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mercredi, 17 septembre 2025

Fin de l’empire américain et leçons pour l’Inde - Stratégies géopolitiques pour l’Inde dans un monde multipolaire

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Fin de l’empire américain et leçons pour l’Inde

Stratégies géopolitiques pour l’Inde dans un monde multipolaire

S. L. Kanthan

(20 mars 2025)

Source: https://slkanthan.substack.com/p/end-of-the-american-empi...

« Être un ennemi de l’Amérique peut s’avérer dangereux, mais en être un ami est fatal. » Ce seraient là les mots d’Henry Kissinger, criminel de guerre et lauréat du prix Nobel de la paix, qui a profondément influencé la politique étrangère américaine. L’Inde ne doit pas oublier ce côté sombre de l’establishment américain, même si Biden a déclaré que les relations américano-indiennes étaient les plus importantes du siècle et que Trump a rencontré à plusieurs reprises Modi, le qualifiant de grand dirigeant. Le recentrage américain sur l’Inde repose sur trois faisceaux d'intérêts: la volonté de contenir la Chine, l’accès à une main-d’œuvre bon marché et un vaste marché de consommateurs. Les États-Unis n’ont pas de véritables alliés, seulement des intérêts narcissiques et impérialistes.

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Modi a été l’un des rares dirigeants étrangers invités à la Maison Blanche au cours du premier mois du mandat de Trump. De façon générale, les Indiens ont aussi une opinion très positive de Trump et des États-Unis en général. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les États-Unis jouissent d’un fort pouvoir d’influence en Inde: immigration, emplois dans la tech, succès des Américains d’origine indienne, popularité de la langue anglaise, financement occidental des think tanks indiens, investisseurs américains dans les médias indiens, tensions avec la Chine, etc. Cependant, l’Inde doit veiller à ne pas devenir « l’Ukraine de l’Asie » – un pion géopolitique sacrifiable de l’Empire américain.

Soyons clairs: les États-Unis veulent contrôler toutes les dimensions de l’Inde. Il y a quelques mois, l’ambassadeur américain en Inde a affirmé devant un public indien que l’autonomie stratégique n’existait pas. De façon inquiétante, cet avertissement est intervenu juste avant que les États-Unis ne mettent en scène une révolution de couleur au Bangladesh et ne renversent la Première ministre Hasina, qui n’était pas parfaite mais avait fait un travail remarquable pour relancer l’économie. La raison en était simple: la Première ministre Hasina (photo) avait refusé d’autoriser l'installation d'une base militaire américaine dans son pays.

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De même, tout analyste géopolitique objectif peut voir comment les États-Unis ont orchestré des coups d’État au Pakistan et au Sri Lanka au cours de ces dernières années. Le Premier ministre Imran Khan a été évincé par un coup d’État « doux » après une pression manifeste des États-Unis, son parti a été interdit et il a été emprisonné. Voilà la liberté et la démocratie à l’américaine ! Son crime? Être trop proche de la Russie. Quant au Sri Lanka, le parti au pouvoir était jugé trop pro-chinois. Bien entendu, les États-Unis ne pouvaient tolérer une telle indépendance.

L’histoire montre aussi que les États-Unis n’ont jamais été un véritable allié de l’Inde.

Alors que le ministère indien des Affaires étrangères se méfie de l’influence de la Chine dans le voisinage de l’Inde, il n’y a pratiquement aucune protestation contre l’ingérence américaine dans la sphère d’influence indienne. Les Indiens sont trop indulgents et oublient un fait: en 1966, les États-Unis/la CIA auraient probablement poussé à assassiner le Premier ministre Lal Bahadur Shastri et le scientifique nucléaire Homi Bhabha.

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Pendant toute la guerre froide, les États-Unis ont saboté l’Inde en guise de punition pour sa politique de non-alignement et ses relations amicales avec l’URSS. Les États-Unis ont également encouragé l’Inde à entrer en guerre contre la Chine au sujet du Tibet, mais le président JFK a ensuite refusé toute aide militaire au moment crucial. Plus tard, lorsque le Bangladesh a cherché à devenir indépendant, les États-Unis ont envoyé des navires de guerre dans la baie du Bengale pour menacer l’Inde, qui n’a pu repousser les Américains qu’avec l’aide de l’Union soviétique.

Aujourd’hui, l’Inde n’a pas vraiment tiré profit de ses relations étroites avec l’Amérique.

À la fin de la guerre froide, les entreprises américaines se frottaient les mains à l’idée d’exploiter la Chine et l’Inde pour leur main-d’œuvre bon marché, dans l’industrie et les services respectivement. Cependant, la différence entre ces deux pays est frappante. Tandis que la Chine s’est concentrée sur la maîtrise des technologies et la création d'atouts nationaux, les élites indiennes se sont contentées d’utiliser des produits américains. Le résultat se voit dans les géants technologiques chinois comme Huawei, BYD, ByteDance (maison-mère de TikTok) et 135 autres entreprises figurant dans le classement Fortune 500, contre seulement 9 pour l’Inde.

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Dans le domaine de l’IA, la technologie la plus perturbatrice du siècle, la Chine détient 60% des brevets, contre moins de 1% pour l’Inde. Dans de nombreux autres secteurs – voitures électriques, panneaux solaires, batteries, smartphones, semi-conducteurs, robotique, cloud computing, biotechnologie, exploration spatiale, avions de chasse, navires de guerre, etc. – la Chine a largement dépassé l’Inde.

Pourquoi l’Inde a-t-elle pris du retard ? Parce que nous suivons le modèle économique américain du capitalisme financiarisé, et nous nous sentons en sécurité dans la dépendance au dollar américain, à la technologie américaine, aux médias américains, à la médecine américaine, aux investissements américains, etc.

L’Inde laisse également sa politique étrangère être dictée par les États-Unis plus que de raison. Par exemple, nous pourrions acheter du pétrole et du gaz bon marché à l’Iran, et nous aurions pu commencer à réaliser le projet du port de Chabahar depuis longtemps. Mais l’Inde fait trop preuve de déférence envers les sanctions américaines. De même, le fait que l’Inde rejoigne le QUAD et d’autres accords « indo-pacifiques » pour contenir la Chine, ou refuse de rejoindre la Belt and Road Initiative, ne fait que servir les manœuvres géopolitiques américaines de division et de domination.

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Actuellement, les États-Unis tirent bénéfice de l’Inde de multiples façons: main-d’œuvre indienne relativement peu chère dans l’industrie du logiciel, main-d’œuvre de fabrication ultra-bon marché pour des entreprises comme Apple, immense marché de consommateurs issus de la classe moyenne croissante, startups indiennes ouvertes aux investisseurs américains, achats d’armes américaines par le gouvernement indien, et l’Inde en tant qu’outil géopolitique potentiel pour contenir la Chine diplomatiquement, économiquement et militairement.

Cependant, le soft power américain ne durera pas longtemps en Inde. D’abord, les États-Unis vont bientôt restreindre l’immigration en provenance de l’Inde, en particulier pour les travailleurs technologiques H1-B. L’« alt-right » américaine raciste a déjà commencé à diaboliser les Indiens. Ensuite, les États-Unis vont commencer à contenir l’Inde à mesure que celle-ci continue de croître et de devenir plus indépendante. Les États-Unis peuvent autoriser des Indiens à devenir PDG de Google ou de Microsoft, mais ils ne toléreront pas des entreprises indiennes qui concurrencent Google ou Microsoft. Les États-Unis maintiennent leur hégémonie mondiale non pas grâce à des partenaires égaux, mais via un réseau de vassaux.

Même les Européens commencent enfin à sortir de leur sommeil hypnotique. Le nouveau chancelier allemand, Merz, a déclaré que l’Europe devait œuvrer à son indépendance vis-à-vis des États-Unis.

Dans l’ensemble, nous assistons au cycle inexorable de l’histoire, dans lequel un nouvel empire est au bord de l’effondrement. Cependant, contrairement aux derniers siècles, les États-Unis ne seront pas remplacés par un autre empire. Un monde multipolaire émerge pour démocratiser la géopolitique et la géoéconomie. Des organisations comme les BRICS offriront un nouveau paradigme de coopération et de développement aux nations du Sud global. Le privilège extraordinaire du dollar américain, qui sous-tend la tyrannie américaine des sanctions et des guerres sans fin, disparaîtra également.

Cinq siècles de domination occidentale sur le monde touchent à leur fin. Ce sera le siècle de l’Asie, de l’Eurasie et de l’Afrique. L’Inde doit donc élaborer sa stratégie en conséquence.

S.L. Kanthan

mardi, 16 septembre 2025

L'essor de l'Asie et l'avenir de la mondialisation

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L'essor de l'Asie et l'avenir de la mondialisation

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/09/09/aasian-nousu-ja-global...

La fin de la mondialisation a été prédite à la suite des crises du 21ème siècle, telles que les attentats du 11 septembre, la crise financière et la pandémie de coronavirus. Cependant, l'analyste stratégique Parag Khanna affirme que la mondialisation ne s'essouffle pas, mais qu'elle se transforme, l'Asie devenant son centre. Bien que la vision de Khanna sur le rôle de l'Asie soit convaincante, l'avenir de la mondialisation est complexe en raison de la concurrence technologique entre les grandes puissances et des divisions qu'elle crée.

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Khanna (photo) décrit la mondialisation comme la construction de réseaux qui englobent les échanges commerciaux, les capitaux, les idées et les technologies. Selon lui, le centre de la mondialisation s'est déplacé de l'Occident vers l'Asie, où le commerce et les investissements entre les pays, soutenus par exemple par l'accord de libre-échange régional RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership, qui couvre 15 pays d'Asie et du Pacifique), renforcent l'intégration régionale.

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La mondialisation est un phénomène fragile, menacé par le protectionnisme, les guerres commerciales et la concurrence entre les États-Unis et la Chine, par exemple dans le développement de l'intelligence artificielle et des réseaux sans fil avancés. Cette concurrence divise le monde en camps technologiques et fragmente les marchés mondiaux.

Khanna utilise le terme « asiatique » pour décrire la convergence économique, culturelle et politique que l'on observe en Asie.

Le développement qui a débuté avec la reconstruction du Japon s'est rapidement étendu à des économies en pleine croissance telles que Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et Taïwan, ainsi qu'à la Chine et à l'Asie du Sud-Est, créant ainsi un réseau d'interdépendance. Cependant, l'essor technologique de la Chine, comme la domination de Huawei dans le domaine de la 5G, a suscité des réactions négatives en Occident. Les restrictions et les sanctions imposées aux exportations technologiques pourraient ralentir l'intégration asiatique et affaiblir le caractère ouvert de la mondialisation.

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Les atouts de l'Asie sont sa population jeune, ses bas salaires et ses investissements dans les infrastructures, qui soutiennent la croissance économique. Cependant, le développement technologique nécessite une main-d'œuvre qualifiée et, en Inde par exemple, le chômage des jeunes et la qualité inégale de l'éducation limitent le potentiel. En outre, la stabilité politique est remise en question lorsque les gouvernements utilisent des technologies de pointe pour restreindre les libertés civiles, ce qui peut accroître les tensions sociales et ébranler la confiance dans la liberté promise par la mondialisation.

La concurrence technologique divise le monde en deux écosystèmes dominés respectivement par les États-Unis et la Chine, où les normes et la gestion des données diffèrent. Les controverses autour de TikTok et WeChat aux États-Unis montrent par exemple comment la technologie crée de nouvelles frontières. Les petits pays asiatiques, comme le Vietnam ou les Philippines, peuvent se retrouver pris au piège de la dépendance technologique, par exemple en ce qui concerne les réseaux 5G chinois ou les semi-conducteurs occidentaux, ce qui accroît les inégalités entre les pays.

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Même si Khanna affirme que la pauvreté a diminué en Asie, les bénéfices de la mondialisation sont répartis de manière inégale et les écarts de revenus se creusent. L'automatisation peut remplacer des millions de travailleurs et accroître la popularité du populisme politique, ce qui remet en question la légitimité de la mondialisation.

Selon Khanna, le changement climatique est le plus grand défi pour l'Asie et la mondialisation, même si ses causes et son ampleur font encore l'objet de désaccords. L'Asie souffre de conditions climatiques extrêmes et est le plus grand producteur mondial d'émissions de dioxyde de carbone, la Chine représentant à elle seule environ 30% des émissions mondiales.

Le développement et l'adoption des énergies vertes, souvent présentés comme des solutions, posent toutefois problème. L'énergie solaire et éolienne dépendent de matières premières critiques, telles que le lithium et les métaux rares, dont l'extraction cause des dommages environnementaux importants et accroît les tensions géopolitiques. En outre, les sanctions commerciales et les litiges en matière de brevets ralentissent le partage des innovations, ce qui empêche la transition vers une économie durable et remet en question la capacité des technologies vertes à résoudre les défis environnementaux sans compromis plus larges.

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L'avenir de la mondialisation se dessine en fonction de la concurrence technologique. L'essor de l'Asie s'inscrit dans cette transition, mais la pandémie et les clivages technologiques encouragent des pays comme l'Inde et les pays de l'ANASE à développer leur autosuffisance, par exemple dans le domaine des semi-conducteurs. Cela pourrait conduire à une « mondialisation locale », dans laquelle le commerce se concentrerait sur des blocs régionaux.

La numérisation et l'intelligence artificielle augmentent le flux de données, mais les différences réglementaires peuvent créer de nouveaux obstacles.

Même si le développement durable prévu par l'agenda des Nations unies nécessite des technologies neutres en carbone, les économies asiatiques, en particulier la Chine et l'Inde, restent dépendantes du charbon, du gaz naturel et du pétrole brut. La Chine a toutefois investi massivement dans l'économie verte, par exemple dans le développement de la plus grande usine de production d'hydrogène vert au monde, qui soutient la transition vers des sources d'énergie à faibles émissions.

Les répercussions sociales de la technologie sont considérables: elle crée des opportunités, mais elle écarte également des travailleurs, en particulier dans les secteurs à faible niveau de compétences en Asie. Si les avantages sont concentrés entre les mains d'une minorité, le mécontentement social pourrait affaiblir le soutien à la mondialisation.

Khanna constate : « À chaque moment de l'histoire, une partie du monde atteint son apogée. En ce moment, c'est l'Asie. » Cela est en partie vrai, mais l'avenir de la mondialisation est incertain. Le succès de l'Asie dépend de la résolution des défis technologiques, écologiques et sociaux. La prochaine étape de la mondialisation sera une lutte pour trouver un équilibre entre la concurrence technologique, l'environnement et l'équité.

lundi, 15 septembre 2025

Chine: un Etat-Civilisation et ses objectifs stratégiques

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Chine: un Etat-Civilisation et ses objectifs stratégiques

Juan Bautista González Saborido

Source: https://dolarbaratomag.com/1624/china-estado-civilizacional-y-objetivos-estrategicos/

L'ascension de la Chine est peut-être le fait le plus marquant en matière de géopolitique depuis la chute de l'Union soviétique en 1991. Il ne fait aucun doute que la Chine n'est plus une puissance émergente et qu'elle s'est transformée en ce que l'on peut appeler un « État civilisationnel », dont l'ambition est de retrouver une place centrale dans le monde dans les années à venir et qui, pour cela, est prêt à disputer l'hégémonie aux États-Unis afin d'atteindre ses objectifs.

L'ascension géopolitique de la Chine démontre pour nombre de ses idéologues que sa grande force, son caractère unique, réside dans le fait qu'il s'agit d'un « État-civilisation », un concept qui est plus pertinent que jamais maintenant que Pékin tente de recomposer l'ordre géopolitique autour de ses valeurs civilisationnelles pour les opposer à celles d'un Occident qu'il considère en déclin.

Dans ce contexte, une série d'intellectuels proches de Xi Jinping (Yuan Peng, Wang Honggang, Yu Yongding et Chu Shulong, parmi les plus importants) se sont donné pour mission d'apporter des idées au Parti, en synthétisant des notions de la pensée classique chinoise, des concepts des époques socialiste et réformiste, et des lignes directrices adoptées depuis l'intégration de la Chine dans le monde.

Nous tenterons de résumer certains de ces concepts, car les connaître et les comprendre permettrait de mieux saisir la pensée des élites intellectuelles chinoises et, éventuellement, ce que pense le leadership à Pékin lorsqu'il s'agit de décider et de déterminer les objectifs stratégiques de la Chine.

Contexte de changement et de turbulences

La Chine a mis en place un système étatique moderne sans précédent qui comprend un gouvernement, un marché, une économie, un système éducatif, un système juridique, un système de défense, un système financier et un système fiscal unifiés, qui font peut-être de l'État chinois l'un des plus performants au monde.

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Dans ce contexte, il est important de souligner que l'État chinois entretient une relation très différente de celle de l'État occidental avec la société. En effet, il jouit d'une autorité naturelle, d'une légitimité et d'un respect bien plus grands, même si le gouvernement n'accède pas au pouvoir par le vote populaire. Cela s'explique par le fait que les Chinois considèrent l'État comme le gardien, le dépositaire et l'incarnation de leur civilisation.

Ainsi, le processus de modernisation de la Chine présente des caractéristiques propres qu'il convient de souligner. Ces particularités sont au nombre de cinq : a) une population très importante, b) la recherche de la prospérité commune pour tout le peuple, c) la tentative de coordination entre la civilisation matérielle et la civilisation spirituelle, d) la conception d'une coexistence harmonieuse entre l'homme et la nature, et e) l'aspiration à un développement pacifique sur la scène internationale.

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Selon Xi Jinping, le rajeunissement de la Chine (la modernisation de la Chine) est une aspiration commune de tout le peuple depuis le début de l'ère moderne, mais seul le Parti communiste chinois a su trouver les clés nécessaires pour le réaliser, à travers une modernisation socialiste.

Toutefois, les dirigeants chinois doivent continuer à faire avancer les réformes face à la situation internationale et nationale complexe et variée, à la nouvelle vague de révolution scientifique et technologique et de transformation industrielle, et aux nouvelles attentes des masses populaires. À cette fin, à partir de maintenant et pendant un certain temps, ses élites devront s'engager dans une période clé pour promouvoir de manière globale, parallèlement à la modernisation chinoise, la grande cause de la construction d'un pays puissant et de la revitalisation de la nation.

Cela dit, pour l'élite gouvernementale chinoise, le monde est entré dans une période de turbulences et de changements sans précédent depuis un siècle, qui présente des opportunités stratégiques, des risques et des défis, ainsi que des facteurs incertains et imprévisibles pour le développement de la Chine.

En définitive, pour eux, le monde traverse aujourd'hui un changement historique, caractérisé par quatre révolutions: (a) démographique (due à la croissance de la population en Afrique et en Asie), (b) technologique (due au développement d'une quatrième révolution industrielle), (c) climatique (qui entraîne une transition énergétique) et (d) du pouvoir mondial (due au déplacement du pouvoir de l'Occident vers l'Orient). Ces quatre révolutions contextualisent la rivalité entre la Chine et les États-Unis et détermineront le vainqueur.

La Chine réclame la démocratisation des relations internationales et le soutien du Sud global

La Chine aspire à exercer une grande influence sur la conception institutionnelle des organismes internationaux. Face à la conception actuelle des organismes multilatéraux, tels que l'ONU, qui reflète la répartition du pouvoir après la Seconde Guerre mondiale, la Chine réclame systématiquement une réforme. Ainsi, en 2018, lors du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai, le président Xi a déclaré : « Le désir de démocratisation des relations internationales est une tendance mondiale imparable », donnant à cette revendication une importance stratégique.

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Par conséquent, afin de mettre en œuvre la démocratisation des relations internationales et de gagner le soutien du Sud dans sa course à l'hégémonie, Pékin a lancé une série d'initiatives d'investissement dans des infrastructures à l'échelle mondiale. Il s'agit de l'initiative « Belt and Road » (la route de la soie), du groupe BRICS Plus et des trois initiatives mondiales : a) l'initiative de développement mondial, b) l'initiative de sécurité mondiale et c) l'initiative de civilisation mondiale.

L'initiative « Belt and Road » est considérée comme le principal outil de la géostratégie chinoise actuelle, ce qui lui confère une importance capitale dans le domaine de la géopolitique chinoise. Ces initiatives internationales s'inscrivent dans une stratégie globale appelée « la construction d'une communauté d'avenir partagé pour l'humanité ».

