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jeudi, 05 décembre 2019

Comprendre ce que fait Donald Trump

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Comprendre ce que fait Donald Trump

par Sylvain Laforest

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Le moment est venu de comprendre ce que fait Donald Trump et de décrypter l’ambigüité de la manière dont il le fait. Le controversé président a un agenda beaucoup plus clair qu’on ne peut l’imaginer sur la politique étrangère et les affaires intérieures, mais puisqu’il doit rester au pouvoir ou même en vie pour atteindre ses objectifs, sa stratégie est si raffinée et subtile que presque personne ne la comprend. Son objectif global est si ambitieux qu’il emprunte des courbes elliptiques aléatoires pour aller du point A au point B, en utilisant des méthodes qui déconcertent les gens sur leur compréhension de l’homme. Cela inclut la plupart des journalistes indépendants et les analystes alternatifs, comme les grands médias occidentaux propagateurs de fausses nouvelles et une grande majorité de la population.

En ce qui concerne sa stratégie, je pourrais faire une analogie rapide et précise avec les médicaments : la plupart des pilules sont destinées à guérir un problème, mais elles sont accompagnées de toute une série d’effets secondaires. Eh bien, Trump utilise ces médicaments uniquement pour leurs effets secondaires, alors que la première intention de la pilule est ce qui le maintient au pouvoir et en vie. À la fin de cet article, vous verrez que cette métaphore s’applique à presque toutes les décisions, actions ou déclarations qu’il a faites. À partir du moment où vous comprendrez Trump, vous serez en mesure d’apprécier l’extraordinaire mandat présidentiel qu’il accomplit, comme aucun prédécesseur n’a jamais été proche de le faire.

Pour commencer, clarifions le seul aspect de sa mission qui est sans détour et terriblement direct : il est le premier et seul président US à s’être jamais attaqué au pire défaut collectif de l’humanité, soit son ignorance totale de la réalité. Parce que les médias et l’éducation sont tous deux contrôlés par la poignée de milliardaires qui dirigent la planète, nous ne savons rien de notre histoire qui a été tordue à sec par les vainqueurs, et nous ne savons absolument rien sur notre monde actuel. En entrant dans l’arène politique, Donald a popularisé l’expression « fake news » (fausses nouvelles) pour convaincre les citoyens US, tout comme la population mondiale, que les médias mentent toujours. L’expression est maintenant devenue banale, mais réalisez-vous à quel point il est choquant de constater que presque tout ce que vous pensez savoir est totalement faux ? Les mensonges médiatiques ne couvrent pas seulement l’histoire et la politique, mais ils ont façonné votre fausse perception sur des sujets comme l’économie, l’alimentation, le climat, la santé; sur tout. Et si je vous disais que nous savons exactement qui a tiré sur JFK depuis le monticule herbeux, que la connaissance préalable de Pearl Harbor a été prouvée en cour, que l’effet de serre du CO2 est scientifiquement absurde, que notre argent est créé par des prêts de banques qui n’ont même pas les fonds, ou que la science démontre avec une certitude absolue que le 11 septembre fut une opération interne américaine ? Avez-vous déjà entendu parler d’un journaliste mainstream, d’un documentaire de PBS ou d’un professeur d’université parlant de tout cela ? 44 présidents se sont succédés sans jamais soulever un mot de cet énorme problème, avant que le 45ème n’arrive. Trump comprend que la libération des gens de cette profonde ignorance est le premier pas vers la liberté totale, or il a immédiatement commencé à appeler les journalistes mainstream par ce qu’ils sont : des menteurs pathologiques.

« Des milliers de professionnels de la santé mentale sont d’accord avec Woodward et l’auteur de l’article d’opinion du New York Times : Trump est dangereux » – Bandy X. Lee, The Conversation 2018

« La question n’est pas de savoir si le Président est fou, mais s’il est fou comme un renard ou fou comme un fou » – Masha Gessen, The New Yorker 2017

Soyons clairs : pour l’establishment, Trump n’est nullement déficient, mais il est plutôt considéré comme le destructeur potentiel de leur monde. Depuis qu’il a emménagé à la Maison-Blanche, Trump a été dépeint comme un narcissique, un raciste, un sexiste et un climato-sceptique, chargé d’un passé louche et affublé de troubles mentaux. Même si environ 60% des Américains ne font plus confiance aux médias, plusieurs ont avalé l’histoire que Trump pourrait être cinglé ou inapte à diriger, et les statistiques sont encore plus élevées à l’extérieur des États-Unis. Bien sûr, Donald ne fait rien de spécial pour changer la perception profondément négative que tant de journalistes et de gens ont de lui. Il est ouvertement scandaleux et provocateur sur Twitter, il apparait impulsif et même stupide la plupart du temps, agit de façon irrationnelle, ment tous les jours, et distribue des sanctions et des menaces comme si c’était des bonbons sortis de la hotte d’un elfe dans un centre commercial en décembre. D’emblée, on peut détruire un mythe médiatique persistant : l’image que projette Trump est autodestructrice, et c’est exactement le contraire dont les pervers narcissiques agissent, puisqu’ils veulent être aimés et admirés par tous. Donald ne se soucie tout simplement pas que vous l’aimiez ou non, ce qui fait de lui l’ultime anti narcissique, par sa définition psychologique de base. Et ce n’est même pas ouvert aux opinions, c’est un fait tout simple et indéniable. 

Son plan général se dégage d’une de ses devises préférées : « Nous redonnerons le pouvoir au peuple » , parce que les États-Unis et leur toile impérialiste tissée à travers le monde ont été entre les mains de quelques banquiers mondialistes, industriels militaires et des multinationales depuis plus d’un siècle. Pour accomplir sa mission, il doit mettre fin aux guerres à l’étranger, ramener les soldats à la maison, démanteler l’OTAN et la CIA, prendre le contrôle de la Réserve Fédérale, couper tout lien avec les alliés étrangers, abolir le système financier Swift, démolir le pouvoir de propagande des médias, drainer le marais de l’État Profond qui dirige les agences d’espionnage et neutraliser le gouvernement parallèle qui se tapis dans les bureaux du Conseil des Relations Étrangères et de la Commission Trilatérale. Bref, il doit détruire le Nouvel Ordre Mondial et son idéologie mondialiste. La tâche est immense et dangereuse, c’est le moins qu’on puisse dire. Heureusement, il n’est pas seul.

Avant d’aborder ses tactiques et techniques, nous devons en savoir un peu plus sur ce qui se passe réellement dans le monde. 
 

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La puissante Russie

Depuis Pierre le Grand, toute l’histoire de la Russie est une démonstration permanente de sa volonté de maintenir son indépendance politique et économique vis-à-vis des banques internationales et de l’impérialisme, poussant cette grande nation à aider de nombreux autres pays à conserver leur propre indépendance. Par deux fois, la Russie a aidé les États-Unis contre l’Empire britannique/Rothschild, d’abord en les soutenant ouvertement pendant la guerre d’Indépendance, puis encore pendant la guerre civile, alors que Rothschild finançait les Confédérés pour démanteler la nation et la ramener sous la coupe de l’Empire colonial Britannique. La Russie a également détruit Napoléon et les Nazis, tous deux financés par des banques internationales comme outils pour écraser des nations économiquement indépendantes. L’indépendance est dans l’ADN russe. Au terme de presque une décennie d’oligarchie occidentale ayant pris le contrôle de l’économie russe après la chute de l’URSS en 1991, Poutine a pris le pouvoir et a immédiatement drainé le marais russe. Depuis lors, chacune de ses actions vise à détruire l’Empire US, ou l’entité qui a remplacé l’Empire Britannique en 1944, qui est aussi la dénomination non-associée aux théories de la conspiration du Nouvel Ordre Mondial. Ce nouvel empire est fondamentalement le même modèle des banques centrales, avec juste un groupe légèrement différent de propriétaires qui ont changé l’Armée royale Britannique pour l’OTAN, comme Gestapo mondiale.

Jusqu’à l’arrivée de Trump, Poutine luttait seul contre le Nouvel Ordre Mondial dont l’obsession séculaire est le contrôle du marché mondial du pétrole, puisque le pétrole est le sang qui coule dans les veines de toute l’économie mondiale. Le pétrole a mille fois plus de valeur que l’or. Les cargos, les avions et les armées ne fonctionnent pas avec des batteries. Par conséquent, pour contrer les mondialistes, Poutine a mis au point les meilleurs systèmes de missiles offensifs et défensifs, de sorte que la Russie peut désormais protéger tous les producteurs de pétrole indépendants comme la Syrie, le Venezuela et l’Iran. Les banquiers centraux et le gouvernement de l’ombre US s’accrochent toujours à leur plan mourant, car sans une victoire en Syrie, il n’y a pas d’élargissement d’Israël, mettant ainsi fin au fantasme centenaire d’unir la production pétrolière du Moyen-Orient entre les mains du Nouvel Ordre Mondial. Demandez à Lord Balfour si vous avez le moindre doute. C’est ça le véritable enjeu de la guerre de Syrie, il ne s’agit rien de moins que d’y arriver ou de mourir.
 
Un siècle de mensonges

Maintenant, parce qu’un gouvernement de l’ombre commande directement la CIA et l’OTAN au nom des banques et des industries, Trump n’a aucun contrôle sur l’appareil militaire. L’État Profond est un chapelet de fonctionnaires permanents gouvernant Washington et le Pentagone qui ne répondent qu’à leurs ordres. Si vous croyez toujours que c’est le « Commandant en chef » qui commande, expliquez pourquoi chaque fois que Trump ordonne de se retirer de Syrie et d’Afghanistan, des troupes supplémentaires arrivent ? Au moment où j’écris ce texte, les troupes US et de l’OTAN se sont retirées des zones kurdes, se sont rendues en Irak et sont revenues avec du matériel plus lourd autour des réserves pétrolières de la Syrie. Donald doit encore drainer le marais avant que le Pentagone n’écoute ce qu’il dit. Trump devrait être outré et dénoncer à haute voix que le commandement militaire ne se soucie pas de ce qu’il pense, mais cela déclencherait un chaos inimaginable, et peut-être même une guerre civile aux États-Unis, si les citoyens qui possèdent environ 393 millions d’armes dans leurs maisons apprenaient que des intérêts privés sont en charge de l’armée. Cela soulèverait également une question très simple, mais dramatique : « Quel est exactement le but de la démocratie ? » Ces armes domestiques sont les barrières de titane qui protègent la population d’un Big Brother totalitaire.

Il faut se rendre compte à quel point l’armée US et les agences d’espionnage se donnent du mal pour créer des opérations sous faux-drapeau (false flags) depuis plus d’un siècle, de sorte que leurs interventions semblent toujours justes, au nom de la promotion de la démocratie, des droits humains et de la justice sur la planète. Ils ont fait sauter le navire Maine en 1898 pour entrer dans la guerre hispano-étasunienne, puis le Lusitania en 1915 pour entrer dans la Première guerre mondiale. Ils ont poussé le Japon à attaquer Pearl Harbor en 1941, étaient au courant de l’attaque 10 jours à l’avance et n’ont rien dit à la base hawaïenne. Ils ont inventé une agression de torpilles nord-vietnamiennes contre leurs navires dans la baie du Tonkin pour justifier l’envoi de soldats sur le sol vietnamien. Ils ont inventé une histoire de soldats irakiens détruisant des pouponnières pour envahir le Koweït en 1991. Ils ont inventé des armes de destruction massive pour attaquer de nouveau l’Irak en 2003 et ont organisé l’opération du 11 septembre 2001 pour déchirer la Constitution de 1789, attaquer l’Afghanistan et lancer une guerre interminable contre le terrorisme. Ce masque de vertu totalement factice doit être préservé pour contrôler l’opinion des citoyens US et leur arsenal domestique, qui doivent croire qu’ils portent les chapeaux blancs des cowboys de la démocratie.
 

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Or, comment Trump a-t-il réagi quand il a appris que les troupes US revenaient en Syrie ? Il a répété encore et encore dans chaque interview et déclaration que « nous avons sécurisé les champs pétroliers de Syrie », et a même ajouté « je pense envoyer Exxon dans la région pour s’occuper du pétrole syrien.» Les néoconservateurs, les sionistes et les banques étaient ravis, mais le reste du monde est outré, car la grande majorité ne comprend pas que Trump avale cette pilule uniquement pour ses effets secondaires. Sur le flacon est écrit en petits caractères que « l’utilisation de cette drogue pourrait forcer les troupes US-OTAN à quitter la Syrie sous la pression de la communauté mondiale unie et de la population US ahurie ». Trump a rendu la situation insoutenable pour l’OTAN de rester en Syrie, et la façon dont il a répété cette position profondément choquante et politiquement incorrecte dévoile clairement sa véritable intention. Il a détruit plus d’un siècle de fausses vertus en une seule phrase.

Trump est une anomalie historique

Trump n’est que le quatrième président dans l’histoire des États-Unis à se battre pour le peuple, contrairement aux 41 autres qui ont principalement canalisé l’argent du peuple dans un pipeline de dollars aboutissant dans des banques privées. Il y a d’abord eu Andrew Jackson qui fut tiré à bout pourtant après avoir détruit la Second Bank des États-Unis, qu’il accusait ouvertement d’être contrôlée par les Rothschild et la City de Londres. Puis, Abraham Lincoln fut assassiné après avoir imprimé ses « greenbacks » (billets verts), monnaie nationale que l’État a émise pour payer les soldats parce que Lincoln refusait d’emprunter des Rothschild à 24% d’intérêt. Ensuite, il y a eu JFK, qui a été tué pour une douzaine de raisons qui allaient toutes à l’encontre des profits des banques et de l’industrie militaire, et maintenant Donald Trump qui vocifère qu’il va « rendre l’Amérique au peuple ».

Comme la plupart des hommes d’affaires, Trump déteste les banques, pour le pouvoir formidable qu’elles ont sur l’économie. Il suffit de jeter un coup d’œil au livre unique d’Henry Ford, « The International Jew », pour découvrir sa méfiance et sa haine profondes envers les banques internationales. Les entreprises de Trump ont beaucoup souffert à cause de ces institutions qui vous vendent un parapluie, pour le reprendre dès qu’il se met à pleuvoir. Le contrôle des banques privées sur la création monétaire et les taux d’intérêt, à travers chaque banque centrale de presque tous les pays, est un pouvoir permanent sur les nations, bien au-delà du cycle éphémère des politiciens. En l’an 2000, ces pillards de nations n’étaient plus qu’à quelques pas de leur rêve totalitaire planétaire, mais deux détails subsitaient : Vladimir Poutine et 393 millions d’armes US. Puis est arrivé Donald au visage orange, la dernière pièce du puzzle dont nous, le peuple, avions besoin pour mettre fin à 250 ans de l’empire des banques.

Techniques et tactiques

Au début de son mandat, Trump a naïvement tenté l’approche directe, en s’entourant de rebelles de l’establishment comme Michael Flynn et Steve Bannon, puis en aliénant chacun de ses alliés étrangers, déchirant leurs traités de libre-échange, imposant des taxes sur les importations et les insultant en pleine face lors des rencontres du G7 de 2017 et de 2018. La réaction fut forte et tout le monde s’est mis à focaliser sur l’absurdité du Russiagate, qui semblait la seule option pour arrêter l’homme sur son chemin de la destruction du mondialisme. Comme on pouvait s’y attendre, l’approche directe n’a mené nulle part ; Flynn et Bannon ont dû partir, et Trump fut emmêlé dans une poignée d’enquêtes lui faisant réaliser qu’il n’obtiendrait rien avec la transparence. Il devait trouver un moyen d’anéantir les personnes les plus dangereuses de la planète, mais en même temps, rester au pouvoir et en vie. Il fallait devenir plus malin.

C’est à ce moment que son génie a explosé sur le monde. Il a complètement changé sa stratégie et son approche, a commencé à prendre des décisions absurdes et à tweeter des déclarations scandaleuses. Aussi menaçantes et dangereuses que certains d’entre elles puissent paraitre, Trump ne les a pas verbalisées pour leur signification au premier degré, mais visait plutôt leurs effets secondaires. Et sans se soucier de ce que les gens pensaient de lui, car seuls les résultats comptent à la fin. Il a même joué au bouffon sur Twitter, avait l’air naïf, fou ou carrément idiot, peut-être dans l’espoir de faire croire qu’il ne savait pas ce qu’il faisait, et qu’il ne pouvait pas être si dangereux. Trump qui était déjà politiquement incorrect, a poussé beaucoup plus loin pour montrer l’horrible visage que les États-Unis cachent derrière leur masque.
 
Le premier test de sa nouvelle approche fut d’arrêter le danger croissant d’une attaque et d’une invasion de la Corée du Nord par l’OTAN. Trump a insulté Kim Jung-Un sur Twitter, l’a appelé Rocket Man et a menacé de nucléariser la Corée du Nord au ras du sol. Son ire s’est déchainée pendant des semaines, jusqu’à ce que tout le monde s’aperçoive que ce n’étaient pas là de bonnes raisons pour attaquer un pays. Il a paralysé l’OTAN. Trump a ensuite rencontré Rocket Man, et ils ont marché dans le parc avec la naissance d’une belle amitié, riant ensemble, tout en n’accomplissant absolument rien dans leurs négociations, car ils n’ont rien à négocier. Beaucoup parlaient du prix Nobel de la paix, parce que beaucoup ne savent pas qu’il est généralement remis pour blanchir des criminels de guerre comme Obama ou Kissinger.

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Puis ce fut le tour du Venezuela. Trump a poussé sa tactique un peu plus loin, pour s’assurer que personne ne puisse soutenir une attaque contre le pays libre. Il a mis les pires néoconservateurs disponibles sur l’affaire: Elliott Abrams, anciennement condamné pour conspiration dans l’affaire Iran-Contras dans les années ’80 et John Bolton, célèbre belliciste au premier degré. Trump a ensuite confirmé Juan Guaido comme son choix personnel pour la présidence du Venezuela; une marionnette vide si stupide qu’il ne peut même pas comprendre à quel point on l’utilise. Une fois de plus, Trump a menacé de réduire le pays en cendres, tandis que la communauté mondiale désapprouvait le manque total de subtilité et de diplomatie dans le comportement de Trump, avec pour résultat final que le Brésil et la Colombie ont reculé en déclarant qu’ils ne voulaient rien avoir à faire avec une attaque sur le Venezuela. La prescription de Trump n’a laissé que 40 pays satellites dans le monde, avec des présidents et des premiers ministres suffisamment dénués de cervelle pour soutenir timidement Guaido le bouffon. Donald a coché la case à côté du Venezuela sur sa liste, et a continué de défiler vers le bas.

Puis vinrent les deux cadeaux à Israël : Jérusalem en tant que capitale, et le plateau du Golan syrien en tant que possession confirmée. Netanyahou qui n’est pas le crayon le plus aiguisé dans le coffre a sauté de joie, et tout le monde criait que Trump était un sioniste. Le véritable résultat fut que l’ensemble du Moyen-Orient s’est uni contre Israël, que plus personne ne peut soutenir. Même leur complice historique, l’Arabie Saoudite, a dû désapprouver ouvertement cette lourde gifle à l’Islam. Les cadeaux jumeaux de Trump étaient en fait des coups de poignard dans le dos de l’État d’Israël, dont l’avenir ne semble pas très prometteur, puisque l’OTAN devra bientôt quitter la région. Case cochée à nouveau.

Alors que la réalité s’installe

Mais ce n’est pas tout ! Avec son absence de contrôle sur l’OTAN et l’armée, Trump est très limité dans ses actions. À première vue, la multiplication des sanctions économiques contre des pays comme la Russie, la Turquie, la Chine, l’Iran, le Venezuela et d’autres pays semble dure et impitoyable, mais la réalité de ces sanctions a poussé ces pays hors du système financier Swift conçu pour maintenir les pays esclaves dans l’hégémonie du dollar, et ils glissent tous entre les mains des banques internationales. Elles ont forcé la Russie, la Chine et l’Inde à créer un système alternatif de paiements commerciaux basé sur les monnaies nationales, au lieu du dollar tout-puissant. La réalité bipolaire du monde est maintenant officielle, et avec ses prochaines sanctions à venir, Trump poussera encore plus de pays hors du système Swift pour rejoindre l’autre camp, au moment où d’importantes banques commencent à tomber en Europe.

Même dans l’ouragan politique entourant Trump, il trouve encore le temps d’afficher son humour arrogant presque enfantin. Regardez sa dernière moquerie grandiose d’Hillary Clinton et de Barrack Obama, alors qu’il s’est assis avec des généraux aux traits tendus, pour prendre une photo dans une « salle de situation » alors qu’ils simulaient la surveillance de la mort de Baghdadi quelque part où il ne pouvait pas être, exactement comme ses prédécesseurs criminels l’ont fait il y a longtemps avec le faux assassinat de Ben Laden. Il a même poussé la blague jusqu’à ajouter les détails d’un chien reconnaissant le faux calife de Daesh en reniflant ses sous-vêtements. Maintenant que vous comprenez qui est vraiment Trump, vous serez également en mesure d’apprécier le spectacle, dans toute sa splendeur et sa vraie signification.

« Nous avons sécurisé les champs de pétrole de Syrie.» Avec cette courte phrase, Trump joint sa voix à celle du Général Smedley Butler qui fit vibrer le monde il y a 80 ans avec un petit livre intitulé « La Guerre est un racket.» Piller et voler du pétrole n’est certainement pas aussi vertueux que de promouvoir la démocratie et la justice. Ce qui m’étonne, ce sont ces nombreux journalistes et analystes « alternatifs », qui connaissent sur le bout des doigts tous les problèmes techniques dans l’histoire officielle du 11 septembre, ou la réalité scientifique de l’absurde réchauffement climatique anthropique, mais qui n’ont toujours aucune idée de ce que fait Trump, 3 ans après le début de son mandat, car ils ont été convaincus par les grands médias que Trump était un malade mental.

 
Pour ceux qui doutent encore du programme de Trump, croyez-vous vraiment que l’implosion évidente de l’impérialisme US sur la planète soit une coïncidence ? Croyez-vous toujours que c’est à cause de l’influence russe sur les élections de 2016 que la CIA, le FBI, tous les médias, le Congrès US, la Réserve Fédérale, le Parti Démocrate et la moitié belliciste des républicains travaillent contre lui et tentent même de le destituer ? Comme la plupart de ce qui sort des médias, la réalité est exactement le contraire de ce que l’on vous dit : Trump est peut-être l’homme le plus dévoué qui ait jamais mis les pieds dans le bureau ovale. Et certainement le plus ambitieux et politiquement incorrect. 

Conclusion

Le monde changera radicalement entre 2020 et 2024. Le deuxième et dernier mandat de Trump coïncide avec le dernier mandat de Poutine en tant que Président de la Russie. Il se peut qu’il n’y ait pas une autre coïncidence comme celle-ci avant très longtemps, et les deux savent que c’est maintenant, ou peut-être jamais. Ensemble, ils doivent mettre fin à l’OTAN, à Swift, et l’Union Européenne devrait s’effondrer. Le terrorisme et le réchauffement climatique anthropique sauteront dans le tourbillon et disparaitront avec leurs créateurs. Trump devra drainer le marais de la CIA et du Pentagone et nationaliser la Réserve Fédérale. Avec Xi et Modi, ils pourraient mettre un terme définitif de l’ingérence des banques privées dans les affaires publiques, en refusant de payer un seul sou de leurs dettes, et refonder l’économie mondiale en se tournant vers les monnaies nationales produites par les gouvernements, et les banques privées tomberont comme des dominos, sans plus de serviteurs comme Obama pour les sauver à vos frais. Après, une paix et une prospérité insupportables pourraient errer sur la planète, car nos impôts paieront pour le développement de nos pays au lieu d’acheter du matériel militaire inutile et payer des intérêts sur les prêts des banquiers qui n’avaient même pas ces fonds en premier lieu.

Si vous ne comprenez toujours pas Donald Trump après avoir lu ce qui précède, vous êtes sans espoir. Ou vous êtes peut-être Trudeau, Macron, Guaido, ou tout autre idiot utile, ignorant que le tapis sous vos pieds a déjà glissé. 
 
Sylvain Laforest.

Source
Traduit par Réseau International

mercredi, 04 décembre 2019

The Three Seas Initiative - a real geopolitical project or just the American version of Mitteleuropa

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The Three Seas Initiative - a real geopolitical project or just the American version of Mitteleuropa

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

In the Polish scientific and geopolitical discourse there is about 100-years old tradition of the concept of distinguishing countries located in the (quite generally described) area located between the Adriatic, Baltic and Black seas, which is based on at leasttwo falsehoods and one understatement.

First of all - especially Polish politicians like to add to this project (born on the wave of the collapse of the Russian Empire and the emergence of new nationalisms in its areas) whole Centuries of supposedly natural integration processes taking place from Scandinavia to the Balkans, of course, with particular regard to the aspirations of some Polish monarchs (especially from the Jagielloniandynasty), leaders (Adam Jerzy, Prince Czartoryskiand Józef Piłsudski) and writers (Jerzy Giedroyc, Rowmund Piłsudski, Juliusz Mieroszewski). Meanwhile, only these last ones, 20thCentury activists and thinkers were true supporters, and in fact also the creators and continuators of the Polish version of the known German theory and practice of domination and exploitation of the German-Russian borderlands in the first half of the 20th Century. Any prior genesis and justification given to this idea is pure historical anachronism.

Secondly - the authorship, and thus the "natural leadership" of the project, is eagerly attributed to Poles by… falsehood. Meanwhile, there is no doubt that despite the different names - the vision of Intermarium, the Three Seas or any other Central European Initiatives are just a repetition of the Friedrich Naumann’s (primarily economic) conception, being at most a recapitulation of the tendencies dominating in the war and industrial spheres of the German Empire. Similarly, today it is easier for Poles to refer to Marshal Piłsudski and Jerzy Giedroyc than to confirm for example, the inspirational and efficient role of such American politicians as Zbigniew Brzezinski.

However, the understatement mentioned above remains the most important weakness of all these ideas. More precisely, the fact that no common interest could ever be pointed out in the past, unconditionally and unquestionably connecting and uniting the Central and Eastern Europe states, not only those distant from each other such as Finland and Greece, but even as seemingly close and neighbourly as Poland and ... Lithuania.

Moreover, that the only common goals for this area have so far been formulated only from the outside, from the point of view of some global power for various reasons wanting to pursue its interests in Central Europe. This was the case with imperial Germany, the Soviet Union, and now with the United States. And in this last, most current sense (in connection with the Three Seas Initiative) it is most clearly seen that this is not an integration, but ... an alienation program, intended to exclude acquired countries from other initiatives (primarily the mainstream European Union), and replace their own sovereign geopolitical visions and interests. And this is also the similarity of the American vision of the organization of Central Europe with its German, Kaiser's original (not to mention the identical purpose of both: economic exploitation. 

And of course - these are not the only barriers and limitations for Central European cooperation. It should be emphasized that often the same forces that formally support unity and integration - in fact, stimulate instincts and polarization initiatives, led by escalated ethno-nationalism to the level of chauvinism. It is enough to mention that quite recently, just 105 years ago, Central and Eastern Europe was already subject to far-reaching integration - within the framework of multi-ethnic empires - Russian, Austro-Hungarian and Turkish. And as it turned out, globalization interest (then, of course, not so called) – caused not only  awaking the state-building aspirations of historical nations (such as Poles or Czechs), but simply creating new nations, what finally led to fragmentation and permanent conflict in this part of the World (this process was also continued and intensified only 30 years ago, during the collapse of Yugoslavia and the Soviet Union).

This is how a significant part of the political borders that divide our World has been established up to this day - and even more importantly, how arose barriers in national consciousness (or according to others - sometimes how they were revealed) in extreme, even pathological forms. And this is also worth remembering that those who today urge for accelerated, political and mostly artificial integration - are often the same who once divided us.

From a purely geopolitical point of view – such a role was played in the Central European area historically by British politics and German practice - and today the by hegemonic interests of the United States in their declining, somewhat self-limiting shape.

We can see the playing of the ethnonationalist factor especially in the Baltic States and recently in Ukraine, and even in Russia, where a few years ago attempts at the "Colour Revolution" from liberal slogans smoothly switched to elements of xenophobia. So, we are dealing with an interesting paradox (in fact, however, rather apparent one).

At the same time we are witnesses of:

- disintegration activities leading to the diversification of the formally functioning European Community (from two points: from Brussels, Paris and Berlin to a Europe of Two Speeds - most of Eurozone vs. the rest and from Washington to create "an even more American Europe", i.e. the Three-Seas Initiative;

- supporting chauvinistic ethno-nationalisms in these areas, which in principle are against any real regional cooperation.

All these tactics are intertwined and complementary, which makes us understand that their real goal is neither real integration, including creation of any separate value (no matter - true or imaginary) in the form of the organization of the Intermarium area; nor the actual restoration of the national principle in World relations. So regardless of whether we want to increase the factor of cooperation and integration, or whether we recognize the priority of the national factor - the vision of the Three-Seas / Intermarium is radically contradictory with them and should be rejected.

Lecture at the conference "Академия диалога: культурные разломы и границы между Балтийским и Черным морями", Kaliningrad, November 28-29.

mardi, 03 décembre 2019

Nackter Wirtschaftskrieg: USA nehmen Maßnahmen gegen Nord Stream 2 in Verteidigungshaushalt auf

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Nackter Wirtschaftskrieg: USA nehmen Maßnahmen gegen Nord Stream 2 in Verteidigungshaushalt auf

Ex: http://www.zuerst.de

Washington. Das amerikanische Vorgehen gegen die russisch-deutsche Ostsee-Pipeline Nord Stream 2 nimmt immer aggressivere Formen an. Jetzt wurden die amerikanischen Sanktionsmaßnahmen, die derzeit gegen Firmen in Stellung gebracht werden, die an Nord Stream 2 beteiligt sind, formell in den Verteidigungshaushalt aufgenommen. Die Strafmaßnahmen wurden vom Kongreß in den Entwurf des sogenannten National Defense Authorization Act (NDAA) aufgenommen, teilte Jim Risch, Vorsitzender des Auswärtigen Ausschusses im Senat, dem US-Magazin „Defense News” mit.

