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jeudi, 24 février 2011

Futurisme et dadaisme chez Evola

Futurisme et dadaïsme chez Evola

 

Salvatore FRANCIA

 

653-b.jpgNous devons également mentionner l'influence qu'exerça sur Evola adolescent le groupe qui s'était constitué autour des revues de Giovanni Papini et du mouvement futuriste. Le jeune Evola ne tarda pas à reconnaître toutefois que l'orientation générale du futurisme ne s'accordait que fort peu avec ses propres inclinaisons. Dans le futurisme, beaucoup de choses lui déplaisaient : le sensualisme, l'absence d'intériorité, les aspects tapageurs et exhibitionnistes, l'exaltation grossière de la vie et de l'instinct, curieusement mêlée a­vec celle du machinisme et d'une espèce d'américanisme, même si, par ailleurs, le futu­risme se référait à des formes chauvines de nationalisme.

 Justement, à propos du nationalisme, ses divergences de vue avec les futuristes appa­raissent dès le déclenchement de la première guerre mondiale, à cause de la violente campagne interventionniste déclenchée par le groupe de Papini et le mouvement futuris­te. Pour Evola, il était inconcevable que tous ces gens, avec à leur tête Papini, épousas­sent les lieux communs patriotards les plus éculés de la propagande anti-germanique, croyant ainsi sérieusement appuyer une guerre pour la défense de la civilisation et de la liberté contre la barbarie et l'agression.

 Evola, à l'époque, n'avait encore jamais quitté l'Italie et n'avait qu'un sentiment confus des structures hiérarchiques, féodales et traditionnelles présentes en Europe centrale, a­lors qu'elles avaient quasiment disparu du reste de l'Europe à la suite de la révolution française. Malgré l'imprécision de ses vues, ses sympathies allaient vers l'Autriche et l'Al­lemagne et il ne souhaitait pas l'abstention et la neutralité italiennes, mais une interven­tion aux côtés des puissances impériales d'Europe centrale. Après avoir lu un article d'E­vola dans ce sens, Marinetti lui aurait dit textuellement : « Tes idées sont aussi éloignées des miennes que celles d'un Esquimau ».

Après 1918, Evola est attiré par le mouvement dadaïste, surtout à cause de son radicalis­me. Le dadaïsme défendait une vision générale de la vie sous-tendue par une impulsion vers une libération absolue se manifestant sous des formes paradoxales et déconcertan­tes, accompagnées d'un bouleversement de toutes les catégories logiques, éthiques et esthétiques. « Ce qui vit en nous est de l'ordre du divin, affirmait Tristan Tzara, c'est le ré­veil de l'action anti-humaine ». Ou encore : « Nous cherchons la force directe, pure, sobre, unique, nous ne cherchons rien d'autre ». Le dadaïsme ne pouvait conduire nulle part : il signalait bien plutôt l'auto-dissolution de l'art dans un état supérieur de liberté. Pour Evo­la, c'est en cela que résidait la signification essentielle du dadaïsme. C'est ce que nous constatons en effet à la lecture de son article « Sul significato dell'arte modernissima », re­produit en appendice de ses Saggi sull'idealismo magico, publiés en 1925. En réalité, le mouvement auquel Evola avait été associé n'a réalisé que bien peu de choses. Evola en avait espéré davantage. Si le dadaïsme représentait la limite extrême et indépassable de tous les courants d'avant-garde, tout ne s'auto-consommait pas dans l'expérience d'une rupture effective avec toutes les formes d'art.

Au dadaïsme succéda le surréalisme, dont le caractère, du point de vue d'Evola, était ré­gressif, parce que, d'une part, il cultivait une espèce d'automatisme psychique se tour­nant vers les strates subconscientes et inconscientes de l'être (au point de se solidariser avec le psychanalyse elle-même) et, d'autre part, se bornait à transmettre des sensations confuses venues d'un « au-delà » inquiétant et insaisissable de la réalité, sans aucune ou­verture véritable vers le haut.

 Il est difficile de parler de la peinture d'Evola, vu l'abstraction des sujets. En contemplant les tableaux d'Evola et en lisant ses poèmes dadaïstes, on comprend que le monde mo­derne, tel que le percevaient les élites des premières années de notre siècle, apparais­sait comme le symbole du dénuement et de la purification. Ces élites rejetaient les ori­peaux de la culture bourgeoise du XIXème et voulaient créer rapidement une « nouvelle objectivité » que certains ont cru découvrir dans le bolchevisme et d'autres dans le nazis­me.

 À 23 ans, Evola cesse définitivement de peindre et d'écrire des poésies. Ses intérêts le portent vers une autre sphère.

 (Extrait de Il pensiero tradizionale di Julius Evola, Società Editrice Barbarossa, Milano, 1994 ; ouvrage disponible auprès de notre service librairie. Prix: 240 FB ou 45 FF, port compris).

vendredi, 03 décembre 2010

Fauves français, expressionnistes allemands: "la peinture n'est pas un soulagement"

Fauves français, expressionnistes allemands : « la peinture n’est pas un soulagement »

par Pierre LE VIGAN

Ex: http://www.europemaxima.com/

fauv.jpgQuand deux mouvements artistiques se rencontrent, cela enrichit souvent les deux. C’est ce que démontre le Musée Monet-Marmottan avec l’exposition « Fauves et expressionnistes ». D’un côté, on trouve les « Fauves » français, de l’autre les expressionnistes allemands. Les œuvres exposées viennent du musée von der Heydt de Wuppertal, en Rhénanie du Nord. Les « Fauves », c’est Raoul Dufy (Le Port du Havre, 1906), Georges Braque, Auguste Herbin (Portrait de jeune fille, 1907), Maurice de Vlaminck (Trois maisons, 1910), Kees van Dongen, néerlandais d’origine (Nu couché, 1910), André Derain, Robert Delaunay… Du côté allemand, on trouve principalement deux groupes. Ils furent tous deux annoncés par la révolution artistique du Norvégien Edvard Munch (Jeune fille au chapeau rouge, 1905). L’un de ces groupes est Le Pont (Die Brücke). C’est une école artistique fondée à Dresde en 1905. Erich Heckel dira à propos du choix du nom, Le Pont , « parce que c’était un mot à double sens, et qui ne désignerait pas un programme précis, mais conduirait dans un certain sens d’une rive à l’autre ».

Avec Le Pont, ce qui était à l’ordre du jour, c’était de se dégager des pesanteurs, de retourner à l’origine. Des nus sont peints en plein air, exprimant le bonheur et la liberté des corps. C’est d’abord la période berlinoise vers 1911 puis, très vite, l’éclatement du groupe à partir de 1913. Chacun trace alors son propre sillon. C’est la montée en maîtrise artistique de Karl Schmidt-Rottluff (Deux femmes, 1914), Ernst Ludwig Kirchner, un des plus grands (Quatre baigneuses, 1910; Femmes dans la rue, 1914), Otto Müller (Deux filles se baignant, 1921, Autoportrait avec pentagramme, 1922), Emil Nolde (Crépuscule, 1916), Erich Heckel (Portrait d’Otto Müller, 1925, aquarelle), Max Pechstein (Portrait masculin, auto-portrait, 1917)…

Il se crée à côté des artistes de Die Brücke le N.K.V.M. (la Nouvelle association des artistes de Munich). Elle est fondée en 1909. L’ambition est peut-être plus grande encore qu’avec Le Pont, il s’agit de déterminer une nouvelle orientation spirituelle. L’état d’esprit est « un retour à l’homme primitif, proche de la nature et sans faute ». C’est la recherche d’un monde sans péché. L’influence de l’art nègre est sensible même si l’enracinement dans les influences européennes reste prépondérant. Le mouvement est plein de vitalité mais disparate : Alexej von Jawlensky, peu convaincant, côtoie le très remarquable Adolf Erbslöh (Maison dans le jardin, 1912, Jardin des parents de l’artiste à Barmen, 1912), le Russe Vassily Kandinsky avec sa formidable Église villageoise sur les bords du lac de Rieg (1908), Wladimir von Bechtejeff, qui atteint souvent au chef d’œuvre comme avec Rencontre sur un bord de rivière (sans date), et encore Gabriele Münter, une des rares femmes (Paysage sous le givre, 1911), Wilhem Morgner, plus inégal… Forces des couleurs et expression du mouvement sont les principes.

b540a.jpgEn 1911, par scission du N.K.V.M. est fondé le mouvement Le Cavalier Bleu (Der Blaue Reiter) avec August Macke, Franz Marc, Paul Klee (le moins doué) et Vassily Kandinsky. L’idée du nom vient du Cavalier Bleu de Kandinsky (1903) tout autant que de la prédilection de Franz Marc pour les dessins et peintures de chevaux (Cheval bleu, 1911). Kandinsky déclare : « Le cheval porte son cavalier avec vigueur et rapidité, mais c’est le cavalier qui conduit le cheval. Le talent conduit l’artiste à de hauts sommets, mais c’est l’artiste qui maîtrise son talent ». August Macke, qui fut une des figures du N.K.V.M. illustre superbement la vitalité du Cavalier Bleu à ses débuts (Paysage avec trois jeunes filles, 1911). Il meurt sur le front de Champagne à 27 ans. Franz Marc est un artiste majeur lui aussi, c’est sans doute un des plus doués, des plus nets et affirmés du groupe (Renard d’un bleu noir, 1911). Il meurt en 1916 près de Verdun.

D’autres artistes se rattachent aussi à cette sensibilité : le grand Max Beckmann (Autoportrait en infirmier, 1915; Vue à Berlin du quartier de la gare de Gesundbrunnen, 1914), Otto Dix, créatif mais un peu désarticulé, Georg Grosz, baroque et tourmenté, Conrad Felixmüller (Autoportrait avec femme, 1920), au projet artistique très cohérent et sûr, Christian Rohlfs (Jouvencelles, 1915)… C’est le courant de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit).

On y trouve aussi le puissant Franz Radziwill (Sombre paysage, 1923), Karl Hubbuch, jubilatoire et inspiré, Otto Griebel, peintre se voulant « prolétarien » et à vrai dire inégal… La Nouvelle Objectivité se scinda en deux : une aile « droite », qui fait parfois penser à Giorgio de Chirico, en moins apprêté, et une aile « gauche », proche des bolchéviques russes et allemands, à vrai dire fort loin du néo-classicisme stalinien vers lequel évoluera le bolchévisme culturel. Comme quoi la modernité est toujours ambivalente.

La notion d’authenticité sera toujours importante chez les expressionnistes. Emil Nolde le montrera sans cesse. De son côté, Max Pechstein, chassé de Poméranie par les Russes en 1945, écrira alors : « Mais qu’est-ce [que mes plaisirs actuels de création] en comparaison avec ma frénésie créative dans ma Poméranie bien aimée ? La vie authentique dans une nature authentique me manque. Je brûle d’y retourner et suis constamment nostalgique. J’espère pouvoir avoir encore une fois l’occasion d’y séjourner ». Cela ne se fera pas.

C’est Otto Dix qui constitue le point d’aboutissement de l’exposition. Il fut un exilé intérieur sous Hitler, même si en 1933 Goebbels avait salué « les saines conceptions de ce mouvement » (l’expressionnisme). Otto Dix avait marqué un tournant. À propos de son tableau À la beauté (1922), Lionel Richard a écrit : « L’Hommage à la Beauté d’Otto Dix, tableau de 1922, met en spectacle avec ironie cette défaite et cet effacement de l’expressionnisme. Le peintre en personne est au centre. Costume élégant, toilette soignée. Ce dandy tient dans une main l’écouteur d’un téléphone. Arrière-fond, un décor artificiel de style néo-classique, avec un salon de danse où un musicien noir rythme du jazz à la batterie. »

On a reproché aux expressionnistes allemands de se complaire dans la peinture des médiocrités du monde moderne voire des horreurs de la guerre. Pourtant, Otto Dix affirmait : « Je ne suis pas obsédé par le fait de montrer des choses horribles. Tout ce que j’ai vu était beau ». Il disait encore : « La peinture n’est pas un soulagement. La raison pour laquelle je peins est le désir de créer. Je dois le faire ! J’ai vu ça, je peux encore m’en souvenir, je dois le peindre ».

Pierre Le Vigan

Exposition Fauves et expressionnistes. De Van Dongen à Otto Dix. Chefs d’œuvres du musée Von der Heydt, jusqu’au 20 février 2010. Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis-Boilly 75016 Paris, Tél : 01.44.96.50.33. Catalogue Éditions Hazan.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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samedi, 30 octobre 2010

Filippo Marinetti

marinetti-Futurismo.jpgFilippo Marinetti

Kerry BOLTON
 
 
Filippo Marinetti is unlike most of the post-nineteenth Century cultural avant-garde who were rebelling against the spirit of several centuries of liberalism, rationalism, the rise of the democratic mass, industrialism, and the rule of the moneyed elite. His revolt against the leveling impact of the democratic era was not to hark back to certain perceived ‘golden ages’ such as the medieval eras upheld by Yeats and Evola, or to reject technology in favor of a return to rural life, as advocated by Henry Williamson and Knut Hamsun. To the contrary, Marinetti embraced the new facts of technology, the machine, speed, and dynamic energy, in a movement called Futurism.

The futurist response to the facts of the new age is therefore a quite unique reaction from the anti-liberal literati and artists and one that continues to influence certain aspects of industrial and post-industrial sub cultures. An example of a contemporary cultural movement paralleling Futurists is New Slovenian Art, which like futurism embodies music, graphic arts, architecture, and drama. It is a movement whose influence is felt beyond the borders of Slovenia. The best-known manifestation of this art form is the industrial music group Laibach.

Marinetti is also the inventor of free verse in poetry, and Futurist adherents have had a lasting impact on architecture, motion pictures and the theater. The Futurists were the pioneers of street theatre. They inspired both the Constructivist movement in the USSR and the English Vorticists Ezra Pound and Wyndham Lewis.

Marinetti was born in Alexandria Egypt in 1876. He graduated in law in Genoa in 1899. Although the political and philosophical aspects of the course held his interest, he traveled frequently between France and Italy and interested himself in the avant-garde arts of the later nineteenth Century promoting young poets in both countries. He was already a strong critic of the conservative and traditional approaches of Italian poets. He was at this time an enthusiast for the modern, revolutionary music of Wagner, seeing it as assailing “equilibrium and sobriety . . . meditation and silence . . . ”

By 1904, Futurist elements had manifested in his writing, particularly in his poem Destruction that he called “an erotic and anarchist poem,” a eulogy to the “avenging sea” as a symbol of revolution. After an apocalyptic destruction, the process of rebuilding begins on the ruins of the “Old World.” Here already is the praise of death as a dynamic and transformative.

With the death of Marinetti’s father in 1907, his wealth allowed him to travel widely and he became a well-known cultural figure throughout Europe. Nietzsche was at this time one of the most well-known intellectuals who desired liberation from the old order. Nietzsche was widely read among the literati of Italy, and D’Annunzio was the most prominent in promoting Nietzsche. Among the other philosophers of particular importance whom Marinetti studied was the French syndicalist theorist Georges Sorel, who inclined towards the anarchism of Proudhon. This rejected Marxism in favor of a society comprised of small productive, cooperative units or syndicates; and founded a new myth of heroic action and struggle. Rejecting much of the pacifism of the left. Sorel viewed war as a dynamic of human action. Sorel in turn was himself influenced by Nietzsche, and applying the Nietzschean Overman to socialism, states that the working class revolution requires heroic leaders. Sorel became influential not only among Left wing syndicalists but also among certain radical nationalists in both France and Italy.

Futurist Manifesto

Marinetti’s artistic ideas crystallized in the Futurist movement that originated from a meeting of artists and musicians in Milan in 1909 to draft a Futurist Manifesto. With Marinetti were Carlo Carra, Umberto Boccioni, Luigi Russolo and Gino Severini. The manifesto was first published in the Parisian paper Le Figaro, and exhorted youth to, “Sing the love of danger, the habit of energy and boldness.”

marinetti02The Futurists were contemptuous of all tradition, of all that is past:

We want to exult aggressive motion . . . we affirm that the magnificence of the world has been enriched by a new beauty: the beauty of speed.

The machine was poetically eulogized. The racing car became the icon of the new epoch, “which seems to run as a machine gun.” The Futurist aesthetic was to be joy in violence and war, as “the sole hygiene of the world.” Motion, dynamic energy, action, and heroism were the foundations of “the culture of the Futurist future. The fisticuffs, the sprint and the kick were expressions of culture. The Futurist Manifesto is as much a challenge to the political and social order as it is to the status quo in the arts.

It declared:

1. We intend to sing the love of danger, the habit of energy and fearlessness.

2. Courage, audacity, and revolt will be essential elements of our poetry.

3. Up to now literature has exalted a pensive immobility, ecstasy, and sleep. We intend to exalt aggressive action, a feverish insomnia, the racer’s stride, the mortal leap, the punch and the slap.

4. We affirm that the world’s magnificence has been enriched by a new beauty: the beauty of speed A racing car whose hood is adorned with great pipes, like serpents of an explosive breath–a roaring car that seems to ride on grape shot is more beautiful than the victory of Samothrace.

5. We want to hymn the man at the wheel, who hurls the lance of his spirit across the Earth, along the circle of its orbit.

6. The poet must spend himself with ardor, splendor, and generosity, to swell the enthusiastic fervor of the primordial elements. Except in struggle, there is no more beauty. No work without an aggressive character can be a masterpiece. Poetry must be conceived as a violent attack on unknown forces, to reduce and prostrate them before man.

7. We stand on the last promontory of the centuries. Why should we look back when what we want is to break down the mysterious doors of the impossible? Time and space died yesterday. We already live in the absolute, because we have created eternal, omnipresent speed.

8. We will glorify war–the world’s only hygiene–militarism, patriotism, the destructive gesture of freedom-bringers, the beautiful ideas that kill, and scorn for women.

9. We will destroy the museums libraries academies of every kind, will fight moralism feminism, every opportunistic or utilitarian cowardice.

10. We will sing of great crowds excited by work, by pleasure, and by riot. We will sing of the multi-colored, polyphonic tides of revolution in the modem capitals, we will sing of the vibrant nightly fervor of arsenals and shipyards blazing with violent electric motors, greedy railway stations that devour smoke-plumed serpents, factories hung on clouds by the crooked lines of their smoke; bridges that stride the rivers like giant gymnasts, flashing in the sun with a glitter of knives; adventurous steamers that sniff the horizon: deep-chested locomotives whose wheels paw the tracks like the hooves of enormous steel horses bridled by tubing: and the sleek flight of planes whose propellers chatter in the wind like banners and seem to cheer like an enthusiastic crowd.

It is from Italy that we launch through the world this violently upsetting incendiary manifesto of ours. With it, today, we establish Futurism, because we want to free this land from its smelly gangrene of professors, archaeologists, ciceroni and antiquarians. For too long has Italy been a dealer in second-hand clothes. We mean to free her from the numberless museums that cover her like so many graveyards.

Museums: cemeteries! . . .  Identical, surely, in the sinister promiscuity of so many bodies unknown to one another. Museums: public dormitories where one lies forever beside hated or unknown beings. Museums: absurd abattoirs of painters and sculptors ferociously slaughtering each other with color-blows and line-blows, the length of the fought-over walls!

That one should make an annual pilgrimage, just as one goes to the graveyard on All Souls’ Day, that we grant. That once a year one should leave a floral tribute beneath the Gioconda, I grant you that . . .  but I don’t admit that our sorrows, our fragile courage, our morbid restlessness should be given a daily conducted tour through the museums. Why poison ourselves? Why rot? And what is there to see in an old picture except the laborious contortions of an artist throwing himself against the barriers that thwart his desire to express his dream completely? Admiring an old picture is the same as pouring our sensibility into a funerary urn instead of hurtling it far off in violent spasms of action and creation.

Do you then wish to waste all your best powers in this eternal and futile worship of the past, from which you emerge fatally exhausted, shrunken, beaten down?

In truth we tell you that daily visits to museums, libraries, and academies (cemeteries of empty exertion, Calvaries of crucified dreams, registries of aborted beginnings!) are, for artists, as damaging as the prolonged supervision by parents of certain young people drunk with their talent and their ambitious wills. When the future is barred to them, the admirable past may be a solace for the ills of the moribund, the sickly, the prisoner . . .  But we want no part of it, the past, we the young and strong Futurists!

So let them come, the gay incendiaries with charred fingers! Here they are! Here they are! . . .  Come on! set fire to the library shelves! Turn aside the canals to flood the museums! . . .  Oh, the joy of seeing the glorious old canvases bobbing adrift on those waters, discolored and shredded! . . .  Take up your pickaxes, your axes and hammers and wreck, wreck the venerable cities, pitilessly!

The oldest of us is thirty so we have at least a decade for finishing our work. When we are forty, other younger and stronger men will probably throw us in the wastebasket like useless manuscripts–we want it to happen!

They will come against us, our successors will come from far away, from every quarter, dancing to the winged cadence of their first songs, flexing the hooked claws of predators, sniffing dog-like at the academy doors the strong odor of our decaying minds which will have already been promised to the literary catacombs.

But we won’t be there . . .  At last they’ll find us–one winter’s night–in open country, beneath a sad roof drummed by a monotonous rain. They’ll see us crouched beside our trembling aeroplanes in the act of warming our hands at the poor little blaze that our books of today will give out when they take fire from the flight of our images.

They’ll storm around us, panting with scorn and anguish, and all of them, exasperated by our proud daring, will hurtle to kill us. Driven by a hatred the more implacable the more their hearts will be drunk with love and admiration for us.

Injustice, strong and sane, will break out radiantly in their eyes. Art, in fact, can be nothing but violence, cruelty, and injustice.

The oldest of us is thirty: even so we have already scattered treasures, a thousand treasures of force, love, courage, astuteness, and raw will-power, have thrown them impatiently away, with fury, carelessly, unhesitatingly, breathless, and unresting . . . Look at us We are still untired! Our hearts know no weariness because they are fed with fire, hatred, and speed . . .  Does that amaze you? It should, because you can never remember having lived! Erect on the summit of the world, once again, we hurl our defiance at the stars.

You have objections?–Enough! Enough! We know them . . .  We’ve understood! . . .  Our fine deceitful intelligence tells us that we are the revival and extension of our ancestors–Perhaps! . . .  If only it were so!–But who cares? We don’t want to understand! . . . Woe to anyone who says those infamous words to us again! Lift up your heads. Erect on the summit of the world, once again we hurl our defiance after stars!”

A plethora of manifestos by Marinetti and his colleagues followed, futurist cinema, painting, music (“noise”), prose, plus the political and sociological implications.

War, the World’s Only Hygiene

Marinetti’s manifesto on war shows the central place violence and conflict have in the Futurist doctrine.

We Futurists, who for over two years, scorned by the Lame and Paralyzed, have glorified the love of danger and violence, praised patriotism and war, the hygiene of the world, are happy to finally experience this great Futurist hour of Italy, while the foul tribe of pacifists huddles dying in the deep cellars of the ridiculous palace at The Hague. We have recently had the pleasure of fighting in the streets with the most fervent adversaries of the war and shouting in their faces our firm beliefs:

1. All liberties should be given to the individual and the collectivity, save that of being cowardly.

2. Let it be proclaimed that the word Italy should prevail over the word Freedom.

3. Let the tiresome memory of Roman greatness be canceled by an Italian greatness a hundred times greater.

For us today, Italy has the shape and power of a fine Dreadnought battleship with its squadron of torpedo-boat islands. Proud to feel that the martial fervor throughout the nation is equal to ours, we urge the Italian government, Futurist at last, to magnify all the national ambitions, disdaining the stupid accusations of piracy, and proclaim the birth of Pan-Italianism.

Futurist poets, painters, sculptors, and musicians of Italy! As long as the war lasts let us set aside our verse, our brushes, scapulas, and orchestras! The red holidays of genius have begun! There is nothing for us to admire today but the dreadful symphonies of the shrapnel and the mad sculptures that our inspired artillery molds among the masses of the enemy.

Artistic Storm Trooper

Marinetti brought his dynamic character into an aggressive campaign to promote Futurism. The Futurists aimed to aggravate society out of bourgeoisie complacency and the safe existence through innovative street theater, abrasive art, speeches, and manifestos. The speaking style of Marinetti was itself bombastic and thunderous. The art was aggravating to conventional society and the art establishment. If a painting was that of a man with a mustache, the whiskers would be depicted with the bristles of a shaving brush pasted onto the canvas. A train would be depicted with the words “puff, puff.”

Both the words and deeds of the Futurists matched the nature of the art in expressing contempt for the status quo with its preoccupation with “pastism” or the “passe.” Marinetti for example, described Venice as “a city of dead fish and decaying houses, inhabited by a race of waiters and touts.”

To the Futurist Boccioni, Dante, Beethoven and Michelangelo were “sickening” Whilst Carra set about painting sounds, noises and even smells. Marinetti traversed Europe giving interviews, arranging exhibitions, meetings and dinners. Vermilion posters with huge block letters spelling ‘futurism’ were plastered throughout Italy on factories, in dance halls, cafes and town squares. Futurist performances were organized to provoke riot. Glue was put onto seats. Two tickets for the same seat would be sold to provoke a fight. “Noise music” would blare while poetry or manifestos were recited and paintings shown. Fruit and rotten spaghetti would be thrown from the audience, and the performances would usually end in brawls.

Marinetti replied to jeers with humor. He ate the fruit thrown at him. He welcomed the hostility as proving that Futurism was not appealing to the mediocre.

Politics

Portrait of Marinetti by Carlo Carra

 

The first political contacts of Marinetti and the Futurists were from the Left rather than the Right, despite Marinetti’s extreme nationalism and call for war as the “hygiene of mankind.” There were syndicalists and even some anarchists who shared Marinetti’s views on the energizing and revolutionary nature of war and gave him a reception.

In 1909, Marinetti entered the general elections and issued a “First Political Manifesto” which is anti-clerical and states that the only Futurist political program is “national pride,” calling for the elimination of pacifism and the representatives of the old order. During that year, Marinetti was heavily involved in agitating for Italian sovereignty over Austrian-ruled Trieste. The political alliance with the extreme Left began with the anarcho-syndicalist Ottavio Dinale, whose paper reprinted the Futurist manifesto. The paper, La demolizione was not especially anarcho-syndicalist, but of a general combative nature, aiming to unite into one “fascio” all those of revolutionary tendencies, to “oppose with full energy the inertia and indolence that threatens to suffocate all life.” The phrase is distinctly Futurist.

Marinetti announced that he intended to campaign politically as both a syndicalist and a nationalist, a synthesis that would eventually arise in Fascism. In 1910, he forged links with the Italian Nationalist Association, which from its birth also had a pro-labor, syndicalist aspect. In 1913 a Futurist political manifesto was issued which called for enlargement of the military, an “aggressive foreign policy,” colonial expansionism, and “pan-Italianism”; a “cult” of progress, speed, and heroism; opposition to the nostalgia for monuments, ruins, and museums; economic protectionism, anti-socialism, anti-clericalism. The movement gained wide enthusiasm among university students.

Interventionism

The chance for Italy’s “place in the sun” came with World War I. Not only the nationalists were demanding Italy’s entry into the war, but so too were certain revolutionary syndicalists and a faction of socialists led by Mussolini. From the literati came D’Annunzio and Marinetti.

In a manifesto addressed to students in 1914 Marinetti states the purpose of Futurism and calls for intervention in the war. Futurism was the “doctor” to cure Italy of “pastism,” a remedy “valid for every country.” The “ancestor cult far from cementing the race” was making Italians “anaemic and putrid.” Futurism was now “being fully realized in the great world war.”

The present war is the most beautiful Futurist poem which has so far been seen. Futurism was the militarization of innovating artists.

The war would sweep away all the proponents of the old and senile, diplomats, professors, philosophers, archaeologists, libraries, and museums.

The war will promote gymnastics, sport, practical schools of agriculture, business and industrialists. The war will rejuvenate Italy: will enrich her with men of action, will force her to live no longer off the past, off ruins and the mild climate, but off her own national forces.

The Futurists were the first to organize pro-war protests. Mussolini and Marinetti held their first joint meeting in Milan on March 31st 1915. In April, both were arrested in Rome for organizing a demonstration.

