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mardi, 15 juin 2010

Faszination des Faschismus: Der Erlkönig

9782070366569.jpgFaszination des Faschismus: Der Erlkönig

Ellen KOSITZA

Ex: http://www.sezession.de/

Auf der Rangliste meiner Lieblingsbücher steht Michel Tourniers Der Erlkönig (dt. 1972) ziemlich weit oben. Gestern holte ich es wieder aus dem Schrank, begann mit der Lektüre und war abermals hingerissen.

Hinterher blätterte ich das Programmheft des Deutschlandfunks für Juni durch und sah: Am 6. und am 13. Juni um 18.30 Uhr sendet Deutschlandradio je anderthalb Stunden den Erlkönig (den Volker Schlöndorff als „Der Unhold“ verfilmte) als Hörspiel! Toller Zufall – oder nein: natürlich ein schicksalhaftes „Zeichen“, das so recht zu Tourniers Meisterwerk paßt, in dem dergleichen „Zeichen“ eine wesentliche Rolle spielen. Alles ist Symbol in diesem Buch, jede Beobachtung, jede Begebenheit weist auf eine übergeordnete Mission hin.

Vor Jahren habe ich mehrere Leseanläufe abgebrochen; der Stoff faszinierte mich zwar, erschien mir aber als letztlich pervers und im ganzen zu schwierig. Mittlerweile ist das Buch (es erinnert ein wenig an Patrick Süskinds „Das Parfum“) für mich ein grandioses Kunstwerk, das bei wiederholter Lektüre Schicht um Schicht entblättert.

Tournier, Jahrgang 1924, verbrachte mit seinen Eltern, einem Germanisten-Ehepaar als Kind viel Zeit in Deutschland, unmittelbar nach dem Krieg studierte er hier. 1970 erhielt er für den Erlkönig (Le Roi des Aulnes) den bedeutendsten französischen Literaturpreis Prix Goncourt. Bezogen auf die literarischen Qualitäten fand die Preisverleihung zwar einhellige Zustimmung. Einige Kritiker, allen voran Jean Amery, klagten jedoch Tourniers „bis zur Unerträglichkeit mythisierende Beschreibung der Nazi-Barbarei“ an und unkten, der Autor sei der Faszination des Faschismus verfallen. Tournier konterte, daß die wesentliche Dimension des Faschsimus eben ästhetisch gewesen sei und daß man „die Schönheit der Gewalt und des Krieges nicht verneinen“ könne. Die gesamte NS-Propoaganda sei auf Verführung angelegt gewesen, und darum gehe es auch im Erlkönig, der unter anderem auf Görings Jagdschloß und in der Napola Kaltenborn (der Name zumindest ist Fiktion) in Ostpreußen spielt. Heute, da eine Faszination durch faschistische Körper und Kulte gänzlich fernliegt – vor vier Jahrzehnten war das wohl anders – käme kaum jemand auf den Gedanken, Tournier verherrlichende Gedanken zu unterstellen. Man wird es heute eher als Brandmarkung der Brutalität dieses Systems lesen. In Wahrheit wäre auch das eine falsche Interpretation.  Im Erlkönig geht es – angelehnt an die Heiligenlegende des St. Christophorus - um die „phorische Sehnsucht“, die Sehnsucht nach Selbstverleugnung und Dienst an einer höheren Sache.

Für Tiffauges, den Erlkönig-Protagonisten ist Deutschland das Land „der reinen Idee“. Unter anderem – im Buch ist dieser Punkt freilich ein Nebenschauplatz – drücke sich das in der Sprache aus. Im Deutschen lägen „die Worte, ja sogar die Silben nebeneinander wie Kieselsteine, ihre Grenzen verwischen sich nicht. Der gewissermaßen flüssige französische Satz verschwimmt demgegenüber zu einer angenehm zusammenhängenden Einheit, die freilich in Formlosigkeit auszuarten droht. Daher kommt es, daß ein deutscher Satz, wenn er hastig oder im Befehlston ausgesprochen wird, sogleich wie Gebell klingt. Statuen oder Roboter können das in Kauf nehmen. Wir anderen aber, wir schleimigen, lauen Geschöpfe, wir ziehen das sanfte Idiom der Ile-de-France vor.“ Als „Gipfel des Widersinns“ – und gleichwohl faszinierend – bezeichnet der Franzose es weiter, daß in der deutschen Sprache mit „großer Hartnäckigkeit die Frau selbst zum Neutrum gemacht wird (Weib, Mädel, Mädchen, Fräulein, Frauenzimmer).“

So kündigt D-Radio das Hörspiel (mit u.a. Ulrich Noethen als Sprecher) an:

Der Erlkönig (1)
Die sinistren Aufzeichnungen des Abel Tiffauges (Ursendung)
Nach dem Roman von Michel Tournier

Abel Tiffauges ist Automechaniker im Paris der 30er Jahre. Unglücklich ist er und auch wieder nicht. Fremd, versponnen treibt er durchs Pariser Leben. Die Erwachsenenwelt ist ihm suspekt. Zu Kindern fühlt er sich hingezogen, und auch das nicht wirklich. Seine heimliche Liebe gilt Deutschland, einem Deutschland als Traumwelt: Hyperborea.

Wir sind Hyperboreer, wir wissen gut genug, wie abseits wir leben, heißt es bei Nietzsche. Die Umstände sind ihm günstig. Angeklagt und verurteilt für ein Verbrechen, das er nicht beging, aber begangen haben könnte, schickt man ihn zur Frontbewährung. Und so gelangt er wirklich ins Land seiner Träume.

lundi, 07 juin 2010

Le Bulletin célinien / juin 2010

Le Bulletin célinien n°320 - Juin 2010

Au sommaire:

Marc Laudelout : Bloc-notes
Les ballets lus par Robert Poulet (1959)
Henri Godard : Céline et la danse
M. L. : Céline, auteur de ballets
M. L. : Le petit monde des céliniens
M. L. : « Voyage au bout de la nuit » brûlé par le IIIe Reich ?
Courrier des lecteurs
Céline vu par Giovanni Raboni (2000)
M. L. : Céline chez les fascistes canadiens


Le Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22
Belgique

juin 2010

Il y a trois mois, j’ai assisté à un intéressant dialogue entre François Gibault, biographe de Céline, et le psychanalyste Patrick Declerck (1). La divergence de vues portait sur l’humanisme de Céline — attesté pour le premier, réfuté par le second. Coïncidence : durant ce même mois de mars, Pierre Lainé – qui voit, lui aussi, en Céline un humaniste (2) – se voyait contesté par le critique Robert Le Blanc « car un humaniste, ce n’est pas quelqu’un qui fait preuve ici et là de sentiments d’humanité, de fraternité, c’est quelqu’un qui prétend “croire en l’homme” (3) ».
Céline croyait-il en l’homme ? Lui qui écrivait, dans Voyage au bout de la nuit, que « faire confiance aux hommes c’est déjà se faire tuer un peu » ? Henri Godard a raison de voir en Mea culpa « une virulente dénonciation de l’humanisme (4) » à partir de la réalité soviétique. Les propos les plus pessimistes visant l’espèce humaine, c’est bien dans ce libelle qu’on peut les lire. « L’Homme il est humain à peu près autant que la poule vole. » Le paradoxe étant qu’avec tout ce qu’il pense de l’homme, en général, et de ses compatriotes, en particulier, Céline ait tenu à leur sauver la mise par de terribles brûlots ayant essentiellement pour but de prévenir un (nouveau) conflit européen. Or, n’est-ce pas lui qui écrivait : « Il ne faut pas, voyez-vous, s’occuper de l’Homme, jamais. Il n’est rien (5). » ? Dans Les Beaux draps, qui constitue, en dépit des circonstances, son livre le plus roboratif, il propose une complète et profonde rééducation de l’homme passant par une conception nouvelle de la famille et de l’école. Alors même qu’étant donné ce qu’il avait écrit auparavant, il eût pu faire sienne cette conviction nietzschéenne selon laquelle la vie est mauvaise et qu’il ne nous appartient pas de la rendre meilleure.
Au moins, à ce moment précis, Céline appelle-t-il de ses vœux une forme d’épanouissement de l’homme basé sur des réformes radicales. Ce souhait fera long feu. Après les épreuves et l’exil, il n’aura de cesse de se présenter en esthète, fuyant les idées comme la peste et récusant, plus que jamais, le souci de s’intéresser à l’homme plutôt qu’à la chose en soi. Mais, s’il apparaît alors nihiliste, il ne le fut pas toujours.
Alors, était-il un humaniste déçu ? Un anti-humaniste ? Sa passion pour le biologique en fait-il même, comme l’affirment certains, un post-humaniste ? (6) Humaniste ou pas, Céline n’a pas fini de susciter la controverse. Dès lors qu’on aborde son cas, il me semble que sa vocation médicale, sa détestation de la guerre, sa passion pour la création (« Je suis du parti de la vie ») mais aussi, il est vrai, sa défiance farouche envers l’Homme sont autant d’éléments à prendre en compte.

Marc LAUDELOUT


Notes

1. Soirée littéraire consacrée, le 23 mars au Voyage au bout de la nuit à « Passa Porta » (Maison internationale des littératures, Bruxelles). Cette soirée était animée par Laurent Moosen.
2. « L’œuvre célinienne est une œuvre humaniste. Parce qu’elle dénonce les misères et les crimes de tous bords, les cruautés et les exploitations, parce qu’elle s’insurge, dénonce et tonitrue pour les malentendants, condamne les résignations, invite à une prise de conscience, ou plutôt impose cette prise de conscience jusqu’à l’angoisse et la nausée. Céline humaniste, oui, profondément humaniste.» (Pierre Lainé,
Céline, Pardès, 2005). À noter qu’à Dinard, une conseillère municipale de l’opposition s’opposant à la tenue du prochain colloque de la SEC dans cette ville indique qu’« on cherche vainement des bouffées humanistes [sic] » chez Céline. Nous reviendrons sur cette polémique.
3. Robert Le Blanc, « Autour de la correspondance », Le Bulletin célinien, n° 317, mars 2010, p. 9.
4. Henri Godard, « Notice de Guignol’s band » in Romans III, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988.
5. Lettre à Pierre Boujut, 7 janvier 1936 in Lettres, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2009, p. 476.
6. Philippe Destruel, « Céline entre Ariel et Caliban. Les pamphlets : de l’humanisme déçu à l’anti-humanisme amer » in
Médecine (Actes du quinzième Colloque international Louis-Ferdinand Céline), Société d’études céliniennes, 2005.

dimanche, 23 mai 2010

Marc Augier, dit Saint-Loup

Marc Augier, dit Saint-Loup

Ecrivain maudit, passé au travers du mur de flamme de l'engagement politique, Marc Augier, dit Saint-Loup, a déjà fait l'objet de plusieurs études biographiques. On citera celle de Jérôme Moreau, Sous le signe de la roue solaire (L'AEncre, 2002) ou celle du sud-africain Myron Kok, Tels que Dieu nous a voulu (L'Homme Libre, 2004), qui centrent toutes les deux leur propos sur les idées et le parcours politique de l'écrivain. Mais l'auteur d'un grand roman comme La peau de l'aurochs, ne peut pas être tout entier réduit à l'engagement qui a été le sien au cours des années 40. La biographie de Saint-Loup, publiée aux éditions Pardès, dans l'excellente collection Qui suis-je ?, signée par Francis Bergeron, déjà auteur d'études sur Béraud, Daudet ou Monfreid, devrait permettre d'apporter un nouvel éclairage sur l'homme et son oeuvre.

Saint-Loup.jpg
" Marc Augier, alias Saint-Loup, fut emporté par le vent de l’Histoire, à toute vitesse, mais sans jamais tomber. Il en a tiré une oeuvre forte et virile, parcourue par un souffle épique. Une oeuvre peinte à fresques, où des individus et des groupes d’individus doivent affronter les bombardements, le rouleau compresseur des chars soviétiques, l’épuration, les foules ivres de violence, mais aussi la montagne, la neige, le froid polaire, les avalanches, les tempêtes, les poux, l’hiver russe, une panne de moteur en altitude ou, simplement, la fatigue au guidon d’une moto lancée sur les routes d’Europe. Ce qui fascine, chez Saint-Loup, ce sont des valeurs universelles, qui n’appartiennent à aucun camp: c’est cette vie de sportif, d’aventurier, de guerrier. Saint-Loup est le contraire d’un idéologue. C’est un militant, mais ce n’est pas un homme du combat des idées. C’est un homme d’action, ayant mis ce goût de l’action et du risque calculé au service de causes politiques et parfois militaires. Soixante-cinq ans après la fin de la guerre et plus de vingt ans après la chute du mur de Berlin, il est temps de relire son oeuvre, de la dégager de sa seule dimension hérétique, conséquence de ses quatre années à la LVF et à la Waffen SS. Oui, grâce à ce «Qui suis-je?» Saint-Loup, il faut revisiter ce grand créateur de mythes, et personnage mythique lui-même."

dimanche, 16 mai 2010

Entretien avec A. Murcie et L.-O. d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

JeanParvulesco_Paris2000-217x300.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Entretien avec André Murcie et Luc-Olivier d'Algange, éditeurs de Jean Parvulesco

 

propos recueillis par Hugues RONDEAU

 

Amateurs de prose et de vers ajourés, André Murcie et Luc-Olivier d'Algange ne partagent cependant pas l'éthylique détachement de Rimbaud ou la talentueuse indifférence d'Hölderlin.

Pour eux, la poésie est le flambeau de leur combat. Courageux ou téméraires, ils se dépensent sans compter pour la survie d'une petite maison d'édition, les Nouvelles Littératures Européennes. Sous ce label sont déjà parus une revue au parfum de la grande littérature, un roman de Luc-Olivier d'Algange  (Le Secret d'or) et surtout un cahier d'hommage à Jean Parvulesco.

Trois cent quarante-quatre pages de témoignages et d'articles inédits font de ce volume, l'indispensable lexique de l'œuvre de l'auteur de  La Servante portugaise.

Editer Parvulesco ou avoir opté pour la subversion par le talent.

 

 

- En prenant la décision d'éditer Jean Parvu­lesco, génial trublion du la littérature franco­phone, vous avez pris un risque certain. Poête et essayiste, géopoéticien aurait dit Kenneth White, écrivain re­belle et ésotériste inspiré, Parvulesco ouvre les yeux des prédestinés mais demeure inconnu du grand public. Votre initiative avait-elle pour but de le rendre populaire ?

 

- Luc-Olivier d'Algange: Je dois avouer que mon engouement pour les écrits de Jean Parvulesco est né de la lecture en 1984 de son Traité de la chasse au faucon.  Il m'apportait la preuve attendue qu'une haute poésie était possible  —et même né­ces­saire—  dans cette époque pénombreuse où nous avons disgrâce de vivre. La dis­grâce, mais aussi, dirai-je, la chance ex­traordi­naire, car, en vertu de la loi des contrastes, c'est dans l'époque la plus déré­lictoire et la plus vaine que l'espoir nous est offert de connaître la joie la plus laborieuse et, dans sa splendeur absolue (Style), l'exaucement de la volonté divine.

Tel était le message que me semblait appor­ter la poésie de Jean Parvulesco. Or, sa­chant qu'André Murcie poursuivait une quête pa­rallèle à la mienne et qu'il envisa­geait en outre de lancer la revue Style,  il m'a semblé utile de lui faire part de ma dé­couverte. C'est ainsi que dès le premier numéro, avec un poême intitulé Le Privi­lège des justes se­crets, Jean Parvulesco de­vint une voie es­sentielle de la revue Style.  Celle-ci devait encore publier le vaste et fa­meux poème, Le Pacifique , nouvel axe du monde  ainsi que le Rapport secret à la nonciature,  qui est un admirable récit visionnaire sur les appari­tions de Medjugorge et de nombreux autres poèmes. Tout cela avant d'élargir encore son dessein, en créant les éditions des Nou­velles Littératures Européennes, et de pu­blier un Cahier Jean Parvulesco,  récapitu­lation en une succession de plans de l'univers de Parvulesco, en ses divers as­pects, poétiques, philosophiques, esthé­tiques, architecturaux, cinématogra­phiques ou politiques.

 

-  André Murcie:  En effet et ceci répond de façon plus précise à votre question, il est clair que Parvulesco va à contre-courant de ses contemporains. Jean Parvulesco n'est en aucune façon un spécialiste. Il est, au con­traire, de cette race d'auteurs qui font une œuvre, embrassement de l'infinité des appa­rences et de cette autre infini qui est der­rière les apparences. C'est là la diffé­rence soulignée par Evola entre «l'opus», l'œuvre, et le «labor», le labeur. Avec Par­vulesco, nous sommes aux antipodes d'un quelconque «travail du texte», c'est à dire que nous sommes au cœur de l'œuvre et même du Grand œuvre, ainsi que l'illustre d'ailleurs le premier essai, publié dans le Cahier dans la série des dévoilements: Al­chimie et grande poésie.

Ce texte est sans doute, depuis les De­meures philosophales  de Fulcanelli, l'approche la plus lumineuse de ces ar­canes et tous ceux qui cherchent à préciser les rapports qui unissent la création litté­raire et la science d'Hermès trouveront, sans nul doute, en ces pages, des informa­tions précieuses et, mieux que des informa­tions, des traces - au sens où Heidegger di­sait que nous devions mainte­nant nous in­terroger sur la trace des Dieux enfuis.

Pour Jean Parvulesco, il ne fait aucun doute que la lettre est la trace de l'esprit. C'est ainsi que son œuvre nous délivre des idolâ­tries du Nouveau Roman et autres lit­téra­tures subalternes qui réduisent les mots à leur propre pouvoir dans une sorte de res­sassement narcissique. Pour Jean Parvu­les­co, la littérature n'a de sens que parce qu'el­le débute avant la page écrite et s'achève a­près elle.

 

- Il est signicatif que ces propos sur l'alchimie soient, dans le même chapitre du Cahier, sui­vis par un essai intitulé: «La langue fran­çaise, le sentier de l'honneur»...

 

- Luc-Olivier d'Algange: Trace de l'esprit, trace du divin, la langue française retrouve en effet, dans la prose ardente et limpide de Jean Parvulesco, sa fonction oraculaire. Ses écrits démentent l'idée reçue selon la­quelle la langue française serait celle de la com­mune mesure, de la tiédeur, de l'anecdote futile. Jean Parvulesco est là pour nous rap­peler que dans la tradition de Scève, de Nerval, de Rimbaud, de Lautréa­mont ou d'Artaud, la langue française est celle du plus haut risque métaphysique.

«Langue de grands spirituels et de mys­tiques, écrit Jean Parvulesco, charitable­ment emportés vers le sacrifice permanent et joyeux, d'aristocrates et de rêveurs pré­destinés, faiseurs de nouveaux mondes et parfois même de mondes nouveaux, langue surtout, de paysans, de forestiers conspi­ra­teurs et nervaliens, engagés dans le chemi­nement de leurs obscures survi­vances trans­cendantales, occultes en tout, langue de la poésie absolue...».

C'est exactement en ce sens qu'il faudra comprendre le dessein littéraire qui est à l'origine du Cahier  - véritable table d'orien­tation d'un monde nouveau, d'une autre cul­ture, qui n'entretient plus aucun rapport, même lointain, avec ce que l'on en­tend or­dinairement sous ce nom. Car il va sans dire que la «Culture» selon Parvu­lesco n'est cer­tes pas ce qui se laisse asso­cier à la «Com­mu­nication» mais un prin­cipe, à la fois sub­versif et royal, qui n'a pas d'autre but que d'ou­trepasser la condition humaine.

Tel est sans doute le sens du chant intitulé Les douzes colonnes de la Liberté Absolue  que l'on peut lire vers la fin du Cahier:  «...que nous chantons, que nous chantons, par ces volumes conceptuels d'air s'appelant étangs, ou blancs corbeaux, au­tour de l'im­maculation des Douzes Co­lonnes, ver­tiges s'ou­vrant sur les Portes d'Or et indigo de l'At­lantis Magna, chu­chotement circu­laire et lent, je suis la Li­berté absolue».

L'œuvre doit ainsi accomplir, par une in­time transmutation, cette vocation surhu­maniste, qui, dans la pensée de Jean Par­vulesco, ne contredit point la Tradition, mais s'y inscrit, de façon, dirai-je, clandes­tine; toute vérité n'é­tant pas destinée à n'importe qui. Mais c'est là, la raison d'être de l'ésotérisme et du secret, qui, de fait, est un secret de nature et non point un secret de convention.

 

- Vous avez donné une large place dans le Cahier aux rêves et prémonitions métapoli­tiques de Jean Parvulesco.

 

- André Murcie: En ce qui concerne le do­maine politique, nous avons republié dans le Cahier, un ensemble d'articles de géopo­li­tique que Parvulesco publia naguère dans le journal Combat et qui eurent à l'époque un rententissement tout à fait extraodi­naire. Ce fut, à dire vrai, une occasion de polé­mi­ques furieuses. A la lumière d'évènements récents, concernant la réuni­fication de l'Alle­magne, les change­ments intervenus à l'Est, ces articles re­trouvent brusquement une actualité brû­lante. Il semblerait que seul ce­lui qui expé­rimente les avènements de l'âme soit des­tiné à comprendre les évè­nements du monde. Ainsi des études comme L'Allemagne et les destinés actuelles de l'Europe  ou en­co­re Géopolitique de la Mé­diterranée occiden­tale  donnent à relire les évènements ulté­rieurs dans une perspec­tive différente.

 

- Le Cahier s'enrichit aussi des reflexions peu banales de Parvulesco sur le cinéma.

 

- Luc-Olivier d'Algange: Je crois que nous mesurons encore mal l'influence de Jean Par­vulesco sur le cinéma français et euro­péen. On sait qu'il fut personnage dans cer­tains films de Jean-Luc Godard - en parti­cu­lier dans A bout de souffle, et qu'il fut aussi, par ailleurs, acteur et scénariste. A cet égard, le Cahier  contient divers témoi­gnages passionnants concernant, plus par­ticulière­ment, Jean-Pierre Melville et Wer­ner Schrœ­ter dont nul, mieux que l'auteur des Mystères de la villa Atlantis,  ne connait les véritables motivations.

Il nous propose là une relecture cinémato­graphique dans une perspective métapoli­ti­que qui dépasse de toute évidence les niai­se­ries que nous réserve habituellement la cri­tique cinématographique.

 

- André Murcie: L'intérêt extrême des té­moignages de Jean Parvulesco concernant l'univers du cinéma est d'être à la fois en pri­se directe et prodigieusement lointain. C'est à dire, en somme, de voir le cinéma de l'in­térieur, comme une vision, en sympa­thie pro­fonde avec le cinéaste lui-même, et non point telle la glose inapte d'un quel­conque cinéphile. C'est ainsi que Nietzsche ou Tho­mas Mann parlèrent de Wagner.

 

- D'autres textes, publiés dans ce Cahier ont également cette vertu du témoignage direct, qui nous donne à pressentir une réalité sin­gulière. Ainsi en est-il des récits portant sur Arno Brecker et Ezra Pound.

 

- Luc-Olivier d'Algange: J'ai été pour ma part très sensible à l'hommage que Jean Par­vulesco sut rendre à Ezra Pound dont Dominique de Roux disait qu'il n'était rien moins que «le représentant de Dieu sur la terre». Hélas, cette recherche de la poésie absolue était jusqu'alors mal comprise, li­vrée aux maniaques du «travail du texte» et autres adeptes du lit de Procuste, acharnés à faire le silence sur les miroitements ita­liens de l'œuvre de Pound.

Cette italianité fit d'alilleurs d'Ezra Pound une sorte d'apostat, alors que, par cette fidé­lité essentielle, il rejoignait au contraire, au-delà des appartenances spéci­fiantes, sa véri­table patrie spirituelle qui, en aucun cas ne pouvait être cette contrée où Edgard Poe et Lovecraft connu­rent les affres du plus impi­toyable exil.

Mais je laisse la parole à Jean Parvulesco lui-même: «Ce qu'Ezra Pound, l'homme sur qui le soleil est descendu, cherchait en Italie, on l'a compris, c'est le Paradis. Tos­cane, Om­brie, Ezra Pound avait accédé à la certi­tude inspirée, initiatique, abyssale, que le Para­dis était descendu, en Italie, pen­dant le haut moyen âge et que, très occul­tement, il s'y trouvait encore. Pour en trou­ver la passe in­terdite, il suffisait de se lais­ser conduire en avant, aveuglément - et nuptialement aveu­glé - par la secretissima,  par une cer­taine lu­mière italienne de tou­jours ».

 

Propos recueillis

par Hugues Rondeau.

 

Cahier Jean Parvulesco, 350 pages, Nouvelles Littératures Européennes, 1989.

