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samedi, 24 octobre 2020

Les limites du pouvoir chinois

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Les limites du pouvoir chinois

Par Pepe Escobar

Source The Saker

En ce qui concerne les États-Unis et la Chine, tout dépend du résultat de la prochaine élection présidentielle américaine.

Trump 2.0 va surtout considérablement accélérer sa stratégie de découplage, visant à acculer la « vile » Chine par une guerre hybride à multiple fronts, à miner l’excédent commercial chinois, à coopter de larges pans de l’Asie, tout en insistant toujours pour caractériser la Chine comme le mal incarné.

L’équipe Biden, même si elle ne prétend pas vouloir tomber dans le piège d’une nouvelle guerre froide, selon le programme officiel du parti démocrate, ne serait que légèrement moins conflictuelle, « sauvant » ostensiblement « l’ordre fondé sur des règles » tout en maintenant les sanctions imposées par Trump.

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Très peu d’analystes chinois sont mieux placés que Lanxin Xiang pour étudier l’échiquier géopolitique et géoéconomique : expert des relations entre la Chine, les États-Unis et l’Europe, professeur d’histoire et de relations internationales à l’IHEID à Genève et directeur du Center for One Belt, One Road Studies à Shanghai.

Xiang a obtenu son doctorat au SAIS Johns Hopkins, et est aussi bien respecté aux États-Unis qu’en Chine. Au cours d’un récent webinaire, il a exposé les grandes lignes d’une analyse que l’Occident ignore, à ses propres risques et périls.

Xiang a mis l’accent sur la volonté de l’administration Trump de « redéfinir une cible extérieure » : un processus qu’il qualifie de « risqué, dangereux et hautement idéologique ». Non pas à cause de Trump – qui « ne s’intéresse pas aux questions idéologiques » – mais parce que « la politique chinoise a été détournée par les véritables guerriers de la Guerre Froide ». L’objectif : « un changement de régime. Mais ce n’était pas le plan initial de Trump ».

Xiang dévoile la logique qui sous-tend ces « guerriers du froid » : « Nous avons fait une énorme erreur au cours des 40 dernières années ». C’est-à-dire, insiste-t-il, « absurde – en relisant l’histoire, et en niant toute l’histoire des relations entre les États-Unis et la Chine depuis Nixon ». Et Xiang craint « l’absence de stratégie globale qui crée une énorme incertitude stratégique – et conduit à des erreurs de calcul ».

Pour aggraver le problème, « la Chine n’est pas vraiment sûre de ce que les États-Unis veulent faire ». Parce que cela va bien au-delà de l’endiguement – que Xiang définit comme une « stratégie très bien pensée par George Kennan, le père de la guerre froide ». Xiang ne détecte qu’un schéma de « civilisation occidentale contre une culture non caucasienne. Ce langage est très dangereux. C’est une reprise directe de Samuel Huntington, et montre très peu de place pour le compromis ».

En un mot, c’est la « façon américaine de tomber dans la guerre froide ».

La surprise d’octobre ?

Tout ce qui précède est directement lié à la grande inquiétude de Xiang concernant une éventuelle surprise d’octobre : « Cela pourrait probablement se produire à Taïwan. Ou un engagement limité en mer de Chine méridionale ». Il souligne que « les militaires chinois sont terriblement inquiets. Une surprise d’octobre comme engagement militaire n’est pas impensable, car Trump pourrait vouloir rétablir une présidence de guerre ».

Pour Xiang, « si Biden gagne, le danger d’une guerre froide tournant à la guerre chaude sera réduit de façon spectaculaire. » Il est tout à fait conscient des changements dans le consensus bipartite à Washington : « Historiquement, les Républicains ne se soucient pas des droits de l’homme et de l’idéologie. Les chinois ont toujours préféré traiter avec les Républicains. Ils ne pouvaient pas traiter avec les Démocrates – les droits de l’homme, les questions de valeurs. Maintenant, la situation est inversée ».

Xiang, d’ailleurs, « a invité un conseiller de haut niveau de Biden à Pékin. Très pragmatique. Pas trop idéologique ». Mais dans le cas d’une éventuelle administration Trump 2.0, tout pourrait changer : « Mon intuition est qu’il sera totalement détendu, il pourrait même inverser la politique de la Chine à 180 degrés. Je n’en serais pas surpris. Il redeviendrait le meilleur ami de Xi Jinping ».

Dans l’état actuel des choses, le problème est « un diplomate en chef qui se comporte comme un propagandiste en chef, profitant d’un président erratique ».
Et c’est pourquoi Xiang n’exclut jamais une invasion de Taïwan par les troupes chinoises. Il imagine le scénario d’un gouvernement taïwanais annonçant « Nous sommes indépendants », associé à une visite du secrétaire d’État : « Cela provoquerait une action militaire limitée, et pourrait se transformer en escalade. Pensez à Sarajevo. Cela m’inquiète. Si Taïwan déclare son indépendance, les Chinois l’envahissent en moins de 24 heures. “

Pékin fait-il des erreurs de calcul?

413iZy1UTfL.jpgContrairement à la plupart des universitaires chinois, Xiang fait preuve d’une franchise rafraîchissante sur les propres lacunes de Pékin : « Plusieurs choses auraient dû être mieux contrôlées. Comme l’abandon du conseil initial de Deng Xiaoping, selon lequel la Chine devrait attendre son heure et faire profil bas. Deng, dans son dernier testament, avait fixé un délai pour cela, au moins 50 ans ». Le problème est que « la rapidité du développement économique de la Chine a conduit à des calculs hâtifs et prématurés. Et une stratégie mal pensée. La diplomatie du « guerrier loup » est une attitude – et un langage – extrêmement affirmés. La Chine a commencé à contrarier les États-Unis – et même les Européens. C’était une erreur de calcul géostratégique ».

Et cela nous amène à ce que Xiang caractérise comme « l’extension excessive de la puissance chinoise : géopolitique et géoconomique ». Il aime citer Paul Kennedy : « Toute grande superpuissance, si elle est trop étendue, devient vulnérable. » Xiang va même jusqu’à affirmer que l’initiative des « Nouvelles routes de la soie » (NRS), dont il loue le concept avec enthousiasme, est peut-être dépassée : « Ils pensaient qu’il s’agissait d’un projet purement économique. Mais avec une portée mondiale aussi large ? »

Les NRS sont-elles donc un cas de surcharge ou une source de déstabilisation ? Xiang fait remarquer que « les Chinois ne s’intéressent jamais vraiment à la politique intérieure des autres pays. Ils ne sont pas intéressés par l’exportation d’un modèle. Les Chinois n’ont pas de véritable modèle. Un modèle doit être mûr, avec une structure. A moins qu’il ne s’agisse de l’exportation de la culture traditionnelle chinoise ».

Le problème, une fois de plus, est que la Chine pensait qu’il était possible de « se faufiler dans des zones géographiques auxquelles les États-Unis n’ont jamais trop prêté attention, l’Afrique, l’Asie centrale, sans nécessairement provoquer de réactions géopolitiques. C’était de la naïveté ».

Xiang aime rappeler aux analystes occidentaux que « le modèle d’investissement dans les infrastructures a été inventé par les Européens. Les chemins de fer. Le Transsibérien. Les canaux, comme au Panama. Derrière ces projets, il y a toujours eu une concurrence coloniale. Nous poursuivons des projets similaires – moins le colonialisme ».

Pourtant, « les planificateurs chinois se sont mis la tête dans le sable. Ils n’utilisent jamais ce mot – géopolitique. » D’où ses plaisanteries constantes avec les décideurs chinois : « Vous n’aimez peut-être pas la géopolitique, mais la géopolitique vous aime. »

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Demandez à Confucius

L’aspect crucial de la « situation post-pandémique », selon Xiang, est d’oublier « ce truc de guerrier-loup. La Chine pourrait être en mesure de relancer son économie avant tout le monde. Développer un vaccin vraiment efficace. La Chine ne devrait pas le politiser. Elle devrait montrer une valeur universelle à son sujet, poursuivre le multilatéralisme pour aider le monde, et améliorer son image ».

En matière de politique intérieure, Xiang est catégorique : « Au cours de la dernière décennie, l’atmosphère chez nous, sur les questions de minorités, sur la liberté d’expression, s’est resserrée au point de ne pas aider l’image de la Chine en tant que puissance mondiale ».

Observez cette situation, « l’opinion défavorable envers la Chine » dans une enquête sur les nations de l’Occident industrialisé qui ne comprend que deux pays asiatiques : le Japon et la Corée du Sud.

Et cela nous amène à l’ouvrage de Xiang, The Quest for Legitimacy in Chinese Politics, sans doute l’étude contemporaine la plus importante réalisée par un chercheur chinois capable d’expliquer et de combler le fossé politique entre l’Est et l’Ouest.

Ce livre est une telle percée que ses principales analyses conceptuelles feront l’objet d’une chronique complémentaire.

La thèse principale de Xiang est que « la légitimité dans la philosophie politique de la tradition chinoise est une question dynamique. Transplanter les valeurs politiques occidentales dans le système chinois ne fonctionne pas ».

recasting-the-imperial-far-east-britain-and-america-in-china-1945-50.jpgPourtant, même si le concept chinois de légitimité est dynamique, souligne Xiang, « le gouvernement chinois est confronté à une crise de légitimité ». Il fait référence à la campagne anti-corruption des quatre dernières années : « La corruption officielle généralisée, qui est un effet secondaire du développement économique, fait ressortir le mauvais côté du système. Il faut rendre hommage à Xi Jinping, qui a compris que si nous laissons cela se poursuivre, le PCC perdra toute légitimité ».

Xiang souligne comment, en Chine, « la légitimité est basée sur le concept de moralité – depuis Confucius. Les communistes ne peuvent pas échapper à cette logique. »

Avant Xi, personne n’osait s’attaquer à la corruption. Il a eu le courage de l’éradiquer et a arrêté des centaines de généraux corrompus. Certains ont même tenté deux ou trois coups d’État.

Dans le même temps, Xiang est catégoriquement opposé au « durcissement de l’atmosphère » en Chine en matière de liberté d’expression. Il mentionne l’exemple de Singapour sous Lee Kuan Yew, un « système autoritaire éclairé ». Le problème est que « la Chine n’a pas d’État de droit. Il y a cependant beaucoup d’aspects juridiques. Singapour est une petite ville-État. Comme Hong Kong. Ils ont juste repris le système juridique britannique. Cela fonctionne très bien pour cette taille. »

Et cela amène Xiang à citer Aristote : « La démocratie ne peut jamais fonctionner dans les grands pays. Dans les villes-États, elle fonctionne. » Et armés d’Aristote, nous entrons à Hong Kong : « Hong Kong avait un État de droit – mais n’a jamais eu de démocratie. Le gouvernement était directement nommé par Londres. C’est comme ça que Hong Kong fonctionnait en réalité – comme une dynamo économique. Les économistes néolibéraux considéraient Hong Kong comme un modèle. C’était un arrangement politique unique. Une politique du magnat. Pas une démocratie – même si le gouvernement colonial n’a pas gouverné comme une figure autoritaire. L’économie de marché a été déclenchée. Hong Kong était dirigée par le Jockey Club, HSBC, Jardine Matheson, avec le gouvernement colonial comme coordinateur. Ils ne se sont jamais souciés des gens en bas de l’échelle ».

Xiang note que « l’homme le plus riche de Hong Kong ne paie que 15 % d’impôt sur le revenu. La Chine a voulu conserver ce modèle, avec un gouvernement colonial nommé par Pékin. Toujours une politique de magnats. Mais maintenant, il y a une nouvelle génération. Des gens nés après la rétrocession – qui ne connaissent rien de l’histoire coloniale. L’élite chinoise au pouvoir depuis 1997 n’a pas prêté attention à la base et a négligé le sentiment de la jeune génération. Pendant toute une année, les Chinois n’ont rien fait. La loi et l’ordre se sont effondrés. C’est la raison pour laquelle les Chinois du continent ont décidé d’intervenir. C’est l’objet de la nouvelle loi sur la sécurité ».

Et qu’en est-il de l’autre acteur « malveillant » favori de l’autre côté du Beltway – la Russie ? « Poutine aimerait voir la victoire de Trump. Les Chinois aussi, jusqu’à il y a trois mois. La guerre froide était un grand triangle stratégique. Après le voyage de Nixon en Chine, les États-Unis se sont retrouvés au milieu, manipulant Moscou et Pékin. Maintenant, tout a changé ».

Pepe Escobar

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

mardi, 20 octobre 2020

Carl Schmitt and the Development of Conservative State Theory in China

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Carl Schmitt and the Development of Conservative State Theory in China

Seminar Series: Greater China Legal History
Organized by: CUHK LAW
 
Speaker: Prof. Ryan Mitchell
Date: 9 October 2020
 
 
Over the last decade or so, China’s Supreme People’s Court and the country’s political leaders have consistently rejected the idea of a “judicialized” Constitution, allowing individual litigation.
 
At the same time, the government has also been more vocal and emphatic than ever before in endorsing the national Constitution’s practical and symbolic importance. Is it really possible to endorse “constitutionalism” without endorsing judicial review? If so, how? Arguably, both Anglo-American liberalism and Marxism fail to provide a model for such an approach to constitutionalism—but other traditions, including German conservative state theory, have helped to fill the gap.
 
In discussing the reception of this body of thought in China, this lecture will focus specifically on the role of Carl Schmitt, the controversial but still influential jurist who argued for Executive “dictatorship” after World War I, was a leading critic of liberalism, and later was disgraced after choosing to collaborate with the Nazi regime.
 
Although Schmitt’s political choices have made him an uncomfortable source of guidance in China as elsewhere, his unique and thorough arguments about public law and politics continue to provide him with global influence. From issues of territorial sovereignty to the balance between different institutions of government, Schmitt’s version of constitutionalism can help to explain various developments in modern China’s legal order, and even some similar trends worldwide.

Les États-Unis ne trouvent pas d’alliés pour lancer une guerre contre la Chine

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Les États-Unis ne trouvent pas d’alliés pour lancer une guerre contre la Chine

Par Moon of Alabama

Les États-Unis veulent contrer la position économique et politique croissante de la Chine dans le monde.


L’administration Obama a tenté un « pivot vers l’Asie » en construisant une zone économique à bas tarif via le Partenariat Trans Pacifique (TPP) qui aurait exclu la Chine.

L’administration Trump a rejeté le TPP et s’en est retirée. Elle a lancé une guerre économique contre la Chine en augmentant les droits de douane sur les produits chinois, en interdisant les fournitures de haute technologie aux fabricants chinois et en refusant aux entreprises chinoises l’accès à son marché.

Elle a également tenté de construire une coalition militaire qui l’aiderait à menacer la Chine. Elle a relancé le dialogue quadrilatéral de sécurité 2007-2008 et l’a rebaptisé « Quad de consultations États-Unis-Australie-Inde-Japon ». L’objectif était d’en faire une OTAN asiatique sous commandement américain :

Le diplomate n°2 du Département d'Etat américain a déclaré lundi que Washington visait 
à "formaliser" des liens stratégiques croissants avec l'Inde, le Japon et l'Australie
dans un forum connu sous le nom de "Quad", une initiative qui, selon les experts, est
implicitement destinée à contrer la Chine dans la région indo-pacifique. "C'est une réalité que la région indo-pacifique manque de structures multilatérales
fortes. Ils n'ont rien d'équivalent à la force de l'OTAN ou de l'Union européenne",

a déclaré le secrétaire d'État adjoint américain Stephen Biegun lors d'un séminaire
en ligne en marge du forum annuel sur le partenariat stratégique entre les États-Unis
et l'Inde. "Il y a certainement une possibilité, à un moment donné, de formaliser une structure
comme celle-ci"
, a-t-il ajouté.

Mais il s’avère que ni l’Australie, ni le Japon, ni l’Inde n’ont d’intérêt à adopter une position ferme vis-à-vis de la Chine. Tous considèrent la Chine comme un partenaire commercial important. Ils savent que tout conflit avec elle leur coûterait très cher.

Le 6 octobre, le secrétaire d’État Mike Pompeo s’est envolé vers Tokyo pour une réunion avec les autres ministres des affaires étrangères du Quad. Il s’est vite rendu compte que personne ne se joindrait à son discours militant :

Lors d'une réunion avec les ministres des affaires étrangères du Japon, de l'Inde et 
de l'Australie à Tokyo, le secrétaire d'État Mike Pompeo a insisté mardi pour qu'ils
renforcent leur quatuor de démocraties afin de résister à une Chine de plus en plus
affirmée. ... Si, comme il le semble, Pompeo cherchait à pousser les autres membres du Quad à prendre
le parti des États-Unis dans une confrontation avec la Chine, il n'a pas obtenu de
soutien public retentissant, et ses propos se sont heurtés à ceux de son hôte. Pompeo a visé directement le Parti communiste chinois dans ses remarques avant

que les diplomates de haut niveau des quatre nations ne s'assoient pour discuter. "En tant que partenaires de ce Quad, il est plus que jamais essentiel que nous
collaborions pour protéger nos peuples et nos partenaires de l'exploitation, de
la corruption et de la coercition du PCC"
, a-t-il déclaré. Mais le principal porte-parole du gouvernement japonais, Katsunobu Kato, a insisté

lors d'un point de presse mardi: "Cette réunion du Quad ne s’est pas faite en ayant
un pays particulier à l’esprit."

L’Australie et l’Inde étaient également réticentes à dire quoi que ce soit qui pourrait potentiellement offenser la Chine.

L’initiative de Pompeo a échoué. L’ancien ambassadeur indien M. K. Bhadrakumar explique pourquoi le Quad ne fonctionnera pas :

La Chine ne peut être battue car, contrairement à l'URSS, elle fait partie de la même 
société mondiale que les États-Unis. Regardez l'étendue des champs de bataille entre
les États-Unis et la Chine : gouvernance mondiale, géoéconomie, commerce, investissements,
finances, utilisation des devises, gestion de la chaîne d'approvisionnement, normes et
systèmes technologiques, collaboration scientifique, etc. Cela témoigne de la vaste
portée mondiale de la Chine. Ce n'était pas le cas de l'URSS. Surtout, la Chine n'a pas d'idéologie messianique à exporter et préfère donner l'exemple
par ses performances. Elle ne cherche pas à provoquer un changement de régime dans d'autres
pays, et s'entend en fait plutôt bien avec les démocraties. ... Les États-Unis ont créé l'ASEAN, mais aujourd'hui, aucun partenaire asiatique en matière

de sécurité ne veut choisir entre l'Amérique et la Chine. L'ASEAN ne peut pas être
réorientée pour former une coalition afin de contrer la Chine. Ainsi, aucun des opposants
à la Chine au sujet de la mer de Chine méridionale n'est prêt à rejoindre les États-Unis
dans leurs provocations navales contre la Chine. La Chine a des ressources, y compris de l'argent, à offrir à ses partenaires, alors que
le budget américain est en déficit chronique et que même les opérations courantes du
gouvernement doivent maintenant être financées par la dette. Les États-Unis doivent

trouver les ressources nécessaires pour maintenir leurs infrastructures humaines et
physiques à des niveaux compétitifs par rapport à ceux de la Chine et d'autres grandes
puissances économiques. Pourquoi diable l'Inde devrait-elle se mêler à cette affaire chaotique dont le point
culminant est acquis d'avance ? ... La Chine n'a pas besoin de faire la guerre parce qu'elle est déjà en train de gagner.

Les États-Unis ont également tenté d’inciter leurs alliés européens de l’OTAN à prendre position contre la Chine :

Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a averti, samedi, que l'influence 
croissante de la Chine avait créé un "changement fondamental dans l'équilibre mondial
des pouvoirs"
qui ne devait pas être négligé. Dans une interview au journal allemand Welt am Sonntag, publiée à l'avance, le responsable

norvégien y déclarait que Pékin disposait du deuxième budget de défense au monde après
les États-Unis et qu'il investissait massivement dans des armes nucléaires et des missiles
à longue portée qui pourraient atteindre l'Europe. "Une chose est claire : la Chine se rapproche de plus en plus des portes de l'Europe",
a-t-il déclaré. "Les alliés de l'OTAN doivent relever ce défi ensemble."

Cette initiative coulera en Europe aussi vite que l’initiative du Quad a coulé en Asie et pour les mêmes raisons. La Chine n’est pas un danger idéologique ou militaire pour l’Europe. C’est un mastodonte économique et les relations avec elle doivent être gérées avec soin. Elles exigent du respect et des discussions, et non des roulements de tambour.

La Chine a dépassé les États-Unis en tant que premier partenaire commercial de l’UE :

Au cours des sept premiers mois de 2020, la Chine a dépassé les États-Unis pour devenir 
le plus grand partenaire commercial de l'Union européenne (UE), a déclaré Eurostat,
l'organisme statistique de l'UE. ... Les importations de l'UE en provenance de Chine ont augmenté de 4,9 % en glissement
annuel au cours de la période janvier-juillet, a noté Eurostat. Selon l'Office fédéral des statistiques d'Allemagne, la plus grande économie de l'UE,
la Chine, premier partenaire commercial de l'Allemagne depuis 2016, a dépassé les
États-Unis pour la première fois au deuxième trimestre de cette année pour devenir
le plus grand marché d'exportation de l'Allemagne, et les exportations allemandes
vers la Chine en juillet ont presque retrouvé leur niveau de l'année dernière.

Il est temps pour les États-Unis de se regarder dans un miroir et de s’éveiller à la réalité. C’est un pays très endetté avec une armée bien trop chère et, de plus, inefficace. Au cours des dernières décennies, son rôle économique dans le monde n’a cessé de décliner. Ses constantes prises de positions militantes et son attitude « faites comme on vous le dit » ont aliéné ses alliés. Sans alliés, les États-Unis n’ont aucune chance de vaincre la Chine dans un conflit potentiel.

Ce que les États-Unis pourraient encore faire, c’est rivaliser honnêtement avec la Chine. Mais cela nécessiterait de l’humilité, une politique industrielle forte et une main-d’œuvre bien payée et compétitive.