Die Zeit für den Vorstoß wird immer knapper: „Vieles von Nord Stream ist bereits getan“, sagte Risch am Rande eines Sicherheitsforums im kanadischen Halifax. Die Sanktionen würden die beteiligten Baufirmen aber davon „überzeugen“, ihre Arbeit einzustellen. Risch weiter: „Es wird sie sehr viel kosten. Ich denke, wenn diese Sanktionen verabschiedet werden, werden sie schließen, und ich denke, die Russen werden nach einem anderen Weg suchen müssen, um dies zu erreichen, wenn sie es können.

Nach russischer Einschätzung sollen die jüngsten US-Sanktionsmaßnahmen nicht nur Rußland, sondern auch die Europäer als wirtschaftliche Konkurrenz für die USA schwächen.

Der russische Senator Wladimir Dschabarow sieht die US-Pläne als Teil eines Wettbewerbsbetrugs: „Nord Stream 2 hat nichts mit den Sicherheitsfragen in den USA sowie ihrer Verteidigungskapazität zu tun. Man will US-amerikanisches Gas aufzwingen, das wesentlich teurer ist.” (mü)

lundi, 02 décembre 2019

Jérôme Sainte-Marie sur le thème “Macron, le bloc bourgeois et les Gilets jaunes”

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Jérôme Sainte-Marie sur le thème “Macron, le bloc bourgeois et les Gilets jaunes”

 
Mercredi 9 janvier, aux “Mercredis de la NAR” nous recevions Jérôme Sainte-Marie sur le thème “Macron, le bloc bourgeois et les Gilets jaunes”. Diplômé de l’Institut d’Études politiques de Paris, politologue, spécialiste des études d’opinion, Jérôme SAINTE-MARIE préside la société d’études et de conseil Polling Vox.
 
Il a notamment publié « Le nouvel ordre démocratique » aux éditions du Moment en 2015. Au lendemain de l’élection présidentielle de 2017, Jérôme Sainte-Marie avait expliqué que le clivage droite-gauche s’estompait au profit d’un affrontement entre « libéralisme élitaire » et « souverainisme populaire » dont les Français avait de plus en plus nettement conscience et qui pourrait conduire à de très fortes tensions si un programme ultralibéral était appliqué.
 
Comment analyser aujourd’hui “Macron et le bloc bourgeois face à la révolte des Gilets jaunes ?”
 

dimanche, 01 décembre 2019

La Droite buissonnière de François Bousquet

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La Droite buissonnière de François Bousquet

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com

 
Nous avouerons sans peine que l'essai que François Bousquet a consacré à Patrick Buisson, un auteur à réputation médiatiquement sulfureuse que j'avais évoqué dans cette note, se lit non seulement sans peine mais avec un assez vif plaisir : nous sommes là, tout de même, avec La Droite buissonnière, face à un commentateur qui possède ses lettres et sait, à l'occasion, en jouer, à l'inverse des arrivistes incultes que sont Eugénie Bastié et Alexandre Devecchio pour n'en citer que deux parmi tant d'autres, que Jean-François Colosimo n'hésite pourtant pas à publier au Cerf, sans doute parce qu'il estime que leur surface médiatique est inversement proportionnelle à la qualité de leur prose insipide, et que dire de ce qui leur tient lieu de culture et de pensée. N'oublions pas que cette même Eugénie Bastié a pu être présentée, dans le numéro du mois de juin 2017 de la revue Éléments dont François Bousquet est le rédacteur en chef, comme une authentique insoumise, et que ce dernier a assuré la promotion, à l'occasion d'une conférence au cercle bruxellois Pol Vandromme, du dernier ouvrage d'Alexandre Devecchio, que j'ai surnommé Monsieur Euh... (un Euh... bien appuyé, vous suçant la semelle comme une plaque de gadoue) tant il est incapable d'aligner plus d'un mot sans prononcer celui de son fier patronyme, et qui, habitué du Figaro, n'a pas exactement besoin, euh..., de publicité. Autant de petites raisons, que les nobles âmes jugeront évidemment mesquines et même lamentables ce dont je me contrefous comme il se doit, qui pourraient me faire prendre en grippe une revue qui incarne à peu près tout ce que je déteste : le copinage idéologique à voilure plus ou moins ample, et qui n'épargne à l'évidence aucun organe de la Presse, y compris (surtout sans doute) tel ou tel qui se présente comme absolument pur de toute contamination consanguine.
 
Ajoutons, histoire d'enfoncer le clou ou d'aggraver mon cas ce sera selon, qu'Éléments n'a jamais cru devoir évoquer mon travail si ce n'est il y a fort longtemps, par le biais d'un Ludovic Maubreuil ou d'un Christopher Gérard. Cela ne m'empêche certes pas de dormir, pas plus que mon sommeil n'en a été troublé depuis que j'explore la Zone, mais enfin, quand je vois la place accordée à tant de nullités dont la moindre dégoulinade est tournée en bouche comme un nectar d'intelligence, quand je vois la haute considération entourant le ridicule Renaud Camus, je me dis que cette revue, puisque, à tout le moins, elle ne cesse de se dire indépendante de toute chapelle et de toute alcôve, s'honorerait d'évoquer le colossal travail d'anarque que j'abats depuis des années, et cela sans bénéficier des petites aides et renvois d'ascenseur si communs à droite, à gauche, au centre et aux bords (pour ne pas dire extrêmes). Ces plaisantes saillies, nous le verrons plus loin, ne traduisent pas que mon bannissement de ce type de revue, mais un mal plus profond, en lien direct avec le sujet du livre de François Bousquet : non seulement l'éparpillement des clans, à droite, pouvant peser sur une réflexion politique mais l'absence de véritable socle intellectuel sur lequel en bâtir une, ce qui est infiniment plus grave on me l'accordera.
 
Ce n'est en tous les cas que tardivement que j'ai lu le livre de François Bousquet, alors que je l'avais reçu au mois de mars 2017 en ma qualité de membre du jury de feu le Prix du livre incorrect, qu'André Bonet a récemment sabordé, sans doute pour laisser place nette aux batraciens de L'Incorrect, tout contents de pouvoir ainsi récupérer à moindres frais un intitulé qui leur permettra eux aussi de récompenser les productions de leurs petits copains et seulement elles, voire de les inviter à partager la flache dans laquelle ils barbotent et croassent lorsqu'ils voient passer une blonde à regard vide prénommée Marion, espérant qu'elle daignera leur accorder un chaste baiser qui les transformera aussitôt en Princes de la Chrétienté écrasant de sa superbe germanopratine et de son marteau dialectique le rusé donc fourbe Sarrazin.

FB-drbuiss.jpgMe relisant, je me dis que j'ai finalement du mérite à m'être en fin de compte plongé dans la lecture de l'ouvrage de François Bousquet dont on ne pourra guère m'accuser, du coup, de vanter louchement les mérites qui, sans être absolument admirables ni même originaux, n'en sont pas moins bien réels : mes préventions, toujours, tombent devant ma curiosité, ma faim ogresque de lectures, et ce n'est que fort normal.

J'affirmais que ce gros ouvrage de quelque 400 pages pour une fois à peu près correctement revu (1) se lisait très agréablement, peut-être parce qu'il se place sous les auspice du titre d'un des textes les plus connus de l'excellent critique que fut le regretté Pol Vandromme, sans doute encore parce qu'il évoque bellement des auteurs tels que Georges Bernanos (cf. p. 62) ou encore Pier Paolo Pasolini (cf. p. 36) et Léon Daudet, le gros Léon dont le verbe si extraordinairement pugilesque fut tout sauf rond et bonhomme (cf. p. 64), surtout enfin parce qu'il ne dédaigne pas appeler un chat un chat et une nullité journalistique une nullité journalistique (2) tout en filant, ici ou là, la métaphore, sans trop d'exagération pour que la pratique ne nous paraisse pas une coquetterie censée masquer de véritables lacunes ou faiblesses : «pour le Buisson ardent, le bûcher est toujours allumé» (p. 143) ou bien à propos de l'influent Alain Bauer, dont «l'entregent est transversal et transpartisan» et qui «graisse les gonds des portes du pouvoir ou les grippe au nom des solidarités d'appartenance», les siennes allant «préférentiellement à la franc-maçonnerie et à la police» (p. 348). D'autres font les frais, et c'est heureux, de l'alacrité de François Bousquet, excellent porte-flingue de Patrick Buisson puisque, au rebours des plus basiques règles de la défense rapprochée, il tire avant de désarmer l'adversaire ou plutôt, avec ces guignols malfaisants, l'ennemi. Enfin, un peu d'acidité distillée dans une écriture point aussi insipide que la camomille sirupeuse des sous-pigistes du Figaro et des maréchalistes à jabot transparent, incorrection germanopratine, petits poings roses fermés sous des gants de soie et langue effiloché et filandreuse !

On jugera ces traits de l'esprit des facilités, ce qu'elles ne manquent pas d'être bien sûr, même si elles restent, à une époque où l'essayiste le plus accompli écrit comme un notaire constipé, plus que jamais nécessaires à notre plaisir de lecteur, surtout aussi lorsqu'il s'agit de défendre et d'illustrer l'action d'un conseiller de l'ombre encore vivant sur lequel est tombé à bras raccourci et langue pendue «un syndic d'ambitions médiocres qui ne donnent leur mesure que coagulées contre l'homme seul, qu'il s'appelle le colonel Chabert, le cousin Pons, Vautrin ou Patrick Buisson» (p. 352). C'est sans doute en faire un peu trop dans la paternité d'un homme débarrassé des «affiliations partisanes» et appartenant selon notre commentateur aux irréguliers, aux anarques (tiens !) et aux mauvais esprits (p. 371) pour le coup même si, dans cette défense truculente, François Bousquet est infiniment plus convainquant qu'une Muriel de Rengervé endossant son armure de sainte Pucelle pour porter secours à Renaud Camus emprisonné dans la plus haute tour de son petit château.

Si la forme est agréable, le fond ne démérite pas, puisqu'il se propose d'examiner à l'air libre quelques-unes des racines intellectuelles ayant façonné la pensée politique de Patrick Buisson, que nous pourrions, en collant plusieurs citations de François Bousquet, résumer en peu de mot : une droite, buissonnière donc, autrement dit qui n'a pas eu peur de frôler les pires interdits structurant l'idéologie française et, plus largement, une politique qui «reposera sur l'imitation des pères, par l'émancipation des fils, et proclamera une loi entre toutes supérieure» consistant pour l'homme à s'acquitter, «noblesse oblige» (p. 65), de la charge qu'il a contractée dès sa naissance. Il s'agit donc de sortir, pourquoi pas par l'action du Prince ou plutôt du conseiller du Prince qui est aussi, selon Bousquet, le Prince des conseillers, de l'âge de la «moyennisation» tel qu'elle fut diagnostiquée par le sociologue Henri Mendras, à savoir un «effondrement de la qualité humaine» (p. 91) qui sera ainsi commodément rangée dans les petits tiroirs des pions déconstructeurs maîtres du nouveau monde dans lequel nous sommes d'ores et déjà entrés, où «toutes les identités subsidiaires, voire parodiques», sont recevables, «sauf l'identité nationale» selon les mots mêmes de Patrick Buisson que cite François Bousquet (p. 254).

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Quoi qu'il en soit, le rôle de Patrick Buisson n'est absolument pas à minimiser, malgré l'évidente nullité intellectuelle et la versatilité opportuniste du Président Nabot qu'il a conseillé car, selon François Bousquet, nous avons assisté à un véritable changement «dans l'ordre du discours» et même, n'hésite pas à affirmer l'essayiste, à «une révolution conservatrice», du moins à ses «premières lueurs», Sarkozy en ayant été «l'instrument», «inconscient, somnambulique ou contrarié, comme on voudra» et Buisson le «ventriloque» (p. 364). En fait, tout l'intérêt du livre de François Bousquet, outre celui consistant à reprendre, pour les contrer point par point, les allégations et fantasmes d'une Presse devenue totalement consensuelle et la gardienne du Camp du Bien, aura été de démontrer que «la ligne Buisson», moins que le politique on l'a vu si piètrement incarné par l'époux de Carla Bruni que moque allègrement François Bousquet, se sera efforcée d'agir sur l'ordre symbolique (cf. p. 366), osant de nouveau prononcer, après tant d'années d'une honte si intimement assimilée par les habitants de notre pays démoli qu'elle semble surgir immédiatement prête toutes les fois que naît un Français ne sachant quasiment plus rien de l'histoire grandiose de ce qu'il hésitera à reconnaître comme étant son propre pays, quelques mots chargés de dynamite (autorité, nation, etc.), même si nous avons pour le moins beaucoup de mal à imaginer de quelle façon nous pourrions faire revenir l'assise française, et cela dans ses composantes socio-intellectuelles, dans une «matrice chrétienne» (p. 370) qui ma foi, si elle n'est pas surnaturelle, aura au moins en toute logique théologienne force raison de disparaître, engloutie dans sa médiocrité et sa faiblesse.

Nous touchons-là le centre de l'essai de François Bousquet, que nous pourrions rapprocher des petites remarques ironiques mais pas moins vraies émises en début d'article, et qui n'étaient que faussement superficielles puisque, après tout, le livre de François Bousquet peut se lire, aussi, comme l'analyse spectrale de la droite française ou de ce qu'il en reste : aujourd'hui, le camp de la Réaction que nous opposerons au camp perclus du soi-disant progressisme qui ne fait que du surplace et du rabâchage depuis des lustres, est difficilement tenu par une poignée de petits cercles plus ou moins de droite ou d'extrême droite, mais qui en aucun cas n'accepteront de se fondre en une puissante force capable de porter vers la présidence de la République une personne censée porter et même mettre en pratique ses idées. Nous nous trouvons bien au contraire face à une multitude d'intérêts, parfois profondément contradictoires (la droite royaliste méprise la droite lepéniste qui le lui rend bien, la droite catholique se pince le nez et murmure des oraisons devant la droite païenne qui la trouve fossilisée, la droite anarchiste les regarde toutes de haut), mais qui pourtant ne se privent pas de s'entraider, ou, plus sordidement, de s'entrelécher à l'occasion et suivant les intérêts, petits ou grands. Patrick Buisson a cru ou semblé croire, un temps du moins, que Nicolas Sarkozy, en dépit de sa médiocrité politique et intellectuelle patente, pouvait traduire ces idées de droite, jamais vraiment appliquées, en actes, comme si un homme mille fois plus constant, courageux et intelligent qu'il ne l'aura jamais été pouvait, à lui tout seul, replanter l'arbre français catholique déraciné, conférer une nouvelle harmonie à un organisme privé de vertèbres, de cœur et même de cerveau, pour ne rien dire de l'âme !

BdC-île.jpgReste une autre solution, plus fictionnelle, donc métapolitique, que réellement, modestement politique, sur le papier en tout cas ne souffrant point l'endogamie propre à l'élite française, de droite comme de gauche, solution purement romanesque qu'explore Bruno de Cessole dans son dernier livre, L'Île du dernier homme, et que nous pourrions du reste je crois sans trop de mal rapprocher de la vision de l'Islam développée depuis quelques années par Marc-Édouard Nabe, consistant à trouver, dans la vitalité incontestable des nouveaux Barbares, le sang nécessaire pour irriguer la vieille pompe à bout de force d'un Occident en déclin, d'une France complètement vidée de sa substance, d'un arbre, si cher au Barrès des Déracinés, qui a perdu toutes ses feuilles et ne fait plus de bourgeons. Je doute que cette vision que l'on pourrait à bon droit qualifier de facilement esthétisante ou de dangereusement nihiliste et que je me bornerais pour ma part à prétendre strictement réaliste, ainsi qu'une voie géopolitique méritant, comme une autre, d'être explorée du moins intellectuellement, comme le montre par exemple le propos d'un Michel Houellebecq dans Soumission, je doute donc qu'une telle ligne, fictionnelle au mauvais sens du terme, fictive, puisse être facilement acceptée par Patrick Buisson ou même par son excellent interprète, François Bousquet. Pour ma part, la plus grande des fictions, la plus ridicule des fables serait assurément de croire que la France va être rebâtie autour du sabre et du goupillon : les épées sont de mousse et les curés michetonnent le surnaturel.

Notes

(1) François Bousquet, La Droite buissonnière (Éditions du Rocher, 2017). Je n'ai relevé qu'une seule coquille, outre un détail d'ordre typographique (cf. p. 229) à la page 228, revenue et non pas «revenu» puisque l'auteur évoque la gauche, couvertures de magazines plutôt que «magazine» (p. 356). Notons aussi quelques répétitions malencontreuses de termes à quelques lignes d'écart (comme «jamais» p. 270 ou «également» p. 323).
(2) Mention spéciale à Ariane Chemin, objet, avec sa collègue Vanessa Schneider du Monde du mépris viscéral de l'auteur, en raison de la pseudo-enquête qu'elles ont publiée sur Patrick Buisson en 2015, intitulé Le mauvais génie.

Improvisations européennes

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Improvisations européennes

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Ancien rédacteur des discours du premier président du Conseil européen, le Belge Herman van Rompuy, et auparavant conseiller politique du libéral Frits Bolkestein, le Néerlandais Luuk van Middelaar examine en historien et en philosophe politique le fonctionnement de l’Union dite européenne dans un essai incontournable, Quand l’Europe improvise. Dix ans de crises politiques (Gallimard, coll. « Le débat », 2018, 412 p., 24 €).

Longtemps, l’organisation de Bruxelles a végété dans une rassurante routine. « Traditionnellement, les institutions de l’Union européenne, écrit-il, sont uniquement aménagées en fonction d’une politique de la règle afin de construire et d’équilibrer un marché (p. 25). » Or une série de crises majeures (sort de l’euro, désastre financier grec, guerre dans l’Est de l’Ukraine, arrivée massive des « migrants », Brexit, élection de Donald Trump) bouleverse cette douce torpeur. « Dans ces crises, observe l’auteur, l’Union a dû abandonner le cadre sacro-saint de sa vision éternaliste et agir pour survivre. Une tâche colossale : être prête à faire face aux imprévus et mener une politique de l’événement (p. 222). » Jusqu’à ces moments critiques cruciaux, les instances dites européennes se complaisaient dans la « politique de la règle », car « le projet de construction initial, resté longtemps dominant, poursuit-il, consiste dans la dépolitisation par le droit (p. 19) ». Dans une approche très schmittienne, Luuk van Middelaar pense que « les crises exigent une capacité d’action politique différente de celle que permettent les structures bruxelloises traditionnelles. Elles requièrent non des normes, mais des décisions (p. 18) ». Les dirigeants de l’Union pseudo-européenne ont dû improviser afin de donner un contenu politique pertinent à un ensemble polysynodal en proie à la multiplication des oppositions, des fractures et des contentieux.

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Il en résulte de fortes tensions entre le Conseil européen, la Commission, le Parlement européen, les agences supranationales, voire la Banque centrale de Francfort et la Zone euro en tant que telle. Ces différents, parfois virulents, sont légitimes puisque « l’Union regroupe une diversité d’États qui apportent chacun leurs intérêts, leurs valeurs et leur expérience à la table des négociations (p. 230) ». L’auteur a-t-il saisi l’essence des rouages eurocratiques ? Dans un entretien accordé à la revue Nationalisme et République (n° 2, automne 1990), le professeur Julien Freund déclarait déjà : « Ce qu’il importe que les Européens comprennent, c’est que leur civilisation n’a jamais reposé sur une équivalence, mais sur des possibilités de contestations, de conflits et par conséquent sur des compromis vivifiants dans le respect des différences de vivre des divers peuples qui composaient l’Europe. » Un embryon de souveraineté s’ébaucherait-il au moyen des réunions fréquentes du Conseil européen ? Cette assemblée regroupe les chefs d’État et de gouvernement des États membres ainsi que son propre président et celui de la Commission; elle devient ainsi l’exécutif collectif ultime hors de toute classification constitutionnelle habituelle. Le Conseil européen prend à partir d’un consensus unanime (ou presque !) des initiatives déterminantes qui peuvent outrepasser la lettre des traités européens.

LVM-livreNL.jpgL’auteur justifie cette primauté institutionnelle. « L’Union est une alliance d’États et non un État. Les moyens humains et matériels de la politique étrangère demeurent en grande partie entre les mains des membres. Cela vaut tant pour les diplomates que pour les forces armées, les services d’espionnage ou les fonds alloués (p. 319). » Mieux, depuis 2009, le Conseil européen n’accepte plus les ministres des Affaires étrangères. « Ce retrait […] revêt une signification bien plus large : la politique européenne n’est plus de la politique étrangère, elle est devenue avant tout politique intérieure (p. 282) ». Pour y participer, « on envoie le chef de l’exécutif politique (p. 279) ». Mais Luuk van Middelaar ne maîtrise pas le droit constitutionnel; il oublie qu’en période de cohabitation française ou polonaise peuvent siéger côte à côte les deux responsables nationaux, chef d’État et chef de gouvernement.

Luuk van Middelaar remarque qu’« en plus d’être un fait historique et juridique, l’Europe politique n’a cessé d’être une promesse, la promesse d’une nouvelle ère, de “ plus jamais la guerre ” (p. 237) ». Il lui manque une maturité acquise de manière tragique. Cependant, « dans des situations anormales, la politique sous-jacente sort de l’obscurité pour se manifester sur le devant de la scène (p. 15) ». Les quelques crises qu’il évoque ne sont qu’un tout petit aperçu des prochaines tempêtes.

Tenant d’une « souveraineté européenne », Emmanuel Macron l’a-t-il compris, lui qui annonce dans The Economist la « mort cérébrale de l’OTAN » ? L’auteur l’anticipe. À ses yeux, « pour la France et l’Europe, la question décisive se trouve à Berlin. Si les Américains replient leur parapluie nucléaire, où les Allemands iront-ils chercher refuge ? Dans la neutralité ? Dans un nationalisme de puissance moyenne ? Ou dans un système européen garanti au fond par la force de frappe française ? La dernière option, pour l’instant la plus probable, redistribuerait les cartes entre Paris et Berlin et pourrait même entraîner des quid pro quo, des échanges de bons procédés sur d’autres plans, y compris celui de l’euro (p. 407) ». Or, il relève aussi l’éclatant contraste d’ordre ethnopsychologique entre les Français et les Allemands. « Les différences de caractère entre ces peuples rejaillissent dans leur façon d’interpréter les concepts “ règle ” et “ événement ”. En Allemagne, la règle équivaut à l’équité, l’ordre, l’intégrité. En France, par contre, le centre de gravité sémantique du mot se déplace légèrement, passant de la protection à l’obstruction : et voilà que la règle renvoie à la coercition et à la soumission. […] Face aux règles, Paris a tendance à plaider en faveur d’un surcroît de flexibilité, tant pour les autres que pour elle-même. La France justifie de préférence la violation d’une règle en avançant des “ circonstances exceptionnelles ”. Berlin, qui observe cette attitude depuis quatre décennies, l’estime irresponsable, opportuniste et témoignant de mauvaise foi. Aux Allemands, qui donnent la priorité à une juste application de la même règle budgétaire par tous, on reproche d’être rigides et bornés quand on n’attaque pas leur obsession historique de l’inflation (p. 232). » Ces divergences fondent-elles pour autant une souveraineté contractuelle commune ?

Luuk van Middelaar oublie seulement de mentionner que même isolationnistes, les États-Unis n’accepteront jamais une quelconque indépendance stratégique de l’ensemble européen. Il n’est pas anodin que des pans entiers des industries d’aéronautique, d’armement, d’informatique, de bio-technologie du continent européen soient dès à présent dans les mains des entreprises étatsuniennes. Le rêve des nationalistes yankees à la Steve Bannon serait de remplacer l’OTAN par des accords bilatéraux de défense conclus entre Washington et chacune des quelque trente capitales soumises du Vieux Continent. L’émancipation de l’Europe n’est pas pour demain, ni même pour après-demain.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 149, mise en ligne sur TV Libertés, le 25 novembre 2019.

mercredi, 27 novembre 2019

Quelle interprétation de l’eurasisme ?

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Quelle interprétation de l’eurasisme ?

 

par Yohann Sparfell

Ex: https://www.in-limine.eu

Chez de nombreux nationalistes et dissidents des nations occidentales, qui comprennent toutefois l’importance de prolonger leur idéal en direction du redressement spirituel et politique de la civilisation européenne, le néo-eurasisme est perçu de plus en plus, nous semble-t-il, comme une doctrine politique, géopolitique, et même métapolitique, intéressant exclusivement la Russie. Nous pensons que cette aperception des choses est issue d’une interprétation de cette nouvelle théorie politique qui émane principalement de deux éléments, historique et conjoncturel : d’une part le fait que l’eurasisme soit à son origine, c’est-à-dire au début du XXième siècle, l’aboutissement du travail intellectuel de penseurs russes, certains émigrés en Europe de l’Ouest (Mendeleev, Troubetskoï, Florovsky, Alexeïev, etc.) et, d’autre part, que la majorité des militants européens actuels ne saisissent pas toujours clairement la nécessité, simultanément à leur combat (consistant à stimuler et à affirmer la singularité d’une civilisation, la civilisation européenne, à partir de ce qui subsiste de ses fondements culturels et spirituels), de participer à l’élaboration d’une nouvelle théorie politique universelle propre à proposer de façon adéquatement différenciée à chaque civilisation un devenir qui s’ « abreuve » de la Tradition et qui s’oriente par rapport à la Centralité atemporelle de Celle-ci (cet enjeu hautain se situe donc au niveau supérieur de la doctrine, et au-delà, au niveau d’une vision spirituelle universelle du monde, avant même de pouvoir se situer au niveau inférieur, quoique essentiel, de son adaptation à une civilisation en particulier afin de lui restituer un Centre immatériel inspiré par cette vision supérieur du monde, bref, d’instaurer un Imperium européen).

Le premier élément, historique, ci-dessus mentionné, pourrait sembler surmonté par l’effet du temps, mais en apparence seulement, surtout chez certains nationalistes de l’Europe de l’Est principalement, puisqu’il joue encore, du fait de son origine russe, un rôle répulsif tant il est vrai que l’eurasisme représente pour eux un idéal oriental, asiatique, donc strictement étranger à la culture européenne originelle, et qui plus est, amalgamé au passé bolchévique. Il est exact que l’eurasisme initial s’appuyait grandement sur un « fusionisme » slavo-turco-musulman en phase avec la vision d’une destinée impériale singulière multi-ethnique et multi-nationale de la Russie intégrant ses aspects européen et turco-mongol. Il était effectivement l’aboutissement doctrinal d’une volonté, dans l’esprit de ces penseurs russes exilés, consistant à redonner des perspectives véritablement impériales à la Russie, c’est-à-dire d’en faire le siège du Centre politique et spirituel d’une civilisation prétendument singulière, suite aux enseignements qu’ils ont pu tirer de la révolution bolchevique. Mais le but ici n’est pas d’analyser, même brièvement, cet eurasisme originel car nous pensons pour notre part que le néo-eurasisme, que nous participerons ici à faire mieux appréhender sous le vocable d’« eurasisme », tout simplement, a su dépasser, grâce aux travaux et aux relations internationales soutenus par Alexandre Douguine et bien d’autres, l’espace auquel il s’était donné pour tâche sacrée à l’époque de redonner une Vie spirituellement ordonnée. Il nous faut aujourd’hui « européaniser » cette pensée féconde, car elle est, en réalité, issue de l’Europe même, de l’expérience historique de cet Europe slavo-caucasienne étendue aux nations touraniennes limitrophes.

Le second point, que nous avons qualifiés de conjoncturel, pourrait être lié au fait que la Russie s’affirme de plus en plus comme un acteur majeur du jeu géopolitique mondial actuel. Partant, ce qui est perçu de façon croissante comme une Nation qui non seulement voudrait affirmer sa singularité telle une civilisation en propre mais qui, dans le même temps, est victime d’un ostracisme de la part du cartel des pays occidentaux (sous la pression américaine), se voit bénéficier, et ce d’un point de vue qui peine à comprendre la nécessité actuelle d’une nouvelle démarche spirituel et politique vers l’universel, d’une théorie politique « appropriée » qui serait donc prétendument adaptée à son paradigme culturel, géographique et historique, voire ethnique (ce qui en soit est un non sens puisque la Russie est ethniquement et majoritairement indo-européenne), : l’eurasisme. Dans l’esprit de ces contempteurs de l’univers russe, ainsi d’ailleurs que de beaucoup d’eurasistes russes eux-mêmes, l’eurasisme serait par conséquent le prolongement doctrinal d’une césure civilisationnelle séparant la Russie du reste de l’Europe, position affirmée par Douguine lui-même (qui estime que la Russie est une civilisation orientale fortement influencée par la culture touranienne. Mais nous pourrions répondre que l’Europe, plus à l’ouest et au sud, a aussi été influencée par les cultures touranienne sans pour autant qu’elle n’en reste européenne). Il est tout à fait exact de dire que cette doctrine prend directement en compte les situations géographique et géopolitique russes au sein du Grand Continent Eurasien et la réalité socio-culturelle des peuples divers qui composent la Fédération de Russie aujourd’hui en phase d’affirmation empreinte d’incertitudes et d’hésitations à l’égard du reste de l’Europe. Cette nouvelle théorie politique, et spirituelle (ce qu’elle se doit d’être en tout premier lieu – mais nous y reviendrons), est centrée (et ce terme est d’importance à cet égard) sur une réalité des rapports internationaux actuels et une certaine aspiration qui en découle logiquement (sentiment d’exclusion de la sphère originelle européenne – sanctions, présence de l’OTAN aux frontières occidentales de la Russie, etc.). Il est bien entendu que cette aspiration motivée par la réalité actuelle d’un Occident en perte d’hégémonie ne saurait qu’être mis en parallèle avec l’absence de réelle aspiration autonome d’une Union Européenne engluée dans son atlantisme et son néo-libéralisme destructeur.