 

Luc-Olivier d'Algange, né en 1955 à Göttingen (Allemagne) a publié :

 

Le Rivage, la nuit unanime  (épuisé)

Médiances du Prince Horoscopale (Cééditions 1978)

Manifeste baroque  (Cééditions, 1981)

Les ardoises de Walpurgis  (Cahiers du lo­sange, 1984)

Stances diluviennes  (Le Jeu des T, 1986)

Heurs et cendres d'une traversée lysergique  (Le Jeu des T, 1986)

 

Co-fondateur, avec F.J Ossang, de la revue CEE (Christian Bourgois éditeur)

Rédacteur de PICTURA EDELWEISS et PIC­TURA MAGAZINE

 

Textes parus dans :

Recoupes; Erres; L'Ether Vague; CEE; Encres Vives; Phé; Libertés; Sphinx; Evasion; Le Mi­roir du Verbe; Dismisura; Bunker; Le Cheval rouge; Devil-Paradis; Anthologie de la poésie initiatique vivante; Claron; Le Jeu des Tombes; Question de; Vers la Tradition; La Poire d'Angoisse; Camouflage; Strass-Polymorphe; Phréatique, Asturgie-Onirie; Pictura; Mensuel 25; Matulu, Place royale, L'Autre Monde.

 

André Murcie né en 1951

 

- Poèmes de poésie  (1967-1985)

- Poème pour la démesure d'André Murcie

- Poèmes de la démesure  (Work in progress).

mardi, 11 mai 2010

Léon Daudet ou "le libre réactionnaire"

Leon-Daudet.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Un livre d'Eric Vatré: Léon Daudet ou  "le libre réactionnaire"

 

par Jacques d'ARRIBEHAUDE

 

Eric Vatré est en train de se faire une spécialité dans la biographie, art difficile et ingrat où les Français pa-raissent souvent légers devant les gigantesques tra-vaux d'érudition des chercheurs anglo-saxons. La personnalité de Léon Daudet est ici bien évoquée. Une des plumes les plus alertes, les plus vives, les plus cinglantes de la critique littéraire de ce premier demi-siècle. Un grand et passionné remueur d'idées et d'opinions, d'une liberté de ton absolue au service d'une pensée résolument hostile à ce qu'on a appelé depuis "l'idéologie dominante".

 

D'où le titre choisi par Vatré, à mon avis un pléonasme, car on imagine mal un réactionnaire qui ne choisirait pas librement d'être à contre-courant de ce qu'il aurait tout avantage à courtiser à longueur de colonnes, à l'exemple de l'ordinaire racaille journalistique contemporaine.

 

Vatré constate, sans vraiment l'expliquer, l'énigme d'une "Action Française" où cohabitent Maurras, apôtre farouche et sourd de la France seule et de sa prétendue supériorité intellectuelle, et Daudet, autre-ment ouvert, féru de Shakespeare, enthousiaste de Proust et de Céline, sensible à la peinture, à la musique, aux souffles poétiques venus d'ailleurs, là où Maurras, fossilisé dans ses plâtres académiques, sonne éperdument le clairon des grandeurs mortes dans le saint pré-carré du monarque introuvable.

 

Au total, Daudet, l'un des hommes au monde les moins doués pour l'action, et, en ce sens, une belle figure de cette IIIème République qu'il haïssait, et dont les ténors parlementaires ventripotents, crasseux et barbichus, si ridicules qu'ils fussent, sem-blent des aigles prodigieux comparés à nos politiciens actuels.

 

A lire et à relire avec le plus grand profit, pour plus de renseignements sur cette époque sans pareille, Les Décombres  de Lucien Rebatet.

 

Jacques d'ARRIBEHAUDE.

 

Eric VATRE, Léon Daudet ou le "libre réaction-nai-re",  Editions France-Empire, 1987, 350 pages, 110 FF.

 

 

vendredi, 07 mai 2010

Céline, le invettive di un dannato sul viale del tramonto

Céline, le invettive di un dannato sul viale del tramonto

Celinemmmmlllll.jpgEcco il Mostro. Sporco, indecente, nel pensare, nello scrivere e nel vivere. La lurida grandezza di Céline in tutto il suo splendore che poi coincide con la pienezza del suo squallore, ritratta in sette pose. Sette interviste nell’arco di un quindicennio sul viale del tramonto, dal dopoguerra alla sua morte, tornano in libreria sotto il titolo di Polemiche (Guanda, pagg. 120, euro 12,50).
Si avvicina il mezzo secolo della sua morte, ma non si allontanano le maledizioni sull’opera di Louis-Ferdinand Destouches, medico che diventò in arte Céline. Maledetto per il suo maledettismo, imperdonabile per le sue filippiche contro gli ebrei, i borghesi, i capitalisti. Non amo Céline, non sono un suo cultore, i suoi pamphlet irriverenti mi irritano, a cominciare da Bagattelle per un massacro e così la sua prosa intermittente e merdace, con tutti quei punti sospensivi; non ho mai scritto nulla su di lui e sulle sue opere. E ancor meno amo i celiniani, anzi detesto i manieristi del turpiloquio che traggono nobiltà e ispirazione da lui; non sopporto il rococò del triviale degli ultimi suoi emuli. Però, c’è della grandezza autentica nella sua scrittura, nel personaggio, nella sua vita. C’è della purezza nella sua impurità, e del genio nel suo delirio. Céline ha penetrato come pochi negli abissi della condizione umana, perduta a Dio e alla dignità, abbandonata nelle fogne oscure della vita. Uno dei rari scrittori che ha passione di verità e genuino desiderio di far combaciare la parola alla vita e alla verità più nuda e cruda. Così il suo stile riflette la sua passione di verità, tragica e brutale.
Quel vivere ai confini della morte, alla ricerca di emozioni estreme e grottesche, quello scrivere sulla soglia dell’invettiva, tra la parola e il vomito. Fu un medico valoroso, Céline, e un soldato valoroso, prima d’essere quel grande scrittore che fu. E pagò con quattordici mesi di duro carcere le sue parole di fuoco sugli ebrei e sul mondo; fu accusato di essere collaborazionista ma non aveva mai collaborato con nessuno, non aveva scritto per le riviste filo-naziste, era stato messo al bando nella Germania nazista, come arte degenerata, mentre dicevano che piacesse a Stalin. Viveva da barbone, in Danimarca e poi in Francia, in guerra contro il mondo. A condannarlo furono anche intellettuali che magari avevano trescato col nazismo. Come Sartre, che prima di collaborare con il comunismo e chiudere un occhio sui suoi orrori, aveva scritto anche per riviste collaborazioniste; ma alla fine il dannato fu lui, Céline. Io non vorrei dire, ma gli unici intellettuali che hanno pagato di persona le loro idee o anche i loro deliri, sono stati i Céline, i Pound, i Brasillach, i Gentile, i Pericle Ducati, i Borsani, i Carl Schmitt, gli Hamsun e si potrebbe ancora continuare. Epurati, a volte condannati a morte, o segregati in carcere, umiliati in gabbie, considerati peggio che bestie. Ed erano fior di scrittori, a volte anche generosi e grandi nella loro umanità, oltre che nei loro errori. La stessa cosa non avvenne invece per gli intellettuali che sostennero il comunismo, Stalin e Mao, Ho Chi Minh e Castro. Alcune idee si pagano, altre sono gratuite, se non addirittura ben pagate. Si vede che sono idee più grandi, più esigenti, diranno a propria consolazione i maledetti...
Céline fa parte di quell’universo di intellettuali dannati per uso di parola; ma lui restò un caso a sé, anarchico, disperatamente solo, non inscrivibile in nessun partito e in nessuna ideologia. Detestando i capitalisti e amando i poveri, Céline a volte dà l’impressione di essere un comunistoide, come lui stesso dice. Nella sua bella introduzione, Ernesto Ferrero ricorda che Céline fu difeso dal movimento nazionale ebreo, fu detestato dai nazisti che proibirono i suoi libri, ed egli stesso scrisse invettive contro Petain e contro Hitler paragonandolo a un clown pervaso di «satanismo wagneriano», fu il meno tedescofilo degli scrittori francesi e si tenne sempre in disparte. Una volta disse che gli ebrei sono i padri della nostra civiltà, e «si maledice sempre il proprio padre».

Queste interviste offrono lo spettacolo della solitudine creativa di Céline, la follia e la lucidità che si accavallano, insieme con la grazia e la ferocia. La tenerezza inerme si affaccia a volte nel suo aspro inveire: quando a esempio parla di sua madre e del suo nome d’arte tratto da lei per difendere la sua professione di medico; o quando parla della sua solitudine, della povertà, del suo gatto, della sua ritrosia a farsi fotografare («una foto è una pietra tombale») e del suo scrivere per campare... Ma poi riprende la vis polemica e il turpiloquio quando inveisce contro le cricche del potere, contro chi commercia e specula sulle idee e sulla pelle di altri, contro i riveriti padroni della letteratura, contro la Chiesa «grande ibridatrice e ruffiana». «Le civiltà finiscono con le donne, le frasi e i profumi»; «Parigi è il buco di culo del mondo. I francesi hanno coltivato la gioia di vivere». «La mia colpa? Aver detto sempre la mia verità, senza barare». La mia verità, dice Céline, non la verità, ha questa disarmante franchezza, questa libertaria modestia, estranea agli intolleranti. Queste interviste descrivono anche il disfacimento del suo corpo, il suo declino, le sue spalle che si curvano e sprofondano la sua testa tra i lunghi capelli e il collo torto. Resta una fronte spaziosa e uno sguardo ingenuo e profetico che invoca attenzione e sprigiona magìa. Un volto che racconta le ferite della sua genialità nella disfatta di una vita al termine della notte. Céline, il rigurgito della verità.

lundi, 26 avril 2010

Louis-Ferdinand Céline: criminel ou humaniste?

Louis-Ferdinand Céline : Criminel ou Humaniste?

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

Article d'Alessandro Gnocchi, paru dans Il Giornale, 28/10/2009.
Traduction: Stefano Fiorucci et Jeannine Renaux.

Criminel ou Humaniste? La France se dispute au sujet de Céline

Céline et l'Antisémitisme : le traditionnel champ de mines, où cycliquement quelqu'un s'aventure suscitant des réactions fermes. L'essayiste et éditeur français Karl Orend (le directeur de Alyscamps Press), dans un article publié cet été sur Times Literary Supplement, s'est lancé dans un défense passionnée de Céline, allant jusqu'à la réévaluation de ses pamphlets antisémites. Maintenant, après une lettre critique publiée par le journal britannique, les premières répliques arrivent. La site littéraire de l'édition internet de l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur prévoit un article du magasine mensuel Books, qui sortira demain et qui mettre Orend en morceaux.

D'après ce dernier, Bagatelles pour un massacre (1937), L'école des cadavres (1938) et Les Beaux Draps (1941) ont été écrits « en guise d'avertissement, d'appel à éviter de nouveaux massacres ». Orend, comme on dit, représente les positions de l'auteur de Voyage au bout de la nuit : la paranoïa d'un possible « complot juif » destiné à enfoncer l'Europe dans une nouvelle guerre, était en définitive, partagé par « des millions de personnes »; et la société française était imprégnée d'antisémitisme. En outre, selon Orend, il faudrait étudier le style de Céline: violent, sarcastique et halluciné. Un caractère tellement fort dans les oeuvres « politiques » qu'il serait à considérer comme « un excercice ». La thèse n'est pas nouvelle. En effet, l'opinion d'André Gide sur Bagatelles pour un massacre, confiée à un article de la « Nouvelle Revue Française» est célèbre : «C'est un jeu littéraire». Orend poursuit : la fuite de Céline à travers l'Allemagne et le Danemark, en 1945, suite aux accusations de collaborationisme avec les nazis qui occupaient la France, a été causé par le « lynchage médiatique » de l'écrivain; « lynchage médiatique » à l'origine de l'assassinat de son éditeur, Robert Denoël, en Décembre de la même année. Orend invite alors à considérer « le côté humain de Céline » trop longtemps « ignoré ». L'écrivain, « humaniste incompris », « s'occupait des pauvres et des malades et se consacrait à ceux qui avaient été loyaux envers lui. La musique et la danse étaient ses passions ».

Enfin, après avoir rappelé que sa mère était une Juive polonaise, Orend conclut: « La raison pour laquelle Céline est détesté est simple. Il nous rappelle les mensonges que les personnes ont écrit pour dissimuler leur honte d'avoir laissé courir l'Holocauste se poursuivre, en particulier la honte des Français, coupables de collusion. » En autres termes : Céline a été le bouc émissaire idéal pour une société complaisante et incapable d'admettre ses propres compromis avec le nazisme. C'est plus ou moins ce qu'a déclaré Céline même, par exemple dans les violentes invectives contre Sartre, qui l'avait accusé d'être embauché par les Allemands. Céline, dans A l'agité du bocal (édition italienne: Tarte, L'obliquo, 2005) répondra en reprochant au philosophe d'avoir accepté de mettre en scène ses oeuvres théâtrales pour les officiers de la Wehrmacht, et d'avoir toujours pris des positions ambiguës.

Oliver Postel-Vinay, sur Books, reproche à Orend de ne pas s'être contenté de chanter les louanges de l'écrivain, mais d'avoir voulu le réhabiliter « du point de vue moral ». Opération téméraire, aussi parce qu'il ne prend pas en compte un volume discret de matière, Postel-Vinay cite en particulier les articles publiés par Céline sur des journaux au moment de l'occupation nazie. (Auxquels on peut ajouter des documents sortis des recherches d'archives, dont rend partiellement compte la biographie de Céline écrite par Philippe Alméras, publié en Italie par Corbaccio). Il y a des attaques personnelles (le poète Juif Robert Desnos, morte par la suite dans un camp de concentration), des invitations à adopter une attitude dure sur les questions raciales, et l'espoir d'une division entre le Nord de la France, pur, et le Sud, métissé.

Antisémites, anti-communiste, anti-bourgeois, anti-libéral, anti-démocratique : il est évident que Céline divise. Il fut un grand écrivain. C'est pour cette raison, que pour certains, il semble intolérable que ses idées politiques soient indéfendables : et voici les Orend occupés à « le réhabiliter » et à en faire presque un petit saint. C'est pour la même raison, que pour certains il semble intolérable d'admettre la grandeur de son œuvre. Peut-on séparer l'écrivain de l'homme? Peut-être pas. Mais il est faux de juger la valeur d'un écrivain sur celle de l'homme, parce que nous devrions peut-être arracher trop de pages aux anthologies.

Alessandro Gnocchi,
Il Giornale, 28/10/2009

Traduzione dall'italiano:

Stefano Fiorucci e Jeannine Renaux

NOTE ALLA TRADUZIONE
La traduzione del testo è stata revisionata e raffinata da Jeannine Renaux. Fondamentale il suo apporto in particolare nella scelta dei verbi più appropriati al contesto della frase da tradurre. Laddove l'autore ha inserito nomi di case editrici, di riviste e titoli di opere si è deciso di utilizzare il corsivo per metterli in risalto. Qualora decidiate di lasciare invece il testo originale, togliete pure il corsivo senza bisogno di avvisare o chiedere il consenso. [...]
Stefano Fiorucci
21 marzo 2010

 

dimanche, 25 avril 2010

Les idées politiques de Céline

Vient de paraître :

Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline

Les éditions Ecriture publie dans la collection "Céline & Cie" Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline de Jacqueline Morand initialement paru en 1972. Une bonne analyse du contexte politique de la parution des pamphlets et des pamphlets eux-mêmes.

Présentation de l'éditeur

Céline s'est toujours défendu de s'être engagé politiquement, rappelant qu'il n'adhéra jamais à aucun parti, se flattant d'être un « homme de style » dépourvu de « message ». Ses écrits l'ont pourtant associé aux controverses politiques de son époque.
« Trois thèmes principaux se détachent. Le pacifisme semble l'avoir emporté par la vigueur du sentiment. L'antisémitisme a chargé l'écrivain du fardeau d'un péché capital. Le socialisme, entendu au sens large, l'a entraîné dans la voie d'un « communisme Labiche » et dans des projets largement utopiques d'organisation sociale. L'anarchisme et le fascisme, attitudes politiques souvent attribuées à l'écrivain, méritent discussion », explique l'auteur.
Une autre approche de la pensée célinienne fait de l'écrivain un précurseur à la fois de la démarche existentialiste et des philosophies de l'utopie. Si l'acceptation tragique et absurde de l'existence, le sens du nihilisme se retrouvent dans la pensée sartrienne, Céline se réfugia plutôt dans l'« utopie concrète », selon le mot d'Ernst Bloch, la plupart de ses propositions s'inspirant de cet « idéalisme pessimiste » cher à Marcuse.
Enfin, les pamphlets, motifs de sa condamnation définitive. S'ils ne semblent pas avoir influencé profondément l'immédiat avant-guerre, leur outrance même desservant leur cause, la critique des maux de son époque demeure comme un témoignage de la crise des esprits, caractéristique des années 1930. Ici, « dogmatisme brutal, provocation, lyrisme, recherche de l'effet aux dépens de la rigueur sont autant d'artifices et d'obstacles à franchir pour dégager l'idée elle-même ».

Jacqueline Morand,
Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline, Ed. Ecriture, 2010.

 

vendredi, 23 avril 2010

Cioran: martyr ou bourreau?

Cioran : martyr ou bourreau ?

Réflexions sur le renversant faux-pas d'un politicien libéral

 

par José Javier ESPARZA

 

Cioran. Que n'aura-t-on pas dit de Cioran ? Pour certains commentateurs, ce n'est qu'un écrivain qui publie des aphorismes médiocres, ce n'est que l'auteur d'une « philosophie pour concierges » ; pour d'autres, il est le meilleur écrivain vivant de langue française. Entre ces deux extrêmes, on trouve un immense éventail d'opinions de valeurs diverses. Ce que l'on n'avait jamais dit de Cioran, c'est qu'il était fasciste. Mais aujourd'hui, c'est fait ; on ne voit pas bien pourquoi, mais un politicien libéral espagnol lui a attribué la paternité idéologique du phénomène Le Pen !

 

Le renversant faux-pas du politicien libéral

 

cioran.jpgCe n'est pas une blague. Cette opinion a bien été émise : par Lorenzo Bernaldo de Quirós, membre de la Junta Directiva del Club Liberal de Madrid qui fait bruyamment état de ses opinions philo­sophiques très particulières dans le supplément « Papeles para la Libertad » publié chaque semai­ne par le quotidien Ya (1). Dans l'un de ses ar­ticles, intitulé « Plus jamais Auschwitz », paru le 12 janvier 1988, Bernaldo de Quirós lançait un avertissement au monde libre, menacé par un danger imminent : Le Pen, locomotive d'un fas­cisme populiste, inspiré à son tour par un autre fascisme, plus dangereux, le fascisme intellectuel dont Bernardo de Quirós attribuait la responsa­bilité à une constellation étrange d'auteurs très différents les uns des autres : « Montherland » (il veut sans doute dire Montherlant), Fernando Sa­vater (2), Alain de Benoist et le penseur roumain Emil Cioran. Et de citer en note l'œuvre de ce dernier « El aciago domingo » (il se réfère peut-ê­tre à « El aciago Demiurgo », Le mauvais démiur­ge en trad. esp.). Par le biais d'une opération grossière d'amalgame des concepts, Bemaldo de Quirós les rend tous responsables (de façon plus ou moins importante) de la paternité des idées anti-chrétiennes, tragiques et anti-libérales qui menacent le bon ordre régnant en Occident : l'or­dre libéral.

 

Le raisonnement de Bemaldo de Quirós n'est pas habituel. Peut-être plus accoutumé au tissu gros­sier des discours économistes qu'aux subtilités et aux clairs-obscurs de la pensée philosophique, le madrilène libéral confond tout avec tout pour éla­borer vaille que vaille la réflexion suivante (qui n'est pas toujours explicite) dans son article : 1) le phénomène du populisme xénophobe devient à la mode (?) en France ; 2) en réalité, il y a plus important que cette vague politique immédiate­ment perceptible : l'existence en coulisse de pen­seurs comme Montherlant ou Alain de Benotst qui défendent des idées anti-chrétiennes et « aristocratisantes » ; 3) or, de Benoist « copie Cioran » ; et Savater aurait sa part de responsabilités dans la popularisation de Cioran en Espagne ; 4) ces au­teurs s'appuient sur les thèses des historiens révisionnistes (?) qui nient l'holocauste juif (des références, svp...) ; 5) comme on ne peut plus défendre aujourd'hui une xénophobie antijuive, on prêche pour une xénophobie anti-africaine, et nous voici revenus à Le Pen, la boucle est bou­clée. Naturellement, Bemaldo de Quirós n'écrit pas « Cioran est fasciste » mais son discours im­plicite est transparent lorsqu'il dit que de Benoist (qui, par conséquent, serait aussi « fasciste ») co­pie Cioran.

 

Si nous devions juger la pensée libérale en nous basant sur des opinions comme celle-là, nous de­vrions conclure que le libéralisme espagnol ne peut générer qu'une pensée malade, peureuse et hystérique devant tout ce qui s'oppose à l'empire du burger et de Superman. En effet, ni de Be­noist ni Savater ni probablement Cioran, ne sont d'accord avec l'empire du dollar. Mais ce n'est pas une raison pour les prendre pour des con­frères en conspiration et, moins encore, d'en fai­re les maîtres occultes de Le Pen qui, lui, par contre, ne manifeste guère son désaccord à l'égard de la domination du dollar, du nationalisme jacobin, du christianisme à la française et de Su­perman.

 

Le bourreau

Mais la question que pose directement l'article de notre libéral madrilène n'est pas aussi intéressante que la question de fond de tout ce problème : qu'est-ce qui les irrite ? Qu'est ce qui les rend nerveux ? Qu'est ce qui les dérange tant dans le discours de Cioran, eux, les défenseurs du statu quo ?

Il ne s'agit pas ici de défendre Cioran. Dans un article consacré au philosophe roumain, Savater écrivait : « Comment défendre les idées d'une per­sonne qui soutient que s'accrocher à une idée, c'est se construire un échafaud dans le cœur, de celui qui défend les droits de la divagation contre les certitudes du système et propose comme uni­que fondement de ses opinions, l'humour mo­mentané et spontané qui les suscite ? » (3). Non, Cioran est drôlement indéfendable. Et c'est sa première grande vertu, sa première grande oppo­sition à l'ordre qui juge tout selon que c'est bon ou mauvais pour le futur historique (et hypothé­qué) de l'ordre libéral.

C'est probablement bien malgré lui qu'Emil Cio­ran se mue en bourreau cruel du système qui l'entoure. Il ne pouvait en être autrement. Le courageux apatride roumain vit dans une civilisa­tion qui adore l'homme, qui idôlatre le sens de l'histoire, qui s'enfonce confortablement dans le coussin de l'Occident.

Cioran méprise l'homme, l'histoire et l'Occident. Voilà ses trois péchés capitaux.

L’avenir du cyanure

« L'homme sécrète du désastre » écrit Cioran, et il affirme « Je crois au salut de l'humanité, à l'avenir du cyanure… » (4). Le mépris de l'humain, la conviction que l'homme, cette « unité de désas­tre » (5), a déjà donné le « meilleur » de lui-même, voilà une constante qui se répète de manière in­sistante dans l'œuvre de Cioran. « Engagé hors de ses voies, hors de ses instincts – é­crit-il dans le Précis de décomposition –, l'hom­me a fini dans une impasse. Il a brûlé les étapes... pour rattraper sa fin ; animal sans avenir, il s'est enlisé dans son idéal, il s'est perdu à son propre jeu. Pour avoir vou­lu se dépasser sans cesse, il s’est figé ; et il ne lui reste comme resource que de récapituler ses folies, de les expier et d'en faire encore quelques autres » (6). Dans Valéry face à ses idoles (1970), il insiste : « Quand l'homme aura atteint le but qu'il s'est assigné : asservir la Création – il sera com­plètement vide : dieu et fantôme » (7). « Il n'est absolument pas nécessaire d'être prophète – écrit-il ailleurs – pour discerner clairement que l'homme a déjà épuisé le meilleur de lui-même, qu'il est en train de perdre sa contenance, s'il ne l'a déjà pas perdue » (8). L'huma­nité, par ses propres mérites, est « éjectée enfin de l'histoire » (9).

 

Histoire : banalité et apocalypse

La passion moderne pour l'histoire est précisé­ment une autre des cibles préférées de Cioran. Pour lui, l'histoire est un « mélange indécent de banalité et d'apocalypse » (10). Le progrès et la modernité, formes de civilisation construites sur le culte de l'histoire et de sa contemplation uto­pique dans l'attente d'une fin heureuse, sont au­tant de bourbiers où naufrage la consternante es­pérance humaine. « Tout pas en avant – écrit Cioran –, toute forme de dynamisme comporte quelque chose de satanique : le "progrès" est l'é­quivalent moderne de la Chute, la version profa­ne de la condamnation » (11). La même logique de la chute obscurcit le fantôme de la modernité : « être moderne, c'est bricoler dans l'Incurable » (12). Inéluctabilité de la marche de l'histoire ?