Futurists were no mere windbags. Nearly all distinguished themselves in the war, as did Mussolini and D’Annunzio. The Futurist architect Sant Elia was killed. Marinetti enlisted with the Alpini regiment and was wounded and decorated for valor.

Futurist Party

Ritratto di Marinetti by Thayat

 

In 1918, Marinetti began directing his attention to a new postwar Italy. He published a manifesto announcing the Futurist Political Party, which called for “Revolutionary nationalism” for both imperialism and social revolution. “We must carry our war to total victory.”

Demands of the manifesto included the eight hour day and equal pay for women, the nationalization and redistribution of land to veterans; heavy taxes on acquired and inherited wealth and the gradual abolition of marriage through easy divorce; a strong Italy freed, from nostalgia, tourists, and priests; industrialization and modernization of “moribund cities” that live as tourist centers. A Corporatist policy called for the abolition of parliament and its replacement with a technical government of 30 or 40 young directors elected form the trade associations.

The Futurist party concentrated its propaganda on the soldiers, and recruited many war veterans of the elite Arditi (daredevils), who had been the black-shirted shock troops of the army who would charge into battle stripped to the waist, a grenade in each hand and a dagger between their teeth.

In December 1919, the Futurists revived the “Fasci” or “groups.” which had been organized in 1914 and 1915 to campaign for war intervention, and from which was to emerge the Fascists.

Futurists and Fascists

The first joint post-war action between Mussolini and Marinetti took place in 1919 when a Socialist Party rally was disrupted in Milan.

That year Mussolini founded his own Fasci di Combattimento in Milan with the support of Marinetti and the poet Ungasetti. The futurists and the Arditi comprised the core of the Fascist leadership. The first Fascist manifesto was based on that of Marinetti’s Futurist party.

In April, against the wishes of Mussolini who thought the action premature, Marinetti led Fascists and Futurists and Arditi against a mass Socialist Party demonstration. Marinetti waded in with fists, but intervened to save a socialist from being severely beaten by Arditi. (To place the post-war situation in perspective, the Socialists had regularly beaten, abused, and even killed returning war veterans). The Fascists and futurists then proceeded to the offices of the Socialist Party paper Avanti, which they sacked and burned.

Marinetti stood as a Fascist candidate in the 1919 elections and persuaded Toscanini to do so. Whilst the Fascists held back, the Futurists threw their support behind the poet-soldier D’Annunzio’s takeover of Fiume. Marinetti arrived and was warmly welcomed by D’Annunzio.

When the Fascist Congress of 1920 refused to support the Futurist demand to exile the King and the Pope, Marinetti and other Futurists resigned from the Fascist party. Marinetti considered that the Fascist party was compromising with conservatism and the bourgeoisie. He was also critical of the Fascist concentration on anti-socialist agitation and on opposition to strikes. Certain futurist factions realigned themselves specifically with the extreme Left. In 1922, there were several Futurist exhibitions and performances organized by the Communist cultural association, Pro-letkul, which also arranged a lecture by Marinetti to explain the doctrine of Futurism.

Futurism and the Fascist Regime

mussolini

 

When the Fascists assumed power in 1922 Marinetti, like D’Annunzio, was critically supportive of the regime. Marinetti considered: “The coming to power of the Fascists constitutes the realization of the minimum futurist program.”

Of Mussolini the statesman, Marinetti wrote: “Prophets and forerunners of the great Italy of today, we Futurists are happy to salute in our not yet 40-year-old Prime Minister of marvelous futurist temperament.”

In 1923, Marinetti began a rapprochement with the Fascists and presented to Mussolini his manifesto “The Artistic Rights Promoted by Italian Futurists.” Here he rejected the Bolshevik alignment of Futurists in the USSR. He pointed to the Futurist sentiments that had been expressed by Mussolini in speeches, alluding to Fascism being a “government of speed, curtailing everything that represents stagnation in the national life.”

Under Mussolini’s leadership, writes Marinetti:

Fascism has rejuvenated Italy. It is now his duty to help us overhaul the artistic establishment . . . . The political revolution must sustain the artistic revolutions Marinetti was among the Congress of Fascist Intellectuals who in 1923 approved the measures taken by the regime to restore order by curtailing certain constitutional liberties amidst increasing chaos caused by both out-of-control radical Fascist squadisti and anti-Fascists.

At the 1924 Futurist Congress, the delegates upheld Marinetti’s declaration:

The Italian Futurists, more than ever devoted to ideas and art, far removed from politics, say to their old comrade Benito Mussolini, free yourself from parliament with one necessary and violent stroke. Restore to Fascism and Italy the marvelous, disinterested, bold, anti-socialist, anti-clerical, anti-monarchical spirit . . .  Refuse to let monarchy suffocate the greatest, most brilliant and just Italy of tomorrow . . .  Quell the clerical opposition . . . . With a steely and dynamic aristocracy of thought.

In 1929, Marinetti accepted election to the Italian Academy, considering it important that “Futurism be represented” He was also elected secretary of the Fascist Writer’s Union and as such was the official representative for fascist culture. Futurism became a part of fascist cultural exhibitions and was utilized in the propaganda art of the regime. During the 1930s, in particular the Fascist cultural expression was undergoing a drift away from tradition and towards futurism, with the fascist emphasis on technology and modernization. Mussolini had already in 1926 defined the creation of a “fascist art” that would be based on a synthesis culturally as it was politically: “traditionalistic and at the same time modern.”

In 1943, with the Allies invading Italy, the Fascist Grand Council deposed Mussolini and surrendered to the occupation forces. The fascist faithful established a last stand, in the north, named the Italian Social Republic.

With a new idealism, even former Communist and liberal leaders were drawn to the Republic. The Manifesto of Verona was drafted, restoring various liberties, and championing labor against plutocracy within the vision of a united Europe. Marinetti continued to be honored by the Social Republic. He died in 1944.

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vendredi, 09 avril 2010

Avant-Garde Fascism

Avant-Garde Fascism

antliffAvant-Garde Fascism: The Mobilization of Myth, Art, and Culture in France, 1909–1939
Mark Antliff
Durham and London: Duke University Press,  2007

Mark Antliff, a professor of Art, Art History, and Visual Studies at Duke University, has put together a useful analysis of the cultural-aesthetic memes utilized by French fascists of 1909-1939 to promote their visions of national renewal. Antliff’s analysis focuses on the connection between fascist ideologies and the European avant-garde, which most people would more likely associate with the anti-national left. Antliff is fairly even handed in the book, with the occasional use of scare quotes to express his skepticism/disdain for certain “fascist ideas.”

In contrast, I believe his use of the term “democracy” should always have scare quotes, as “democratic” systems deceive the populace into believing that someone other than self-interested elites are running the show; however, apparently, Antliff and I disagree on our political preferences. Antliff also concludes the book with a line about how the ideas of the French fascists were not able to stem the tide of the “bloodshed” caused by the military aggressions of Hitler and Mussolini (including the invasion of France). Very well. One hopes an academic will write about the real blood that has been shed imposing “equality” on “the people” – either that of the mass-murdering Marxists or the genocidal globalist multiculturalists and their plans for a multiracial West. So much for my complaints about the book. What about fascism and avant-garde aesthetics?

Roger Griffin, in his Fascism (Oxford: Oxford University Press, 1995), famously described fascism as “palingenetic populist ultra-nationalism” – making the elements of renewal, rebirth, and regeneration central to all permutations of this ideology. It is also important to differentiate between real fascism and “para-fascist” ersatz fascism. Para-fascism is often confused with real fascism in the public mind, which gives the false impression that fascism is ossified reactionary conservatism, rather than a revolutionary movement interested in avant-garde themes and ideas.

The differences between real revolutionary fascism and para-fascism are easily summarized: Para-fascist regimes are authoritarian, traditionalist, reactionary regimes, often military dictatorships, that fossilize a status quo favoring traditional elites of business, nobility, religion, and the military. Such regimes want nothing to do with the revolutionary and palingenetic aspects of true fascism; the idea that the secular religious, Futuristic, and avant-garde characteristics of, say, (early) Italian Fascism has anything to do with Franco’s Spain or Pinochet’s Chile is absurd.

fortunato_depero_1945Indeed, as Griffin makes clear, fascists and para-fascists are usually, by their very nature, bitter enemies. While para-fascists may co-opt some superficial characteristics of their fascist opponents, in power they tend to ruthlessly suppress the expression of revolutionary fascism. When para-fascism attempts to co-opt fascism by sharing power – as Antonescu attempted in Romania with the Legionaries — conflict is inevitable, since the objectives of the two parties are completely different: para-fascist ossification vs. fascist palingenetic regeneration. Thus, in Romania, civil war between para-fascists and fascists led to the victory of the para-fascists, and the exile of the fascist forces. The idea that Antonescu was “fascist” is a byproduct of either ideological ignorance or ideological mendacity, a Marxist desire to strip their fascist competitors of revolutionary dynamism and reduce them to mere “bourgeois hooligans.”

Not all fascisms were equally “fascist” and revolutionary, and even individual fascist movements have oscillated between revolutionary ideals and borderline reactionary para-fascism.

For example, Italian fascism went through three distinct phases. In the years before the seizure of power and in the first half-dozen years of Mussolini’s regime, Italian fascism was in its “purest” form – revolutionary and palingenetic – emphasizing the regeneration of the Italian people and the Italian nation-state. Avant-garde themes and theorists, particularly Futurism, were important in this period, and individuals such as Marinetti were influential in early day Italian fascism.

However, the forces of reaction and of compromise with the establishment were always present; the presence of the King and the Vatican were two impediments to the process of “fascistization” that Mussolini could not, or would not, deal with. In the end, the Concordat was a turning point and the regime’s second phase veered to the “right” in the 1930s, becoming more conservative and reactionary, replacing internal regeneration with external imperialism. Without WW II, chances were good that Italian fascism would have degenerated into a stagnant para-fascist regime similar to that of Franco’s Spain.

Military defeat and the overthrow of Il Duce stopped that process; in the last and third phase of Italian fascism, the “Salo Republic,” the ideology shifted to the left, embracing a militant socialism, and becoming overtly pan-European in scope.

What about the Hitler and the Nazis? There has been some debate as to whether German National Socialism was a form of fascism. It seems to me obvious that it was; that differences existed between the Italian and German forms of fascism is not an argument against that conclusion. All genuine fascisms displayed important differences, yet still contained within themselves the core components of Griffin’s “palingenetic populist ultra-nationalism.”

In the case of National Socialism, the palingenesis was biological; Nazism was a heavily racialized and materialist form of fascism. The German National Socialists were tribalistic in worldview rather than Futurist, and, internal debates aside; Hitler himself was very hostile to the European avant-garde.

Thus, key differences between fascist forms are observed. The German brand had the biopolitical advantage of recognizing the importance of race. On the other hand, the Italian brand had the sociopolitical advantage of a more optimistic Futurist orientation, and was more open-minded with respect to tapping into the cultural energies created by the avant-garde artistic and sociopolitical movements extant in the first decades of the twentieth century.

eur-sq-colosseoIn some sense, perhaps the “purest” brand of fascism was that of Codreanu and his “Legion of the Archangel Michael,” also known as the Iron Guard. This intensely palingenetic movement emphasized spiritual and moral regeneration to create a Romanian “New Man” to lead the nation to a higher level and fulfill the destiny of the Romanian people. This highly “virulent” form of “palingenetic populist ultra-nationalism” proved itself unable to co-exist with Antonescu’s conservative authoritarian para-fascism; the Legionary movement’s attempt to seize full power for itself (rather than share it with para-fascists; this sharing was correctly seen by the Legionaries as being an emasculating compromise of their ideology) was crushed by the para-fascist military apparatus.

Three fascisms, three different movements. But the revolutionary energies unleashed by these ideologies stand in sharp contrast to the moribund and ossified conservatism of the para-fascists. The political/cultural avant-garde (Italian), the biological-racialist (German), and the spiritual/moral (Romanian) components of these fascisms are important to us today.

And it is probably wrong to separate out the avant-garde mindset as being only applicable to the political/cultural sphere. After all, we really do need new, cutting-edge memes with respect to both materialist race and non-materialist morality. To quote a certain pro-fascist poet: “Make it new!”

Mostra 1933With respect to Antliff’s book itself, chapter topics include Sorelian myth and anti-Semitism, and the fascistic politics of Valois, Lamour, and Maulnier. The importance of Sorelian myth was underscored by a recent Michael O’Meara piece that appeared on TOQ Online. Antliff stresses that culture and aesthetics were extremely important to Sorel in his quest to formulate a doctrine of instrumentally utilizing myth to overturn the hated rationalist-capitalist-democratic system. Art is part of this aesthetic emphasis and, truth be told, Sorel focused on culture over politics; indeed, he was scornful of the power of the myth being used and squandered for low-level political aims.

Further, Sorel went through a distinctly “anti-Semitic” phase, in which Jews were considered the exemplars of ultra-rationalist anti-creators, whose worldview set them in opposition to native peoples and native cultural expressions and aesthetics. Opposing the pro-Dreyfus “French” journal La revue blanche, Sorel sarcastically referred to the journal’s Jewish founders as “two Jews come from Poland in order to regenerate our poor country, so unhappily still contaminated by the Christian civilization of the seventeenth century.” Sorel accused Jewish intellectuals of wanting to promote an abstract (i.e., non-ethnic, non-national, non-cultural) concept of (French) citizenship and to also promote “cosmopolitan anarchy.”

Related to this “anti-Semitism,” Sorel admired and promoted the Classical World; the values of classical heroes, such as the Greeks at Thermopylae, were something counterpoised against the Jewish ethic and the degeneration of parliamentary democracy.

Sorel considered art as related to the creativity of work, a creativity that he wished to inculcate into the “productive workers” in place of assembly line mass capitalism and rationalized “one man-one vote” democracy. He also considered an enlightened “proletariat” as being able to reinvigorate a stagnant bourgeoisie through class conflict.

Georges Valois, 1878–1945

Georges Valois, 1878–1945

Georges Valois (born Alfred-Georges Gressent) went through a wide variety of ideological contortions in his lifetime, from fascism to “libertarian communism,” ending up dying in a Nazi concentration camp after being captured as a member of the “French Resistance.” While such an unbalanced individual represents much of what is wrong with the “movement” (changing your mind is one thing – completely switching your worldview from one moment to the next is another), some of his activities during his “fascist stage” are of interest.

Particularly enlightening is the focus on the urbanism of Le Corbusier, which stands in contrast to much of the American “movement” and its anti-urbanist emphasis on militant ruralism. No doubt, in the West today, the city is an anti-white, anti-Western disaster, full of racial enemies. No doubt as well that throughout much of human history, the city was an unhealthy and sterilizing place, inimical to racial survival and racial progress.

However, in our modern technological age, if we can solve our racial problems, the city itself does not necessarily have to be a racial evil. As part of a natural continuum of human ecologies – isolated rural, rural, suburban/town, small city, larger cities, etc. – the city may play an important role in the Futurist racial ethnostate of tomorrow, a place of technological advancement, racially healthy avant-garde memes, and sociopolitical dynamism. Racial nationalism can and should be reconciled to a certain degree of urbanism – not the urbanism of degeneration, but that of regeneration.

This of course underlies a schism within activism that often goes unnoticed – between modernist, technological tribalist-racialist Futurism and a ruralist anti-technological ecotribalism. It is clear that the French fascists described by Antliff for the most part fall into the first group. Thus, a major divide exists between the Futurist-Modernist fascists (think Marinetti in Italy) and the ruralist soil-oriented romantic past-oriented fascists (think Darre in Germany, or the agrarian-nostalgic Vichy regime in France).

Of course, a healthy society needs both worldviews, and in practical terms a balance is required. For example, Valois incorporated a “love for the native soil” along with his Futurist mindset. Indeed, Valois contrasted “Asiatic nomadness” associated with communism with the “Latin sedentary” style — derived from “cultured Roman legions” — of the French, tied to the native soil and inclined to fascism. He also associated the hated nomadic lifestyle with capitalism, since hyper-rational capitalism uprooted the workers from grounding in an organic society and turned them into atomized, rootless “nomads.”

A related issue is the relationship between Futurism and the veneration of the past. Antliff makes clear that the emphasis on the past in fascism (e.g., the Greco-Roman classical world) was not meant to mean turning back the clock and shunning progress. Instead, this look to the past was, paradoxically, futurist, in that the fascists wanted to take from the past certain noble values and behaviors and use these to help build the modern, technological world of tomorrow. Therefore, one need not discard the past to build a new future, but judiciously use elements of the past as necessary building blocks for the projected futurist edifice. Different strands of fascist thought need not be incompatible, just as common ground must be found between the tribalist futurist and tribalist ruralist strands of modern racial nationalist thought.

Another French fascist, Philippe Lamour, also went through many ideological “twists and turns,” ultimately rejecting fascism in favor of anti-fascism and syndicalism. Lamour originally represented the fascist variant of “machine primitivism” – that is, an anti-rationalist “new consciousness attuned to the dynamism of technology.” Thus, urban industrialism, technology, productivity, and futurist modernism need not be associated with “rational” egalitarianism but with tribalistic fascism. Lamour wished to create a “community of producers” integrating the different classes of French society to overturn liberal democracy in favor of a modernist technologically dynamic fascist state.

Early French fascists such as Lamour also promoted the idea of a European federation, and attempted to make common cause with more pan-European and “leftist” German National Socialists, such as the Strasserian “Black Front,” who favored European cooperation as opposed to Hitler’s hegemony through military conquest. Not coincidentally, before he fell into Hitler’s orbit, Mussolini also favored an alliance of European (fascist) states, promoted through the doctrine of “Roman Universality,” with practical expression through events such as the pan-fascist Montreux conference.

Lamour’s greatest contribution to French fascism was the promotion of the “conflict of generations,” pitting the younger fascistic generation of WW I against the older generation of parliamentary democrats. This latter group was seen as being out of touch with the new age of national regeneration, avant-garde culture and politics, Sorelian myth, as well as technological productivity. Lamour and his “war generation” were at the forefront of the battle of youth vs. the image of fossilized reactionary status quo politicians.

Aesthetically, the work of German artist Germaine Krull and even Soviet filmmaker Sergei Eisenstein influenced the avant-garde sensibilities of “machine primitive” young French fascists such as Lamour. Antliff summarizes Lamour’s unique contribution to the ideology of interwar French fascism as the melding of “machine aesthetics” to the concept of generational warfare. Thus, to Lamour, technological dynamism and the replacement of the ossified previous generation with fresh youth were the Sorelian myths required to spark an era of national renewal.

Thierry Maulnier, 1908–1988

thierry-maulnier

Thierry Maulnier (born Jacques Talagrand), author of “Crisis Is in Man,” had as his concept of Sorelian myth “classical violence.” Within the journal Combat, Maulnier and colleagues opposed the leftist French Popular Front’s Marxist-themed “culture” with their own view of aesthetics in architecture and sculpture. Antliff describes Combat’s as focusing on “three interrelated spheres: political institutions, human spirituality, and aesthetics.” The classicism of the Maulnier school promoted the idea of a “synthesis of Dionysian energy and Apollonian restraint.”

Politically, Maulnier wished for a form of French fascism that rejected parliamentary democracy but which still supported the rights and aspirations of the individual, as opposed to what was perceived as the more authoritarian and collectivist societies of Fascist Italy and National Socialist Germany. These distinctions between French and other fascisms became more salient after Mussolini fell into Hitler’s orbit and became hostile to French national interests. Indeed, before the start of WW II, Maulnier advocated a “minimal fascist program” for France that would be both a short-term “fix” to bolster the French military for confrontation with the Axis, as well as preparation for the long-term and permanent fascistic remodeling of society after the Axis threat had dissipated.

It must be noted that the Valois, Lamour, and Maulnier fascist ideologies, while linked together by a palingenetic call for national renewal and a rejection of parliamentary democracy, did differ in important ways. In particular, the classicism of Maulnier can be contrasted with the militant futurism and “machine primitivism” of Lamour. Although Antliff stresses that the French fascist focus on the classical world does not necessarily imply a rejection of modernism per se, the specific differences between Maulnier and Lamour were the greatest of any of the individuals profiled by Antliff. Valois and Lamour both embraced the image of “industrial production” as a central motif of their ideology; however, while Lamour spun together a myth of generational conflict, Valois instead emphasized a “spirit of victory” in which the heroism of WW I will now be turned to a battle of the entire nation to create an organized fascist-industrial society. Of these three men, it was Lamour who was the most steadfastly “avant-garde” in cultural-aesthetic orientation, Maulnier the least.

Crude ethnic stereotyping may lead one to conclude that an emphasis on art, culture, and aesthetics in the creation of fascist ideology was (and is) a particularly “French” phenomenon. Of course, other fascist movements were concerned with these issues, sometimes to a significant extent, but none of them incorporated such memes into the core of the political thinking as did French fascist thinkers. Indeed, the cultural-aesthetic emphasis of the French strain of fascism is a breath of fresh air after immersion in the more focused political thought of the Italian Fascists and the racialist ideals of the German National Socialists.

In fact, all three areas of focus – cultural-aesthetic, political, and racialist – are required for a complete memetic complex to promote fascistic ideals. As a biological reductionist, I would emphasize the racialist first of all, but doing so with respect to modern genetic science rather than the sort of quackery that passed as “racial science” under the Nazis. However, biological racialism by itself is not enough. Without an edifice of political and cultural-aesthetic memes, the foundation of ultimate interests will go nowhere.

Related to this issue of political aesthetics, I was impressed by Alex Kurtagic’s analysis of “semiotic systems” and the importance of style in shaping perceptions of status within nationalist memes. This is important. Of course, the enemy will, as a matter of course, attempt to oppose this approach through co-option and/or mockery.

Co-option is a problem for any memetic threat to establishment power; for example, the GOP has effectively co-opted “rightist, racist” concerns through the exploitation of “implicit whiteness.” This strategy has enabled the Republicans to retain white support while at the same time moving continuously leftward in the direction of overtly anti-white policies.

Thus, while aesthetics and style are important, they always must be innately linked to content to prevent the establishment from utilizing the same semiotic systems to promote the exact opposite of our objectives. Dealing with co-option will be difficult, and it is crucially important that the problem be analyzed from the beginning in a proactive fashion.

In other words, right from the start, the construction of unique avant-garde racial-nationalist semiotic systems must incorporate strategies for preventing co-option and dealing with co-option if these preventive measures fail. Therefore, we must identify, in advance, as many problems with each approach as possible, and develop multiple contingency plans for dealing with each emergent counter-move of the establishment.

Mockery is also a problem; the establishment, utilizing its control of the mass media and its stable of celebrity puppets, can subject any racial-nationalist semiotic system to a barrage of withering ridicule. It is important that the elitist and superior nature of the system be of sufficient strength that adherents can turn around such ridicule and assert it as a matter of pride and not shame. In other words, the establishment ridicule itself must be mocked as the pathetic attempts of a dying and out-of-touch system to delegitimize a novel movement of which they are afraid.

Again, careful planning is required to plan against the establishment’s ridicule strategy, but if both co-option and mockery can be successfully dealt with, the semiotic-aesthetic strategy has a chance to achieve its objectives. And those objectives are, in essence, to defuse the “social pricing” attacks of the establishment against racial-nationalist activists and adherents, by providing an alternative value system opposed to, and independent of, establishment standards and acceptance.

In summary, Antliff has dissected a particularly interesting and heretofore unexplored strain of French fascism characterized by an embrace of avant-garde cultural concepts, modernism, Futurism, productivity and the planned society, urbanism and industrial technology, exemplified by so-called “machine primitivism.”

With today’s worries of “peak oil,” and concerns that the multiracial West will collapse, visions of decentralized ruralistic tribalism have again become prominent in nationalist thought. However, the white man is endlessly inventive, and free of the shackles of genocidal globalist multiculturalism, the technological genius of whites, so unleashed, may provide the foundation for a Futurist, technologically advanced and tribalist society. Such a society would have options for both the urbanist technological and ruralist agrarian lifestyles for those whose preferences are for one or the other.

Although I am sure he is an “anti-fascist,” Antliff’s work helps us to consider one technological Futurist option. The major conclusion from both Antliff’s and Kurtagic’s analyses is that staid and conformist methods for sociopolitical activism may be best replaced, at least in part, by avant-garde memes that let some “fresh air” into stale “movement” environs.

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vendredi, 02 avril 2010

"Acéphale": The Headless Monster of "Modern" Masculinity

Jack DONOVAN:
Acéphale
The Headless Monster of "Modern" Masculinity

acephale_gf.jpgIn 1936, while staying at the coastal village of Tossa de Mar with artist
André Masson, George Bataille envisioned the Acéphale, pictured above. The Acéphale was a headless monster who symbolized man's rejection of hierarchy and God and his escape from the boredom of civilization into a life lost to the pursuit of fascination. Bataille was determined to bring about his leaderless, communal, ecstatic age of chaos through a sacred conjuration, and to this end he formed a secret society. As the tale goes, members of the Acéphale Society performed clandestine rituals -- one notably celebrating the decapitation of Louis XVI. However, the true conjuration sacrée required a human sacrifice. To bring about a new age of the crowd, of survivors held "in the grip of a corpse," someone needed to become the Acéphale. Someone needed to lose his head.

It never happened.

But it may as well have, because modern man has truly lost his head.

Modern man has the body of a Man. He has manly strength, sinew, reflexes and appetites. But he lacks direction, purpose, an ideal. He lacks virtus -- manly virtue. Modern man, like any freshly beheaded corpse, twitches and thrashes about destructively without his head to guide him. I cannot help but see this, and in observing this gruesome, sloppy spectacle I stand aghast alongside feminists and other "modernizers" of masculinity. However, I know that while headless, modern man is a monster -- a beast -- it is idealized, fully embodied and focused that Man is most fearsome and awe inspiring. Modern man flails about because he is ultimately impotent. Traditional Man is terrifyingly potent.

Masculinity has always changed. Men have been writing and speaking and arguing about what makes a man throughout history. As the particulars of a society change, the prevailing model of masculinity becomes more nuanced or more brutal according to need.

When men helmed Western civilization, they maintained a smooth continuity through changing times because they knew themselves. They knew what men were, they knew what men could -- and could not -- become. They knew what stirred their own souls, they knew how to speak to each other and reach common ground. They knew the kinds of ideas that would take their own hearts and move them into battle with swords or muskets, in animal skins or sharp uniforms. They knew that in peacetime men could not be ruled by fear alone, that masculine ideals and codes of honor would reveal both the stronger and the nobler aspects of a man even when he was not being watched. Men were able to carve a hard jaw, a stern brow and a proud, noble chin for mankind because they knew themselves. They knew how to shape a head that fit the body of a Man. Embodied Man had a rich and sustaining bloodline; he lived and thrived in the context of history and Tradition.

"Modern," headless man has no life-sustaining bloodline. Women and men with counter-masculine, alien, anti-Western agendas have successfully severed him from his history of heroes, ideals and the world of masculine Tradition. Traditional Man is their fearsome enemy, the agent of their supposed oppression and the Man to blame for all violence and what they call injustice. Their project is one of ressentiment --to cast the heroic Traditional man as the ultimate villain, and to ennoble their own set of "virtues" as the ideal.

(T)he problem with the other origin of the "good," of the good man, as the person of ressentiment has thought it out for himself, demands some conclusion. It is not surprising that the lambs should bear a grudge against the great birds of prey, but that is no reason for blaming the great birds of prey for taking the little lambs. And when the lambs say among themselves, "These birds of prey are evil, and he who least resembles a bird of prey, who is rather its opposite, a lamb,-should he not be good?" then there is nothing to carp with in this ideal's establishment, though the birds of prey may regard it a little mockingly, and maybe say to themselves, "We bear no grudge against them, these good lambs, we even love them: nothing is tastier than a tender lamb."

-- Friedrich Nietzsche, On the Genealogy of Morality


The wealth and luxury of the modern world have made possible an age of the lamb, and oh how the eagle is cursed!