Ce concept a pris une place importante dans les documents et discours officiels du gouvernement chinois, en lien avec la proposition de configurer de nouvelles relations internationales, une vision de la communauté internationale à partir d'un nouvel humanisme, la récupération de l'esprit de Bandung et la revendication de la coopération Sud-Sud.

Pour de nombreux penseurs chinois proches du Parti, les facteurs culturels exprimés par les notions de « tradition », « valeurs » ou « civilisation » d'une société sont déterminants pour l'élaboration de sa politique, plus que son organisation économique. Ces « questions de civilisation » constituent désormais l'axe principal proposé par Xi pour redéfinir le modèle chinois, puisque le dirigeant chinois a récemment esquissé son « initiative de civilisation mondiale ».

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Ce processus, outre la recherche d'une refonte des institutions de gouvernance mondiale, vise également à doter ces institutions des principes et des valeurs qui devraient les régir. Comprendre l'idée de « communauté de destin partagé » nous permet d'interpréter la proposition chinoise pour le nouvel ordre mondial qui se dessine actuellement.

Cette idée se veut une proposition civilisationnelle alternative à celle de l'Occident.  Selon eux, cela signifie que le rêve de paix et de prospérité du peuple chinois est intimement lié à celui des autres peuples du monde, de sorte que la réalisation du rêve chinois ne peut se faire sans un environnement international pacifique et un ordre international stable.

Cela implique qu'ils doivent considérer la situation nationale et internationale dans son ensemble, suivre sans dévier la voie du développement pacifique et appliquer sans faillir la stratégie d'ouverture fondée sur le bénéfice mutuel et le principe "gagnant-gagnant", insister sur la conception correcte de la justice et des intérêts, adopter un nouveau concept de sécurité commune, intégrale, coopérative et durable, poursuivre une perspective de développement définie par l'ouverture, l'innovation, l'inclusion et le bénéfice mutuel ; promouvoir des échanges entre les civilisations caractérisés par une harmonie qui n'exclut pas les différences et par l'assimilation sans discrimination de tout ce qui est positif chez l'autre; et configurer un écosystème qui vénère la nature et repose sur le développement écologique, agissant ainsi à tout moment en tant que bâtisseurs de la paix mondiale, contributeurs au développement mondial et défenseurs de l'ordre international.

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Politique économique de double circulation

Dans le cadre de la relance du marché intérieur, le Comité permanent du Politburo du PCC a lancé en mai 2020 la politique économique de « double circulation », qui consiste à augmenter la consommation intérieure et les revenus internes, à améliorer la capacité d'innovation du pays et à réduire la dépendance vis-à-vis du marché extérieur, tout en renforçant les liens entre l'économie locale et l'économie extérieure et en approfondissant l'ouverture économique.

En d'autres termes, le grand cycle interne n'est pas un développement fermé, mais une ouverture de meilleure qualité de la demande intérieure, et la Chine est prête à partager son marché avec les meilleures entreprises du monde entier, en particulier celles qui peuvent participer à l'expansion de la demande intérieure chinoise, promouvoir son amélioration et s'associer aux entreprises chinoises pour former un grand nombre de groupements de chaînes industrielles de haute qualité dans le cycle interne.

Par conséquent, le double cycle national et international implique à la fois un flux entre la production, la distribution, la consommation et la circulation des marchandises et un flux optimal d'allocation des ressources. Le « double cycle » est un choix inévitable pour une réforme plus profonde, une plus grande ouverture et un meilleur développement, et la construction des nouvelles routes de la soie reflète profondément cette connotation caractéristique du double cycle.

Les Nouvelles Routes de la Soie visent également à promouvoir la circulation des biens et des facteurs au niveau interne et à concrétiser les « cinq liens » (communication politique, connexion des installations, commerce fluide, intégration des capitaux et contacts entre les personnes) proposés par le secrétaire général du PCC Xi Jinping au niveau externe.

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Renforcement des investissements dans la technologie

Un autre point décisif est la décision de renforcer les investissements dans la technologie. Cette décision, en particulier les investissements dans la production de semi-conducteurs de pointe, est une conséquence des mesures prises par les États-Unis pour empêcher ou entraver l'accès des entreprises chinoises à des technologies qu'ils considèrent comme stratégiques. Cependant, l'accent mis par le gouvernement chinois sur le progrès technologique est de longue date.

Une étape importante de cette orientation a été franchie en 2015 avec le plan « Made in China 2025 », qui vise à accroître le niveau d'intégration technologique dans la production et les services, et à passer du « Fabriqué en Chine » au « Développé en Chine ». Ce plan prévoyait le développement technologique et industriel, l'absorption de technologies provenant d'investissements étrangers et l'achat d'entreprises étrangères de haute technologie.

Dans son rapport sur le commerce mondial 2020, l'Organisation mondiale du commerce a souligné que le passage à la numérisation et à l'économie fondée sur la connaissance témoignait de l'importance croissante de l'innovation et de la technologie dans la croissance économique. C'est pourquoi les gouvernements ont mis en œuvre de « nouvelles politiques industrielles » afin d'orienter la production locale vers les nouvelles technologies et de faciliter la modernisation des industries matures ou traditionnelles. De même, dans les économies les plus axées sur l'utilisation des données (BigData) et les plus développées sur le plan technologique, l'idée de la nécessité d'une intervention de l'État, d'une planification stratégique et d'un partenariat public-privé se renforce.

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La politique de consolidation et de projection internationale de la Chine s'est traduite par une série de programmes de promotion de l'innovation productive (tels que le plan « Made in China 2025 ») et de substitution des importations de technologies de pointe, comme le montre l'expérience de ces dernières années dans le développement de microprocesseurs de haute technologie (jusqu'à récemment importés des États-Unis).

La stratégie technologique de la Chine vise à consolider son leadership mondial dans les technologies émergentes et à réduire au minimum sa dépendance vis-à-vis de l'Occident. Cette approche se traduit par des investissements publics massifs dans la recherche et le développement, en particulier dans des domaines clés tels que l'IA, l'informatique quantique, la biotechnologie et les énergies vertes. Ces domaines ont été stratégiquement sélectionnés pour surmonter les « goulets d'étranglement technologiques » qui pourraient limiter son autonomie et renforcer son autosuffisance dans des secteurs critiques tels que les semi-conducteurs et la fabrication de pointe.

Le gouvernement chinois a adopté une approche techno-nationaliste centralisée qui contrôle l'innovation technologique et donne la priorité à l'intégration des chaînes d'approvisionnement mondiales. Cette approche vise à renforcer la dépendance des autres pays à l'égard des produits et services technologiques chinois, tout en reconfigurant l'initiative « Belt and Road », lancée en 2013, en élargissant sa portée grâce à la « Digital Belt and Road ».

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Ce projet renforce son influence technologique sur les marchés émergents du Sud, tels que l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine, en promouvant des infrastructures critiques et en exportant des technologies de pointe. Bien qu'ils aient récemment remporté un succès remarquable avec le lancement de l'application d'IA générative DeepSeek, qui concurrence ChatGPT, Gemini, etc. et qui a provoqué un séisme boursier aux États-Unis

La sécurisation de l'IA impulsée par le gouvernement chinois s'inscrit dans le concept de « sécurité nationale intégrale » promu par Xi Jinping, qui englobe seize types de sécurité différents. Cette stratégie se reflète également dans la centralisation de la gestion des données, considérées comme une ressource stratégique nationale.

Depuis la promulgation de la loi sur la cybersécurité en 2017, la Chine a mis en place des réglementations strictes qui privilégient la sécurité plutôt que la croissance économique. La création de l'Administration nationale des données en 2023 renforce ce modèle en favorisant l'autosuffisance technologique et la modernisation économique, même si elle se heurte à des défis importants, tels que la fragmentation régionale et les obstacles à l'innovation. Ces politiques sont motivées à la fois par des préoccupations historiques concernant le retard technologique du pays et par les tensions liées à la concurrence entre les grandes puissances.

Considérer l'IA comme une question de sécurité nationale offre de nombreux avantages. Tout d'abord, cela permet de mobiliser des ressources importantes et de coordonner les efforts entre les secteurs public et privé, garantissant ainsi un leadership public unique et stratégique. En outre, cette perspective favorise la mise en œuvre de politiques de sécurité strictes, essentielles pour faire face à des menaces telles que l'espionnage, le vol d'informations sensibles, la désinformation et les cyberattaques.

Il y a quarante-cinq ans, le gouvernement chinois avait tenté de « se rajeunir » ou de « se moderniser » en s'inspirant de l'Occident, mais à l'ère de Xi Jinping, la priorité est désormais de concevoir des réponses chinoises aux questions de notre temps.

Il est possible que les « réponses chinoises » aux problèmes de notre époque ne soient que de la propagande, mais il est également possible qu'elles cherchent à proposer une alternative civilisationnelle à celle de l'Occident européen. Tout semble indiquer que la Chine opte pour cette deuxième alternative, car elle travaille d'arrache-pied pour se construire une place dans le monde en termes d'idées.

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Sans préjudice de la proposition civilisationnelle chinoise, à laquelle nous devons nous préparer en nous appuyant sur notre propre tradition et nos propres valeurs culturelles, la phase actuelle de la Chine repose sur cinq éléments : a) la souveraineté nationale (souveraineté sur tous les territoires revendiqués ou non), b) la place de la Chine en tant que pays important sur la scène mondiale (qu'elle ait ou non un poids en tant que centre de pouvoir), d) le niveau technologique et productif (à la pointe ou non), d) le caractère culturel du pays (s'il s'oriente vers l'occidentalisation ou s'il renforce ses propres racines civilisationnelles) et e) le mode de production (socialiste ou capitaliste).

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La Chine serait un pays qui n'a pas encore atteint sa pleine souveraineté (il lui manque Taïwan, la mer de Chine méridionale, etc.), qui est déjà important au niveau mondial (même s'il pourrait l'être davantage), avec un niveau technologique et productif qui se rapproche de plus en plus de la pointe avancée en la matière, avec un caractère culturel sino-centrique issu de l'histoire millénaire de la Chine et avec un mode de production qu'il définit lui-même comme « un socialisme aux caractéristiques chinoises ».

La Chine cherche à gagner en influence et à conquérir l'hégémonie mondiale grâce à une stratégie sophistiquée basée sur la séduction, le commerce et les investissements. Mais pourra-t-elle éviter la confrontation directe dans la lutte pour l'hégémonie ?

D'autre part, sa double stratégie de renforcement de son marché intérieur et de recherche d'une moindre dépendance vis-à-vis de l'étranger sera-t-elle vraiment efficace ? Évitera-t-elle la dépendance vis-à-vis des États-Unis ?

Enfin, dans le domaine culturel et des idées, aura-t-elle la force morale et la qualité de leadership nécessaires pour fonder une pensée propre afin de se construire une place dans le monde sans se laisser entraîner par le consumérisme dépersonnalisant de l'Occident ?

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samedi, 13 septembre 2025

La crise terminale de la politique japonaise

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La crise terminale de la politique japonaise

par Kazuhiro Hayashida

Kazuhiro Hayashida soutient que la démission du Premier ministre Shigeru Ishiba met à nu la vacuité de la politique japonaise et sa dépendance extérieure, avertissant que seule une orientation vers la multipolarité et la Quatrième Théorie Politique peut restaurer l’autonomie nationale et la survie culturelle.

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Shigeru Ishiba (photo) a annoncé sa démission du poste de Premier ministre. Cet événement dépasse le simple changement de personnel; il a révélé les contradictions profondes de la politique japonaise. Ishiba est depuis longtemps considéré comme pro-chinois et s’est retrouvé engagé dans une rivalité féroce au sein du Parti libéral-démocrate contre la faction de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe. Pour protéger sa propre position politique, Ishiba a donné la priorité à l’élimination de la faction Abe, allant jusqu’à conduire délibérément le parti à la défaite électorale. Dans l’histoire politique japonaise, il existe peu de précédents où un homme politique place le conflit de faction au-dessus de la victoire globale de son parti.

À l’inverse, l’ancien Premier ministre Fumio Kishida est l’archétype du pro-américain, dont la politique étrangère et de sécurité a toujours été étroitement coordonnée avec Washington. Ainsi, les gouvernements japonais se sont retrouvés pris dans une structure duale — « Ishiba pro-chinois » contre « Kishida pro-américain » — qui a sapé toute cohérence dans la stratégie nationale. Cette structure instable a empêché le Japon d’élaborer une diplomatie autonome et créé un « vide » récurrent, propice à l’exploitation par des puissances extérieures.

Aujourd’hui, un point de vue largement partagé au Japon considère que la Chine collabore avec les États-Unis pour affaiblir le pays. En effet, lorsque la posture du Japon en tant qu’allié américain devient gênante pour la Chine ou la Russie, il n’est pas exclu que l’ordre politique interne soit sciemment perturbé afin de saper les fondements de la politique japonaise. Pour ma part, je trouve l’attitude de la Chine envers le Japon opaque: un mélange de coopération économique apparente et d’une stratégie d’infiltration difficile à démêler.

Le véritable problème réside dans la pauvreté extrême de l’imagination des politiciens japonais face à une telle pression extérieure. Ils manquent de stratégies à long terme ancrées dans la survie de leur culture et de leur histoire, et restent obnubilés par des luttes de pouvoir à court terme et des réponses improvisées à la pression extérieure. En conséquence, le Japon a perdu son autonomie culturelle, la politique s’est vidée de sa substance, et dans ce vide se précipitent les forces du capital international: ce qu’on appelle l’État profond. L’État profond ronge un Japon encore vivant, pillant ses ressources économiques et ses institutions sociales.

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Cette image rappelle l’effondrement de l’Union soviétique: dépendance croissante à l’égard des puissances extérieures, corruption systémique, perte de l’imagination politique, désillusion et démoralisation du peuple. À l’instar du système soviétique finissant, le Japon dépend aujourd’hui excessivement de cadres économiques et sécuritaires gérés de l’extérieur, et dérive vers un effondrement interne. Plus grave encore, ceux qui s’élèvent contre ce processus ne sont pas organisés en véritables acteurs de l’autonomie; au contraire, ils sont achetés et instrumentalisés – à l’image du nationalisme ukrainien – de sorte que leurs appels se transforment en demandes de « renforcement militaire contre la Chine et la Russie », ce qui ne sert au final que le scénario des puissances extérieures.

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Ceci marque la phase terminale d’un État financiarisé, dénué de philosophie. Jadis, le Japon disposait d’un art de gouverner résilient, fondé sur l’unicité culturelle et la solidarité sociale. Aujourd’hui, le manque d’imagination des politiciens et la dépendance accrue vis-à-vis de l’extérieur ont vidé de leur substance les fondements mêmes de la nation. Il ne subsiste qu’un faible reste de force, qu’il faut mobiliser si le Japon veut se libérer du sortilège de l’occidentalisme. Sinon, le pays sera entièrement absorbé par le capital et la pression extérieure, et sa culture disparaîtra.

Désormais, l’acceptation de la multipolarité s’impose. Le Japon doit s’éloigner de l’unipolarité centrée sur l’Occident et réévaluer sa place au sein d’un ordre multipolaire eurasiatique. La Quatrième Théorie Politique offre la base philosophique pour ce changement. Elle rejette l’idée du libéralisme comme aboutissement final de l’histoire, et vise à replacer l’existence même (Dasein) – et non l’homme, la classe, la nation ou la race – au centre de la politique. En reconnaissant l’autonomie des civilisations et en concevant un ordre fondé sur la reconnaissance et la retenue mutuelles, cette perspective offre au Japon la possibilité de transcender la subordination à l’Occident.

La politique japonaise actuelle souffre cruellement de l’absence de cet horizon philosophique. La démission d’Ishiba, la rivalité des factions Abe et Kishida – tout cela n’est que luttes de pouvoir manipulées par des forces extérieures. Il n’y a aucune vision pour l’avenir national, aucune stratégie pour préserver la culture – seulement la préservation de l’équilibre interne du parti et la soumission aux injonctions extérieures. Or, ce vide même est l’essence de la crise japonaise.

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Pour que le Japon retrouve son autonomie, il doit d’abord affronter ce vide en face. L’imagination qui fait défaut aux politiciens doit être apportée par un réveil philosophique du peuple. Il lui faut affronter la fin du capitalisme financier occidental, rompre avec l’anglo-saxonisme, et embrasser la multipolarité. Dans ce processus, le Japon ne doit pas voir la Russie et la Chine uniquement comme des adversaires, mais construire de nouveaux circuits de coopération au sein de la civilisation eurasienne.

La démission de Shigeru Ishiba constitue à cet égard peut-être le dernier avertissement adressé au Japon. Si le pays laisse passer cette chance, sa culture disparaîtra et l’État ne sera plus qu’un fragment du capital. Mais si la Quatrième Théorie Politique se diffuse largement et provoque un réveil national, le Japon peut encore retrouver la voie de l’autonomie.

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jeudi, 11 septembre 2025

La Chine conteste le fondement juridique de la « liberté de navigation » américaine

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La Chine conteste le fondement juridique de la « liberté de navigation » américaine

par Stefano Vernole

Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2025/09/la-cina-contesta-il-f...

Le 11 août 2025, le Département de la Défense des États-Unis a publié son rapport annuel « Freedom of Navigation » (FON) pour 2024, identifiant la Chine comme la principale cible parmi 11 pays ou régions, cible qui énonce les revendications les plus « contestées » et la seule nation prête à répondre à des défis dans plusieurs zones maritimes.

Parmi celles-ci, on compte quatre défis à ce que le Département américain a qualifié de « revendications maritimes excessives » de la Chine continentale, tels que l’obligation d’autorisation préalable pour le passage inoffensif de navires militaires étrangers dans la mer territoriale, sur les lignes de base et selon les droits historiques en mer de Chine méridionale, ainsi que les restrictions dans la zone d’identification de défense aérienne (ZIDA) de la mer de Chine orientale.

Pékin a réagi immédiatement. Un rapport chinois, publié ces derniers jours, démontre que la « liberté de navigation » américaine contient de nombreux éléments du soi-disant droit international coutumier, fondés sur des concepts créés par les États-Unis et des normes auto-imposées, qui sont incompatibles avec le droit international et les pratiques de nombreux pays. Le rapport, intitulé « Évaluation juridique de la liberté de navigation des États-Unis », publié par le China Institute for Marine Affairs du ministère des Ressources naturelles, a examiné les positions et actions juridiques des États-Unis en matière de liberté de navigation, synthétisant les revendications, les caractéristiques et les implications selon le point de vue de Washington.

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Le rapport conclut que « la liberté de navigation des États-Unis n’a aucun fondement en droit international et déforme gravement l’interprétation et le développement du droit international », a déclaré Xu Heyun, directeur adjoint du China Institute for Marine Affairs [1]. « Elle perpétue la logique de la ‘diplomatie de la canonnière’ et reflète la pratique habituelle des États-Unis d’utiliser la force militaire pour faire pression sur d’autres pays », a-t-il souligné, ajoutant que la soi-disant liberté sert les intérêts nationaux et la stratégie géopolitique des États-Unis, menace la paix et la stabilité régionales et bouleverse l’ordre maritime international.

Zhang Haiwen, chercheur de l’Institut et responsable de l’évaluation du rapport, a confirmé que la liberté de navigation américaine comporte des éléments manifestement illégaux : « Dans le processus d’élaboration de leur propre conception de la ‘liberté de navigation’, les États-Unis ont violé les exigences fondamentales du droit international pour l’interprétation de bonne foi des traités et du droit international coutumier. » Zhang a souligné que les États-Unis ont abusé de leur statut de non-partie à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et ont tiré parti du prétendu droit coutumier en appliquant de façon sélective les normes des traités, ce qui compromet l’intégrité de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Cette convention, conçue pour équilibrer les intérêts des différents États côtiers, exige l’acceptation de toutes les dispositions comme un « paquet unique », sans laisser de place à des choix sélectifs ou intéressés.

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Les États-Unis évitent d’adhérer à l’UNCLOS afin de pouvoir imposer des interprétations unilatérales à certaines parties de la convention. Par exemple, les États-Unis tentent d’appliquer le concept de liberté de navigation en haute mer à l’intérieur d’une zone économique exclusive pour mener des activités militaires, maintenant ainsi leurs propres intérêts hégémoniques.