« Quiconque, par distraction ou incompétence, arrê­te tant soit peu l'humanité dans sa marche, en est le bienfaiteur » (13), affirme Cioran, en lançant un voile de terreur sur les consciences de ceux qui croyaient avoir construit la meilleure civilisa­tion qui ait jamais existé sur terre.

Le spectre de l'Occident

Cette civilisation, c'est l'Occident, « un possible sans lendemain » (14), une civilisation née sur les dogmes de l'humanisme et de l'historicisme. Tous deux nous apparaissent aujourd'hui comme de vieux squelettes décharnés. « Les vérités de l'humanisme – dit Cioran –, la confiance en l'homme et le reste, n'ont encore qu'une vigueur de fictions, qu'une prospérité d'ombres. L'Occi­dent était ces vérités : il n'est plus que ces fic­tions, que ces ombres. Aussi démuni qu'elles, il ne lui est pas donné de les vérifier. Il les traîne, les expose mais ne les impose plus ; elles ont ces­sé d'être menaçantes. Aussi, ceux qui s'accro­chent à l'humanisme se servent-ils d'un vocable exténué, sans support affectif, d'un vocable spectral » (15). Image de ce spectre : l'homme oc­cidental, un homme tourmenté, qui « fait penser à un héros dostoïevskien qui aurait un compte en banque » (16). De la même façon, tous les philo­sophes utopiques qui prétendirent trouver dans l'histoire un sens positif, une direction linéaire vers le meilleur, périssent : « Il y a plus d'honnê­teté et de rigueur dans les sciences occultes que dans les philosophies qui assignent un "sens" à l'histoire » (17) ; le matérialisme historique ne suppose pas en réalité un changement qualitatif quant à la providence divine : « c'est changer simplement de providentialisme » (18).

L'Occident meurt, installée à cheval sur ces deux spectres. « C'est en vain que l'Occident se cher­che une forme d'agonie digne de son passé » (19) ; mais personne n'a intérêt à s'éveiller : « l'Eu­rope, indifférente à ceux qui vaticinent, persévè­re allègrement dans son agonie ; agonie si obsti­née et durable qu'elle équivaut peut-être à une nouvelle vie » (20).

Cette féroce réalité que Cioran nous dévoile dans l'Occident contemporain, éclaire d'une nouvelle lumière des aspects plus quotidiens comme celui du colonialisme occidental dans ce qu'on appelle le Tiers Monde : « L'intérêt que le civilisé porte aux peuples dits arriérés est des plus suspects. Inapte à se supporter davantage, il s'emploie à se décharger sur eux du surplus des maux qui l'accablent, il les engage à goûter à ses misè­res, il les conjure d'affronter un destin qu'il ne peut plus braver seul » (21).

On comprend que, considérée de manière super­ficielle, cette thèse de Cioran puisse rappeler des filons bien précis de la pensée « réactionnaire » ou « traditionnelle ». En effet, il connaît les mysti­ques et se méfie des utopies ; il pense que l'hom­me est plus un animal qu'un saint, mais il croit que le théologien nous comprend mieux que le zoologiste ; on pourrait donc le considérer comme un de Maistre tourmenté et faible (au sens post­moderne de l'expression). Il contribue également à la confusion quand il écrit : « Tout semble admi­rable et tout est faux dans la vision utopique ; tout est exécrable, et tout a l’air vrai, dans les consta­tations des réactionnaires » (Essai sur la pensée réactionnaire) ; et quand il voit dans la politique « la malédiction par excellence d'un singe méga­lomane » (Ibid.).

Mais il faut laisser cette impression immédiate­ment de côté si nous voulons comprendre le reste de la férocité cioranesque. Cioran est, en effet, un bourreau aux yeux du troupeau occidental, et d'une certaine façon, un « réactionnaire » au sens pur du terme, cependant toute sa violence ne pro­vient pas d'une foi, elle est le résultat d'une im­mense déception, d'une condition angoissante, celle de l'« arrêté » à perpétuité au-dessus de l'abî­me du monde. Dans cette perspective, Cioran n'est plus un bourreau, mais un martyr ; dans ce cas, il faut écarter de ce terme tout ce qui pourrait nous suggérer héroïsme, ascèse et salut. Lui-mê­me se définit comme « un parvenu de la névrose, un Job à la recherche d'une lèpre, un Bouddha de pa­cotille, un Scythe flemmard et fourvoyé ».

Entre le dilettantisme et la dynamite

Élément déterminant dans l'angoisse de Cioran : sa condition d'apatride. « Un penseur – écrit-il­ – s'enrichit de tout ce qui lui échappe, de tout ce qu'on lui dérobe : s’il vient à perdre sa patrie, quel aubaine ! » (22). Orphelin de son appartenance et d'un enracinement, Cioran ne doit défendre au­cune vision du monde, aucun préjugé, aucune certitude. Savater a tort d'y voir une libération ; pour Cioran, oui, ça l'est, mais à un prix très élevé : le droit au Temps et à l'histoire : « Les autres tombent dans le temps ; je suis, moi, tombé du temps » (23).

Léger, détaché du temps et de l'espace, Cioran ne trouve pas d'appui non plus dans les idéolo­gies. Ici aussi, après avoir connu la fascination des extrêmes, il s'est « arrêté quelque part en­tre le dilettantisme et la dynamite » (24). Ni Dieu ni vie n'existent dans cet endroit. La vie est une « combinaison de chimie et de stupeur » (25), qui fait de la leucémie « le jardin où fleurit Dieu ». (26). Quant à Dieu lui-même...

Face à l'orgueil divin

« L'odeur de la créature nous met sur la piste d'u­ne divinité fétide » (27). Ce cruel aphorisme de Cioran peut résumer toute l'amertume de celui qui estime inconcevable une divinité seulement intelligible au départ de l'humain. Cioran se re­belle contre la bonté du créateur du mal : « L'idée de la culpabilité de Dieu n'est pas une idée gra­tuite, mais nécessaire et parfaitement compatible avec celle de sa toute-puissance : elle seule confère quelque intelligibilité au déve­loppement historique, à tout ce qu'il contient de monstrueux, d'insensé et de dérisoire. Attribuer à l'auteur du devenir la pureté et la bon­té, c'est renoncer à com­prendre la majorité des événements, et singulièrement le plus important : la Création » (28). Face à l'orgueil divin, Cioran n'hésite pas à s'inscrire sur les listes du diable : « J'ai eu beau fréquenter les mystiques, dans mon for intérieur j'ai toujours été du côté du Démon : ne pouvant pas l'égaler par la puissance, j'ai essayé de le valoir du moins par l’insolence, l’aigreur, l’arbitraire et le caprice » (29).

Et cependant celui qui croit voir en Cioran une nostalgie du sacré ne se trompe pas : « Quel dom­mage que, pour aller à Dieu, il faille passer par la foi ! » (30) ; il écrit et ajoute : « Si je croyais en Dieu, ma fatuité n'aurait pas de bornes : je me promènerais tout nu dans les rues... » (31). Nostalgie ou furie – chez Cioran, c'est la même chose – l'écueil divin est probablement la raison ultime de sa pensée, de son attitude devant la vie et de son attitude face à sa propre œuvre. Une œuvre à laquelle Cioran accorde une importance énorme, non à cause de son contenu mais à cau­se de son effet cathartique, de sa fonction matéria­lisatrice de la rébellion intime. Et c'est ici, dans cette révolte, que l'on doit s'installer pour com­prendre Cioran, pour situer sa férocité et son dé­sir délibéré du scandale.

Vengeance en paroles

Mais avant tout : devons-nous comprendre Cio­ran ? Il est difficile d'aborder avec bonne cons­cience l'épineux Roumain. Dans Syllogismes de l'amertume, il prévient les audacieux : « Tout commentaire d'une œuvre est mauvais ou inutile, car tout ce qui n'est pas direct est nul » (32). Et dans une lettre à Savater, il affirme à propos de Borgès une chose qui pourrait bien s'appliquer à lui-même : « À partir du moment où tout le monde le cite, on ne peut plus le citer, ou, si on le fait, on a l'impression de venir grossir la masse de ses "admirateurs", de ses ennemis » (33).

Faisons donc abstraction de la vantardise bien compréhensible de l'analyste, car nous ne pouvons éviter de commenter l'auteur. Et signalons, qu'en écrivant, Cioran se libère, se rebelle, se venge, se drogue ; c'est là la raison de son œu­vre : « J'écris pour ne pas passer à l'acte, pour é­viter une crise. L'expression est soulagement, revanche indirecte de celui qui ne peut di­gérer une honte et qui se rebelle en paroles contre ses semblables et contre soi. (…) Je n'ai pas écrit une seule ligne à ma température nor­male. (…) Écrire est une provocation, une vue heureusement fausse de la réalité qui nous place au-dessus de ce qui existe et de ce qui nous semble être. Concurrencer Dieu, le dé­passer même par la seule vertu du langage, tel est l'exploit de l'écrivain, spécimen ambigu, déchiré et infatué qui, sorti de sa con­dition naturelle, s'est livré à un vertige superbe, déconcertant toujours, quelquefois odieux » (34).

En dernière extrémité, nous pourrions dire que Cioran écrit selon sa mauvaise humeur : « Je n'ai rien inventé – écrit-il –, j’ai été seulement le secré­taire de mes sensations » (Écartèlement). Et il ne s'agit pas d'un faux jugement mais d'un jugement insuffisant. Les grogneries littéraires de Cioran ont porté une certaine critique, globale et aimable, si bien qu'en réalité, toute sa férocité n'est qu'un simple exercice de style ; il refuse ainsi toute espèce de vraisemblance avec la passion de l'apatride rou­main, il réduit tout son discours à une simple pratique ludique ; il insulte par conséquent le fus­tigateur de la condition humaine et il méprise le contenu de l'hérésie pour faire l'éloge de son expression propre. Banal. La littérature carnivore de Cioran est volontairement hérétique ; mais mê­me si elle ne l'était pas, toute sa capacité subver­sive s'y trouve, c'est indéniable, elle fait son ef­fet et parvient à convaincre ceux qui ne sont pas d'accord car, comme l'écrit Cioran, « l'hérésie représente la seule possibilité de revigorer les consciences, […] en les secouant, elle les préser­ve de l'engourdissement où les plonge le confor­misme » (35).

En tout cas, ce ne sera pas l'auteur qui nous en­lèvera ce doute. Cioran juge délibérément avec cette ambivalence, avec cette ambiguïté. Il sait que c'est la seule façon de durer. Dans son essai sur Joseph de Maistre, il écrit quelque chose qu'il semble dire à propos de lui-même : « sans ses contradictions, sans les malentendus qu’il a, par instinct ou calcul, créés à son propre sujet, son cas serait liquidé depuis longtemps, sa carrière close, et il connaîtrait la malchance d'être compris, la pire qui puisse s'abattre sur un auteur » (36).

Qu'ils s'alarment...

 

C'est évident : face à une réalité aussi complexe que celle de l'écrivain Cioran, les propos de tous les Bernaldos de Quirós circulant dans ce vaste monde ne sont que des mesquineries pour feuilletons américains. Autre évidence : impliquer l'a­patride tourmenté dans ce genre de questions po­liticiennes soulevées par exemple par un Le Pen relève de la plus solennelle des bêtises. Les raci­nes de la philosophie de Cioran, cette philoso­phie tragique et anti-humaniste, qui semble telle­ment effrayer nos bons libéraux espagnols, véhi­cule une culture qui est européenne jusque dans la moëlle, depuis cinq mille ans au moins ! Et confondre cette philosophie plurimillénaire avec un politicien français de cette fin de siècle, peu porté par ailleurs sur les excès intellectuels, est une exagération un peu alarmante.

Mais c'est peut-être de cela qu'il s'agit : alarmer les gens. Non pas d'alarmer les gens parce que telle ou telle philosophie existe envers et contre la volonté des conformistes, mais d'alarmer les bonnes consciences, couleur de rose, parce qu'un Cioran, génial et cruel, récupère, illustre, diffuse et affirme la seule chose qui, aujour­d'hui, peut conjurer le fantasme de l'Occident : la tragédie, l'anti-humanisme, l'éloge de la Chute, toutes sorties valables pour une civilisation qui, en effet – bien qu'elle ne veuille pas s'en rendre  compte – est déjà tombée.

Qu'ils s'alarment. Peu importe. Plus personne n'écoute. Pendant ce temps, la pensée de Cioran, une pensée barbare, éloignée des chaires et des conférences mondaines, devenue paradoxale­ment dangereuse parce qu'elle est désormais commercialisable (et peut-être commercialisable aujourd'hui précisément parce qu'elle est bar­bare), mine convictions et bétonnages. Cette « herméneutique des larmes » (ainsi Cioran défi­nit-il son style dans Des larmes et des saints) paraît s'emboîter à la perfection dans les angoisses contemporaines.

En 1934, dans une œuvre encore écrite en rou­main, Pe culmile disperarii (« Sur les cimes du désespoir »), Cioran écrivait : « Est-ce que l'exis­tence sera pour nous un exil et le néant une pa­trie ? ». Aujourd'hui, nous avons tous déserté l'existence ; aujourd'hui nous habitons tous le néant. Devons-nous nous étonner que l'angoisse de Cioran nous apparaisse comme sœur jumelle de notre propre angoisse ?

Les réactionnaires du XIXème siècle ont réagi contre le XVIIIème siècle en proposant un retour au XVIème siècle. Si aujourd'hui, en fin de modernité, il faut être réactionnaire (et soyons provocant : il n'est jamais mauvais d'être « réac­tionnaire », de réagir face aux phénomènes de dé­clin), seul peut l'être – et l'être dignement – le style de Cioran : sans propositions, sans alterna­tives. Le néant contre le vide ; l'angoisse doublée du râle face à la mort de toute illusion. C'est ce­la, finalement, la véritable dimension de Cioran : l'esthétique –puisqu'il n'y a plus d'éthique – menaçante d'une barbarie, en apparence fondée sur les Lumières, qui, seule, peut mettre un point final tragique à plus (ou beaucoup plus) de deux cents ans de civilisation à l'enseigne de l'Aufklärung.

José Javier ESPARZA

 

 

 

(1) Malgré son caractère superficiel fréquent, la lecture de ce supplément est à recommander. On y découvre tous les préjugés classiques de la droite libérale espagnole qui, au­jourd'hui, affectée par la « vague Reagan », tente de remplir sa malle doctrinale de thèses réductionnistes et économi­cistes, propres à l'anti-pensée libérale. Antérieurement, ce même supplément avait consacré à la post-modernité, nouveau monstre à trois têtes, une série d'opinions vrai­ment délirantes.

(2) La persécution de Femando Savater parait s'être trans­formée en nouveau sport national. L'année passée et au cours d'un hommage rendu à Ché Guevara, Savater fut du­rement apostrophé et qualifié de « fasciste » par une partie du public présent, tout cela pour avoir dit que le Ché était « comme un bon Rambo ». Peu après, le politicien démo­crate-chrétien et historien pro-américain Javier Tussell s'en prenait à l’auteur de La Tarea del héroe (« La Tâche du héros ») en l'accusant d'« irresponsabilité intellectuelle » à cause de ses déclarations critiques envers la fièvre mo­narchique espagnole. Aujourd'hui, Bemaldo de Quirós le rend en partie responsable du parrainage de Le Pen parce qu'« il copie Cioran » (?), Sans doute, la pensée de Savater est très critiquable mais, à notre avis, pas à cause de ces trois « crimes de pensée » qu'on lui impute à droite comme à gauche et qui constituent, justement, autant d'élans de lucidité chez ce philosophe qui suscite la polémique.

(3) F. Savater, « El indefendibile e indefenso Cioran », in Quimera, 4, febrero 1981.

(4) Syllogismes de l'amertume.

(5) Précis de décomposition. (6) op. cit.

(7) « Valéry face à ses idoles », texte repris dans le volume intitulé Exercices d'admiration : Essais et portraits (Galli­mard).

(8) « L'enfer du corps », essai paru dans Le Monde, 3 fé­vrier 1984.

(9) La chute dans le temps.

(10) Précis de décomposition.

(11) La chute dans le temps.

(12) Syllogismes de l'amertume. (13) ibid. (14) ibid. (15) ibid. (16) ibid. (17) ibid.

(18) Essai sur la pensée réactionnaire.

(19) Syllogismes de l'amertume.

(20) Essai sur la pensée réactionnaire.

(21) La chute dans le temps.

(22) Essai sur la pensée réactionnaire.

(23) La chute dans le temps.

 (24) Syllogismes de l'amertume. (25) ibid. (26) ibid. (27) ibid.

(28) Essai sur la pensée réactionnaire. (29) ibid.

(30) Syllogismes de l'amertume. (31) op. cit. (32) ibid.

(33) Exercices d’admiration. (34) ibid. (35)ibid. (36)ibid.

 

Cioran à Paris en 1949, au moment où venait de pa­raître son premier ouvrage en français, le Précis de décomposition. Cioran a appris le français grâce à un invalide de la Grande Guerre, virtuose de la lan­gue basque et de la langue française, érotomane délicat qui arpentait les boulevards de Montparnasse. Cet homme l'a exhorté à relire !es auteurs du XVIIlème siècle, à imiter leur perfection. Dans un interview accordé au philosophe allemand Gerd Bergfleth, Cioran rend hommage à cet inva­lide du Pays Basque, ce puriste de la langue et de la grammaire (Emil M. Cioran, Ein Gespräch, ge­führt von Gerd Bergfleth, Rive Gauche/Konkurs­buchverlag, Tübingen, 1985; Cioran a donné cette entrevue en langue alle­mande ; le texte original en est donc le texte alle­mand).

Cioran: une pensée contre soi héroïquement positive

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Liliana Nicorescu

Cioran : une pensée contre soi héroïquement positive

Ex: http://www.revue-analyses.org/

Être le « héros négatif » de son temps, c’est, selon Cioran, trahir celui-ci : participer ou non aux tourments de son époque, c’est toujours faire le mauvais choix, se leurrer. Comme Cioran lui-même fut le « héros négatif » d’un « Âge trop mûr », l’étude que lui consacre Sylvain David se veut une « approche “sociale” » d’une œuvre qui fait l’apologie de la marginalité et du désistement. L’enjeu est d’explorer les ressources esthétiques et sociales de l’écriture d’un misanthrope plus ou moins sociable, qui s’est déclaré « métaphysiquement étranger » et dont l’ambition fut de s’adresser à « la communauté des exclus, des unhappy few » (p.  11) — les faibles, les ratés, son segment favori de lecteurs — vivant, tout en en étant conscients, dans une modernité aux accents spengleriens ou nietzschéens, nommée tantôt « décadence », tantôt « déclin », tantôt « crépuscule », tantôt « monde finissant ». Vivre et écrire en marginal participe d’un « héroïsme négatif », c’est-à-dire « de la chute », « de la décomposition », de la pensée « contre soi » (« le seul geste héroïque possible encore à l’homme moderne »), au fondement duquel l’auteur place la quête d’« une posture digne à opposer à l’inconvénient ou à l’inconvenance de la condition de l’homme moderne  » (p. 17), d’une réponse lucide, parfois fataliste, aux questions incontournables de la modernité. C’est, selon Sylvain David, la source même de l’écriture cioranienne et de la posture négativement héroïque d’une œuvre qui s’articule autour de la dualité entre le sujet et la collectivité, d’une identité sapée par le doute, et d’un « penser contre soi-même » assidûment professé par l’auteur des Cimes du désespoir.

L’analyse de l’œuvre cioranienne passe — plus que jamais, après la mort de l’essayiste — par l’étape roumaine de sa création littéraire. Depuis onze ans, la question fondamentale est, selon certains critiques, de concilier « l’aristocrate du doute » et l’« antisémite de conviction ». Le « dévoilement du voile » annoncé par Alexandra Laignel-Lavastine en 2002 ne tente pas Sylvain David, qui, tout en reconnaissant une « historicisation » de la pensée cioranienne dans la deuxième étape de création de l’auteur de La Transfiguration de la Roumanie, refuse de l’historiciser in corpore ou à rebours et, par conséquent, de juger l’œuvre française en fonction de l’œuvre roumaine. La « seconde naissance » de Cioran passe, certes, par l’historicisation de sa pensée : celui qui prônait dans son premier livre roumain l’« héroïsme de la résistance et non de la conquête » allait admirer quelques années plus tard Corneliu Zelea-Codreanu et Hitler, pour s’attaquer ensuite à toute forme de fanatisme, d’engagement politique. Par conséquent, la tension fondamentale de l’œuvre cioranienne sera « la relation conflictuelle d’un homme avec son époque, son milieu, si ce n’est avec lui-même » (p.  23).

Les rapports entre l’écriture et le désengagement constituent la première partie du livre, intitulée Un discours (a)social. Les trois premiers livres français de Cioran (Précis de décomposition, 1949; Syllogismes de l’amertume, 1952; La Tentation d’exister, 1956) sont empreints de la certitude du déclin, de la décadence, de l’éternelle erreur. Si l’esprit moderne est marqué par « la négativité et le relativisme » (p. 24), l’œuvre de Cioran se distinguera non seulement en tant que « dénonciation du caractère insidieux de l’esprit moderne », mais aussi en tant que « discours (a)social » (p. 29). Dans cette période de passage, le segment français de l’œuvre cioranienne dénonce, juge et accuse systématiquement l’aspect politique, engagé, des écrits roumains. À cette époque, Cioran essaie de « se distancier d’une certaine incarnation de lui-même, de ce qu’il a déjà été » (p. 30). L’affirmation ne laissera aucun cioranien (ou cioranomane!) indifférent et place l’auteur de cet essai dans le camp modéré des lecteurs/exégètes de celui qui est accusé de « fuite lâche », de mémoire sélective, de mensonge et, surtout, de conservation du credo antisémite. Lire l’œuvre française de Cioran n’est pas, pour Sylvain David, « tenter de déterminer ce qu’a pu dire, ou faire, exactement l’essayiste, au cours des années 1930, mais plutôt de voir ce qu’il en pense, avec le recul, au moment où il entame sa nouvelle carrière » (p. 30). À l’encontre de ceux qui parlent de l’« insincérité permanente » de Cioran ou de son antisémitisme foncier et permanent, Sylvain David croit que « [p]lutôt que de commodément vouer son égarement de jeunesse à l’oubli », il convient de considérer que Cioran « revient inlassablement sur son expérience afin de comprendre et, éventuellement, dépasser les motivations qui ont pu le pousser à agir de la sorte » (p. 30).

En s’attaquant à la racine du Mal, de l’Intolérance, du Fanatisme, Cioran poursuit et accomplit un besoin d’expiation, de purification de ses jeunes égarements. La « rage tournée contre soi », la « négativité » se trouvent au cœur de cette écriture centrée sur la condition de l’homme moderne et qui réfléchit sur celle de l’écrivain dans une société de plus en plus politisée, de plus en plus divisée, de plus en plus radicalisée. La « poétique du détachement » qui illustre cette première étape de création française prend déjà contour dans le Précis de décomposition (Exercices négatifs à l’origine) que Cioran publiera en 1947 et s’articule non seulement autour de la « dénonciation de toute forme de dogmatisme ou d’intransigeance » (p. 36), mais aussi autour de l’écriture éclatée, fragmentaire, opposée, dira Cioran, à « la tentation de conclure ». Cette écriture fragmentée, fracturée est une expression de la modernité dans la mesure où la philosophie, le premier amour de l’essayiste, est, estime-t-il, incapable d’expliquer le monde ou le temps, qui mesure plutôt l’irrationalité contemporaine, le volet culturel de la durée, la fracture de la connaissance, du moi, la décomposition de la pensée et la décadence du Verbe.   

Cette étape créatrice du métèque correspond à un métissage esthétique, autrement dit à l’éclatement de la forme littéraire, dont le principal matériau, la langue, se dissout et s’incarne sous diverses formes : le doute se radicalise et se détache du discours philosophique impersonnel et systémique. Aux idées abstraites, Cioran, devenu « penseur d’occasion », préfère la connaissance empirique; l’écrivain est un sceptique déçu par la philosophie (universitaire ou non), un moraliste qui, avant d’observer les gens, doit « dépoétiser sa prose ». L’idée que « toute démiurgie verbale se développe aux dépens de la lucidité » conduit à l’esthétisation de la négation, à la « négativité esthétique » (p. 95), à travers laquelle l’écriture mesure et dénonce le déclin inéluctable d’un monde, d’un système de valeurs partagées.