Women, the
weakest men, men with an exploited sense of chivalry and misguided advocates for men are struggling to fashion a sheep's head for the eagle. But that project, too, is an unnatural, bloodless monstrosity. Frankenstein's work. The head doesn't fit. The body of Man rejects it, shrugs it off and remains headless. The enemies of Men toil under the assumption that the age of the sheep will last forever, and that the eagle must don a sheep's head if he is to survive at all.

Forever is a very long time.

The project for Traditional Man is first an archeological one. He venture out onto the lake of ice and recovers the frozen remains of Man's severed head. What follows is an anthropological project. He must study
paleo-masculinity; he must reverse engineer the head and understand the mechanics of masculinity as it functioned before Man's beheading. He must understand what came before, and repair his connection with his bloodline.

The sheep are crafting a world and a "modern" masculinity meant only for sheep. Eagles have no place in it.

But the age of sheep can't last forever. It is artificially ordered, unbalanced, unsustainable. The meek have inherited the earth, but by the very nature of their meekness they will be unable to keep it.

Traditional Man must find and keep his head, his manhood's redoubt. It is difficult to find and walk a path of honor in a world that is hateful to honor. It's a lonely path. But ultimately, every man is alone with his Honor.


Ennio Morricone is playing.


Eventually, an Interphase will come.

And another Age of Eagles.
Jack Donovan

Jack Donovan

Jack Donovan is a poor, blue-collar man made out of muscle and blood who moonlights as an advocate for the resurgence of patriarchal, paleo-masculine values among the Men of the West. He is a contributor to The Spearhead, as well as the author of Androphilia and co-author of Blood Brotherhood and Other Rites of Male Alliance. Mr. Donovan lives and works in Portland, Oregon.

samedi, 13 mars 2010

Marc. Eemans ou l'autre versant du surréalisme

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989

Marc. Eemans ou l'autre versant du surréalisme

 

La conversion de Marc. Eemans au Surréalisme est contemporaine de celle de René Magritte et de ses amis. Elle s'est faite entre 1925 et 1926. A cette époque Marc. Eemans avait à peine dix-huit ans, alors que Magritte était son aîné de quelque neuf à dix ans.

 

eemanspipe.jpgC'est grâce à la rencontre de Geert Van Bruaene, alors directeur du Cabinet Maldoror en l'Hôtel Ravenstein, que le jeune Marc Eemans a été intié à la poésie présurréaliste des «Chants de Maldoror» et c'est également alors qu'il entra en contact avec Camille Goemans et E.L.T. Mesens qui allaient bientôt devenir ses compagnons de  route avec Paul Nougé, René Magritte, André Souris, paul Hooremans et Marcel Lecomte, dans l'aventure du premier groupe surréaliste belge, groupe où ils furent bientôt rejoints par Louis Scutenaire qui, à l'époque, se prénommait encore Jean.

 

Certains historiens du Surréalisme en Belgique ont estimé qu'à ses débuts, Marc Eemans, en tant que peintre, n'était qu'un épigone, un imitateur de René Magritte, mais, qu'il n'y a pas eu imitation, tout au plus chemin parallèle, ce qui s'explique aisément, car il fut une époque où le Surréalisme vivait dans l'osmose de l'air du temps».

 

Pour s'en convaicnre, il suffit d'ailleurs de consulter la petite revue «Distances», éditée à Paris par Camille Goemans en 1928, à laquelle collabora Marc. Eemans (x). Ajoutons-y au même titre ses dessins à la plume dans le mensuel «Variétés», paraissant à la même époque à Bruxelles.

 

D'ailleurs, Marc. Eemans alla bien vite prendre définitivement un chemin tout autre que celui de René Magritte et de ses compagnons de route, à l'exception de Camille Goemans et de Marcel Lecomte. Nous en trouvons un témoignage irréfutable dans un album paru en 1930 aux Editions Hermès, fondées par Goemans et lui-même et au titre bien significatif! Eemans s'y révèle comme un adepte moderne de ce que Paul Hadermann, professeur à l'Université Libre de Bruxelles, a appelé le »trobar clus de Marc. Eemans» d'après le terme provençal propre aux troubadours et minnesänger qui pratiquaient jadis une poésie hermétique «close», accessibles aux seuls initiés. Cet album intitulé «Vergeten te worden» (Oublié de devenir) compte «dix formes linéaires influencées par dix formes verbales». Il est paru initialement en langue néerlandaise, mais une réédition, avec traduction française et une introduction du prof. Hadermann, à laquelle nous venons de faire allusion, en est parue en 1983.

 

La coloration du Surréalisme propre à Marc. Eemans est dès lors nettement affirmée. Ce Surréalisme s'est fortement éloigné de celui de René magritte que Salvador Dali a qualifié un jour d'«A.B.C. du Surréalisme».

 

Tandis que les options des membres de ce que Patrick Waldberg a appelé plus tard la «Société du Mystère» se sont trop souvent orientées vers les facilités d'un certain «néo-dadaïsme» au dogmatisme sectaire à la fois «cartésien» et «gauchisant» en lequel la contrepèterie se le dispute à l'humour noir et rose, voire au «prosaïsme» petit-bourgeois (le chapeau melon et la pipe, de Magritte!), Marc. Eemans, lui, accompagné en cela par Camille Goemans et Marcel Lecomte, s'est orienté derechef vers un autre versant du Surréalisme fort proche de l'Idéalisme magique d'un Novalis et du Symbolisme de la fin du siècle dernier.

 

Ce Surréalisme, que les historiens du Surréalisme en Belgique semblent ignorer ou plutôt passer sous silence, répond en quelque sorte à l'appel à l'«occultation» lancé par André Breton dans son «Second manifeste du Surréalisme». Rappelons d'ailleurs à ce propos à quel point Breton a été profondément touché par le Symbolisme, au point que Paul Valéry a été son témoin lors de son premier mariage et qu'en 1925, voire plus tard encore, lui-même ainsi qu'Eluard et Antonin Artaud se sont révélés comme des admirateurs inconditionnels du poète symboliste Saint-Pol-Roux.

 

La filiation du Romantisme au Surréalisme via le Symbolisme est d'ailleurs évidente, aussi Alain Viray a-t-il pu écrire qu'«il y a des liens entre Maeterlinck et Breton», à quoi nous pourrions ajouter qu'il y en a également entre Max Elskamp et Paul Eluard, tandis que l'ex néo-symboliste Jean De Bosschère a viré étrangement, vers la fin de sa vie, vers le Surréalisme, un certain Surréalisme il est vrai.

 

Quoi qu'il en soit, l'art que Marc. Eemans a pratiqué, dès sa vingtième année, est ce que l'on pourrait appeler un «Surréalisme ouvert», détaché de tout sectarisme et de cet esprit de chapelle cher aux surréalistes qui se considèrent  de «stricte obédience». Dès lors la question se pose: Marc. Eemans est-il encore surréaliste? Mais en fait qu'est-ce qu'une étiquette? What is a name? En tout cas, Eemans a déclaré un jour, lors d'une enquête de la revue «Temps Mêlés» qu'il ne serait pas ce qu'il est sans le Surréalisme…

 

Parlons plutôt de la revue «Hermès» que Marc. Eemans fonda en 1933 avec ses amis René Baert et Camille Goemans (c'est ce dernier qui en rédigea toutes les «Notes des éditeurs»). C'était une revue d'études comparées en laquelle poésie, philosophie et mystique furent à l'honneur. Y collaborèrent activement e.a. Roland de Reneville (un transfuge du «Grand jeu» et auteur d'un «Rimbaud le Voyant»), le philosophe Bernard Groethuysen, l'arabisant Henri Corbin ainsi que le poète Henri Michaux qui en devint le secrétaire de rédaction. Revue surréaliste? Oui ou non, et nous croyons même que le mot «surréalisme» n'y a jamais figuré… Par contre y furent publiées les premières traductions en langue française de textes des philosophes Martin Heidegger et Karl Jaspers. Y collabora également le philosophe franças Jean Wahl tandis qu'y figurèrent des traductions de textes poétiques ou mystiques flamnds, allemands, anglais, tibétains, arabes et chinois, sans oublier l'intérêt porté à des poètes symbolistes, pré-symbolistes ou post-symbolistes.

 

En somme «Hermès» pratiqua un «Surréalisme occulté» qui a retenu l'attention d'André Breton, mais aussi l'indifférence, si pas l'hostilité de certains membres de la «Société du Mystère». Notons à ce propos que Breton a toujours préféré le «merveilleux» au «mystère», en prônant surtout le recours à la magie, sans toutefois pouvoir se soustraire à la tentation d'une magie de pacotille, celles des voyantes et des médiums. Du côté d'«Hermès», au contraire, il y eut toujours le souci d'un hermétisme davantage tourné vers l'austère éthique propre à tout ce qui relève de la «Tradition primordiale». Mais ne l'oublions pas:: le Surréalisme d'André Breton et de ses amis n'a jamais pu se défaire d'un certain «avant-gardisme» très parisien en lequel le goût de l'étrange, du bizarre à tout prix, de burlesque provocateur et de l'exotimse forment un amalgame des plus pittoresques fort éloigné des préoccupations profondes de Marc. Eemans et de ses amis de la revue «Hermès». Chez lui surtout prévaut avant tout la soumission à des mythes intérieurs nés de ses fantasmes. Il y a chez lui une gravité qui l'a conduit à une incessante quête de l'Absolu. En témoignent aussi bien ses peintures que ses écrits poétiques. Comme l'a écrit Paul Caso («Le Soir, 26-28.XII.1980): «On doit reconnaître l'existence de Marc. Eemans et la singularité d'un métier qui a choisi de n'être ni claironnant, ni racoleur. Il y a là un poids d'angoisse et de sensibilité».

 

Jean d'Urcq

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jeudi, 07 janvier 2010

Entretien avec Marc. Eemans, le dernier des surréalistes de l'école d'André Breton

EEMANSTABLEAU.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Entretien avec Marc. Eemans, le dernier des surréalistes de l’école d’André Breton

 

propos recueillis par Koenraad Logghe

et Robert Steuckers

 

Aujourd'hui âgé de 83 ans, Marc. Eemans affirme être le dernier des surréalistes. Après lui, la page sera tournée. Le surréalisme sera définitivement entré dans l'histoire. Qui est-il, ce dernier des surréalistes, ce peintre de la génération des Magritte, Delvaux et Dali, aujourd'hui ostracisé? Quel a été son impact littéraire? Quelle influence Julius Evola a-t-il exercé sur lui? Ce «vilain petit canard» du mouvement surréaliste jette un regard très critique sur ses compères morts. Ceux-ci lui avaient cherché misère pour son passé «collaborationniste». Récemment, Ivan Heylen, du journal Panorama (22/28.8.1989), l'a interviewé longuement, agrémentant son article d'un superbe cliché tout en mettant l'accent sur l'hétérosexualité tumultueuse de Marc. Eemans et de ses émules surréalistes. Nous prenons le relais mais sans oublier de l'interroger sur les artistes qu'il a connus, sur les grands courants artistiques qu'il a côtoyés, sur les dessous de sa «collaboration»...

 

Q.: La période qui s'étend du jour de votre naissance à l'émergence de votre première toile a été très importante. Comment la décririez-vous?

 

ME: Je suis né en 1907 à Termonde (Dendermonde). Mon père aimait les arts et plu­sieurs de ses amis étaient peintres. A l'âge de huit ans, j'ai appris à connaître un parent éloigné, sculpteur et activiste (1): Emiel De Bisschop. Cet homme n'a jamais rien réussi dans la vie mais il n'en a pas moins revêtu une grande signification pour moi. C'est grâce à Emiel De Bisschop que j'entrai pour la première fois en contact avec des écrivains et des artistes.

 

Q.: D'où vous est venue l'envie de dessiner et de peindre?

 

ME: J'ai toujours suivi de très près l'activité des artistes. Immédiatement après la première guerre mondiale, j'ai connu le peintre et baron Frans Courtens. Puis je rendai un jour visite au peintre Eugène Laermans. Ensuite encore une quantité d'autres, dont un véritable ami de mon père, un illustre inconnu, Eugène van Mierloo. A sa mort, j'ai appris qu'il avait pris part à la première ex­pédition au Pôle Sud comme reporter-dessina­teur. Pendant la première guerre mondiale, j'ai visité une exposition de peintres qui jouissent aujourd'hui d'une notoriété certaine: Felix Deboeck, Victor Servranckx, Jozef Peeters. Aucun d'entre eux n'était alors abstrait. Ce ne fut que quelques années plus tard que nous con­nûmes le grand boom de la peinture abstraite dans l'art moderne. Lorsque Servranckx organisa une exposition personnelle, j'entrai en contact avec lui et, depuis lors, il m'a considéré comme son premier disciple. J'avais environ quinze ans lorsque je me mis à peindre des toiles abstraites. A seize ans, je collaborais à une feuille d'avant-garde intitulée Sept Arts. Parmi les autres colla­borateurs, il y avait le poète Pierre Bourgeois, le poète, peintre et dessinateur Pierre-Louis Flouquet, l'architecte Victor Bourgeois et mon futur beau-frère Paul Werrie (2). Mais l'abstrait ne m'attira pas longtemps. Pour moi, c'était trop facile. Comme je l'ai dit un jour, c'est une aber­ration matérialiste d'un monde en pleine déca­dence... C'est alors qu'un ancien acteur entra dans ma vie: Geert van Bruaene.

 

Je l'avais déjà rencontré auparavant et il avait laissé des traces profondes dans mon imagina­tion: il y tenait le rôle du zwansbaron,  du «Baron-Vadrouille». Mais quand je le revis à l'âge de quinze ans, il était devenu le directeur d'une petite galerie d'art, le «Cabinet Maldoror», où tous les avant-gardistes se réunissaient et où furent exposés les premiers expressionnistes al­lemands. C'est par l'intermédiaire de van Bruaene que je connus Paul van Ostaijen (3). Geert van Bruaene méditait Les Chants de Maldoror  du soi-disant Comte de Lautréamont, l'un des principaux précurseurs du surréalisme. C'est ainsi que je devins surréaliste sans le sa­voir. Grâce, en fait, à van Bruaene. Je suis passé de l'art abstrait au Surréalisme lorsque mes images abstraites finirent par s'amalgamer à des objets figuratifs. A cette époque, j'étais encore communiste...

 

Q.: A l'époque, effectivement, il semble que l'intelligentsia et les artistes appartenaient à la gauche? Vous avez d'ailleurs peint une toile superbe représentant Lénine et vous l'avez intitulée «Hommage au Père de la Révolution»...

 

ME: Voyez-vous, c'est un phénomène qui s'était déjà produit à l'époque de la Révolution Française. Les jeunes intellectuels, tant en France qu'en Allemagne, étaient tous partisans de la Révolution Française. Mais au fur et à mesure que celle-ci évolua ou involua, que la terreur prit le dessus, etc., ils ont retiré leurs épingles du jeu. Et puis Napoléon est arrivé. Alors tout l'enthousiasme s'est évanoui. Ce fut le cas de Goethe, Schelling, Hegel, Hölderlin... Et n'oublions également pas le Beethoven de la Sinfonia Eroica, inspirée par la Révolution fran­çaise et primitivement dédiée à Napoléon, avant que celui-ci ne devient empereur. Le même phé­nomène a pu s'observer avec la révolution russe. On croyait que des miracles allaient se produire. Mais il n'y en eut point. Par la suite, il y eut l'opposition de Trotski qui croyait que la révolu­tion ne faisait que commencer. Pour lui, il fallait donc aller plus loin!

 

Q.: N'est-ce pas là la nature révolutionnaire ou non-conformiste qui gît au tréfonds de tout artiste?

 

ME: J'ai toujours été un non-conformiste. Même sous le nazisme. Bien avant la dernière guerre, j'ai admiré le «Front Noir» d'Otto Strasser. Ce dernier était anti-hitlérien parce qu'il pensait que Hitler avait trahi la révolution. J'ai toujours été dans l'opposition. Je suis sûr que si les Allemands avaient emporté la partie, que, moi aussi, je m'en serais aller moisir dans un camp de concentration. Au fond, comme disait mon ami Mesens, nous, surréalistes, ne sommes que des anarchistes sentimentaux.

 

Q.: Outre votre peinture, vous êtes aussi un homme remarquable quant à la grande diversité de ses lectures. Il suffit d'énumérer les auteurs qui ont exercé leur influence sur votre œuvre...

 

ME: Je me suis toujours intéressé à la littérature. A l'athenée (4) à Bruxelles, j'avais un curieux professeur, un certain Maurits Brants (5), auteur, notamment, d'une anthologie pour les écoles, intitulée Dicht en Proza.  Dans sa classe, il avait accroché au mur des illustrations représentant les héros de la Chanson des Nibelungen. De plus, mon frère aîné était wagnérien. C'est sous cette double influence que je découvris les mythes germaniques. Ces images de la vieille Germanie sont restées gravées dans ma mémoire et ce sont elles qui m'ont distingué plus tard des autres sur­réalistes. Ils ne connaissaient rien de tout cela. André Breton était surréaliste depuis dix ans quand il entendit parler pour la première fois des romantiques allemands, grâce à une jeune amie alsacienne. Celle-ci prétendait qu'il y avait déjà eu des «surréalistes» au début du XIXième siècle. Novalis, notamment. Moi, j'avais découvert Novalis par une traduction de Maeterlinck que m'avait refilée un ami quand j'avais dix-sept ans. Cet ami était le cher René Baert, un poète admi­rable qui fut assassiné par la «Résistance» en Allemagne, peu avant la capitulation de celle-ci, en 1945. Je fis sa connaissance dans un petit ca­baret artistique bruxellois appelé Le Diable au corps. Depuis nous sommes devenus insépa­rables aussi bien en poésie qu'en politique, di­sons plutôt en «métapolitique» car la Realpolitik n'a jamais été notre fait. Notre évolution du communisme au national-socialisme relève en ef­fet d'un certain romantisme en lequel l'exaltation des mythes éternels et de la tradition primordiale, celle de René Guénon et de Julius Evola, a joué un rôle primordial. Disons que cela va du Georges Sorel du Mythe de la Révolution et des Réflexions sur la violence à l'Alfred Rosenberg du Mythe du XXième siècle, en passant par La Révolte contre le monde moderne de Julius Evola. Le seul livre que je pourrais appeler méta­politique de René Baert s'intitule L'épreuve du feu  (Ed. de la Roue Solaire, Bruxelles, 1944) (6). Pour le reste, il est l'auteur de recueils de poèmes et d'essais sur la poésie et la peinture. Un penseur et un poète à redécouvrir. Et puis, pour revenir à mes lectures initiales, celles de ma jeu­nesse, je ne peux oublier le grand Louis Couperus (7), le symboliste à qui nous devons les merveilleux Psyche, Fidessa et Extase.

 

Q.: Couperus a-t-il exercé une forte influence sur vous?

 

tetes_nus.jpgME: Surtout pour ce qui concerne la langue. Ma langue est d'ailleurs toujours marquée par Couperus. En tant que Bruxellois, le néerlandais officiel m'a toujours semblé quelque peu artifi­ciel. Mais cette langue est celle à laquelle je voue tout mon amour... Un autre auteur dont je devins l'ami fut le poète expressionniste flamand Paul van Ostaijen. Je fis sa connaissance par l'entremise de Geert van Bruaene. Je devais alors avoir dix-huit ans. Lors d'une conférence que van Ostaijen fit en français à Bruxelles, l'orateur, mon nouvel ami qui devait mourir quelques an­nées plus tard à peine âgé de trente-deux ans, fixa définitivement mon attention sur le rapport qu'il pouvait y avoir entre la poésie et la mystique, tout comme il me parla également d'un mysticisme sans Dieu, thèse ou plutôt thème en lequel il re­joignait et Nietzsche et André Breton, le «pape du Surréalisme» qui venait alors de publier son Manifeste du Surréalisme.

 

Q.: Dans votre œuvre, mystique, mythes et surréalisme ne peuvent être séparés?

 

ME: Non, je suis en quelque sorte un surréaliste mythique et, en cela, je suis peut-être le surréa­liste le plus proche d'André Breton. J'ai toujours été opposé au surréalisme petit-bourgeois d'un Magritte, ce monsieur tranquille qui promenait son petit chien, coiffé de son chapeau melon...

 

Q.: Pourtant, au début, vous étiez amis. Comment la rupture est-elle survenue?

 

ME: En 1930. Un de nos amis surréalistes, Camille Goemans, fils du Secrétaire perpétuel de la Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal en Letterkunde  ( = Académie Royale Flamande de Langue et de Littérature), possédait une galerie d'art à Paris. Il fit faillite. Mais à ce moment, il avait un contrat avec Magritte, Dali et moi. Après cet échec, Dali a trouvé sa voie grâce à Gala, qui, entre nous soit dit, devait être une vraie mégère. Magritte, lui, revint à Bruxelles et devint un misé­reux. Tout le monde disait: «Ce salaud de Goemans! C'est à cause de lui que Magritte est dans la misère». C'est un jugement que je n'admis pas. C'est le côté «sordide» du Surréalisme belge. Goemans, devenu pauvre comme Job par sa faillite, fut rejeté par ses amis surréalistes, mais il rentra en grâce auprès d'eux lorsqu'il fut redevenu riche quelque dix ans plus tard grâce à sa femme, une Juive de Russie, qui fit du «marché noir» avec l'occupant durant les années 1940-44. Après la faillite parisienne, Goemans et moi avons fait équipe. C'est alors que parut le deuxième manifeste surréaliste, où Breton écrivit, entre autres choses, que le Surréalisme doit être occulté, c'est-à-dire s'abstenir de tous compromis et de tout particula­risme intellectuel. Nous avons pris cette injonc­tion à la lettre. Nous avions déjà tous deux reçu l'influence des mythes et de la mystique germa­niques. Nous avons fondé, avec l'ami Baert, une revue, Hermès, consacrée à l'étude comparative du mysticisme, de la poésie et de la philosophie. Ce fut surtout un grand succès moral. A un mo­ment, nous avions, au sein de notre rédaction, l'auteur du livre Rimbaud le voyant,  André Rolland de Renéville. Il y avait aussi un philo­sophe allemand anti-nazi, qui avait émigré à Paris et était devenu lecteur de littérature allemande chez Gallimard: Bernard Groethuysen. Par son intermédiaire, nous nous sommes assurés la col­laboration d'autres auteurs. Il nous envoyait même des textes de grands philosophes encore peu connus à l'époque: Heidegger, Jaspers et quelques autres. Nous avons donc été parmi les premiers à publier en langue française des textes de Heidegger, y compris des fragments de Sein und Zeit.

 

Parmi nos collaborateurs, nous avions l'un des premiers traducteurs de Heidegger: Henry Corbin (1903-1978) qui devint par la suite l'un des plus brillants iranologues d'Europe. Quant à notre se­crétaire de rédaction, c'était le futur célèbre poète et peintre Henri Michaux. Sa présence parmi nous était due au hasard. Goemans était l'un de ses vieux amis: il avait été son condisciple au Collège St. Jan Berchmans. Il était dans le be­soin. La protectrice de Groethuysen, veuve d'un des grands patrons de l'Arbed, le consortium de l'acier, nous fit une proposition: si nous enga­gions Michaux comme secrétaire de rédaction, elle paierait son salaire mensuel, plus les factures de la revue. C'était une solution idéale. C'est ainsi que je peux dire aujourd'hui que le célé­brissime Henri Michaux a été mon employé...

 

Q.: Donc, grâce à Groethuysen, vous avez pris connaissance de l'œuvre de Heidegger...

 

ME: Eh oui. A cette époque, il commençait à de­venir célèbre. En français, c'est Gallimard qui publia d'abord quelques fragments de Sein und Zeit. Personnellement, je n'ai jamais eu de con­tacts avec lui. Après la guerre, je lui ai écrit pour demander quelques petites choses. J'avais lu un interview de lui où il disait que Sartre n'était pas un philosophe mais que Georges Bataille, lui, en était un. Je lui demandai quelques explications à ce sujet et lui rappelai que j'avais été l'un des premiers éditeurs en langue française de ses œuvres. Pour toute réponse, il m'envoya une petite carte avec son portrait et ces deux mots: «Herzlichen Dank!» (Cordial merci!). Ce fut la seule réponse de Heidegger...

 

Q.: Vous auriez travaillé pour l'Ahnenerbe. Comment en êtes-vous arrivé là?

 

ME: Avant la guerre, je m'étais lié d'amitié avec Juliaan Bernaerts, mieux connu dans le monde littéraire sous le nom de Henri Fagne. Il avait épousé une Allemande et possédait une librairie internationale dans la Rue Royale à Bruxelles. Je suppose que cette affaire était une librairie de propagande camouflée pour les services de Goebbels ou de Rosenberg. Un jour, Bernaerts me proposa de collaborer à une nouvelle maison d'édition. Comme j'étais sans travail, j'ai ac­cepté. C'était les éditions flamandes de l'Ahnenerbe. Nous avons ainsi édité une ving­taine de livres et nous avions des plans gran­dioses. Nous sortions également un mensuel, Hamer,  lequel concevait les Pays-Bas et la Flandre comme une unité.

 

Q.: Et vous avez écrit dans cette publication?

 

ME: Oui. J'ai toujours été amoureux de la Hollande et, à cette époque-là, il y avait comme un mur de la honte entre la Flandre et la Hollande. Pour un Thiois comme moi, il existe d'ailleurs toujours deux murs séculaires de la honte: au Nord avec les Pays-Bas; au Sud avec la France, car la frontière naturelle des XVII Provinces historiques s'étendait au XVIième siècle jusqu'à la Somme. La première capitale de la Flandre a été la ville d'Arras (Atrecht). Grâce à Hamer,  j'ai pu franchir ce mur. Je devins l'émissaire qui se rendait régulièrement à Amsterdam avec les articles qui devaient paraître dans Hamer. Le rédacteur-en-chef de Hamer-Pays-Bas cultivait lui aussi des idées grand-néer­landaises. Celles-ci transparaissaient clairement dans une autre revue Groot-Nederland, dont il était également le directeur. Comme elle a conti­nué à paraître pendant la guerre, j'y ai écrit des articles. C'est ainsi qu'Urbain van de Voorde (8) a participé également à la construction de la Grande-Néerlande. Il est d'ailleurs l'auteur d'un essai d'histoire de l'art néerlandais, considérant l'art flamand et néerlandais comme un grand tout. Je possède toujours en manuscrit une traduction de ce livre, paru en langue néerlandaise en 1944.

 

Mais, en fin de compte, j'étais un dissident au sein du national-socialisme! Vous connaissez la thèse qui voulait que se constitue un Grand Reich allemand dans lequel la Flandre ne serait qu'un Gau parmi d'autres. Moi, je me suis dit: «Je veux bien, mais il faut travailler selon des principes or­ganiques. D'abord il faut que la Flandre et les Pays-Bas fusionnent et, de cette façon seulement, nous pourrions participer au Reich, en tant qu'entité grande-néerlandaise indivisible». Et pour nous, la Grande-Néerlande s'étendait jusqu'à la Somme! Il me faut rappeler ici l'existence pendant l'Occupation, d'une «résistance thioise» non reconnue comme telle à la «Libération». J'en fis partie avec nombre d'amis flamands et hollandais, dont le poète fla­mand Wies Moens pouvait être considéré comme le chef de file. Tous devinrent finalement victimes de la «Répression».

 

Q.: Est-ce là l'influence de

Joris van Severen?

 

ME: Non, Van Severen était en fait un fransquil­lon, un esprit totalement marqué par les modes de Paris. Il avait reçu une éducation en français et, au front, pendant la première guerre mondiale, il était devenu «frontiste» (9). Lorsqu'il créa le Verdinaso, il jetta un oeil au-delà des frontières de la petite Belgique, en direction de la France. Il revendiqua l'annexion de la Flandre française. Mais à un moment ou à un autre, une loi devait être votée qui aurait pu lui valoir des poursuites. C'est alors qu'il a propagé l'idée d'une nouvelle direction de son mouvement (la fameuse «nieuwe marsrichting»). Il est redevenu «petit-belge». Et il a perdu le soutien du poète Wies Moens (10), qui créa alors un mouvement dissident qui se cristal­lisa autour de sa revue Dietbrand  dont je devins un fidèle collaborateur.