La démarche russe vers une vision civilisationnelle auto-centrée est fondée d’après la position centrale de cette immense Nation, position tout autant historique que géographique issue de la rencontre des peuples indo-européens et de peuples touraniens dans leur marche eschatologique respective, les premiers cherchant le levant et les immensités continentales du sud-est, les seconds le couchant et l’ouverture vers les mers occidentales du sud-ouest. Il ne saurait être question de nier l’Histoire, ni d’ailleurs la réalité de la mission historique d’une Nation indo-européenne qui devait pousser vers l’Est et les Grands Espaces eurasiens pour l’affirmation du pouvoir européen en Eurasie. L’eurasisme se fonde sur la reconnaissance des implications de cette aventure humaine guerrière et créatrice ayant finalement abouti à une Fédération de peuples multi-ethniques (mais avec l’ethnos slavo-caucasien au centre de cette dynamique nationale) dont la particularité est d’assumer aujourd’hui à elle seule un rôle de pivot et d’ouverture entre l’Orient et l’Occident. La Russie actuelle, avec les nations indépendantes qui lui sont historiquement, culturellement et économiquement liées, ainsi que spirituellement (soit l’Arménie, la Géorgie, la Biélorussie, l’Ossétie, etc.), participent bien à leur manière d’une civilisation qui s’est étendue historiquement au cœur de l’Eurasie, soit l’Europe, d’où elles jouent en réalité le rôle de lien entre cette dernière et l’Orient (Chine, nations turciques centre-eurasiennes et nations principalement d’origine indo-européennes du Sud eurasien : Iran, Inde). Son héritage européen primordiale, et toujours actif dans la pensée eurasiste même, ne saurait édulcorer une réalité rendue bien plus complexe et diverse par sa rencontre avec l’Orient, d’autant plus assumée de par son extension au sein du continent eurasiatique jusqu’au Pacifique (les Cosaques atteignent le Pacifique en 1640) et le Caucase (annexion de diverses nations caucasiennes au début du XIXième siècle : Arménie, Daghestan, Azerbaïdjan), ce qui a renforcé d’une certaine façon sa singularité par rapport au reste de la Mère Patrie européenne. Mais d’une certaine façon seulement car les liens, pour être distendus, n’en sont pas moins présents vers l’Europe dans une vision partagée de l’homme que l’on pourrait à juste titre relier à un « humanisme » européen originel hérité des traditions pré-chrétiennes aujourd’hui en grande partie dévoyées dans le catholicisme réformé, mais mieux conservés dans l’orthodoxie russe. La Russie est et restera européenne, si l’Europe, et elle-même, le veulent !

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L’eurasisme est donc issu d’une prise de conscience de la généalogie d’une Nation singulière au sein de laquelle ce courant d’idée apparu, avec tout ce qu’une telle connaissance peut être à même d’engendrer au crépuscule d’un monde qui s’efforce de nier la réalité profonde et sacrée de l’affirmation de la personnalité (à l’antithèse de l’individu). L’eurasisme est donc une approche civilisationnelle, impliquant profondément une démarche spirituelle, et géopolitique, pour laquelle importe avant toutes choses que les hommes, ainsi par conséquent que leurs communautés, puissent s’assimiler la force supra-humaine qui les fit naître singulièrement au sein du monde créé, et s’affirmer au travers elle. De Vladivostok à Lisbonne, cette affirmation est européenne. L’eurasisme est d’essence européenne, même si sa portée spirituelle se doit être universelle.

L’eurasisme est donc né d’une prise de conscience de la constitution originelle, spirituelle et singulière d’une Nation eurasienne (dans le mot « Eurasie », il y a Europe autant que Asie !) de la part de penseurs politiques et de philosophes russes qui avaient touché du doigt l’essence sacrée et axiale de sa « présence au monde ». Nous avons vu que cette théorie politique, malgré qu’elle ait pu être inspirée par la singularité de l’Histoire russe et qu’elle soit néanmoins profondément européenne (mais non occidentale), peut avoir pour destinée d’intéresser (dans une volonté mondiale d’instaurer une affirmation et, dans le meilleurs des cas, une harmonie des civilisations) l’ensemble des civilisations humaines, mais surtout d’être un mode de pensée au travers duquel celles-ci sauront à même de pouvoir dominer leur devenir. Il faut bien comprendre que l’eurasisme se veut être une nouvelle théorie dite « politique » qui, pour autant, est d’abord et plus profondément d’essence spirituelle. Elle nous invite en tout premier lieu à nous réorienter par rapport à un Centre qu’il nous sera nécessaire de découvrir au cœur de chaque civilisation comme de chaque communauté et personne la composant. Ce Centre n’est pas fondamentalement différent d’un point à un autre (d’une entité humaine à l’autre), mais il est d’une même Nature spirituelle partout, de formes diverses dans ses manifestations singulières, mais pourtant Un en chaque émanation de l’Être. C’est en cela que l’eurasisme peut représenter le moteur spirituel de l’élévation des esprits vers une nouvelle interprétation de l’universel, un universel qui ne saurait être confondu avec l’uniformité (ou, ce qui revient pratiquement au même, à l’universalisme), à moins de vouloir corrompre ce qui constitue les fondements de cette nouvelle théorie. En d’autres termes, l’eurasisme est une volonté opportune d’orientation vers la Tradition et son Centre céleste que notre civilisation européenne, Russie incluse, situa en Hyperborée, où nous aurons bien le besoin, il va sans dire, de nous ressourcer.

Cette nouvelle théorie, dont on a vu qu’elle est d’essence européenne et d’esprit universel (sans pour autant en faire un nouvel universalisme), est en outre politique et géopolitique, et donc pleinement apte à s’intégrer à l’espace planétaire de la pensée humaine du XXIième siècle qui prend peu à peu conscience de l’inconséquence aporétique dans lequel l’enferme la théorie néo-libérale, seule rescapée et en même temps héritière des fourvoiements idéologiques du XXième siècle. Cette théorie est donc amenée à participer au renouvellement radical (dans le sens réel du terme, c’est-à-dire qui revient à la racine, à l’essence des « choses ») d’une pensée politique qui s’est effectivement articulée jusque présent autours des trois théories politiques que sont le communisme, le nationalisme et le libéralisme, y compris dans toutes leurs variantes, jusque récemment, donc incluant la forme postmoderne du libéralisme : le post-libéralisme impolitique qui s’est de manière insidieuse immiscée en chacune des civilisations de façon à leur ôter toute réelle vocation et leur empêcher de participer à une nouvelle harmonie internationale nommée multipolarité ou encore mieux, polycentricité. Parce que l’eurasisme est aussi, et en second lieu après son approche affirmée d’une réorientation spirituelle du monde, la théorie de la multipolarité civilisationnelle qui, à son tour, intéresse l’ensemble des civilisations ainsi que des communautés humaines en cours de réaffirmation et de ré-identification à leurs fondements originels.

Mais si l’eurasisme est une théorie géopolitique, centrée sur l’essence spirituelle des civilisations et sur les rapports singuliers qu’elles entretiennent à leur propre espace (espace ayant participé à leur fondation charnelle), elle est donc aussi une théorie politique, la Quatrième Théorie Politique, dont la particularité est justement de vouloir redonner au terme même de « politique » une légitimité au regard du devenir des communautés humaines. Le politique doit justement redevenir un Art au travers duquel les personnes pourrons, et même devrons, se réorienter elles-mêmes vers le centre ordonnateur et harmonisateur de chaque communauté dont elles sont membres, vers leur propre manière d’ « habiter le monde ». La décision, qui se doit de se nourrir de la multiplicité des points de vues exprimés librement, retrouvera en dernier lieu une centralité qui la soustraira de toute obscurité liée aux instabilités de la matière (c’est-à-dire des vicissitudes liées au monde inférieur de la nécessité). La centralité et la multiplicité ne devront plus être antinomiques mais devront au contraire pouvoir se réaffirmer conjointement au travers du politique et du compromis qui lui est lié, tout comme du spirituel, qui s’incarneront dans le Bien commun. L’eurasisme est une théorie politique qui porte en elle ce principe hautain visant à élever le politique au-dessus des conflits d’intérêts (notamment économiques) et de le soumettre à la supériorité du spirituel (par le biais du Bien commun tel que nous le comprenons et tel qu’il doit être compris dans l’optique de la Quatrième Théorie Politique), au travers d’une reconnaissance toute singulièrement européenne et de l’inéluctabilité des jeux de pouvoir et de la nécessité de les circonscrire au sein d’une juste hiérarchie.

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Au vue de ce qui précède, nous considérons qu’il serait tout à fait inopportun d’estimer que l’eurasisme puisse intéresser exclusivement l’univers russe, ou adapté spécifiquement à cet univers « oriental » (par rapport au reste de l’Europe), malgré que cette théorie ait été marquée par cette spécificité depuis son origine pour s’ouvrir inévitablement vers l’universel par la suite. Les militants européens auraient donc toute légitimité à s’en réclamer à l’égard d’une nouvelle affirmation de l’Europe qui paraît encore, somme toute, hypothétique au vue du manque cruel de volonté de ses dirigeants actuels (manque de volonté de se dégager de l’hégémonisme unipolaire américain hérité des deux grandes guerres du XXième siècle, comme du totalitarisme rampant du post-libéralisme « libéré » du politique et des enracinements). Et si la civilisation européenne pouvait avoir une chance de se ré-élever (et redevenir Kultur !) en nous efforçant d’étudier et d’adapter les idées de l’eurasisme (et donc la doctrine d’une Quatrième Théorie Politique européenne), ce ne serait justement pas pour dévier de ce qui fait la singularité du langage et de l’Idée originelle de notre civilisation (puisque l’eurasisme, comme nous l’avons déjà dit, est d’essence européenne selon nous), mais au contraire, pour pouvoir l’affirmer au regard d’une théorie politique et géopolitique qui fait des civilisations et de leur singularité les axes autours desquels devront s’articuler de nouvelles théories et de nouvelles pratiques distinctives au sujet de l’homme et de ses relations à l’Autre et son environnement.

L’eurasisme n’est donc pas étranger à l’Europe car il s’agit là en réalité du nom donné à une nouvelle théorie politique, avec un volet géopolitique crucial, que chaque civilisation devra aborder et s’approprier à sa façon et selon sa propre vision originelle du monde et de l’homme. L’enjeu n’est pas, effectivement, de s’efforcer de regarder le monde par le petit bout de la lorgnette russe, mais bel et bien d’asseoir et d’affirmer notre propre vision du monde originelle européenne (que nous avons en partage avec les nations ethniquement européennes à l’est du Dniepr) tout en nous efforçant de dépasser les chimères qui, jusqu’à aujourd’hui encore, nous servent de guides intellectuels dans nos errements inconséquents.

Nous pouvons d’ailleurs émettre aujourd’hui un autre argument en faveur de l’eurasisme qui puisse en faire un instrument conceptuel, mais aussi réaliste, visant à faire ré-émerger l’Idée européenne (un humanisme originel ayant une vision réaliste de l’homme) des limbes dans lesquelles l’ont plongés les idéologues néo-libéraux. La Russie et les nations qui gravitent historiquement autours, comme précédemment mentionnées, sont primordialement de culture européenne, comme nous avons déjà pu l’exprimer ici. Mais, la réalité géopolitique du monde actuel, incitant à ce que la multipolarité s’affirme dans les rapports internationaux, tendra en outre à faire que les entités nationales de l’ex-URSS et les autres nations européennes se rapprochent de plus en plus de façon à intensifier leurs coopérations et leur intégration face aux tentatives ou potentialités hégémoniques émanant d’autres pôles plus puissants comme l’Amérique du Nord ou la Chine. Elles le devront aussi du fait des menaces qui, déjà, frappent à leur porte, notamment celles concernant l’immigration de masse et le terrorisme islamiste. C’est sans doute, et ce en vertu de la réalité des tendances des relations internationales actuelles, l’ensemble civilisationnel regroupant les nations russo-eurasiennes et européennes (de l’actuel UE), grâce à une coopération étroite et suivie, qui sera le Grand Espace au sein duquel l’eurasisme, dans toute l’Europe, devra s’affirmer une fois dépassés les vieilles rancœurs qui, encore, alimentent les discours officiels de dirigeants et de médias qui restent désespérément accrochés à leurs lubies idéologiques et leurs dépendances (sous)-culturelles. Cela doit être un argument de plus en faveur du fait que l’eurasisme, et la Quatrième Théorie Politique, non seulement ne sont pas exclusivement liés à la Nation russo-eurasienne (la Fédération de Russie et ses nations « satellites »), mais en outre qu’elle peut être à même de permettre de refonder un Grand Espace géopolitique (et spirituel) euro-asiatique (ou eurasien) qui pourra être à même de s’affirmer dans le chaos mondial actuel résultant de la dilution d’un ordre des rapports internationaux qui ne peut résister aux problèmes et contradictions qu’il a lui-même engendré dans le cours hégémonique du néo-libéralisme triomphant (la « Grande Europe » de Rejkjavik à Vladivostok).

L’eurasisme est une arme conceptuelle (tout en étant plus fondamentalement la clef doctrinaire de la réémergence possible du logos originel européen devant ouvrir à une nouvelle conscience spirituelle et communautaire civilisationnelle) qui intéresse primordialement l’Europe et la Russie en tant que Nation européenne, ensembles, unies par une volonté nouvelle d’inspirer un monde capable de dépasser (mais non d’annihiler) l’antagonisme entre l’universel et l’individuel. Ce que nous pourrons fonder de façon préliminaire de par nos relations entre les nations européenne et russo-eurasienne, et de par les relations alors plus assurées entre l’Europe et les autres civilisations mondiales, seront à la base d’un nouvel ordre de rapports internationaux qui devra émaner d’un respect du à chaque singularité et de relations non basées sur l’hégémonie et l’unilatéralisme.

Nous pouvons par conséquent nous réclamer avec force et conviction de l’eurasisme tout en ayant une foi profonde et enracinée à l’égard du devenir de l’Europe, en tant qu’européistes (malgré tous les à priori qu’inspirent ce terme à un certain nombre de néo-souverainistes) . Nous ajoutons même, que l’un engage fortement l’autre puisque l’eurasisme est un engagement en faveur de la renaissance et de la Puissance de notre civilisation européenne dont nous pouvons alors prendre conscience de ses potentialités en tant que pôles géopolitiques prenant une part considérable, si ce n’est fondamentale, au renouvellement radical des relations internationales (d’où l’importance aujourd’hui à ce qu’un Imperium européen post-UE s’associe étroitement aux initiatives russes de redéfinition des rapports internationaux et inter-civilisationnels). L’eurasisme n’est, en effet, pas séparable du projet de construction d’un ordre mondial organisé autour du principe de la multipolarité. Il n’est pas séparable, non plus, d’une vision organique des communautés humaines qui inclus les régions, les nations, les ethnies et les peuples dans un respect de la diversité culturelle, politique et spirituelle qui devra structurer le monde multipolaire à venir. L’eurasisme, si l’on peut dire, est un globalisme de la « périphérie » qui se doit de s’élever contre le globalisme du « centre » imposé, entre autres, par l’arme déstructurant des « droits de l’homme » et par le Marché. Nous pouvons d’ailleurs constater que, de ce point de vue, le mouvement des Gilets Jaunes, d’une certaine façon et de façon relative, s’engage inconsciemment dans cette voie, et est donc partie prenante de ce combat eurasiste.

L’eurasisme n’a aucune « vérité révélée » à imposer d’une façon ou d’une autre aux peuples et aux civilisations car il englobe une prise de conscience de la nécessité de respecter les diverses visions du monde qui construisent les humanités. Sa structure théorique s’appuie sur une appréciation spatiale (non principalement selon le sens anglo-saxon du terme, soit une ambition tournée vers la conquête, horizontale, mais selon une vision « cosmique » qui donne priorité à l’ordre et à l’harmonie, verticale) des civilisations dont l’enjeu primordial est pour chacune d’entre elles de pouvoir bâtir leur devenir à la lumière de leur tradition, tout en participant activement à l’élaboration d’un nouveau type de relations internationales au cœur desquelles s’imposeront une pleine conscience des réalités géographiques (économiques, énergétiques, etc.) ainsi que des différences d’approches culturelles, voire spirituelles et religieuses, plus ou moins reliées à ces réalités.

L’eurasisme est donc un appel à une nouvelle tentative d’harmonisation du monde, dont il est su au préalable qu’elle sera toujours en chantier, et non pas un quelconque espoir en faveur d’un nouvel idéalisme, de nouvelles croyances, soit une nouvelle idéologie abstraite. C’est une nouvelle théorie politique et géopolitique qui est une conscience de ce que le monde ne saurait se plier à la contrainte d’idéologies abstraites sans se sacrifier sur l’autel du vice et du faux (les abstractions sont des constructions inséparables de la pensée qui ne doivent pas pour autant s’imposer dans les esprits comme buts. Comme l’écrivait Heidegger, le mot allemand bauen veut dire bâtir, mais aussi habiter, signifiant en cela que nous ne saurions échafauder sans y trouver profondément un sens dans la réalité en fonction de la singularité de nos être-là, de notre façon d’être-dans-le-monde). C’est en cela que l’eurasisme est un dépassement, une Nouvelle Théorie, qui se positionne entre les fondamentaux de l’homme et ses responsabilités quant à son accomplissement par et pour son monde. L’eurasisme nous offre à ce titre une perspective qu’il appartient à chaque civilisation de mettre en œuvre selon sa propre weltanschauung.

L’eurasisme européen (de Lisbonne à Vladivostok et de Hammerfest à Erevan) peut donc devenir une réalité dans nos cœurs, dans nos pensées et nos actes pour peu que nous sachions bien comprendre ce qui en fait sa force et toute sa potentialité rénovatrice et créatrice. C’est pour cela, en tout cas, que nous-mêmes nous nous reconnaissons en tant qu’eurasiste et que nous désirons contrer la tendance actuelle en Europe à vouloir refouler cette Idée dans les strictes limites d’une « civilisation » russo-eurasienne qui est plutôt, en réalité, une part inespérée et un tant soit peu préservée de l’ancienne Kultur européenne. Puissions-nous en réalité nous inspirer aujourd’hui de cette Sainte Sagesse qui y a été relativement épargnée des affres de la Modernité par une Histoire à mille lieux des chemins perfides de la démocratie libérale.

Il devient indispensable de tourner le dos à une certaine vision de la géopolitique qui en fait toujours l’instrument scientifique au service de l’extension d’une puissance malsaine et illusoire, bref, de l’impérialisme. La géopolitique doit devenir pour nous, et dans le respect des différences culturelles et spirituelles, un outils au service d’une nouvelle harmonie entre les nations et les civilisations. L’Europe et ses nations doivent pouvoir y puiser la force de réorienter leur devenir en accord avec les grands projets mondiaux qui, au fils des ans, changeront radicalement l’ordre du monde (nous pensons ici entre autres au projet de Nouvelle Route de la Soie – Belt and Road Initiative – mené par la Chine) ; mais à la condition que nous ayons acquis au préalable les conditions, tant économiques, politiques que culturelles, de les accueillir favorablement et équitablement.

L’eurasisme est une Idée que les peuples et les civilisations devront s’approprier en fonction de leur propre vision du monde. Elle est donc l’alpha d’un mouvement créateur singulier et propre à chacun dont l’aboutissement, l’omega, devra être le dépassement de limites qu’aujourd’hui nous subissons de par l’hybris mondialiste. Elle est une force, nous le rappelons, qui nous fera élever l’Idée européenne, et qui, en outre, nous fera réinterpréter à la lumière de notre humanisme originel la présence de la France en Europe et dans le monde.

L’eurasisme repose essentiellement sur cette réorientation, et c’est bien la raison pour laquelle il serait injuste de prétendre qu’il ne saurait intéresser que la Nation russe (sinon nous ne parlerions que du sens vulgaire et galvaudé de l’ « intérêt », du sens individualiste). Il sera bien plutôt au centre de l’intérêt (inter-esse, être ensemble) des peuples européens, russe inclus, donc au centre de la Nation européenne sous la forme de l’européisme. Il n’existe pas essentiellement de civilisation russo-eurasienne selon nous, n’en déplaise à notre ami Alexandre Douguine, il existe par contre des cultures, des façon d’ « habiter » le monde, russe, arménienne, française, allemande italienne, islandaise, etc. qu’il s’agit alors d’unir de nouveau sous les Principes intemporelles et « originelles » de la civilisation européenne.

 

Yohann Sparfell

mercredi, 20 novembre 2019

Désinformation en ligne : sortir de la dictature du temps court

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Désinformation en ligne : sortir de la dictature du temps court

 

Des « bots » aux « fermes à trolls » en passant par Cambridge Analytica la désinformation en ligne est devenue un phénomène politique. Souvent réduit aux « fake news », l’épineux problème cache en fait une réalité plurielle qui regroupe des biais cognitifs, une crise du journalisme et de la confiance en l’État et une paresse intellectuelle croissante du public. Conséquence de ce joyeux cocktail, le phénomène de la désinformation en ligne prend aujourd’hui une ampleur sans précédent.

Récemment, une étude de l’Institut Internet de l’Université d’Oxford fait un bilan alarmant : « des agences gouvernementales et des partis politiques ont utilisé les réseaux sociaux pour diffuser de la propagande politique, polluer l’information en ligne et entraver la liberté d’expression et la liberté de la presse ». Une enquête Eurobaromètre parue en 2018 montre aussi que ce mouvement inquiète les populations : 83 % des personnes interrogées estiment en effet que les fausses informations représentent un vrai danger pour la démocratie. Une crainte encore renforcée par l’arrivée des « deepfake », qui brouillent encore plus la limite entre fait et fiction.

Un phénomène complexe

Pour bien comprendre le phénomène, il faut en envisager les tenants et les aboutissants. L’ONG First Draft a publié à ce titre une matrice, très éclairante. Elle y liste les différents types de contenus créés et partagés : satire ou parodie (qui peut, parfois sans le vouloir, induire en erreur), les contenus trompeurs, contenus fallacieux (qui imitent de vraies sources d’information), contenus fabriqués (en partie fondés sur des faits réels), liens erronés, informations vraies citées dans un contexte erroné et, enfin, contenu manipulé.

L’ONG s’est aussi penchée sur les circonstances qui ont généré ces contenus : un journalisme de piètre qualité (sans vérification a priori), l’intention parodique, un ton provocateur, la passion qui peut pousser à commettre des erreurs de contextualisation, le partie pris d’un écrit, la recherche d’un profit, d’une influence politique ou la propagande politique. En recoupant ces deux champs (comment et pourquoi), la désinformation en ligne apparaît dès lors plus clairement dans sa complexité.

Les modes de diffusion de ces contenus sont eux aussi intéressants. Il ressort de l’étude de l’Université d’Oxford précitée que le réseau social Facebook s’est fait le canal privilégié pour cette désinformation avec des campagnes menées dans 56 pays sur les 70 touchés par le phénomène. Dans le cadre du réseau social, il est possible de cibler des usagers spécifiques susceptibles d’y réagir et de marteler le même message jusqu’à assimilation.
Or, malgré l’introduction d’un outil de transparence sur Facebook, la méthode demeure d’autant plus efficace que les internautes sont fatigués par « la quantité accablante d’informations qui nous arrivent au quotidien », note First Draft. D’autant que le cerveau humain est moins capable d’esprit critique devant des informations visuelles ou des contenus qui confortent notre avis : le fameux « biais de confirmation ». Aussi, les usagers des réseaux sociaux sont eux-mêmes un vecteur important de la diffusion de contenus fallacieux, qu’ils partagent eux-mêmes sans mauvaise intention.

Outil de déstabilisation modernisé

Le diagnostic posé, qu’est-il possible d’en conclure ? D’abord il faut rappeler que, évolutions technologiques mises à part, la désinformation s’est toujours trouvée au cœur des luttes entre populations et entre nations (les faux plans de débarquement des alliés, les armes de destruction massives irakiennes, la petite taille de Napoléon, l’ingérence russe dans la présidentielle américaine de 2016…).Dans une tribune publiée dans The Hill, le Général Jean-Paul Palomeros, ancien commandant de l’OTAN, rappelle le long historique de désinformation des pouvoirs publics, mais souligne également que les risques auxquels ces derniers font face sont désormais plus grands. Il note avec justesse qu’au-delà de la Russie, coupable souvent toute désignée, tous les pays sont concernés.

A lire aussi : Les robots tueurs : entre fantasme et provocation, quelle réalité juridique ?

Il retient pour ce faire l’exemple du grand boycott d’avril 2018 au Maroc. S’il semblait en premier lieu être un mouvement spontané d’un peuple excédé, il s’est rétrospectivement avéré être une campagne orchestrée par des militants islamistes, s’appuyant sur des milliers de posts trompeurs, une petite officine de militants islamistes et des campagnes de sponsorisation agressive. Le tout afin de « fragiliser la confiance que les Marocains accordent à leur classe politique (1) » et, in fine, de nuire aux élections à venir, en 2021. Résultat des courses, ce boycott, suivi par une grande partie de la population (dont les motifs de colère n’étaient pas moins justes), a connu un succès indéniable. Pourtant, il est clair que l’étincelle a été allumée par des pyromanes avec des intentions hostiles – dont les médias ne semblent pas avoir pris la mesure.

Sortir du temps court de l’information

Devant ce risque, la Commission européenne a décidé d’élaborer un code de bonnes pratiques à l’échelle de l’UE. Pour ce faire elle a collaboré avec Google, Facebook, Twitter, Mozilla et autres Wikimedia pour produire un ensemble de « mesures tangibles de lutte contre la désinformation » imaginée par les plates-formes. Il prévoit de bloquer les revenus publicitaires de certains comptes sur les réseaux sociaux ainsi que l’obligation pour les « publicités politiques (2) » d’être labellisées comme telles. S’il s’agit d’un début un peu tiède, c’est tout de même un pas dans la bonne direction.

Mais les journalistes eux-mêmes ont un rôle à jouer. Sous l’effet d’une pression croissante pour relayer l’information au plus vite, la qualité des contrôles de l’information s’est effondrée. Exemple célèbre des effets délétères du temps court, la prise d’otage de l’Hyper Cacher par Amedy Coulibaly, durant laquelle un journaliste avait révélé la cachette de plusieurs otages par accident, ce qui aurait pu leur coûter la vie. Les récents incidents autour de l’arrestation d’un « faux » Xavier Dupont de Ligones et le traitement de l’incertitude entourant l’incendie de l’usine Seveso à Rouen (avec son lot de radicalisation sémantique et de précipitation dangereuse) illustrent également cette dérive.

Pour restaurer le lien de confiance avec le public, il est crucial que les médias revoient leur rapport à l’actualité, et sortent de cette course contre la montre qui s’est avérée totalement contre-productive. A contrario, nombre d’études ont souligné que les interactions avec le public sont un facteur positif. Le rapport de confiance s’améliore à mesure que les journalistes s’impliquent dans les sections de commentaires et sur les réseaux sociaux. Enfin, une plus grande transparence sur la rédaction des articles – les procédures suivies, les raisons de ces procédures – permettrait de davantage mettre en valeur le travail de journaliste, et faire comprendre les délais entre un événement et sa couverture par la presse.

mardi, 19 novembre 2019

Propagande, le mot et la chose

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Propagande, le mot et la chose

par François-Bernard Hiuyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

La propagande est une forme d'action sur le cerveau d'autrui définie et décryptée depuis longtemps, mais l'emploi du mot même se fait de plus en plus rare. Serait-elle remplacée par des méthodes plus subtiles ?

Originellement, le latin, propaganda signifie «devant être propagées» et se réfère à des vérités de la foi. Le mot se retrouve dans la langue médiévale. Au XII° siècle, le dominicain Humbert de Romans écrit un Manuel de propagande des croisades, méthode censée inciter le lecteur à aller guerroyer en Terre Sainte. La notion prend tout son poids lorsque le pape Grégoire XV institue une la Congregatio de Propaganda Fide le 22 Juin 1622. Elle répandra la religion dans les contrées mal évangélisées en usant des moyens rhétoriques ou psychologiques les plus propres à impressionner ceux qui n’ont pas encore reçu la bonne nouvelle évangélique.

PREMIERS DISPOSITIFS

Le premier appareil de propagande est donc une congrégation de cardinaux commandant des armées de missionnaires au service d’un message doctrinal, le tout formant un véritable dispositif : organisation, relais et arguments.

Dans les dictionnaires français, « propagande » apparaît vers 1790 avec des associations laïques cette fois, voire révolutionnaires qui se consacrent à la diffusion de certaines opinions. Puis le sens du mot glisse de l’acteur à l’action : la propagande, ce sera désormais l’ensemble des méthodes visant à répandre certaines idées auprès du peuple. Des bureaux de propagande se proposent de diffuser la Raison et la Liberté en lieu et place de la Foi et du Dogme.

