, which became widespread in China from the first to third centuries AD and came to constitute an important component of the Chinese tradition. Buddhism spread to China directly from India [3], as well as from Central Asia and the Tarim Basin, which were inhabited by Indo-European peoples. A certain role in this process was played by Tibet which, on the one hand, itself experienced Chinese influence while, on the other hand, represented a civilization in which the Indo-European vector was decisive.[4]

In studying China, we can apply our traditionally employed methodologies of civilizational analysis which have helped us to attain the level of ultimate generalizations which we have in the topography of noology.[5] If we succeed in hinting at the priorities in the noological structure of Chinese civilization, if we can approach the revelation of the main characteristics (existentials) of the Chinese Dasein, and if we can reveal just which Logos or Logoi of the three main ones is dominant in China, then we will consider our task to be fulfilled. 

The Significance of the Works of Marcel Granet: “We, Chinese” 

In unraveling the intricacies of the deeply original, unparalleled, unique Chinese culture, we will be guided by the works of an author who, from our point of view, while himself a European, nevertheless maximally profoundly delved into this culture’s structures and provided a most reliable description of it. We have in mind the French sociologist Marcel Granet (1884-1940), who devoted all of his scholarly life to studying China. Granet built his methodology along the following principles: 

  1. Western European authors studying China have all, without exception, proceeded in their interpretations from the Eurocentric positions and paradigms of Modernity, reinterpreting social relations, political ideas, philosophical terms, religious practices, and so on in their own key, and thereby constructing an artificial Chinese historial seen from the position of either a detached observer nevertheless claiming universalism and truth in the final instance, or from direct (even if unconscious) colonial attitudes. Thus, any European interpretations will certainly remain within the paradigmatic treatment of China as a “society of barbarians”, that category into which all developed (“non-savage”) civilizations qualitatively differing in their structures from the European societies of Modernity automatically fall. Thus, Eurocentric Orientalism is one-sided, biased, and unreliable.
  2. Chinese historians themselves, in reflecting on the essence and structures of their civilizations, have erected an historial founded on one or another dynastic, philosophical, ideological, or at times religious preference, which also thereby presents a one-sided and ideologized version that cannot be taken as the final truth, and which must be constantly verified and corrected. 
  3. We are left with pursuing a third way, that of immersion into Chinese civilization, its language, history, philosophy, customs, rites, art, politics, and society as a whole, attempting to identify its immanently inherent patterns on the basis of sociological and anthropological methodologies, and trying to adhere as close as possible to how the Chinese understand themselves without losing sight of the distance necessary for correcting social self-consciousness (the collective consciousness a la Durkheim) with regards to the general process of its historical changes and dynastic, religious, and geographical versions and alternatives. 

Marcel Granet’s method applied towards China is in many respects similar to that of Henry Corbin (1903-1978) in his deep study of Iranian and Irano-Islamic civilization, a methodology which Corbin himself called the “phenomenology of religion.”[6] It is impossible to correctly describe a society’s self-consciousness if it is deliberately held that everything in which they themselves believe is “ignorant prejudice” or “empty chimeras.” Yet China can be understood only upon taking the position of the Chinese, agreeing to consciously trust how they see the world and just which world they constitute with their view. Just as Corbin said in his study of Iranian Shiism “We, Shiites”, Marcel Granet could well say of himself “We, Chinese” without any intention of irreversible altering his identity from being European to Chinese. In studying Chinese identity, European (or in our case Russian) identity ought, temporarily and in accordance with quite specific anthropological and sociological methodologies, be forgotten, so as to later (insofar as one desires) return to such, being enriched with radically new and previously inconceivable civilizational and even existential experience. 

In his approach, Marcel Granet combined the holistic sociology of the Durkheim school and the methodologies of the “annals school”, which resulted in the conceptualization of society as a whole phenomenon and the treatment of the changes in society’s structure over the course of long historical periods not as differing, strictly discontinuous periods, with which conventional historical chronicles usually operate, but as processes of continuous and gradual mutations. The foundations of this methodology were substantiated in detail by Fernand Braudel with his famous concept of the “long durée.”[7] Granet devoted a number of fundamental works to China, namely: The Ancient Festivals and Songs of ChinaThe Religion of the ChineseThe Dances and Legends of Ancient ChinaSociological Studies on China, and his two generalizing and most important works, Chinese Civilization and Chinese Thought.[8-13]

Georges-Albert de Pourvourville and the Traditionalists 

In addition to Granet, a substantial contribution to the comprehension of Chinese civilization has been supplied by Georges-Albert Puyou de Pourvourville (1862-1939), who wrote under the name Matgioi and studied Chinese civilization from within, spending many years in China. Pourvourville-Matgioi was initiated into the Taoist tradition by a Chinese teacher and passed on his acquired knowledge in his works on Chinese metaphysics, The Rational Way and The Metaphysical Way, in his books The Middle Empire and The China of the Learned, and in his translations of Lao Tzu’s Tao Te Ching and Quangdzu’s The Spirit of the Yellow Race.[14-19] Another outstanding Traditionalist, Julius Evola (1898-1974), subsequently translated the Tao Te Ching into Italian.[20]

Pourvourville formulated his aim in the following words:

“I shall try to reveal to the Western twentieth century this treasure, hidden for five thousand years and unknown even to some of its keepers. But first I wish to establish the main features of this tradition, by virtue of which it is the first and, as follows, the true Tradition, and to mainly determine, by way of the tangible evidence accessible to man which this tradition’s authors have left us, how the relics of this tradition date back to the era when in the forests covering Europe and even the West of Asia wolves and bears were nearly no different from people who, clothed like them in skins, devoured coarse flesh.”[21]

Matgioi thus emphasized that he believed the Chinese tradition to be the most ancient and primordial (similar to how other Traditionalists, such as Guénon and Coomaraswamy, saw the Primordial Tradition in Hinduism). At the same time, Pourvourville-Matgioi did not simply try to prove that the Chinese tradition is comparable to the European but, as can be seen in the preceding passage, he was convinced that in all of its completeness, depth, and antiquity, it was superior to European culture as a whole, not to mention the European culture of Modernity, which Traditionalists univocally regard as degenerate and in decline. 

Pourvourville was close to René Guénon (1886-1951), the founder of European Traditionalism, and was one of Guenon’s main sources of acquaintance with the Chinese tradition. Guénon himself devoted a fundamental work, The Great Triad, to Chinese metaphysics, and therein largely relied on the ideas of Matgioi.[22] Matgioi and Guénon’s works are important in that they approach Chinese metaphysics from within, accepting the religious point of view of the Taoist tradition to the extent that such is accessible to people of European culture. Further important accounts of the Chinese spiritual tradition are contained in the works of the historian of religions and author close to Traditionalism, Mircea Eliade (1907-1986), particularly his work Asian Alchemy,  a considerable portion of which is devoted to the Chinese tradition.[23]

The Han Horizon: The People of the Milky Way

As is the case with any people, in examining the Chinese it is difficult to definitively determine just which layer of identity, which is necessarily multilayered and dialectically changing in its proportions over time, ought to be taken as our point of reference. Without a doubt, we are dealing with a civilization, and this means with a formalized and reflexive Logos embodied in philosophy, tradition, culture, politics, and art. In antiquity Chinese civilization achieved full disclosure, that is to say the Ausdruck stage in Leo Frobenius’ terminology. We can study this Logos, analyze and comment on it by studying and systematizing its elements and layers. In and of itself, this is already an extremely complex task, as Chinese civilization has gone through multiple principal phases entailing qualitative semantic shifts and, as follows, substantial adjustments have been ingrained into the fundamental paradigm of the Chinese Logos. 

As we have shown in the volume of Noomakhia dedicated to Geosophy, the Logos of Civilization represents the highest layer of civilizational formation, from the “sowing” of the principal vertical Logoi (of Apollo, Dionysus, and Cybele) to its yields and crops in the form of culture. The Logos is the final stage when the yields of culture are harvested over the final stage of the agrarian cycle. At the base of civilization lies a cultural or existential horizon, or Dasein (in this case the Chinese Dasein). The latter precedes the formation of civilization, but is at the same time its semantic foundation. Dasein, as an existentially understood people, as an existing people (whose existing presupposes history, i.e., time) also presupposes Logological structures on which it is founded. [24-25] Therefore, we must study Chinese civilization by constantly taking into account the existential foundations on which it has been erected. 

Yet in order to correctly examine and interpret the Chinese historial, i.e., the forms of the historical being of this people, it is necessary to discern the main horizon to act as the semantic axis taken as the point of reference. This always requires a choice, insofar as every horizon is complex, composite and is co-participated in simultaneously by multiple sub-horizons or layers with often differing noological orientations and trajectories. Thus, from the very outset, we must make a choice and recognize as the main existential core one Dasein which will be the “subject” of this historial. In the case of the Chinese horizon, the Han should be considered this axis as the people embodying the Chinese Logos that built this civilization, this Empire, and its special Chinese world. 

The Han people emerged as a self-designation only with the Han Dynasty from 206-220 BC, which replaced the short-lived Qin Dynasty, when the unification of Chinese territories was accomplished. The name “Han” (Chinese: ) literally means “Milky Way”, which points towards the symbolic connection between Han identity, the sky, and cyclical movement.[26] In the Qin and Han eras, different tribes inhabiting the territory China and belonging predominantly to the Sino-Tibetan language group began to recognize their unity – culturally, historically, religiously, and so on. It is also evident that a certain unity of tradition was necessarily characteristic of even earlier forms of tribal associations, such as in the Zhou and more ancient periods, memory of which was imprinted in myths and legends. In any case, it is the Han people that ought to be taken, in a broad sense, as the foundational pole of the Chinese historial. We can define the earlier stages of the Han historial as proto-Han, after which Han identity later began to spread to neighboring horizons both within China and beyond, thereby including in the composition of its Dasein other ethnic and cultural groups. Yet at all of these stages, we are dealing with a semantic whole that is predominant and dominant in the space of Chinese history and Chinese geography. The Han Chinese are the subject of Chinese civilization, and they can be regarded as the main bearers of the resulting Logos, whose noological nature we are tasked with discerning over the course of our study. 

Therefore, the phenomenological formula by which we shall be guided should be clarified: moving from “We, Chinese” to “We, Han” reflects our intention to be in solidarity with the Han Dasein in the reconstruction of the Chinese historial and to look through its eyes at the history, mythology, politics, and religion of China.

Footnotes:

[1] Alexander Dugin, Noomakhia: The Horizons and Civilizations of Eurasia – The Indo-European Legacy and the Traces of the Great Mother (Moscow: Academic Project, 2017)

[2] Alexander Dugin, Noomakhia: The Logos of Turan – The Indo-European Ideology of the Verticle (Moscow: Academic Project, 2017)

[3] Alexander Dugin, Noomakhia: Great India – Civilization of the Absolute (Moscow: Academic Project, 2017)

[4] Dugin, Noomakhia: The Horizons and Civilizations of Eurasia

[5] Alexander Dugin, Noomakhia: Geosophy – Horizons and Civilizations (Moscow: Academic Project, 2017).

[6] Ibid. See also: Alexander Dugin, Noomakhia – Wars of the Mind: The Iranian Logos: The War of Light and the Culture of Awaiting  (Moscow: Academic Project, 2016)

[7] Braudel F. Écrits sur l’histoire. Paris: Arthaud, 1990. See also: Alexander Dugin, Noomakhia: Geosophy

[8] Granet М. Fêtes et chansons anciennes de la Chine. Paris: Albin Michel, 1982.

[9] Granet M. La Religion des Chinois. Paris: Albin Michel, 2010.

[10] Granet M. Danses et légendes de la Chine ancienne. Paris: Les Presses universitaires de France, 2010.

[11]Granet M. Études sociologiques sur la Chine. Paris Les Presses universitaires de France, 1953.

[12] Granet M. Китайская цивилизация. Moscow: Algoritm, 2008.

[13] Granet M. Китайская мысль от Конфуция до Лао-цзы. Moscow: Algoritm, 2008.

[14] Matgioi. La Voie Rationnelle. Paris: Les Éditions Traditionnelles, 2003.

[15] Matgioi. La Voie Métaphysique. Paris: Les Éditions Traditionnelles, 1991

[16] Matgioi. L’Empire du Milieu. Paris: Schlercher frère, 1900.

[17] Matgioi. La Chine des Lettrés. Paris: Librairie Hermétique, 1910.

[18] Le Tao de Laotseu, traduit du chinois par Matgioi. Milano: Arché, 2004.

[19] L’esprit des races jaunes. Le Traité des Influences errantes de Quangdzu, traduit du chinois par Matgioi. Paris: Bibliothèque de la Haute Science, 1896.

[20] Evola J. Tao te Ching di Lao-tze. Roma: Edizioni Mediterranee, 1997. Другие тексты Эволы о даосизме собраны в небольшой брошюре «Даосизм»; Evola J. Taoism. Roma: Fondazione Julius Evola, 1988.

[21] MatgioiМетафизический путь, p. 41 —42.

[22] Guénon R. La Grande Triade. Paris: Gallimard, 1957.

[23] Eliade М. Азиатская алхимия. М.: Янус-К, 1998.

[24] Dugin, Noomakhia: Geosophy – Horizons and Civilizations 

[25] Dugin А.G. Мартин Хайдеггер. Последний Бог [Martin Heidegger: The Last God]. Мoscow: Academic Project, 2015.

[26] It is also possible that the name of the Han Dynasty was derived from the river Hanshui or Han River which runs through Central China. 

Translator: Jafe Arnold

Chapter 1 of Noomakhia – The Yellow Dragon: The Civilizations of the Far East (Moscow: Academic Project, 2018)

lundi, 04 novembre 2019

Comment la Chine efface les Américains

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Comment la Chine efface les Américains

Les Carnets de Nicolas Bonnal

L’Amérique ? C’est devenu depuis les années soixante un mixte d’impérialisme facho-nihiliste, d’oligarchie tiers-mondiste et de fascisme antiraciste-féministe. Mais cela ne mène plus très loin. America, gratte again…

La Chine s’est éveillée et, pauvre Napoléon, le monde ne tremble pas. Le monde sortira des guerres impériales/humanitaires (les idées chrétiennes devenues folles de Chesterton) et autre croisades occidentales/accidentelles. Mais voyons des analyses US plus précises…

J’ai demandé à Hervé de traduire un texte Unz.org de l’universitaire Roberts Godfree sur la déculottée US dans tous les domaines (ce n’est pas que l’Europe vaille mieux, on est tous d’accord). Aucune schadenfreude : ce qui m’affole c’est que notre occident anesthésié ne se rend compte de rien ou s’en sort par des boniments paternalistes ou des clichés racistes.