La deuxième partie de l’étude de Sylvain David — intitulée De l’histoire de la fin à la fin de l’histoire — a pour fondement « le grand récit de la Chute ». Le corpus (Histoire et utopie, 1960; La Chute dans le temps, 1964 ; Le mauvais démiurge, 1969) propose une relecture de la Genèse, dont le centre nerveux est le panorama de la vanité que déplore l’Ecclésiaste. Au centre de la deuxième étape de l’œuvre française de Cioran, on trouve le « Cioran de la maturité ». Placé également sous le signe de la négation, ce deuxième segment français de l’œuvre cioranienne met en scène un moi lui-même fragmenté, décomposé, qui ne met plus en question ses égarements de jeunesse, mais ses accès de pessimisme, de scepticisme. Sur le plan de l’écriture, l’aphorisme est supplanté par l’essai, dont les thèmes centraux sont l’homme, le péché originel, la chute, le temps historique et l’Occident moribond. Dans l’herméneutique cioranienne, le péché originel s’appelle la « douleur originelle » et la Chute vient couronner « l’inaptitude au bonheur » des descendants d’Adam et Ève; leur « don d’ignorance » est le seul à les rendre heureux. Lucifer, quant à lui, n’eut qu’à saper « l’inconscience originelle » du couple primordial et de sa progéniture — dont l’« inconvénient » d’exister fut la seule fortune —, ce qui laissa cet univers à la discrétion d’un « mauvais démiurge ». Conséquence directe du péché originel, la chute dans le temps est en même temps une chute vers la mort : « avancer » et « progresser » sont des concepts distincts chez Cioran, car aller vers la mort est un progrès vers l’involution, vers la disparition non seulement des hommes (ou des peuples), mais aussi des cultures, des civilisations sujettes au temps historique. Fatalement, l’« abominable Clio » enchaîne l’homme et le laisse « en proie au temps, portant les stigmates qui définissent à la fois le temps et l’homme ». Séduite par l’élan vers le pire, l’humanité court vers sa perte, autrement dit, vers l’avenir : c’est plus fort qu’elle, car, écrit Cioran dans ses Écartèlements, « [l]a fin de l’histoire est inscrite dans ses commencements ».

La troisième partie — Une autobiographie sans événements (incluant De l’inconvénient d’être né, 1973; Aveux et anathèmes, 1987; Écartèlement, 1979 : Exercices d’admiration, 1986) — correspond à un réinvestissement du temps présent complètement dépolitisé. La réflexion qui accompagne cet héroïsme négatif se fait en trois volets : le malheur (plus ou moins inventé) de l’homme moderne, l’écriture fragmentaire en tant que miroir d’un univers atomisé, désagrégé, inachevé, et le défi stoïque, positivement connoté, de l’héroïsme négatif de Cioran, autrement dit, « le courage de continuer à vivre et à écrire à l’encontre de ses propres conclusions, de son propre savoir » (p. 26). Les piliers de cette « autobiographie sans événements » sont le suicide et la « (re)naissance ». La biographie de Cioran fut marquée par un suicide jamais commis, puisqu’on ne peut pas tuer une idée. Ce que Cioran retient du suicide, c’est l’idée de se donner la mort, pas l’acte en soi : « sans l’idée du suicide — estimait-il — on se tuerait sur-le-champ! » D’ailleurs, si celui qui se vantait d’avoir « tout sacrifié à l’idée du suicide, même la mort », ne s’est pas suicidé, c’est parce que, disait-il plus ou moins amèrement, de toute façon, « on se tue toujours trop tard ». La même biographie fut également marquée par « l’inconvénient d’être né », voire d’être né Roumain, par les « affres de la lucidité », par les tortures du paradoxe, par l’effort de reconstruction intérieure et de mise en scène d’un moi aliéné. Dans le Paris aggloméré et automatisé, le regard du métèque s’arrête sur des gens que personne ne voit, venus, eux aussi, d’ailleurs, ou bien sur des clochards-philosophes. Sa lucidité — autrement dit, son « inaptitude à l’illusion » — fut celle d’une tribu sceptique, fataliste, anhistorique, celle de ces analphabètes brillants qui savent depuis toujours que l’homme est perdu et qui lui ont inculqué cette lucidité en même temps que « l’envergure pour gâcher sa vie ».

Étant lui-même un paradoxe vivant, Cioran ne put mettre en scène qu’une paradoxale série de représentations de soi : le moraliste qui, avant d’observer les hommes, se donne comme devoir primordial de « dépoétiser sa prose » tend la main à un être lucide pris pour un sceptique; le « parvenu de la névrose » est le frère du « Job à la recherche d’une lèpre » ; le « Bouddha de pacotille » cherche la compagnie tourmentée d’un « Scythe flemmard et fourvoyé », « idolâtre et victime du pour et du contre », d’un « emballé divisé d’avec ses emballements », d’un « délirant soucieux d’objectivité », d’un « douteur en transe » ou d’un « fanatique sans credo ». Cette rhétorique du paradoxe et de l’opposition projette, selon Sylvain David, non seulement l’image d’un marginal, d’un étranger, d’un exclu, d’un apatride métaphysique, mais également et surtout un jeu de contraires qui trouve son plaisir esthétique dans les contorsions, dans les volutes élégamment orchestrées par une pensée organiquement écartelée « entre scepticisme et besoin de croire, entre lucidité et illusion vitale » (p. 273). Cette mise en scène du moi artistique participe d’un « métacommentaire » qui prolonge non seulement « une détestation de soi primaire » (en tout cas, moins importante, semble-t-il), mais surtout d’« une forme d’amour trahi ou d’orgueil blessé » (p. 275). La visée de celui qui se voulait « le secrétaire de [s]es sensations » n’est pourtant aucunement narcissique, mais plutôt viscérale, car, disait-il, ce ne sont pas nos idées, mais nos sensations et nos visions — parce qu’elles « n’émanent pas de nos entrailles » et sont « véritablement nôtres » — qui peuvent, qui doivent nous définir. Cet attachement au sensoriel est, observe Sylvain David, l’apogée de l’héroïsme négatif de Cioran : en parlant de sensations et de visions qui sont les siennes, pas les nôtres — c’est-à-dire « non partagées avec le commun » —, le dernier Cioran défend son héroïsme négatif en explorant ce que son passé, son identité, ses souvenirs ont de négatif. Cet effort expiatoire est plus qu’une catégorie esthétique : il s’impose en tant que garantie morale de l’œuvre de maturité d’un homme « désintégré ».

Sur les ruines d’un univers déserté par les dieux, un penseur inclassable vint installer son Verbe ahurissant, héritier de la sobriété et de l’élégance des moralistes dont il se réclamait comme descendant légitime, aussi bien que de la saveur amère et de la souplesse de sa langue maternelle. Seuls l’aphorisme ou le fragment pouvaient représenter cet univers morcelé, éclaté. À l’encontre de Ionesco ou de Beckett, qui ont exploré l’absurde du langage, Cioran resta plutôt un classique, car, bien que conscient des mots, il a cherché, au-delà de la fonction poétique de la langue, à faire passer ses négations au niveau de la rhétorique; son univers n’est pas l’absurde, mais le paradoxe qui repose sur toute une série de malgré : poursuivre sa réflexion, malgré la déception que provoque chez lui la philosophie, malgré le mal que provoque sa propre conscience (ou sa propre lucidité); écrire, malgré les doutes quant à la capacité de son écriture à définir sa conception du monde; publier, malgré un nombre restreint de lecteurs et le dégoût que provoque en lui le flux éditorial parisien.

Certes, Cioran a écrit parce que, disait-il, chaque livre est « un suicide différé ». Paradoxalement ou non, son héroïsme négatif n’est ni agressif ni virulent, mais plutôt la représentation concrète de son aptitude — qui l’aurait cru? — « au compromis stoïque », de sa « capacité de se mouler aux circonstances de la modernité sans jamais pour autant s’y diluer ou s’y travestir » (p. 326). Il ne lui restait qu’à devenir « le sceptique de service » d’un monde en agonie ou « le secrétaire de [s]es sensations », puisque « être le secrétaire d’une sainte » n’a pas été la chance de sa vie.

Le Cioran français est, selon certains exégètes du moraliste, le masque du Cioran roumain séduit, dans les années 1930, par le mouvement nationaliste roumain et qui, une fois établi en France, n’a fait que réécrire ses livres roumains, afin de cacher ses jeunes égarements tout en restant fidèle à ses anciens credo. À l’encontre de certains de ses prédécesseurs, Sylvain David met au cœur de sa lecture de l’œuvre française de Cioran le fondement esthétique et social de l’art du fragment, dont l’auteur du Mauvais démiurge fut le maître incontesté. Complètement dépolitisés, les paradoxes cioraniens retrouvent toute leur beauté et leur profondeur et construisent, par le biais d’une analyse aussi subtile qu’objective, le parcours sinueux, mais combien passionnant, d’un « héroïsme à rebours ».

 

Compte rendu par : Liliana Nicorescu

Référence : Sylvain David, Cioran. Un héroïsme à rebours, Les Presses de l’Université de Montréal, coll. « Espace littéraire », 2006, 338 p.

Pour citer cet article : Liliana Nicorescu, «Cioran : une pensée contre soi héroïquement positive», @nalyses [En ligne], Comptes rendus, XXe siècle, mis à jour le : 27/01/2010, URL : http://www.revue-analyses.org/index.php?id=623.

jeudi, 15 avril 2010

"Proust è un bavoso". Viaggio nella biografia di un genio fulminato

«Proust è un bavoso»
Viaggio nella biografia di un genio fulminato

di Stenio Solinas

Fonte: il giornale [scheda fonte]

 «Gli editori sono tutti carogne». «Non aggiungete una sillaba al testo senza preavvisarmi! Fottereste il ritmo come niente - solo io posso ritrovarlo là dov’è. Ho l’aria bavosa, ma so a meraviglia ciò che voglio. Non una sillaba. Fate anche attenzione alla copertina. Niente music Hallismo. Niente sentimentalismo tipografico. Del classico». «I critici dicono sempre fesserie. Giornalisti innanzitutto, lavorano di chiacchiere, piccoli ricatti... Ci vorrebbe qualcuno che si decidesse a coprirmi di sputi!... La gente è sadica, vigliacca, invidiosa, distruttrice. Ha bisogno di sentire il saccheggio, lo spappolamento, altrimenti non ci sta...». «Bisogna vedere gli uomini come cani. Ciò che fanno, abbaiano, ringhiano, spiritualmente non significa niente, meno che zero... Purtroppo ci toccano le conseguenze materiali, ma moralmente... Cani, nient’altro che cani. Tutto è permesso, insomma, per evitare i loro morsi e ingannarli e aizzarli in modo che si sbranino fra loro. Meglio dimenticare tutto, mascherare in musica l’orrore del vivere».

Ma sì, è Céline che batte alla porta, strepita, irride, minaccia e s’incazza... Ben tornato Ferdinand sull’onda delle oltre 2mila pagine del volume che raccoglie una antologia monstre (più di 1500 lettere) della sua corrispondenza, dalla giovinezza alla morte (Lettres, Gallimard, collezione Bibliothèque de la Pléiade, pagg. 2080, euro 66,5; a cura di Henri Godard e Jean-Paul Louis). Per la prima volta, insieme con molti inediti, l’epistolario celiniano fino a oggi sparso e spesso disperso in innumerevoli rivi editoriali (le lettere dall’Africa, le lettere alle amiche, quelle agli editori e agli avvocati, le lettere dall’esilio) viene selezionato e cronologicamente ordinato. Il risultato è imponente.

Il carteggio è una miniera di informazioni sul Céline scrittore, sui suoi procedimenti, sulle sue idiosincrasie, ma ne scandaglia anche il privato: la passione per la bellezza («Sono pagano per la mia assoluta adorazione della bellezza fisica, della salute. Odio la malattia, la penitenza, il morboso(...) Perciò ho amato tanto l’America. La felinità delle sue donne!(...). Tranquillo stallone, guardone, palparle è un incanto senza pari, mi inebria, mi ispira - Darei tutto Baudelaire per una nuotatrice olimpionica»); il rifiuto della vita reale, obiettiva, il peso degli anni e dei guasti fisici.

Dietro il cliché del «medico dei poveri» la corrispondenza fa rigalleggiare il bell’uomo alto più di un metro e ottanta, che indossa abiti di buon taglio e stoffa inglese, biondo e con gli occhi azzurri, che conosce il mondo e il bel mondo, uno che a Ginevra come a Vienna, a New York come a Londra, sa dove andare, come muoversi, cosa vedere, a proprio agio con pianiste come Lucienne Delforge, con scultrici come Louise Nevelson, con figlie della buona borghesia di provincia come Edith Follet, la sua prima moglie. Vive in un appartamento moderno, con qualche souvenir coloniale, in rue Lepic: è cortese, ma riservato.
Ciò che nelle lettere d’anteguerra è accennato, sparso e variegato, in quelle post-belliche tende a raccogliersi su un triplice binario. Sul primo corre il métro emotif, il treno dello stile. «Tutto il mio lavoro è consistito nel cercare di rendere la prosa francese più sensibile e tesa, precisa, sferzante e cattiva iniettandole un linguaggio parlato, il suo ritmo, il suo tipo di poesia e di tenerezza malgrado tutto, di resa emotiva». «Io seguo con le parole l’emozione, non le lascio il tempo di rivestirsi in frase... l’afferro nuda e cruda, o meglio, nella sua poeticità. Perché il fondo dell’uomo malgrado tutto è poesia - il ragionamento si apprende, così come si impara a parlare - il bebè canta - il cavallo galoppa - il trotto è di scuola». «Non creo nulla, in verità - è come se ripulissi (...) una statua seppellita nell’argilla -

Esiste già tutto (...) Occorre soltanto spazzare (...) portare alla luce del giorno - AVERE LA FORZA - è una questione di forza - forzare il sogno nella realtà - una questione di pulizia (...) È un lavoro da operaio - operaio nelle onde».

Sul secondo corre il vagone della negazione e/o riduzione di ciò di cui è incolpato, della «congiura» ai suoi danni. «Sono un patriota sfrenato in un Paese di degenerati, lacchè e bastardi. Si tratta di ben altra cosa che tradimento, è precisamente il contrario. Sono gli altri, tutti gli altri che galoppano urlando dietro la bandiera, gareggiando per farsi inculare dal migliore offerente». «Ci si accanisce a volermi considerare un massacratore di ebrei. Io sono un preservatore accanito di francesi e di ariani - e contemporaneamente, del resto, di ebrei! Non ho voluto Auschwitz, Buchenwald. Cazzo! Basta! (...) Ho peccato credendo al pacifismo degli hitleriani, ma lì finisce il mio crimine». «La Germania mi fa naturalmente orrore. La trovo provinciale, pesante, grossolana (...) Per me è quella del ’14, la gare de l’Est, la linea dei Vosgi, la morte, la salsiccia, l’elmetto a punta».

Sul terzo, infine, fila il direttissimo delle recriminazioni, delle ingiurie, degli editori traditori, dei soldi che non arrivano, della pubblicità che manca, del boicottaggio. Sotto un torrente di minacce e prese per il culo, gli interlocutori passano la mano. Jean Paulhan, il «cervello» della casa editrice Gallimard lascia nel 1955, stanco e disgustato. «Di che si lagna quel vecchio bavoso - sarà il commento - Trova che la sposa è troppo bella, ha troppo temperamento?».

E l’antisemitismo? Céline lo trasforma in pacifismo, lo scolora, più che negarlo lo orienta in maniera diversa, fino a trasformare sé stesso nell’unico vero ebreo errante: esiliato, offeso, perseguitato... Ma dietro al razzismo c’è anche una questione di stile, come una lettera del 1943, che ha per tema Proust, mette bene in evidenza. «Lo stile di Proust? È semplicissimo. Talmudico. Il Talmud è imbastito come i suoi romanzi, tortuoso, ad arabeschi, mosaico disordinato. Il genere senza capo né coda. Per quale verso prenderlo? Ma al fondo infinitamente tendenzioso, appassionatamente, ostinatamente. Un lavoro da bruco. Passa, viene, torna, riparte, non dimentica nulla, in apparenza incoerente, per noi che non siamo ebrei, ma riconoscibile per gli iniziati. Il bruco si lascia dietro, come Proust, una specie di tulle, di vernice, che prende, soffoca riduce e sbava tutto ciò che tocca - rosa o merda. Poesia proustiana. Quanto alla base dell’opera: conforme allo stile, alle origini, al semitismo: individuazione delle élites imputridite, nobiliari, mondane, invertiti etc. in vista del loro massacro. Epurazioni. Il bruco vi passa sopra, sbava, le fa lucenti. I carri armati e le mitragliatrici fanno il resto. Proust ha assolto il suo compito». Conclusione: nel 1943 l’autore della Recherche avrebbe applaudito la sconfitta tedesca a Stalingrado...

Scrittore antimaterialista, Céline cercò di combattere il materialismo usando uno strumento, la razza, altrettanto materiale e, come tale, incapace di cogliere differenze di valori e di sensibilità. L’ideale ariano si trasformerà in beffa allorché, dopo essere stato imprigionato in Danimarca, si troverà a scrivere: «Merda agli ariani. Durante i 17 mesi di cella non un solo fottuto dei 500 milioni di ariani d’Europa ha emesso un gridolino in mia difesa. Tutti i miei guardiani erano ariani». Quando si predica la purezza c’è sempre qualcuno che si crede più puro di te. Un genio fulminato.


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mardi, 13 avril 2010

Dossier Dantec (2004)

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

DOSSIER “DANTEC”  :

 

Dantec devant les cochons

Source : http://ca.altermedia.info

 

MD-B.gifComme Présent l’avait prévu dès l’automne (1), le grand romancier et essayiste Maurice G. Dantec est soumis depuis quelques jours à une attaque en règle des «.Maîtres Censeurs » (2), de ces petits marquis islamo-gauchistes qui, depuis leurs quartiers chics et tranquilles de Saint-Germain veulent régenter les lettres et la pensée française.

 

Tout a commencé par une curieuse offensive à l’évidence préméditée, et collective, sur le forum du journal gratuit canadien Voir (3) qui s’est soudainement mis à vomir des messages d’insultes contre l’auteur de Babylon Babies (4) coupable, en vrac, d’être un « nazi américano-sioniste » (?), un islamophobe, un facho, et autres noms d’oiseaux.

 

Entre-temps, Dantec qui, du fait d’un quasi ostracisme dans les médias français, a pris l’habitude de lire, écrire et débattre sur le Web, lequel reste – pour le moment – un espace de liberté, commit l’irréparable péché de s’inscrire à la newsletter du Bloc Identitaire (5). Pire encore, l’écrivain poussa le vice jusqu’à accompagner cette démarche d’une lettre à Fabrice Robert, dirigeant du Bloc, pour lui préciser que, bien qu’en désaccord fondamental sur les positions de cette formation en ce qui concerne les Etats-Unis et Israël, il appréciait leur bel activisme contre le groupe de rap anti-français Sniper, pour leur défense de l’abbé Sulmont, et, plus généralement, leur lutte contre l’islamisation de la France. Last but not least, en homme courtois (quel ringard !), il leur souhaitait à la fin de cette missive, dont il autorisait la publication, tous ses vœux pour 2004… C’en était trop !

 

Ou plutôt, bien sûr, c’était enfin le « faux pas », qu’attendait le troupeau gras des cochons de la médiaklatura pour couiner en chœur leurs délations, leurs malédictions et leurs excommunications contre l’intellectuel qui avait osé, entamer un débat avec les intouchables, les lépreux de la droite identitaire !

 

Des « cochons » oui, comme disait Léon Bloy (1) qui fut aussi, en son temps, la cible d’une vindicte généralisée de la presse parce qu’il avait eu le malheur de défendre Tailhade ; et qui leur répondit en rédigeant Léon Bloy devant les cochons (6), que nous nous sommes permis de paraphraser dans notre intitulé. Des cochons comme ceux qui, dans l’excellente fable de George Orwell, prennent le pouvoir de La ferme des animaux en y installant leur totalitarisme absurde pour mieux se goinfrer au nom de la liberté.

 

Des cochons donc, vautrés dans leurs turpitudes, qui trouvent charmant d’aller biser les terroristes du Chiapas, de fêter le livre (!) chez Fidel Castro, de voter pour Arlette Laguiller, et, donc, le projet d’une bonne révolution sanglante, ou encore, et la liste serait longue, répandent leur vulgate d’anciens communistes, complices de régimes génocidaires, dans toutes les feuilles et sur tous les écrans.

 

C’est Libé, bien sûr, qui a sonné l’hallali, jeudi, en un article où l’amalgame simpliste n’avait d’égal que le verbe venimeux. Le Monde récidivait dans la foulée – « Dantec s’affiche avec l’extrême droite » - dans l’inénarrable style bolcho-jésuitique qui est le sien. Et c’est d’ailleurs dans ses colonnes que l’on pouvait lire avec stupeur la « réaction » de Patrick Raynal, directeur de collection du pestiféré Dantec, qui enfonçait ainsi l’un de ses poulains en s’estimant « catastrophé, étant contre toutes les opinions » de Maurice G. Dantec. Consternant.

 

Et l’ « affaire Dantec » d’enfler maintenant jusqu’au Canada, où le quotidien La Presse a cru bon d’apporter ses rondins au bûcher. Sans parler d’internet qui voit les sites gaucho-bobos se remplir d’indignation vengeresse. Mais nous concluions lors de notre précédent article que l’écrivain catholique n’était pas du genre à se laisser faire sans combattre. Lui qui pense la littérature comme un combat pour la Civilisation Occidentale chrétienne et se veut un « guerrier du Verbe », ne manque pas de rage et de souffle.

 

Déjà, ses réponses fusent depuis Montréal comme autant de missiles intercontinentaux ! Il y dénonce avec véhémence ces « journalistes » sans déontologie ni métier, leurs « mensonges » « qui prouvent [qu’ils sont] très proches des officines de désinformation gouvernementales ». Il assume ses écrits, avec une belle témérité qui devrait faire honte à tous les lâches du système, chiens couchés, silencieux, aux pieds des inquisiteurs de la grosse presse anarcho-trotstko-bancaire.

 

Mais nous disions aussi, « qui sait s’il ne se trouvera pas de nombreux et inattendus soutiens qui rallieront le labarum archéo-futuriste de ce Constantin de la littérature française ». Et c’est ce qui semble arriver. Déjà, nous savons que de nombreux mails et courriers de fans, issus de tous les milieux et de tous bords, partent en direction de la prestigieuse maison Gallimard (7) afin qu’elle mobilise pour soutenir son auteur. La revue culturelle Cancer ! n’est pas en reste, qui a ouvert une page spéciale sur internet (8) et dont les rédacteurs se solidarisent avec maudit ; le site subversiv.com aussi, qui publie une interview choc de Dantec et bien d’autres encore, dont, évidemment, les militants du Bloc identitaire.

 

On peut aussi imaginer, et nous l’espérons, que ses amis intellectuels et écrivains dits « nouveaux réactionnaires » qui avaient fait naguère crânement face à l’attaque du commissaire politique Lindenbergh, sauront faire preuve de solidarité avec lui. Et puis, la meilleure solution est encore d’aller acheter massivement les œuvres de Dantec, en vente dans toutes les librairies, car dans ce monde hélas dominé par le fric, c’est par le porte-monnaie qu’il faut convaincre le landerneau des lettres que ce genre de lynchage ne nous impressionne plus.

 

Olivier GERMAIN.

 

1. Faut-il brûler Maurice G. Dantec, Présent du 3 octobre 2003

2. Elizabeth Lévy, Lattès, 2002

3. www.voir.ca

4. Gallimard, La Noire, 1999

5. Bloc Identitaire – BP 13 – 06301 cedex 04 et www.les-identitaires.com

6. Mercure de France, 1895

7. Éditions Gallimard – 5, rue Sébastien-Bottin – 75328 Paris cedex 07. presse-serie-noire@gallimard.fr - Tél. : 01.49.54.42.00 Fax : 01.45.44.94.03

8. http://frkc.free.fr/revuec/dantec_nettoyage.htm sur revuecancer.com

 

“Dantec, un catholique futuriste”

 

MD grandjunction.jpgQue cette affaire Dantec est significative ! Que la France et le Québec représentent à la perfection le pire Occident ! Chez nous, une lâcheté endémique, apprise d’abord à la garderie, puis à l’école primaire, où l’on enseigne aux garçons à ne pas être des garçons, où ils sont castrés, n’ont pas le droit de se chamailler, sont traités comme de futurs hommes roses (ou gris), et ainsi de suite jusqu’à l’université. Le système d’éducation du Québec est une vaste entreprise de féminisation du mâle. On extirpe des coeurs toute violence et toute agressivité au lieu de discipliner et d’ennoblir ces instincts à l’origine des vieilles vertus militaires et chevaleresques garantes de la véritable paix et de la sécurité des plus faibles. On construit de cette façon un petit être inoffensif, fatigué, dépressif, aux instincts appauvris, sans résistance, et qui subit toujours. De là, le pacifisme des jeunes. Y a-t-il pire maladie morale ?