Encore une étape et nous retrouvons le mot propagande dans le vocabulaire des partis ouvriers, : faire de la propagande, c’est faire partager l’idée socialiste aux masses, les éduquer à la lutte des classes. Par la parole, par l’écrit, par l’organisation, mais aussi ajoutent certains anarchistes, par l’action. « Propagande par l’action », ou encore « action directe » vont vite devenir synonymes de terrorisme, ou du moins d’une stratégie de rupture visant à exacerber les conflits sociaux

S’il fallait assigner une date de naissance à la propagande dans son sens moderne, - celui d’une forme de communication politique destinée à agir sur les masses- nous dirions qu’il est popularisé au début du XX° siècle dans un double contexte : partis de masse et massacres de masses (avec en arrière-plan des mass media pour faciliter les deux).

Pendant la première guerre mondiale, les belligérants pratiquent tous la propagande : ils créent même des bureaux pour cela. Ils sont chargés de censurer les mauvaises nouvelles et de présenter les bonnes, de convaincre le front, l’arrière, voire d’inciter l’opinion internationale à soutenir la juste guerre de la patrie.

L'entre-deux guerres voit éclore des ministères de la Propagande En URSS, l'existence d'un Département pour l'agitation et la propagande, organe des Comités centraux et régionaux du parti communiste soviétique (Dotdel agitatsii i propagandy) ne choque personne ; il est vrai qu’en russe, propagande signifierait simplement diffusion d’idées.

Mais propagande se veut aussi un concept scientifique : les laboratoires, surtout outre-Atlantique, étudient les méthodes de persuasion directe ou via les médias. Les uns pour en préserver les citoyens, les autres pour exploiter cette nouvelle rhétorique qui passe aussi par l’image, dans le cadre de la publicité ou pour améliorer les grandes campagnes d'opinion. Si les partis communistes, fascistes et nationaux-socialistes pratiquent ouvertement la propagande, le mot répugne aux libéraux.

ÉVITER LE MOT QUI CHAGRINE

Depuis au moins la chute du Mur, le mot est devenu quasiment tabou : il évoque une vision à la fois idéologisée et conflictuelle de la politique. Les politiciens modernes, surtout libéraux, se réfèrent plutôt à la communication, à la proximité, à la participation, à la transparence… La plupart du temps, le « communicant » se contente de dire qu’il informe ou qu’il pratique les relations publiques, simple mise en valeur d’un homme ou d’une cause.
 

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Le double impératif de la force des choses (les lois du marché, les contraintes de la modernisation, les impératifs d’une politique moderne, la fin des dogmes…) et de la « proximité » (être réactifs, proches des gens, à l’écoute…) incite à abandonner cette vieillerie que serait la propagande. En paroles au moins…

Car le terme est concurrencé à la fois par des concepts proches et par quelques périphrases un peu compliquées.

L’administration U.S. se montre particulièrement inventive pour désigner par euphémisme ce que les «good guys» devaient faire pour contrer la propagande des « bad guys ». Elle a baptisé les agences ou institutions vouées à la diffusion de la bonne parole de noms étranges, et les spécialistes du Pentagone remplissent des dictionnaires entiers d’acronymes.

Dans la pratique, on s’aperçoit vite que cette logomachie (Office of Strategic Influence, Psyop, Office of Global Communication, Under Secretary of State for Public Affairs and Public Diplomacy, Strategic Communications. Information Operation Task Force.) renvoie à des activités qui répondent bien à la définition officielle de la propagande par l’Otan : « Toutes les informations, idées, doctrines, appels, communiqués pour influencer l’opinion, les émotions, les attitudes ou le comportement de tout groupe particulier dans le but d’obtenir un bénéfice direct ou indirect. »
On retrouve notamment diverses combinaisons de termes suivants :

o psychologique (guerre psychologique ou opérations ou actions psychologiques, psychological warfare…) incluant des offensives destinées à affaiblir des groupes ennemis.
o déception : toutes les formes de tromperies réservées à l’adversaire
o influence (p.e . influence stratégique comme dans Office of Strategic Influence )
o perception (management de…, guerre de la…)
o diplomatie publique (qui contrairement à la diplomatie « classique » s’adresserait directement aux peuples)
o soft power (pouvoir « doux » d’attraction ou de séduction des valeurs américaines)

Cette phraséologie repose pourtant sur des notions simples :

o Il s’agit dans tous les cas de fournir, de diffuser, de sélectionner, des «informations» pour des publics (en anglais « audiences »)

o Ces informations, données ou indicateurs suscitent, ou renforcent des raisonnements, sentiments ou attitudes chez leurs destinataires

o Le but recherché est soit que ces publics soutiennent la réalisation de certains objectifs des USA, soit deviennent «favorables» aux intérêts américains (directement s’ils sympathisent, indirectement et a contrario s’il s’agit d’adversaires paralysés, démoralisés ou poussés à la faute). On notera que la jurisprudence US distingue bien le mensonge d’État condamnable s’il s’adresse à des citoyens américains des actions d’intoxication, leurre, déception, désinformation et autres, acceptables si elles s’adressent à des publics étrangers et même si elles supposent le recours au mensonge.
 

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Pour le dire autrement, cet ensemble englobe deux types d'action ; les premières ressortent à la bonne vieille guerre psychologique, telle que la pratiquait l'armée française dans les années 60, ordinateurs en moins : se concilier les populations, affaiblir ou diviser l'adversaire. Quant aux secondes, il s'agit de glorifier l'Amérique, ou du moins de «faire entendre sa voix» pour en exalter le modèle.

Tout cela fonctionne suivant un schéma simpliste stimulus réponse : de « bonnes » informations engendrent des bonnes pensées ou sentiments d’où de bons résultats. Surtout, elles peuvent couvrir à peu près n’importe quelle sorte de communication.

AUTOUR DE LA PROPAGANDE

Mais la question des mots laisse intacte celle de la chose.

Or le mot de propagande en évoque plusieurs autres, qui forment autant de domaines adjacents souvent évoqués sur ce site :

O La désinformation. Celle-ci porte par définition sur un fait faux, fabriqué, mis en scène ou du moins très déformé et se présente toujours comme neutre (passant souvent par l’intermédiaire d’un tiers, par exemple un média réputé objectif, pour que les destinataires ne puissent pas comprendre la finalité de la manœuvre). Autre caractère qui différence la désinformation : elle est presque toujours négative et vise à diaboliser ou décrédibiliser un adversaire. Faire une belle affiche, disant « votez pour moi », c’est de la propagande. Répandre dans les rédactions des rumeurs et calomnies sur l’intégrité ou le passé politique de son adversaire, c’est de la désinformation. Le Cuirassé Potemkine est un film de propagande soviétique, les mises en scène par lesquelles Staline a tenté d’accréditer l’idée que le massacre de Katyn en Pologne avait été perpétré par la Wehrmacht, non par l’Armée Rouge, offrent un parfait exemple de désinformation. Comme on s’en doute, cette distinction, claire sur le papier, l’est beaucoup moins dans la pratique. Car dans la vie quotidienne, nous sommes surtout confrontés à la mésinformation.

O La mésinformation. La mésinformation est en principe non délibérée. Vérités partielles, événements ou images présentés hors de leur contexte, faux effets de symétrie entre deux opinions, balance inégale entre deux courants ou deux types de faits comparables… Les procédés sont multiples qui s’interposent entre la réalité et son reflet médiatique. S’ils résultent d’une simple déformation, idéologique ou autre, mais involontaire par les médias, il faudrait en principe parler de mésinformation, pas de désinformation ou de propagande, qui sont de vraies stratégies. Reste à savoir ce qui est volontaire…


o L’influence. Si la propagande fait partie des procédés d’influence, elle n’en couvre pas tout le champ. La seconde comporte aussi une action par l’image que l’on émet, par l'intermédiaire de réseaux que l’on mobilise et par toutes sortes de stratégies indirectes… La propagande peut être considérée comme l’équivalent politique ou idéologique de la publicité : votez pour moi, soutenez mon pays, je suis le meilleur... C’est un message qui ne cache pas sa source ni ses objectifs et qui est censé persuader directement et positivement. Le domaine de l’influence, en tant que stratégie indirecte, est forcément plus vaste : le lobbying, la désinformation, le formatage des esprits, l’action sur l’opinion à travers des ONG ou des personnalités prestigieuses, l’art de trouver des alliés pour soutenir votre point de vue... Cela dit, il y a des moments où les deux méthodes se recoupent. Par exemple, si vous créez une radio arabophone comme al Sawa, destinée d’abord à la population de l’Irak et qui se présente comme un média de distraction et d’information, donnant une image favorable des USA, c’est censé être une action d’influence. Néanmoins, pour les auditeurs hostiles qui savent qui finance ce média, cela apparaît comme de la propagande grossière qui déforme la réalité. La propagande apparaît comme la forme la plus visible, la plus naïve et la moins sophistiquée de l’influence.


o La publicité. A priori la distinction semble évidente. La publicité vend des choses, pas des idées. Elle promet d’avoir et ne commande pas de devenir. Elle incite à consommer, pas à faire des choix politiques, encore moins à mourir ou à tuer. Son action est orientée vers un but unique et limité (achetez ce produit) non vers la transformation profonde du destinataire ou de sa vision du monde. La publicité, même comparative, dit du bien de la marchandise, elle ne diabolise pas des gens, des idées, des partis, des nations…. Pourtant la frontière peut être poreuse dans les deux sens. D’une part, nombre de procédés de marketing politique ou des relations publiques, qui sont une forme ou un avatar de la propagande de papa, consistent à « vendre » un homme politique « comme une savonnette », suivant la formule consacrée. D’autre part, la publicité dans son ensemble promeut globalement des valeurs. Ce peut être explicite, notamment lorsqu’une pub tente de nous persuader qu’en consommant X nous faisons acte de militantisme écologique et contribuons à sauver la planète. Ce peut-être implicite : la pub véhicule un idéal, une image du bonheur ou de l’individu épanoui qui n’est pas neutre idéologiquement.

o La distinction entre culture et propagande n’est pas si évidente qu’il semblerait a priori. D’une part, la propagande même sous sa forme la plus grossière, cherche à s’approprier des valeurs culturelles supérieures. Son esthétique souvent kitsch est un hommage indirect aux pouvoirs supposés de l’art, comme ses références fréquentes à un passé mythifié ou à des autorités intellectuelles constituent un tribut à la mémoire et à la pensée des peuples. Mobiliser le monde de la culture pour sa cause, par exemple en expliquant que l’on est dans le camp des valeurs universelles, de l’Art, de la Pensée, etc.. – tandis que l’autre est un affreux barbare ennemi de toute liberté de l’Esprit – est une des plus vieilles recettes de la propagande. Mais, si nous considérons la chose dans l’autre sens, toute institution vouée à la transmission des valeurs, que ce soit l’École, le Musée ou une Église est aussi une machine à faire croire, à valoriser certaines représentations de la réalité, des courants d’idées, des principes éthiques ou politiques. La différence serait-elle que la propagande s’adresse à des citoyens lambda inconscients de ses effets, voire qui n’ont pas demandé à y être soumis ? alors que celui qui s’est mis en situation d’apprendre ou d’imiter sait qu’il est là pour être transformé (et pense-t-il amélioré) à un degré ou à un autre ?

o Si toute propagande est aussi la propagation d’une idéologie (des explications du monde entraînant un jugement de valeur et visant à une transformation ou une justification de la réalité), l'inverse est-il vrai ? Peut-on propager une idéologie – dont la vocation est précisément de se répandre contre d'autres visions du monde – sans faire de la propagande ? Un théoricien qui a écrit un in-octavo bourré de notes sera choqué de se voir comparer à un distributeur de tracts. Il a le sentiment d’argumenter non de séduire ou d. Est-ce si certain ?

o Enfin la propagande suppose la persuasion : le but est que des gens soient convaincus que.. (par exemple que c’est l’ennemi qui a déclenché la guerre, ou que le plan quinquennal a été dépassé) voire persuadés de faire… (voter, s’engager…). Pour autant la persuasion n’est qu’un des aspects de la propagande qui suppose d’autres modes d’orchestration, de diffusion des messages et d'incitation à l'engagement. Et toute persuasion n’est pas de la propagande : la persuasion par démonstration scientifique, ou encore celle qui intervient dans les relations interpersonnelles. Persuader quelqu’un de vous épouser, ce n’est pas de la propagande.

prop6.jpgAu total les définitions de la propagande suggèrent pourtant des conditions minimales :

O une foi et une volonté de la faire partager, ou au moins des principes politiques généraux : pour faire de la propagande, il faut avoir une cause et des idées. Pas de propagandiste sans conviction, réelle ou feinte.
O le pouvoir politique, celui de l’État ou d’un parti qui cherche à assurer un consensus ou celui de la faction qui cherche le conquérir
O des spécialistes de la persuasion qui pratiquent cet art en toute conscience
O des idées qui cherchent repreneurs et relais contre des résistances: elles doivent multiplier leurs disciples en situation de concurrence
O des moyens matériels de diffusion : des médias et des relais humains pour les faire passer
O le caractère unilatéral de la propagande, relation asymétrique entre un émetteur et un récepteur passif qui ne peut qu’adhérer ou refuser
O l’idée enfin que la propagande sert les intérêts du propagandiste n serait-ce qu’en lui faisant gagner des partisans.

Il semble plutôt exister une fonction propagande (remplie par des moyens matériels, humains et symboliques au service d’une intentionnalité) plutôt qu'une entité propagande. Cette fonction n'est pas la même
- dans une situation de compétition (ou, comme pour la publicité, divers «produits» idéologiques cherchent à conquérir le public en respectant peu ou prou des règles), - dans une situation de domination où toutes les ressources de la propagande servent à maintenir un ordre déjà accepté,
- -ou encore dans une configuration où la propagande doit conquérir, qu'il s'agisse de gagner des âmes ou de faire une révolution.

Resterait par ailleurs à savoir si cette fonction est remplie de même façon suivant les époques. Les différences sont profondes entre les propagandes de type totalitaire et celle qui se pratique en situation de compétition pluraliste. Cette évolution ne tient pas seulement au contraste entre un discours unique, appuyé sur la censure et sur le monopole de la parole d’une part et d’autre part un langage « plus modéré » ou « moins délirant » tenu par celui qui sait qu’il risque d’être contredit. L’ancienne propagande évoquait slogans, foules alignées parfois en uniformes, d’affiches montrant des héros aux mâchoires d’acier, doctrine officielle, appels à la lutte… Mobilisation en somme. Ce qui en tient place aujourd’hui fonctionne au sondage, au message personnalisé, à la séduction douce, aux images de candidats en chemise entourés de leur famille et de leur chien, aux réunions qui rassemblent tous les people pour un show en prime time. Elle se réfère à l’intimité et à la proximité, se vante de son pragmatisme et de sa modestie…

L’ancienne propagande tonitruait, la nouvelle susurre. L’ancienne voulait créer un homme nouveau, la nouvelle satisfaire un consommateur. La première faisait descendre sa révélation sur les masses, la seconde est « à l’écoute des courants d’opinion ». La première est « hard », la seconde « soft ».… Nous reviendrons ailleurs ce qu’un tel changement, symbolisé par l’apothéose des « spin doctors » et autres conseillers en communication, doit à l'évolution de nos systèmes politiques et ce qu’il doit à l’ère de la télévision et maintenant d’Internet.

lundi, 18 novembre 2019

"Il serait plus qu’utile de supprimer la notion d’incitation à la haine dans notre code pénal" - Entretien avec Thibault Mercier

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"Il serait plus qu’utile de supprimer la notion d’incitation à la haine dans notre code pénal"

Entretien avec Thibault Mercier

Thibault Mercier est avocat, co-fondateur du Cercle Droit & Liberté (www.cercledroiteetliberte.fr) et auteur d’un livre brillant, sur lequel nous l’avions interrogé : Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître. Alors qu’il est revenu cette semaine, pour nos confrères de Sputnik, sur l’affaire Zemmour et la cabale médiatique déclenchée à son encontre (et judiciaire), nous l’avons interrogé sur cette évolution notable de nos sociétés, dans lesquelles désormais les juges (au pénal comme au tribunal médiatique) semblent faire la pluie et le beau temps, et confisquer la démocratie.

Entretien à ne pas manquer !

Breizh-Info.com : Nous avons échangé au sujet de votre dernier ouvrage, Discriminer ou disparaître. Les évènements actuels (voile, communautarisme, débat sur l’immigration, l’islamisation) ne confirment-ils pas l’impératif de discriminer dans la société française, c’est-à-dire de distinguer et de séparer ?

Thibault Mercier : Alors que les combattants de l’Islam politique accusent la France d’avoir imposé un racisme systémique et les Français de les discriminer, il apparaît au contraire que ce sont eux qui se discriminent en affichant clairement leur volonté tant de se distinguer de tout ce qui se rapproche de la culture française que de vivre séparément de la seule communauté qui était auparavant reconnue en France : la communauté nationale.

Malheureusement nos gouvernants, à l’image d’un Macron qui pense qu’il « n’y a pas de culture française » (Lyon, février 2017) et que le voile dans l’espace public « n’est pas son affaire » (La Réunion, octobre 2019), donnent dans le pacifisme niais et refusent d’admettre la nécessité de défendre la civilisation européenne. « Qu’un peuple n’ait plus la force ou la volonté de se maintenir dans la sphère du politique, ce n’est pas la fin du politique dans le monde. C’est seulement la fin d’un peuple faible », écrivait Carl Schmitt.

Breizh-info.com : Ce sont finalement des petits groupes de pression influents (CCIF, antifas, extrême gauche, ligues de vertus, associations LGBT) qui entraînent bien souvent en France des cabales, des censures, des persécutions judiciaires, des interdictions. Comment remédier à cela ?

Thibault Mercier : Il est vrai que nous vivons dans une société où les postures victimaires permettent à chacun d’agir en justice pour chaque pseudo-humiliation ou blessure de l’ego. Les lois voulant interdire l’incitation à la haine ont d’ailleurs favorisé cette guerre victimaire de tous contre tous en créant une myriade de catégories bénéficiant chacune de la protection exorbitante du Législateur au détriment de l’intérêt national.

Pour y remédier la réponse ne sera pas que juridique. Et il pourrait apparaître pertinent de réhabiliter des valeurs comme la pudeur et la dignité. En effet, nul besoin alors de lois antiracistes quand le sens de la dignité vous défendait d’exiger un droit à être protégé des propos désobligeants des autres. Jamais un homme digne ne pouvait demander, sans mourir de honte, d’être légalement protégé de propos « haineux » ou de « phobies » supposées dont il serait victime.

À l’opposé d’un droit de ne pas être « victime » de propos « haineux », c’est au contraire un devoir d’indifférence qu’il s’agit de développer

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Breizh-info.com : Vous qui êtes avocat, comment percevez-vous l’évolution globale de la magistrature en France ? N’est-elle pas aujourd’hui en train de définitivement tourner le dos au peuple de par ses actions menées ?

Thibault Mercier : La magistrature ne tourne le dos au peuple que par démission du pouvoir politique.

Rappelons que notre Constitution prévoit que les juges sont censés exercer leurs attributions « au nom du peuple français ».

Pourtant, depuis plusieurs décennies (et notamment depuis le « coup d’État » du Conseil constitutionnel de 1971), les juges, qui n’étaient que les serviteurs de la loi (édictée de manière démocratique) en sont maintenant devenus ses censeurs. Aussi se permettent-ils de contrôler la loi sous couvert de « liberté », « égalité », « équité » ou encore « justice » qui sont des principes aux multiples acceptions possibles, ce qui leur laisse un pouvoir énorme d’interprétation.

On peut par exemple citer la récente décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 qui est venue conférer une portée normative à la « fraternité » de notre devise républicaine et dépénaliser l’aide aux clandestins (mettant fin à ce qu’il était commun d’appeler faussement un « délit de solidarité »). Pour l’avenir, cette nouvelle construction prétorienne permet au juge de se doter d’une nouvelle arme polyvalente sachant qu’aucun texte ne précise ce qu’est juridiquement cette « fraternité ».

Tristement, l’isoloir ne sert plus à grand-chose puisque tout se passe désormais dans le prétoire. Et nos politiques et gouvernements de devenir de simples exécutants des arrêts des juges.

Pour contrer cela pourquoi ne pas revenir à un ancien article de notre Code pénal qui disposait jusqu’en 1994 que les juges seraient coupables de forfaiture et punis de la dégradation civique en cas d’immixtion dans l’exercice du pouvoir législatif ?

Breizh-info.com : Plusieurs entreprises, plusieurs assureurs, ont fait des menaces économiques vis à vis de diffuseurs d’Éric Zemmour. Certains ont cessé toute collaboration suite à la polémique. Ne s’exposent-elles pas à un retour de bâton ? Comment expliquez-vous qu’à une époque où les masses semblent pourtant populisto compatibles, les groupes économiques préfèrent prendre le risque de se saborder en jouant le jeu des minorités ?

Thibault Mercier : Il est assez sidérant de voir avec quelle facilité de grandes multinationales se couchent devant le moindre appel au boycott, alors même que, une polémique en chassant une autre en quelques jours sinon quelques heures, les conséquences économiques de telles actions seront certainement minimes. Ces entreprises ont une sorte de peur panique du « bad buzz ». Le courage ne faisant généralement pas partie de leur système de fonctionnement elles préféreront en générale céder préventivement plutôt que de se défendre. Starbucks ou encore Etam en ont récemment fait les frais.

Quoiqu’il en soit je ne crois d’ailleurs pas que les grands groupes se sabordent en jouant le jeu des minorités. Un auteur américain dont le nom m’échappe expliquait dans un ouvrage récent que les minorités profitaient d’une sorte de prime à l’intolérance. Il prenait pour exemple le cas de l’abattage rituel : puisque qu’un catholique ou un athée pourra tout à fait consommer de la viande hallal ou casher (alors qu’un juif ou un musulman ne pourra consommer que de la viande sacrifiée), pourquoi les entreprises pratiqueraient-elles deux types d’abattage ? Voilà comment la logique économique peut servir l’expansion des revendications de minorités.

Breizh-info.com : Faut-il revoir les notions d’incitation à la haine et de « discrimination », dans le code pénal français selon vous ? Ces notions semblent en effet dévoyées et utilisées à toutes les sauces aujourd’hui… Êtes-vous inquiet pour l’avenir de la liberté d’expression en France ? Que faire alors ?

Thibault Mercier : Dans une tribune intitulée « Comment la haine est sur le point de prendre le dessus » et publiée la semaine dernière par Libération, un confrère appelle à « protéger les musulmans de France dans nos discours ». Dans un laïus en langage inclusif, il déclare que le « racisme anti-musulman » est devenu un « sport national » et en appelle au respect des droits de l’homme et des libertés individuelles pour justifier notamment le port du voile. Plusieurs remarques nous viennent à l’esprit après une telle lecture. Tout d’abord on peut se demander pourquoi les musulmans de France (vous noterez qu’il n’est pas question dans cette tribune de « Français musulmans ») devraient bénéficier d’une protection particulière (que les autres groupes n’ont pas). Ensuite on voit bien que cette accusation de haine sert bien souvent à éviter toute autocritique et à museler ses adversaires politiques. Enfin, cela confirme que le discours des droits de l’homme est désormais utilisé à tout va par certaines minorités pour imposer des pratiques et des modes de vie contraires à ceux des cultures historiquement présentes en Europe.

Il serait donc plus qu’utile de supprimer la notion d’incitation à la haine dans notre code pénal. La haine est un sentiment humain, il n’est pas matérialisable et jusqu’à preuve du contraire ce n’est ni à l’État ni au Juge de venir vous interdire de ressentir des sentiments. Nous obligera-t-on bientôt à exprimer de force notre amour de ceux qui nous entourent ? Il y a quelque chose de totalitaire dans ce texte de loi qui voudrait venir vous changer en votre for intérieur et qui permet au juge de se faire inquisiteur.

Et d’ailleurs qui décide ce qu’est un discours de haine ? Est-ce la victime présumée de ces propos ? Le juge ? Un consensus politique ? Il y a bien trop de subjectivité dans cette notion pour permettre une application impartiale de la loi.

Quant à la discrimination, j’ai pu exposer longuement dans mon essai l’urgence de réfléchir aux dommages collatéraux de ces lois qui sont venues pernicieusement interdire à la Nation de se défendre et ont participé activement du délitement du lien social.

• Propos recueillis par Yann Vallerie

• D’abord mis en ligne sur Breizh-Info, le 4 novembre 2019.

vendredi, 15 novembre 2019

Démocratie illibérale ou démocratie libérale?...

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Démocratie illibérale ou démocratie libérale?...
 
par Hervé Juvin
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au libéralisme comme ferment de dissolution de la démocratie. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

Démocratie illibérale ou démocratie libérale ?

Publiée à l’initiative de l’ONG « Open society », une récente étude conduite dans six pays de l’Est européen traduit une défiance croissante envers la démocratie, accusée de ne pas tenir ses promesses. L’étude fait écho aux déplorations rituelles entendues au Parlement européen au sujet des menaces sur la démocratie que feraient naître les populismes, les nationalismes et les régimes autoritaires. Sont visés les habituels suspects : la Hongrie, la Pologne et autres démocraties désignées comme « illibérales » par leurs accusateurs.

La démocratie libérale en « Occident »

La démocratie se porte mal, chacun le constate. Mais tous oublient de définir leur sujet ; qu’est-ce que la démocratie ?

L’histoire de longue période répond, c’est l’autonomie des peuples. Leur capacité à décider eux-mêmes de leurs lois, de leurs mœurs, des conditions d’accès à leur territoire, de qui les dirige. Et c’est la conquête des Lumières et de la liberté politique, contre l’hétéronomie qui fait tomber la loi d’en haut, du Roi, de Dieu ou du Coran.

Si démocratie signifie autonomie du peuple et respect de la volonté populaire, c’est sûr, la démocratie se porte mal. Des exemples ?

Aux États-Unis, la CIA prétend défendre la démocratie contre un Président élu. Dans un entretien surréaliste, Paul Brennan et l’ancien directeur de la CIA affirment leur légitimité à défendre les États-Unis contre le Président Trump. Chacun sait la part que FBI et CIA, devenus États dans l’État, jouent dans la succession de complots visant à destituer le Président élu. Au nom d’une légitimité procédant d’un autre ordre que celui de l’élection et manifestement supérieure à elle ; désignés par Dieu, sans doute ?

Partout en Europe, en particulier en Hongrie, des ONG et des Fondations financées de l’étranger, notamment par MM. George Soros, Bill Gates, les Clinton et quelques autres, prétendent changer la culture et l’identité des peuples européens à coup de milliards et des réseaux qui contrôlent une grande partie de la presse, des élus et des think tanks européens.

Démocratie ? Non, usurpation du pouvoir. Capacité de nuire par l’achat des consciences et des lois. Ploutocratie manipulant les minorités bruyantes pour terroriser les majorités. Et nouvelle hétéronomie qui donne le pouvoir à l’argent, et permet aux mafias de la gestion financière, des big pharma ou de l’agro business de choisir les dirigeants avant tout vote — voir le Brésil, ou la France.

En Grande-Bretagne, le Parlement britannique a fait échouer toutes les tentatives de rendre effective une décision votée par referendum à une claire majorité ; sortir de l’Union européenne. Face à Theresa May comme à Boris Johnson, le Parlement croit agir au nom de mandats qui délèguent aux députés le pouvoir de voter au nom du peuple ce qu’ils jugent bon, contre la volonté du peuple, alors que les Tories demandent que le Parlement respecte la volonté du peuple exprimée par referendum.

Chaque jour ou presque, au nom de l’idéologie de l’individu qui ignore le citoyen, au nom des « LGBTQ+ » qui priment la famille, au nom de l’industrie du vivant qui entend faire de la reproduction humaine et du corps humain un produit comme les autres, le Parlement européen déclare, dispose et vote des textes contre lesquels la majorité des peuples européens se dresse. Chaque jour ou presque, des juges, des cours et des comités bafouent le sens commun, l’opinion et la volonté de la majorité des Européens. Et chaque jour, le droit de l’individu détruit un peu plus ce qui reste de la démocratie en Europe.

Libéralisme contre démocratie ?

La situation est sans ambigüité ; le libéralisme est devenu le pire ennemi de la démocratie. La liberté de l’individu qui nie le citoyen et détruit l’unité de la Nation en finit avec la liberté politique, la seule qui compte vraiment. Car les droits de l’individu sont devenus une nouvelle hétéronomie, dont les juges sont les imams et les tribunaux, les mosquées d’où émanent les fatwas contre tous ceux qui osent mettre en cause l’individu tout puissant, sa pompe et ses œuvres. De sorte que ce sont aujourd’hui les démocraties dites « illibérales » qui portent le combat pour la démocratie en Europe, le combat pour la loi de la majorité contre la dictature des minorités.

Dans l’Union européenne comme ailleurs dans le monde, ce ne sont pas les démocraties illibérales qui sont le danger, c’est l’autoproclamation des juges et des cours constitutionnelles en censeurs du vote et des élus.

Qui croit que les lois votées en France ou les directives européennes ont quoi que ce soit à voir avec la volonté des Européens ? Quelle majorité pour l’invasion migratoire, pour la ruine des territoires par les traités de libre-échange, pour la destruction des sols et de la vie par les usuriers du vivant, pour le commerce du corps humain ?