 

Q.: Vous avez collaboré à une quantité de publications, y compris pendant la seconde guerre mondiale. Vous n'avez pas récolté que des félicitations. Dans quelle mesure la répression vous a-t-elle marqué?

 

ME: En ce qui me concerne, la répression n'est pas encore finie! J'ai «collaboré» pour gagner ma croûte. Il fallait bien que je vive de ma plume. Je ne me suis jamais occupé de politique. Seule la culture m'intéressait, une culture assise sur les traditions indo-européennes. De plus, en tant qu'idéaliste grand-néerlandais, je demeurai en marge des idéaux grand-allemands du national-socialisme. En tant qu'artiste surréaliste, mon art était considéré comme «dégénéré» par les ins­tances officielles du IIIième Reich. Grâce à quelques critiques d'art, nous avons toutefois pu faire croire aux Allemands qu'il n'y avait pas d'«art dégénéré» en Belgique. Notre art devait être analysé comme un prolongement du roman­tisme allemand (Hölderlin, Novalis,...), du mou­vement symboliste (Böcklin, Moreau, Khnopff,...) et des Pré-Raphaëlites anglais. Pour les instances allemandes, les expressionnistes flamands étaient des Heimatkünstler  (des peintres du terroir). Tous, y compris James Ensor, mais excepté Fritz Van der Berghe, consi­déré comme trop «surréaliste» en sa dernière pé­riode, ont d'ailleurs participé à des expositions en Allemagne nationale-socialiste.

 

Mais après la guerre, j'ai tout de même purgé près de quatre ans de prison. En octobre 1944, je fus arrêté et, au bout de six ou sept mois, remis en liberté provisoire, avec la promesse que tout cela resterait «sans suite». Entretemps, un audi­teur militaire (11) cherchait comme un vautour à avoir son procès-spectacle. Les grands procès de journalistes avaient déjà eu lieu: ceux du Soir, du Nouveau Journal, de Het Laatste Nieuws,... Coûte que coûte, notre auditeur voulait son pro­cès. Et il découvrit qu'il n'y avait pas encore eu de procès du Pays réel  (le journal de Degrelle). Les grands patrons du Pays réel avaient déjà été condamnés voire fusillés (comme Victor Matthijs, le chef de Rex par interim et rédacteur-en-chef du journal). L'auditeur eut donc son procès, mais avec, dans le box des accusés, des seconds cou­teaux, des lampistes. Moi, j'étais le premier des troisièmes couteaux, des super-lampistes. Je fus arrêté une seconde fois, puis condamné. Je restai encore plus ou moins trois ans en prison. Plus moyen d'en sortir! Malgré l'intervention en ma faveur de personnages de grand format, dont mon ami français Jean Paulhan, ancien résistant et futur membre de l'Académie Française, et le Prix Nobel anglais T.S. Eliot, qui écrivit noir sur blanc, en 1948, que mon cas n'aurait dû exiger aucune poursuite. Tout cela ne servit à rien. La lettre d'Eliot, qui doit se trouver dans les archives de l'Auditorat militaire, mériterait d'être publiée, car elle condamne en bloc la répression sauvage des intellectuels qui n'avaient pas «brisé leur plume», cela pour autant qu'ils n'aient pas com­mis des «crimes de haute trahison». Eliot fut d'ailleurs un des grands défenseurs de son ami le poète Ezra Pound, victime de la justice répressive américaine.

 

1_w200.jpgQuand j'expose, parfois, on m'attaque encore de façon tout à fait injuste. Ainsi, récemment, j'ai participé à une exposition à Lausanne sur la femme dans le Surréalisme. Le jour de l'ouverture, des surréalistes de gauche distribuè­rent des tracts qui expliquaient au bon peuple que j'étais un sinistre copain d'Eichmann et de Barbie! Jamais vu une abjection pareille...

 

Q.: Après la guerre, vous avez participé aux travaux d'un groupe portant le nom étrange de «Fantasmagie»? On y rencontrait des figures comme Aubin Pasque, Pol Le Roy et Serge Hutin...

 

ME: Oui. Le Roy et Van Wassenhove avaient été tous deux condamnés à mort (12). Après la guerre, en dehors de l'abstrait, il n'y avait pas de salut. A Anvers règnait la Hessenhuis:  dans les années 50, c'était le lieu le plus avant-gardiste d'Europe. Pasque et moi avions donc décidé de nous associer et de recréer quelque chose d'«anti». Nous avons lancé «Fantasmagie». A l'origine, nous n'avions pas appelé notre groupe ainsi. C'était le centre pour je ne sais plus quoi. Mais c'était l'époque où Paul de Vree possédait une revue, Tafelronde.  Il n'était pas encore ultra-moderniste et n'apprit que plus tard l'existence de feu Paul van Ostaijen. Jusqu'à ce moment-là, il était resté un brave petit poète. Bien sûr, il avait un peu collaboré... Je crois qu'il avait travaillé pour De Vlag (13). Pour promouvoir notre groupe, il promit de nous consacrer un numéro spécial de Tafelronde.  Un jour, il m'écrivit une lettre où se trouvait cette question: «Qu'en est-il de votre "Fantasmagie"?». Il venait de trouver le mot. Nous l'avons gardé.

 

Q.: Quel était l'objectif de «Fantasmagie»?

 

ME: Nous voulions instituer un art pictural fan­tastique et magique. Plus tard, nous avons attiré des écrivains et des poètes, dont Michel de Ghelderode, Jean Ray, Thomas Owen, etc. Mais chose plus importante pour moi est la création en 1982, à l'occasion de mes soixante-quinze ans, par un petit groupe d'amis, d'une Fondation Marc. Eemans  dont l'objet est l'étude de l'art et de la littérature idéalistes et symbolistes. D'une activité plus discrète, mais infiniment plus sé­rieuse et scientifique, que la «Fantasmagie», cette Fondation a créé des archives concernant l'art et la littérature (accessoirement également la mu­sique) de tout ce qui touche au symbole et au mythe, non seulement en Belgique mais en Europe voire ailleurs dans le monde, le tout dans le sens de la Tradition primordiale.

 

Q.: Vous avez aussi fondé le Centrum Studi Evoliani, dont vous êtes toujours le Président...

 

ME: Oui. Pour ce qui concerne la philosophie, j'ai surtout été influencé par Nietzsche, Heidegger et Julius Evola. Surtout les deux der­niers. Un Gantois, Jef Vercauteren, était entré en contact avec Renato Del Ponte, un ami de Julius Evola. Vercauteren cherchait des gens qui s'intéressaient aux idées de Julius Evola et étaient disposés à former un cercle. Il s'adressa au Professeur Piet Tommissen, qui lui communiqua mon adresse. J'ai lu tous les ouvrages d'Evola. Je voulais tout savoir à son sujet. Quand je me suis rendu à Rome, j'ai visité son appartement. J'ai discuté avec ses disciples. Ils s'étaient dispu­tés avec les gens du groupe de Del Ponte. Celui-ci prétendait qu'ils avaient été veules et mesquins lors du décès d'Evola. Lui, Del Ponte, avait eu le courage de transporter l'urne contenant les cendres funéraires d'Evola au sommet du Mont Rose à 4000 m et de l'enfouir dans les neiges éternelles. Mon cercle, hélas, n'a plus d'activités pour l'instant et cela faute de personnes réelle­ment intéressées.

 

En effet, il faut avouer que la pensée et les théo­ries de Julius Evola ne sont pas à la portée du premier militant de droite, disons d'extrême-droite, venu. Pour y accéder, il faut avoir une base philosophique sérieuse. Certes, il y a eu des farfelus férus d'occultisme qui ont cru qu'Evola parlait de sciences occultes, parce qu'il est consi­déré comme un philosophe traditionaliste de droite. Il suffit de lire son livre Masques et vi­sages du spiritualisme contemporain pour se rendre compte à quel point Evola est hostile, tout comme son maître René Guénon, à tout ce qui peut être considéré comme théosophie, anthropo­sophie, spiritisme et que sais-je encore.

 

L'ouvrage de base est son livre intitulé Révolte contre le monde moderne  qui dénonce toutes les tares de la société matérialiste qui est la nôtre et dont le culte de la démocratie (de gauche bien en­tendu) est l'expression la plus caractérisée. Je ne vous résumerai pas la matière de ce livre dense de quelque 500 pages dans sa traduction française. C'est une véritable philosophie de l'histoire, vue du point de vue de la Tradition, c'est-à-dire selon la doctrine des quatre âges et sous l'angle des théories indo-européennes. En tant que «Gibe­lin», Evola prônait le retour au mythe de l'Em­pire, dont le IIIième Reich de Hitler n'était en somme qu'une caricature plébéienne, aussi fut-il particulièrement sévère dans son jugement tant sur le fascisme italien que sur le national-so­cialisme allemand, car ils étaient, pour lui, des émanations typiques du «quatrième âge» ou Kali-Youga, l'âge obscur, l'âge du Loup, au même titre que le christianisme ou le communisme. Evola rêvait de la restauration d'un monde «héroïco-ouranien occidental», d'un monde éli­taire anti-démocratique dont le «règne de la masse», de la «société de consommation» aurait été éliminé. Bref, toute une grandiose histoire philosophique du monde dont le grand héros était l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250), un véritable héros mythique...

 

Q.: Vous avez commencé votre carrière en même temps que Magritte. Au début, vos œuvres étaient même mieux cotées que les siennes...

 

ME: Oui et pourtant j'étais encore un jeune galo­pin. Magritte s'est converti au Surréalisme après avoir peint quelque temps en styles futuriste, puis cubiste, etc. A cette époque, il avait vingt-sept ans. Je n'en avais que dix-huit. Cela fait neuf ans de différence. J'avais plus de patte. C'était la rai­son qui le poussait à me houspiller hors du groupe. Parfois, lorsque nous étions encore amis, il me demandait: «Dis-moi, comment pour­rais-je faire ceci...?». Et je répondais: «Eh bien Magritte, mon vieux, fais comme cela ou comme cela...». Ultérieurement, j'ai pu dire avec humour que j'avais été le maître de Magritte! Pendant l'Occupation, j'ai pu le faire dispenser du Service Obligatoire, mais il ne m'en a pas su gré. Bien au contraire!

 

Q.: Comment se fait-il qu'actuellement vous ne bénéficiez pas de la même réputation internationale que Magritte?

 

ME: Voyez-vous, lui et moi sommes devenus surréalistes en même temps. J'ai été célèbre lorsque j'avais vingt ans. Vous constaterez la vé­racité des mes affirmations en consultant la revue Variétés,  revue para-surréaliste des années 1927-28, où vous trouverez des publicités pour la ga­lerie d'art L'Epoque, dont Mesens était le direc­teur. Vous pouviez y lire: nous avons toujours en réserve des œuvres de... Suivait une liste de tous les grands noms de l'époque, dont le mien. Et puis il y a eu le formidable krach de Wall Street en 1929: l'art moderne ne valait plus rien du jour au lendemain. Je suis tombé dans l'oubli. Aujourd'hui, mon art est apprécié par les uns, boudé par d'autres. C'est une question de goût personnel. N'oubliez pas non plus que je suis un «épuré», un «incivique», un «mauvais Belge», même si j'ai été «réhabilité» depuis... J'ai même été décoré, il y a quelques années, de l'«Ordre de la Couronne»... et de la Svastika, ajoutent mes ennemis! Bref, pas de place pour un «surréaliste pas comme les autres». Certaines gens prétendent qu'«on me craint», alors que je crois plutôt que j'ai tout à craindre de ceux qui veulent me réduire au rôle peu enviable d'«artiste maudit». Mais comme on ne peut m'ignorer, certains spéculent déjà sur ma mort!

 

Propos recueillis en partie par Koenraad Logghe, en partie par Robert Steuckers. Une version néerlandaise de l'entrevue avec Logghe est parue dans la revue De Vrijbuiter, 5/1989. Adresse: De Vrijbuiter, c/o Jan Creve, Oud Arenberg 110, B-2790 Kieldrecht.   

 

(1) L'activisme est le mouvement collaborateur en Flandre pen­dant la première guerre mondiale. A ce propos, lire Maurits Van Haegendoren, Het aktivisme op de kentering der tijden, Uitgeve­rij De Nederlanden, Antwerpen, 1984.

(2) Paul Werrie était collaborateur du Nouveau Journal,  fondé par le critique d'art Paul Colin avant la guerre. Paul Werrie y te­nait la rubrique «théâtre». A la radio, il ani­mait quelques émis­sions sportives. Ces activités non po­li­tiques lui valurent toute­fois une condamnation à mort par contumace, tant la justice mi­litaire était sereine... Il vé­cut dix-huit ans d'exil en Espagne. Il se fixa ensuite à Marly-le-Roi, près de Paris, où résidait son compagnon d'infortume et vieil ami, Robert Poulet. Tous deux participèrent activement à la rédaction de Rivarol  et des Ecrits de Paris.

(3) Paul André van Ostaijen (1896-1928), jeune poète et es­sayiste flamand, né à Anvers, lié à l'aventure activiste, émigré politique à Berlin entre 1918-1920. Fonde la revue Avontuur, ouvre une galerie à Bruxelles mais miné par la tuberculose, abandonne et se consacre à l'écriture dans un sanatorium. Inspiré par Hugo von Hoffmannsthal et par les débuts de l'expres­sionnisme allemand, il développe un nationalisme fla­mand à dimensions universelles, tablant sur les grandes idées d'humanité et de fraternité. Se tourne ensuite vers le dadaïsme et le lyrisme exprérimental, la poésie pure. Exerce une grande in­fluence sur sa génération.

(4) L'Athenée est l'équivalent belge du lycée en France ou du Gymnasium en Allemagne.

(5) Maurits Brants a notamment rédigé un ouvrage sur les héros de la littérature germanique des origines: Germaansche Helden­leer,  A. Siffer, Gent, 1902.

(6) Dans son ouvrage L'épreuve du feu. A la recherche d'une éthique,  René Baert évoque notamment les œuvres de Keyser­ling, Abel Bonnard, Drieu la Rochelle, Montherlant, Nietzsche, Ernst Jünger, etc.

(7) Louis Marie Anne Couperus (1863-1923), écrivain symbo­liste néerlandais, grand voyageur, conteur naturaliste et psycho­logisant qui met en scène des personnages décadents, sans vo­lonté et sans force, dans des contextes contemporains ou an­tiques. Prose maniérée. Couperus a écrit quatre types de romans: 1) Des romans familiaux contemporains dans la société de La Haye; 2) des romans fantastiques et symboliques puisés dans les mythes et légendes d'Orient; 3) des romans mettant en scène des tyrans antiques; 4) des nouvelles, des esquisses et des récits de voyage.

(8) Pendant la guerre, Urbain van de Voorde participe à la rédac­tion de la revue hollando-flamande Groot-Nederland.  A l'épu­ration, il échappe aux tribunaux mais, comme Michel de Ghel­de­rode, est révoqué en tant que fonctionnaire. Après ces tra­cas, il participe dès le début à la rédaction du Nieuwe Standaard  qui reprend rapidement son titre De Standaard,  et devient princi­pal quo­tidien flamand.

(9) Dans les années 20, le frontisme est le mouvement politique des soldats revenus du front et rassemblés dans le Frontpartij.  Ce mouvement s'oppose aux politiques militaires de la Belgique, notamment à son alliance tacite avec la France, jugée ennemie héréditaire du peuple flamand, lequel n'a pas à verser une seule goutte de son sang pour elle. Il s'engage pour une neutralité ab­solue, pour la flamandisation de l'Université de Gand, etc.

(10) Le poète Wies Moens (1898-1982), activiste pendant la première guerre mondiale et étudiant à l'Université flamandisée de Gand entre 1916 et 1918, purgera quatre années de prison entre 1918 et 1922 dans les geôles de l'Etat belge. Fonde les re­vues Pogen  (1923-25) et Dietbrand  (1933-40). En 1945, un tribunal militaire le condamne à mort mais il parvient à se réfu­gier aux Pays-Bas pour échapper à ses bourreaux. Il fut l'un des principaux représentants de l'expressionnisme flamand. Il sera lié, à l'époque du Frontpartij,  à Joris van Severen, mais rompra avec lui pour les raisons que nous explique Marc. Eemans.

Cfr.: Erik Verstraete, Wies Moens,  Orion, Brugge, 1973.

(11) Les tribunaux militaires belges était présidés par des «au­diteurs» lors de l'épuration. On parlait également de l'«Audi­torat militaire». Pour comprendre l'abomination de ces tribunaux, le mécanisme de nomination au poste de juge de jeunes juristes inexpérimentés, de sous-officiers et d'officiers sans connaissances juridiques et revenus des camps de prison­niers, lire l'ouvrage du Prof. Raymond Derine, Repressie zonder maat of einde? Terug­blik op de collaboratie, repressie en amnes­tiestrijd,  Davidsfonds, Leuven, 1978. Le Professeur Derine si­gnale le mot du Ministre de la Justice Pholien, dépassé par les événements: «Une justice de rois nègres».

(12) Pol Le Roy, poète, ami de Joris Van Severen, chef de pro­pagande du Verdinaso, passera à la SS flamande et au gouverne­ment en exil en Allemagne de septembre 44 à mai 45. Van Was­senhove, chef de district du Verdinaso, puis de De Vlag (Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft),  à Ypres, a été con­dam­né à mort en 1945. Sa femme verse plusieurs millions à l'Au­ditorat militaire et à quelques «magistrats», sauvant ainsi la vie de son époux. En prison, Van Wassenhove apprend l'es­pagnol et traduit plusieurs poésies. Il deviendra l'archiviste de «Fantasmagie».

(13) De Vlag (= Le Drapeau) était l'organe culturel de la Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft. Il traitait essentielle­ment de questions littéraires, artistiques et philosophiques.

 

dimanche, 08 novembre 2009

Primo futurismo italiano e futurismo russo

marinetti-futurismo.jpgPrimo Futurismo italiano e futurismo russo: estetiche a confronto in occasione del centenario


di Stella Bianchi / http://www.italiasociale.org/

I rapporti tra i movimenti futuristi italiano e russo servono a capire l’esordio delle avanguardie europee:,Marinetti e Majakovskij, rappresentano un’intreccio di confronti e divergenze tra i due filoni futuristici. .

Il Futurismo ha conosciuto la sua realizzazione più grande in Italia e in Russia, e la storia dell’ intersezione dei due movimenti è di primaria importanza perché spesso si è posto il problema del primato cronologico del primo rispetto al secondo.
Dietro alla complessa vicenda dei rapporti tra i due "futurismi", si cela una questione ancora più intrigante, che tocca la nozione stessa di "avanguardia". Questo termine nacque in Francia e fu mutuato dal registro linguistico militare perché la sua funzione di superamento della cultura borghese, doveva essere di rottura e d’innovazione sia nel campo estetico che in quello politico..
L'agognata saldatura delle 'due avanguardie' fu un sogno che divenne dominante dopo lo sconvolgimento dovuto alla prima guerra mondiale, col sovvertimento degli istituti politici tradizionali e con il sorgere del Bolscevismo in Russia e del Fascismo in Italia.
Così, la questione del "primato" e delle "influenze", pur continuando ad esser discussa soprattutto sotto il profilo artistico, ha acquisito una valenza metastorica, perché si rifaceva retrospettivamente al periodo d'oro del primo Futurismo.
La ricostruzione documentaria del dibattito che ne scaturì (con l'intervento, tra gli altri, di Marinetti e Majakovskij , di Prezzolini, di Croce, di Jakobson,di Livsic, di Chlebnikov e di altri..) consente di mettere in luce lo snodo decisivo dell’interpretazione critica dell'avanguardia novecentesca.
L’ampia silloge di fonti originali esaminate negli ultimi trent’anni da più studiosi, ha portato un contributo essenziale alle celebrazioni per il centenario del Futurismo, evidenziando gli aspetti dell’influenza occidentale nei confronti della cultura slava in Russia.

Il dibattito sul primato del Futurismo italiano rispetto a quello russo sembra aver trovato una soluzione perché ormai tutti gli studiosi sono concordi nel sostenere che quello italiano precedette quello russo.
I due movimenti artistico-letterari si sono influenzati a vicenda pur provenendo da formazioni differenti.
Il Futurismo italiano si è affacciato alla ribalta con il noto Manifesto di Filippo Tommaso Martinetti pubblicato agli inizi di febbraio del 1909 da diversi quotidiani inizialmente a Milano e poi su La Gazzetta dell’Emilia a Bologna il 5 febbraio 1909, L’Arena di Verona il 9 febbraio 1909 e infine su Le Figaro di Parigi il 20 febbraio 1909.Questo fu il primo di una lunga serie di manifesti programmatici del Futurismo che seguirono negli anni successivi.
Nel 1910 Marinetti, dopo esser stato assolto dall’accusa di oltraggio al pudore con la sua opera Mafarka il futurista,trovò inaspettati alleati tra i giovani pittori Boccioni,Carrà e Russolo e con il poeta Palazzeschi.
Nel 1910 uscì il Manifesto Futurista della pittura promosso dai pittori divisionisti Boccioni,Carrà,Balla e Severini.(abolizione della prospettiva tradizionale).
Iniziò così una serie di serate a tema futurista durante le quali Marinetti incontrava il suo pubblico e spesso nascevano risse e discussioni.


Nello stesso periodo in Europa si erano sviluppate molte correnti poetiche di avanguardia che riflettevano i gusti dell’epoca come il Simbolismo che in Russia aveva trovato una sua specifica collocazione che facilitò l’introduzione del Futurismo italiano.
La prima volta che in Russia fu introdotto il termine Futurismo fu quando si compose il gruppo di artisti che operavano a San Pietroburgo e che furono denominati egofuturisti poiché esaltavano l’individualismo come chiave di filosofia del futuro.
Gli scambi culturali tra Italia e Russia si erano realizzati già dal 1905 con la rivista letteraria simbolista di Marinetti “Poesia” che era talmente diffusa a Mosca che tra il 1909 e il 1910 comparvero altrettanti articoli futuristi italiani su riviste letterarie russe.
Nel 1911 e anche nel 1912 più di un artista cubista russo venne in Italia per conoscere di persona il Futurismo nascente e da qui si formò una corrente di cubofuturisti russi tra cui Kamenskij.
Nello stesso anno, cioè nel 1911 veniva pubblicata in Francia un’ampia raccolta di manifesti futuristi che trovarono nei poeti francesi Guillaume Apollinaire e Blaise Cendrars(il poeta soldato) i suoi più illustri estensori ampliando così la platea degli artisti che conobbero ed aderirono alle teorie di Marinetti e dei suoi compagni.

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In questo modo anche in Russia cominciarono a fervere molti sperimentalismi letterari soprattutto intorno al poeta Chlebonikov che giocava con gli echi simultanei delle parole , con le assonanze , con la creazione di neologismi , con il linguaggio infantile asemantico.E già da allora,la ricerca strettamente formale russa antiaccademica stava avanzando i suoi primi rilevanti progressi attraverso molti sperimentalismi letterari.
Spesso alcuni gruppi di artisti russi organizzavano mostre,si riunivano in serate speciali in cui declamavano i principi della loro estetica oppure passeggiavano per strada con vestiti stravaganti e i volti dipinti declamando tra i passanti a viva voce e in maniera provocatoria i versi dei loro poemi come soleva fare Natalja Goncarova Michail Larionov,David e Nikolaj Burljuk,Benedict Livsic,Aleksej Krucenyc e Vladimir Majakovskij (1909).Ma c’e’ da dire che le loro provocazioni non erano condivise dal popolo.Questi artisti che operavano a Mosca , facevano parte del gruppo Gileia e si contrapponevano ai futuristi di San Pietroburgo perché si battevano per la collettività e per il movimento organizzato.
La ricerca del nuovo, in Russia non era però proiettata verso il mondo moderno, come in Italia(modernismo tecnologico) poiché la Russia necessitava di un profondo e strutturale rinnovamento della società e questo elemento era vissuto come una basilare esigenza anche se spesso l’artista si dibatteva tra le innovazioni occidentali e la necessità di non snaturare la cultura slava e quindi si poneva l’esigenza di rimanere fedele alle proprie radici e alla propria nazione(primitivismo)
Per questo motivo,la diffidenza nei confronti dei modelli occidentali,portò alcune avanguardie russe agli antipodi della cultura futurista dominante, privilegiando modelli fantasiosi con riferimenti preistorici e precristiani(gruppo neoprimitivista “Fante di Quadri” di Natalja Goncarova).
Ecco perché Marinetti trovò spesso grandi ostacoli nei contatti con il Futurismo russo e più volte venne accolto da loro con diffidenza in quanto nella sua estetica predicava la realizzazione del futuro nel presente e perché le sue teorie risultavano paternalistiche,invece i russi concepivano l’arte come ricerca delle radici popolari del passato,al servizio del popolo e come precorritrice della futura rivoluzione
La divergenza tra i due Futurismi si concretizzò definitivamente nel 1914 ad opera di Majakovskij che attorno al LEF (Levyi Front Iskusstv),Fronte di sinistra delle arti, aveva riunito poeti,scenografi e registi.(Einsenstein)

Nel 1913 fu fondata da un gruppo di intellettuali(Papini, Soffici e Prezzolini) la rivista letteraria Lacerba che diede spazio al Futurismo italiano nell’esaltazione anarchica del “genio” e del “superuomo”.In questo periodico comparvero interventi di Marinetti,Folgore,Boccioni,Carrà e Govoni.
Lacerba pubblicò anche il Programma politico futurista nel quale venivano attaccate le istituzioni clericali,liberali e moderate di Giolitti e di Gentiloni.


Le contraddizioni tra i due Futurismi sono molte.Il Futurismo italiano inneggiava alla rivoluzione tecnologica, esaltava la fiducia illimitata nel progresso, decretando inesorabilmente la fine delle vecchie ideologie e della letteratura ottocentesca, viste come passatismo da superare.
“Un’automobile ruggente è più bello della Nike di Samotracia” l’aggettivo bello andava al maschile perché l’automobile era considerata un oggetto maschile che esprimeva un senso di potenza ascrivibile solo ad un soggetto maschio .….
L’esaltazione del dinamismo, della velocità ,della simultaneità nella scrittura e nelle arti figurative erano gli elementi fondanti del Futurismo italiano e li troviamo espressi al meglio nelle opere di Boccioni.
In occidente, l’espandersi di grandi città, il moltiplicarsi di industrie, di catene di montaggio, di mezzi di trasporto, di metropolitane, di automobili, l’estendersi di strade illuminate artificialmente,il telegrafo senza fili ,la radio ,gli aeroplani,spingeva ad un concetto di arte vista come cambiamento veloce delle cose fino all’elaborazione di un’estetica della velocità.

