Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 30 juin 2016

Rappel du rôle des USA et de la CIA dans la construction de l’Union européenne

union-europeenne-projet-cia.jpg

Rappel du rôle des USA et de la CIA dans la construction de l’Union européenne

par Youssef Hindi

Ex: http://www.medias-presse.info

Ces réflexions de Youssef Hindi, historien et écrivain, à propos du Brexit, méritent l’attention de nos lecteurs.

Brexit, opportunité historique ou piège de l’oligarchie ? 

Au lendemain du Brexit, les européistes comme les eurosceptiques se questionnent sur l’avenir de l’Union européenne et du Continent. La sortie de la Grande-Bretagne de l’Union va-t-elle entraîner un effet domino ? Si tel est le cas, l’Euro, en tant que monnaie dite unique (elle est en réalité une monnaie commune convertie dans les anciennes monnaies nationales), disparaîtra mécaniquement.

L’oligarchie financière qui à l’air de paniquer – George Soros avait déclaré (pour ne pas dire menacé) que les Britanniques seraient appauvris en cas de Brexit[i] (il faut rappeler que ce financier judéo-américain s’était considérablement enrichi en spéculant contre la monnaie britannique en 1992) ; d’ailleurs dès l’annonce du résultat du vote la bourse de Londres à chuté –, a-t-elle prévu un plan B en cas de décomposition de l’Union européenne ?

L’ouverture qui se profile permettra-t-elle aux peuples d’Europe de se libérer de cette dictature oligarchique qui pilote le Continent via le Politburo de Bruxelles ?

Les origines et les finalités de la construction européenne

Le 19 septembre 2000, le grand reporter du journal britannique Daily Telegraph, Ambrose Evans-Pritchard, rapportait dans un article[ii] des éléments tirés d’un document déclassifié du gouvernement américain révélant que c’est la CIA qui a, dans les années cinquante et soixante, fondé et dirigé le mouvement fédéraliste européen. Il expliquait que

« l’Amérique travaille avec acharnement à pousser la Grande-Bretagne à s’intégrer à un Etat européen. Un mémorandum daté du 26 juillet 1950, donne des instructions pour une campagne visant à promouvoir un véritable parlement européen. Il est signé du Général William J. Donovan, chef du bureau américain des services stratégiques en temps de guerre (OSS), l’ancêtre de la CIA. Le principal levier de Washington sur l’ordre du jour européen était le Comité Américain pour une Europe Unie (ACUE : American Committee on United Europe) créé en 1948. Donovan, qui se présentait alors comme un avocat en droit privé, en était le président.

Le vice-président, Allen Dulles, était le directeur de la CIA pendant les années 1950. Le comité comptait parmi ses membres Walter Bedell Smith, le premier directeur de la CIA, ainsi que d’anciennes personnalités et des responsables de l’OSS qui travaillait par intermittence pour la CIA. Les documents montre que l’ACUE a financé le Mouvement européen, l’organisation fédéraliste la plus importante d’après-guerre. En 1958, par exemple, l’ACUE a assuré 53,5% du financement du mouvement. ».

Il poursuivait avec des informations particulièrement intéressantes à propos du financement d’hommes politiques européens plus ou moins connus et présentés au grand public comme les architectes de l’Union européenne :

« L’European Youth Campaign, une branche du Mouvement européen, était entièrement financée et contrôlée par Washington. Son directeur belge, le Baron Boel, recevait des versements mensuels sur un compte spécial. Lorsqu’il était à la tête du Mouvement européen, Joseph Retinger, d’origine polonaise, avait essayé de mettre un frein à une telle mainmise et de lever des fonds en Europe ; il fut rapidement réprimandé.

Les dirigeants du Mouvement européen – Retinger, le visionnaire Robert Schuman et l’ancien premier ministre belge, Paul-Henri Spaak – étaient tous traités comme des employés par leurs parrains américains. Le rôle des Etats-Unis fut tenu secret. L’argent de l’ACUE provenait des fondations Ford et Rockefeller, ainsi que de milieux d’affaire ayant des liens étroits avec le gouvernement américain. ».

ciaeu88429670_o.jpgLes Américains n’ont pas seulement fondé et financé ce qui deviendra l’Union européenne mais sont aussi à l’origine de la création de l’Euro ; ainsi Ambrose Evans-Pritchard rapporte qu’une note émanant de la Direction Europe, datée du 11 juin 1965, conseille au vice-président de la Communauté Economique Européenne, Robert Marjolin, de poursuivre de façon subreptice l’objectif d’une union monétaire. Elle recommande d’empêcher tout débat jusqu’au moment où « l’adoption de telles propositions serait devenue pratiquement inévitable ».

La finalité de ce projet de construction européenne est de neutraliser politiquement le Continent, d’empêcher toute politique indépendante, tant sur le plan intérieur que dans celui de la politique extérieure, et ainsi placer l’Europe sous la tutelle américaine. D’ailleurs, l’OTAN qui est le pendant militaire et géopolitique de l’Union européenne, a pour utilité de faire mener aux pays d’Europe et à leurs frais, les guerres impériales étasuniennes et notamment d’appliquer la politique de containment à l’encontre de la Russie. Une politique extrêmement dangereuse qui aura pour conséquence de faire du territoire européen un champ de bataille dans une guerre opposant l’OTAN et l’Armée russe.

De même, la création de l’Euro avait pour but et effet d’affaiblir, voire de détruire économiquement l’Europe, en favorisant l’économie allemande –augmentation spectaculaire des exportations allemandes dès l’instauration de l’Euro en 2002, du fait que l’Euro soit une monnaie à la taille de l’économie allemande et de la zone euro; de fait, un marché libre à concurrence déloyale où l’industrie allemande, surajoutée au système de libre-échange global, a accéléré la destruction des industries européennes, en particulier celles de la France et de l’Italie – au détriment de celle de ses voisins (la courbe des exportations françaises chute vertigineusement à partir de 2002)[iii].

Les preuves et les éléments mettant en évidence l’application de cette vaste stratégie américaine de domination de l’Europe ne manquent pas. En 1997, dans son livre Le grand échiquier – où il traçait avec précision les lignes de la stratégie de domination américaine –, le très influent géopolitologue américain Zbigniew Brzezinski, écrivait :

« Le problème central pour l’Amérique est de bâtir une Europe fondée sur les relations franco-allemandes, viable, liée aux Etats-Unis et qui élargisse le système international de coopération démocratique dont dépend l’exercice de l’hégémonie globale de l’Amérique. On le voit, la question ne saurait se résumer à choisir la France et l’Allemagne. Sans l’un ou l’autre de ces deux acteurs, l’Europe n’existera pas.

Trois grandes conclusions émergent de ce qui précède.

  • Le soutien américain au projet européen est nécessaire (ce qui explique le déplacement de Barak Obama en Grande-Bretagne durant la campagne sur le Brexit. A cette occasion le président des Etats-Unis a menacé le Royaume-Uni de représailles commerciales en cas de sortie de l’Union européenne, remettant en question le partenariat du Royaume-Uni dans le système de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne dans le cadre du traité transatlantique[iv]).
  • A court terme, il est justifié de s’opposer tactiquement aux positions françaises et de soutenir le « leadership » allemand.
  • Indépendamment l’une de l’autre, la France et l’Allemagne ne sont pas assez fortes pour construire l’Europe selon leurs vues propres, et pour lever les ambiguïtés inhérentes à la définition des limites de l’Europe, cause de tensions avec la Russie. Cela exige une implication énergique et déterminée de l’Amérique pour aider à la définition de ces limites, en particulier avec les Allemands, et pour régler des problèmes sensibles, surtout pour la Russie, tels que le statut souhaitable dans le système européen des républiques baltes et de l’Ukraine »[v]

La position agressive des dirigeants Européens contre la Russie dans l’affaire ukrainienne est révélatrice de la stratégie géopolitique américaine et de l’instrumentation de l’Union européenne et de l’OTAN pour étendre son hégémonie ; ce que Brzezinski ne cachait pas lorsqu’il préconisait de sortir l’Ukraine de la sphère d’influence géopolitique russe afin de l’affaiblir :

« L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’Etat Russe. De ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie. »[vi]

La fin de l’Union européenne est-elle pilotée ?

En soi, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne n’a pas de conséquences directes car elle n’y avait qu’un pied ; en effet, elle n’a adhéré ni à l’Euro ni à l’espace Schengen.

Comme l’a écrit Pierre Hillard « le Royaume-Uni, qui bénéficiait déjà d’une forme de Brexit déguisé avec des droits particuliers au sein de l’Union européenne, officialise sa rupture. »[vii]

La crainte affichée des oligarques et des européistes aux ordres vient de ce que peut inspirer le Brexit aux autres peuples d’Europe ; un effet domino s’étendant à toute l’Europe est à prévoir. La sortie de l’Union et de l’Euro – par des pays importants comme la France ou l’Italie – aurait pour effet la décomposition de l’une et l’autre.

Mais si l’on suit le raisonnement de Pierre Hillard, qui est un spécialiste des questions de régionalisme européen, cette décomposition de la construction européenne possiblement amorcée par le Brexit pourrait conduire, par une voie alternative au mondialisme, à « l’établissement d’une monnaie universelle, le « Phénix », prévue théoriquement pour 2018, selon The Economist, et la fragmentation en sept méga-région des Etats-Unis[viii], comme le révèle le New York Times »[ix].

farage.jpgPar ailleurs, le principal financier du parti Ukip de Nigel Farage, qui milite depuis plusieurs années en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, n’est autre que le millionnaire anglais juif Richard Desmond, détenteur, entre autres, du journal Daily Express, de OK magazine et de chaines de télévision pornographiques. Précisons qu’il a apporté son soutien financier au parti Travailliste puis au parti Conservateur avant de se tourner vers le parti de Nigel Farage. Richard Desmond a, de manière ambiguë, déclaré l’an dernier qu’il était favorable au référendum mais qu’il ne savait pas s’il voterait pour ou contre[x].

Dès le lendemain du Brexit, l’on a entendu des responsables politiques nous dire, à l’instar de Manuel Valls, que « c’est le moment d’être digne des pères fondateurs, de refonder une nouvelle Europe »[xi].

Selon les plus optimistes, l’effondrement de l’Union européenne et de l’Euro ouvrirait une porte salutaire, une occasion historique pour les pays d’Europe de sortir de la domination des marchés financiers, de s’affranchir du dictât des lobbies (en particulier le lobby bancaire) qui tiennent le Politburo de Bruxelles. Effectivement, il y a là une opportunité historique qui se présente, encore faut-il que les partisans d’un retour des nations et des monnaies nationales eussent été solidement organisés et prêts à saisir l’opportunité qui s’offre à eux.

Si cette crise a été provoquée par une branche de l’oligarchie occidentale pour passer à une étape supérieure – il s’agit ici du fameux concept de Karl Marx, le « saut qualitatif » menant à un « changement qualitatif », une redéfinition matérialiste d’une conception historique qu’il a emprunté, consciemment ou non, au messianisme juif –, elle a, pour ce faire, abaissé sa garde. C’est donc le moment de frapper ; mais au regard de la vacuité idéologique et programmatique, de la division et du noyautage des mouvements souverainistes en Europe (qui existent à droite mais aussi qu’à gauche), il est à parier qu’ils se laisseront dépasser par les évènements.

Youssef Hindi | 26 juin 2016

[i] Valeurs Actuelles, Brexit : Georges Soros prédit l’appauvrissement « de la plupart des électeurs », 21/06/2016.

[ii] The Telegraph, Euro-federalists financed by US spy chiefs, 19/09/2000, traduit en français par l’Union Populaire Républicaine le 18 novembre 2011.

[iii] Voir les courbes statistiques des balances commerciales française et allemande sur le site de Perspective Monde : http://perspective.usherbrooke.ca/

[iv] Le Hunfington Post, Barak Obama menace le Royaume-Uni de conséquences commerciales en cas de Brexit, 23/04/2016.

[v] Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier, L’Amérique et le reste du monde, 1997, Bayard Editions, pp. 103-104.

[vi] Zbigniew Brzezinski, op. cit., p. 74.

[vii] Pierre Hillard, Le Brexit victorieux. Et maintenant ?, Boulevard Voltaire, 24/06/2016.

[viii] Voir la nouvelle carte pour l’Amérique sur le site du New York Times : A New Map for America, New York Times, 15/04/2016.

[ix] Pierre Hillard, op. cit.

[x] Henry Mance, Ukip donor Richard Desmond unsure over EU exit, FT.com, 12/06/2016.

[xi] Europe 1, Brexit : « révélateur d’un malaise trop longtemps ignoré au sein de l’UE », pour Manuel Valls.


En savoir plus sur http://www.medias-presse.info/rappel-du-role-des-usa-et-de-la-cia-dans-la-construction-de-lunion-europeenne-youssef-hindi/57101#RBaRQfABOMSIeF8b.99

mercredi, 29 juin 2016

Otan/Exit, objectif vital

no_guerra_no_nato.jpg

Otan/Exit, objectif vital

Auteur : Manlio Dinucci
Ex: http://zejournal.mobi

L’art de la guerre

Tandis que l’attention politico-médiatique est concentrée sur le Brexit et sur d’autres possibles détachements de l’UE, l’Otan, dans l’inattention générale, accroît sa présence et son influence en Europe. Le secrétaire général Stoltenberg, ayant pris acte que « le peuple britannique a décidé de quitter l’Union Européenne », assure que « le Royaume Uni continuera à jouer son rôle dirigeant dans l’Otan ». Il souligne ainsi que, devant la croissante instabilité et incertitude, « l’Otan est plus importante que jamais en tant que base de la coopération entre les alliés européens et entre l’Europe et l’Amérique du Nord ».

Au moment où l’UE se fissure et perd des morceaux, par la rébellion de vastes secteurs populaires détériorés par les politiques « communautaires » et sous l’effet de ses propres rivalités internes, l’Otan se pose, de façon plus explicite que jamais, comme base d’union entre les Etats européens. Ceux-ci se trouvent de cette manière attelés et encore plus subordonnés aux Etats-Unis d’Amérique, lesquels renforcent leur leadership dans cette alliance.

Le Sommet Otan des chefs d’Etat et de gouvernement, qui se tiendra les 8-9 juillet à Varsovie, a été préparé par une rencontre (13-14 juin) entre les ministres de la défense, élargi à l’Ukraine qui ne fait pourtant pas partie officiellement de l’Otan. Dans la rencontre il a été décidé d’accroître la « présence avancée » en Europe orientale, au bord de la Russie, en déployant par rotation quatre bataillons multinationaux dans les Etats baltes et en Pologne. Ce déploiement peut être rapidement renforcé, comme l’a démontré un exercice de la « Force de pointe » durant laquelle un millier de soldats et 400 véhicules militaires ont été transférés en quatre jours de l’Espagne à la Pologne. Pour le même objectif il a été décidé d’accroître la présence navale Otan dans la Baltique et en Mer Noire, aux limites des eaux territoriales russes. En même temps l’Otan projettera davantage de forces militaires, y compris des avions radar Awacs, en Méditerranée, au Moyen-Orient et en Afrique.

Dans la même réunion, les ministres de la défense se sont engagés à augmenter en 2016 de plus de 3 milliards de dollars la dépense militaire Otan (qui, pour les seuls budgets de la défense, se monte à plus de la moitié de celle mondiale), et à continuer à l’accroître dans les prochaines années. Voici les préliminaires de l’imminent Sommet de Varsovie, qui se donne trois objectifs clé: « renforcer la dissuasion » (c’est-à-dire les forces nucléaires Otan en Europe); « projeter de la stabilité au-delà des frontières de l’Alliance » (c’est-à-dire projeter des forces militaires au Moyen-Orient, Afrique et Asie, y compris au-delà de l’Afghanistan); «élargir la coopération avec l’UE » (c’est-à-dire intégrer encore plus les forces européennes dans l’Otan sous commandement USA).

La crise de l’UE, émergée avec le Brexit, facilite le projet de Washington: amener l’Otan à un niveau supérieur, en créant un bloc militaire, politique et économique (à travers le TTIP) USA-UE, toujours sous commandement étasunien, opposé à l’aire eurasiatique en ascension, fondée sur l’alliance Russie-Chine. Dans ce cadre, l’affirmation du premier ministre Renzi au forum de Saint Petersburg, « le mot guerre froide est hors de l’histoire et de la réalité, que l’UE et la Russie redeviennent d’excellents voisins », est tragiquement grotesque. L’enterrement du gazoduc South Stream Russie-Italie et les sanctions contre la Russie, tous deux sur ordre de Washington, ont déjà fait perdre à l’Italie des milliards d’euros. Et les nouveaux contrats signés à Saint Petersburg peuvent sauter à tout moment sur le terrain miné de l’escalade Otan contre la Russie. A laquelle participe le gouvernement Renzi qui, alors qu’il déclare la guerre froide hors de la réalité, collabore au déploiement en Italie des nouvelles bombes nucléaires étasuniennes pour l’attaque contre la Russie.

Traduit par Marie-Ange Patrizio

lundi, 27 juin 2016

Regard sur la Société Post-Brexit

BrexitCartoonvvvvv.jpg

Regard sur la Société Post-Brexit : Sur la pente du terrorisme domestique…

par Bruno Bertez

Ex: http://www.leblancetlenoir.com

Dans les années 30, beaucoup d’auteurs ont décrit les évolutions des sociétés qu’ils avaient sous les yeux. La plupart des observateurs étaient lucides et mêmes extras lucides comme André Tardieu par exemple. Ils avaient tiré les conclusions logiques, nécessaires, des phénomènes qu’ils observaient. Bien sûr ils n’ont été ni écoutés ni même entendus.

La névrose sociale est une donnée de tous les temps, les peuples vivent dans des mondes faux et fous et ils croient que c’est le monde réel; ils n’ont toujours pas compris que le monde est une construction – imposée par les dominants-une construction qu’il faut démystifier, le monde n’est pas une donnée, c’est un travail, une pratique. Ce que l’on voit n’est qu’un point de départ, il faut creuser, mettre en relation, mettre au jour les articulations cachées qui donnent sens aux évènements disparates et éclatés qui nous submergent.

Le texte ci dessous ( nous faisons référence au texte publié sur notre service juste ci-dessous, repris de FigaroVox) est intéressant en ce qu’il souligne bien l’importance de la question des referendum populaires. Il est évident pour tout le monde que ces consultations déplaisent dans la mesure où elles produisent des résultats qui ne sont pas conformes à ceux qu’attendent les « dominants ».

La comédie démocratique est tolérée tant qu’elle sert de cache-sexe à leurs volontés unilatérales. Quand les résultats ne sont pas ceux qui sont espérées, alors soit on les contourne, soit on les vide de sens. Avant, on a bien pris soin de faire donner l’artillerie de la propagande et des intimidations. Tout cela est maintenant clair.

Il est symptomatique que cette question de la légitimité des consultations populaires se pose maintenant et qu’elle ait besoin de justifications intellectuelles. Il y a toujours un mercenaire du système pour se charger de ce travail. L’exercice scélérat de Jacques Attali, l’hyper mondialiste, qui veut aller au fond des choses et attaquer à la racine cette procédure de consultation d’apparence démocratique, cet exercice en dit long sur l’urgence qu’il y a pour les dominants à reprendre la main ou mieux à ne pas la perdre.

Nous sommes à la veille d’une tentative de coup d’état en Europe, car les dominants ayant compris qu’il s’agissait d’une course de vitesse entre partisans et détracteurs de l’Union, veulent à tout prix modifier les traités et les règles du jeu afin d’accélérer l’intégration et de la rendre concrètement irréversible. C’est le sens des propos de Hollande, Sarkozy et bien sûr Merkel. Les uns veulent accélérer la vassalité et l’autre veut sceller sa domination. On reprend l’ouvrage là où on l’a laissé dans les années 30 et 40.

Pour le moment, les eurosceptiques sont encore soit minoritaires, soit majoritaires, mais divisés comme c’est le cas en France. Cependant qui ne voit que plus la crise dure et plus elle s’approfondit, plus il y a de laissés pour compte et plus le nombre des anti-intégration progresse. C’est en ce sens que nous avons introduit cette idée de course de vitesse : il y a une tendance lourde à la dégradation de la situation des classes moyennes et productives car les pseudo remèdes ne sont que des « kick the can », des reports. Et ils ont pour résultat d’augmenter les risques futurs et la fragilité de nos systèmes. Nous trainons des boulets de plus en plus lourds. En même temps ils détruisent des acquis comme les régimes de retraites et de protections sociales, ce qui fait s’effondrer les consensus. Les gens ont de moins en moins à perdre, ce qui signifie que l’on crée les conditions historiques des révoltes.

La tendance lourde est à l’approfondissement de la crise, cet approfondissement oblige les « dominants » à aller plus loin, toujours plus loin dans l’érosion des niveaux de vie, du contrôle social et de la destruction des libertés/identités. Leur cynisme devient de plus en plus facile à voir, le système lui-même se révèle pour ce qu’il est, au fil de la crise. Peu à peu ces consensus ne subsistent que par la peur, la terreur même si on en juge par les arguments qui ont été utilisés lors des débats pré- Brexit.

Il faut aller plus loin que les Attali et autres et pointer sans hésiter le sens général de l’évolution anti-démocratique : la Vérité, les Valeurs, les Principes sont unifiants, car le symbolique s’impose à tous … sauf aux chiens, aux cyniques.

Pendant les périodes intermédiaires, les luttes se déroulent encore aux marges, aux frontières du système, c’est à dire de façon civilisée, sans violence ouverte, par une sorte de réticence à déclarer vraiment la guerre sociale.

Nous pensons qu’il faut être prospectifs et oser affronter le futur qui découle de la logique : à partir du moment où les « dominants » pratiquent le cynisme, le mensonge, le contrôle social, bref à partir du moment où ils glissent sur la pente de la violence, eux même en justifient l’usage.

La force, la barbarie sont non pas des choix, mais des enchainements. Nos sociétés restent barbares, on le voit avec la multiplication des conflits honteux, mais cachés loin de chez nous.

Notre avenir sur cette pente, c’est le terrorisme domestique.

BRUNO BERTEZ

MILLION-UE-ROYAUME-UNI-BREXIT-CALAIS-HD-1602bd.jpg

Brexit : pourquoi l’UE n’aime pas les référendums sur l’Europe

Par Benjamin Masse-Stamberger

FIGAROVOX/TRIBUNE – Après Jean-Claude Juncker, Jacques Attali a critiqué l’existence même du référendum qui se tient ce jeudi au Royaume-Uni. Pour Benjamin Masse-Stamberger, certaines élites européennes ont la tentation d’«abolir» la démocratie.

Benjamin Masse-Stamberger est journaliste et essayiste, membre fondateur du Comité Orwell. Ancien Grand reporter à l’Express, il est co-auteur notamment de Inévitable Protectionnisme (Gallimard/Le Débat, 2011) et de Casser l’euro pour sauver l’Europe (Les Liens qui Libèrent, 2014). Il tient le blogBasculements.

«Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens.» On se souvient de la sentence de Jean-Claude Juncker, prononcée début 2015, et destinée à faire rentrer les Grecs dans le rang de l’austérité. Depuis un certain temps déjà, les élites européennes ont pris l’habitude de s’asseoir consciencieusement sur les choix des peuples, du «Non» Français au Traité constitutionnel en 2005, au camouflet infligé par les Grecs à la Troïka à l’été dernier, en passant par les votes néerlandais et irlandais.

Jusqu’à présent, les «corrections» apportée par l’oligarchie européenne aux votes populaires intervenaient toujours à postériori, donnant aux électeurs l’impression désagréable – et ô combien justifiée – qu’on ne les avait consultés que pour la forme. Trop voyant. Alors que le risque de Brexit fait passer un souffle glacé dans le cou des Européistes, c’est Jacques Attali, éternel conseiller des Princes, qui a décidé de s’y coller, afin de corriger ce léger défaut de conception. Et éviter la contagion du Brexit à d’autres populations influençables.

Sa solution est simple: il s’agit, ni plus ni moins, que…de supprimer les référendums sur l’Europe!

Un tel référendum, écrit-il sur son blog à propos du Brexit, implique qu’un peuple peut remettre en cause toute évolution considérée jusque-là comme irréversible, telle qu’une réforme institutionnelle, une conquête sociale, une réforme des mœurs. (…) Selon notre conception occidentale du Droit, il existe des progrès irréversibles, (par exemple, la démocratie, la liberté du culte, l’interdiction du travail des enfants, l’abolition de la peine de mort) qu’un vote simple ne peut défaire.»

On aura saisi que l’appartenance à l’Union Européenne faisait partie de ces «progrès irréversibles» que le peuple, fut-il majoritaire, ne devrait pas être en mesure de défaire. «Toute décision ayant un impact lourd sur le sort des générations suivantes, écrit-il encore, ne devrait pas pouvoir être prise par une majorité de moins de 60% des votants, réaffirmée à trois reprises à au moins un an d’écart.»

Exit, donc, les référendums européens. On comprend en creux qu’il serait plus raisonnable de laisser la maîtrise

On aura saisi que l’appartenance à l’Union Européenne faisait partie de ces « progrès irréversibles » que le peuple, fut-il majoritaire, ne devrait pas être en mesure de défaire.

Celles-là même qui nous ont vendu cette «mondialisation heureuse» qui, grâce au «doux commerce», devait éradiquer le fanatisme et la violence. Avec le succès que l’on sait. Les mêmes, également, qui ont conçu l’architecture de cette Europe-là, si bien pensée pour résister à toutes les tempêtes. Si solide, qu’elle fut finalement la plus déstabilisée par la crise financière, pourtant d’origine américaine. Si efficace, qu’elle a plongé le continent dans la récession et la déflation. Si protectrice qu’elle a fini par confier les clés de sa politique migratoire à Recep Erdogan, le président Turc.

Ce n’est bien sûr pas un hasard si cette proposition vient d’un membre éminent de nos chères élites hexagonales, proche de François Hollande, et grand défricheur d’idées nouvelles. Car, après nos amis Anglais, s’il est un pays qui pourrait être tenté par la sortie, c’est bien le nôtre, tant il est dans la ligne de mire des directeurs de conscience de Bruxelles et de Berlin. On l’a vu, en effet, avec en particulier la loi El-Khomri, dont l’essayiste Coralie Delaume a bien montré qu’elle était une réponse directe aux désidérata de Bruxelles. Seul hic: les Français commencent à réaliser plus précisément d’où viennent leurs problèmes. Et à comprendre que sortir de la centrifugeuse européenne devenue folle, pourrait bien être le seul moyen de rompre avec quarante années d’impuissance et de rétrécissement. Aussi le plus simple est-il sans doute d’opérer de manière préventive: empêcher le Frexit avant même qu’il puisse être envisagé.

Big Brother avait énoncé : « La guerre c’est la paix, la liberté, c’est l’esclavage, l’ignorance, c’est la force ». A ce tryptique, on pourra désormais ajouter un ultime précepte : « La dictature, c’est la démocratie ».

Aussi une certaine rhétorique employée par nos élites masque-t-elle mal la volonté d’extraire du champ de la délibération populaire, une part croissante de décisions qui pourtant, concernent nos concitoyens de manière vitale. Interrogé sur le site du Monde, Attali s’est ainsi permis d’ajouter: «Il y a des choses irréversibles en démocratie, cela s’appelle le progrès». Big Brother, lui, avait énoncé: «La guerre c’est la paix, la liberté, c’est l’esclavage, l’ignorance, c’est la force.». A ce tryptique, on pourra désormais ajouter un ultime précepte: «La dictature, c’est la démocratie.»

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/06/23/31002-20160623ARTFIG00246-brexit-pourquoi-l-ue-n-aime-pas-les-referendums-sur-l-europe.php

jacques-attali.jpg

Brexit: Jacques Attali appelle à « sanctuariser » la dictature!

par Olivier Demeulenaere

Non, évidemment, il ne le dit pas comme ça. En des termes bien choisis, il appelle seulement – si je puis dire – à « sanctuariser le progrès ». Et le progrès, c’est l’Union européenne, vous l’avez compris… Pour Attali, donc, il ne devrait pas être autorisé qu’un référendum – qualifié avec mépris de « simple vote du peuple » et même de « vote de circonstances » – puisse défaire une grandiose usine à gaz, aussi détestable et régressive soit-elle. Vraiment qu’ils sont beaux, les raisonnements des élites autoproclamées. Surtout quand ces mêmes élites nous assuraient il y a quelques années que l’Europe était irréversible et qu’elles pètent de trouille aujourd’hui… OD

« Le référendum britannique, quel qu’en soit le résultat, constitue un tournant idéologique majeur dans l’histoire de l’Occident. Un tournant vers le pire, si l’on n’en pèse pas toutes les conséquences. Jusqu’ici, on considérait certaines évolutions institutionnelles, économiques, sociales, scientifiques, comme des avancées telles que, une fois qu’elles étaient installées, nul ne chercherait plus jamais à les remettre en cause, même pas par un vote démocratique. Avec le vote sur le Brexit, c’est ce principe, non-dit et pourtant essentiel, qui est remis en cause.