Huang Ying, professeur associé à l’Université d’études étrangères de Tianjin, a renforcé ce concept : « Lorsqu’ils identifient et interprètent les régimes maritimes, les États-Unis ne ménagent aucun effort pour étendre leurs propres droits et libertés par le biais du soi-disant droit international coutumier, qui en réalité n’existe pas. » Le rapport souligne que les États-Unis ont inventé plusieurs « concepts juridiques », tels que celui des « eaux internationales », qui n’a pas de fondement en droit maritime contemporain, et le soi-disant « corridor de haute mer », utilisé pour affaiblir la juridiction des États côtiers sur des zones telles que le détroit de Taïwan. Le rapport souligne également le double standard profondément enraciné des États-Unis. Les avions militaires américains insistent pour jouir de la « liberté de survol » dans les zones d’identification de défense aérienne (ADIZ) d’autres pays, tout en qualifiant de « menaces » des actions similaires d’avions militaires de pays non alliés.

Par exemple, alors que les États-Unis soulignent la « liberté de survol » pour leurs propres avions militaires et contestent à plusieurs reprises la ZIDA chinoise en mer de Chine orientale, y compris plusieurs cas d’avions militaires en transit dans le détroit de Taïwan, ils décrivent en même temps les activités de routine d’avions militaires chinois dans l’espace aérien international à l’intérieur des ZIDA des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud comme des « intrusions » ou des « provocations ». Les doubles standards des États-Unis sur les questions liées aux ZIDA sont clairement en contradiction avec leur engagement proclamé à défendre la « liberté de navigation ».

En dépit des affirmations américaines selon lesquelles leurs « opérations de liberté de navigation » en mer de Chine méridionale ne visent aucun pays en particulier, les statistiques montrent que la Chine a été la cible principale au cours des dix dernières années. Les États-Unis ont continué à s’immiscer fréquemment et illégalement dans des espaces maritimes et aériens relevant de la souveraineté chinoise, sans autorisation. Un rapport non définitif sur les activités militaires américaines en mer de Chine méridionale en 2024, publié par le think tank chinois South China Sea Strategic Situation Probing Initiative, a montré que l’armée américaine a continué à renforcer sa dissuasion militaire contre la Chine l’année dernière, maintenant des opérations à haute intensité en mer de Chine méridionale et dans les zones avoisinantes. Cela comprenait des reconnaissances rapprochées et des transits dans le détroit de Taïwan. En particulier, de gros avions de reconnaissance américains ont effectué environ 1000 vols de reconnaissance rapprochée, soit une augmentation significative par rapport à 2023, selon le rapport.

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Lors de la dernière intrusion récente, le 13 août 2025, le destroyer américain USS Higgins (photo) est entré illégalement dans les eaux territoriales de l’île chinoise de Huangyan sans l’approbation du gouvernement de Pékin. Les forces navales du Commandement du théâtre Sud de l’Armée populaire de libération ont réagi rapidement, organisant des forces pour suivre, surveiller et repousser le navire de guerre, conformément aux lois et règlements du pays.

En mai dernier, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth (qui a visité les Philippines en juillet) a publié une déclaration conjointe avec les ministres de la Défense du Japon, de l’Australie et des Philippines, condamnant « les actions déstabilisatrices de la Chine en mer de Chine orientale (ECS/East China Sea) et en mer de Chine méridionale (SCS/South China Sea) et toute tentative unilatérale de changer le statu quo par la force ou la coercition ».

Les États-Unis ont également annoncé officiellement leur intention de financer et de construire une base navale pour des vedettes rapides sur la côte ouest de l’île de Palawan, un paradis naturel des Philippines, précisément pour contrer les activités de Pékin en mer de Chine méridionale: un projet qui devrait être opérationnel en 2026.

Note: 

[1] Li Menghan, US ‘freedom of navigation‘ lacks basis, “China Daily”, 26 août 2025.

dimanche, 07 septembre 2025

Ombres chinoises

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Ombres chinoises

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/ombre-cinesi-2/

De la dernière réunion de l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) se projettent de nombreuses et grandes ombres.

Pour la plupart, ce sont des ombres chinoises.

Xi Jinping a pris la parole. Et il a parlé longuement, contrairement à ses habitudes.

Un discours programmatique, qui trace l’avenir de l’OCS et, en même temps, révèle entre les lignes le projet d’expansion chinois.

Car Xi apparaît extrêmement déterminé. Il déclare que la Chine, le géant chinois, entend investir, et investir massivement, dans les pays en développement membres ou proches de l’OCS.

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Une aide à 360°. Qui représente la réponse chinoise aux politiques mises en place par Washington et les Européens à l’égard du soi-disant Tiers-Monde.

Des politiques qui, soyons clairs, ont toujours été fondamentalement prédatrices.

Visant à dépouiller ces pays de leurs richesses naturelles. Exploitant à la fois une politique culturelle dirigée vers leurs classes dirigeantes, et favorisant la corruption systématique de celles-ci.

L’Afrique en a payé, et en paie encore, les conséquences. Et ce n’est qu’un exemple, certes macroscopique, parmi tant d’autres que l’on pourrait tirer d’Amérique latine et d’Asie.

Attention toutefois à ne pas se méprendre. À ne pas commettre l’erreur simpliste de voir la Chine comme la « bonne » puissance et l’Occident comme le choeur des « méchants ».

Une erreur exactement symétrique à l’autre, seulement en apparence opposée. Celle qui voudrait faire de l’Occident un phare de civilisation, et des autres, tous les autres, des barbares primitifs.

Le discours de Xi Jinping est un discours qui prélude à une action parfaitement politique.

Pékin est conscient de la façon dont les classes dirigeantes du Tiers-Monde sont, fondamentalement, inféodées à la culture occidentale.

Culture qui continue d’occuper une primauté incontestable. Étant la base, le fondement, à partir duquel partent les classes dirigeantes de ces pays. Souvent, sinon toujours, formées aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Un lien toujours exploité avec une extrême habilité par le néocolonialisme occidental.

Et la classe dirigeante de Pékin est parfaitement consciente de ne pas être compétitive sur ce terrain.

La culture millénaire chinoise n’est en effet ni transférable ni consommable comme la culture de masse produite par la machine anglo-américaine.

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Pour donner un exemple, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, les bandes dessinées américaines sont répandues. Souvent adaptées aux nouveaux contextes pour pénétrer plus profondément dans ces différentes cultures et les inféoder.

Ainsi, Spider-Man, l’Homme-Araignée, est devenu, pour l’Inde, un garçon bengali qui reçoit ses pouvoirs de la Déesse Araignée.

Un respect formel d’une tradition différente, utile cependant pour véhiculer le modèle globaliste.

Ce n’est qu’un exemple, parmi tant d’autres, et d’ailleurs déjà ancien de plusieurs décennies. Mais il sert à démontrer le net avantage de la culture occidentale sur ses concurrentes potentielles.

À Pékin, ils en sont bien conscients. C’est pourquoi ils misent sur autre chose. Pas sur la culture de masse, mais sur le développement économique. Sur l’expansion d’une zone de bien-être croissante, pilotée et guidée par la Chine.

Parce que la conviction des mandarins de Pékin est que la domination américaine sera progressivement brisée par le développement économique du reste du monde.

Et c’est là-dessus qu’ils misent. Le discours de Xi Jinping en est le clair exemple.

vendredi, 29 août 2025

La colère de Modi

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La colère de Modi

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/la-collera-di-modi/

Le Premier ministre indien Narendra Damodardas Modi, est un homme pragmatique. Au point de paraître cynique et sournois dans son comportement politique. Cependant, il reste toujours lucide dans ses manœuvres entre les grandes puissances. Il évite de prendre parti. Il conserve ainsi cette « autonomie » qui, à bien y regarder, a toujours caractérisé la politique indienne. Indépendamment de qui gouverne à New Delhi.

Cette fois-ci, cependant, les choses semblent avoir pris une tournure très différente.

Car Modi, et avec lui tout le sommet de l'Union indienne, n'a pu s'empêcher de se mettre en colère. Et de se mettre profondément en colère. Contre Trump.

Le président américain a en effet tenté de faire pression sur New Delhi pour la rapprocher de l'Occident. C'est-à-dire pour en faire une alliée, notamment contre la Russie. Pays auprès duquel l'Inde achète, comme elle l'a toujours fait d'ailleurs, une grande partie du pétrole et du gaz nécessaires à son économie en pleine croissance.

Ce qui n'a toutefois jamais impliqué un déplacement de l'axe de référence indien.

Avec Modi, l'Union a en effet poursuivi la politique de non-alignement qui a caractérisé toute son histoire.

Une politique difficile, certes. Et non dépourvue de zones d'ombre et d'ambiguïtés.

Cependant, Modi avait jusqu'à présent réussi à faire partie des BRICS sans devenir subordonné ou allié étroit de Moscou ou de Pékin.

Un art difficile, comme je le disais. Cependant, les Indiens sont parmi les pères fondateurs de l'alchimie et savent bien doser les poisons et les médicaments.

Trump, cependant, a exécuté une démonstration de force. Il a tenté d'imposer les États-Unis comme seul fournisseur de gaz et de pétrole, à un prix franchement absurde. Multiplié plusieurs fois par rapport à celui qu'offre la Russie.

Et il l'a fait en menaçant New Delhi d'imposer des sanctions, des droits de douane très lourds de 50%, sur les exportations indiennes vers les États-Unis.

Une perspective en soi déjà inacceptable pour Modi. À cela s'est ajouté le ton des déclarations publiques de Trump. Il s'est laissé aller à une ironie lourde sur l'Union indienne, se moquant de ses capacités de croissance économique, de son développement. De sa politique.

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Nous savons bien que The Donald est ainsi. Et que c'est ainsi qu'il a l'habitude de mener ses « affaires ». En augmentant le prix, voire en insultant, pour ensuite parvenir à un accord.

En somme, c'est son « style ». Et il n'y a rien à y faire.

Seulement, Modi a lui aussi son style. Complètement différent. Et il s'est offensé. Tout comme, d'ailleurs, tous les dirigeants de l'Union indienne. Qui ne sont pas disposés à subir les diktats de Trump. Et ses crises de colère injustifiées.

La réaction a donc été extrêmement dure. Une réponse sèche. Qui ne laisse aucune place à des répliques ou à des négociations. Du moins pour le moment.

Le résultat est que l'Inde semble s'être encore davantage rapprochée de la Russie et de la Chine. Une musique douce aux oreilles de Poutine. Et, peut-être surtout, à celles de Xi Jinping. Qui voient ainsi se consolider le front hétérogène des BRICS.

Qui prend de plus en plus d'importance sur le plan politique. En plus de son importance économique.

mercredi, 13 août 2025

L'Asie centrale, un point névralgique vulnérable dans la Grande Eurasie

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L'Asie centrale, un point névralgique vulnérable dans la Grande Eurasie

Par Glenn Diesen

Source: https://steigan.no/2025/08/sentral-asia-som-et-sarbart-kn...

L'Asie centrale est un carrefour éminemment central au cœur géographique du partenariat eurasien et constitue un maillon fragile en raison de la relative faiblesse de ses pays, de la concurrence pour l'accès aux ressources naturelles, de la faiblesse des institutions politiques, de l'autoritarisme, de la corruption, des tensions religieuses et ethniques, entre autres problèmes.

Ces faiblesses peuvent être exploitées par des puissances étrangères dans le cadre de la rivalité entre grandes puissances géopolitiquement centrées sur la Grande Eurasie. L'Asie centrale est vulnérable à la fois à la rivalité «interne» au sein du partenariat eurasien pour éventuellement obtenir un format plus favorable et au sabotage «externe» de ceux qui cherchent à saper l'intégration régionale afin de rétablir l'hégémonie américaine. Cet article esquisse les facteurs externes et internes qui pourraient permettre de manipuler l'Asie centrale.

Ingérence externe : maintenir l'Eurasie divisée

Les puissances maritimes européennes ont acquis leur domination dès le début du 16ème siècle en reliant physiquement le monde à la périphérie maritime de l'Eurasie, comblant ainsi le vide laissé par la dissolution de l'ancienne Route de la Soie. L'expansion de l'empire russe à travers l'Asie centrale au 19ème siècle, soutenue par le développement des chemins de fer, a relancé les liens qui avaient existé aux temps de l'ancienne Route de la Soie. Au début du 20ème siècle, Halford J. Mackinder a développé la théorie du « cœur de l'Eurasie » en réponse au défi que représentait la Russie, qui cherchait à rassembler les régions centrales de l'Eurasie par voie terrestre et menaçait ainsi de saper les fondements stratégiques de la domination britannique en tant que puissance maritime.

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L'Asie centrale est le centre géographique où se rencontrent la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran et d'autres grandes puissances eurasiennes. Afin d'empêcher l'émergence d'une hégémonie eurasienne, l'Asie centrale est désormais devenue un champ de bataille important. Le grand jeu du 19ème siècle s'est largement terminé par la création de l'Afghanistan en tant qu'État tampon pour séparer l'Empire russe de l'Inde britannique.

À mesure que les États-Unis devenaient la puissance hégémonique maritime, ils ont adopté une stratégie visant à empêcher l'émergence d'une puissance hégémonique eurasienne et la coopération entre les puissances eurasiennes. Kissinger a fait valoir que les États-Unis devaient donc adopter la politique de leur prédécesseur, la Grande-Bretagne:

81IcoIaiR5L._SL1500_-1476612391.jpg« Pendant trois siècles, les dirigeants britanniques ont agi en partant du principe que si les ressources de l'Europe étaient gérées par une seule puissance dominante, ce pays aurait les moyens de contester le contrôle de la Grande-Bretagne sur les mers et, par conséquent, de menacer son indépendance. D'un point de vue géopolitique, les États-Unis, également une île au large des côtes de l'Eurasie, auraient dû, selon le même raisonnement, se sentir obligés de s'opposer à la domination de l'Europe ou de l'Asie par une seule puissance, et plus encore, au contrôle des deux continents par la même puissance ». (Kissinger, H., Diplomacy, New York, Touchstone, 1994, p. 50-51.)

La stratégie visant à empêcher l'émergence de l'Union soviétique en tant qu'hégémon eurasien a dicté la politique américaine tout au long de la guerre froide. La Russie et l'Allemagne ont été divisées en Eurasie occidentale, et dans les années 1970, la Chine a été séparée de l'Union soviétique.

La stratégie visant à maintenir la division de l'Eurasie a été expliquée, dans les termes jadis forgés par Mackinder, dans la stratégie de sécurité nationale des États-Unis de 1988: "Les intérêts fondamentaux de la sécurité nationale des États-Unis seraient menacés si un État ou un groupe d'États hostiles venait à dominer le continent eurasien, cette région du globe souvent qualifiée de « cœur du monde»". Nous avons mené deux guerres mondiales pour empêcher que cela ne se produise ». (White House 1988. National Security Strategy of the United States, White House, avril 1988, p. 1.)

Après la guerre froide, la stratégie américaine pour l'Eurasie est passée de la prévention de l'émergence d'une hégémonie eurasienne à la préservation de l'hégémonie américaine. Les États-Unis ont ainsi tenté d'empêcher que l'unipolarité ne soit remplacée par l'émergence d'une Eurasie multipolaire équilibrée. Le système d'alliances, qui repose sur un conflit permanent, est essentiel pour diviser le continent eurasien en alliés dépendants et adversaires encerclés.

Si la paix devait s'établir, le système d'alliances s'effondrerait et les fondements de la stratégie de sécurité par la domination seraient ébranlés. Brzezinski affirmait que la domination en Eurasie dépendait de la capacité des États-Unis à « empêcher la coopération et maintenir la dépendance sécuritaire entre les vassaux, garder les alliés tributaires dociles et protégés, et empêcher les barbares de s'unir ». (Brzezinski, Z., 1997, The Grand Chessboard: American Primacy and its Geopolitical Imperatives, Basic Books, New York, p.40.)

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Moins de deux mois après l'effondrement de l'Union soviétique, les États-Unis ont élaboré la "doctrine Wolfowitz" pour assurer leur primauté mondiale. Le projet de directive sur la planification de la défense américaine (DPG) de février 1992, qui a fait l'objet d'une fuite, rejetait l'internationalisme collectif au profit de l'hégémonie américaine. Le document reconnaissait qu'« il est peu probable qu'un défi conventionnel mondial à la sécurité américaine et occidentale réapparaisse dans le cœur de l'Eurasie dans les années à venir », mais appelait à empêcher l'émergence de rivaux potentiels. Au lieu d'avoir des liens économiques croissants entre de nombreux centres de pouvoir, les États-Unis doivent « tenir suffisamment compte des intérêts des nations industrialisées avancées pour les dissuader de contester notre leadership ou de tenter de renverser l'ordre politique et économique établi ».

Afin de promouvoir et de consolider le moment unipolaire des années 1990, les États-Unis ont développé leur propre concept de « Route de la soie » visant à intégrer l'Asie centrale sous leur leadership et à la couper de la Russie et de la Chine. La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a ainsi donné la priorité à une connexion entre l'Asie centrale et l'Inde :

OIP-4137701444.jpg« Travaillons ensemble pour créer une nouvelle Route de la Soie. Pas une seule route principale comme son homonyme, mais un réseau international et un maillage de relations économiques et de liaisons de transport. Cela signifie construire plusieurs lignes ferroviaires, autoroutes et infrastructures énergétiques, comme le projet de gazoduc qui doit relier le Turkménistan à l'Inde en passant par l'Afghanistan et le Pakistan ». (Clinton, H.R. 2011a. Secretary of State Hillary Rodham Clinton Speaks on India and the United States: A Vision for the 21st Century, 20 juillet 2011.)

L'objectif de la route de la soie américaine n'était pas d'intégrer le continent eurasien; son objectif principal était plutôt de rompre le lien entre l'Asie centrale et la Russie. La route de la soie américaine était en grande partie basée sur les idées de Mackinder et la formule de Brzezinski pour la suprématie mondiale. (Laruelle, M., 2015. The US Silk Road: geopolitical imaginary or the repackaging of strategic interests?, Eurasian Geography and Economics, 56(4): 360-375.)

1687867657120-1607138630.pngL'occupation de l'Afghanistan pendant deux décennies, le gazoduc Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (TAPI), le corridor énergétique Géorgie-Azerbaïdjan-Asie centrale et d'autres objectifs politiques similaires reposaient sur la conviction que l'Asie centrale ne devait pas devenir un nœud de connexion eurasien. Tout comme l'Ukraine servait de point de connexion vulnérable entre l'Europe et la Russie, susceptible d'être perturbé par les États-Unis, l'Asie centrale représente également un point faible dans le cadre plus large de la Grande Eurasie.

Divisions internes : formats concurrents pour l'intégration eurasienne

La Russie, la Chine, l'Inde, le Kazakhstan, l'Iran, la Corée du Sud et d'autres États ont développé différents formats d'intégration eurasienne afin de diversifier (répartir, étendre, ndlr) leurs liens économiques et de renforcer leurs positions dans le système international. Le système économique international dominé par les États-Unis n'étant manifestement plus viable, l'intégration eurasienne est reconnue comme un moyen de développer un système international multipolaire. L'Asie centrale est au cœur de la plupart des initiatives. Cependant, bon nombre des formats et initiatives d'intégration sont en concurrence.

La Chine est clairement le premier acteur économique en Eurasie, ce qui peut faire craindre des intentions hégémoniques. Des pays comme la Russie semblent accepter que la Chine soit la première économie, mais ne veulent pas accepter la domination chinoise. La différence entre une économie dominante et une économie leader réside dans la concentration du pouvoir, qui peut être atténuée en diversifiant les connexions en Eurasie. Par exemple, le corridor de transport international nord-sud (INSTC) entre la Russie, l'Iran et l'Inde rend l'Eurasie moins centrée sur la Chine.

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La Chine a reconnu les préoccupations liées à la concentration du pouvoir et a tenté de répondre à d'autres initiatives visant à faciliter la multipolarité. Son projet « One Belt, One Road » (OBOR) a été largement rebaptisé « Belt and Road Initiative » (BRI) afin de communiquer une plus grande inclusivité et flexibilité, ce qui suggère qu'il pourrait être harmonisé avec d'autres initiatives. Les efforts visant à harmoniser l'Union économique eurasienne (EAEU) et la BRI sous l'égide de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) ont constitué une autre tentative pour éviter les formats à somme nulle en Asie centrale.

(La somme nulle décrit une situation dans laquelle la somme des pertes et des gains de tous les participants est à tout moment égale à zéro. Les gains et les pertes s'équilibrent. Wikipédia.)