Il Futurismo russo esaltava la visione frammentaria della realtà ,e nella lingua scritta usava le parole come mattoncini(cubismo a parole)in una concezione dello spazio che si stava sgretolando e che ibridandosi con altre avanguardie diventava cubofuturismo..
I futuristi italiani per contrapporsi alla cultura tardo ottocentesca ormai priva di forti contenuti, arrivarono a scardinare completamente la sintassi con l’abolizione dell’aggettivo, dell’avverbio,della punteggiatura e con l’esaltazione dell’onomatopea enfatizzata dalla ripetizione martellante di parole o di intere frasi(ma questo elemento lo troviamo anche in Apollinaire)alla ricerca di un linguaggio slegato dai canoni di bellezza tradizionali(Palazzeschi)…

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Se nel Futurismo russo emergeva la frammentazione della realtà in particelle più piccole(movimento letterario della Centrifuga), in quello italiano invece si rappresentava l’attimo inteso come parte del movimento stesso…fino ad arrivare al Divisionismo.
Nel Futurismo russo spesso vi erano interpolazioni tra testo visivo e testo scritto in un analogismo transmentale dal quale scaturivano tutti i significati possibili e tutte le idee (uso del linguaggio come potenza creativa).
Nel transmentalismo, le parole rappresentavano segni (una specie di Strutturalismo in fieri) generatori di nuovi inediti orizzonti espressivi che diventavano le chiavi interpretative della realtà.
Nello sforzo di pervenire ad un’interpretazione più definita della realtà,si arrivò fino al Raggismo(Goncarova) in cui la struttura a raggio colpiva ogni elemento per cogliere anche la più piccola rifrazione della luce.
Kandinskij tradusse più tardi, Il Trattato dell’Armonia di Schomberg e per spiegare la sua estetica pittorica usava una metafora musicale(transmentale): ”il colore è il tasto,l’occhio è il martelletto,l’anima è un pianoforte con molte corde”.
Da qui si evince la funzione estetica e poetica del linguaggio,come la definì
Jacobson nei suoi studi.
Molti artisti russi mutuarono la loro arte da pregresse esperienze come cartellonisti(i lubok erano delle stampe popolari russe usate come cartelloni pubblicitari).Ma questo accadde anche per artisti italiani come Soffici e Boccioni
E poi si ritorna alla russa Goncarova anch’essa disegnatrice prima che poetessa…
Majakovskij aveva iniziato come cartellonista pubblicitario approdando poi alla poesia intesa però come propaganda politica ed espressione della rivoluzione e come capovolgimento dei valori sentimentali e ideologici fino ad arrivare a rappresentazioni teatrali nelle quali l’azione è definita dal movimento della folla,l’urto delle idee,le critiche al mondo piccolo-borghese.
I futuristi italiani si descrivevano come’ prepotenti’ , dinamici ,militaristi,patrioti,esaltavano la guerra come sola igiene del mondo,si opponevano alle istituzioni come i musei e consideravano la donna come un soggetto destabilizzante per l’arte e quindi da emarginare.(anche se più tardi nel 1912 qualcuno scrisse Il Manifesto delle donne futuriste) Ecco un’altra contraddizione che evidenziava la magmatica dialettica interna al Futurismo italiano.

Nel Futurismo russo invece operavano molte donne attive come Natalja Goncarova,Alexandra Exter,Olga Rozanova,Lioubov Popova,Varvara Stepanova,Nadeshda Udaltsova.

In poche parole , Martinetti voleva trasmettere un impulso impattante, una forte spinta alla trasformazione e al rinnovamento della società e avrebbe voluto creare un fronte unico futurista in Europa per poi estenderlo a tutto il mondo.

I tentativi di mettere a confronto questi due Futurismi hanno spesso portato a conclusioni ossimoriche : è stato detto tutto e il contrario di tutto.
Alcuni studiosi hanno sostenuto che il Futurismo russo avesse influenzato quello italiano, qualcun altro ha sempre sostenuto il contrario, come il poeta russo Majakovskij.
Ma è certo che il Futurismo italiano ha il grande merito di aver contagiato anche altre nazioni come la Francia,e resta nella sua unicità come la confluenza di quelle avanguardie europee che il Modernismo influenzò profondamente.

Forse il Futurismo italiano si avvantaggio di un primato cronologico,anche se c’è da dire che i primi contatti tra intellettuali italiani e russi avvennero a Parigi.
Ardengo Soffici nel 1903 si recò nella capitale francese dove conobbe una coppia di editori e lì inizio a pubblicare suoi scritti;ci fu poi la collaborazione di G.Papini a riviste letterarie francesi …ma nello stesso tempo Goncarova si trasferì a Parigi insieme ad altri artisti russi e lì nell’ effervescente capitale d’oltralpe, i contatti con i migliori autori simobolisti furono inevitabili.
Insomma, ci furono contatti e scambi da ambedue le parti e Parigi all’epoca era la culla delle migliori produzioni artistico-letterarie.
Ci furono molte interrelazioni tra l’estetica russa e quella italiana che stanno a testimoniare la speciale corrispondenza tra la nostra spiritualità e quella russa e ciò dimostra una certa consonanza tra le due culture.
In tutti e due i casi però,si è passati dall’elaborazione teorica ad uno sbocco politico dei due movimenti che suggellò un divergente percorso ideologico poichè, dopo il deflagrante evento della Prima Guerra Mondiale , gran parte dei futuristi italiani appoggiarono più o meno attivamente il regime fascista che nella sua propaganda si riferiva continuamente a quell’insieme di valori propugnati dai marinettiani mentre il Futurismo russo si fece portavoce dei principi dei soviet.

Prezzolini assimilava il Futurismo al Bolscevismo e Croce assimilava il Futurismo al Fascismo..due posizioni estreme e semplicistiche al punto tale che il nostro Futurismo venne ben presto sconfessato dal Fascismo poiché non dava il giusto spazio alla Storia , alla memoria del passato e alla città di Roma culla di Civiltà.In Russia, dopo l’avvento dei soviet, molti futuristi esiliarono all’estero soprattutto a Parigi e Majakovskij si suicidò nel 1930.
In Italia il secondo Futurismo si divise in due fasi:la prima và dal 1918 al 1928 e in questo periodo il Futurismo si legò al postcubismo e al costruttivismo.
Nella seconda fase che và dal 1929 al 1938 il Futurismo si affiancò al surrealismo.Di quest’ultima corrente fecero parte i pittori: Fillia(Luigi Colombo), Enrico Prampolini,Nicolay Diulgheroff,Mario Sironi,Ardengo Soffici e Ottone Rosai.CarloCarrà si staccò ben presto dal gruppo prendendo le distanze dall’ideologia fascista e abbracciando la metafisica.


-L’Avanguardia trasversale –Il futurismo tra Italia e Russia di Cesare G.De Michelis
Conferenza di presentazione libro presso libreria Mondatori Venezia 16 giugno 2009
-L’Arena di Verona 18 maggio 2008 pag.57 a cura di A.Pantano
-Archivio del Corriere della Sera.it-La Goncarova e Larionov:mostra a Milano
-Il venerdì futurista-Conferenza tenuta dal prof.Rino Cortiana presso la
Biblioteca dipartimentale di Cà Foscari Venezia il 12 giugno 2009

30/06/2009

 

 

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vendredi, 30 octobre 2009

Les "Ailleurs" d'Henri Michaux

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Les Ailleurs d'Henri Michaux

 

Sous le titre Les Ailleurs d'Henri Michaux, la revue belge Sources  a publié les actes d'un colloque consacré au grand poète à Namur en 1995. Des nombreuses interventions, nous citerons un passage de Sylviane Gora; intitulée «Henri Michaux: sur la Voie orientale»: «Ce par quoi Michaux va être fasciné, d'une manière indiscutable, est cette possibilité pour un Oriental d'accepter et d'assumer tout sentiment d'incomplétude de soi. Michaux se détourne de la civilisation judéo-chrétienne dans laquelle il se sent si mal, s'expatrie au moins le temps d'un voyage, s'exile vers des pays autres, pays différents qui ne considèrent pas forcément la Raison comme une faculté universelle, qui font voler en éclats le principe d'identité et d'unité du sujet. L'Occidental décentré va trouver une autre orientation en Orient. Plusieurs principes spirituels ou principes philosophiques vont, dans une certaine mesure, le fasciner ou le séduire. Mais ces éléments vont ou non se couler subtilement dans son œuvre littéraire et picturale pour former ce fameux “alliage” dont parlait René Bertelé. Mais au fait, de quel Orient s' agit-il, de quelle religion en l'occurrence: le bouddhisme chinois ou tibétain, le taoïsme, le shintoïsme, etc.? De quelle peinture orientale s'agit-il? Ne risque-t-on pas de ressasser de belles généralités en tentant de la sorte de pointer du doigt tel ou tel aspect typiquement oriental chez Michaux? Ceci est beaucoup plus qu'une précaution oratoire. A mes yeux, le piège est réel. La seule manière de s'en sortir est de signaler, çà et là, et dans les limites de cette étude, d'étranges et de troublants accords entre cet Occidental par force et cet Orient à la fois réel et mythique. Ce que l'on peut dire, sans trop se tromper je crois, c'est que Michaux a été fasciné par l'art oriental (la peinture et la musique) ainsi que par la religion orientale, en particulier par la pensée hindoue en raison de son caractère foncièrement prométhéen. Dans sa longue quête de la connaissance, Michaux a été attiré par cette manière dont les Hindous considèrent la perte. Il constate en lui cette béance ontologique qui, dans le cadre européen, est perçue comme une faiblesse difficilement réparable. Il va être étonné par le renversement de perspective qu'opèrent les Orientaux dans ce domaine. Lui, le dépouillé, le pauvre hère, le désorienté va considérer la souffrance et le dépouillement de l'être comme des éléments nécessaires, vitaux, révélateurs de la condition humaine, en premier lieu parce que ces éléments donnent à l'être une conscience corporelle. François Trotet, dans «Henri Michaux ou la sagesse du vide», démontre combien la souffrance, notion centrale dans le bouddhisme, à la fois physique et intérieure chez le poète, est utile car elle permet à l'être d'acquérir une conscience corporelle dégagée de tout dualisme». A signaler aussi les bons textes de Jean-Luc Steinmetz («Le démon de Henri Michaux») et de Madeleine Fondo-Valette («Michaux lecteur des mystiques») (J. de BUSSAC).

 

Les ailleurs de Henri Michaux, Sources, Maison de la Poésie, (rue Fumal 28, B-5000 Namur),1996, 250 pages, 100 FF.

vendredi, 16 octobre 2009

"Potlatch": succès posthume d'une revue

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

«POTLATCH»: SUCCES POSTHUME D'UNE REVUE

 

Ceux qui n'entendent pas se noyer dans la littérature “pataphysique” et veulent garder un regard serein et lucide sur le jeu social de notre belle société fin de siècle liront avec profit la reproduction d' une revue dont Guy Debord était l'un des principaux rédacteurs Potlatch. Cet auteur était encore bien jeune mais cela ne l'empêchait pas d'afficher un style déjà très particulier.9782070401345.jpg

 

Ce livre qui en résulte est d'abord un témoignage sur une époque: celle de la reconstruction de l'après-guerre qui marque aussi le départ de ce que l'économiste Jean Fourastié a nommé d'une expression depuis passé à la postérité  —“Les trente glorieuses”—  époque pendant laquelle l'économie occidentale a connu une croissance jusqu'alors inédite dans l'histoire de l'humanité.

 

Mais cet ouvrage est également l'aventure d'un groupe contestataire qui allait beaucoup faire parler de lui: c'est “la bande à Guy Debord”, nommée d'abord “Internationale lettriste”, scission de la gauche lettriste intervenue en 1952 et qui ensuite allait devenir la fameuse “Internationale Situationniste”.

 

Potlatch était envoyé gratuitement à des adresses choisies par sa rédaction, et à quelques-unes des personnes qui sollicitaient de le recevoir. Il n'a jamais été vendu. Potlatch fut à son premier numéro tiré à cinquante exemplaires. Son tirage, en augmentation constante, atteignait vers la fin environ 500 exemplaires. Ce bulletin paru 27 fois, entre le 27 juin 1954 et le 5 novembre 1957. Debord et ses amis allaient ensuite s'exprimer dans d'autres revues de l'Intemationale Situationniste (1).

 

Au premier abord, cela parait proprement incroyable qu'un bulletin gratuit et au tirage aussi modeste connaisse une pareille notoriété posthume, grâce à de gros tirages d'abord en 1985 par Gérard Lebovici puis maintenant par des éditions de poche (10 à 15.000 exemplaires au minimum). Oserions-nous imaginer pareil sort pour la collection de “Nouvelles de Synergies Européennes”!

 

A sa première lecture, on est d'abord surpris par l'originalité de ses prises de position et on s'interroge pour savoir comment dans les années cinquante, dans le petit monde parisien, on pouvait ne pas s'extasier devant la politique américaine, la construction des grands ensembles et des grands magasins, l'avènement de la consommation, des médias et des sports de masse et les élucubrations d'Elvis Presley. Une croissance économique exponentielle, des loisirs en pleine explosion et des syndicats assez consensuels pour obtenir un bout de gras de la bête qui grandit... bref le bonheur pour tous dans cette machine à faire l'Occident qui tourne à plein régime... Il leur en fallait donc du courage ou bien alors de l'inconscience pour défier dès 1954 ce qu'ils appellaient déjà notre “sinistre civilisation occidentale”. Et surtout une incroyable dose de lucidité et une méfiance instinctive face à l'idéologie du progrès véhiculée par le capitalisme libre-échangiste mettant en place l'univers, le nôtre maintenant, qui se profilait alors à l'horizon à grands pas.

 

Raymond Aron, Henri Michaux, Camus, Sartre, Simone de Beauvoir, Mauriac, Malraux, Le Corbusier, Quéneau mais aussi le Parti Communiste, la bourgeoisie ou l'art abstrait, aucune des vedettes de la société du spectacle qui se met en place ne sont épargnées par le démasquage judicieux des situationnistes si prompts à dénoncer la chape de plomb faite de bêtise et de conformisme qui commence à s'abattre sur la société et dont bien peu arrivent à percevoir les mécanismes par lesquels les impostures finissent par occuper le devant de la scène. Leurs adversaires les accusent d'être purement nihilistes. Je pense qu'il ne faut pas être aussi catégorique et que derrière cette apparence, on peut deviner un solide bon sens qui lutte avec les moyens du bord sans avoir aucune possibilité concrète de résister autrement.

 

C'est ainsi qu'en dehors de toutes leurs exécrations, nous retrouvons tous ces florilèges judicieux qui ne peuvent que nous réjouir: «Même les plus imbéciles meneurs des bourgeoisies européennes comprendront plus tard à quel point les succès de leur “indéfectibles alliés” les menacent, les enferment dans leur contrat irrévocable de gladiateurs mal payés de l'“American Way of Life”, les condamnent à marcher et à crever patriotiquement dans les prochains assommoirs de l'Histoire, pour leurs quarante-huit étoiles légèrement tricolores». Nous voyons en 1997, où nous en sommes dans le cadre de la politique mondiale imposée par les Etats-Unis.

 

Ensuite leur lucidité n'est pas moindre dans le domaine de l'urbanisme qui bouleverse la société: «Nos ministres et architectes urbanistes ont mis au point quelques taudis-types, dont les plans servent aux quatre coins de la France [...] .Dans leurs œuvres un style se développe, qui fixe les normes de la pensée et de la civilisation occidentale du vingtième siècle et demi. C' est le style “caserne” et la maison 1950 est une boîte.[...] Les casernes civiles qui s'élèvent à leur place ont une laideur gratuite qui appelle les dynamiteurs».  C'est exactement ce que le système lui-même est arrivé à faire avec certaines grandes tours (tours des Minguettes à Vénissieux et aussi en banlieue parisienne par exemple). Avec leur regard d'une acuité étonnante, ils devinaient déjà le futur problème des banlieues lorsqu'ils notaient: «L'aspect morne et stérile de la plupart des quartiers nouveaux»  pouvant produire des effets psychologiques sur les populations amenées à y habiter. Ils ne pouvaient donc mieux dire. En dehors de la rationalité marchande à l'œuvre, ils nommaient responsables les architectes, larbins des ministres qui acceptaient de faire ces basses œuvres à cause de: «leur pauvreté spirituelle et créatrice, leur manque total de simple humanité».

 

Enfin pour “enrober” ce beau monde, l'alliance de l'humanitarisme et du show-business parachève l'édifice pour endormir le bon peuple. Le commentaire sur Chaplin dans le rôle du Bernard Koutchner de l'époque et de l'abbé Pierre (déjà) intitulé “Flic et curé sans rideau de fer” mérite d'être cité dans son intégralité: «Chaplin en qui nous dénoncions dès la sortie tapageuse de Limelight [comme] “l'escroc aux sentiments, le maître chanteur de la souffrance” continue ses bonnes œuvres. On ne s'étonne pas de le voir tomber dans les bras du répugnant abbé Pierre pour lui transmettre l'argent “progressiste” du Prix de la Paix. Pour tout ce monde, le travail est le même: détourner et endormir les plus pressantes revendications des masses. La misère entretenue assure ainsi la publicité de toutes les marques: la Chaplin's Metro Paramounty gagne, et les Bons du Vatican». Par la suite cette pensée alors assez réactive allait donner naissance aux chefs d'œuvre de la pensée situationniste.

 

L' univers décrit par Potlatch  est exactement le même que celui qu'en 1981 le cinéaste libertaire Rainer Werner Fassbinder racontait dans son sublime film Lola, histoire d'une femme allemande  où justement en 1957, à Cobourg, petite ville du nord de la Bavière, se déroulait sous le regard acerbe du réalisateur le spectacle cruel d'une société qui déjà subissait les dégâts causés par le libéralisme américain en train de s'imposer dans cette Allemagne de la reconstruction: arasement des valeurs traditionnelles, prostitution généralisée et corruption des élites politiques, administratives et économiques. Les situationnistes n'employaient pas le mot de “corruption” sans doute pas encore passé dans le vocabulaire courant comme c'est la cas actuellement et sans doute parce qu'ils estimaient aussi que, dans son essence, même le système porte les germes de ce phénomène.

 

Bien entendu dans sa préface de 1985, Guy Debord ne cachait pas sa délectation d'assister au triomphe de ses thèses: «On sait aussi que personne, en dehors de l'Internationale situationniste, n'a plus jamais voulu formuler une critique centrale de cette société, qui pourtant tombe autour de nous; déversant en avalanche ses désastreux échecs, et toujours plus pressées d'en accumuler d'autres».  Nous voyons où nous en sommes aujourd' hui... Pour les raisons contenues dans cette phrase, il n'est pas inutile de lire ce livre et par là même d'un peu mieux comprendre le monde d'aujourd'hui.

 

Pascal GARNIER.

 

(l) Dans une prochaine livraison nous rendrons compte du volume paru chez Fayard, qui reproduit en fac-similé la revue de l'Internationale Situationniste.

 

Guy DEBORD présente Potlatch 1954-1957. Edition augmentée. Paris, Gallimard/Folio, n°2906, Octobre 1996, 291 p., 32 FF.

 

mercredi, 30 septembre 2009

Hommage à Guy Debord: à propos d'une réédition

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

Hommage à Guy Debord: à propos d'une réédition

 

Le fondateur de l'Internationale Situationiste qui se donnait pour but rien de moins que de “renverser le monde” s'est donné la mort à l'automne dernier. Nous, qui partageons avec lui cette même haine du système, devons accorder notre attention à Guy Debord qui a su bâtir une œuvre délibérément en dehors des sentiers battus. Fait paradoxal, alors qu'il a passé son temps à dénoncer le système, on n'a jamais autant parlé de lui que maintenant: réédition de ses livres, articles de presse, émissions de télévision et de radio... Il n'aurait sans doute jamais imaginé un pareil posthume tapage médiatique autour de sa personne. Bref Guy Debord intrigue. Justement au moment même ou le système médiatique semble donner quelques signes d'essoufflement (baisse de l'audience de la télévision) et ou celui-ci semble s'entrouvrir bien malgré lui aux idées politiquement incorrectes (voir l'affaire Garaudy et ses rebondissements avec l'Abbé Pierre), les éditions Folio ont eu l'idée opportune de rééditer son œuvre la plus connue qui a précédé les évènements de mai 1968: La société du spectacle. Ce livre d'une densité extrême a eu le mérite de faire figure d'anticipateur.

 

Dans un premier temps, il s'ouvre sur une critique du système médiatique dont, pour nous, il est primordial de dénoncer la perversité puisqu'il est: “la justification totale du systême existant” que nous combattons, “devenu en soit conception du monde”. L'émergence de ce type de société a été permise par la première phase de l'économisme qui a favorisé la dégradation de l'être en avoir, la deuxième phase étant l'aboutissement de celle-ci par le glissement généralisé de l'avoir en paraître. Cet ordre s'est établi et perdure grâce à “une reconstruction matérielle de l'illusion religieuse” ou le peuple se complet dans un désir de dormir, “le spectacle étant le gardien de ce sommeil”, “monologue élogieux de l'ordre présent”, univers doux et aseptisé du grand hospice occidental où l'histoire se retire comme d'une marée dont on a peur. D'ailleurs, les développements sur les rapports entre religion et conception de l'histoire rejoignent les analyses d'un Cioran, celui d'Histoire et utopie, laissant entrevoir un capitalisme unifié mondialement, régulé par les média, le village global de MacLuhan en quelque sorte.

 

Cette fin de l'histoire annoncé par Fukuyama permettrait à ces foules solitaires de se contenter de suivre éternellement sur leurs écrans: “les fausses luttes des formes spectaculaires du pouvoir”, l'alternance programmée entre la gauche et la droite pour ne citer qu'un seul exemple ainsi que d'avoir “le faux choix de l'abondance par la juxtaposition de spectacles concurrentiels et solidaires”: Arthur, Dechavanne et Delarue pour aller au plus simple.

 

Les autres formes d'évolution sociales n'ont été selon Debord permises que par l'émergence de cette société du spectacle. Celles-ci encouragent au sein de nos sociétés la primauté de l'économique sur le politique, la supériorité du quantitatif sur le qualitatif, le fétichisme de la marchandise, l'atomisation de la société, notamment grâce à une technologie omniprésente isolant le sujet sur sa machine (thème repris par la suite par des gens comme Baudrillard ou Faye), l'existence, à côté d'un capitalisme sauvage, d'un socialisme bureaucratique et policier qui aboutit à une prolétarisation du monde. De la sorte, nous aboutissons à une nouvelle forme d'organisation sociale, la nôtre, individualiste et égalitariste, où le boom du tertiaire et de la communication mène à “la logique du travail en usine qui s'applique à une grande partie des services et des professions intellectuelles”. Cet univers concentrationnaire de la tertiarisation, version moderne de la mine (mais une mine propre) permet un renforcement de la société capitaliste. Et ceci en acceptant qu'une part croissante de la population soit sous-employée et en tolérant ce que Guy Debord nomme “une nouvelle forme de lutte spontanée: la criminalité”. Tous ces processus depuis 30 ans se sont largement amplifiés.

 

Aussi, cette critique de notre société qui se veut de gauche, par bien des aspects, fait penser aux conclusions d'un Guénon ou d'un Evola. Notons cependant parfois une phraséologie marxiste qui semble céder à la mode de son époque (nous sommes dans les années 60) et qui paraît désuète aujourd'hui. Sachons également qu'il existe dans ce texte un oubli de taille: la dénonciation de la destruction de l'environnement qui elle, interviendra un peu plus tard dans Commentaires de la société du spectacle. Insistons également sur un fait où l'auteur se trompe (et c'est sans doute ce qui rend un caractère si pessimiste à son œuvre), c'est sa vision fausse de la paysannerie, qui est pour lui l'“inébranlable base du despotisme oriental”. Ce n'est sans doute pas une quelconque révolution prolétarienne (à laquelle Debord ne croit d'ailleurs justement pas) mais au contraire un réenracinement dans les valeurs immémoriales et universelles du sang et du sol que les hommes trouveront leur salut et leur épanouissement. Sans doute le fils nanti d'industriels cannois n'a-t-il pas eu l'occasion de découvrir les milieux simples des gens enracinés. Nous comprenons son mépris pour son milieu d'origine et pour la vaste poubelle parisienne où il a passé le plus clair de son existence. Sa critique du système est très lucide mais nous, nous proposons une vraie alternative aux échappatoires alcooliques des bistrots parisiens où il s'est abîmé. C'est celle du réenracinement du Maître des abeilles de Henri Vincenot, de L'Eveil de la glèbe  de Knut Hamsun ou du monde artisanal de La gerbe d'or  d'Henri Béraud.

 

Mais cela n'enlève rien à la pertinence de Debord dans les 221 paragraphes biens distincts de son texte: dans sa préface, datant de juin 1992, il parle ainsi des déçus de mai 1968: «Les pires dupes de cette époque ont pu apprendre depuis, par les déconvenues de toute leur existence ce que signifiait la "négation de la vie qui est devenue visible", "la perte de la qualité" liée à la forme-marchandise et la prolétarisation du monde». Sûr de lui jusqu'au bout, il écrit: «Une telle théorie n'a pas à être changée, aussi longtemps que n'auront pas été délimitées les conditions générales de la longue période de l'histoire que cette théorie a été la première à definir avec exactitude». Il n'y a rien à ajouter.

 

Pascal GARNIER.

 

Guy DEBORD, La société du spectacle, Folio n° 2788, mars 1996., 27 FF.

 

 

jeudi, 17 septembre 2009

Trois études allemandes sur Henri Michaux

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

 

 

Robert Steuckers:

 

Trois études allemandes sur Henri Michaux

 

 

 

Henri Michaux (1): Un barbare en voyage

 

Dans une collection dirigée par l’écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger et publiée chez Eichborn à Francfort, nous avons trouvé une traduction de Henri Michaux, Ein Barbar auf Reisen  (= Un barbare en voyage), où l’écrivain né à Namur découvre à 30 ans, à une époque où les nuées de touristes chamarrés et ventripotents ne souillaient pas encore les paysages, l’Inde, la Chine, l’Equateur, Bali, etc. Michaux explique comment il a accepté et assimilé en lui cette découverte des Autres, comment il a été fasciné, sans cultiver le moindre esprit missionnaire, par leur altérité. Michaux est un “barbare” pour ces Indiens et ces Chinois: il ne se convertira pas à leurs mœurs, il ne les imitera pas de manière grotesque comme certains touristes ou certains enthousiastes se piquant de modes ou de philosophies orientales, il restera lui-même, tou­t en admirant leur culture authentique. Un message impor­tant à l’heure où Européens comme Asiatiques sont sommés de s’aligner sur l’étroitesse mentale des parvenus de la middle class  new-yorkaise, sous peine d’être ratatinés sous un tapis de bombes comme les enfants de Hambourg en 1943, comme ceux de Bagdad en 1991 (Ein Barbar auf Reisen, 384 p., ISBN 3-8218-4161-3, DM 49,50, Eichborn Verlag, Kaiser­strasse 66, D-60.329 Frankfurt a. M., http://www.eichborn.de).

 

Henri Michaux (2): Mescaline

 

Comme Ernst Jünger, Michaux, qui était poète et peintre («Je peins comme j’écris», a-t-il dit en 1959), a fait l’expérience d’une drogue, la mescaline, mais sous contrôle médical, entre 1954 et 1959. L’objectif de cette expérience était d’élargir les limites de la perception et de la conscience. Il en a découlé deux séries de dessins: les dessins dits de la mescaline, puis, entre 1966 et 1969, les dessins dits d’après la mescaline, en d’autres mots, les “dessins de la désagrégation”. Pour Mi­chaux, l’expérience de la mescaline lui a servi à réorienter sa conscience, à expérimenter l’élasticité de l’espace et du temps, etc. Peter Weibel, Victoria Combalia et Jean-Jacques Lebel accompagnent la nouvelle édition allemande de ces dessins, parue au “Verlag der Buchhandlung Walther König” de Cologne (Henri Michaux, Meskalin, 170 ill., ISBN 3-88375-329-7, Verlag der Buchhandlung Walther König, Ehrenstrasse 4, D-50.672 Köln).

 

Henri Michaux (3): Drogues, langues et écritures

 

Décidément, l’édition allemande prépare bien le prochain centenaire de Henri Michaux, né en 1899. A noter également, chez l’éditeur Droschl à Graz en Autriche, deux versions alle­mandes d’œuvres de Michaux: Erkenntnis durch Ab­grü­n­de, le dernier des ouvrages de Michaux sur l’expérien­ce des dro­gues, où l’“arrêt” , la “catatonie”, est la préoccupation majeure du poète; Von Sprachen und Schriften, où Michaux se de­mande si le langage est apte à exprimer les situations extrê­mes, l’expérience des catastrophes, de la folie, le cas des en­fants sauvages découverts en forêt et qui ont une telle expé­rien­ce de l’immédiateté des choses naturelles. Car Michaux veut instituer une langue véritablement vivante, qui ne sert pas seulement à communiquer des rapports secs, mais puisse transmettre la vitalité, les sentiments réels dans toute leur complexité, les situations avec tout ce qu’elles impliquent comme relations parallèles (H. M., Erkenntnis durch Abgrün­de, öS 300 ou DM 44; Von Sprachen und Schriften, öS 150 ou DM 22; Literaturverlag Droschl, Albertstrasse 18, A-8010 Graz; e-mail: droschl@gewi.kfunigraz.ac.at)

 

mercredi, 27 mai 2009

Présentation des options philosophiques et politiques de "Synergies Européennes"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

Robert STEUCKERS:

Présentation des options philosophiques et politiques de “Synergies Européennes”

Lande de Lüneburg, 5 avril 1997

 

Pourquoi le terme “synergie”?