Aucune de ces conditions n’est en vue.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

mardi, 13 octobre 2020

Les Momies Blondes, les Tokhariens et les Indo-Européens de Chine

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Les Momies Blondes, les Tokhariens et les Indo-Européens de Chine

 
 
Les découvertes archéologiques de momies datant de 4 000 ans, dans le désert du Taklamakan en Chine occidentale, ont enflammé l'imagination des chercheurs, qui ont été surpris de découvrir qu'il s'agissait d'individus caucasiens venus d'Europe. Les réponses à ce mystère des momies blanches pourraient se trouver dans l'histoire plus récente de la province de Xinjiang ; des archives Chinoises mentionnent des marchands aux yeux bleus et à la barbe rousse, tels que les Yuezhi et les Sogdians venus de l'ouest, tout comme on retrouve des manuscrits rédigés dans une mystérieuse langue Indo-européenne connue sous le nom de Tokharien. Il existait donc clairement à la fois des peuplades Iraniques et Tokhariennes vivant en Chine occidentale à des époques plus tardives, dont les momies de Tarim doivent, tout du moins en partie, être les ancêtres. Le bassin désertique de Tarim était alors une route commerciale vitale, située au carrefour de l'est et de l'ouest, entouré d'oasis qui étaient autant de stations pour quiconque se déplaçait le long de la Route de la Soie. Les momies caucasiennes de type Europoïde et les antiques langages Indo-européens de la région vont à l'encontre des idées reçues sur les limites de la civilisation Européenne à l'Âge du Bronze. Les fouilles réalisées dans la région suggèrent une activité s'étalant sur plusieurs millénaires, qui regroupait divers langages, styles de vie, religions et cultures.
 
 
 
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Illustration des Tokhariens et des momies de Tarim par Andrew Whyte http://basileuscomic.com/
Illustration du char d'Andronovo par Christian Sloan Hall https://www.deathlord.co.uk
Musique : Bnde originale par Deor (site personnel en construction) Doug maxwell - Lau Tzu Ehru Doug Maxwell - Oud dance Quincas moreira - Dawn of Man Kevin McLeod - Dhaka Sources : Adams, D., (2019) ‘Tocharian C: its discovery and implications’ https://languagelog.ldc.upenn.edu/nll...
 
A dictionary of Tocharian B https://www.win.tue.nl/~aeb/natlang/i...
 
Gray, Russell & Atkinson, Quentin & Greenhill, Simon. (2011).
 
Language Evolution and Human History. Good, I., ‘A Social Archaeology of Cloth some preliminary remarks on prehistoric textiles of the Tarim Basin’ (Peabody Museum) http://www.safarmer.com/Indo-Eurasian...
 
Hollard, C. et al. (2018). New genetic evidence of affinities and discontinuities between bronze age Siberian populations. American Journal of Physical Anthropology 167 (1): 97–107.
 
Katariya, A., ‘Ancient History of Central Asia: Yuezhi-Gurjar History’, Article No 01 Mair, V., ‘Ancient Mummies of the Tarim Basin’ https://www.penn.museum/sites/expedit...
 
Ning, et al. (2019), ‘Ancient Genomes Reveal Yamnaya - Related Ancestry and a Potential Source of Indo-European Speakers in Iron Age Tianshan’ https://www.cell.com/current-biology/...
 
Wenkan, X. (1996) ‘The Tokharians and Buddhism’ Xie, M. et al, (2013) Interdisciplinary investigation on ancient Ephedra twigs from Gumugou Cemetery (3800 B.P.) in Xinjiang region, northwest China. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2...
 
Yang, Y. (2019), ‘Shifting Memories: Burial Practices and Cultural Interaction in Bronze Age China A study of the Xiaohe-Gumugou cemeteries in the Tarim Basin’ http://www.diva-portal.org/smash/get/...
 
Selections from the Han Narrative Histories https://depts.washington.edu/silkroad...

samedi, 03 octobre 2020

La Russie fait exploser la stratégie indo-pacifique des États-Unis

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La Russie fait exploser la stratégie indo-pacifique des États-Unis

Par M. K. Bhadrakumar

Source Oriental Review via The Indian Punchline

Ex: https://lesakerfrancophone.fr

La rencontre entre le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov et son homologue chinois Wang Yi à Moscou, le 11 septembre dernier, s’est déroulée à un moment particulièrement délicat de la politique régionale. La Russie s’efforce d’établir une ligne neutre dans l’impasse entre l’Inde et la Chine tout en se rapprochant de la Chine pour faire face à la pression américaine.

Les politiques américaines incitent la Russie et la Chine à renforcer encore leur « partenariat stratégique global de coordination pour une nouvelle ère ». En résumant sa rencontre avec Wang, M. Lavrov a déclaré que les discussions se sont déroulées dans « une atmosphère de respect et de confiance mutuels et qu’elles ont été très substantielles ». Il a ajouté : « Nous avons discuté des principaux problèmes internationaux et réaffirmé la proximité de nos points de vue sur les solutions efficaces à y apporter… Nous sommes convenus de poursuivre notre étroite collaboration ».

De manière significative, la partie la plus frappante des remarques de M. Lavrov concernait la région Asie-Pacifique. Lavrov a attaqué frontalement la stratégie indo-pacifique des États-Unis :

Nous (la Russie et la Chine) avons noté le caractère destructeur des actions de Washington qui sapent la stabilité stratégique mondiale. Elles alimentent les tensions dans diverses parties du monde, y compris le long des frontières russes et chinoises. Bien sûr, nous sommes inquiets de cette situation et nous nous opposons à ces tentatives d’escalade de tensions artificielles. Dans ce contexte, nous avons déclaré que la stratégie dite « Indo-Pacifique » telle qu’elle a été planifiée par ses initiateurs, ne conduit qu’à la séparation des États de la région, et est donc lourde de conséquences pour la paix, la sécurité et la stabilité dans la région Asie-Pacifique.

Nous nous sommes prononcés en faveur d’ une architecture de sécurité régionale centrée sur l’ASEAN en vue de promouvoir l’agenda unificateur, et de préserver le style de travail et la prise de décision par consensus dans ces mécanismes, comme cela a toujours été fait dans le cadre de l’ASEAN et des entités associées. Nous assistons à des tentatives de division dans les rangs des membres de l’ASEAN avec les mêmes objectifs : abandonner les méthodes de travail basées sur le consensus et alimenter la confrontation dans cette région qui nous est commune à tous.

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Les médias d’État chinois ont souligné les propos de M. Lavrov. Wang a répondu que les relations entre la Chine et la Russie sont devenues « des forces clés de stabilité dans un monde turbulent ». Il a souligné que l’alliance Chine-Russie a fait preuve d’une « forte résilience » sur fond de « profonds changements invisibles en un siècle » dans la politique mondiale.

La rencontre Lavrov-Wang s’est déroulée dans le contexte des troubles en Biélorussie, dont la Russie a accusé les États-Unis. La veille de la réunion à Moscou, un haut responsable législatif russe a ouvertement affirmé que les États-Unis avaient un plan directeur pour créer des tensions politiques en Russie, où des élections régionales doivent avoir lieu le 13 septembre. Les médias sociaux et l’Internet jouent une fois de plus un rôle majeur dans l’orchestration des manifestations en Biélorussie.

Il est intéressant de noter que lors de la réunion avec Lavrov, Wang a également appelé à « une coopération plus poussée entre la Russie et la Chine dans le domaine de la sécurité internationale de l’information, dans un contexte où certains pays politisent les technologies de l’information et la cyber-sécurité et en contiennent d’autres sous prétexte de sauvegarder leur propre sécurité nationale ».

Les remarques de M. Lavrov sur la stratégie indo-pacifique ont coïncidé avec la 53e réunion des ministres des affaires étrangères de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et les réunions connexes, y compris la 10e réunion des ministres des affaires étrangères du Sommet de l’Asie de l’Est, à Hanoï, du 8 au 11 septembre. L’ASEAN est confrontée à une pression croissante des États-Unis pour qu’elle se joigne à elle contre la Chine, mais elle a refusé de prendre parti. Le communiqué commun adopté lors de la réunion de Hanoï reflète cette position.

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La semaine dernière, Reuters a cité le ministre indonésien des affaires étrangères, Retno Marsudi, qui déclarait que l’ASEAN devait rester résolument neutre et unie. « Au sein de L’ASEAN, l’Indonésie veut montrer à tous que nous sommes prêts à être un partenaire », a déclaré M. Retno. « Nous ne voulons pas nous laisser piéger par cette rivalité. » La position de l’Indonésie devient importante à un moment où les États-Unis tentent de diviser le consensus de l’ASEAN sur la neutralité en jouant sur les intérêts des différents pays membres.

Les États-Unis espèrent que certains pays de l’ASEAN se trouvent devant un dilemme quant à la manière d’équilibrer les liens pour tirer le meilleur parti des deux grands acteurs, tandis que d’autres pourraient être tentés d’utiliser la rivalité entre les États-Unis et la Chine comme une occasion d’obtenir un avantage économique ou militaire. Cette dernière y a fait allusion lorsqu’elle a déclaré à Reuters : « (L’ASEAN a) une bonne culture, mais nous devons l’entretenir. Nous ne pouvons pas tenir pour acquis que ces valeurs seront éternelles ».

Fait significatif, le Vietnam et l’Indonésie, deux pays influents de l’ASEAN, sont également des partenaires majeurs de la Russie. Les remarques de M. Lavrov peuvent donc être considérées comme signifiant un nouveau niveau d’engagement de la Russie dans la région Asie-Pacifique, tout en renforçant le partenariat avec la Chine, et en allant au-delà d’une simple réponse réflexive aux événements – principalement, la crise actuelle des relations de la Russie avec l’Occident.

Il est intéressant de noter que Moscou souscrit sans équivoque à la description de la « région Asie-Pacifique » et pas au concept d’« Indo-Pacifique », que Lavrov a considéré avec dérision comme un terme politiquement chargé. On peut dire que le terme « Indo-Pacifique » serait quelque peu trompeur, même dans le contexte de la politique russe. La Russie s’intéresse beaucoup plus à l’Asie-Pacifique qu’à l’Océan indien ou au sous-continent indien – compte tenu de son engagement non seulement avec la Chine mais aussi avec le Japon, les deux Corée, les États-Unis – en tant que puissance du Pacifique – et avec la sécurité de l’Extrême-Orient.

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Bien sûr, l’Inde s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large, mais dans la perception russe, l’Inde reste un membre surnuméraire de la communauté Asie-Pacifique. Là où la Russie a une différence d’opinion avec l’Inde, c’est dans sa perception de la présence sécuritaire américaine en Asie-Pacifique comme une puissance extra-régionale intrusive et de plus en plus déstabilisatrice.

Fondamentalement, la Russie aborde l’Asie-Pacifique dans une perspective mondiale, alors que la vision de l’Inde se réduit à des préoccupations concernant la montée en puissance de la Chine. Du point de vue russe, l’Asie-Pacifique est un théâtre central de l’ordre mondial au XXIe siècle où d’intenses luttes géopolitiques éclatent, où une bataille d’idées, de normes et d’institutions est déjà en cours. En tant que puissance mondiale renaissante, la Russie est obligée de se positionner sur le devant de la scène dans la région.

En effet, Pékin est bien conscient du changement d’attitude de la région de l’ASEAN envers la Russie au cours des dernières années. Contrairement à l’époque soviétique, aucun pays de l’ASEAN, Philippines comprises, n’a plus tendance à identifier la Russie comme une menace ou un acteur malveillant. D’autre part, les relations de la Russie avec presque tous les États de l’ASEAN sont confortables. Ainsi, une implication plus active de la Russie dans les affaires de l’Asie-Pacifique est une bonne chose pour la Chine.

En termes simples, il convient à Moscou et à Pékin de faire cause commune dans la région Asie-Pacifique alors que leurs relations respectives avec les États-Unis sont si difficiles, et alors que tous deux ont subi une forte pression de la part de ceux-ci. Il ne sera pas surprenant de voir une augmentation des efforts diplomatiques russes dans la période à venir pour étendre ses relations dans la région de l’ASEAN.

M. K. Bhadrakumar

Traduit par Hervé, relu par Wayan pour le Saker Francophone

mardi, 29 septembre 2020

L’Afrique à la croisée des chemins dans un monde multipolaire

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L’Afrique à la croisée des chemins dans un monde multipolaire

Mikhail Gamandiy-Egorov

Observateur-Continental

Dans une réalité en constante ébullition et à l’heure d’une confrontation géopolitique de plus en plus marquée entre les partisans de la multipolarité et les nostalgiques de l’ère unipolaire, plusieurs régions du monde observent, analysent, et entrevoient les actions à adopter dans le cadre de leurs intérêts. L’Afrique ne fait pas exception.

Selon le quotidien bulgare Douma «pendant que l’Europe coopère avec le continent africain par soi-disant clémence, des pays comme la Chine et l’Inde font preuve de relations d’égal à égal ». Et se pose par la même occasion la question: «quelle approche, occidentale ou orientale, serait plus attractive pour les Africains?».

Ledit média mentionne par ailleurs plusieurs points fortement importants. Notamment que le continent africain, malgré les défis existants et évidents, peut se vanter de perspectives fortement intéressantes, y compris dans le cadre des changements observés sur l’arène internationale. En effet, nombre d’experts estiment que les pays du continent africain sont capables d’une percée économique impressionnante semblable à celle qu’a pu réaliser l’Asie du Sud-Est. La population du continent croît rapidement et la part de la population en âge de travailler est déjà la plus importante au niveau de toutes les régions du monde. Et que dans des conditions favorables, la croissance économique de l’Afrique pourrait dépasser les attentes les plus audacieuses.

Pendant ce temps, le combat pour l’influence géoéconomique, mais également géopolitique, sur le continent si longtemps montré par des clichés au niveau du mainstream médiatique occidental, ne cesse de croître également. Plusieurs raisons peuvent être avancées à cela: les perspectives fortement intéressantes pour les pays africains sur le moyen terme, y compris celles avancées ci-haut, mais également une vision fortement, voire radicalement, différente sur l’avenir du monde entre les partisans de la multipolarité et de l’unipolarité. Les derniers souhaitant imposer via le réseau du système néocolonial préétabli, et s’il le faut par la force, leur agenda aux pays africains. Les partisans de la multipolarité privilégient quant à eux une interaction misant sur le respect de la souveraineté des Etats et des traditions respectives, sans la fameuse mentalité de donner des leçons – tout en pensant pour autant à leurs intérêts de façon logique et pragmatique.

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C’est d’ailleurs le cas de la Chine, premier partenaire économico-commercial du continent africain en tant qu’Etat, qui bien souvent accusée par l’establishment politique et médiatique occidental de pratiquer une conquête agressive en Afrique afin d’imposer sa domination mondiale, en réalité correspond justement à une vision pragmatique des relations internationales. A savoir que Pékin ne force personne de vivre et de penser à sa manière, mais est prêt à se battre dans la pure concurrence dans le cadre de ses intérêts, notamment économiques. L’Inde représente également un cas intéressant. Troisième partenaire économico-commercial de l’Afrique, dont les échanges avec le continent fin 2019 représentaient 65 milliards d’équivalent de dollars.

Bien que l’approche indienne se diffère de l’approche chinoise dans nombre de secteurs et de façon générale, New Delhi met également un fort accent sur le respect de la souveraineté. Pendant ce temps, d’autres acteurs renforcent également leurs positions. La Russie a fait son plein retour en Afrique et poursuit le processus engagé. Ou encore la Turquie, qui a elle aussi connu une forte progression des échanges avec les pays africains au cours des 5-10 dernières années. Faisant le bonheur de nombreux habitants du continent africain souhaitant voir des puissances non-occidentales renforcer les liens avec leurs pays et leur continent. Tout en stimulant la concurrence et donc l’attractivité des conditions offertes par chaque acteur.

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Evidemment, l’Occident ne reste pas les bras croisés. Observant le développement sans précédent des relations entre l’Afrique et les puissances non-occidentales – ayant pour la plupart lancé ouvertement le défi à l’unilatéralisme si désiré par l’élite occidentale, cet Occident tente par tous les moyens de reprendre la main. Que ce soit les Etats-Unis, pour qui l’un des objectifs majeurs officiellement déclaré sur la scène internationale est d’empêcher la poursuite de montée en puissance de la Chine et de la Russie, y compris en Afrique. La France qui bien que maintenant encore son réseau françafricain, voit son influence aller en chute libre au niveau de la société civile africaine, surtout appartenant aux pays d’Afrique francophone. Le Royaume-Uni tente de maintenir sa propre influence au niveau des pays anglophones du continent, là aussi bien souvent sans le succès recherché. L’Allemagne quant à elle essaie de se frayer son propre chemin.

Mais le plus important probablement à dire dans ce paradigme de lutte géopolitique et géoéconomique, c’est que l’Afrique doit comprendre qu’elle fait désormais partie intégrante du monde multipolaire. Et qu’elle possède, à terme, tous les moyens pour s’imposer comme un bloc majeur d’influence dans cette réalité relativement récente. C’est n’est évidemment pas ce que l’Occident souhaitait pour l’Afrique. Pas plus que pour les autres blocs du monde, qu’ils soient d’Eurasie ou d’Amérique latine. Mais l’histoire mondiale suit son cours. Les événements contemporains aussi. Et en ce sens la minorité occidentale devra l’accepter. Plus particulièrement les élites occidentales et pas tant les peuples qui pour nombre d’entre eux approuvent le concept multipolaire.

Lorsque cette réalité sera acquise pour une large part des pays africains, il sera également important à bâtir une véritable unité africaine, tellement voulue et rêvée par les grands leaders du continent: de Lumumba à Sankara, de Mandela à Kadhafi et par beaucoup d’autres grands noms. Tout en s’organisant à bâtir une capacité réelle de défense commune de la souveraineté – car si aujourd’hui nombre de pays africains ont cette capacité, ce n’est pas malheureusement pas le cas de tout le monde. Et dans le cadre de cette véritable souveraineté et d’appartenance de plein droit au monde multipolaire en qualité de bloc puissant, les nations africaines sauront choisir les partenaires stratégiques externes au continent dans l’objectif d’une coopération qui saura tenir compte des intérêts de chaque partie impliquée.

Mikhail Gamandiy-Egorov

 

Observateur-Continental

vendredi, 11 septembre 2020

The New Axis: Berlin-Warsaw-Moscow-Bejing?

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The New Axis: Berlin-Warsaw-Moscow-Bejing?
 
by Konrad Rekas
Ex: http://oneworld.press
 
In fact, the axis from Berlin through Warsaw to Moscow and Beijing, the continental bridge that realists wrote about, who saw geopolitical and geoeconomic benefits and obviousness – this is the future.

What is the lesson from the anniversary of the Molotov-Ribbentrop Pact? That it was the Polish minister Józef Beck who could and should sign a pact with Molotov or Ribbentrop, and preferably with both - instead of sitting like this… believing in "Western guarantees".

Do Not Count On The Mistakes Of Others By Making Our Own

Poland has focused on the German-Russian conflict many times in its history, most often not supporting either side, but the forces that provoked these clashes. And despite the immediate benefits - it was a strategic Polish FAULT, which had to be based on the hope that one of our great neighbours would also make a mistake and act against their own geopolitical interests. Such a mechanism took place, for example, on the eve and during the Great War, which MUST be an almost successful suicide both for Russia and Germany - because that was the reason why it broke out. A similar situation happened in World War II, when Hitler, in turn, not only betrayed Nazism by selling it to great capital, but also tried to deny the geopolitical destiny of Germany, causing a war only in the interest of the Anglo-Saxons and for their rule over the World. Par excellence, therefore, both the Russian mistake in World War I and the German fault in World War II temporarily paid off for Poland - however, in the first case, almost only because there was simply a season to appoint small and weak national transition states in Central Europe as a necessary stage of reaching World Government (i), and in the second case, we were shielded by the scale of the Soviet victory and the suspension by communism of further geopolitical and civilization processes for less than half a century.

For the truth, the German-Russian alliance, or more broadly the Euro-Eurasian alliance, is the most obvious thing in the World, and it is by no means true that this is a deal, without exception, that can only deadly for the very existence of Poland. Well, that is, this is deadly, but only in a situation where Poland itself assumes the absurd role of the Trojan horse of Atlantism, deliberately acting against its own geopolitical determination. If we, Poles, stop considering as our historical mission to counteract the absolutely necessary combination of the potential of Europe and Eurasia - then we will become BENEFICIARIES, and not a hindrance to this process, which is also profitable for us.

China: A Necessary Fulfilment To Eurasia

Equally evident, but more recent date, is the geopolitical falsehood of the conflict with China, which seems to be the dominant economic power of Asia, and is our natural partner, not an enemy, for Poland and the whole of Central Europe, thus providing an opportunity to escape the trap of medium development and investment, barely keeping us alive, but transferring profits outside our country. And it does not matter for such an emerging natural European-Russian-Chinese alliance that historically China had moments in its long history, or rather makings, when the periodic advantage of the mercantile factor could make it the Ocean Empire. However, there has always been an introverted withdrawal to the Continental areas and the return of the domination of the political factor over the trade factor, typical for this formation.

Now the situation might only look different. But is it really bad? Let us remember, however, that such as United States had all the data to not go Alfred Mahan’s way, but to remain an alternative Continent, that is China has this comfort in the opposite direction to some extent. Their real return to Zheng He’s routes does not have to deny Eurasianism, but only supplement its formula.

Anyway, the Eurasian choice of Europe (including Poland) would be a salvation for all of us from the burdensome American dependence and the destruction of suicide, which for the Old Continent were two World Wars, and for Poland a joyful appearance in the Second one as a pretext, a spark, and the first a victim of a conflict that artificially divides (our) natural allies. In fact, the axis from Berlin through Warsaw to Moscow and Beijing, the continental bridge that realists wrote about, who saw geopolitical and geoeconomic benefits and obviousness – this is the future. Let us not repeat the mistakes of our ancestors, let us not ignore the reality that is happening around us. Whenever we went against our geopolitical destiny in history, only sacrifice and destruction awaited us. It is high time to change that.

(i) Nota bene, on the eve of the Great War, Russia was planning to give Poles independence, because it was already fed up with us, and its ruling spheres felt a deep reluctance to think about joining more lands inhabited by Poles. In addition, the Russians finally found a partner, in the form of Polish National-Democracy, to whom they could leave Poland - both in the conviction of the unity of interests and the durability of such governments in reborn Poland, more reliable than conservatives deprived of social support. This has been a theme that has been running in Polish-Russian relations for 300 years. Already Catherine II, sending Nikolai Repnin to Poland as her ambassador, instructed him: "We need reliable Poles!". And nothing has changed since the times of the Great Empress...