D’abord, en posant cette question, David Cameron, permet à d’autres pays de l’Union qu’ils ont eux aussi le droit de se poser la même question, de défaire ce que leurs pères ont fait. On ne pourra donc plus prétendre que le projet européen avance à des vitesses variables, dans une direction unique, et il faut admettre que l’Europe peut désormais assumer un désir de se défaire.

Plus largement, un tel referendum implique qu’un peuple peut remettre en cause toute évolution considérée jusque-là comme irréversible, telle qu’une une réforme institutionnelle, une conquête sociale, une réforme des mœurs.

Certes, il a toujours été admis qu’en principe, en démocratie, le peuple peut décider de tout. Il n’empêche : selon notre conception occidentale du droit, il existe des progrès irréversibles, (par exemple, la démocratie, la liberté du culte, l’interdiction du travail des enfants, l’abolition de la peine de mort) qu’un vote simple ne peut défaire. Admettre qu’on puisse remettre en cause des acquis, revient à nier la notion même de progrès.

Si on pousse le raisonnement à l’extrême, et certains le font déjà, on considérera que c’est la notion même d’accumulation du savoir qu’on peut remettre en cause. Depuis des siècles, le progrès scientifique consiste à échafauder de nouvelles théories qui dépassent les actuelles sans les contredire : la science peut dépasser Darwin, c’est-à-dire inclure sa vision de l’histoire du vivant dans une conception plus vaste, mais pas le nier. Et surtout pas par une décision politique, extérieure au règne de la raison.

Admettre que rien n’est acquis, peut conduire, à revenir au temps où la raison et la liberté étaient écrasées par la foi et le fatalisme et, en utilisant les armes de la démocratie, à la détruire.

Il est donc important, de réfléchir, à froid, avant qu’il ne soit trop tard, aux sujets qu’un seul vote majoritaire du peuple ne pourrait suffire à trancher.

On devrait d’abord et ce serait passionnant, faire la liste de tels sujets, qui seraient sanctuarisés, en les inscrivant dans la constitution. En particulier, une génération devrait y réfléchir à deux fois avant de modifier une situation ayant un impact sur les générations suivantes. Il faudrait ensuite modifier la procédure de réforme constitutionnelle, pour s’assurer qu’un vote de circonstances ne puisse avoir des conséquences de long terme non désirées. Toute décision ayant un impact lourd sur le sort des générations suivantes, ne devrait pas pouvoir être prise par une majorité de moins de 60% des votants, réaffirmée à trois reprises à au moins un an d’écart (sic).

Certains ne verront dans cette prise de position qu’une tentative désespérée d’une oligarchie dépassée pour maintenir un ordre démodé, en méprisant les désirs des peuples. Il s’agit au contraire de donner aux peuples le temps de réfléchir aux conséquences de ses actes et d’éviter qu’une génération, par caprice, ne détruise ce que les précédentes ont voulu laisser aux suivantes. Dans bien des circonstances, ce genre de mécanismes aurait évité à l’Europe de plonger dans la barbarie. Il pourrait encore se révéler salvateur ».

Blog de Jacques Attali, le 20 juin 2016

https://leblogalupus.com/2016/06/26/regard-sur-la-societe...

Du Brexit à la re-construction de l’Union européenne

En votant pour le Brexit, les partisans du retour au Splendid Isolement ne l’ont pas compris, mais ils ont voté pour la sortie d’une Union européenne qui était sous influence anglaise (ou anglo-américaine pour tenir compte de la relation fusionnelle entre Londres et Washington).

Ces Britanniques n’ont pas réalisé que ce qu’ils reprochent à Bruxelles (immigration massive, chômage et misère des classes populaires, dégradation du système de santé et des services publics, croissance des inégalités, etc.), ils le doivent, d’abord et avant tout, à la politique ultra-libérale conduite par tous les gouvernements anglais depuis Margaret Thatcher, et que Londres s’efforçait de faire appliquer au niveau de l’Union par l’adoption d’un libre-échange toujours plus laxiste, et élargi à des contrées non-européennes. La désarticulation sociogéographique du Royaume-Uni, c’est-à-dire l’opposition entre Londres et la vieille Angleterre industrielle à l’abandon, en est la conséquence la plus visible, et la plus décisive pour le résultat du référendum. De surcroît, les votes contradictoires de l’Écosse et de l’Ulster, qui souhaitent demeurer en Europe, pourraient poser la question de sa continuité historique.

Il faut donc comprendre que derrière le rejet de l’Union européenne, qui relève de la symbolique du bouc émissaire, et qui peut s’expliquer par des réactions xénophobes, le Brexit souligne plus encore le désarroi social d’un pays en grand déclin, victime de l’égoïsme de son propre Establishment, et révèle la crise idéologique qui frappe, à des degrés divers, tous les peuples de l’Union, en termes de choix de société, de politique économique, et même de style de civilisation, face aux défis de la mondialisation. À ce titre, il convient de l’interpréter en évitant les ressentiments, même quand ils sont légitimes, car il ouvre un débat qui dépasse le seul Royaume-Uni.

L’Union européenne transformée et dénaturée par l’influence anglaise

D’une certaine façon, la Grande Bretagne aura bien été le « cheval de Troie » que le général De Gaulle redoutait, dans la mesure où le « passage » du Royaume-Uni dans l’UE, qui aura duré quarante-trois ans, l’a transformée, bouleversée, et même dénaturée.

En effet, sous la pression des Anglais et de leur mentor américain, l’UE a abandonné son principe fondateur de la préférence communautaire, a réduit son tarif extérieur commun à un taux ridicule, et elle est devenue ainsi, de communauté économique qu’elle était, une zone de libre-échange, presque comme les autres, en même temps que l’élève modèle de l’Organisation Mondiale du Commerce. Car c’est bien là, bien plus que dans les sempiternelles demandes des gouvernements anglais de ristournes sur leurs contributions financières, que se situe le « problème anglais » de l’Europe.

Les commissaires anglais de l’Union sont parmi les principaux responsables de son ouverture à tous les flux de la mondialisation. L’un d’entre eux, Lord Brittan, commissaire au commerce de 1993 à 1995, et aux relations extérieures de 1995 à 1999, avait déjà dans ses cartons le projet de traité de libre-échange transatlantique qui se négocie actuellement.

On peut donc espérer, à moins que les dirigeants européens soient plus irresponsables que l’on peut le penser, que le Brexit aura l’immense avantage de faire avorter cette négociation, et que rien ne viendra remplacer le traité qui était envisagé.

Le départ du Royaume-Uni devrait aussi compliquer encore plus l’adhésion de la Turquie, qu’il souhaitait ardemment. En somme, sans ironie aucune parce que c’est tout le paradoxe, comme cela est arrivé d’autres fois, le peuple britannique « file à l’anglaise », pour échapper, ou en pensant croire échapper, à une situation que ses dirigeants ont voulue et créée ; celle d’une Union européenne délabrée par la financiarisation de l’économie, et paralysée par la stagnation organisée de sa construction politique.

Le Brexit n’est pas une bonne solution pour le peuple britannique, mais il peut rendre service aux Européens

On comprend dès lors tout le désappointement de la City et des milieux d’affaires londoniens de devoir quitter, si le Brexit va jusqu’au bout, une UE qui était à leur main. Surtout à un moment où la place boursière vacille, et où elle aurait eu besoin d’alliances continentales.

La victoire du souverainisme risque donc d’être une victoire à la Pyrrhus, tant elle va engendrer de désillusions. L’Angleterre n’a plus d’empire, et, devenue une économie de services, elle n’exporte plus grand-chose. À l’aggravation des difficultés économiques, va s’ajouter la non-résolution de problèmes comme celui de l’immigration, car ce n’est pas l’Union européenne qui a octroyé d’office la nationalité britannique à tous les ressortissants du Commonwealth. Les mesures anti-immigration atteindront, éventuellement, les nombreux Européens installés outre-Manche, et cela compliquera les relations avec les partenaires continentaux. Lesquels n’auront plus de raison d’enrayer les flux venus du Sud et qui se dirigent vers la Grande-Bretagne.

Aux coûts économiques et financiers nouveaux vont s’agréger les incertitudes politiques et, peut-être, l’instabilité gouvernementale ; autant les Conservateurs que les Travaillistes étaient divisés sur l’attitude à tenir par rapport au Brexit. Au fond, rien ne semble vraiment joué. Et comme le processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE est long, entre deux et quatre ans, il faut s’attendre à des surprises quant à la future teneur des relations entre les deux entités.

En attendant, pour les Européens, en tout cas pour les plus convaincus, le départ du Royaume-Uni peut être une chance de renouveau, parce qu’il entraîne un affaiblissement du « bloc libéral » dans l’UE, et qu’il fait sauter un obstacle dirimant à l’Europe politique.

Ainsi allégée, l’UE peut changer d’orientation. L’Europe doit se re-construire en revenant à ses fondamentaux, en se recentrant sur les intérêts communs de ses peuples. De ce point de vue, le Brexit peut aussi avoir un effet salutaire dans les prochains mois en tant qu’exemple de ce qu’il ne faut pas faire, parce que finalement contreproductif pour le peuple britannique. De quoi refroidir, partout ailleurs, les velléités nationalistes et l’euphorie souverainiste actuelle.

La question qui reste entière est de savoir comment conduire la re-construction européenne en l’absence de leaders charismatiques et de véritables hommes d’État dans le vieux continent ? À partir de quelles nations aussi, parce qu’il apparaît stratégiquement inconcevable de ne pas s’appuyer sur un noyau dur pour recommencer ? La question vaut, en particulier, pour les Français. Car, chacun le sait, l’Histoire est plus une affaire d’hommes que d’institutions.

dimanche, 26 juin 2016

Et maintenant le Texit ? Ou les leviers d'influence de Poutine aux Etats-Unis

texit.jpg

Et maintenant le Texit ? Ou les leviers d'influence de Poutine aux Etats-Unis

Ex: http://www.chroniquesdugrandjeu.com & http://www.leblancetlenoir.com

Dans la foulée du Brexit, le Mouvement Nationaliste du Texas a réclamé un référendum d'auto-détermination. Ceci est tout sauf un gag et votre serviteur suit déjà depuis quelques années l'évolution du sentiment séparatiste texan. L'unité des Etats-Unis semble aujourd'hui aller de soi, mais la chose n'est pas si évidente ; il existe des divergences régionales et idéologiques extrêmement fortes dans ce pays qui n'est, somme toute, qu'une fédération.

Indépendant du Mexique en 1836, le Texas fut souverain durant une décennie avant de joindre les Etats-Unis en formation en 1845. De cette époque, le Texas a gardé un certain sentiment d'irrédentisme, renforcé par le fait qu'il roule sur l'or le pétrole et que son économie est équivalente à celle d'un pays occidental moyen (son PIB par habitant est supérieur à celui du Canada). Les Texans sont excédés d'avoir à payer pour la dette abyssale des Etats-Unis - rappelons tout de même que la naissance du pays vient d'une querelle fiscale avec la couronne britannique - et ont une méfiance innée vis-à-vis du pouvoir fédéral, encore accrue sous la présidence Obama (témoin, cette pétition pour faire sécession en 2012). En un mot, le phénomène indépendantiste du Texas est beaucoup moins marginal et anecdotique qu'on pourrait le croire.

Or, pour les maîtres de l'empire, qui se voient ici menacés dans leur propre jardin, l'ombre de Poutine n'est jamais loin. Et peut-être pas tout à fait à tort pour le coup...

L'on connaît bien les menées des ONG américaines et leurs tentatives de déstabilisation du pouvoir dans les autres pays, particulièrement autour de la Russie - Ukraine, Géorgie, Kirghizstan Serbie : les révolutions colorées fomentées par Washington sont parfaitement documentées. On sait moins que Poutine dispose également de leviers, certes plus modestes, aux Etats-Unis mêmes.

S'il est évidemment la bête noire des Folamour néo-conservateurs, qui tiennent désormais à peu près tout l’appareil politico-intellectuel US, et est vilipendé par le système médiatique mainstream qui en est issu, Vladimirovitch a des soutiens non négligeables dans des pans très divers de la population américaine. Il apparaît où on ne l’attend pas, par exemple lors des émeutes noires de Ferguson en novembre 2014, où certains afro-américains, sans doute par provocation envers le gouvernement, appelaient le président russe à l'aide !

texit2.png

Chose rare, le ministère russe des Affaires étrangères, qui d’ordinaire se garde bien de se mêler des affaires internes d’un pays, se permit d'épingler l'empire à cette occasion : "Les derniers événements à Ferguson sont un nouveau signal très préoccupant envoyé aux autorités américaines indiquant qu'il est enfin temps pour elles de résoudre les énormes problèmes intérieurs dans le domaine du respect des droits de l'homme". Pan, réponse du berger à la bergère ! Les médias russes, eux, s’en donnèrent à cœur joie, parlant d’« Afro-Maïdan » et faisant des gorges chaudes sur le moralisme américain "seulement valable à l’extérieur".

A l’autre bout de l’échiquier, il est apprécié des segments conservateurs de la société, notamment autour de Pat Buchanan et du Tea Party, pour ses positions sur le mariage homosexuel ou sa défense de la société traditionnelle, mais aussi pour sa défense des chrétiens au Moyen-Orient. Or, cette tendance est loin d'être négligeable aux Etats-Unis, comme chacun sait.

L’actuel climat de paranoïa néo-conservatrice, digne des plus belles heures du maccarthysme, rend l’analyse difficile pour séparer le vrai du faux, mais on voit Poutine partout. Derrière le mouvement des activistes réclamant l’arrêt de la fracturation hydraulique ou derrière... le mouvement séparatiste du Texas (nous y voilà !)

Les dirigeants sécessionnistes texans sont régulièrement invités à Moscou par des think tanks russes dont il est difficile de connaître le degré de proximité avec le gouvernement. Mais une chose est sûre : si le Kremlin ne souhaitait pas leur présence, les visas ne seraient pas délivrés. Aussi Poutine joue-t-il en sourdine et un peu ironiquement cette partition. Veut-il vraiment l'éclatement des Etats-Unis, pense-t-il seulement qu'il est possible ? Sans doute pas. Mais il conserve cet atout quelque part dans sa manche et est susceptible de le sortir quand la situation internationale est favorable (Brexit). Avec, comme message subliminal : vous voyez, nous aussi on peut le faire...

New Silk Road or New World War for NATO Colonies?

silkroadchina.jpg

New Silk Road or New World War for NATO Colonies?

Matthew Ehret-Kump

Ex: https://gianalytics.org

The Trans-Atlantic community is now faced with a choice which, if answered incorrectly, may condemn humanity to an early extinction

This choice lies between two paradigms: 1) Continuing down the path of militarism and monetarism that have become characteristic governing principles of the system dominating those economies of Europe and North America; or 2) accept the offers made by countries affiliated with the Russia-China-India alliance which has established an alternative security and economic framework for “win-win cooperation” based on a revival of the 2000 year old Silk Road. This new paradigm has many facets and integrating parts, but is unified around the principle of developmental, long-term visionary projects tied within the “One Belt-One Road” and its global extensions, known increasingly as the “World Landbridge,” across every continent on the face of the earth.

The Fog of War settles on a Myopic Europe

On May 11th, Romanian officials were joined by the chiefs of NATO and the US military establishment to inaugurate the new Aegis Ashore Ballistic Missile Defense installation which has been in the works for many years and which Russian military officials have openly warned is recognized as an existential threat to Russia’s survival. This system is part of a broad array of aggressive Anglo-American maneuvers aimed at winning a “limited” thermonuclear war with Russia and its Chinese ally.

Within this array of military programs, the USA has not only quadrupled its Eastern European military systems from $750 million to $3.5 billion, and has put a $1 Trillion nuclear weapons modernization plan in action, which includes stationing new B61-12 bombers and tactical nuclear weapons in Germany. It has also led the permanent establishment of 4000 rotating troops comprising Ukrainian, Lithuanian and other soldiers stationed in Lithuania, a program recognized by many military analysts as a new Operation Barbarossa. Already $100 billion over ten years has been spent by the United States on this military infrastructure encircling both Russia and China.

natolith.jpg

NATO officials on the scene were quick to dismiss Russia’s concerns that its strategic nuclear response capabilities were being threatened, as American Deputy Defense Secretary, Bob Work stated: “This site, nor the site in Poland, has any capability- none whatsoever- to undermine Russia’s strategic deterrent.” While that may be true in the present, Russia’s ambassador to NATO Alexander Grushko was quick to point out this line of reasoning as fraudulent when he retorted: “By deploying the MK-41 universal launchers, capable of launching medium-range missiles, at the Aegis Ashore facilities, the US is seriously undermining the treaty of Intermediate Range Nuclear Forces”[1] . This system must not be conceptualized outside of a top-down evaluation of America’s global military encirclement of Russia’s eastern border and that of its greatest ally, China, with the expansion of THAAD missile systems in South Korea and military buildup in Japan, Philippines and Australia advancing quickly under the military title of “Air-Sea Battle”.

The explicit danger of World War and the refutation of Bob Work’s claim of non-aggression were made additionally clear by NATO’s Commander General Sir Philip Breedlove on April 1st, 2016 in Latvia, when commenting on the 4000 troop permanently deployed in Eastern Europe, Breedlove stated:

We are prepared to fight and win if we have to… our focus will expand from assurance to deterrence, including measures that vastly improve our readiness… to the east and north we face a resurgent and aggressive Russia, and as we have continued to witness these last two years, Russia continues to seek to extend its influence on its periphery and beyond.

Sir Breedlove was most recently joined by NATO’s former Deputy Supreme Commander Sir Richard Sherrif who also revealed the plan to go to war with Russia during a speech promoting his new book 2017: War With Russia. Sir Sherrif exclaimed on May 18 that a nuclear war with Russia is likely within the coming year.

usrussia120514-800x500.jpg

Other Russian military analysts have been even more candid than Ambassador Grushko in the Russian assessment of the motive behind the NATO war plan. One such analyst is Putin-advisor, and co-architect of the Eurasian Economic Union[2] Sergei Glaziev, who in an interview with Lenta.ru (republished in English on Russia Insider), has pinpointed correctly that the information war, economic war, and NATO missile shield buildup are the direct consequences of a collapsing bubble economy.

The economic entities that dominate in the US, serving a financial oligarchy, have destabilized the American monetary and financial system, which defaults about twice a year. The causes of the global financial crisis of 2008 have not disappeared and the American debt bubble — financial pyramids composed of derivatives and the national debt —are still growing… This is what American geopoliticians study in the State Department and the White House, continuing to look at the world through the prism of both the Cold War and British confrontations with Russia and Germany in the nineteenth century, and now the US is unleashing another world war.

Glaziev goes on to call for a new paradigm of cooperation via large-scale economic development modeled on what China has done with the New Silk Road, and the newly emerging Eurasian the Economic Union and Trans-Eurasian Economic Belt[3].

China’s New Silk Road Miracle

In recent years, China has demonstrated a creative talent for economic performance as it has not only lifted 600 million people  (over half of its population) out of poverty,  but has made the New Silk Road a global, open concept which has provided a viable rescue plan for NATO countries locked in the crossfire of nuclear war who see no long-term hope for a future within a collapsing Eurozone. Latvia, Hungary, Poland, Czech Republic and other Eastern European countries are currently signing multi-billion dollar deals for infrastructure, high-tech and energy programs which are pulling their nations’ leadership out of the closed system cage of Troika/Wall Street/NATO dictatorship and into a new alignment with the new paradigm of win-win cooperation. China has already built 18,000 km of high-speed rail and has extended its program to Pakistan, Afghanistan, Egypt, Iran and other middle eastern countries that have been targeted for regime change by Western Neo-Con/Neo-Liberal ideologues.

China’s $46 billion infrastructure plan already includes a project to double Pakistan’s energy supply, construct new ports across the Pacific and Indian Oceans, and extend nearly a trillion dollars of investment into long-term development of countries along the beltway (representing over 4.4 billion people). 

The Case for Canada

The same choice which NATO colonies in Europe are faced with is also confronting the leadership of Canada: Join the New Silk Road, or get dragged ever deeper into an un-winnable war and the economic disintegration of an imperial casino economy.

On April 16th, 2016 Canada’s Defense Minister Harjit Sajjan announced that the NORAD-NATO Ballistic Missile Shield program, rejected in 2005 under the former Liberal government of Paul Martin, will be revived under the 2017 Defense Policy Review. A summary reading of the official 30 page public consultation document reveals clearly that Canada’s defense establishment not only continues to adhere to the Neo-Con narrative of  Russia’s “aggressive, belligerent behavior in Ukraine and the Arctic”, but that in the face of such “threats”, Canada must integrate ever closer with NORAD and revive the dossier on Arctic Ballistic Missile Defense. The document reads:

One issue that has not been considered by Canada for over a decade concerns ballistic missile defense. Given the increase in the number of countries with access to ballistic missile technology and their potential to reach North America, this threat is expected to endure and grow more sophisticated in coming decades.” The document ends with the question: “In accordance with its 2005 decision, Canada does not participate in the US ballistic missile defense system for the defense of North America. Should this decision be revisited given the changing technologies and threats?

Canada’s former Defense Minister Bill Graham, who formerly resisted the Dick Cheney-led BMD program in 2005, has now become one of many converts to the program and has been appointed by the Cabinet of Justin Trudeau to the panel of four experts overseeing the of Defense policy review.

one-belt-one-road.png

China’s Steps In… again

In the face of such a self-destructive agenda, the same brilliant remedy has been offered to Canada as has been presented to countries of Europe by the government of China- namely, the offer to join the New Silk Road!

On May 10th, Chinese Ambassador to Canada Luo Zhaohui, speaking on behalf of the Chinese government, wrote a powerful op-ed for the Asia Pacific Foundation called “The Belt and Road Initiative: A Blueprint for “Win-Win” Cooperation in the New Era”. In his editorial, Ambassador Zhaohui called directly for Canada to join this new paradigm:

The Belt and Road initiative is a new type of cooperation mechanism. China will follow the principles of openness, cooperation, harmony, inclusiveness, mutual benefit and win-win cooperation. The development programs under the initiative framework are not exclusive but are open to all interested countries or parties, be it from regions along the route or other parts of the world… Some Canadian friends said to me that as Canada and China are Pacific neighbors, the Belt, and Road initiative means a lot of opportunities for Canada as well. In view of the progress that has been made in China-Canada cooperation in all fields over the years, Canada can build on its advantages in resources and technology to strengthen cooperation with Asian countries in such areas as infrastructure development, industrial investment, energy resources, financing, people-to-people exchanges and advanced manufacturing…In the meantime, China and Canada could jointly explore ways and means to extend the Belt and Road to North America [bold added by author].

Canada’s involvement in the New Silk Road is shaped by our strategic location on the Maritime Silk Road on the Pacific side of the continent with British Columbia playing a key energy role with the Pacific Gateway Strategy and on the Northern land-based component known as the “Arctic New Silk Road.” Canada plays a critical role in the Arctic Silk Road, which involves the completion of a century-long program for the continental American-Eurasian integration called the Bering Strait rail tunnel. This is a program which was advocated by the Schiller Institute since the early 1980s and has been officially revived by China since 2014.

China is not alone in this perspective. Last year, Russian Ambassador to the United Kingdom Dr. Yakovenko sent a clear message to Canada and other Arctic powers, calling on Arctic nations to abandon militarization, in favor of collaboration on economic benefits and diplomacy (Full article here). Ambassador Yakovenko wrote:

Some Western leaders have called on NATO to expand the area of responsibility in the Arctic direction, something that contradicts the current trend of keeping the Arctic free of military competition… and unfortunately is used as a tool of propaganda against Russia… We hope that the significant achievements of the Arctic Council will remain the basis for global cooperation on the development of the Arctic region as a unique natural zone in a peaceful, non-politicized fashion and the benefit of all mankind.

The options for nations in the Trans Atlantic zone are clear: Join the new era of common prosperity, long-term development, and win-win cooperation or face the consequences of a new fascism and thermonuclear war which will leave the world smoldering for centuries to come.


[1] Referring to the 1988 US-Russia pledge not to produce, test or deploy ground based missiles near each other’s borders

[2] The Eurasian Economic Union is composed of Russia, Belarus, Kazakhstan, Armenia, and Kyrgyzstan. Ukraine could have become a member of this union had the Soros-State Department orchestrated neo Nazi-Putch known as the Maidan not been unleashed, toppling the pro-Russian government of Yanukovitch in 2014.

[3] The New Silk Road was officially integrated into the Eurasian Economic Union as of May 8, 2015. A March 25, 2015, report on the Business Insider on the Trans Eurasian Economic Belt featured Russian Railways President Vladimir Yakunin describing the project in the following terms: "This is an inter-state, inter-civilisation, project. It should be an alternative to the current (neo-liberal) model, which has caused a systemic crisis. The project should be turned into a world 'future zone', and it must be based on leading, not catching, technologies."

samedi, 25 juin 2016

Israël-Palestine: la guerre de l'eau

paleau2.jpg

Bob Woodward
Ex: http://www.decryptnewsonline.com

Le Proche-Orient est une zone géographique qui connaît ce que les experts appellent, une situation dite de « stress hydrique », c’est-à-dire un déséquilibre structurel entre son capital en eau limité et sa consommation, en très forte croissance compte tenu de son rythme démographique et de son développement économique.

L’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation a développé une échelle permettant d’évaluer la situation hydrique de différents Etats. Une situation hydrique suffisante a été fixée à 1 700 mètres cubes d’eau par personne par année. Entre ces deux extrêmes on considère que les Etats sont en situation de stress hydrique, c’est-à-dire que la situation est préoccupante.

On ne peut valablement aborder la bataille de l’eau dans le conflit israélo-palestinien, et plus largement dans la cadre de la crise au Proche-Orient, sans tenir compte de l’effet inducteur d’un ensemble d’épiphénomènes vecteurs d’accélération d’une issue, que celle-ci soit la paix ou l’enlisement de la guerre. L’eau, tout comme la violence qui règne dans ces territoires, est chargée d’une force perturbatrice dans un contexte où l’hégémonie est validée et radicalisée par une sémantique de nature idéologique, celle de l’Etat d’Israël.

La question de l’eau a pris un caractère géopolitique évident dans les relations entre Israël et les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, où les tensions prennent leur origine dans une disparité flagrante de consommation entre ces deux communautés qui partagent les même sources d’approvisionnement en eau.

Dans cette région au climat semi désertique, où les pluies sont inexistantes d’Avril à Septembre, avec des températures oscillant durant cette période entre 30°C et 50°C, la question de l’eau prend une dimension cruciale dans le processus de paix israélo-palestinien.

Le contrôle de l’eau c’est ce qui permet la viabilité et la puissance économique de l’Etat Hébreu. Elle est très vite devenue la clé de voûte de la stratégie sioniste dès le début du XXème siècle.

On peut se demander alors quelle place occupe l’eau, dans la culture et dans la religion de l’Etat d’Israël. Comment et dans quelle mesure, cet élément naturel, devient un symbole culturel et religieux important dans le politique ?

paleau.gifComment l’Etat Hébreux pourrait-il accepter de partager de manière plus équitable cette ressource si rare et risquer de se mettre en péril ?

Il en va de la viabilité, de la puissance de l’Etat Hébreux mais aussi des promesses que Dieu a fait à ce peuple.

Comment le peuple élu de Dieu, dont les valeurs doivent s’étendre dans le monde entier, pourrait-il vivre dans une terre promise qui serait trop pauvre en eau pour maintenir son niveau de développement ? Autrement dit, comment accepter de ne pas être à la hauteur des promesses que Dieu a fait à Moïse, et avant lui, à Abraham ?

C’est un fait que depuis 65 ans, l’Etat Hébreu utilise une grande partie des eaux souterraines qui s’écoulent aussi, en suivant une courbe naturelle, dans son territoire. Les deux tiers des besoins hydrauliques d’Israël sont assurés par les eaux souterraines de Cisjordanie, qui sont de plus en plus exposées à la pollution et à l’exploitation excessive. L’épuisement des réserves, combiné à l’arrivée de nouveaux migrants, ne fait qu’accentuer le problème. Le potentiel en eau de la Cisjordanie est constitué de l’eau de surface du Jourdain et de petits cours d’eau, plus de l’eau souterraine de trois nappes phréatiques régulièrement générées grâce aux pluies.

Les disponibilités en eau sont très préoccupantes pour Israël et les Territoires occupés, car il se situe bien en-deçà du seuil de 500 mètres cubes par an et par habitant. Les prélèvements dépassent les ressources et il y a surexploitation des nappes souterraines.

En effet les nappes phréatiques, d’un accès facile et peu coûteux, sont trop souvent surexploitées et elles peuvent connaître des rabattements importants. Cela entraîne une salinisation des eaux. Quand elles sont en position littorale il y a appel au vide et intrusion de l’eau de mer : c’est le phénomène du biseau salé des hydrogéologues. Les exploitants pompent alors dans les puits les moins profonds de l’eau salée ou saumâtre.