 

FAITES LE MORT, PAS LA GUERRE ! Ce défaitisme ignoble nous a été inculqué sur les genoux de nos professeurs. Nos politiciens sont des produits de cette éducation : des chiffes molles sans dignité. Cela c’est nous ! Le Québécois ressemble au dernier homme que redoutait Nietzsche. C’est en ce sens que le Québec est le théâtre des opérations. Le nouvel Adam, le produit glorieux (et ultime) de l’histoire universelle, c’est bien l’homo quebecensis, un homosexuel athée et pacifiste de gauche dont la bouille à la Michel Tremblay attend de se retrouver sur tous les timbres postes de l’Anation québécoise et qui tend les bras à Kofi Annan, pour que soit fondée sur le sinistre modèle québécois l’Anation mondiale ! Le Québec n’est tout entier qu’une maladie. Il est aussi, à sa manière, une prophétie. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? N’est-ce pas parce que nous avons imité la France ? Le totalitarisme cool à la québécoise, la décomposition arrogante, le pourrissement béat de toute une société (et non seulement d’une classe), nous viennent en droite ligne (par la gauche) de nos cousins français. La France et le Québec sont des dissociétés qui se confortent dans l’auto-adulation ("société distincte” ou “spécificité française"), l’antiaméricanisme, l’intolérance branchée, le conformisme culturel, le relativisme moral, le libéralisme extrême, une dépendance psychopathologique aux programmes sociaux, psycho-sociaux, méta-sociaux. La France et le Québec modernes, c’est l’Occident ” délivré ” du christianisme. Une proie facile !

 

Le Québec singe une France en train de crever et j’ose affirmer qu’il a dépassé son modèle. Il est vrai que la crevaison finale, lorsqu’il existe un désir sincère de ne pas être, un goût délicat d’extinction et de mensonge, une identité de plus en plus incertaine, n’est pas une tâche surhumaine. Loin de là ! L’islam dans un contexte pareil est simplement en train de terminer le travail…

 

Plusieurs ont consenti à ce qui apparaît comme une fatalité. Pas Dantec. Il a compris que l’Occident, ses libertés, sa pensée, son art, n’ont nul autre appui que le Dieu chrétien et juif, Créateur et Rédempteur. Il a donc entrepris de mettre fin à la grande crise nihiliste avant que celle-ci ne détruise l’Occident. De quoi l’accuse-t-on au bout du compte ? D’avoir greffé à des propos essentiellement raisonnables un peu de véhémence ? Eh quoi ! Il en faut lorsqu’on essaie de réveiller les morts, c’est-à-dire une gôche qui a tout bradé, l’honneur inclus, ainsi qu’une vieille droite nostalgique, neurasthénique, hystérique et paraplégique, complice de la décadence, à laquelle elle se complaît en un voyeurisme stérile et ambigu !

 

Dantec est un catholique futuriste (je mentionne que l’un des grands convertis du XXe siècle, Giovanni Papini, est issu du futurisme). Appelons catholiques futuristes ceux qui ont réussi la traversée du désert nihiliste pour enfin retrouver la Terre promise, plus splendide qu’aux premiers jours du monde. Et le voilà dans la bataille ! Qu’il est beau, qu’il est émouvant le courage du lion face aux hyènes… On le compare à Louis-Ferdinand Céline. Moi je discerne les ombres de Tertullien et de Léon Bloy, deux théophores, hagiophores, christophores et naophores (j’emploie ici le vocabulaire fastueux de saint Ignace d’Antioche), capables eux aussi d’une salutaire férocité. N’oublions jamais que nous devons affronter une énergie effrénée et vicieuse avec une vigueur virile et rationnelle (” We must meet a vicious and distempered energy with a manly and rational vigour ”, Edmund Burke).

 

Dantec nous réapprend une vertu trop dédaignée, la vertu de force. Il est bon qu’il soit parti de Nietzsche (et mieux encore qu’il ne s’y soit pas arrêté), car la vertu de force est inconsciemment (et quelquefois consciemment) méprisée par plusieurs chrétiens. Ne savent-ils plus que sans elle il n’existe ni véritable paix ni vraie justice ? La mentalité pacifiste et gauchisante est en définitive l’outil idéal pour l’islamisme et ses sbires. La lutte contre l’Islam jihadiste contribuera-t-elle à une renaissance de la France, à l’image de l’Amérique qui, elle, réussira (peut-être) sa Contre-révolution à cause de l’odieuse agression d’Al Qaeda ? L’Amérique croyait à tort avoir apprivoisé l’esprit révolutionnaire avec le libéralisme lockien et jeffersonnien. Elle ignorait que, insatiable, le principe révolutionnaire ne se contente ni de l’individualisme, ni même du collectivisme : on ne satisfait jamais un monstre dont la nature est de toujours répondre oui au mal. Pour lui, the Hell is the limit. Les meilleurs parmi les conservateurs américains ont alors compris que, s’ils ne réagissaient pas, surgirait le règne des égorgeurs, ceux-ci invités, cajolés, soutenus, par l’anomie libérale et qu’il fallait d’urgence que l’Amérique s’enracine à nouveau dans le christianisme natal qui l’a fondée. Quel spectacle et quel combat chez nos voisins du sud ! Le Joseph de Maistre américain, Orestes Brownson, enseignait déjà, en plein XIXe siècle, que le destin de l’Amérique et celui de l’Occident étaient suspendus au mouvement civilisateur universel : l’Église catholique romaine.

 

Aujourd’hui, plusieurs intellectuels américains ont recueilli la leçon du maître. Pendant ce temps, dans la Francité islamophile, le cercle des saddamistes dépités, (l’expression appartient à l’excellent Guy Millière) s’acharne contre le héros qui refuse la fin de la France, malgré la France elle-même. Osons, à la façon de Montalembert, une prédiction : le fils des croisés ne sera pas vaincu par les fils de Voltaire et par ceux de Mahomet. En tout cas, ce n’est pas la lecture, sur le site de Cancer!, des réactions d’Albert Sebag (Le Point) et de Pierre Marcelle (Libération) qui abattront un Dantec. Quel tartuffe que le premier et quel animal venimeux que le second ! Je ne me permettrai qu’une seule remarque à ces adeptes de la non-résistance à l’islam.

 

L’islamophobie, comme ils disent, est un signe de santé. Un chrétien islamophile se dénomme dhimmi (un dhimmi en devenir, comme les Français actuels, ou en fonction, comme les chrétiens du Proche Orient) ! La crainte de l’Islam est traditionnelle en Occident. Elle est en outre parfaitement justifiée par l’histoire et par la théologie. Ce n’est pas Dantec qui fait de Mahomet une des trois grandes figures de l’Antéchrist, c’est le Cardinal John Henry Newman, un exemple suprême d’urbanité (dixit l’incroyant Matthew Arnold) dans la littérature anglaise et l’un des plus grands théologiens depuis saint Thomas. Selon Newman (dans ses sermons sur l’Antéchrist), les trois grandes figures annonciatrices de l’Antéchrist sont Antiochus Épiphane, Julien l’Apostat et Mahomet. Le premier s’attaque spécifiquement à la religion (juive, évidemment). Le second est devenu empereur, quelques années après l’apparition d’une des plus terribles hérésies chrétiennes : l’arianisme. Il a d’ailleurs été éduqué par des Ariens (qui niaient la consubstantialité du Fils avec le Père et donc la divinité du Christ). L’arianisme fut pendant un certain temps quasi tout-puissant dans la chrétienté. On peut soutenir qu’il annonce l’islam et que celui-ci est bien, dans l’esprit de Newman (comme dans celui de Dantec) la grande division (plus importante que la Réforme). En ce sens, il faudrait parler de l’islam comme d’une première modernité (qui se joint en notre temps à la modernité occidentale proprement dite). L’avancée actuelle de l’islam en Europe n’est-elle pas annonciatrice de l’assaut ultime du nihilisme ? Dantec le croit : il a senti l’odeur de la bête.

 

Marcelle met sur le même plan l’antisémitisme et l’islamophobie. L’erreur est manifeste quoique nullement désintéressée ! L’antisémitisme est une abominable hérésie pour un chrétien ou un fils de chrétien, une espèce de marcionisme inconscient, un rejet de l’Ancien Testament, un crime contre la première Personne de la Sainte Trinité. Mais l’islam est l’hérésie par excellence : négation de la divinité du Christ et mépris de l’ordre naturel, une hérésie qui entraîne “la dégradation de la femme, l’esclavage de l’homme et la stérilité de la terre” (Donoso Cortès). Heureusement, il y a quelqu’un quelque part qui veille et qui résiste.

 

Jean RENAUD,

30 janvier 2004

 

Jean Renaud est le Directeur de la rédaction d’Egards, revue de résistance conservatrice - http://www.egards.qc.ca

 

Le droit de réponse de Maurice G. Dantec, REFUSÉ par Libération

 

MD-LRDM-B.gifIl existe un Paradis pour les journalistes. Comme il existe un enfer pour les écrivains.

 

Le paradis des journalistes s’appelle : LA PEUR. Et il conduit très directement à l’enfer des écrivains.

 

La Peur est le véritable maître de l’Homme de presse, c’est par elle qu’il règne, depuis bientôt 200 ans, sur la libre pensée, qu’il écrase de ses bottes à chaque occasion qui se présente. Celle-ci devient de plus en plus en rare. LA PEUR ! Son régime de domination si particulier s’est en effet instauré dans tous les esprits. Tout le monde est le flic de chacun, et de tous, et à commencer par soi-même.

 

Ernest Hello avait su, il y a plus d’un siècle, en quelques lignes fulgurantes, délimiter fermement la ligne de partage entre la peur et la crainte. La crainte c’est ce qui vous force à vous agenouiller devant la plus haute des souverainetés, et en fait elle conduit à la JOIE. La peur, créature du Diable, ne forme au final que des valets, dont l’angoisse est proportionnelle à l’ennui. Aussi, dès que par l’effet d’une sorte de hasard parfaitement impromptu, une voix ressurgit du silence, c’est-à-dire du bavardage continu qu’ils avaient cru une fois pour toute installé sous leur arbitrage, alors leur sang de navet ne fait qu’un demi-tour et leur bouche écume la rage tout juste bouillonnante des petits frustrés.

 

Pierre Marcelle est le chef de ces Archanges dont les merdicules d’encre et de papier mâché auréolent la présence plus sûrement encore que le halo des saints. Il est le Grand Vigile. Le Grand Collaborateur. Il est celui qui veut que les paroles qui sont des actes (je paraphrase à nouveau le grand Hello) cessent, immédiatement, car pour lui, la parole, il suffit de lire sa consternante prose dont on ne voudrait pas comme serpillière à urinoirs pour s’en apercevoir, la parole, pour Marcelle, c’est ce qui se répète, jusqu’à la nausée, dans les colonnes de son torchon.

 

La Peur a un seul ami. Son nom est Mensonge. Par exemple, lorsque ce triste Jdanov du Ve arrondissement se permet de dire que je me suis lié politiquement à un groupe néo-nazi, l’enflure Marcelle ne peut invoquer l’erreur : il commet sciemment un double-mensonge, comme d’autres pratiquent le double fist-fucking. Marcelle avait envoyé quelques sbires faire le sale boulot à sa place il y a une quinzaine de jours. Après tout, pourquoi paye-t-on au lance-pierre, avec des salaires de peóns brésiliens, les pigistes de Libé ?

 

Mais sa petite conjuration n’a trouvé qu’assez peu d’imbéciles pour lui emboîter le pas, mis à part ce qui fut un jour “Le Monde”. Aussi, enragé d’être forcé de constater que toute la France médiatico-culturelle ne le suivait pas comme un seul homme, prêt à brandir la tête de l’infâme au bout de sa pique, Marcelle, son courage ne parvenant pas tout à fait à se liquéfier sous lui, l’a pris à deux mains et l’a répandu dans un article dont la confection et le message rappellent fâcheusement, même certains de ses “amis” s’en sont rendus compte, les méthodes du Die Stürmer ou de la Pravda de la grande époque. Rien, absolument rien ne peut arrêter un Pierre Marcelle. Rien ne peut arrêter le nihilisme de ces petits-bourgeois de gauche, rien ne l’arrêtera, sinon sa propre agonie, qui est d’ailleurs si proche que c’est à se demander si tous ces piaillements ne signifient pas en fait que son heure, enfin, a sonné.

 

Ce qui, bien sûr, augmente d’autant la détresse du Marcelle. Le Marcelle vit dans un Monde qui doit absolument se perpétuer, c’est à dire sous la forme désormais indépassable de la contestation-marchandise.

 

Dans le Monde des Marcelle vous avez le droit d’être tout :

Vous avez le droit d’être homosexuel.

Vous avez le droit d’être athée.

Vous avez le droit d’être communiste.

Vous avez le droit d’être socialiste.

Vous avez le droit d’être écologiste.

Vous avez le droit d’être anarchiste.

Vous avez le droit d’être pro-islamiste.

Vous avez le droit d’être anti-sioniste.

Vous avez le droit d’être libéral.

Vous avez le droit d’être anti-libéral.

Vous avez le droit - et même le devoir - d’être anti-impérialiste.

Vous avez le droit (comprenons-le en fait sous le sens de “devoir") d’être anti-occidental.

vous avez le droit (devoir) d’être anti-capitaliste.

Vous avez le droit-devoir d’être contre toute “survivance de l’ordre ancien” honni.

 

Mais vous n’avez pas, bien sûr, le droit d’être “nazi”, car ce mot-valise fort pratique permet désormais d’enfermer à double tour toute pensée critique dans les oubliettes du déshonneur, mais surtout :

Vous n’avez pas le droit d’être Chrétien, et encore moins Catholique.

Vous n’avez pas le droit d’être Sioniste.

Vous n’avez pas le droit d’être opposé - théologiquement et politiquement, ce qui ne fait qu’un dans cette religion - à l’Islam (sous peine d’être taxé d’islamophobie, cette maladie mentale qui fait, comme en son temps l’anticommunisme, des dégâts sans cesse croissants dans la conscience des européens).

Vous n’avez pas le droit d’engager un dialogue poli, quoique très critique, avec des gens qui ont été enfermés dans le mot-valise des Marcelle.

Enfin, vous n’avez pas le droit de vous émouvoir, avec quelque indignation, de l’existence de centres de viol répandus par centaines dans les “cités” de notre bienheureuse “République”.

 

Les Marcelle ne veulent pas que cela s’ébruite. Car leur Paradis pourrait alors s’écrouler.

 

C’est alors que leur seule amie, la PEUR, entre en jeu. Leur Monde ne pourrait tenir sans elle, car elle est ce qui, pour le moment encore, interdit aux bouches de s’ouvrir. Mais la peur est une physique instable, elle est une créature du diable, les Marcelle s’en croient les commanditaires, ils n’en sont que les manœuvres. Et c’est pour cela que la PEUR, maintenant, leur revient à la face. Quelque chose s’est produit. Quelque chose a désorbité la peur de sa propre balistique quotidienne. Quelque chose a retourné la PEUR contre elle même. Et cette chose, ô Miracle, c’est LA PEUR ELLE-MÊME.

 

Le paradis des Marcelle n’est qu’un simulacre, un PROGRAMME. Il est à peu près aussi réel que la dernière version de SuperMario. Le Monde réel, lui, vit sous sa domination car il croit que c’est ce simulacre, le réel, et lui-même, ne lui a t-on pas assez rabâché, qui est un pur phantasme. Par exemple le type qui se fait cramer trois fois sa bagnole dans l’année vit un PHANTASME. Comme les adolescentes violées en tournantes. Comme les gens qu’on fracasse à coups de pierres parce qu’il n’auront pas donné une cigarette, comme les filles qu’on incendie avant de les jeter dans une benne à ordure.

 

Le Paradis des Marcelle n’est valable que pour les Marcelle, et leurs sous-fifres. Il n’est donc réel que pour eux. Les autres, ces pauvres phantasmes dont l’idiotie est sans cesse moquée et dénoncée par les Maîtres du Simulacron, n’ont souvent - pour survivre dans le grand camp de concentration franco-mondial - comme nourriture de subsistance que des livres. C’est pour cela que l’œil du Grand Vigile est constamment braqué sur ceux qui parviennent encore à en écrire. Car nous parlons de livres, bien sûr, pas de ces objets de consommation jetables, comme les tampons hygiéniques, que précisément la Peur a domestiqué, et propose sans cesse aux citoyens de la “République”.

 

Dans son appendicule où chaque ligne exsude de haine et d’ignorance crasse, le Roi des Marcelle ne me promet rien moins que l’Enfer! Il se fait en cela, benoîtement, l’écho des quelques rumeurs qui ont couru sur internet au sujet de ma possible ”éviction” de chez Gallimard, et qui ont, de fait, créé l’effet papillon que personne n’attendait ! Pauvre Marcelle ! Incapable d’écrire dans une langue française un tant soit peu correcte, il croit pouvoir jouer les florentins de la rue Sébastien-Bottin ! Pauvre Marcelle qui n’a pas compris que LA PEUR que lui et tous ses sbires sans cesse distillent, a mobilisé, par milliers, à ce que je sais, des lecteurs de “Dantec-le-catho-facho” qui ont CRU, en effet - et n’avaient-ils pas toutes les raisons de le faire ? - que LA PEUR, encore une fois, aurait le dessus. Car cette PEUR, c’est celle dont Pierre Marcelle fait entendre régulièrement les jappement lugubres.

 

Ils ont en effet PEUR de toute la clique qui est aux commandes de la culture, tels des Duvalier du carré germanopratin. Ils connaissent son pouvoir de nuisance. Ils vivent eux-mêmes dans la PEUR. Cette PEUR, par je ne sais quelle divine intorsion des éléments, les a alors délivrés d’elle-même. Ils ont dit : NON. Ils ont dit NON, monsieur Marcelle, nous ne voulons pas que “Dantec” rejoigne “l’enfer” dans lequel vous avez jeté déjà tant d’autres écrivains, qui ne pensent pas comme vous.

 

Ils ont dit NON à votre Paradis monsieur Marcelle : vous êtes en effet très puissant. Vous être le valet de la Peur. Regardez maintenant son Maître droit dans les yeux.

 

MgDANTEC,

 

NE PAS SUBIR

Général de Lattre

 

Pour en savoir plus: http://www.egards.qc.ca

vendredi, 09 avril 2010

Avant-Garde Fascism

Avant-Garde Fascism

antliffAvant-Garde Fascism: The Mobilization of Myth, Art, and Culture in France, 1909–1939
Mark Antliff
Durham and London: Duke University Press,  2007

Mark Antliff, a professor of Art, Art History, and Visual Studies at Duke University, has put together a useful analysis of the cultural-aesthetic memes utilized by French fascists of 1909-1939 to promote their visions of national renewal. Antliff’s analysis focuses on the connection between fascist ideologies and the European avant-garde, which most people would more likely associate with the anti-national left. Antliff is fairly even handed in the book, with the occasional use of scare quotes to express his skepticism/disdain for certain “fascist ideas.”

In contrast, I believe his use of the term “democracy” should always have scare quotes, as “democratic” systems deceive the populace into believing that someone other than self-interested elites are running the show; however, apparently, Antliff and I disagree on our political preferences. Antliff also concludes the book with a line about how the ideas of the French fascists were not able to stem the tide of the “bloodshed” caused by the military aggressions of Hitler and Mussolini (including the invasion of France). Very well. One hopes an academic will write about the real blood that has been shed imposing “equality” on “the people” – either that of the mass-murdering Marxists or the genocidal globalist multiculturalists and their plans for a multiracial West. So much for my complaints about the book. What about fascism and avant-garde aesthetics?

Roger Griffin, in his Fascism (Oxford: Oxford University Press, 1995), famously described fascism as “palingenetic populist ultra-nationalism” – making the elements of renewal, rebirth, and regeneration central to all permutations of this ideology. It is also important to differentiate between real fascism and “para-fascist” ersatz fascism. Para-fascism is often confused with real fascism in the public mind, which gives the false impression that fascism is ossified reactionary conservatism, rather than a revolutionary movement interested in avant-garde themes and ideas.

The differences between real revolutionary fascism and para-fascism are easily summarized: Para-fascist regimes are authoritarian, traditionalist, reactionary regimes, often military dictatorships, that fossilize a status quo favoring traditional elites of business, nobility, religion, and the military. Such regimes want nothing to do with the revolutionary and palingenetic aspects of true fascism; the idea that the secular religious, Futuristic, and avant-garde characteristics of, say, (early) Italian Fascism has anything to do with Franco’s Spain or Pinochet’s Chile is absurd.

fortunato_depero_1945Indeed, as Griffin makes clear, fascists and para-fascists are usually, by their very nature, bitter enemies. While para-fascists may co-opt some superficial characteristics of their fascist opponents, in power they tend to ruthlessly suppress the expression of revolutionary fascism. When para-fascism attempts to co-opt fascism by sharing power – as Antonescu attempted in Romania with the Legionaries — conflict is inevitable, since the objectives of the two parties are completely different: para-fascist ossification vs. fascist palingenetic regeneration. Thus, in Romania, civil war between para-fascists and fascists led to the victory of the para-fascists, and the exile of the fascist forces. The idea that Antonescu was “fascist” is a byproduct of either ideological ignorance or ideological mendacity, a Marxist desire to strip their fascist competitors of revolutionary dynamism and reduce them to mere “bourgeois hooligans.”

Not all fascisms were equally “fascist” and revolutionary, and even individual fascist movements have oscillated between revolutionary ideals and borderline reactionary para-fascism.

For example, Italian fascism went through three distinct phases. In the years before the seizure of power and in the first half-dozen years of Mussolini’s regime, Italian fascism was in its “purest” form – revolutionary and palingenetic – emphasizing the regeneration of the Italian people and the Italian nation-state. Avant-garde themes and theorists, particularly Futurism, were important in this period, and individuals such as Marinetti were influential in early day Italian fascism.

However, the forces of reaction and of compromise with the establishment were always present; the presence of the King and the Vatican were two impediments to the process of “fascistization” that Mussolini could not, or would not, deal with. In the end, the Concordat was a turning point and the regime’s second phase veered to the “right” in the 1930s, becoming more conservative and reactionary, replacing internal regeneration with external imperialism. Without WW II, chances were good that Italian fascism would have degenerated into a stagnant para-fascist regime similar to that of Franco’s Spain.

Military defeat and the overthrow of Il Duce stopped that process; in the last and third phase of Italian fascism, the “Salo Republic,” the ideology shifted to the left, embracing a militant socialism, and becoming overtly pan-European in scope.

What about the Hitler and the Nazis? There has been some debate as to whether German National Socialism was a form of fascism. It seems to me obvious that it was; that differences existed between the Italian and German forms of fascism is not an argument against that conclusion. All genuine fascisms displayed important differences, yet still contained within themselves the core components of Griffin’s “palingenetic populist ultra-nationalism.”

In the case of National Socialism, the palingenesis was biological; Nazism was a heavily racialized and materialist form of fascism. The German National Socialists were tribalistic in worldview rather than Futurist, and, internal debates aside; Hitler himself was very hostile to the European avant-garde.

Thus, key differences between fascist forms are observed. The German brand had the biopolitical advantage of recognizing the importance of race. On the other hand, the Italian brand had the sociopolitical advantage of a more optimistic Futurist orientation, and was more open-minded with respect to tapping into the cultural energies created by the avant-garde artistic and sociopolitical movements extant in the first decades of the twentieth century.

eur-sq-colosseoIn some sense, perhaps the “purest” brand of fascism was that of Codreanu and his “Legion of the Archangel Michael,” also known as the Iron Guard. This intensely palingenetic movement emphasized spiritual and moral regeneration to create a Romanian “New Man” to lead the nation to a higher level and fulfill the destiny of the Romanian people. This highly “virulent” form of “palingenetic populist ultra-nationalism” proved itself unable to co-exist with Antonescu’s conservative authoritarian para-fascism; the Legionary movement’s attempt to seize full power for itself (rather than share it with para-fascists; this sharing was correctly seen by the Legionaries as being an emasculating compromise of their ideology) was crushed by the para-fascist military apparatus.

Three fascisms, three different movements. But the revolutionary energies unleashed by these ideologies stand in sharp contrast to the moribund and ossified conservatism of the para-fascists. The political/cultural avant-garde (Italian), the biological-racialist (German), and the spiritual/moral (Romanian) components of these fascisms are important to us today.

And it is probably wrong to separate out the avant-garde mindset as being only applicable to the political/cultural sphere. After all, we really do need new, cutting-edge memes with respect to both materialist race and non-materialist morality. To quote a certain pro-fascist poet: “Make it new!”