By Konrad Rękas
Polish journalist
 

mercredi, 09 septembre 2020

Kris Roman ontmoet Dr Koenraad Elst over Indië/China - deel 2 & deel 3

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Время Говорить:

Kris Roman ontmoet Dr Koenraad Elst over Indië/China - deel 2 & deel 3

Deel 1:

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/09/01/kris-roman-ontmoet-dr-koenraad-elst-over-indie-china.html

 
 
Deel 2 In het praatprogramma Время Говорить ('Tijd om te Spreken') ontvangt Kris Roman speciale gasten die hun bevindingen en kennis over actuele thema's aan het grote publiek verduidelijken.
 
In deze aflevering, opgenomen op 17-08-2020, is Dr. Koenraad Elst te gast. Recent (zomer 2020) vonden er dodelijke schermutselingen plaats tussen Indiaase en Chinese grenswachten plaats.
 
Dr. Koenraad Elst zal ons verduidelijken wat er aan de hand is. De veelheid aan informatie die Dr. Koenraad Elst meegaf verplicht ons het interview in drie delen te publiceren.
 
Dr. Koenraad Elst is Dokter in de Oosterse filologie en geschiedenis, Licentiaat in de wijsbegeerte, Indo-Iranistiek en Sinologie.
 
 
Deel 3:
 

samedi, 05 septembre 2020

Observations sur le devenir eunuque de la tyrannie en Occident

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Observations sur le devenir eunuque de la tyrannie en Occident

par Nicolas Bonnal

« Alors les requins arrivèrent et mangèrent les femmes et les enfants d’abord ».

La montée du totalitarisme se précipite en occident.  Ce totalitarisme n’est pas vraiment puritain comme le pense Shamir ; il est obsédé sexuel et il pousse jusqu’à l’abjection sa tendance sadique et perverse. Contrairement à ce que d’autres aussi pensent la cible n’est pas le mâle blanc, mais la possible famille, entité potentiellement naturelle et reproductrice,  qu’il s’agit d’éradiquer, en commençant du reste par les femmes et les enfants. Il s’agit donc de détruire les trois, la femme, l’enfant, l’homme. Comme disait Chesterton la famille est le seul Etat qui crée et aime ses citoyens, elle est donc l’Etat à détruire pour les princes de ce monde et leurs stewards.

ARIANE-BILHERAN.jpgCible enfantine ? La philosophe Ariane Bilheran rappelle à ce sujet :

« L’école n’accomplit plus sa mission, et chaque jour le niveau dégringole dans les égouts, laissant des générations à l’abandon, et des professeurs pieds et poings liés avec le sentiment qu’ils ne parviennent pas à accomplir leur mission, tout simplement parce que, si ces bases fondamentales ne sont pas acquises (au lieu de cela, je rappelle que l’OMS préconise d’enseigner « les relations sexuelles » avec pénétration » à l’âge de 6 ans – mention ajoutée dans la version en espagnol « con penetración », « avec pénétration », je renvoie à mon livre L’imposture des droits sexuels), rien ne pourra s’inscrire ensuite du côté des apprentissages intellectuels. »

L’obsession pédophile est officialisée à l’école, rappelle Ariane :

« Enfin, j’imagine que lorsque l’enfant subira les cours sur les « droits sexuels », avec l’enseignant « partenaire » (dont je rappelle qu’il s’agit d’un « éducateur sexuel » habilité par le ministère de la santé, et non pas d’un professeur de l’éducation nationale normalement constitué, cf. mon livre L’imposture des droits sexuels), le masque sera bien pratique pour le faire taire et le conditionner encore plus à se taire… »

Je vous laisse découvrir les trente pages (gratuites) de ce travail admirable et généreux (l’auteure a été virée de Facebook comme je le suis de…Google, coronavirus oblige). Et j’en viens à mon affirmation : l’affirmation d’un pouvoir de type eunuque au niveau occidental. Les hommes politiques n’ont plus de famille ou d’enfants, et on dirait que c’est pour cela qu’ils ont été choisis, de Merkel à Macron, et du Luxembourg à l’Irlande. La première ministresse finlandaise se vante d’avoir été éduquée par un couple de même sexe (il y a encore des sexes alors?). C’est même pour cela qu’elle a été choisie (car on n’élit plus personne, on maintient au pouvoir).

Enfin établissons une constatation ; ces personnalités sont autoritaires et adorent commander, surveiller, sanctionner. Leur pouvoir s’est étendu avec l’informatique et  le coronavirus leur a permis d’établir leur dictature. Je pense souvent à Hal 9000  et à sa voix asexuée dans 2001, et j’ai établi un lien dans mon livre sur Kubrick entre l’ordinateur et l’hermaphrodite. L’ordinateur désexualise l’humanité, alors on en profite. Chesterton a vu que l’Amérique était déjà une nursery en arrivant aux USA et que le citoyen du futur serait considéré comme un enfant. D’où la rage mondiale et mondialiste quand la Clinton ne fut pas élue…La révolte des « déplorables » fut jugée inqualifiable et la tyrannie virale a permis de le châtier (piquer) comme il se devait.

41VMQS9SW9L._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgCette réalité du pouvoir eunuque m’est  apparue en lisant Michel Maffesoli qui citait le chercheur hongrois Balazs. Pourquoi ? Parce que ces auteurs ont découvert (Balasz) et rappelé (Maffesoli) que les eunuques ont déjà gouverné le monde, avec leur gant de velours et leur main de fer. C’était dans l’empire chinois de la décadence.

Je cite Maffesoli qui va se faire attraper par la police :

« Dans son livre La bureaucratie céleste, l’historien de la Chine antique, Etienne Balazs, souligne la prédominance des eunuques dans l’organisation de l’Empire. Ne pouvant procréer ils élaborent une conception du monde dans laquelle un ordre abstrait et totalement désincarné prédomine. L’élément essentiel étant la surveillance généralisée. »

Puis il applique à notre triste époque :

« En utilisant, d’une manière métaphorique cet exemple historique, on peut souligner que la mascarade en cours est promue par la « bureaucratie céleste » contemporaine dont l’ambition est stricto sensu d’engendrer une société aseptisée dans laquelle tout serait, censément, sous contrôle. Et en reprenant la robuste expression de Joseph de Maistre, c’est toute « la canaille mondaine » qui sans coup férir s’emploie non pas à faire des enfants, mais à infantiliser la société : il faut en effet noter que pas un parti politique n’a osé s’élever contre le port du masque généralisé. »

En surgit un ordre puritain basé sur la technologie, donc éminemment anglo-saxon :

Ce qui montre bien, endogamie oblige, que c’est la classe politique en son ensemble, aidée par des médias aux ordres et soutenue par des « experts » soumis, qui est génératrice d’un spectacle lisse et sans aspérités. Mais l’hystérie hygiéniste, le terrorisme sanitaire, ne sont pas sans danger. Car c’est lorsqu’on ne sait pas affronter le mal que celui-ci se venge en devenant en son sens strict pervers : per via, il prend les voies détournées s’offrant à lui. »

Je ne partage pas la suite du texte qui évoque une réaction soi-disant un peu bestiale ; je suis plus pessimiste que cela. Comme l’a dit Paul Virilio peu avant de mourir, nous vivons dans une société de dissuadés.

md30420192686.jpgJe cite maintenant Etienne Balazs, qui a mieux souligné que Marcel Granet ou René Guénon les périls de cette société chinoise de l’époque baroque, apparemment sage et traditionnelle :

« Cette élite improductive tire sa force de sa fonction socialement nécessaire et indispensable, de coordonner, surveiller, diriger, encadrer le travail productif des autres. »

Et en effet cette élite eunuque s’occupe de tout, se mêle de tout et gère tout, un peu comme l’Etat bonapartiste décrié par Marx dans son fastueux 18 Brumaire.

  1. Taricat, un commentateur de Balazs, écrit sur la stérilisation de la société par cette élite eunuque qui fait tant penser à nos eurocrates :

« Mais c'est surtout par une répression plus subtile que cette classe dominante se reproduisait. Détenant le monopole de l'éducation, elle avait mis en place un régime d’enseignement et d'examens qui sélectionnait le recrutement des fonctionnaires ; cooptation, recommandations, examens permettaient la reproduction d'une élite intellectuelle présentant une uniformité de pensée tout à fait propice à la cohésion de l'appareil administratif. »

Cette classe, comme la mondialiste ou l’énarchie qui nous dirige, hait le petit capitalisme qui survivrait (services, hôtels, restauration, etc.), les petits entrepreneurs, les travailleurs autonomes :

« Outre cette raison, la principale entrave au développement capitaliste fut la mainmise totalitaire de l'Etat qui paralysait toute initiative privée, n'accordant le droit à l'investissement qu'à ses propres fonctionnaires (et uniquement pour l'investissement foncier). Nous voudrions ajouter à cette argumentation que te monopole d'exploitation de la main d'œuvre étant constamment détenu, par l'Etat, il n'y avait pas de travailleurs libres sur le marché, condition impérative, comme l'a montré Marx, du développement capitaliste. »

Elle a donc détruit la Chine et permit son invasion et son pillage par un occident toujours aussi inconscient de ses crimes et de sa bêtise.

Voilà où nous en sommes : et je rappellerai la fin de 2001 quand l’ordinateur extermine l’équipage qu’il juge impropre à mener la mission. On en revient aussi à Matrix et à cet objectif sinistre de liquider ce virus qu’est l’homme.

Sources :

Michel Maffesoli : Macron ventriloque de la farce masquée (le courrier des stratèges)

Étienne Balazs, La bureaucratie céleste : recherches sur l'économie et la société de la Chine traditionnelle, Paris, Gallimard, 1968

Taricat Jean. http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1969_num_12_1_1221

Le moment paranoïaque (le déferlement totalitaire) face à la dialectique du maître et de l’esclave, Ariane BILHERAN

Bonnal – Kubrick (Dualpha, Amazon)

mercredi, 02 septembre 2020

Kris Roman ontmoet Dr Koenraad Elst over Indië/China

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Время Говорить

Kris Roman ontmoet Dr Koenraad Elst over Indië/China

Nederlandse versie

 
In het praatprogramma Время Говорить ('Tijd om te Spreken') ontvangt Kris Roman speciale gasten die hun bevindingen en kennis over actuele thema's aan het grote publiek verduidelijken. In deze aflevering, opgenomen op 17-08-2020, is Dr. Koenraad Elst te gast. Recent (zomer 2020) vonden er dodelijke schermutselingen plaats tussen Indiaase en Chinese grenswachten plaats. Dr. Koenraad Elst zal ons verduidelijken wat er aan de hand is. De veelheid aan informatie die Dr. Koenraad Elst meegaf verplicht ons het interview in drie delen te publiceren.
 
Dr. Koenraad Elst is Dokter in de Oosterse filologie en geschiednis, Lycentiaat in de wijsbegeerte, Indo-Iranistiek en Sinologie.
 

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dimanche, 30 août 2020

Effondrement occidental : l’Allemagne tentée par l’axe Moscou-Pékin ?

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Effondrement occidental : l’Allemagne tentée par l’axe Moscou-Pékin ?

Le chaos post-Covid dans lequel se débat l’empire occidental capitaliste pourrait bien rebattre les cartes des alliances géopolitiques plus vite qu’il n’y paraît. « L’Alliance eurasienne définitive est plus proche que vous ne le pensez », écrit le journaliste Pepe Escobar dans un récent billet.

Rappelons que l’Eurasie désigne conjointement l’Europe et l’Asie en tant que continent unique. Comme nous l’explique le Grand jeu à longueur de ses chroniques reprises sur le yetiblog, l’alliance Moscou-Pékin est déjà factuelle à l’heure qui l’est. Ces deux puissances ont bien compris qu’une véritable puissance se mesurait à deux critères :

  • son autonomie économique-énergétique-technologique (souveraineté)
  • une alliance intelligente avec le ou les puissances qui peuvent lui permettre de se procurer ce dont elle manque encore.

Il est une autre chose que ces deux puissances émergentes ont aussi très bien assimilé : on ne peut plus compter sur une vieille puissance décatie comme l’est l’Amérique de Trump (ou de Biden). Pepe Escobar citant Poutine :

« Négocier avec l’équipe Trump, c’est comme jouer aux échecs avec un pigeon : un oiseau dément qui marche sur l’échiquier, chie sans discernement, renverse des pièces, déclare la victoire, puis s’enfuit. »

Le pragmatisme allemand dans l’océan des dérives psychopatheuses occidentales

À la différence de leurs homologues déments du bloc occidental. Poutine et Xi Ping ont ceci de commun qu’ils sont de vrais chefs d’État pragmatiques et intelligents, pas les chargés de mission demeurés et inopérants de quelques mafias financières occultes en pleine désintégration (suivez mon regard du côté de l’Élysée).

Un seul pays occidental échappe au carnage psychopatheux qui frappe le bloc occidental : l’Allemagne. C’est le fameux pragmatisme allemand qui a permis à ce pays de se tirer de l’épisode pandémique de coronavirus bien mieux que ses voisins européens. C’est le pragmatisme allemand qui a fait de Berlin la puissance dominante de l’assemblage hétéroclite qu’est l’Union européenne. Et soyez persuadés que Frau Merkel a pris depuis longtemps la mesure de la déliquescence de ses homologues washingtoniens quels qu’ils soient ou quels qu’ils pourraient être après la présidentielle US du 3 novembre.

Lorsqu’il parle d’« alliance eurasienne » – qui devrait inclure l’ensemble de la partie occidentale du continent européen – Pepe Escobar évoque naturellement surtout une jonction Berlin-Moscou-Pékin, les autre pays membres de l’UE étant partie négligeable, sinon ridicule.

Le lobbying de Moscou et de Pékin auprès de Berlin

Il va de soi que l’Allemagne a encore de nombreux intérêts à défendre au sein du bloc occidental, ses exportations d’automobiles vers les États-Unis par exemple. Mais l’effondrement économique de l’Occident, les désordres monétaires qui finiront par s’ensuivre avec un euro trop fort pénalisant les exportations allemandes, le constat enfin que l’axe Pékin-Moscou est en train de prendre l’ascendant militaire sur l’empire US, y compris dans sa chasse-gardée maritime, font grandement réfléchir la chancellerie allemande. Se couper de l’approvisionnement en gaz et pétrole russes, risquer de subir une fermeture du détroit d’Ormuz suite aux agressions permanentes du Deep State US contre l’Iran serait suicidaire pour l’Allemagne.

Si l’axe Moscou-Pékin est déjà une réalité, écrit Pepe Escobar, le rapprochement Berlin-Pékin est déjà largement avancé. Et le chaînon manquant, mais pas si lointain, pragmatisme oblige, est le lien Berlin-Moscou. La conclusion imminente du Nord-Stream II, le lobbying malin de Moscou pour séduire Frau Merkel et surtout les séquelles économiques inouïes de l’épidémie de Covid sur le capitalisme occidental, pourraient bien précipiter ce jeu de bascule fatal pour Washington.

=> Lire : Definitive Eurasian Alliance Is Closer Than You Think par Pepe Escobar sur Zero Hedge.

dimanche, 16 août 2020

Communisme revisité : ces nouveaux penseurs dont s’inspire Xi Jinping pour diriger la Chine d’une main de fer

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Communisme revisité : ces nouveaux penseurs dont s’inspire Xi Jinping pour diriger la Chine d’une main de fer

Ex: https://www.atlantico.fr

 
 

Atlantico.fr : Quelles sont les influences philosophiques dont semble s'inspirer Xi Jinping, notamment dans sa gestion de la crise de Honk Kong ?

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Barthélémy Courmont : Les influences du régime chinois depuis quelques années, et notamment après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, semblent converger vers la reconnaissance des multiples facettes de la pensée chinoise. On pense aux travaux influents de Yan Xuetong sur le neoconfucianisme, ou encore au Tianxia 2.0 de Zhao Tingyang, entre autres. Ces penseurs brillants et reconnus ont en commun de mobiliser les fondements de la civilisation intellectuelle chinoise pour inscrire le régime dans la continuité de cette histoire pluri-millénaire et, à l’heure où la Chine revient au centre du monde après un siècle-et-demi de mise à l’écart (qualifiés à tort ou à raison « d’humiliations »), de légitimer le pouvoir. C’est une véritable rupture avec la révolution culturelle et le maoïsme, qui privilégiaient la mise au pilori des anciennes pensées et avaient pour ambition de créer une société nouvelle et « pure ». Cette ligne idéologique très prononcée, et qui mena la Chine au désastre, a donc laissé place à une approche pragmatique et inclusive de tout ce qui a fait la Chine, y-compris le nationalisme du Kuomintang. C’est pour cette raison qu’il est erroné de considérer que le régime actuel est profondément marqué idéologiquement, sa force étant précisément de ne pas être prisonnier d’une doctrine trop rigide.

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Il est en revanche indiscutable, et les événements de Hong Kong le confirment, que l’affirmation de puissance chinoise s’accompagne d’une certaine manière de penser les institutions chinoises. Et sur ce point, l’obsession de la stabilité et de la légitimité (inspirée du mandat céleste de la Chine impériale) est au cœur des préoccupations des dirigeants actuels, avec en conséquence une très grande méfiance pour les mouvements démocratiques, qualifiés de déstabilisants, voire chaotiques, et la justification d’un régime fort, au nom de l’ordre et de la stabilité. On trouve ainsi des influences diverses, chinoises mais aussi étrangères, y-compris chez des théoriciens très marqués comme le nazi Carl Schmitt, qui mettait en avant les « vertus » d’un système étatique fort face aux risques de chaos des démocraties. En clair, les influences politiques de a Chine contemporaine ne sont pas libérales, le libéralisme politique étant même suspecté d’être instrumentalisé par des puissances étrangères. 

Concernant le sort de Hong Kong, ces influences diverses expliquent le durcissement des mesures chinoises, tout autant que la mise en avant d’un « complot » étranger, pour ne pas dire occidental, qui ferait de Hong Kong une épine dans le pied de Pékin. Cette approche converge avec l’idée selon laquelle, pour les dirigeants chinois, Hong Kong appartient à la Chine depuis 1997, et que Pékin a donc toute autorité pour faire évoluer le système politique selon son bon vouloir. Il est à ce titre important de rappeler que toute critique de la répression à Hong Kong est qualifiée par Pékin d’ingérence dans ses affaires intérieures.

Ces influences sont-elles surprenantes ?

Non, pour plusieurs raisons. D’abord parce que derrière le vernis des discours convenus, la Chine n’est plus communiste (dans sa version maoïste, et même marxiste-leniniste) depuis quarante ans. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est libérale (pourquoi le binarisme hérité de la Guerre froide doit-il nécessairement opposer les deux, sans alternative?). Les dirigeants chinois continuent d’honorer Mao Zedong dans le seul but de maintenir la stabilité du régime et d’éviter le sort de l’URSS, mais à continuer de croire que la Chine est communiste, les puissances occidentales s’enfoncent dans une voie sans issue. La Chine est autoritaire et ne s’en cache pas. Elle n’hésite plus d’ailleurs à comparer les vertus de son autoritarisme (stabilité et ordre, toujours) aux vices de la démocratie qu’elle juge incapable de répondre aux attentes des populations. Il y a lieu de s’en inquiéter, mais c’est en tout cas le vrai défi chinois, le communisme étant réservé à ceux qui restent englués dans une logique de guerre froide d’un autre âge.

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Ensuite, tout connaisseur de l’histoire de la Chine comprend l’obsession de la stabilité, compte-tenu des innombrables révoltes que ce pays a connues. Dès lors, une pensée politique ne peut être influente auprès des dirigeants chinois que si elle met en avant la stabilité, et donc prône un régime fort.

Enfin, le mandat de Xi Jinping coïncide avec une affirmation de puissance (la Chine est devenue deuxième puissance économique mondiale en 2010, soit peu avant l’arrivée au pouvoir de Xi) et, dans le même temps, une faillite des Etats-Unis sûr la scène internationale. Contrairement à ses deux prédécesseurs, Xi a des ambitions qu’il ne cache pas, avec une feuille de route dont l’objectif est le statut de première puissance mondiale (pas uniquement économique) en 2049. Dans ce contexte, une pensée à la fois nationaliste et mettant en avant la récupération des territoires perdus bénéficie d’une grande influence.

Au regard de ces influences philosophiques, que peut-on deviner des intentions politiques du président chinois pour l'avenir ?

Il faut bien avoir en tête, et c’est trop rarement le cas quand on cherche à comprendre la Chine, que cohabitent plusieurs courants de pensée, et que leurs influences sont plus ou moins importantes selon les équipes au pouvoir et le contexte politique (et géopolitique). Dès lors, et compte-tenu des conséquences de la crise sanitaire, tant économiques et sociales que politiques voire identitaires et sécuritaires, les intellectuels les plus influents pourraient être concurrencés par d’autres courants de pensée. Il n’y a pas d’idéologie figée au sommet du pouvoir en Chine, tout dépendra surtout des succès ou des échecs du pouvoir actuel.

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Concernant Xi Jinping, il est indéniable que le président chinois est plus « fort » que ses prédécesseurs et qu'il rassemble de nombreux pouvoirs. Mais il peut aussi être contesté selon ses résultats. Ses ambitions de recomposer l’espace chinois sont sans doute les plus inquiétantes, notamment en ce qui concerne Taïwan. Hong Kong pourrait n’être  qu'une étape, sorte de test pour mesurer les réactions aux ambitions de la Chine.

lundi, 10 août 2020

China: Zwischen Neuer Weltordnung und Neuer Seidenstraße

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China: Zwischen

Neuer Weltordnung

und Neuer Seidenstraße

 

von Alexander Markovics

Kaum ein Land fasziniert und polarisiert westliche Beobachter heute so sehr wie China. In den Augen des Westens ist China eine totalitäre kommunistische Diktatur, dass durch seine mustergültige kapitalistische Wirtschaft nun dazu in der Lage ist, autoritäre Regierungen auf der ganzen Welt zu unterstützen. Gleichzeitig ist der Westen aber von ihm wirtschaftlich und nun auch zunehmend technologisch abhängig, Stichwort 5G. Doch wie kam es dazu, dass dieses Land, dass nach dem Zweiten Weltkrieg der ärmste Staat der Welt war heute eine Wirtschaftsmacht sondergleichen werden konnte? Und wie gefährlich ist Peking wirklich? Droht Europa die „Gelbe Gefahr“ wie uns neokonservative Propagandisten in Bezug auf den Coronavirus und angebliche Weltmachtsambitionen glaube machen wollen?