Et cela donne : 

« En 2003, j’ai publié un livre sur le déclin des trente-six indicateurs sociaux et économiques de l’Amérique. J’en ai envoyé des copies par la poste à l’Administration, au Congrès et aux chefs de département et j’ai reçu une réponse du Directeur général de la Central Intelligence Agency, qui m’a dit que l’Agence fournissait des informations presque identiques au gouvernement depuis plusieurs décennies. Pendant ce temps, notre déclin et la montée en puissance de la Chine se sont accélérés et cet élan nous a menés si loin, si rapidement, que toute compétition est devenue irréaliste. »

Roberts remet alors des pendules à l’heure :

« Si la Chine ressemblait à la caricature que nos médias nous présentent depuis ces sept dernières décennies, alors oui, nous devrions contrebalancer son autoritarisme excessif, répressif et autoritaire et investir notre trésor dans les technologies de pointe pour faire en sorte que nous fassions l’envie du monde….Mais que faire si la Chine n’est ni répressive, ni autoritaire ? Et s’il ne nous reste plus de trésor à investir ? Et si les dirigeants chinois étaient plus populaires, respectés et compétents que les nôtres ? Que se passerait-il si son économie était déjà 30 % plus forte que la nôtre, connaissait une croissance trois fois plus rapide, avec deux tiers de fardeau de la dette en moins ? Et si elle était déjà en avance sur nous sur le plan scientifique et technologique, imprenable sur le plan militaire, et si elle possédait des alliés plus nombreux et plus puissants que les nôtres ? »

On rappelle que les chinois/confucéens sont contents :

« Gouvernement : Confucius, le politologue suprême disait : « Si les gens n’ont pas confiance en leurs dirigeants, l’État ne peut pas exister. » La confiance en notre gouvernement est à son plus bas niveau de l’histoire. Gallup affirme  que la plupart d’entre nous considèrent le gouvernement comme notre problème le plus urgent et que seuls 54 % d’entre nous « exprimons constamment une position pro-démocratique ». Le système de gouvernement professionnel et non confessionnel de la Chine l’a ramené à son rôle d’Empire du milieu. Comparé au nôtre, le gouvernement chinois est tourné vers l’avenir, décentralisé, efficace et économe. L’Examen d’admission au gouvernement sélectionne chaque année les 2 % des meilleurs diplômés et la réussite est la seule voie vers le pouvoir et la responsabilité. Les 200 membres du Conseil d’État – tous promus pour leur capacité à travailler en coopération – ont gouverné collectivement des milliards de personnes pendant 5 000 ans et leurs données publiques sont stupéfiantes. La plupart ont un doctorat et un QI supérieur à 140. Tous ont commencé leur carrière dans les villages les plus pauvres du pays et n’en sont partis qu’après avoir augmenté les revenus du village de 50%. Ils ont répété cette performance à tous les niveaux, y compris à la présidence, comme le fait Xi. »

Roberts rappelle que le vaurien Donald a parfois raison décidément dans sa discordance cognitive :

« Nous choisissons les dirigeants par acclamation – une coutume gréco-romaine qui favorise les vauriens qui savent parler – et c’est exactement ce que nous avons alors que, comme l’a  fait remarquer  le président Trump, « les dirigeants chinois sont beaucoup plus intelligents que nous. C’est comme prendre les New England Patriots et Tom Brady et les faire jouer contre ton équipe de football du lycée. »

Et Roberts d’ajouter :

« Aujourd’hui, la Chine génère 20 % du PIB mondial par rapport à nos 15 %, ses importations et ses exportations sont équilibrées, ses relations commerciales sont excellentes, sa monnaie est assez valorisée, son économie est 30 % plus importante et croît trois fois plus vite, ses salaires dans le secteur manufacturier sont à égalité avec les nôtres et ses plans pour 2025 sont à couper le souffle. Toujours de nouvelles autoroutes, voies ferrées, métros et ports et, l’année prochaine, l’Internet le plus rapide et le plus avancé avec des villes entières construites autour de la 5G. »

Soutien du monde émergent, la Chine n’est même pas impopulaire et elle manage sans menace une bonne partie du monde :

« En 2018, le taux d’approbation mondial de 34 % de la Chine battait celui de l’Amérique, qui était de 31 %... Nous avons cédé le contrôle de la Crimée et de la mer Noire à la Russie et, de plus en plus, du Moyen-Orient. Avec la Nouvelle route de la soie, la Chine et la Russie fusionnent l’Union économique eurasienne (Arménie, Bélarus, Kazakhstan, Kazakhstan, République kirghize et Russie avec le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et la Moldavie en considération) ; l’Organisation coopérative de Shanghai, OCS (Russie, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Inde, Chine, Pakistan ; avec l’Afghanistan, l’Iran, la Mongolie et la Biélorussie comme observateurs et l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Cambodge, le Népal, le Népal, Sri Lanka et la Turquie comme partenaires de dialogue) ; et le Partenariat économique régional global, (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Chine, Japon, Inde, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande). Une fois que les gazoducs Nord Stream II et South Stream seront achevés en décembre, comment l’UE pourra-t-elle résister à s’y brancher ? »

Voyons la Science et le QI chinois :

« Leurs cinq points de QI supplémentaires par rapport à nous signifient qu’ils ont 300 000 personnes avec un QI de 160, comparativement à 30 000 en Occident. La Chine a dépassé les États-Unis pour devenir le premier producteur mondial d’articles scientifiques, représentant près d’un cinquième de la production mondiale totale, selon un  nouveau rapport. La Chine  domine le classement mondial  des articles de recherche les plus cités publiés dans les 30 domaines technologiques les plus en vogue. Bien que les États-Unis aient produit 3,9 millions d’articles sur la recherche en tous domaines, comparativement à 2,9 millions en provenance de la Chine, cette dernière a produit la plus grande part dans 23 des 30 domaines qui ont suscité le plus d’intérêt, tandis que l’Amérique a obtenu la tête pour les sept autres.

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Puis la Technologie : « Les deux tiers des ordinateurs les plus rapides au monde sont chinois, mais rien ne révèle plus le vide de notre armoire technologique que la domination chinoise du haut débit mobile amélioré. Nous prendrons deux fois plus de temps et dépenserons deux fois plus pour intégrer un système moins abordable, fonctionnel, compatible et évolutif. Pourtant, nos impitoyables médias ont tourné en dérision le président Trump lorsqu’il a appelé l’Amérique à dominer la 6G, malgré le fait publiquement connu que Huawei a 600 mathématiciens, physiciens et ingénieurs travaillant sur le 6G depuis plus d’un an. La Chine est en tête du classement mondial dans la plupart des dix principaux domaines « prometteurs » comme la recherche sur les piles et représente plus de 70 % de tous les articles sur les photocatalyseurs et le traitement du cancer ciblé par l’acide nucléique, qui se classent respectivement en 12e et 14e position. Les États-Unis sont en tête dans trois domaines de la biotechnologie, dont l’édition du génome en 7eme position, et l’immunothérapie en 10eme. La Chine est le chef de file mondial de  la recherche fondamentale  et de la plupart des technologies, en particulier celles concernant les  régions chaudes. »

L’Aérospatiale ? 

« La Chine a lancé plus de missions spatiales en 2018 que la Russie ou l’Amérique et son premier avion de ligne local décollera cette année, bien que la FAA ait trainé les pieds. C’est le premier fournisseur mondial de drones et le plus grand fabricant et exportateur d’avions de combat légers. Maintenant que son avion de combat, le WS-15, est en production, son J-20 va dépasser les nôtres. »

Ironiquement, l’auteur ajoute sur cette guerre commerciale aux dimensions modestes :

« Comme le dit Parag Khanna, Pékin doit se demander pourquoi le numéro 3 lancerait une guerre commerciale contre le numéro 1. Bien que nous soyons autosuffisants à bien des égards, nous sommes peut-être moins indispensables que nous ne l’imaginons. «L’Amérique d’abord» sonne bien, sauf quand cela signifie en fait « l’Amérique seule ».

Indicateurs sociaux ?

« Le GINI chinois, qui n’avait jamais atteint nos niveaux, est en train de chuter comme une pierre et l’extrême pauvreté disparaîtra l’année prochaine, lorsque tous les Chinois auront une maison, un emploi, beaucoup de nourriture, une éducation, des rues sûres, des soins de santé et de vieillesse (il y aura alors plus de toxicomanes, de suicides et d’exécutions, plus de personnes sans abri, pauvres, affamées et prisonnières en Amérique qu’en Chine). 500 000 000 de Chinois vivant en milieu urbain auront une valeur nette et un revenu disponible supérieurs à ceux des Américains moyens, leurs mères et leurs nourrissons seront moins susceptibles de mourir en couches, leurs enfants obtiendront leur diplôme d’études secondaires trois ans plus tôt que nos enfants ; et survivront. 98 % des Chinois listés comme « pauvres » sont déjà propriétaires de leur maison et Xi a programmé de ramener le coefficient GINI au-dessous de celui de la Finlande, d’ici 2021-2035. »

L’éducation est incomparable reflétant celle des quatre dragons qui nous impressionnaient tant au cours des lointaines années 80 : 

« Aucun pays n’a autant d’ingénieurs intelligents, bien formés et dévoués. Un quart des travailleurs en Science, Technologie et Mathématiques dans le monde sont des Chinois, une main-d’œuvre intellectuelle huit fois plus nombreuse, qui croît six fois plus vite et qui obtient son diplôme d’études secondaires trois ans plus tôt que chez nous. D’ici 2025, la Chine comptera plus de travailleurs qualifiés sur le plan technologique que l’ensemble des pays de l’OCDE – États-Unis, UE, Canada, Mexique, Australie, Israël, Japon, Corée, Nouvelle-Zélande et Turquie – réunis. »

Pierre d’achoppement, la sécurité, la fierté nationale :

« Faible criminalité, pas d’absurdités religieuses ou de violence islamique. Les entreprises peuvent investir en toute sécurité sans crainte de troubles religieux, de violence ou de vol qualifié.

La foi en l’avenir, le nationalisme, la croyance en une Chine meilleure. Les Chinois croient fermement en l’avenir et sacrifient volontiers temps et efforts pour la prochaine génération. Les Chinois ont le même sentiment que celui que nous avions dans les années 60, sauf que leurs salaires et leur richesse ont doublé chaque décennie depuis soixante-dix ans. »

A l’heure où l’occident bascule dans le techno-bolchévisme, la dystopie écologiste, le transgenre et le fascisme humanitaire, la Chine est démocrate…

« La Chine est la première  démocratie  au monde. Bien que cette affirmation mette en colère de nombreux Occidentaux, quel que soit le système de mesure utilisé, la Chine est une démocratie prospère et l’Amérique ne l’est pas, que ce soit sur le plan électoral, populaire, procédural, opérationnel, financier ou technologique. »

Roberts ajoute qu’elle saura même se défendre :

« L’armée chinoise  dispose de certains des  systèmes d’armes  les plus modernes au monde pour la moitié du coût de la défense américaine. Ses missiles les plus modernes surpassent les nôtres dans toutes les catégories grâce au couplage étroit entre leurs chimistes de pointe et les fabricants de propergols pour fusées. Les systèmes d’armes russes comblent toutes leurs lacunes. »

Cerise sur le gâteau : « 95 % des chinois soutiennent les politiques de leur gouvernement et la plupart sont prêts à se battre pour leur pays. »

L’indianiste Daniélou écrivit que les aryens occidentaux étaient de simples prédateurs. Le chaos des siècles passés l’aura montré. On verra la suite avec nos chinois…

 

lundi, 21 octobre 2019

2500 ans de stratégie d'influence

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2500 ans de stratégie d'influence

par François-Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

Influence ? de l’inévitable Art de la guerre de Sun Tzu (fin du VI° siècle avant JC) au premier traité de stratégie occidental connu (Enée le Tacticien qui conseille d’utiliser des agents d’influence pour prendre des villes ennemies au IV° siècle av. J.C.), l’idée de l’employer à des fins militaires est tout sauf neuve.

st2.jpgInfluence ? Aujourd’hui, la notion est dans l'air du temps : opérations d'influence, communication d'influence, e-influence ou stratégie d'influence...
Qu'y a-t-il de commun entre une méthode destinée à pacifier une vallée afghane et la conquête de nouveaux marchés ? Entre le discours d'un sophiste, l'écho d'une opinion amplifiée par le Net et la vision planétaire du "soft power" US ?
D'abord ce que l'influence n'est pas : ni contrainte, ni contrat. Ce dont elle dispense : le bâton, et la carotte. La relation d'influence procure un pouvoir, mais où, en principe, n'entre pas la dimension de la force ou de la menace, ni même la simple autorité. Pas davantage l'échange des biens et le calcul des intérêts. Encore qu'il existe des phénomènes comme le charisme où se mêlent prestige et séduction, et qu'un rapport contractuel suppose souvent son jeu d'influence au moment de la négociation.
Mais l'influence se manifeste généralement par le fait que l'influencé a, au final, adopté une attitude qui n'aurait pas été la sienne auparavant sans que les avantages ou les inconvénients qu'il en retirerait aient objectivement changé. Simplement, il a envisagé autrement la situation et n'a eu le sentiment d'avoir cédé à aucune force, ni gagné de contrepartie : le changement lui a semblé spontané ; il est comme venu de l'intérieur (quand on dit que l'on a agi sous influence, c'est généralement un piteux aveu pour s'exonérer d'une faute).

Si l'influence est la capacité d'obtenir indirectement d'autrui un comportement ou une attitude favorable à ses desseins et en n'utilisant que des signes au sens large (des mots, des apparences, des images que l'on émet, peut-être des musiques...), le succès du terme s'explique. Qui ne désirerait faire avancer ses intérêts (c'est de cela qu'il s'agit au fond) en amenant l'autre à adopter son point de vue, voire ses convictions ? Surtout à si faible prix ? Qui ne voudrait désarmer l'hostilité sans avoir à combattre ? Multiplier ses soutiens ou être, tout simplement, populaire ou imité ? Profiter des courants sociaux ou culturels, voire les anticiper et les provoquer ?

D'autant qu'il existe sur le marché des idées (voire sur le marché tout court) des méthodes qui proposent suivant le cas de convaincre son auditoire, de déradicaliser les islamistes, de mieux vendre des aspirateurs, de développer son "hub-influence" par les réseaux sociaux voire de changer la politique internationale...

Le succès récent d'un mot nous renvoie aux sources de notre culture. La rhétorique antique n'est pas la simple production de beaux discours ; c'est l'art de gagner la conviction des citoyens. À Athènes, elle est partout dans la Cité : justice (techniques de l'avocat), politique démocratique (art d'emporter le suffrage de l'Assemblée) et philosophie (amener les hommes de la doxa, l'opinion reçue par la plupart, à l'aletheia, la vérité philosophique). Cette façon de faire opiner l'opinion s'apparente à un art martial, mais pratiqué avec des mots : l'argument fort prédomine l'argument faible et l'orateur gagne des têtes comme on gagne des duels.

La persuasion - par qui un sujet adhère à une affirmation de fait, à une idée ou à un jugement présentés d'une certaine façon - ne résume pas toutes les dimensions de l'influence.

En témoignent, par exemple, la conversion religieuse, avec les Jésuites, corps à la fois quasi militaire et professionnel de la propagation spirituelle, ou la diffusion des idées des Lumières, contagion idéologique initiée par des "sociétés de pensée", exemples de la dimension "inclusive" de l'influence. Elle suppose de faire un Nous : intégrer le convaincu dans une nouvelle communauté de croyants. L'influence ne consiste pas seulement dans le "transfert" de l'affirmation X de la tête de A à la tête de B, mais une relation à bien plus long terme.

st3.jpgAu fil du temps, l'influence se pense dans divers contextes :
- esthétique : la reprise de modèles littéraires ou artistiques (telle la diffusion du romantisme en Europe)
- sociologique : les lois de l'imitation selon G. Tarde, la psychosociologie qui traite des interactions entre individu et groupes comme les effets de conformisme, l'influence et les effets de croyance des médias ou encore l'action des minorités actives, ceux qui justement font parfois changer les normes dominantes par l'influence, les changements ou confirmation d'attitude, croyance et valeurs
- politique avec la question des groupes dits d'intérêt ou d'influence dont la vocation est précisément de peser plus que leur poids électoral par l'influence sur les détenteurs de l'autorité
- géopolitique, domaine où les stratégies d'influence contraient ou prolongent les rapports de puissance
- économique, notamment lorsque l'intelligence économique place les tactiques de lobbying et autres actions d'influence et contre-influence à égalité avec l'acquisition et la protection de l'information stratégique.

Progressivement, la pratique de l'influence a fini par intégrer des méthodes que nous pourrions appeler
-de l'image (telles des politiques de prestige qui suscitent l'imitation),
-du code et qui consistent à "formater" ou plutôt à préformer les attitudes mentales de ceux que l'on influence (p.e. en lui apprenant une langue, une technique intellectuelle et des catégories mentales)
-ou encore de mobilisation de réseaux humains ou numériques.

Car l'influence est un sport d'équipe. Sauf cas limites qui rappellent singulièrement la situation de l'orateur grec (par exemple celle de la plaidoirie d'un avocat), l'influence ne se pratique pas seul : elle suppose des moyens matériels, des dispositifs et des communautés humaines prêtes à propager leurs convictions, ou constituant un terrain réceptif capable d'amplifier l'influence initiale (on songe ici aux "réseaux sociaux" numériques qui peuvent parfois donner un incroyable écho à un message initial qui a simplement rencontré le moment juste et bonnes prédispositions).

L'influence, pour le dire autrement suppose les quatre M : le message efficace, le média adapté, la médiation de groupes pour la transmettre, l'adaptation au milieu (dont la compréhension des codes et valeurs de l'influencé)..

Cette capacité d'agir sur l'autre en lui faisant changer son évaluation de la réalité est potentiellement présente dans les rapports humains ; sa recherche délibérée inspire force techniques intellectuelles et matérielles. Notre époque est particulièrement riche en néologismes comme opérations psychologiques, management de la perception, communication publique, storytelling, e-influence... Comme la guerre, l'influence obéit à des principes immémoriaux simples mais c'est un art tout d'exécution. Ce qui importe c'est moins le nom d'une technique que le rapport entre l'objectif recherché et l'organisation qui y recourt. Qui et comment nous influençons traduit notre identité et nos finalités.

Le succès de l'influence est de plus en plus déterminée par les techniques de communication qu'elle mobilise.