 

Pourquoi avons-nous choisi, pour désigner notre mouvement, d'adopter le terme de “synergie”, et non pas un autre terme, plus politique, plus ancré dans un champ idéologique clairement profilé? Pourquoi em­ployons-nous un vocable qui ne laisse devi­ner aucun ancrage politique précis? En effet, la notion de “synergie” ne se laisse ancrer ni à droite ni à gauche. Au départ, “synergie” est un concept issu de la théologie, tout comme, d'ailleurs, tous les autres concepts politiques, même après la phase de neutrali­sation des ef­fervescences religieuses qu'a connue la modernité à ses débuts, au XVIIième siècle. Pour Carl Schmitt, tous les concepts prégnants de la politique sont des concepts théologiques sécularisés. Dans le lan­gage des théolo­giens, une “synergie” s'observe quand des forces différentes, des forces d'origines différentes, de nature différente, entrent en concurrence ou joignent leurs efforts pour atteindre en toute indépendance un objectif commun. Nos objectifs principaux, dû­ment inscrits dans notre charte, visent, d'une part, la liberté et la pluralité dans la vie quotidienne, d'autre part, la capacité de décider en cas de situation exceptionnelle. L'erreur des idéologies dominantes de ce siècle, c'est justement d'avoir pensé sé­parément la liberté de la décision.

- Ou bien l'on croyait, avec Kelsen notamment, que l'effervescence et les turbulences du monde cesse­raient définitivement et qu'une ère de liberté éternelle s'ouvrirait sans que les hommes politiques n'aient plus jamais à prendre de décisions. Fukuyama a réactualisé ce vœu de “fin de l'histoire”, il y a six ou sept ans.

- Ou bien on ne croyait qu'à la seule décision virile, comme les fascismes quiritaires, et on voulait maximiser à outrance la quantité de décisions suivies d'effets “constructifs”; de cette façon, on a contraint certains peuples à vivre dans une tension permanente, obligé les strates paisibles de la société à vivre comme les élites conquérantes ou les soldats sur la brèche, on a négligé l'organisation du quotidien, qui ne postulait nullement cette perpétuelle effervescence de la mobilisation permanente et totale. Les fascismes quiritaires, le national-socialisme n'ont généré ni un droit propre (si ce n'est une opposition systématique aux “paragraphes abstraits”) ni une constitution ni restauré un droit jurisprudentiel à la façon anglaise (au grand dam d'un ju­riste comme Koellreutter, qui a oscillé entre le droit anglais et le national-socialisme!). Aucun cor­pus doctrinal de ce siècle, d'après 1919, n'a su ou voulu penser conjointement et harmonieusement ces deux impératifs, ces deux nécessités:

1) se tenir prêt pour faire face aux imprévus qui s'abattent sans cesse sur le monde et sur l'histoire des hommes (ce que voulaient les décisionnistes);

2) organiser le quotidien dans la cohérence, sur le long terme (ce que voulaient les constitutionnalistes).

Une bonne part du débat politique de fond a tourné autour de l'opposition binaire entre “décisionnistes” (assimilés aux fascistes ou aux conservateurs) et “quotidiennistes” (qui survalorisaient l'Alltäglichkeit, le “règne du on”, les jugeant plus “moraux“ parce que leur marque principale était la quiétude). La nécessité d'organiser le quotidien dans la cohérence et sur le long terme n'exclut pas la nécessité impérieuse de la décision, de faire face à l'imprévu ou à la soudaineté.

 

Un projet politique d'avenir doit donc nécessairement reposer sur une capacité d'appréhension à la fois de la décision et du quotidien. Comment décision et quotidien ont-ils été appréhendés dans les idéologies dominantes de la gauche et de la droite? Pourquoi les modes d'appréhension de ces droites et de ces gauches dominantes ont-ils été insuffisants?

 

A droite: un fusionisme sans souci des valeurs

Dans le camp des droites, du conservatisme ou du national-conser­vatisme, il n'y a pas d'homogénéité dans l'appréhension de la li­berté (entendue au sens d'absence de mobilisation politique permanente) ou de la décision. Quelques exemples: au temps de la guerre froide, terminée avec l'effondrement du Mur de Berlin en 1989, la liberté, disait-on, surtout aux Etats-Unis, s'opposait au commu­nisme, quintessence de la non-liberté et idéologie fortement mobilisatrice. Hannah Arendt écrivait que le stalinisme, au début des années 50, était l'incarnation de l'“autoritarisme”, qui avait pris, jadis, tour à tour, un visage clérical, milita­riste, fasciste, etc. A la fin des années 50, pour faire pièce aux gauches étatistes, communistes, socia­listes ou keyné­siennes, le monde poli­tique américain lance l'expérience du “fusionisme”, soit l'alliance des conservateurs anti-communistes et des libertaires anti-autoritaires, c'est-à-dire des partisans d'une société civile sans élites mobilisatrices et quiritaires, axée sur l'économie, le commerce et la technique, et les partisans d'une sorte de “leisure society”, propre des rentiers et des ar­tistes situés en dehors de tout circuit économique fonctionnant. Dans ce fusionisme, la question des valeurs reste sans solu­tion. Parce que les valeurs habituellement attribuées au conservatisme, comme le sens du devoir, se marient mal avec les options des liber­taires, on fait, par calcul politicien, l'impasse sur la valeur “devoir”, cardinale pour toute philosophie cohérente et stable de la Cité. On se rend forcément compte que la notion de devoir limite la liberté (du moins si on entend par liberté la licence ou la permissivité), ce que n'acceptent pas les alliés libertaires et anarchisants. Du fusionisme découle le conserva­tisme technocratique, qui se passe de toute réfé­rence à des valeurs mobilisantes et cimentantes et esquive de ce fait la ques­tion de la justice qui repose inévitablement sur une table de valeurs, située au-delà des intérêts matériels et économiques. Ainsi, les commu­nautés ou les résidus de communauté perdent leur cohésion, en dépit des politiques conservatrices.

 

Fusionisme et conservatisme technocratique prennent le pas sur les conservateurs axiologiques (Wertkonservativen)  ou les conserva­teurs décisionnistes, ruinant ainsi l'homogénéité de la droite et annonçant à plus ou moins long terme d'autres re­compositions (même si elles se font encore attendre). Autres exemples: au niveau de la politique économique, axiologistes et dé­cisionnistes chercheront générale­ment à inscrire des valeurs dans leur praxis économique. Ils s'opposeront dès lors for­cément au néo-libé­ralisme ou à toute forme de globalisation inscrite sous le signe de cette idéologie strictement économique. Fusionistes et technocrates accorderont la priorité à l'efficacité et tolèreront les pratiques néo-libérales du profit à très court terme, considérant que la globali­sation est inévitable et que la société qu'ils sont appe­lés à gérer n'aura pour seule originalité que d'être une niche parti­culière parmi d'autres niches particulières dans le processus général de globalisation, une niche qu'on nettoiera de ses particularités et où rè­gneront, finalement, les mêmes principes que ceux de la globalisa­tion.

 

Des idéologies qui donnent la priorité aux valeurs

En Europe, face à la problématique de l'unification européenne, si l'on donne la priorité aux valeurs, on sera:

- soit un nationaliste hostile à l'eurocratisme, dont le patriotisme nationalitaire sera fondé sur l'appartenance charnelle à une culture précise, héritée des générations précédentes et de l'histoire, cimentée par un jeu de valeurs de longue durée;

- soit un européiste qui considère l'ensemble des peuples européens comme un écoumène civilisationnel de facture chré­tienne ou non chrétienne,

- soit un ordo-socialiste ou un socialiste acceptant les règles de l'ordo-libéralisme allemand (le modèle du “capitalisme rhé­nan” se­lon Michel Albert).

Le souci des valeurs postule donc implicitement l'alliance prochaine

1) des nationalistes qui auront la force de transcender les limites des Etats-Nations modernes conventionnels,

2) des européistes qui voient d'abord dans l'Europe à la fois un espace stratégique indissociable et un espace de civilisation et de valeurs spécifiques et, enfin,

3) des socia­listes enracinés dans la cul­ture industrielle de type “rhénan”, qui donne la priorité à l'investissement industriel par rapport au capital spéculatif, où les impératifs industriels lo­caux et les structures patrimoniales sont pris en compte concrète­ment, où les investissements dans l'appareil éducatif ne sont jamais rognés, et où l'on ne bascule pas dans les mirages délo­calisés d'une culture écono­mique axée princi­palement sur la spéculation boursière. La fusion de ces corpus poli­tiques est l'impératif des premières décennies du XXIième siècle. A la fusion technocratisme conservateur/libertarianisme, née dans les années cinquante aux Etats-Unis puis importée en Europe, il faut opposer la fusion de ces trois forces politiques, au-delà de tous les faux clivages, désormais obsolètes.

 

Nationalistes patriotes, ordo-socialistes et européistes “axiologues” refusent pourtant l'eurocratisme ac­tuel, car celui-ci ne tient nulle­ment compte des valeurs et repose sur ce “relativisme des valeurs” et cet oubli des leçons de l'histoire qui provo­quent la déliquescence des sociétés. Si l'européisme peut être un retour à des valeurs fon­datrices, renforçant les ressorts de la Cité, l'eurocratisme ne peut que perpétuer le relativisme absolu et la déliquescence sociale.

 

Si l'on accorde la priorité à l'efficacité économique, on peut être en faveur de l'unification européenne, selon les critères criti­quables d'aujourd'hui, mais on ne devra pas oublier que le chômage alar­mant est un frein à l'efficacité économique et qu'il dé­coule directe­ment de l'application des principes néo-libéraux, is­sus du relati­visme des valeurs et du refus des héritages histo­riques. En re­vanche, une volonté d'efficacité économique pourra s'avérer hostile à l'unification européenne dans les conditions actuelles, car le gi­gantisme eurocratique réduit l'efficacité là où elle est réellement présente et où elle constitue un barrage contre le chômage pandé­mique: dans certains tissus agricoles locaux (ce que n'a pas manqué de souligner la FPÖ autri­chienne) ou dans certaines en­tre­prises industrielles locales, bien ancrées dans le marché euro­péen mais qui seraient inca­pables de faire face à une concurrence extra-européenne qui se nicherait dans notre continent, au nom d'un libre-échangisme planétaire ouvrant toutes les portes aux marchandises japonaises ou coréennes, dont le coût est plus bas car il n'inclut ni la sécurité sociale du personnel ni les taxes écologiques visant la protection du patrimoine “environnement” ni un certain réin­vestissement dans les réseaux éducatifs.

 

Sur le plan géopolitique, opter pour le primat des valeurs implique de raisonner en termes de civilisation, de percevoir le monde comme un réseau d'espaces civilisationnels juxtaposés, différents mais pas né­cessairement antagonistes. Ces es­paces sont animés par une logique intérieure, c'est-à-dire par un sys­tème de valeur cohé­rent et accepté, impliquant pour les hommes harmonie et consen­sus. Le primat des valeurs implique aussi ipso facto que l'on res­pecte les valeurs qui animent les espaces voisins du nôtre. Cependant, opter comme les droites néo-libérales (voire les droites “hayekiennes”) pour un primat de l'efficacité, sans tenir compte des valeurs structurantes, ou ne consi­dérer celles-ci que comme des reliquats en voie de disparition graduelle, c'est opter automatique­ment pour le système des pseudo-valeurs occidentales modernes et rela­tivistes. Une telle option implique le refus de toutes les valeurs structurantes des civilisations, quelles qu'elles soient, et impose le “relativisme des valeurs”, c'est-à-dire leur négation pure et simple (Benjamin Barber: McWorld contre Djihad!), et, partant, le refus de la valeur “justice” (Rawls).

 

La gauche tiraillée entre justice et relativisme

Dans le camp de la “gauche” (du moins pour les adeptes des sys­tèmes de classification binaires qui se déclarent tels), il n'y a pas davantage d'homogénéité que dans le camp des droites (pour les binaires d'un autre genre...). Dans cette nébuleuse de gauche, aux contours flous, on est en faveur de l'unification eu­ropéenne quand on imagine qu'elle est une étape vers l'“Internationale”, désormais mise en équation avec la parousie globaliste. Ou bien on est hostile à cette Europe de Bruxelles et de Strasbourg, parce qu'elle est une Europe capitaliste. Sur le plan géopolitique, face à l'émergence de “blocs civilisationnels”, une gauche sympathique mais en voie de disparition, approuve la consolidation des valeurs dans les aires civilisationnelles voisines des nôtres (islam, animisme africain, bouddhisme, indigénisme hispano-amé­rindien, etc.), tandis qu'une nouvelle gauche agressive et messianique fait sienne une vulgate militante basée sur les “droits de l'homme”, subtilement raciste car seule cette idéologie, née en Europe du Nord-Ouest, est jugée va­lable, le reste étant “tribalisme”, injure équivalant désormais de “para-nazisme”.

 

En conclusion, face à une droite tiraillée entre le sens des valeurs et le néo-libéralisme et face à une gauche ti­raillée entre le sens de la jus­tice et l'agressivité occidentaliste et relativiste, force est de constater que les vo­cables politisés de “gauche” et de “droite” ne recouvrent plus rien de précis, qu'ils ne parviennent plus à séparer réellement des op­tions politiques antago­nistes. La droite ou la gauche idéales, pour les uns comme pour les autres, n'existent pas: elles sont des “sites in­trouvables”, comme l'affirmait Marco Tarchi (in: «Destra e sinistra: due essenze introvabile», Democrazia e diritto, 1/1994, Ed. Scientifiche Italiane).

 

Sur le plan historique, effectivement, nous découvrons une flopée de figures et de théoriciens importants qui oscillent entre cette droite et cette gauche ou que l'on a fourré dans la boîte de gauche quand ils étaient vivants, pour les fourrer ensuite dans la boîte de droite, quand la mode a changé ou le vent a tourné. Ainsi, Georges Sorel, théoricien socialiste français du début du siècle, appartenait de son vivant à l'ultra-gauche syndicaliste et révolutionnaire. Mais ce syndicaliste-révolutionnaire inspire Mussolini, également classé dans la gauche socialiste et belliciste italienne. Mais, voilà, Mussolini, étatiste et volon­tariste, est contesté par la gauche parle­mentariste et déterministe: on le sort de sa boîte de gauche pour l'enfouir dans une boîte de droite, avec son Sorel, son fascisme et ses flonflons. Après 1919, les “révolutionnaires-conservateurs” al­lemands, Ernst Jünger et Carl Schmitt admirent chez Sorel son sens de la décision et sa théorie de la grève générale insurrectionnelle. Sorel reste donc, malgré son ouvrié­risme foncier, dans la boîte de droite: il devient même une figure de la droite radicale en Italie, en France et en Allemagne, après 1945. En France, l'un de ses disciples, Hubert Lagardelle, devient même ministre de Vichy pendant la seconde guerre mon­diale.

 

Il n'existe donc pas d'idées de droite qui n'aient pas été jadis à gauche. Le nationalisme est dans ce cas. Mais il n'existe pas davan­tage d'idées de gauche qui n'aient pas été ancrées un jour à droite. Cet état de choses doit nous conduire à formuler le jugement sui­vant: la gauche et la droite sont des concepts dé­passés, dans la me­sure où elles ne sont pertinentes que dans le cadre d'un régime précis mais unique­ment tant que ce régime est accepté par les grandes masses et fonctionne efficacement, tant qu'il peut affronter les vicissitudes du monde en perpétuelle effervescence.

 

Représentations figées et guerre des looks

 

Mais tout régime s'use. L'usure de l'histoire est le lot de toutes les constructions politiques. Quand cette usure a fait son œuvre, les gauches et les droites institutionnelles voire leurs dérives plus radi­cales se fi­gent, deviennent des phénomènes raidis dans un monde qui ne cesse de se mouvoir. A partir du moment où les gauches et les droites institutionnelles ne peu­vent plus résoudre les problèmes de société comme le chômage et l'emploi, l'augmentation démesurée des dettes publiques, l'incompétence de la magistra­ture, la crise de l'enseignement, l'effondrement du consensus, elles ne sont plus que des “représentations” (pour reprendre le vocabulaire de Gilles Deleuze). Des sortes d'images platoniciennes figées que l'on agite comme s'il s'agissait de vérités révélées et immuables ou, plus prosaïquement, que l'on agite avec véhémence comme des pancartes revendicatrices lors de manifestations. Toute l'histoire des “grands récits” (Lyotard) de l'idéologie occidentale du XVIIIième au XXième siècles consiste en une succession de “représentations”: aux représentations conservatrices-cléricales puis bourgeoises, on a opposé la re­présentation ouvrière-socialiste ou la représentation fasciste ou nationale-socialiste ou verte-écolo. Quand une représentation ne convenait plus à une catégorie de la popu­lation, on en fabriquait une nouvelle et on l'opposait aux plus anciennes. Toute la vie politique a consisté ainsi en une guerre des représentations, une guerre des looks. Jusqu'au paroxysme des re­présentations totalitaires... et surtout jusqu'à la satiété des citoyens.

 

Cette guerre des looks  ne résout rien: on s'en est aperçu et ce fut la fin des “grands récits” (théorisée par Lyotard). Ce type de conflit est insuffisant. Avec Deleuze et ses continuateurs, on s'aperçoit désor­mais que l'on ne peut pas sans cesse produire et reproduire des re­présentations, en n'y apportant que de lé­gères retouches. Le monde n'est pas fractionné en camps fermés sur eux-mêmes et détenteurs théo­riques de vérités définitives. Le monde, l'histoire, les arènes politiques, les héritages juri­diques, les jurisprudences, etc. sont bien plutôt autant de ré­seaux denses et inextricables, de croissances vitales, d'effervescences organiques ordonnées ou dé­sordonnées mais néanmoins bien présentes et bien réelles, con­crètes. Dans ces réseaux, l'homme actif (politiquement, socialement ou existentiellement) doit se tailler, se frayer un chemin à la ma­chette, sich eine Schneise durchhaken, disait Armin Mohler quand il tentait d'expliciter son existentialisme ou son réa­lisme héroïque (en l'appelant maladroitement “nominalisme”, vocable qu'a rapidement repris Alain de Benoist, son admirateur naïf, collec­tionneur -ânonneur de vocables non usuels, toujours vainement en quête d'une notoriété qu'il n'a jamais obtenue). La dé­marche vitale ne consiste donc plus à imposer au dense grouillement du réel des “représentations” figées et naïves, mais de repérer des forces et des opportunités, des passages et des trouées, pour cheminer le plus sû­rement, le plus sereinement possible, en dépit des défis fusant de toutes parts.

 

Complexité, pluralité et démarche archéologique

 

Cette vision deleuzienne du réel, implique, sur le plan politique con­cret, de ne plus chercher à répandre des programmes ri­gides, à se balader dans la société avec sa pancarte ou son affiche sur le ventre, mais à retourner résolument à l'épais sous-bois de l'histoire, où les traits trop simples d'un look  idéologico-poli­tique ne valent que ce qu'ils valent: une mauvaise carica­ture, une gesticulation maladroite. Prendre posi­tion politiquement, aujourd'hui, c'est donc plonger plus profondément dans les tréfonds de notre histoire, aller fouiller sous l'humus qui ne recouvre le sol que sur une faible profondeur. Prendre position po­litiquement aujourd'hui, c'est procéder à une démarche archéologique, c'est faire l'archéologie de notre site de vie. Je vis dans une Cité politique précise qui s'est construite pro­gressivement au fil du temps, qui a généré un appareil juridi­que/consti­tution­nel complexe, tenant compte des strates multiples qui composent cette société et récapitulant subtilement dans les méandres mêmes de ses textes et dans les arcanes de ses pratiques les oppositions, fusions et contradictions dont cette société est fina­lement le résultat mouvant et vivant. Cet entrelac com­pliqué est précisément le sous-bois auquel il faut re­tourner et sur lequel il ne faut pas plaquer d'idéologie toute faite. Toute véritable prise en compte de l'histoire du droit dans une Cité interdit les ju­gements binaires des gauches et des droites ainsi que les simplismes des faux sa­vants qui manient l'idéologie (schématisante) comme d'autres la trique.

 

La pensée politique doit donc retourner à des œuvres fondamen­tales, injustement méconnues, comme celles d'Althusius, de Justus Möser, de Wilhelm Heinrich von Riehl et d'Otto von Gierke. Leurs travaux prennent en compte l'ensemble des socié­tés, avec toutes leurs différences intérieures, toutes les symbioses qui s'y juxtaposent. Leur pensée juridique, sociale et poli­tique ne peut nullement se résumer à un schématisme binaire, mais exprime toujours de denses complexités, tout en nous apprenant à les explorer sans les mutiler. Le drame de la civilisation occidentale, c'est justement de ne pas s'être mis à l'écoute de ses œuvres depuis deux ou trois cents ans. Pour ces auteurs, ce qui compte, c'est le fonctionnement harmo­nieux/symbiotique ou le développe­ment graduel de la Cité, selon des rythmes éprouvés par le temps, et non pas sa correction forcée et son alignement contraignant sur les critères d'un pro­gramme abstrait. Le programme-représentation ne saurait en au­cun cas, avec cette pen­sée politique organique, oblitérer le fonc­tionnement rythmé et traditionnel d'une société. Tout retour à ces corpus organiques postule de raviver des modèles liés à un site géographique, de faire revivre, vivre et survivre des héri­tages et non pas d'imposer des “choses faites”, des choses relevant de la manie mo­derne de la “faisabilité” (que Joseph de Maistre nommait plus élégamment l'“esprit de fabrication”). Le sous-bois épais et touffu de Deleuze, véritable texture de son “plan d'immanence”, est un héritage, non pas une fabrication. Le sous-bois est un tout mais un tout composé de variétés et de nuances à l'infini: l'attitude qui est pertinente ici  n'est pas celle qui est pertinente là. L'homme qui chemine dans ce sous-bois (qui ne mène nulle part, si ce n'est sur la terre même, où il se trouve toujours déjà)  doit être capable d'adopter rapidement et tour à tour plusieurs attitudes, de s'adapter plastiquement aux circonstances diverses qu'il rencontre au gré des imprévus: cette vision du monde comme un immense entrelac immanent d'abord, cette nécessité bien perçue de l'adaptation perma­nente ensuite, sont les deux principales garanties de la pluralité. Quand on pense simultanément entrelac et adaptation, on pense pluriel et on est vacciné contre les interprétations et les représentations unilatérales.

 

Symbiotique et subsidiarité

 

Autre avantage pratique: la vision deleuzienne et le recours au filon qui part d'Althusius pour aboutir à Gierke permettent, une fois qu'ils sont combinés, de donner un contenu concret à ce que l'on nomme la subsidiarité. Dans l'article 3b du Traité de Maastricht, les législateurs européens ont prévu le passage à la subsidiarité sur l'ensemble du territoire de l'Union. Mais la définition qu'ils donnent de cette subsidiarité reste imprécise. Et elle est interprétée de diverses façons. En effet, que signifie la subsidiarité pour diffé­rents acteurs politiques européens?

- Pour Madame Thatcher et ses successeurs, la subsidiarité n'était qu'un prétexte pour défendre exclusi­vement les intérêts britanniques dans le concert de l'UE. Certains gaullistes lui ont emboîté le pas, de même que le groupe De Villiers/Goldsmith.

- D'autres espèrent, par antipolitisme, que la subsidiarité va conduire à une balkanisation de l'Europe, à un retour à la Kleinstaaterei  incapacitante, car, à leurs yeux, toute capacité politique est un mal en soi.

- Pour d'autres encore, elle n'est qu'un artifice de gouvernement dans un futur Etat européen hyper-cen­tralisé. La subsidiarité conduira à l'intérieur d'une telle Europe à une régionalisation à la française, où les parlements régionaux sont purement for­mels et n'ont pas de pouvoir de décision réel.

- Pour nous, un projet continental de subsidiarité est un projet de rapprochement des gouvernants et des gouvernés dans tout l'espace européen, visant à instaurer des rapports de citoyenneté féconds, à redonner à la société civile un espace public, où ses dynamismes peuvent réellement s'exprimer et se répercuter dans la vie quotidienne de la Cité, sans rencontrer d'obstacles ou d'obsolescences incapacitantes. Ce projet continental de subsidiarité est indissociable de la question écono­mique. Si l'ancrage poli­tique au niveau des pays est une nécessité pour rétablir les consensus écornés par la déliquescence des valeurs, il doit être concomitant à une “recontextualisation” de l'économie. Si la volonté de “recontextualiser” l'économie, de réancrer les forces économiques sur le lieu même de leur déploiement, si cette recon­textualisation redevient la caractéris­tique principale d'une économie saine, on ne pourra plus parler d'une césure gauche/droite mais d'un clivage opposant les or­thodoxies économiques, voire les orthoglossies économiques (consistant à répéter inlassablement les mêmes discours idéo­logisés sur l'économie), aux hétérodoxies. Pour les historiens français de l'histoire des théories économiques, les orthodoxies sont: 1) l'économie classique (le libéralisme dévié d'Adam Smith, le manchesterisme), 2) le marxisme et 3) la synthèse key­nésienne, du moins telle qu'elle est instrumentalisée par les sociaux-démocrates. Toutes ces pen­sées orthodoxes sont mé­canicistes. Face à elles, les hétérodoxies sont très variées: elles ne prétendent pas à l'universalité; elles se pensent comme produits de contextes précis. Elles ont pour sources les ré­flexions posées par l'école historique (allemande) au XIXième siècle, pour laquelle l'économie se dé­ployait toujours dans des espaces travaillés par l'histoire. Dans une telle perspective, aucune économie ne peut se développer dans un contexte dépourvu d'histoire. Outre l'école historique allemande, les hété­ro­doxies dérivent des socialistes de la chaire et des institutionalistes américains (dont Thorstein Veblen; les institutions déter­minent l'économie, or les institutions, elles aussi, comme le droit, sont produites par l'histoire). Pour François Perroux qui, en France, a fait la synthèse de ces corpus variés, l'économie se déploie au sein de dynamiques de structures, dans des turbu­lences où s'entrechoquent des forces va­riées: nous retrouvons là, dans un langage scientifique, avec un appareil mathéma­tique adéquat, ce que le philosophe-poète Deleuze avait appelé le “rhizome”, ce sous-bois, cette jungle du plan d'immanence, dans laquelle l'homme lucide doit repérer et capter des forces.

 

Parmi ces lucides qui repèrent et captent, il y a bien entendu des hétérodoxes que l'on classe à gauche et d'autres que l'on classe à droite. Mais ce qui importe, dans leurs théories et discours, ce n'est pas le la­bel, mais, plus justement, ce qui fait leur hétérodoxie, soit la volonté de se démarquer du mécanicisme des orthodoxies, de se dégager des impasses politiques dans lesquelles elles ont fourvoyé nos sociétés.

 

Révolution conservatrice et “événement-choc”

 

Mais si les questions brûlantes de la politique sont celles de la subsidiarité, de la réorientation de la pen­sée économique vers les théories hétérodoxes, que reste-t-il de notre engouement pour la “révolution conservatrice”? N'est-il pas le dernier indice d'un ancrage que l'on pourrait labéliser de “droite”? N'est-il pas ce petit “plus” qui permettrait de nous ranger définitivement dans la “boîte de droite”? Premier élément de réponse: ce qui consitue l'essence de la “révolution conservatrice”, ce n'est pas tant la dimension proprement conservatrice, c'est-à-dire le maintien de formes anciennes ou la volonté de garder “fixes” et immuables certaines institutions, mais l'attention constante pour l'Ernstfall (le cas d'exception), l'éveil à tout ce qui est soudain (Das Plötzliche), inattendu (Das Unerwartete), l'événement choc vécu en direct et qui appelle une réponse rapide, une déci­sion (Eine Entscheidung). Cette attention et cet éveil ont été considérés comme les marques les plus caractéristiques de la “révolution conservatrice”, rangée à droite dans l'univers des panoplies politiques. Mais l'éveil à ce qui est soudain n'est pas seulement ancré à “droite”. Tant les surréalistes, contestataires et hostiles à toute forme de conservation institutionnelle, que Walter Benjamin y ont été attentifs et lui ont accordé la priorité, le statut d'essentialité, par rapport à la simple et répétitive quo­tidienneté. On retrouve la même valorisation de l'instant crucial, marqué d'une forte charge d'intensité, chez Carl Schmitt, chez Ernst Jünger, chez Martin Heidegger. Chez Benjamin, le fait de vivre un choc et de gérer ainsi l'irruption de l'imprévu, de vivre sous l'emprise d'une logique du pire, évite le traumatisme incapacitant, permet de vivre et de naviguer dans un monde qui transite de catastrophe en catastrophe.