Nach dem Ende des Zweiten Weltkriegs in Asien und den Wirren des Bürgerkriegs zwischen Nationalisten und Kommunisten gelang es dem Land unter der Führung der Kommunistischen Partei Mao Zedongs, im Rahmen des von ihm propagierten Marxismus mit sinischen Charakteristiken, zur Atomwaffen besitzenden und blockfreien Macht aufzusteigen. Außenpolitisch orientierte sich China in dieser Periode an den Prinzipien des Antiimperialismus und schaffte es nicht nur dem Westen in Korea Paroli zu bieten, was zur bis heute andauernden Teilung des Landes führte, sondern auch zur Unterstützung zahlreicher kommunistischer Aufstandsbewegungen gegen die europäische Kolonialherrschaft in Afrika, was China bis heute großes politisches Renomee auf dem schwarzen Kontinent verschafft hat.

Die Idee einer blockfreien Bewegung, die sowohl vom Westen als auch vom sowjetkommunistischen Osten unabhängig sein sollte, verschafften dem kommunistischen China sogar in Europa eine gewisse Strahlkraft, wo nicht nur die Teile der radikalen Linken und Albanien sich an Peking zu orientieren begannen, sondern auch Proponenten eines genuin europäischen Sozialismus wie Jean Thiriart, die chinesische Unterstützung für den Aufbau einer europäischen Befreiungsarmee im Kampf gegen die USA suchten. Doch beseelt vom Wunsch China in Redkordtempo zu industrialisieren (Großer Sprung nach Vorne) und eine Verbürgerlichung und Erstarrung des Kommunismus im eigenen Land zu verhindern (Kulturrevolution) brachte Mao das Land an den Rand eines neuen Bürgerkriegs, verschlimmerte oder bescherte ihm (je nach Perspektive) eine katastrophale Hungersnot und sorgte für einen kulturellen Genozid an Chinas jahrtausendealter Kultur.

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Auch die Sowjetunion beäugte diese Ereignisse kritisch und entzog China sogar die zugesagte Hilfe beim Aufbau eines eigenen Atomprogrammes. Das daraus hervorgehende Chinesisch-sowjetische Zerwürfnis führte zu einem innerkommunistischen Kalten Krieg, der auch von Einkreisungsängsten Chinas hinsichtlich der UdSSR und einer Kritik am aus pekinger Sicht zu laschen Kurs Moskaus gegen den Westen getrieben war, der schließlich den USA zu gute kam. Nach Maos Tod kam es zu einer Revolte des pragmatisch orientierten Parteiflügels gegen die Thronfolger Maos. Aus dieser ging der dem konservativen Flügel der chinesischen KP angehördende Deng Xiaoping siegreich hervor und schaffte es das Land nach den Schrecken der Kulturrevolution wieder in die Normalität überzuführen und das chinesische Wirtschaftswunder, welches China heute zur zweitgrößten Wirtschaftsmacht der Welt machte, einzuleiten. Dazu schuf Deng zahlreiche Sonderwirtschaftszonen im Land, wo Formen der Marktwirtschaft abseits der kommunistischen Zentralplanung getestet werden sollten.

Dadurch wurde der Grundstein für Chinas Status als Exportnation und den technologischen Austausch mit dem Westen gelegt. Vor dem Hintergrund dieser geschichtlichen Entwicklung muss die derzeitige Führung der kommunistischen Volksrepublik unter Xi Jinping mitsamt ihrer geopolitischen Vorstöße gesehen werden. Obwohl sein Vater einer jener Parteikader war, die unter Maos Kulturrevolution in die Verbannung aufs Land geschickt wurden, ist es gerade Xi der die größte Machtfülle aller chinesischen Machthaber seit Mao besitzt. Als Präsident auf Lebenszeit ist ihm nicht nur die größte kommunistische Partei der Welt untergeordnet, sondern auch gleichzeitig die chinesische Volksbefreiungsarmee, die direkt auf die Partei, nicht etwa auf den Staat, vereidigt ist. Politisch sieht sich China selbst als „leninistische Marktwirtschaft“, die gewisse Aspekte des Kapitalismus unter Führung der kommunistischen Partei in ihre eigene Wirtschaft integriert. Was widersprüchlich klingen mag, widerspricht sich insofern nicht selbst, als das schon Marx den Kapitalismus als notwendige Voraussetzung für ein wahrhaft kommunistisches System erkannt hatte. Dies sieht man auch am Staatsapparat selbst, der von seinem Selbstbewusstsein her eindeutig kommunistisch ist und sich weiterhin zu Karl Marx und Lenin bekennt, dabei aber die Besonderheit des chinesischen Weges betont.

Kulturpolitisch versucht man sowohl Tradition und Moderne zu vereinen, was sich nicht nur in der Hinwendung zur konfuzianischen Philosophie, sondern etwa auch in einer Rehabilitierung der chinesischen Ahnenreligion, dem Shenismus, ausdrückt. Ein starker, staatlich geförderter Nationalismus hält das über eine Milliarde Einwohner zählende Land zusammen, was sich etwa auch darin ausdrückt, dass sich über 90% aller Chinesen zur Ethnie der Han bekennen. Geopolitisch verfolgt China mit der Neuen Seidenstraße ein in der Geschichte noch nie dagewesenes Infrastrukturprojekt. Das als „Ein Gürtel – eine Straße“ betitelte Projekt umfasst mehr als 60 Länder in Afrika, Asien und Europa. Der geplante Wirtschaftsgürtel folgt dabei dem Verlauf der antiken Seidenstraße, wohingegen die (maritime) Straße durch die Häfen Südostasiens, Indiens und Afrikas bis in die Levante und das Mittelmeer verläuft. Was insbesondere für Europa und Afrika nach einer großen Chance für engere wirtschaftliche Beziehungen mit China klingt, ist für die USA der reinste Alptraum.

Seit Admiral Halford Mackinder seine Herzlandtheorie Anfang des 20. Jahrhunderts dargelegt hatte, versuchen sie ein Zusammenwachsen der Eurasischen Halbinsel zu verhindern und genau das wird durch das chinesische Projekt letztlich erreicht. Denn China intensiviert im Zuge der seit 2013 laufenden Bemühungen um die Neue Seidenstraße nicht nur seine Beziehungen zu Russland und damit Eurasien, sondern sucht im Rahmen der Shanghaier Organisation für Zusammenarbeit den Farbrevolutionen der USA in Asien einen Riegel vorzuschieben und politische Lösungen auch mit dem Iran, Pakistan und dem Rivalen Indien zu finden. Dazu gehören auch Marinestützpunkte Chinas, wie am Horn von Afrika und ein Aufrüsten seiner Streitkräfte. Den intellektuellen Unterbau für dieses ganz Eurasien umfassende Integrationsprojekt liefert der aus Guangdong stammende und in Peking lehrende Philosoph Zhao Tingyang. In seinem 2005 auf chinesisch und 2020 in deutscher Übersetzung erschienenem Buch „Alles unter dem Himmel. Vergangenheit und Zukunft der Weltordnung“ legt Zhao die Grundlage eines Gegenuniversalismus, der ausgehend vom Konzept des tianxia (Alles unter einem Himmel), dem „Miteinander der zehntausend Völker unter einem Himmel“ der chinesischen Antike, das friedliche Zusammenleben und die Kooperation der Völker auf der Erde gewährleisten soll.

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Die Grundlage dabei bildet nicht wie im westlichen Liberalismus das Individuum, sondern die Sippe und das Volk. Dabei geht er nicht von der Bestimmung des Feindes als grundlegendem Merkmal des Politischen aus wie es vom Konservativen Revolutionär Carl Schmitt definiert wurde, sondern sieht der konfuzianischen Philosophie folgend die Kooperation zwischen den Menschen als das Wesen des Politischen an. Dabei kritisiert er den liberalen Kulturimperialismus und Demokratieexport des Westens scharf und fordert die USA dazu auf, es den verschiedenen Völkern selbst zu überlassen ihr politisches System zu wählen. Die gegenwärtige Außenpolitik sieht er als unzureichend an, da sie sich nur mit den aus seiner Sicht egoistischen Problemen der Nationalstaaten beschäftigen würde, dabei aber außerstande sei große Probleme wie etwa den Palästinakonflikt zu lösen.

Die gegenwärtige, von den USA geprägte Weltordnung sei in Wahrheit ein Chaos, daher fordert Zhao eine Weltpolitik, welche auf einer globalen Ebene dazu in der Lage ist Lösungen für politische Probleme, welche alle Völker betreffen, zu erarbeiten. Da die Globalisierung immer stärker die Defizite der internationalen Politik enthülle, tue neben der staatlichen und zwischenstaatlichen Politik eine Weltpolitik not, wobei er die Schaffung eines Weltstaates vehement ablehnt. Denn ohne Weltordnung drohe die Gefahr, so Zhao, dass Medien-, Finanz- und Hochtechnologiefirmen die Staaten Stück für Stück kidnappen würden, wodurch sich der Mensch selbst sein eigenes jüngstes Gericht schaffen würde. Angesichts dieser Ideen und der bisherigen Außenpolitik unter Xi Jinping braucht man vor dem neuen China keine Angst zu haben.

vendredi, 31 juillet 2020

Brief Thoughts on Tao Te Ching

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Brief Thoughts on Tao Te Ching

Ex: http://www.counter-currents.com

Author’s note: Cited passages are taken from the 1988 Stephen Mitchell translation, London, Macmillan.

Tao Te Ching, the “Book of the Way,” was ostensibly composed by the pseudonymous Lao Tzu, about whom next to nothing is known, sometime around the time of Confucius (551-479 BC). It’s things like this that add even more irresistible mystique to this slender volume, its lucid prose and valuable insights aside. Tao Te Ching reads like a happy accident of the recorded histories of Earth, its ruminations on being not-being coming across almost ironically due to the fact that they exist on paper. In some ways, one could argue that Tao being extant is one of the greatest ironies known to man.

Aside from its ephemeral diction and the general obscurity of its author, Tao is known for the basic description of the ideals of Taoism — that is, living in accordance with Tao, the “way” or “truth” of the universe. Much of the Western conception of Eastern spiritualism and the thinking of East Asians stems from our exposure to the practices of Confucianism and Taoism, with many things from either school often being inaccurately attributed to the other in our collective conscience. In some ways, the appeal of the East when it comes to Western thought can be partially explained by this same alienness and exoticness, but with the important caveat that these works still remain intelligible to us within our own cultural context. The great Ezra Pound was famously inspired by Eastern poetry and art in his own compositions, cutting his teeth on translations of Confucius and other great Chinese writers both before and during his own time as a writer. Reading through the Cantos alongside Tao will inevitably reveal some parallels to the reader.

East Asian writings are so stimulating to the right kinds of Western minds because they often dwell upon the same topics that Westerners dwelled upon, but with a wholly different set of ethics and metaphysical principles underlying their thought processes. It is not necessarily true that Asian philosophers arrive, invariably, at conclusions or questions remarkably similar to those in the Western tradition, but that our readings of these works with the mind of a Westerner allows us to make connections to concepts that we deal with in our own philosophical musings — in some ways, we’re comparing notes, and in other ways, we’re taking away insights that could only be made possible by our own conceptions of things like honor and being. The Western Taoist and the Eastern Taoist inevitably practice the Way differently, but that may also be the point.

To explain the premises of Taoism now would take days, so I encourage anyone interested in the book or this philosophy to explore it on their own. Rather, I would like to focus on two concepts discussed in Tao that are immediately applicable to the struggles of the West; and more specifically, those fighting to save it.

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One of the most important concepts in Tao is that of the awkwardly-rendered and deliberately ambiguous “being not-being,” — effortless action, wu wei 無爲 — the act of living in accordance with the Way. Action springs forth from the knowledge that the situation at hand is unknowable, but through observation and instinct, can be made known by one’s own hand. One of the more elegant descriptions of this premise comes from zhang 22:

The Master, by residing in the Tao,
sets an example for all beings.
Because he doesn’t display himself,
people can see his light.
Because he has nothing to prove
people can trust his words.
Because he doesn’t know who he is,
people recognize themselves in him.
Because he has no goal in mind,
everything he does succeeds.

It would be easy to dismiss this as nonsensical babble. But the truth of this particular segment lies in how one determines the meanings of the self and what it means to “know” who one is. In the less abstract sense of things, one could argue that the West is in a permanent state of unknowing of our identity, especially in the modern day and age in which such things are nebulous and often impossible to grasp.

But doesn’t the idea of rejecting a concrete definition of one’s identity fall directly in opposition to our struggle, the struggle of asserting our collective identities and personhood in the face of those who claim such things do not exist? Not necessarily. One could also make the argument that knowledge of the self in terms intelligible to another human, or in fact, one’s own self, because we speak to ourselves in the tongue understood by others, is not actual knowledge of one’s identity at all. The idea of not-being or not-knowing in the Tao is the idea of shrugging off the medium through which we parse these concepts — is a description of yourself really useful when the words you need to use to describe such a thing are mired in their own implications and subtexts? We can say that we are white, European, traditionalists, nationalists, or any other number of these things when talking to others. But who are we, really?

The next zhang offers some clues:

Express yourself completely
then keep quiet.
Be like the forces of nature:
when it blows, there is only wind;
when it rains, there is only rain;
when the clouds pass, the sun shines through.

If you open yourself to the Tao,
you are at one with the Tao
and you embody it completely.
If you open yourself to insight,
you are at one with insight
and you can use it completely.
If you open yourself to loss,
you are at one with loss
and you can accept it completely.

Open yourself to the Tao,
then trust your natural responses;
and everything will fall into place.

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Far from the pacifism or woo-ish “let the wind blow” weaves of New Agey nonsense, our Lao Tzu seems to be telling us that there is intense value to be found in the visceral — the visceral tempered by the knowledge gleaned as we spring into action. We as fighters for the West are not-are by engaging in action when we see that our struggle demands it. When we march, we think not of ideas. Even when we write of ideas, we think not of ideas; we make them known to us through the swift motion of our understanding making its way forth by ink onto paper. When we decided to make the plunge into these spheres, knowing that it may well cost us our lives or livelihoods, we thought not of what grand ideology or philosophy made such a thing just, practical, or self-serving. We simply did. We obviously consider these things after the fact, but that is the key — rather than dream up rationale for our actions and then engage in actions, we went forward with gut instincts then sought to understand the causes of our predicament afterward. We made the universe known through doing, not through proving.

But perhaps the most important zhang of Tao is the one that puts the biggest smile on my face. For being not-being in time and space is quite the task, it is easy to get bogged down in seriousness, or even worse, begin to miss the point and start explaining yourself. When our enemies describe us — invariably incorrectly — it is easy enough to laugh, and remember the words of zhang 20 quite simply:

Other people are excited
as though they were at a parade.
I alone don’t care,
I alone am expressionless,
like an infant before it can smile.

Other people have what they need,
I alone possess nothing.
I alone drift about,
like someone without a home.
I am like an idiot, my mind is so empty.

Other people are bright;
I alone am dark.
Other people are sharp;
I alone am dull.
Other people have a purpose;
I alone don’t know.
I drift like a wave on the ocean,
I blow as aimless as the wind.

At this point in time, we ought not to seek to correct our detractors. They fumble about against a tide they fail to understand. The Right has the book thrown at us every day. We simply ride the winds where they take us, and we’ve done a cracking good job of it so far. Above all, we are nothing like those bogged down with the hubris of pretending to know who we or they are — we simply are.

mardi, 30 juin 2020

Le chancre de Hong Kong

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Le chancre de Hong Kong

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Malgré la menace persistante du coronavirus, la République populaire de Chine renoue avec ses problèmes d’ordre politique, environnemental, économique et social. Outre le ralentissement perceptible de l’« atelier du monde », le retour d’une forte pollution urbaine et de vives tensions frontalières avec l’Inde, l’agitation recommence à Hong Kong.

Depuis son retour à la mère-patrie chinoise en 1997, la principale place financière d’Extrême-Orient fait preuve d’une indiscipline habituelle qu’amplifie une nouvelle révolution de couleur qui suit celle des « parapluies ». Il y a un an, il s’agissait de contester un projet de loi permettant les extraditions vers la Chine continentale. Il s’agit aussi maintenant de s’opposer depuis le mois dernier à un projet de loi de sécurité nationale contre les risques de sédition, de subversion et de sécession. Ce nouveau texte passe directement devant le parlement chinois sans se préoccuper du parlement local de Hong Kong.

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Les manifestants anti-Pékin à Hong Kong bénéficient du soutien officiel de Washington et de Londres. Donald Trump pourrait sanctionner la Chine si elle promulgue ces lois. Pour sa part, Boris Johnson se dit prêt à accorder la nationalité britannique aux résidents de Hong Kong, quitte à revenir sur une loi qui l’interdisait datant de Margaret Thatcher. Cette ingérence des Anglo-Saxons est inacceptable. Les Chinois se souviennent que Hong Kong devint une colonie britannique au lendemain de la Première Guerre de l’opium par l’odieux traité de Nankin de 1842. L’implantation anglaise résulte donc d’une intervention militaire coloniale destinée à encourager la consommation massive d’une drogue interdite dans l’Empire du Milieu. Le peuple chinois rumine encore ce viol territorial.

Partout où les Anglo-Saxons partent d’un territoire, ils le laissent appauvri et divisé : coupure artificielle de la péninsule coréenne en 1945, partage sanglant entre l’Inde et le Pakistan, tensions communautaires gréco-turques à Chypre, etc. On peut y rajouter l’existence d’un Canada multiculturaliste négateur de la spécificité identitaire canadienne-française.

La région autonome spéciale de Hong Kong dispose d’un statut particulier d’une durée de cinquante ans selon le principe officiel d’« un pays, deux systèmes ». Toutefois, les dirigeants chinois ont peu à peu compris que ce principe ne tient pas face à la mentalité anglo-saxonne qui prévaut toujours à Hong Kong. Par ses ambiguïtés consubstantielles, la langue anglaise ne véhiculerait-elle pas une perception du monde liquide, marchande et profondément corrosive ?

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Des droitards français chez qui le Mur de Berlin n’est jamais tombé dans leur tête soutiennent par anti-communisme désuet les revendications des agitateurs professionnels de Hong Kong sans s’apercevoir, ni comprendre que derrière elles s’avancent des prises de position humanitaristes, cosmopolites et gendéristes qu’ils combattent par ailleurs en Europe. Cette schizophrénie et ce manichéisme témoignent d’un grand aveuglement. Oui, la Chine populaire cumule un communisme persistant, un nationalisme renaissant et un ultra-libéralisme d’État. Détaché des contraintes propres aux ploutocraties ochlocratiques de l’Ouest crépusculaire, l’État chinois se fait stratège géopolitique. Il conçoit les « nouvelles routes de la soie » eurasiatiques. Au contraire du Bloc occidental atlantiste, Pékin sait respecter la souveraineté étatique de ses partenaires. La Chine ne dénonce jamais les violences policières aux États-Unis, ne critique pas les trente années de répression militaire britannique en Irlande du Nord, n’incite pas, à l’inverse des ambassades US, les banlieues de l’immigration allogène de l’Europe occidentale à se soulever.

L’effervescence stérile de Hong Kong contraste avec une autre région administrative spéciale devenue chinoise en 1999, Macao. Par l’ancienneté de la présence européenne dès 1557, l’ex-colonie portugaise devrait elle aussi être en pointe dans la contestation, ce qui n’est pas le cas. Comment expliquer cette différence, sinon par un état d’esprit tout autre ? Sortons du cadre universel et uniforme coutumier et acceptons le plurivers éclectique des puissances, des civilisations, des races, des États et des peuples. Le monde chinois ne correspond pas au « monde » occidental post-blanc, ni au monde russe et encore moins aux mondes africains ou arabe. L’éloignement relativise de fait la primauté de certaines valeurs plus que négligeables telles que l’idéologie des droits de l’homme.

Il est par conséquent risible de voir Londres en plein Brexit difficile, pris par un regain d’indépendantisme en Écosse, voire en Ulster, et Washington, plus que jamais capitale des États-Désunis d’Amérique, s’indigner des intentions légitimes de la Chine populaire. Le gouvernement central de Pékin devrait crever au plus vite l’abcès purulent de Hong Kong et y proclamer l’état d’urgence. L’armée de libération populaire mettrait enfin au pas une populace christianomorphe rétive à l’ordre grand-spatial han.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 178.

mercredi, 24 juin 2020

L'Union Européenne et la Chine, désormais alliés stratégiques ?

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L'Union Européenne et la Chine, désormais alliés stratégiques ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le 10e Dialogue Stratégique entre l'Union Européenne (UE) et la Chine, en date du 9 Juin 2020, préparant un prochain Sommet Européen (voir référence ci-dessous), marque la volonté de ces deux puissances de coopérer plus étroitement, à la suite de l'épidémie de Covid-19 mais aussi de l'effacement actuel des Etats-Unis.

Si cette volonté se précisait, elle pourrait annoncer un changement important dans l'équilibre politique du monde.

L'UE était représentée lors de cette rencontre par le vice-président Josep Borrell et la Chine par le ministre des affaires étrangères Wang Yi. La Grande-Bretagne n'y participait pas du fait de sa sortie récente de l'UE. L'objet du Dialogue était d'examiner les nouveaux domaines possibles de coopération résultant des effets dévastateurs de l'épidémie. Celle-ci paraît en effet des deux côtés en voie d'être maîtrisée, comme par ailleurs en Russie, malgré quelques résurgences toujours possibles. Au contraire, elle continue à s'étendre en Amérique.

La Chine dispose d'importantes réserves financières. Par ailleurs les entreprises occidentales, y compris en Europe, continuent à lui sous-traiter de nombreux domaines industriels qu'il sera impossible de rapatrier en Europe. Cependant, ses dirigeants considèrent qu'elle ne pourra jamais se passer de l'Europe. Celle-ci demeurera pour elle un partenaire essentiel. Il en est de même des Européens.

Les domaines de coopération dans une économie mondialisée post-Covid seront nombreux. On mentionnera en particulier les recherches scientifiques ainsi que les technologies nouvelles, y compris dans le domaine spatial. Le partage du travail avec la Chine sera bien plus fructueux que la compétition.

Dans ces différents domaines, les Etats-Unis resteront longtemps pour les deux parties un partenaire essentiel. Cependant récemment, lors de la crise du coronavirus notamment, Donald Trump avait décidé de renforcer les frontières et de ne pas participer aux efforts communs de lutte. Ainsi l'Italie au fort de la crise n'avait reçu aucune aide de Washington. Ce fut la Chine qui lui apporta une contribution non négligeable. 

De plus, son incapacité à lutter efficacement contre l'épidémie et ses effets sociétaux avait, comme l'on montré les sondages récents de l'Institut allemand Koerber et de l'Institut américain Pew, a conduit l'opinion européenne à considérer que la coopération avec l'Amérique ne devenait plus pour les Européens une priorité. Ceci ne date pas seulement de l'épidémie. Dès 2017 la volonté américaine de leur interdire toute coopération avec la Chine, notamment dans le domaine de la 5G, au prétexte que celle-ci favoriserait l'espionnage chinois et le détournement des compétences européennes, avait suscité un refus quasi général.

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Aussi bien, le président chinois Xi Jinping a eu sur les perspectives de coopération de nombreux échanges téléphoniques (épidémie oblige) avec Angela Merkel et Emmanuel Macron. Le 10e Dialogue Stratégique entre l'UE et la Chine a confirmé cette volonté réciproque de coopération, comme le montre la conférence de presse de Josep Borrel, référencée ci-dessous.

Josep Borrell y indique que la Chine dont le rôle international ne cessera de s'accroître sera pour l'Europe un partenaire incontournable, en dépit de leurs différences en matière politique ou dans le domaine des droits de l'homme. Il y reconnaît que la Chine n'a pas d'ambitions militaires susceptibles de l'opposer à l'Europe. Même s'il existe de nombreuses divergences d'intérêt, il n'y a pas de « rivalité » au sens propre. Dans l'optique de construire un monde multilatéral, objectif confirmé des deux parties, les dialogues constructifs continueront à s'imposer.

Référence:

EU-China Strategic Dialogue: Remarks by High Representative/Vice-President Josep Borrell at the press conference
9 Juin 2020

https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage...

 

dimanche, 21 juin 2020

La cause des tensions entre la Chine et l’Inde

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La cause des tensions entre la Chine et l’Inde

 
 
Auteur : Zamir Awan 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying, a déclaré : Un « consensus positif » sur la résolution de la dernière question frontalière a été obtenu à la suite d’une « communication efficace » par les canaux diplomatiques et militaires. New Delhi a déclaré que les deux pays avaient convenu de « résoudre pacifiquement » la flambée de violence à la frontière après une réunion de haut niveau entre les commandants de l’armée. Le Premier ministre indien Narendra Modi et le leader chinois Xi Jinping avaient cherché à apaiser les tensions lors des sommets de ces deux dernières années lorsqu’ils ont convenu de renforcer les communications frontalières entre leurs armées.

Les tensions entre les deux puissances régionales s’exacerbent assez régulièrement à propos de leur frontière de 3 500 kilomètres, qui n’a jamais été correctement délimitée. Des milliers de soldats des deux voisins dotés de l’arme nucléaire ont été impliqués dans le dernier affrontement depuis mai dans la région indienne du Ladakh, à la frontière du Tibet – avant que des signes ne montrent ces derniers jours qu’une résolution était en vue.

La question s’est posée récemment lorsque l’Inde a renforcé unilatéralement sa position dans le territoire contesté du Ladakh, que l’Inde a inclus dans son territoire d’union le 5 août 2019. En revanche, il s’agissait d’un territoire contesté reconnu, et les deux pays avaient une revendication sur la région. L’Inde s’est introduite illégalement et a construit des installations de défense de l’autre côté de la frontière, en territoire chinois, dans la région de la vallée de Galwan, ne laissant aux troupes frontalières chinoises d’autre choix que de prendre les mesures nécessaires en réponse. L’Inde veut construire une base aérienne dans le territoire contesté. Il convient de mentionner que, dans le cadre d’un accord de défense, entre les États-Unis et l’Inde, les deux pays peuvent avoir accès aux bases militaires de l’autre et ont le droit de les utiliser en cas de situation de guerre. L’utilisation par les Américains de la base aérienne du Ladakh contre la Chine constitue une menace directe pour celle-ci. C’était la préoccupation immédiate de la partie chinoise et elle n’avait pas la possibilité d’arrêter les travaux de construction sur le territoire contesté.

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En Inde, l’accent a été mis sur la route Durbuk- Shyok-Daulet Beg Oldi (DSBDBO) le long du fleuve Galwan – qui est plus ou moins parallèle à la LAC (Line of Actual Control) et améliore l’accès de l’Inde à la route Karakoram – comme point de départ possible de la dernière flambée entre la Chine et l’Inde. L’Inde a l’intention de couper la liaison terrestre entre la Chine et le Pakistan pour nuire au CPEC (Corridor économique Chine-Pakistan). C’est pourquoi l’Inde a fortifié son infrastructure à proximité du Khunjrab-Pass, reliant la Chine et le Pakistan.

Cependant, la Chine reste beaucoup plus préoccupée par la nouvelle section de 80 kilomètres de Dharchula à Lipulekh (la porte de Kailash-Mansarovar, un site de pèlerinage hindou au Tibet), achevée le 17 avril et inaugurée le 8 mai par le ministre indien de la défense Rajnath Singh. Cela a peut-être conduit Pékin à revoir la situation aux frontières entre la Chine et l’Inde.

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Selon l’évaluation chinoise, l’activité de construction de l’Inde dans les zones contestées avec le Népal a affecté la sécurité de la frontière chinoise au Tibet. En construisant le tronçon de 80 km (76 km ont été achevés récemment, et les 4 derniers kilomètres de la route menant au col de Lipulekh devraient être terminés d’ici la fin de l’année), l’Inde a déplacé sa frontière avec la Chine, obtenant un accès direct à la route en béton du comté de Purang au Tibet. Elle a ainsi modifié le statu quo dans la région. La Chine dispose déjà de routes de défense de la frontière dans le comté de Purang, à la frontière centrale, et dans le comté de Cona, à la frontière sud avec l’Inde, et un aéroport chinois à Purang devrait être achevé en 2021. Malgré son état de préparation de son côté de la frontière, la Chine craint que l’Inde ne dispose encore d’une grande marge de manœuvre, utilisant l’avantage géographique du Népal pour contester la position dominante de la Chine dans la région.

En fait, l’Inde a des différends avec tous ses voisins comme la Chine, le Népal, le Pakistan, le Bangladesh, le Myanmar, la Srilanka et les Maldives. La théorie expansionniste indienne de la « grande Inde » est la cause de réels problèmes. Dans le passé, l’Inde a occupé certains de ses États souverains indépendants voisins comme le Sikkim, le Nagaland, le Jammu & Cachemire, Hyderabad, Juna Garh, etc. L’Inde a un passé d’agression et de coercition contre ses petits voisins. L’Inde a un passé d’agression et de coercition contre ses petits voisins. Mais elle pourrait être confrontée à des difficultés avec la Chine. La leçon apprise lors de la guerre de 1962, les Indiens ne devraient pas avoir à développer une inimitié avec la Chine.

Historiquement, les conflits frontaliers existent depuis 1947, lorsque l’Inde a obtenu son indépendance de la domination britannique. C’était l’époque de la révolution chinoise, lorsqu’un gouvernement faible, corrompu et naïf du Parti nationaliste (Guo Ming Dang) était au pouvoir à Pékin, et que le Parti communiste chinois, dirigé par le président Mao, était trop engagé dans la lutte pour le pouvoir. Le gouvernement chinois de l’époque n’était ni fort, ni stable, ni visionnaire et luttait pour sa propre survie. Ils étaient moins préoccupés par leurs frontières internationales, alors qu’ils se concentraient sur leur emprise sur la ville de Pékin uniquement, en tant que symbole de leur gouvernement. La démarcation de la frontière par les Britanniques était injuste et unilatérale. Des territoires chinois ont été marqués pour être contrôlés par l’Inde et vis-à-vis de celle-ci. La République populaire de Chine a été créée en 1949. Depuis lors, la Chine réclamait une frontière rationnelle, mais l’Inde refusait et tardait à résoudre les différends frontaliers.

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Il convient de comprendre l’importance du Tibet, qui est une région d’Asie de l’Est couvrant le plateau tibétain sur environ 2,5 millions de km², avec une altitude moyenne de 4000 à 5000 mètres au-dessus de la mer. C’est la principale source d’eau pour la Chine, l’Inde, le Pakistan, le Népal, le Myanmar, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam. Plusieurs grands fleuves prennent leur source sur le plateau tibétain. Il s’agit notamment du Yangtsé, du fleuve Jaune, du fleuve Indus, du Mékong, du Gange, du Salween et du Yarlung Tsangpo (fleuve Brahmapoutre). Ceux qui gouvernent le Tibet, contrôlent l’eau. Le Grand Canyon du Yarlung Tsangpo, qui longe le fleuve Yarlung Tsangpo, est l’un des canyons les plus profonds et les plus longs du monde. Le Tibet est l’une des plus anciennes civilisations, avec sa culture et ses traditions uniques. L’Inde a parrainé le gouvernement tibétain en exil dirigé par le Dalaï Lama, basé à New Delhi, ce qui est une cause permanente de tension entre la Chine et l’Inde. Des documents classifiés de la CIA ont révélé que la CIA a aidé l’Inde à mettre en place le gouvernement tibétain en exil et a utilisé les fonds qu’elle lui a versés jusqu’à présent.

Depuis presque deux décennies, les relations croissantes entre les États-Unis et l’Inde n’ont pas non plus été considérées en faveur de la Chine. Les États-Unis soutenaient l’Inde politiquement et diplomatiquement pour qu’elle rejoigne le Conseil de sécurité des Nations unies, le NSG et d’autres plateformes internationales pour contrer la Chine. Les États-Unis ont généreusement accordé une assistance économique et militaire à l’Inde, afin de renforcer l’Inde pour contenir la Chine. La coopération entre les États-Unis et l’Inde dans les domaines de l’éducation, de la science et de la technologie, de la haute technologie et des technologies de pointe, notamment en matière de défense, soulève de nombreuses questions. L’Inde est devenue un « partenaire majeur en matière de défense » avec les États-Unis. L’Inde est un membre actif du Traité Indo-Pacifique avec le Japon, l’Australie et les Etats-Unis. L’Inde s’oppose ouvertement à l’initiative « Nouvelle route de la soie » (BRI), qui est incluse dans la Constitution chinoise et qui est une méga initiative du gouvernement chinois. Le Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), qui est un projet phare de la BRI, Inde, est engagé dans le sabotage et l’endommagement de celui-ci. L’Inde s’oppose à la Chine sur tous les sujets dans les plateformes internationales. L’inclinaison excessive de l’Inde vers les États-Unis est également alarmante pour la Chine. L’Inde est devenue le plus grand bénéficiaire de l’aide américaine après l’État d’Israël. Les États-Unis n’offriront pas un « déjeuner gratuit » à l’Inde, mais chargeront plutôt l’Inde de « contrer la Chine », « contenir la Chine » et « résister à l’ascension de la Chine ».

La géopolitique actuelle, en particulier la rivalité entre les États-Unis et la Chine, pourrait alimenter la tension sino-indienne. Il est possible que les États-Unis utilisent cette région comme un champ de bataille contre la Chine. Des astrologues prédisent également une guerre dans cette région. La région est plutôt instable et mène en danger de conflits. Il ne s’agira peut-être pas d’une simple guerre entre la Chine et l’Inde, mais elle pourrait englober toute la région et les puissances mondiales, y compris la Russie et les États-Unis. Elle pourrait même s’étendre à l’océan Indien et à l’océan Pacifique. Ce ne sera pas une simple guerre conventionnelle, mais une guerre de haute technologie, incluant la cyber-guerre, la guerre électronique, la technologie spatiale et l’intelligence artificielle. Toutes les armes mortelles seront utilisées, en particulier la Chine, l’Inde et le Pakistan, qui sont tous des États nucléaires et possèdent suffisamment d’armes pour s’autodétruire complètement. Les extrémistes ont détourné le gouvernement indien et s’orientent visiblement vers une rivalité avec tous ses voisins.

Il convient de mentionner que la Chine compte 1,4 milliard d’habitants, l’Inde 1,3 milliard, le Pakistan 220 millions, le Bangladesh 165 millions, et que la population totale de cette région représente presque la moitié de la population du monde entier. Toute mésaventure peut menacer la moitié du monde. La communauté internationale peut en prendre sérieusement note et intervenir pour éviter toute catastrophe. Nous devons réfléchir, non pas une ou deux fois, mais plusieurs fois !

Traduction:  Aube Digitale

vendredi, 19 juin 2020

Sans unification, l'Europe sera le théâtre du conflit opposant les Etats-Unis à la Chine

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Sans unification, l'Europe sera le théâtre du conflit opposant les Etats-Unis à la Chine

Ex: http://imperiumeuropa.hautetfort.com   

Parmi les nombreuses raisons qui sont avancées pour justifier l'unification politique de l'Europe, que celles-ci soient données par les européistes mondialistes ou par les identitaires européens, il y en a une qui n'est jamais évoquée. L'unification politique de notre continent est nécessaire, car elle est indispensable à notre survie pour empêcher que notre continent ne devienne le théâtre de l'affrontement entre la Chine et les Etats-Unis. Durant la période entre 1945 et 1991, année de l'effondrement de l'URSS, l'Europe a vécu une période bénie des Dieux. Notre continent était divisé entre les deux principales puissances de l'époque. Elles concentraient sur notre sol une grande partie de leurs forces armées et de leurs moyens de destruction. Mais l'équilibre de la terreur empêchait paradoxalement tout affrontement direct entre les deux. Washington et ses alliés tout comme Moscou et les siens savaient qu'une guerre en Europe équivaudrait à une destruction mutuelle. Cette situation a été à l'origine de la période de paix qui a prévalu en Europe durant des décennies. C'est tellement vrai, qu'il faudra attendre la chute du mur de Berlin en 1989 pour que le Vieux continent connaisse à nouveau les affres d'un conflit militaire avec l'éclatement de la Yougoslavie en 1991. La conscience qu'un affrontement direct en Europe provoquerait leur destruction mutuelle a conduit ces puissances à s'opposer indirectement sur les théâtres périphériques (Asie, Afrique, Moyen-Orient, Amérique latine). La situation aujourd'hui me semble comparable. Sauf que le cœur de l'affrontement ne se situe plus en Europe mais en Asie. Et pour les Européens, malheureusement, cela va tout changer.

La Chine et les Etats-Unis veulent tous les deux la suprématie planétaire. La plus grande partie de leurs forces sont concentrées en Asie. Du côté américain, cette situation a été validée lors de la double présidence de Barack Obama avec la décision de transférer vers la zone Asie-Pacifique la majeure partie de la flotte américaine. Mais comme au siècle dernier, les deux puissances savent pertinemment qu'un affrontement direct en Asie et dans le Pacifique engendrerait leur destruction mutuelle. C'est donc sur les théâtres périphériques que ces deux puissances s'affrontent déjà, de manière indirecte, via des nations, des rébellions, des mouvements terroristes ou des consortiums économiques. Et cette fois, malheureusement, l'Europe est devenu l'un des enjeux de cette bataille. Les stratèges américains, conscients de l'impossibilité d'une guerre traditionnelle face à la Chine du fait de l'arme atomique, misent leurs espoirs sur une répétition de la Guerre Froide. Ils veulent entraîner la Chine dans une guerre économique, commerciale, numérique et technologique qu'elle ne serait pas en mesure, selon eux, de gagner afin de provoquer comme jadis en URSS l'essoufflement puis l'effondrement du régime. La guerre sur les tarifs douaniers lancée par Donald Trump ou ses attaques contre l'un des fleurons de la technologie chinoise, l'entreprise Huawei, pour le contrôle planétaire de la 5 G, sont les signes précurseurs de cette stratégie. Et on peut même se demander, certains m'accuseront ici de complotisme, si les pannes électriques majeures au Vénézuela et plus récemment en Uruguay, économie florissante à la différence de sa voisine bolivarienne, ainsi qu'en Argentine, n'entrent pas dans la préparation de ces nouvelles formes de guerre qui opposeront les deux géants.

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En Europe, la Chine avance ces pions. Bien aidée par l'hostilité des néo-conservateurs américains qui voient toujours en Moscou une puissance rivale. Les Etats-Unis n'ont jamais voulu d'une Russie indépendante, forte et européenne. Leur hantise que cela puisse déboucher sur l'émergence d'une Europe continentale unie, qui passe nécessairement par un axe Paris-Berlin-Moscou, et qui se placerait automatiquement en rivale des Etats-Unis a toujours était au cœur des préoccupations de la géopolitique anglo-saxonne. Il suffit de se rappeler de ce que les Américains ont tenté de faire de ce pays sous la présidence du pantin Boris Eltsine pour comprendre de quelle Russie ils se satisferaient. Le malheur pour les Européens et que cette politique pousse Moscou dans les bras de la Chine ce qui entraîne déjà des répercussions dramatiques pour notre continent. Les tensions et les guerres aux confins des frontières russes ou dans ses traditionnelles zones d'influence se multiplient. On le voit déjà en Ukraine mais attendez-vous à ce que cela tangue en Transnistrie, en Moldavie, dans les Balkans, dans le Caucase, en mer Baltique et peut-être autour de l'enclave de Kaliningrad dans le pire des cas. On le voit déjà dans les pressions exercées par Washington sur l'Allemagne et différents pays européens pour empêcher la réalisation du projet de gazoduc Nord Stream 2 qui doit alimenter l’Europe en énergie russe bon marché au détriment du gaz de schiste américain. Une déstabilisation de la dictature Biélorusse peut également s'inscrire dans ce schéma d'affrontement indirect entre la Chine et les Etats-Unis. L'Europe ne manque pas de terrain de jeu.

À cela s'ajoute le fait que le projet chinois de nouvelles routes de la soie n'épargne pas l'Europe. Ses tentatives de prendre le contrôle d'une partie de l'économie grecque, n'oublions pas qu'elle a acheté le port d'Athènes, ses investissements de plus en plus nombreux dans les Balkans, notamment en Albanie, ou ses récentes propositions économique alléchantes aux différents gouvernements italiens, entrent bien entendu dans ses plans de domination économique. Mais ces initiatives prouvent surtout que l'Europe devient pour la puissance chinoise un théâtre d'affrontement dans le cadre de sa rivalité avec la puissance américaine pour la suprématie mondiale. Et cela n'augure rien de bon pour les Européens. Si nous ne voulons pas subir ce que les nations africaines, asiatiques ou sud-américaines ont subi durant la Première Guerre Froide, les Européens doivent mettre immédiatement un terme à leurs divisions, tendre la main à Moscou et sortir de l'OTAN. Seule une Europe puissante et unie, rassemblant la Russie, pourra nous éviter le destin funeste que Chinois et Américains nous réservent au travers de leur affrontement.

D.B.

lundi, 15 juin 2020

Une Otan visant la Chine ?

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Une Otan visant la Chine ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Des parlementaires provenant de huit grandes puissances viennent de mettre en place, le 5 juin 2020, une Alliance interparlementaire contre la Chine “Inter-Parliamentary Alliance on China (IPAC)”. Elle vise officiellement à contrer les succès économiques de la Chine en Asie et à soutenir Washington dans sa guerre commerciale avec Pékin.

Les Etats représentés sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, la Norvège, la Suède, l'Allemagne et l'Australie. Y participent aussi des membres du Parlement Européen. L'IPAC se décrit elle-même sur le site https://www.ipac.global/ auquel on se reportera.

On y lit notamment que la montée en puissance de la République Populaire de Chine sous la direction de Parti Communiste Chinois PRC représente un défi au regard des « valeurs occidentales » telles que la démocratie, les droits de l'homme, le libéralisme ainsi que la sécurité. Il convient donc de développer une réponse coordonnée à ces défis, se substituant aux espoirs d'une coopération économique sur le mode gagnant-gagnant.

L'IPAC est pour le moment dirigée par des membres du Parlement britannique, la chef du Labour Party Helena Kennedy et un des leaders du parti Conservateur Duncan Smith. Des parlementaires représentant les autres Etats ont commencé à s'y inscrire. Dans un premier temps l'IPAC se propose de définir une coopération pour la défense de la sécurité et de l'intégrité nationale, non seulement parmi les membres mais en relation avec les nombreux pays où la Chine développe des investissements et des politiques de crédit importants.

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En Chine, comme parmi certains membres des oppositions politiques au sein des pays membres, la démarche de l'IPAC est vue comme une tentative américaine pour créer une nouvelle organisation militaire semblable à l'Otan, qui cette fois viserait non plus la Russie mais la Chine. Quelles en seraient les conséquences au regard de la sécurité internationale ?

Le fait que les fondateurs de l'IPAC soient des parlementaires et non des militaires pourrait rassurer. Mais en fait, l'IPAC pour le moment ne viserait pas, n'en étant pas capable, de mener une guerre classique contre la Chine. Elle envisage de définir une guerre hybride dite aussi de 4e génération conjuguant différents types d'agressions, économiques, numériques, idéologiques. Mais rien ne garantit que l'IPAC, comme l'Otan à ses débuts, ne bascule pas progressivement du domaine civil au domaine militaire. Le risque de guerre mondiale deviendrait alors maximum.
 

vendredi, 12 juin 2020

La Chine affine son «Art de la guerre (hybride)»

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La Chine affine son «Art de la guerre (hybride)»

par Pepe Escobar

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Le général chinois Qiao Liang affirme que « si nous devons danser avec les loups, nous ne devrions pas danser au rythme des États-Unis ».

En 1999, Qiao Liang, alors colonel chevronné de l’armée de l’air dans l’Armée de libération du peuple (APL), et Wang Xiangsui, un autre colonel émérite, ont provoqué un énorme tumulte avec la publication de Unrestricted Warfare : China’s Master Plan to Destroy America [La guerre totale : le plan stratégique de la Chine pour détruire l’Amérique].
 
Unrestricted Warfare était essentiellement le manuel de l’APL pour la guerre asymétrique : une mise au goût du jour de l’Art de la Guerre de Sun Tzu. Au moment de la publication initiale, alors que la Chine était encore loin de son influence géopolitique et géo-économique actuelle, le livre était conçu pour présenter une approche défensive, loin du sensationnaliste « détruire l’Amérique » ajouté au titre pour la publication américaine en 2004.

Le livre est maintenant disponible dans une nouvelle édition et Qiao Liang, en tant que général à la retraite et directeur du Conseil de Recherche sur la Sécurité Nationale, a refait surface dans une interview très révélatrice publiée à l’origine dans l’édition actuelle du magazine Zijing (Bauhinia), basé à Hong Kong.

Le général Qiao n’est pas un membre du Politburo habilité à dicter la politique officielle. Mais certains analystes, avec lesquels je me suis entretenu, s’accordent à dire que les points clés qu’il fait à titre personnel sont assez révélateurs de la pensée de l’APL. Passons en revue certains de ses points forts.

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Danser avec les loups

L’essentiel de son argumentation se concentre sur les lacunes de l’industrie manufacturière américaine : « Comment les États-Unis peuvent-ils aujourd’hui vouloir faire la guerre à la plus grande puissance manufacturière du monde alors que leur propre industrie est vidée de son contenu ? »

Un exemple, en référence au Covid-19, est la capacité de produire des respirateurs :

« Sur plus de 1 400 pièces nécessaires pour un respirateur, plus de 1 100 sont produites en Chine, y compris l’assemblage final. C’est le problème des États-Unis aujourd’hui. Ils disposent d’une technologie de pointe, mais pas des méthodes ni des capacités de production. Ils doivent donc s’appuyer sur la production chinoise ».

Le général Qiao rejette la possibilité que le Vietnam, les Philippines, le Bangladesh, l’Inde et d’autres nations asiatiques puissent remplacer la main-d’œuvre bon marché de la Chine :

« Réfléchissez : lequel de ces pays a le plus de travailleurs qualifiés que la Chine. Quelle quantité de ressources humaines, de moyen et haut niveau, a été produite en Chine au cours de ces 30 dernières années ? Quel pays forme plus de 100 millions d’étudiants aux niveaux secondaire et universitaire ? L’énergie de tous ces gens est encore loin d’être libérée pour le développement économique de la Chine ».

Il reconnaît que la puissance militaire américaine, même en période d’épidémie et de difficultés économiques, est toujours capable « d’interférer directement ou indirectement dans la question du détroit de Taïwan » et de trouver une excuse pour « bloquer et sanctionner la Chine et l’exclure de l’Occident ». Il ajoute qu’« en tant que pays producteur, nous ne pouvons toujours pas satisfaire notre industrie manufacturière avec nos propres ressources et compter sur nos propres marchés pour consommer nos produits ».

En conséquence, il affirme que c’est une « bonne chose » pour la Chine de s’engager dans la cause de la réunification [avec Taïwan], « mais c’est toujours une mauvaise chose si cela est fait au mauvais moment. Nous ne pouvons agir qu’au bon moment. Nous ne pouvons pas permettre à notre génération de commettre le péché d’interrompre le processus de renaissance de la nation chinoise ».

Le général Qiao affirme :

« Ne pensez pas que seule la souveraineté territoriale concerne les intérêts fondamentaux d’une nation. D’autres types de souveraineté – économique, financière, de défense, alimentaire, des ressources, biologique et culturelle – sont tous liés aux intérêts et à la survie des nations et sont des composantes de la souveraineté nationale ».

Pour stopper le mouvement d’indépendance de Taïwan, « en dehors de la guerre, d’autres options doivent être prises en considération. Nous pouvons réfléchir aux moyens d’agir dans l’immense zone grise entre la guerre et la paix, et nous pouvons même penser à des moyens plus particuliers, comme le lancement d’opérations militaires qui ne conduiront pas à la guerre, mais qui peuvent impliquer un usage modéré de la force ».

Dans une formulation illustrée, le général Qiao pense que « Si nous devons danser avec les loups, nous ne devrions pas danser au rythme des États-Unis. Nous devrions avoir notre propre rythme, et même essayer de casser leur rythme, pour minimiser leur influence. Si la puissance américaine brandit son bâton, c’est parce qu’elle est tombée dans un piège ».

En bref, pour le général Qiao,

« la Chine doit tout d’abord faire preuve de détermination stratégique pour résoudre la question de Taïwan, et ensuite de patience stratégique. Bien sûr, le postulat est que nous devons développer et maintenir notre force stratégique pour pouvoir résoudre la question de Taïwan par la force à tout moment ».

 
Les gants sont enlevés

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Comparons maintenant l’analyse du général Qiao avec le fait géopolitique et géo-économique désormais évident que Pékin répondra par la force des choses à toute tactique de guerre hybride déployée par le gouvernement américain. Les gants sont définitivement enlevés.

L’expression « gold standard » est apparue dans un éditorial sans retenue du Global Times:

« Nous devons être clairs sur le fait que la stratégie nationale de la Chine sera axée sur la lutte contre l’agression américaine. Nous devrions renforcer la coopération avec la plupart des pays. Les États-Unis sont censés contenir les lignes de front internationales de la Chine, et nous devons mettre fin à ce complot américain et faire de la rivalité entre la Chine et les États-Unis un processus d’auto-isolement américain ».

Un corollaire inévitable est que l’offensive tous azimuts visant à paralyser Huawei sera contrecarrée en proportion, en ciblant Apple, Qualcom, Cisco et Boeing, y compris « des enquêtes ou des suspensions de leur droit de faire des affaires en Chine ».

Ainsi, à toutes fins pratiques, Pékin a maintenant dévoilé publiquement sa stratégie pour contrecarrer les affirmations du Président américain Donald Trump du genre « Nous pourrions arrêter l’ensemble du business ».

Un mélange toxique de racisme et d’anticommunisme est responsable du sentiment anti-chinois prédominant aux États-Unis chez au moins 66% de l’ensemble de la population. Trump s’en est instinctivement emparé – et en a fait le thème de sa campagne de réélection, entièrement approuvé par Steve Bannon.

L’objectif stratégique est de s’attaquer à la Chine dans tous les domaines. L’objectif tactique est de forger un front anti-Chine à travers l’Occident : un autre exemple d’encerclement, de style guerre hybride, axé sur la guerre économique.

Cela impliquera une offensive concertée, en essayant de faire respecter les embargos et en essayant de bloquer les marchés régionaux aux entreprises chinoises. La guérilla juridique sera la norme. Même le gel des avoirs chinois aux États-Unis n’est plus une proposition farfelue.

Toutes les ramifications possibles des Nouvelles Routes de la Soie – sur le front énergétique, les ports, la Route de la Soie de la Santé, l’interconnexion numérique – seront stratégiquement ciblées. Ceux qui rêvaient que la Covid-19 pourrait être le prétexte idéal pour un nouveau Yalta – réunissant Trump, Xi et Poutine – peuvent reposer en paix.

L’« endiguement » sera mis à rude épreuve. L’amiral Philip Davidson, chef du Commandement indo-pacifique, en est un bon exemple : il demande 20 milliards de dollars pour un « cordon militaire robuste » allant de la Californie au Japon et le long du littoral du Pacifique, avec « des réseaux d’attaque de précision à haute capacité de survie » le long du littoral du Pacifique et des « rotations de forces interarmées basées sur le front » pour contrer la « nouvelle menace que fait peser la concurrence des grandes puissances ».

Davidson soutient que « sans une dissuasion conventionnelle valable et convaincante, la Chine et la Russie seront encouragées à agir dans la région pour supplanter les intérêts américains ».

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Regardez le Congrès du Peuple

Du point de vue de larges régions du Grand Sud, la tension actuelle, extrêmement dangereuse, ou nouvelle guerre froide, est le plus souvent interprétée comme la fin progressive de l’hégémonie de la coalition occidentale sur la planète entière.

Pourtant, l’hégémon demande encore à des dizaines de nations de se positionner à nouveau dans un impératif de guerre mondiale contre le terrorisme du type « Vous êtes avec nous ou contre nous ».

Lors de la session annuelle de l’Assemblée populaire nationale, qui débute ce vendredi, nous verrons comment la Chine va gérer sa priorité absolue : se réorganiser sur le plan intérieur après la pandémie.

Pour la première fois en 35 ans, Pékin sera contrainte de renoncer à ses objectifs de croissance économique. Cela signifie également que l’objectif de doubler le PIB et le revenu par habitant en 2020 par rapport à 2010 sera également reporté.

Ce à quoi nous devons nous attendre, c’est un contrôle absolu des dépenses intérieures – et de la stabilité sociale – plutôt qu’une lutte pour devenir un leader mondial, même si cela n’est pas totalement négligé.

Après tout, le président Xi Jinping a clairement indiqué en début de semaine que « le développement et la distribution d’un vaccin Covid-19 en Chine, lorsqu’il sera disponible », ne seront pas soumis à la logique des grandes entreprises pharmaceutiques, mais « deviendront un bien public mondial. Ce sera la contribution de la Chine pour assurer l’accessibilité et le caractère abordable du vaccin dans les pays en développement ». Le Grand Sud est attentif.

Sur le plan interne, Pékin renforcera le soutien aux entreprises publiques qui sont fortes en matière d’innovation et de prise de risque. La Chine déjoue toujours les prédictions des « experts » occidentaux. Par exemple, les exportations ont augmenté de 3,5 % en avril, alors que les experts prévoyaient une baisse de 15,7%. L’excédent commercial était de 45,3 milliards de dollars, alors que les experts prévoyaient seulement 6,3 milliards de dollars.

Pékin semble identifier clairement l’écart grandissant entre un Occident, en particulier les États-Unis, qui plonge de facto dans une Nouvelle Grande Dépression, et une Chine qui est sur le point de relancer sa croissance économique. Le centre de gravité de la puissance économique mondiale continue à se déplacer, inexorablement, vers l’Asie.

Une guerre hybride ? Allez-y.

Pepe Escobar

Traduit par Michel, relu par jj pour Le Saker Francophone

mercredi, 03 juin 2020

5G, nouveau terrain de la course aux armements

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5G, nouveau terrain de la course aux armements

 
 
Auteur : Manlio Dinucci
Ex: http://www.zejournal.mobi

À la base aérienne Nellis au Nevada -annonce le Pentagone- commencera en juillet la construction d’un réseau expérimental 5G, qui deviendra opérationnel en janvier 2021.

Dans cette base s’est déroulée en mars dernier la Red Flag, la plus importante manoeuvre aérienne des États-Unis, à laquelle ont participé des forces allemandes, espagnoles et italiennes. Ces dernières étaient composées aussi de chasseurs F-35 qui -communique l’Aéronautique militaire- ont été “intégrés aux meilleurs dispositifs de l’aviation militaire américaine” afin d’”exploiter au maximum les potentialités des aéronefs et des systèmes d’armes en dotation”, y compris à coup sûr les nucléaires. À la Red Flag de 2021 seront probablement déjà en fonction, pour être testés dans un environnement réel, des réseaux mobiles 5G formés de tours montables et démontables en moins d’une heure pour être rapidement transférés selon l’opération en cours.

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La base Nellis.

La base Nellis est la cinquième sélectionnée par le Pentagone pour expérimenter l’utilisation militaire de la 5G : les autres se trouvent dans l’Utah, en Georgie, en Californie et dans l’Etat de Washington.

Un document du Service de recherche du Congrès (National Security Implications of Fifth Génération 5G MobileTechnologies, 22 mai 2020) explique que cette technologie de cinquième génération de la transmission mobile de données peut avoir “de nombreuses applications militaires”. L’une d’elles concerne les “véhicules militaires autonomes”, c’est-à-dire les véhicules robotiques aériens, terrestres et navals en capacité d’effectuer de façon autonome les missions d’attaque sans même être pilotés à distance. Ceci requiert le stockage et l’élaboration d’une énorme quantité de données qui ne peuvent pas être effectuées uniquement à bord du véhicule autonome. La 5G permettra à ce type de véhicule d’utiliser un système extérieur de stockage et élaboration de données, analogue à l’actuel Cloud pour le stockage personnel de dossiers. Ce système peut rendre possibles de “nouveaux concepts opérationnels militaires”, tel celui de l’”essaim” dans lequel chaque véhicule se relie automatiquement aux autres pour effectuer la mission (par exemple d’attaque aérienne d’une ville ou attaque navale d’un port ).

La 5G permettra de rendre plus puissant tout le système de commandement et contrôle des forces armées étasuniennes à une échelle mondiale : actuellement -explique le document- il utilise les communications par satellite mais, à cause de la distance, le signal prend un certain temps pour arriver, provoquant des retards dans l’exécution des opérations militaires. Ces retards seront pratiquement éliminés par la 5G. Celle-ci aura un rôle déterminant notamment dans l’utilisation des armes hypersoniques qui, dotées aussi de têtes nucléaires, circulent à une vitesse supérieure à 10 fois celle du son.

La 5G sera aussi extrêmement importante pour les services secrets, rendant possibles des systèmes de contrôle et d’espionnage beaucoup plus efficaces que les actuels. “La 5G est vitale pour conserver les avantages militaires et économiques de l’Amérique”, souligne le Pentagone.

Particulièrement avantageux est le fait que “la technologie émergente 5G, commercialement disponible, offre au Département de la Défense l’opportunité de bénéficier à moindres coûts de ce sytème pour ses propres exigences opérationnelles”. En d’autres termes le réseau commercial de la 5G, réalisé par des sociétés privées, se trouve utilisé par les forces armées étasuniennes avec une dépense beaucoup plus basse que celle qui serait nécessaire si le réseau était réalisé uniquement à des fins militaires. Ceci se passe aussi dans d’autres pays.

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On comprend donc que le contentieux sur la 5G, en particulier entre États-Unis et Chine, ne fait pas partie de la seule guerre commerciale. La 5G crée un nouveau terrain de la course aux armements, qui se déroule moins sur le plan quantitatif que qualitatif. Ceci n’est pas abordé par les médias et largement ignoré même par les critiques de cette technologie, qui concentrent leur attention sur les possibles effets nocifs pour la santé. Engagement certes de grande importance, mais qu’il faut unir à celui s’opposant à l’utilisation militaire de cette technologie, financée à leur insu par les utilisateurs ordinaires des téléphones portables de cinquième génération.

Traduit par Marie-Ange Patrizio

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lundi, 25 mai 2020

Guerre froide « 2.0 » : le coronavirus n’est qu’un prétexte

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Guerre froide « 2.0 » : le coronavirus n’est qu’un prétexte

Éditorial d'Éric Denécé (revue de presse : Centre Français de Recherche sur le Renseignement – mai 2020)*

Ex: https://cf2r.org

Un nouvel ordre mondial, organisé autour d’une nouvelle rivalité stratégique Etats-Unis/Chine structurant les relations internationales, pourrait bien enfin s’esquisser, trente ans après la chute de l’URSS et la fin de la Guerre froide.

L’épidémie du coronavirus a déclenché une crise sanitaire et une crise économique. Elle va également marquer une rupture géopolitique dont les premiers signes sont déjà visibles. Cette rupture se fonde sur deux éléments : l’un faux, l’autre vrai.

Mensonges et provocations américains

La fausse raison de cette évolution internationale majeure est la soi-disant responsabilité chinoise dans la diffusion de la pandémie.

Depuis plusieurs semaines, le Président américain a, à plusieurs reprises, accusé la Chine d’être responsable de la propagation du coronavirus dans le monde. Donald Trump a déclaré, le 30 avril, que le virus proviendrait d’un laboratoire de Wuhan[1]. Les failles de sécurité du laboratoire P4 sont l’occasion au passage, d’égratigner la France. Il a également menacé Pékin de représailles. Le 6 mai 2020, il a déclaré que l’épidémie actuelle, partie de Chine, est la « pire attaque de l’histoire contre les États-Unis, encore pire que Pearl Harbor ou les attentats du 11 septembre 2001 ». Trump a de nouveau critiqué Pékin pour avoir laissé le virus quitter le pays et considère que la Chine constitue « la menace géopolitique la plus importante pour les Etats-Unis pour le siècle à venir ».

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, n’a pas pris de gants non plus pour faire monter d’un cran supplémentaire l’escalade verbale à l’encontre de Pékin[2]. « Il existe des preuves immenses que c’est de là que c’est parti », a déclaré le secrétaire d’Etat sur la chaîne ABC, à propos de l’Institut de virologie de Wuhan. « Ce n’est pas la première fois que la Chine met ainsi le monde en danger à cause de laboratoires ne respectant pas les normes », a-t-il ajouté. Il a également dénoncé le manque de coopération des responsables chinois afin de faire la lumière sur l’origine exacte de la pandémie : « Ils continuent d’empêcher l’accès aux Occidentaux, aux meilleurs médecins », a-t-il dit sur ABC. « Il faut que nous puissions aller là-bas. Nous n’avons toujours pas les échantillons du virus dont nous avons besoin ».

Le secrétaire d’État a déclaré que le gouvernement Chinois avait fait tout ce qu’il pouvait « pour s’assurer que le monde ne soit pas informé en temps opportun » sur le virus. Il a déclaré à ABC que le Parti communiste chinois s’était engagé dans un « effort classique de désinformation communiste » en faisant taire les professionnels de la santé et en muselant les journalistes pour limiter la diffusion d’informations sur le virus.

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Ces attaques ont été appuyées par diverses productions gouvernementales falsifiant également la réalité dans le même sens, afin de donner corps à la réalité que la Maison-Blanche souhaite diffuser et imposer.

Selon l’Associated Press, un rapport de quatre pages du Département de la sécurité intérieure (DHS) accuse le Chine de n’avoir pas divulgué des informations sur le virus afin de mieux préparer sa réponse à la pandémie. Ce document indique que Pékin a diminué ses exportations et accru ses importations de fournitures médicales en janvier, ce qui incite le DHS à conclure « avec une certitude de 95% » que ces changements dans les importations de produits médicaux ne sont pas normaux.

De même, un rapport affirmant être une production des Five Eyes[3] – ce qui a été démenti -, publié par le Daily Star[4] britannique, avance que la Chine a sciemment détruit des preuves sur l’origine du coronavirus. Selon le journal, le document de quinze pages indique que le gouvernement chinois a fait taire ou « disparaître » les médecins s’étant exprimé sur le sujet, et a refusé de partager des échantillons avec la communauté scientifique internationale. Le dossier également affirme que le virus a été divulgué à l’Institut de virologie de Wuhan fin 2019. 

L’analyse des services de renseignement

Les déclarations du président et de son secrétaire d’Etat sont contredites par l’analyse des services de renseignement américains. Ces derniers ont annoncé être parvenus à la conclusion que le Covid-19 n’avait pas été créé ou modifié génétiquement par l’homme. Toutefois, ils ne disposent pas d’informations suffisantes « pour déterminer si l’épidémie a commencé par un contact avec des animaux infectés ou si elle a été le résultat d’un accident de laboratoire à Wuhan ».

Les informations partagées entre les services de renseignement des Five Eyes les conduisent à conclure qu’il est “hautement improbable” que l’épidémie de coronavirus se soit propagée à la suite d’un accident dans un laboratoire, mais plutôt sur un marché chinois. « Il est très probable qu’elle se soit produite naturellement et que l’infection humaine soit due à une interaction naturelle entre l’homme et l’animal » [5].

En France, l’hebdomadaire Valeurs actuelles rapporte que de nombreuses sources qu’il a interrogées fin avril dans les services de renseignement français (spécialistes du contre-espionnage ou des armes chimiques et bactériologiques) sur l’origine du coronavirus, ont l’absolue certitude que ce n’est pas une fuite du laboratoire P4. « Toutes les souches analysées montrent qu’elles n’ont pas été modifiées humainement. La souche est bien animale, elle a été transmise à l’homme sans qu’on sache encore exactement pourquoi. Elle ne vient pas d’une fausse manipulation ou d’une fuite ».

Le rédacteur en chef de la revue médicale The Lancet est également intervenu pour réfuter les allégations fallacieuses des autorités américaines. L’attribution à une origine humaine du virus est écartée par tous les virologues sérieux. Il a insisté sur l’intérêt des publications chinoises en la matière, riches en données.

Toutefois, les attaques mensongères de l’administration américaine n’exonèrent pas les autorités chinoises d’un certain nombre d’erreurs et de dissimulations.

Erreurs et responsabilités de la Chine

Indéniablement, les autorités chinoises – dans un premier temps à Wuhan et dans un second temps à Pékin – ont tardé à réagir et à communiquer, voire ont eu tendance à minimiser l’épidémie. Pour cette raison, Pekin fait l’objet de nombreuses critiques internationales. Mais concédons-là qu’il est facile de juger après coup. Cette épidémie est nouvelle et sa rapidité de diffusion semblait difficile à anticiper.

201405-COUV.jpgToutefois, après avoir initialement dissimulé la gravité de l’épidémie, face aux soupçons, au lieu de jouer la carte de la transparence, le gouvernement chinois a déchaîné sa propagande contre ceux qui osaient critiquer sa version officielle et n’a pas hésité à faire la leçon à aux pays occidentaux sur leur propre gestion de l’épidémie. Cette attitude a braqué contre la Chine la majorité des Etats occidentaux et des voix se sont élevées pour réclamer une enquête de l’Organisation mondiale de la santé sur l’origine du virus, ce qu’a refusé Pékin, de même qu’il a refusé de participer aux financements lors des réunions de donateurs pour lutter mondialement contre l’épidémie.

En revanche, la Chine s’est attachée à fournir une aide à de nombreux pays dans un cadre systématiquement bilatéral, cherchant par ce biais à donner une image de puissance « aidante », mais sans parvenir à tromper personne sur le jeu d’influence se cachant derrière cette manœuvre. En agissant ainsi, la Chine s’est attirée des critiques redoublées.

Ainsi, l’hostilité au régime chinois a atteint un niveau sans précédent depuis la répression sanglante du mouvement étudiant de Tiananmen en 1989 et pourrait avoir de lourdes conséquences diplomatiques. Les pressions dont la Chine fait l’objet n’émanent pas uniquement des Etats-Unis. Elles sont exercées aussi par l’Australie, le Japon, les pays d’Asie et l’Union européenne. Tous demandent des comptes tant les éléments s’accumulent prouvant que le régime chinois a dissimulé, au départ, l’étendue de l’épidémie.

Réalité de la menace chinoise

Toutefois, la véritable raison de la virulence de la réaction américaine contre la Chine est ailleurs. Et elle est double. D’une part, Washington ne cesse de s’inquiéter depuis plusieurs années de la montée en puissance de ce nouvel adversaire stratégique en passe de remettre en cause son leadership ; d’autre part, afin de relancer leur économie, de relocaliser une part de leur production industrielle et de consolider autour d‘eux le camp occidental, les Etats-Unis ont besoin d’une nouvelle Guerre froide.

Si une partie des arguments employés par Washington contre Pékin sont fallacieux, force est de constater qu’il y a de très nombreuses raisons de s’inquiéter sérieusement du développement continu de la puissance chinoise depuis la fin de la Guerre froide.

– La Chine est devenue l’usine du monde en matière d’informatique, d’électronique, de médicaments, de textile, etc. Si tout le monde en avait conscience, la crise récente via les pratiques de confinement et l’interruption des transports internationaux a permis au monde occidental de mesurer à quel point il était dépendant de Pékin. Les délocalisations à outrance vers la Chine et les pays à faible coût de main d’œuvre ont profondément affaibli la résilience de nos économies et de nos systèmes de santé, ce qui n’est pas acceptable et doit être corrigé. La crise a également permis de mesurer la flexibilité, l’efficacité et la réactivité industrielle de la Chine, ce dont l’Occident n’est plus capable.

– Depuis de nombreuses années, la Chine, dans la cadre de son projet des Nouvelles routes de la soie, s’implante dans le monde entier, par des investissements massifs dans les infrastructures – ne reculant jamais devant la corruption des autorités locales – et via le rachat de très nombreuses entreprises, y compris au sein de l’Union européenne. Ces nombreuses acquisitions d’entreprises occidentales laissent entrevoir une stratégie insidieuse de prise de contrôle de nos actifs économiques, donc d’une nouvelle dépendance.

– Les progrès réalisés – voire l’avance prise – en matière technologique par les Chinois – résultat de leur volonté, de leurs capacités financières, humaines et technologiques – notamment en matière militaire (5G, missiles hypersoniques, porte-avions, satellites, lanceurs, etc.) ne cesse d’impressionner et engendre une vraie préoccupation en matière de sécurité.

– La puissance militaire chinoise ne cesse en effet de se développer[6] et l’épidémie de Covid-19 n’a pas ralenti le rythme d’équipement des forces armées en nouveaux matériels offensifs : courant avril, un navire d’assaut amphibie (type 075) est entré en service et deux nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) (type 094) ont été mis à l’eau, donnant à la marine chinoise une véritable capacité de dissuasion océanique, ce qui n’était pas le cas avec les submersibles précédents (type 092). Par ailleurs, une autre classe de SNLE (type 096), encore plus moderne, capable d’embarquer un nouveau missile balistique de 10 000 km de portée, est en cours de développement. A noter également que les manoeuvres autour de Taïwan se sont poursuivies, de même que celles en mer de Chine méridionale.

– Les services de renseignement chinois se montrent particulièrement agressifs partout dans le monde occidental, tant par leurs actions de cyberespionnage que par le développement de leurs infrastructures clandestines et leurs tentatives de recrutement d’agents.

– Pékin continue à étouffer la vie démocratique sur son territoire et a profité de la crise pour remettre Hong-Kong au pas. La Chine ne supporte plus l’exception hongkongaise, tant sur le plan politique qu’économique. En effet, l’ex-colonie britannique joue un rôle essentiel comme porte d’entrée et de sortie pour les capitaux chinois. La bourse de Hong-Kong accueille les plus grandes entreprises chinoises, et nombre des familles les plus riches y ont une partie de leur fortune. Pékin a procédé à un coup de force discret, passant outre son engagement de non-ingérence dans les affaires intérieures de Hong-Kong[7] et a arrêté une quinzaine de leaders pro-démocratie.

N’oublions pas, par ailleurs, que la Chine occupe toujours, en contravention avec le droit international de la mer, des îlots de mer de Chine méridionale – dont certains conquis par la force sur ses voisins – sur lesquels elle a construit d’importantes installations militaires[8].

– Surtout, rappelons que la République populaire de Chine n’est pas une démocratie et que son peuple n’y exprime jamais son point de vue librement à travers des élections, qu’il ne bénéficie pas d’un état de droit ou d’une presse libre. Le pays reste sous le contrôle étroit du Parti communiste, lui-même aux mains d’un véritable autocrate et de sa clique d’affidés. Si les Etats-Unis doivent être critiqués depuis trois décennies pour leur politique étrangère unilatérale aux effets parfois dévastateurs (Irak, « révolutions » arabes, etc.), il serait encore plus inquiétant pour la paix et la sécurité mondiales que la puissance dominante soit un Etat totalitaire ne pouvant être remis en cause par des élections, une opposition interne ou un mouvement citoyen.

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La stratégie américaine : relancer une guerre froide

La crise engendrée par l’épidémie de Covid-19 est donc le prétexte qu’ont choisi les Américains pour attaquer Pékin et contrecarrer ou ralentir le développement de sa puissance économique et militaire.

Depuis fin avril, outre-Atlantique, articles de presse, témoignages de spécialistes et déclarations d’autorités se multiplient, avançant que Pékin est responsable et qu’il doit payer. Le ton ne cesse de se durcir et les menaces de prendre forme.

Ce thème va à n’en pas douter occuper dans les mois qui viennent une part croissante de l’actualité internationale, car les élections américaines approchent et que ce thème est une aubaine pour Donald Trump, comme pour l’Intelligence Community ; les deux pourraient bien ainsi se réconcilier sur le dos de Pékin.

Les sanctions contre la Chine

Depuis le début de la pandémie, Donald Trump s’en est pris à la Chine, l’accusant d’avoir considérablement affaibli l’économie américaine. C’est donc en ce domaine qu’il a décidé en premier lieu de réagir. Le président américain a déclaré que de nouveaux tarifs sur les importations chinoises seraient la “punition ultime” pour les déclarations erronées de Pékin sur l’épidémie de coronavirus.

Trump a qualifié les tarifs de “meilleur outil de négociation” et a insisté sur le fait que les droits que son administration avait imposés jusqu’à présent, ont obligé la Chine à conclure un accord commercial avec Washington. Il a également menacé de résilier cet accord si la Chine n’achetait pas de marchandises aux États-Unis comme cela avait prévu, voire de procéder à l’annulation des avoirs chinois investis dans la dette américaine. Donald Trump a également récemment évoqué la possibilité de demander à Pékin de payer des milliards de dollars de réparations pour les dommages causés par l’épidémie.

Pression sur les Alliés

Parallèlement, les Américains accroissent la pression sur leurs alliés européens, tentés par l’adoption de la 5G chinoise où déjà engagés dans son déploiement.

A l’occasion du sommet de l’OTAN, à Londres, en décembre 2019, les Européens, ont assuré Washington de leur engagement à « garantir la sécurité de leurs communications, y compris la 5G, conscients de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients. » Or, en dépit des recommandations de l’OTAN et des pressions américaines, le gouvernement britannique a autorisé, en janvier, l’opérateur chinois Huawei à mettre en place des réseaux de télécommunication 5G au Royaume-Uni.

Pour Washington, « Huawei comme les autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État, sont des chevaux de Troie pour l’espionnage chinois », a déclaré Mike Pompeo, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février 2020.

En conséquence, Washington a laissé entendre, début mai, que ses moyens de collecte de renseignements électroniques actuellement basés au Royaume-Uni, pourraient être redéployés dans un autre pays européen ayant choisi de ne pas adopter la 5G chinoise. De plus, les Américains laissent planer une menace concernant l’avenir de la base de Menwith Hill, pièce maitresse du réseau Echelon, où ils disposent d’une station terrestre de communication par satellite et d’installations d’interception exploitées en coopération avec les Britanniques. The Telegraph prête même à la Maison-Blanche l’idée de retirer jusqu’à 10 000 militaires américains du Royaume-Uni[9].

Le nouveau concept stratégique de l’OTAN

Le ciblage de la Chine permet par ailleurs à Washington de préparer les états-majors et les opinions publiques occidentales à la réactualisation du concept stratégique de l’OTAN, en cours de préparation. Le fait de désigner Pekin comme l’adversaire potentiel principal devrait être accepté par les Etats membres sous l’effet du choc de la pandémie et de ses conséquences. En revanche, le fait d’inscrire également la Russie comme autre menace majeure contre l’Alliance atlantique serait une double erreur. D’une part, car Moscou n’est en rien une menace, contre l’Europe. Il est important de ne pas se laisser influencer par l’obsession antirusse des élites américaines. Rappelons à ce titre les propos pertinents du document du Cercle de réflexion interarmées (CRI) à l’approche des prochains exercices militaires aux frontières de la Russie : « organiser des manœuvres de l’OTAN, au XXIe siècle, sous le nez de Moscou, plus de 30 ans après la chute de l’URSS, comme si le Pacte de Varsovie existait encore, est une erreur politique, confinant à la provocation irresponsable ». Pour la France, « y participer révèle un suivisme aveugle, signifiant une préoccupante perte de notre indépendance stratégique »[10].

D’autre part, une telle décision aurait pour effet de jeter Moscou dans les bras de la Chine, ce qui aurait des conséquences désastreuses. Malheureusement, de nombreux éléments laissent craindre le pire, les Américains – si personne ne leur tient tête sur ce point – en sont tout à fait capables, confirmant leur penchant à jouer les apprentis-sorciers… dont les créations se retournent généralement contre eux.

Cibler la Chine peut avoir un intérêt stratégique pour revitaliser l’Alliance occidentale et il est très probable que tous ses membres y adhèrent, car cela a du sens sur les plans stratégique et économique. Un « élargissement » de l’OTAN à certains ex-pays de l’OTASE[11] partageant cette analyse de la menace, ainsi qu’au Japon et à la Corée du Sud, pourrait même être envisageable. En revanche, cibler la Russie serait contre-productif et ferait du continent européen un nouveau théâtre de Guerre froide, sans raison valable. Il est essentiel que nous ne nous trompions pas d’adversaire et que les Européens infléchissent le concept stratégique de l’OTAN.

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La crise du coronavirus est une aubaine stratégique pour les États-Unis. Elle leur offre l’opportunité de se recréer un adversaire stratégique à la hauteur de leurs besoins. Une adversité majeure est pour eux indispensable afin de conserver leur leadership, relancer leur économie et consolider autour d’eux le camp occidental.

Observer les Américains falsifier une nouvelle fois la réalité pour réaffirmer leur leadership n’est guère rassurant mais pas surprenant. Les voir relancer une stratégie de tension, voire une nouvelle guerre froide, non plus. Cependant, en l’occurrence, leur décision est loin d’être infondée.

Jusqu’à la récente crise sanitaire, l’idée que le monde pourrait entrer dans une nouvelle ère d’affrontement semblait saugrenue ; les avoirs financiers des Etats-Unis et de la Chine semblaient si étroitement liés et leurs économies interdépendantes que l’hypothèse d’un conflit apparaissait peu probable[12].

Désormais, tous les signes annonciateurs d’une nouvelle ère géopolitique et d’une nouvelle guerre froide – dont les modalités seront en partie différentes de la précédente – sont là. La rivalité stratégique sino-américaine devrait désormais régir les relations internationales des prochaines décennies sur les plans militaire, économique, financier, technologique et idéologique. Il convient de s’y préparer.

Notes :

[1] https://www.teletrader.com/trump-saw-evidence-virus-origi...

[2] https://thehill.com/policy/healthcare/public-global-healt...

[3] Alliance des agences de renseignement des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

[4] https://www.dailystar.co.uk/news/world-news/top-secret-mi...

[5] https://www.cnn.com/2020/05/04/politics/coronavirus-intel...

[6] Cependant le différentiel des budgets reste énorme : 649 milliards de dollars et 3,2% du PIB pour les Etats-Unis ; 250 milliards de dollars et 1,9% du PIB pour la Chine (SIPRI, 2018).

[7] Principe inscrit dans l’article 22 de la Basic Law reconnue par la Chine.

[8] Cf. Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale, L’Harmattan, Paris 1999.

[9] http://www.opex360.com/2020/05/07/les-etats-unis-pourraie...

[10] https://www.capital.fr/economie-politique/il-faut-se-libe...

[11] Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est. Alliance militaire anticommuniste, pendant de l’OTAN pour la zone Asie/Pacifique, ayant regroupé de 1954 à 1977, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande.

[12] La décision Washington de mettre fin aux investissements des fonds de pension américains en Chine, de limiter les détentions chinoises d’obligations du Trésor et de déclencher une nouvelle guerre des monnaies va rapidement mettre un terme aux liens financiers qui unissaient les deux économies.

*Source : Cf2R

vendredi, 22 mai 2020

L’oligarchie occidentale face à la Chine: le déclin ou la guerre ?

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L’oligarchie occidentale face à la Chine: le déclin ou la guerre ?

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

L’oligarchie est un corps social parasitoïde. Un parasitoïde est un organisme qui se développe à l’intérieur d’un autre organisme mais qui, au contraire de nombreux parasites, tue inévitablement celui-ci au cours de son développement, ou à la fin de son développement (cf. Wikipédia).

L’oligarchie occidentale parasite les pays occidentaux. Elle a profité de leur développement démographique, économique, technologique, scientifique, financier et militaire pour détourner à son profit une partie de plus en plus importante des produits de ce développement. La victoire des Alliés en 1945 a incontestablement été la victoire de l’oligarchie. A partir de cette date, elle contrôlera, sans opposition notable, tous les gouvernements occidentaux, toutes les opinions occidentales, toute l’économie et la finance occidentales, ainsi que tout le maillage industriel des pays occidentaux. Globalement, vers 1980-1990, l'oligarchie a atteint l’enrichissement maximum qu’elle pouvait espérer.

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Cependant, afin de poursuivre son développement, le parasitoïde avait encore une carte à jouer. Puisqu’en raison de ses résistances, le salariat occidental était difficilement compressible, la solution consistait à s’en passer. L’oligarchie a donc actionné les gouvernements occidentaux pour que ceux-ci mettent fin au contrôle des capitaux et ferment les yeux sur la délocalisation des industries, ainsi rendue possible.  A partir de la fin des années 1980, tous les pays occidentaux, sauf l’Allemagne, ont vu leur tissu industriel s’évaporer, et les pays sous-développés, comme la Chine, ont vu jaillir un tissu industriel clé en main, avec mode d’emploi. C’était magique.

C’était magique, simple… et lucratif. Le plan oligarchique était en effet bien ficelé. Les Chinois fabriqueraient des produits pour le compte des oligarques et, pour pouvoir les acheter, les Occidentaux feraient des dettes auprès des mêmes oligarques. En fait, le jeu consistait à échanger des biens réels contre de la monnaie sans valeur. Dans un premier temps, tout le monde était gagnant. Les Chinois profitaient d’un transfert technologique inespéré. Et les occidentaux pouvaient se payer des téléviseurs pour presque rien. De plus, ils disposaient d’une planche à billet magique qui leur permettait de tout acheter, tout le temps. L’industrie ? Un archaïsme disaient-ils. Seule la recherche-développement avait de l’intérêt, ainsi que le tertiaire, et bien sûr la force militaire (pour calmer ceux qui n’acceptaient pas le nouvel ordre mondial et la monnaie magique). C’est ainsi que l’économie du monde occidental est devenue une économie de service, avec des toiletteurs pour chiens, des avocats, des publicitaires, des journalistes et bien sûr des militaires.    

Ce n’est pas la première fois qu’une telle configuration se présente dans l’histoire. L’Espagne du Siècle d’or a déjà tenté l’expérience. Cela s’est très mal terminé, pour elle. Petit retour en arrière qui prouve que les oligarques sont des abrutis incultes.

Après la prise de Grenade (1492), la paix revient dans la péninsule ibérique. Le territoire se réunifie sous les Rois Catholiques. L’Etat se réorganise et perçoit des ressources régulières. L’économie se redresse. L’artisanat prospère. La démographie augmente tout au long du XVIe siècle. En Castille, la population double presque. Des innovations importantes, comme la boussole, les portulans, l’astrolabe ou le gouvernail d’étambot, vont permettre à l’Espagne de bâtir un empire planétaire à partir de 1492. L’Espagne restaurée du XVIe siècle a le dynamisme de l’Europe du XIXe.

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Une des motivations des découvertes espagnoles est probablement la « soif de l’or ». L’expansion économique du Royaume a besoin de numéraire et d’or pour les échanges internationaux. Les Espagnols commencent par grappiller et troquer l’or auprès des Indiens, puis à pratiquer l’orpaillage et l’exploitation minière. La phase de l’or se termine vers 1550. Vient ensuite la phase de l’argent qui apparaît vers 1521-1530 mais dont la production explosera véritablement vers 1554, avec la mise en exploitation de la mine de Potosi (1545). Les métaux précieux affluent donc en Espagne par bateaux entiers. Les conséquences ne se font pas attendre.

En effet, l’Espagne achète avec son or des produits manufacturés venus de toute l’Europe. La population commence à mépriser le travail manuel, alors que la surveillance de l’Empire demande de plus en plus de soldats, d’administrateurs et de fonctionnaires. Les campagnes se dépeuplent et l’agriculture décline. L’industrie est devenue inutile : la majeure partie des marchandises et des produits finis, payée avec l’argent facile venu des Amériques, arrive par terre et par mer de l’étranger : outillage, quincaillerie, textile, mercerie, produits de luxe….  Rapidement, l’Espagne manque de techniciens, d’artisans, de paysans. Elle accumule les retards techniques. Elle doit donc faire appel à des étrangers : des Allemands pour l’imprimerie, des Français pour la passementerie, des Flamands pour la draperie. Nunez de Castro écrira en 1658 : « les étrangers fabriquent ce que consomme la capitale, et ce seul fait démontre que toutes les nations font travailler leurs ouvriers pour Madrid, dont la seigneurie s’étend sur toutes les autres capitales, puisque toutes la servent, et elle ne sert personne » (Solo Madrid es Corte). Cela ne vous rappelle rien ?

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Faire fabriquer par d’autres ce que nous consommons : ce système a fonctionné hier, tout comme il fonctionne aujourd’hui.  Il a fonctionné hier… jusqu’au jour où la production de métaux précieux en Amérique a commencé  à décliner. A partir de 1620, les arrivages de métaux précieux diminuent, le déclin du commerce avec l’Amérique s’amorce et le Trésor royal connaît des déficits. Les indicateurs démographiques, agricoles et monétaires (inflation) se détériorent. L’Espagne ne parvient plus à payer son train de vie, les « autres capitales » cessent de travailler pour Madrid. Mais l’industrie de Madrid est ruinée et l’Espagne, qui entre alors dans une longue « décadence », a raté son entrée économique dans la modernité. Elle ne s’en relèvera jamais vraiment. Le traité des Pyrénées de 1659 sanctionne sa défaite militaire, elle qui avait la première armée du monde, et sa relégation au niveau d’une puissance européenne de second ordre, elle qui était la plus grande puissance mondiale. 

Il n’est pas bon qu’une richesse soit artificielle. Menés par leur oligarchie, les occidentaux ont fait comme les Espagnols du XVIe siècle. A ceci près qu’ils n’ont pas tiré leur richesse des mines de Potosi mais d’artifices bancaires et de la planche à billet. Comme eux, ils ont bradé leur industrie, déconsidéré le travail manuel et fait fabriquer par d’autres les produits dont ils avaient besoin. Comme eux, ils ont perdu le savoir nécessaire  pour fabriquer les choses les plus simples, comme des masques en papier. Comme eux, ils ont des armées puissantes, mais qui reposent sur du vent, car ils ne fabriquent plus leurs armes. Comme Nunez de Castro, ils étalent leur suffisance, car au fond d’eux, ils pensent que des navires chargés d’or leur viendront toujours.

Tout a une fin, heureusement. Il me semble que l’humeur des Chinois a changé ces derniers mois et notamment depuis ce fichu coronavirus (qui leur sert de prétexte ?). Il se pourrait donc, peut-être, qu’à partir de maintenant (et si ce n’est maintenant, cela ne saurait tarder), il se pourrait donc que les Chinois ne se contentent plus d’une monnaie dupliquée à la photocopieuse, en tous cas non adossée à une économie réelle, et qu’ils considèrent que les transferts de technologies sont désormais suffisants pour leur permettre de mettre fin à un marché humiliant qui leur rappelle les traités inégaux du XIXe siècle. Imaginez quel sera le cataclysme, le jour (peut-être déjà là) où les Chinois ne voudront plus échanger des produits manufacturés contre du papier ? Que pourrons-nous leur donner en échange : nos monuments, nos ports, nos aéroports, notre liberté peut-être ?  

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Et l’oligarchie dans tout ça ? L’oligarchie est forte de la puissance de nos pays. Si les pays occidentaux s’effondrent, c’est la puissance de l’oligarchie occidentale qui s’effondre avec eux. Et c’est l’oligarchie communiste chinoise qui s’impose ! Aussi voit-on les larbins de « notre » oligarchie (les Macron, les Le Maire, les Trump…) envisager dans l’urgence des « relocalisations ». Mais on ne recompose pas un tissu industriel d’un claquement de doigt. Les Chinois (les Chinois !) ont mis plus de quarante ans pour construire le leur, avec notre aide qui plus est ! Il est trop tard.

Revenons à l’Espagne. Nous avons dit qu’elle avait la première armée du monde. Comme les Etats-Unis aujourd’hui. Qu’a fait l’Espagne pour tenter d’enrayer son déclin ? Elle a misé sur son armée et sa flotte, pour défendre son empire, pour contrôler ses routes stratégiques, pour protéger ses routes commerciales.  Mais quelle est l’efficacité à moyen terme d’une armée qui n’est pas adossée à une industrie puissante ? Actuellement, les Etats-Unis misent tout sur leur armée. C’est la dernière chose qu’il leur reste. Mais quelle peut être la solidité d’une armée moderne qui ne peut plus fabriquer un missile ou un char sans faire venir des pièces de l’étranger ? Si vous voulez connaître le destin des Etats-Unis et de l’Europe, étudiez l’histoire d’Espagne.

L’oligarchie occidentale acceptera-t-elle son déclin ou fera-t-elle la guerre comme le fit l’Espagne ? Souvenez-vous, pour assurer son développement, un parasitoïde tue inévitablement l’organisme qu’il parasite. L’histoire nous apprend d’autre part que l’oligarchie a toujours profité des guerres (ici s’arrête donc notre analogie avec l’Espagne. La noblesse espagnole, lorsqu’elle a choisi la guerre, a toujours été la première à s’exposer. Cela s’appelle l’Honneur. L’oligarchie, quant à elle, ne provoque jamais une guerre avant d’avoir rejoint ses bunkers souterrains). Donc, peut-on supposer, l’oligarchie occidentale utilisera tous les outils à sa disposition pour conserver son hégémonie. Elle pense, et c’est malheureux, et c’est faux, que l’armée des Etats-Unis est un merveilleux outil, un outil magique qui, en dernier recours, réglera son problème d’hégémonie sur le monde. Elle ignore que la Chine a déjà ses Grand Condé et ses Turenne. Tant pis pour elle, mais pauvre de nous !

Antonin Campana

jeudi, 21 mai 2020

Bruno Guigue: «Pour de nombreux pays, Pékin représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante»

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Bruno Guigue: «Pour de nombreux pays, Pékin représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante»

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Reporters : Aux invectives devenues habituelles de Donald Trump s’ajoute une méfiance croissante des Européens quant aux origines et à la gestion de la crise sanitaire par Pékin. Comment expliquer la montée de l’agressivité envers la Chine dans les discours des gouvernements occidentaux en plein épidémie du Covid-19 relayés méthodiquement par les grands médias ?

Bruno Guigue : L’avalanche de propagande contre la Chine a pris pour prétexte la crise sanitaire actuelle, mais elle figure sur l’agenda occidental depuis longtemps, et au moins depuis le deuxième mandat d’Obama. Trump a radicalisé cette hostilité, mais elle existait à l’état latent depuis une bonne décennie. Mais, aujourd’hui, la dénonciation de la Chine n’est plus seulement une posture, c’est devenu une politique. Quand on dit que la Chine est un ennemi systémique, inutile de faire un dessin.

Durant cette pandémie du Covid, la Chine s’est illustrée par une posture positive en aidant les pays amis et même certains pays européens en difficulté. La Chine, qui a géré efficacement la pandémie chez elle, a-t-elle gagné des points sur le plan géopolitique ?

Oui, bien sûr. La principale raison de l’hostilité occidentale, précisément, c’est que la coopération avec Pékin, pour de nombreux pays, représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante. Le problème n’est pas que la Chine veut dominer le monde, ni qu’elle veut exporter son modèle. C’est faux dans les deux cas. Le problème, du moins pour l’Occident, c’est qu’elle est à la fois plus performante et moins intrusive que les Occidentaux. Cette situation était antérieure à la crise actuelle, mais celle-ci l’a exacerbée. Quand Pékin envoie une équipe médicale en Italie, la démonstration est faite que l’UE ne vaut strictement rien. Quand la Chine livre des médicaments au Venezuela, elle fait un bras d’honneur à Washington. Ce retour de la puissance chinoise dans l’arène internationale, après des décennies de discrétion, est un évènement majeur qui coïncide avec le formidable développement du pays sous l’égide du parti communiste. Le paradoxe, c’est que l’inconséquence occidentale est largement à l’origine de cette renaissance de la politique chinoise, comme si un système de vases communicants transfusait l’énergie d’un Occident délabré vers la puissance montante. De ce point de vue, la crise du Covid-19 accélère le basculement du monde.

Cette crise sanitaire mondiale exacerbée pourrait-elle aller jusqu’à provoquer une confrontation militaire entre les Etats-Unis et la Chine ?

Je ne crois pas à un affrontement militaire de grande ampleur entre les États-Unis et la Chine, pour la simple raison qu’aucun des deux n’est assuré de vaincre, et que la seule chose certaine, c’est la destruction mutuelle. Les USA adorent la guerre, mais ils la pratiquent contre plus faible qu’eux. Et même dans ce cas, ils trouvent le moyen de la perdre. Vous voyez vraiment le Pentagone se lancer à l’assaut de la Chine ? C’est risible.

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Le sentiment anti-chinois dans le monde n’a jamais été aussi fort estime un rapport de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines révélé par Reuters. Y a-t-il réellement selon vous une désaffection envers la Chine et si ça se trouve est-elle réelle ou sciemment entretenue ?

La désaffection à l’égard de la Chine est entretenue par des médias occidentaux serviles et falsificateurs, et malheureusement les calomnies dont elle fait l’objet répandent leurs fruits empoisonnés. Mais ne prenons pas l’Occident pour le centre du monde. 80 pays coopèrent avec Pékin dans le cadre des nouvelles routes de la soie. Les peuples ne sont pas aveugles. En Asie, en Afrique, en Amérique latine, chacun peut voir ce que fait la Chine, la juger sur pièce, la critiquer si nécessaire, mais je doute que, globalement, son image soit plus négative que celle des puissances occidentales.

Ce séisme sanitaire mondial donnera-t-il selon vous naissance à de nouveaux équilibres dans les relations internationales ?

Sans doute, car la Chine a une longueur d’avance sur les autres pays. Elle a géré la crise sanitaire de façon magistrale, sans même se poser la question de la priorité à donner à la santé publique. Elle a accepté de payer le prix d’une brève contraction de son économie pour juguler la propagation du virus, et cette politique a porté ses fruits.

La mobilisation des moyens, sous l’égide d’un État fort, a impressionné l’opinion mondiale, et elle représente à cet égard un exemple à méditer. Le paradoxe, c’est que la pandémie semble venir de la Chine, du moins jusqu’à preuve du contraire, et on a de moins en moins de certitudes à ce sujet, et c’est la Chine qui semble tirer les marrons du feu, car elle a su imposer son propre tempo au phénomène viral sur son propre territoire en utilisant toutes les ressources de l’action publique. Le deuxième aspect de la question, c’est le redémarrage économique, qui semble aujourd’hui acquis en Chine, alors que le monde occidental s’enfonce dans un marasme sans précédent. Ce contraste entre un Occident incapable de faire face au défi de la pandémie et une Chine, et au-delà de la Chine, une Asie orientale qui réalise une performance remarquable du point de vue de la gestion publique, doit être sérieusement médité. Quand on voit la situation lamentable des États-Unis, manifestement aggravée par l’irresponsabilité de son administration, on se demande comment certains peuvent encore voir dans cette puissance, dont l’arrogance progresse au même rythme que sa déliquescence, un leader crédible pour l’Occident tout entier.

jeudi, 14 mai 2020

Pourquoi Xi ne répétera pas les erreurs de la Dynastie Ming

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Pourquoi Xi ne répétera pas les erreurs de la Dynastie Ming

par Pepe Escobar

Ex: https://reseauinternational.net

La Chine a tiré les leçons de sa riche histoire et les applique pour redevenir une grande puissance du 21ème siècle.

Alors que la guerre hybride 2.0 contre la Chine atteint des sommets, les Nouvelles Routes de la Soie, ou Initiative Ceinture et Route, continueront à être diabolisées 24/7, comme le légendaire complot communiste maléfique pour la domination économique et géopolitique du monde « libre », boostée par une sinistre campagne de désinformation.

Il est vain de discuter avec des simplets. Dans l’intérêt d’un débat éclairé, ce qui compte, c’est de trouver les racines profondes de la stratégie de Pékin – ce que les Chinois ont appris de leur propre histoire riche et comment ils appliquent ces leçons en tant que grande puissance réémergente au jeune 21ème siècle.

Commençons par la façon dont l’Orient et l’Occident s’étaient positionnés au centre du monde.

La première encyclopédie historico-géographique chinoise, le Classique des Montagnes et des Mers du IIe siècle avant J.-C., nous dit que le monde était ce qui était sous le soleil (tienhia). Composé de « montagnes et de mers » (shanhai), le monde était disposé entre « quatre mers » (shihai). Une seule chose ne change pas : le centre. Et son nom est « l’Empire du Milieu » (Zhongguo), c’est-à-dire la Chine.

Bien sûr, les Européens, au XVIe siècle, découvrant que la terre était ronde, ont mis la centralité chinoise sens dessus dessous. Mais en réalité, pas tant que ça (voir, par exemple, cette carte sinocentrique du 21ème siècle publiée en 2013).

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Le principe d’un immense continent entouré de mers, « l’océan extérieur », semble avoir été dérivé de la cosmologie bouddhiste, dans laquelle le monde est décrit comme un « lotus à quatre pétales ». Mais l’esprit sinocentrique était assez puissant pour écarter et prévaloir sur toute cosmogonie qui aurait pu le contredire, comme la bouddhiste, qui plaçait l’Inde au centre.

Comparons maintenant la Grèce antique. Son centre, basé sur les cartes reconstituées d’Hippocrate et d’Hérodote, est un composite de la Mer Égée, avec la triade Delphes-Delos-Ionie. La division majeure entre l’Est et l’Ouest remonte à l’Empire Romain au 3ème siècle. Et cela commence avec Dioclétien, qui a fait de la géopolitique son cheval de bataille.

Voici la séquence : En 293, il installe une tétrarchie, avec deux Augustes et deux Césars, et quatre préfectures. Maximien Auguste est chargé de défendre l’Occident (Occidens), la « préfecture d’Italie » ayant pour capitale Milan. Dioclétien est chargé de défendre l’Orient (Oriens), la « préfecture d’Orient » ayant pour capitale Nicomédie.

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La religion politique s’ajoute à ce nouveau complexe politico-militaire. Dioclétien crée les diocèses chrétiens (dioikesis, en grec, d’après son nom), douze au total. Il existe déjà un diocèse d’Orient – essentiellement le Levant et le nord de l’Égypte.

Il n’y a pas de diocèse d’Occident. Mais il y a un diocèse d’Asie : essentiellement la partie occidentale de la Turquie méditerranéenne actuelle, héritière des anciennes provinces romaines d’Asie. C’est assez intéressant : l’Orient est placé à l’est de l’Asie.

Le centre historique, Rome, n’est qu’un symbole. Il n’y a plus de centre ; en fait, le centre s’incline vers l’Orient. Nicomedia, la capitale de Dioclétien, est rapidement remplacée par sa voisine Byzance sous Constantin et rebaptisée Constantinople : il veut en faire « la nouvelle Rome ».

Lorsque l’Empire Romain d’Occident tombe en 476, l’Empire d’Orient demeure.

Officiellement, il ne deviendra l’Empire Byzantin qu’en 732, alors que le Saint Empire Romain – qui, comme on le sait, n’était ni saint, ni romain, ni un empire – renaîtra avec Charlemagne en 800. À partir de Charlemagne, l’Occident se considère comme « l’Europe », et vice-versa : le centre historique et le moteur de ce vaste espace géographique, qui finira par atteindre et intégrer les Amériques.

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Nous sommes toujours plongés dans un débat – littéralement – océanique entre historiens sur la myriade de raisons et le contexte qui a conduit chacun et son voisin à prendre frénétiquement la mer à partir de la fin du 15ème siècle – de Colomb et Vasco de Gama à Magellan.

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Mais l’Occident oublie généralement le véritable pionnier : l’emblématique amiral Zheng He, nom d’origine Ma He, un eunuque et musulman Hui de la province du Yunnan.

Son père et son grand-père avaient fait leur pèlerinage à la Mecque. Zheng He a grandi en parlant le mandarin et l’arabe et en apprenant beaucoup sur la géographie. À 13 ans, il est placé dans la maison d’un prince Ming, Zhu Di, membre de la nouvelle dynastie qui arrive au pouvoir en 1387.

Éduqué en tant que diplomate et guerrier, Zheng He se convertit au Bouddhisme sous son nouveau nom, bien qu’il soit toujours resté fidèle à l’Islam. Après tout, comme je l’ai constaté moi-même lorsque j’ai visité des communautés Hui en 1997, en quittant la Route de la Soie pour me rendre au monastère de Labrang à Xiahe, l’Islam Hui est un syncrétisme fascinant qui intègre le Bouddhisme, le Tao et le Confucianisme.

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Zhu Di a fait tomber l’empereur en 1402 et a pris le nom de Yong Le. Un an plus tard, il avait déjà commissionné Zheng He comme Amiral, et lui avait ordonné de superviser la construction d’une grande flotte pour explorer les mers autour de la Chine. Ou, pour être plus précis, « l’océan Occidental » (Xiyang) : c’est-à-dire l’océan Indien.

Ainsi, de 1405 à 1433, soit environ trois décennies, Zheng He a mené sept expéditions à travers les mers jusqu’en Arabie et en Afrique de l’Est, partant de Nanjing dans le Yangtsé et bénéficiant des vents de mousson. Elles ont atteint le Champa, Bornéo, Java, Malacca, Sumatra, Ceylan, Calicut, Ormuz, Aden, Djeddah/La Mecque, Mogadiscio et la côte d’Afrique de l’Est au sud de l’équateur.

Il s’agissait de véritables armadas, comptant parfois plus de 200 navires, dont les 72 plus importants, transportant jusqu’à 30 000 hommes et de vastes quantités de marchandises précieuses pour le commerce : soie, porcelaine, argent, coton, produits en cuir, ustensiles en fer. Le navire de tête de la première expédition, avec Zheng He comme capitaine, mesurait 140 mètres de long, 50 mètres de large et transportait plus de 500 hommes.

C’était la première Route Maritime de la Soie, aujourd’hui ressuscitée au 21ème siècle. Et elle a été couplée à une autre extension de la Route de la Soie terrestre : après que les redoutables Mongols se soient retirés et qu’il y ait eu de nouveaux alliés jusqu’en Transoxiane, les Chinois ont réussi à conclure un accord de paix avec le successeur de Tamerlane. Les Routes de la Soie étaient donc à nouveau en plein essor. La cour Ming envoya des diplomates dans toute l’Asie – au Tibet, au Népal, au Bengale et même au Japon.

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L’objectif principal des pionniers de la marine chinoise a toujours intrigué les historiens occidentaux. Il s’agissait essentiellement d’un mélange diplomatique, commercial et militaire. Il était important de faire reconnaître la suzeraineté chinoise – et de la matérialiser par le paiement d’un tribut. Mais il s’agissait surtout de commerce ; pas étonnant que les navires avaient des cabines spéciales pour les marchands.

L’armada était désignée sous le nom de Flotte du Trésor – mais dénotant plus une opération de prestige qu’un véhicule de capture de richesses. Yong Le était un adepte de la puissance douce et de l’économie – il a pris le contrôle du commerce extérieur en imposant un monopole impérial sur toutes les transactions. Il s’agissait donc, en fin de compte, d’une application intelligente et complète du système d’affluence chinois – dans les domaines commercial, diplomatique et culturel.

Yong Le suivait en fait les instructions de son prédécesseur Hongwu, le fondateur de la Dynastie Ming (« Lumières »). La légende veut que Hongwu ait ordonné qu’un milliard d’arbres soient plantés dans la région de Nanjing pour alimenter la construction d’une marine.

Puis il y a eu le transfert de la capitale de Nanjing à Pékin en 1421, et la construction de la Cité Interdite. Cela a coûté beaucoup d’argent. Même si les expéditions navales étaient coûteuses, leurs profits étaient bien sûr utiles.

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Yong Le

Yong Le voulait établir la stabilité chinoise – et panasiatique – par le biais d’une véritable Pax Sinica. Cela n’a pas été imposé par la force mais plutôt par la diplomatie, couplée à une subtile démonstration de puissance. L’Armada était le porte-avions de l’époque, avec des canons à vue – mais rarement utilisés – et pratiquant la « liberté de navigation ».

Ce que l’empereur voulait, c’était des dirigeants locaux alliés, et pour cela il utilisait l’intrigue et le commerce plutôt que le choc et l’effroi par le biais de batailles et de massacres. Par exemple, Zheng He a proclamé la suzeraineté chinoise sur Sumatra, la Cochinchine et Ceylan. Il a privilégié le commerce équitable. Cela n’a donc jamais été un processus de colonisation.

Au contraire : avant chaque expédition, au fur et à mesure de sa planification, les émissaires des pays à visiter étaient invités à la cour des Ming et traités, bien, royalement.

Européens pilleurs

Comparons cela à la colonisation européenne menée une décennie plus tard par les Portugais sur ces mêmes terres et ces mêmes mers. Entre (un peu) de carotte et (beaucoup) de bâton, les Européens ont fait du commerce principalement par le biais de massacres et de conversions forcées. Les comptoirs commerciaux ont rapidement été transformés en forts et en installations militaires, ce que les expéditions de Zheng He n’ont jamais entrepris.

En fait, Zheng He a laissé tellement de bons souvenirs qu’il a été divinisé sous son nom chinois, San Bao, qui signifie « Trois Trésors », dans des endroits d’Asie du Sud-Est tels que Malacca et Ayutthaya au Siam.

Ce qui ne peut être décrit que comme un sadomasochisme judéo-chrétien s’est concentré sur l’imposition de la souffrance comme vertu, seule voie pour atteindre le Paradis. Zheng He n’aurait jamais considéré que ses marins – et les populations avec lesquelles il a pris contact – devaient payer ce prix.

Alors pourquoi tout cela a-t-il pris fin, et si soudainement ? Essentiellement parce que Yong Le n’avait plus d’argent à cause de ses grandioses aventures impériales. Le Grand Canal – qui relie le fleuve Jaune et les bassins du Yangzi – a coûté une fortune. Même chose pour la construction de la Cité Interdite. Les revenus des expéditions n’ont pas suffi.

Et juste au moment où la Cité Interdite fut inaugurée, elle prit feu en mai 1421. Mauvais présage. Selon la tradition, cela signifie une dysharmonie entre le Ciel et le souverain, un développement en dehors de la norme astrale. Les Confucianistes l’utilisaient pour blâmer les conseillers eunuques, très proches des marchands et des élites cosmopolites autour de l’empereur. De plus, les frontières méridionales étaient agitées et la menace mongole n’a jamais vraiment disparu.

Le nouvel empereur Ming, Zhu Gaozhi, a fait la loi : « Le territoire de la Chine produit toutes les marchandises en abondance ; alors pourquoi devrions-nous acheter des bibelots à l’étranger sans aucun intérêt ? »

Son successeur, Zhu Zanji, était encore plus radical. Jusqu’en 1452, une série d’édits impériaux ont interdit le commerce extérieur et les voyages à l’étranger. Chaque infraction était considérée comme de la piraterie punie de mort. Pire encore, l’étude des langues étrangères était bannie, tout comme l’enseignement du chinois aux étrangers.

Zheng He est mort (au début de 1433 ? 1435 ?) en vrai personnage, au milieu de la mer, au nord de Java, alors qu’il revenait de la septième et dernière expédition. Les documents et les cartes utilisés pour les expéditions ont été détruits, ainsi que les navires.

Les Ming ont donc abandonné la puissance navale et sont revenus à l’ancien Confucianisme agraire, qui privilégie l’agriculture sur le commerce, la terre sur les mers, et le centre sur les terres étrangères.

Plus de retraite navale

Il faut dire que le formidable système d’affluence navale mis en place par Yong Le et Zheng He a été victime d’excès – trop de dépenses de l’État, turbulences paysannes – ainsi que de son propre succès.

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En moins d’un siècle, des expéditions de Zheng He à la retraite des Ming, cela s’est avéré être un changement de paradigme majeur dans l’histoire et la géopolitique, préfigurant ce qui allait se passer immédiatement après au cours du long 16ème siècle : l’ère où l’Europe a commencé et a finalement réussi à dominer le monde.

Une image est frappante. Alors que les lieutenants de Zheng He naviguaient sur la côte orientale de l’Afrique jusqu’au sud, en 1433, les expéditions portugaises commençaient tout juste leurs aventures dans l’Atlantique, naviguant également vers le sud, peu à peu, le long de la côte occidentale de l’Afrique. Le mythique Cap Bojador a été conquis en 1434.

Après que les sept expéditions Ming eurent sillonné l’Asie du Sud-Est et l’Océan Indien à partir de 1403 pendant près de trois décennies, ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que Bartolomeu Dias allait conquérir le cap de Bonne-Espérance, en 1488, et que Vasco de Gama arriverait à Goa en 1498.

Imaginez un « et si » historique : les Chinois et les Portugais s’étaient croisés en terre swahilie. Après tout, en 1417, c’était le commandement de Hong Bao, l’eunuque musulman, un lieutenant de Zheng He ; et en 1498, c’était au tour de Vasco de Gama, guidé par le « Lion de la mer » Ibn Majid, son légendaire maître navigateur arabe.

Les Ming n’étaient pas obsédés par l’or et les épices. Pour eux, le commerce devait être basé sur un échange équitable, dans le cadre du tribut. Comme Joseph Needham l’a prouvé de façon concluante dans des ouvrages tels que « Science et Civilisation en Chine », les Européens voulaient des produits asiatiques bien plus que les Orientaux ne voulaient des produits européens, « et la seule façon de les payer était l’or ».

5cbec224a3104842e4aa1131.jpegPour les Portugais, les terres « découvertes » étaient toutes des territoires de colonisation potentiels. Et pour cela, les quelques colonisateurs avaient besoin d’esclaves. Pour les Chinois, l’esclavage équivalait au mieux à des tâches domestiques. Pour les Européens, il s’agissait de l’exploitation massive d’une main-d’œuvre dans les champs et dans les mines, notamment en ce qui concerne les populations noires d’Afrique.

En Asie, contrairement à la diplomatie chinoise, les Européens ont opté pour le massacre. Par la torture et les mutilations, Vasco de Gama et d’autres colonisateurs portugais ont déployé une véritable guerre de terreur contre les populations civiles.

Cette différence structurelle absolument majeure est à l’origine du système mondial et de l’organisation géo-historique de notre monde, comme l’ont analysé des géographes de premier plan tels que Christian Grataloup et Paul Pelletier. Les nations asiatiques n’ont pas eu à gérer – ou à subir – les douloureuses répercussions de l’esclavage.

Ainsi, en l’espace de quelques décennies seulement, les Chinois ont renoncé à des relations plus étroites avec l’Asie du Sud-Est, l’Inde et l’Afrique de l’Est. La flotte des Ming a été détruite. La Chine a abandonné le commerce extérieur et s’est repliée sur elle-même pour se concentrer sur l’agriculture.

Une fois de plus : le lien direct entre la retraite navale chinoise et l’expansion coloniale européenne est capable d’expliquer le processus de développement des deux « mondes » – l’Occident et le centre chinois – depuis le 15e siècle.

À la fin du XVe siècle, il ne restait plus d’architectes chinois capables de construire de grands navires. Le développement de l’armement avait également été abandonné. En quelques décennies seulement, le monde sinifié a perdu sa grande avance technologique sur l’Occident. Il s’est affaibli. Et plus tard, il allait payer un prix énorme, symbolisé dans l’inconscient des Chinois par le « siècle de l’humiliation ».

Tout ce qui précède explique pas mal de choses. Comment Xi Jinping et les dirigeants actuels ont fait leurs devoirs. Pourquoi la Chine ne veut pas faire un remix des Ming et battre en retraite à nouveau. Pourquoi et comment la Route de la Soie terrestre et la Route de la Soie Maritime sont rétablies. Comment il n’y aura plus d’humiliations. Et surtout, pourquoi l’Occident – en particulier l’empire américain – refuse absolument d’admettre le nouveau cours de l’histoire.

Pepe Escobar

source : https://asiatimes.com

traduit par Réseau International

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