Ce n'est pas la même chose que de produire des livres et journaux pour une population alphabétisée (et sur un territoire où l'on contrôle ce qui peut s'exprimer), de se doter d'une télévision internationale d'information qui aura un quasi monopole des images disponibles dans les rédactions TV du monde ou encore de tenter de contrebalancer des images d'atrocités que vous imputent vos adversaires et qui circulent sur Facebook.
Et lorsque c'est l'État qui veut exercer l'influence pour prolonger sa puissance, motiver des alliés potentiels et retirer des partisans à la puissance rivale, il doit bien tenir compte de cette évolution technique.

st4.jpgAinsi, suivant les époques, il peut :
- adopter la stratégie de la forteresse et empêcher les médias étrangers (suspects de propagande) de toucher sa population, en contrôlant ses frontières
- mener une campagne internationale dénonçant les atrocités ennemies et proclamant la justesse de sa cause selon une méthode déjà utilisée en 14-18
- pratiquer une "diplomatie publique" dans une situation de type guerre froide, notamment par des médias émettant vers le territoire de l'adversaire, pour contrer le discours idéologique.
- compter sur le "soft power" de ses industries culturelles pour séduire la planète
- s'efforcer de diriger des "flux d'attention" sur Internet vers des sources favorables à sa cause pour contrer l'effet ravageur de la "propagande d'atrocité" d'un ennemi irrégulier.

Ramenées à l'échelon du militaire sur le terrain - militaire qui, après tout, en démocratie, est censée lutter pour les objectifs que lui assigne le politique - le succès de l'influence est une question vitale. Surtout lorsque l'usage de la force ostensible peut être contre-productif et en termes de recrutement au profit du camp opposé, et en termes de dégâts sur sa propre opinion publique.

L'opération n'est certainement pas aisée, y compris dans la mesure où elle exige du militaire un discours politique sur les buts de la guerre - qu'il dise qui il combat et au nom de quoi il le combat - sans se réfugier derrière la légitimité de l'autorité qui le commande. Il faut également énoncer quelles visions du monde s'opposent, donc entrer dans un processus d'affrontement idéologique.

Mais cela est certainement indispensable puisqu'il ne s'agit plus -plus seulement, plus classiquement - de faire céder la volonté adverse par la force. Désarmer l'intention hostile, diminuer le nombre des ennemis de demain quitte parfois à moins en tuer aujourd'hui, décourager de recourir aux armes, si possible amener celui qui l'a déjà fait à y renoncer, diminuer l'impact de l'image de sa propre force... : ce ne sont pas des tâches faciles. Il se pourrait même que certaines soient contradictoires. Par exemple, comment révéler l'atrocité de ce que fait l'ennemi - donc sa nocivité - sans désavouer la rhétorique de la pacification qui est sur le point de réussir ? Comment mobiliser les siens, parfois avec un discours martial ou emphatique, et ne pas choquer ceux qui pourraient s'identifier à la cause adverse ? Agir à la fois sur le plan de la combativité et de la légitimité demande un singulier sens de l'équilibre.

Il ne suffit ni de lire le bon manuel, ni d'élaborer le bon message, ni de se doter d'assez de vecteurs pour toucher la population cible. Et souvent l'énoncé, ce que l'on dit, est contredit par l'énonciation, comment on le dit (y compris en uniforme étranger et en terre étrangère).

Il nous semble, en conclusion, qu'il y a en deux facteurs qui échappent au discours de bienveillance (nous sommes là pour vous aider) et de justice triomphante (nous allons écraser notre ennemi qui est aussi celui du genre humain) et qu'il faudra intégrer dans ses calculs de séduction ou d'apaisement.

La valeur symbolique du territoire d'abord. Qu'il s'agisse du territoire réel, celui où la présence de l'étranger, même animé des meilleure intentions, est toujours problématique, ou du territoire mythique dont se réclament les jiahdistes (la terre d'Islam que les Occidentaux auraient violée, justifiant ainsi la guerre sainte).

Le second facteur est tout simplement la colère accumulée. Selon l'expression du philosophe Sloterdijk, l'Histoire traduit souvent l'existence de "banques de la colère" où s'accumulent le sentiments de vengeance inassouvie et de torts non compensés, les affects négatifs, les rages et les humiliations.

Désamorcer les pièges de la territorialité et du ressentiment, un défi qui touche au plus profond de l'éthos du guerrier.

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lundi, 23 septembre 2019

Fred Reed et la débandade militaire américaine

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Fred Reed et la débandade militaire américaine

Par Nicolas Bonnal

Source nicolasbonnal.wordpress.com

L’effondrement de nos libertés accompagne notre déclin intellectuel moral, militaire, économique. Nous ne sommes bons qu’à détruire les restes de notre civilisation. Il n’y a plus de socialisme, plus de capitalisme, juste un système infect – un ultra-capitalisme bonimenteur et gaspilleur – bon à creuser des dettes immondes pour remplacer ses populations et saccager des vies. Notre hyper-apocalypse n’offre même pas la grandeur épique dont nous eussions rêvé en des temps plus reculés. C’est un environnement crade qui se contente de ruiner la qualité de la vie tout en doublant le prix de tout à chaque instant.

Il faudra écrire un livre sur le rôle de la technologie, arrogante, puérile, envahissante, dans le déclin de la civilisation technicienne occidentale. Déclin des transports, du nucléaire, de la construction, de la pharmacie, de l’espace, de l’alimentation… Depuis les années 70, la technologie américaine infantilise d’un côté (les jeux, « l’information ») et de l’autre elle rend vicieuse des élites qui copient les investisseurs qui ont remplacé l’industrie par l’agiotage. La technologie a tué le cinéma dont les effets spéciaux sont devenus ridicules, comme ceux des Marvel-Mossad comics. Et ce n’est pas avec des sabres laser que nos zélés infantilisés mettront au pas russes, iraniens, chinois ; déjà qu’on pleurniche avec le Yémen ou le Hezbollah…

Il faut évoquer les deux historiens impériaux Samuel Huntington et Victor Davis Hanson. Car on assiste à la fin du « monopole de la violence » occidentale, de sa « culture du carnage » qu’Hanson fait remonter aux guerres médiques. Mais Hanson oublie la victoire des Parthes contre Crassus (lisez sa vie par Plutarque) et la chance historique contre les mongols qui firent demi-tour (Batu khan) pour des raisons familiales avant de raser de près le petit cap asiatique. Quant à Huntington toujours mal lu, il affirmait que l’occident s’était imposé par sa violence organisée (« superiority in applying organized violence »), pas par la supériorité ontologique de sa civilisation…

Fred Reed s’est magnifiquement défoulé sur unz.com, alors on va le laisser parler. Fred Reed rappelle sa carrière :

Pendant quelques décennies, j’ai couvert les questions militaires pour diverses publications, comme le Washington Times et Harper’s, et j’ai tenu une chronique militaire pour le Universal Press Syndicate. Je suivais le principe bien connu des journalistes avisés : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour le journalisme, mais ce que le journalisme peut faire pour vous. » Vivre au rythme militaire était un excellent passe-temps, permettant de voler dans des avions de combat et de naviguer dans des sous-marins. Mais si vous prenez l’étude au sérieux, comme je l’ai fait, vous apprenez des choses intéressantes. Comme par exemple le fait qu’une guerre contre un « vrai » pays, comme la Russie, la Chine ou même l’Iran, serait une aventure insensée.

Reed évoque la sinistre fonction de l’armée US :

Les armées inutilisées se détériorent. La flotte américaine n’est plus entrée en guerre depuis 1945, ni l’armée de l’air depuis 1975, ni l’infanterie dans une vraie guerre depuis le Vietnam. Le bombardement de paysans sans défense, la principale fonction de l’armée américaine, n’est pas la guerre.

Sur la conscription, Reed souligne une débandade morale :

Les États-Unis ne peuvent pas mener une grande guerre terrestre, comme par exemple contre la Russie, la Chine ou l’Iran. Une telle guerre nécessiterait de recourir à la conscription. Le public ne l’accepterait pas. Les États-Unis ne jouissent plus du genre d’unité patriotique qu’ils avaient au début de la guerre contre le Vietnam. De lourdes pertes seraient intolérables. Les gens d’aujourd’hui sont beaucoup plus disposés à désobéir au gouvernement fédéral. Notez que de nombreux États ont légalisé le cannabis au mépris de la loi fédérale et que de nombreuses juridictions du pays refusent tout simplement d’aider les autorités fédérales en matière de lois sur l’immigration. Toute tentative d’envoyer des femmelettes au combat entraînerait une désobéissance civile généralisée.

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Sur la marine US devenue invalide, il dit :

Un porte-avion est une vessie de carburéacteur enrobant de puissants explosifs. Les implications sont considérables. Un missile balistique hypersonique plongeant, guidé en phase terminale, perforant le poste de pilotage et explosant dans le pont du hangar, enverrait n’importe lequel d’entre eux dans les chantiers de réparation pour une année. Les Russes et les Chinois développent ou ont déjà mis au point des missiles spécifiquement conçus pour éliminer ces porte-avions. Notez que la portée de certains de ces missiles est beaucoup plus grande que le rayon de combat leurs avions. Oups.

Pour Reed, le soldat US devient une poule mouillée :

Jusqu’au Vietnam, les guerres américaines ont été menées par des jeunes hommes coriaces, souvent issus de milieux ruraux, connaissant bien les armes à feu et le travail physique pénible. Je le sais bien, ayant grandi et ayant servi avec eux dans la marine. La discipline, si elle n’est pas vraiment brutale, était très stricte. Les exigences physiques étaient élevées. En AIT (entraînement avancé d’infanterie), au Camp Lejeune, c’était «La compagnie S sur la route ! » à 3h30 du matin, suivie d’une course à pied et d’un entraînement intensif aux armes jusqu’à minuit. Oui, les vieux aiment se rappeler comment c’était à l’époque, mais c’était vraiment comme ça.

Aujourd’hui, l’Amérique a une armée corrompue par une politique de justice sociale. Les recrues ne sont plus taillés comme des bûcherons. L’obésité est commune. Le Pentagone a abaissé ses standards physiques, caché les problèmes raciaux, assoupli son entraînement. Les officiers ont peur du nombre grandissant de femmes militaires au sein des unités de combat. Une plainte pour sexisme et c’en est fini de votre carrière.

Trait important, il y a le pourrissement du corps des officiers :

En temps de paix prolongée, le corps des officiers se désintègre. Tous les officiers du second tour sont des politiciens, surtout au-dessus du lieutenant-colonel. On ne bénéficie pas de promotion en suggérant que les hauts gradés mentent pour des raisons politiques, mais en insistant sur le fait que la guerre en Afghanistan est en train d’être gagnée. Le temps de paix encourage les carriéristes qui avancent en ne faisant pas de vagues. Dans une grande guerre, de tels généraux d’éclat n’ayant fait le coup de feu que sur PowerPoint doivent être éliminés à un coût élevé en vies humaines.

L’armée d’aujourd’hui ne fera rien de bon dans un combat égal contre des Afghans, des Russes ou des Iraniens. L’armée américaine n’a pas réussi à vaincre les villageois afghans en dix-huit ans avec un immense avantage en termes de puissance aérienne, de cuirassés, de blindés, d’artillerie, de soins médicaux et d’équipement. Que pensez-vous qu’il arriverait s’ils devaient combattre les Talibans sur un pied d’égalité : sandales, fusils, lance-roquettes et pas grand-chose d’autre ?

Incompétence et corruption sont la norme :

Pourquoi donc construire ces armes ? Parce que Northrop-Grumman a tellement d’argent que ses lobbyistes utilisent des pelles à neige pour remplir les poches des membres du Congrès. À l’époque où je couvrais le Pentagone, chaque fois qu’une nouvelle arme était achetée, par exemple l’hélicoptère d’attaque AH-64, le contractant principal communiquait une liste de sous-traitants dans de nombreux États – dont les membres du Congrès soutiendraient l’arme afin d’obtenir les emplois. Tout est une question d’argent. Parfois, le Congrès oblige l’armée à acheter des armes qu’elle dit explicitement ne pas vouloir, comme un plus grand nombre de chars M1 de l’usine de Lima, dans l’Ohio. Pour les emplois.

En bref, de nombreuses armes sont achetées pour des raisons économiques et non pour une utilisation en temps de guerre. De mon temps, j’ai vu de nombreuses armes non utilisables. Le B1, B2, DIVAD, le véhicule de combat Bradley, le M16, le V-22, le LAW. Rien n’a changé.

Reed rappelle comme Philippe Grasset la nullité des nouveaux équipements :

Mais nous avons maintenant le F-35, le dernier chasseur à tout faire aux coûts grotesques. On dirait un coucou mal conçu et souffrant de problèmes infinis. Selon la presse technique, il s’agit d’une reine de hangar ayant des taux de sortie très bas, une préparation médiocre et nécessitant une maintenance électronique complexe, souvent à des échelons distants.

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Alors l’efficacité est remplacée par la folie :

Supposons que Bolton [ou Pompeo] obtienne sa guerre contre l’Iran. Les conseillers lui disent qu’elle sera brève et facile, chirurgicale, une promenade de santé. Avons-nous déjà entendu cela ? La Marine affirmé qu’elle peut garder le détroit d’Ormuz ouvert, grrr, waf ! Mais s’il se trouve que l’Iran ne suit pas le scénario, ne se rend pas. Et que la marine, à sa grande surprise, ne trouve pas les missiles anti-navires profondément enterrés et transportés par camion qui continuent de frapper les pétroliers. Ceux-ci continuent à brûler. Bientôt, personne ne les assurera. Ils arrêtent de circuler. Trois semaines après le début de la guerre, le monde réclame du pétrole à grands cris, il n’y a pas de fin en vue, Trump ne peut admettre qu’il a fait une gaffe, et Bolton [ou Pompeo] veut lancer une bombe nucléaire contre Téhéran.

Ou Washington pousse trop fort dans la mer de Chine méridionale, une collision accidentelle se transforme en un échange de tirs, et les Bannonites Pompeo-Boltoniens ordonnent à la flotte de donner une leçon aux Chinetoques. Malheureusement, les missiles anti-navires chinois s’avèrent plutôt meilleurs que prévu, un porte-avion est détruit et trois destroyers transformés en tas de ferraille.

Que fait-on maintenant ? Les egos surdimensionnés et mal informés à Washington ne peuvent accepter la défaite. D’une part, cela mettrait fin à la crédibilité américaine en tant que puissance hégémonique, et tout le monde voudra acheter des missiles anti-navires chinois. La vanité joue un plus grand rôle dans les affaires mondiales que ne le disent les manuels. Washington, bêtement mais inévitablement, irait dans la surenchère et commencerait une guerre totale contre la Chine. À ce stade, les choses deviendraient imprévisibles.

Puis Reed rappelle que la guerre nucléaire envisagée par l’ahuri que le Donald a mis à la place du regretté Bolton n’est pas gagnable :

Les hommes d’une stupidité incalculable et d’une insuffisance sexuelle probable parlent d’une guerre nucléaire comme gagnable. Ils peuvent toujours rêver. Réfléchissez : les villes américaines ne peuvent pas se nourrir elles-mêmes. Trois jours sans envois de nourriture et les New-yorkais auront vidé les rayons des supermarchés. Une semaine et ils tueraient pour des conserves de thon. Deux semaines et ils se mangeraient les uns les autres. Un très petit nombre de bombes nucléaires sur les centres de transport empêcherait la distribution de nourriture pendant des mois. Même un plus petit nombre encore de bombes au cobalt, conçues pour produire un maximum de radiations persistantes, rendraient les zones fermières mortellement radioactives pour une décennie.

Les «intellectuels de la Défense», généralement tellement stupides qu’ils devraient vivre dans des arbres, discutent de la domination par l’escalade, du facteur d’intimidation et de la défense antimissile imperméable. Ils sont complètement fous. Ce dont ils ont vraiment besoin, c’est d’une coquille et d’un abonnement à Pornhub Premium.

Et Reed de conclure :

C’est la raison pour laquelle c’est vraiment une très mauvaise idée d’avoir un dingue psychopathe, deux chrétiens fanatiques et un fils-à-papa pathologiquement agressif en mesure de déclencher une guerre.

On a compris qu’il ne reste à ces élites technophiles infantiles, que le fanatisme théologique et messianique pour justifier le rôle princier que les hallucinés indices boursiers leur concèdent encore.