Le coup d’État du droit qui permet aux juges constitutionnels d’invalider n’importe quelle loi votée par les Assemblées, au nom d’une interprétation libre de préambules lyriques et verbeux qui ne disent rien et qui peuvent tout justifier (rappelons qu’en vertu des préjugés de l’époque, les Déclarations des Droits américaines de 1776 ou françaises de 1789 ne s’appliquaient ni aux femmes, ni aux esclaves, ni aux peuples colonisés, invisibles aux constituants ; qui saura dire quels préjugés de notre époque donnent lieu aux mêmes aveuglements dans nos interprétations actuelles ?).

Voilà la nouvelle hétéronomie qui assujettit les Nations, muselle les peuples et explique la montée délétère de l’abstention — il ne sert à rien de voter, puisqu’un juge pourra invalider votre vote, et l’argent d’un corrupteur étranger pourra changer la loi !

La démocratie illibérale, l’avenir ?

Les démocraties illibérales le seraient-elles seulement parce qu’elles répondent à la volonté de la Nation, pas à celle d’une poignée de milliardaires et de leurs complices assurés du monopole du Bien ? Seraient-elles alors tout ce qui reste en Europe de démocratie, de Nation et de liberté politique ? La question appelle une réponse nuancée ; les démocraties illibérales sont bel et bien des démocraties si elles respectent le principe du suffrage universel, si elles acceptent l’alternance et si elles refusent le recours à la force, celle de l’armée ou de milices. 

Il y a urgence à restaurer la démocratie en Europe. Face à la tentative de conquête islamiste de territoires en Europe, face à l’intensification des opérations de soumission européenne aux ordres de l’étranger, rendre le pouvoir au peuple est la révolution démocratique à venir. Elle passe par le dessaisissement des cours constitutionnelles du pouvoir d’interpréter la Déclaration des Droits de l’Homme, par le rétablissement du gouvernement des hommes sur la gouvernance des choses, par la restauration des liens entre le droit, l’État, et la Nation.

Elle passe par le contrôle des ONG et des Fondations qui doivent rentrer dans les frontières, dans les Nations et dans la loi. Elles passent par la nationalisation d’Internet, qui ne peut être le lieu de la destruction de l’unité nationale et de la liberté politique — la liberté de ne pas être conforme, la liberté de rester soi-même, la liberté de dire « nous ». La lutte anti corruption, anti-blanchiment, anti-ingérence, commence par la transparence sur la provenance des fonds des ONG, sur leurs liens avec des journalistes et des médias, sur l’indépendance des sources d’information. Le temps est venu de réaffirmer cette condition de la démocratie ; l’argent ne donne aucun droit à l’influence ni au pouvoir. La ploutocratie est la ruine de la liberté politique.

Ceux qui n’ont que le mot de « démocratie » à la bouche devraient y réfléchir à deux fois. Car la révolution démocratique est en marche. Elle vient de l’Est, elle vient de ceux qui savent ce que « demeurer » veut dire, elle nous conduit vers des horizons inconnus — soigneusement cachés. Mais les âmes sensibles et les esprits libres voient déjà la lumière qui se lève en Europe, et qui va rendre à la démocratie son tranchant et son fil.

Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 7 novembre 2019)

jeudi, 14 novembre 2019

Un nouveau partage du monde est en train de se structurer...

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n nouveau partage du monde est en train de se structurer...
 
Entretien avec Caroline Galacteros
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Caroline Galactéros à Figaro Vox, dans lequel elle commente les récentes déclaration d'Emmanuel Macron à l'hebdomadaire The Economist sur la situation de l'Europe. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

Caroline Galactéros:

«Un nouveau partage du monde est en train de se structurer»

FIGAROVOX.- Le magazine The Economist consacre son dernier numéro et sa couverture à une interview d’Emmanuel Macron dans laquelle il affirme que le monde est au bord du précipice. La situation internationale est-elle aussi apocalyptique que celle que décrit le chef de l’État?

Caroline GALACTEROS.- Il me semblait que le Président, dans son interview, avait appliqué cet oracle à l’Europe et non du monde. Le monde n’est pas du tout au bord du précipice. Il se rééquilibre autour de puissances qui assument leur souveraineté, définissent leurs ambitions et se donnent les moyens de les mettre en œuvre. Ce sont nos utopies qui sont en déroute et c’est bien l’Europe qui tombe dans l’insignifiance stratégique (une forme de mort cérébrale) subitement privée de la béquille mentale que lui fournissaient le lien transatlantique et son alignement servile sur les injonctions américaines. Quant à la France, elle danse sur un volcan et pas seulement au plan extérieur. Si la présente lucidité présidentielle se consolide par des actes et des dynamiques durables, alors nous éviterons le pire et peut-être même renverserons-nous enfin la vapeur à notre avantage. Ce serait là, sur le plan stratégique, une vraie et salutaire «disruption». Après Biarritz, Moscou, la Conférence des Ambassadeurs et désormais cette interview, la grande question est désormais la suivante: Jusqu’à quel point sommes-nous déterminés à désobéir et à assumer les critiques ou la résistance active de certains de nos partenaires européens?

Le rôle de pionnier, de défricheur d’une voie nouvelle est périlleux et demandera beaucoup de ténacité. Jusqu’au moment où certains de nos partenaires, entrevoyant la liberté, voleront au secours de la victoire et nous emboîteront le pas, notamment en Europe du sud mais pas seulement. Notre vieux continent est en pleine dépression post-traumatique non traitée. Le choc? Notre abandon sans états d’âme par la figure paternelle américaine. Sur le fond, rien de bien nouveau mais le verbe trumpien nous a brutalement ouvert les yeux sur le profond mépris et l’indifférence en lesquels Washington nous tient. La servilité ne paie jamais vraiment. Emmanuel Macron a bien raison de douter de l’applicabilité de l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique. Le problème n’est pas de savoir si les États-Unis voleraient au secours d’un État européen attaqué par la Russie ou Chine. La Russie a vraiment d’autres chats à fouetter et la Chine «attaque» déjà l’Europe tous azimuts économiquement. Non, le problème est bien celui d’un fatal entraînement de la France ou d’un autre membre de l’Otan si jamais la Turquie venait à être prise à partie militairement par la Syrie en réponse à sa violation caractérisée de la souveraineté syrienne. Scénario peu probable à vrai dire, car Moscou ne laissera sans doute pas un tel engrenage ruiner ses patients efforts pour en finir avec la déstabilisation de son allié moyen oriental. Même chose si l’Iran venait à réagir à une provocation savante téléguidée par Washington. Moscou, Téhéran et Ankara ont partie liée pour régler le sort de la Syrie au mieux de leurs intérêts respectifs et Washington comme Damas n’y peuvent plus rien. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que la Turquie n’agit à sa guise en Syrie qu’avec l’aval américain. Washington laisse faire ce membre du flanc sud de l’Alliance qui lui sert en Syrie de nouvel agent de sa politique pro islamiste qui vise à empêcher Moscou de faire totalement la pluie et le beau temps dans le pays et la région. Ankara gêne aussi l’Iran. Bref, ce que fait Erdogan est tout bénéfice pour Washington. Et les Kurdes ne font pas le poids dans ce «Grand jeu»? En conséquence, c’est bien l’Amérique qui dirige toujours et complètement l’Otan. S’il est bien tard pour s’en indigner ou faire mine de le découvrir, il n’est pas trop tard pour se saisir de cette évidence et initier enfin une salutaire prise de distance de l’Europe par rapport à une Alliance qui ne traite nullement ses besoins de sécurité propres.

Nous restons extrêmement naïfs. Nous n’avons jamais eu voix au chapitre au sein de l’Alliance pas plus d’ailleurs depuis que nous avons rejoint le commandement intégré pour nous faire pardonner notre ultime geste d’autonomie mentale de 2003 lorsque nous eûmes l’audace de ne pas rejoindre la triste curée irakienne. Il faut que nous ayons aujourd’hui le courage d’en sortir et de dire que l’OTAN ne correspond pas à la défense des intérêts sécuritaires de l’Europe et d’ailleurs que l’épouvantail de la prétendue menace russe est une construction artificielle destinée à paralyser le discernement des Européens, à les conserver sous tutelle, à justifier des budgets, des postures, des soutiens résiduels au lieu de construire enfin une véritable stratégie propre à l’Europe en tant qu’acteur et cible spécifique stratégique. Je rejoins là notre président. Mais je ne crois pas du tout que L’OTAN soit en état de mort cérébrale. Il devient juste clair que ce qui pouvait, aux yeux de bien des atlantistes, justifier notre alignement silencieux et quasi inconditionnel a vécu. Trump veut faire payer les Européens pour qu’ils achètent des armes…américaines et obéissent aux décisions d’intervention américaines qui ne les concernent pas. Il est temps de ne plus supporter ce chantage et de sortir de l’enfance stratégique. Nous en avons les moyens. Il ne manquait que la volonté.

De son côté l’UE peine à définir une politique étrangère commune, croyez-vous la diplomatie européenne encore?

Je n’y ai jamais cru! Je ne vous rappellerai pas le cruel sarcasme de Kissinger «l’Europe? Quel numéro de téléphone?» Ce qui est possible, c’est de faire sauter un tabou ancien qui veut que l’affirmation de la souveraineté des nations européennes soit antinomique de la puissance collective et un autre, qui veut que l’élargissement de l’UE ait été destiné à la rendre puissante et influente. C’est précisément tout l’inverse. Mais il est trop tard pour regretter cet élargissement brouillon et non conditionnel stratégiquement. Il faut partir du réel et le réel, c’est qu’il existe une très grande divergence entre les intérêts stratégiques américains et ceux des Européens qui doivent se désinhiber. La France peut prendre la tête de cette libération et favoriser une conscience collective lucide et pragmatique des enjeux communs sécuritaires et stratégiques.

Il faut commencer par une véritable coopération industrielle à quelques-uns en matière de défense, sans attendre une unanimité introuvable. Il faut créer des synergies, faire certaines concessions et en exiger d’autres, et ne plus tolérer la moindre critique de Washington sur les contributions à une Alliance enlisée dans d’interminables et inefficaces opérations.

Alors qu’Emmanuel Macron rentre d’un voyage officiel en Chine, vous écrivez, «La Chine a émergé tel un iceberg gigantesque». La Chine est en train de tisser son empire autour du globe, est-elle en train d’imposer son propre contre modèle à l’Occident?

Pékin agit très exactement comme Washington et joue l’Europe en ordre dispersé. Oui le «contre monde» comme je l’appelle est en marche. La Chine profite du tirage entre Washington et les Européens au fur et à mesure que les pays européens prennent conscience qu’ils ne comptent plus pour l’Amérique, mis à part pour justifier un dispositif otanien contre Moscou et empêcher le rapprochement stratégique avec la Russie qui seule pourrait donner à l’Europe une nouvelle valeur ajoutée dans le duo-pôle et triumvirat Washington -Moscou-Pékin. C’est Sacha Guitry je crois qui disait que les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être trois pour les porter. L’adage est valable pour l’Europe à mais aussi pour Moscou qui sait combien «le baiser de la mort» chinois peut à terme lui être fatal. L’Europe n’a donc pas encore tout à fait perdu de son intérêt aux yeux de Moscou même si, en ce qui concerne la France, la charge affective et historique du lien a été très abîmée. Il me semble donc que l’initiative française d’une relance d’un «agenda de confiance et de sécurité» est un pas important dans cette direction qu’il faut jalonner à bon rythme de réalisations concrètes.

La guerre commerciale semble être la forme conflictuelle privilégiée par l’administration de Donald Trump. Les sanctions américaines pleuvent sur les entreprises chinoises, en Iran, en Russie. La guerre commerciale devient-elle un des éléments structurant d’un monde Yalta 2.0?

La fin de l’utopie d’une mondialisation heureuse a permis la résurgence d’un politique de puissance et d’influence décomplexée. Or le commerce est l’instrument privilégié de ces relations. Il n’y a qu’en France que l’on croit encore aux pures amitiés et aux affections qui guideraient les rapprochements entre États. Attention! Je ne veux pas dire que les relations personnelles, l’empathie ou l’animosité ne comptent pas, bien au contraire. Mais ce qui compte dans l’établissement du rapport de force et dans la consolidation des rapprochements, ce sont les complémentarités économiques mais aussi culturelles et même civilisationnelles et surtout la fiabilité de la parole donnée et la crédibilité interne des dirigeants.

Votre livre donne un aperçu global de l’état des relations diplomatiques depuis les cinq dernières années. Le monde depuis 1989, puis 2001 est en constante restructuration. Le jeu des puissances est mouvant. Quelle place la France peut-elle occuper dans un monde géopolitique si instable et imprévisible? Comment peut-on participer à construire une «coexistence optimale»?

La France doit se voir en grand car elle a de sérieux atouts de puissance et d’influence mais elle n’en use pas à bon escient. Elle se complaît dans la repentance et l’alignement. Notre place dépendra en premier lieu de notre capacité à structurer une vision et un chemin puis dans notre ténacité à défendre nos intérêts et à affirmer nos principes.

Il nous faut effectuer un tournant pragmatique en politique étrangère et en finir avec l’idéologie néoconservatrice. Celle-ci a dramatiquement vérolé toute une partie de notre administration et de nos élites qui ne savent plus ce qu’est l’intérêt national. La France est toujours une puissance globale. Plus que nombre d’autres. Simplement elle doit retrouver une économie florissante, restructurer son industrie, remettre son peuple au travail autour d’un projet de prospérité lié à l’effort et non à l’incantation. Un État puissant est un État sûr, qui sait d’où il vient, n’a pas honte de son passé et embrasse l’avenir avec confiance.

La Russie de Vladimir Poutine s’est imposée aux puissances occidentales comme un acteur majeur des relations géopolitiques. Son attitude sur la crise syrienne incarne ce positionnement dans l’échiquier mondial. La Russie peut-elle être un allié «fréquentable» des puissances européennes? La distance entre les Européens et les Russes en termes de politique internationale est-elle encore légitime?

La Russie est tout à fait fréquentable. La diabolisation infantile à force d’être outrancière, dont elle fait l’objet chez nous, nous ridiculise et surtout la conforte dans une attitude de plus en plus circonspecte envers ces Européens qui ne savent plus penser ni décider par eux-mêmes.

En 30 ans, la Russie a vécu le pire durant les années 90 puis a entamé sans violence une remarquable reconstruction nationale. Tout n’y est pas parfait, mais pouvons-nous réellement donner des leçons et nous imaginer être encore pris au sérieux après les sommets de cynisme démontrés dans nos propres ingérences étrangères, avec les résultats que l’on sait? C’est là une posture qui sert essentiellement à se défausser, à ne pas aller de l’avant notamment sur les dossiers où nous pourrions et aurions tout intérêt à tendre la main à la Russie: sanctions, Ukraine Syrie, Libye, Union économique eurasiatique (UEE), etc… Sur ce dernier point, il faut nous montrer un peu plus lucides et anticipateurs que sur les Nouvelles Routes de la Soie sur lesquelles nos diplomates ironisaient il y a encore quelques années. L’UE doit se projeter vers l’Union Économique Eurasiatique (UEE) et nouer avec elle de très solides partenariats. Je souhaite de tout cœur que la récente inflexion imprimée par notre président à la relation franco-russe après une sombre et triste période, passe rapidement dans les faits et que nous soyons le maillon fort d’une nouvelle ère collaborative, intelligente et humaine entre la Russie l’Europe.

La solution diplomatique peut-elle encore jouer un rôle dans le dossier syrien?

Une solution diplomatique ne peut exister que si l’on a atteint un équilibre militaire acceptable. La Syrie doit d’abord recouvrer son intégrité territoriale. Après les Syriens décideront de ce qu’ils souhaitent politiquement pour leur pays.

Notre implication a été si humainement et politiquement désastreuse qu’il est possible de prétendre encore pouvoir décider du sort de ce pays à la place de son peuple. Évidemment, la guerre n’est pas finie. Il y a encore des dizaines de milliers de djihadistes fondus dans la population civile d’Idlib. Il y a la Turquie, la Russie et l’Iran qui consolident dans un vaste marchandage leurs influences respectives. Et il y a tous les autres acteurs régionaux et globaux qui cherchent à tirer leur épingle du jeu et à faire oublier leurs méfaits. Nous avons eu tout faux sur le dossier syrien. Je l’ai assez expliqué, démontré et je n’épiloguerai pas. J’en parle abondamment dans mon recueil. Il est trop tard pour pleurer mais sans doute pas pour faire amende honorable, intégrer le processus d’Astana et son actuel dérivé - le Comité constitutionnel en cours de formation à Genève. Cela aussi, nous le devons à l’approche diplomatique inclusive et non idéologique de Moscou, ne nous en déplaise. Essayons, pour une fois, d’être intelligents et d’avancer pour que le peuple syrien sorte au plus tôt de son interminable martyr.

Caroline Galactéros (Figaro Vox, 9 novembre 2019)

mercredi, 13 novembre 2019

L'Otan en état de mort cérébrale. Faudrait-il le regretter?

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L'Otan en état de mort cérébrale. Faudrait-il le regretter?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

On parle beaucoup depuis quelques jours de l'entretien du 7 novembre d'Emmanuel Macron avec The Economist, où le Président français indique indiquant que l'Otan est devenue Brain Dead, autrement dit a perdu toute raison d'être.

Selon lui, l'Europe se trouve au bord du précipice. Elle a besoin de se considérer stratégiquement comme un pouvoir géopolitique, sinon elle perdra tout contrôle de son destin. Mais pour lui cela tient désormais à la volonté de l'Amérique, et de Donald Trump en particulier, de cesser de s'impliquer dans le financement de l'Otan.

Or Emmanuel Macron ne veut pas reconnaître pas que l'Otan, sous la direction américaine, vise à préparer une guerre avec la Russie puis désormais, comme nous l'avons précédemment montré, avec la Chine. Il ne veut pas voir que Donald Trump ne remet pas cet objectif mortifère en cause, même si de telles guerres, devenant vite nucléaires, signifierait la fin non seulement des Européens, mais des Américains eux-mêmes. Il refuse d'admettre que Donald Trump veut seulement que les Européens consacrent des sommes plus importantes au financement de l'Otan, prenant ainsi le relais du Pentagone.

Tout laisse penser qu'Emmanuel Macron voudrait que la France, avec l'aide financière de l'encore riche Allemagne, incite l'Europe à se doter d'une force de défense proprement européenne. Celle-ci prendrait le relais de l'Otan pour défendre l'Europe d'une agression militaire russo-chinoise. Or rien ne permet de croire que Moscou ou Pékin puisse raisonnablement envisager une telle agression où ils auraient beaucoup de choses à perdre sans aucun résultat.

Si Emmanuel Macron voulait que la France, conjointement avec l'Allemagne, se donne des objectifs à la hauteur des enjeux du monde de demain, elle devrait affecter plus de moyens financiers, non à se défendre contre la Russie ou la Chine, mais à prendre des positions substantielles dans le domaine des politiques spatiales, y compris en vue de la mise en place d'une station permanente sur la Lune. L'Europe est en train, malgré les efforts du CNES français (Centre national d'études spatiales), d'y prendre des retards qui risquent de n'être jamais récupérables.

Voir The Economist https://www.economist.com/europe/2019/11/07/emmanuel-macr...

mardi, 12 novembre 2019

Routes de la soie et intelligence économique

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Routes de la soie et intelligence économique

Ex: http://www.huyghe.fr

Quelle relation entre

- D’une part, un itinéraire millénaire par où parvenait la soie de Chine vendue à Rome autour de l’ère chrétienne, et dont le nom est devenu un synonyme romantique de « relations entre Orient et Occident » (en fait, c’est un géographe allemand du XIX° siècle qui invente l’expression : les voyageurs d’époque, eux, ignoraient qu’ils étaient « sur la route de la soie »)
- et d’autre part, une discipline moderne qui traite de la façon de protéger, acquérir ou utiliser et diffuser de l’information stratégique pour accroître la puissance économique d’une entreprise ou d’une nation ?

La réponse est dans la question : qui dit route dit circulation de marchandises, de gens, mais aussi d’information. Or les trois ne circulent pas au même rythme ni de la même façon, ni avec les mêmes conséquences.

La soie, d’abord fabriquée uniquement en Chine, traverse toute l’Eurasie, en passant de main en main, de caravane en caravane ou de port en port en plusieurs mois. Elle voyage d’ailleurs avec bien d’autres marchandises, dont les épices, en passant par des intermédiaires qui ont tout intérêt à conserver le monopole du transport sur leur territoire, mais aussi celui de la connaissance des sources d’approvisionnement et de l’origine de ce qu’ils vendent.

Les gens circulent aussi sur les routes, à grand peine et à grand risque. Très peu d’entre eux accomplissent l’itinéraire complet d’Ouest en est ou l’inverse, ils le font très tard et ne sont qu’une poignée à écrire des mémoires qui nous soient parvenus (guère avant le XIII° siècle). Ces voyageurs sont des marchands, des ambassadeurs (vrais ou faux) des soldats, mais aussi des prédicateurs qui peuvent consacrer une bonne part de leur vie à un unique voyage.

Quant à l’information, elle porte sur des connaissances techniques précieuses (qu’est-ce que la soie ? comment est-elle fabriquée ?), sur les pays lointains (leur mœurs, leur système, les possibilités de négoce d’alliance et le dangers qu’ils présentent, leur intérêt géostratégique), sur la géographie et les transports..

Mais cette information est largement déformée ou recouverte par des incompréhensions, de la désinformation délibérée, des mauvaises interprétations, des récits légendaires qui ont plus de succès que les rapports fiables, des croyances et des mythes que les voyageurs projettent sur tout ce qu’ils voient. Sans compter une autre sorte d’information qui circule et qui est destinée à convaincre ou à sauver les âmes : la prédication, pour ne pas dire la propagande des grandes religions avec leurs pèlerins ou leurs prosélytes qui traversent des continents entiers pour répandre (ou recueillir) la parole sacrée. Cette information voyage à travers ds écrits, des images et bien sûr la mémoire des hommes qui sont souvent menteurs, hâbleurs ou naïfs.

Edith et François-Bernard Huyghe se proposent d’explorer trois aspects de cette relation (parmi beaucoup d’autres possibles).
- l’idée même de route de la soie, envisagée comme itinéraire commercial, mais aussi comme lien entre des cultures et des civilisations se développe dans un contexte marqué par la guerre économique et des questions géostratégiques
- le secret de la soie (à la fois lle fait de savoir qu’elle est produite par un simple vers, et la façon de la fabriquer) a constitué le plus long secret «industriel » de l’Histoire et n’a été percé, au bout de plusieurs siècles, que par de véritables manœuvres d’espionnage. D’autres grands secrets (des épices, du papier, de l’imprimerie, de la poudre…) suivront le même chemin.
- sur la route de la soie ont proliféré des réseaux marchands ou autres fonctionnant par l’échange des nouvelles et des savoirs, la fausse information chassant parfois la vraie et la conservation de la mémoire posant des questions cruciales.

Au total, la route de la soie qui cesse vraiment de fonctionner au seuil de l’ère des grandes découvertes et de l’imprimerie, résume parfaitement la circulation des savoirs pendant ce que nous avons baptisé « l’ère du portage », quand une idée ou une information ne circule pas un homme qui la transporte avec lui et à son pas.

Sur la Route de la soie, voir sur ce même site :

mythes des routes,
l'introduction du livre téléchargeable
le secret de la soie et des épices

dimanche, 10 novembre 2019

Blue Dot, réplique américaine à la BRI chinoise

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Blue Dot, réplique américaine à la BRI chinoise

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La BRI ou Belt and Road Initiative est un grand programme d'origine chinoise, lancé il y a 6 ans, visant à connecter par des techniques modernes tous les Etats le souhaitant dans la région asiatique, au Moyen Orient et bientôt en Europe.

C'est devenu la hantise des Etats-Unis qui y voient la volonté de Pékin d'imposer son influence économique et politique dans cette partie du monde, en éliminant de ce fait l'influence américaine.

Nous avons souvent ici présenté la BRI. Voir notamment un article concernant la participation de l'Italie. Il est inutile d'y revenir. Il était évident que Washington était obligé de répliquer. Ceci vient d'être fait avec le lancement du Blue Dot Network. Celui-ci est présenté, officiellement, comme destiné à promouvoir des infrastructures de développement dans la région indo-pacifique et au-delà. Celles-ci devraient être « sustainables » c'est à dire aussi peu coûteuses et aussi peu agressives à l'égard de l'environnement que possible.

Il s'agit d'un projet commun réunissant la US Overseas Private Investment Corporation dont le nom indique bien les objectifs, le ministère australien des Affaires Etrangères et du Commerce, ainsi que la Banque Japonaise pour la Coopération internationale.

XI Jinping vient d'annoncer à Shanghai, lors de la China International Import Expo que la Chine avait à ce jour signé 197 accords concernant la coopération pour le développement de la Bri, avec 137 pays et 30 organisations internationales. Même si ces chiffres paraissent un peu exagérés, ils sont pas comparables avec l'intérêt que pourra rencontrer Blue Dot, où beaucoup voient une tentative de Wall Street pour conserver son emprise dans la région.

L'Inde, en ce qui la concerne, dont le rôle sera essentiel, semble partagée par le désir de participer à la BRI et d'être présente dans Blue Dot, tout au moins si celle-ci tient ses promesses. Beaucoup d'entreprises indiennes conservent de nombreux liens commerciaux avec les Etats-Unis et voudraient manifestement jouer sur les deux tableaux.

Pour le moment, Blue Dot a plutôt suscité de la méfiance en Asie. Ceci tient au fait que derrière des investissements privés, il est facile d'y voir un processus permettant, non seulement au grand capital américain, mais au Pentagone, de reprendre un peu de poids dans une partie du monde où l'influence de la Chine est devenue considérable.


 

samedi, 09 novembre 2019

Souvenirs et réflexion à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin

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Souvenirs et réflexion à l’occasion du trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin

par Robert Steuckers

Le 9 novembre 1989, j’étais chez moi et je travaillais paisiblement dans mon bureau de traducteur. En fin d’après-midi, je devais me rendre à Bonn pour prononcer une conférence sur la notion de métapolitique pour les jeunes gens et les jeunes filles du mouvement de jeunesse Freibund. La problématique, qu’il s’agissait d’expliciter, était la suivante : une métapolitique, telle que l’avait conçue et formulée le communiste historique Antonio Gramsci, était-elle encore possible à la fin des années 1980, à une époque où les partis communistes ou les autres formations totalitaires n’exerçaient plus aucune attractivité ? Une métapolitique adaptée aux temps présents devait, à mes yeux, se développer selon les stratégies métapolitiques et éditoriales mises au point par l’éditeur Eugen Diederichs en 1896. Diederichs voulait humaniser la religion, le socialisme et la politique en général, les articuler sur un mode plus flexible, tant et si bien que les concepts qui s’étaient figés au fil du temps pouvaient redevenir vivants et fluides. La politique devait alors toujours demeurer « life friendly », moulée sur les ressorts vitaux, et ainsi être véritablement organique, dans la mesure où ses nouvelles sources d’inspiration devaient recourir aux traditions vivantes de tous les peuples, à la mystique rhénane/flamande née en nos régions au cours des décennies d’or de notre moyen-âge, devaient emprunter les voies alternatives d’un socialisme solidariste et communautaire, etc.

Tandis que j’essayais de présenter ces faits d’histoire culturelle et ces arguments spirituels (propres aux aspirations de Diederichs) sur un mode didactique qui seyait à un public très jeune, j’entendis tout d’un coup que le Mur était tombé, que les Vopos avaient ouvert des brèches dans cette effroyable barrière et que, en masse, les Berlinois de l’Est traversaient l’abominable mais défunte ligne de démarcation. Dix minutes plus tard, le téléphone a sonné : c’était l’un des jeunes du Freibund, dans un état de joie et de surexcitation, qui m’appelait pour me dire que le public que l’on avait mobilisé pour ma conférence en fin de journée avait bien naturellement décidé de partir immédiatement à Berlin pour être tout simplement présent en ce moment historique tant attendu par tous les Allemands. Dieu que j’aurais aimé les accompagner, Dieu que je regrettais de ne pas être parti plus tôt dans la journée pour arriver vers midi à Bonn et pouvoir me rendre dans la capitale allemande avec les jeunes du Freibund ! Pire : sans que je ne le susse, mon voisin, beau-fils de Georges Désir, ponte du FDF, qui ne parlait pas un mot d’allemand et qui, très vraisemblablement, ignorait les tenants et aboutissants de l’histoire allemande d’après 1945, avait sauté dans sa voiture avec quelques copains pour foncer vers Berlin, afin d’exprimer sa solidarité avec les Allemands !

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La division de l’Europe venait de prendre fin. Il était enfin possible d’espérer qu’allait devenir réalité cette Europe Totale théorisée par l’ancien ministre belge et chrétien-démocrate des affaires étrangères, Pierre Harmel, critique pertinent mais tranquille, de la Doctrine Hallstein, rabiquement pro-occidentale et, à ce titre, instrument de la division fatidique. Les années 1990 et les deux premières décennies du 21ème siècle n’ont pas réalisé le vœu très profond qui nous animait alors. Au lieu de se développer en toute indépendance, l’Europe s’est étiolée, pour devenir, en bout de course, ce qu’elle est aujourd’hui : un grand espace pourri par la décadence, vidé spirituellement, mentalement délirant et, à coup sûr, dépourvu de toute souveraineté car c’est toujours Washington qui mène la danse.

***

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Berlin n’était pas une ville inconnue pour moi: je m’y étais rendu en 1977 à l’occasion d’un voyage patronné par le DAAD (*). Le Mur était là, à l’époque, dans toute son horreur. Au lieu de passage vers Berlin-Est pour les non-Allemands, le Checkpoint Charlie, une très vilaine gradée de la Volkspolizei communiste, horribles lunettes noires sur le pif et coiffée à la Duguesclin, avait fait passer des miroirs sous notre autocar. Un Vopo avait regardé, soupçonneux, par-dessus mon épaule, au moment où je payais un exemplaire de l’Anti-Dühring de Marx.