Il est plus facile de gérer la concurrence entre les puissances eurasiennes en Asie centrale que d'empêcher le sabotage des États-Unis en tant qu'acteur extérieur. La stratégie américaine visant à maintenir son hégémonie se traduit par une politique de somme nulle extrême, car toute division ou perturbation en Asie centrale peut servir l'objectif d'une Eurasie dominée par les États-Unis depuis la périphérie maritime. À l'inverse, les puissances eurasiennes tirent profit d'une interconnexion eurasienne accrue. Des États tels que la Russie, la Chine et l'Inde peuvent avoir des initiatives concurrentes, mais aucune des puissances eurasiennes ne peut atteindre ses objectifs sans la coopération des autres. Il existe donc de fortes incitations à trouver des compromis et à harmoniser les intérêts autour d'une Eurasie multipolaire décentralisée.

Cet article a été publié par le Valdai Discussion Club: https://valdaiclub.com/a/highlights/central-asia-as-a-vulnerable-node/

Une source intéressante à suivre est BRICS Today: https://bricstoday.com/

dimanche, 10 août 2025

L'Inde et la Russie forgent une alliance civilisationnelle - Les flux commerciaux libérés de la domination lointaine

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L'Inde et la Russie forgent une alliance civilisationnelle

Les flux commerciaux libérés de la domination lointaine

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/india-and-russia-forge-a-ci... 

Sous le ciel voûté des empires, les seigneurs forgerons de l'Orient concluent leur pacte, et les montagnes elles-mêmes répondent par le rugissement du fer.

Le 6 août 2025, dans les salles du Vanijya Bhawan (photo, ci-dessous), dans la capitale de la civilisation hindoue, deux grandes puissances, l'Inde et la Russie, ont scellé le « Protocole de la 11ème session » de leur groupe de travail sur la modernisation et la coopération industrielle. Cet acte dépasse le cadre des traités ordinaires et entre dans le domaine de la géopolitique en tant qu'art sacré.

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Les domaines concernés par cet accord sont les piliers de la souveraineté. Le protocole touche profondément à des domaines stratégiques. Au-delà des industries traditionnelles telles que « l'aluminium et le transport ferroviaire », il aborde les éléments vitaux de l'indépendance technologique: « la coopération dans le domaine aérospatial », « l'extraction des terres rares et des minéraux critiques », « la gazéification souterraine du charbon » et la création d'« infrastructures industrielles » avancées. Ces secteurs constituent les fondements matériels et énergétiques qui permettent à un État-civilisation de tracer sa propre voie.

Du toit du monde au bord des mers gelées, le courant de la guerre coule, liant les royaumes dans les tendons du destin.

Présidant ce congrès des puissants, le secrétaire indien du DPIIT (Département pour la promotion de l'industrie et du commerce intérieur), Amardeep Singh Bhatia, et le vice-ministre russe Alexey Gruzdev, étaient flanqués de quatre-vingts délégués: fonctionnaires, ingénieurs et stratèges. Leur rassemblement était une convergence de deux pôles civilisationnels, unis dans la conviction que le destin se manifeste à travers la volonté, la technologie et une vision commune. C'est le lien qui unit un axe traversant les continents, transportant un courant vivant de l'Himalaya à l'Arctique.

Les navires noirs transportent la sève des royaumes, et les vents salés transportent l'odeur du pouvoir à travers les horizons de la Terre.

Les chiffres économiques ne mentent pas. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le commerce a explosé, passant d'environ 13 milliards de dollars en 2021-2022 à plus de 68,7 milliards de dollars pour l'exercice 2024-2025, alimenté par les importations massives de pétrole et d'engrais russes par l'Inde, qui ont consolidé la position de la Russie comme l'un des principaux partenaires commerciaux de l'Inde. L'Inde achète désormais environ 35 à 40% de son pétrole brut à la Russie, ce qui représente 50 milliards de dollars d'importations énergétiques pour l'exercice 2024-2025.

À l'aube métallique, les couloirs s'étendent au-delà des cartes; des veines d'acier pompent des rêves bruts dans les poumons des continents, et le vieux monde, tremblant dans un coin, sent l'ozone de sa propre éclipse.

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Les transactions s'effectuent en roupies et en roubles, un abandon délibéré de la dépendance au dollar, rendu possible par des négociations entre les banques centrales et des accords visant à contourner l'étranglement financier occidental. Environ 90% des échanges bilatéraux s'effectuent désormais en monnaie locale, créant un réseau financier hors de portée de l'influence atlantique.

L'or et les céréales voguent sur le grand fleuve des rois, sans ingérence étrangère, vers les trônes qui commandent leur propre destin.

Ce bilan n'est pas le fruit du hasard. L'Inde et la Russie sont en train de construire un circuit sanguin économique qui bat au rythme de l'autonomie. Le fleuve du commerce traverse désormais Moscou et New Delhi, et non plus les couloirs SWIFT. Les flux commerciaux sont libérés de la domination lointaine.

L'ancienne couronne tremble sur un front flétri, tandis que de nouveaux seigneurs de guerre s'élèvent sous les bannières que les anciens dieux favorisent désormais.

Du côté du monde atlantique, la résistance prend la forme de décrets et de droits de douane. Le jour même de la signature de cet accord, Trump, se posant en porte-parole d'un trône unipolaire en déclin, a publié un décret imposant des droits de douane sur les importations indiennes et menaçant de sanctions secondaires ceux qui s'engagent dans le secteur énergétique russe. Loin de démontrer une suprématie durable, ce geste révèle le réflexe d'un empire confronté à son propre éclipse stratégique.

Dans les salles des bâtisseurs et des rois, les marteaux résonnent comme des tambours de guerre, et les plans des empires sont gravés à la lueur du feu du destin.

Le langage de la politique mondiale passe désormais d'un universalisme imaginaire à un champ de projets civilisationnels distincts. L'Inde et la Russie apparaissent comme des architectes actifs, et non comme des bénéficiaires passifs. Leur coopération s'étend à la production de défense, à la recherche scientifique et aux initiatives de villes intelligentes, mêlant la vision « Make in India » de l'Inde à la maîtrise technique russe. Chaque projet devient un rituel de création, affirmant la prérogative des civilisations à façonner leur propre destin technologique.

L'ancien empire se dresse sur des pierres qui s'effritent, tandis que les nouveaux royaumes marchent vers le soleil levant, leurs bannières brillant du feu d'une gloire ascendante.

Ce protocole n'est pas une note de bas de page dans la diplomatie ; c'est la carte d'un monde à venir. Chaque soufflerie assemblée, chaque ligne ferroviaire forgée, chaque gisement de terres rares exploité dans le cadre de cette alliance ajoute une brique à l'édifice d'un ordre multipolaire. Les États-Unis, avec leurs flottes et leurs banques, se dressent désormais comme un souverain vieillissant entouré par la couronne de nouvelles puissances. Des chambres de New Delhi aux mines de Sibérie, le message est clair : l'ère d'un centre unique est révolue ; l'ère des centres multiples a commencé.

samedi, 09 août 2025

De McArthur à la bombe atomique: le lourd héritage du Japon

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De McArthur à la bombe atomique: le lourd héritage du Japon

Federico Giuliani

Source: https://it.insideover.com/storia/da-mcarthur-alla-bomba-atomica-la-pesante-eredita-del-giappone.html

80 ans se sont écoulés depuis les bombardements atomiques contre le Japon. Le 4 août 1945, les États-Unis ont largué Little Boy sur Hiroshima. Le 9 du même mois, ils ont frappé Nagasaki avec Fat Man.

Une bombe à l'uranium et une autre au plutonium qui ont contraint Tokyo à capituler définitivement et qui, surtout, ont fait entre 200.000 et 240.000 victimes, en comptant les morts immédiats et ceux décédés dans les mois et les années qui ont suivi à cause des radiations et des blessures subies.

Quelques personnes ont survécu à l'apocalypse et portent encore en elles l'horreur de ces instants. Le Japon, en tant qu'État, porte également de nombreuses cicatrices sur le corps. La plus évidente est la Constitution pacifiste, peut-être l'aspect le plus important de l'héritage lourd laissé par le général Douglas McArthur à l'ensemble du pays.

L'héritage nucléaire

Pour comprendre ce qui s'est passé à Hiroshima, il vaut la peine de lire le livre Hiroshima. Le récit de six survivants (éd. it.: Utet; éd. franç.: voir infra) de John Hersey. Il s'agit d'un ouvrage amorcé, au départ, comme un reportage.

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Moins d'un an après le 6 août 1945, Hersey, alors correspondant du New Yorker, fut envoyé au Japon. Le journaliste a rencontré les cicatrices urbaines et humaines et a recueilli les récits des survivants. Il en a choisi six, précisément ceux de Kiyoshi Tanimoto, pasteur de l'Église méthodiste ; Toshiko Sasaki, très jeune employée dans une fonderie ; Masakazu Fujii, patron respecté d'une clinique privée ; Hatsuyo Nakamura, couturière et mère, veuve de guerre depuis peu ; Terufumi Sasaki, jeune chirurgien de la Croix-Rouge ; Wilhelm Kleinsorge, jésuite allemand en mission.

L'article allait se transformer en une fresque émouvante. Hiroshima rend la parole aux victimes, livrant un témoignage inoubliable à leurs contemporains et aux générations futures. En 1985, Hersey retourna voir les six survivants et ajouta une deuxième partie à son livre, qui boucle la boucle et parle d'héritage et de mémoire, préfigurant en quelque sorte le prix Nobel de la paix décerné en 2024 à l'association Nihon Hidankyo, créée par les survivants d'Hiroshima et de Nagasaki.

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L'héritage politique et militaire de McArthur

Qui était McArthur ? Pour certains, il était un réformateur qui a jeté les bases de la démocratie, du pacifisme et de la prospérité au Japon. Pour d'autres, au contraire, il était une sorte de dictateur étranger qui a imposé à Tokyo une Constitution qui allait étouffer la souveraineté nationale japonaise.

Comme l'explique l'hebdomadaire Nikkei Asian Review, l'héritage de l'occupation japonaise gérée par les États-Unis – et les institutions qui en ont découlé – continue aujourd'hui encore de définir la trajectoire géopolitique du Japon.

Pour comprendre pourquoi, il suffit de rappeler certaines des mesures drastiques prises par McArthur lui-même qui, entre autres, maintint l'empereur Hirohito sur le trône comme symbole de continuité et de stabilité; abolit le soutien gouvernemental au shintoïsme en tant que religion d'État ; fit condamner les criminels de guerre par les tribunaux internationaux ; purgea les fonctionnaires en place pendant la guerre (certains revinrent à leurs ministères) ; démantela partiellement les zaibatsu, les puissants conglomérats familiaux qui dominaient l'économie depuis l'ère Meiji (1868-1912) ; redistribua les terres des grands propriétaires fonciers aux métayers et ouvriers agricoles afin d'affaiblir l'attrait du communisme ; et accorda le droit de vote aux femmes.

Comme si cela ne suffisait pas, en 1947, le général imposa au Japon l'utilisation d'une constitution rédigée par les Américains (traduite en japonais à partir de l'anglais!), qui contenait le fameux article 9. À partir de ce moment, Tokyo devait renoncer à la guerre en tant que droit souverain et ne pouvait plus posséder de forces armées ayant un potentiel militaire. Un héritage très lourd.

La politique douanière de Trump contre l'Inde: catalyseur pour les BRICS

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La politique douanière de Trump contre l'Inde: catalyseur pour les BRICS

Par Elena Fritz

Source: https://www.compact-online.de/trumps-zollpolitik-gegen-in...

Le gouvernement de New Delhi ne veut pas se laisser dicter sa politique commerciale par les États-Unis. Cela conduit involontairement à un renforcement des pays BRICS et de la multipolarité. Pour savoir comment nous sommes pris en tenaille, lisez « Der hybride Krieg gegen Deutschland » (La guerre hybride contre l'Allemagne), le nouveau livre de cet auteur à succès qu'est Gerhard Wisnewski. Pour en savoir plus : https://www.compact-shop.de/shop/neu/gerhard-wisnewski-hy... .

La menace publique proférée par le président américain Donald Trump d'imposer des droits de douane pouvant aller jusqu'à 50% à l'Inde si celle-ci ne renonce pas aux matières premières russes est un événement de politique étrangère aux conséquences considérables, qui porte bien au-delà du cadre bilatéral.

Ce qui ressemble à première vue à un conflit commercial s'avère, à y regarder de plus près, s'inscrire dans une dynamique stratégique qui rapproche les pays du Sud. Au centre: l'Inde, et avec elle les pays du BRICS.

Une attaque qui conduit à un regroupement

Le point de départ : depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Inde importe de grandes quantités d'énergie russe à prix réduit, non seulement pour son propre approvisionnement, mais aussi pour la revendre sur le marché mondial par l'intermédiaire de négociants tiers.

Pour Washington, c'est un affront. Le président américain Donald Trump reproche non seulement à l'Inde de tirer profit des sanctions occidentales, mais la menace aussi ouvertement de représailles sous la forme de droits de douane de grande ampleur. Il associe cette menace à d'autres exigences: renoncer aux avions de combat russes, augmenter les commandes d'armes américaines et ouvrir le marché indien aux produits agricoles américains.

Mais la tentative de mettre sous pression publique cette économie émergente se heurte à des réalités culturelles et géopolitiques qui échappent à la logique habituelle du modèle américain. L'Inde ne se considère pas comme un bénéficiaire, mais comme un acteur à part entière dans un ordre multipolaire.

Delhi réagit avec calme stratégique

La réaction de New Delhi est prudente, mais claire. Au lieu de miser sur la confrontation ou de se justifier publiquement, l'Inde réagit par un geste diplomatique: le conseiller à la sécurité nationale Ajit Doval se rend à Moscou. Officiellement, il s'agit de questions de politique énergétique et de sécurité, mais officieusement, il s'agit également de coordonner les positions stratégiques au sein des BRICS. Le fait que cette visite ait été rendue publique peut être interprété comme un message clair: l'Inde agit de manière souveraine, et non dans l'ombre de Washington.

Dans le même temps, Delhi signale que ses propres décisions en matière de politique étrangère ne sont pas prises à la Maison Blanche, même sous un président républicain qui agit avec des moyens de pression bilatéraux plutôt que multilatéraux.

L'autonomie stratégique plutôt que la loyauté envers une alliance

Depuis des années, l'Inde poursuit une politique dite d'autonomie stratégique. Cela signifie une coopération étroite avec les pays occidentaux dans certains domaines, par exemple dans le cadre du QUAD (avec les États-Unis, le Japon et l'Australie), mais aucune obligation d'alliance au sens d'une appartenance exclusive à un camp.

Les menaces de Trump ne sapent pas cette ligne de conduite, elles la confirment plutôt. En effet, intégrer l'Inde dans la logique de formation d'un bloc occidental reviendrait, pour New Delhi, à renoncer à ses propres intérêts face à la concurrence de la Chine, son principal rival géopolitique.

Dans le secteur de l'énergie en particulier, ce n'est pas une option. L'approvisionnement en énergie russe bon marché est crucial pour l'Inde, non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan stratégique, notamment face à la concurrence de Pékin. Une rupture totale avec Moscou affaiblirait Delhi sur le plan géopolitique, au lieu de la renforcer.

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Effet involontaire : le Groupe BRICS devient plus tangible

Cette constellation donne lieu à une évolution qui n'était sans doute pas prévue à Washington: la consolidation structurelle progressive des pays du BRICS sous la pression des mesures occidentales. Ce qui était longtemps considéré comme une alliance informelle d'États économiquement hétérogènes acquiert une nouvelle fonction face à la menace extérieure: celle d'un cadre protecteur contre une politique commerciale et des sanctions excessives.

Il convient toutefois de noter que ce n'est pas la Russie qui cherche la confrontation, mais les États-Unis qui provoquent des réactions par leur politique de pression unilatérale. L'Inde n'est pas rebelle, mais réaliste: elle s'oriente vers ses propres intérêts et non vers des exigences de loyauté géopolitique.

La multipolarité comme conséquence, pas comme objectif

Les développements actuels montrent que l'ordre mondial multipolaire n'est pas le résultat d'une formation ciblée de contre-pouvoirs, mais une réaction à la volonté de préservation des structures hégémoniques. Trump, comme beaucoup dans son administration, agit selon une conception du pouvoir qui trouve ses racines dans la logique bipolaire de la guerre froide : ceux qui ne se soumettent pas sont sanctionnés.

Mais les États du Sud ont appris à ne plus considérer ces mesures comme inévitables. Ils créent des alternatives, allant de nouveaux systèmes de paiement à des accords énergétiques régionaux. La réponse à la pression occidentale n'est pas la confrontation, mais la décentralisation.

Trump voulait discipliner l'Inde. Il a déclenché une nouvelle vague d'affirmation stratégique, non seulement à New Delhi, mais aussi à Moscou, Pékin, Brasilia et Pretoria. Les pays du groupe BRICS n'y gagnent pas sur le plan idéologique, mais sur le plan de la fonction qu'ils se donnent : celle d'un espace de souveraineté géopolitique face à un Occident qui se présente de plus en plus comme un ensemble bloqueur plutôt que comme un partenaire fiable ou rationnel.

Le fait que cette évolution soit non seulement involontaire, mais aussi irréversible, devrait devenir l'un des phénomènes géopolitiques les plus marquants des années à venir.

L'Inde reste stable, l'Allemagne sombre : dans son nouveau livre « Der hybride Krieg gegen Deutschland » (La guerre hybride contre l'Allemagne), l'auteur à succès Gerhard Wisnewski montre comment notre pays est pris en tenaille sur différents fronts. Commander via le lien supra.

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vendredi, 08 août 2025

Imiter les Indiens

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Imiter les Indiens

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/fare-gli-indiani/

Nous devrions apprendre à agir comme les Indiens... Les vrais Indiens, je veux dire. Ceux de l'Inde. Pas ces pauvres indigènes de ce qui est devenu l'Amérique. Qui ont été pris pour des "Indiens" à cause de l'erreur du Génois de service, Christophe Colomb. Et ensuite, civilement massacrés, surtout, mais pas seulement, par les Anglo-Saxons...

Donc les Indiens, comme je le disais, les vrais. Ou plutôt un Indien. Narandra Damodardas Modi. Le président de l'Union indienne. Un vieux politicien, 74 ans, en place de longue date.

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Modi a un passé tumultueux. Dans sa jeunesse, il a milité dans le mouvement paramilitaire ultra-nationaliste Rastrya Swayamsevak Sangh. Il est issu d'une des castes les plus basses du Gujarat, son père était un pauvre et modeste vendeur de thé.

Un dur, en somme. Comme il l'a démontré tout au long de sa carrière politique. Une ascension continue. Jusqu'au sommet de l'Union indienne. Où il a toujours conservé un profil extrêmement personnel. Membre des BRICS, mais pas disposé à suivre aveuglément les diktats de Pékin ou de Moscou. Au contraire, il a toujours entretenu de bonnes relations avec Washington.

Cependant, Trump s'est mis en colère parce que Modi continue d'acheter du gaz et du pétrole à la Russie. Et il l'a menacé de lourdes sanctions économiques s'il ne se conformait pas aux diktats américains. C'est-à-dire s'il ne cesse pas ces achats pour s'approvisionner aux États-Unis. À des prix bien sûr beaucoup plus élevés. Stratosphériquement supérieurs.

Et Modi, calme et serein, a répondu qu'il n'était pas d'accord. Que l'Inde est une puissance indépendante. Non alignée. Et qu'elle achète ce qui est dans son intérêt au meilleur prix.

Les sanctions américaines, menaçantes ? C'est leur problème. Qu'ils fassent ce qu'ils veulent. Modi, l'Inde, continue sur sa lancée.

Point final.

Remarquable. Parce qu'il laisse Trump avec le bébé sur les bras. Incapable d'influencer la situation. Et avec un risque élevé de se brûler les doigts.

En réalité, Modi n'a fait que ce qui était naturel. Les intérêts de l'Union indienne. Sans se soucier de personne. Sans se laisser intimider. Il dirige l'Inde, et c'est uniquement de celle-ci, de ses intérêts, qu'il se soucie.

Ce n'est pas n'importe quelle petite madame von der Leyen, qui s'est pratiquement agenouillée devant les prétentions arrogantes du magnat.