Il faudra le mettre au pas cet occident. Il lui reste son marché, ses dollars, ses marottes écolos ou humanitaires. Mais sa manière de s’auto-halluciner, un peu comme un dealer qui succombe à sa dope, le rend de plus en plus inopérant.

mercredi, 11 septembre 2019

L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

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L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La zone indo-pacifique, priorité militaire pour le Pentagone

L'auteur de l'article de Strategic Culture cité en référence indique que selon le secrétaire de la Défense américain Mark Esper, le retrait des Etats-Unis du traité INF (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ) n'a pas été motivé par la volonté d'établir des bases américaines dotées de tels missiles aux frontières de la Russie, mais de rassembler tous les moyens militaires disponibles pour faire face à une éventuelle attaque chinoise dans la zone indo-pacifique.

Mark Esper a confirmé que, conformément aux prescriptions du récent rapport sur la stratégie nationale de défense américaine, c'est la Chine et ensuite la Russie qui représentent le plus grand danger auquel sont confrontés les Etats-Unis. Il serait temps selon lui, de se préparer à passer de conflits de basse intensité avec ces deux pays pouvant se prolonger pendant des années à des conflits dits « de haute intensité ». Comme chacun sait, ceux-ci pourraient dégénérer en affrontements nucléaires.

On notera que Mark Esper n'a pas hésité à réaffirmer ceci au moment même où Donald Trump et Xi Jinping envisageraient une atténuation des « sanctions américaines » contre la Chine et des contre-sanctions chinoises. Cette atténuation est vivement souhaitée par les entreprises américaines qui vivent des échanges économiques entre les deux pays. Mais on peut penser que le Pentagone et ses alliés, notamment au Japon et en Corée du Sud, sont de plus en plus préoccupés par les missiles hypersoniques dont se dote actuellement la Chine, avec l'aide de la Russie. Un seul de ceux-ci, comme nous l'avons indiqué précédemment, pourrait s'il était bien placé envoyer par le fonds un porte-avions américain,

Ce qui les inquiète particulièrement aujourd'hui est l'acquisition d'armes anti-aériennes et anti-missiles du type du système anti-missile russe S400 par des pays essentiels à la sécurité américaine tels que l'Inde, la Turquie, la Syrie et même les Emirats Arabes Unis. Les stratèges américains reconnaissent que la supériorité militaire américaine est mise en échec par de tels bases ou navires équipés de ces missiles. Ceux-ci pourraient rendre impuissantes les forces armées américaines dans le Pacifique en seulement quelques heures de conflit.

Mais, comme l'écrit Strategic Culture, les Etats-Unis n'ont pas profité de cette situation pour proposer des accords de coopération avec la Chine et ses alliés. Au contraire, ils voudraient maintenant négocier avec leurs alliés la mise en place d'un Otan du Pacifique. Compte tenu des difficultés que les Américains rencontrent actuellement à utiliser l'Otan nord-atlantique pour établir des relations de coopération entre les membres de cette dernière, on doute que la perspective d'un Otan du Pacifique intéresse beaucoup d'alliés de l'Amérique dans cette zone.

Pour en savoir plus, voir

https://www.strategic-culture.org/news/2019/09/02/america...

L'auteur en est Matthew Ehret, fondateur et responsable de la Canadian Patriot Review et de la Rising Tide Foundation

Note au 05/09

Il convient de relativiser l'impuissance américaine  en mer de chine méridionale. L'US Navy vient de conduire des manoeuvres communes avec les marines de l'ASEAN, comme le relate l'article ci-dessous. Il est vrai que selon cet article, la Chine pratique de son côté de telles manoeuvres.  L'ASEAN ou Association des nations de l'Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est

https://www.asiatimes.com/2019/09/article/us-asean-float-...

 

lundi, 27 mai 2019

La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine

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La réélection de Narendra Modi en Inde réjouit la Chine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Narendra Damodardas Modi est membre du Bharatiya Janata Party BJP, un parti nationaliste hindou qui se réfère à l'Hindutva, il est Premier ministre de l'Inde depuis le 26 mai 2014.  A la tête du BJP, il a remporté le 21 juin 2019 les élections législatives, pour un second mandat de cinq ans. Il sera donc à nouveau Premier ministre.

On aurait pu penser que la Chine, très grande puissance voisine, aurait considéré ce succès avec circonspection. Modi a longtemps été proche des Etats-Unis et a accepté d'eux des aides militaires importantes. Aujourd'hui encore, il évoque le Cependant, ces dernières années, il s'était rapproché de la Chine, ainsi d'ailleurs que de la Russie, au sein d'une démarche géopolitique commune dans le cadre du Brics. Sa réélection satisfait les commentateurs politiques en Chine.

On y rappelle que Modi avait rencontré dans des sommets informel l'année dernière respectivement Xi Jinping à Wuhan et Vladimir Poutine à Sochi. Ils s'étaient respectivement rendu compte qu'ils pouvaient travailler ensemble de façon constructive. Modi avait par la suite compris qu'il pouvait très bien séparer la coopération économique de conflits politiques éventuels. Ainsi il avait rejoint récemment l'Asian Infrastructure Investment Bank malgré l'opposition des Etats-Unis et du Japon, tout en réaffirmant une politique stricte de non-alignement.

Lors des affrontements récents entre l'Inde et le Pakistan, Pékin avait joué un rôle modérateur apprécié en rappelant aux deux pays qu'ils pouvaient et devaient coopérer dans le domaine du commerce, de l'économie et de la lutte contre le terrorisme islamique, notamment comme membres l'un et l'autre de l'Organisation de Coopération de Shanghai. Le développement constant du commerce entre l' Inde et Chine, Delhi diminuant progressivement son déficit, est un puissant facteur de rapprochement. Il en est de même de leur participation commune au sein du Financial Action Task Force , organisation internationale dont le siège est à Paris et dont l'objectif est de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

On sait par ailleurs que la Chine et l'Inde partagent désormais des politiques communes de contrôle des naissance, afin d'éviter de voir leur population d'environ 1 milliard de personnes chacun, déjà excessive au regard des ressources actuelles, s'accroître encore. Ceci sera un puissant facteur de rapprochement en terme philosophique et religieux.

Une nouvelle fois, nous devons regretter que les Européens ne cherchent pas suffisamment à développer de liens politiques et économique « gagnants-gagnants » au sein du couple formé dorénavant par Delhi et Pékin. Ceci serait certainement bien accueilli de part et d'autre.


 

vendredi, 24 mai 2019

La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise

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La coopération stratégique et scientifique entre la Russie et la Chine se précise

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Nous avons souvent indiqué ici que l'initiative chinoise dite Belt and Road Initiative BRI donnera à la Chine l'occasion de nouer des relations économiques et politiques avec toutes les nations traversées, y compris récemment en Italie.

Une question restait posée : la Russie s'associerait-elle à cette démarche ou, à l'inverse, y verrait-elle une concurrence dangereuse pour les relations qu'elle a depuis longtemps établies avec ses voisins du sud au sein de l'Union économique eurasiatique.

La réponse vient d'être donnée à la seconde Conférence de la BRI qui vient de se tenir à Pékin. Elle rassemblait 37 chefs d'Etat, dont Vladimir Poutine en personne. Celui-ci vient d'annoncer son intention d'associer la Route Polaire Maritime russe à la BRI. Cette route est de plus en plus fréquentée pendant la période de fonte des glaces, période qui ne cesse de s'allonger avec le réchauffement climatique. Ceci devrait faire de l'Arctique une zone de coopération où pourraient se retrouver de nombreux intérêts refoulés vers le nord par ces changements de température. La Chine voit déjà dans la Route polaire un élément majeur de son ouverture au reste du monde.

C'est d'abord la diminution des temps de transport maritime qui l'intéresse. La route du port chinois de Dalian à Rotterdam sera raccourcie de 10 jours par rapport au passage par le détroit de Malacca et le canal de Suez. Par ailleurs, un accès aux ressources de l'Arctique sera précieuse pour un pays surpeuplé et sans grandes ressources propres tel que la Chine. 

Quelques jours auparavant, dans le cadre de l'International Arctic Forum qui se tenait à St Petersbourg début Avril, la Russie avait mis l'accent sur l'importance de ce qui est nommé un Grand Partenariat Euroasiatique non seulement pour la coopération économique mais pour celle en matière scientifique. Lors de cette conférence, Chine et Russie ont signé un accord de coopération scientifique pour l'Arctique créant un China-Russia Arctic Research Center.

Dans un premier temps, il s'agira de réaliser des constructions durables sur des plateformes flottant sur la glace et des brise-glaces plus performants. Sans attendre on y étudiera des méthodes permettant de préserver les milieux naturels fragiles de cette partie du monde.

Sur ce plan, beaucoup de scientifiques resteront dubitatifs. On peut craindre que les objectifs économiques l'emportent sur les préoccupations de préservation. D'autant plus qu'à plus long terme des dizaines de millions de personne chassées de chez elles par le réchauffement et la désertification chercheront à se reconvertir non seulement dans le nord de la Sibérie mais dans l'Arctique.

Celle-ci est sans doute trop loin  de l'Europe pour qu'elle s'intéresse, hormis quelque peu les pays scandinaves (et Total). Ce sera dommage pour elle. 

jeudi, 23 mai 2019

Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?

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Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Chine détient actuellement l'essentiel des gisements mondiaux de terres rares rapidement exploitables. Celles-ci sont indispensables dans la fabrication des appareils électroniques tels que les smart phones et les futures voitures électriques.

Il était prévisible que Pékin riposterait sur ce terrain à l'offensive américaine contre Huawei, menacé par un embargo américain sur des composants électroniques qui lui sont indispensables. Washington vise à exclure Huawei de toutes les applications de demain, telles que la 5 G, au prétexte que le géant chinois pourrait espionner les firmes américaines travaillant pour la défense.

Or le président chinois Li Jinping vient de visiter une société productrice de terres rares. Même s'il n'a fait aucune déclaration à ce sujet, il est évident que cette visite n'était pas de routine. Elle voulait faire peser la menace d'un embargo chinois sur l'exportation de terres rares. Pékin prend son temps cependant avant de déclencher la guerre. Il craint manifestement que les Américains ne trouvent des substituts aux terres rares.

Cependant cela demandera du temps et nécessitera des crédits de recherche considérables. Dans les prochains mois, l'arme des terres rares serait donc utilisable et pourrait considérablement affecter toutes les filières technologiques américaines, ainsi d'ailleurs que les Européens qui en sont totalement dépendants. On notera cep que la France pourrait extraire des terres rares dans son domaine maritime, mais avec de grands risques pour la vie océanique

La Chine produit actuellement 95¨des terres rares nécessaires à l'industrie. Les Etats-Unis en importent environ 80%. Un consultant américain, président de ThREE Consulting, a prévenu qu'un embargo chinois pourrait compromettre tous les fabricants non chinois de produits électroniques, y compris ceux utilisée dans le domaine de l'aviation commerciale et de l'industrie militaire.

En 2014 l'Organisation Mondiale du Commerce avait accusé la Chine d'enfreindre les règles de la concurrence en limitant les exportations de ces terres, au prétexte des dégâts à l'environnement provoqués par leur extraction. 

Ceci dit l'United States Geological Survey avait estimé en 2018 que la planète disposait de 120 millions de tonnes de gisements, dont 44 millions en Chine, mais aussi 22 au Brésil et 18 en Russie. Ces deux derniers pays avaient jusqu'ici préféré ne pas exploiter leurs réserves, compte tenu du fait que cette exploitation rejette des quantités considérables de produits toxiques et peut-être radioactifs. La Chine apparemment ne s'en préoccupe pas. 

Une intervention de Pékin bloquant ou rendant difficiles les exportations de terres rares sera considérée aux Etats-Unis comme une accélération de la guerre commerciale. De plus, dans le cas encore improbable de conflits militaires avec la Chine dans le Pacifique Sud, il s'agira d'une arme qui devra être prise en considération par les stratèges du Pentagone.

samedi, 11 mai 2019

Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !

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Quand l’Europe s’éveillera… La Chine s’esclaffera !

Par Guillaume Berlat

Ex: https://www.les-crises.fr

« Les temps changent. On ne sait pas quand, mais c’est toujours avant qu’on s’en aperçoive » (Catherine Breillat, cinéaste, romancière). Les temps changent, le ton change. Hier bénie, aujourd’hui (presque) honnie. Tel est le traitement que subit désormais la Chine. Au moment où le président chinois, Xi Jinping effectue une brève visite en Europe (Italie, Monaco1, France) en cette dernière décennie du mois de mars 2019, les critiques pleuvent comme à Gravelotte sur l’Empire Céleste2. Violations répétées des droits de l’Homme (Cf. contre les Ouigours ou contre l’ex-président d’Interpol, Meng Hongwei …), visées hégémoniques en Asie, en Afrique, voire en Europe à travers l’initiative des « Nouvelles routes de la soie »; violations graves des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC basée à Genève) en pratiquant une concurrence déloyale, espionnage à grande échelle (Cf. critiques portées contre le géant des télécommunications Huaweï au moment où il concourt au marché de la 5G)…

Telles sont les philippiques qui reviennent le plus souvent, de manière inattendue, dans la bouche des dirigeants occidentaux, européens avec une certaine insistance depuis quelques dernières semaines. Les mêmes qui ne tarissaient pas d’éloge sur l’Empire Céleste, il y a peu encore. Comme si la guerre commerciale contre la Chine dans laquelle s’est lancée Donald Trump avait enfin décillé les yeux de la Belle au Bois Dormant qui a pour nom Europe sur les visées de Pékin. Le temps n’est plus au libéralisme échevelé, à la candeur rafraichissante. Le temps serait plutôt au patriotisme économique, à la Realpolitik, à la défense des intérêts bien compris. Mais, l’Europe (l’Union européenne) divisée et sans cap est-elle bien armée pour mener à bien ce combat contre la puissance montante du XXIe siècle ?3 Puissance normative incontestée, l’Europe est et restera encore longtemps une impuissance stratégique.

***

L’EUROPE : UNE PUISSANCE NORMATIVE

Pour tenter de comprendre l’impasse structurelle dans laquelle se trouve l’Union européenne, il est indispensable de se pencher sur la philosophie générale qui a présidé à sa création (la paix par le droit) pour être en mesure d’apprécier la conséquence de cette démarche (la construction par le vide).

La paix par le droit : une nouvelle utopie.

normeforcelaidi.jpgFaut-il le rappeler, comme le Conseil de l’Europe en 1949, l’Union européenne s’est construite sur le mantra de la paix par le droit (celui qui avait si bien fonctionné à l’époque de la SDN…) ! Par sa force intrinsèque et quasi-divine, la norme est censée résoudre tous les problèmes de l’Europe de l’après Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide, de l’après-Guerre froide et de la nouvelle Guerre froide. Ni plus, ni moins La construction européenne – du traité de Rome au traité de Lisbonne – s’est reposée sur d’énormes conventions internationales que seuls quelques initiés – dont ni vous, ni moi ne sommes – parviennent à comprendre et à interpréter. À Bruxelles, les hommes forts (les fortes femmes) de la Commission et du Conseil sont les juristes. Ils pondent en permanence de nouvelles normes et traquent l’État délinquant soit celui qui ne respecte pas les valeurs du machin (Hongrie, Pologne, Roumanie), soit celui qui viole les sacro-saintes règles budgétaires (Grèce, Italie, voire France)4. L’Europe à 28/27 n’a toujours ni cap, ni affectio societatis alors même qu’elle est secouée par des vents mauvais tant à l’intérieur (feuilleton sans fin du « Brexit », montée du sentiment national, croissance atone, phénomènes migratoires non contrôlés, terrorisme…) qu’à l’extérieur (Diktats américains, arrogance chinoise, cavalier seul russe, déclin de l’Occident…). « Cette non-personne pèse de l’extérieur, sans habiter notre intérieur »5.

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La construction par le vide : une puissance Potemkine

Nous avons aujourd’hui un exemple particulièrement éclairant de la vacuité européenne sur la scène internationale en analysant la relation de Pékin avec la France mais aussi avec l’Union européenne. Mais, un léger retour en arrière s’impose. Au cours des dernières années, sous l’influence de la pensée libérale à l’anglo-saxonne (le tout dérégulation), la Commission européenne (agissant dans l’un de ses domaines de compétence exclusif qu’est le commerce) s’est targuée de négocier et de conclure des dizaines de traités de commerce, de libre-échange avec la planète entière. Nos petits marquis drogués aux lobbies, particulièrement actifs à Bruxelles (« un aéropage technocratique, apatride et irresponsable »), nous expliquent fort doctement que tous ces torchons de papier constituent le nec plus ultra de la mondialisation heureuse6, la meilleure garantie pour les citoyens européens en termes de prospérité et de bonheur (« L’Europe des réponses » chère à Nathalie Loiseau), le signe de L’Europe indispensable7. Or, la réalité est tout autre comme ces mêmes citoyens peuvent s’en rendre compte concrètement.