 

oesch.jpgSur le Kurfürstendamm, des étudiants iraniens manifestaient contre le Shah. Dans une librairie, je m’étais procuré un exemplaire du fameux livre d’Otto-Ernst Schüddekopf sur le national-bolchevisme de l’époque de la République de Weimar, un témoignage incontournable ; un quart d’heure plus tard, je m’attable à une terrasse pour compulser mes nouveaux bouquins. Je suis assis à une table collective et une dame âgée, souriante, arrive et me dit avec toute la gouaille berlinoise : « Bonjour jeune homme, accepteriez-vous qu’une vieille tarte (« eine alte Klatschtante ») comme moi s’assoie en face de vous ? ». Elle était d’une sombre élégance, coiffée d’un chapeau à la tyrolienne orné d’une superbe plume noire. Nous entamons une conversation et je vois qu’un sourire approbateur se dessine sur son visage jovial quand elle voit le type de littérature historique que je m’étais choisi. Elle a voulu me payer les bouquins. Et elle insistait. Confus, je décline son offre. Elle se lève me salue et laisse 30 marks sur la table. Je veux les lui rendre, elle s’éclipse en me lançant un « Ach, Quatsch ! » chaleureux… A Berlin-Est, je vois circuler de belles automobiles tchèques, à l’esthétique vintage, des Tatra. Sur la Place de la Gendarmerie, en ruine, des arbres avaient poussé sur les marches des deux églises, l’allemande et la huguenote.

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Je revins à Berlin seulement en janvier 1993. Le Mur n’était plus là. Les troupes soviétiques pliaient bagage. A Potsdam, je vécus une scène qui est restée profondément ancrée dans la mémoire. Il neigeait et le froid était glacial. Sans vouloir être grivois, j’étais debout face à une « Pinkelrinne », une pissotière d’ancien modèle, datant sûrement de l’époque wilhelminienne ; à hauteur de mes yeux, il y avait une longue fenêtre par laquelle on pouvait voir le trafic sur la chaussée. Brusquement, venu du fond très nébuleux du paysage, déboula à vitesse réduite un énorme camion militaire soviétique sous une neige drue. Les soldats étaient en tenue d’hiver, avec de beaux et longs manteaux gris et, sur la tête, les fameuses chapkas frappées de l’étoile rouge. Le véhicule était bourré de biens de consommation occidentaux, des machines à laver et des frigidaires. Les officiers avaient « réalisé » leur solde, s’étaient débarrassé d’un papier-monnaie sans valeur. Ils retournaient dans leur mystérieux empire des steppes : c’est ainsi que j’ai pu observer le départ des derniers soldats soviétiques de Postdam.

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Plus tard, je me rendis encore à Berlin  à la Toussaint 2002 et à l’automne 2004 : la Potsdamer Platz avait quasiment trouvé sa configuration actuelle mais n’était pas encore achevée. L’hyper-modernité à l’américaine s’était affirmée sur le terrain le plus sinistre du vieux mur disparu. Les temps avaient certes changé mais ni les Allemands ni les autres Européens ne disposaient encore d’une véritable souveraineté. Mais que découvrirai-je aujourd’hui dans le nouveau Berlin si j’y revenais, dans cette antique capitale prussienne ?

Forest-Flotzenberg, 8 novembre 1989, à la vieille du 30ème anniversaire de la chute du Mur.

jeudi, 07 novembre 2019

Relations internationales et antagonismes idéologiques...

 

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Relations internationales et antagonismes idéologiques...

par Pierre de Lauzun
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun, cueilli sur Geopragma et consacré à l'impact des antagonismes idéologiques dans le champ des relations internationales.

Relations internationales et antagonismes idéologiques

A côté du schéma des relations internationales classique depuis les traités de Westphalie, fondé sur des rapports entre entités plus ou moins souveraines, d’autres facteurs sont régulièrement venus colorer ces relations. On peut citer ici les conflits de civilisations chers à S. Huntington, bien qu’historiquement on trouve peu d’exemples où un conflit significatif oppose ce qu’on peut décrire comme deux aires de civilisation (voir un billet précédent). Même si des différences culturelles profondes ont souvent contribué à renforcer les antagonismes et à les radicaliser : les conflits étaient et sont en général d’abord des conflits entre puissances. Ce n’est que dans le cas de l’Islam que ce terme pouvait acquérir plus de vraisemblance, dans son opposition avec le monde chrétien d’un côté, le monde hindou de l’autre. Mais justement l’Islam est spécifique par l’association étroite qu’il fait entre religion et politique, et donc sa proximité potentielle avec une idéologie politique.

Cela nous conduit à mettre en lumière une autre type d’opposition, plus caractéristique de l’époque moderne au sens large, qui sont les conflits idéologiques. La guerre froide vient immédiatement ici à l’esprit, mais la seconde guerre mondiale dans une très large mesure aussi ; voire la première, du moins si on prend au pied de la lettre la propagande de l’époque. Comme si, à l’époque démocratique tout particulièrement, il fallait justifier les conflits par autre chose que les simples oppositions de puissance : par des oppositions entre un bien et un mal, moyennant bien sûr simplification éventuellement caricaturale de la réalité. Cette opposition idéologique n’oblitère évidemment pas la dimension de conflit de puissance, évidente dans tous ces cas, mais elle lui donne une caractère et une intensité toutes particulières ; elle peut en outre orienter les décisions prises, du fait de sa logique propre. C’est cette époque qu’on a pu croire un bref instant terminée en 1991 avec la fin de l’URSS.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Apparemment la domination de ce qu’on peut appeler l’idéologie occidentale, est considérable sinon massive : elle donne sa substance au discours international de tout côté, depuis les débats de l’ONU jusqu’aux argumentaires donnés par les faucons américains, en Iraq et ailleurs. Idéologie utilisée abondamment pour justifier des politiques, et notamment des interventions ici ou là, militaires ou non. Mais sans qu’il y ait désormais un adversaire idéologique clair.

Les tentatives pour dresser une protestation, ou un début d’alternative, sincère ou pas, contre cette idéologie dominante sont timides et locales. C’est même vrai dans le cas de l’islamisme, sous ses différentes formes. Certes il représente un phénomène majeur. Soit comme prétexte à intervention, soit comme boutefeu, il peut jouer un rôle important dans les évènements. Mais il ne se situe pas à ce stade au niveau des grands rapports de force entre puissances, car il faudrait pour cela qu’une vraie puissance l’incarne. Sur la scène internationale il s’exprime en fait surtout sous la forme spécifique du terrorisme, dont la connexion avec de vraies puissances reste limitée. Certes un certain islamisme militant est revendiqué sous des formes diverses et souvent antagonistes par l’Arabie saoudite, l’Iran, et d’autres comme de plus en plus la Turquie. La première répand sa version rigide et extrême de l’Islam, à coups de dizaines de milliards, depuis plus de 50 ans (avec ses amis ou rivaux du Golfe), mais sans fédérer un véritable camp structuré comme tel. L’éventail de ses amis est pour le moins éclectique. Le second a su rassembler et mobiliser les communautés chiites dans un arc traversant tout le Moyen Orient, qui a actuellement le vent en poupe, mais sans sortir de ce cousinage par nature limité. Le chiisme reste fort peu missionnaire. La Turquie, importante comme puissance régionale, est peu suivie comme leader et reste à dominante nationaliste. Dans les faits donc, même si l’idéologie conditionne ces antagonismes et d’autres, le conflit de puissances reste prépondérant au niveau des relations de pouvoir. Reste que la résurgence indéniable de l’islamisme est un fait géopolitique majeur, qui peut l’être plus encore à l’avenir, si elle conduit à une modification suffisante des équilibres internes, et par là des priorités des pays concernés. C’est donc dans la patte humaine des pays musulmans qu’est l’enjeu, avant les relations internationales entre puissances.

Une autre source majeure d’alternative idéologique, potentiellement plus massive et plus significative, est l’évolution possible de la Chine. Au stade actuel, l’ancien antagonisme entre marxistes et occidentaux ne joue plus de rôle significatif au niveau mondial. Mais la Chine reste fondée sur des principes indéniablement différents et antagonistes de ceux qui constituent la doxa internationale, notamment américaine. A ce stade, cela ne prend pas chez elle la forme d’un programme idéologique conquérant. On peut même avancer que sa situation idéologique interne n’est elle-même pas stabilisée : il est clair que le régime cherche une justification à ce niveau, mais pour réussir il faudrait que cela prenne une forme différente et surtout plus élaborée. Elle pourrait tourner autour de l’idée actuellement latente d’un régime « éclairé », possédant une vision à long terme, qui est dégagée et mise en œuvre par des élites intellectuelles et sociales elles-mêmes sélectionnées à partir du peuple par le tamis du parti : on mêlerait ainsi une certain héritage léniniste plus ou moins maoïste (cher au président chinois actuel) avec des éléments de confucianisme récupéré (l’idée ancienne d’une élite supposée vertueuse au service du peuple, mue par le culte de la moralité publique). Mais la formalisation théorique de cela reste à ce stade limitée et déficiente, et non exportable.

A ce stade donc la Chine n’est pas mûre pour jouer un rôle international significatif à ce niveau, même si dans son mode d’intervention on voit l’impact de la différence avec les pays occidentaux, notamment dans son indifférence affichée à toute « démocratisation » dans les pays qu’elle aide. Ajoutons que la tradition chinoise séculaire était plus introvertie que messianique ; même si la Chine ancienne avait progressivement assimilé des zones vastes, grâce à son modèle culturel et politique attractif pour ses voisins ou les pays dominés. Mais outre qu’elle n’a plus cette puissance d’attraction à ce stade, sous cette forme cela ne donnerait de réponse que pour les pays de son environnement immédiat, culturellement proches (Japon, Corée, Vietnam) – et ce n’est en rien le cas actuellement. En bref la Chine actuelle commence à faire sentir sa puissance, mais elle rayonne bien plus par son pragmatisme que par son modèle ou ses idées. Elle n’a en outre aucune expérience historique des relations de puissance. Mais le temps travaille pour elle. Et à terme, on ne peut pas exclure qu’elle construise un modèle alternatif plus puissant, idéologiquement rival du modèle américain ou occidental. On peut par ailleurs trouver dans la tradition chinoise ancienne, si elle est quelque peu revisitée, un modèle politique fort, et même des motifs à interventionnisme, y compris sur base moralisante ; ainsi chez Mencius, successeur principal de Confucius, qui justifiait la guerre s’il s’agit d’éliminer des « tyrans » opprimant leur peuple. La situation reste donc mouvante et pourrait nous surprendre.

D’autres sources encore peuvent émerger à terme long : pensons à une civilisation ancienne comme celle de l’Inde, désormais en voie d’affirmation politique elle aussi.

Mais il n’est pas inintéressant de considérer un autre cas beaucoup plus d’actualité, quoique bien moins dramatique que les exemples cités : celui des populismes. Bien entendu les mouvements ou personnages classés comme tels sont censés faire partie du monde des démocraties à l’occidentale. En outre, ils sont hétérogènes, et ne constituent ni un front ni même une alliance. Rien ne dessine à ce stade un antagonisme d’ensemble entre eux et les autres régimes se disant démocratiques. Néanmoins la manière dont ils sont perçus, tant par les médias que par la diplomatie de ces autres pays, présente des traits caractéristiques, où la dimension idéologique (en l’espèce de réprobation) est manifestement prégnante : PIS polonais, Orban, Lega de Salvini, Brexiters à la Boris Johnson, personnages comme Trump ou Bolsonaro sont fondamentalement ressentis dans le discours dominant comme des anomalies moralement condamnables, dans leur discours même. On les rapproche parfois même d’un autre réprouvé comme V. Poutine, malgré les différences évidentes – mais justement ce rapprochement est symptomatique. Certes, le phénomène n’en est qu’à ses débuts, et peut faire long feu. Le succès ou l’échec du Brexit, l’avenir politique de D. Trump, l’évolution de l’Est de l’Europe ou de l’Italie seront ici des tournants importants, parmi d’autres. Certes, même si le phénomène subsiste, la possibilité d’un front de tout ou partie de ces dirigeants paraît plutôt improbable à ce stade. Mais on ne pourrait pas exclure qu’une fracture durable s’installe dans la belle unanimité antérieure, colorant alors les relations internationales de façon appréciable, vu l’importance des pays concernés. Le consensus idéologique occidental pourrait se trouver alors fortement altéré.

Pierre de Lauzun (Geopragma, 4 novembre 2019)

mercredi, 06 novembre 2019

Multipolarité et société ouverte

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Forum de Chisinau III:

Multipolarité et société ouverte

Ex: https://www.geopolitica.ru

Multipolarité et société ouverte : le réalisme géopolitique contre l’utopie cosmopolitique. Pluriversum vs universum.

« Que l’on imagine, dans l’avenir, un État universel englobant l’humanité entière. En théorie, il n’y aurait plus d’armée, mais seulement une police. Si une province ou un parti prenait les armes, l’État unique et planétaire les déclarerait rebelles et les traiterait comme tels. Mais cette guerre civile, épisode de la politique intérieure, paraîtrait rétrospectivement le retour à la politique étrangère au cas où la victoire des rebelles entraînerait la désagrégation de l’État universel. »

Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Paris, 1962

« Le monde n’est pas une unité politique, il est un pluriversum politique »

Carl Schmitt, La notion du politique

Le messianisme post-politique de la société ouverte et la guerre civile mondiale

George Soros et les globalistes désignent leur projet politique par les termes de « société ouverte ». Pour eux, cette société ouverte constitue bien plus qu’un idéal politique. Il s’agit en fait d’une révolution anthropologique totale qui vise à transformer l’humanité dans son ensemble et à abolir les États-nations historiques qui forment encore le cadre normatif des relations internationales. Pour rejoindre cet objectif, les globalistes usent d’une forme d’ingénierie sociale qui agit sur les sociétés humaines de manière progressive mais continue. Cette méthodologie – qui vise à une transformation furtive et ininterrompue de la société à l’insu des citoyens – a été théorisée en son temps par les pères fondateurs de la cybernétique et du marxisme culturel. Elle est aujourd’hui employée par les réseaux Soros avec une efficacité inédite dans l’histoire contemporaine. Il s’agit d’une conception supra-politique ou métapolitique qui vise à dissoudre progressivement le politique et les prérogatives des Etats-nations au sein d’un « super-Etat » mondial qui viendrait encadrer et piloter la vie de l’humanité toute entière. Une humanité conçue dès lors comme un seul œkoumène planétaire unifié et intégré.

Cette notion de « société ouverte » constitue l’aboutissement radical du processus historique de sécularisation entamé en Occident depuis la Renaissance. Un processus qui a vu se succéder différentes phases : Réforme, Lumières, Saint-simonisme, socialisme utopique, marxisme théorique, communisme des origines et bolchévisme (qui muteront en Stalinisme puis en « Soviétisme ») ; marxisme culturel et freudo-marxisme universitaire après 1945 et enfin libéralisme-libertaire après mai 68. Chaque vague de ce mouvement de sécularisation étant plus radical et plus profond que le précédent. La société ouverte comme projet métapolitique synthétise toutes les phases précédentes de ce processus de sécularisation. Elle opère aussi la jonction entre le freudo-marxisme anti-stalinien et la critique libérale des autoritarismes et de l’historicisme effectuée en son temps par Karl Popper. Aux « historicismes » platonicien, hégélien, marxiste ou fasciste, la société ouverte substitue l’impératif catégorique et téléologique de la convergence de toutes les sociétés humaines vers un « démos » planétaire unique. A une conception géo-politique et historique d’un homme différencié, elle substitue la conception universaliste et cosmopolitique d’une humanité unique et sans-frontières. Le rejet de l’historicisme propre à cette notion de société ouverte développée par Popper et radicalisé par Soros aboutit paradoxalement à un « historicisme de la fin de l’Histoire ». Une fin de l’histoire qui verrait toutes les narrations humaines converger et fusionner dans une unité mondiale du genre humain enfin réalisée. Ici pas de dialectique entre l’Un et le particulier mais bien la fusion et confusion des particularismes dans une unité ubique et planétaire.

Cette notion de Société ouverte recouvre très exactement cet universum qu’évoquait Carl Schmitt dans La notion de politique ; un universum qui en se prétendant universel tend à nier l’existence même du politique qui est par nature « pluriversel ». La société ouverte en tant qu’idéal d’une fin des altérités nationales en vue d’une paix mondiale définitive et utopique (au sens propre) constitue une négation de l’essence du politique selon la définition qu’en donne Carl Schmitt et l’ensemble des penseurs conservateurs. La société ouverte est en fait une cosmopolitique qui a comme horizon d’attente la fin de la géopolitique et la fin du politique.

D’où son recours à l’ingénierie sociale et à la cybernétique afin de contrôler par des moyens post-politiques les masses humaines dénationalisées qu’elle entend gérer. Mais, à mesure que la société ouverte dissout l’ordre normal des relations internationales en le parasitant de l’intérieur via les instances supra-étatiques et transnationales, s’installe alors une forme de guerre civile universelle dont les flammes ne cessent d’éclairer l’actualité. En témoignent les conflits contemporains qui sont de moins en moins des guerres inter-étatiques déclarées mais des conflits asymétriques et hybrides où s’affrontent les « partisans » et les pirates d’une société liquide universelle au sein de théâtres des opérations toujours plus flous, brutaux et non conventionnels. Dans l’esprit mondialiste, ces guerres sont les prolégomènes et le processus nécessaires vers une fin prochaine des antagonismes internationaux

A mesure que progresse le cosmopolitisme et son millénarisme anti-étatique, progresse de concert la guerre civile mondiale. Pour freiner cette tendance inéluctable et de manière similaire au communisme des origines, l’idéal d’une fin de l’Etat et d’une parousie post-politique aboutira de fait au retour d’un arbitraire plus violent que ce qu’aucun Etat n’aura jamais infligé à ses citoyens dans l’Histoire. Si les Etats-nations sont défaits, émergera alors un Léviathan mondial d’une brutalité inédite et sans frein. C’est à un avatar de ce Léviathan libéral que se sont heurtés les gilets jaunes en France cette année. Le Léviathan libéral protège les migrants dont il a besoin comme esclaves et pour dissoudre les nations mais il crève les yeux des français opposés aux conséquences du mondialisme. Le Léviathan macro-merkelien a besoin de plus de migrants pour empêcher les révoltes populaires et pour en faire ses auxiliaires de police contre les patriotes français. Demain, face au risque d’une contagion internationale d’un retour du nationalisme, c’est l’ensemble de l’Occident libéral qui peut se transformer en Léviathan et principalement l’Union-Européenne qui n’acceptera jamais de modifier sa forme fédérale jacobine-globaliste en une confédération d’États-nations souverains mais coopérants. L’essence du mondialisme c’est le populicide, quelle qu’en soit sa forme : sanglante sous le jacobinisme ou le bolchévisme, souriante sous sa forme actuelle. La société ouverte c’est le populicide avec le sourire. Mais un sourire qui va devenir toujours plus nerveux et contracté, à l’image de la face d’Emmanuel Macron face aux gilets jaunes.

La société ouverte et les fractures géopolitiques contemporaines 

Face à ce projet globalitaire d’une société ouverte transnationale, on observe une lutte toujours plus affirmée au sein du monde occidental entre globalistes sorosiens (type Merkel-Macron et autre Trudeau) et une tendance que je qualifierais de néo-occidentaliste (type Trump-Orban-Salvini). Cette ligne de fracture entre globalistes et néo-occidentalistes traverse tout l’Occident et s’avère déterminante quant à l’avenir du système des relations internationales. Irons-nous vers plus d’intégration globaliste ou bien l’anglosphère et ses alliés vont-ils faire bloc pour contrer une alliance stratégique eurasiatique et l’émergence d’un monde post-occidental ?

Pour avoir les mains libres dans la guerre géo-économique qui se joue entre l’empire américain et ses rivaux stratégiques eurasiatiques, il devient urgent pour les néo-occidentalistes de contenir l’influence interne à l’Occident que possèdent les réseaux Soros et à la limite de les laisser agir à l’étranger. C’est-à-dire là où ils peuvent être utiles pour aller chatouiller les géants terrestres que sont la Chine et la Russie sur leurs marches. Comme à Hong-Kong, en Ukraine, en Géorgie, en Arménie et partout ailleurs sur ces verrous-pivots du « Rimland » qui ceinturent l’« Heartland » eurasiatique. Les néo-occidentalistes (qui ne sont pas exactement les néo-conservateurs de l’époque de Bush) convergent parfois avec les sionistes de droite afin de contrer les liens qu’entretiennent les réseaux Soros et la gauche israélienne type Ehud Barak mais ils peuvent aussi diverger comme l’illustre l’éviction plus récente d’un John Bolton. A ces hauteurs du pouvoir politique occidental le vent souffle très fort et change très vite de direction …

L’affaire Epstein fût un bon indicateur de cette friction entre une gauche « sorosienne » globaliste et une droite néo-occidentaliste philo-sioniste. Dès 2015, Trump avait ainsi attaqué Bill Clinton sur sa fréquentation assidue de Jeffrey Epstein et de ses « prestations ». Dès qu’Epstein fût suspecté de détournements de mineures, Donald Trump se rapprocha ainsi de Bradley Edwards, l’avocat des jeunes victimes. Bradley Edwards affirma même que Trump fût le seul « people » à avoir agi de la sorte et que sa collaboration lui fût précieuse.

On connait par ailleurs la proximité d’Epstein avec Ehud Barak, proximité qui a été révélé par les photos du Daily Mail où l’on peut voir Ehud Barak « entrant dans la résidence de Jeffrey Epstein à New York en 2016, le visage partiellement caché, et d’autres de jeunes femmes pénétrant le même jour dans la résidence. » Ehud Barak qui annonçait fin juin 2019 « la fin de l’ère Netanyahu », se retrouvait ainsi propulsé comme amateur de filles mineures en pleine une du Daily Mail, le deuxième quotidien britannique en nombre de ventes. Ceci en pleine période de tensions sur le Brexit. Brexit soutenu par l’administration Trump contre les euro-globalistes sorosiens. Ehud Barak est par ailleurs régulièrement accusé par la droite israélienne d’être soutenu par Soros et ses relais israéliens. Netanyahu fût ainsi le premier ravi des révélations sordides sur Ehud Barak. Révélations qui survinrent peu avant les récentes élections législatives israéliennes et qui s’annonçaient difficiles pour le Likoud.

On voit ici un axe Trump-Netanyahu se confronter à une gauche internationale Clinton-Epstein-Barak-Soros. Et ça n’est que le point le plus saillant de cette confrontation, car sur les questions de société les plus clivantes comme l’avortement, le communautarisme LGBT ou l’identité nationale, ces deux orientations du monde occidental se font face et divergent régulièrement.

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A la fin de mon étude sur les réseaux Soros je parlais d’une « unité et scission au sein du judaïsme politique », cette ligne de tension n’a fait que s’accroitre depuis. Le très influent néo-conservateur Daniel Pipes va jusqu’à parler d’une « opposition frontale entre l’Etat d’Israël et l’establishment juif européen ». Daniel Pipes accuse ainsi la gauche juive de la diaspora de refuser l’alliance que devraient faire les juifs avec les conservateurs et les populistes occidentaux ; alliance qui permettrait de contrer les ennemis d’Israël et de l’Occident que sont la gauche et l’Islam. C’est la ligne de dénonciation de l’« Islamo-gauchisme » que suivent en France les Golnadel, Elizabeth Levy, Ivan Rioufol, Eric Zemmour etc ou des médias comme la revue l’Incorrect. C’est une stratégie qui vise à pousser les nations européennes vers une alliance judéo-occidentale américano-centrée face au cosmopolitisme sorosien. C’est une tendance géopolitique qui a toujours existé aux Etats-Unis où dès les années cinquante, Robert Strausz-Hupé (d’ascendance juive et huguenote) créait l’Institut de recherche en politique étrangère (Foreign Policy Reseach Institute – FPRI), un influent centre de formation géopolitique qui visait à réarmer conceptuellement l’Amérique dans le contexte de la guerre froide.

fr-strausz-hupe-150-791e5.jpgRobert Strausz fût en quelque sorte le père du néo-conservatisme, il théorisait l’idée d’une Europe décadente qui devait être sauvée des griffes de l’Asie russe, chinoise et arabe. Pour ce faire, l’Europe devait être gérée comme une province d’un empire américain comparable au rôle que tenait l’Empire romain pour les cités grecques face à l’empire perse asiatique. Il théorisait aussi l’idée d’un empire universel américain, éclaireur armé de la démocratie mondiale. Une idée qui sera reprise par les néo-conservateurs du Project for the New American Century (Projet pour le Nouveau Siècle Américain, PNAC) à la fin des années 1990.

Les néo-occidentalistes comme Trump (ou son ancien conseiller Bannon) sont plus réalistes, moins idéalistes et donc moins interventionnistes que les néo-conservateurs. L’idée d’un empire américain universel les intéresse moins que d’empêcher l’éclatement des Etats-Unis sous le poids de leurs contradictions internes tout en maintenant une influence américaine assez forte pour contrer la montée de la Chine afin de rester en tête du système des relations internationales au XXI ème siècle.

Mais Trump ne tient pas l’ensemble de la structure du pouvoir américain, aussi les tendances globalistes ou sionistes durs (qui se confrontent entre elles) poussent les Etats-Unis vers leurs agendas respectifs et empêchent Trump de réaliser pleinement ses promesses électorales d’un retour à un isolationnisme modéré.

Comme on le voit, le système géopolitique international est partagé entre différentes tendances lourdes qui cherchent chacune à imposer leurs orientations géopolitiques, idéologiques et sociales.

On pourrait décliner ces tendances ainsi :

1/ Un pan-conservatisme néo-occidentaliste promu par l’administration Trump et ses alliés en Europe, en Grande-Bretagne et par la droite israélienne. Ce pan-conservatisme veut ménager la Russie face à la Chine mais empêcher une convergence stratégique UE / Russie. C’est d’une certaine manière la pensée de Samuel Huntington qui est ici réactualisée. Des commentateurs superficiels ont ainsi beaucoup ri de l’intention de Trump de racheter le territoire du Groenland mais en plus d’être une tête de pont stratégique sur l’Océan Arctique face à la Russie et l’Eurasie, il faut se souvenir que la carte du monde que proposait Samuel P. Huntington dans son livre « Le Choc des civilisations » incluait précisément le Groenland et les pays scandinaves comme faisant partie de la civilisation chrétienne occidentale dans son classement des civilisations mondiales. Ce Pan-conservatisme qui marquait de plus en plus de points sur l’échiquier occidental a reçu plusieurs coups d’arrêts récents depuis les dernières élections européennes avec le scandale Strache en Autriche, la fin de la coalition Lega / M5S en Italie ou encore le blocage du Brexit en Grande-Bretagne. Ce qui démontre la puissance toujours intacte de l’européisme sorosien.

2/ Un européisme globaliste « sorosien » pur jus, dont le centre de gravité politique est actuellement incarné par le couple Macron-Merkel. D’où le traité d’Aix-la-Chapelle (traité sur la coopération et l’intégration franco-allemandes) signé par Macron et Merkel cette année. Ce traité vise à accélérer la constitution d’un pôle continental globaliste intégré et d’un plan B pour l’UE face aux risques d’émiettement ou même un simple changement d’orientation de l’UE que peut favoriser la montée des souverainismes en Europe. Une montée pour l’instant freinée par les manœuvres politiciennes en Italie, Grande-Bretagne et Autriche.

3/ Une intégration géo-économique eurasiatique dont le moteur principal est la Chine et sa volonté de réaliser le projet grand-continental des « nouvelles routes de la soie ». Rappelons que le projet des nouvelles routes de la soie appelé officiellement « One Belt, One Road » (OBOR) a pour ambition de s’étendre du Pacifique jusqu’à la mer Baltique et qu’il vise en plus de la Chine, « 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et d’Europe centrale et orientale ». Avec un budget de 800 à 1 000 milliards de dollars (cinq à six fois le budget du plan Marshall), ce projet pourrait permettre à la Chine de réaliser ce qui constitue la grande crainte des géopoliticiens anglo-saxons depuis toujours : l’intégration économique du continent eurasiatique dans son ensemble à l’horizon 2049, date anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Une intégration économique qui déplacerait le centre des affaires mondiales de l’Occident vers l’Eurasie mais une Eurasie pilotée par la Chine et non pas par l’Europe et la Russie.

Pour une quatrième orientation géostratégique européenne

Il faut être réaliste, dans chacune des trois options que je viens d’énoncer, ceux que j’appelle les peuples « natifs-européens » ont plus un destin d’objets que de sujets politiques. La situation actuelle est très périlleuse pour nos peuples sur tous les plans : démographique, économique, sécuritaire, culturel, civilisationnel, religieux etc.

Sur le plan des valeurs et d’une certaine volonté de freiner la culture de mort mondialiste, le pan-conservatisme et ses alliés souverainistes apparaissent comme la meilleure de ces trois orientations mais au niveau de la politique étrangère, avec le parasitage permanent du sionisme religieux dur, cette orientation s’avère problématique pour nos intérêts géostratégiques au Moyen-Orient et en Eurasie.