Ce n'est pas un Macron, qui a baissé la tête, tout en rabâchant son amertume.

Ce n'est pas un Merz, qui a obéi sans hésiter à son maître d'outre-Atlantique.

Ce n'est pas une Meloni, qui a prétendu que les importations en provenance des États-Unis étaient un succès diplomatique. Et qui s'est mise à danser comme une bayadère.

C'est Modi. Il gouverne l'Inde. Et il ne poursuit que ses intérêts.

Il ne tremble pas devant Trump.

Il n'a pas peur et n'est pas à la solde d'une quelconque entreprise américaine.

Comme je le disais, nous devrions apprendre à faire comme les Indiens. Et à avoir un peu plus... de courage. Une denrée rare, malheureusement, dans ce que, pour une raison que j'ignore, nous persistons à appeler l'Europe.

19:37 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : narandra modi, inde, brics, sanctions, asie, affaires asiatiques | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 03 août 2025

Le Japon se rapproche davantage de l'Occident collectif

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Le Japon se rapproche davantage de l'Occident collectif

Leonid Savin

Au début du mois, le Japon a franchi une nouvelle étape importante dans l'approfondissement de ses relations avec certains membres du groupe de renseignement « Five Eyes » en concluant un accord avec le Canada sur l'échange d'informations classifiées. L'accord sur la protection des informations (SIA) a été signé par le ministre des Affaires étrangères Takeshi Iwaya et son homologue canadienne Anita Anand lors d'une cérémonie à Tokyo le 8 juillet.

Ce document juridiquement contraignant, qui doit encore être ratifié par le Parlement, régira les modalités d'échange, de traitement, de stockage et de destruction des informations confidentielles par les deux parties. Bien que l'accord en soi n'autorise pas l'échange d'informations et ne précise pas quelles données seront échangées, il est considéré comme une étape importante vers l'approfondissement des relations bilatérales dans le domaine de la défense et de la sécurité.

En novembre 2024 le Japon a organisé pour la première fois une réunion de hauts responsables militaires du partenariat de renseignement « Five Eyes », sans être membre de cette structure qui rassemble les pays anglophones.

Cela souligne clairement la coopération croissante entre Tokyo et ses alliés occidentaux dans un contexte de préoccupations communes concernant l'évolution de la situation internationale en matière de sécurité. La réunion avec les membres du groupe, qui comprend les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, s'est tenue dans le cadre d'une conférence plus large organisée à Tokyo entre des militaires de haut rang des Forces d'autodéfense japonaises.

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En décembre 2024, Bloomberg a noté : « L'intégration de Tokyo dans ce club était attendue depuis longtemps, d'autant plus que la région est confrontée à l'assertivité croissante de la Chine et à l'imprévisibilité des ambitions nucléaires de la Corée du Nord. Le groupe ne doit plus perdre de temps pour tirer parti de l'expérience de Tokyo. Il dispose de l'une des plus grandes agences de renseignement au monde et surveille depuis longtemps la Chine et la Corée du Nord, considérées comme l'une des menaces les plus graves pour la sécurité nationale. Ces connaissances seraient inestimables pour la coalition dirigée par Washington, qui subit la pression d'un environnement de plus en plus hostile.

Cependant, la question de l'adhésion du Japon à cette coalition de services de renseignement a été soulevée bien avant. Le Centre pour la politique de sécurité de Washington a fait pression sur cette question dès 2020, soulignant que « l'intégration du Japon dans les « Cinq yeux » constituerait une avancée majeure tant pour les pays membres des « Cinq yeux » que pour les Japonais. Mais la situation en Asie de l'Est devient de plus en plus complexe, et cela semble devoir se poursuivre. C'est un pari risqué, mais le moment est peut-être venu de transformer les Cinq Yeux en Six Yeux ».

Il n'est un secret pour personne que les États-Unis ont tout intérêt à s'assurer la participation du Japon dans la contenir la Chine.

Comme l'a souligné l'Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité dans son analyse de juin, « le Japon considère l'influence croissante de la Chine en Asie du Sud-Est comme un problème majeur de politique étrangère. Il souhaite empêcher l'émergence d'un ordre régional hiérarchisé, fondé sur une asymétrie des pouvoirs et centré sur la Chine. Elle a des intérêts économiques et sécuritaires en Asie du Sud-Est, ainsi que dans le domaine de la coopération multilatérale et des structures institutionnelles de la région. L'action de Tokyo en Asie du Sud-Est vise à maintenir un ordre multilatéral fondé sur des règles dans la région, soutenu par la participation des États-Unis. Son attachement aux règles, principes et normes communs, dont il a fait preuve notamment lors des négociations sur les accords régionaux de libre-échange, mérite d'être souligné. Dans sa politique de sécurité, Tokyo est attachée au respect des normes et règles communes consacrées par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer... »

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Le Japon renforce également activement ses relations tant avec les pays qui se montrent plus critiques à l'égard de la Chine, comme les Philippines, qu'avec ceux qui sont considérés comme plus loyaux envers la Chine, comme le Cambodge. Par ses propositions de coopération, le Japon offre aux pays d'Asie du Sud-Est une alternative aux initiatives chinoises et empêche ainsi la Chine de monopoliser la région.

C'est pourquoi les États-Unis et leurs satellites, y compris l'UE, saluent l'intérêt du Japon pour le maintien d'un « ordre fondé sur des règles » en Asie du Sud-Est, y compris en ralliant à leur cause les États de l'ASEAN.

Dans le même temps, les États-Unis misent davantage sur la dissuasion militaire de la Chine et, potentiellement, de la Corée du Nord. Après la rencontre entre Donald Trump et Shigeru Ishiba le 7 février 2025 à Washington, le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, a rencontré le ministre japonais de la Défense, le général Nakatani, le 29 mars à Tokyo. La question de Taïwan a été abordée, et le secrétaire d'État Hegseth a déclaré que « le Japon serait en première ligne dans tout conflit auquel nous pourrions être confrontés dans l'ouest de l'océan Pacifique » et a réaffirmé l'engagement des États-Unis à maintenir « une dissuasion fiable, opérationnelle et crédible dans la région indo-pacifique, y compris de l'autre côté du détroit de Taiwan ». Le ministre Nakatani a réaffirmé que « la paix et la stabilité dans l'ensemble du détroit de Taiwan sont importantes pour la sécurité nationale du Japon ».

Néanmoins, Tokyo ne dépend pas à 100 % des États-Unis dans le domaine des technologies à double usage. La veille, il a été annoncé que le Japon et l'Union européenne prévoyaient de créer un vaste réseau de satellites de communication, comme l'indique le projet d'accord préparé pour le sommet Japon-UE du 23 juillet (dans le cadre des efforts visant à réduire la dépendance vis-à-vis des entreprises américaines telles que SpaceX). À l'issue de la réunion, l'Union européenne et le Japon ont convenu d'une coopération dans le domaine militaire et industriel et ont entamé des négociations sur un accord dans le domaine de la sécurité de l'information, a déclaré le Premier ministre Ishiba.

Il n'est pas exclu que le Japon envoie ainsi un message à l'administration de Donald Trump, qui a promis d'introduire à partir du 1er août des droits de douane de 25% sur toutes les importations de voitures japonaises et de pièces détachées.

153972800125_20181018-2849930279.JPGQuoi qu'il en soit, le Japon est à la merci des États-Unis, qui disposent au total de 90 bases militaires et installations sur son territoire, où sont stationnés 53.700 militaires américains.

20:23 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, japon, asie, affaires asiatiques | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 01 août 2025

Fragmentation occidentale contre cohésion asiatique - Quand le déclin rencontre la discipline

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Fragmentation occidentale contre cohésion asiatique

Quand le déclin rencontre la discipline

Brecht Jonkers

Source: https://www.multipolarpress.com/p/western-fragmentation-v...

Brecht Jonkers oppose la vision cohésive, duty-bound (lié au devoir), de l’État en Asie à la dérive atomisée et individualiste de l’Occident, lequel se dirige vers l'insignifiance bureaucratique. 

Il existe une différence fondamentale entre l’attitude « européenne », c’est-à-dire essentiellement libérale, et l’attitude « asiatique » concernant l’existence et le rôle de l’État. C’est une fracture civilisationnelle qui dépasse le débat idéologique habituel et qui met en évidence la différence claire entre les attitudes « occidentales » individualistes et les attitudes « orientales » collectivistes vis-à-vis de la société humaine. 

En simplifiant à l’extrême cette question complexe, je pense qu’il est correct de dire que l’Asie voit l’État comme un outil nécessaire, en fin de compte, pour assurer (idéalement) la justice, la cohésion sociale, l’ordre et l’harmonie. L’Occident, en revanche, a une attitude fondamentalement antagoniste et négative envers l’existence de l’État en lui-même, le voyant au mieux comme un mal nécessaire pour empêcher les gens de voler et de tuer dans la rue. Ce qui, incidemment, correspond à la vision négative et misanthropique sous-jacente de la nature humaine qui sous-tend la philosophie occidentale moderne. Mais je m’égare. 

L’État occidental reste, en son cœur, un « État veilleur de nuit » selon le modèle britannique/américain qui a vu le jour au 18ème siècle : un État principalement (ou uniquement) préoccupé par la prévention de la violence dans la sphère publique, la protection de la propriété et la poursuite tranquille du statu quo, peu importe ce qu’est ce statu quo. Intervention minimale, législation minimale, soutien minimal à ceux qui en ont besoin. 

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Naturellement, les choses ont changé considérablement après la Seconde Guerre mondiale avec l’adoption du modèle de l’État-providence, établi principalement pour empêcher la classe ouvrière de se révolter. Ce changement a été provoqué par deux facteurs principaux : la représentation organisée des forces de travail, qui ont exigé leur juste part après les sacrifices consentis lors des deux guerres mondiales, et la menace « communiste » grandissante venant de l’Est, qui présentait un système alternatif pouvant attirer la classe ouvrière loin du soutien au modèle libéral et capitaliste. 

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Les changements liés au « grand gouvernement » depuis 1945 se sont lentement érodés depuis les années 1990, alors que le modèle « néolibéral » (en réalité : le capitalisme à l’ancienne) s’est profondément enraciné dans la société et la mentalité occidentales. Margaret Thatcher a résumé cette mentalité en disant : « … qu'est-ce que la société ? Il n’y a pas de société ! Il n’y a que des hommes et des femmes individuels, et il y a des familles. » Cela ne l’a pas empêchée de mobiliser l’armée britannique contre l’Argentine ou de laisser des Irlandais républicains mourir de faim dans des prisons très largement contrôlées par l’État et financées par les impôts. 

De nos jours, l’un des thèmes favoris du discours politique européen est : « cela ne relève pas de la responsabilité du gouvernement » : il n’est pas de la tâche du gouvernement d’aider les gens à trouver un emploi, de leur assurer des soins de santé abordables, de créer et maintenir le nombre nécessaire de logements disponibles, ou de garantir une économie nationale durable. Cela incite à se demander à quoi sert encore le gouvernement, et pourquoi nous payons des impôts et obéissons à la loi pour un État qui donne très peu en retour. 

En résumé, c’est la mentalité politique occidentale contemporaine : les gens doivent obéir et respecter la loi, payer des impôts et se soumettre à une bureaucratie étouffante ; mais quoi que vous fassiez, ne demandez pas trop en retour. Tout le reste, c’est à vous. Et cela s’applique à toute la sphère atlantique, des plus ardents fondamentalistes du marché libre aux libéraux scandinaves, voire aux partis de gauche qui brandissent le drapeau rouge, que ce soit sur les îles britanniques ou sur le continent européen. 

La “vision asiatique” est nettement différente dans sa propre essence. Rattachée aux traditions antiques, telles que le Mandat du Ciel en Chine et l’idée d’une société harmonieuse comme dans les textes confucéens, l’État est un pilier central de la société et de l’histoire humaine. 

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L’état d’esprit traditionnel asiatique, que j'explique encore une fois de manière simplifiée pour plus de clarté, est en réalité une situation plus quid pro quo qu’une idée libérale occidentale. Oui, l’État exige et attend une obéissance et une conformité étendues. La responsabilité collective assumée par chaque individu est beaucoup plus omniprésente en Orient qu’en Occident. La société civile et les citoyens sont censés respecter les traditions et les règles dictées par l’État, la religion et la coutume ancienne. L’accent occidental sur « vivre sa propre vérité » et « être qui tu veux être » est étranger à la société asiatique traditionnelle. Et ces traditions perdurent, à travers et au-delà des divisions droite/gauche, comblant le fossé entre des systèmes politiques très différents. 

Le contrat social dans le système de l’État « asiatique » est très clair : la population doit faire preuve de piété filiale et respecter les lois et traditions, et en retour, l’État a une tâche très claire, presque religieusement mandatée, de garantir le bien-être public dans la mesure du possible. L’intérêt collectif dépasse toujours celui de l’individu en politique et en société. 

Encore une fois, cette vision tend à dépasser les idéologies politiques typiques. Il est évident que des communistes comme Mao Zedong et Kim Il Sung ont des tendances collectivistes, mais cela va bien au-delà. Le fondateur de Singapour, un État très capitaliste et généralement pro-occidental, Lee Kuan Yew, a déclaré un jour : « [L]eurs valeurs peuvent ne pas nécessairement être celles que valorisent les Américains ou les Européens. Les Occidentaux valorisent la liberté et la liberté de l’individu. En tant qu’Asiatiques d’origine chinoise, mes valeurs meportent à valoriser un gouvernement honnête, efficace et efficient. » L’ancien Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a également mis en avant, pendant et après son mandat, les « valeurs asiatiques » et une politique de « regard vers l’est ». 

L’État dans le système « asiatique », en particulier en Asie de l’Est et du Sud-Est, est là pour réguler, contrôler et assurer dans la plus grande mesure possible l’harmonie et le bien-être de la population. Ce n’est peut-être pas un système « démocratique » dans le sens occidental du terme, c’est vrai. Mais soyons honnêtes : la démocratie libérale n’est pas le facteur déterminant en politique internationale. 

Et on ne peut nier que ça marche. Des États comme Hong Kong, Singapour ou la Corée du Sud, souvent loués par les médias occidentaux, jusqu’à la plus rapide et la plus étendue amélioration des conditions de vie de l’histoire humaine, qui s’est produite en République populaire de Chine : le « système asiatique » fonctionne clairement pour l’Asie. 

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Cela a conduit à une situation que l’analyste indien et auteur Parag Khanna (photo) a décrite dans son livre : The Future is Asian. 

Si l’Occident veut jouer un rôle important dans le monde multipolaire présent et futur, il pourrait peut-être emprunter quelques pages aux anciennes sociétés d’Asie. Tant la longue histoire que les événements récents ont prouvé la ténacité, la vitalité et la sophistication de ces sociétés, qui sont bâties autour du bien-être collectif, d’une autorité clairement définie, de la tradition et de la piété filiale. Après tout, l’Asie a été le centre de la civilisation humaine pendant des siècles ; et après seulement deux siècles de domination euro-américaine, cela recommence à être le cas.

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mardi, 29 juillet 2025

Thaïlande-Cambodge : Guerre des frontières comme prétexte à un changement de régime ?

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Thaïlande-Cambodge: Guerre des frontières comme prétexte à un changement de régime ?

Source: https://report24.news/thailand-kambodscha-grenzkrieg-als-...

Le conflit à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge s’intensifie. Bangkok pourrait tenter de provoquer un changement de régime à Phnom Penh. Les États-Unis, la Chine et le Vietnam sont également impliqués en coulisses.

Une fois de plus, les conséquences des délimitations des frontières, datant de l'ère coloniale, provoquent un conflit militaire. Les différends frontaliers qui durent depuis des décennies entre le Cambodge et la Thaïlande s’enveniment à nouveau, débouchant sur des affrontements armés entre ces deux pays voisins d’Asie du Sud-Est. Des cartes imprécises et des accords contradictoires entre la puissance coloniale française dans l’actuel Cambodge et le royaume de Siam, alors en vigueur, ont permis en 1962 à la Cour Internationale de Justice de statuer en faveur de Phnom Penh, mais Bangkok refuse de reconnaître cette décision.

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Les combats actuels à la frontière thaïlando-cambodgienne semblent, à première vue, le résultat de ce conflit territorial, mais le problème est plus profond. Selon certains rapports, l’armée thaïlandaise aurait provoqué cette escalade pour redorer sa réputation ternie par un scandale politique. Le gouvernement thaïlandais parle ouvertement d’un danger de guerre, tout en rejetant toute médiation internationale.

La ligne officielle de Bangkok est que ces incidents relèvent d’une légitime défense contre une prétendue agression cambodgienne. Cependant, plus les combats durent, plus le risque que les objectifs changent augmente. La dynamique d’une « creep mission » est manifeste: ce qui commence comme une défense du territoire pourrait rapidement se transformer en une tentative de « démilitarisation » du Cambodge, voire de changement de régime à Phnom Penh.

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Cela s’explique aussi par le fait que l’ancien dirigeant cambodgien Hun Sen (photo), dont le fils Hun Manet gouverne actuellement le pays, est considéré comme un maître chanteur dans l’ombre. En Thaïlande même, Hun Sen, qui est également diabolisé en Occident, est de plus en plus perçu comme une menace, ce qui pourrait justifier d’éventuelles tentatives de changement de régime. À Washington ou à Bruxelles, cela serait probablement toléré, d’autant plus que l’actuelle direction cambodgienne collabore étroitement avec Pékin. Un régime marionnette pro-occidental et favorable à la Thaïlande serait alors un coup géopolitique que l’Occident, en toute probabilité, accueillerait favorablement.

Les spéculations sur un changement de régime sont renforcées par l’opinion publique en Thaïlande. Beaucoup de Thaïlandais considèrent la direction actuelle du Cambodge comme une menace permanente pour la sécurité nationale. La hiérarchie militaire thaïlandaise pourrait donc chercher à profiter de l’occasion pour régler le « problème Cambodge ». La supériorité des forces armées thaïlandaises est un atout, et une avancée ciblée et directe vers Phnom Penh n’est pas hors de question. Cependant, cela impliquerait que les troupes thaïlandaises doivent parcourir plus de 400 kilomètres à travers un terrain hostile, ce qui laisserait le temps aux forces cambodgiennes de préparer une ligne de défense.

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Bien que l’armée thaïlandaise dispose d’environ trois fois plus de soldats que celle du Cambodge, et soit aussi nettement mieux équipée et technologiquement avancée, la perspective d’une guerre de guérilla prolongée serait plus difficile. D’autant plus que le Vietnam, qui a également renversé les Khmers rouges en 1979, a ses propres intérêts en Cambodge et ne souhaite pas voir une administration pro-occidentale y prendre racine. Hanoi regarde aussi la présence croissante de la Chine dans le pays voisin avec méfiance.

Après les crises militaires en Ukraine et au Moyen-Orient, une nouvelle escalade majeure en Asie du Sud-Est pourrait se développer. La seule incertitude réside dans la mesure où Washington et Pékin interviendront dans ce conflit pour le faire évoluer dans la direction qu’ils souhaitent.

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samedi, 26 juillet 2025

Le parti « Japon d'Abord » l’un des grands gagnants des élections sénatoriales

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Le parti « Japon d'Abord » l’un des grands gagnants des élections sénatoriales

Source: https://www.freilich-magazin.com/welt/gegen-migration-jap...

Avec une ligne claire contre la migration et une orientation nationale, Sanseito devient une force sur laquelle il faudra compter dans la politique japonaise.

Tokyo – Lors des élections sénatoriales au Japon dimanche dernier, le parti Sanseito a enregistré sa plus grande victoire à ce jour. Avec 14 sièges, il entre de manière nettement renforcée dans le parlement de 248 membres, rapporte la plateforme Market Screener. Auparavant, il ne comptait qu’un seul siège. Au sein de la Chambre basse, il est toujours représenté par trois députés. Le parti s’était présenté avec la promesse de réduire les impôts, d’augmenter les dépenses sociales et de se concentrer davantage sur les questions migratoires. Il avait notamment mis en garde contre une « invasion silencieuse » de migrants. 

Du format en ligne aux institutions

Sanseito a été fondé pendant la pandémie de Covid-19 et s’est fait connaître principalement par des contenus vidéo sur YouTube. Avec sa campagne « Japon d'Abord» et sa visibilité numérique croissante, il a réussi à faire le saut dans la politique nationale. 

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Dans une interview avec Nippon Television, le chef du parti, Sohei Kamiya (photo), a expliqué la pensée directrice du mouvement : « L’expression "Japon d'Abord" doit signifier que nous voulons reconstruire les bases de la vie de la population japonaise en résistant au mondialisme. Je ne dis pas que nous voulons totalement bannir les étrangers ou que tout le monde doit quitter le Japon. » Le parti a été souvent critiqué, a poursuivi Kamiya, mais l’image publique a désormais changé : « Nous avons été qualifiés de racistes et de fauteurs de discriminations. Mais le public a compris que les médias avaient tort et que Sanseito avait raison. » 

Pour le Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir, dirigé par Shigeru Ishiba, les résultats n’ont pas été favorables: avec son partenaire de coalition Komeito, il a perdu sa majorité au Sénat. Après la défaite à la Chambre basse en octobre dernier, le PLD dépend aujourd’hui plus que jamais de la coopération avec des partis d’opposition. 

La migration comme thème marginal mais avec un impact

Selon un sondage NHK avant le scrutin, 29% des répondants citaient la sécurité sociale et la baisse des naissances comme les sujets les plus importants, 28% évoquaient la hausse du coût des voyages. La migration se plaçait en cinquième position avec 7%. Pourtant, le sujet a eu un impact politique: quelques jours avant le scrutin, le gouvernement a annoncé la création d’une nouvelle task force pour traiter des « délits et comportements antisociaux » des étrangers. La LDP a également promis de poursuivre l’objectif de « zéro étranger illégal ». 

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Avant le scrutin, Kamiya a déclaré à Reuters s’être inspiré du « style politique courageux » du président américain Donald Trump. Les observateurs comparent Sanseito à des partis européens comme l’AfD allemande ou Reform UK au Royaume-Uni, mais soulignent que de tels courants politiques sont encore peu établis au Japon. Après l’élection, Kamiya a annoncé qu’il travaillerait avec d’autres petits partis. Il a exclu toute coopération avec la LDP. Au contraire, il souhaite s’inspirer de mouvements européens à succès. 

Les préoccupations économiques renforcent le soutien

Les thèmes politiques du parti ont rencontré un large écho auprès de nombreux électeurs. Les observateurs attribuent cela à une combinaison d’incertitude économique, d’inflation et de l’afflux accru de touristes dû à la faiblesse du yen. Aujourd’hui, le Japon compte environ 3,8 millions d’habitants nés à l’étranger, ce qui constitue un record, mais ils ne représentent que 3% de la population totale. 

Kamiya, le lendemain du scrutin, s’est dit optimiste quant au rôle futur de son parti : « Nous grandissons étape par étape et répondons aux attentes des gens. Si nous construisons une organisation solide et obtenons 50 ou 60 sièges, nos revendications politiques deviendront enfin réalité. »

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jeudi, 26 juin 2025

La proposition en quatre points de Xi Jinping pour apaiser le conflit au Moyen-Orient

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La proposition en quatre points de Xi Jinping pour apaiser le conflit au Moyen-Orient

Giulio Chinappi

En pleine escalade de grande envergure entre Israël et l’Iran, Pékin propose une feuille de route vers la paix visant un cessez-le-feu immédiat, la protection des civils, la relance des négociations politiques et le soutien actif de la communauté internationale.

SOURCE première de l'ARTICLE : https://giuliochinappi.wordpress.com/2025/06/21/la-propos...

Jeudi 19 juin 2025, dans l'après-midi, le président chinois Xi Jinping a eu un entretien téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine, au cours duquel les deux dirigeants ont échangé leurs points de vue sur la situation au Moyen-Orient. Xi Jinping a présenté une proposition en quatre points: le cessez-le-feu doit devenir une priorité urgente, garantir la sécurité des civils doit être la priorité absolue, le dialogue et la négociation sont les solutions fondamentales, et les efforts de paix de la communauté internationale sont indispensables. Cet échange a eu lieu dans un contexte critique, alors que le conflit entre Israël et l’Iran ne cesse de s’intensifier. La coordination des positions entre Xi et Poutine reflète non seulement la profondeur de la coopération stratégique entre la Chine et la Russie, mais envoie aussi un message clair à la communauté internationale: un appel à contenir les tensions et à préserver la paix régionale.

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La crise actuelle au Moyen-Orient a dépassé les limites d’un conflit conventionnel. Lors d’une nouvelle série d’attaques aériennes jeudi 19, Israël a visé trois installations nucléaires iraniennes, tandis qu’un missile lancé par l’Iran a frappé un hôpital en territoire israélien. Les deux parties ont promis des représailles, et le risque d’une escalade incontrôlable s'avèrerait gravissime.

Pendant ce temps, les États-Unis, malgré leur influence déterminante sur Israël, n’ont pas joué un rôle constructif. Au contraire, ils ont continué à alimenter le conflit, allant jusqu’à indiquer leur disponibilité à « intervenir directement », ce qui mine sérieusement les attentes de la communauté internationale en matière de désescalade. La situation étant devenue telle que « rien ne peut être exclu », la fenêtre d’opportunité pour éviter le pire est désormais très étroite.

Une fois que le conflit échappe à tout contrôle, il sera beaucoup plus difficile d’en inverser la trajectoire. Dans ce contexte, la Chine a été la première grande puissance à proposer un plan global et visionnaire, capable de répondre à la fois aux besoins immédiats et aux solutions à long terme, faisant preuve d’un fort sens des responsabilités.

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La « proposition en quatre points » est ciblée et va au cœur des enjeux actuels. Elle exhorte en premier lieu les parties en conflit, en particulier Israël, à arrêter rapidement les opérations militaires pour éviter que de nouveaux dégâts soient infligés aux civils. Elle invite ensuite à soutenir fermement une solution politique à la question nucléaire iranienne, et sollicite la communauté internationale, et en particulier ces pays qui exercent une plus grande influence sur les belligérants, à faire des efforts pour apaiser les tensions.

De nature orientée vers le problème, cette proposition ne se limite pas à identifier les voies fondamentales pour la résolution de la crise, mais trace également des parcours efficaces pour atténuer le conflit. Elle met au centre la recherche d’une paix durable et d’une sécurité collective, dans le respect total de l’ordre et de l’équité internationaux. Elle reflète l’analyse précise de Pékin et s’aligne sur les sollicitations répandues dans la communauté globale, en proposant un cadre d’action concret et réalisable.

La Chine a toujours agi comme facteur de paix et de stabilité au Moyen-Orient, comme en témoignent des gestes concrets: faciliter la réconciliation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, soutenir le retour de la Syrie à la Ligue arabe, défendre la cause des droits nationaux palestiniens, promouvoir la paix à Gaza et l’unité palestinienne, contribuer à des missions de maintien de la paix régionales ou aux aides humanitaires. En tout état de cause, Pékin a basé ses actions sur les principes de justice et sur les intérêts fondamentaux des populations du Moyen-Orient, proposant un nouveau modèle de sécurité commune, inclusive, coopérative et durable.

De l’autre côté, les accords de réconciliation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran signés à Pékin, ainsi que la déclaration palestinienne d’unité, témoignent de la confiance de la région dans la position impartiale de la Chine et dans l’esprit de sa nouvelle conception de la sécurité. La récente « proposition en quatre points » de Xi sur le conflit entre Israël et l’Iran confirme cette ligne morale, visant à favoriser concrètement la paix au Moyen-Orient.

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Avec une région instable, la paix mondiale reste un objectif difficile à atteindre. Les efforts pour promouvoir un cessez-le-feu et engager des négociations ne sont pas seulement nécessaires pour la région, mais indispensables à la stabilité mondiale. Cela requiert coordination et consensus entre les grandes puissances. La récente conversation téléphonique entre Xi et Poutine illustre cette étroite communication et coordination entre la Chine et la Russie sur les grandes questions internationales. En tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, Pékin et Moscou coopèrent main dans la main sur la scène mondiale, jouant un rôle stabilisateur pour la paix régionale et mondiale. Cela met en évidence non seulement la contribution des pays émergents à la gouvernance globale, mais indique aussi la voie correcte pour que les grandes puissances coexistent dans un esprit de responsabilité partagée.

La crise au Moyen-Orient confirme que le monde est entré dans une « époque de turbulences et de transformations », et la « proposition en quatre points » représente la perspective cohérente de la sécurité selon les vues chinoises. De la guerre russo-ukrainienne à la question israélo-palestinienne, il est évident que les propositions de Pékin sont de plus en plus adoptées par de nombreux pays. Maintenant que des nuages de tension obscurcissent le Moyen-Orient, il est à espérer que la communauté internationale passe des paroles aux actes, en adoptant la « proposition en quatre points » de la Chine. Celle-ci se déclare prête à renforcer la communication et la coordination entre toutes les parties, à construire un consensus, à lutter pour la justice et à jouer un rôle constructif dans le rétablissement de la paix dans la région.

mardi, 17 juin 2025

Donald Trump a échoué

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Donald Trump a échoué

Par Franz Ferdinand

Source: https://www.unser-mitteleuropa.com/169698

Donald Trump s'est présenté en annonçant qu'il mettrait fin à la guerre en Ukraine et ne déclencherait pas d'autre guerre. Il a échoué sur ces deux points. Il est évident qu'il n'a pas pu s'imposer face à « l'État profond » et au « lobby israélien » :

  1. 1. Guerre en Ukraine :

L'attaque partiellement réussie de l'Ukraine contre la flotte de bombardiers stratégiques russes le 2 juin 2025, planifiée et menée avec l'aide des États-Unis pendant 18 mois, a détruit la confiance entre Poutine et Trump. Il convient notamment de souligner que, conformément au traité START II, ces avions doivent être visibles par satellite et ne peuvent être cachés dans des hangars. Ces coordonnées ont été transmises aux Ukrainiens, ce qui a montré que Trump et les États-Unis étaient partiaux dans cette guerre et inaptes à jouer le rôle de médiateurs.

  1. 2. Attaque d'Israël contre l'Iran :

Cette attaque a également été planifiée pendant un an et menée avec l'aide des États-Unis et de leurs alliés dans cette région (Arabie saoudite, Irak, Oman, etc.). Une opposition interne coopérant avec Israël a certainement participé à cette attaque. Sinon, il aurait été impossible de connaître les lieux de séjour des personnes assassinées.

Le renversement du régime syrien, au cours duquel Assad a été remplacé par une bande de coupeurs de têtes pro-occidentaux, faisait manifestement partie de ces préparatifs, avec le recul.

Il est particulièrement piquant de noter que le négociateur en chef iranien pour les négociations entre l'AIEA et l'Iran (Amirhossein Faghihi) a été assassiné. Ces négociations auraient dû avoir lieu le 15 juin 2025 et ont manifestement été empêchées de manière délibérée.

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Cette attaque est clairement contraire au droit international, car la menace que représente l'Iran pour Israël a été tout autant fantasmée que l'étaient autrefois les armes de destruction massive irakiennes, qui ont servi de prétexte à la deuxième guerre en Irak. L'affirmation selon laquelle l'Iran posséderait déjà de l'uranium de qualité militaire ou serait sur le point d'enrichir de l'uranium à ce niveau est un mensonge éhonté.

Lors de l'attaque des bombardiers israéliens, des informations provenant de l'AIEA ont apparemment été utilisées, ce qui montre clairement que cette organisation n'est pas neutre.

Ce qui est vraiment en jeu dans ce conflit :

Le conflit entre Israël et l'Iran est une guerre par procuration, tout comme la guerre entre l'Ukraine et la Russie. L'ingérence des États-Unis et de la Grande-Bretagne en Iran remonte à 1953, lorsque le premier ministre démocratiquement élu, Mossadegh, a été renversé par la CIA. Après le renversement du Shah, qui a ensuite été exilé, la République iranienne et les États-Unis sont entrés dans un conflit permanent. Israël n'a ici qu'un rôle de chien de garde.

Tout ce débat autour du programme nucléaire iranien n'est qu'un écran de fumée. En réalité, il s'agit de maintenir l'ordre mondial unipolaire.

Le contrôle de l'Occident sur l'Iran pourrait bloquer le développement économique de l'Asie et ainsi défendre l'ordre mondial unipolaire. À l'inverse, l'Iran, en tant que plaque tournante du transport, joue un rôle clé dans le développement d'un ordre mondial multipolaire :

    - En 2021, la Chine a conclu un partenariat stratégique avec l'Iran, qui permet à ce dernier de contourner les sanctions occidentales. La Chine obtient du pétrole bon marché et investit des milliards en Perse (La Chine conclut un pacte à long terme avec l'Iran – DiePresse.com: https://www.diepresse.com/5958091/china-schliesst-langfristigen-pakt-mit-dem-iran ). Le transport du pétrole iranien bon marché s'effectue par chemin de fer. La «nouvelle route de la soie» promue par la Chine traverse également la Perse.

    - Une deuxième ligne de transport importante est le corridor nord-sud (corridor nord-sud, commerce : le coup géopolitique de Poutine: https://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/520992/putins-schachzug-geostrategisch-bedeutende-handelsroute-in-betrieb-genommen), qui est en service depuis 2022. Il est destiné à transporter des marchandises de la Russie à l'Inde en passant par l'Iran. Ce corridor, cauchemar des puissances maritimes et concurrent du canal de Suez, permet également à la Russie de contourner les sanctions économiques.

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Comme on peut le constater, la Perse est une plaque tournante pour le trafic nord-sud et est-ouest, contournant les routes maritimes. Les puissances maritimes occidentales perdent automatiquement leur importance. L'ordre mondial unipolaire avec ses « règles » imposées par les élites occidentales perd alors tout son sens.

L'objectif de l'attaque israélienne est donc un renversement politique en Iran afin d'entraver le développement économique de l'Asie.

L'attaque d'Israël contre l'Iran est donc encore plus dangereuse que la guerre par procuration menée par l'Ukraine contre la Russie, car elle affecte les intérêts de toute l'Asie. On peut donc supposer que les pays du BRICS, à savoir la Russie, la Chine et l'Inde, n'accepteront pas sans réagir un renversement du régime iranien orchestré par l'Occident. Toute la démarche de l'Occident rappelle le coup d'État de Maïdan. Il semble que l'on veuille porter au pouvoir un petit groupe d'opposants. Un tel coup d'État ne fonctionnera probablement pas une deuxième fois.

On peut également considérer toute l'action d'Israël comme faisant partie de la guerre contre la Chine, sans cesse fantasmée. Israël et les États-Unis risquent ainsi que la Chine s'écarte de sa politique jusqu'ici réservée et soutienne directement l'Iran.

Outre le soutien militaire à l'Iran, la Chine dispose toutefois d'autres options:

En réaction aux droits de douane punitifs imposés par Trump, la Chine a décrété un embargo sur les exportations d'aimants et de terres rares. La Chine produit environ quatre fois plus de terres rares que les États-Unis (Terres rares » Utilisation, gisements et investissement: https://finanzwissen.de/rohstoffe/kritische-metalle/seltene-erden/). La Chine met ainsi en péril la production dans le secteur de l'électronique et, par conséquent, la production d'armements, de voitures électriques et bien d'autres choses encore (La Chine suspend ses exportations de terres rares | Telepolis: https://www.telepolis.de/features/China-stoppt-Export-Seltener-Erden-10352326.html#:~:text=Eine%20Fabrik%20zur%20Verarbeitung%20seltener%20Erden%20in%20Chinas,allem%20US-Schl%C3%BCsselindustrien%20von%20Elektroautos%20bis%20Milit%C3%A4rtechnik.%20Ein%20%C3%9Cberblick).

La victoire d'Israël lors de son attaque contre l'Iran peut donc être comparée à la victoire de l'Allemagne hitlérienne sur la Pologne, qui n'a fait que créer de nouveaux ennemis à Hitler. Il pourrait en être de même pour Israël. Israël a remporté une victoire à la Pyrrhus, qui porte déjà en elle les germes de la défaite.

À l'origine, avec sa politique « America first », Trump poursuivait l'idée d'abandonner la prétention unipolaire de l'Amérique et d'accepter un monde multipolaire. Cela aurait été la solution au problème le plus urgent de l'Amérique, à savoir la question de la dette. Les dépenses pour des guerres inutiles auraient été supprimées et de nouvelles opportunités commerciales, par exemple avec la Russie, auraient été possibles pour augmenter les recettes. Mais tout cela est désormais terminé. Les États-Unis sont toujours sur la voie de la ruine. Les besoins annuels de refinancement des États-Unis s'élèvent actuellement à 10.000 milliards de dollars. Les investisseurs étrangers ne sont plus disposés à les financer. En fin de compte, la FED doit intervenir et simplement imprimer de l'argent pour sauver le budget. Cela creuse encore davantage la tombe du dollar américain et accélère la dédollarisation de l'économie mondiale. La hausse actuelle du cours de l'or confirme cette tendance.

Le sauvetage des États-Unis par la voie démocratique a donc échoué. Le « Deep State » ne peut être destitué et continuera à entraîner les États-Unis vers leur perte.

lundi, 09 juin 2025

Chine. Inauguration de la ligne ferroviaire vers Téhéran: l'importance du détroit de Malacca se voit relativisée

 

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Chine. Inauguration de la ligne ferroviaire vers Téhéran: l'importance du détroit de Malacca se voit relativisée

par Giuseppe Gagliano

Source: https://www.notiziegeopolitiche.net/cina-inaugurata-la-ferrovia-che-arriva-a-teheran-tagliato-lo-stretto-di-malacca/

Au cœur de l'Asie, un nouveau corridor ferroviaire est en train de changer discrètement les règles du jeu mondial. L'inauguration récente de la ligne ferroviaire reliant Urumqi, dans la province chinoise du Xinjiang, à Téhéran, en passant par l'Asie centrale et le Turkménistan, n'est pas seulement un exploit logistique, mais un acte de défi stratégique qui bouleverse l'équilibre géopolitique. Avec un temps de transit de seulement 15 jours, contre 40 pour les routes maritimes, ce corridor permet à la Chine et à l'Iran de contourner le détroit de Malacca et d'autres artères maritimes qui sont sous le contrôle de la marine américaine, ouvrant ainsi une nouvelle ère pour le commerce des marchandises chinoises et du pétrole iranien vers les marchés européens. Ce projet ne se contente pas de raccourcir les distances, il redessine également les cartes du pouvoir, remettant en question l'hégémonie américaine sur le contrôle des routes mondiales.

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Le détroit de Malacca, ce goulet d'étranglement maritime qui assure le passage entre l'océan Indien et l'océan Pacifique, est depuis des décennies le talon d'Achille de la Chine. Environ 80% des importations pétrolières chinoises et 60% de son commerce maritime transitent par ce passage, rendant Pékin vulnérable à un éventuel blocus naval par les États-Unis ou leurs alliés, tels que Singapour ou l'Inde. En 2003, l'ancien président chinois Hu Jintao a qualifié cette dépendance de « dilemme de Malacca », un problème stratégique qui a poussé la Chine à rechercher des alternatives terrestres pour diversifier ses routes commerciales et garantir sa sécurité énergétique. Le nouveau corridor ferroviaire Chine-Iran, qui fait partie intégrante de l'initiative Belt and Road (BRI), est la réponse la plus audacieuse à ce défi.

Longue d'environ 4000 kilomètres, cette route relie Yiwu (Zhejiang) à Qom, en Iran, en traversant le Kazakhstan et le Turkménistan. Selon la China Railway Corporation, ce corridor pourrait transporter plus de 10 millions de tonnes de marchandises par an d'ici 2030, grâce à la demande croissante des marchés eurasiatiques et moyen-orientaux. Pour l'Iran, ce projet représente une bouée de sauvetage économique: les sanctions occidentales, qui limitent l'accès aux marchés maritimes et financiers, trouvent réponse dans l'organisation du transport terrestre, lequel constitue dès lors une alternative moins exposée aux pressions internationales. Le pétrole iranien peut désormais atteindre la Chine sans passer par les détroits d'Ormuz ou de Malacca, ce qui réduit le risque d'interruptions dues à des tensions géopolitiques ou à des sanctions.

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Ce n'est pas un hasard si ce corridor arrive à un moment où les tensions entre la Chine, l'Iran et les États-Unis s'intensifient. Washington a redoublé d'efforts pour contenir l'expansion économique de Pékin et limiter les exportations de pétrole iranien, considérées comme une source de financement pour le régime de Téhéran. La marine américaine, avec sa présence dominante dans le Pacifique et le golfe Persique, représente une menace constante pour les deux pays. Le corridor ferroviaire change toutefois la donne: non seulement il permet à la Chine d'accéder au pétrole iranien sans passer par les eaux contrôlées par les États-Unis, mais il renforce également l'Iran en tant que plaque tournante commerciale entre l'Asie et l'Europe, le rendant moins dépendant des routes maritimes vulnérables.

Ce projet s'inscrit dans un contexte plus large de coopération sino-iranienne. En 2021, les deux pays ont signé un accord de partenariat stratégique d'une durée de 25 ans, qui prévoit des investissements chinois de 400 milliards de dollars dans les infrastructures, l'énergie et la technologie en Iran. Le chemin de fer est un élément clé de cette stratégie, financée en partie par la China Development Bank et l'Export-Import Bank of China, avec la participation de géants tels que la China Railway Construction Corporation (CRCC). Du côté iranien, la Islamic Republic of Iran Railways (RAI) a coordonné l'expansion des infrastructures internes, en harmonisant les normes ferroviaires avec les normes internationales afin de garantir un flux continu de marchandises.

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Cette évolution inquiète Washington. Les États-Unis ont investi des ressources considérables pour maintenir le contrôle des principales routes maritimes mondiales, avec des bases navales stratégiques telles que celles de Singapour et de la Cinquième Flotte à Bahreïn. La capacité d'interdire le commerce chinois ou iranien par le biais de points de contrôle tels que Malacca ou Hormuz a longtemps été une arme géopolitique. Cependant, le nouveau corridor réduit l'efficacité de ce levier, offrant à la Chine et à l'Iran une alternative terrestre qui échappe au contrôle américain. Ce n'est pas un hasard si des publications sur des plateformes telles que X décrivent le projet comme une « révolution géopolitique », capable de réviser la théorie de Halford Mackinder sur l'importance du contrôle du cœur de l'Eurasie pour la domination mondiale.

Malgré son potentiel, ce corridor n'est pas sans obstacles. La route traverse des pays comme le Kazakhstan et le Turkménistan, où les infrastructures ferroviaires nécessitent des mises à niveau constantes et où la stabilité politique n'est pas toujours garantie. La gestion transfrontalière nécessite des accords complexes en matière de douanes, de sécurité et de normes techniques, et toute tension régionale pourrait compromettre le flux de marchandises. En outre, le volume du transport ferroviaire, bien que significatif, reste une fraction des 144 millions de tonnes annuelles qui transitent par le détroit de Malacca, ce qui fait de ce corridor, à court terme, un complément, et non un substitut, aux routes maritimes.

Il y a ensuite la question de la réponse internationale. Les États-Unis et leurs alliés, tels que l'Inde et le Japon, promeuvent des projets alternatifs, comme le corridor Inde-Moyen-Orient-Europe, afin de contrer l'influence chinoise. La Turquie, avec son projet Development Road, vise à concurrencer le golfe Persique et l'Europe en tant que plaque tournante commerciale. Ces développements suggèrent une concurrence croissante pour le contrôle des routes commerciales, l'Eurasie étant au centre d'un nouveau « grand jeu ».

Le corridor ferroviaire Chine-Iran n'est pas seulement une infrastructure, mais un symbole du monde multipolaire qui prend forme. En réduisant leur dépendance vis-à-vis des routes maritimes contrôlées par les États-Unis, la Chine et l'Iran construisent une alternative qui renforce leur autonomie stratégique et celle des pays d'Asie centrale. Pour l'Europe, ce corridor offre des opportunités commerciales, mais aussi des dilemmes: comment concilier un accès plus rapide aux marchandises et les pressions géopolitiques de Washington ?

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À une époque de tensions mondiales croissantes, ce projet rappelle que le contrôle des routes commerciales est toujours au cœur de la concurrence entre les puissances. La Chine, avec sa vision de la Nouvelle Route de la Soie, et l'Iran, avec sa résilience face aux sanctions, parient sur un avenir où l'Eurasie redeviendra le centre du monde. Reste à voir si les États-Unis, gardiens de l'ordre maritime mondial, trouveront une réponse efficace à ce défi terrestre. Une chose est sûre: le train parti d'Urumqi ne transporte pas seulement des marchandises, mais aussi un message clair au monde entier.

jeudi, 05 juin 2025

Myanmar, le pays qui ne semble pas trouver la paix

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Myanmar, le pays qui ne semble pas trouver la paix

Peter W. Logghe

Quelle: Knooppunt Delta - Nieuwsbrief  N° 200 - Mai 2025   

Les violents séismes qui ont frappé fin mars (avec environ 2000 victimes à ce jour), dont l'épicentre se trouvait dans le pays d'Asie du Sud-Est qu'est le Myanmar, ont brièvement ramené ce pays particulièrement fermé sous les feux de l'actualité mondiale. Ainsi, le journal flamand Het Laatste Nieuws a annoncé le 30 mars 2025 que le groupe rebelle People's Defense Force (PDF) avait déclaré suspendre pendant deux semaines sa lutte contre la junte birmane afin de faciliter les opérations de secours. Le groupe rebelle affirme qu'il coopérera avec les Nations unies et les ONG afin d'assurer « la sécurité, le transport et la mise en place de camps d'aide et de soins médicaux temporaires » dans les zones qu'il contrôle.

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Vous ne trouverez pas davantage d'informations sur les conflits (ethniques) qui durent depuis des décennies en Birmanie dans nos médias grand public. Qu'est-ce que le PDF ? Vous n'entendrez pas non plus parler du fait qu'une précédente catastrophe dans l'ancienne Birmanie (un cyclone) a fait environ 100.000 victimes. La Birmanie compte 56 millions d'habitants, dont 4% sont chrétiens et 4% musulmans. 89% sont bouddhistes. Au cours des dernières décennies, le Myanmar a souvent été gouverné par des juntes, après que les militaires aient pris le pouvoir à la suite d'un coup d'État. Depuis des décennies, divers groupes ethniques et divers peuples (Karen, Arakan, Kachin) mènent une guérilla contre le gouvernement central. Les drogues jouent un rôle important dans ce conflit. Le magazine français de géopolitique Conflits a récemment publié une interview d'Adam Benna, conseiller en médias à Chiang Mai, en Thaïlande. Il connaît assez bien la situation au Myanmar et souligne les éléments géopolitiques du dossier « Myanmar-Birmanie ».

Le régime semble en chute libre

Fin octobre 2023, plusieurs groupes rebelles, réunis pour l'occasion sous le nom de Three Brotherhood Alliance, ont lancé une grande campagne militaire contre la junte militaire, l'opération 1027. L'alliance rebelle était composée de l'Arakan Army, de la Myanmar National Democratic Alliance MNDAA et de la Ta'ang National Liberation Army. L'armée de libération Kachin, la milice d'un autre peuple combatif sur le territoire du Myanmar, ne fait pas partie de la coalition. L'armée régulière de la junte a été prise de vitesse et a dû céder beaucoup de terrain.

Mais outre cette action militaire, il y a aussi l'opposition de l'ancienne femme d'État Aung San Suu Kyi, le gouvernement d'unité nationale, avec sa milice, la Force de défense populaire (PDF). Cette armée s'est également impliquée dans les combats, aux côtés de la Three Brotherhood Alliance. Tous aspirent au renversement de la junte militaire, mais leur unité s'arrête là. Les Arakan, les Kachin et d'autres groupes aspirent à l'indépendance. Il reste difficile, voire impossible, d'aligner tous les groupes rebelles sur un même objectif.

Sous la pression de la Chine, un cessez-le-feu temporaire a été négocié. Le régime tente de se maintenir au pouvoir, mais il est clair pour de nombreux commentateurs que la junte est en train de perdre la partie. Beaucoup dépendra de qui prendra finalement les rênes, une fois que toutes les troupes auront regagné leurs casernes. Beaucoup considèrent le retour du NUG d'Aung San Suu Kyi comme la seule alternative réaliste. Mais les autres groupes ethniques, qui souffrent beaucoup du chauvinisme des Bamar (le groupe majoritaire en Birmanie, 68% de la population), seront-ils disposés à suivre cette voie ? Comment le vide sera-t-il comblé une fois que la junte militaire aura quitté le pouvoir ? Pour être complet, précisons que la junte recrute pour l'armée du Myanmar (presque) exclusivement parmi la population Bamar.

Remise_du_Prix_Sakharov_à_Aung_San_Suu_Kyi_Strasbourg_22_octobre_2013-18-683x1024-130189930.jpgAung San Suu Kyi (également de l'ethnie Bamar) est aujourd'hui âgée de 79 ans et jouit d'une grande crédibilité auprès des différents groupes ethniques. Elle est toujours détenue par le régime militaire. Le NUG affirme soutenir une démocratie de type fédéral, ce qui signifie que les différents groupes ethniques pourraient bénéficier d'une autonomie importante une fois le changement de pouvoir effectué.

Question clé : le trafic de drogue

Depuis des décennies, le Myanmar est un important producteur d'opium, après l'Afghanistan, il a même longtemps été le plus important. L'agence des Nations unies contre la drogue et le crime a constaté une forte augmentation de la production au Myanmar. De nombreux groupes rebelles dépendent financièrement du trafic de drogue, en particulier dans la région nordique de Shan, l'épicentre du Triangle d'Or (où se rejoignent les frontières du Myanmar, du Laos et de la Thaïlande). Presque toutes les milices de cette région sont soupçonnées de financer leurs activités grâce au trafic de drogue. Dans le cas de la soi-disant « armée de l'État Wa », on suppose même une confusion totale entre le trafic de drogue et les actions militaires (et une confusion entre les activités criminelles et les actions de guérilla).

Cette « armée de l'État Wa » dispose de plusieurs dizaines de milliers de soldats bien entraînés et est fortement influencée par la Chine qui, selon des sources bien informées, aurait le pouvoir d'interdire au groupe rebelle de développer davantage sa production et son commerce de drogue. Jusqu'à présent, la Chine n'a pas mis de bâtons dans les roues de l'armée de l'État Wa.

Il est clair que le trafic de drogue en Birmanie fait partie de l'économie de guerre du pays. La question se pose naturellement de savoir ce qu'un nouveau gouvernement NUG fera dans ce domaine. Il est peut-être révélateur qu'un précédent gouvernement dirigé par Aung San Suu Kyi, au pouvoir entre 2016 et 2021, n'ait démantelé aucun réseau de trafic de drogue. Il y a eu quelques tentatives, mais rien de plus. Certaines milices annexées à des gangs de trafiquants de drogue se moquent probablement de savoir qui dirige la capitale Naypyidaw, tant que celle-ci ne s'immisce pas dans le domaine des gangs...

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Des alternatives économiques devront être trouvées, et la géopolitique entre également en jeu, explique Adam Benna dans le magazine français. La Thaïlande, la Chine, le Bangladesh et l'Inde devront être convaincus de fermer les routes de contrebande et de sévir contre les infractions. Une fois de plus, le rôle crucial de la Chine dans ce conflit est frappant: les initiés supposent une forte influence chinoise sur des milices telles que la MNDAA, la TNLA et l'UWSA (l'armée de l'État Wa). Si la junte militaire birmane ne répond pas aux souhaits (principalement économiques et stratégiques) de la Chine, le changement de régime pourrait bien se produire plus rapidement que prévu. La Chine souhaite avant tout la stabilité dans la région et joue actuellement un double jeu : elle négocie avec la junte tout en soutenant certaines factions rebelles dans leurs actions militaires.

Le scénario dans lequel le NUG parvient à chasser la junte et à prendre le contrôle de certaines régions du Myanmar (Chin, Karenni et la région centrale de Bamar) semble réaliste. D'autres régions, notamment dans le nord, n'en feraient pas partie et deviendraient ou resteraient semi-indépendantes, jusqu'à ce que des négociations changent (peut-être) la donne. Mais cela ne signifie pas pour autant que le trafic de drogue aura disparu de cette partie de l'Asie.

La situation est grave, mais pas désespérée, selon Adam Benna.

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mercredi, 04 juin 2025

Inde, Pakistan et Cachemire

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Inde, Pakistan et Cachemire

Raphael Machado

Une nouvelle escalade au Cachemire pourrait conduire à une guerre nucléaire. Qu'est-ce qui se cache derrière cela ?

Le fait que les tensions entre l'Inde et le Pakistan ne s'apaisent pas montre que la phase actuelle de ce conflit qui dure depuis des décennies est, à tout le moins, suffisamment importante pour mériter une brève analyse.

La cause immédiate de l'escalade actuelle entre l'Inde et le Pakistan (qui a déjà entraîné l'expulsion de citoyens des deux pays, la rupture de traités et de relations commerciales, la mobilisation de troupes, ainsi que quelques escarmouches) a été un attentat terroriste perpétré par un groupe appelé « Front de résistance », qui serait une ramification du groupe salafiste Lashkar-e-Taiba, basé au Pakistan. L'attentat en question a causé la mort de près de 30 touristes qui visitaient le Cachemire, pour la plupart des Indiens.

Le conflit n'est toutefois pas récent. En pratique, dans une certaine mesure, il semble avoir été fomenté dès le début par les Britanniques. Lors de la préparation de la partition après la fin de la domination britannique dans l'Hindustan, la question de la fragmentation de cet ensemble en au moins deux parties s'est posée. Comme il était impossible de transformer une région aussi complexe du monde en deux États-nations à base ethnique, les Britanniques ont préparé le terrain pour ce qui s'en rapprocherait le plus, à savoir deux États-nations dont la prétention à l'« homogénéité » était fondée sur la religion.

Au départ, l'intérêt était de courtiser l'élite islamique du Bengale afin de l'instrumentaliser contre les hindous, mais cela a semé à long terme les graines d'un conflit qui s'est avéré inévitable, car pour des raisons historiques, les deux pays comptaient des populations appartenant à la religion majoritaire de l'autre pays. C'est d'ailleurs dans l'élite islamique qui cherchait à s'occidentaliser que se trouve la racine du « séparatisme islamique » en Inde, comme en témoignent les idées de Sayyed Ahmad Khan, qui ont ensuite été dépassées par les idées plus « traditionalistes » de Muhammad Iqbal et Muhammad Ali Jinnah.

Le Cachemire se trouvait en plein milieu de la fracture hindoustani, et malgré une population majoritairement islamique, son élite dirigeante était hindoue. Au départ, le Cachemire a donc refusé de s'intégrer au Pakistan ou à l'Inde, et a prétendu s'établir comme un État indépendant. Les Pakistanais ont jugé cette décision absurde et, dans leur irrédentisme, ont tenté de s'emparer du Cachemire par la force, ce qui a conduit son gouvernement à demander son annexion à l'Inde en échange d'une protection. L'Inde, quant à elle, était disposée à absorber le Cachemire, considérant qu'il était la patrie de tous les Indiens, dans une vision impériale supra-religieuse. Le Cachemire a donc été le théâtre de trois conflits entre l'Inde et le Pakistan, en 1947, 1956 et 1999.

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Au-delà des questions religieuses qui ont entrées en jeu, la région a revêtu une importance géostratégique propre. De par sa position géographique (située au carrefour de l'Inde, du Pakistan, de la Chine et de l'Afghanistan, au pied de l'Himalaya), le Cachemire est l'axe du sous-continent indien. Ses fleuves constituent d'excellentes frontières défensives naturelles pour les deux parties, et ses terres sont extrêmement fertiles.

Pour le Pakistan, aujourd'hui, le Cachemire revêt une importance encore plus grande en raison du projet de corridor sino-pakistanais reliant le Xinjiang au port pakistanais de Gwadar. Cependant, le projet traverse une partie du Cachemire administrée par le Pakistan, de sorte qu'un conflit généralisé dans la région enterrerait le projet et couperait probablement le Pakistan de la Chine. Le corridor est fondamentalement nécessaire pour réduire la dépendance du Pakistan vis-à-vis des États-Unis et de l'Arabie saoudite.

C'est dans ce contexte d'intérêt pakistanais pour le Cachemire qu'il faut également lire la politique étrangère du pays sur ce sujet depuis les années 1980. Après avoir été vaincu militairement par l'Inde, l'ISI (les services de renseignement pakistanais, qui constituent presque un État parallèle) a commencé à utiliser l'Afghanistan pour former des insurgés destinés à être utilisés au Cachemire dans le but de déstabiliser la région et, avec un peu de chance, de la séparer de l'Inde. Tel a été la constante de la projection de puissance du Pakistan non seulement au Cachemire, mais aussi en Afghanistan même et dans le reste de la région.

Pour l'Inde, quant à elle, outre l'importance propre du Cachemire pour des raisons historiques et géoéconomiques, il y a la volonté de Modi de laver l'honneur de l'Inde après la débâcle honteuse au Bangladesh, lorsque l'Inde a simplement assisté à la perte de son principal allié régional au profit d'une révolution colorée, sans réagir (même face à la persécution des hindous dans ce pays voisin).

Il est impossible de savoir si ces tensions déboucheront sur un conflit important, mais il existe des indices forts de préparation de ressources militaires des deux côtés. Le point important ici est que le Pakistan a pour doctrine de « frapper en premier » avec des armes nucléaires si l'existence de son État est menacée par une défaite militaire. L'Inde, quant à elle, n'utiliserait des armes nucléaires qu'en réponse à l'utilisation d'armes nucléaires par le Pakistan.

Il est important de souligner ici que ces deux pays sont des partenaires importants de la Russie et qu'ils jouent tous deux un rôle dans la stratégie méridionale par laquelle la Russie a compensé la perte de ses partenariats européens et occidentaux. Un conflit au Cachemire entre les deux pays n'intéresserait donc que l'Occident.

Le mieux dans ce cas serait que la Russie, la Chine et l'Iran agissent directement pour apaiser les esprits et pacifier la situation, car ces pays ont beaucoup à perdre dans ce conflit et, dans la pratique, si la situation dégénère, les répercussions pourraient finir par affecter la planète entière.

mardi, 03 juin 2025

La Chine est-elle moderne ou traditionnelle?

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La Chine est-elle moderne ou traditionnelle?

Raphael Machado

Lorsque l'on débat de la Chine aujourd'hui, l'une des questions qui se pose est de savoir si le pays a complètement embrassé la modernité ou s'il reste attaché à la tradition.

L'un des principaux débats actuels sur la Chine est de savoir si elle est « capitaliste » ou « socialiste », avec de bons arguments des deux côtés (et même de bons arguments qui vont dans le sens du "ni l'un ni l'autre").

Une discussion moins populaire, mais plus intéressante, porte sur la question de savoir si la Chine contemporaine correspond à une « société traditionnelle » ou si elle s'inscrit déjà pleinement dans les repères de la modernité.

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Par « société traditionnelle », nous entendons ici l'adhésion sociopolitique à des principes considérés comme intemporels et inconditionnels, qui renverraient à une dimension transcendante et sacrée et qui irradieraient la totalité sociale. Le contenu de cette principologie dépendrait naturellement de la manière dont un peuple s'est structuré historiquement (raison pour laquelle la « tradition » a une nature kaléidoscopique – elle est une éternité instanciée). Par modernité, nous faisons bien sûr essentiellement référence aux croyances des Lumières dans la primauté de la raison, le constitutionnalisme, la séparation entre l'État et la religion, la conception négative de la liberté, le principe de légalité, etc.

D'une manière générale, les arguments en faveur de la catégorisation de la Chine contemporaine comme pleinement moderne soulignent la persécution religieuse menée par le maoïsme, le contrôle des religions par l'État, le pragmatisme technique et pratique dont font preuve les Chinois dans leurs affaires et leurs relations, sans oublier, bien sûr, le fait que le PCC interdit officiellement à ses membres d'avoir une religion.

La réalité est cependant infiniment plus complexe.

Tout d'abord, parce que la conception chinoise de la « religion » est totalement différente de la perception occidentale. Pour les Chinois, « religion » (zongjiao) désigne exclusivement les sectes organisées et institutionnelles dotées d'une doctrine et d'un dogme. Cela exclut d'emblée tant la spiritualité populaire (appelée plus récemment « shénisme » ou « shénxianisme ») que le confucianisme. Pour le PCC (et pour la plupart des Chinois), adhérer aux rites traditionnels chinois et aux pratiques et croyances confucéennes n'équivaut pas à avoir une « religion ». Il est donc possible de participer au culte des ancêtres, de pratiquer le feng shui, d'allumer de l'encens pour l'Empereur Jaune et de participer aux rites confucéens sans être considéré comme ayant une « religion ».