L’Union n’est qu’un tigre de papier ouvert aux quatre vents. Elle ignore un principe cardinal de la diplomatie classique qui a pour nom réciprocité. Elle ouvre grandes ses portes aux entreprises chinoises alors que leurs homologues européennes sont soumises à des règles drastiques et des pratiques déloyales8. Souvenons-nous que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), porteur de la diplomatie économique, ne jurait que par la Chine. Sans la Chine, point de salut. Or, aujourd’hui, les langues commencent à se délier sur les étranges pratiques commerciales chinoises. Du côté de la Commission européenne, c’était le silence radio. Du côté de nos partenaires, européens, c’était le chacun pour soit et les vaches seront bien gardées. Comme cela est tout à fait normal de la part d’une authentique grande puissance comme l’est la Chine9, Pékin pratique un vieux classique qui a fait ses preuves depuis la nuit des temps, le diviser pour mieux régner, la diplomatie des gros contrats pour mieux faire taire les rabat-joie10. Nous en avons un exemple frappant avec l’Italie qui est le premier pays du G7 à emprunter les « nouvelles routes de la soie »11. Une sorte d’embarquement pour Cythère du XXIe siècle.

L’angélisme est une plaie en ces temps conflictuels. Les États membres de l’union européenne ne comprendront jamais que « les puissants n’accordent leur amitié protectrice qu’en échange de la servitude »12. Ils commencent à peine à percevoir que la Chine entend transformer sa puissance économique en puissance diplomatique et stratégique aux quatre coins de la planète.

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L’EUROPE : UNE IMPUISSANCE STRATÉGIQUE

Il est important d’en revenir aux fondamentaux des relations internationales. Dans un monde frappé au coin de la prégnance du rapport de forces, la désunion structurelle de l’Europe fait sa faiblesse sur la scène internationale. Par ailleurs, au moment où l’on nous annonce que l’Union se réveille face à la Chine, le moins que l’on puisse dire est que cette nouvelle posture relève encore de la cacophonie.

La désunion fait la faiblesse : l’Europe s’agite

L’opération de charme du nouvel empereur. C’est que le président Xi Jinping n’est pas né de la dernière pluie. Il sait parfaitement caresser ses hôtes français dans le sens du poil. Il le fait avec un sens aigu de l’emphase diplomatique. Pour s’en convaincre, il n’est qu’à se reporter à la tribune qu’il publie dans un grand quotidien français à la veille de sa visite en France. Il la conclut ainsi :

« La responsabilité. Ensemble, la Chine et la France pourront apporter de grandes transformations. L’histoire n’a cessé de le prouver au cours des 55 ans écoulés. À l’heure actuelle où l’humanité se trouve à la croisée des chemins, les grands pays du monde ont à assumer les responsabilités qui leur incombent. Membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, la Chine et la France sont invitées à renforcer leur concertation pour défendre le multilatéralisme, préserver les normes fondamentales régissant les relations internationales basées sur les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies, relever conjointement les défis, contribuer à la prospérité et à la stabilité dans le monde et promouvoir la construction d’une communauté de destin pour l’humanité.

Comme dit un proverbe chinois : « Un voyage de mille lieues commence toujours par le premier pas ». L’illustre écrivain français Victor Hugo disait : « Que peu de temps suffit pour changer toutes choses ! » Aujourd’hui sur un nouveau point de départ historique, la Chine souhaite aller de l’avant avec la France, concrètement et solidement, pour réaliser des accomplissements encore plus éclatants »13.

Et ses officines de propagande (« Échos de Chine ») d’inonder d’encarts publicitaires à l’eau de rose les principaux médias français à la veille de la visite en France du grand timonier sur les thèmes du développement d’un « partenariat stratégique global plus étroit et durable », de « Paris et Wuhan : le Conte de deux cités », de « Beijing et Paris : partenaires majeurs dans la lutte contre le changement climatique » (on en tombe à la renverse en se reportant aux facéties environnementales chinoises), de « Faire progresser plus avant les relations franco-chinoises », des « Perspectives de la coopération pragmatique entre la France et la Chine »… En prime, nous avons même droit aux dernières raffarinades : « Cette année sera une année fertile pour les relations franco-chinoises » (on se croirait revenu au temps d’Alice au pays des merveilles). Dans le rôle de l’idiot utile, Quasimodo n’a pas son pareil. Il est tout simplement parfait et impayable. Une fonction étrange pour un ancien Premier ministre de Jacques Chirac, mais qui ne gêne pas du tout l’intéressé. Ce dernier n’aime d’ailleurs pas qu’on vienne le chercher sur ces ambiguïtés : à l’en croire, il ne joue qu’un seul rôle, celui de poisson-pilote en Chine pour les entreprises françaises. Fermez le ban !

Jupiter tombe sous le charme du carnet de chèques chinois. Comment ne pas succomber aux charmes d’une telle sirène qui arrive avec de nombreuses promesses de contrats pour des entreprises françaises (on met à l’eau bouche avec des quantités extravagantes d’achats d’avions [commande de 300 Airbus pour 30 milliards d’euros par la compagnie d’État CASC]14, de navires et d’autres gadgets dont les Gaulois sont particulièrement friands) ? En bon français, cela s’appelle acheter son ou ses interlocuteurs. Comment évoquer le concept grossier de « violations des droits de l’Homme » dans cette ambiance du genre Embrassons-nous Folleville ?15 Fidèle à son habitude, Emmanuel Macron explique lors de sa conférence de presse commune à l’Élysée que la discussion sur la question des droits de l’Homme avec son homologue a été « franche » mais nous n’en saurons pas plus. Diplomatie de la discrétion oblige !

Oubliées les promesses européennes visant à faire front commun contre le tigre chinois (qui n’est pas de papier, les investissements chinois en Europe sont passés de 1,4 milliard de dollars en 2006 à 42,1 en 2018 après avoir connu un pic de 96,8 milliards en 2017) et vive le cavalier seul, le chacun pour soi dont sont coutumiers les 27/28 ! Il y a fort à parier que les moulinets de Jean-Yves Le Drian (qui accueille le président chinois sur l’aéroport de Nice) sur le thème du double sens des nouvelles routes de la soie feront rapidement pschitt. Il y a fort à parier que les déclarations viriles d’Emmanuel Macron avant la visite officielle chinoise aient autant d’effets positifs sur Xi Jinping que sur Donald Trump en son temps (il devait revenir sur son refus de l’accord sur le climat et sur celui sur le nucléaire iranien, Jupiter nous avait promis). À l’Élysée, Pinocchio (Bijou dans une robe longue rouge immaculée) fait assaut d’amabilités à l’égard de son hôte de marque. Pour nous rassurer sur les bonnes et pures intentions chinoises, quelques experts viennent nous faire la leçon : « La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète »16, « La position de Xi Jinping n’est pas si confortable qu’elle en a l’air »17 au regard de la crise commerciale américano-chinoise18. Il est vrai que quelques nuages assombrissent le ciel bleu chinois après une longue période faste. Est-ce une tendance conjoncturelle ou structurelle ? Il est encore trop tôt pour le dire avec certitude. Mais, heureusement, l’Europe a décidé de sortir de sa torpeur pour prendre la mesure du problème. Faut-il avoir peur de la Chine ?19 Vaste programme, aurait dit le général de Gaulle qui a noué des relations diplomatiques avec la Chine communiste au nez et à la barbe des Américains.

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La cacophonie fait la foire : l’Europe se réveille20

Un réveil tardif et mou. Lors de ses entretiens à la villa Kérylos (Beaulieu), Emmanuel Macron prône « un partenariat équilibré » avec Pékin (déficit commercial de la France de 30 milliards d’euros)21. [Il enfonce le clou lors des entretiens à l’Élysée au cours desquels il déroule le tapis rouge et tous les leviers de la diplomatie gastronomique]. Des limites, du piège de la démagogie surtout lorsque nous apprenons qu’Emmanuel Macron, trop faible pour faire le poids, appelle de ses vœux la constitution d’un front européen (uni, nous imaginons !) destiné à déjouer la stratégie et les ambitions planétaires de Pékin. Trop peu, trop tard, pourrait-on dire. Des mots, toujours des mots… Où est la stratégie suivie d’actes forts d’une Europe unie ? On peine toujours à la découvrir. Ce qui fait le plus défaut à l’Union européenne est sa capacité d’anticipation sans parler de son absence de volonté de prendre à bras le corps les grands problèmes stratégiques du monde. Elle préfère se quereller sur des taux de TVA, de pourcentages de croissance et autres vétilles qui ne contribuent pas à faire d’elle un acteur du monde. En réalité, elle est de plus en plus spectatrice d’un spectacle dans lequel elle joue les seconds rôles. Comme le souligne si justement, Thierry de Montbrial : « Quand on reprend les conversations entre chefs d’État au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on s’aperçoit qu’ils ne parlaient pas de tactique, quand ils se rencontraient mais de visions »22. C’est là toute la différence entre celui qui fait l’avenir et celui qui le subit. « La construction européenne vise à surmonter les conflits et les guerres du passé. Elle a pour but la paix, la prospérité, la stabilité, la sécurité. Elle a construit un édifice institutionnel qui est bien huilé et tourne remarquablement bien. Pour renverser la formule d’Emile de Girardin, elle donne l’impression de tourner le dos à l’imprévu pour mieux diriger le cours des choses » comme le souligne un diplomate brillant, Maxime Lefebvre.

Une grande interrogation pour l’avenir.

Que peut-on mettre concrètement à l’actif de l’Union européenne au cours des dernières semaines ?

Une réponse visible, qui n’est pas pour autant efficace, est donnée au bon peuple. Xi Jinping est convié, le 26 mars 2019, à rencontrer à l’Élysée, outre le président Macron, la chancelière allemande, Angela Merkel et le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker23. Drôle de Sainte-Trinité (le terme de Pieds Nickelés serait plus approprié) pour sermonner le Grand Timonier et répondre d’une seule voix aux ambitieuses « routes de la soie » ! Mais, ce trio parle-t-il et a-t-il reçu mandat expresse des autres partenaires pour parler et s’engager en leur nom ? Emmanuel Macron a fait chou blanc avec son sermon aux citoyens européens. Angela Merkel est sur le départ et voit ses prérogatives rogner par son successeur, AKK24. Jean-Claude Juncker, qui ne sera pas reconduit dans ses fonctions après les élections européennes du 26 mai 2019, peine à marcher à trop lever le coude. Mais, Emmanuel Macron nous indique avoir plaidé pour un « multilatéralisme rénové » (que signifie ce nouveau concept ?) et « plus équilibré » auprès de Xi Jinping tout en confessant l’ampleur des désaccords entre la Chine et le trio choc25. Comme le démontre amplement la guerre commerciale américano-chinoise26, Pékin ne comprend que la force dans son état brut. Un grand classique des relations internationales ! Mais, nous sommes pleinement rassurés en apprenant l’existence de « convergences » euro-chinoises à l’Élysée27. Sur quels sujets, c’est un autre problème ! Nous les sommes encore plus en prenant connaissance des déclarations de de Bruno Le Maire selon lesquelles : « Face à la Chine et aux États-Unis, l’Europe doit s’affirmer comme une puissance souveraine ». Un superbe exemple de diplomatie déclaratoire.

Une réponse moins visible mais plus concrète. Le Parlement européen vient d’adopter (février 2019) et demande la mise en œuvre rapide de « l’instrument de filtrage des investissements directs étrangers pour des motifs de sécurité » 28. Il s’agit à l’évidence d’une initiative heureuse qu’il faut saluer. Encore, faut-il qu’elle trouve sa concrétisation dans les meilleurs délais et qu’elle soit ensuite appliquée avec la plus grande rigueur en cas de violation avérée de ses dispositions. L’Union européenne serait bien inspirée de voir ce qui se passe Outre-Atlantique en la matière29. En dernière analyse, il ne faut pas avoir la main qui tremble.

Une réponse encore hypothétique. Manifestement, du côté de la Commission européenne et sous l’amicale pression des États, on commence à mettre au point une sorte de feuille de route dans les relations UE/Chine30. Voici la relation qui nous en est faite par l’hebdomadaire Le Point.

« Nous avons avec la Chine des relations – comment dire ? – bonnes, mais qui ne sont pas excellentes. La Chine aujourd’hui pour nous est un concurrent, un partenaire, un rival. » C’est ainsi que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, concluait le Conseil européen le 22 mars, en amont de la visite de Xi Jinping en Europe, qui sera suivi, le 9 avril, d’un sommet UE-Chine. Emmanuel Macron a invité le président de la Commission et la chancelière Merkel à se joindre à la visite du leader chinois à Paris, en guise de hors-d’œuvre au futur sommet.

La semaine dernière, les chefs d’État et de gouvernement ont débattu des dix mesures que la Commission a mises sur la table vis-à-vis de l’empire du Milieu, qualifié de « rival systémique ». Un changement de ton qui traduit l’impatience des Européens à voir la Chine s’ouvrir à leurs entreprises – notamment les marchés publics –, cesser le dumping déloyal par ses prix, mettre fin au transfert de technologies forcé. En somme, rejoindre le concert des nations dans le cadre de l’OMC et accepter les règles du marché. Or, ce n’est pas le chemin emprunté par Pékin après son adhésion à l’OMC en 2001. Les Occidentaux ont eu la naïveté de croire que la Chine deviendrait une économie sociale de marché. Elle est demeurée étroitement entre les mains du Parti communiste chinois et a inventé une forme de « capitalisme d’État » qui l’a rendue quatre fois plus riche qu’en 2001…

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Zhang Ming, l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union européenne, a prévenu les Européens que les avancées en termes d’ouverture économique s’effectueront à un « rythme raisonnable » et que « les demandes européennes seront « progressivement prises en compte ». Donc, il n’y a pas de « grand soir » à attendre ni de la visite de Xi Jinping à Paris ni du prochain sommet UE-Chine.

Parmi les dix mesures préconisées par la Commission, appuyée par Federica Mogherini, la haute représentante pour les relations extérieures, certaines relèvent encore, disons, des bons sentiments. Quand on pense pouvoir coopérer avec Pékin sur l’ensemble des trois piliers des Nations unies, à savoir les droits de l’homme, la paix et la sécurité et le développement, l’Union européenne demeure dans le formalisme diplomatique. Mais il est peu probable que la situation s’améliore, à court terme, au Tibet ou pour la minorité musulmane ouïghour. En revanche, l’Union européenne et la Chine sont davantage en phase sur le climat. Jean-Claude Juncker appellera Pékin à plafonner ses émissions de CO2 avant 2030, conformément aux objectifs de l’accord de Paris. Il existe également une bonne coopération sino-européenne sur le dossier iranien.

La mesure 5 est un peu plus « punchie » puisque l’UE « invite » la Chine à tenir ses engagements, dont la réforme de l’OMC, « en particulier pour ce qui est des subventions et des transferts de technologies forcés », de même que la protection des indications géographiques. Dans la mesure 6, la Commission appelle le Parlement européen et le Conseil européen à adopter l’instrument international de réciprocité sur les marchés publics avant la fin 2019. Cet appel a été entendu par le Conseil européen qui, dans ses conclusions du 22 mars, appelle à son tour « à la reprise des discussions sur l’instrument international de passation des marchés de l’UE ». On n’en est donc pas à décider. On discute… depuis 2012. L’Allemagne bloquait la discussion. Elle vient de changer d’avis à la faveur de la fusion avortée entre Alstom et Siemens. Ce travail sera donc parachevé lors de la prochaine législature, après les élections européennes. La mesure 7 est également musclée, puisque la Commission se propose de publier des « orientations » afin que les prix proposés dans les marchés publics de l’UE prennent en compte réellement les normes en matière de travail et d’environnement. C’est par ce biais que les concurrents chinois ne pourraient soutenir la concurrence avec les entreprises européennes. Emmanuel Macron, lui, voulait aller plus loin et établir une préférence communautaire dans les marchés publics. Il n’a pas été suivi par une majorité d’États membres. La Commission proposera également de compléter la législation européenne pour contrecarrer les distorsions de concurrence des pays tiers sur les biens et les services échangés dans le marché intérieur. S’agissant de la 5G, la Commission a pris en compte les problèmes de sécurité posés par le leader mondial Huawei et fera des propositions très prochainement, a annoncé Juncker31. On ne peut que se féliciter que Bruxelles ait décidé de ne pas exclure l’équipementier chinois du marché de la 5G32.