 

Focaliser l'attention du personnel politique d'élite sur la soudaineté et l'irréductibilité du particulier face aux prétentions de l'universel, permet justement de ne pas “perdre les pédales”, de ne pas “craquer” devant le constat que l'on est bien forcé de poser aujourd'hui: la fin de l'histoire (Fukuyama), l'advenance d'un temps hypothétique où les décisions seraient devenues su­perflues, n'arriveront pas. Jamais. Cette non-advenance bien constatable prouve l'inanité des thèses de Kelsen ainsi que des institutions et des pratiques politiques qui en découlent. Elle contraint à penser métaphoriquement le plan du politique comme un sous-bois touffu, comme une masse unique et toujours particulière de sédimentations multiples, inextricablement enchevê­trées, dont témoignent l'histoire du droit, l'histoire constitutionnelle et la jurisprudence. Dans l'enchevêtrement de pratiques ju­ridiques non répressives mais codifiant, décodifiant et recodifiant la convivialité publique (pratiques qui sont de ce fait non pu­nissantes et non surveillantes, pour rappeler ici le travail de Foucault), dans cet enchevêtrement donc, s'expriment des va­leurs, sous des oripeaux qui se modifient et s'adaptent au fil du temps, tout en conservant l'essentiel de leur message.

 

Conclusion

 

Par conséquent, le projet de “Synergies Européennes” étaye sa revendication de subsidiarité par un recours aux corpus sym­biotiques d'Althusius, Möser, Riehl, Gierke, etc. pour organiser et renforcer une quotidienneté organique, dégagée des sim­plismes politiciens et mécanicistes qu'ont véhiculés la plupart des idéologies du pouvoir en Europe. Cette quotidienneté doit pouvoir s'exprimer dans des assemblées élues par la population de régions historiques, expressions de substrats historiques, juridiques et économiques de longue durée. Ces substrats représentent des “contextes” économiques particuliers, dont la par­ticularité ne saurait être ni altérée ni oblitérée ni éradiquée. Toute volonté d'altérer, d'oblitérer ou d'éradiquer ces substrats participent d'une volonté mécanique de “surveiller” et de “punir”, qui se camoufle souvent derrière des discours iréniques et moralisants. Ces particularités substratiques doivent donc être prises en compte telles qu'elles sont, dans leur complexité que le philosophe-poète compare volontiers à un sous-bois touffu ou à une forêt vierge. Cette complexité est organique et forcé­ment rétive à toute logique mécanique, binaire ou simpliste. Sur le plan économique, elle ne peut être appréhendée que par une pensée de type historique, c'est-à-dire, selon la classification qu'ont opérée les historiens français contemporains de la pensée économique, une pensée “hétérodoxe”.

 

Mais ce réel pensé comme sous-bois peut le cas échéant subir l'assaut d'aléas mettant ses équilibres particuliers en danger. L'événement-choc, soudain, fortuit, terrible, peut bousculer des équilibres organiques pluriséculaires: ceux-ci doivent toujours être capables de faire face, de cultiver une logique du pire, pour que les chocs qu'ils affrontent ne les détruisent ni ne les trau­matisent. Telle est la disposition d'esprit qu'il faut retenir des décisionnistes historiques (Sorel et ses disciples de la “révolution conservatrice”) et de l'œuvre de Walter Benjamin.

 

Deux pistes pour sortir des enfermements de gauche et de droite et pour accepter la diversité du monde et le divers en nos propres sociétés.

Robert STEUCKERS.

 

 

mercredi, 06 mai 2009

La grande falsification: l'art contemporain

La grande falsification : L’art contemporain

La grande falsification : L’art contemporain
de Jean-Louis Harouel

Le néant artistique abusivement appelé art contemporain est la lointaine suite de la crise de la peinture déclenchée par le progrès technique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Sous l’effet de cette crise, la religion de l’art inventée par le romantisme s’est trouvée privée de sens. La délirante sacralisation de l’artiste par la philosophie allemande, qui lui conférait le statut de voyant, de messie, de philosophe, a basculé au XXe siècle dans l’absurde, le dérisoire, voire l’abject. Tel est le prétendu art contemporain: une religion séculière de la falsification de l’art, où l’adoration de l’art a fait place à celle du soi-disant artiste, et où l’œuvre d’art se trouve remplacée par n’importe quoi pourvu qu’il ne s’agisse pas d’art. Aussi bien tout cela est-il aujourd’hui très vieux. Dès les débuts du XXe siècle, les figures les plus radicales des avant-gardes avaient été au bout de la logique du remplacement de l’art par n’importe quoi. Tout ce qui s’est fait depuis dans ce sens n’est qu’une fastidieuse rabâcherie. Né de la volonté politique de la classe dirigeante américaine au temps de la guerre froide, le succès mondial du prétendu art contemporain est à beaucoup d’égards un accident de l’histoire. Il n’en reste pas moins que l’aberrant triomphe de cet ersatz d’art renvoie les sociétés occidentales actuelles à leur profonde déculturation.

Agrégé des Facultés de droit, diplômé de Sciences Po, Jean-Louis Harouel est professeur à Paris II. Auteur d’une douzaine de livres, il a notamment étudié en juriste l’histoire de l’État, de l’administration et de la ville. Par ailleurs, il est l’un des meilleurs connaisseurs de la pensée du grand économiste Jean Fourastié (Productivité et richesse des nations, Gallimard, 2005). Il est en outre spécialiste de sociologie de la culture (Culture et contre-cultures, PUF, 3e éd. 2002).

Disponible sur Amazon


 

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jeudi, 19 mars 2009

Ezra Pound, lo scandalo libertario

Ezra Pound, lo scandalo libertario

 
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"Beauty is difficult", scriveva Ezra Pound: la bellezza è difficile. E senz' altro è difficile capire come uno dei geni poetici del Novecento volesse conciliare Benito Mussolini e Thomas Jefferson, la libertà e la scelta per la Repubblica sociale. A sciogliere queste contraddizioni in un «elogio libertario di Ezra Pound» ci ha provato la settimana scorsa sul Corriere della Sera il filosofo Giulio Giorello in un articolo dedicato a un saggio di Pound tradotto da Andrea Colombo per la prima volta in italiano, Il carteggio Jefferson-Adams come tempio e monumento (Edizioni Ares, introduzione di Luca Gallesi).

«Beauty is difficult»,


L' intervento di Giorello non è passato inosservato. Non ci riferiamo tanto al commento entusiastico di Luciano Lanna sulla prima pagina del Secolo d' Italia, «Pound (come Jünger) era un libertario», quanto all' attenzione che ad esso ha dedicato Giano Accame, ex direttore del Secolo d' Italia, ma soprattutto uno dei maggiori esperti italiani del pensiero politico di Pound. «Negli anni Novanta avevo pubblicato per Settimo Sigillo il saggio Pound economista. Contro l' usura - ci dice Accame -. Un lavoro cui mi dedicai quando Pound, soprattutto per i lavori poetici, era stato ampiamente rivalutato dalla critica di sinistra, a cominciare dai fondamentali saggi del professor Massimo Bacigalupo, che collaborava al manifesto e, detto per inciso, era figlio del medico italiano dell' autore dei Cantos. Mi sembra che l' intervento di Giorello possa rappresentare l' inizio della rivalutazione non soltanto poetica, ma del pensiero complessivo di Pound, anche alla luce della crisi finanziaria internazionale».


Che cosa c' entra, si potrebbe obiettare, il crollo dei mercati finanziari, evocato peraltro anche da Giorello, con il poeta americano che aveva scelto di vivere in Italia? «Pound - spiega Accame - si reputava un patriota, legato ai valori della Costituzione, che affidava al Congresso di Washington la custodia della moneta. Egli considerava un' abiura della sovranità popolare l' aver delegato la gestione della moneta e della finanza alla Banca centrale, un ente i cui responsabili non rispondono delle proprie azioni al popolo. Da questa concezione derivava la proposta ingenua di una moneta deperibile... Al di là degli aspetti utopistici e sconclusionati del suo pensiero economico, restano oggi, in questa situazione, i moniti profetici. Pound considerava i poeti come le antenne di un popolo».
Pensiero economico a parte, definire «libertario» uno scrittore che si schierò pubblicamente per la Repubblica sociale italiana può essere visto da alcuni intellettuali di sinistra come un' impostura. «Non è affatto un' impostura - risponde Accame - perché il sogno finale di tutti i grandi intellettuali fascisti, da Giovanni Gentile all' eretico Berto Ricci e all' artista Mario Sironi, era realizzare la grandezza italiana nella libertà. Il fatto poi che Pound fosse vicino al fascismo in declino rispondeva un po' alla natura dei pionieri americani, gente costretta a fuggire perché negletta nella propria terra».


Internato in un campo di concentramento vicino a Pisa, dove scrisse i Canti pisani, da alcuni considerato il meglio della sua produzione, Pound passò poi dodici anni in un manicomio criminale a Washington, ma l' America non ebbe mai il coraggio di condannare per tradimento uno dei suoi geni. Nessuno può negare la tensione libertaria di testi composti in un campo di prigionia. Tuttavia, osserva Luigi Sampietro, docente di letteratura angloamericana all' Università Statale di Milano e frequentatore tra la fine degli anni Sessanta e i primi anni Settanta di casa Pound a Brunnenburg, vicino a Merano, «non si deve confondere tensione democratica, certamente presente in Pound, e liberalismo, che è l' espressione culturale del mercato. In fondo Adams e Jefferson condussero una guerra economica, per la liberalizzazione del mercato, diedero l' indipendenza alla propria terra perché non volevano pagare tasse. Ezra Pound, invece, con la sua ossessione contro l' usura, da cui derivava il suo antiebraismo, e l' invenzione di una moneta deperibile basata sul valore accumulato con il lavoro, contrapposto al denaro neutro valido per tutti, si ispirava in fondo a principi antiliberali. Chi potrebbe realizzare, se non una dittatura con un' economia dirigista, la carta-lavoro ipotizzata dall' autore dei Cantos?».
D' accordo con «l' elogio libertario» scritto da Giulio Giorello è lo scrittore Pietrangelo Buttafuoco, autore di Cabaret Voltaire (Bompiani). Tuttavia, dice Buttafuoco, il contesto politico-culturale del nostro Paese ci costringe sempre «alla scoperta dell' acqua calda. Sì, ha capito bene: scoperta dell' acqua calda. Perché fin quando non ci libereremo dell' incubo antifascista, non ci potremo accostare con serenità al grande patrimonio culturale del Novecento. E non solo, perché ricordo che in Italia la cultura marxista più retriva ha messo in dubbio persino i filosofi presocratici, considerandoli antesignani del pensiero negativo. Come per Pound, oggi assistiamo alla rivalutazione del Futurismo, dopo che per anni ci hanno annoiato con le scoperte della transavanguardia. Ci rendiamo conto soltanto adesso che il Futurismo è stato il maggiore movimento culturale italiano assieme al Rinascimento? Certo, ebbe anche una valenza politica».

mardi, 17 mars 2009

Tra prosodia e immagine : Ezra Pound

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Tra prosodia e immagine: Ezra Pound

 

 

di Nicola D’Ugo

Ex: http://www.controluce.it/

In questo secolo la poesia, spronata dai grandi maestri dell’Ottocento, a partire dai simbolisti francesi, ha dato luogo alle più diverse manifestazioni espressive. Al di là dei responsi dei vari periodi circa le influenze sull’arte e sulla letteratura esercitate da un singolo autore –si pensi alla tardissima riesumazione dell’opera della poeta americana Emily Dickinson– è opportuno segnalare una tendenza fortemente motoria della poesia, ottenuta con mezzi prevalentemente a base fonica, e una statica, ottenuta anzitutto tramite immagini. Se i calligrammi, le parole in libertà e la poesia concreta in genere hanno portato a un incontro più deciso di immagine iconica, suono e concetto, la letteratura in versi che si è avvalsa solo del mezzo linguistico –che è poi la più considerevole– si è diversificata puntando o sulle modalità prosodiche o sulle modalità di rimando iconico. Motoria è da dirsi la scrittura timbrica o ritmica, fortemente improntata su occorrenze e ricorrenze temporalmente esibite, una scrittura già tradizionale ma che l’introduzione del verse libre ha fortemente riformato. Attenta a quest’aspetto, ma decisamente formata sull’altro versante, la poetica dell’immagine, o Imagismo, seppure abbia avuto esiti che si allontanarono molto dal loro intento iniziale, ci offre un limpido spaccato dell’attività poetica del Novecento riguardo ai propri propositi. L’incontro di un iniziatore del movimento come Ezra Pound con la poesia cinese, di cui ci restano le splendide e libere traduzioni di Cathay, si incrociava se non altro con il Medioevo nostrano, di cui Pound era un appassionato conoscitore. Rileggere oggi Cathay ci permette intanto di avvicinarci a una mentalità della scrittura poetica non esclusivamente occidentale, ma che già nell’Occidente medievale dello Stilnovo trovava una formulazione risolutamente caratterizzata. I rischi dell’importazione sono molteplici. Più di recente, in una nuova ondata d’interesse per l’Estremo Oriente, il semiologo francese Roland Barthes ci ha illustrato un modo di porsi negli interstizi fra Oriente e Occidente, non tanto cercando di «scoprire» l’Oriente, con l’incombente rischio di travisarlo e deformarlo attraverso la patina dell’occhio occidentale, quanto piuttosto «inventandoselo» per scoprire meglio se stesso e i suoi «simili» occidentali, il nostro modo di pensare (che ci pare sempre l’unico adeguato, finché l’apparenza non ci induca a credere che il diverso funziona meglio del consueto), la nostra alterità.

Nello Stilnovo, il cui interesse per l’immagine è fortissimo, le cose inanimate sanno acquisire un valore anche spirituale e morale, allegorico e anagogico, di modo che le finalità della loro presenza sulla pagina sono tutte regolate da una logica squisitamente occidentale, ovvero una logica di nessi riconducibili a principi, una logica di gerarchie che, se non sono date, possono essere ricostruite secondo un processo analitico e associativo. Il rapporto con la natura, considerato fondamentale per la ricognizione cosmologica e per la comprensione dell’uomo quale creatura privilegiata, viene ricondotto, anche nelle sue manifestazioni meno evidentemente cerebrali, a una concezione filosofica più o meno individuale del singolo autore: la poesia, per metafisica che possa apparire, si fonda, per lo stilnovista, su principi fisici e culturali.
Il celebre distico imagista di Ezra Pound «In a Station of the Metro» («In una stazione del métro») consiste di due soli versi in cui è posto un nesso analogico:

«The apparition of these faces in the crowd;
Petals on a wet, black bough.»

(«L’apparizione di questi volti nella folla;
Petali su un umido, nero ramo.»)

In questo tipo di componimento non si utilizza l’immagine con l’intento di evocarne una privilegiata e intraducibile in un referente esterno, ma per rimandarci a un dato sensoriale che ha connotazioni di carattere emozionale; l’immagine è di un’estetica trascendentale proposta attraverso un’espressione linguistica, non già fondata su un’estetica esclusivamente linguistica. A differenza dei componimenti simbolisti, il testo è una mediazione fra esperienza e interiorità, ci offre un referente, non il libero gioco dell’immaginazione a partire da significati e suoni, e il suo fine non è suggerire qualcosa oltre l’apparenza, ma rendere il lettore partecipe dell’apparenza in tutta la sua pienezza. È impressionistico, e fine della poetica imagista la rappresentabilità. L’apparire non contiene in sé, aprioristicamente, valenze di simulazione e dissimulazione, è invece e anzitutto direzionato verso un valore di verità (anche emozionale) che trapela dalla scrittura.

Nonostante i limiti di questa poetica di gruppo –del resto straordinariamente superati da un iniziatore del calibro di Pound negli anni successivi– un grande bardo del Novecento come W. B. Yeats volle ammettere di aver appreso molto dal giovane poeta americano. Nelle Autobiografie ci ricorda l’episodio in cui un giorno Pound gli parlò di questa poetica delle parole concrete in luogo di quelle astratte, e Yeats, già celebre e d’età più matura del poeta americano, gli diede un suo componimento invitandolo a indicargli le parole astratte che aveva utilizzato. Pound prese lo scritto e se lo portò via, per poi tornare poco dopo. Il componimento era quasi tutto sottolineato. Da quella volta Yeats prestò attenzione all’insegnamento del suo geniale segretario.

Qualunque poeta dovrebbe aver presente la qualità e l’efficacia delle parole astratte che pone in un suo scritto. Poeti successivi a Pound, come T. S. Eliot, W. B. Yeats e Dylan Thomas (e Pound stesso nei Cantos), fecero largo uso dei termini astratti, con finalità anche molto diverse, ma seppero dar maggior vigoria alla scrittura nei componimenti in cui l’astrazione è ridotta all’osso. Pound si avvalse di questa distinzione come regola prima, segnalando che se la Comedia di Dante era un capolavoro dell’uso poetico dell’immagine, Il Paradiso perduto di Milton, essendo privo di immagini altrettanto concrete, appariva come un «sacco vuoto».

lundi, 16 février 2009

Le théâtre futuriste

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

 

Le théâtre futuriste


Es gibt keinen Hund. Das futuristische Theater. 61 theatralische Synthesen von F.T. Marinetti und Cangiullo, Soggetti, Settimelli, Carli, Boccioni, Buzzi, Balla, Depero, Dessy, Rognoni, Vasari, Nanetti, Janelli, Folgore, Corra, Ginna, Chiti, Calderone, Govoni, Aschieri, Pratella, Fillia und 4 Manifeste, aus dem Italienischen übersetzt und herausgegeben von Brigitte LANDES, München, edition text + kritik, 1989, 223 S., DM 42, ISBN 3-88377-304-2.


Tenant compte du regain d'intérêt pour les futurismes, pour leur revendication d'une «fusion de l'art et de la vie», c'est-à-dire pour l'inclusion dans la sphère artis­tique de la technique, de la vitesse, des bruits de mo­teur, de la dynamique, une romaniste allemande, Bri­gitte Landes, a cru bon d'explorer le lieu par excel­lence des provocations futuristes, le théâtre. Ce théâtre de scènes courtes, de variété, qui finissait toujours en bagarres, avec l'arrivée de la police pour vider les lieux. La couleur, Marinetti l'avait déjà annoncée dès son manifeste du 11 janvier 1911: il faut mépriser le public des premières, ces bourgeois coincés qui arri­vent comme un troupeau pour exhiber leurs femelles coiffées de nouveaux chapeaux. Pour échapper à la banalité, les acteurs doivent être animés du désir de se faire siffler: injures, sifflets, tomates indiquent claire­ment que la pièce n'est pas du rabâchage (B. Landes, pp. 7 à 9). En 1913, Marinetti, dans un nouveau mani­feste, fait l'apologie du théâtre de Variété (cf. B. Landes, pp. 153 à 161) parce que la Variété est sans traditions ni dogmes, purement actuelle. Elle est anti-académique, primitive et naïve. Elle détruit la fausseté festive, le pseudo-sacré, le sérieux ampoulé et le su­blime de carton-pâte. Une nouvelle phase du théâtre futuriste commence en janvier 1915, par un nouveau manifeste co-signé par Marinetti, Corra et Settimelli: c'est le théâtre futuriste et synthétique. Ce manifeste commence par un constat: le théâtre est le mode d'expression culturelle le plus prisé des Italiens. Pour neuf Italiens qui vont au théâtre, un seul lit des bou­quins: il faut donc que le futurisme s'infiltre dans la société par le biais du théâtre. Ce théâtre subversif doit être synthétique, soit excessivement court. D'une du­rée de quelques minutes à peine. Ce que ne compren­nent pas les innovateurs de l'art dramatique de l'époque tels Ibsen, Maeterlinck, Andreïev, Claudel, Shaw. Ce théâtre, ensuite, doit être a-technique, c'est-à-dire rejeter les techniques traditionnelles qui ont conduit l'art dramatique dans la fange du pédantisme et de l'abêtissement. Ce théâtre doit être dynamique et simultané, naître de l'improvisation, de l'intuition qui jaillit comme l'éclair, de l'actualité riche en décou­vertes. Ce théâtre doit être autonome, a-logique et ir­réel, ne rien avoir de commun avec la photographie. En conclusion, ce manifeste de janvier 1915, demande qu'un lien s'établisse enfin entre les acteurs et les spectateurs, inaugurant ainsi les modes d'expression théâtrale contemporains.


En 1921, nouveau manifeste du théâtre futuriste de Rodolfo De Angelis avec la collaboration de Marinetti, Cangiullo, Corra, Carli, Settimelli, Prampolini, De­pero, Tato, Casavola, Mix, Bragaglia, Scrivo, Bella­nova. C'est le théâtre futuriste de la surprise, pré­voyant la farce provocatrice dans la salle: vente d'une même place à plusieurs personnes pour provoquer al­garades, injures, gifles et bagarres; badigeonnage de sièges avec de la glu pour ajouter à la pièce proprement dite le spectacle de la fureur d'un bourgeois; les mauvaises places coûtent cher, les bonnes places sont bradées pour presque rien. La provocation et l'in­ter­pellation des spectacteurs y atteignent leur comble.


Brigitte Landes complète ces quatre manifestes d'une anthologie de pièces futuristes.


Robert Steuckers.

 

lundi, 24 novembre 2008

M. Eemans: Soliloque d'un desperado non nervalien

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Archives de "Synergies Européennes" - 1998

Marc. Eemans :

Soliloque d’un desperado non nervalien

 

Au cours d'une retraite de quelque quinze jours en l'île d'Egine, dans le golfe saronique, où j'ai fêté mes quatre-vingt-dix ans loin de tout cérémonial, j'ai longuement pu me pencher sur bien des choses de ma vie, tout en faisant un petit bilan de ce que l'on appelle le "mouvement surréaliste", auquel j'ai participé durant un bon moment.

 

Quel gâchis !

 

Ce qui aurait pu être une chose fort belle, une vraie révolution dans le domaine de l’esprit, sur le plan de la poésie et des arts n’a été finalement que le prolongement, l’aboutissement, vers 1924, des divers ismes de la fin du siècle dernier et du premier quart du nôtre. Tout cela dans le vase clos des cafés littéraires de Paris. Que d’apéritifs, que de palabres, que d’ukases et que de proclamations de politiques de gauche…

 

Le surréalisme n’a finalement pu que décevoir tous ceux qui y avaient mis tous leurs espoirs. Il y eut bien des fidèles jusqu’au bout, mais aussi que de défections et d’exclusions. Il y eut également des grands talents tels que Breton, Aragon, Eluard, Ernst, Dali et bien d’autres encore.

 

Des chefs-d’œuvre ? Toutefois, chose paradoxale, les vrais grands poètes surréalistes ne furent pas surréalistes dans le sillage de Breton. Ce furent des outsiders. Et je pense alors à un Saint-John-Perse et un Patrice de la Tour du Pin, mais quelle horreur ! Patrice de la Tour du Pin, un poète “christique” ! Ah, son angélologie et sa mysticité, mais aussi ses mythes et légendes celtiques, cette Ecole de Tess… J’ai eu l’honneur de me compter parmi ses fidèles.

 

André Breton, bien que parti du symbolisme de Mallarmé, de Gustave Moreau, voire de Gide et de Pierre Louÿs, n’en avait pas moins passé par le dadaïsme, le communisme, le trotskisme. Il a même été “citoyen du monde”, disciple d’un farfelu américain.

 

Quant à moi ? Je n’ai guère l’esprit grégaire. Je ne suis point fait pour les ukases, pour proclamer avec Pirandello “à chacun sa vérité”. Par ailleurs “sans dieu ni maître” (Mesens), formé dès l’enfance au merveilleux, aussi bien gréco-romain, germanique que chrétien, de même féru de symbolisme aussi bien français que néerlandais ou allemand, avec une bonne dose d’intérêt pour la mystique et l’ésotérisme, sans oublier mon intérêt pour la tragédie des Cathares (Otto Rahn et René Nelli), ainsi que pour l’Ahnenerbe (“Héritage des ancêtres”).

 

Qu’allais-je faire dans le cénacle surréaliste bruxellois où j’allais me heurter à l’ostracisme anti-art de Paul Nougé qui “nous a fait tant de tort” (Mesens) ? J’y ai perdu mon amie Irène, mais aussi gagné la jalousie de René Magritte (mes peintures étaient alors plus chères que les siennes ! Plus tard, Paul Delvaux aura également à souffrir de la même jalousie) et l’amitié de deux fidèles compagnons de route, E. L. T. Mesens, mon premier marchand de tableaux (Galerie L’Époque) et mon deuxième marchand (hélas raté), Camille Goemans (faillite de la Galerie Goëmans de la Rue de Seine à Paris).

 

Au-delà du surréalisme…

 

Après le court épisode surréaliste (1926-1930), ce fut pour moi un “au-delà du surréalisme” avec une traversée du désert, qui dure toujours, et aussi une assez grande dispersion dans mon activité aussi bien artistique qu’intellectuelle avec par surcroît la difficile quête du gagne-pain quotidien.

 

Mon apport au surréalisme bruxellois ? Quelques dizaines de peintures, des dessins et deux ou trois gravures. Elles ou plutôt “ils” auraient contribué (selon José Vovelle) à la naissance du surréalisme néerlandais (Moesman). N’oublions pas l’édition en 1930, de l’album Vergeten te worden, à ce jour  —paraît-il—  le seul recueil surréaliste en langue néerlandaise…

 

Je reviens à ma difficile quête du pain quotidien et ma dispersion intellectuelle, surtout due à une insatiable curiosité de même qu’à un aussi insatiable besoin d’activité.

 

D’abord ma quête du nécessaire pain quotidien. Quelques tentatives dans le domaine publicitaire (comme Magritte), collaboration dans le domaine du design, comme on dit aujourd’hui, avec mon ami l’ensemblier hollandais Ewoud Van Tonderen, finalement le journalisme et l’édition avec un passage dans la propagande touristique avec l’ami Goemans.

 

Ensuite ma dispersion intellectuelle. Bien que ne connaissant point une note de musique, elle fut à la fois musicologique et chorégraphique, en collaboration avec les réputés musicologues Kurt Sachs (juif exilé allemand, directeur de la collection de disques L’anthologie sonore), Charles Van den Borren, bibliothécaire à la bibliothèque du Conservatoire de Bruxelles, et son beau-fils américain, le jeune chef d’orchestre Safford Cape.

 

Grâce à mon amie Elsa Darciel, future professeur au même Conservatoire, nous avons reconstitué les “Basses-Danses de la Cour de Bourgogne”, d’après un précieux manuscrit du XVe siècle, de la Bibliothèque Royale de Bruxelles.

 

L’aventure de la revue «Hermès»

 

Côté poétique, philosophique et mystique : fondation en 1933, avec René Baert et Camille Goemans, de la revue “métasurréaliste” Hermes, pour l’étude comparée de la poésie, de la philosophie et de la mystique, avec une brillante collaboration internationale, mais qualifiée par les surréalistes bruxellois de revue de “petits curés” ou de fascistes en dépit de collaborateur à peu près tous agnostiques, d’autres marxistes ou juifs. Un secrétaire de rédaction de marque : Henri Michaux.

 

Toutefois, quelques supporters de qualité : Edmond Jaloux, Jean Paulhan, Ungaretti, T. S. Eliot, etc.

 

Ma principale contribution : un numéro spécial consacré à la mystique des Pays-Bas, mais les mystiques musulmane, hindoue, chinoise et tibétaine ou grecque et scandinave ne furent point oubliées, et puis il y eut également les premières traductions de Martin Heidegger et de Karl Jaspers. N’oublions pas le symbolisme et les romantiques anglais et allemands.