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Guénon est, à proprement parler, un auteur qui rejette classiquement l'attribution du mot « religion » (telle qu'elle est comprise lorsqu'on parle de christianisme, de judaïsme et d'islam) aux traditions orientales, y compris le taoïsme et le bouddhisme (qui sont considérés comme des « religions » en Chine), car Guénon affirme qu'elles sont dépourvues des éléments sentimentaux, moraux et dévotionnels qui sont plus typiques de ces religiosités moyen-orientales.

C'est dans ce sens qu'il faut interpréter les statistiques religieuses de la Chine, où « identification religieuse » et « pratique religieuse » ne sont pas confondues. En d'autres termes, les statistiques indiquent que 90% de la population chinoise n'a pas de religion, mais que 80% de la population chinoise adopte régulièrement des pratiques religieuses traditionnelles. Cela inclut les membres du PCC. Une statistique du Pew Research Center, par exemple, indique que 79% des membres du PCC se rendent au moins une fois par an au cimetière pour vénérer leurs ancêtres. Ce taux est supérieur à celui de la population chinoise moyenne.

Il est intéressant de noter qu'en ce qui concerne les autres pratiques religieuses, les non-membres du PCC ont tendance à être plus religieux que les membres. Mais l'explication est très simple: la plupart des membres du PCC n'ont pas de religion... mais sont confucéens. Ils célèbrent tous les rites et fêtes confucéens, vénèrent leurs ancêtres, se rendent probablement dans les temples confucéens (qui sont d'ailleurs subventionnés par l'État) et cultivent les vertus confucéennes. En d'autres termes, le confucianisme « pur » semble être très populaire parmi les membres du Parti, tandis que le reste de la population est plus adepte du shénisme mélangé à des éléments confucéens, à du bouddhisme et du taoïsme. Néanmoins, 40% des membres du PCC pratiquent le feng shui, et au moins 18% d'entre eux brûlent de l'encens plusieurs fois par an pour Bouddha ou les dieux.

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En ce qui concerne les relations entre l'État et la religion, il est important de souligner que l'État chinois s'est toujours attribué le droit de contrôler, de placer sous tutelle, d'influencer et de supprimer les différentes sectes, écoles et doctrines qui ont tenté de se répandre en Chine. Ainsi, le fait que le PCC cherche à exercer une influence sur le christianisme, le taoïsme, le bouddhisme, etc. par le biais d'institutions alignées sur l'État signifie simplement que le PCC s'inscrit dans la continuité de la relation typique entre ces sphères en Chine.

En outre, on parle beaucoup du « contrôle négatif » imposé par la Chine, mais on mentionne rarement que la Chine vise à limiter la croissance des religions étrangères en particulier, alors qu'elle subventionne et encourage depuis plusieurs années l'ouverture de nouveaux temples et la formation de nouveaux prêtres bouddhistes, taoïstes, confucéens et shénistes. Il en résulte, par exemple, une augmentation de 300% de la fréquentation des temples bouddhistes depuis 2023, la majorité des fidèles étant des jeunes.

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Pour en revenir au confucianisme, l'État a récemment commencé à rétablir le guoxue dans les écoles, c'est-à-dire l'étude des classiques confucéens, qui était autrefois une condition préalable à la réussite des examens impériaux. En outre, il existe un courant intellectuel fort qui défend l'institutionnalisation du confucianisme et sa transformation en religion civile officielle. Bien que cela semble lointain, dans la pratique, la pensée de Xi Jinping représente déjà une synthèse entre le maoïsme et le confucianisme, ce qui est très explicite dans la manière non dualiste dont la Chine aborde aujourd'hui la question des classes sociales.

Laissant de côté l'adhésion et la pratique religieuses, nous pourrions nous détourner vers l'observation des valeurs traditionnelles chinoises. Le « communisme » a-t-il fondamentalement déraciné ou déstructuré les valeurs traditionnelles de la Chine ?

Pour cela, nous devons comprendre quelles sont ces valeurs. L'intellectuel russe Nikolai Mikhailov a énuméré une série de concepts, de principes et d'affections qui composent la vision traditionnelle chinoise du monde; nous pouvons en citer quelques-uns: « Le monde comme harmonie intrinsèquement parfaite entre le Ciel et l'Homme, comme un équilibre naturel et harmonieux des contraires, dont la violation implique la détérioration de la nature et de l'homme », « Rapidité, responsabilité, pragmatisme, religiosité quotidienne », « Perception de la société comme une « grande famille », où les intérêts de l'individu sont subordonnés aux intérêts de la famille, les intérêts de la famille aux intérêts du clan et les intérêts du clan aux intérêts de l'État », « paternalisme et tutelle des aînés sur les plus jeunes », « hospitalité », « modération », « dignité, humilité, obligation, respect des traditions et des canons, respect de la hiérarchie sociale, piété filiale, vénération des ancêtres, patriotisme, soumission aux supérieurs, sens du devoir et justice sociale ».

Ainsi, lorsqu'un anticommuniste sinophobe disqualifie la Chine contemporaine en la qualifiant de « collectiviste » ou critique les Chinois pour leur « soumission à la famille et au gouvernement », attribuant tout cela à la « Révolution », il ne fait que décrire des caractéristiques chinoises qui ont pourtant été cultivées depuis des millénaires. Même cette question de « faire payer le prix de la balle aux proches de la personne exécutée pour avoir été condamnée à mort » est typiquement chinoise. La tradition chinoise croit en des punitions collectives pour les familles suite aux crimes d'un de leurs membres, et considère cela comme une question évidente et habituelle.

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Passant des coutumes à une dimension plus métaphysique, même le Tianxia (c'est-à-dire l'idée de la Chine comme centre du monde, gouvernée par un Mandat Céleste, imprégnée de la mission d'apporter l'harmonie et l'équilibre aux « terres barbares ») reste vivante dans la pensée de Xi Jinping, dans la conception du multipolarisme selon Jiang Shigong (photo), qui envisage la Chine occupant le centre du cosmos dans une structure planétaire harmonieuse, bien que décentralisée. L'initiative « Belt & Road » n'est donc rien d'autre que l'application pragmatique et technique de l'idée métaphysique de « Tout sous le ciel ».

Il est toutefois indéniable que les Chinois ont souffert des mêmes dilemmes et fardeaux liés à l'urbanisation, au technocratisme, au consumérisme et à la société du spectacle – même si c'était peut-être d'une manière différente et dans une moindre mesure que les Occidentaux, les Européens, etc. La Chine a clairement connu une « modernisation » très rapide, même si elle n'était peut-être que partielle.

La meilleure catégorie pour décrire la condition chinoise est donc le concept douguinien d'« archéomodernité ». Selon Douguine, l'archéomodernité est « un système dans lequel tout est très moderniste à l'extérieur, mais profondément archaïque à l'intérieur ». Dans les pays archéomodernes, c'est comme s'il y avait deux niveaux existentiels contradictoires et concomitants: une sorte d'ordre officiel moderniste, tandis que la population reste profondément immergée dans le monde traditionnel.

Douguine utilise ce terme pour expliquer les contradictions russes et, à mon avis, il convient bien pour décrire la Chine, où coexistent gratte-ciel, méga-ponts, IA et drones, avec le culte religieux de Mao (et des dieux traditionnels), la pratique quotidienne de la médecine chinoise et l'utilisation du feng shui pour organiser les espaces publics et privés.

mardi, 27 mai 2025

Au Japon, la crise pourrait provoquer un séisme mondial comme rarement vécu

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Au Japon, la crise pourrait provoquer un séisme mondial comme rarement vécu

Source: https://es.sott.net/article/99653-En-Japon-la-crisis-pued...

Cela fait des années que nous avertissons que le Japon est une bombe à retardement pour l’économie mondiale, et mardi, le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a qualifié la situation de son pays de « pire que celle de la Grèce à ses moments les plus difficiles » – un petit pays européen dont plus personne ne parle. Il faut reconnaître à Ishiba une sincérité qui manque cruellement sur d’autres continents, où tout n’est que paroles rassurantes.

Cependant, il y a deux différences avec la Grèce : le Japon a un poids énorme dans l’économie mondiale, et Bruxelles n’a pas l’intention de venir le sauver.

Le Japon est entré en récession en 2023, à la fin de la pandémie. L’inflation est élevée (3,6%) et la dette a atteint 260% du PIB (bien plus que la Grèce), mais la période des faibles taux d’intérêt est révolue. Le rendement des obligations d’État à 30 ans a atteint officiellement un record historique de 3,15%. La gigantesque dette devient de plus en plus coûteuse pour le gouvernement de Tokyo.

Avec près de 9000 milliards de dollars de dette, le Japon est le pays le plus endetté au monde. De plus, il détient 1100 milliards de dollars de dette américaine, ce qui en fait le plus gros créancier étranger des États-Unis. La tentation serait de vendre cette dette pour payer la sienne, c’est-à-dire transférer le problème aux États-Unis.

Avec cette dette, le Japon a tenté de résoudre un problème – la déflation – mais en a créé un autre, jusqu’à arriver à une situation critique. « La situation est particulièrement délicate sur les marchés mondiaux, car deux crises fiscales s’entrelacent dans deux des économies les plus importantes de la planète : le Japon et les États-Unis », explique El Economista (*).

La crise pourrait non seulement provoquer une crise de la dette nationale, mais aussi faire du Japon le centre d’un « séisme financier comme on en a rarement vécu », car ce n’est plus seulement les États-Unis: les spéculateurs japonais détiennent au total 2,3 billions d’obligations étrangères, qu’ils seront prêts à vendre pour combler leurs propres trous.

Les Japonais vont retirer d’énormes capitaux des marchés mondiaux pour les ramener dans leur pays, car les taux d’intérêt sont désormais attractifs. Ce retrait va impacter Wall Street et les bourses européennes. La chute de 1929 paraîtra petite à côté.

Note:

(*) https://www.eleconomista.es/mercados-cotizaciones/noticia...

13:18 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : japon, asie, affaires asiatiques, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 25 mai 2025

L’Asie du Sud-Est rejette également le modèle des euro-toxicos pour les relations internationales

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L’Asie du Sud-Est rejette également le modèle des euro-toxicos pour les relations internationales

Ala de Granha

Source: https://electomagazine.it/anche-lasia-del-sud-est-rifiuta...

Le modèle des volontaires toxicos plaît de moins en moins dans le monde entier. Ce monde qui n’a pas besoin d’aides ou de poudre blanche pour penser. Ainsi, l’ANASE/ASEAN, l’alliance des pays d’Asie du Sud-Est, a décidé d’inviter Poutine à son sommet d’octobre à Kuala Lumpur. Ils précisent qu’ils ne partagent pas la guerre de Moscou en Ukraine, mais expliquent aussi aux euro-toxicos que, pour faire la paix avec Poutine, il faut parler et négocier avec Poutine.

Et pas seulement pour la question ukrainienne. Parce que les pays de l’ASEAN n’ont pas imposé de sanctions contre Moscou, ils ont continué d’acheter des ressources énergétiques, des fertilisants, même des armes. Et ils ont l’intention de continuer à le faire à l’avenir. Pour avoir une alternative au duopole Chine-États-Unis. Donc, disent-ils, bienvenue à Poutine, qu’il s’assoit à la table et qu’il discute de la construction d’un monde multipolaire, qui respecte les droits et intérêts des pays asiatiques.

D’ailleurs, la stupidité d’Ursula et des euro-toxicos a poussé Moscou de plus en plus vers l’Asie, en éliminant progressivement les éléments européens de la tradition russe, forcée de valoriser la composante asiatique, même minoritaire. Les Asiatiques, au contraire, sont très heureux de pouvoir compter sur un voisin fort, qui est une alternative à Pékin, avec qui se confronter et faire des affaires.

Parler plutôt que proférer des menaces, discuter plutôt que d’imposer des sanctions, négocier plutôt que d’appauvrir les peuples pour acheter des armes. Un modèle de relations internationales qui déplaît à Macron, à Starmer, à Merz, à Crosetto. Et bien sûr à Ursula.

C’est aussi à travers ces signaux et cette démonstration de stupidité que l’on comprend le déclin de plus en plus évident de l’Europe.

14:57 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, asean, asie, affaires asiatiques, anase | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 12 mai 2025

Le Pakistan et l'Inde vers un conflit. Cui prodest?

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Le Pakistan et l'Inde vers un conflit. Cui prodest?

par Stefano Vernole

(Vice-président, Centre d'études Eurasie et Méditerranée)

Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2025/05/pakistan-e-india-vers... 

Le Pakistan affirme que l'Inde prépare une « attaque militaire imminente » et, si c'est le cas, la région de l'Asie du Sud plongerait dans la catastrophe.

SOURCE DE L'ARTICLE : https://strategic-culture.su/news/2025/05/05/pakistan-ind... 

Le prétexte officiel ? Une attaque sanglante à Pahalgam, au Cachemire, qui a tué 26 civils le 22 avril. Et s'il ne s'agissait que du dernier « casus belli » d'une stratégie atlantiste vieille de plusieurs décennies, destinée à attiser la ferveur nationaliste et à détourner l'attention de crises plus profondes?

L'avertissement du Pakistan est clair: toute agression indienne sera répoussée par la force. Les deux parties sont prises au piège d'une « guerre froide » régionale dans l'ombre d'un réalignement mondial. La Chine et la Russie sont des observateurs inquiets, qui appellent à la retenue et se proposent comme médiateurs. Et les États-Unis d'Amérique? Ils sourient en arrière-plan, avides d'instabilité pour maintenir l'Eurasie divisée et continuer à « gonfler » les profits du complexe militaro-industriel.

Le moment ne pourrait être plus suspect. Le dollar vacille. L'Occident s'enfonce dans le déclin moral et économique. Les BRICS+ apparaissent de plus en plus comme la seule alternative à l'indigne gouvernance mondiale nord-américaine. Que tout cela se termine par une escarmouche ou par une spirale plus large, il y a une certitude: lorsque l'ordre unipolaire vacille, le chaos devient monnaie courante et la guerre devient possible.

Lors d'un rassemblement public organisé à la hâte dans le Bihar, où des élections législatives auront lieu d'ici la fin de l'année, le Premier ministre indien Modi a porté la rhétorique guerrière à un nouveau niveau: «Aujourd'hui, depuis le sol du Bihar, je dis au monde entier: l'Inde identifiera, traquera et punira tous les terroristes et ceux qui les soutiennent. Nous les poursuivrons jusqu'au bout du monde». Il a ajouté: «Le châtiment sera important et sévère, ce à quoi ces terroristes ne songeraient même pas». Le ministre de la défense, Rajnath Singh, a déclaré : « Les responsables de tels actes recevront une réponse ferme dans un avenir proche. Nous ne punirons pas seulement les monstres qui ont perpétré cet acte de brutalité et de barbarie. Nous nous adresserons également à ceux qui se sont cachés derrière un rideau pour mener à bien cette conspiration. Les agresseurs et leurs maîtres seront pris pour cible». De même, le ministre de l'intérieur de l'Union, Amit Shah, a déclaré: «Les auteurs de cette lâche attaque terroriste ne seront pas épargnés. Et face à une nation qui les observe de près, ces mots sont plus qu'une promesse: ils sont un avertissement» (1).

La date de l'attentat de Pahalgam mérite d'être analysée de près. Il s'est produit alors que le Premier ministre Modi était en visite en Arabie saoudite, que le vice-président américain J. D. Vance était en Inde avec sa famille et juste avant que Donald Trump n'annonce une suspension des droits de douane à New Delhi. En outre, alors que les élections au Bihar sont prévues pour octobre-novembre 2025, de nombreux États clés comme l'Assam, le Kerala, le Tamil Nadu et le Bengale occidental devraient aller aux urnes en 2026. Sur le plan intérieur, les musulmans ont vivement protesté dans tout le pays contre la loi Waqf récemment adoptée, car elle est considérée comme une nouvelle loi anti-musulmane après la loi d'amendement sur la citoyenneté (CAA). Le gouvernement indien a été fortement incité à créer une distraction et à détourner l'attention du public. Après avoir accusé le Pakistan sans enquête appropriée et sans fournir de preuves, l'Inde a proclamé une série de mesures de rétorsion. Elle a notamment décidé de suspendre le traité sur les eaux de l'Indus, qui date de 1960, et a annoncé la fermeture du poste de contrôle intégré d'Attari. Il a été conseillé à tous ceux qui avaient franchi la frontière munis d'un visa valide de repasser par cette voie avant le 1er mai 2025. L'Inde a ajouté que les ressortissants pakistanais ne seront pas autorisés à entrer dans le pays avec des visas relevant du programme d'exemption de visa de l'ASACR (SVES) et que tous les visas délivrés aux ressortissants pakistanais sont considérés comme annulés, tandis que les ressortissants pakistanais qui se trouvent actuellement en Inde n'ont que 48 heures pour quitter le pays.

Les conseillers militaires, navals et aériens du haut-commissariat du Pakistan à New Delhi ont été déclarés « personae non gratae » et ont reçu un délai d'une semaine pour quitter l'Inde. New Delhi a également décidé de retirer ses conseillers de la défense, de la marine et de l'armée de l'air du haut-commissariat indien à Islamabad.

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En réponse, le Pakistan, à la suite de la réunion du comité de sécurité nationale, a rejeté la décision de l'Inde de « geler » le traité sur l'eau, soulignant qu'aucune clause de l'accord n'autorise sa suspension unilatérale. Le Pakistan a averti que tout détournement des eaux serait considéré comme un « acte de guerre » et a décidé de fermer son espace aérien à l'Inde. Alors que le Pakistan avait déjà bloqué le commerce bilatéral suite aux mesures illégales et unilatérales prises par l'Inde le 5 août 2019 concernant l'IIOJK (la région du Jammu-Cachemire), il vient d'annoncer la suspension de toutes les formes de commerce, y compris le commerce avec des pays tiers via le territoire pakistanais (2).

Le Pakistan a également demandé aux citoyens indiens de quitter le pays, à l'exception des Sikhs Yatri, et a indiqué qu'il se réservait le droit de suspendre les accords bilatéraux, y compris l'accord de Simla. Le Pakistan a ensuite exprimé sa ferme détermination à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale contre toute « mésaventure ». Ces derniers jours, les tensions bilatérales croissantes ont été accompagnées d'informations faisant état d'une escalade des échanges de tirs le long de la ligne de contrôle (Line of Control / LoC).

Selon Islamabad, ce n'est qu'une question de temps avant que le monde n'apprenne que cette attaque sur Pahalgam faisait également partie de la stratégie habituelle de déstabilisation par le biais d'une opération sous faux drapeau. Le Pakistan, qui est engagé dans une lutte résolue contre le terrorisme à partir de sa frontière occidentale, ne peut guère se permettre d'ouvrir un nouveau front à ses frontières orientales: les accusations indiennes semblent en effet dénuées de toute logique.

Le problème est qu'à moins qu'une enquête internationale neutre et indépendante ne soit menée sur l'incident - comme l'a immédiatement exigé Pékin - pour vérifier la responsabilité éventuelle de « tierces parties » dans l'attaque, New Delhi et Islamabad continueront d'échanger des accusations mutuelles, alimentant la rhétorique nationaliste et se dirigeant vers un conflit ouvert extrêmement dangereux, puisqu'il s'agit de deux puissances nucléaires. Des exercices de guerre de l'armée d'Islamabad sont actuellement en cours dans les régions de Sialkot, Narowal, Zafarwal et Shakargarh, à la frontière entre le Pakistan et l'Inde.

Il s'agit donc d'un test important pour la stratégie d'intégration eurasienne, puisque l'Inde et le Pakistan appartiennent tous deux à l'Organisation de coopération de Shanghai; en outre, Islamabad a depuis longtemps exprimé sa volonté de rejoindre les BRICS et de participer au Corridor international Nord-Sud, des initiatives auxquelles l'Inde participe déjà depuis des années.

NOTES:

(1) Mahwish Hafeez, Pahalgam Incident : Another False Flag Operation ?, ISSI, Islamabad, 29 avril 2025.

(2) Stefano Vernole, KASHMIR WITHOUT PEACE : A FOCUS ON INTERNATIONAL LAW, www.cese-m.eu, 7 février 2025.