Ce phénomène est connu à Gaza, en Palestine, où l’eau de la nappe devient peu à peu impropre à la consommation humaine.

Dans ce contexte alarmant, Israël exploite la majeure partie des ressources en eau laissant les Palestiniens se contenter de la portion congrue.

Rajoutons que la plus grande partie de ses ressources ont été obtenues après la création de l’Etat d’Israël en 1948, grâce à l’occupation de territoires s’appropriant ainsi toutes les sources d’approvisionnement de la région. Cette occupation des différents territoires dits « occupés » nous permet de qualifier cette action de la part d’Israël, d’hydro-stratégique, puisqu’elle visait, certes, une extension territoriale, mais pas n’importe laquelle, celle qui permettait d’accroître son contrôle sur les ressources en eau de la région.

L’hydro-stratégie peut se définir comme l’art de manœuvrer des forces pour accomplir les fins de la politique selon des considérations hydrauliques.

I. Historique du contrôle de l’eau par Israël : un enjeu de conflit

Il faut remonter au début du XXème siècle pour saisir la complexité et la sensibilité du problème des frontières et celui de l’eau, au moment où commence la colonisation juive, lancée par Théodore Herzl, le théoricien du sionisme.

Simultanément, alors que le sionisme politique n’affichait, hors ses prétentions territoriales, que des aspirations culturelles, un parti religieux, le Mizrahi, se forme en 1902 pour revendiquer la "terre promise" afin de ré-ancrer les juifs dans le territoire biblique que Dieu leur a concédé et qui leur a été retiré parce qu’ils ont refusé l’Alliance. Il s’agit donc d’un mouvement de re-judéisation morale et religieuse qui risque de faire capoter le sionisme. En 1904 cependant, le sionisme politique reçoit l’appui de Chaïm Weizmann, d’origine russe, qui sera plus tard président de l’Etat d’Israël et qui s’installe en Angleterre.

Rappelons les grandes dates de l’histoire de la création de l’Etat d’Israël, ses extensions territoriales et sa mainmise sur les ressources hydrauliques de la région :

• 1917. Par la Déclaration Balfour, la Grande-Bretagne promet la « création d’un foyer national juif en Palestine » . Les premiers sionistes rachètent alors les terres en Palestine pour les cultiver afin d’y forger un nouveau peuple juif, comme ce fut déjà le cas, précédemment dans l’histoire.

Ce retour à la terre s’est immédiatement heurté à un obstacle majeur : le manque d’eau. La Palestine du mandat britannique est une terre aride où la seule réserve d’eau douce importante est le Lac de Tibériade qui fait frontière avec la Syrie et la Transjordanie.

• 1919. Le Président de l’Organisation Mondiale sioniste, Chaïm Weizmann adresse une lettre au Premier Ministre britannique, Lloyd George, lui demandant d’étendre la frontière nord de la Palestine de manière à englober toutes les sources d’eau tenant ainsi compte au-delà des considérations historiques ou religieuses, des considérations hydrauliques.

Il y soulignait déjà que « Tout l’avenir de la Palestine dépend de son approvisionnement en eau pour l’irrigation et pour la production d’électricité ; et l’alimentation en eau doit essentiellement provenir des pentes du Mont Hermon, des sources du Jourdain et du Fleuve Litanie » . Les frontières ainsi proposées englobent Israël, mais aussi Gaza, la Cisjordanie, les hauteurs du Golan, des portions du Liban, de la Syrie et de la Jordanie.

paleau3.jpgC’est dans ce contexte qu’un hydrologue américain, Elwood Mead, sera invité par les sionistes à venir en Palestine, c’est chose faite en 1923 et en 1927.

Lors de ces deux voyages, il ne visitera que les colonies juives et établira un Etat des lieux de la situation de l’eau et des futurs projets hydrauliques à prévoir par les sionistes. Il donnera ensuite, des indications pour irriguer le Néguev, aride, en prélevant l’eau du Jourdain.

Ses travaux inspirent le Plan Hayes du nom d’un ingénieur américain qui préconise « l’irrigation des terres de la vallée du Jourdain, la dérivation des eaux du Jourdain et du Yarmouk pour la création d’énergie hydraulique, le détournement des eaux du nord de la Palestine vers le désert du Néguev au sud et l’utilisation de l’eau du Litani au sud du Liban » .

Ceci confirme l’importance que revêt l’eau dans la construction et la viabilité de l’Etat d’Israël sur le plan humain, économique et sécuritaire.

A la suite du génocide juif, l’ONU vote un plan de partage créant deux Etats et un statut International pour Jérusalem. Les juifs acceptent mais les Palestiniens le rejètent prétextant que leur population est plus nombreuse que la population juive.
• 15 mai 1948. L’Etat d’Israël est proclamé, et la même année le nouvel Etat se fixe quatre objectifs :
o contrôler le Lac de Tibériade ;
o le Jourdain ;
o la zone côtière et ses villes ;
o ainsi que le désert du Néguev dans le but de le faire fleurir pour absorber les flux migratoires et rassembler la diaspora juive.

• 1953. Israël va mettre en pratique notamment les directives du plan Hayes et commencer à détourner les eaux du Jourdain. Elle entreprend la construction du « National Water Carrier », colonne vertébrale à partir du nord du Lac de Tibériade qui lui permet de détourner vers elle la majeure partie du cours d’eau.
La Syrie et la Jordanie se plaignent et les Nations Unis critiquent ces actions israéliennes. Le Président Eisenhower décide d’envoyer en « médiateur » ou plutôt en conciliateur, Eric Johnston pour proposer un plan de répartition des ressources hydrauliques.
Après plusieurs négociations, en 1955 il fait une proposition favorable aux Israéliens.
Israël va donc poursuivre ses projets.

• 1964. Israël a fini de réaliser à partir du lac de Tibériade, l’interconnexion des eaux sur l’ensemble du territoire jusqu’au désert du Néguev, mis en valeur par l’irrigation, réussissant ainsi à réaliser l’idéal sioniste qui consiste à « faire fleurir le désert ». Les Arabes ripostent à plusieurs reprises, mais sans succès.

• 1967. La « guerre des six jours » est d’une certaine manière une guerre pour l’eau puisque les territoires désormais dits « occupés » par Israël lui permettent de contrôler la totalité des ressources, c’est-à-dire :
o le Golan, véritable château d’eau ;
o plus une partie du cours du Yarmouk ;
o ainsi que les trois grandes nappes aquifères de Cisjordanie, ce qui lui permet donc le contrôle de tout le cours du Jourdain.

Cette guerre lui permet d’achever la mise en œuvre de ses plans hydrauliques et son emprise territoriale sur toute la Cisjordanie, Gaza et les hauteurs du Golan.
Elle accapare le désert du Sinaï, non pour les ressources mais pour forcer l’Egypte à la laisser passer par le canal de Suez, ce qui donnera lieu à l’accord de Paix dit les "Accords de Camp David" et lui permettra en 1982 de rendre le Sinaï.

Cette guerre des six jours sera suivie d’une politique de colonisation c’est-à-dire d’implantations de juifs dans ces territoires conquis par la force. Cette colonisation permet de contrôler directement sur le terrain le niveau d’utilisation de l’eau par les populations locales (interdiction pour l’agriculture, pour le forage de puits...), mais également de développer la politique du fait accompli c’est-à-dire faire en sorte qu’il devienne impossible de rendre ces territoires par la présence de villes entières juives.

• 1978. Elle occupe le sud Liban pour achever en quelque sorte cet approvisionnement - avec notamment l’usage et le détournement d’une partie du Fleuve Litani par un système de pompage - sud Liban qu’elle ne libérera qu’en 2000, suite à une résistance acharnée du Hezbollah installé dans cette région.

II. Une répartition inégale de cette eau rare dans cette région

Israël contrôle tout le système de l’eau des territoires occupés de Palestine. Il organise un partage inégal et délibéré des ressources en eau : Israël détourne 75 % des ressources en eau des territoires occupés, ne laissant que 25 % aux Palestiniens.

La consommation moyenne en eau par habitant d’un Israélien est 5 fois plus importante que celle d’un Palestinien. Outre le rationnement en eau, les Palestiniens sont victimes de destruction de puits, de canalisation d’eau et d’assainissement, par l’armée israélienne.

Israël n’a cessé d’implanter des colonies juives (voir carte en annexe) dans les territoires occupés, au plus près des réserves en eau, voire en les détournant à leur profit. La surexploitation des puits de Gaza rend l’eau impropre à la consommation domestique. Le contingentement de l’eau imposé par Israël rend tout développement impossible dans les territoires occupés, met en cause la survie des Palestiniens et engendre de graves problèmes sanitaires.

La 26ème mission de protection du peuple palestinien, en juillet 2002 a relevé :
• La destruction des puits dans la bande de Gaza et dans la région de Rafah, du système d’assainissement et des canalisations en eau.
• La destruction des citernes sur les toits, mitraillés par l’armée (à Ramallah, Jénine et Rafah)
• Les vertes collines des colonies juives dans la vallée du Jourdain et leur arrosage incessant parfois inutile, à côté des espaces caillouteux et secs occupés par les Palestiniens.
Aujourd’hui, les 2/3 des besoins d’Israël sont assurés par les ressources provenant de l’extérieur des frontières de 1948 :
• environ 1/3 provient de Cisjordanie et de la nappe de la bande de Gaza ;
• et 1/3 provenant du lac de Tibériade et du Yarmouk.
Cette utilisation des eaux ne peut se faire que par un contrôle draconien et inégalitaire de la consommation palestinienne dans les Territoires :
• limitation des cultures ;
• interdiction de forer ;
o prix prohibitif de l’eau, etc.
75 % de l’eau des Territoires occupés est consommé par Israël et ses colonies. Le rapport de population entre Israël et les Territoires est de 2 à 1 et celui de la consommation d’eau de 11 à 1 !

Les discussions à venir avec les Palestiniens s’averrent difficiles : ils réclament 80 % des ressources de la Cisjordanie ce qui signifierait pour Israël une diminution de 20 % des ressources actuellement disponibles! Le dossier de l’eau est donc de toute première importance dans un éventuel règlement de paix.

De l’autre côté, Israël ne semble donc pas vouloir concéder une partie des ressources et applique bon nombre de règlements malgré leur contestation.

Ignorant les conventions de Genève, le gouvernement israélien applique aux Territoires occupés une loi datant de 1959 faisant de l’eau « une propriété publique soumise au contrôle de l’Etat ».

En effet, juste après l’occupation, le contrôle de l’eau fut confié à l’autorité militaire qui fit interdire toute nouvelle construction d’infrastructures liées à l’eau, puis elle s’empara de toutes les ressources en eau de Palestine, les déclarant propriété de l’Etat. En 1982, la compagnie d’eau israélienne, Mekorot, prend le contrôle de la ressource palestinienne en eau.

Des puits palestiniens sont ainsi détruits et les ressources en eau sont asséchées par des forages à grande échelle et des prélèvements à partir de puits très profonds pour le seul usage des Israéliens.

La législation militaire est introduite et la colonisation signifie le maintien stratégique sur les ressources hydrauliques de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, sans quoi Israël ne peut ni se développer, ni survivre.

Dès lors on comprend comment, le contrôle de l’eau et de la terre, couple indissociable, dirige la stratégie sioniste.

La politique agricole israélienne est l’expression même de l’idéal sioniste de « faire fleurir » le désert. Ainsi porter atteinte à l’agriculture est synonyme de s’attaquer à l’âme du pays.

Les exportations sont aussi une manière de montrer au reste du monde qu’en Israël rien ne manque sur le plan de la qualité de vie, qu’elle est vouée à être un grand pays, et que l’immigration des juifs vers Israël, considérer comme un « havre de paix », peut continuer à se poursuivre.

paleau4.jpgC’est pourquoi, aucun responsable politique israélien ne peut renoncer à « l’or bleu » des Territoires occupés. Israël considère comme un casus belli toute tentative d’appropriation de ses ressources en eau par les pays voisins. C’est le cas par exemple pour la Syrie, qui convoite une partie du Jourdain. Aujourd’hui le territoire de Gaza restitué aux Palestiniens, est un territoire qui a connu des pompages tellement excessifs que ce qu’il reste d’eau est impropre à la consommation (pollution, salinisation…), sachant que les nappes phréatiques mettent des décennies à se reconstituer.

Les perspectives à long terme sont alarmantes, car la région manque d’eau et en manquera de plus en plus car les ressources sont limitées et la demande ne fera qu’augmenter, compte tenu du rythme démographique élevé des deux côtés !

La Banque Mondiale prévoit que la demande vers 2040 pour Israël, les Territoires occupés et la Jordanie pourrait s’élever à 7 milliards de mètres cubes !

De toute évidence les ressources du bassin du Jourdain sont insuffisantes.

De ce fait la solution pourrait être régionale par des transferts d’eau, d’où l’intérêt porté au Litanie libanais, ou par le recours coûteux à des ressources non conventionnelles : dessalement de l’eau de mer, recyclage des eaux usées (...), mais là aussi les ressources financières sont inégales et les Palestiniens ne pourront se permettre d’endosser ces coûts. Ainsi, la perspective d’une coopération régionale pourrait s’avérer être une solution difficile à mettre en place, mais réalisable car cette eau si rare et si précieuse va aussi terriblement manquer pour Israël, si les surexploitations sont maintenues à ce rythme.

La question du partage de l’eau est un point clé d’un éventuel processus de paix israélo-palestinien et d’un apaisement des relations interétatiques au sein « d’une région du monde où le problème de la pénurie en eau avec ses répercussions politiques, se pose avec le plus de gravité ». Car, exception faite du Liban et de la Turquie dotés d’un potentiel hydraulique conséquent, les climats arides ou semi désertiques des autres pays du Proche-Orient, aggravés par des phénomènes de surexploitation et de surconsommation chroniques, font de l’eau une ressource rare et convoitée, donc polémogène. Des alternatives permettent cependant d’espérer une issue positive aux problèmes de la rareté et de la gestion de l’eau sur le plus ou moins long terme.

En 1995, Ismail Serageldin, vice-président de la Banque mondiale pour les questions de développement durable, déclarait : « les guerres du prochain siècle auront l’eau pour objet ». Un géographe de l’Université de l’Oregon, Aaron Wolf, s’est intéressé aux discordes entre États liées à l’eau de 1950 à 2000: sur 1831 litiges - soit en moyenne 30 par an -, deux tiers ont été réglés par des accords de coopération, 507 sont apparus véritablement dangereux et 21 seulement ont débouché sur des opérations militaires. Sur ces 21, 18 ont été le fait d’Israël. On peut identifier trois conflits importants au Moyen-Orient liés au contrôle de la ressource hydrique : celui opposant l’Irak, la Syrie et la Turquie à propos des fleuves de l’Euphrate et du Tigre ; celui entre la Syrie, Israël, les Territoires palestiniens et la Jordanie sur le partage des eaux du Jourdain ; le problème de l’utilisation des nappes aquifères entre Israël et l’Autorité palestinienne. Ce sont ces deux derniers cas qui nous intéressent ici.

Il peut être intéressant de croiser l’étude d’Aaron Wolf avec un rapport de la FAO (Food and Agriculture Organization) qui signale que dans le bassin du Jourdain, partagé entre quatre Etats (Liban, Syrie, Territoires palestiniens - donc Israël - et Jordanie), la ration d’eau individuelle est des plus réduites. En considérant qu’une situation de « stress hydrique » advient à partir du moment où un pays dispose de moins de 500 m3 d’eau par habitant et par an, presque tous les pays du Proche-Orient en sont victimes. La FAO estime que la quantité d’eau potable de bonne qualité disponible par personne et par an est de 250m3 en Israël, 85m3 dans les Territoires palestiniens et 200m3 en Jordanie. La ressource est rare, mais aussi très inégalement répartie puisque le nord d’Israël dispose de 500m3/pers/an, et le Liban et la Syrie, soit les deux pays en amont du Jourdain, disposent de 3000m3 pour le premier et 1200m3 pour le second.

Israël, qui développe dès sa création en 1948 l’utilisation agricole, met très tôt en œuvre une stratégie de conquête hydrique. Car son eau vient de l’extérieur de son territoire national. Le Jourdain constitue sa principale source d’eau. Né au Liban, le fleuve se dirige du Nord au Sud et reçoit trois affluents majeurs. Il traverse le lac de Tibériade, grande réserve d’eau douce d’Israël, avant de se jeter dans la mer Morte. Le bassin du Jourdain intègre aussi des aquifères souterrains localisés notamment sous les collines de Cisjordanie, et entre Haïfa et Gaza (plaine littorale).

Les rapports de force actuels autour de la ressource en eau remontent ainsi à la fondation d’Israël et surtout à la guerre des Six Jours, parfois perçue comme la première guerre de l’eau. Selon Ariel Sharon : « Les gens considèrent généralement que la guerre des Six-Jours a débuté le 5 Juin 1967. C’est la date officielle, mais en réalité, elle avait débuté deux ans et demi plus tôt, le jour où Israël avait décidé d’intervenir contre le détournement des eaux du Jourdain. A partir de là, une tension sourde et permanente s’installa le long de la frontière israélo-syrienne ». En 1953, Tel-Aviv entreprend le creusement du canal du National Water Carrier, destiné à détourner l’eau du bassin du Jourdain depuis le lac de Tibériade, soit le nord de la mer de Galilée, vers le désert du Néguev. Cette initiative provoque la colère des Etats arabes voisins, qui lancent à leur tour des projets de détournement des eaux du Jourdain en établissant des barrages sur ses affluents du Yarmouk et du Litani. Israël bombarde à plusieurs reprises les travaux, entrainant une grave détérioration de ses relations avec le Liban, la Syrie et la Jordanie. Lors de la Guerre des Six Jours, les Israéliens conquièrent le plateau du Golan et la Cisjordanie, contrôlant de facto les ressources hydrauliques. A partir de là, il est tentant de voir dans la question de la sécurité de l’approvisionnement en eau d’Israël un motif majeur du déclenchement de l’attaque de 1967. Mais, comme le rappelle le géographe Frédéric Lasserre, l’eau n’est qu’un facteur parmi d’autres, la stratégie militaire d’Israël visant d’abord en 1967 à réduire la menace égyptienne et à contrer les entrées en guerre de la Jordanie et de la Syrie. Néanmoins, il n’en reste que contrôler la vallée du Jourdain répond à des considérations de sécurité – créer une zone tampon contre d’éventuelles incursions ennemies – mais aussi d’approvisionnement en eau. Car en ayant la mainmise sur les territoires palestiniens, Israël contrôle les ressources aquifères de Gaza et de la Cisjordanie. L’occupation du Sud Liban lui permet aussi de contrôler le plateau du Golan et de détourner, jusqu’à son retrait en 2000, les eaux du Litani. De pays en aval, Israël passe ainsi à la position très enviée de pays en amont du Jourdain.

paleauboy.jpg

L’eau est donc un paramètre à prendre en compte dans le conflit israélo-palestinien. Car, alors que les ressources se situent principalement chez les Palestiniens, Israël en dispose et les gère seul pour pourvoir aux besoins des deux populations. Dans l’ensemble, 40 % de son eau provient des Territoires palestiniens.

Pour combler ses besoins croissants, l’Etat juif a élaboré une législation rigoureuse sur l’eau. Une loi de 1959 stipule qu’elle est une propriété publique soumise au contrôle de l’Etat. En 1967, elle est étendue aux Territoires occupés dont les eaux sont déclarées « ressource stratégique sous contrôle militaire », permettant à Israël d’exercer un monopole. D’après un rapport de l’UNICEF de 2005, s’appuyant sur une étude de la Banque Mondiale, Israël puise ainsi dans le seul aquifère de Cisjordanie 86% de ses ressources en eau (soit le quart de sa consommation nationale), les colons 4% et les Palestiniens 10%. Dans l’ensemble, un tiers des ressources d’Israël provient des eaux de surface, notamment du Jourdain, le reste provient des eaux souterraines (sa nappe littorale, celle de Cisjordanie, et de la bande de Gaza). S’ajoutent d’importantes restrictions à l’accès à l’eau pour la population palestinienne qui est soumise à des quotas, qui doit obtenir une autorisation spéciale des autorités militaires israéliennes pour creuser tout nouveau puits et qui doit payer son eau agricole au prix de l’eau potable, soit un prix quatre fois supérieur à ce que payent les colons israéliens profitant d’un système de subventions. Le mur de sécurité séparant Israël et la Cisjordanie vient en outre désorganiser les systèmes d’irrigation palestiniens.

Et le problème, à première vue, semble s’aggraver. Déjà en situation de stress hydrique, les besoins en eau tendent à augmenter avec la forte pression démographique, l’existence de projets de développement agricole basés sur une forte irrigation et la dégradation des ressources existantes. Car la surexploitation des ressources se traduit par une baisse significative de la quantité disponible et par une importante salinisation de la nappe phréatique, provoquant à Gaza une situation de quasi pénurie. « La nappe phréatique a été tellement exploitée que c’est de l’eau salée qui coule aujourd’hui au robinet […] ‘’95% de l’eau ne correspond pas aux standards de l’eau potable et, en 2016, ce sera 100%’’ assure Monther Shoblak, directeur général du service des eaux de Gaza ».

C’est ainsi qu’en 2005, toujours d’après l’UNICEF, Israël consommait environ 2 000 millions de m3 d’eau par an alors que ses ressources oscillaient entre 1 400 et 1 600 millions de m3. Jusque-là, il semblait ainsi qu’un accord de paix avec les Palestiniens poserait à Israël de graves problèmes d’approvisionnement en eau, car l’Autorité palestinienne demande trois choses :

Les droits sur la presque totalité de la nappe de montagne, en bonne partie centrée sur la Cisjordanie

Le droit au partage des eaux du Jourdain

Le droit au partage des eaux de la Mer morte, lac salé bordé par la Jordanie, la Cisjordanie et Israël

Malgré un conflit qui semble, au premier abord, insoluble, il faut éviter de tirer des conclusions hâtives. Frédéric Lasserre montre bien que la gestion de l’eau ressort bien plus de choix politiques et sociaux que de spéculations sur la réduction des quantités disponibles. C’est le concept d’adaptation sociale et son corollaire, la gestion des tensions internes par les pouvoirs publics, qui constitue pour lui la pierre angulaire de toute étude sur les conflits de l’eau. Au Proche-Orient, comme partout ailleurs, les recours sont nombreux pour tenter de combler les besoins des uns et des autres.

1) La coopération internationale

Le droit international relatif à l’eau est encore flou et peu homogène. On peut distinguer trois doctrines juridiques concurrentes : les pays d’amont privilégient celle de « la souveraineté territoriale absolue » sur les eaux présentes sur le territoire national ; les pays d’aval celle de « l’intégrité territoriale absolue », chaque Etat devant permettre aux cours d’eau de poursuivre leur cours ; celle enfin de « la première appropriation » consistant à donner la priorité à ceux étant les premiers à avoir mis l’eau en valeur. En d’autres termes, les Palestiniens disent la géographie est pour nous, les Israéliens l’histoire est pour nous. Le droit international ne tranche pas entre ces deux positions. La convention de New York de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation comprend ainsi des contradictions implicites. L’article 5 mentionne le principe de « la souveraineté territoriale absolue » alors que l’article 7 mentionne celui de la « première appropriation ».

Les accords régionaux et bilatéraux ont quant à eux donné des résultats mitigés. En 1953, le plan Johnson prévoit la conclusion d’un accord à l’échelle du bassin du Jourdain, pour tenter de favoriser la coordination entre les usages respectifs. Mais Israël refuse de signer l’accord, tandis que la Ligue arabe décide de rejeter tout accord sur le partage de l’eau dans le bassin du Jourdain tant qu’un accord politique n’aura pas réglé la question palestinienne.

Une entente n’est pas pour autant impossible. Le traité de paix signé entre la Jordanie et Israël en 1994 ouvrent ainsi les bases d’un règlement de répartition équitable entre les deux pays.

2) L’amélioration du système d’irrigation

Près de 70% des ponctions en eau sont destinées à l’agriculture. On constate d’ailleurs que le niveau du Jourdain est sept fois plus bas aujourd’hui qu’il y a 50 ans en raison des nombreux détournements pour les projets d’irrigation. Par ailleurs, plus le pays est pauvre, plus il consomme d’eau pour irriguer : les pays dits « du tiers-monde » utilisent ainsi deux fois plus d’eau par hectare que les pays industrialisés, pour une production agricole en moyenne trois fois inférieure en valeur. Dans les Territoires palestiniens, réduire les besoins en eau agricole consisterait à améliorer le système d’irrigation en modernisant un réseau vieux et défectueux dont le taux de fuite est estimé à 40%. Israël dispose de toute la technologie nécessaire pour les y aider (taux de fuite de moins de 10%).

Faire revivre la Mer Morte

mermorte.jpgDe plus en plus d’espoir sont placés dans le projet fou consistant à faire revivre la mer Morte, qui était à terme condamnée si aucune action politique n’était entreprise. Comme la mer d’Aral, ce lac salé a perdu en un demi-siècle près du tiers de sa superficie, si bien qu’il est aujourd’hui divisé en deux bassins distincts. En cause, les prélèvements excessifs du Jourdain qui l’alimente et l’évaporation importante de l’eau due aux usines de production de sel qui le bordent.

Jusque-là, la principale solution mise en avant pour contrer la menace d’assèchement total du lac consistait à creuser un canal depuis la mer Rouge jusqu’à la mer Morte pour l’alimenter. Une étude de faisabilité a même été réalisée en 2006, estimant le projet à 3 ou 4 milliards de dollars. Le « canal de la paix » porte bien son nom puisqu’il pourrait bénéficier à terme à l’ensemble des protagonistes. Cependant, certaines organisations environnementales ne manquent pas de pointer le risque écologique d’un tel projet.

Une autre alternative se dessine aujourd’hui. Selon Gilbert Benhayoun, professeur d’économie et président du groupe d’Aix, Israël arrive à faire en sorte d’extraire moins d’eau du lac de Tibériade, permettant un débit plus rapide des eaux du Jourdain. A terme, si cette politique se poursuit, on peut penser que le Jourdain pourra à nouveau alimenter, ou réalimenter, le mer Morte.

4) Les eaux non conventionnelles

Toujours d’après G. Benhayoun, la situation a changé avec les avancées technologiques et la crise de l’eau en Israël est en passe d’être définitivement terminée. Les Israéliens pourraient ainsi produire bientôt suffisamment d’eau pour pourvoir à leurs besoins dont près de la moitié serait déjà couverte par de l’eau dite « non conventionnelle », c’est-à-dire issue du traitement des eaux usées et de la désalinisation. Israël est d’ailleurs le premier pays au monde pour le traitement des eaux usées, à hauteur de 90%, ressource qui est ensuite réutilisée dans l’agriculture. A noter cependant que les colons ne recyclent que 60% des leurs.

Alors qu’aujourd’hui près d’1% seulement de l’eau potable est produite par dessalement dans le monde, Israël dispose déjà de quatre usines de désalinisation, une à Ashkelon, une à Hadera, une à Palmachim et la dernière en date à Ashdod. Et le gouvernement israélien a approuvé récemment la construction d’une cinquième usine à Sorek, au sud de Tel-Aviv, qui permettra de combler encore un peu plus l’écart entre les besoins et les ressources en eau propres d’Israël. D’après certains experts qui se sont exprimés lors du Symposium « énergie-eau » qui s’est tenu cette année au sein de CleanTech pour son 17e Sommet annuel, Israël pourrait bientôt produire environ 600 millions de mètres cubes d’eau dessalée par an, couvrant près de 80 % de l’eau potable en milieu urbain.

L’eau de mer pourrait ainsi devenir l’une des principales ressources alternatives à la rareté de l’eau douce au Proche-Orient comme en témoigne les projets en cours pour construire une usine de dessalement à Gaza dont la population a essentiellement accès à de l’eau souterraine polluée, ou encore à Aqaba (projet israélo-jordanien). Mais les freins sont encore nombreux. Ces installations nécessitent en effet des besoins énergétiques lourds et coûtent extrêmement chères.

Ainsi, même si la crise de l’eau est encore bel et bien une réalité au Proche-Orient, elle change progressivement de nature. Au fil du temps, il s’agira plus d’une crise de répartition, de distribution, plutôt qu’une question de rareté réelle. Cela rejoint les conclusions de Frédéric Lasserre affirmant que le problème de l’eau est moins géographique que politique. Et le principal problème entre Israël et les Territoires palestiniens est que les accords d’Oslo II de 1995, qui devaient régler la question de l’eau pour cinq ans en attendant un accord final, n’ont toujours pas été mis à jour alors que le cadre n’est plus du tout adapté. Ses besoins en eau douce étant en passe d’être pourvus, Gilbert Benhayoun souligne que ce serait un beau geste politique de la part de l’Etat hébreu que d’accéder aux demandes de l’Autorité palestinienne qui souhaite récupérer la souveraineté sur ses ressources hydriques.

vendredi, 24 juin 2016

Al Andalus, future conquête de Daech?

al-andalus-48.jpg

Bob Woodward:

Ex: http://www.decryptnewsonline.com

Les aéroports portugais sont sous haute surveillance. Après des menaces du groupe djihadiste Etat islamique, le Portugal renforce ses mesures de sécurité.


Le pays a renforcé les mesures de sécurité notamment dans les aéroports après la publication d'un message non authentifié du groupe djihadiste Etat islamique proférant à nouveau des menaces contre Lisbonne.


Le Portugal dans le viseur de Daech? Le pays a renforcé les mesures de sécurité notamment dans les aéroports après la publication d'un message non authentifié du groupe djihadiste Etat islamique proférant à nouveau des menaces contre Lisbonne. C'est ce qu'ont indiqué jeudi soir les services de sécurité portugais.
"Les mesures de sécurité nécessaires ont été prises, y compris dans les aéroports", après les informations faisant état de ce message, a déclaré Helena Fazenda, secrétaire générale du Service de sécurité interne du Portugal, citée par l'agence de presse Lusa.


Ce message, attribué aux djihadistes et diffusé mardi sur les réseaux sociaux, qui mentionne le Portugal comme une cible potentielle, n'a pas été authentifié officiellement mais est pris au sérieux par les autorités portugaises, selon le journal local Expresso. Le niveau d'alerte terroriste au Portugal a été toutefois maintenu à un niveau modéré, 3 sur une échelle de 5.


Et les autorités n'avaient pas renoncé à organiser mardi à Leiria (centre) le match amical entre les sélections de football portugaise et belge, déplacé au Portugal après les attentats qui ont fait 32 morts et 340 blessés à l'aéroport et dans le métro de Bruxelles.


Fin janvier, un djihadiste luxembourgeois d'origine portugaise de 27 ans nommé Steve Duarte avait déjà menacé le Portugal ainsi que l'Espagne, dans une vidéo diffusée par l'Etat islamique, selon les autorités portugaises citées par Expresso. Il compte parmi la dizaine de djihadistes d'origine portugaise dans les rangs de l'EI.


Dans cette vidéo, un homme encagoulé assure que l'EI veut rétablir Al-Andalus, nom des territoires de la péninsule ibérique sous domination musulmane entre les 8e et 15e siècles. Il cite les villes de Tolède et Cordoue.


cid0001291.jpgLe Portugal a renforcé ses mesures de sécurité (notamment dans les aéroports) après la diffusion d’un message non authentifié du groupe Etat Islamique qui profère des menaces contre Lisbonne. « Les mesures de sécurité nécessaires ont été prises, y compris dans les aéroports, après les informations faisant état de ce message » a déclaré Helena Fazenda, secrétaire générale du Service de sécurité interne du Portugal, citée par l’agence de presse Lusa.


Le message, diffusé mardi 29 mars sur les réseaux sociaux n’a pas officiellement été authentifié, mais il est pris très au sérieux par le gouvernement portugais, a révélé le journal Expresso.


Le niveau d’alerte terroriste a malgré tout été maintenu au niveau modéré 3, sur une échelle de 5 et le match amical entre les sélections de football portugaise et belge n’a pas été annulé.


Dans ce message, un homme encagoulé assure que Daech veut rétablir Al-Andalus. Il s’agit du nom des territoires de la péninsule ibérique qui étaient sous la domination musulmane au Moyen-Age, entre le VIIème et XVIème siècle.


Toujours selon Expresso, fin janvier, un djihadiste luxembourgeois d’origine portugaise de 27 ans avait déjà menacé le Portugal (et l’Espagne) dans une vidéo. La propagande est l’une des principales armes de Daech. L’organisation terroriste exhibe ses otages, les filme et diffuse les images sur les réseaux sociaux. Selon une enquête menée par le quotidien britannique «The Sunday Times», c’est un groupe de Portugais qui réaliserait les vidéos…

L’une des dernières mises en scène macabres est celle de l’immolation par le feu du pilote jordanien Maaz al-Kassasbe diffusée le 3 février 2015. La vidéo d'une vingtaine de minutes, avec effets spéciaux, pourrait être l’œuvre de cinq djihadistes portugais. Sachant, selon The Sunday Times, que ce sont eux qui sont derrière les films de décapitation.

«En s’adressant à ses adversaires, l’organisation les discrédite et crée une terreur qui précède son action militaire. La fuite tragique de Mossoul des soldats de l’armée irakienne fut provoquée par une panique inspirée entre autres par ces vidéos», expliquent Thomas Flichy de la Neuville et Olivier Hanne sur le site spécialisé La chaire cyber Défense.

A la tête de ce groupe portugais, Nero Sareiva , 28 ans. Ce père de quatre enfants converti à l’islam habitait l’est de Londres où il s’est radicalisé avant de rejoindre la Syrie en 2012. Comme ses compagnons, il était surveillé par les services de renseignements britanniques qui assurent qu’il a un rôle majeur dans l’enregistrement des films de décapitation, précise le journal britannique.


Message to America the Islamic state is making a new movie. Thank u for the actors.
— Nero Saraiva (@NeroSaraiva) 10 Juillet 2014

En juillet 2014, il avait adressé un message aux Américains sur son compte Twitter annonçant la préparation d'un «film» et en remerciant les «acteurs». Un peu plus d'un mois plus tard, la vidéo de la décapitation de l'otage américain James Foley, intitulée «Message à l'Amérique » est mise en ligne. C'est la première du genre et elle sera suivie par les vidéos d'autres otages occidentaux avec toujours la même mise en scène.

«Que ce soit sous la forme du péplum, du western, du thriller ou de la science-fiction, Daech, comme al-Qaïda avant lui, manie à la perfection les codes de l’impérialisme culturel», explique Claire Talon, journaliste arabisante, dans Mediapart (lien payant).

The Sunday Times affirme que les cinq membres du groupe portugais ont tous basculé dans l'extrémisme à Londres avant de se retrouver en Syrie. Ils seraient liés au bourreau des otages occidentaux, un Britannique identifié comme étant «Jihadi John» déjà identifié par les renseignements du Royaume-Uni.

Le mystère des apostats adjares

Flag_of_Adjara.svg.png

Bob Woodward

Ex: http://www.decryptnewsonline.com

En 1991, 75 % des Adjares, en Géorgie, étaient musulmans. Aujourd’hui, ils sont devenus à 75 % orthodoxes. Comment expliquer ces conversions, apparemment uniques au monde ?


À quelle heure débute l’office à l’église Saint-Nicolas de Batoumi le dimanche matin ? La question embarrasse l’employée de l’hôtel President Plaza, l’un des plus grands établissements de la ville, à un coup d’accélérateur du siège de la République autonome d’Adjarie et du consulat d’Iran. Il est vrai que dans cette province de Géorgie, baignée par la mer Noire, la population ne maîtrise guère l’anglais. Tous les documents, comme les plaques dans les rues, sont en géorgien ou en russe. L’employée finit par suggérer de rejoindre l’Eglise Saint-Nicolas vers 9 heures. En fait, l’office fonctionne étrangement comme un self-service. Les fidèles, hommes, femmes (la tête systématiquement couverte) et enfants entrent et sortent à leur guise, après avoir longuement embrassés les icônes et s’être signés à de multiples reprises.


Ce curieux va et vient dure presque toute la matinée. Le prêtre ne pourra guère nous renseigner, il ne parle que russe et géorgien. Une étudiante, tout sourire, diplômée dans la langue de Shakespeare, arrive à notre secours. Nous lui posons la question : « Comment se fait-il que la majorité des habitants de la République autonome d’Adjarie, au sein de la Géorgie, aient, en deux décennie, abandonné l’islam pour l’orthodoxie ? ». La jeune fille s’excuse, elle n’est pas au courant, et préfère s’esquiver rapidement…

adjarie-carte.jpg


Pourtant les faits sont là, l’Adjarie, conquise par les Ottomans au XVIIe siècle, devient très majoritairement musulmane. En 1878, cette province de 3 000 km2 tombe dans le giron de l’Empire russe. En 1991, après la chute du communisme et l’indépendance de la Géorgie, l’Adjarie fait sécession. Jusqu’en 2004, cette République “indépendante“ est gouvernée par un dictateur de confession musulmane, Aslan Abachidzé, aujourd’hui en fuite. Depuis, l’Adjarie (400 000 habitants) est revenue dans le giron de la Géorgie. Selon les documents officiels, en 1991, 75 % des Adjariens étaient musulmans. Ils sont aujourd’hui à 75 % orthodoxes. Comment expliquer ces conversions massives ? Dans une longue interview parue en décembre 2012, Dimitri, le métropolite de Batoumi (la capitale de l’Adjarie), par ailleurs neveu d’Elie II, le patriarche de Géorgie, raconte qu’il a été nommé prêtre de la paroisse de Saint-Nicolas de Batoumi en 1986. À cette époque, il n’y avait qu’une seule église orthodoxe à Batoumi.


Dimitri assure que « cette métamorphose de toute une région, cette conversion de l’islam à l’orthodoxie, ou plutôt ce retour aux sources, à la foi des ancêtres », s’est déroulé sous ses yeux. Ainsi, le 13 mai 1991, « 5 000 musulmans et athées devinrent orthodoxes. La même année fut ouverte l’école ecclésiastique à Khulo et le lycée ecclésiastique Saint-André, la première école secondaire religieuse en URSS ». Le métropolite de Batoumi affirme que les Adjariens, convertis de force à l’islam par les Ottomans, étaient, en fait, restés chrétiens de coeur. Selon ses déclarations, ils continuaient à porter secrètement une croix, ils peignaient des œufs de Pâques, ils conservaient des icônes dans leurs habitations. Dimitri ajoute que beaucoup de prêtres viennent de familles musulmanes. Le recteur du séminaire serait le petit-fils d’un mollah, formé à Istanbul. Comment expliquer des conversions interroge le site Provoslavie i mir (L’orthodoxie et le monde) : « C’est la volonté divine. C’est un miracle de Dieu, inexplicable du seul fait de la prédiction », répond Dimitri.


La grande mosquée de Batoumi est à quelques rues de l’Eglise Saint-Nicolas, à proximité du port. Première constatation : elle est effectivement beaucoup moins fréquentée que le lieu de culte orthodoxe. Malgré tout, certaines publications locales dénoncent un « retour à l’islam soutenu par la Turquie ». Mais durant notre séjour en Adjarie, nous n’avons pas constaté cette « présence islamique turque assez conséquente », due à « l’arrivée massive de missionnaires », notamment des prédicateurs disciples du Turc Süleyman Hilmi Tunahan. Le poste frontière de Sarpi, avec la Turquie, n’est qu’à une vingtaine de kilomètres de Batoumi. Si la capitale de l’Adjarie est devenue très majoritairement chrétienne, en revanche, les petits villages dans les montagnes adjares n’ont pas encore renié le Prophète. La bourgade de Khulo, à plus de deux heures de route de la mer Noire, compte une mosquée et une madrasa. Certaines personnes âgées continueraient de parler turc nous a-t-on dit, sans que nous puissions le vérifier. Pour le visiteur venu de l’extérieur, les deux religions paraissent cohabiter sans heurts. Les Adjares vous indiquent sans réticence les chemins de l’église ou de la mosquée la plus proche. Personne n’évoque d’éventuelles persécutions vis-à-vis des religions minoritaires. Toutefois, ces conversions massives restent un sujet tabou. D’autant que les autres musulmans de Géorgie (autour de 10 % de la population) ne paraissent pas adopter aussi rapidement l’orthodoxie. Notamment les Kistines, une ethnie tchétchène, près de la frontière avec la Tchétchénie et le Daghestan, et les chiites de Géorgie orientale, voisine de l’Azerbaïdjan.


adj.jpg« Il faut comprendre que l’Eglise orthodoxe est un pilier fondamental de notre identité nationale. Dans le passé, nous avons été envahis par tous nos grands voisins, les Perses, les Ottomans, les Russes. S’il n’y avait pas eu le ciment de la religion, il n’y aurait même plus de peuple géorgien », souligne Alina Okkropiridze, ancienne journaliste et traductrice. Après soixante-dix ans d’athéisme d’Etat, au temps de l’URSS, Zviad Gamsakhourdia, le premier président géorgien, a voulu créer un Etat « national et orthodoxe ». Son successeur, Edouard Chevarnadze, ancien ministre des Affaires étrangères de l’URSS, a eu soin « d’annoncer sa conversion à l’orthodoxie, de se faire baptiser et de choisir pour directeur de conscience le patriarche Elie II, à la tête de l’Eglise géorgienne depuis 1977 », rappelle le site suisse Religioscope.


En clair, depuis deux décennies, le pouvoir, les médias, les partis nationalistes ne cessent de répéter qu’un vrai Géorgien doit être avant tout orthodoxe. Cela suffit-il pour expliquer, comme l’affirme le métropolite Dimitri, « le retour à la foi des ancêtres » des Adjares ? Fin août, dans le district d’Adiguéni, au sud-ouest de la Géorgie, les autorités ont démonté un minaret sous prétexte que les droits de douane n’avaient pas été acquittés pour les matériaux de construction. Des musulmans qui s’opposaient à la destruction de l’édifice ont été arrêtés. « Une façon peu “orthodoxe“ d’agir qui n’a pour finalité que l’exil du peuple musulman », dénonce un site local dans un article intitulé « Géorgie : le minaret de la discorde ».


Vingt années, c’est le temps qu’il a fallu à la République autonome d’Adjarie pour passer de l’Islam au christianisme. Un Islam implanté depuis trois siècles! A la fin des années 1980, la population était très majoritairement musulmane. Dans tout le pays, il n’y avait qu’une seule église en activité dans sa capitale de Batoumi. Aujourd’hui, 75% des Adjars sont chrétiens. Il s’agit en fait d’un retour aux sources vers la foi ancestrale. La République d’Adjarie est rattachée à la Géorgie, malgré ses velléités d’indépendance à la chute de l’URSS.

Dans toutes les compétitions sportives, actuellement, les Géorgiens se font remarquer par leurs marques de dévotions chrétiennes, et pourtant…


En 301 après Jésus-Christ, la Géorgie, évangélisée par Saint-André, a fait du christianisme sa religion officielle, juste après sa voisine l’Arménie. Dés 484, l’Église apostolique géorgienne est autocéphale et le restera. Mais l’Empire ottoman finit par conquérir l’Adjarie à la fin du xvie siècle. Sous sa domination musclée les Adjars sont devenus des Géorgiens musulmans. Après la guerre entre la Russie et la Turquie (1877-1878) l’Adjarie, rattachée d’abord à l’Empire russe jusqu’à la première guerre mondiale, est de nouveau réclamée et envahie par la Turquie. Elle finit pourtant en 1921, par être rattachée à l’URSS, réintégrant la Géorgie, mais dans un statut d’autonomie religieuse, selon la condition expresse imposée par la Turquie à l’URSS. C’est ainsi que l’Adjarie devient la seule république Soviétique fondée sur l’appartenance religieuse, sous le nom de République socialiste soviétique autonome d’Adjarie, rattachée à la République socialiste soviétique de Géorgie.


Mais profitant de ce statut particulier, à partir de 1982, des milliers de musulmans adjars se font baptiser. A Pâques, des centaines de baptêmes étaient célébrées. Le 13 mai 1991, 5000 musulmans et athées se convertissent d’un bloc à la religion orthodoxe! 1991 c’est aussi la chute de l’Empire soviétique et l’indépendance de la Géorgie. Or l’Adjarie aspire à l’indépendance vis-à-vis de la Géorgie en s’appuyant sur la Russie qui a, d’ailleurs, une base militaire russe sur son sol. Mais à cette époque la Russie tournée vers l’Occident est faible et finira par délaisser la région secouée par une révolution de couleur à la Soros. C’est dans ce contexte qu’aujourd’hui l’Adjarie est très majoritairement retournée au baptême de ses ancêtres d’avant le XVIè siècle et sa conquête musulmane féroce; 75% de sa population est à présent chrétienne orthodoxe.


En 1982, fut ouvert le monastère de Skhalt’a et des milliers d’habitants de la région qui étaient jusque là musulmans, ont été baptisés. La même année l’école ecclésiastique de Khulo et le lycée ecclésiastique Saint-André ouvrent, c’est la première école secondaire religieuse d’une Union soviétique au bord de la décomposition. En 1989 a été ouverte à Batoumi la cathédrale de la Nativité de la Mère de Dieu.
Il semble, selon l’archevêque Dimitri, principal acteur de ces baptêmes de masse, que les conversions forcées à l’islam chez les Adjars très attachés à leurs traditions religieuses, n’aient pas réussi à éradiquer totalement leur foi chrétienne, ce qui expliquerait probablement les conversions de masse.


Selon lui « de forts courants patriotiques traversèrent toute la Géorgie. Les Adjars ont compris qu’on les avait obligés à se convertir à l’islam par la force. Notre objectif principal était de convertir l’intelligentsia. (…) Lorsque nous l’avons convertie, elle nous a aidés dans la prédication. » « Les Adjars ont compris qu’ils étaient géorgiens, c’est-à-dire chrétiens, et se sont convertis. Ils ont toujours gardé les traditions. Lorsqu’ils faisaient cuire le mchadi (le pain traditionnel géorgien), ils traçaient dessus une croix. De même, lorsqu’ils préparaient leur beurre. Au XIXème siècle certains portaient une croix secrètement, peignaient des œufs à Pâques. On conservait encore des icônes dans les maisons. Alors que je voyageais en Haute Adjarie, je me rappelle avoir rencontré une famille qui me montra une croix cachée. Toujours est-il que la population locale avait une attitude prévenante envers le christianisme. »

jeudi, 23 juin 2016

La fin de l’État islamique va-t-elle résoudre le problème terroriste?

eitoyot2231.jpg

La fin de l’État islamique va-t-elle résoudre le problème terroriste?

Ex: http://www.middleeasteye.net

La défaite imminente de l’EI en Libye puis en Syrie et en Irak d’ici un à trois ans pourrait avoir pour conséquence une dispersion des combattants du groupe qui entraînerait une contagion terroriste et une multiplication des attentats

Le chaos libyen, conséquence directe de la désastreuse intervention occidentale, peut être synthétisé de la façon suivante : à l’Ouest, la Tripolitaine est actuellement aux mains de milices islamistes soutenues par le Qatar et la Turquie. Le groupe État islamique (EI) s’est implanté au centre, dans la zone de Syrte. À l’Est, le général Haftar à la tête des forces armées libyennes a mis la main sur une partie de la Cyrénaïque. Laquelle de ces trois forces va l’emporter ?

Les récents événements de Syrte indiquent un affaiblissement de l’État islamique au profit des islamistes de Misrata. Si jamais la poche de l’EI à Syrte venait à être définitivement liquidée, la situation du général Haftar s’en trouverait fragilisée. Il existe en effet une compétition entre les islamistes de Misrata et le général Haftar pour le contrôle du territoire libyen. Par conséquent, les combats actuels entre islamistes divergents auront probablement pour conséquence un affaiblissement des seules forces en mesure de les mettre en échec.   

L’implantation de l’État islamique en Libye s’est effectuée au moment de l’expansion initiale du proto-État en Irak. En 2015, le groupe eut alors pour projet l’idée d’une métastase en Afrique du Nord. Pour le professeur Bernard Lugan, spécialiste de l'Afrique, le choix de Syrte ne s’est pas fait au hasard. Cette ville se situe précisément à la frontière entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine. La manœuvre devait permettre une implantation facile. Mais Syrte revêt également un intérêt stratégique dans la mesure où la ville commande la pénétrante qui s’enfonce du littoral vers la zone péri-tchadique. Cette ancienne voie caravanière devait ainsi permettre de rallier Boko Haram.

À l’heure actuelle, le pari de l’État islamique en Afrique du Nord a échoué. La principale raison réside en Syrie : l’efficacité des frappes russes dans ce pays, forçant l’État islamique à opérer un premier retrait après plusieurs mois de drôle de guerre où la coalition dirigée par les États-Unis se contentait de frappes périphériques, a obligé ces derniers à réagir. Afin d’éviter une victoire diplomatique et militaire au bénéfice exclusif de la Russie, une coopération informelle s’est mise en place entre Russes et Américains.

Frappant désormais au cœur et avec intelligence, les États-Unis ont retourné l’opinion publique des territoires soumis au contrôle de l’État islamique. Depuis quelques mois en effet, après une exécution publique, le bourreau est suivi par un drone puis liquidé. Ceci a eu pour conséquence d’instaurer un climat de terreur et de délation entre fractions rivales de l’EI.

Promis à une réduction prochaine et peut être à une destruction complète, les projets territoriaux de l’État islamique s’en sont trouvés affaiblis : à quoi bon opérer une connexion entre Syrte et Boko Haram si la base territoriale de l’État islamique en Syrie venait à disparaître ? L’étatisation du djihadisme est dans l’impasse. Il faut par conséquent s’attendre à ce que les quelques milliers de combattants nord-africains de l’État islamique se rallient à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) afin de poursuivre le djihad sous un autre drapeau.

État islamique vs. AQMI

Or, ces deux organisations ne fonctionnent pas de la même manière. Malgré leurs ressemblances et des passerelles de recrutement entre eux, l’État islamique et al-Qaïda sont des concurrents. Ils se présentent comme deux faux-jumeaux en compétition, ce qui explique la surenchère dans une barbarie légitimatrice.

La première différence est politique : pour l’État islamique, il s’agit de construire un État et non de déstabiliser des États. Dès 2008, le mouvement opère une mutation stratégique dont le but est l’installation durable sur un territoire. Ce nouvel objectif entre en contradiction avec toute la politique djihadiste d’al-Qaïda, qui vise la déstabilisation et non l’étatisation.

chappatte_0.jpg

Cette différence politique a des conséquences militaires : pour Ayman al-Zawahiri, chef d’al-Qaïda, les membres de l’organisation doivent rester dans leur pays pour constituer une branche terroriste locale qui déstabilisera la société et contraindra les musulmans à se radicaliser. L’EI, en revanche, veut promouvoir l’émigration dans la nouvelle terre sainte.

La seconde différence est militaire : si le djihadisme de l’EI est parfaitement fidèle à la tradition médiévale sunnite, il a recours aux attentats-suicides avec plus de pragmatisme qu’al-Qaïda en Irak. Au Moyen-Orient, les attentats se fixent plus souvent sur des cibles militaires, tandis qu’al-Qaïda cherche d’abord le nombre de victimes.

La troisième différence est sociale : contrairement à la « vieille » al-Qaïda, perçue comme secrète et autoritaire, l’EI se veut moderne, ouvert, enraciné et urbain. Les cadres d’al-Qaïda sont généralement issus des élites sociales de leurs pays, contrairement à l’EI, où l’ascension est plus rapide, et la base plus populaire.

La quatrième différence tient au regard porté par ces organisations sur le monde. Autant al-Qaïda était soluble dans la mondialisation, autant l’État islamique a eu l’intuition que le monde de demain serait composé de nations. En renouant avec le passé, il a pris un temps d’avance.

Qu’entraînera la fin de l’État islamique dans la région et au-delà ?

Au Moyen-Orient, l’état des combats en Syrie-Irak permet de supposer raisonnablement une fin de l’EI d’ici un à trois ans, selon le pronostic d’Olivier Hanne, chercheur-associé à l'Université d'Aix-Marseille et aux Écoles militaires de Saint-Cyr. Ce délai ne concerne toutefois que la structure syro-irakienne, et non ses multiples filiales en Afrique, en Asie, en Sibérie et en Europe.

D’ici un à trois ans, nous pouvons donc poser l’hypothèse suivante : l’État islamique a été vaincu, le « calife » retrouvé mort et ses troupes décimées.

En Irak, la partition ethnico-religieuse du pays aura été consacrée, il sera devenu une fédération distendue. Côté syrien, Bachar al-Assad aura repris les territoires perdus avec l’aide des troupes russes, iraniennes et miliciennes. En revanche, les zones kurdes auront connu une double évolution : certaines auront obtenu leur autonomie de la part du régime ; d’autres auront été internationalisées à l’initiative de la Turquie, qui exercera sur elles un fort contrôle. Damas tentera alors de réinstaller l’hégémonie syrienne sur le Liban, avec le soutien du Hezbollah, saigné par la guerre mais considéré comme un vainqueur moral.

Enfin, plus d’une dizaine de milliers de combattants djihadistes se seront dispersés après la fin de l’EI dans les pays sunnites de la région, risquant d’entraîner une contagion terroriste. La défaite militaire de l’État islamique aura en effet pour conséquence inévitable la dispersion des combattants qui n’auront pas été tués, arrêtés ou désarmés. Aguerris et fanatisés, ces hommes pourraient reconstruire une nouvelle organisation et multiplier les attentats.

- Thomas Flichy de La Neuville est membre du Centre Roland Mousnier (CNRS) de l’Université Paris IV, Sorbonne. Ancien élève en persan de l'Institut National des Langues et Cultures Orientales (INALCO), Thomas Flichy de La Neuville est agrégé d'histoire et docteur en droit. Ses travaux scientifiques portent sur la capacité des civilisations à transmettre la vie sur la longue durée. Il est spécialiste du monde iranien et a publié notamment une Géopolitique de l'Iran aux Presses Universitaires de France.

Steinmeier nous informe : le roi est nu

Steinmeier+Speaks+Foreign+Journalists+Sh4yCZsSErPl.jpg

Steinmeier nous informe : le roi est nu

Ex: http://www.dedefensa.org

Le ministre allemand des affaires étrangères a, dans une interview à Bild am Sundag, soit “mis les pieds dans le plat”, soit “jeté un pavé dans la mare”, – on choisira l’expression la plus appropriée, ou bien ce sera les deux en même temps, voire une troisième qu’on pourrait imaginer, comme “placer une bombe à retardement dont la mèche est déjà allumée” (hypothèse la plus optimiste, la plus joyeuse et la plus festive). Comme le résume ZeroHedge.com, près avoir consacré quelques paragraphes à l’incroyable narrative accompagnée d’exercices divers et de menaces sans fin que l’OTAN nous fait subir depuis au moins trois ans vis-à-vis de la Russie... « Et soudain tout s’est désintégré abruptement quand pas moins que le ministre des affaires étrangères de l’Allemagne... a martelé une violente critique de l’OTAN pour avoir développé une politique belliqueuse contre l’URSS, décrivant effectivement cette politique comme “belliciste” (warmongering) selon le quotidien Bild. Comme en un claquement de doigt, la fiction narrativiste entière d’une OTAN “innocente” réagissant aux provocations de la Russie diabolique s’est volatilisée en flammes... »

La déclaration de Steinmeier fait grand’bruit car l’Allemagne n’est pas l’Autriche, la Hongrie ou la Grèce, – ni même l’Italie, voire la-France-qui-n’existe-plus. (En effet, ce qu’a dit Steinmeier, c’est le ministre français qui aurait dû le dire : mais voyez sa binette, et tout est dit dans le non-dit.) Voici un extrait de RT-Amérique nous présentant l’affaire, – à tout seigneur, tout honneur, les Russes ayant bien mérité d’être cité pour rendre compte ce que tout le monde sait désormais. (Principalement, pour la traduction française, Steinmeier déclare qu’“à l’heure actuelle, on ne doit pas aggraver la situation par le cliquetis des armes et une rhétorique guerrière. Celui qui pense que les parades militaires symboliques de chars à la frontière Est de l’OTAN favorisent le climat de sécurité, se trompe.”)

« Sharply criticizing NATO war games in Eastern Europe, German Foreign Minister Frank-Walter Steinmeier told Bild am Sonntag newspaper that inflaming the standoff with Russia would endanger European security and increase risk of reviving an “old confrontation.”

» The ongoing large-scale Anakonda-16 NATO military maneuvers in Poland, simulating the repulsion of “Russian aggression” against the country, are counterproductive, Deutsche Welle cited German Foreign Minister Frank-Walter Steinmeier as telling Bild am Sonntag newspaper, in an interview to be published Sunday. “Whoever believes that a symbolic tank parade on the alliance's eastern border will bring security is mistaken,” Steinmeier said ahead of the upcoming NATO summit in Warsaw beginning July 8. “We are well-advised to not create pretexts to renew an old confrontation,” he emphasized. »

Le Telegraph de Londres précise le 18 juin, à propos de la manœuvre qui suscite particulièrement la critique du ministre allemand, désignée sous le nom générique de “Opération Anaconda” : « Mr Steinmeier was speaking after Nato staged its largest war game in eastern Europe since the end of the Cold War earlier this month. Some 31,000 troops, including 1,000 from the UK, took part in Operation Anaconda, a 10-day exercise simulating a Russian attack on Poland. The exercise was the first time German tanks crossed Poland from west to east since the Second World War. Andrzej Duda, the Polish president, made it clear the exercise was directed against Russia. “The aim of the exercise is clear,” he said. “We are preparing for an attack.” »

Aussitôt, la contre-attaque a  été montée contre Steinmeier, de tous les côtés des zombies disponibles du Système malgré le temps du week-end. Par exemple, ce tweet d’un fantassin confortable du même Système, le professeur Stephen Sestanovich, professeur de l’université de Colombia, intellectuel agréé du Système puisque membre du CFR et auteur d’un livre dont le titre dit tout (Maximalist: America in the World from Truman to Obama). La sentence de Sestanovitch : Steinmeier doit partir (« If Steinmeier calls it “warmongering” to push back agst Putin, he should step down – that's not German policy »)

Le texte de ZeroHedge.com du 18 juin dont on a déjà donné un extrait, offre une dernière partie conclusive qui expose la situation générale de cette crise ouverte au sein de l’OTAN avec les déclarations du ministre allemand. Il confirme notamment la réaction de Sestanovich, du CFR, sur la contre-offensive générale aussitôt lancée contre Steinmeier, essentiellement par le Council of Foreign Relations (CFR). (La position en flèche du CFR, organisation américaniste évidemment, et évidemment de tendance globalisante sous la direction éclairée de l’américanisme, mais surtout organisation qui tient à sa réputation de sérieux, de pseudo-mesure, d’extrémisme américaniste bon-chic-bon-genre, – cette position en flèche indique le sérieux et la gravité de l’affaire du point de vue du Système. Lorsque les grands-maîtres élégants et fortunés mettent la main à la pâte et vont au charbon, c’est que le temps est vraiment à l’orage.)

« “Anyone who thinks you can increase security in the alliance with symbolic parades of tanks near the eastern borders, is mistaken,” Germany's top diplomat added.

» Needless to say, Russia bitterly opposes NATO's expansion into its Soviet-era satellites and last month said it would create three new divisions in its southwest region to meet what it described as a dangerous military build-up along its borders. This is precisely what NATO wants as it would be able to then blame Russian effect to NATO cause as an irrational move by the Kremlin, one to which the kind folks at NATO HQ would have no choice but to respond in their caring defense of all those innocent people, when in reality it is NATO that is desperate to provoke and launch the conflict with Russia.

» And now even its own members admit it!

» In its latest ridiculous escalation, blamed on Russia no less, NATO announced on Monday that it would deploy four battalions to Estonia, Latvia, Lithuania and Poland to counter a more assertive Russia, ahead of a landmark summit in Warsaw next month. Well, as Steinmeier made it very clear, NATO's deployment to provoke Russia was precisely that. As a result a Russian "assymmetric" response is assured, and this time it may even spill over into the combat arena, something which would bring infinite delight to Washington's military-industrial complex neocon puppets.

» In an interview with Bild on Thursday, NATO chief Jens Stoltenberg said Russia is seeking to create "a zone of influence through military means". "We are observing massive militarisation at NATO borders -- in the Arctic, in the Baltic, from the Black Sea to the Mediterranean Sea," he told the newspaper.

» How do we know Steinmeier hit it nail on the head? The neocon Council of Foreign Relations trotted out its “fellow” who promptly took to character assassinations and demanding Steinmeier's resignation, instead of asking if perhaps a NATO-member country accusing NATO of being a warmongering provocateur, is not the real reason why Europe is back deep in the cold war, with an escalating nuclear arms race to go alongside it, courtesy of the US military industrial complex whose profits are entirely dependent on war, conflict and the death of civilians around the globe.

» As for the unprecedented reality in which NATO's biggest and most important European member is suddenly and quite vocally against NATO and as a result may be pivoting toward Russian, we for one can't wait to see just how this shocking geopolitical debacle for western neocons and war hawks concludes. »

Steinmeier a véritablement clamé que le roi est nu. Son attaque ne met pas en cause des aspects spécifiques même si essentiels, mais tout simplement toute la politique de l’OTAN depuis trois ans et, par logique induite, depuis au moins vingt-cinq ans (fin de la Guerre froide et élargissement) ; par conséquent, elle met en cause, toujours selon cette logique, l’existence même de l’OTAN dans sa forme et sa dynamique actuelles, c’est-à-dire l’OTAN elle-même puisque cette organisation est absolument impuissante à faire autre chose que ce qu’elle fait. C’est beaucoup pour un ministre des affaires étrangères du plus grand et plus important pays européen, c’est-à-dire du n°2 de facto de l’OTAN (puisque l’Angleterre est ce qu’on sait qu’elle est, un zombie-clone des USA et de plus en pleine crise de Brexit ; puisque, surtout, la France est devenue la-France-qui-n’existe-plus).

Reste désormais la partie la plus intéressante de l’affaire, qui se résume à des questions essentielles : Steinmeier a-t-il parlé pour lui seul, ou bien pour une fraction allemande opposée à la politique antirusse générale du bloc-BAO ? A-t-il parlé sans en aviser Merkel ou bien avec l’accord de Merkel ? Une réponse partielle à ces deux questions sera apportée assez vite, sinon très vite, selon que Steinmeier reste à son poste ou s’il démissionne ou est forcé à démissionner. S’il démissionne, on en conclura qu’il a agi seul, ou que la fraction qui le soutient n’est pas assez forte pour lui faire conserver son poste. S’il reste en place, on sera alors face à une alternative : ou bien il n’est pas d’accord avec Merkel, mais la fraction qui le soutient est assez forte pour exiger et obtenir son maintien, et alors c’est Merkel qui est à la dérive ; ou bien il est d’accord avec Merkel, et alors c’est toute la politique allemande qui est en train de basculer.

Dans tous les cas de figure, absolument tous, y compris le départ de Steinmeier, il s’agit d’une ouverture grandiose du sommet de Varsovie de juillet car, par rapport à d’autres pays de l’OTAN, Steinmeier a dit tout haut ce que nombre d’entre eux pensent tout bas. Il aura ainsi montré que l’OTAN, derrière son unanimité de façade, est dans une crise profonde entre ses divers extrémistes et l’insurrection générale antiSystème qui semble désormais toucher certains dirigeants. Dans tous les cas, le sommet-grandiose de Varsovie qui devait annoncer la phase ultime de l’attaque contre la Russie se fera dans une atmosphère délétère et, à ce compte, l’incertitude brutale apportée par Steinmeier se trouvera renforcée par le malaise grandissant de certaines implications du pouvoir washingtonien (Obama + Clinton) dans des manœuvres extrêmement douteuses sinon proches de la trahison, malaise qui va constituer de plus en plus le cadre général des préésidentielles les plus extravagantes de l’histoire des USA.

Jamais la surpuissance phénoménale du Système ne s’est trouvée aussi proche d’un processus d’autodestruction tout aussi phénoménal. C’est une confirmation des évènements courants depuis deux-trois mois, et en constante accélération ces derniers mois. La logique métahistorique des évènements continue à être respectée, montrant que les susdits évènements conduisent le bal dont le sapiens normal, ou plus justement dit zombie-Système, a de plus en plus de mal à saisir la partition centrale malgré la multiplication exponentielle de ses coups fourrés et complots en tous genre, assaisonnés d’un  déterminisme-narrativiste qui confine à un enchaînement proche de l’étouffement.

 

mercredi, 22 juin 2016

Leading Antiwar Progressives Speak Favorably of Aspects of Trump’s Foreign Policy

no-war-on-syria-poster-t-shirt-3.gif

Leading Antiwar Progressives Speak Favorably of Aspects of Trump’s Foreign Policy

By

Ex: http://www.lewrockwell.com

Until recently the progressive mind has been resolutely closed and stubbornly frozen in place against all things Trump.

But cracks are appearing in the ice.  With increasing frequency over the last few months, some of the most thoughtful left and progressive figures have begun to speak favorably of aspects of Trump’s foreign policy.  Let us hear from these heretics, among them William Greider, Glen Ford, John Pilger, Jean Bricmont, Stephen F. Cohen and William Blum.  Their words are not to be construed as “endorsements,” but rather an acknowledgment of Trump’s anti-interventionist views, the impact those views are having and the alternative he poses to Hillary Clinton in the current electoral contest.

First, let’s consider the estimable William Greider, a regular contributor to The Nation and author of Secrets of the Temple.  He titled a recent article for the Nation, “Donald Trump Could be The Military Industrial Complex’s Worst Nightmare: The Republican Front Runner is Against Nation Building.  Imagine That.” 

Greider’s article is brief, and I recommend reading every precious word of it.  Here is but one quote: “Trump has, in his usual unvarnished manner, kicked open the door to an important and fundamental foreign-policy debate.”  And here is a passage from Trump’s interview with the Washington Post that Greider chooses to quote:

“’I watched as we built schools in Iraq and they’d be blown up,’ Trump told the editors.  ‘And we’d build another one and it would get blown up. And we would rebuild it three times. And yet we can’t build a school in Brooklyn.… at what point do you say hey, we have to take care of ourselves. So, you know, I know the outer world exists and I’ll be very cognizant of that but at the same time, our country is disintegrating, large sections of it, especially in the inner cities.’”

Trump talks about building infrastructure for the inner cities, especially better schools for African American children, rather than bombing people of color halfway around the world!  That is hardly racism.  And it is not how the mainstream media wants us to think of The Donald.

Next, Glen Ford, the eloquent radical Left executive editor of Black Agenda Report, a superb and widely read outlet, penned an article in March 2016, with the following title: “Trump Way to the Left of Clinton on Foreign Policy – In Fact, He’s Damn Near Anti-Empire.” Ford’s piece is well worth reading in its entirety; here are just a few quotes :

“Trump has rejected the whole gamut of U.S. imperial war rationales, from FDR straight through to the present.”

“If Trump’s tens of millions of white, so-called ‘Middle American’ followers stick by him, it will utterly shatter the prevailing assumption that the American public favors maintenance of U.S. empire by military means.”

“Trump shows no interest in ‘spreading democracy,’ like George W. Bush, or assuming a responsibility to ‘protect’ other peoples from their own governments, like Barack Obama and his political twin, Hillary Clinton.”

“It is sad beyond measure that the near-extinction of independent Black politics has placed African Americans in the most untenable position imaginable at this critical moment: in the Hillary Clinton camp.”

iran_protest_280112crop-1_5.jpgNext, let’s turn to John Pilger, the Left wing Australian journalist and documentary film maker who has been writing about Western foreign policy with unimpeachable accuracy and wisdom since the Vietnam War era.   Here are some of his comments on Trump:

“..Donald Trump is being presented (by the mass media) as a lunatic, a fascist.  He is certainly odious; but he is also a media hate figure.  That alone should arouse our skepticism.” 

“Trump’s views on migration are grotesque, but no more grotesque than those of David Cameron. It is not Trump who is the Great Deporter from the United States, but the Nobel Peace Prize winner, Barack Obama.”

“In 1947, a series of National Security Council directives described the paramount aim of American foreign policy as ‘a world substantially made over in [America’s] own image’.  The ideology was messianic Americanism. We were all Americans. Or else. …”

“Donald Trump is a symptom of this, but he is also a maverick. He says the invasion of Iraq was a crime; he doesn’t want to go to war with Russia and China. The danger to the rest of us is not Trump, but Hillary Clinton. She is no maverick. She embodies the resilience and violence of a system whose vaunted ‘exceptionalism’ is totalitarian with an occasional liberal face.”

The money quote is: “The danger to the rest of us is not Trump, but Hillary Clinton.”  When Pilger submitted his article to the “progressive” magazine Truthout, this sentence was deleted, censored as he reported, along with a few of the surrounding sentences.  Such censorship had not been imposed on Pilger by Truthout ever before.  Truthout’s commitment to free speech apparently has limits in the case of The Donald versus Hillary, rather severe ones.  So one must read even the progressive press with some skepticism when it comes to Trump.

Trump has also been noticed by the Left in Europe, notably by the sharp minded Jean Bricmont, physicist and author of Humanitarian Imperialism who writes here:

(Trump) “is the first major political figure to call for ‘America First’ meaning non-interventionism.  He not only denounces the trillions of dollars spent in wars, deplores the dead and wounded American soldiers, but also speaks of the Iraqi victims of a war launched by a Republican President. He does so to a Republican public and manages to win its support. He denounces the empire of US military bases, claiming to prefer to build schools here in the United States. He wants good relations with Russia. He observes that the militarist policies pursued for decades have caused the United States to be hated throughout the world. He calls Sarkozy a criminal who should be judged for his role in Libya. Another advantage of Trump: he is detested by the neoconservatives, who are the main architects of the present disaster.”

And then there is Stephen F. Cohen, contributing editor for The Nation and Professor Emeritus of Russian History at Princeton and NYU.  Cohen makes the point that Trump, alone among the presidential candidates, has raised five urgent and fundamental questions, which all other candidates in the major parties have either scorned or more frequently ignored. The five questions all call into question the interventionist warlike stance of the US for the past 20 plus years. Cohen enumerates the questions here, thus:

“Should the United States always be the world’s leader and policeman?

“What is NATO’s proper mission today, 25 years after the end of the Soviet Union and when international terrorism is the main threat to the West?

“Why does Washington repeatedly pursue a policy of regime change, in Iraq, Libya, possibly in Ukraine, and now in Damascus, even though it always ends in “disaster”?

“Why is the United States treating Putin’s Russia as an enemy and not as a security partner?

“And should US nuclear weapons doctrine include a no-first use pledge, which it does not?”

anti_war_protests.jpg_1718483346.jpg

Cohen comments in detail on these questions here. Whatever one may think of the answers Trump has provided to the five questions, there is no doubt that he alone among the presidential candidates has raised them – and that in itself is an important contribution.

At this point, I mention my own piece, which appeared late last year.  Entitled “Who is the Arch Racist, Hillary or The Donald”?  Like Cohen’s pieces, it finds merit with the Trump foreign policy in the context of posing a question.

Finally, let us turn to Bill Blum, who wrote an article entitled, “American Exceptionalism and the Election Made in Hell (Or Why I’d Vote for Trump Over Hillary).”  Again there is little doubt about the stance of Blum, who is the author of Killing Hope: U.S. Military and CIA Interventions Since World War II, a scholarly compendium, which Noam Chomsky calls “Far and away the best book on the topic.”

Blum begins his piece:

“If the American presidential election winds up with Hillary Clinton vs. Donald Trump, and my passport is confiscated, and I’m somehow FORCED to choose one or the other, or I’m PAID to do so, paid well … I would vote for Trump.”

“My main concern is foreign policy. American foreign policy is the greatest threat to world peace, prosperity, and the environment. And when it comes to foreign policy, Hillary Clinton is an unholy disaster. From Iraq and Syria to Libya and Honduras the world is a much worse place because of her; so much so that I’d call her a war criminal who should be prosecuted.”

And he concludes:

“He (Trump) calls Iraq ‘a complete disaster’, condemning not only George W. Bush but the neocons who surrounded him. ‘They lied. They said there were weapons of mass destruction and there were none. And they knew there were none. There were no weapons of mass destruction.’ He even questions the idea that ‘Bush kept us safe’, and adds that ‘Whether you like Saddam or not, he used to kill terrorists’.”

“Yes, he’s personally obnoxious. I’d have a very hard time being his friend. Who cares?”

I conclude with Blum’s words because they are most pertinent to our present situation.  The world is living through a perilous time when the likes of the neocons and Hillary Clinton could lead us into a nuclear Armageddon with their belligerence toward Russia and their militaristic confrontation with China.

The reality is that we are faced with a choice between Clinton and Trump, a choice which informs much of the above commentary.  Survival is at stake and we must consider survival first if our judgments are to be sane.

mardi, 21 juin 2016

Le chef de la diplomatie allemande critique la politique menée par l’Otan à l’égard de la Russie

Steinmeier2013.jpg

Le chef de la diplomatie allemande critique la politique menée par l’Otan à l’égard de la Russie

Ex: http://www.opex360.org

Lors d’une réunion des ministres de la Défense des membres de l’Otan, les 14 et 15 juin, il a été décidé de déployer 4 bataillons « robustes » en Pologne et dans les trois baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie).

Cette mesure a été prise à la demande des pays concernés qui, depuis l’annexion de la Crimée et le conflit dans l’est de l’Ukraine, redoutent l’attitude de la Russie à leur égard. « Il s’agit d’envoyer le message clair que l’Alliance est prête à défendre tous ses alliés », a justifié Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Otan.

Trois pays ont déjà pris l’engagement de fournir des troupes pour armer ces bataillons, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Or, le ministre allemand des Affaires étrangères, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, a critiqué la politique menée par l’Otan à l’égar de la Russie, dans un entretien publié ce 19 juin par le quotidien Bild.

« Ce que nous ne devrions éviter aujourd’hui, c’est d’envenimer la situation avec des cris guerriers et des bruits de bottes », a affirmé M. Steinmeier, en critiquant le déploiement de ces 4 bataillons de l’Otan. « Celui qui croit créer plus de sécurité dans l’alliance avec des parades symboliques de chars près des frontières dans l’est, se trompe », a-t-il ajouté.

Toujours au sujet de la Russie, le chef de la diplomatie allemande a estimé qu’il serait « fatal de limiter son regard au militaire et de chercher son salut dans la seule politique de dissuasion. » En outre, ancien chancelier allemand et président du conseil de surveillance de North-European Gas Pipeline à la demande du groupe russe Gazprom, Gerhard Schröder (social-démocrate) est allé dans le même sens lors d’un entretien accordé au Sueddeutsche Zeitung. Selon lui, l’Otan ne devrait pas entamer une course aux armements avec Moscou, car « cela ne saurait résoudre les problèmes dans les relations internationales ».

Quoi qu’il en soit, les propos de M. Steinmeier tranchent avec le contenu de version préalable du Livre blanc allemand sur la Défense, dont certains extraits ont été publiés début juin par le quotidien Die Welt. « Pour le gouvernement allemand, la Russie n’est plus un partenaire, mais un rival », rapporte ainsi le journal, après avoir rappelé . Et d’ajouter que Moscou « se détourne de l’Occident, accentue la rivalité stratégique et intensifie son activité militaire aux frontières de l’Union européenne ».

En outre, le document, qui met en garde contre les techniques « hybrides », qui entretiennent le flou « entre la guerre et la paix » avec des actions subversives pour déstabiliser les pays visés, estime que « sans changement de cap radical, la Russie constituera très prochainement un défi pour la sécurité sur notre continent ».

Cela étant, pour l’Otan, le déploiement de ces 4 bataillons de 800 à 1.000 hommes chacun sur son flanc oriental et, plus généralement, les mesures de « réaussurance » prises au profit des pays baltes et de la Pologne, ne sont qu’une réponse aux activités militaires russes.

« En infraction avec le droit international, Moscou a annexé la Crimée et soutient les séparatistes dans l’est de l’Ukraine. Nous observons en outre une militarisation massive aux frontières de l’Otan – dans l’Arctique, sur la Baltique, dans la mer Noire et jusqu’en Méditerranée », a ainsi expliqué M. Stoltenberg, au quotidien Bild, le 16 juin. « Nous avons connaissance de manoeuvres importantes, agressives et non annoncées du côté russe et nous devons réagir à cela », a-t-il ajouté.

Le fait est, les pays scandinaves, qui ont souligné la dégradation de la situation sécuritaire dans leur environnement proche en raison de l’intensification des activités militaires russes, s’interrogent sur la nécessité de rejoindre l’Otan (pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait) et d’augmenter leurs dépenses militaires, comme la Norvège vient de le décider.

Quoi qu’il en soit, pour l’Otan, et comme l’a expliqué aux sénateurs français le président de son comité militaire, le général tchèque Petr Pavel, le déploiement de ces bataillons vise à dissuader la Russie de défier l’Alliance en menant, dans les pays baltes, des actions déstabilisatrices qui seraient en deçà du seuil de déclenchement de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, ce qui mettrait les Alliés dans l’embarras.


En savoir plus sur http://www.opex360.com/2016/06/19/le-chef-de-la-diplomatie-allemande-critique-la-politique-menee-par-lotan-legard-de-la-russie/#lm8WpwZ8jeCdOLWz.99

lundi, 20 juin 2016

L’Iran se relie à l’Eurasie avec le Canal Perse

canalperse7697_772.jpg

L’Iran se relie à l’Eurasie avec le Canal Perse

F. William Engdahl

Ex: http://reseauinternational.net

Avec la disparition des sanctions économiques étasuniennes et européennes, il devient manifeste que l’Iran veut aujourd’hui construire, pas détruire comme l’Occident semble le vouloir à tout prix. La toute dernière annonce  est que Téhéran a décidé de se lancer dans un grand projet d’infrastructure qui demandera peut-être une dizaine d’années pour être achevé: un canal navigable, reliant pour la première fois la mer Caspienne au golfe Persique en traversant l’Iran. Compte tenu de la topographie très montagneuse de l’Iran, il n’est pas facile à creuser. Ce sera également un grand avantage pour la Russie et les autres pays bordant la mer Caspienne, ainsi qu’une infrastructure exactement adaptée au grand projet chinois de la Route de la Soie.

Pour sa marine et son commerce, la Russie cherche un lien vers les mers chaudes depuis l’époque des tsars Romanov. Aujourd’hui, sur une voie très étroite traversant Istanbul entre mer Noire et mer de Marmara, les navires russes doivent franchir les détroits turcs du Bosphore, les Dardanelles, la mer Egée et la mer Méditerranée. Compte tenu des relations glaciales entre Moscou et Ankara aujourd’hui, depuis que les forces aériennes turques ont l’année dernière abattu délibérément un jet russe dans l’espace aérien syrien, en violation de toutes les normes du droit international, la traversée du Bosphore par les navires russes est une entreprise très incertaine, malgré les traités internationaux sur la liberté de passage.

D’ailleurs, pour les navires iraniens ou chinois aussi, atteindre les ports méditerranéens de l’Europe, exige maintenant qu’ils traversent le canal de Suez appartenant au gouvernement égyptien. En dépit de la Convention de 1888 de Constantinople, qui accorde le droit de libre accès à toute nation et navire en temps de guerre ou de paix, le gouvernement égyptien, comme cela a été évident lors du coup d’État des Frères musulmans de Mohammed Morsi soutenu par les USA, présente aussi un très important risque politique. En contournant les détroits turcs et le canal de Suez égyptien, le canal iranien offre aussi à la Russie et aux autres États le chemin le plus court vers l’océan Indien.

Téhéran a dévoilé les plans de construction d’une voie artificielle qui reliera pour la première fois la mer Caspienne et le golfe Persique. Son achèvement est prévu dans une dizaine d’années. Elle a d’énormes implications économiques, militaires et économiques.

Le « Canal de Suez » de l’Iran

canalphoto_3321_5183249.jpgDu point de vue économique et géopolitique, ce sera, dans tous les sens du terme, un rival au canal de Suez. Selon un article publié par Sputnik International de Russie, le projet a été approuvé en 2012 par l’ancien Président iranien Mahmoud Ahmadinejad, au moment où les sanctions occidentales étaient toujours en place. Le coût avait été estimé alors par Khatam-al Anbiya, une société d’ingénierie appartenant à la Garde révolutionnaire iranienne, à environ sept milliards de dollars. À cette époque, dans une démarche visant à bloquer le projet, Washington avait imposé des sanctions économiques aux entreprises qui participaient au projet. Maintenant, pour d’autres raisons géopolitiques, Washington a levé de nombreuses sanctions et Téhéran va de l’avant.

Le canal de la mer Caspienne de l’Iran a un avantage majeur de sécurité. Il traverse strictement l’espace iranien, espace qui est bien défendu.

Deux itinéraires sont envisagés pour le « Canal de Suez » iranien. Le plus court à l’ouest traverserait le territoire montagneux, tandis que le plus long permettrait l’irrigation des vastes régions désertiques de l’est de l’Iran et éviterait l’étroit chenal d’Ormuz, entre Oman et Iran.

L’itinéraire oriental, entre l’est du Golfe d’Oman et le sud-est de la mer Caspienne a une longueur totale comprise entre 1465 et 1600 kilomètres, en fonction du cheminement interne. Il aurait l’avantage supplémentaire de permettre l’irrigation et le développement de l’agriculture dans les provinces sèches du pays, à l’est et au centre, là où l’absence de précipitations a créé une énorme sécheresse ces dernières décennies. La voie navigable permettrait de recharger la nappe phréatique en eau.

L’itinéraire occidental, bien que plus court, présente des inconvénients majeurs. Faisant environ 950 km, empruntant des lits de fleuves partiellement navigables, il devrait traverser les vallées des montagnes Zagros sur 600 kilomètres. L’inconvénient majeur de cette voie est la traversée des hauteurs de Zagros et des provinces du Kurdistan et d’Hamedan, où il doit grimper à plus de 1800 mètres.

Quel que soit l’itinéraire choisi, et apparemment des raisons de sécurité nationale l’ont fait garder secret jusqu’ici, plusieurs avantages majeurs se développeront à partir du canal reliant la mer Caspienne à l’océan Indien. D’abord, d’une part, il créera le lien maritime le plus court entre le golfe Persique et l’Inde et l’Europe de l’est, du centre et du nord; d’autre part, il sera en concurrence directe avec le canal de Suez et l’instabilité politique égyptienne. Pour la Russie, il aura l’avantage géopolitique majeur d’offrir un accès facile et direct à l’océan Indien, indépendant du canal de Suez et des détroits turcs du Bosphore. Pour l’Iran, sur le plan économique, ce serait un créateur d’emploi majeur. Il ajouterait environ deux millions de nouveaux emplois dans la construction et l’entretien le long du canal. Il permettra aussi à Téhéran de relancer les régions isolées de l’est qui se chargeraient de l’infrastructure, incluant la construction d’un nouveau port moderne dans les régions économiques libres de Bam et Tabas, de chantiers navals et d’aéroports, et des villes prévues. Il permettrait aussi d’éviter ou de réduire considérablement la désertification en créant un obstacle à la propagation du désert vers les terres iraniennes fertiles.

Cela arrive au moment où l’Iran se prépare à devenir membre à part entière de l’Organisation de coopération eurasienne de Shanghai (OCS). L’Iran avait le statut de nation observatrice à l’OCS depuis 2008, mais les sanctions de l’ONU ont empêché sa pleine adhésion jusqu’à janvier dernier. La Russie et la Chine soutiennent fermement sa pleine adhésion, qui sera vraisemblablement ratifiée plus tard cet été, lors de la réunion annuelle. En février 2016, en visite à Téhéran, le Président chinois Xi Jinping a discuté de la participation de l’Iran au projet d’infrastructure eurasiatique de la Chine, de la création d’un réseau de ports et des réseaux ferroviaires à grande vitesse sillonnant l’Eurasie de Pékin à la Biélorussie et au-delà. Il est très probable que Xi et le Premier ministre Rouhani ont aussi discuté de la participation de la Chine au financement et peut-être aussi à la construction du Canal persan, alternative iranienne au canal de Suez.

D’après ce que j’ai observé personnellement lors d’une récente visite à Téhéran, les Iraniens en ont assez de la guerre. Ils ne se sont pas totalement remis des pertes et des destructions de la guerre Iran-Irak initiée par les USA dans les années 1980, ni des déstabilisations US ultérieures. Ils veulent plutôt un développement économique pacifique et être en sécurité chez eux. Le projet du Canal Persan de l’Iran est une belle étape dans cette direction.

  1. William Engdahl est consultant en risques stratégiques et conférencier. Titulaire d’un diplôme en politique de l’université de Princeton, il est auteur de best-sellers sur le pétrole et la géopolitique. En exclusivité pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

NEO, F. William Engdahl

Original : journal-neo.org/2016/04/07/iran-links-to-eurasia-with-per...
Traduction Petrus Lombard

samedi, 18 juin 2016

Poutine vs l’Occident. Un conflit essentiellement idéologique ?

Orlando-condolances-shooting-Putin.jpg

Poutine vs l’Occident. Un conflit essentiellement idéologique ?

Ex: http://www.breizh-info.com

L’opposition actuelle entre l’Occident (USA/Union européenne) et la Russie de Vladimir Poutine est autant, sinon plus, de nature idéologique que politique et géopolitique. Telle est la thèse développée par Mathieu Slama dans son remarquable essai La guerre des mondes – réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident (Ed. de Fallois). Mathieu Slama intervient de façon régulière dans les médias sur les questions de politique internationale. Un des premiers en France à avoir décrypté la propagande de l’État islamique, il a publié plusieurs articles sur la stratégie de Poutine vis-à-vis de l’Europe et de l’Occident.

Entre Poutine et l’Europe, affirme Slama, ce sont deux conceptions, deux grammaires du monde et de l’homme – antagonistes et irréconciliables – qui s’opposent. Cet antagonisme a remplacé celui qui opposait l’Est à l’Ouest, et de façon plus radicale que celui qui opposait le communisme et la démocratie libérale, « car ces deux modèles partageaient une même vision matérialiste de l’homme, congédiant dans un même mouvement Dieu et la tradition, l’un au nom de l’égalité, l’autre au nom de la liberté. »

Quels sont les fondements de cette opposition radicale ? C’est chez l’intellectuel russe Alexandre Douguine,  nous dit Slama, que se trouve une partie de la réponse quand il écrit que « l’eurasisme est une vision du  monde qui se base sur la multipolarité. Nous rejetons l’universalisme du modèle occidental, protestons contre le racisme culturel européen et affirmons la pluralité des civilisations et des cultures. Pour nous, les droits de l’homme, la démocratie libérale, le libéralisme économique et le capitalisme sont seulement des valeurs occidentales. »

Mais plus que de Douguine, la doxa développée par Poutine procède pour l’essentiel de l’oeuvre d’Alexandre Soljenitsyne. « Des millions de gens dans le monde lient le nom et les œuvres d’Alexandre Soljenitsyne au sort de la Russie elle-même. Comme il l’a dit lui-même : la Russie, c’est nous-mêmes. Nous sommes sa chair et son  sang, son peuple. », dira Poutine lors de la remise du prix d’État à l’écrivain en 2007. L’Occident oublieux de ses racines chrétiennes, l’Occident matérialiste qui sacralise l’individu : ces thèmes chers à l’auteur de L’Archipel du Goulag, Poutine les a en effet fait siens.

VLADIMIR_PUTIN_AND_FRIENDS_KGB-CAREER_BY_ACHILLE_ZIBI_MAIN_BNR_01.jpgC’est à partir de 2012, à l’occasion de son second mandat, que Poutine a exprimé de façon aboutie et cohérente son conservatisme. Tout en précisant que  « nul ne peut dire, à l’écoute de Vladimir Poutine, ce qui relève de la sincérité ou de l’hypocrisie – voire du mensonge et de la propagande. », Mathieu Slama  observe que  « le discours de Poutine correspond aussi à un état d’esprit majoritaire en Russie, voire dans l’ensemble du monde non-occidental. Autrement dit, fut-il insincère, ce discours révèle une vérité irréductible à l’honnêteté ou non de celui qui le prononce. »

A l’universalisme sans frontières, à l’individualisme exacerbé, au refus de l’identité qui fondent la doxa de l’Union européenne, Poutine défend un type de société traditionnelle, qui prend ses sources dans l’histoire de la Russie et dans sa culture. Slama rappelle que l’hôte du Kremlin refuse l’assujettissement de la souveraineté nationale à « des règles de droit universelles qui font de chaque individu le membre d’une même humanité » énoncées au nom des droits de l’homme. Contrairement à ce qu’a affirmé à Moscou François Hollande – « Nous avons en commun une vision du monde » – la vision de Poutine se situe bien à l’opposé de celle du président français.

Cela explique, au passage, la hargne avec laquelle les médias occidentaux traitent Vladimir Poutine. « Dictateur », « tyran », « tricheur », « assassin », « voleur » etc., les qualificatifs attribués au président russe ne manquent pas. Jamais les hôtes du Kremlin durant la période de l’URSS n’ont été traités avec autant d’hostilité.

Et pourtant, malgré cela, Poutine semble rencontrer une audience croissante auprès de plus en plus d’Européens. La raison ? Pour Slama, « l’homme européen, confronté à ce qu’Heidegger appelait la fuite des  dieux vit une citoyenneté libre et émancipée mais pauvre en monde. (…) Seuls comptent dans la société technologique, le présent et l’avenir. Mais quel avenir ? (…) Confrontées  à la machinerie sans âme de l’Union européenne et à la dislocation de leur souveraineté, menacées en leur sein de ruptures culturelles sans précédent, les nations européennes naviguent à vue, reléguées derrière la grande puissance américaine, la Russie et les grandes nations émergentes. »

Finalement ce n’est pas tant la réussite du modèle poutinien qui fascine de plus en plus d’Européens mais le délitement du modèle occidental qu’il met par contraste en lumière. « Nous intéresser à ce que dit Poutine, c’est aussi nous confronter à nos propres errance et renoncements », prévient l’auteur. Car, rappelle-t-il, «la nation, en Europe n’existe plus que dans son rapport à l’universel et au droit et, par conséquent, c’est la question même de sa survie qui est posée.». Tout est dit.

PLG

La guerre des mondes – réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident, Mathieu Slama, Editions de Fallois, 125 pages, 16€

vendredi, 17 juin 2016

Xavier Moreau: "Les sanctions n'ont plus d'effet sur la Russie"

Xavier Moreau: "Les sanctions n'ont plus d'effet sur la Russie"

Xavier Moreau est conférencier et homme d’affaire français vivant en Russie. De passage à Paris il a tenu à faire un point sur l’actualité ukrainienne et russe pour TV Libertés. Il évoque la situation politique et économique de la région russophone du Donbass où il a séjourné plusieurs semaines au cours du mois de mai.


A la veille de sa participation au Forum Economique de Saint-Pétersbourg où se retrouveront notamment Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine, Xavier Moreau confirme que la Russie à pris toutes les dispositions économiques et financières pour contourner les sanctions européennes. L’invité de TV Libertés affirme que désormais ces sanctions n’ont plus d’effet sur la Russie.

http://www.tvlibertes.com/

https://www.facebook.com/tvlibertes

https://twitter.com/tvlofficiel

Pour nous soutenir :

http://www.tvlibertes.com/don/

Ou directement via Facebook :

https://www.facebook.com/tvlibertes/a...

Donbass and Syrian Fronts: Two stages of a Single War

poutine-carte-CRIMEE.jpg

Donbass and Syrian Fronts: Two stages of a Single War

Geographic realities are stable and permanent. They actually matter and all the idealistic disguises created to wage useless wars or delaying wars (Carl Schmitt) are only ponderous parasitic burdens to blind the naïve.

Robert Steuckers

Ex: http://deliandiver.org

I have always insisted on the fact that these both war stages were strategically linked. It would be silly to believe that the Syrian situation has nothing to do with the stalemate in East Ukraine. Historically both areas are so-called “gateway regions” on the rimlands around the Russian dominated heartland as the US geostrategist Saul B. Cohen could demonstrate in his works. As the globalist geopolitics of the United States aims at preventing any Pan-Eurasian synergies in the Old World (or on the World Island to take over MacKinder’s vocabulary) or any long term cooperation between Central Europe and Russia, it’s quite natural to let organize by dubious proxies skirmishes or long term wars on territories that could have an important linking function between major regions on the Eurasian continent. The present-day Ukrainian territory East of Crimea linked Europe (represented by the Genoese and Venetian commercial bases) to Asia at the time of Marco Polo, the great Mongol Khans or even later. The Syrian coast was the entrance gate to the long land roads to India and China. The vital necessity to control it, lead to the eight crusades Western Europe waged during our Middle Ages (Spengler explained why the notion of Middle Ages is only valid for Europe).

syrie_finie_png.jpg

Geographic realities are stable and permanent. They actually matter and all the idealistic disguises created to wage useless wars or delaying wars (Carl Schmitt) are only ponderous parasitic burdens to blind the naïve. That’s what MacKinder tried to explain in his too often forgotten book Democratic Ideals and Realities (several modified editions between 1919 and 1947). Today these two gateway regions, if they would be pacified, could secure the transit of goods and raw materials by roads, pipelines and railways between East Asia, Iran and Europe (in the case of Syria) and between China, Russia and Germany (in the case of Ukraine). What matters today are what I would call the post-Marxist and “Listist” projects China is coining thanks to its overflow of cash and in the framework of BRICS or Shanghai Group with the consent of Kazakhstan and Russia. I speak of a “Listist” perspective on continental organization as the main theorist of development in world history is indubitably Friedrich List. He helped to develop the railway communication system in 19th century Germany, accelerating the unification of the country and its industrialization. Without List, no one would have ever spoken of a German political or economic power. He also favoured the digging of canals both in the United States (he was made an American citizen) to link the Great Lakes area to the East coast harbours and in Germany to link all the river basins between the Vistula and the Meuse in the Prussian dominated Northern European plain. Without List’s genius, no one would have ever spoken of an early American global agricultural power as the wheat belt couldn’t have been properly exploited without a bulk transportation link to the Atlantic coast.

According to List, who thought in multipolar continental terms and favoured soft unification projects under the lead of technological development, the role of the State was to sponsor communication to help developing and creative private industrial and technological forces to thrive (Schumpeter). In this sense, List was a “constructive liberal”, a figurehead of a non conservative efficient praxis that could have annihilated the negative aspects of common liberal ideology.

The Chinese pioneers at the end of the moribund Chinese Empire in the late 1890s and at the beginning of the Republican challenge that lead to the nationalist Sun Ya Tsen revolution in 1911 were all mainly inspired by List who had quite a lot of Chinese disciples. After the paralysing troubles of civil war, of civil dissent caused by warlords, by the long Japanese occupation, communist rule and cultural revolution, China abandoned secretly all the Marxist humbug of the Maoist era (not too obviously in order not to stir too much worry among the masses and the party members). They indeed rediscover List and his ulterior followers and programmed plans akin to the ones he once drew for the United States and Germany.

These plans gave economical, industrial and agricultural powers to both countries. Present-day ideological divagations induce confusion and stir conflicts in order not to repeat positive plans to develop communication that were set up and achieved for the benefit of all the people on Earth. Therefore horrible and useless wars are waged in Syria and in the Donbass area and could be extended to the Caucasus (Chechnya, Dagestan, Ossetia), to East Turkey (Kurds against the Turkish government) blocking for long decades the possibility of expanding railways, pipelines and roads.

(Brussels and Forest-Flotzenberg, June 2016).

jeudi, 16 juin 2016

Détruire la fabrique à illusions Entretien avec Lucien Cerise

luccer.jpg

Détruire la fabrique à illusions

Entretien avec Lucien Cerise

Propos recueillis par Monika Berchvok

Source : Rivarol
Ex: http://zejournal.mobi

Venant de l’extrême gauche de l’échiquier politique, Lucien Cerise vote « Non » en 2005 au référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, comme 55 % des votants. Quand il voit au cours des années 2006 et 2007 ce que le Pouvoir fait du scrutin, cela le décide à s’engager dans les mouvements anti-Union européenne et antimondialistes, donc nationalistes et localistes. Au fil du temps et des rencontres, il s’est rendu compte que le clivage politique Droite / Gauche est en fait complètement bidon et que la seule différence à considérer est entre la vie et la mort. Dans son dernier livre, il revient sur les concepts les plus importants de son travail : l’ingénierie sociale et les neuro-pirates. Les propos de Lucien Cerise sont parfois polémiques, mais doivent être pris comme une ouverture au débat.

Rivarol : En quoi consiste l’ingénierie sociale ?

Lucien Cerise : L’ingénierie sociale est la méthode scientifique de transformation des groupes sociaux. Toutes les échelles peuvent être visées : famille, tribu, communauté, religion, peuple, civilisation, association, entreprise, etc. Ce travail de transformation et de reformatage est généralement non déclaré, furtif, subliminal parce que les groupes ciblés le refuseraient, ou du moins l’amenderaient fortement s’ils étaient consultés. En outre, cette transformation est définitive, ce qui la distingue d’un acte de manipulation ponctuelle, qui reste réversible. L’idée d’une ingénierie sociale, ou social engineering, apparaît au XXe siècle sous la plume de chercheurs tels que l’épistémologue Karl Popper et est aussi synonyme de « planification sociale » et de « conduite du changement ». Plus récemment, le monde du piratage informatique l’a également adoptée en insistant sur la furtivité. Aujourd’hui, les deux concepts clés de l’ingénierie sociale sont 1) l’hameçonnage (phishing), c’est-à-dire l’accroche séduisante, la carotte, la récompense promise pour nous faire avancer dans le sens voulu par l’ingénieur social, et 2) le conflit triangulé, c’est-à-dire le conflit orchestré entre des groupes, ou entre les membres d’un groupe, pour les affaiblir, voire les détruire en usant d’une stratégie indirecte qui les fait s’affronter au bénéfice de celui qui organise le conflit sans y apparaître directement.

luccerton37820.jpgQui sont les « neuro-pirates » qui veulent faire de nous des « néo-esclaves » ?

Les neuro-pirates sont mieux connus sous le terme anglais de spin doctors, qui désigne les professionnels du « retournement » psychologique. Un conseiller de Barack Obama, l’universitaire Cass Sunstein, parle d’infiltration cognitive pour qualifier cette manière d’entrer dans l’esprit d’autrui pour le faire changer sans qu’il en soit totalement conscient. On en rencontre des praticiens essentiellement dans les milieux de la communication, du marketing, du management, de la sécurité des systèmes, du renseignement et de la politique. Quand le pouvoir veut fabriquer notre consentement à quelque chose d’intolérable, il est contraint d’avancer masqué sachant que notre « consentement éclairé » ne sera jamais accordé. Quand il s’agit de nous faire accepter de recevoir une puce électronique dans le corps comme si nous étions du bétail, il faut nécessairement ruser et présenter les choses sous un jour dédramatisé, inoffensif, et même ludique et attractif si possible. C’est le rôle du piratage des cerveaux, au sens où le neuro-pirate va pénétrer ni vu, ni connu dans l’esprit de quelqu’un pour modifier son logiciel mental et comportemental sans qu’il ne s’en rende compte. Nous baignons là-dedans en Occident, où le pouvoir essaye de transformer définitivement la nature des peuples dans le sens d’une artificialisation et d’une robotisation croissante, mais sans provoquer de réactions de refus trop violentes, ce qui le conduit à procéder sous couvert des droits de l’Homme ou de la lutte contre la « menace terroriste ».

Comment concrètement le système manipule les foules sur un sujet aussi important que le sionisme ?

Dans la phase préliminaire d’hameçonnage, autrement dit de séduction, l’ingénierie sociale repose sur l’usurpation d’identité et l’abus de confiance. L’usurpation d’identité fait un usage intensif du « triangle de Karpman », notion issue de l’Analyse transactionnelle. En résumé, trois places sont à occuper dans les relations humaines : le sauveur, le bourreau et la victime. Pour agir furtivement et discrètement, le bourreau peut produire les signes extérieurs de la victime, de sorte à occuper frauduleusement cette place dans notre perception, ce qui lui permettra d’inhiber toute méfiance et tout esprit critique envers lui et d’abuser de notre confiance. En usurpant l’identité de la victime, le bourreau détourne notre attention de ses agissements et il peut commencer à nous détruire presque à notre insu, voire même avec notre participation, dans la mesure où nous le percevons désormais non plus comme le bourreau, mais comme la victime, ou le sauveur. Nous tenons là l’explication de la promotion que le système fait de l’idéologie victimaire pour empêcher toute analyse sérieuse de la question du sionisme.

L’immigration de masse semble être une arme de déstabilisation des nations européennes ?

C’est plus qu’une déstabilisation, c’est une destruction définitive des nations européennes qui est en cours, un vrai génocide. Le projet d’en finir totalement avec l’Europe chrétienne apparaît dans le Talmud, livre du Sanhédrin, dans la parabole du « Messie aux portes de Rome ». Rome est la métonymie de l’Europe chrétienne, également nommée Edom dans cette tradition. Les commentaires de la parabole disent que le Messie des Juifs reviendra à mesure que l’Europe chrétienne disparaîtra. Dès lors, on comprend mieux les motivations de certaines personnes et organisations à accélérer et amplifier toujours davantage l’immigration de masse extra-européenne et musulmane en Europe. Les immigrés, de préférence non chrétiens, sont utilisés ici comme des munitions et à des fins balistiques pour détruire les nations européennes ; bien sûr, certains d’entre eux se frottent les mains d’avoir ainsi la permission d’envahir l’Europe, mais ils doivent comprendre qu’ils seront perdants eux aussi à la fin. En effet, après avoir utilisé les musulmans pour déchristianiser l’Europe, le pouvoir provoquera des conflits triangulés parmi les musulmans pour les pousser à s’entretuer, car eux-mêmes seront de trop à ce moment-là.

Le but final visé à travers toutes ces confrontations identitaires reste le Grand remplacement de l’ensemble des communautés humaines par le transhumanisme. Le défi des Européens est de faire comprendre aux immigrés extra-européens à quoi ils servent et ce qui les attend aussi, c’est-à-dire leur génocide après le nôtre. C’est ainsi que nous pourrons établir avec eux une communauté de « galère » et de destin, qui permettra de poser un modus vivendi pacifique, condition nécessaire pour commencer à inverser tranquillement la tendance, ce qui peut aboutir à la ré-émigration de certains d’entre eux, de sorte que chacun chez soi nous soyons plus forts pour lutter ensemble contre l’ennemi commun.

Vous évoquez les liens entre les oligarques mondialistes et la mouvance antifasciste. Pouvez-vous évoquer vos découvertes sur le financement des « antifas » ?

Quand on cherche un peu qui soutient, parraine et chapeaute l’extrême-gauche « antifasciste », anti-spéciste, LGBT, No Border, Black-Blocks, Occupy, les Indignés, etc., on trouve des organisations qui sont au sommet du capitalisme : Open Society de George Soros, Fondations Rockefeller et Rothschild, Commission européenne, diverses ONG et entreprises multinationales, et même certains ministères de l’Intérieur, autrement dit la police. On savait déjà que les libéraux et les libertaires convergeaient intellectuellement dans l’abolition des frontières, des nations et des identités, et plus largement dans la déconstruction de toute forme de limite.

On sait maintenant que ce n’est pas seulement théorique mais aussi pratique et économique. Une bonne partie de l’extrême-gauche, celle apparue autour de Mai 68 en France, relève de ce que les anglo-saxons appellent la New Left. Il s’agit en fait d’une gauche libertaire prônant l’ouverture sans limites, totalement inoffensive car elle a été créée par la droite libérale dans les années de chasse aux sorcières anti-communiste pour concurrencer et affaiblir la gauche non-libertaire, communiste et fermée, donc structurée et vraiment dangereuse pour le système américaniste et capitaliste.

Cette extrême-gauche du capital a été conçue pour critiquer les effets sans jamais remonter aux causes. Par exemple, les causes de la loi El-Khomri, ou loi Travail, sont à chercher à Bruxelles car c’est la transposition d’une directive européenne. Quand le mouvement Nuit Debout demandera la sortie de l’Union européenne, il deviendra vraiment dangereux et se fera dégager manu militari de la Place de la République. Pour l’instant, il est inoffensif et le Pouvoir en a même besoin pour détourner l’attention des vrais problèmes et de leurs vraies causes. En plein état d’urgence et plan Vigipirate « rouge écarlate », la préfecture de police et la mairie n’ont guère fait de difficultés pour autoriser l’occupation permanente d’une grande place de Paris – ce qui pose d’ailleurs la question de la réalité de la « menace terroriste ». Il semble que François Ruffin et son journal Fakir qui ont lancé le mouvement soient indépendants à l’origine, mais ils ont été rapidement piratés et récupérés, notamment par des professionnels de la communication tels que Noémie Toledano et Baki Youssoufou, dont les parcours les rattachent aux organisateurs de « révolutions colorées », donc aux réseaux d’influence capitalistes cités plus haut.

Vous démasquez les mensonges véhiculés sur la Russie de Poutine à l’occasion du conflit ukrainien. Quels sont les mécanismes et le but des manœuvres contre la Russie ?

Comme l’avait bien vu Halford Mackinder (1861-1947), l’un des pères fondateurs de la géopolitique, contrôler l’Eurasie permet de dominer le monde. Nicolaï Troubetzkoï (1890-1938), créateur de l’eurasisme, écrivait en 1922 que la guerre mondiale ne cesserait pas tant que les grands espaces russes ne seraient pas conquis. De fait, il existe un projet géopolitique de conquête de toute l’Eurasie, nourri par des intérêts capitalistes occidentaux, ceux-là mêmes qui contrôlent déjà l’Europe et l’Amérique du Nord, mais qui ne contrôlent ni la Russie, ni la Chine, ni l’Iran. Ce projet de domination mondiale est exposé clairement par Zbigniew Brzezinski dans diverses publications. Auparavant, un autre Polonais, l’homme d’État Josef Pilsudski (1867-1935), réfléchissait vers 1920 à la meilleure méthode pour prendre la Russie, étape obligée de cette conquête de l’Est, et avait élaboré une stratégie en deux temps :

1) l’Intermarium, soit l’unification des pays allant de la Baltique à la Mer noire pour couper géopolitiquement Moscou de l’Europe,

2) le Prométhéisme, soit le morcellement de la Russie en petits États faibles par le soutien apporté aux revendications identitaires locales.

StrategicValueofPoland.png

Les deux guerres mondiales, la guerre froide et la guerre hybride actuelle ont été lancées pour ça. La nature du régime en place en Russie et ce qu’il fait n’a aucune importance. Tsarisme avant 1917, communisme jusqu’en 1991, ultralibéralisme sous Eltsine, étatisme libéral sous Poutine, c’est indifférent : du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, ce pays reste la cible inchangée des attaques occidentales. Le conflit ukrainien et le conflit syrien ne sont que des étapes de ce « Drang nach Osten » qui vise également la Chine et l’Iran. Évidemment, dans les cercles dirigeants à Moscou, Téhéran et Pékin, tout le monde est parfaitement au courant de ce programme de domination mondiale nourri par l’axe du chaos Washington / Bruxelles / Tel-Aviv. Sur le théâtre européen, la conquête de Kiev par Washington et l’OTAN est une belle prise qui permet de consolider l’Intermarium et d’élaborer un front unifié pour attaquer la Russie directement sur ses frontières, ce qui devrait se faire aux alentours de 2021 et nous entraîner probablement dans un conflit nucléaire dont l’Europe sera la principale victime. Pourquoi 2021 ? Parce que le président ukrainien Porochenko a signé un document engageant l’Ukraine à assurer l’interopérabilité complète de ses forces armées avec celles de l’OTAN en 2020 – or on ne prend pas ce type de décision sans une idée derrière la tête – et Hillary Clinton devrait être dans la première année de son deuxième mandat, ce qui lui donnera les mains libres pour faire n’importe quoi. Pour couronner le tout, rappelons qu’en France, l’Assemblée nationale a voté le 7 avril 2016 la ré-adhésion au Protocole de Paris qui autorise le stationnement de troupes de l’OTAN sur le territoire national, autant dire l’implantation de bases militaires, comme en Allemagne ou en Italie.

Qu’est-ce que le Mind Control ?

Le Mind Control est une méthode de contrôle comportemental qui procède en infligeant des chocs et des traumatismes. Quand cela s’applique aux masses, on peut parler d’ingénierie sociale. Il s’agit de rendre l’esprit d’autrui totalement flexible et malléable après l’avoir disloqué, décomposé et morcelé. Le trait typique de cette méthode est de produire un psychisme compartimenté, ce qui retire toute cohérence logique et organique au fonctionnement intellectuel de l’individu, et le rend capable de tenir sans problème des raisonnements parfaitement illogiques, de dire une chose et son contraire dans la même phrase, ou encore de dire quelque chose et de faire exactement le contraire en même temps.

Pouvez-vous nous expliquer votre conception du « conflit triangulé généralisé » ?

L’ingénierie sociale consiste à prendre le contrôle des rapports de confiance et de méfiance dans un groupe donné. Le conflit triangulé résulte d’une augmentation méthodique du sentiment de méfiance au sein du groupe cible. L’ingénieur produit de la confiance à son égard, ou au moins de l’absence de méfiance, en occupant la place de la victime ou du sauveur, puis il fait monter la méfiance entre les parties du groupe cible en les décrivant comme des bourreaux mutuels, pour aller si possible jusqu’à la haine, entre les sexes, les générations, les religions, les races, etc. Un conflit triangulé est toujours orchestré entre deux acteurs par un troisième acteur inapparent à première vue, mais qui peut apparaître au bout d’un moment si l’on cherche un peu.

Derrière la guerre de tous contre tous qui définit la toile de fond de nos vies, on trouve les promoteurs de l’idéologie libérale de l’égoïsme concurrentiel ainsi que diverses techniques de gouvernance par le chaos telles que le conflit par procuration (proxy warfare). Un exemple tiré de la géopolitique : toutes les preuves ont été données que les terroristes qui agressent la Syrie depuis des années sont sous tutelle des services secrets occidentaux. Ces groupes paramilitaires islamistes sont les fameuses forces de procuration (Israeli proxy forces) du rapport A Clean Breakremis en 1996 à Benjamin Netanyahou. Il n’est donc pas étonnant que ce dernier vienne soutenir quelques vingt ans plus tard ses troupes de djihadistes blessés en Syrie et soignés dans des hôpitaux militaires israéliens, comme l’ont noté divers médias, ce qui lui a valu les remerciements de Mohammed Badie, le chef suprême des Frères musulmans, ainsi que de paramilitaires islamistes.

usdaeschMAEBFQh.jpgDes officiels israéliens ont dit également préférer l’État islamique (Daech) à l’Iran. Évidemment, le terrorisme islamiste supervisé par les services spéciaux israéliens, anglo-saxons, français, ne s’arrête pas aux frontières du Proche-Orient : le suivi des filières est assuré jusqu’en Europe et en Amérique, où ces services spéciaux sont carrément chez eux, dans une perspective de stratégie de la tension, en référence au réseau Gladio de l’OTAN. À la fin, pour des raisons d’efficacité, les attentats en Occident sont réalisés par les services occidentaux eux-mêmes, mais attribués dans la narration officielle médiatique aux individus qui ont effectivement fréquenté des groupes activistes et possèdent donc le bon parcours biographique, ce qui en fait des coupables idéaux. Un principe de l’attentat sous faux drapeau : pour écrire une « légende », c’est-à-dire un faux CV dans le jargon du renseignement, il faut un minimum de vraisemblance. Le terrorisme d’État est aujourd’hui le principal bras armé de ce conflit triangulé généralisé.

Dans un article pour la revue Rébellion, vous affirmez que sortir du capitalisme est la condition d’un enracinement identitaire authentique. Quelles formes pourraient prendre cette démarche national-révolutionnaire ?

Cette démarche nationale-révolutionnaire pourrait prendre la forme d’un protectionnisme conservateur, seul moyen d’assurer un enracinement identitaire authentique. Il faut surtout s’extraire du libéralisme conservateur, qui est contradictoire dans les termes, un véritable oxymore, et qui devient toujours à la fin un libéralisme libertaire, sans frontières et sans entraves, que ce soit du point de vue économique ou identitaire. L’économie et les mœurs ont besoin d’être régulées. Sans régulation, l’économie et la vie en société tombent dans le désordre, l’anarchie, le « gauchisme », ce qui fait toujours le lit du capitalisme, qui prospère dans le chaos, la violence et l’injustice, mais s’éloigne à mesure que l’ordre et l’équilibre reviennent dans le corps social.

C’est le capitalisme qui est à l’origine du « mariage homo » ainsi que des flux migratoires délirants auxquels nous sommes exposés depuis des années. Henry de Lesquen disait un jour sur Radio Courtoisie : « Je suis national libéral ; national car il faut mettre les immigrés dehors, et libéral car il faut brûler le code du travail ». Le problème, c’est que brûler le code du travail fera revenir les immigrés. La thèse libérale conservatrice est donc incohérente : elle déplore les effets dont elle chérit les causes.

Quiconque s’imagine que l’enracinement identitaire est possible au sein de l’Union européenne, par exemple, n’a rien compris et doit reprendre l’examen de la question depuis le début. La sortie de l’euro et le retour aux monnaies nationales est également indispensable, car la souveraineté économique conditionne la souveraineté politique. Le programme minimum de ce protectionnisme conservateur garantissant un enracinement authentique est donc simple : sortir de l’euro, de l’Union européenne, de Schengen et de l’OTAN, et ne pas entrer dans le Traité transatlantique. La vraie révolution nationale anticapitaliste est dans ce programme, qui n’est ni de droite, ni de gauche – nous ne sommes pas à l’auto-école – mais qui est simplement raisonnable, rationnel et orienté vers la vie. Que dis-je, la survie ! Or, pour soutenir ce programme survivaliste à l’échelle de la nation, je n’ai à ma disposition que le bulletin dans l’urne. Il faut donc placer à la tête de l’État un parti politique soutenant ce programme, ou s’en écartant le moins possible, et réunissant le potentiel électoral suffisant. La nouvelle direction du Front national depuis 2011 prend la bonne voie de ce grand rassemblement protectionniste et conservateur par-delà droite et gauche, ce qui explique sa progression électorale constante depuis plusieurs années. Évidemment, ça ne plaît pas à tout le monde, d’où une désinformation croissante sur ce parti, basée sur des attaques en dessous de la ceinture et des citations tronquées.

Vous évoquez une ingénierie sociale positive. Comment des forces nationalistes pourraient utiliser cette technique ?

Je préconise d’appuyer cette ingénierie sociale positive (IS+) sur la théorie du « prendre soin », le Care en anglais. Le fait de « prendre soin » du territoire où l’on vit doit devenir l’idée directrice de notre action politique. L’avantage de cette approche purement pragmatique est de focaliser l’attention sur l’avenir et l’action concrète de proximité. Cela simplifie les choses. Il est plus facile de fédérer les bonnes volontés ainsi, compte tenu de la complexité identitaire dans laquelle nous sommes immergés dès que l’on regarde vers le passé, l’histoire et les origines. Cette IS+ aurait l’allure d’un travail social humble et d’échelle locale, œuvrant à la résilience nationale et visant à réparer ce qui a été endommagé par l’ingénierie sociale négative du turbo-capitalisme mondialisé et cosmopolite.

Propos recueillis par Monika Berchvok

À lire : 

Neuro-pirates - Reflexion sur l’ingénierie sociale, de Lucien Cerise, éditions Kontre Kulture, 2016, 450 pages – 22 euros. 
Le numéro 66 de la revue Rébellion comporte un important dossier de Lucien Cerise sur l’ingénierie sociale (5 euros – Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 Toulouse cedex 02).


- Source : Rivarol

L’ère des disséminations - L’arme migratoire et la fin des nations

migraarton3908.jpg

L’ère des disséminations

L’arme migratoire et la fin des nations

Par Jure George Vujic

Ex: http://constitutiolibertatis.hautetfort.com

http://www.polemia.com/lere-des-disseminations-larme-migr...

Jure George Vujic est un écrivain franco-croate, avocat et géopoliticien, diplômé de la Haute école de guerre des forces armées croates.

Directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, il contribue aux revues de l’Académie de géopolitique de Paris, à Krisis et à Polémia. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la géopolitique et de la politologie.

La crise migratoire, le spectacle quotidien et tragique des noyades de masse des migrants, l’hypocrisie et l’incapacité des élites occidentales à prendre des mesures efficaces face à ce problème… Néanmoins, le caractère brutal et massif de ce phénomène migratoire chaotique, qui prend les dimensions d’un exode, devraient inciter à la réflexion et à la prudence sur les causes réelles de l’afflux massif de migrants sur les rives de la Méditerranée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), ce sont près de 224.000 réfugiés et migrants qui sont arrivés en Europe via la Méditerranée entre janvier et juillet de cette année. Les Syriens constituent le groupe le plus important parmi ces arrivants (34%), suivis des Erythréens (12%), des Afghans (11%), des Nigérians (5%) et des Somaliens (4%). On estime qu’entre un demi-million et un million de migrants tenteront de rejoindre cette année les côtes européennes. Bien sûr, on ne peut que compatir avec les réfugiés syriens et libyens qui ont été chassés de leur foyer par l’intervention militaire des forces atlantistes en Libye et la volonté de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrie.

Néanmoins, face à cet exode, il convient de réfléchir sur le rȏle déstabilisateur et déstructurant de l’arme migratoire, qui pour la « Vieille Europe » pourrait signifier à long terme la transposition pure et simple sur son sol de la géopolitique étatsunienne de balkanisation et de fragmentation ethno-confessionnelle qui est en œuvre au Moyen-Orient, politique qui a généré une situation chaotique dans laquelle a vu le jour le pseudo-califat de l’Etat Islamique soutenu par les alliés occidentaux, l’Arabie Saoudite et le Qatar.

La bombe démographique avec un taux de natalité exponentiel que représenterait la quantité massive des flux migratoires d’immigrées de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb pourrait bien à long terme « libaniser » les Etats européens, lesquels seraient confrontrés à une communautarisation, voire une ghettoïsation accrue, des populations allogènes, créant les conditions favorables à l’éclatement de potentielles véritables guerres inter-ethniques. Une Europe-continent affaiblie de l’intérieur et en déstabilisation permanente se devrait de supprimer ses frontières et les derniers soubresauts de souveraineté économique et politique, ce qui faciliterait l’installation du nouveau TAFTA, grand marché transatlantique, alors que les grandes corporations puiseraient abondamment dans la main-d’œuvre immigrée à bon marché tout fraîchement installée sur le sol européen. La transposition sur le continent européen du scénario du choc de civilisations entre Islam et Occident servirait les intérêts des puissances de l’Argent.

Il va de soi que cette migration massive, quand bien même fût-elle contrôlée, changera indubitablement à long terme la structure ethnique et démographique de la Vieille Europe qui semble incapable de résoudre et d’assainir les problèmes déjà existants d’absorption et d’intégration culturelle et sociale des populations extra-européennes qui résultent des flux migratoires précédents des années 1980 et 1990.

Il ne faut pas oublier que la démographie est une donnée constante de même qu’une arme redoutable dans les conflits contemporains. En effet, même si ses conséquences se font, pour la plupart, à long terme, elle ne peut être négligée d’un point de vue méthodologique, dans la mesure où elle est désormais une nouvelle arme utilisée dans les tensions géopolitiques mondiales : « La structure démographique – densité de population, masse, composition par âge et par sexe, taux d’accroissement – est en effet considérée comme un des paramètres conditionnant la violence collective. » Le même argument est développé par Jean du Verdier dans son ouvrage Le Défi démographique. L’auteur évoque la célèbre déclaration de Boumedienne à l’ONU en 1974, il y a 40 ans : « Un jour, des millions d’hommes quitteront les parties méridionales et pauvres du monde pour faire irruption dans les espaces accessibles de l’hémisphère nord, à la recherche de leur propre survie ».

Bien sûr, l’immigration massive à laquelle on assiste a pour cause non pas seulement la pauvreté et la misère économique, mais la guerre qui avait pour but le démantèlement planifié de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, qui s’inscrit donc dans une relation de cause à effet. Comme l’a si bien récemment déclaré Kader A. Abderrahim, chercheur associé à l’Iris, spécialiste du Maghreb et de l’islamisme : « La crise migratoire est en relation directe avec l’intervention franco-britannique de 2011. On ne peut pas provoquer la guerre et s’étonner ensuite du désordre » (http://francais.rt.com/opinions/5889-libye-crise-migratoire-expert). L’ampleur et la convergence des flux migratoires ainsi que les directions majeures qui s’étendent du sud au nord et d’ouest en est, les axes migratoires Libye/Maghreb-Afrique subsaharienne/Méditerranée méridionale/ Europe/Italie-Grande-Bretagne-France, Afghanistan-Irak-Somalie-Turquie/ Europe de l’Est-Roumanie-Bulgarie-Hongrie-Serbie-Allemagne ressemblent plus à un déplacement de populations qu’à des flux migratoires discontinus classiques.

Migrants-1-12-5-2015panpan.jpg

Il ne faut pas oublier que les instances internationales et les centres financiers et économiques de décision mondialistes réfléchissent uniquement en termes quantitatifs, en chiffres et en valeurs ajoutées ; la démographie, la structure des populations, de même que les identités et les différences culturelles ne sont pensées et traitées qu’en termes économiques et doivent servir les impératifs et la dynamique dé-régulatrice du marché mondial unifié. Ainsi il faut rappeler que l’ONU parle ouvertement de migrations de remplacement. C’est ainsi que la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales a publié un rapport intitulé Migration de remplacement : est-ce une solution pour les populations en déclin et vieillissantes ?. Le concept de migration de remplacement correspond à la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population qui résultent des taux bas de fécondité et de mortalité. Dans chaque cas on considère différents scénarios pour la période 1995-2050, en mettant en relief l’impact que différents niveaux d’immigration auraient sur la taille et le vieillissement de la population.

Post-nationalité et « Dissémi-Nation » migratoire

Et pourtant, tout porte à croire – et en dépit de l’échec des politiques intégrationnistes, du modèle de la multiculturalité – que depuis des décennies on a conditionné les esprits et préparé l’opinion publique européenne à penser en termes de post-nationalité, de gestion migratoire et de catastrophe migratoire humanitaire, d’hybridation migratoire culturelle et identitaire. Ce discours post-national est aujourd’hui réactivé à des fins géopolitiques et d’ingénierie sociale, puisant ses sources dans le discours post-colonial classique cher à Frantz Fanon et à Edward Said, qui s’est s’attaqué dans les années 1960-1970 aux modes de perception et aux représentations dont les colonisés ont été l’objet. En effet, sous l’influence de la pensée post-structuraliste, néomarxiste et déconstructiviste, dont les chantres les plus connus sont Foucault, Derrida et Deleuze (la fameuse théorie française qui, sous l’appellation de French theory, influencera considérablement les élites universitaires américaines, par le biais des cultural studies et les subaltern studies), les élites atlantistes mondialistes en Europe ont participé en grande mesure à la légitimation du discours post-national et pro-migratoire.

La mode ambiante de la post-nationalité, l’apologie des vertus bénéfiques des brassages et des hybridations culturelles ont profondément modifié dans le mental occidental le rapport et la perception du rȏle de la frontière, dont la fonction de limite et de séparation a été systématiquement dénigrée, au profit de la conception « frontière contact », lieu d’hybridation et d’échanges et rencontres culturelles. Cet état d’esprit irénique explique les déclarations irresponsables des élites européennes face à la vague migratoire massive, qui puisent, dans le registre droit-de-l’hommien et humanitariste, sur l’impératif d’accueillir en Europe les flots d’immigrés qui traversent le tunnel de la Manche ou piétinent les barrières de protection frontalières. Cette posture, qui oublie trop souvent que la majorité des flux migratoires ont des causes et des motivations essentiellement économiques, sociales et pécuniaires, explique aussi la volonté dominante de discréditer, voire de diaboliser, les propositions de renforcement et de contrȏle aux frontières en fustigeant « l’Europe forteresse », les projets de construction de murs en Hongrie étant taxés de modèles ségrégationnistes.

Le discours globaliste et post-national corroboré par la pensée culpabilisatrice de le post-colonialisme estime que la nation, en tant que référence d’appartenance nationale et historique, serait une entité désuète, une catégorie territoriale inadaptée et historiquement consommée, qui devrait laisser la place à de nouvelles constructions transterritoriales, hybrides et fluides aux contours mal définis. La dissémination et la dispersion migratoires à l’échelle planétaire constitueraient le fer de lance de cette entreprise de liquidation de la nation, en tant qu’entité ethnique et linguistique enracinée, vecteur d’appartenance nationale et historique.

Souvenons nous de l’influence qu’exerça le concept de dissémination de J. Derrida en tant qu’outil de déconstruction sur la pensée postcoloniale de Homi Bhabha dans les années 1990, qui forgera le concept de « Dissémi-Nation », afin de proposer un nouveau lieu global sans frontières qui se cristalliserait et se formerait de manière quasi spontanée par le jeu de la dispersion migratoire. Ce jeu de mots de la « Dissémi-Nation » n’est pas aussi anodin et abstrait qu’on pourrait le croire, et l’on peut légitimement se poser cette question : l’Europe n’est-elle pas en voie de se transformer en « Dissémi-Nation », après qu’on a liquidé et décimé la Nation en tant que cadre de la chose publique et espace du vivre-ensemble citoyen ? La nouvelle Dissémi-Nation serait un condensé d’espaces intermédiaires, qui évoluerait sans frontières précises au gré des migrations de multitudes chaotiques, et qui permettrait une production de nouvelles « altérités », pensée qui influencera de nombreux théoriciens de la post-colonialisme, comme Gayatri Spivak, ainsi que la théorie de la subalternité.

Quand bien même ces extrapolations conceptuelles semblent parfois abstraites et farfelues, on est en droit de se demander si le concept de Dissémi-Nation n’est pas en train de voir le jour, par l’intermédiaire de la liquidation de la souveraineté politique et territoriale de l’Etat ? La prolifération, la dispersion et l’exportation des masses considérables de migrants extra-européens ressemblent bien à un processus de dissémination migratoire, qui à long terme pourrait bien déstructurer et déstabiliser ce qui reste encore des vieilles nations européennes, la dissémination migratoire faisant ainsi le jeu de la stratégie du « Grand Remplacement » évoquée par Renaud Camus. La dissémination migratoire massive serait alors une arme de décimation interne et massive de la nation.

Macedonia.jpg

Déconstruction de l’idée de frontière

Il convient de se rappeler que cette conception subjectiviste et culturelle de la frontière-contact est l’héritière d’un courant de pensée marqué par la topophilie. On se souvient que les théoriciens post-marxistes Castoriadis et Harvey voyaient déjà dans le territoire et dans la cartographie symbolique un des champs privilégiés de bataille des identités sociales, culturelles qui devaient supplanter les certitudes traditionnelles sur la territorialité souveraine, marquée le limes romain, et de l’existence d’un esprit des lieux (genius loci propre à un peuple, un groupe ethnique ou national) – opinion longtemps partagée par les géographes ou par des penseurs conservateurs et nationalistes, la nation sublimant le corps mystique républicain cher à Péguy ou la transposition générationnelle de « la terre et les morts » chère à Barrès. Cette effervescence terminologique et conceptuelle se traduira par une prolifération de notions floues telles que : lieu, emplacement, paysage, milieu, région, topographie, limite, frontière ou confins, qui viendront brouiller davantage les notions classiques géographiques et géopolitiques du territoire et de la frontière. L’engouement pour les études culturelles contemporaines en Occident comme en outre-Atlantique (les cultural studies) a abouti à une idôlatrie de la notion de topophilie qui avait été lancée par Gaston Bachelard pour insister sur le vécu subjectif de l’espace et sur les rapports de l’individu aux lieux. Pour Bachelard, les individus établissent des relations signifiantes avec les lieux. (D’après lui, il peut s’agir de saisir les modalités selon lesquelles les êtres humains construisent leurs rapports aux lieux, que ceux-ci soient symboliques ou constitutifs de l’identité – Bachelard 1957). C’est dans la même direction que l’opinion publique en Europe a longtemps été abreuvée par ce même discours cosmopolite globaliste qui imposerait de penser l’Europe, non d’une façon charnelle et différenciée, mais de façon abstraite et constructiviste, en tant que construction intellectuelle : un territoire abstrait conçu, dont certaines régions cartographiques sont volontairement éliminées (comme le remarque bien Hobsbawm, 1997).

La même opération dé-constructiviste et dé-substantialiste a été opérée par les sociologues modernes qui insistent sur le fait que la frontière n’est pas un fait spatial aux conséquences sociologiques, mais, par contre, un fait sociétal qui prend forme dans l’espace, faisant crédit à la thèse de Georg Simmel, selon laquelle les frontières sont le résultat d’un processus psychique de délimitation ayant comme résultat des territoires, des « régions » ou des « pays » – des espaces culturels représentatifs pour un certain groupe social, qui ne se superposent pas nécessairement sur les limites politiques et territoriales acceptées. Bien sûr, tout comme Simmel l’a bien remarqué, il y a à la base un acte de volonté, un rôle moteur des communautés dans la formation des limites et des frontières. Il n’en demeure pas moins qu’à force d’élargir le champ sémantique de la notion de frontière à tout processus de délimitation, voire de dispersion, dans le cas des flux migratoires, on finit par évacuer ce qui est à la base de toute structure spatiale élémentaire, à savoir les frontières en tant que discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, qui agissent, non seulement comme le soulignent Lévi-Strauss et Lassault sur le réel, mais aussi sur le symbolique et l’imaginaire d’une communauté nationale soudée par la même langue, le même sentiment d’appartenance et une certaine symbolique d’un esprit du territoire, que certains banalisent par le vocable le terroir : la patrie.

CLS-az.jpg

Des anthropologues, tels que Lévi-Strauss et Georges Dumézil, ont souligné le rôle fondateur du symbolique, qui institue et structure en tant que vecteurs des identités collectives et individuelles, symbolique qui passe par la fonction de délimitation (l’appartenance à une communauté inscrite dans un territoire qui est le sien). L’histoire et les mythes fondateurs qui président à la formation de toute conscience collective et nationale rendent compte de l’importance symbolique de l’acte de « poser une frontière » qui implique toujours un regard collectif sur « L’autre » et sur « soi ». La frontière qui délimite, enferme ou exclut met en mouvement de puissantes marques d’identité qui déterminent des rapports culturels et de voisinage spécifiques avec l’étranger. On se souvient que l’école française des Annales insistait sur l’équation significative frontière/identité. De même que Lucien Febvre avait analysé l’évolution sémantique du mot frontière comme signe d’une mutation de la réalité historique avec la formation de l’Etat-nation (Febvre, 1962), alors que le couple frontière/identité est aussi présent dans les réflexions de Fernand Braudel sur L’Identité de la France. L’approche déconstructiviste et intellectualisante de la frontière, tout comme l’approche culturaliste et post-moderniste de cette notion ont abouti à une survalorisation des projections intellectuelles (idéologiques et symboliques) au détriment du mode identitaire de penser la frontière arbitrairement taxée de « mode discriminatoire » suspect. Or, la fétichisation contemporaine de prétendues nations périphériques, les identités frontalièrers et transfrontalières ont conditionné les mentalités, et surtout les pratiques de projection culturelle telles que la littérature et les arts et la politique, à absolutiser et à ontologiser l’effacement des frontières ; la pensée post-frontalière qui revendique le nomadisme et la nouvelle figure de proue symbolique du migrant rejoint la promotion de la post-nationalité, en tant que dissolution programmée de la nation au nom d’une unification du monde par le marché et la consommation.

Or, paradoxalement, les discours communautaristes (Chicanos, Afro-Américains, etc.), post-colonialistes, et la théorie de la subalternité (cette théorie a été initiée par le Groupe d’études subalternes – Subaltern Studies Group, SSG – ou Collectif d’études subalternes – Subaltern Studies Collective –, un groupe de chercheurs sud-asiatiques intéressés par l’étude des sociétés post-coloniales et post-impériales d’Asie du Sud en particulier et du Tiers-Monde en général), qui s’attaquaient à l’impérialisme des élites en renvoyant au contexte hégémonie culturelle au travail du marxiste Antonio Gramsci, sont devenus l’un des leviers du discours d’uniformisation marchande capitaliste qui, pour instaurer et libéraliser le marché mondial, se doit de déconstruire les dernières entraves que constituent les nations, les territoires souverains, les identités enracinées, ainsi que les dernières frontières protectionnistes. La nouvelle narration post-nationale à base de glorification de l’hybridation et de complexification identitaire prône une identité mondiale diasporique et migratoire, qui passe par la construction du sujet Foucaldien par assujettissement aux institutions de contrȏle, aujourd’hui à la mise en pratique de la thématique Deleuzienne de la dissémination des identités fluides et mouvantes, des sujets démultipliés le long des lignes de fuite nomadiques. Ainsi, la théorie de la déconstruction se proposait de promouvoir la désoccidentalisation des esprits et des grands concepts du changement du politique par la déconstruction des certitudes métaphysiques en arrachant tous les signifiants politiques régulatoires et structurants à leur champ de référence et de représentation. Seulement à force de déconstruire et d’arracher, la condition du dominé, du subalterne, devient peu à peu l’instrument de répression et la voie du dominant, le subalterne devenant l’angle mort du processus historique contemporain en tant qu’entreprise généralisée de déracinement.

Dissémination, contagion des idées et nouvelle anthropologie

La dissémination et la contagion des idées ont toujours précédé les grands bouleversements sociaux et politiques. Et c’est la raison pour laquelle la légitimisation des bienfaits de l’immigration massive et du brassage multiculturel s’est opérée par un changement des représentations mentales des populations autochtones et leur rapport vis-à-vis de leur identité et leur rapport avec l’autre, l’étranger. Comme le souligne l’anthropologue Dan Sperber, proche du courant néodarwinien, l’évolution culturelle dans le domaine des idées obéit à une logique de diffusion qui rappelle celle des épidémies. En effet, selon Sperber, les idées et les représentations se disséminent et se répandent par une sorte de contamination, par contagion (le titre de son livre est La Contagion des idées). Ce changement idéel des représentations mentales collectives, qui corrélativement contamine et modifie le champ sociétal, s’articule autour « d’attracteurs culturels » qui sont souvent les porte-parole, les relais de la nouvelle pensée dominante, les diffuseurs de nouveaux pseudo-paradigmes fantasmagoriques tout comme l’idéologie nomadiste. En effet, l’usage métaphorique des sociétés nomades ainsi que l’éloge du déracinement, de l’errance, en vogue dans le monde culturel et des arts, dans les grands médias, les sciences sociales et la philosophie dominante, qui vante les mérites du vagabondage, de l’exil, de l’esprit artiste, du flux, de la pensée ou de la raison nomade, constitue les trames idéologiques de la « nomadologie », fer de lance de cette véritable révolution anthropologique qui devait préparer, sur le terrain des idées et de l’esprit, l’acceptation indolore des grands bouleversements psychologiques, démographiques et ethno-culturels en Europe. Cette nomadologie, bien qu’elle puise ses sources dans l’orientalisme occidental du XIXe siècle, s’affirme depuis les années 1970-1990, c’est-à-dire dans le contexte intellectuel post-soixante-huitard, suite à l’avènement du post-modernisme, de la déconstruction de la raison et de la métaphysique (occidentale) et de l’universalisme-cosmopolitisme triomphant, la mode de l’écologie et la nouvelle philosophie. En effet, la nouvelle narration nomadiste qui devait se substituer à la fin des « grands récits » (les Lumières, les grandes idéologies de la modernité, marxisme, Hegelianisme) et qui devait fournir un modèle alternatif à la pensée dominante, grâce à l’apport d’une anthropologie nomadologique suspecte qui fera l’apologie et la promotion dans le contexte global des sociétés nomades en général, et plus particulièrement des sociétés de chasseurs-collecteurs, est ainsi présentée par Pierre Clastres comme un rempart contre l’Etat (La Société contre l’Etat, 1974) ou par Marshall Sahlins comme la première forme de la « société d’abondance » (M. Sahlins, Age de pierre, âge d’abondance“, 1976). La pensée libérale-libertaire deviendra un véritable laboratoire d’idées pour cette nouvelle révolution anthropologique par la diffusion de revues telles que Libre dirigée par Marcel Gauchet, des réflexions de Jean Duvignaud, Paul Virilio et Georges Pérec sur la « ville nomade » dans la revue Cause commune de 1972 ou du numéro emblématique de cette même publication consacré au thème des Nomades et Vagabonds (1975). Sans oublier évidemment le livre-phare de la « nomadologie », Mille Plateaux, de Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui paraît en 1980.

noma886_3015637.jpgCette pensée « désirante » et « nomade » sera célébrée plus tard par Chatwin, avec Songs Lives (1986), Kenneth White, avec L’Esprit nomade (1987), Jean Borreil, naguère collaborateur de la revue Les Révoltes logiques dirigée par Jacques Rancière, avec La Raison nomade (1993), ou bien encore Jacques Attali, avec L’Homme nomade (2003), livre dans lequel cette figure est représentée par le marché, la démocratie et la foi. Le même éloge de l’errance se retrouve dans de nombreux mythes et récits bibliques dans lesquels est recyclé le grand mythe, cher au XIXe siècle, du juif errant, sans feu ni lieu (voir Du nomadisme : vagabondages initiatiques, 2006, de Michel Maffesoli, qui est ainsi articulé autour des thèmes du « juif errant », des « villes flottantes » et d’Hermès, tandis que, plus récemment, Le Siècle juif, 2009, de Yuri Slezkine, met en scène l’opposition entre « apolliniens » sédentaires et « mercuriens » nomades fonctionnels).

Il serait inutile de s’étendre sur le caractère fantasque et stéréotypé de cette pensée constructiviste, très souvent déconnectée du réel et des rapports avec les sociétés nomades « réelles », lesquelles n’existent jamais sous la forme de l’errance et de l’isolement. En fait, loin du caractère utopique et purement incantatoire de nomadisme, la diffusion de ces nouvelles formes de représentations sociétales devait servir de levier de déracinement (par les processus d’acculturation/déculturation) et d’uniformisation marchande par la promotion de l’individu comme élément central des sociétés contemporaines pour les besoins du capitalisme tardif en tant qu’acteurs de production totalement flexibles et disponibles, mobiles tout comme le sont les chasseurs-cueilleurs et nomades dans les sociétés primitives. En effet, l’idéologie néo-libérale et le nouveau capitalisme de séduction mis en exergue par Michel Clouscart instrumentalisera avec succès l’anthropologie libertaire des sociétés nomades en transposant sur l’individu et le monde du travail les caractéristiques de sociétés passées et/ou exotiques en y appliquant les nouvelles pratiques « new age » telles que les coach-chamanes, la sophrologie et le « développement personnel ».

La dissémination est le propre de la démarche post-moderne qui dans l’optique Derridienne serait destinée à interrompre et empêcher la totalisation, s’insurgeant contre l’idée de centre et de totalité, préférant le réseau et la dissémination, par l’effacement des repères normatifs et leur remplacement par une logique en apparence fluide mais opératoire. Sur le plan social et politique, la dissémination des processus dissolvants migratoires s’emploie à déconstruire de l’intérieur une société structurée par la verticalité de l’institution politique au profit de l’économique. La dissémination migratoire est le reflet de cette même post-modernité qui se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l’instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l’altérité à soi, où à l’identité-racine fait place l’identité-rhizome, le métissage, la créolisation, tout ce que Scarpetta désigne, dans le champ esthétique, par le concept d’ « impureté ». Les philosophes post-modernes (notamment Foucault et Agamben) qui ont souligné l’importance des relations de pouvoir dans la formation du discours d’une époque sont devenus, sans le savoir et sans vouloir le reconnaître, les allocataires et les propagateurs de cette nouvelle forme de discours dominant et, selon Alex Callinicos, ont « contribué à créer l’atmosphère intellectuelle dans laquelle celle-ci pouvait s’épanouir », voire post-humaine dans laquelle l’arme de la dispersion indifférenciée migratoire a pour but de liquider la réalité nationale, et d’instituer le règne du « sujet sans intériorité ».

Jure George Vujic

4/09/2015

Bibliographie

– G. Bachelard, 1957, La Poétique de l’espace, PUF, Paris.

– A. Callinicos, Against Postmodernism: a Marxist critique, Cambridge, Polity Press, 1991.

– Francois Cusset, French Theory, Foucault, Derrida, Deleuze et Cie, Les mutations de la vie intellectuelle aux Etats-Unis, La Découverte, 2003.

– Jean-Pierre Renard (dir.), Le Géographe et les frontières, Paris, L’Harmattan, 1997.

– François Géré, Pourquoi les guerres ? Un siècle de géopolitique, édition Larousse en collaboration avec Courrier International, Paris 2002.

– Jean du Verdier, Le Défi démographique, éditions Muller, note de Polémia : http://www.polemia.com/le-defi-demographique-du-general-jean-du-verdier/

– Eric Hobsbawm, 1997.

– Homi Bhabha, Nation and Narration et The Location of Culture, New York, Routledge, 1990, 1994.

– Georg Simmel, Über soziale Differenzierung : soziologische und psychologische Untersuchungen, Leipzig, Duncker und Humblot, 1910.

– Lucien Febvre, Pour une histoire à part entière, Sevpen, Paris 1962.

– Michel Foucher, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique, Fayard, Paris 1986, 1991.

– « Après les frontières, avec la frontière : quelles territorialités transfrontalières ? », Colloque Institut de géographie alpine, Grenoble 2 et 3 juin 2004.

– Jacques Levy, « Frontière », Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, Paris 2003.

– Arbaret-Schulz Ch., « Les villes européennes, attracteurs étranges de formes frontalières nouvelles », in Reitel B. et alii, Villes et frontières, Anthropos-Economica, Collection Villes, 2002.

– Lévy J. et Lussault M. (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, 2003.

– John R.-V. Prescott, Boundaries and frontiers, Allen and Unwin, London 1978.

– Claude Raffestin, Pour une géographie du pouvoir, Librairies techniques, Paris 1980.

– Etienne Balibar, Nous, citoyens d’Europe ? Les frontières, l’Etat, le peuple, La Découverte, Paris 2000.

– J. Gottmann, La Politique des Etats et leur géographie, A. Colin, Paris 1952.

– Eric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité, Gallimard, 1992.

mardi, 14 juin 2016

Iran-Afghanistan-Inde ouvrira l’Asie centrale à l’Inde

chabahar-le-23-mai-2016-a-teheran_5602963.jpg

Iran-Afghanistan-Inde ouvrira l’Asie centrale à l’Inde

Par Karel Vereycken

Ex: http://www.agora-erasmus.be

Vendredi 10 juin 2016 - A l’occasion de leur visite officielle à Téhéran les 22 et 23 mai 2016, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président afghan Achraf Ghani ont conclu, avec le président iranien Hassan Rohani, un important accord tripartite Iran-Afghanistan-Inde pour l’agrandissement du port de Chabahar, une ville de 85000 habitants dans le golfe d’Oman.

Le projet portuaire, dans lequel l’Iran investira au total 20 milliards de dollars, est destiné à devenir un pôle de transit entre ces trois pays, et plus généralement « un hub sur l’océan Indien ». Pour accélérer le projet, l’accord conclu prévoit que la banque indienne d’exportation-importation débloque une première ligne de crédit de 500 millions de dollars pour le développement et l’exploitation de la phase 1 du port, qui comprend le développement de 2 terminaux et de 5 postes à quais polyvalents.

JPEG - 33.7 ko
Le Premier ministre indien Narendra Modi (à gauche), le président iranien Hassan Rouhani (au centre) et le président afghan Ashraf Ghani (à droite) se réjouissent des accords de coopération signés le 23 mai 2016 à Téhéran.

 

Une portée économique, politique et régionale

Le port de Chabahar a une portée stratégique pour l’Inde. Il lui permettra d’accéder aux marchés centrasiatique et afghan en contournant le Pakistan qui pour l’instant bloque le transit des produits indiens.