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Enfin, la Commission invite les États membres à mettre en œuvre le plus rapidement possible, de manière « complète et effective », la récente législation sur le filtrage des investissements étrangers dans les domaines sensibles. Cette législation n’est pas contraignante pour les États, qui sont seulement tenus de s’informer les uns les autres. Cela n’empêcherait nullement, par exemple, l’Italie de poursuivre le partenariat qu’elle vient de signer avec Xi Jinping qui prévoit, dans le cadre du projet pharaonique des « nouvelles routes de la soie », des investissements chinois dans les ports stratégiques de Gênes et de Trieste. Un protocole d’accord « non contraignant », s’est empressé de dire Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, devant les froncements de sourcils suscités par cet accord à Washington, Bruxelles et Paris. « La partie chinoise souhaite des échanges commerciaux dans les deux sens et un flux d’investissements dans les deux sens », a assuré, de son côté, Xi Jinping. « La relation entre l’Union européenne et la Chine ne doit pas être avant tout une relation commerciale, elle doit être une relation politique et géostratégique », a souligné Emmanuel Macron, au sortir du Conseil européen. Le commerce est un des aspects, mais si nous construisons de proche en proche une dépendance géopolitique ou stratégique, nous comprendrons rapidement les conséquences que cela peut avoir. Et nous serons perdants sur les deux points. »33

On l’aura compris, nous ne sommes qu’au début d’un très long processus diplomatique avant que toutes ces mesures deviennent contraignantes34. L’unanimité n’est pas garantie tant la Chine dispose de sérieux leviers d’influence sur les États les plus faibles de l’Union (Grèce, Italie…) et que les 27/28 pratiquent la défense de leurs intérêts nationaux avec celle de l’intérêt européen.

***

« L’Europe n’aura pas eu la politique de sa pensée ». Ce jugement porté par Paul Valéry avant la Seconde Guerre mondiale n’a pas pris la moindre ride en cette fin de deuxième décennie du XXIe siècle. Comme le rappelle fort justement Jean-Pierre Chevènement : « Les Européens se sont accommodés de la vassalisation ». Vassalisation surtout vis-à-vis du grand frère américain depuis la fin de la Première Guerre mondial et soumission vis-à-vis de l’Empire Céleste depuis la fin de la Guerre froide. Comme l’écrit avec le sens aigu de la formule qui est le sien, Régis Debray : « L’Européen a des velléités mais, à la fin, il fait où Washington lui dit de faire, et s’interdit là ou et quand il n’a pas la permission »35. Que veut-il faire avec et/ou contre la Chine qui tisse lentement mais sûrement sa toile des « nouvelles routes de la soie » (« Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie »36), y compris jusqu’au cœur de l’Union (Grèce et maintenant Italie avec l’accord signé par Xi Jinping avec les nouveaux dirigeants37). La réponse est aussi peu claire qu’évidente à ce stade de la réflexion des 27/28. Nous sommes au cœur de la problématique institutionnelle et fonctionnelle de la construction européenne38.

Pourquoi l’Union européenne a-t-elle tant de mal à être unie face à la Chine (« Unité de façade Merkel, Macron-Juncker. Face à l’impérialisme économique de Xi Jinping, l’Europe chinoise ! »39) ? Même si les défis ne manquent pas pour Xi Jinping40, il faudra apprendre à compter avec la Chine et à anticiper des réponses réalistes pour faire jeu égal avec elle41. Aujourd’hui, force est de constater que l’expansionnisme chinois bouscule et divise sérieusement l’Europe qui est restée longtemps inerte42. Longtemps, trop longtemps, le mot « réciprocité » a été considéré comme un mot tabou, grossier du côté européen. Il semble qu’aujourd’hui il soit devenu cardinal dans la langue de certains de nos dirigeants toujours en retard d’une guerre43. Révolution copernicienne pour certains, tournant pour d’autres44. Le temps est venu de trancher le nœud gordien. D’ici là, quand l’Europe s’éveillera vraiment (nous ne savons toujours pas quand compte tenu de son inertie habituelle), le risque est grand qu’elle soit depuis longtemps empêtrée dans la nasse pékinoise et que la Chine s’esclaffera.

Guillaume Berlat
1 avril 2019

1 Alice George, Albert et Charlène de Monaco reçoivent le président chinois et son épouse. Dans les coulisses d’une visite d’État, Point de vue, 27 mars-2 avril 2019, pp. 34 à 37.
2 Gabriel Grésillon/Frédéric Schaeffer, Le président chinois Xi Jinping amorce une tournée Pékin dans une Europe vigilante mais divisée face à Pékin, Les Échos, 21 mars 2019, pp. 6-7.
3 François d’Orcival, Les routes de la puissance et de l’intimidation, Valeurs actuelles, 28 mars 2019, p. 4.
4 Guillaume Berlat, De l’Europe de la sanction à la sanction de l’Europe, www.prochetmoyen-orient.ch , 24 décembre 2018.
5 Régis Debray, L’Europe fantôme, collection « Tracts », Gallimard, 2019, p. 34.
6 Guillaume Berlat, Mondialisation heureuse, balkanisation furieuse, www.prochetmoyen-orient.ch , 11 mars 2019.
7 Nicole Gnesotto, L’Europe indispensable, CNRS éditions, mars 2019.
8 Pierre Tiessen/Régis Soubrouillard, La France made in China, Michel Lafon, 2019.
9 Guillaume Berlat, Quand la Chine s’éveillera vraiment…, www.prochetmoyen-orient.ch , 14 janvier 2019.
10 Jean-Michel Bezat, Pékin emploie la diplomatie des gros contrats avec les Occidentaux, Le Monde, 27 mars 2019, p. 2.
11 Jérôme Gautheret, L’Italie, premier pays du G7 à prendre les « nouvelles routes de la soie », Le Monde, 26 mars 2019, p. 5.
12 Bernard Simiot, Moi Zénobie reine de Palmyre, Albin Michel, 1978, p. 208.
13 Xi Jinping, « La Chine et la France, ensemble vers un développement commun », Le Figaro, 23-24 mars 2019, p. 16.
14 Il convient de rappeler que cette commande avait déjà annoncée, il y a un an déjà, lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron en Chine. Tous ces Airbus seront assemblés en Chine par des ouvriers chinois. Pour remporter ce contrat géant, Airbus aura dû consentir à d’importants transferts de technologies. Pékin n’aura pas dû se livrer à quelques activités d’espionnage pour obtenir des secrets de fabrication. Les clés de la Maison lui auront été confiées. Et, tout cela intervient en toute légalité…
15 François Bougon, La Chine cherche à imposer un nouvel ordre mondial de l’information, s’inquiète RSF, Le Monde, 26 mars 2019, p. 17.
16 Frédéric Lemaître/Marie de Vergès, La Chine s’essouffle, le monde s’inquiète, Le Monde, Économie & Entreprise, 22 mars 2019, p. 14.
17 Jean-Philippe Béja, La position de Xi Jinping n’est pas si i confortable qu’elle en a l’air, Le Monde, 26 mars 2019, p. 29.
18 Cyrille Pluyette, L’autorité de Xi Jinping écornée, Le Figaro, 6 mars 2019, p. 7.
19 Renaud Girard, Faut-il avoir peur de la Chine ?, www.lefigaro.fr , 25 mars 2019.
20 Isabelle Lasserre, Le réveil des Européens face à la Chine, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
21 Cyrille Pluyette, Macron prône un partenariat équilibré avec Pékin, Le Figaro, 25 mars 2019, p. 6.
22 Thierry de Montbrial (propos recueillis par Isabelle Lasserre), « La principale rupture du système international remonte fut 1989 et non 2001 », Le Figaro, 18 mars 2019, p. 20.
23 Brice Pedroletti/Marc Semo, L’Europe affiche son unité face à Pékin. Front européen face à la Chine de Xi Jinping, Le Monde, 27 mars 2019, pp. 1-2.
24 Thomas Wieder, « AKK », la dauphine de Merkel marque sa différence, Le Monde, 27 mars 2019, p. 4.
25 Michel de Grandi, Les Européens invitent la Chine à respecter « l’unité de l’Union », Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
26 Sylvie Kauffmann, L’Europe, champ de bataille sino-américain, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
27 Alain Barluet, « Convergences » euro-chinoises à l’Élysée, Le Figaro, 27 mars 2019, p. 8.
28 Éric Martin, L’Union européenne va-t-elle se laisser acheter ? Le filtrage des investissements étrangers en Europe, https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/lunion-europeenne-va-t-se-laisser-acheter-filtrage-investissements , mars 2019.
29 Marie de Vergès, Trump : un an d’escalade protectionniste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 17.
30 Frédéric Lemaître/Jean-Pierre Stroobants/Brice Pedroletti, L’UE durcit le ton face à la Chine, Le Monde, 21 mars 2019, p. 2.
31 Sebastien Dumoulin, L’Union européenne se coordonne face à Huawei, Les Échos, 27 mars 2019, p. 6.
32 Jean-Pierre Stroobants, Huawei : face aux pressions américaines, l’Europe résiste, Le Monde, Économie & Entreprise, 28 mars 2019, p. 18.
33 Emmanuel Berretta, Les 10 préconisations de Bruxelles face à la Chine, www.lepoint.fr , 26 mars 2019.
34 Éditorial, UE-Chine : le bon virage de Paris, Le Monde, 28 mars 2019, p. 32.
35 Régis Debray, précité, p. 24.
36 Frédéric Pagès (propos presque recueillis par), Les interviews (presque) imaginaires du « Canard ». Xi Jinping : « Pour l’Europe, c’est la déroute de la soie », Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
37 Olivier Tosseri, L’Italie sera bientôt la porte d’entrée des nouvelles routes de la soie en Europe, Les Échos, 21 mars 2019, p. 6.
38 Louis Vogel, Les 7 péchés capitaux de l’Europe, Ramsay, 2019.
39 Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 1.
40 Éric de la Maisonneuve, Les défis chinois : la révolution Xi Jinping, éditions du Rocher, mars 2019.
41 Hervé Martin, Les Chinois attrapent les États par la dette, Le Canard enchaîné, 27 mars 2019, p. 3.
42 Fabrice Nodé-Langlois/Valérie Segond, Les ambitions de Xi Jinping prospèrent dans une Europe divisée, Le Figaro économie, 20 mars 2019, pp. 19-20-21.
43 Anne Rovan, Face à la Chine, Bruxelles tente de trouver la parade, Le Figaro économie, 20 mars 2019, p. 21.
44 Sylvie Kauffmann, Chine-Europe : le tournant, Le Monde, 21 mars 2019, p. 31.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 01-04-2019

vendredi, 26 avril 2019

L’initiative chinoise « Belt and Road » bat son plein en Europe

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L’initiative chinoise « Belt and Road » bat son plein en Europe

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

La transformation multipolaire en cours sur le continent eurasien confirme la coopération industrielle et diplomatique entre la Chine et le continent européen en dépit de la forte opposition des États-Unis. 

La visite de Xi Jinping en Europe confirme ce que beaucoup d’entre nous ont écrit au cours des derniers mois et des dernières années, à savoir la réalité de la transformation mondiale en cours, d’un monde dominé par les États-Unis, vers un monde pluraliste composé de puissances différentes travaillant ensemble à l’avenir d’un monde multipolaire. 

L’Europe se trouve donc dans une position imprévue, à l’équilibre entre l’ancien monde avec ses liens avec les États-Unis d’une part et le nouveau monde de l’Eurasie naissante portée sur les fonds baptismaux par la Russie et la Chine d’autre part. 

Des pays comme l’Allemagne et la France, et même le Royaume-Uni, ont depuis longtemps mis en place des politiques commerciales favorisant l’intégration avec les pays du supercontinent eurasien. En 2015, le Royaume-Uni a été l’un des premiers pays occidentaux à rejoindre la Banque d’investissement pour l’infrastructure (AIIB), dirigée par la Chine, qui finance des projets de l’Initiative Belt and Road (BRI). 

Le méga projet chinois BRI [les nouvelles routes de la soie] a débuté en 2014 avec l’objectif ambitieux de favoriser le commerce entre la Chine et l’Europe par mer et par terre, avec la participation de tous les pays intermédiaires. L’idée, en tant que consolidation naturelle du commerce, est de réduire les délais de livraison des marchandises par chemin de fer et d’intégrer les routes maritimes. Le projet couvre non seulement les ports et les lignes ferroviaires, mais également la construction d’infrastructures technologiques permettant une inter-connectivité mondiale en utilisant la technologie 5G développée par le géant chinois de la technologie Huawei. 

L’Allemagne et la France ont, au fil des années, renforcé leurs partenariats avec Beijing. Paris, en particulier, a des liens historiques avec la Chine découlant de la coopération nucléaire entre le groupe chinois General Power Group (CGNPC) et Électricité de France (EDF), qui remonte à 1978, ainsi que de la coopération aérospatiale entre Airbus et les compagnies aéronautiques chinoises, en cours depuis 1985. 

L’Italie a récemment approché la BRI, suite à une initiative du nouveau gouvernement constitué du mouvement Lega Nord et du Mouvement des cinq étoiles (M5S). La décision de signer un mémorandum d’accord entre Beijing et Rome souligne la volonté du nouveau gouvernement de maintenir une position équilibrée entre Washington et Beijing dans certains secteurs. C’est exactement la démarche de l’Allemagne, qui a choisi de continuer à approfondir ses liens avec Moscou vis-à-vis des hydrocarbures et de Nord Stream 2, face aux énormes pressions de Washington. En outre, l’Allemagne et l’Italie ont toutes deux confirmé leur volonté de faire confiance à Huawei pour la mise en œuvre et la gestion du trafic 5G, élément fondamental d’un monde dominé par l’internet des objets. 

Les décisions de l’Allemagne, de la France et de l’Italie de poursuivre leur coopération avec Moscou et Beijing dans divers domaines vont à l’encontre du discours avancé par les médias aux ordres, contrôlés par les États-Unis, qui tentent de décourager les hommes politiques européens d’agir dans l’intérêt de leurs pays et de s’engager avec la Russie et la Chine. 

Washington ne comprend toujours pas pourquoi certains pays européens sont si déterminés à saisir les opportunités offertes par l’Est. L’exemple récent de l’Italie est assez facile à comprendre. Les Italiens espèrent que la BRI donnera une impulsion indispensable à leur industrie manufacturière, qui est en berne ces dernières années. La volonté de capitaux chinois de stimuler les exportations de produits italiens est le moteur du projet d’accord entre Beijing et Rome. 

Outre le besoin évident et naturel de capital financier, il y a aussi l’idée d’assurer l’approvisionnement en énergie, comme le fait l’Allemagne avec la construction du Nord Stream 2 avec la Russie. Malgré la forte opposition américaine, Berlin a défendu ses intérêts nationaux en matière de diversification énergétique, en évitant de céder aux pressions de Washington, qui souhaitait que l’Allemagne s’appuie sur le GNL [gaz naturel liquéfié] fourni par les États-Unis à un prix exorbitant par rapport au gaz fourni par la Russie. 

Les divergences entre les hommes politiques européens sont frappantes, surtout si l’on examine les relations entre Macron et Salvini en Italie ou entre May et ses collègues européennes. Même entre Merkel et Macron, il semble y avoir des frictions notables autour de l’indépendance énergétique. Cependant, malgré ces divergences apparentes, le thème dominant en dernière analyse est celui de vouloir échapper à la domination étouffante de Washington au profit d’une plus grande participation au concept d’un monde multipolaire. 

Aucune capitale européenne – que ce soit Paris, Rome, Berlin ou Londres – n’a l’intention de rompre le pacte atlantique avec Washington. Ceci est confirmé à chaque occasion officielle possible. Cependant, alors que Pékin se trouve de plus en plus au centre des questions de technologie, de fourniture de capital pour des investissements ou d’expansion commerciale, les modifications apportées à l’ordre global semblent imparables. 

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Le dernier obstacle reste les pays toujours étroitement liés aux politiques pro-atlantiques, ceux qui trouvent en Beijing, et surtout en Moscou, une excellente excuse pour inviter Washington à s’immiscer davantage dans les affaires souveraines de l’Europe. Les pays baltes et la Pologne semblent offrir aux décideurs américains le meilleur atout pour tenter d’influencer le débat sur le vieux continent concernant les liens avec l’Est. Les crises artificielles créées en Ukraine, en Syrie et au Venezuela servent également à diviser les dirigeants européens en camps opposés, créant ainsi les conditions nécessaires pour saboter la coopération européenne avec l’Est. 

Ce n’est pas un hasard si pour les stratèges américains les deux plus grands dangers résident dans la possibilité que Moscou et Beijing, ou Moscou et Berlin, coopèrent et coordonnent leurs efforts. Le triangle Berlin-Moscou-Beijing, avec l’ajout de Rome et de Paris, représente un scénario sans précédent pour Washington en ce qui concerne son défi à l’hégémonie américaine en Europe. 

Wang Yiwei, chercheur principal au Center for China and Globalization, lors de la visite historique de Xi Jinping à Rome, a exprimé de manière concrète l’évolution de l’ordre mondial : « Avec le plan de coopération 16 + 1 des pays d'Europe centrale et orientale avec la Chine, plusieurs pays ont signé un mémorandum d'accord avec celle-ci afin de construire conjointement la BRI. Actuellement, 171 accords de coopération ont été conclus avec 123 pays et 29 organisations internationales dans le cadre de la BRI ».

Federico
 

vendredi, 05 avril 2019

Jean-Philippe Duranthon : « Le contre monde est en marche » : faudra-t-il une nouvelle Longue Marche en Chine… ou en Europe ?

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Jean-Philippe Duranthon : « Le contre monde est en marche » : faudra-t-il une nouvelle Longue Marche en Chine… ou en Europe ?

Billet d’Humeur du 28 mars 2019, par Jean-Philippe Duranthon*

Ex: https://geopragma.fr

Caroline Galactéros a publié le 25 mars un « billet du lundi » consacré, dans la perspective de la visite en France du président de la République populaire de Chine, aux relations entre la France et ce pays. J’adhère pour ma part totalement aux analyses contenues dans ce billet mais aimerais prolonger certaines d’entre elles avec un prisme économico-financier.

1/ Sur le plan international, la Chine joue un triple rôle :

– c’est une puissance politique, qui s’affirme sans cesse davantage à l’échelle régionale mais aussi mondiale au point que certains voient aujourd’hui l’émergence d’un nouveau duopole, cette fois sino-américain ;

– c’est une puissance économique, un acteur fondamental de la répartition internationale de l’activité économique : en faisant appel à elle les entreprises peuvent, d’un côté abaisser leurs coûts de production, de l’autre vendre leurs produits sur un marché énorme et dont le potentiel de croissance doit être mesuré à l’aune des perspectives de développement du pays ;

– c’est une puissance financière car, en achetant leurs emprunts d’Etat, en particulier les bons du Trésor américain, elle permet aux pays occidentaux de financer leurs déficits des paiements mais aussi acquiert de ce fait une capacité d’investissement considérable.

Dans une sorte de cercle vertueux ces trois puissances se renforcent mutuellement. À titre d’exemple, l’énorme capacité financière de la Chine lui permet à la fois – de développer ses propres entreprises à vocation mondiale, ce qui complète son modèle économique tout en lui donnant des atouts supplémentaires dans le dialogue planétaire, – d’aider à financer les projets des « pays émergents », ce qui facilite sa prise de contrôle des matières premières nécessaires à sa propre croissance, – d’investir dans les entreprises occidentales, ce qui lui permet d’acquérir plus rapidement les technologies de pointe, et – de formaliser son emprise régionale en créant une « Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures » (AIIB) dont la vocation est clairement d’offrir une alternative à la Banque Mondiale.

peyrefitte.jpg2/ Faut-il, dès lors que la Chine s’est ainsi clairement « réveillée », « trembler », ainsi que Napoléon, s’il faut en croire Alain Peyrefitte, nous l’a conseillé ?

Comme le dit Caroline Galactéros, la France a, sur le plan géostratégique, beaucoup à gagner de l’émergence politique d’un grand acteur à vocation mondiale, capable de contrebalancer l’influence des Etats-Unis dont la personnalité de l’actuel président révèle à ceux qui en doutaient le poids et les objectifs.

Il n’en serait autrement que si l’on pouvait craindre une tentation hégémonique à dimension planétaire.

Peut-on la craindre d’un pays dont la langue principale est d’une complexité telle qu’elle exige de nombreuses années d’études, ne pourra donc jamais être parlée par les populations étrangères et n’a en conséquence aucune chance de s’imposer face au globish ? Faut-il la craindre d’un pays dont la culture est marquée par le confucianisme et le bouddhisme, c’est-à-dire par des philosophies dans lesquelles, contrairement à bien d’autres en Europe et au Moyen-Orient, le salut est une question personnelle et doit être recherché quel que soit l’environnement social, indépendamment de toute évolution de la société qu’il ne s’agit pas de transformer avant de la répandre sur la terre entière ? Faut-il la craindre d’un pays où l’on joue au go, c’est-à-dire à un jeu où, contrairement aux échecs dont l’objectif est de détruire l’ennemi en s’emparant de son chef, le but est « seulement » d’être plus fort que l’adversaire, sans pour autant l’anéantir ?

N’oublions pas, en outre, que le modèle économique chinois commence à montrer ses faiblesses : la croissance ralentit et le développement économique du pays fait que, désormais, la différence des coûts de production n’est plus aussi importante que dans le passé et est parfois moindre que dans d’autres pays (voir l’Ethiopie par exemple). C’est pourquoi la Chine cherche à se « banaliser » en développant des entreprises capables d’être des acteurs de poids sur le marché mondial et à maîtriser les technologies d’avenir (énergies propres, numérique…). Reste à savoir si cette nouvelle orientation, qui favorise les technologies les plus sophistiquées, permettra, comme la précédente, plus basique, de diffuser les bienfaits de la croissance économique à la majeure partie de la population.

Pensons aussi au fait que, plus qu’un pays, l’« empire du Milieu » est un empire et que peu d’empires ont été durables. Pékin parviendra-t-il à maintenir l’hégémonie des Han dans tous les territoires où ils sont implantés, mieux que, du temps de l’URSS, Moscou a voulu le faire avec les Slaves ? L’Occident ne s’intéresse qu’au Tibet (pour lequel on voit les défenseurs de la laïcité et de la démocratie réclamer avec insistance l’instauration d’une théocratie), mais c’est dans les territoires occidentaux de la Chine que se dérouleront certainement, et que se déroulent d’ores et déjà, des évènements porteurs de difficultés ultérieures.

Constatons enfin que l’histoire de la Chine est celle d’une recherche constante et d’une concentration des pouvoirs. Cette concentration des pouvoirs est absolue dans le domaine politique (pas de « balance des pouvoirs » à la mode de l’Anglais Fortescue, pas d’ « équilibre des pouvoirs » à la mode du Français Montesquieu), ce qui explique l’autoritarisme dont ont fait ou font preuve en interne les fils du Ciel successifs (quels que soient les avatars de ce Ciel) ; mais son extension spatiale n’a jamais été au centre des ambitions, dès lors que l’étranger (le barbare, auraient dit les Grecs) ne menace pas le détenteur du pouvoir.

3/ Restent les questions économiques.

Parce que le niveau de vie de sa population était faible, que son potentiel industriel était alors très limité et que tout était à faire, la Chine a obtenu de la part des pays développés de pouvoir commercer avec eux avec des dérogations considérables, de droit ou de fait, aux règles de l’OMC ou des conventions bilatérales régissant le commerce international : une forme de contrepartie aux nombreux accords imposés à la Chine, au XIXème, par les pays occidentaux et que Sun Yat Sen a, au début du XXème, qualifiés de « traités inégaux ». Bien sûr cette nouvelle inégalité de sens opposé n’était pas, pour les pays développés, inspirée uniquement par des considérations humanitaires, elle avait aussi et peut-être surtout pour but de favoriser l’émergence d’un nouveau marché, de taille considérable, dont leurs entreprises pourraient profiter.

Vingt ans après, puisque la Chine a réussi, et au-delà, son décollage économique, le même monde occidental lui demande de respecter désormais les règles qui régissent les relations économiques mondiales entre pays de niveau de développement comparable, jugées indispensables pour que les échanges favorisent le bien-être de tous. Il souhaite en particulier que les entreprises occidentales puissent investir et agir en Chine dans les mêmes conditions que les entreprises chinoises peuvent aujourd’hui investir et agir chez eux. Est-ce déraisonnable ?

Or la Chine refuse et veut continuer à profiter des exceptions qu’on lui a consenties dans un autre contexte. Elle veut continuer à pouvoir prendre le contrôle d’entreprises occidentales, ou en devenir l’actionnaire de référence, et désormais intervenir en partenariat avec les fonds d’investissements occidentaux, sans permettre aux entreprises occidentales d’en faire de même chez elle, où l’ampleur des participations étrangères est limitée et où les règles de gouvernance des entreprises sont différentes. Est-ce raisonnable ? Doit-on et peut-on l’accepter ?

Certes, la Chine a élaboré de manière accélérée une nouvelle loi sur les investissements étrangers. Mais celle-ci, dont certaines dispositions sont très vagues, donc sujettes à interprétations incertaines, ne répond pas à l’ensemble des demandes présentées pour rétablir l’équilibre des relations. Son but est plutôt de permettre au président des Etats-Unis, en mal d’accord international après les rebuffades du leader de la Corée du Nord, d’avoir un argument pour signer un accord commercial avec la Chine. Et, dans le même temps, celle-ci continue de bloquer la convention qu’elle négocie avec l’Union européenne en refusant de bouger sur des sujets aussi fondamentaux que la réciprocité d’accès aux marchés, les secteurs stratégiques, les marchés publics, les subventions ou la propriété intellectuelle.

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Comme l’écrit Caroline Galactéros, il faut donc travailler avec la Chine, il faut dialoguer avec elle, il faut chercher une solution qui satisfasse l’équilibre et l’équité. Le problème est que ce dialogue doit se faire dans un contexte que les Chinois veulent maintenir déséquilibré sur le plan économique, ce qui n’est pas acceptable.

4/ Comment faire ?

La première condition est de ne pas mélanger ce qui relève des rapports entre Etats et ce qui concerne les choix nationaux : les premiers sujets font naturellement l’objet du dialogue international, pour lequel notre pays doit être aussi rigoureux et volontaire que la Chine l’est elle-même, les seconds relèvent du droit de chaque pays à s’organiser comme il le souhaite et aucun pays n’est légitime pour chercher à imposer à des tiers ses propres choix et donner des leçons aux autres.

La deuxième condition est que notre pays, dans un cadre européen mais aussi seul (le siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU est un atout et confère des responsabilités que d’autres n’ont pas), s’insère dans le dialogue existant entre la Chine et les Etats-Unis. Et, dans ce contexte, la Russie pourrait être un allié de poids car elle a tout à craindre d’une Chine beaucoup plus peuplée que la partie asiatique de son propre territoire, quasiment vide et donc potentiellement attractive.

Mais, à l’échelle planétaire, l’Europe devrait avoir davantage de poids qu’un seul pays. C’est pourquoi l’initiative prise par le président de la République de recevoir le président de la République populaire de Chine avec la chancelière d’Allemagne et le président de la Commission européenne est éminemment logique. Mais, vu de Chine, quel poids ont aujourd’hui une chancelière sur le départ, dont le successeur se démarque chaque jour et exprime publiquement des revendications à l’égard de la France, et le président d’une Commission dont l’autorité sera amoindrie dans quelques mois lorsque le nouveau parlement aura été élu et disposera d’une légitimité plus grande que la sienne ? En outre, pourquoi ne pas avoir convié également le Royaume Uni qui, s’il préfère aujourd’hui se délecter dans ses jeux d’alcôves politiciens, sera toujours un acteur européen d’importance, et l’Italie, dont le PIB est le troisième de l’Union européenne à 27 ? Il est vrai que celle-ci avait choisi de faire cavalier seul en signant avec la Chine un accord-cadre relatif aux routes de la soie, sans grand contenu concret toutefois, semble-t-il, mais ne s’agissait-il pas avant tout pour elle de manifester aux Européens sa lassitude d’être toujours traitée en paria ? L’Europe ne doit-elle pas accepter que ses membres ne soient pas toujours d’accord et ne serait-elle pas plus forte si elle dialoguait avec ses membres critiques au lieu de les ostraciser ?

L’Europe doit aussi prendre conscience que les modes de régulation économique qu’elle a choisis ne sont plus nécessairement adaptés à une époque où les marchés ont acquis une dimension mondiale, ainsi que l’affaire Alstom/Siemens l’a clairement illustré.

Ainsi, les relations avec la Chine montrent les limites actuelles de la construction européenne et l’incapacité de son organisation à gérer avec efficacité les enjeux du moment.

5/ Comment apprécier, dans ce contexte, les « routes de la soie » (« Belt and Road Initiative » ou BRI) ?

S’agit-il de contribuer à la croissance mondiale en utilisant pour le bien-être de tous les énormes moyens financiers accumulés par la Chine ? D’œuvrer au bénéfice de l’entente entre les pays et entre les peuples ? De mettre en place des instruments de domination permettant au pouvoir chinois d’acquérir un droit de regard, en fait de codécision, dans toutes les zones concernées ? De promouvoir les entreprises chinoises en leur ouvrant des marchés ?… Sans doute de tout cela à la fois. Mais quelle est la véritable hiérarchie des priorités ?

Les Chinois n’aident guère leurs interlocuteurs à se positionner car, depuis l’annonce du projet par le président XI Jinping en septembre 2013 à l’université Nazarbayev du Kazakhstan, les objectifs et les modalités demeurent assez flous. Les montants concernés varient mais les ordres de grandeur sont tels (on parle de 1700 Md$ par an pour la seule Asie) qu’ils en deviennent déconnectés de toute perception concrète. Les modes de financement demeurent incertains. Certaines études montrent que 95 % des projets déjà réalisés ont été confiés à des entreprises chinoises, ce qui fait craindre une mainmise du processus par les seuls intérêts chinois ; mais ces projets ont, pour l’essentiel, été réalisés dans des zones dans lesquelles le potentiel local, c’est-à-dire la concurrence, était faible. Sans doute les possibilités sont-elles diverses et les modes de définition, de financement et de pilotage des projets peuvent varier d’un cas à l’autre : l’imagination doit avoir une place dans le processus, mais il ne faut pas oublier que la Chine dispose de moyens financiers que la France n’a pas, ce qui place inévitablement cette dernière en position de faiblesse.

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La prudence est donc de mise. Il serait autant absurde de refuser de participer au processus que d’accepter d’y jouer un rôle sans savoir à quoi l’on s’engage. C’est, semble-t-il, la ligne que les Européens ont exprimée au président chinois, et l’on ne peut que s’en réjouir.

6/ Le développement des relations entre la France et la Chine est éminemment souhaitable.

Mais son succès suppose, d’une part qu’au nom du réalisme la Chine accepte de perdre ses privilèges économiques qui ne se justifient plus, d’autre part que la France œuvre à ce qu’au nom du même réalisme l’Europe fonctionne de manière plus efficace. Il n’est pas certain que le challenge le plus difficile soit en Asie.

*Jean-Philippe Duranthon, membre fondateur de Geopragma 

jeudi, 04 avril 2019

How Brzezinski's Chessboard Degenerated Into Brennan's Russophobia

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How Brzezinski's Chessboard Degenerated Into Brennan's Russophobia
 
 

“Russia is an inalienable and organic part of Greater Europe and European civilization. Our citizens think of themselves as European. That’s why Russia proposes moving towards the creation of a common economic space from the Atlantic to the Pacific Ocean, a community referred to by Russian experts as ‘the Union of Europe’ which will strengthen Russia’s potential in its economic pivot toward the ‘New Asia.’” Vladimir Putin, President of the Russian Federation, February 2012

The allegations of ‘Russian meddling’ only make sense if they’re put into a broader geopolitical context. Once we realize that Washington is implementing an aggressive “containment” strategy to militarily encircle Russia and China in order to spread its tentacles across Central Asian, then we begin to understand that Russia is not the perpetrator of the hostilities and propaganda, but the victim. The Russia hacking allegations are part of a larger asymmetrical-information war that has been joined by the entire Washington political establishment. The objective is to methodically weaken an emerging rival while reinforcing US global hegemony.

Try to imagine for a minute, that the hacking claims were not part of a sinister plan by Vladimir Putin “to sow discord and division” in the United States, but were conjured up to create an external threat that would justify an aggressive response from Washington. That’s what Russiagate is really all about.