Mostra 1933With respect to Antliff’s book itself, chapter topics include Sorelian myth and anti-Semitism, and the fascistic politics of Valois, Lamour, and Maulnier. The importance of Sorelian myth was underscored by a recent Michael O’Meara piece that appeared on TOQ Online. Antliff stresses that culture and aesthetics were extremely important to Sorel in his quest to formulate a doctrine of instrumentally utilizing myth to overturn the hated rationalist-capitalist-democratic system. Art is part of this aesthetic emphasis and, truth be told, Sorel focused on culture over politics; indeed, he was scornful of the power of the myth being used and squandered for low-level political aims.

Further, Sorel went through a distinctly “anti-Semitic” phase, in which Jews were considered the exemplars of ultra-rationalist anti-creators, whose worldview set them in opposition to native peoples and native cultural expressions and aesthetics. Opposing the pro-Dreyfus “French” journal La revue blanche, Sorel sarcastically referred to the journal’s Jewish founders as “two Jews come from Poland in order to regenerate our poor country, so unhappily still contaminated by the Christian civilization of the seventeenth century.” Sorel accused Jewish intellectuals of wanting to promote an abstract (i.e., non-ethnic, non-national, non-cultural) concept of (French) citizenship and to also promote “cosmopolitan anarchy.”

Related to this “anti-Semitism,” Sorel admired and promoted the Classical World; the values of classical heroes, such as the Greeks at Thermopylae, were something counterpoised against the Jewish ethic and the degeneration of parliamentary democracy.

Sorel considered art as related to the creativity of work, a creativity that he wished to inculcate into the “productive workers” in place of assembly line mass capitalism and rationalized “one man-one vote” democracy. He also considered an enlightened “proletariat” as being able to reinvigorate a stagnant bourgeoisie through class conflict.

Georges Valois, 1878–1945

Georges Valois, 1878–1945

Georges Valois (born Alfred-Georges Gressent) went through a wide variety of ideological contortions in his lifetime, from fascism to “libertarian communism,” ending up dying in a Nazi concentration camp after being captured as a member of the “French Resistance.” While such an unbalanced individual represents much of what is wrong with the “movement” (changing your mind is one thing – completely switching your worldview from one moment to the next is another), some of his activities during his “fascist stage” are of interest.

Particularly enlightening is the focus on the urbanism of Le Corbusier, which stands in contrast to much of the American “movement” and its anti-urbanist emphasis on militant ruralism. No doubt, in the West today, the city is an anti-white, anti-Western disaster, full of racial enemies. No doubt as well that throughout much of human history, the city was an unhealthy and sterilizing place, inimical to racial survival and racial progress.

However, in our modern technological age, if we can solve our racial problems, the city itself does not necessarily have to be a racial evil. As part of a natural continuum of human ecologies – isolated rural, rural, suburban/town, small city, larger cities, etc. – the city may play an important role in the Futurist racial ethnostate of tomorrow, a place of technological advancement, racially healthy avant-garde memes, and sociopolitical dynamism. Racial nationalism can and should be reconciled to a certain degree of urbanism – not the urbanism of degeneration, but that of regeneration.

This of course underlies a schism within activism that often goes unnoticed – between modernist, technological tribalist-racialist Futurism and a ruralist anti-technological ecotribalism. It is clear that the French fascists described by Antliff for the most part fall into the first group. Thus, a major divide exists between the Futurist-Modernist fascists (think Marinetti in Italy) and the ruralist soil-oriented romantic past-oriented fascists (think Darre in Germany, or the agrarian-nostalgic Vichy regime in France).

Of course, a healthy society needs both worldviews, and in practical terms a balance is required. For example, Valois incorporated a “love for the native soil” along with his Futurist mindset. Indeed, Valois contrasted “Asiatic nomadness” associated with communism with the “Latin sedentary” style — derived from “cultured Roman legions” — of the French, tied to the native soil and inclined to fascism. He also associated the hated nomadic lifestyle with capitalism, since hyper-rational capitalism uprooted the workers from grounding in an organic society and turned them into atomized, rootless “nomads.”

A related issue is the relationship between Futurism and the veneration of the past. Antliff makes clear that the emphasis on the past in fascism (e.g., the Greco-Roman classical world) was not meant to mean turning back the clock and shunning progress. Instead, this look to the past was, paradoxically, futurist, in that the fascists wanted to take from the past certain noble values and behaviors and use these to help build the modern, technological world of tomorrow. Therefore, one need not discard the past to build a new future, but judiciously use elements of the past as necessary building blocks for the projected futurist edifice. Different strands of fascist thought need not be incompatible, just as common ground must be found between the tribalist futurist and tribalist ruralist strands of modern racial nationalist thought.

Another French fascist, Philippe Lamour, also went through many ideological “twists and turns,” ultimately rejecting fascism in favor of anti-fascism and syndicalism. Lamour originally represented the fascist variant of “machine primitivism” – that is, an anti-rationalist “new consciousness attuned to the dynamism of technology.” Thus, urban industrialism, technology, productivity, and futurist modernism need not be associated with “rational” egalitarianism but with tribalistic fascism. Lamour wished to create a “community of producers” integrating the different classes of French society to overturn liberal democracy in favor of a modernist technologically dynamic fascist state.

Early French fascists such as Lamour also promoted the idea of a European federation, and attempted to make common cause with more pan-European and “leftist” German National Socialists, such as the Strasserian “Black Front,” who favored European cooperation as opposed to Hitler’s hegemony through military conquest. Not coincidentally, before he fell into Hitler’s orbit, Mussolini also favored an alliance of European (fascist) states, promoted through the doctrine of “Roman Universality,” with practical expression through events such as the pan-fascist Montreux conference.

Lamour’s greatest contribution to French fascism was the promotion of the “conflict of generations,” pitting the younger fascistic generation of WW I against the older generation of parliamentary democrats. This latter group was seen as being out of touch with the new age of national regeneration, avant-garde culture and politics, Sorelian myth, as well as technological productivity. Lamour and his “war generation” were at the forefront of the battle of youth vs. the image of fossilized reactionary status quo politicians.

Aesthetically, the work of German artist Germaine Krull and even Soviet filmmaker Sergei Eisenstein influenced the avant-garde sensibilities of “machine primitive” young French fascists such as Lamour. Antliff summarizes Lamour’s unique contribution to the ideology of interwar French fascism as the melding of “machine aesthetics” to the concept of generational warfare. Thus, to Lamour, technological dynamism and the replacement of the ossified previous generation with fresh youth were the Sorelian myths required to spark an era of national renewal.

Thierry Maulnier, 1908–1988

thierry-maulnier

Thierry Maulnier (born Jacques Talagrand), author of “Crisis Is in Man,” had as his concept of Sorelian myth “classical violence.” Within the journal Combat, Maulnier and colleagues opposed the leftist French Popular Front’s Marxist-themed “culture” with their own view of aesthetics in architecture and sculpture. Antliff describes Combat’s as focusing on “three interrelated spheres: political institutions, human spirituality, and aesthetics.” The classicism of the Maulnier school promoted the idea of a “synthesis of Dionysian energy and Apollonian restraint.”

Politically, Maulnier wished for a form of French fascism that rejected parliamentary democracy but which still supported the rights and aspirations of the individual, as opposed to what was perceived as the more authoritarian and collectivist societies of Fascist Italy and National Socialist Germany. These distinctions between French and other fascisms became more salient after Mussolini fell into Hitler’s orbit and became hostile to French national interests. Indeed, before the start of WW II, Maulnier advocated a “minimal fascist program” for France that would be both a short-term “fix” to bolster the French military for confrontation with the Axis, as well as preparation for the long-term and permanent fascistic remodeling of society after the Axis threat had dissipated.

It must be noted that the Valois, Lamour, and Maulnier fascist ideologies, while linked together by a palingenetic call for national renewal and a rejection of parliamentary democracy, did differ in important ways. In particular, the classicism of Maulnier can be contrasted with the militant futurism and “machine primitivism” of Lamour. Although Antliff stresses that the French fascist focus on the classical world does not necessarily imply a rejection of modernism per se, the specific differences between Maulnier and Lamour were the greatest of any of the individuals profiled by Antliff. Valois and Lamour both embraced the image of “industrial production” as a central motif of their ideology; however, while Lamour spun together a myth of generational conflict, Valois instead emphasized a “spirit of victory” in which the heroism of WW I will now be turned to a battle of the entire nation to create an organized fascist-industrial society. Of these three men, it was Lamour who was the most steadfastly “avant-garde” in cultural-aesthetic orientation, Maulnier the least.

Crude ethnic stereotyping may lead one to conclude that an emphasis on art, culture, and aesthetics in the creation of fascist ideology was (and is) a particularly “French” phenomenon. Of course, other fascist movements were concerned with these issues, sometimes to a significant extent, but none of them incorporated such memes into the core of the political thinking as did French fascist thinkers. Indeed, the cultural-aesthetic emphasis of the French strain of fascism is a breath of fresh air after immersion in the more focused political thought of the Italian Fascists and the racialist ideals of the German National Socialists.

In fact, all three areas of focus – cultural-aesthetic, political, and racialist – are required for a complete memetic complex to promote fascistic ideals. As a biological reductionist, I would emphasize the racialist first of all, but doing so with respect to modern genetic science rather than the sort of quackery that passed as “racial science” under the Nazis. However, biological racialism by itself is not enough. Without an edifice of political and cultural-aesthetic memes, the foundation of ultimate interests will go nowhere.

Related to this issue of political aesthetics, I was impressed by Alex Kurtagic’s analysis of “semiotic systems” and the importance of style in shaping perceptions of status within nationalist memes. This is important. Of course, the enemy will, as a matter of course, attempt to oppose this approach through co-option and/or mockery.

Co-option is a problem for any memetic threat to establishment power; for example, the GOP has effectively co-opted “rightist, racist” concerns through the exploitation of “implicit whiteness.” This strategy has enabled the Republicans to retain white support while at the same time moving continuously leftward in the direction of overtly anti-white policies.

Thus, while aesthetics and style are important, they always must be innately linked to content to prevent the establishment from utilizing the same semiotic systems to promote the exact opposite of our objectives. Dealing with co-option will be difficult, and it is crucially important that the problem be analyzed from the beginning in a proactive fashion.

In other words, right from the start, the construction of unique avant-garde racial-nationalist semiotic systems must incorporate strategies for preventing co-option and dealing with co-option if these preventive measures fail. Therefore, we must identify, in advance, as many problems with each approach as possible, and develop multiple contingency plans for dealing with each emergent counter-move of the establishment.

Mockery is also a problem; the establishment, utilizing its control of the mass media and its stable of celebrity puppets, can subject any racial-nationalist semiotic system to a barrage of withering ridicule. It is important that the elitist and superior nature of the system be of sufficient strength that adherents can turn around such ridicule and assert it as a matter of pride and not shame. In other words, the establishment ridicule itself must be mocked as the pathetic attempts of a dying and out-of-touch system to delegitimize a novel movement of which they are afraid.

Again, careful planning is required to plan against the establishment’s ridicule strategy, but if both co-option and mockery can be successfully dealt with, the semiotic-aesthetic strategy has a chance to achieve its objectives. And those objectives are, in essence, to defuse the “social pricing” attacks of the establishment against racial-nationalist activists and adherents, by providing an alternative value system opposed to, and independent of, establishment standards and acceptance.

In summary, Antliff has dissected a particularly interesting and heretofore unexplored strain of French fascism characterized by an embrace of avant-garde cultural concepts, modernism, Futurism, productivity and the planned society, urbanism and industrial technology, exemplified by so-called “machine primitivism.”

With today’s worries of “peak oil,” and concerns that the multiracial West will collapse, visions of decentralized ruralistic tribalism have again become prominent in nationalist thought. However, the white man is endlessly inventive, and free of the shackles of genocidal globalist multiculturalism, the technological genius of whites, so unleashed, may provide the foundation for a Futurist, technologically advanced and tribalist society. Such a society would have options for both the urbanist technological and ruralist agrarian lifestyles for those whose preferences are for one or the other.

Although I am sure he is an “anti-fascist,” Antliff’s work helps us to consider one technological Futurist option. The major conclusion from both Antliff’s and Kurtagic’s analyses is that staid and conformist methods for sociopolitical activism may be best replaced, at least in part, by avant-garde memes that let some “fresh air” into stale “movement” environs.

Published:

mardi, 06 avril 2010

Louis-Ferdinand Céline par Ioannis Mouhasiris

Louis-Ferdinand Céline par Ioannis Mouhasiris

vendredi, 02 avril 2010

Bulletin célinien n°318

Le Bulletin célinien n°318 - Avril 2010

Au sommaire:
- Marc Laudelout :
Bloc-notes
- *** : Ce 1er juillet 1961…
- Kléber Haedens : Ce qui maintenant commence… [1961]
- M. L. : 1940, du désastre à l’espoir
- Bente Karild : Un ultime témoignage
- Gilles Roques : Quelques lectures de Céline au Cameroun en décembre 1916
- Claude Duneton : Céline et la langue populaire
- Frédéric Saenen : Basta cosi !
Un numéro de 24 pages, 6 € franco.
Le Bulletin célinien
B. P. 70

B 1000 Bruxelles 22
Belgique

Le Bulletin célinien n°318 - Bloc-Notes

Dans une récente chronique, l’avocat Jacques Trémolet de Villers évoque le Céline pamphlétaire : « Quand Céline blague, il le fait dans une outrance verbale, et dans un chant qui, par le style même, détruit ce qui pourrait paraître une horrible et désastreuse théorie : que le monde moderne serait gouverné, de Washington à Moscou et de Londres à Tel-Aviv, par les juifs. Céline se moque de lui-même et de son propre antisémitisme. Céline met en musique, en peinture et presque en danse la râlante gauloise et parisienne. Il la transforme en œuvre d’art, comme Goya le faisait de ses monstres. Ce qui lui importe, c’est le petit bijou que, dans ses courts chapitres, sans cesse corrigés et réécrits, il arrive à ciseler. Au bout du travail de l’artiste, la méchanceté s’est envolée. Il faut être niais comme un antiraciste primaire pour prendre au pied de la lettre le propos, qui n’a été prétexte, pour l’artiste, qu’à faire son œuvre d’art (1). »
Toute la complexité et l’ambivalence des écrits antisémites de Céline affleure dans ces commentaires. Sur le sujet – cette fameuse tradition polémique du « culte de la blague » –, Nicholas Hewitt a donné des commentaires pertinents (2). Bien avant Trémolet de Villers, Gide lui-même avait refusé une interprétation littérale du texte pour y déceler un élément ludique et satirique (3). Et l’on sait que certains, à l’instar de Maurice Bardèche, préfèrent qualifier de satires (au moins Bagatelles) ces écrits qui ne répondent pas précisément à la définition donnée par les dictionnaires du terme « pamphlet » (4).
On peut aussi penser qu’en adoptant cette forme, Céline s’est en quelque sorte piégé lui-même, ne parvenant pas toujours à se faire prendre au sérieux ni par ses adversaires, ni par ses thuriféraires. À l’un de ceux-ci, il s’en est expliqué : « J’aurais pu donner dans la science, la biologie où je suis un peu orfèvre. J’aurais pu céder à la tentation d’avoir magistralement raison. Je n’ai pas voulu. J’ai tenu à déconner un peu pour demeurer sur le plan populaire (5). » Après 1945, cette « déconnade » constituera un bouclier précieux face aux attaques. Comment prendre en considération et dès lors condamner un antisémitisme qui a les apparences de la rigolade ? De la même façon, certains, figurant dans le même camp, lui témoignèrent une condescendance amusée, jugeant l’énergumène outrancier ou frivole.
Certes, Trémolet n’a pas tort : Bagatelles se veut une œuvre littéraire. Doublement même puisque ce livre déploie un manifeste esthétique. Mais c’est aussi un écrit de combat stigmatisant ce que Céline nomme les « juifs synthétiques », c’est-à-dire les aryens sans culture, aliénés, colonisés. « L’Art n’est que race et patrie », s’écriera-t-il dans Les Beaux draps, appelant alors de ses vœux un sursaut de la part d’un peuple dont il flétrit le manque de réactivité. Vis comica à l’appui, Céline espère conjurer, convaincre et susciter avant d’être repris par un pessimisme foncier.


Marc LAUDELOUT



Notes

1. Jacques Trémolet de Villers, « Le siècle juif ? » [à propos du livre de Yuri Slezkine, Le Siècle juif, La Découverte, 2009], Présent, 10 février 2010.
2. Nicolas Hewitt, « L’antisémitisme de Céline. Historique et culte de la blague » in Études inter-ethniques, Annales du CESERE (Centre d’Études supérieures et de Recherches sur les Relations ethniques et le Racisme), n° 6, Paris, Université Paris XIII, 1983. Repris dans Le Bulletin célinien, n° 215, décembre 2000, pp. 13-21.
3. André Gide, « Les Juifs, Céline et Maritain », La Nouvelle revue française, 1er avril 1938.
4. Ce terme désignant un texte court, ce qui, hormis Mea culpa, n’est pas la caractéristique des écrits en question. (« Bagatelles était une satire, une sorte d’Île des Oiseaux, comme dans Rabelais. », dixit Maurice Bardèche, Louis-Ferdinand Céline, La Table ronde, 1986, p. 180).
5. Lettre à Henri-Robert Petit datant de 1938 in L’Année Céline 1994, Du Lérot-IMEC Éditions, 1995, p. 76.

"Acéphale": The Headless Monster of "Modern" Masculinity

Jack DONOVAN:
Acéphale
The Headless Monster of "Modern" Masculinity

acephale_gf.jpgIn 1936, while staying at the coastal village of Tossa de Mar with artist
André Masson, George Bataille envisioned the Acéphale, pictured above. The Acéphale was a headless monster who symbolized man's rejection of hierarchy and God and his escape from the boredom of civilization into a life lost to the pursuit of fascination. Bataille was determined to bring about his leaderless, communal, ecstatic age of chaos through a sacred conjuration, and to this end he formed a secret society. As the tale goes, members of the Acéphale Society performed clandestine rituals -- one notably celebrating the decapitation of Louis XVI. However, the true conjuration sacrée required a human sacrifice. To bring about a new age of the crowd, of survivors held "in the grip of a corpse," someone needed to become the Acéphale. Someone needed to lose his head.

It never happened.

But it may as well have, because modern man has truly lost his head.

Modern man has the body of a Man. He has manly strength, sinew, reflexes and appetites. But he lacks direction, purpose, an ideal. He lacks virtus -- manly virtue. Modern man, like any freshly beheaded corpse, twitches and thrashes about destructively without his head to guide him. I cannot help but see this, and in observing this gruesome, sloppy spectacle I stand aghast alongside feminists and other "modernizers" of masculinity. However, I know that while headless, modern man is a monster -- a beast -- it is idealized, fully embodied and focused that Man is most fearsome and awe inspiring. Modern man flails about because he is ultimately impotent. Traditional Man is terrifyingly potent.

Masculinity has always changed. Men have been writing and speaking and arguing about what makes a man throughout history. As the particulars of a society change, the prevailing model of masculinity becomes more nuanced or more brutal according to need.

When men helmed Western civilization, they maintained a smooth continuity through changing times because they knew themselves. They knew what men were, they knew what men could -- and could not -- become. They knew what stirred their own souls, they knew how to speak to each other and reach common ground. They knew the kinds of ideas that would take their own hearts and move them into battle with swords or muskets, in animal skins or sharp uniforms. They knew that in peacetime men could not be ruled by fear alone, that masculine ideals and codes of honor would reveal both the stronger and the nobler aspects of a man even when he was not being watched. Men were able to carve a hard jaw, a stern brow and a proud, noble chin for mankind because they knew themselves. They knew how to shape a head that fit the body of a Man. Embodied Man had a rich and sustaining bloodline; he lived and thrived in the context of history and Tradition.

"Modern," headless man has no life-sustaining bloodline. Women and men with counter-masculine, alien, anti-Western agendas have successfully severed him from his history of heroes, ideals and the world of masculine Tradition. Traditional Man is their fearsome enemy, the agent of their supposed oppression and the Man to blame for all violence and what they call injustice. Their project is one of ressentiment --to cast the heroic Traditional man as the ultimate villain, and to ennoble their own set of "virtues" as the ideal.

(T)he problem with the other origin of the "good," of the good man, as the person of ressentiment has thought it out for himself, demands some conclusion. It is not surprising that the lambs should bear a grudge against the great birds of prey, but that is no reason for blaming the great birds of prey for taking the little lambs. And when the lambs say among themselves, "These birds of prey are evil, and he who least resembles a bird of prey, who is rather its opposite, a lamb,-should he not be good?" then there is nothing to carp with in this ideal's establishment, though the birds of prey may regard it a little mockingly, and maybe say to themselves, "We bear no grudge against them, these good lambs, we even love them: nothing is tastier than a tender lamb."

-- Friedrich Nietzsche, On the Genealogy of Morality


The wealth and luxury of the modern world have made possible an age of the lamb, and oh how the eagle is cursed!

Women, the
weakest men, men with an exploited sense of chivalry and misguided advocates for men are struggling to fashion a sheep's head for the eagle. But that project, too, is an unnatural, bloodless monstrosity. Frankenstein's work. The head doesn't fit. The body of Man rejects it, shrugs it off and remains headless. The enemies of Men toil under the assumption that the age of the sheep will last forever, and that the eagle must don a sheep's head if he is to survive at all.

Forever is a very long time.

The project for Traditional Man is first an archeological one. He venture out onto the lake of ice and recovers the frozen remains of Man's severed head. What follows is an anthropological project. He must study
paleo-masculinity; he must reverse engineer the head and understand the mechanics of masculinity as it functioned before Man's beheading. He must understand what came before, and repair his connection with his bloodline.

The sheep are crafting a world and a "modern" masculinity meant only for sheep. Eagles have no place in it.

But the age of sheep can't last forever. It is artificially ordered, unbalanced, unsustainable. The meek have inherited the earth, but by the very nature of their meekness they will be unable to keep it.

Traditional Man must find and keep his head, his manhood's redoubt. It is difficult to find and walk a path of honor in a world that is hateful to honor. It's a lonely path. But ultimately, every man is alone with his Honor.


Ennio Morricone is playing.


Eventually, an Interphase will come.

And another Age of Eagles.
Jack Donovan

Jack Donovan

Jack Donovan is a poor, blue-collar man made out of muscle and blood who moonlights as an advocate for the resurgence of patriarchal, paleo-masculine values among the Men of the West. He is a contributor to The Spearhead, as well as the author of Androphilia and co-author of Blood Brotherhood and Other Rites of Male Alliance. Mr. Donovan lives and works in Portland, Oregon.

lundi, 29 mars 2010

Louis Ferdinand Céline - An Anarcho-Nationalist

Louis Ferdinand Céline — An Anarcho-Nationalist 

Tom Sunic 

March 24, 2010 

In his imaginary self-portrayal, the French novelist Louis-Ferdinand Céline (1894–1961) would be the first one to reject the assigned label of anarcho-nationalism. For that matter he would reject any outsider’s label whatsoever regarding his prose and his personality. He was an anticommunist, but also an anti-liberal. He was an anti-Semite but also an anti-Christian. He despised the Left and the Right. He rejected all dogmas and all beliefs, and worse, he submitted all academic standards and value systems to brutal derision.

Briefly, Céline defies any scholarly or civic categorization. As a classy trademark of the French literary life, he is still considered the finest French author of modernity — despite the fact that his literary opus rejects any academic classification. Even though his novels are part and parcel of the obligatory literature in the French high school syllabus and even though he has been the subject of dozens of doctoral dissertations, let alone thousands of polemics denouncing him as the most virulent Jew-baiting pamphleteer of the 20th century, he continues to be an oddity eluding any analysis, yet commanding respect across the political and academic spectrum. 

Can one offer a suggestion that those who will best grasp L.F. Céline must also be his lookalikes — the replicas of his nihilist character, his Gallic temperament and his unsurpassable command of the language?   

Cadaverous Schools for Communist and Liberal Massacres     

The trouble with L.F. Céline is that although he is widely acclaimed by literary critics as the most unique French author of the 20th century and despite the fact that a good dozen of his novels are readily available in any book store in France, his two anti-Semitic pamphlets are officially off limits there.  

Firstly, the word pamphlet is false. His two books, Bagatelles pour un massacre (1937) and Ecole des cadavres (1938), although legally and academically rebuked as “fascist anti-Semitic pamphlets,” are more in line with the social satire of the 15th century French Rabelaisian tradition, full of fun and love making than modern political polemics about the Jewry. After so many years of hibernation, the satire Bagatelles finally appeared in an anonymous American translation under the title of Trifles for a massacre, and can be accessed online 

 Louis-Ferdinand Céline

The anonymous translator must be commended for his awesome knowledge of French linguistic nuances and his skill in transposing French argot into American slang. Unlike the German or the English language, the French language is a highly contextual idiom, forbidding any compound nouns or neologisms. Only Céline had a license to craft new words in French. French is a language of high precision, but also of great ambiguities. Moreover, any rendering of the difficult Céline’s slangish satire into English requires from a translator not just the perfect knowledge of French, but also the perfect knowledge of Céline’s world.  

Certainly, H.L. Mencken’s  temperament and his sentence structure sometimes carry a whiff of Céline. Ezra Pound’s toying with English words in his radio broadcasts in fascist Italy also remind  a bit of Céline’s style. The rhythm ofHarold Covington’s narrative and the violence of his epithets may remind one a wee of Celine’s prose too.  

But in no way can one draw a parallel between Céline and other authors — be it in style or in substance. Céline is both politically and artistically unique. His language and his meta-langue are unparalleled in modern literature.

To be sure Céline is very bad news for Puritan ears or for a do-good conservative who will be instantly repelled by Céline’s vocabulary teeming as it does with the overkill of metaphorical “Jewish dicks and pricks.”        

Trifles is not just a satire. It is the most important social treatise for the understanding of the prewar Europe and the coming endtimes of postmodernity. It is not just a passion play of a man who gives free reign to his emotional outbursts against the myths of his time, but also a visionary premonition of coming social and cultural upheavals in the unfolding 21st century. It is an unavoidable literature for any White in search of his heritage.     

These weren’t Hymie jewelers, these were vicious lowlifes, they ate rats together… They were as flat as flounders. They had just left their ghettos, from the depths of Estonia, Croatia, Wallachia, Rumelia, and the sties of Bessarabia… The Jews, they now frequent the guardhouse, they are no longer outside… When it comes to crookedness, it is they who take first place… All of this takes place under the hydrant! with hoses as thick as dicks! beside the yellow waters of the docks… enough to sink all the ships in the world…in a décor fit for phantoms…with a kiss that’ll cut your ass clean open…that’ll turn you inside out. 

The satire opens up with imaginary dialogue with the fictional Jew Gutman regarding the role of artistry by the Jews in the French Third Republic, followed by brief chapters describing Céline’s voyage to the Soviet Union.  

Between noon and midnight, I was accompanied everywhere by an interpreter (connected with the police). I paid for the whole deal… Her name was Natalie, and she was by the way very well mannered, and by my faith a very pretty blonde, a completely vibrant devotee of Communism, proselytizing you to death, should that be necessary… Completely serious moreover…try not to think of things! …and of being spied upon! nom de Dieu!…

…The misery that I saw in Russia is scarcely to be imagined, Asiatic, Dostoevskiian, a Gehenna of mildew, pickled herring, cucumbers, and informants… The Judaized Russian is a natural-born jailer, a Chinaman who has missed his calling, a torturer, the perfect master of lackeys. The rejects of Asia, the rejects of Africa… They were just made to marry one another… It’s the most excellent coupling to be sent out to us from the Hells. 

When the satire was first published in 1937, rare were European intellectuals who had not already fallen under the spell of communist lullabies. Céline, as an endless heretic and a good observer refused to be taken for a ride by communist commissars. He is a master of discourse in depicting communist phenotypes, and in his capacity of a medical doctor he delves constantly into Jewish self-perception of their physique... and their genitalia. 

The peculiar feature of Céline narrative is the flood of slang expressions and his extraordinary gift for cracking jokes full of obscene humors, which suddenly veer off in academic passages full of empirical data on Jews, liberals, communists, nationalists, Hitlerites and the whole panoply of famed European characters. 

But here we accept this, the boogie-woogie of the doctors, of the worst hallucinogenic negrito Jews, as being worth good money!… Incredible! The very least diploma, the very least new magic charm, makes the negroid delirious, and makes all of the negroid Jews flush with pride! This is something that everybody knows… It has been the same way with our own Kikes ever since their Buddha Freud delivered unto them the keys to the soul!  

Mortal Voyage to Endtimes  

In the modern academic establishment Céline is still widely discussed and his first novels Journey to the End of the Night and Death on the Installment Plan are still used as Bildungsroman for the modern culture of youth rebellion. When these two novels were first published in the early 30’s of the twentieth century, the European leftist cultural establishment made a quick move to recuperate Céline as of one of its own. Céline balked. More than any other author his abhorrence of the European high bourgeoisie could not eclipse his profound hatred of leftist mimicry.  

Neither does he spare leftists scribes, nor does he show mercy for the spirit of “Parisianism.” Unsurpassable in style and graphics are Céline’s savaging caricatures of aged Parisian bourgeois bimbos posturing with false teeth and fake tits in quest of a rich man’s ride. Had Céline pandered to the leftists, he would have become very rich; he would have been awarded a Nobel Prize long ago.  

In the late 50’s the bourgeoning hippie movement on the American West Coast also tried to lump him together with its godfather Jack Kerouac, who was himself enthralled with Céline’s work. However, any modest reference to hisBagatelles or Ecole des Cadavres has always carefully been skipped over or never mentioned. Equally hushed up is Céline’s last year of WWII when, unlike hundreds of European nationalist scholars, artists and novelists, he miraculously escaped French communist firing squads or the Allied gallows.    

His endless journey to the end of the night envisioned no beams of sunshine on the European horizon. In fact, his endless trip took a nasty turn in the late 1944 and early 1945, when Céline, along with thousands of European nationalist intellectuals, including the remnants of the French pro-German collaborationist government fled to southern Germany, a country still holding firm in face of the oncoming disaster. The whole of Europe had been already set ablaze by death-spitting American B17’s from above and raping Soviet soldiers emerging in the East. These judgment day scenes are depicted in his postwar novels D’un château l’autre (Castle to Castle)  and Rigodoon.   

Céline’s sentences are now more elliptic and the action in his novels becomes more dynamic and more revealing of the unfolding European drama. His novels offer us a surreal gallery of characters running and hiding in the ruins of Germany. One encounters former French high politicians and countless artists facing death — people who, just a year ago, dreamt that they would last forever. No single piece of European literature is as vivid in the portrayal of human fickleness on the edge of life and death as are these last of Céline’s novels.  

But Céline’s inveterate pessimism is always couched in self-derision and always stung with black humor. Even when sentenced in absentia during his exile inDenmark, he never lapses into self pity or cheap sentimentalism. His code of honor and his political views have not changed a bit from his first novel.  

Upon his return to France in 1951, the remaining years of Céline’s life were marred by legal harassment, literary ostracism, and poverty. Along with hundreds of thousands Frenchmen he was subjected to public rebuke that still continues to shape the intellectual scene in France. Today, however, this literary ostracism against free spirits is wrapped up in stringent “anti-hate” laws enforced by the thought police —  70 years after WWII! Stripped of all his belongings, Céline, until his death, continued to use his training as a physician to provide medical help to his equally disfranchised suburban countrymen.  Always free of charge and always remaining a frugal and modest man.

Tom Sunic (http://www.tomsunic.info; http://doctorsunic.netfirms.com) is author, translator, former US professor in political science and a former diplomat. His new book, Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity, prefaced by Kevin MacDonald, has just been released.Email him.

 

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mercredi, 24 mars 2010

Muray est grand et Luchini est son prophète

Muray est grand et Luchini est son prophète

Philippe-Muray_2334.jpgSamedi, 15 h, théâtre de l’Atelier. Fabrice Luchini vient tranquillement s’assoir près d’une table couverte de livres. La salle est comble. Il avait déjà enchanté les fans de grands textes avec ses lectures de Nietzsche, de La Fontaine et d’autres auteurs de calibre. Il s’attèle cette fois-ci à l’œuvre de Philippe Muray, l’écrivain contempteur de la société hyperfestive et des rebellocrates, polémiste de haut vol disparu en 2006.

Dès la première phrase, le public est conquis. La lecture de Luchini est, pour Muray, plus qu’un hommage, une seconde vie. L’évidence s’impose. Une alchimie s’est produite entre l’impertinence géniale de l’écrivain et l’insolence talentueuse du comédien. Le phrasé unique de ce dernier, sa force d’évocation sans égale donnent toute sa plénitude au texte assassin. Face au règne du Grotesque, usurpateur, c’est un tyrannicide littéraire de la bêtise contemporaine.

Ce qui fait de cette dernière un sujet inédit, selon Muray, c’est le triste mérite d’ajouter, aux formes éternelles du ridicule, l’esprit de sérieux qui suinte aujourd’hui en permanence du nihilisme content de soi.

C’est l’étalage surréaliste, la mise en scène autocentrée de l’Homo Festivus, si fier de succéder à l’homme de l’Histoire et de la différenciation. Aussi, à travers la parole jubilatoire de Luchini, l’auteur de L’Empire du Bien a-t-il à cœur de ne rater aucune de ses cibles. Sa verve énergique volatilise ainsi le culte infantéiste, la peur de la maturité et les fantasmes régressifs qui les traduisent. Son brio décapant pulvérise l’émergence des « agents d’ambiance » et autres « accompagnateurs petite enfance », ces nouveaux emplois créés par Martine Aubry en curieuse amatrice de sots métiers. 

En fin analyste des ressorts profonds du romantisme, il met à jour la démission du bobo ordinaire devant le tragique de la vie, refusant par là-même la frontière pourtant féconde entre beauté et laideur, dignité et petitesse. Les modulations de la voix de Luchini donnent alors tout l’écho mérité au propos lucide de Muray, quand il arrache souverainement le masque du Bien à la banalité du mal, aux petits intérêts sordides qui ne s’avouent plus à eux-mêmes, faute de référent.

Sous les tirs ajustés de cet auteur de grande race, l’époque nous apparaît bel et bien sans l’emballage habituel. On patauge dans le pathos, le moralisme de terreur, le théâtre de rue, le « sourire de salut public », la manie du débat à tout propos, où l’on disserte démocratiquement, avec un minimum d’encadrement médiatique tout de même, d’objets sans consistance définie : un peu de tout et beaucoup de rien.

Si cette liberté de ton vous enthousiasme, n’hésitez pas, le 22 ou le 29 mars, à vous rendre au théâtre de l’Atelier. Un artisan du verbe y célèbre un maître du pamphlet. Muray est grand, et le temps d’une lecture inspirée, Luchini est son prophète.

Philippe Gallion

Texte paru sur le blog du Choc du mois [1] sous le titre « Muray par Lucchini ».


Article printed from :: Novopress.info France: http://fr.novopress.info

URL to article: http://fr.novopress.info/53263/muray-est-grand-et-luchini-est-son-prophete/

URLs in this post:

[1] Choc du mois: http://blogchocdumois.hautetfort.com/archive/2010/03/16/muray-par-luchini.html

lundi, 22 mars 2010

Del rapporto tra volo e scrittura in Saint-Exupéry

saintEX.jpgDel rapporto tra volo e scrittura in Saint-Exupéry

Autore: Fiorenza Licitra /

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

Robert Brasillach, scrittore e critico cinematografico del secolo scorso, rimproverò Saint-Exupéry di aver scritto della sua esperienza d’aviatore, asserendo che solo chi non ha esperito un mestiere e la sua arte sia in grado di parlarne con semplicità e stupore, al contrario di chi, conoscendoli bene, tende più a infiorare il racconto di sfarzi.

Come a dire che la caccia al leone può raccontarla meglio un animalista che un Hemingway.

L’autore del Volo di notte non ha bisogno di apologie, ha già fatto da sé spiegando all’ingenuità di Brasillach che un mestiere non è il risultato di una serie di regole contenuta in un manuale tecnico e non è neanche un’esperienza esteriore che vive di resoconti teorici, ma è  più la storia intima di un’azione fisica e sensuale.

Quello su cui a tal proposito vale la pena riflettere è la stretta connessione che c’è tra il volo e la scrittura, che non sono mondi dispari ed estranei, ma talmente affini da essere metafora l’uno dell’altra.

E’ grazie alle pagine di Saint-Exupéry che, se non si apprende la tecnica del volo, se ne vive tuttavia l’intima riflessione, la sospensione dal tempo e il legame con lo spazio.

Dalle sue rotte sospese l’aviatore-scrittore crea «una topografia celeste, più importante di quella terrestre, d’ordine quasi occulto, poiché si esprime solo attraverso i segni»: interpreta così le curve delle dune, decifra il colore della sabbia – scuro o tenero per un atterraggio di fortuna -, scopre che di notte la nebbia è una forma di luce e che le bianche pieghe del mare insegnano l’avversità del vento.

Accostandosi al misterioso linguaggio della natura, il cui alfabeto muto è denso di significati e di rimandi, stringe un tessuto di relazioni con il mondo grazie al quale «una pianura si fa più verde e diventa più pianura, un villaggio più villaggio».

Saint-Exupéry sa che apprendere un nuovo linguaggio, sottostando a quelle che sono le regole del gioco – tradotte a volte anche nei colpi di fucile dei Mauri – sia la vera meta del viaggiatore, a differenza del semplice turista che, ancorato alle sue convenzioni, dei luoghi coglie solo l’esotico e il pittoresco, gli aspetti più insignificanti del viaggio.

E’ nella scrittura che il pilota francese trasferisce la dialettica appresa in cielo: nei suoi racconti come nei suoi romanzi si trova la visione perspicua del mondo, la relazione con la notte e i suoi abissi, o quella con il deserto del Sahara, che delinea l’infinita ricerca del senso attraverso la simbologia del viaggio e il viaggio nella simbologia.

La letteratura non è forse questo? Non è la dimensione in cui l’uomo manifesta, mediante la parola scritta, la sua imperscrutabile relazione simbolica con il mondo? In Saint-Exupéry lo è senz’altro.

L’autore, senza utilizzare gerghi tecnici, traccia nero su bianco la rotta di stelle percorsa durante le traversate, affidando alle pagine il proprio sentimento di tenerezza per la sera che scende sulla città, che lo schianta molto più di quanto oserebbe la paura di un pericolo imminente, quella del vuoto e della morte.

A sostenere il suo lungo volo così come i suoi versi – è molto probabile che sia un poeta – è la necessità interiore, la cui voce si sente appena nel frastuono delle distrazioni e nelle abitudini indotte, ma che diviene forte e chiara quando un uomo è solo.

Ecco un altro aspetto sostanziale che accomuna il pilota allo scrittore: la solitudine di chi passeggia tra gli astri, in cerca di “un’unica stella su cui abitare”, è della stessa pasta di quella di chi prova a disegnare sulla mappa di un foglio bianco un fiume capace di toccare ogni regione del suo pensiero e ogni paese in cui dimora un sentimento. E’ una solitudine fatta d’inquietudine, di strade ignote e volti lontani, ma anche di fitte relazioni con il circostante al quale ci si accosta più facilmente quando lo si pensa, lo si immagina, lo si sente interiormente.

Infine quello che lega indissolubilmente i due mestieri, o meglio le due arti, dell’uomo Saint-Exupéry è il sogno: il pilota, che dal cielo immagina una donna in particolare o le schiene doppie dei cammelli, sogna allo stesso modo dello scrittore che, impugnando una penna, segue una visione più forte del vero.

Saint-Exupéry troverà la morte nel Luglio del 1944, mentre sorvola l’Île de Riou, a sud di Marsiglia. Nonostante le lunghe ricerche, durate anni, il suo corpo non è mai stato ritrovato, ma è normale che sia così: non lo troverete in fondo al mare, ma sul pianeta del Piccolo Principe a guardare – quando la malinconia lo coglierà forte – quarantatré tramonti in compagnia di una rosa.

Per il resto del tempo sarà più facile scorgerlo mentre «si esercita agli attrezzi tra le stelle», come quell’equilibrista del volo e della scrittura che fu.

Non bisogna cercarlo in fondo al mare, non è laggiù; più facile, invece, sarà trovarlo mentre si esercita agli attrezzi tra le stelle, come quell’equilibrista del simbolo che è.

mercredi, 17 mars 2010

Nouveautés sur le blog http://lepolemarque.blogspot.com

Landsknechts-Speisstragers-1.jpg

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Les articles de Laurent Schang

Joseph Kessel en Sibérie

Entretien avec Jean-Dominique Merchet: "Nous sortons de l'époque des guerres faciles"

 

 

dimanche, 14 mars 2010

La correspondance de Céline en Pléiade

La correspondance de Céline en Pléiade

Nonfiction.fr, 25/01/2009 : “Être de la Pléiade” est une des grandes obsessions littéraires des dernières années de Céline, “fameuse idée” qui lui vient dès 1956, et dont il sera question dans une bonne partie de ses lettres à Gaston Gallimard : “Les vieillards, vous le savez, ont leurs manies. Les miennes sont d’être publié dans La Pléiade.” C’est chose faite un an après sa mort, et parachevée par la parution de cette anthologie, qui rassemble 50 ans de correspondances, dont une partie inédite. Avec ce volume, la maison Gallimard met la dernière pierre à son entreprise de réédition des correspondances céliniennes . Céline aura pourtant donné du fil à retordre à ses fondateurs. S’il rend hommage à la NRF de l’avoir généreusement accueilli, c’est pour préciser entre parenthèses “avec 20 ans de retard”. La veille de sa mort, cet enragé menace Gallimard, s’il n’augmente pas les termes de son contrat, de louer un tracteur et de “défoncer la NRF”. Constamment persuadé d’être floué, il reproche à Gallimard de ne pas faire assez de publicité pour ses livres, de ne pas le remercier pour sa dédicace dans Féerie pour une autre fois, de ne pas répondre assez vite à ses lettres, mais trouve en celui-ci un interlocuteur à sa mesure, qui ne se laisse nullement démonter par ses lettres les plus déchaînées : “Vraiment Céline, vous m’étonnez, en vous lisant j’ai cru lire du Jarry.”

Il faut dire que le monde littéraire n’a jamais eu les faveurs de Céline. Au fil de ses lettres, il balance, à droite à gauche, ces “petites vacheries acidulées” dont il a le secret. La littérature est “cette grande partouze des vanités” dans laquelle les éditeurs, “parasites goulus”, les prix littéraires, “crise de grande canaillerie”, les “confrères”, vaniteux et jaloux, “Si tu veux voir les pires abrutis d’un pays, demande à voir les écrivains” écrit-il à Milton Hindus, sont l’objet d’une détestation particulière. Céline, “la première vache du pré Denoël”, “le cheval courageux qui a tiré toute sa cargaison de navets”, serait la proie de toutes les jalousies depuis la sortie du Voyage : son entrée trop éclatante en littérature fait de lui “la bête à abattre”.

Ça commençait plutôt bien, pourtant : aux antipodes du héros de Mort à Crédit, ses lettres d’enfance envoyées à ses parents lors de ses séjours linguistiques en Angleterre et en Allemagne, dressent le portrait d’un fils aimant et attentionné, qui apprend le piano et le violon “avec ardeur”, remercie ses parents pour les sacrifices qu’ils font pour lui, et compte les jours qui le séparent de leurs retrouvailles. On est étonné par l’autorité qui se dégage de ces lettres, où Destouches multiplie descriptions caustiques et adresses sentencieuses. À 15 ans, alors que sa tante Joséphine est sur le point de mourir, il recommande à sa mère de soutenir son oncle “En un mot, puisque tout espoir est perdu, cherche à lui préparer une autre vie plutôt que de le consoler de la présente.” L’appareil critique est attentif à repérer les motifs qui nourriront la future œuvre célinienne, y compris les plus prosaïques : les pardessus, les cols de chemise, l’abcès de la mère, le cresson, et surtout la traversée de la Manche, ancêtre de l’épique traversée en mer de Mort à Crédit. Second temps, le front, “spectacle d’horreurs”, “odyssée lamentable”, qui met en scène Céline en soldat courageux et patriote, récompensé de la médaille militaire, bien différent du Bardamu du Voyage. Le souvenir de la guerre apparaît dans la correspondance avec Joseph Garcin, autre ancien combattant de 14, comme le déclencheur de l’écriture, rempart à l’oubli, résistance à la dislocation des choses : “Vous le savez mon vieux, sur la Meuse et dans le Nord et au Cameroun j’ai bien vu cet effilochage atroce, gens et bêtes et loi et principes, tout au limon, un énorme enlisement – je n’oublie pas. Mon délire part de là.”

Les lettres des années 1930, et la diversité des interlocuteurs avec lesquelles elles sont échangées, constituent autant d’éclairages sur l’itinéraire intellectuel de Céline. Hantise de la décadence, ultrapessimisme mais aussi anti-intellectualisme de plus en plus forcené, antisémitisme larvé jusqu’en 1935, obsessionnel et proliférant dans toutes les correspondances à partir de 1936, en sont les traits les plus saillants. “Je suis ici l’ennemi numéro un des Juifs” se félicite Céline après la parution de Bagatelles pour un massacre, ce qui rend ses tentatives de justification d’après guerre assez dérisoires. Ces années sont également celles de la mise en place d’une figure d’ouvrier des lettres, Céline s’appliquant, comme il le fera toute sa vie, à désamorcer tous les clichés romantiques de la création littéraire : “Cette sorte d’état second, joie créatrice soi-disant ! Quelle merde !” Écrire, c’est avant tout “gagner du pèze”, pour “se tirer d’embarras matériels”. Les termes d’œuvre, et même de manuscrit sont écartés, au profit d’un vocable plus prosaïque : “blot”, “ours”, “machin”, “monstre”. Céline, qui signait ses lettres d’Afrique “des Touches”, se réclame à présent du peuple. Intéressante à ce titre la comparaison entre les lettres à Joseph Garcin, aventurier un peu voyou, proxénète à ses heures uni à Céline par les souvenirs de 14 et une “camaraderie de bordel” et à Élie Faure, jusqu’à leur rupture en 1935. “Vous êtes au nerf – vous accrochez la vie, comme moi vous êtes curieux, vous savez le prix des choses, vous n’êtes pas allé au lycée commun.” écrit-il au premier en 1933, et dans une de ses dernières lettres à Faure : “Vous ne savez pas ce que je sais. Vous avez été au lycée.” Ce rejet du lycée, de la culture scolaire, est lié à une conception de l’écriture du côté du nerf, de la viande, de la fibre, qui, débarrassée des médiations savantes, puise dans l’émotion directe, poétique à laquelle se greffe la problématique antisémite : pour Céline, Proust écrit “tarabiscoté” parce qu’il est juif, et encombré d’un trop-plein de médiations culturelles .

Autre période où l’épistolier se montre particulièrement prolifique : les années d’exil au Danemark. La plainte, et son revers, l’agression, forment la véritable toile de fond de la correspondance. En 1945, il commente ainsi son sort, alors que Le Monde a publié dès avril 1945 les premiers témoignages des rescapés des camps nazis : “Je crois que rien d’aussi monstrueux aucun fanatisme aussi enragé ne se soit jamais abattu sur une sorte d’hommes, ni juifs, ni chrétiens, ni communards n’ont connu une unanimité d’Hallali aussi impeccable.” Le ton est donné : l’Histoire est passée au filtre des récits délirants, des haines obsessionnelles qui font de Céline une victime sacrificielle, aux prises avec une “ménagerie de monstres” déchaînés. Son séjour au Danemark est transfiguré en un tableau qui tient à la fois de Shakespeare, de Breughel, et d’Ensor : La Baltique : “La Baltique est pas regardable. La Sépulcrale je l’appelle et les bateaux rares, des cercueils, les voiles : des crêpes.” Staegersallee, où il a logé : “C’est le nid, le repaire, la taverne des sorcières maléficieuses” ; Karen Jensen, qui l’a hébergé : “une sorcière de Macbeth, en plus pillarde, canaille”. Korsor, où il habite trois ans, “une sévérité de mœurs et de paroles et d’allure à faire crever 36 Calvins”.

Les correspondances sont également l’espace où s’élabore bien avant les Entretiens avec le professeur Y, un art poétique “égrené en images” . Images connues du “métro émotif” ou du “bâton tordu”, mais aussi images de l’écriture en “forêt tropicale”, pleine de lianes à abattre, en château à extirper d’une “sorte de gangue de brume et de fatras”, en “statue enfouie dans la glaise” à nettoyer, déblayer. À certains privilégiés, Céline expose les éléments maîtres de sa poétique : le rendu émotif, “Je sais bien l’émotion avec les mots, je ne lui laisse pas le temps de s’habiller en phrase”, la musique, la danse, demandant à son traducteur de respecter “le rythme dansant du texte”, “toujours au bord de la mort, ne pas tomber dedans”. On retrouve dans ces lettres tout ce qui fait le génie du style célinien, dans une version brute, impulsive, surexcitée – on sait que Céline, s’il était conscient de la valeur de sa correspondance, ne retravaillait pratiquement pas ses lettres. C’est encore lui qui parle le mieux du célèbre style Céline. Dans une lettre à la NRF de 1949, il expose ainsi ses ambitions littéraires : “rendre la prose française plus sensible, raidie, voltairisée, pétante, cravacheuse et méchante”, “style surtendu”, composé de “menues surprises”, d’infimes torsions de la langue, et d’une superposition aussi savante qu’instinctive des registres les plus divers.