Quant à l’Européisme des Macron, Attali, Soros, Merkel, il ne vise pas à la constitution d’une confédération des États-nations européens dans le but d’accéder à un niveau de puissance géopolitique supérieure mais bien à la création d’un espace politique et d’un « démos » pan-européens qui remplaceraient à terme les nations historiques européennes dans le cadre d’une gouvernance globale. Ce prétendu souverainisme européen bute sur une aporie : comment concilier un quelconque souverainisme continental avec l’impératif catégorique kantien d’une Europe région-monde d’une gouvernance mondiale intégrée ? Cet européisme est avant tout un cosmopolitisme maquillé par des promesses de souveraineté européenne qui ne se réalisent jamais.

Pire, cet euro-globalisme qui se veut universel ne l’est pas pour les puissances extérieures à l’Occident. Puissances qui sont en droit de refuser l’impératif catégorique sorosien d’une gouvernance mondiale et de le considérer comme un nouvel avatar du colonialisme occidental. Surtout, cet euro-globalisme désarme l’Europe dans la course normale des affaires du monde pour la préservation, le maintien voire l’extension de nos intérêts dans la lutte permanente qui opposent les puissances géopolitiques entre elles. Cet euro-globalisme n’est pas universel et ne constitue qu’une orientation géostratégique parmi d’autres mais une orientation qui pourrait s’avérer à terme fatal pour l’Europe dans son ensemble.

En tant que Français et qu’Européens, la vision, la boussole géopolitique qui devrait actuellement continuer de nous guider me semble être cette idée toujours neuve et actualisable d’un axe Paris-Berlin-Moscou (ou Moscou-Berlin-Paris) et d’une entente stratégique continentale entre souverainistes non-alignés. C’est la seule option géopolitique et civilisationnelle capable de faire pièce en premier lieu à l’euro-globalisme et à l’Union-Européenne mortifère des Soros/Macron/Merkel mais aussi de contenir l’anglosphère néo-occidentaliste et la montée de la Chine. Entre la bête de la mer et la bête de la terre, entre Léviathan et Béhémoth, ce serait bien de ne pas avoir à choisir notre prochain maître …

Seule une volonté de puissance et de coopération euro-russe (eurussienne) pourrait empêcher soit notre servitude prochaine, soit la diffusion universelle de la guerre civile mondiale. Seule une volonté de puissance et de coopération euro-russe pourrait empêcher l’écartèlement des peuples romano-germaniques et touraniens dans la guerre géo-économique mondiale entre néo-occidentalisme, néo-asiatisme et globalisme post-national. Sur cette voie, la Moldavie constitue une clef de voute de cette architecture géopolitique ambitieuse mais vitale pour l’avenir de nos peuples et de notre descendance.

Source - FLUX

Les Cours suprêmes contre le peuple et l’histoire

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Les Cours suprêmes contre le peuple et l’histoire

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le mardi 24 septembre 2019 restera dans l’histoire européenne comme une journée de deuil. Ce jour-là, les Cours suprêmes britannique et espagnole ont pris des décisions contraires à la volonté populaire et à la réalité historique.

La Cour suprême du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord existe depuis 2009. Elle remplit des fonctions judiciaires jusque-là assumées par la préhistorique Chambre des Lords. Elle décrète à l’unanimité que la suspension du Parlement pour cinq semaines voulue par le Premier ministre Boris Johnson est « illégale, nulle et sans effet ». Le Speaker (président) de la Chambre des Communes, John Bercow, convoque alors pour le lendemain une nouvelle session parlementaire.

Il s’agit d’un indéniable coup d’État judiciaire qui accélère la mutation du système politique britannique. De régime parlementaire rationalisé dans lequel le Premier ministre détenait un pouvoir discrétionnaire pour une durée illimitée, seulement interrompue par les électeurs ou par sa propre majorité, la Grande-Bretagne passe dans un régime d’assemblée soumis à la pression permanente des cléricatures médiatique et judiciaire.

Boris Johnson est devenu Premier ministre parce qu’il veut réaliser le Brexit approuvé par 51,89 % des votants. Or la classe politique britannique n’entend pas se séparer de l’Union dite européenne. Certains anti-Brexit suggèrent même l’organisation d’un nouveau référendum. Et si on refaisait les élections dès que leurs résultats déplaisent au politiquement correct ? Le cas s’est déjà présenté pour l’Irlande avec le traité de Lisbonne, d’abord rejeté par les Irlandais, le 12 juin 2008, avant que cette pâle copie du Traité constitutionnel européen soit finalement adopté le 2 octobre 2009.

Le même jour à Madrid, la Cour suprême espagnole rejette les recours déposés par la Fondation Franco, bientôt interdite pour une supposée « apologie du franquisme », l’Association de défense de la Valle de los Caidos et la communauté bénédictine du lieu. Elle autorise le gouvernement minoritaire et prébendier du sociétaliste Pedro Sanchez à exhumer la dépouille du Caudillo Francesco Franco ainsi que, dans un second temps, celle du martyr José Antonio Primo de Rivera. La violation illégitime de la sépulture du chef d’État espagnol a eu lieu jeudi dernier, 24 octobre, dans des conditions iniques qui bafouent le respect dû au défunt et à sa dignité. Le gouvernement espagnol souhaiterait ensuite transformer ce lieu de recueillement historique en « Disneyland » de la mémoire hémiplégique. Il s’agit d’effacer la victoire incontestable de la Croisade de libération nationale commencée en juillet 1936. Pedro Sanchez aimerait réécrire, huit décennies plus tard, un conflit largement perdu par les siens de la gauche dégénérée.

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Exhumer les tombes de Franco et de José Antonio relève de la profanation, acte tristement pratiqué par les « Rouges » entre 1936 et 1939. Cette pratique infâme sape d’ailleurs les piliers d’une Espagne contemporaine toujours redevable à Franco. Dans De Gaulle, 1969. L’autre révolution (Perrin, 2019, 301 p., 22 €), Arnaud Teyssier rapporte ce propos du Général De Gaulle à son collaborateur, Pierre-Louis Blanc, après son séjour passé en Espagne au printemps 1970. Il évoque l’œuvre du Caudillo : « Tout bien pesé, le bilan de son action est positif pour son pays. Mais, Dieu, qu’il a eu la main lourde ! (note 17, p. 254) » L’auteur de cet ouvrage précise que « De Gaulle avait noté un jour dans ses carnets cette phrase de Joseph de Maistre : “ Un acte politique ne se juge pas aux victimes, mais aux maux qu’il évite ” (p. 252) ». Pas sûr que le minable Pedro Sanchez comprenne cette profonde réflexion.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 145, mise en ligne sur TV Libertés, le 28 octobre 2019.

mardi, 05 novembre 2019

Près de dix ans après le Climategate

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Près de dix ans après le Climategate

 
 
Auteur : Dr Kelvin Kemm (Etats-Unis) 
Ex: http://www.zejournal.mobi
 

[Malgré le scandale du Climategate,] Les alarmistes du climat continuent de promouvoir leur fausse science, l’interdiction des combustibles fossiles et la redistribution des richesses.

Le 17 de ce mois marquera le dixième anniversaire du scandale du Climategate, soit la divulgation de milliers de courriels que s’échangeaient des climatologues collaborant (et qui collaborent encore) à l’invention de la responsabilité humaine dans une crise climatique n’existant que dans leur esprit et dans leurs modélisations informatiques, et absolument pas dans le monde réel. Ce scandale aurait dû faire cesser le catastrophisme climatique, mais il a été délibérément enterré par les potes politiciens, scientifiques, activistes et capitalistes, qui tireront des milliers de milliards de dollars des exagérations et de la mystification, tout en se dispensant des coûts qu’ils infligent chaque jour aux familles.

Peu de gens connaissent l’ouvrage Inconvenient Facts [Faits gênants] sur la prétendue la ‘crise’ des conditions climatiques extrêmes provoquées par l’homme. Ainsi, depuis 1998, les températures moyennes mondiales sont montées de quelques centièmes de degré (à un moment, elles ont même un peu baissé). Or, la seule chose que nous entendons, c’est un discours sans fondement à propos du dioxyde de carbone d’origine humaine. Il provoquerait le réchauffement du globe et des altérations du climat qui menaceraient l’existence de l’humanité, de la faune et du globe. En se fondant sur cela, on nous raconte qu’il faut cesser d’utiliser les combustibles fossiles pour stimuler la croissance économique et améliorer le niveau de vie. Mauvaise nouvelle pour l’Afrique et le monde !

climategate-20191105.jpgOn nous rabâche que la hausse du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère fait monter les températures mondiales. Mais les données satellites ne montrent rien de tel. En fait, les prévisions tirées des modèles informatiques pour 2019, dépassent de près d’un demi-degré Celsius les mesures satellites réelles. Pire encore, chaque fois qu’un scientifique relève des problèmes concernant la prétendue crise, il est traité de « négateur du changement climatique. »

L’Unité de recherche sur le climat (CRU) de l’université d’East Anglia, au Royaume-Uni, est à l’origine de données majeures étayant l’idée de réchauffement induit par le CO2 dû à l’activité humaine.

À l’époque, au matin du 17 novembre 2009, le scandale d’une boîte de Pandore d’informations embarrassantes pour le CRU, a explosé sur la scène mondiale. S’étant introduit dans le réseau informatique de l’université, un pirate informatique y avait trouvé 61 mégaoctets de documentation montrant que le CRU manipulait les données scientifiques, pour faire en sorte que le réchauffement climatique ait l’air d’être provoqué par l’humanité et le CO2 industriel. Parmi de nombreux autres scandales, des courriels choquants montraient que le professeur Phil Jones, alors directeur du CRU, se vantait d’employer des ‘astuces’ de statistique pour éliminer les faits observés de baisse des températures mondiales.

Dans un autre courriel, il préconisait d’effacer les données au lieu de les fournir aux scientifiques qui ne partageaient pas son point de vue et pouvaient critiquer ses analyses. Pour obtenir ces données, les scientifiques honnêtes durent faire appel aux lois britanniques sur la liberté de l’information. Jones fut par la suite suspendu et Lord Lawson, ancien chancelier britannique, exigea une enquête gouvernementale sur ces révélations embarrassantes.

L’affaire est devenue connue sous le nom de ‘Climategate’, et un groupe d’étudiants d’université des États-Unis a même fait une chanson sur YouTube, ‘Hide the Decline’ [Cachez la baisse], se moquant du CRU et du Dr Michael Mann, créateur de modèles climatiques, dont l’expression ‘Hide the Decline’ des températures apparaît dans des courriels piratés.

Quelle est la vérité ? En rapportant l’épaisseur de l’atmosphère à la hauteur de la Tour Eiffel de Paris, l’épaisseur du CO2 – fertilisant nécessaire pour la végétation – rajouté dans l’atmosphère depuis 1850, année où la Californie est devenue le 31e État des États-Unis, est inférieure à celle du carrelage sous la tour.

Cette minuscule augmentation peut-elle vraiment expliquer le réchauffement climatique observé depuis la fin de la petite période glaciaire et le début de l’ère industrielle moderne ? Depuis que la Californie est devenue un État, la hausse globale de la température atmosphérique a été inférieure à 10°C. Mais l’essentiel de cette augmentation s’est produite avant 1940, et les températures moyennes du globe ont chuté vers 1943 jusqu’aux environs de 1978, en faisant craindre un refroidissement mondial. Les températures ont légèrement augmenté jusqu’à 1998, puis sont restées stables, bien que les taux de dioxyde de carbone augmentaient toujours. Le taux de CO2 et la température ne sont pas du tout corrélés.

De plus, au cours de la bien documentée période chaude médiévale, entre environ 950 et 1350, les températures globales plus clémentes ont permis aux agriculteurs vikings de cultiver et d’élever des bovins au Groenland. La tout aussi bien documentée petite période glaciaire de 500 ans, a affamé et frigorifié les Vikings du Groenland avant d’atteindre son point le plus froid, le minimum de Maunder, de 1645 à 1715. C’est à cette époque que la Tamise gelait régulièrement en Angleterre, que les fermiers norvégiens demandaient d’être indemnisés pour l’ensevelissement de leurs terres sous les glaciers qui avançaient, et que des prêtres pratiquaient des rituels d’exorcisme pour empêcher les glaciers alpins de s’approcher des villages. Les peintures d’époque montrent des foules de gens patinant et conduisant des calèches sur la Tamise.

Les émissions industrielles et de l’automobile n’ont bien évidemment joué aucun rôle dans la période chaude médiévale et dans la petite ère glaciaire.

Ces événements dramatiques devraient faire réfléchir tout scientifique compétent et honnête. Si la période chaude médiévale s’est produite sans CO2 industriel, pourquoi le CO2 industriel devrait-il provoquer le réchauffement observé aujourd’hui ? La peste noire a anéanti près du quart de la population européenne pendant le petit âge glaciaire. La période chaude a amené la prospérité et des moissons records, tandis que les années froides n’ont apporté que misère, famine et mort.

Dix ans avant le Climategate, le Dr Mann a publié un graphique généré par ordinateur, censé montrer les températures mondiales des 1500 dernières années. Son graphique a mystérieusement fait disparaître la période chaude médiévale, le petit âge glaciaire et les années de froid extrême du minimum de Maunder – et les températures mondiales ont soudainement grimpé en flèche au cours des deux dernières décennies du XXe siècle. Ce graphique, en forme de crosse de hockey, a été publié dans le monde entier, et est devenu la pièce maîtresse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

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De nombreux scientifiques se sont beaucoup méfiés de cette courbe en crosse de hockey. Deux d’entre eux, Steven McIntyre et Ross McKitrick, ont complètement discrédité le modèle informatique et la version révisionniste du Dr Mann. Bien entendu, cela n’a pas empêché Al Gore, l’ancien vice-président étasunien, de se servir du graphique discrédité dans An Inconvenient Truth, son film pessimiste sur le changement climatique.

Les courriels piratés du CRU montraient aussi des échanges entre Mann et Jones. Ils discutaient de la façon d’intimider les rédacteurs qui publiaient des opinions scientifiques contraires aux leurs, afin de supprimer toute étude contradictoire. Dans un courriel, Jones exprimait le désir de se débarrasser du ‘rédacteur problématique’ de la revue Climate Research, qui avait osé publier des points de vue divergents. Et ce rédacteur a été viré.

Quand le professeur sceptique Roger Pielke, Jr., de l’université du Colorado, a demandé au CRU ses relevés de température originaux, il lui a été répondu qu’ils avaient été perdus (opportunément). Perdu !?! Depuis quand les professionnels perdent-ils des choses aussi précieuses que les données originales ? Beaucoup de monde soupçonnait qu’ils ne voulaient tout simplement pas que leurs manipulations et fabrications futées apparaissent.

Mais si le dioxyde de carbone industriel n’a rien à voir avec le dernier réchauffement climatique, qu’est-ce qui l’a produit ? Un groupe de recherche danois, dirigé par le professeur Henrik Svensmark, a découvert une correspondance fort crédible entre l’intensité de l’activité solaire (taches solaires et tempêtes magnétiques géantes), et les températures mondiales observées au cours des quinze derniers siècles. Ce mécanisme entièrement naturel s’accorde avec les faits ! Ça tombait vraiment mal pour les alarmistes !

Venus de l’espace profond, des rayons cosmiques frappent constamment la haute atmosphère terrestre et font naître les nuages, un peu comme les avions à haute altitude laissent des traînées de condensation blanche derrière leurs réacteurs. De nombreux nuages peuvent piéger la chaleur, mais ils créent aussi un refroidissement général, parce que moins de lumière solaire frappe la Terre. Plus il y a de taches solaires, plus le bouclier magnétique est puissant, et plus les rayons cosmiques sont déviés de la Terre. Il en résulte moins de couverture nuageuse et le réchauffement du climat. Le Soleil est actuellement dans une période de faible activité record.

Toutes sortes de groupes d’intérêts censurent ces faits. Peut-être pire, quand le Climategate a éclaté, Emma Brindal, qui a fait la campagne ‘justice climatique’ pour les Amis de la Terre, a carrément dit :

« La réaction au changement climatique doit avoir pour principe central la redistribution des richesses et des ressources. » Ne pas protéger la Terre des émissions de CO2 d’origine humaine ou de changements climatiques naturels ou provoqués par l’homme, mais, selon la formule du gratin dirigeant autoproclamé, redistribuer les richesses et les ressources est ‘juste socialement’.

Les militants pour le climat s’opposent aussi à l’abus de voyages en avion pour les affaires ou les loisirs, aux véhicules 4×4, considérés ‘luxes inutiles’, et à ce que les Africains aient des habitations modernes. Certains disent même que les Africains doivent continuer à vivre dans des huttes de terre battue et éviter d’utiliser l’électricité et les techniques agricoles modernes. Selon Ed Begley, acteur marginal des États-Unis, « Les Africains devraient disposer de l’énergie solaire là où ils en ont le plus besoin : sur leurs huttes. » Al Gore, Phil Jones et Mike Mann, sont bien entendu exemptés de ces restrictions.

La vraie justice sociale et les droits de l’homme signifient que chacun doit avoir accès à l’énergie abondante, fiable et abordable, notamment à l’électricité qui revêt une importance universelle. Mais pas aux éoliennes et aux panneaux solaires coûteux, intermittents et dépendants des conditions météo, aux combustibles fossiles, aux centrales nucléaires et hydroélectriques.

Dans les pays en développement, nous ne laisserons plus censurer la réalité climatique. Nous ne permettrons pas aux activistes radicaux de freiner le développement économique, l’emploi, l’amélioration de la santé publique et le niveau de vie en Afrique, au nom de la promotion de leur programme anti-humain de redistribution des richesses.

Le Dr Kelvin Kemm est physicien nucléaire et PDG de Nuclear Africa (Pty) Ltd, une société de gestion de projets sise à Pretoria, en Afrique du Sud. Il fait le travail de cabinet-conseil en développement stratégique.

Adaptation française Petrus Lombard

11:54 Publié dans Actualité, Ecologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, climat, écologie, climatoscepticisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Greta & Left vs. Right Environmentalism

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Greta & Left vs. Right Environmentalism

I saw a recent photo of Greta Thunberg, the young climate activist, and the poor thing looked quite ragged. Just run down. I felt deep sympathy for her. She’s right: Her childhood is being stolen, and people are indeed suffering. I hope she makes it.

She is often mocked and ridiculed – sometimes relentlessly – by the Right, but I feel this is misplaced anger, and that Greta is not being viewed with nuance. She has been called a “stupid bitch,” her appearance has been mocked, and her developmental disorder is frequently used against her. I wish to present another side of this discussion, from the standpoint of a man who deeply believes in natural hierarchies and aristocrats of the soul.

I like Greta. She has a good heart. She just needs to understand what’s going on. She could be a powerful ally. It is sad to see the evil globalist forces exploiting a young, innocent girl – one of my own stock – to push an agenda that aims to see her hated, despised, and abused in her own homeland.

I have discussed previously that I do not believe children, or those who have not been exposed to all of the data – data that is often hidden by the mainstream media – can be considered “true believers” in an ideology. This applies to Greta, but also more broadly to the entire Left-wing environmentalist sphere.

I’ve met and talked to a lot of what I call “single-issue liberals,” many of whom are some flavor of environmentalist. They are people who identify more politically with the Left/liberalism, due largely – if not entirely – to their stance on environmentalism and animal rights. To me, the very interesting thing is that these are not even people who have been won over by Leftist environmental policies (banning straws and the Green New Deal are non-starters), but they are simply so put off by the neocon/fake Right being so deliberately hostile to environmental concerns: “Drill, baby, drill” slogans and libertarians who believe that torturing animals is fine because “animals are private property and the government should not tell you what you can and cannot do with private property,” for example. These single-issue liberals are people who often have a true connection to the soil and nature itself. They are well-intentioned and sincere in their desire to become proper stewards of the environment, yet they see no path in the mainstream political landscape to deal with what they accurately see to be growing issues that can very well lead to catastrophe and the total collapse of entire ecosystems. These are people who are often implicitly expressing that hierarchies do exist in nature, and that we have a crucial role to play in that order.

There are very real concerns. There will be more pounds of plastic in the ocean than fish if trends continue [2]. The West banning straws will do nothing to mitigate or reverse this, as nearly all of the waste comes from ten rivers that are located in Africa and Asia [3]. Microplastics have been found in all species of sea life, and their harmful effects are not yet fully known. Cancer, birth defects, lower fertility rates, more sickness, and other negative effects may result from this mess [4].

Global air pollution is another real concern, and increasing asthma rates, cancers, and other illnesses can all be traced to air pollution. Again, as with the plastic and waste in the ocean, it’s mostly coming from the same parts of the planet [5]: the Global South; i.e., non-white nations. This is why I believe environmentalism matters, wholly irrespective of the truth of anthropogenic climate change. We are the stewards of the natural world, and we should act as such. The Left-Greens do a lot of damage to this simple idea with their lies about climate refugees and paper straws.

Left-environmentalism is mostly about taxing the middle class in Europe and North America, while simultaneously opening our borders to so-called “climate refugees.” Greta is being manipulated by very evil people to push an evil agenda. This is true. However, we have the chance to show those single-issue environmentalists the other half of the story – and many could become wonderful allies.

Right-wing environmentalism has very deep roots. Madison Grant, John Muir, Teddy Roosevelt, Richard Walther Darré, Jorian Jenks, Knut Hamsun, Savitri Devi, and Pentti Linkola, to name only a few, were all deep ecologists and Green naturalists. These individuals have had a tremendous influence on me personally, but also in many cases influence how we view the natural world and its preservation today. Unlike the Sierra Club, which took money to remain silent on the impact that mass migration and population growth have on pollution, environmentalism, and climate change, the Deep Greens are willing to confront such topics that are too uncomfortable for the mainstream. We should be discussing limits to growth, de-growth, re-wilding, ending aid to all nations with exploding populations, sanctioning others, and limiting overseas markets. Linkola has discussed “lifeboat ethics,” which is the realization that you can’t save everyone, and that by trying, you lose everything. We cannot have infinite economic growth and sustainability; they are contradictions in terms. We cannot have open borders – and hence, infinite population growth – and try to decrease air pollution in our cities. We must face harsh realities. And only the Deep Green Right will dare to address them.

The Deep Green understands the natural hierarchy, and our place and role in regards to nature. The Left is often consumed with notions of “environmental justice” and the infusing of racial grievance politics into naturalism, as with the Green New Deal, which reads more like a manifesto written by petulant Diaspora populations than as a plan to deal with the destruction of the natural world by the very people writing such a laughable program.

In her speech, Greta was right. Her childhood has indeed been stolen. People are suffering, people are dying, and all these clowns want to talk about are fairy tales of infinite economic growth.

Greta is tapping into something very powerful that her handlers may eventually lose control of, and that’s what I’m fueling. I want the golem to turn on their creators this time. I hope to be part of the Deep Green movement that shows Greta and others like her that there is more to the story than the globalist cabal is letting on, and that we have solutions to these problems that loom ominously on the horizon. I hope to help Greta – and, indeed, all of Europe’s children – by helping to provide them with a safe homeland and a sustainable society – one that does not abuse, exploit, traffic, mock, or deride, but rather nurtures, guides, educates, and protects the next generation. I view Greta like I’ve viewed so many others who have been used and betrayed by these goblin-faced demons: as somebody who needs us more than ever.

If not for yourself, carry on, weary as you may be, for the next generation. I look at Greta and see a girl who could have been my little sister. I’m sorry that her childhood, along with so many others, has been stolen – and that is what this entire movement is about: building a future so that our people may live on.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2019/10/greta-left-vs-right-environmentalism/

URLs in this post:

[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/10/10-28-19-4.jpg

[2] There will be more pounds of plastic in the ocean than fish if trends continue: https://www.mic.com/articles/132908/by-the-year-2050-there-will-be-more-plastic-garbage-in-the-ocean-than-fish

[3] nearly all of the waste comes from ten rivers that are located in Africa and Asia: https://www.scientificamerican.com/article/stemming-the-plastic-tide-10-rivers-contribute-most-of-the-plastic-in-the-oceans/

[4] Cancer, birth defects, lower fertility rates, more sickness, and other negative effects may result from this mess: https://www.independent.co.uk/environment/microplastics-microbeads-ocean-sea-serious-health-risks-united-nations-warns-a7041036.html

[5] it’s mostly coming from the same parts of the planet: https://www.statista.com/chart/4887/the-20-worst-cities-worldwide-for-air-pollution/

 

Pourra-t-on encore longtemps parler de trêve en Syrie ?

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Pourra-t-on encore longtemps parler de trêve en Syrie?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Turquie a déclenché le 9 octobre une offensive dans le nord-est de la Syrie contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), un groupe qu'elle qualifie de  terroriste  mais qui est soutenu par les pays occidentaux en raison de sa lutte active contre les combattants de l'organisation État islamique présents en Syrie.

La raison alléguée par Ankara en était sa volonté d'empêcher des milices kurdes extérieures à la Turquie de rejoindre des Kurdes ayant toujours vécu dans l'Est de la Turquie afin de constituer l'amorce d'un Etat Kurde qui priverait en ce cas la Turquie de toute souveraineté sur un bon quart de son territoire.

Pour Recep Tayyip Erdogan, cette perspective était inacceptable et devait être combattue en engageant toutes les forces militaires du pays. Même si celles-ci ne sont pas aussi efficaces qu'elles en ont la réputation au sein de l'Otan, elles sont néanmoins parfaitement capables de conquérir et occuper une large bande ou zône de sécurité tout au long de la frontière syro-turque et sans doute un peu au delà, tant du moins que les Américains alliés de la Turquie au sein de l'Otan laisseront faire.

Recep Tayyip Erdogan avait sans doute considéré que le retrait du contingent américain annoncé à grand bruit par Donald Trump lui laisserait les mains libres pour mener une offensive militaire de grande ampleur contre les Kurdes, voire pour occuper durablement une bande frontalière  de sécurité. Quant à la Russie, elle était restée à ce jour dans l'expectative, d'autant plus qu'elle ne dispose pas sur place de moyens militaires suffisants pour freiner l'offensive turque.

Or il avait semblé que Washington ne laisserait pas se poursuivre l'offensive turque contre les Kurdes des YPG. Le 17 octobre, lors d'une visite à Ankara, le vice-président américain Mike Pence avait obtenu la suspension pour 120 heures de l'offensive turque lancée le 9 octobre, afin de permettre aux forces kurdes d'abandonner leurs positions actuelles dans le projet turc de « zone de sécurité ». Ceci il est vrai ne signifie pas avant l'arrêt définitif de cette offensive et moins encore ultérieurement le retrait des Turcs dans leurs positions antérieures.

Le 21 octobre Recep Tayyip Erdogan a prévenu qu' une grande partie des 120 heures était désormais écoulée  et que l'offensive reprendrait si les YPG ne respectaient pas l'accord.

Le commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, a, de son côté, accusé la Turquie de saboter l'accord de cessez-le-feu en empêchant le retrait des combattants FDS de la ville assiégée de Ras al-Aïn. Selon lui, l'accord contient un point essentiel précisant l'ouverture d'un couloir d'évacuation sous le parrainage des États-Unis. Or les  Turcs empêcheraient le retrait kurde du secteur de Ras al-Aïn. ils empêcheraient notamment la sortie des blessés et des civils. Ils continueraient d'attaquer les Kurdes.

On notera que les Kurdes, confrontés à l'absence américaine, ont demandé le soutien de Bashar al Assad, président de la Syrie et allié de la Russie. La Syrie a répondu indirectement en mettant en place des troupes dans des secteurs proches de la frontière turque, notamment de Kobané et Minbej. Ceci se ferait avec l'assentiment des Russes.

On pourrait penser au soir du 21 octobre que Moscou ne souhaiterait pas la mise en place définitive au nord de la Syrie d'une bande de sécurité dominée par les Turcs. Reste à savoir si Erdogan se laissera arrêter, car il semble pour le moment tenir toutes les cartes en mains.

Notes

1) La carte n'est pas à jour concernant les différentes zones d'occupation. Nous la publions pour donner une image générale de la région

2) Le lecteur pourra relire l'analyse du général Delawarde en date du 14 octobre 2019 analysant  l'offensive turque en Syrie et publiée sur ce site. Pour l'essentiel, elle demeure d'actualité.
http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=3915...

3) On consultera sur ce sujet un article détaillé de E. J. Magnier qui vient de nous parvenir
https://ejmagnier.com/2019/10/21/rencontre-poutine-erdoga...

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A la date du 22/10 à 22h, on peut lire dans la presse du soir

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a fait état, mardi 22 octobre, d'un « accord historique » sur la Syrie conclu lors d'une réunion avec son homologue russe Vladimir Poutine à Sotchi, en Russie.
 « Aujourd'hui, avec M. Poutine, nous avons conclu un accord historique pour la lutte contre le terrorisme, l'intégrité territoriale et l'unité politique de la Syrie ainsi que pour le retour des réfugiés », a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d'une conférence de presse.
Selon Recep Tayyip Erdogan, l'accord conclu avec Vlaidmir Poutine, allié du régime de Damas, porte surtout sur les secteurs du nord-est de la Syrie dans lesquels les forces kurdes du YPG sont présentes mais où l'offensive turque n'avait pas été étendue avant sa suspension.

Nous y reviendrons sans doute

lundi, 04 novembre 2019

Comment la Chine efface les Américains

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Comment la Chine efface les Américains

Les Carnets de Nicolas Bonnal

L’Amérique ? C’est devenu depuis les années soixante un mixte d’impérialisme facho-nihiliste, d’oligarchie tiers-mondiste et de fascisme antiraciste-féministe. Mais cela ne mène plus très loin. America, gratte again…

La Chine s’est éveillée et, pauvre Napoléon, le monde ne tremble pas. Le monde sortira des guerres impériales/humanitaires (les idées chrétiennes devenues folles de Chesterton) et autre croisades occidentales/accidentelles. Mais voyons des analyses US plus précises…

J’ai demandé à Hervé de traduire un texte Unz.org de l’universitaire Roberts Godfree sur la déculottée US dans tous les domaines (ce n’est pas que l’Europe vaille mieux, on est tous d’accord). Aucune schadenfreude : ce qui m’affole c’est que notre occident anesthésié ne se rend compte de rien ou s’en sort par des boniments paternalistes ou des clichés racistes.