US policymakers and their allies in the military and Intelligence agencies, know that relations with Russia are bound to get increasingly confrontational, mainly because Washington is determined to pursue its ambitious “pivot” to Asia plan. This new regional strategy focuses on “strengthening bilateral security alliances, expanding trade and investment, and forging a broad-based military presence.” In short, the US is determined to maintain its global supremacy by establishing military outposts across Eurasia, continuing to tighten the noose around Russia and China, and reinforcing its position as the dominant player in the most populous and prosperous region in the world. The plan was first presented in its skeletal form by the architect of Washington’s plan to rule the world, Zbigniew Brzezinski. Here’s how Jimmy Carter’s former national security advisor summed it up in his 1997 magnum opus, The Grand Chessboard: American Primacy And Its Geostrategic Imperatives:

“For America, the chief geopolitical prize is Eurasia… (p.30)….. Eurasia is the globe’s largest continent and is geopolitically axial. A power that dominates Eurasia would control two of the world’s three most advanced and economically productive regions. …. About 75 per cent of the world’s people live in Eurasia, and most of the world’s physical wealth is there as well, both in its enterprises and underneath its soil. Eurasia accounts for 60 per cent of the world’s GNP and about three-fourths of the world’s known energy resources.” (“The Grand Chessboard:American Primacy And Its Geostrategic Imperatives”, Zbigniew Brzezinski, Basic Books, page 31, 1997)

14 years after those words were written, former Secretary of State Hillary Clinton took up the banner of imperial expansion and demanded a dramatic shift in US foreign policy that would focus primarily on increasing America’s military footprint in Asia. It was Clinton who first coined the term “pivot” in a speech she delivered in 2010 titled “America’s Pacific Century”. Here’s an excerpt from the speech:

“As the war in Iraq winds down and America begins to withdraw its forces from Afghanistan, the United States stands at a pivot point. Over the last 10 years, we have allocated immense resources to those two theaters. In the next 10 years, we need to be smart and systematic about where we invest time and energy, so that we put ourselves in the best position to sustain our leadership, secure our interests, and advance our values. One of the most important tasks of American statecraft over the next decade will therefore be to lock in a substantially increased investment — diplomatic, economic, strategic, and otherwise — in the Asia-Pacific region…

Open markets in Asia provide the United States with unprecedented opportunities for investment, trade, and access to cutting-edge technology…..American firms (need) to tap into the vast and growing consumer base of Asia…The region already generates more than half of global output and nearly half of global trade. As we strive to meet President Obama’s goal of doubling exports by 2015, we are looking for opportunities to do even more business in Asia…and our investment opportunities in Asia’s dynamic markets.”

(“America’s Pacific Century”, Secretary of State Hillary Clinton”, Foreign Policy Magazine, 2011)

The pivot strategy is not some trifling rehash of the 19th century “Great Game” promoted by think-tank fantasists and conspiracy theorists. It is Washington’s premier foreign policy doctrine, a ‘rebalancing’ theory that focuses on increasing US military and diplomatic presence across the Asian landmass. Naturally, NATO’s ominous troop movements on Russia’s western flank and Washington’s provocative naval operations in the South China Sea have sent up red flags in Moscow and Beijing. Former Chinese President Hu Jintao summed it up like this:

“The United States has strengthened its military deployments in the Asia-Pacific region, strengthened the US-Japan military alliance, strengthened strategic cooperation with India, improved relations with Vietnam, inveigled Pakistan, established a pro-American government in Afghanistan, increased arms sales to Taiwan, and so on. They have extended outposts and placed pressure points on us from the east, south, and west.”

Russian President Vladimir Putin has been equally critical of Washington’s erratic behavior. NATO’s eastward expansion has convinced Putin that the US will continue to be a disruptive force on the continent for the foreseeable future. Both leaders worry that Washington’s relentless provocations will lead to an unexpected clash that will end in war.

Even so, the political class has fully embraced the pivot strategy as a last-gasp attempt to roll back the clock to the post war era when the world’s industrial centers were in ruins and America was the only game in town. Now the center of gravity has shifted from west to east, leaving Washington with just two options: Allow the emerging giants in Asia to connect their high-speed rail and gas pipelines to Europe creating the world’s biggest free trade zone, or try to overturn the applecart by bullying allies and threatening rivals, by implementing sanctions that slow growth and send currencies plunging, and by arming jihadist proxies to fuel ethnic hatred and foment political unrest. Clearly, the choice has already been made. Uncle Sam has decided to fight til the bitter end.

Washington has many ways of dealing with its enemies, but none of these strategies have dampened the growth of its competitors in the east. China is poised to overtake the US as the world’s biggest economy sometime in the next 2 decades while Russia’s intervention in Syria has rolled back Washington’s plan to topple Bashar al Assad and consolidate its grip on the resource-rich Middle East. That plan has now collapsed forcing US policymakers to scrap the War on Terror altogether and switch to a “great power competition” which acknowledges that the US can no longer unilaterally impose its will wherever it goes. Challenges to America’s dominance are emerging everywhere particularly in the region where the US hopes to reign supreme, Asia.

This is why the entire national security state now stands foursquare behind the improbable pivot plan. It’s a desperate “Hail Mary” attempt to preserve the decaying unipolar world order.

What does that mean in practical terms?

It means that the White House (the National Security Strategy) the Pentagon (National Defense Strategy) and the Intelligence Community (The Worldwide Threat Assessment) have all drawn up their own respective analyses of the biggest threats the US currently faces. Naturally, Russia is at the very top of those lists. Russia has derailed Washington’s proxy war in Syria, frustrated US attempts to establish itself across Central Asia, and strengthened ties with the EU hoping to “create a harmonious community of economies from Lisbon to Vladivostok.” (Putin)

Keep in mind, the US does not feel threatened by the possibility of a Russian attack, but by Russia’s ability to thwart Washington’s grandiose imperial ambitions in Asia.

As we noted, the National Security Strategy (NSS) is a statutorily mandated document produced by the White House that explains how the President intends to implement his national security vision. Not surprisingly, the document’s main focus is Russia and China. Here’s an excerpt:

“China and Russia challenge American power, influence, and interests, attempting to erode American security and prosperity. They are determined to make economies less free and less fair, to grow their militaries, and to control information and data to repress their societies and expand their influence.” (Neither Russia nor China are attempting to erode American security and prosperity.” They are merely growing their economies and expanding their markets. If US corporations reinvested their capital into factories, employee training and R and D instead of stock buybacks and executive compensation, then they would be better able to complete globally.)

Here’s more: “Through modernized forms of subversive tactics, Russia interferes in the domestic political affairs of countries around the world.” (This is a case of the ‘pot calling the kettle black.’)

“Today, actors such as Russia are using information tools in an attempt to undermine the legitimacy of democracies. Adversaries target media, political processes, financial networks, and personal data.” (The western media behemoth is the biggest disinformation bullhorn the world has ever seen. RT and Sputnik don’t hold a candle to the ginormous MSM ‘Wurlitzer’ that controls the cable news stations, the newspapers and most of the print media. The Mueller Report proves beyond a doubt that the politically-motivated nonsense one reads in the media is neither reliably sourced nor trustworthy.)

The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community is even more explicit in its attacks on Russia. Check it out:

“Threats to US national security will expand and diversify in the coming year, driven in part by China and Russia as they respectively compete more intensely with the United States and its traditional allies and partners…. We assess that Moscow will continue pursuing a range of objectives to expand its reach, including undermining the US-led liberal international order, dividing Western political and security institutions, demonstrating Russia’s ability to shape global issues, and bolstering Putin’s domestic legitimacy.

We assess that Moscow has heightened confidence, based on its success in helping restore the Asad regime’s territorial control in Syria,… Russia seeks to boost its military presence and political influence in the Mediterranean and Red Seas… mediate conflicts, including engaging in the Middle East Peace Process and Afghanistan reconciliation….

Russia will continue pressing Central Asia’s leaders to support Russian-led economic and security initiatives and reduce engagement with Washington. …Russia and China are likely to intensify efforts to build influence in Europe at the expense of US interests…” (“The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community”, USG)

Notice how the Intelligence Community summary does not suggest that Russia poses an imminent military threat to the US, only that Russia has restored order in Syria, strengthened ties with China, emerged as an “honest broker” among countries in the Middle East, and used the free market system to improve relations with its trading partners and grow its economy. The IC appears to find fault with Russia because it is using the system the US created to better advantage than the US. This is entirely understandable given Putin’s determination to draw Europe and Asia closer together through a region-wide economic integration plan. Here’s Putin:

“We must consider more extensive cooperation in the energy sphere, up to and including the formation of a common European energy complex. The Nord Stream gas pipeline under the Baltic Sea and the South Stream pipeline under the Black Sea are important steps in that direction. These projects have the support of many governments and involve major European energy companies. Once the pipelines start operating at full capacity, Europe will have a reliable and flexible gas-supply system that does not depend on the political whims of any nation. This will strengthen the continent’s energy security not only in form but in substance. This is particularly relevant in the light of the decision of some European states to reduce or renounce nuclear energy.”

The gas pipelines and high-speed rail are the arteries that will bind the continents together and strengthen the new EU-Asia superstate. This is Washington’s greatest nightmare, a massive, thriving free trade zone beyond its reach and not subject to its rules. In 2012, Hillary Clinton acknowledged this new threat and promised to do everything in her power to destroy it. Check out this excerpt:

“U.S. Secretary of State Hillary Clinton described efforts to promote greater economic integration in Eurasia as “a move to re-Sovietize the region.”…. “We know what the goal is and we are trying to figure out effective ways to slow down or prevent it,” she said at an international conference in Dublin on December 6, 2012, Radio Free Europe.”

“Slow down or prevent it”?

Why? Because EU-Asia growth and prosperity will put pressure on US debt markets, US corporate interests, US (ballooning) national debt, and the US Dollar? Is that why Hillary is so committed to sabotaging Putin’s economic integration plan?

Indeed, it is. Washington wants to block progress and prosperity in the east in order to extend the lifespan of a doddering and thoroughly-bankrupt state that is presently $22 trillion in the red but continues to write checks on an overdrawn account.

But Russia shouldn’t be blamed for Washington’s profligate behavior, that’s not Putin’s fault. Moscow is merely using the free market system more effectively that the US.

Now consider the Pentagon’s 2018 National Defense Strategy (NDS) which reiterates many of the same themes as the other two documents.

“Today, we are emerging from a period of strategic atrophy, aware that our competitive military advantage has been eroding. We are facing increased global disorder, characterized by decline in the long-standing rules-based international order—creating a security environment more complex and volatile than any we have experienced in recent memory. Inter-state strategic competition, not terrorism, is now the primary concern in U.S. national security.”

(Naturally, the “security environment” is going to be more challenging when ‘regime change’ is the cornerstone of one’s foreign policy. Of course, the NDS glosses over that sad fact. Here’s more:)

“Russia has violated the borders of nearby nations and pursues veto power over the economic, diplomatic, and security decisions of its neighbors…..(Baloney. Russia has been a force for stability in Syria and Ukraine. If Obama had his way, Syria would have wound up like Iraq, a hellish wastelands occupied by foreign mercenaries. Is that how the Pentagon measures success?) Here’s more:

“China and Russia want to shape a world consistent with their authoritarian model…

“China and Russia are now undermining the international order from within the system…….

“China and Russia are the principal priorities for the Department… because of the magnitude of the threats they pose to U.S. security.” (National Defense Strategy of the United States of America)

Get the picture? China and Russia, China and Russia, China and Russia. Bad, bad, bad.

Why? Because they are successfully implementing their own development model which is NOT programed to favor US financial institutions and corporations. That’s the whole thing in a nutshell. The only reason Russia and China are a threat to the “rules-based system”, is because Washington insists on being the only one who makes the rules. That’s why foreign leaders are no longer falling in line, because it’s not a fair system.

These assessments represent the prevailing opinion of senior-level policymakers across the spectrum. (The White House, the Pentagon and the Intelligence Community) The USG is unanimous in its judgement that a harsher more combative approach is needed to deal with Russia and China. Foreign policy elites want to put the nation on the path to more confrontation, more conflict and more war. At the same time, none of these three documents suggest that Russia has any intention of launching an attack on the United States. The greatest concern is the effect that emerging competitors will have on Washington’s provocative plan for military and economic expansion, the threat that Russia and China pose to America’s tenuous grip on global power. It is that fear that drives US foreign policy.

And this is broader context into which we must fit the Russia investigation. The reason the Russia hacking furor has been allowed to flourish and spread despite the obvious lack of any supporting evidence, is because the vilifying of Russia segues perfectly with the geopolitical interests of elites in the government. The USG now works collaboratively with the media to influence public attitudes on issues that are important to the powerful foreign policy establishment. The ostensible goal of these psychological operations (PSYOP) is to selectively use information on “audiences to influence their emotions, motives, objective reasoning, and ultimately the behavior of… organizations, groups, and individuals.”

The USG now sees the minds of ordinary Americans as a legitimate target for their influence campaigns. They regard attitudes and perceptions as “the cognitive domain of the battlespace” which they must exploit in order to build public support for their vastly unpopular wars and interventions. The relentless Russiagate narrative (which was first referred to the FBI by the chief architect of the Syrian War, former-CIA Director John Brennan) represents the disinformation component of the broader campaign against Russia. Foreign policy elites are determined to persuade the American people that Russia constitutes a material threat to their security that must be countered by tighter sanctions, more sabre-rattling, and eventually war.

vendredi, 29 mars 2019

Europe: la Chine attaque l'Amérique!

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Europe: la Chine attaque l'Amérique!

 
 

Parallèlement à la Russie qui accueille en ce moment même le président libanais, quitte à inquiéter très sérieusement Américains et Israéliens qui ont peur de voir de riches réserves gazières quitter la côte israélienne de la Méditerranée pour se diriger vers la côte libanaise, la Chine a lancé cette semaine une terrifiante offensive contre les États-Unis en plein cœur de l’Europe « américanisée ».

Cette Europe qui s’accroche toujours au modèle américain, à l’OTAN ne voyant plus que le géant aux pieds d’argile qu’est l’Amérique, s’effondre comme un château de cartes.

En Italie, le président Xi Jinping a réussi un coup de maître. Faisant miroiter d’énormes intérêts que l’Italie, parent pauvre de l’Europe de l’Ouest a à gagner, il a mis la main sur les ports et les aéroports italiens et a fini par convaincre les Italiens d’adhérer à la route de la soie. Ce concept qui terrorise les Américains, ne devait pas trop plaire à Emmanuel Macron, représentant pur et dur de l’atlantisme moribond. Et pourtant, arrivé à Nice, en fin stratège militaire qu’il est, Jinping a su trouver les mots et les « sommes » pour séduire Jupiter qu’accompagnait l’Allemande Merkel et l’européiste, Junker.

Bien que la Macronie ait apposé une fin de non-recevoir catégorique au méga-projet « l’Initiative route et ceinture (BRI) », son président avait convié à Paris la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, rien que pour avoir un sommet tripartite avec Xi. Cette rencontre a réuni les trois plus puissants personnages de l’Union Européenne face au numéro un chinois.

Des sources proches des pourparlers, citées par Sputnik, affirment que la partie chinoise a tenté de dissuader l’Europe de recourir à des sanctions et que la dynamique sanctionnelle déclenchée par Washington vise avant tout les intérêts européens. Le président chinois a aussi encouragé la France à emboîter le pas à l’Italie dans le cadre de la BRI. Et cet encouragement est passé par d’alléchants contrats auxquels même la Macronie n’a pas pu dire non.

«La Chine et la France ont signé un contrat de 30 milliards d’euros pour la livraison à Pékin de 300 avions Airbus. C’est sans doute le résultat le plus tangible de la visite de Xi Jinping à Paris. Il témoigne de la confiance de la Chine envers Airbus, ce qui est particulièrement important sur fond de problèmes avec les appareils de Boeing et alors que les États-Unis multiplient leurs offensives contre l’industrie aéronautique française en imposant aux pays européens leurs F-14, leurs F-16 ou encore leurs F-35 …

 » Qu’a-t-elle la France à s’obstiner à refuser la perspective particulièrement prometteuse que lui offre la BRI ? La semaine dernière, le président US a porté un nouveau coup dur à l’OTAN en ouvrant grand ses portes au Brésil, un pays qui ne fait pas partie de l’axe transatlantique. La décision a été prise sans consultation avec les membres de l’Alliance dont la France qui s’est toutefois soumise aux exigences militaires des États-Unis. Dans presque tous les dossiers militairo-sécuritaires, de la Syrie au Yémen en passant par l’Irak voire l’Iran, la France de Macron s’est totalement alignée sur Washington pour n’avoir in fine que le mépris et l’irrespect de l’administration US, se demande Hanif Ghafari, interrogé par Press TV.

« Une chose est néanmoins sûre : le départ du Brésil de BRICS se fera rudement ressentir par les puissances qui en font partie. La Chine prépare sa revanche : elle vise le cœur même de l’alliance atlantiste et anticipe la perspective d’un BRICS sans le Brésil. Pékin travaille à remplacer l’Union Européenne par une Union eurasiatique et la France finira, elle aussi par comprendre que ses intérêts résident en Asie et non pas à l’autre côté de l’Atlantique ».


- Source : Pars Today (Iran)