Car Céline sait faire toutes les voix, et c’est pourquoi malgré la monotonie de ses plaintes et de ses colères, il lasse rarement son lecteur : il parle tantôt comme un moraliste du XVIIe siècle, égrenant sentences pascaliennes et aphorismes de son cru, tantôt comme un maquereau. Sur l’amour, par exemple, ce “bouquin que nous achetons tous à un moment de notre vie”. Non que ce soit un sujet sur lequel il convient de discourir : “Le sexe dure trois secondes. On en écrit pendant trois siècles – Quelle histoire !” Mais quand Marie Canavaggia, sa secrétaire et l’une de ses principales correspondantes, commet le tort de s’aventurer sur un terrain sentimental, Céline s’il se prétend retiré des affaires, tient à rappeler une fois pour toutes qu’il est de l’“école Cascade”, et oppose aux sentiments “accessoires et froufrouteurs” de Marie son propre idéal de santé et sa vigueur de ton. “La vie est trop courte pour se torturer d’abstinences idiotes et les hommes organisent les privations et les tortures avec trop de zèle pour que j’y ajoute des rosaires ! et des rosières ! Foutre Dieu non ! Seulement la force manque ! Les femmes ont des réserves sensuelles ‘tropicales’ ne l’oubliez pas, les plus prudes, les plus réservées et les plus piaffants lovelaces ne sont à leurs côtés jamais que de miteux velléitaires.” On est quasiment dans du Laclos quand elle lui demande de lui retourner ses lettres et qu’il s’exécute, maussade. “Ramassez toute cette brocaille !” intime-t-il à la malheureuse.

La variété des registres produit des effets comiques, parfois involontaires. Le 7 février 1935, Céline envoie deux lettres, la première, assez élégiaque, à Karen Jensen, une amie danoise : “Poésie d’abord Karen, et poésie c’est continuité d’une histoire qui va si possible de l’enfance à la mort”. L’autre à son traducteur, John Marks, en prévision d’un voyage à Londres : “Préparez-moi, mon vieux, un cul bien anglais pour ce séjour.” À travers ces lettres, c’est un vaste spectacle à plusieurs voix qui est mis en scène, où le tragique côtoie bien souvent le grotesque. La guerre est une “ignoble tragédie”, son procès une comédie où son avocat se prend pour une actrice, et Céline lui-même tantôt clown, tantôt “vieil acrobate vieillard qui remonte au trapèze”, quand au Danemark, il se remet à écrire, tantôt moraliste observateur de ce spectacle des vanités.

Ces correspondances constituent à la fois un observatoire de choix sur le parcours de Céline et la genèse des romans, et par la virtuosité du style, une pièce même de l’œuvre célinienne. L’appareil critique est particulièrement riche et éclairant, même si une notice présentant les principales figures de cette galerie de correspondants aurait pu apporter plus de commodité à une lecture souvent complexe. “Serrer au plus près l’énigme Céline”, comme le propose Henri Godard dans sa préface, n’est pas pour autant l’élucider. 1936 constitue le seuil à partir duquel un noyau obscur, harangues antisémites et paranoïa galopante, résiste à toute logique. Il y a l’amertume du Goncourt raté et de la mauvaise réception de Mort à Crédit. Il y a aussi que la pulsion, la violence forment le carburant de l’écriture romanesque, et pas seulement des pamphlets. Autoproclamé écrivain de la haine, Céline s’est cependant toujours refusé à reconnaître ce à quoi l’expression des siennes l’a amené à participer

Camille KOSKAS

Louis-Ferdinand Céline, Lettres, Gallimard Pléiade, 2009.
Merci à Pierre L.

samedi, 13 mars 2010

Tout sur Céline, chaque jour...

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Tout sur Céline, chaque jour:

le Bulletin célinien n°317/mars 2010

Le Bulletin célinien n°317 - mars 2010

Au sommaire:
- Marc Laudelout :
Bloc-notes
- M. L. : « Céline dans Tovaritch » (suite)
- Robert Le Blanc & Étienne Nivelleau : « Autour de la correspondance »
- *** : « Trois céliniens commentent Lettres »
- Pierre Lalanne : « Albert Paraz, l’homme-orchestre »
- Albert Paraz : « D’un château l’autre » [1957]
- Jacques Aboucaya : « Paraz à découvrir »
- *** : « Albert Paraz et L’Express »
- P.-L. Moudenc : « La correspondance de Céline à Paraz ».

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22
Belgique

C’est un documentaire attrayant que la Société Européenne de Production a réalisé sur Céline à la demande du Conseil général des Hauts-de-Seine(1). Il s’intègre dans une série de portraits de personnalités ayant vécu dans cette partie de la petite couronne d’Île-de-France. Ce ne sont pas seulement les dix dernières années de la vie de l’écrivain qui sont traitées dans ce film, même si elles sont naturellement privilégiées. Au moyen d’images d’archives, c’est tout l’itinéraire de l’écrivain qui est retracé. L’ensemble, de belle facture, s’ouvre par des prises de vues aériennes, excusez du peu, de la « Villa Maïtou ». Autre intérêt du film : on peut y voir une belle brochette de « céliniens historiques », François Gibault, Henri Godard, Philippe Alméras, Frédéric Vitoux — plus le benjamin de l’équipe, David Alliot. Chacun, dans le style qui lui est propre, évoque l’homme et l’œuvre. Des témoins interviennent également : Christian Dedet (écrivain et médecin comme lui), Geneviève Frèneau (sa voisine à Meudon), Judith Magre (élève du cours de danse de Lucette), Madeleine Chapsal (qui réalisa la fameuse interview que l’on sait). Des extraits des trois entretiens télévisés (Dumayet, Parinaud, Pauwels) sont égrenés tout au long du film. De la belle ouvrage assurément.
Fallait-il choisir comme conseiller historique Fabrice d’Almeida, auteur à succès d’un livre sur La vie mondaine sous le nazisme ? Dans ce film, il ne craint pas d’affirmer que, sous l’Occupation, « l’antisémitisme de Céline contribue et va dans le sens de l’extermination qui est en cours ». Pour être sûr d’être bien compris, il ajoute : « Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : Céline a même dit qu’il fallait liquider les juifs ». C’est, on le voit, aller beaucoup plus loin que tous les céliniens très critiques à l’égard du pamphlétaire. Qu’ils l’acceptent ou non, ceux qui interviennent dans le film se voient ainsi indirectement associés aux affirmations de cet historien. L’un de ceux-ci évoqua jadis « le problème du sens à donner au langage paroxystique célinien »(2). Tout le problème est là, en effet. C’était à propos de la fameuse lettre à Alain Laubreaux parue dans Je suis partout en 1941. Céline concluait de la sorte : « Cocteau décadent, tant pis ! Cocteau, Licaïste, liquidé ! ». Si on met cette lettre en parallèle avec celle que Céline adresse à Cocteau lui-même peu de temps après, la perspective n’est plus exactement la même(3).
Il faut noter que ce documentaire va connaître une importante audience puisqu’il est d’ores et déjà commercialisé sous la forme d’un coffret DVD. Il va en outre être diffusé sur trois chaînes de télévision(4). C’est dire le retentissement qu’auront les dires d’Almeida. On peut penser que cette question épineuse aurait méritée d’être plutôt traitée par les biographes de l’écrivain(5).

Marc LAUDELOUT


Notes
1. Céline à Meudon (2009). Réalisation : Nicolas Craponne. Producteur : Société Européenne de Production à la demande du Conseil général des Hauts-de-Seine pour la collection « Un lieu, un destin ». Durée : 52’.
2. Philippe Alméras, « Quatre lettres de Louis-Ferdinand Céline aux journaux de l’Occupation », French Review, avril 1971. Repris dans Philippe Alméras,
Sur Céline, Éditions de Paris, 2008, pp. 11-23.
3. Lettre de Céline à Jean Cocteau in Cahiers Céline 7 (« Céline et l’actualité, 1933-1961 »), Gallimard [ Les Cahiers de la Nrf ], 2003, pp. 230-231.
4. Les chaînes « TV5 Monde », « Histoire » et France 5. Par ailleurs, le coffret a été envoyé dans les établissements scolaires, les bibliothèques et médiathèques des Hauts-de-Seine. Il est vendu (45 €) dans les musées départementaux. Les autres écrivains évoqués dans cette collection sont Chateaubriand, Charles Péguy et Paul Léautaud. Le DVD seul sera vendu 12 €. Le film peut être vu sur le site www.vallee-culture.fr ainsi que sur le blog
http://lepetitcelinien.blogspot.com.
5. Sur ce sujet, voir, par exemple, ce qu’écrit Claude Duneton : « Il est bien malaisé d’apprécier sans passion, et sur de justes balances, l’état d’esprit qui régnait à l’époque. Malgré tout ce que l’on a pu dire ensuite, le public – dont Céline faisait partie – n’avait guère le moyen de connaître, sur le moment même, les horreurs qui étaient en train de se commettre dans les camps nazis. Que l’on fût pro-hitlérien ou résistant, personne ne pouvait imaginer à quelles lugubres extrémités conduisait la haine raciale… » (
Bal à Korsør. Sur les traces de Louis-Ferdinand Céline, Grasset, 1994).

samedi, 27 février 2010

Michel Tournier: parcours philosophique

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

Michel Tournier: parcours philosophique

 

tournier.jpgMichel Tournier est un écrivain qui compte et son œuvre peut être abordée selon de multiples perspec­tives. Jean-Paul Zarader a choisi celle de la philosophie dans une étude intitulée Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier: un parcours philosophique. Il donne ainsi ses raisons: «Cet ouvrage a voulu prendre au sérieux l'affirmation de Michel Tournier: “Je n'écris pas pour les enfants, j'écris de mon mieux. Et quand j'approche mon idéal, j'écris assez bien pour que les enfants aussi puissent me lire”. On s'est donc appliqué a lire Vendredi ou la vie sauvage  et à en esquisser un commentaire, sans ja­mais se référer à cette première version que constitue Vendredi ou les limbes du Pacifique. Quant au caractère philosophique du commentaire, il résulte d'une simple évidence: c'est que nul ne peut, le voudrait-il, se renier. Or Tournier est philosophe de formation et, loin de renier la philosophie, il n'a ja­mais cessé de la considérer comme la racine de son œuvre littéraire». Cet essai est suivi d'un entretien inédit avec Michel Tournier dont nous citerons un des propos: «Le principal enseignement de l'ethnographie, qui débouche sur l'idéalisme, est qu'il n'y a pas la Civilisation et le reste des sauvages, mais des civilisations, parmi lesquelles la nôtre, celle de la France de 1995 qui ne sera pas tout à fait la même que celle de la France de 1996. Et puis, il y a la civilisation des Eskimos, des Pygmées, des Papous... Il faut étudier ces civilisations. Le drame, c'est que la civilisation occidentale moderne a pour effet de détruire toute autre civilisation qui l'approche. Ainsi les Eskimos, qui avaient une civilisation solide et cohérente dans un milieu très défavorable, se sont effondrés dès lors que les Américains les ont touchés» (Jean de Bussac).

 

Jean-Paul ZARADER, Vendredi ou la voie sauvage de Michel Tournier: un parcours philosophique, Editions Vinci, 1995, (135-141, rue du Mont-Cenis, F-75.018 Paris), 222 pages, 110 FF.

samedi, 20 février 2010

Céline vient de débarquer

celine_1_louis-ferdinand-celine-0045_1262086184.jpgCéline vient de débarquer...

Lucien Rebatet

Ex: http://zentropa.splinder.com/

"Quand un matin du début de novembre 1944, le bruit se répandit dans Sigmaringen : « Céline vient de débarquer », c’est de son Kränzlin que le bougre arrivait tout droit. Mémorable rentrée en scène. Les yeux encore pleins du voyage à travers l’Allemagne pilonnée, il portait une casquette de toile bleuâtre, comme les chauffeurs de locomotive vers 1905, deux ou trois de ses canadiennes superposant leur crasse et leurs trous, une paire de moufles mitées pendues au cou, et au-dessus des moufles, sur l’estomac, dans une musette, le chat Bébert, présentant sa frimousse flegmatique de pur parisien qui en a bien connu d’autres. Il fallait voir, devant l’apparition de ce trimardeur, la tête des militants de base, des petits miliciens : « C’est ça, le grand écrivain fasciste, le prophète génial ? » Moi-même, j’en restais sans voix.  Louis-Ferdinand, relayé par Le Vigan, décrivait par interjections la gourance de Kränzlin, un patelin sinistre, des Boches timbrés, haïssant le Franzose, la famine au milieu des troupeaux d’oies et de canards. En somme, Hauboldt était venu le tirer cordialement de ce trou, et Céline, apprenant l’existence à Sigmaringen d’une colonie française, ne voulait plus habiter ailleurs.

La première stupeur passée, on lui faisait fête. Je le croyais fini pour la littérature. Quelques mois plus tôt, je n’avais vu dans son Guignol’s Band qu’une caricature épileptique de sa manière (je l’ai relu ce printemps, un inénarrable chef d’œuvre, Céline a toujours eu dix, quinze ans d’avance sur nous). Mais il avait été un grand artiste, il restait un grand voyant.  Nous nous sommes rencontrés tous les jours pendant quatre mois, seul à seul, ou en compagnie de La Vigue, de Lucette, merveilleuse d’équilibre dans cette débâcle et dans le sillage d’un tel agité. Céline, outre sa prescience des dangers et cataclysmes très réels, a été constamment poursuivi par le démon de la persécution, qui lui inspirait des combinaisons et des biais fabuleux pour déjouer les manœuvres de quantités d’ennemis imaginaires. Il méditait sans fin sur des indices perceptibles de lui seul, pour parvenir à des solutions à la fois aberrantes et astucieuses. Autour de lui, la vie s’enfiévrait aussitôt de cette loufoquerie tressautante, qui est le rythme même de ses plus grands bouquins. Cela aurait pu être assez vite intolérable. Mais la gaité du vieux funambule emportait tout.

Le « gouvernement » français l’avait institué médecin de la colonie. Il ne voulait d’ailleurs pas d’autre titre. Il y rendit des services. Abel Bonnard, dont la mère, âgée de quatre-vingt-dix ans, se mourait dans une chambre de la ville, n’a jamais oublié la douceur avec laquelle il apaisa sa longue agonie. Il pouvait être aussi un excellent médecin d’enfants. Durant les derniers temps, dans sa chambre de l’hôtel Löwen, transformée en taudis suffocant (dire qu’il avait été spécialiste de l’hygiène !) il soigna une série de maladies intrinsèquement célinesques, une épidémie de gale, une autre de chaudes-pisses miliciennes. Il en traçait des tableaux ébouriffants.  L’auditoire des Français, notre affection le ravigotaient d’ailleurs, lui avaient rendu toute sa verve. Bien qu’il se nourrît de peu, le ravitaillement le hantait : il collectionnait par le marché noir les jambons, saucisses, poitrines d’oies fumées. Pour détourner de cette thésaurisation les soupçons, une de ses ruses naïves était de venir de temps à autre dans nos auberges, à l' « Altem Fritz », au « Bären », comme s'il n'eût eu d'autres ressources, partager la ration officielle, le « Stammgericht », infâme brouet de choux rouges et de rutabagas. Tandis qu'il avalait la pitance consciencieusement, Bébert le « greffier » s'extrayait à demi de la musette, promenait un instant sur l'assiette ses narines méfiantes, puis regagnait son gîte, avec une dignité offensée.

— Gaffe Bébert ! disait Ferdinand. Il se laisserait crever plutôt que de toucher à cette saloperie... Ce que ça peut être plus délicat, plus aristocratique que nous, grossiers sacs à merde ! Nous on s'entonne, on s'entonnera de la vacherie encore plus débectante. Forcément !

Puis, satisfait de sa manœuvre, de nos rires, il s'engageait dans un monologue inouï, la mort, la guerre, les armes, les peuples, les continents, les tyrans, les nègres, les Jaunes, les intestins, le vagin, la cervelle, les Cathares, Pline l'Ancien, Jésus-Christ. La tragédie ambiante pressait son génie comme une vendange. Le cru célinien jaillissait de tous côtés. Nous étions à la source de son art. Et pour recueillir le prodige, pas un magnétophone dans cette Allemagne de malheur ! (Il en sort à présent cinquante mille par mois chez Grundig pour enregistrer les commandes des mercantis noyés dans le suif du « miracle » allemand.)

Dans la vaste bibliothèque du château des Hohenzollern Céline avait choisi une vieille collection de la Revue des Deux Mondes, 1875-1880. Il ne tarissait pas sur la qualité des études qu'il y trouvait : « Ça, c'était du boulot sérieux... fouillé, profond, instructif... Du bon style, à la main... Pas de blabla. » C'est la seule lecture dont il se soit jamais entretenu devant moi. Il était extrêmement soucieux de dissimuler ses « maîtres », sa « formation ». Comme si son originalité ne s'était pas prouvée toute seule, magnifiquement.

De temps à autre, quand nous nous promenions tous deux sans témoin, le dépit lui revenait de sa carrière brisée, mais sans vaine faiblesse, sur le ton de la gouaille :
— Tu te rends compte ? Du pied que j'étais parti... Si j'avais pas glandé à vouloir proférer les vérités... Le blot que je me faisais... Le grand écrivain mondial de la « gôche »... Le chantre de la peine humaine, de la connarderie absurde... Sans avoir rien à maquiller. Tout dans le marrant, Bardamu, Guignol, Rigodon... Prix Nobel... Les pauvres plates bouses que ça serait, Aragon, Malraux, Hemingway, près du Céline... gagné d'avance... Ah ! dis donc, où c'est que j'allais atterrir !... « Maî-aître »... Le Nobel... Milliardaire... Le Grand Crachat... Doctor honoris causa... Tu vois ça d'ici !

Bien entendu, il ne fut pas question un seul instant d’employer Céline à une propagande quelconque, hitlérienne ou française. Moi-même, tout à fait indifférent aux bricolages « ministériels », je passai l’hiver à compulser les livres d’art du Château et à grossir le manuscrit de mon roman, les Deux Etendards.

Nous devions en grande partie ces privilèges à notre ami commun, le cher Karl Epting, qui avait dirigé l’Institut allemand à Paris, le vrai lettré européen, demeuré d’une francophilie inaltérable, même après les deux années de Cherche-Midi dont il paya.

Outre  cette amitié précieuse, la mansuétude de tous les officiers allemands était acquise à Céline. Et il la fallait très large, pour qu’ils pussent fermer leurs oreilles à ses sarcasmes. Car Louis-Ferdinand était bien le plus intolérant, le plus mal embouché de tous les hôtes du Reich. Pour tout dire, il ne pardonnait pas à Hitler cette débâcle qui le fourrait à son tour dans de si vilains draps. C’était même le seul chapitre où il perdît sa philosophie goguenarde, se fît hargneux, méchant. Par réaction, par contradiction, l’antimilitariste saignant du Voyage se recomposait un passé, une âme de patriote à la Déroulède. Ah ! l’aurai-je entendu, le refrain de son fait d’armes des Flandres, « maréchal des logis Destouches, volontaire pour une liaison accomplie sous un feu d’une extrême violence », et du dessin qui l’avait immortalisé à la première page de l’Illustré National.

– En couleurs… Sur mon gaye… Au galop, le sabre au vent… Douzième cuirassier !... Premier médaillé militaire sur le champ de bataille de la cavalerie française… C’est moi, j’ai pas changé. Présent !... qui c’est qui me l’a tiré ma balle dans l’oreille ? C’est pas les Anglais, les Russes, les Amerlos… J’ai jamais pu les piffer, moi les Boches. De les voir se bagotter comme ça partout, libres, les sales « feldgrau » sinistres, j’en ai plein les naseaux, moi, plein les bottes !

– Mais enfin, Louis, tu oublies. Ils sont chez eux, ici !

– J’oublie pas, j’oublie pas, eh ! fias ! C’est bien la raison… Justement… Les faire aux pattes, sur place ! Une occasion à profiter, qui se retrouvera pas… Au ch’tar, les Frizons, tous, les civils comme les griviers. Au « Lag », derrière les barbelés, triple enceinte électrique… Tous, pas de détail. Voilà comment je la vois, moi, leur Bochie.

Il écumait, réellement furieux. Alors qu’il reniflait des traquenards sous les invites les plus cordiales, qu’il se détournait d’un kilomètre pour éviter une voiture dont le numéro ne lui paraissait « pas franc », il se livrait devant les Allemands à son numéro avec une volupté qui écartait toute prudence. Karl Epting avait projeté de constituer, pour notre aide, une Association des intellectuels français en Allemagne. Un comité s’était réuni, à la mairie de Sigmaringen. Céline y avait été convié, en place d’honneur. Au bout d’une demi-heure, il l’avait transformée en pétaudière dont rien ne pouvait plus sortir.

Un dîner eut lieu cependant le soir, singulièrement composé d’un unique plat de poisson et d’une kyrielle de bouteilles de vin rouge. De nombreuses autorités militaires et administratives du « Gau » s’étaient faites inviter, friandes d’un régal d’esprit parisien. Il y avait même un général, la « Ritterkreuz » au cou. Céline, qui ne buvait pas une goutte de vin, entama un parallèle opiniâtre entre le sort des « Friquets », qui avaient trouvé le moyen de se faire battre, mais pour rentrer bientôt chez eux, bons citoyens et bons soldats, consciences nettes, ne devant des comptes à personne, ayant accompli leur devoir patriotique, et celui des « collabos » français qui perdaient tout dans ce tour de cons, biens, honneur et vie. Alors ; lui, Céline, ne voyait plus ce qui pourrait l’empêcher de proclamer que l’uniforme allemand, il l’avait toujours eu à la caille, et qu’il n’avait tout de même jamais été assez lourd pour se figurer que sous un pareil signe la collaboration ne serait pas un maléfice atroce. Mais les hauts militaires avaient décidé de trouver la plaisanterie excellente, ils s’en égayèrent beaucoup, et Ferdinand fut regretté quand il alla se coucher.

Les Allemands passaient tout à Céline, non point à cause de ses pamphlets qu'ils connaissaient mal, mais parce qu'il était chez eux le grand écrivain du Voyage, dont la traduction avait eu un succès retentissant. Le fameux colonel Boemelburg lui-même, terrible bouledogue du S.D. et policier en chef de Sigmaringen, s'était laissé apprivoiser par l'énergumène. Il fallait bien d'ailleurs que Céline fût traité en hôte exceptionnel pour être arrivé à décrocher le phénoménal « Ausweis », d'un mètre cinquante de long, militaire, diplomatique, culturel et ultra-secret, qui allait lui permettre, faveur unique, de franchir les frontières de l'Hitlérie assiégée.

Il n'avait pas fait mystère de son projet danois : puisque tout était grillé pour l'Allemagne, rejoindre coûte que coûte Copenhague, où il avait confié dès le début de la guerre à un photographe de la Cour son capital de droits d'auteur, converti en or, et que ledit photographe avait enterré sous un arbre de son jardin. L'existence, la récupération ou la perte de ce trésor rocambolesque n'ont jamais pu être vérifiées. Mais sur la fin de février ou au début de mars, on apprit bel et bien que Céline venait de recevoir le mythique « Ausweis » pour le Danemark.

Deux ou trois jours plus tard, pour la première fois, il offrit une tournée de bière, qu'il laissa du reste payer à son confrère, le docteur Jacquot. À la nuit tombée, nous nous retrouvâmes sur le quai de la gare. Il y avait là Véronique, Abel Bonnard, Paul Marion, Jacquot, La Vigue, réconcilié après sa douzième brouille de l'hiver avec Ferdine, deux ou trois autres intimes. Le ménage Destouches, Lucette toujours impeccable, sereine, entendue, emportait à bras quelque deux cents kilos de bagages, le reliquat sans doute des fameuses malles, cousus dans des sacs de matelots et accrochés à des perches, un véritable équipage pour la brousse de la Bambola-Bramagance. Un lascar, vaguement infirmier, les accompagnait jusqu'à la frontière, pour aider aux transbordements, qui s'annonçaient comme une rude épopée, à travers cette Allemagne en miettes et en feu. Céline, Bébert sur le nombril, rayonnait, et même un peu trop. Finis les « bombing », l'attente résignée de la fifaille au fond de la souricière. Nous ne pèserions pas lourd dans son souvenir. Le train vint à quai, un de ces misérables trains de l'agonie allemande, avec sa locomotive chauffée au bois. On s'embrassa longuement, on hissa laborieusement le barda. Ferdinand dépliait, agitait une dernière fois son incroyable passeport. Le convoi s'ébranla, tel un tortillard de Dubout. Nous autres, nous restions, le cœur serré, dans l'infernale chaudière. Mais point de jalousie. Si nous devions y passer, du moins le meilleur, le plus grand de nous tous en réchapperait.
                  
Lucien REBATET, Mémoires d’un fasciste II, Pauvert, 1976, p. 218 – 224.