Et cela donne : 

« En 2003, j’ai publié un livre sur le déclin des trente-six indicateurs sociaux et économiques de l’Amérique. J’en ai envoyé des copies par la poste à l’Administration, au Congrès et aux chefs de département et j’ai reçu une réponse du Directeur général de la Central Intelligence Agency, qui m’a dit que l’Agence fournissait des informations presque identiques au gouvernement depuis plusieurs décennies. Pendant ce temps, notre déclin et la montée en puissance de la Chine se sont accélérés et cet élan nous a menés si loin, si rapidement, que toute compétition est devenue irréaliste. »

Roberts remet alors des pendules à l’heure :

« Si la Chine ressemblait à la caricature que nos médias nous présentent depuis ces sept dernières décennies, alors oui, nous devrions contrebalancer son autoritarisme excessif, répressif et autoritaire et investir notre trésor dans les technologies de pointe pour faire en sorte que nous fassions l’envie du monde….Mais que faire si la Chine n’est ni répressive, ni autoritaire ? Et s’il ne nous reste plus de trésor à investir ? Et si les dirigeants chinois étaient plus populaires, respectés et compétents que les nôtres ? Que se passerait-il si son économie était déjà 30 % plus forte que la nôtre, connaissait une croissance trois fois plus rapide, avec deux tiers de fardeau de la dette en moins ? Et si elle était déjà en avance sur nous sur le plan scientifique et technologique, imprenable sur le plan militaire, et si elle possédait des alliés plus nombreux et plus puissants que les nôtres ? »

On rappelle que les chinois/confucéens sont contents :

« Gouvernement : Confucius, le politologue suprême disait : « Si les gens n’ont pas confiance en leurs dirigeants, l’État ne peut pas exister. » La confiance en notre gouvernement est à son plus bas niveau de l’histoire. Gallup affirme  que la plupart d’entre nous considèrent le gouvernement comme notre problème le plus urgent et que seuls 54 % d’entre nous « exprimons constamment une position pro-démocratique ». Le système de gouvernement professionnel et non confessionnel de la Chine l’a ramené à son rôle d’Empire du milieu. Comparé au nôtre, le gouvernement chinois est tourné vers l’avenir, décentralisé, efficace et économe. L’Examen d’admission au gouvernement sélectionne chaque année les 2 % des meilleurs diplômés et la réussite est la seule voie vers le pouvoir et la responsabilité. Les 200 membres du Conseil d’État – tous promus pour leur capacité à travailler en coopération – ont gouverné collectivement des milliards de personnes pendant 5 000 ans et leurs données publiques sont stupéfiantes. La plupart ont un doctorat et un QI supérieur à 140. Tous ont commencé leur carrière dans les villages les plus pauvres du pays et n’en sont partis qu’après avoir augmenté les revenus du village de 50%. Ils ont répété cette performance à tous les niveaux, y compris à la présidence, comme le fait Xi. »

Roberts rappelle que le vaurien Donald a parfois raison décidément dans sa discordance cognitive :

« Nous choisissons les dirigeants par acclamation – une coutume gréco-romaine qui favorise les vauriens qui savent parler – et c’est exactement ce que nous avons alors que, comme l’a  fait remarquer  le président Trump, « les dirigeants chinois sont beaucoup plus intelligents que nous. C’est comme prendre les New England Patriots et Tom Brady et les faire jouer contre ton équipe de football du lycée. »

Et Roberts d’ajouter :

« Aujourd’hui, la Chine génère 20 % du PIB mondial par rapport à nos 15 %, ses importations et ses exportations sont équilibrées, ses relations commerciales sont excellentes, sa monnaie est assez valorisée, son économie est 30 % plus importante et croît trois fois plus vite, ses salaires dans le secteur manufacturier sont à égalité avec les nôtres et ses plans pour 2025 sont à couper le souffle. Toujours de nouvelles autoroutes, voies ferrées, métros et ports et, l’année prochaine, l’Internet le plus rapide et le plus avancé avec des villes entières construites autour de la 5G. »

Soutien du monde émergent, la Chine n’est même pas impopulaire et elle manage sans menace une bonne partie du monde :

« En 2018, le taux d’approbation mondial de 34 % de la Chine battait celui de l’Amérique, qui était de 31 %... Nous avons cédé le contrôle de la Crimée et de la mer Noire à la Russie et, de plus en plus, du Moyen-Orient. Avec la Nouvelle route de la soie, la Chine et la Russie fusionnent l’Union économique eurasienne (Arménie, Bélarus, Kazakhstan, Kazakhstan, République kirghize et Russie avec le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et la Moldavie en considération) ; l’Organisation coopérative de Shanghai, OCS (Russie, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Inde, Chine, Pakistan ; avec l’Afghanistan, l’Iran, la Mongolie et la Biélorussie comme observateurs et l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Cambodge, le Népal, le Népal, Sri Lanka et la Turquie comme partenaires de dialogue) ; et le Partenariat économique régional global, (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam, Chine, Japon, Inde, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande). Une fois que les gazoducs Nord Stream II et South Stream seront achevés en décembre, comment l’UE pourra-t-elle résister à s’y brancher ? »

Voyons la Science et le QI chinois :

« Leurs cinq points de QI supplémentaires par rapport à nous signifient qu’ils ont 300 000 personnes avec un QI de 160, comparativement à 30 000 en Occident. La Chine a dépassé les États-Unis pour devenir le premier producteur mondial d’articles scientifiques, représentant près d’un cinquième de la production mondiale totale, selon un  nouveau rapport. La Chine  domine le classement mondial  des articles de recherche les plus cités publiés dans les 30 domaines technologiques les plus en vogue. Bien que les États-Unis aient produit 3,9 millions d’articles sur la recherche en tous domaines, comparativement à 2,9 millions en provenance de la Chine, cette dernière a produit la plus grande part dans 23 des 30 domaines qui ont suscité le plus d’intérêt, tandis que l’Amérique a obtenu la tête pour les sept autres.

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Puis la Technologie : « Les deux tiers des ordinateurs les plus rapides au monde sont chinois, mais rien ne révèle plus le vide de notre armoire technologique que la domination chinoise du haut débit mobile amélioré. Nous prendrons deux fois plus de temps et dépenserons deux fois plus pour intégrer un système moins abordable, fonctionnel, compatible et évolutif. Pourtant, nos impitoyables médias ont tourné en dérision le président Trump lorsqu’il a appelé l’Amérique à dominer la 6G, malgré le fait publiquement connu que Huawei a 600 mathématiciens, physiciens et ingénieurs travaillant sur le 6G depuis plus d’un an. La Chine est en tête du classement mondial dans la plupart des dix principaux domaines « prometteurs » comme la recherche sur les piles et représente plus de 70 % de tous les articles sur les photocatalyseurs et le traitement du cancer ciblé par l’acide nucléique, qui se classent respectivement en 12e et 14e position. Les États-Unis sont en tête dans trois domaines de la biotechnologie, dont l’édition du génome en 7eme position, et l’immunothérapie en 10eme. La Chine est le chef de file mondial de  la recherche fondamentale  et de la plupart des technologies, en particulier celles concernant les  régions chaudes. »

L’Aérospatiale ? 

« La Chine a lancé plus de missions spatiales en 2018 que la Russie ou l’Amérique et son premier avion de ligne local décollera cette année, bien que la FAA ait trainé les pieds. C’est le premier fournisseur mondial de drones et le plus grand fabricant et exportateur d’avions de combat légers. Maintenant que son avion de combat, le WS-15, est en production, son J-20 va dépasser les nôtres. »

Ironiquement, l’auteur ajoute sur cette guerre commerciale aux dimensions modestes :

« Comme le dit Parag Khanna, Pékin doit se demander pourquoi le numéro 3 lancerait une guerre commerciale contre le numéro 1. Bien que nous soyons autosuffisants à bien des égards, nous sommes peut-être moins indispensables que nous ne l’imaginons. «L’Amérique d’abord» sonne bien, sauf quand cela signifie en fait « l’Amérique seule ».

Indicateurs sociaux ?

« Le GINI chinois, qui n’avait jamais atteint nos niveaux, est en train de chuter comme une pierre et l’extrême pauvreté disparaîtra l’année prochaine, lorsque tous les Chinois auront une maison, un emploi, beaucoup de nourriture, une éducation, des rues sûres, des soins de santé et de vieillesse (il y aura alors plus de toxicomanes, de suicides et d’exécutions, plus de personnes sans abri, pauvres, affamées et prisonnières en Amérique qu’en Chine). 500 000 000 de Chinois vivant en milieu urbain auront une valeur nette et un revenu disponible supérieurs à ceux des Américains moyens, leurs mères et leurs nourrissons seront moins susceptibles de mourir en couches, leurs enfants obtiendront leur diplôme d’études secondaires trois ans plus tôt que nos enfants ; et survivront. 98 % des Chinois listés comme « pauvres » sont déjà propriétaires de leur maison et Xi a programmé de ramener le coefficient GINI au-dessous de celui de la Finlande, d’ici 2021-2035. »

L’éducation est incomparable reflétant celle des quatre dragons qui nous impressionnaient tant au cours des lointaines années 80 : 

« Aucun pays n’a autant d’ingénieurs intelligents, bien formés et dévoués. Un quart des travailleurs en Science, Technologie et Mathématiques dans le monde sont des Chinois, une main-d’œuvre intellectuelle huit fois plus nombreuse, qui croît six fois plus vite et qui obtient son diplôme d’études secondaires trois ans plus tôt que chez nous. D’ici 2025, la Chine comptera plus de travailleurs qualifiés sur le plan technologique que l’ensemble des pays de l’OCDE – États-Unis, UE, Canada, Mexique, Australie, Israël, Japon, Corée, Nouvelle-Zélande et Turquie – réunis. »

Pierre d’achoppement, la sécurité, la fierté nationale :

« Faible criminalité, pas d’absurdités religieuses ou de violence islamique. Les entreprises peuvent investir en toute sécurité sans crainte de troubles religieux, de violence ou de vol qualifié.

La foi en l’avenir, le nationalisme, la croyance en une Chine meilleure. Les Chinois croient fermement en l’avenir et sacrifient volontiers temps et efforts pour la prochaine génération. Les Chinois ont le même sentiment que celui que nous avions dans les années 60, sauf que leurs salaires et leur richesse ont doublé chaque décennie depuis soixante-dix ans. »

A l’heure où l’occident bascule dans le techno-bolchévisme, la dystopie écologiste, le transgenre et le fascisme humanitaire, la Chine est démocrate…

« La Chine est la première  démocratie  au monde. Bien que cette affirmation mette en colère de nombreux Occidentaux, quel que soit le système de mesure utilisé, la Chine est une démocratie prospère et l’Amérique ne l’est pas, que ce soit sur le plan électoral, populaire, procédural, opérationnel, financier ou technologique. »

Roberts ajoute qu’elle saura même se défendre :

« L’armée chinoise  dispose de certains des  systèmes d’armes  les plus modernes au monde pour la moitié du coût de la défense américaine. Ses missiles les plus modernes surpassent les nôtres dans toutes les catégories grâce au couplage étroit entre leurs chimistes de pointe et les fabricants de propergols pour fusées. Les systèmes d’armes russes comblent toutes leurs lacunes. »

Cerise sur le gâteau : « 95 % des chinois soutiennent les politiques de leur gouvernement et la plupart sont prêts à se battre pour leur pays. »

L’indianiste Daniélou écrivit que les aryens occidentaux étaient de simples prédateurs. Le chaos des siècles passés l’aura montré. On verra la suite avec nos chinois…

 

Le terrorisme défini par ce qu’il n’est pas

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Le terrorisme défini par ce qu’il n’est pas

par François-Bernard Huyghe

Ex: https://www.huyghe.fr


Mosquée de Bayonne ou préfecture de Police : selon que vous dites attentat ou faits criminels, terroriste, tueur ou déséquilibré, vous déclenchez de fortes réactions idéologiques.

Et des accusations :
Si vous dites que Mikael Harpon a agi pour des motifs personnels ou qu’il subissait une crise, vous niez la gravité du péril islamiste (l’hydre, dixit Macron) et vous êtes peut-être un islamo-gauchiste.
Si vous faite remarquer que l’homme de 84 ans qui a tiré devant la mosquée de Bayonne tenait des propos bizarres (venger l’incendie de Notre-Dame) et n’avait pas tout son discernement d’après l’expertise psychiatrique, vous voilà classé facho : vous tentez de nier l’islamophobie, voire la responsabilité intellectuelle de Le Pen, Zemmour, ou Zina el Rhazoui.

Tout cela tient souvent à un mot : attentat. Qui attente à quoi ? Si l’on oublie la pudeur, reste l’ordre public, les institutions républicaines, la sûreté de l’État. Avec la notion sous-entendue que l’attentat frappe directement des victimes innocentes, et indirectement tous les citoyens (en tant que Français, je ne suis pas seulement moralement interpellé, mais aussi politiquement interpellé si l’on tue quelqu’un pour son appartenance à l’appareil d’État, à une classe sociale, à une religion ou à une anti-religion, etc.)

Dans l’usage courant attentat (qui s’opposerait à acte de fou ou tuerie de masse au hasard, par exemple) implique donc terrorisme.

C’est à dire une violence grave, plus le choix d’une cible symbolique (qui représente une catégorie plus vaste), plus une intention politique : terroriser la population, susciter des contre-réactions, réveiller la conscience de ceux de son camps, menacer au nom d’une revendication, créer du chaos, etc.

Oui mais quand le supposé terroriste agit seul, brusquement, ne se réclame pas d’une organisation, ne dépose pas de revendication, n’explique pas avant ou après le sens politique de son acte ?

Une façon de se tirer de la difficulté serait peut-être de se demander a contrario ce qui n'est pas du terrorisme et qui risque d'être confondu avec lui.

Ainsi le "terrorisme d'État" (souvent évoqué par ceux que l'on accuse de pratiquer un terrorisme "d'en bas" pour justifier leurs actes comme une légitime résistance) : même si le terme fait allusion à une situation politique bien précise ( la Terreur de 1793, date où le mot "terrorisme" apparaît dans les dictionnaires en même temps que le mot "propagande"). Nous ne nierons pas que l'État commette des crimes ou qu'il cherche à terroriser sa propre population par une répression féroce et l'incertitude généralisée. Il le fait même souvent et avec bien plus de victimes innocentes que le terrorisme d'en bas. Mais à mêler ainsi terrorisme/répression et terrorisme/subversion, on embrouille plutôt les choses.

Première évidence, même si certains le surnomment "guerre du pauvre", le terrorisme n'est pas la guerre. Du reste certaines définitions américaines par exemple, cherchent à en faire l'équivalent d'un crime de guerre accompli par des civils et insistent sur le fait que ses victimes sont, sinon innocentes, du moins "non cambattantes"  Ainsi le la section 2656f(d) de U.S. Code : « premeditated, politically motivated violence perpetrated against noncombatant targets by subnational groups or clandestine agents, usually intended to influence an audience » (Title 22 of the United States Code, Section 2656f(d)

Quelle est la différence entre le terrorisme et la guérilla, guerre révolutionnaire ou la guerre de partisan ? Nous serions tentés de répondre : le territoire. Le partisan n'est pas mandaté par un État exerçant sa souveraineté sur un territoire (justement : nombre de partisans aimeraient précisément créer ou rétablir leur État sur ledit territoire). Ce combattant "techniquement" civil" se considère "politiquement" comme un soldat (il lutte contre un ennemi "public" et non pour des raisons privées ou criminelles, dit-il). Il exerce son activité sur un terrain précis : un maquis, ou une jungle impénétrable. Il cherche même à contrôler une part de territoire qui échappera ainsi à l'occupant ou à l'oppresseur. Il cherche une victoire militaire ayant de surcroît un impact psychologique (tuer beaucoup d'ennemis, empêcher leurs communications, libérer et contrôler une zone) et non pas un impact psychologique et symbolique à travers des violences matérielles comme le terroriste. Enfin ajoutons un critère plus trivial : il vaut mieux pratiquer la guérilla à la campagne et le terrorisme en ville (même si certains avancent le concept de guérilla urbaine qui nous paraît plutôt relever de la rubrique suivante.

Un terroriste n'est pas un émeutier. Même si l'on peut commettre des actes terroristes à l'occasion d'une émeute ou d'une manifestation qui dégénère (comme les autonomes italiens qui allaient aux grande manifestations pour utiliser "camarade P 38"). L'émeute est le fait des foules, souvent de leur spontanéité, parfois des instructions de quelques dirigeants, mais dans tous les cas, elle est censée émaner directement du peuple ou des masses qu'il représente dans la rue. L'action des émeutiers est directe - charger une ligne de police, s'emparer d'un bâtiment, dresser des barricades- et suppose la participation de tous, non la stratégie d'une avant-garde minoritaire.

 Enfin le terrorisme - indirect par ses buts, indirect par sa stratégie- n'est justement pas l'action directe au sens non pas du groupe de Rouillan et Ménigon, mais au sens que les anarchistes donnent à ce terme dès leur congrès d'Amsterdam en 1907.

emile_Pouget.jpgPouget, un des pères de l'anarcho-syndicalisme la définissait ainsi :

"Une formule expressive, heureuse, de parfaite limpidité, est venue condenser et résumer la tactique du syndicalisme révolutionnaire : l’Action directe.

À bien voir, l’Action directe n’est pas chose neuve - sa nouveauté est d’être la formulation théorique d’un mouvement -, car autrement elle est la raison d’être de tout syndicat. Dès qu’il s’en constitue un, on peut inférer que, consciemment ou inconsciemment, les travailleurs qui le composent visent à faire leurs affaires eux-mêmes, à lutter directement sans intermédiaires, sans se fier à d’autres qu’à soi pour la besogne à accomplir. Ils sont logiquement amenés à faire de l’Action directe - c’est-à-dire de l’action syndicale, indemne de tout alliage, sans compromissions capitalistes ou gouvernementales, sans intrusion dans le débat de "personnes interposées "
"


Née d’une méfiance envers le pouvoir libérateur du bulletin de vote (comme l’action directe est née d’une méfiance envers le seul pouvoir du discours), est pourtant un programme bien plus vaste que de réveiller le peuple par des explosions et des violences théâtralisées.

Des publications libertaires, y compris sur Internet, en font d’ailleurs des catalogues dont une grande partie recouvre de pures actions de propagande (tracts, affiches, bombages de peinture, manifestations, sites, cyberprotestation), d’autres relevant de l’action syndicale ou protestataire plus dure (débrayages, séquestrations, occupation de locaux, sit-ins..), d’autres d’actions économiques (certaines illégales comme les «réappropriations» ou des refus de payer, d’autres étant plutôt des pratiques communautaires de production ou de distribution). Y figure à peu près tout ce que peut faire un activiste sauf précisément l’attentat.

Du reste que disent ceux que l'on accuse de terrorisme et qui s'en défendent ?

Le terrorisme supposerait donc deux choses. Ainsi pour le droit français : des actes contre des gens ou des biens d'une part et d’autre part, une intention spécifique (troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, influencer les esprits, créer un certain "climat").

Donc  un certain degré de violence et la recherche d’un certain état psychologique (la peur, la contrainte...) sur les dirigeants ou sur les peuples.

Comme on s'en doute, chacun de ces éléments peut donner lieu à contestation et sur la gravité des faits et sur la gravité de l'intention (ou de l'impact psychologique).

Ainsi, le droit français se "contente"  de vols, destructions, dégradations et détériorations là où la législation américaine parle de "destructions de masse" et là où d'autres veulent faire du terrorisme l'équivalent civil du crime de guerre. Par ailleurs, notre code pénal considère que l'intention d'intimider suffit pour constituer l'acte terroriste (et elle surajoute une dimension politique, celle de l'ordre public, sinon un simple racket pratiqué sur une boîte de nuit répondrait à la définition). Mais intimider et répandre la terreur ne sont pas la même chose (même si de telles notion sont éminemment subjectives)

Chaque fois qu’il y a controverse pour savoir si un acte est ou non terroriste, les partisans de la seconde alternative avancent trois types d’arguments :

- Argument justificatif et éthique : tel acte ne peut être terroriste car il est défensif (on ajoute souvent alors que le vrai terroriste est l’État ou que l’initiative de la violence est venue d’en haut, pas d’en bas). Ou le terme infamant de terrorisme est incompatible avec des buts nobles (comme la lutte contre l’occupant nazi en 39-45 ou les luttes de la décolonisation). Ou encore, on ajoute que le terroriste n’a recouru à l’attentat que faute d’un espace d’expression ou de moyens de contestation démocratiques. Et le plus souvent les trois à la fois. C'est le cas de figure : "nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes des combattants de la liberté" (voir le concept de  freedom fighter popularisé dans le monde anglo-saxon).  À noter que le terrorisme est toujours une violence "au nom des victimes" et qui refuse de dire qu'elle fait des victimes (elle punit des coupables ou fait des dommage collatéraux, par hasard).

    -    Argument technique : les actes dénoncés sont trop bénins pour mériter tant d’emphase. On dira alors qu’une simple dégradation, un simple sabotage, une simple séquestration restent encore dans le registre de la protestation violente, pas du terrorisme. On complétera l’argument par celui des conséquences négatives : à qualifier de terroriste n’importe quelle forme d’action directe, l’État réussirait à criminaliser toute protestation sociale. Tel es l'argument employé par les avocats de Coupat : notre client est innocent, mais, même s'il était coupable, les actes qu'il aurait commis - saboter un caténaire - sont des destructions matérielles, pas assez grave pour "répandre la terreur", la qualification terroriste est donc exagérée.

    -    Argument d’intention : certains actes ne visent pas à répandre la terreur, mais à faire sens, à démontrer quelque chose, telles des contradictions de ceux qui prétendent lutter contre le terrorisme et à révéler leur vrai visage. La nature symbolique des actes fait qu’ils ne terrorisent personne, mais qu’ils instruisent les masses. Ce sont plus des actes de communication que de violence. C'est un peu paradoxal dans la mesure où il nous semble que le terrorisme est précisément un acte terroriste. C'est pourtant un argument qu'emploient beaucoup d'anciens maoïstes pour explique que la France (hors l'épisode tardif du groupe Action Directe) n'a pas connu de terrorisme à l'italienne ou à l'allemande.

Dans certaines circonstances, ils recourent à un quatrième argument que nous pourrions qualifier d’historique : parler de terrorisme, ce serait se tromper d’époque et regarder en arrière. Nous en serions déjà au stade de la guerre civile pour ne pas dire de la révolution.

En somme, les supposés terroristes se défendent en disant soit que ce qu'ils ont fait est en dessous du seuil terroriste (non : il s'agissait de manifestations, de mouvements sociaux, d'actions symboliques et publicitaires, nous n'avons jamais été jusqu'au meurtre) soit au contraire que leur action est au dessus de ce seuil : il s'agit d'une vraie guerre civile ou guerre de partisans, où l'action des minorités ne fait que précéder la juste violence défensive des masses. Variante : ce n'est pas du terrorisme, c'est le jihad défensif (obligatoire pour tout bon musulman) car l'Oumma est partout victime et opprimée.


Les débats actuels portent plutôt sur l’élément psychologique/stratégique du terrorisme. Tel qui tue au hasard, n’appartient à aucune organisation, ne laisse pas de revendication expliquant le sens politique de son acte, est-il un fou, criminel de droit commun, ou faut-il déduire du choix de ses victimes qu’il envoyait un message idéologique implicite ?

Il serait finalement plus productif de se demander de quoi le terrorisme n'est pas le nom et sous quelle étiquette se rangent ceux que l'on accuse de terrorisme.

camusjustes.jpgC'est pourquoi nous laisserons la conclusion à un extrait des Justes de Camus :

Kaliayev (le révolutionnaire qui vient d’assassiner le Grand Duc) – Je suis un prisonnier de guerre, non un accusé.

Skouratov (le policier) – Si vous voulez. Cependant, il y a eu des dégâts, n’est-ce pas ? Laissons de côté le grand-duc et la politique. Du moins, il y a eu mort d’homme. Et quelle mort !
Kaliayev – J’ai lancé une bombe sur votre tyrannie, non sur un homme.

Skouratov.- Sans doute. Mais c’est l’homme qui l’a reçue. Et ça ne l’a pas arrangé. Voyez-vous, mon cher, quand on a retrouvé le corps, la tête manquait. Disparue, la tête ! Quant au reste, on a tout juste reconnu un bras et une partie de la jambe.


Kaliayev – J’ai exécuté un verdict.

Skouratov Peut-être, peut-être. On ne vous reproche pas le verdict. Qu’est-ce qu’un verdict ? C’est un mot sur lequel on peut discuter pendant des nuits. On vous reproche…non, vous n’aimerez pas ce mot.. disons, un travail d’amateur, un peu désordonné, dont les résultats, eux, sont indiscutables. Tout le monde a pu les voir. Demandez à la grande-duchesse. Il y avait du sang, vous comprenez, beaucoup de sang. -

Kaliayev – Taisez-vous

Skouratov : Bon. Je voulais dire simplement que si vous vous obstinez à parler du verdict, à dire que c’est le parti et lui seul qui a jugé et exécuté, que le grand-duc a été tué non par une bombe, mais par une idée, alors, vous n’avez pas besoin de grâce. Supposez, pourtant, que nous revenions à l’évidence, supposez que ce soit vous qui ayez fait sauter la tête du grand-duc, tout change n’est-ce pas ? Vous aurez besoin d’être gracié, alors. "

Nord Stream 2 se fera malgré l'opposition de Washington

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Nord Stream 2 se fera malgré l'opposition de Washington

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le dernier obstacle à la finalisation du gazoduc Nord Stream 2 vient d'être levé par le gouvernement danois. Celui-ci vient d'autoriser la construction dans ses eaux d'un tronçon de ce gazoduc qui doit approvisionner l'Europe en gaz russe. Il s'agissait de la dernière partie de ce gazoduc, toutes les autres étant déjà en cours de mise en place

La section danoise du gazoduc russe sera construite sur le plateau continental au sud-est de Bornholm, une île danoise située en mer Baltique. Le royaume était le dernier obstacle à la poursuite des travaux du futur Nord Stream 2 qui doit relier la Russie et l'Allemagne via la Baltique. Dès cette annonce, le titre de Gazprom prenait 3% à la Bourse de Moscou.

Cette nouvelle paraîtra anodine. En fait elle marque un nouveau recul important pour la domination des Etats-Unis sur les Etats de l'Union européenne. Pour l'apprécier, il faut rappeler certains éléments intéressant la géopolitique internationale :

L'Europe manque de source d'énergie sur son territoire, que ce soit en charbon, en pétrole ou en gaz naturel. La France y remédie en grande partie grâce à son importante industrie nucléaire. Mais l'Allemagne, sans doute pour ne pas dépendre de l'expertise française en ce domaine, avait refusé ce choix. De toutes façons, le nucléaire en son état actuel ne permet pas de satisfaire les considérables besoins en pétrole et en gaz. L'Allemagne, première puissance économique européenne, doit absolument se fournir en gaz. Rappelons que la France importe l'essentiel de son gaz de Norvège, le reste provenant d'Afrique du Nord.

Depuis quelques mois, les Etats-Unis, devenu provisoirement les premiers producteurs mondiaux en gaz, grâce la découverte de gisements très importants de gaz dit de schiste (c'est-à-dire se trouvant entre des couches de schiste), s'efforce de vendre de ce gaz aux européens. Mais le coût de celui-ci, augmenté par les frais du transport transatlantique par des navires gaziers ou méthaniers, n'est pas moindre que celui des autres sources de gaz accessibles aux pays européens.

Malgré sa volonté affirmée de ne pas coopérer économiquement avec la Russie, volonté elle-aussi imposée par les Etats-Unis, a du se résoudre, sous la pression de ses propres industriels, à importer du gaz russe. Jusqu'ici, c'est par l'Ukraine que transite une grande partie du gaz russe. Mais l'accord en ce sens entre la Russie et l'Ukraine arrive à son terme fin 2019, et il n'est pas certain qu'il sera renouvelé, là encore sous la pression américaine. L'Allemagne doit donc impérativement trouver d'autres moyens d'importer lu gaz russe. C'est ce à quoi vise le futur gazoduc Nord Stream 2.

Un premier Nord Stream (dit aussi  North Transgas et North European Gas Pipeline : NEGP) existe et permet l'importation de gaz russe en passant sous la mer Baltique. Mais ses capacités sont désormais insuffisantes. Le projet Nord Stream 2 a donc été envisagé pour doubler le premier. Après avoir été longtemps ralentis par les Pays nord européen soumis à l'influence américaine, les travaux de Nord Stream 2 ont progressé et devraient s'achever vers 2020. Mais il faut pour ceci que le dernier tronçon sous-marin soit mis en place dans les eaux territoriales danoises.

Jusqu'à présent, le Danemark faisait traîner les négociations, mais il vient comme rappelé ci-dessus, sans doute sous la pression de son grand partenaire économique qu'est l'Allemagne, de donner son accord à la finalisation du projet Nord Stream 2.

Les Etats-Unis ne sont pas pour le moment en état de s'y opposer. L'Allemagne est encore pour eux un allié politique à ménager.

Note

Pour plus de détails et commentaires, voir De Defensa
https://www.dedefensa.org/article/nordstream-2-pour-quelq...