Pour améliorer les échanges commerciaux, New Delhi prévoit également 100 millions de dollars pour la construction d’une route de 220 km dans la province de Nimroz au nord de l’Afghanistan, route qui pourrait être prolongée jusqu’à Chabahar. Prévus également, 100 millions de dollars pour la construction d’une ligne ferroviaire reliant l’Afghanistan au golfe d’Oman.

PNG - 112.6 ko

A cela il faut ajouter que l’Inde, dont l’Iran était le deuxième fournisseur d’hydrocarbures jusqu’en 2012, pourrait, grâce à la levée des sanctions, envisager de doubler ses importations de pétrole iranien.

Pour le président iranien Hassan Rohani, l’accord constitue un levier de développement autant politique qu’économique « nous pouvons coopérer dans de nombreuses industries comme l’aluminium, l’acier et la pétrochimie. » Selon lui, « l’accord n’est pas seulement économique, il est politique et régional ».

Le Japon s’est montré également intéressé dans le projet. Une délégation de chefs d’entreprises japonaises, emmenée par l’ambassadeur japonais en Iran a visité les installations pétrochimiques et sidérurgiques l’année dernière. Et selon la presse japonaise, le Premier ministre japonais Abe Shinzo espère concrétiser un accord lors de sa visite à Téhéran cet automne.

Une complémentarité avec le port de Gwadar

Bien qu’en Occident on préfère y voir avant tout la réponse indienne à la décision chinoise d’investir 46 milliards de dollars dans le couloir économique Chine Pakistan (CPEC) qui comprend le port pakistanais de Gwadar, à une centaine de kilomètres à l’est de Chabahar, c’est justement la complémentarité des deux projets qui dépasse leur imagination.

Bien que, pour l’instant, les gouvernements pakistanais et chinois, bien que sollicités à cet effet par l’Iran, ont décliné toute participation au projet de Chabahar, l’économiste pakistanais Kaiser Bengali, un ancien conseiller du gouvernement de l’État du Baloutchistan, installé à Karachi, souligne la complémentarité des deux ports.

Car, dit-il, l’expansion du port de Chabahar en Iran ne va pas réduire mais augmenter l’activité de celui de Gwadar au Pakistan. Et ceci pour une raison toute simple : Gwadar est un port en eau profonde ce que Chabahar ne sera jamais. Les très gros navires déchargeront donc obligatoirement leurs marchandises à Gwadar. De là, elles repartiront vers l’Asie centrale via Chabahar.

Avis partagé par Ikram Sehgal, le rédacteur en chef de la revue Defense Journal of Pakistan qui affirme que l’expansion du port de Chabahar « va rapporter au Pakistan sans que ce dernier dépense le moindre centime ». Soulager le réseau du transport pakistanais, par où passe aujourd’hui tous les échanges avec l’Afghanistan serait plutôt une bonne chose : « A l’heure actuelle, tout le commerce afghan passe par le Pakistan, ce qui empiète sur nos priorités domestiques ». Pour lui, c’est Dubaï qui perdra un peu mais il ne croit pas que cela fera du tort à Gwadar. Et il incite son gouvernement à ne pas s’enfermer dans un partenariat exclusif avec la Chine.

Comme quoi construire la paix par le développement mutuel, dans le cadre de la Nouvelle route de la soie, reste un combat quotidien pour tous les hommes de bonne volonté !

États-Unis : les Présidents passent, les néoconservateurs restent

hillneocon.jpg

États-Unis : les Présidents passent, les néoconservateurs restent

Par Karel Vereycken

Ex: http://www.agora-erasmus.be

Vendredi 3 juin 2016 - Wall Street et la City veillent depuis toujours sur la pensée stratégique américaine. Dans un monde où tout le système financier frôle la faillite, affirmer avec détermination et arrogance sa puissance militaire devient en définitive l’ultime caution permettant au système de « tenir ».

Certains se rappellent sans doute du Project for a New American Century (Projet pour le Nouveau Siècle Américain, PNAC) ce think-tank washingtonien d’où sont sortis les plus va-t-en guerre des néoconservateurs américains de l’administration Bush : Richard Perle, John Bolton, Donald Rumsfeld, Frank Gaffney, Paul Wolfowitz, William Kristol et Robert Kagan, un ancien de l’administration Reagan.

L’Amérique, disaient-ils, agissant sous les auspices de Mars, dieu de la guerre, se doit de faire « le sale boulot » contre les puissances émergentes que sont la Russie et la Chine, alors que la vieille Europe, endormie par Venus, la déesse de la paix, sombre dans un pacifisme hautement suspect et coupable.

Les guerres « contre le terrorisme », lancées après le 11 septembre, avec l’inévitable Tony Blair, pour imposer des changements de régime en Afghanistan, en Irak, et ailleurs, c’est eux. Les révolutions de couleur, c’est eux encore.

Si en novembre 2008, le peuple américain, en élisant comme président Barack Obama, avait espéré un moment pouvoir se débarrasser de cette folie guerrière, amère fut la déception.

JPEG - 37.8 ko
Robert Kagan, chef du clan des neoconservateurs, et son epouse, l’ancienne secretaire de Dick Cheney, Victoria Nuland, pressentie pour devenir la prochaine secretaire d’Etat americaine, en cas de victoire d’Hillary Clinton.

Une équipe néoconservatrice à la Maison Blanche

Obama n’a pas seulement nommé en 2013 Susan Rice (sans parenté avec Condoleeza Rice), une louve néoconservatrice « déguisée en mouton » partisane enthousiaste de la guerre contre l’Irak et favorable à ce que les États-Unis fassent un coup d’État au Honduras, comme sa conseillère nationale de Sécurité.

Avec Samantha Power, l’ambassadrice US aux Nations Unies intime de George Soros, et Hillary Clinton, la Secrétaire d’État, c’est Susan Rice qui a organisé la guerre contre la Libye en 2014 et a ordonné la mise à mort barbare de Kadhafi. Rappelons que c’est Mme Clinton, sur l’insistance de Madeleine Albright, qui a fait embaucher la secrétaire de Dick Cheney Victoria Nuland (l’épouse de Robert Kagan). Avec Rice, c’est Nuland qui a organisé le coup d’État en Ukraine pour intimider la Russie en s’appuyant sur les mouvances néo-nazies.

Ainsi, comme des cafards qui auraient pondu leurs œufs dans les murs plâtrés de la Maison Blanche, cette fine équipe est déjà à la manœuvre pour façonner la politique étrangère de la prochaine administration. Les Présidents changent, la politique de Wall Street demeure.

Si le PNAC fut dissout en 2006, dès 2009 le « clan Robert Kagan », sous l’étiquette « Center for a New American Security (Centre pour une nouvelle sécurité américaine – CNAS) », a mis sur pied un nouveau think-tank dont les objectifs diffèrent en rien avec ceux du PNAC. Parmi la trentaine de permanents du CNAS, un bon nombre cumule cette fonction avec un poste dans l’administration Obama.

Hillary Clinton pressentie par le clan Kagan

Pour sa part, Robert Kagan, un ancien de l’administration Ronald Reagan, vient de déclarer que Donald Trump et les Républicains lui donnent la nausée au point qu’il s’oriente désormais vers Mme Clinton dont la politique étrangère lui convient a merveille. Reconnaissante, cette dernière a fait savoir quelle n’exclut pas de nommer son épouse, Victoria Nuland, comme secrétaire d’État !

Le dernier rapport du CNAS, « Étendre la puissance américaine » « Des stratégies pour étendre l’engagement américain dans un ordre mondial compétitif » (mai 2016) vise à fixer le cadre pour cette perspective. Et le 21 mai, un éditorial signé par la rédaction du Washington Post intitulé « L’ordre international de liberté est sous attaque. Les États-Unis doivent le défendre », se réjouit du rapport du CNAS, en défense, comme lors de la guerre froide, du « monde libre ».

En voici quelques extraits :

« Pas un jour ne se passe sans que la démonstration soit faite que l’ordre international de liberté des sept dernières décennies est érodé. La Chine et la Russie tentent de façonner un monde à l’image de leur propre ordre sans liberté ; l’Angleterre se débat pour partir de l’UE ; le candidat en tête aux élections autrichiennes craint les migrants, le commerce et la globalisation et les parties d’extrême droite montent en Europe. Daech répand une violence sans merci sur son propre territoire en Irak et en Syrie et exporte le terrorisme ailleurs. Aux États-Unis, celui qui risque de devenir le candidat républicain Donald Trump a capté des millions de voix en faisant campagne contre quelques uns des fondements du leadership américain tels qu’une alliance défensive avec le Japon et la Corée du Sud, alors que le candidat démocrate Bernie Sanders a attiré des millions d’électeurs en leur promettant des mesures protectionnistes.

Cela mettra au défi le prochain président américain. Car peu importe celui qui occupera le bureau ovale, cela nécessitera du courage et des décisions difficiles pour sauver l’ordre de liberté international. Comme le précise le nouveau rapport du CNAS, cet ordre mérite d’être sauvé et cela vaut la peine de rappeler pourquoi : il a généré une prospérité globale sans précédent, il a sorti des millions de gens de la pauvreté et a permis à des gouvernements démocratiques, jadis rares, de s’installer dans plus de 100 pays et d’empêcher durant sept décennies des guerres cataclysmiques entre les grandes puissances. Ces réalisations impressionnantes nécessitent une nouvelle impulsion des États-Unis et de l’Europe, et pourtant, le débat public va dans l’autre direction. Comme le précisent les auteurs du rapport, beaucoup de gens s’inquiètent du repli sur soi des États-Unis et demandent qu’ils fassent plus et pas moins. Ils ne veulent pas succomber aux valeurs des présidents Vladimir Poutine de Russie et Xi Jinping de Chine, qui rejettent la démocratie, ne sont redevables à personne et rejettent la dignité humaine.


Comment réagir ?

En renforçant toutes les composantes de la puissance américaine : diplomatique, économique et militaire, une solution chère, mais faisable. En Asie, le partenariat transpacifique (TPP), c’est-à-dire l’accord de libre échange doit être ratifié. Les États-Unis doivent continuer à tenter d’intégrer la Chine dans les règles et les traditions de l’ordre international de liberté – un effort de huit administrations américaines – tout en déployant des forces pour affronter les confiscations unilatérales de territoires en mer de Chine méridionale. De la même façon, stabiliser l’Ukraine et la sauver économiquement feront d’elle un bastion contre la subversion violente russe. Plus doit être fait pour protéger les pays baltes… »

 

Tout ceci démontre que tout citoyen qui, au lieu de s’engager dans un combat de fond sur les idées, se satisfait à « voter utile » ou pour « le moindre mal », manque gravement de sérieux en ce qui concerne sa survie et de celle de sa progéniture.

Source : Solidarité & Progrès

samedi, 11 juin 2016

Iran as a Multipolar anchor

vendredi, 10 juin 2016

Interview: A history of russophobia – as seen by Hannes Hofbauer

full-cimg0065-1463412704.jpg

Interview: A history of russophobia – as seen by Hannes Hofbauer

Ex: https://gianalytics.org

Aleksandar Mitić

Austrian author Hannes Hofbauer specializes in deconstruction of Western „demonization“ narratives. Following his books on the Yugoslav wars, his focus has turned to the economic and geopolitical roots of today’s „Russia-bashing“ in the West.

The Western media and politicians, Hofbauer says, are addressing the Russians as an „anonymous mass, using insulting attributes that express distance distance, detestation, and hate.“ He questions the reasons behind decisions by Washington and Brussels to “deny entry permits for Russian diplomats, inflict sanctions, close accounts of Russian citizens, exclude Moscow from international organizations, boycott sports events and disrespect people who plead for understanding Russian positions and politics.”

Hofbauer-Feindbild-Russland-500.jpgHofbauer argues that the “enemy image paradigm dominates the reception of Russia, Russians, and Russian politics throughout the centuries, although short periods of a positive image existed in between”, but also that the current “demonisation of Russia by the West is a reaction to the Kremlin’s policy to consolidate the state and pursue a sovereign foreign policy”.

According to him, the “new enemy image developed along different occasions: the NATO-war on Yugoslavia (1999), the case of Mikhail Khodorkovsky as well as the US war on Iraq (2003), the Eastern enlargement of NATO and European Union (since 1999 - 2004), the wars in South Ossetia and Abkhasia (2008) and – most important and long-lasting – the struggle over Ukraine’s international orientation, beginning with the EU Association Agreement in November 2013”.

In an interview for GIA, Hofbauer outlines the current state and perspectives of Russophobia.

Why is Russia considered as a sort of “superpower pariah state” by the West?

This is a question of historical and political context. Let’s have a look at the recent history since the breakdown of the Soviet Union. Gorbachev and - even more so - Yeltsin were darlings of Western media and Western politicians. And so Russia’s image was drawn as a friendly state on its way to democracy. Nobody in the West cared about the fact that Yeltsin attacked the White House in Moscow with artillery in October 1993 to get rid of a Duma that rejected his policies. And when he introduced a strong presidential system, the West applauded. Now Putin is using this system and Western commentators speak of autocracy. There is a crucial difference in the Western reception of Russia during the 1990s and after the year 2000. During the 1990s the Kremlin under Yeltsin helped to unmake the state-structures, while after 2000 Putin rebuilt and strengthened these structures in administrative, territorial, and socio-economic respects. This is why the Kremlin and Russia are perceived as an enemy in the West.

What are the roots of Russophobia in the West?

In my book “Enemy Image Russia”, which came out some weeks ago in the German language, I trace the Western Russophobia back to the late 15th century. At this turning point of history, Ivan III consolidated the state against Tatar invasions and geopolitically tried to do what every Russian leader has been doing ever since: to obtain or defend access to the sea for a land-locked country. On his way to the Baltic Sea, he clashed with the Teutonic Order and the Lithuanian-Polish Union. It was not by accident that the German-Polish philosopher Johannes von Glogau from the University of Krakow was the first to taint Russians as “Asiatic, barbaric, non-believers, and dirty”. This image since then became a stereotype over the centuries.

If you like, Russophobia is rooted in the geopolitical fact that Russia wants to have access to the sea and the West always tries to counter this move. Already before the First World War the well-known geographer and founder of the London School of Economics, Halford Mackinder, based his Heartland-theory on this geopolitical conflict. His theory explains why it is necessary and how it is possible for Western powers to rule over or at least control the “heartland” (Russia). It led to justifying  aggressive German Nazi geopolitical visions which came later, such as the one of Alfons Paquet (in the 1940s), as well as to the politics of containment, invented by Nicholas Spykman and realized by Henry Truman (in the 1950s), which found a successor in the adviser of several US presidents, Zbigniew Brezinski (in the 1980s).

Was this Russophobia always a constant throughout history? Were there periods of relaxation?

No, it was not, although we have to say that most of the time, Russia-bashing was usual. In the mercantilist era, when Peter I followed Western concepts of economic and cultural modernization, we see a friendly climate towards Russia throughout the West. In the 19th century the image of Russia was split. While the nobility and the ruling class liked the Tsar, the revolutionaries of 1848 hated him, and this reflected how Russia was seen in different parts of – for instance – German society. Throughout the 20th century, Russia was perceived as an enemy, from the First World War to the end of the Soviet Union. Anti-Russian feelings turned anti-communist and vice-versa. Only with the breakdown of the Soviet Union, the Kremlin and Russia were seen positively in the West.

Is Russophobia exclusively Western, or is it present in other regions and civilizations? What is the difference?

The Pew Research Centre published an opinion poll in 2015, which was carried out worldwide. There it turned out that the image of Russia was very negative in Ukraine and Poland with 75-80% negative against 25-20% positive voices. In Germany, France, Italy and the USA, it was around 70% negative to 30% positive, whereas in China the image of Russia was only 37% negative and 51% positive and in India 17% negative to 43% positive. Beside the geopolitical reasons I already mentioned, the main difference in the perception of Russia is rooted in the economic field. Western powers represent the interests of their global economic players; and they want a weak Russia to trade or invest in with more profit. China and India are (for the moment) not in possession of such an aggressive capital.

How do you explain Russophobia in parts of the population in the European Union? Some European nations, like the Serbs, seem even to be largely pro-Russian.

Cultural ties between Russia and (German) Europe have always been close. Educated people know this - and experience it. Some people of the older generations also remember war times, when Germany invaded Russia in 1941 and know quite well that aggression throughout the 20th century always started in the West. Pro-Russian feelings of Serbs are rooted in a common culture that may be explained in religious or ethnical terms. Historically, in geopolitical conflicts Russia most of the time stood on Serbia’s side: from the hostility to the common enemy, the Ottoman Empire, to a favorable attitude towards Serbian statehood. We could see this even in 1999 when the weak Kremlin under Yeltsin did not favor NATO aggression against Serbia. We remember Prime Minister Primakov, who interrupted a planned visit to Washington on the 24th of March 1999 to protest against the NATO-aggression. People keep events like that in mind.

The EU has launched in 2015 a strategic communication program aimed at fighting "Russian disinformation" ("Stratcom East" working group). Does this mean that Russophobia is now institutionalized in the European Union?

More than that. With sanctions against Russian figures and the embargo against Russian industrial companies and banks implemented in March and April 2014, an economic war has started destroying the ties especially between the European Union and Russia. US-firms are not suffering much from this kind of trouble because their import/export-figures with Russia or Ukraine are negligible. In that sense, the embargo and counter-embargo also reflect a struggle, which is taking place between the USA and the European Union.

How dangerous is Russophobia for European and world security?

At the moment, there are two wars going on, where Russia and USA/NATO are in more or less direct confrontation: the one in the Ukraine and the Middle East/Syria. So we already have a very dangerous situation, which is not only about territory and influence, but also about how to solve the deep socio-economic crisis in the background. Ukrainian and Arabic youth have no future but to emigrate. This is a bomb far more dangerous than F16 bombers. Generations without future … what should they do? Where could they go? What will happen with destroyed regions? To what extent will this war touch the centers or come back into the core-countries, where most of the today’s wars have their starting point or – at least – from were they were unleashed and in whose interest they are being instrumentalized? With these very pessimistic prospects, every enemy image dynamizes the tragedy. The West at the moment operates with two enemy images: the Islamic and the Russian. In a way, this shows the weakness of Western hegemony, but in its weak position it has become increasingly aggressive. So we are undergoing a dangerous period of time.

Is there anything that Russia and Russians can do about Russophobia today and in the future?

Economically and socially speaking, the key word to overcome some of the mayor problems should be “import substitution”. To rely more on its own resources and industrial and innovative capacities could be a positive answer within Russia to Russophobia by the West. If Russia and the Russians in their daily life are dependent on Western investment, commodities, technology, culture etc., Western Russophobia has a crucial impact on this daily life. The Kremlin knows this and tries to act accordingly. But it is not an easy task. At the moment, Western politicians and media realize that Russia and the Russians do not depend so much on what is done, said, and invested in the West, the menace against Russia becomes more and more an empty threat. To keep looking in the direction of EU or the USA will not help.

mercredi, 08 juin 2016

Wjatscheslaw Iwanowitsch Daschitschew † – ein Nachruf

daschaxresdefault.jpg

Wjatscheslaw Iwanowitsch Daschitschew † – ein Nachruf

Von Herbert Gassen *)

Sehr geehrte Damen und Herren, liebe Freunde,

ich erhielt die Nachricht, daß

Wjatscheslaw Iwanowitsch Daschitschew

im Alter von 91 Jahren am 1. Juni 2016 in Moskau verstorben ist.

Wir Deutschen haben mit ihm einen treuen Freund verloren. Er war in der Sowjetunion als Sohn eines Generals der Roten Armee aufgewachsen und kämpfte selbst als Offizier an der ukrainischen Front gegen die deutsche Wehrmacht.

dach50_34339.jpgEr studierte nach dem Krieg an der Lomonossow-Universität. In 1973 promovierte er als Historiker. Sein beruflicher Weg führte ihn in die russische Akademie der Wissenschaften. Er war zur Zeit der Perestroika Professor der Diplomatischen Akademie des sowjetischen Außenministeriums und Berater von Michael Gorbatschow. Sein großes politisches Ziel war die Entspannung des Ost-West-Problems. Er befürwortete ganz intensiv das Zustandekommen der Wiedervereinigung Deutschlands. Er kämpfte für die Einhaltung der Menschenrechte, befürwortete die Grundsätze einer Demokratie und der Sozialen Marktwirtschaft.

Von 1991 an lehrte er bis 1998 u.a. an der FU Berlin, der Ludwig-Maximilians-Universität München und der Universität Mannheim.

Der damaligen Bundesregierung arbeitete er bei dem Thema ‚Zusammenarbeit mit Kaliningrad‘ zu und engagierte sich im Sinne der Vision Gorbatschows für ein ‚Europäisches Haus‘.

Ein anderer Berater Gorbatschows, Anatoli Tschernjajew sagte über ihn:

„Aus der Vielzahl der wissenschaftlichen Quellen, die Gorbatschow zur Information über die deutschen Angelegenheiten und auch über die des ,sozialistischen Lagers‘ dienten, wären die analytischen Notizen von Wjatscheslaw Daschitschew zu nennen. Seine Einschätzungen der Vorgänge in Deutschland und seine Empfehlungen wiesen – im Gegensatz zur Mehrheit der anderen – in die richtige Richtung.“

Was aus einem Europa unter diesen Kautelen geworden wäre, bleibt ein Traum, dessen Umsetzung in die Realität nicht aufgegeben werden darf.

Wjatscheslaw Daschitschews Engagement für Deutschland, die Deutschen, wurde von denen, die sich als ‚Freunde‘ ausgaben und Europa in seine größte Katastrophe führten, nicht akzeptiert. Seine Vorstellungen von Nation und ihrer Kultur wurden von dem bundesrepublikanischen Parteien-Establishment gar als ‚rechtsextrem‘ eingestuft. Seine Leistungen für unser Land wurden mißachtet, Daschitschew wurde verfemt.

Ich habe ihn persönlich auf Tagungen des Studienzentrums Weikersheim erlebt. Die Gespräche mit ihm waren eine große Bereicherung. Er begegnete einem mit herzlicher Bescheidenheit und überzeugte souverän mit einem funkelnden Geist.

Alle Patrioten Deutschlands sind ihm für seine Leistung für unser Land und unser Volk zu größtem Dank verpflichtet. Sein Leben war der Wille für eine unbedingt notwendige Freundschaft zwischen dem deutschen und dem russischen Volk.

Unsere Teilnahme gilt seinen Hinterbliebenen

In tiefer Trauer, Herbert Gassen *)

*) Herbert Gassen ist Dipl.Volkswirt, Bankkaufmann und regelmäßig Kolumnist auf conservo
www.conservo.wordpress.com   2. Juni 2016

mardi, 07 juin 2016

George Soros veut détruire la Macédoine

maced98-714x475.jpg

George Soros veut détruire la Macédoine, son nom, sa langue et son identité

Auteur : Slobodan Tomic
Ex: http://zejournal.mobi

Le 5 juin, la Macédoine devra faire face à des élections législatives anticipées. Ces deux dernières années, les puissances occidentales, y compris l’UE et les USA, ont tenté d’évincer la direction macédonienne actuelle. Slobodan Tomic, un publiciste et analyste indépendant macédonien, a partagé avec nous son évaluation de la situation politique dans le pays avant les élections à venir.

Sur la politique étrangère macédonienne multi-vecteur

En fait, je voudrais dire que les Macédoniens sont des partenaires amicaux pour les quatre points de la boussole. Nous ne pouvons pas être ennemis avec l’Amérique, et nous ne pouvons pas être ennemis avec la Russie, la Chine ou tout autre. La Macédoine ouvre ses portes aux quatre coins du monde. Normalement, la forme principale de notre coopération est de rester neutres entre les deux côtés. La Macédoine a construit une très bonne relation avec les Américains, puisque nous avons signé un accord de coopération technique, etc., mais nous avons aussi une très bonne coopération avec la Russie, surtout maintenant. Notre Premier ministre, Nikola Gruevski, a réformé complètement la mentalité de la République de Macédoine. En Macédoine, nous n’avons qu’un seul problème: les soi-disant ONG ou sociétés non gouvernementales. Ce sont des organisations mauvaises puisque, selon l’opinion publique, George Soros est la véritable personne qui veut détruire notre pays, son nom, sa langue et son identité.

La Macédoine veut continuer à coopérer avec tout le monde. Nous sommes également très heureux d’avoir de bonnes relations avec la Russie. M. Gruevski a ouvert plus de portes pour le groupe BRICS.

Sur les manifestations anti-gouvernementales

Ces protestations ont bien sûr été organisées par Soros [et ses affiliés, NdT]. Je tiens à faire cette déclaration, parce que nous, l’électorat, avons payé le prix pour une soi-disant révolution de couleur. Ces révolutions de couleur ont commencé, comme vous le savez, en Afrique du Nord. Nous savons ce qui est arrivé ensuite en Égypte, en Algérie, au Maroc et en Libye. Cette organisation, cette soi-disant  «organisation de la société ouverte» auto-proclamée, a organisé des manifestations en Macédoine. Elle a suivi le même scénario qu’en Ukraine [sauf le coup d’État armé, NdT]. Comme je l’ai déjà dit, Nikola Gruevski était un Premier ministre très intelligent, car il a décidé de démissionner après tant de messages de la soi-disant communauté internationale, qui l’a averti : «Si vous voulez adhérer à l’OTAN, vous devez changer le nom de votre pays.» La Grèce est la raison pour laquelle on veut nous forcer la main. En attendant, nous pouvons être membre de l’UE, et la Macédoine a fait beaucoup au cours des 10 dernières années, atteignant une position élevée en tant que pays.

Mais je voudrais dire que M. Gruevski est un politicien très intelligent,  pragmatique et un bourreau de travail. Il n’y a pas d’autres politiciens dans la région comme lui. Il a apporté de nombreuses usines en Macédoine, ainsi que des investissements et de nombreuses nouvelles entreprises, au point que le chômage est tombé à 12% – ce qui est un énorme progrès.

Pourquoi l’UE veut-elle renverser le gouvernement Gruevski?

La Macédoine est un exemple réel d’un pays multiculturel qui n’est pas membre de l’UE. Tous les pays peuvent apprendre de nous avec un réel multiculturalisme et une grande tolérance. M. Gruevski a eu le courage d’inviter le groupe des BRICS en Macédoine, ce qui est la raison pour laquelle nos soi-disant amis occidentaux sont si nerveux. Donc, ils ont commencé une nouvelle stratégie pour la Macédoine. Dans la vraie politique, il n’y a pas de place pour les émotions. En politique, il n’y a que des intérêts.

La Macédoine occupe une position cruciale, et elle est une porte d’entrée pour la stabilité et la prospérité. La Macédoine a en fait sauvé l’UE d’une grande partie du problème des réfugiés. Bien qu’elle soit un petit pays européen, la Macédoine est donc très importante.

Mais qu’avons-nous reçu en retour? L’Europe utilise toujours la politique du bâton et de la carotte. Nous avons reçu le bâton, pas la carotte, à chaque fois. Ceci est la raison pour laquelle je ne ferai jamais confiance à l’UE.

L’opposition en Macédoine est une marionnette contrôlée par l’Occident. Ce sont des criminels, qui parlent d’attraper les criminels! C’est une situation anachronique. Et ces gens sont prêts à changer le nom du pays lui-même – c’est ce qui se passe en Macédoine.

Note de l’auteur

Le peuple macédonien possède quelque chose de très intéressant. Les autorités ont fait une recherche génétique avec l’institut IGENEA en Suisse. Selon cette enquête génétique menée sur les origines des nations européennes, 30% des Macédoniens à l’époque actuelle de la République de Macédoine sont des populations autochtones dont les racines remontent aux anciens Macédoniens. Mais ceci est un très gros problème pour les personnes qui ont des problèmes avec les pays dits pacifiques et qui veulent détruire la Macédoine – la faire disparaître de la carte géopolitique. Ils veulent tuer notre identité, notre nom. Ils veulent – les États-Unis, l’Allemagne, la France, etc. – faire des expériences avec nous.

Je voudrais souligner que le peuple macédonien est maintenant complètement réveillé. Nous ne sommes pas les mêmes Macédoniens qui ont été contraints par le régime de Tito. Nous sommes des Macédoniens et pas une autre nation. Les grands pays aiment à manipuler la Grèce et à la forcer à agir contre la Macédoine dans les médias.

Mais nous sommes Macédoniens et nous ne changerons jamais notre nom ou notre identité. Nous sommes nés Macédoniens, et nous pouvons mourir comme Macédoniens. Nous ne faisons pas de caprice pour profiter de la communauté internationale ou d’alliances comme l’OTAN. Demain, l’UE pourrait exploser comme un ballon, et l’OTAN le pourrait aussi. Ce n’est pas une alliance pacifique – elle organise des attentats, etc. Pourtant, la Macédoine est un pays pacifique, et nous ne sommes les ennemis de personne, pas même des pays de l’OTAN.

Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par Nadine pour le Saker Francophone