 

Notre manque d’information dans le domaine italien, nous fit —hélas— ignorer un effort à peu près parallèle, mais tout aussi “confidentiel” que le nôtre, celui de Julius Evola et de ses amis du groupe “Ur”.

 

Autres exemples de ma dissipation intellectuelle d’alors sont mon intérêt pour les théories du R. P. Jousse S. J. sur l’origine purement rythmique du verbe et son application au langage radiophonique dont Paul Deharme, l’époux de la poétesse surréaliste Lise Deharme (la “Dame aux gants verts” de Breton) tâchait alors de faire l’application dans ses spots publicitaires à la radio.

 

Plus grave, du point de vue surréaliste tout au moins, fut ma présence à un colloque néo-thomiste à Meudon, chez Raïssa et Jacques Maritain, sur le thème de la distinction entre mystique naturelle et surnaturelle.

 

Moins compromettante, toujours du point de vue surréaliste, fut ma correspondance avec le poète grec Angelos Sikelianos concernant la restauration des Jeux Delphiques.

 

Les années sombres…

 

En septembre 1939, la guerre mit brusquement un terme à la revue Hermes et en mai 1940, avec l’invasion de la Belgique, au gagne-pain de ses deux directeurs.

 

L’effort fut repris après la guerre par André de Renéville avec ses Cahiers de l’Hermès (deux seuls numéros remarquables) et par une nouvelle revue Hermès qu’il faut, hélas, considérer comme pirate, celle de Jacques Masui… Il existe toujours, dans le prolongement de celle-ci avec le logo de 1933, une “Collection Hermès” aux éditions Fata Morgana. Pour moi, un vrai mirage.

 

Durant la guerre et l’occupation de la Belgique, les deux directeurs de la revue devinrent, quelle erreur et quelle horreur pour d’aucuns, des collaborateurs culturels, mais aussi des résistants culturels sur nombre de points, dans certains journaux et périodiques contrôlés par l’occupant. Cela leur coûta cher : pour René Baert, la vie (par assassinat) et pour moi quelque quatre ans de camp de concentration belge, à la suite d’un procès devant un tribunal illégal et selon une loi que les communistes considéraient (lorsqu’ils en étaient victimes) comme “scélérate”, c’est-à-dire “rétroactive”.

 

J’ai appartenu par ailleurs à, disons une loge intellectuelle secrète, fondée au XVIIe siècle, à laquelle avait également appartenu Pierre-Paul Rubens, appelée “Les Perséides”. Elle avait pour but la réunion, tout au moins sur le plan intellectuel, des anciennes “XVII Provinces” (ou états bourguignons), séparées à la suite de la guerre de religion du XVIe siècle.

 

Durant la dernière guerre, les “Perséides” furent particulièrement actifs. Ils entrèrent même dans la résistance thioise et la clandestinité.

 

Sur le plan légal, ils obtinrent des autorités occupantes non-nazies (car la Belgique a été surtout occupée et gouvernée par des non-nazis) qu’il n’y eut point d’art “dégénéré” en Belgique.

 

Dans la clandestinité, ils parvinrent à rétablir des liens intellectuels avec les Pays-Bas rompus durant l’occupation (je passai maintes fois outre frontière !). Il y eut également des réunions plus ou moins clandestines. L’une d’elles fut dénoncée à la Gestapo et plusieurs des “Perséides”, dont moi, faillirent subir un séjour forcé dans quelque camp de concentration nazi…

 

Après la tourmente

 

La traversée du désert n’en devint que plus pénible après ma libération. Heureusement des amis fidèles vinrent à mon secours dont Jean Paulhan et Patrice de la Tour du Pin, de même que le Prix Nobel T. S. Eliot, sans parler de l’éditeur flamand Lannoo et les éditions néerlandaises Elsevier en la personne de son représentant à Bruxelles Théo Meddens qui me prit à son service jusqu’à ma pension à l’âge de soixante-cinq ans. Ce fut un vrai sauvetage in extremis. Aux éditions Elsevier (plus tard Meddens), j’eus l’occasion de publier une trentaine de livres consacrés à l’histoire de l’art ou de collaborer étroitement avec nombre de personnalités éminentes, telles que le professeur Leo Van Puyvelde et le musicologue Paul Collard (me voilà redevenu musicologue !). Je pus également renouer avec la chorégraphie grâce à ma fidèle amie Darciel.

 

Je pus également compter sur la neutralité, voire l’amitié d’Irène Hamoir et surtout sur celle de E. L. T. Mesens. Quant aux surréalistes d’après-guerre, ce fut la guerre ouverte, la diffamation par pamphlets odieux, même à propos d’expositions à l’étranger (Lausanne, La Femme et le surréalisme, où un ancien prisonnier d’Auschwitz et de Dachau, le Hongrois Carl Laszlo, un marchand de tableaux de Bâle) (sic ; ndlr : nous avons reçu ce texte après le décès de Marc. Eemans ; nous ne l’avons pas modifié, y compris cette phrase apparemment inachevée).

 

Puisque nous parlons de peinture, je rappellerai la fondation du groupe “Fantasmagie” consacré à l’art fantastique et magique. Mais ce mouvement dont je fus un des fondateurs sombra vite dans l’occultisme de pacotille en récoltant des membres au hasard des rencontres de bistrots de son “pape” Aubin Pasque qui avait déjà été l’inventeur d’un “surréalisme du canard sauvage” qui n’a existé que dans son imagination, mais auquel ont cru certains historiens du surréalisme en Belgique, dont David Sylvestre qui m’a interrogé un jour à son sujet…

 

Mais côté poésie ? Je n’ai jamais cessé de pratiquer de la poésie, appelons la “métaphysique et la mythique”, avec des recueils aussi bien en langue néerlandaise que française.

 

Artiste maudit

 

Du côté peinture, mes adversaires en ont profité, hélas, pour me boycotter, de sorte qu’on peut me classer parmi les  “artistes maudits” et certainement proscrits. Point d’œuvres dans les musées, si ce n’est pas un don ou un legs. Point d’expositions officielles, pas de rétrospectives, pas de subsides, etc. etc.

 

A présent, vieux, malvoyant, quasi sourd et ne marchant plus que fort difficilement et avec une canne de berger grec (car je demeure fidèle au mythe grec), je ne suis qu’un “gibelin” comme disent mes amis italiens. Je me demande, en vrai desperado, si je ne suis pas un raté et certainement un marginal qui n’a plus qu’à disparaître…

 

Heureusement que dès 1972, feu mon ami Jean-Jacques Gaillard, peintre surimpressionniste et swedenborgien, lui aussi quelque peu maudit pour avoir eu l’audace de dénoncer la grande fumisterie de l’art de Picasso, cela en pleine Académie Thérésienne, heureusement, dis-je, que l’ami Jean-Jacques m’ait prédit (belle consolation !) “une gloire posthume tristement magnifique”, y ajoutant qu’“une gloire tardive est préférable à une gloire rapide qui vieillit vite”.

 

Feu mon ami allemand, l’histoire d’art Friedrich Markus Huebner, grand admirateur de l’art flamand, de son côté m’a proclamé “l’éloquent interprète des expériences intemporelles”… Serais-je donc, moi aussi “intemporel” ?

 

Marc. EEMANS.

(20 juin-10 septembre 1997).

(précision : les inter-titres sont de la rédaction).  

dimanche, 23 novembre 2008

Marinetti et la révolution futuriste

Marinetti et la révolution futuriste

Trouvé sur: http://metapoinfos.hautetfort.com

Les éditions de l'Herne viennent de publier un ouvrage de  Maurizio Serra, historien et diplomate italien, consacré à Marinetti et au futurisme.

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"La guerre futuriste est une mobilisation totale contre les valeurs politiques, morales et culturelles du passé; elle permet à Marinetti de rompre les ponts avec la décadence, d'être de plain-pied dans la réalité qui n'est plus la conséquence du passé mais son contraire.
Il repère un ennemi immédiat - les empires centraux "moribonds" - et un objectif facile - l'irrédentisme ; mais surtout il identifie, dans la technique au service du mythe, l'avènement traumatique de la modernité. [... ] Marinetti n'est décidément pas facile à cerner. Il est de "droite" ou plutôt d'"extrême droite", lorsqu'il en appelle au droit du plus fort, au reniement de la solidarité de classe, à la loi martiale contre les pacifistes et les traîtres, à la destruction de l'ennemi et pas seulement à sa défaite.
Il est de "gauche ", ou plutôt d'"extrême gauche" parce qu'à ses yeux la guerre doit mener à la dissolution de tout ordre préétabli, y compris celui des non-belligérants comme l'Eglise - d'où sa fronde pendant la période fasciste contre les compromis et la corruption du régime. "

vendredi, 03 octobre 2008

Entretien inédit avec Julius Evola

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Entretien inédit avec Julius EVOLA

 

 Moi, Tzara et Marinetti

 

Documents retrouvés par Marco DOLCETTA

 

Nous publions ici quelques extraits d'un entretien télévisé inédit d'Evola, transmis sur les ondes en 1971 par la TFI, la télévision suisse de langue française. Cet entretien rappelait aux téléspectateurs la période où Evola fut un peintre dadaïste...

 

En mars 1971, je fréquentais à Paris l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, pour obtenir un doctorat en philosophie politique. Mais le cinéma et la télévision m'intéressaient déjà. Un soir, j'ai discuté avec Jean-José Marchand qui réalisait alors pour l'ORTF «Les Archives du XXième siècle» et cette discussion nous a conduit à une collaboration fructueuse. Nous étions tous deux animés du désir de rencontrer Julius Evola. Nous voulions l'introduire dans une série d'entretiens portant sur trois points importants du dadaïsme. J'ai organisé cet entretien et il a duré longtemps... Au départ, Evola n'y était pas entièrement hostile, mais il demeurait sceptique. Puis, dans un français impeccable, il m'a parlé très longtemps de l'expérience dada et des doctrines ésotériques. De ce long dialogue, la télévision n'a retenu que trois minutes...

 

Pour la postérité je dois signaler qu'Evola a refusé de répondre à deux questions. La première: «Dans le Livre du Gotha qui appartenait à mon ancien camarade de collège à Genève, Vittorio Emanuele de Savoie, et à son père Umberto, il n'y a pas de Baron Evola qui soit mentionné. Etes-vous vraiment baron?». La seconde: «Pourquoi, dans l'édition Hoepli de 1941 de votre livre de synthèse des doctrines de la race avez-vous mis en illustration un portrait de Rudolf Steiner, sans mentionner son nom, mais en signalant qu'il était un exemple de race nordico-dinarique, de type ascétique, doté d'un pouvoir de pénétration spirituelle?». Ce jour-là, j'ai compris que Steiner avait cessé de l'intéresser, voire de lui plaire. Evola me fit une grande et belle impression. Voici quelques petits extraits de notre long entretien...

 

Q.: Parlons du dadaïsme. Quelles ont été ses manifestations en Italie et quelle a été votre contribution personnelle au dadaïsme?

 

Il faut d'abord souligner qu'il n'y a pas eu de mouvement dadaïste au sens propre en Italie. Il y avait un petit groupe réuni autour de Cantarelli et Fiozzi qui avait publié une petite revue appelée Blu,  à laquelle ont collaboré des dadaïstes, mais c'est Tzara qui m'en a appris l'existence. Plus tard, j'y ai moi-même apporté ma collaboration, mais cette revue n'a connu que trois numéros. Pour le reste, j'ai organisé une exposition de mes œuvres en Italie et une autre en Allemagne, dans la galerie Der Sturm  de Monsieur von Walden. Il y avait soixante tableaux. En 1923, j'ai participé à une exposition collective, avec Fiozzi et Cantarelli en Italie, à la galerie d'Art Moderne de Bragaglia; ensuite, j'ai publié un opuscule intitulé Arte Astratta  pour la Collection Dada. Donc: de la peinture, de la poésie et mon interprétation théorique de l'art abstrait. Et puis, j'ai prononcé des conférences, notamment sur Dada à l'Université de Rome. Ensuite, j'ai écrit un poème: La Parola Oscura del Paesaggio Interiore, un poème à quatre voix en langue française, qui a été publié pour la Collection Dada en 1920 à 99 exemplaires. Ce poème a été réédité récemment par l'éditeur Scheiwiller de Milan.

 

A Rome, il y avait une salle de concert très connue dans un certain milieu et qui s'appelait L'Augusteo.  Au-dessus de cette salle, un peintre futuriste italien, Arturo Ciacelli, avait créé un cabaret à la française: Le Grotte dell'Augusteo.  Dans ce cabaret, il y avait deux salles que j'ai décorées moi-même. C'était un petit théâtre, dans lequel il y a eu une manifestation dada, où l'on a récité mon poème à quatre voix, avec quatre personnages évidemment, trois hommes et une fille qui, pendant cette récitation, buvaient du champagne et fumaient, et la musique de fond était de Helbert, de Satie et d'autres musiciens de cette veine; cette soirée avait été réservée uniquement à des invités, chacun recevant un petit talisman dada. Nous avions l'intention de nous focaliser uniquement sur le dadaïsme, en l'introduisant en même temps que le manifeste dada; malheureusement, la personne qui avait promis une aide financière n'a pas...

 

Q.: ...n'a pas tenu sa promesse.

 

En effet, elle n'a pas tenu sa promesse... Quant à l'exposition dadaïste, elle ne se contentait pas seulement d'exposer des tableaux; nous avions l'intention déclarée de choquer le plus possible les bourgeois et il y avait dans la salle toute une série d'autres manifestations. A l'entrée, chaque invité était traité comme un vilain curieux, ensuite, à travers toute la salle, étaient inscrites des paroles de Tristan Tzara: «J'aimerais aller au lit avec le Pape!». «Vous ne me comprenez pas? Nous non plus, comme c'est triste!». «Enfin, avant nous, la blennorragie, après nous, le déluge». Enfin, sur chaque cadre, il y avait écrit en petit, des phrases telles: «Achetez ce cadre, s'il vous plait, il coûte 2,50 francs». Sur une autre scène à regarder, on dansait le shimmy,  ou, selon les goûts, s'étalaient les antipathies de Dada: «Dada n'aime pas la Sainte Vierge». «Le vrai Dada est contre Dada»,  et ainsi de suite. Par conséquent, vu cette inclinaison à laquelle nous tenions beaucoup, parce que, pour nous, une certaine mystification, un certain euphémisme, une certaine ironie étaient des composantes essentielles du dadaïsme, vous pouvez donc bien imaginer quel fut en général l'accueil que recevait le public lors de ces soirées, de ces manifestations dadaïstes; elles n'étaient pas organisées pour que l'on s'intéresse à l'art, mais pour nous permettre de faire du chahut: on recevait les visiteurs en leur jettant à la tête des légumes ou des œufs pourris! A part le public en général, les critiques ne nous prenaient même pas au sérieux... Ils n'avaient pas l'impression que nous faisions là quelque chose de sérieux, ou du moins, dirais-je, de très sérieux, au-delà de ce masque d'euphémisme et de mystification. C'est pourquoi je puis dire qu'en Italie le dadaïsme n'a pas eu de suite. Quand je m'en suis allé, après avoir publié trois ou quatre numéros, le Groupe de Mantoue s'est retiré dans le silence, et il n'a pas eu de successeur...

 

Q.: Retrospectivement, que pensez-vous aujourd'hui de l'expérience dadaïste et du dadaïsme?

 

Comme je vous l'ai dit, pour nous, le dadaïsme était quelque chose de très sérieux, mais sa signification n'était pas artistique au premier chef. Pour nous, ce n'était pas d'abord une tentative de créer un art nouveau, en cela nous étions à l'opposé du futurisme qui s'emballait pour l'avenir, pour la civilisation moderne, la vitesse, la machine. Tout cela n'existait pas pour nous. C'est la raison pour laquelle il faut considérer le dadaïsme, et aussi partiellement l'art abstrait, comme un phénomène de reflet, comme la manifestation d'une crise existentielle très profonde. On en était arrivé au point zéro des valeurs, donc il n'y avait pas une grande variété de choix pour ceux qui ont fait sérieusement cette expérience du dadaïsme: se tuer ou changer de voie. Beaucoup l'ont fait. Par exemple Aragon, Breton, Soupault. Tzara lui-même a reçu en Italie, peu de temps avant sa mort, un prix de poésie quasi académique. En Italie, nous avons connu des phénomènes analogues: Papini, conjointement au groupe auquel il était lié quand il jouait les anarchistes et les individualistes, est devenu ultérieurement catholique. Ardengo Soffici, qui était un peintre bien connu quand il s'occupait d'expressionnisme, de cubisme et de futurisme, est devenu traditionaliste au sens le plus strict du terme. Voilà donc l'une de ces possibilités, si l'on ne reste pas seul sur ses propres positions. Une troisième possibilité, c'est de se jeter dans l'aventure, c'est le type Rimbaud... On pourrait même dire que la méthode dadaïste n'est pas sans un certain rapport avec la formule “Dada Toujours”, telle que je l'ai interprétée, et qui est aussi la formule d'Arthur Rimbaud, celle de maîtriser tous les sens pour devenir voyant. Comme je l'ai dit, l'autre solution est de se lancer dans une aventure, comme le firent d'une certaine façon Blaise Cendrars et d'autres personnes. Pour finir, il y a bien sûr d'autres possibilités positives, si bien que la nature inconsciente mais réelle de ce mouvement est une volonté de libération, de transcendance.

 

Poser une limite à cette expérience et chercher à s'ouvrir un chemin, ou choisir d'autres champs où cette volonté pourrait être satisfaite: c'est ce que je faisais en ce temps, après le très grave moment de crise auquel j'ai survécu par miracle. Je suis... parce que l'arrière-plan existentiel qui avait justifié mon expérience dadaïste n'existe plus. Je n'avais plus aucune raison de m'occuper de cette chose, et je suis passé à mes activités pour lesquelles je suis... essentiellement connu.

 

Q.: Que pensez-vous du regain d'intérêt aujourd'hui pour le mouvement dadaïste, regain qui provient de milieux variés?

 

A ce propos, je suis très sceptique, parce que, selon mon interprétation, le dadaïsme constitue une limite: il n'y a pas quelque chose au-delà du dadaïsme, et je viens de vous indiquer quelles sont les possibilités tragiques qui se présentent à ceux qui ont vécu profondément cette expérience. Par conséquent, je dis que l'on peut s'intéresser au dadaïsme d'un point de vue historique, mais je dis aussi que la nouvelle génération ne peut pas en tirer quelque chose de positif: c'est absolument exclu.

 

(Interview paru dans L'Italia Settimanale,  n°25/1994; trad. franç. : Robert Steuckers).

dimanche, 11 mai 2008

Vivenza ou la révolution bruitiste

Vivenza ou la révolution bruitiste

par J. M. LOMBART

"Hurle le feu et le souffle du feu, le bruit fils du combat des corps en mouvement s'incarne dans les c¦urs humains".
Ainsi s'achève son sulfureux pamphlet "La Révolution bruitiste". S'il fait grincer quelques dents et hurler quelques sensibilités fragiles, il faut reconnaître à Vi-venza une logique d'un radicalisme hors du commun aujourd'hui.

Après les concerts de l'année 86 en Allemagne, Hol-lande et Italie, le voici de retour. Le cycle français a été introduit par la magistrale soirée (organisation "va-rié-té") donnée à Grenoble en la basilique du Sacré C¦ur. Les gens conviés à cette cérémonie en sont en-core tout retournés, la mystique bruitiste trouva dans ces lieux son grand prêtre.

D'un son chaque fois plus énorme et impressionnant (cela semble d'ailleurs un euphémisme de le répéter), d'une mise en scène encore plus frappante, cette soirée (novembre 86) était le premier concert de Vivenza à Grenoble depuis quatre ans.

L'intransigeance doctrinale de Vivenza ne peut laisser indifférent, sa lucidité lui a permis de dégager de l'hé-ritage futuriste la substantifique moëlle qui génère son travail actuel.

Une cohérence rigoureuse

Sa volonté, sa cohérence en font, il faut bien le recon-naître à présent, l'un des plus puissants représentants du courant industriel. La violence dynamique de ses compositions, liée à une présence scénique déconcer-tante, lui ont permis de se hisser à travers des pâles imitateurs balbutiants et enfantins bricoleurs, au pre-mier rang créatif, écrabouillant comme il aime à le dire, la sclérose électro-acoustique et la frilosité institution-nelle ainsi que l'amateurisme dilettante.

Bien entendu, cette ascension a des risques, et l'un des plus importants reste celui de l'incompréhension. Nombreuses sont les personnes qui préfèrent la fuite devant les évidences politico-culturelles de Vivenza, mê-me s'il ne fait pas dans la dentelle, son cri et son at-titude sont un nécessaire contre-poison pour nos conformismes colonneux. Nos habitudes intellec-tuel-les sont, il est vrai, mises à mal avec lui et, plu-sieurs fois, à la passion qui l'anime, j'ai voulu substi-tuer dans la discussion l'analyse froide mais c'est un ter-rain où il excelle tout aussi bien et c'est ce qui fait sa force et sa cohésion car effectivement chez lui nous ne retrouvons pas tous nos travers répulsifs de cette scène inculte et bruyante. Tout au contraire, ici, le propos est fondé sur une rigueur dépensée, un fondamentalisme bruitiste unique en son genre. Cet aspect particulier peut nous permettre de penser que nous sommes en face d'une réflexion sûrement étudiée et d'une attitude d'une extrême importance.

Sur la ligne qui va des servo-mécanismes aux compo-sitions bruitistes en passant par les textes, disques et concerts, Vivenza nous livre le résultat d'un travail d'une concision qui est remarquable, à plus d'un titre.

Cette détermination dans la démarche depuis plusieurs années ne peut que frapper et c'est pourquoi il est né-cessaire à présent (si l'on ne veut pas se trouver dés-armé face à son propos et à son travail) de lire ce qu'il écrit ou d'écouter très attentivement ce qu'il ne cesse de répéter: "La problématique bruitiste doit être abor-dée d'une manière tout à fait nouvelle, les écoles élec-tro-acoustiques n'ont pas su conserver d'une manière l'aspect révolutionnaire du propos bruitiste tel qu'il nous fut livré par les Italiens; il nous appartient main-tenant de réaliser l'incarnation dynamique de leur vision".

"Le bruit a une exigence dynamique qu'il nous faut développer, même ou surtout violemment, peu importe les craintes, nous devons travailler la matière sonore au corps".

"Fuir les vagues errances anémiées du dilettantisme, qui fait que tout le monde se dit intéressé par le son, mais nul ne songe à savoir si le son s'intéresse à eux. La matérialité objective du bruit est une conception organique vivante, vibrante, mais il ne faut pas plaisanter avec. La position de l'esthète touche-à-tout ne marche pas. Ici, c'est complètement totalitaire au sens psy-cho-logique du mot, c'est-à-dire que cela concerne l'individu en totalité. L'être dans son objectivité et non pas son oreille avec la distance du touriste, le recul de la prudence et du confort. Soit tu décides de t'imposer dans cette discipline et tu te contingentes, soit il vaut mieux continuer à cultiver son néant".

Un "janséniste" sulfureux

Avec de tels propos, il est vrai, rien n'est fait pour dis-siper ce brouillard sulfureux qui semble dissimuler ce personnage hors du commun.

Dans un précédent article, j'avais employé le terme de jansénisme à son sujet et c'est vrai que pour lui le nombre des élus semble fort restreint à l'intérieur du cénacle qui contient "la minorité consciente" luttant avec détermination à la révélation révolutionnaire de la fureur du bruit.

Rigueur d'un autre temps ou ascèse visant l'intégration totale de l'individu dans les structures même du bruit, union furieuse, passionnée et douloureuse rendue vi-si-ble l'espace d'un concert.

Le tellurisme révolutionnaire de Vivenza nous plonge directement dans ces racines profondes: "du plus fort de la matière domestiquée surgit l'immense écho du langage de la terre. Alimentée du sang et de la sueur des hommes de la terre, fécondée, accouche dans la violence du bruit qui est son langage, du bruit qui est son cri, du bruit qui est son sens et sa forme".

Et c'est dans ce bruit que Vivenza s'immerge afin d'y appliquer cette "orchestration méthodique", cette or-ganisation mécaniste et radicale parce que nécessaire et obligatoire sous peine de dérapage. En effet, Vivenza sait qu'il y a un risque et le concert nous livre intégra-lement cette fragilité, ce danger de l'emballement du dépassement, caché par l'agencement précis de la scè-ne et des appareils.

Une cassure historique à colmater

"L'énergie du bruit est une énergie de destruction et de construction". Tout s'articule dans cette dialectique précise, cette relation toujours délicate entre la virtua-lité dynamique des matériaux et leur maîtrise, leur architecture. Nous ne pouvons face à ce travail continuer à reproduire nos schémas catégoriques d'analyse. Vi-venza déroute et c'est très bien, Vivenza dérange et c'est encore mieux, Vivenza déconcerte et nous som-mes désarmés. Sa logique très particulière nous avait déjà surpris lorsqu'il y a quelques années il nous avait expliqué en quoi les propositions théoriques bruitistes formulées par les avant-gardes du début du siècle (futurisme, constructivisme) n'avaient pu s'incarner concrètement, en quoi il y avait une cassure historique qui demandait d'être colmatée, un lien qu'il était né-ces-saire de réaliser. En quoi les écoles acous-tiques qui avaient éclos après-guerre ne pouvaient se dire héri-tiè-res des visions révolutionnaires bruitistes et ce langage effectivement était neuf, particulièrement décapant, nul-le comparasion n'était réellement possible entre le travail savant mais ennuyeux des instituts d'électro-acoustique et celui de Vivenza.

Certains s'étonnent de voir ressortir de l'oubli des théories du début du siècle. Mais Vivenza n'est pas un pâle continuateur qui se contenterait de réactualiser des principes vieux de soixante-dix ans. Vivenza n'est pas un fossile. Il n'est, pour s'en convaincre, que de se pencher un instant sur sa production et ses composi-tions, d'examiner de près ses textes pour voir si le fu-turisme italien est bien la source dont il se réclame (et cela dans une démarche qui combine l'honnêteté intel-lectuelle à la nécessité historique et théorique), il ne se suffit pas de ce rappel, il ne se cantonne pas dans l'attitude de l'historien frileux ou du disciple dévôt.

"Le bruit ne saurait se satisfaire d'une telle attitude. Cette sclérose serait l'antithèse de toute démarche dy-namique". Au contraire, nous sommes ici en présence d'une évidente et concrète action d'une exceptionnelle nouveauté dans ce qu'elle a de profondément novatrice et d'autre part de terriblement enracinée dans son rap-pel historique si particulier qu'il en est presque unique par sa radicalité dans le monde de l'art contemporain.

C'est d'ailleurs ce qui fait dire au journaliste italien Ottavio Casattini: "Représentant la plus pure expres-sion du radicalisme sonore bruitiste mécanique, Vi-ven-za s'affirme comme le plus sérieux propagandiste de l'authenticité industrielle, dans toute son intégralité et toute sa pureté doctrinale".

Porter le bruit à son
maximum de rage et de force

Le jugement de Casattini semble d'une grande justesse d'analyse. Cette authenticité est bien la marque de Vi-ven-za, sa spécificité.Le bruit est, avec lui, porté à son maximum de rage et de force, conservant toute son intégralité essentielle, refusant de l'utiliser en faire-valoir.

Vivenza est bien cet énorme "Souffle des Forges" qui s'affirme à présent avec une intensité d'autant plus dramatique qu'elle est en passe de disparaître de notre paysage industriel européen puisque cette industrie du XIXième siècle est, à plus ou moins court terme, pro-mise à la destruction.

Pour que l'oubli n'afflige pas nos mémoires, Vivenza fait hurler les machines en paraphrasant Dziga Vertov: "Vive la poésie de la machine mue et se mouvant, la poésie des leviers, roues et ailes d'acier, le cri de fer des mouvements, les aveuglantes grimaces des jets in-candescents."

J.-M. LOMBART.
 

00:28 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : futurisme, bruitisme, avant-gardes | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook