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jeudi, 23 mars 2023

Un Cour pénale au service de l'Occident contre le reste du monde

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Un Cour pénale au service de l'Occident contre le reste du monde

par Luigi Copertino

Source : Franco Cardini & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/una-corte-al-servizio-dell-occidente-contro-il-resto-del-mondo

La Cour pénale internationale a donc lancé un mandat d'arrêt contre Poutine pour crimes de guerre. Ceux-ci auraient consisté en la déportation, c'est-à-dire le transfert illégal, vers la Russie d'enfants ukrainiens qui vivaient dans des orphelinats ou avaient été perdus par leurs parents puis confiés à des familles russes. Des enfants qui, selon la Cour, se trouvaient bien dans la zone de guerre mais étaient "protégés" par la Convention de Genève qui rendait leur transfert et leur adoption impossibles. Bien entendu, selon le raisonnement de la Cour, cette même convention jouit d'une force juridique internationale telle qu'elle empêcherait ces enfants, s'ils étaient restés dans les zones du conflit en cours, de devenir des victimes innocentes de la guerre. Pour la Cour de La Haye, la forme abstraite du droit prime, même s'il s'agit d'une coquille normative vide de toute substance et de tout caractère concret véritablement humain. Le formalisme abstrait est le masque sous lequel se présente Anomos. Pour notre part, nous pensons que la guerre n'est pas si respectueuse du formalisme juridique invoqué par la Cour pénale internationale. Laissés là où ils étaient, ces enfants seraient morts. Mais, bon sang, ils seraient morts, "protégés" par la Convention de Genève!

La réalité des faits, évidente pour tous, est que ces enfants ont été sauvés par les Russes qui les ont soustraits aux dangers des zones de guerre. Des enfants qui sont probablement d'ethnie et de langue russes, bien qu'ils soient officiellement des citoyens ukrainiens. Mais pour le formalisme de la CPI, la citoyenneté abstraite l'emporte sur la concrétude culturelle des hommes. En revanche, la Cour de La Haye n'a pas eu le même zèle inquisitorial à l'égard de Zelensky ou de Petro Porochenko responsables du massacre des populations du Donbass, enfants compris. Porochenko, lors d'un discours à Odessa il y a des années, avant la guerre actuelle, comparant les perspectives des Ukrainiens à celles des habitants du Donbass, avait promis: "Nos enfants iront dans des écoles et des jardins d'enfants, tandis que les leurs seront terrés dans des caves". Une promesse tenue, comme le prouve le rapport de l'Église orthodoxe de Turin disponible sur le lien suivant :

http://www.civg.it/index.php?option=com_content&view=article&id=676:poroshenko-ha-mantenuto-la-parola-i-bambini-del-donbass-non-vanno-a-scuola&catid=2&Itemid=300

Lisez ou relisez Le Nomos de la Terre de Carl Schmitt : les droits de l'homme et le droit humanitaire ne sont que le paravent de rapports de force politiques et un outil au service de l'idéologie mondialiste occidentale. Il n'est même pas vrai, sauf en termes d'imitation immanentiste (les chrétiens savent ou devraient savoir qui est la simia Dei), que les "droits de l'homme" sont une émanation du christianisme, ou en tout cas des religions abrahamiques, car ils sont au contraire l'expression de l'imposture idéologique que constitue la matrice idéologique des Lumières qui a confondu, avec art et tromperie, les droits de l'homme et l'idée chrétienne de la personne - qui dans sa concrétude n'est jamais donnée sans les appartenances sociales et culturelles ou communautaires par lesquelles elle se définit dans son identité propre et irréductible - quant au concept d'individu, il est toujours abstrait, vide, sans rapport, formel, manipulable parce qu'il n'a pas d'identité concrète. S'il existe une "nature humaine" universelle, toujours modulée cependant dans des réalités personnelles et communautaires, concrètes et inviolables, il n'existe pas d'"Homme" abstrait, c'est-à-dire dépourvu d'appartenance particulière. Maintenant, que chacun en pense ce qu'il veut, mais l'initiative de la Cour pénale internationale démontre une fois de plus, s'il en était encore besoin, l'instrumentalisation des juridictions internationales au service de la puissance hégémonique de l'Occident à dominante américaine.

Par ailleurs, la Cour de La Haye, dont on peut douter de la "tiercéité" réelle (combien de juges russes y siègent et combien de juges occidentaux ?), n'est pas reconnue par la Russie, mais pas non plus par les États-Unis, elle n'a donc aucune compétence mondiale et sa prétention à en avoir une n'est qu'une manifestation de l'imposture des Lumières mentionnée plus haut. Les États-Unis ne reconnaissent pas la Cour internationale parce que, tout en jacassant sur les droits de l'homme, ils veulent garder les mains libres en matière de politique étrangère et de guerre. Pour les nombreux crimes de guerre qu'ils ont commis au cours de leurs deux siècles d'existence, les présidents et les gouvernements américains auraient déjà dû être jugés et condamnés si certains tribunaux internationaux n'étaient pas instrumentalisés. Nous n'avons pas connaissance, en effet, que des mandats d'arrêt aient été émis par la Cour de La Haye contre George W. Bush ou Barack Obama pour les crimes américains en Irak, en Afghanistan, au Yémen, en Serbie, en Syrie, en Libye ou contre Harry Truman pour les deux bombes atomiques sur le Japon en 1945. Et qu'on ne vienne pas dire que, dans le cas de Truman, un éventuel tribunal international, constitué après les faits, appliquant la peine rétroactivement, aurait agi, selon le principe libéral "nullum crimen, nulla poena sine lege", de manière illégitime. Il ne faut pas le dire car c'est exactement ce qui s'est passé avec le procès de Nuremberg, qui a été célébré en appliquant rétroactivement la peine pour des crimes commis en l'absence de la formulation du cas juridique de "génocide", qui n'était pas en vigueur jusqu'alors, et qui avait en fait été élaboré avec le procès susmentionné (bien sûr, en soulignant cela, l'intention ici n'est pas d'exonérer les criminels nazis de leurs ignobles responsabilités, mais simplement de mettre en évidence les apories du droit abstrait et formaliste de la matrice occidentale).

L'Occident ne se rend pas compte que, dans le cas russe, il n'a pas affaire à n'importe quel Slobodan Milošević - c'est-à-dire à un personnage de second ordre - mais au dirigeant d'une puissance qui jouit actuellement du soutien politique du reste du monde, lequel en a désormais assez des brimades américaines et occidentales. L'incapacité aveugle de l'Occident à comprendre que le monde n'est pas à sa mesure, que d'autres peuples ont des philosophies de vie différentes des nôtres et que, sauf sur le plan spirituel, il n'est pas possible d'établir des hiérarchies ou des primats entre les leurs et les nôtres (les nôtres datant d'ailleurs de quelques siècles seulement), conduit le monde vers un conflit dévastateur. Si l'Occident veut la guerre avec la Russie et le reste du monde, il est certainement sur la bonne voie. Mais cette fois-ci, il pourrait faire un faux pas. Pour tout le monde !

Une étude britannique prédit une ère post-occidentale

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Une étude britannique prédit une ère post-occidentale

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2023/03/21/tutkimus-ennakoi-lannen-ylivallan-jalkeista-aikaa/

Un réalignement géopolitique est en cours, qui accélère le démantèlement de la domination mondiale des États-Unis. Même les groupes de réflexion occidentaux ont commencé à se pencher sur cette question sensible, comme le montre une étude récente de l'ECFR (European Council on Foreign Relations) intitulée "United West, divided from the rest" (L'Occident uni, séparé du reste).

Le sondage, réalisé en janvier de cette année (qui a porté sur les opinions non seulement dans neuf États membres de l'UE, mais aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis, ainsi qu'en Chine, en Russie, en Inde et en Turquie), révèle des différences géographiques marquées dans les attitudes à l'égard de la guerre, de la démocratie et de l'équilibre mondial des pouvoirs.

"Le paradoxe de la guerre en Ukraine est que l'Occident est à la fois plus uni et moins influent dans le monde que jamais auparavant", déclare le directeur de l'ECFR et coauteur du rapport, le politologue et auteur britannique Mark Leonard (photo).

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"Alors que la plupart des Européens et des Américains vivent dans un monde datant d'avant la guerre froide et structuré par l'opposition entre la démocratie et l'autoritarisme, de nombreuses personnes en dehors de l'Occident vivent dans un monde post-colonial fixé sur l'idée de la souveraineté nationale", déclare le co-auteur de l'étude, l'historien britannique Timothy Garton Ash (photo).

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L'étude montre que si les opinions occidentales sur la Russie se sont durcies au cours de l'année écoulée, elles "n'ont pas réussi à convaincre pleinement d'autres grandes puissances telles que la Chine, l'Inde et la Turquie", qui considèrent la Russie comme leur "partenaire" et leur "allié", même si elles ne sont pas d'accord sur la question de l'Ukraine.

En Chine, en Inde et en Turquie, par exemple, une grande proportion de personnes ont déclaré qu'elles estimaient que la Russie était "plus forte" ou au moins "aussi forte" qu'avant le début de l'action militaire il y a près d'un an. Ils considèrent Moscou comme un "allié" stratégique et un "partenaire indispensable" pour leur pays.

Les répondants non occidentaux espèrent clairement que la guerre prendra fin le plus tôt possible, même si cela signifie que l'Ukraine devra abandonner une partie de son territoire. L'implication active de l'Occident suscite le scepticisme en dehors de l'Occident, et les appels à "défendre la démocratie" ne sont pas suffisamment crédibles.

Bien que les États-Unis aient tenté de "mondialiser" le sentiment anti-russe, seuls 33 pays - représentant un peu plus d'un huitième de la population mondiale - ont imposé des sanctions à la Russie et envoyé une aide militaire à l'Ukraine.

Ces pays sont le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Corée du Sud, le Japon et les États membres de l'UE. En d'autres termes, le projet antirusse a principalement impliqué des pays qui tombent dans la sphère d'influence des États-Unis et où il y a une forte présence militaire américaine.

Les autres nations, qui représentent près de 90 % de la population mondiale, n'ont pas suivi l'exemple de l'Occident. La guerre en Ukraine a en fait renforcé les relations de la Russie avec plusieurs grands pays non occidentaux, tels que la Chine et l'Inde, et a accéléré l'émergence d'un nouvel ordre international dans lequel, au lieu de la Russie, c'est l'"Occident collectif" lui-même qui apparaît isolé.

Le conflit ukrainien pourrait être un tournant marquant l'émergence d'un ordre mondial "post-occidental", suggèrent également les think tankers Leonard et Garton Ash. Selon eux, il est "hautement improbable" que l'ordre libéral en perte de vitesse, dirigé par les États-Unis, soit restauré. Au contraire, "l'Occident doit vivre comme l'un des pôles d'un monde multipolaire".

mardi, 21 mars 2023

Géopolitique et immigration de masse

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Géopolitique et immigration de masse

par Andrea Zhok

Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/geopolitica-e-immigrazione-di-massa

Comme on pouvait s'y attendre, le thème de la pression migratoire refait surface avec force. Bien sûr, en Italie aujourd'hui, l'opportunité de mettre à l'épreuve les promesses du gouvernement Meloni joue un rôle dans ce regain d'intérêt, mais cela fait partie du jeu politique légitime des oppositions (et du vaste appareil médiatique qui reflète leurs positions).

Quoi qu'il en soit, toute crise de l'équilibre international affecte plus durement les maillons les plus faibles, et le double choc "C ovid + guerre russo-ukrainienne" représente la crise la plus lourde depuis la Seconde Guerre mondiale. Il ne reste plus qu'à faire le décompte relatif.

En Italie, les années explosives de l'immigration ont été celles entre 2011 et 2017, et elles suivent la combinaison des effets globaux de la crise des subprimes (à partir de 2008) et le début des soi-disant "printemps arabes" (à partir de 2010).

La question migratoire est le premier thème qui a explicité l'inadéquation de l'Union européenne au rôle qu'on lui attribuait.

En fait, c'est l'une des rares questions où l'appel à une action européenne coordonnée semblerait être la voie royale vers une solution, et c'est également une question où le caractère purement prédateur et opportuniste de l'UE, qui s'est présentée non pas comme une puissance géopolitique mais comme l'instrument d'une politique de "mendicité", s'est manifesté de la manière la plus claire.

À chaque moment de la gestion de l'immigration (comme pour toute autre question d'importance économique), nous avons assisté à une danse douloureuse de pays individuels ou d'alliances ad hoc, pour exploiter certaines conditions contingentes en leur faveur et laisser les autres "partenaires européens" dans l'embarras. (Le système des accords de Dublin est exemplaire à cet égard, car il visait à utiliser les pays de premier débarquement comme une "barrière naturelle" pour ceux qui se trouvaient à l'intérieur, les empêchant de se déplacer des pays d'arrivée vers les pays plus désirables d'Europe du Nord).

L'échec européen est cependant loin d'être inattendu. Les relations européennes avec l'Afrique suivent précisément la même direction que celle qui guide les relations internes et, en général, toutes les relations internationales dans la vision des traités européens : il s'agit d'un modèle néolibéral d'exploitation, de maximisation des profits et d'acquisition d'avantages compétitifs à court et à moyen terme. Il n'y a pas de vision politique ici, si ce n'est la responsabilité devant les lobbies économiques nationaux, qui dans une vision néolibérale sont les représentants les plus légitimes de l'intérêt public.

Ainsi, les relations avec l'Afrique ont toujours été marquées par une politique d'aide ponctuelle, qui maintenait les élites africaines sur une chaîne courte, et une politique de traités commerciaux inégaux, qui permettait à tel ou tel pays européen de se tailler un accès favorable à telle ou telle zone de ressources naturelles.

Cependant, il est important de comprendre la nature spécifique de l'échec de la politique européenne à l'égard de l'Afrique (et plus généralement à l'égard des pays en développement).

Ce que l'UE n'a pas réussi à faire, c'est prendre le relais du système d'équilibre de la guerre froide en essayant de construire de nouvelles alliances à long terme.

Pour les historiens du dimanche qui expliquent que "les migrations ont toujours existé et existeront toujours", il convient de noter que l'ère des migrations massives vers l'Europe en provenance de la région méditerranéenne a commencé avec la chute de l'URSS et donc avec le triomphe de l'Occident dirigé par les États-Unis dans la guerre froide.

Pour l'Italie, la date symbolique du début du "problème migratoire" est 1991, avec le grand débarquement d'Albanais dans le port de Bari.

Ce n'est pas une coïncidence. La guerre froide, forme rudimentaire du multipolarisme, a cherché à s'opposer aux pays en voie de développement, et l'a fait de diverses manières, parfois sous une forme sanglante (Corée, Vietnam), plus souvent sous la forme d'une collaboration. Cette situation, pour précaire qu'elle soit, a cultivé l'intérêt de préserver les équilibres régionaux. Aucun "printemps arabe" n'aurait pu voir le jour dans ce contexte, car chacun savait que tout bouleversement interne dans un pays ne serait qu'une manœuvre de l'un des deux blocs à ses propres fins. Cet équilibre, pour cynique et hostile qu'il soit, a néanmoins stimulé l'intérêt des deux blocs pour le maintien tendanciel de l'équilibre dans les zones en développement.

Avec la disparition de ce facteur d'équilibre, c'est-à-dire avec la disparition de l'URSS, le monde en développement (et même une grande partie du monde développé) est devenu un terrain de chasse libre pour les pays situés au sommet de la chaîne alimentaire capitaliste (les États-Unis en tête).

À ce stade, l'équilibre régional était bien moins important pour les décideurs politiques que les opportunités de profit créées par les déséquilibres. 

Cette perspective nous permet de voir d'où pourrait venir, à moyen terme, une solution à la question colossale des processus migratoires (pour l'Europe).

Face à l'impuissance voulue de l'UE, dont les colonels sont tous occupés à grappiller de petits avantages pour telle ou telle multinationale de référence, une forme de compétition géopolitique similaire à la guerre froide prendra le dessus (prend déjà le dessus).

La Russie et la Chine agissent déjà de la sorte à l'égard de nombreux pays en voie de développement, notamment dans la zone africaine. Bien entendu, elles ne le font pas par "humanitarisme" (il faut toujours se méfier lorsqu'un État prétend agir pour des "raisons humanitaires"). Ils le font parce qu'ils ont une vision stratégique à long terme, dans laquelle des associations stables avec des États qui sont réellement "en développement" - et pas simplement "condamnés à un retard exploitable" - sont dans leur intérêt.

La Russie et la Chine agissent désormais en tant qu'acteurs souverains sur une scène géopolitique à long terme, ce qui suffit à renverser la table de la culture des "barons voleurs" du néolibéralisme occidental et à établir un nouvel équilibre (même s'il est intrinsèquement précaire).

En fin de compte, si quelque chose peut nous sauver d'une migration incontrôlée, c'est probablement l'établissement d'un nouvel équilibre multipolaire, dont l'aube se profile à l'horizon.

Erdogan face à l'épreuve ultime

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Erdogan face à l'épreuve ultime

Alexandre Douguine

Bron: https://www.geopolitika.ru/en/article/erdogan-facing-ulti...

Note du traducteur : Alexandre Douguine analyse ici la situation en Turquie du point de vue russe et dans le cadre actuel de la guerre entre la Russie et l'Ukraine (ou plutôt entre la Russie et l'OTAN) en mer Noire, enjeu de la vieille rivalité russo-ottomane. La situation actuelle implique un changement d'approche significatif. Pour l'Europe (ou pour l'idée de Maison commune), la nécessité d'accepter les arguments d'Erdogan, qui souhaite limiter l'ingérence américaine, va de pair avec un rejet de la politique d'Erdogan consistant à manipuler la diaspora turque contre les sociétés européennes, une manipulation qui aurait lieu même si la marque idéologique notoire des régimes d'Europe occidentale n'était pas le wokisme. 

En Turquie, la date des élections présidentielles a été annoncée. Il s'agira probablement de l'épreuve la plus difficile pour Erdogan jusqu'à présent et sur le plan intérieur -avec le renforcement de l'opposition néolibérale pro-occidentale (en particulier le Parti républicain du peuple), une scission au sein du Parti de la justice et du développement (AKP) lui-même, un grave ralentissement économique, l'inflation, les conséquences d'un monstrueux tremblement de terre. Sur le front extérieur, avec l'intensification du conflit avec les États-Unis et l'Union européenne et le rejet de plus en plus marqué des politiques d'Erdogan par les dirigeants mondialistes de la Maison Blanche.

Lutte pour la souveraineté

L'aspect principal de la politique d'Erdogan est l'importance qu'elle accorde à la souveraineté. C'est le point central de sa politique. Toutes ses activités en tant que chef d'État s'articulent autour de cet axe. Dans un premier temps, Erdogan s'est appuyé sur l'idéologie islamiste, une alliance avec les régimes salafistes sunnites extrêmes du monde arabe. Durant cette période, il a collaboré très étroitement avec les Etats-Unis, les structures de Fethullah Gulen servant de charnière dans cette coopération. Les kémalistes laïques, les nationalistes turcs, de gauche comme de droite, étaient alors dans l'opposition. Cela a culminé avec l'affaire Ergenekon, dans laquelle Erdoğan a arrêté l'ensemble du haut commandement militaire, qui adhérait traditionnellement à l'orientation kémaliste.

À un moment donné, cette politique a cessé de promouvoir la souveraineté et a commencé à l'affaiblir. Après l'opération militaire russe en Syrie et le crash de l'avion turc en 2015, Erdoğan a été menacé : premièrement, les relations avec la Russie se sont détériorées, amenant la Turquie au bord de la guerre ; deuxièmement, l'Occident, insatisfait de la politique de souveraineté, était prêt à renverser Erdoğan et à le remplacer par des collaborateurs plus obéissants - Davutoğlu, Gül, Babacan, etc. Les gülenistes, anciens alliés d'Erdoğan et principaux opposants au kémalisme, sont devenus la colonne vertébrale du complot.

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En 2016, alors que les relations avec la Russie se sont quelque peu clarifiées, l'Occident, en s'appuyant sur les fethullahistes (gülenistes), a tenté d'organiser un coup d'État, qui a toutefois été déjoué. Le fait qu'un nombre important de kémalistes patriotes, d'officiers militaires libérés par Erdogan peu avant le coup d'État, et leur structure politique, le parti Vatan, aient soutenu Erdogan plutôt que les militaires pro-occidentaux au moment critique a été un facteur décisif. Le fait est qu'à ce stade, les nationalistes kémalistes (de gauche comme de droite) avaient compris qu'Erdogan construisait sa politique sur le renforcement de la souveraineté et que l'idéologie était secondaire pour lui.

Étant donné que les conspirateurs gülenistes et les autres Occidentaux qui se sont rebellés contre Erdoğan suivaient servilement l'Occident mondialiste, ce qui conduisait inévitablement la Turquie à un effondrement total et à l'élimination de l'État-nation, les kémalistes ont décidé de soutenir Erdoğan pour sauver l'État. La Russie a également soutenu en partie Erdogan, réalisant que ses ennemis étaient des marionnettes de l'Occident. Les nationalistes turcs du Parti du mouvement nationaliste (MHP) ont également fini par se ranger à ses côtés.

Depuis 2016, Erdoğan a embrassé des positions proches du kémalisme patriotique et en partie de l'eurasisme, proclamant ouvertement la priorité de la souveraineté, critiquant l'hégémonie occidentale et prônant un projet de monde multipolaire. Les relations avec la Russie se sont également progressivement améliorées, bien qu'Erdoğan ait occasionnellement fait des gestes pro-occidentaux. Désormais, la souveraineté est devenue son idéologie et son objectif politique le plus élevé.

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Cependant, l'opposition libérale sous la forme du Parti républicain du peuple (Kılıçdaroğlu - photo), qui s'est d'abord opposée à la ligne islamiste du premier Erdoğan et a ensuite rejeté la souveraineté, a exploité une série d'erreurs de calcul sur le plan intérieur et économique. Il est parvenu à obtenir un certain nombre de postes clés lors des élections, notamment en présentant ses propres candidats à la mairie des deux principales villes, Ankara et Istanbul. Erdoğan s'est également heurté à l'opposition de ses anciens collègues du parti AKP au pouvoir, qui sont également opposés à l'eurasisme et à la souveraineté et orientés vers l'Occident - les mêmes Ahmet Davutoğlu, Abdullah Gül, Ali Babacan, etc.

C'est dans cette situation qu'Erdogan se rendra bientôt aux urnes. L'Occident est manifestement mécontent de lui en raison de sa désobéissance - en particulier sa démarcation contre la Suède et la Finlande, dont la Turquie a empêché l'adhésion à l'OTAN ; la politique relativement indulgente d'Ankara à l'égard de la Russie, contre laquelle l'Occident collectif mène une guerre en Ukraine, a encore irrité les mondialistes de Washington et, surtout, les dirigeants modernes de la Maison Blanche et les élites mondialistes de l'Union européenne n'acceptent catégoriquement pas le moindre soupçon de souveraineté de la part de leurs vassaux ou de leurs adversaires.

Quiconque est prêt à se soumettre à l'Occident doit renoncer totalement à sa souveraineté en faveur d'un centre de décision supranational. Telle est la règle. Les politiques d'Erdogan la contredisent directement, c'est pourquoi Erdogan doit être démis de ses fonctions, à n'importe quel prix. Si l'Occident globalitaire a échoué dans le coup d'État de 2016, il devra tenter de renverser Erdogan lors des élections de 2023, quel qu'en soit le résultat. Après tout, il y a toujours la pratique des révolutions colorées en réserve.

C'est exactement ce que nous avons vu à nouveau en Géorgie, dont les dirigeants, après le départ de l'ultra-occidental et libéral Saakashvili, ont essayé de rendre la Géorgie un peu plus souveraine. Mais cela a suffi à Soros pour activer ses réseaux et lancer une révolte contre l'attitude "trop modérée" à l'égard de la Russie et l'orientation "inacceptablement souveraine" du régime contrôlé par l'oligarque pragmatique Bedzina Ivanishvili.

Erdogan est en train de constituer une coalition politique sur laquelle il pourra compter lors des élections. La colonne vertébrale sera évidemment l'AKP, un parti largement fidèle à Erdogan, mais sans substance et composé de fonctionnaires peu enthousiastes. Techniquement, c'est un outil utile, mais en partie embarrassant. En Turquie, nombreux sont ceux qui attribuent les échecs de l'économie, le développement de la corruption et l'inefficacité du système gouvernemental aux responsables de l'AKP et aux cadres administratifs nommés en leur sein. Si Erdoğan est une figure charismatique, l'AKP ne l'est pas. Le parti prospère grâce à l'autorité d'Erdogan, et non l'inverse.

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Alliés et adversaires d'Erdogan

Les alliés traditionnels seront évidemment les nationalistes turcs du parti Mouvement nationaliste turc de Devlet Bahçeli (photo). Pendant la guerre froide et par inertie dans les années 1990, les nationalistes turcs étaient strictement orientés vers l'OTAN et poursuivaient une ligne antisoviétique (puis antirusse). Dans les années 2000, cependant, leurs politiques ont progressivement commencé à changer. Ils se sont de plus en plus éloignés de l'Occident libéral et se sont rapprochés du vecteur souverain d'Erdogan. Idéologiquement, ils sont plus flamboyants que l'AKP, mais leur radicalisme leur aliène une partie de la population turque. En tout état de cause, l'alliance idéologique et politique avérée d'Erdogan avec Bahçeli est cruciale pour son avenir.

Erdogan peut également compter sur le soutien de mouvements politiques soufis, petits mais influents, qui ne bénéficient pas d'un soutien de masse. Leur rôle est de combler le vide laissé par la défaite des structures gülénistes qui se réclamaient d'un "mouvement soufi". Le soufisme est assez répandu dans la société turque et certains tariqats considèrent Erdoğan comme la figure dont dépend la renaissance spirituelle de la Turquie. Mais la diversité du soufisme turc, ainsi que d'autres courants spirituels - notamment les Alévis et les Bektashi - laisse une large place à d'autres opinions.

Tous les Occidentalistes s'uniront contre Erdogan et il n'est pas exclu que, cette fois, les mondialistes activent un réseau d'agents tant au sein de l'AKP lui-même que dans d'autres structures de l'État. Compte tenu de la situation difficile d'Erdogan, pour des raisons d'âge et de santé, il s'agit peut-être de sa dernière chance - non seulement en tant qu'individu, mais aussi en tant que figure historique qui a lié son destin et sa politique à la souveraineté de l'État turc. S'il réussit maintenant et assure la continuité de la voie en lui donnant une formulation idéologique stricte, il entrera dans l'histoire de la Turquie comme le deuxième Atatürk, le sauveur de l'État à une époque de bouleversements critiques. S'il tombe, il est très probable qu'une série de désastres attende la Turquie, car quiconque prendra sa place sera orienté vers l'Occident, ce qui signifie que l'effondrement de la Turquie à l'avenir est imminent, car les mondialistes n'ont en aucun cas oublié les plans du Grand Kurdistan.

Bien sûr, ils n'ont pas réussi à mettre en œuvre cette provocation pendant la vague de révolutions colorées et après l'invasion de l'Irak et de la Syrie, mais la chute d'Erdogan donnera un nouveau souffle à ces projets. Enfin, les adversaires d'Erdogan seront contraints à une confrontation sérieuse avec la Russie, parce que leurs maîtres de l'OTAN l'exigeront, et ce sera un autre facteur de l'effondrement de la Turquie. Erdogan lui-même sera vilipendé par ses successeurs et l'enchaînement des catastrophes de l'État turc conduira à l'oubli pur et simple de son nom. Erdogan aborde donc ces élections comme s'il s'agissait de sa dernière bataille. Non seulement en tant qu'homme politique, mais aussi en tant que figure historique, véritable leader et symbole de son peuple. Il peut enfin consolider ce statut, mais s'il perd, il risque de le perdre irrémédiablement et n'aura pas d'autre chance.

L'Atatürk vert

Dans cette situation, l'analyse géopolitique suggère qu'Erdoğan dispose d'une autre ressource : moins une ressource de masse qu'une ressource idéologique et d'image. Ce sont les mêmes kémalistes patriotes qui, contrairement au libéral Kemal Kılıçdaroğlu du Parti républicain du peuple, malgré la dure répression pendant l'affaire Ergenekon, se sont rangés aux côtés d'Erdoğan au moment critique et, oubliant les vieilles rancunes, ont pleinement soutenu sa ligne souveraine. Certains milieux qualifient Erdoğan d'"Atatürk vert", c'est-à-dire le dirigeant turc, le leader national aux tendances islamiques. Le visage politique de ce groupe extrêmement influent en Turquie, composé principalement d'officiers militaires de tous grades, est le parti de gauche Vatan, dirigé par le leader charismatique Doğu Perinçek (photo, ci-dessous).

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D'un point de vue électoral, le parti n'était pas du tout représentatif, mais son importance réside ailleurs : il est le centre qui élabore l'analyse géopolitique la plus actuelle de la Turquie, un parti idéologique eurasien avec une position multipolariste et un véritable centre intellectuel de défense et d'illustration de la souveraineté turque. Les journaux Vatan, Aydınlık et Teori, la chaîne de télévision Ulusal, les nombreux blogs et sites web font de cette entité le principal atout. Les liens historiquement forts de Vatan avec la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord doivent également être pris en compte. Pour Erdogan, qui joue désormais contre l'Occident, ce vecteur qu'est ce club anti-mondialisation et multipolariste pourrait s'avérer décisif. Si Vatan est inclus dans la coalition, Erdogan pourra également se délier les mains face à l'Occident : la connexion avec les principaux pôles du monde multipolaire, et en particulier avec la Russie, dont dépend une grande partie de la politique et de l'économie turques modernes, et donc le destin d'Erdogan lui-même, sera solidement assurée.

Erdoğan a démontré tout au long de sa vie qu'il avait un très bon sens de la géopolitique.

Il choisit toujours des alliances qui renforcent la souveraineté turque. Kemal Ataturk lui-même faisait de même. Cependant, si la situation change et que les anciens alliés s'avèrent être un obstacle à l'indépendance et à la liberté de la Turquie, Erdogan est toujours prêt à les sacrifier.

La Turquie se trouve aujourd'hui en équilibre entre un Occident unipolaire et un Orient multipolaire, l'Eurasie. Il en est ainsi depuis l'origine de l'État-nation turc. Mais les proportions de cet équilibre ont été déterminées différemment à chaque tournant de l'histoire. Parfois, il était important de faire un pas vers l'Est (comme l'a fait Kemal Ataturk en s'alliant avec Lénine); à d'autres moments, il s'agissait de faire un pas vers l'Ouest.

Dès lors...

Aujourd'hui, la Russie, autrefois rivale géopolitique de la Turquie, et plus encore les autres pôles du monde multipolaire, ne constituent pas une menace pour la souveraineté turque et c'est un fait objectif ; au contraire, les relations privilégiées avec la Russie et la Chine et le compromis avec l'Iran chiite offrent à la Turquie des avantages vitaux dans sa politique étrangère et intérieure. L'Occident, du moins l'Occident libéral et mondialiste, joue contre Erdogan, et donc contre la souveraineté turque. Un homme politique aussi subtil qu'Erdogan ne peut pas ne pas s'en rendre compte. Il est temps de donner à la souveraineté le statut d'idéologie et de consacrer la multipolarité comme vecteur principal de la politique turque.

Ces élections sont cruciales pour la Turquie. La Russie, dans ces circonstances, malgré ce qui peut apparaître à nos yeux comme une incohérence, une hésitation, une politique de "deux pas à gauche, deux pas à droite", a intérêt à ce que la Turquie reste unie, entière, indépendante et souveraine. Cela n'est objectivement possible qu'avec la Russie, et en aucun cas contre elle. Par conséquent, pour la Russie, Erdogan est le meilleur choix dans les circonstances actuelles.

 

lundi, 20 mars 2023

Le tournant illibéral d'Israël

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Le tournant illibéral d’Israël

par Georges FELTIN-TRACOL

Les gigantesques manifestations qui se déroulent en Israël depuis plusieurs semaines passent inaperçues dans la médiasphère. Les chaînes hexagonales de télévision et de radio ne les rapportent guère. Il faut reconnaître que les certitudes des « troufions de la désinformation » en prennent un sacré coup. Le paradigme démocratique pourrait bien éclater là-bas.

Benyamin Netanyahou est redevenu Premier ministre d’Israël le 29 décembre 2022. Son sixième gouvernement repose sur une alliance hétéroclite de 63 députés sur 120. Si le Likoud reste avec 32 élus le cœur de la coalition, les rapports de force ont d’abord évolué en faveur des habituels alliés de «Bibi». Les partis ultra-orthodoxes séfarade du Shas (11 députés) et du Judaïsme unifié de la Torah (7 élus) exigent une application rapide des accords de gouvernement, à savoir une aide financière massive aux yéchivote (écoles religieuses). Outre l’unique député de Noam (« Plaisir ») qui vient de démissionner d’un gouvernement qu’il juge trop tiède, on compte maintenant des ministres issus d’une incontestable extrême droite avec le Parti sioniste religieux (7 députés) de Bezalel Smotrich et Force juive (6 élus) d’Itamar Ben Gvir.

Outre une intensification de la répression en Cisjordanie occupée avec la destruction systématique des maisons des résistants palestiniens et des menaces répétées contre un Iran proche du seuil nucléaire, la nouvelle coalition parlementaire s’accorde sur la limitation du rôle de la Cour suprême d’Israël. La réforme présentée à la Knesset cherche à soumettre cette institution qui sert à la fois de Conseil constitutionnel, de Conseil d’État et de Cour de cassation, à la souveraineté nationale incarnée par l’assemblée monocamérale israélienne. Le projet de loi porté par le ministre de la Justice Yariv Levin propose que la Knesset puisse déroger aux décisions de la Cour suprême par un vote à la majorité absolue (61 voix). La gauche et le centre-droit modéré n’acceptent pas cette révision audacieuse et le montrent en organisant des journées de protestation dont certaines virent en violentes émeutes.

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Le numéro 2 du gouvernement, Aryé Dery, vice-Premier ministre, ministre de la Santé et de l’Intérieur, chef du Shas, a dû démissionner de ses fonctions le 22 janvier dernier. La Cour suprême venait d’invalider sa nomination. Elle rappelle qu’un homme politique condamné pour fraude fiscale ne peut exercer de fonction ministérielle. En échange de son retrait de la vie politique, Aryé Dery avait auparavant bénéficié d’un allégement de sa peine. Inculpé depuis 2019, Benyamin Netanyahou est actuellement en procès pour fraude, corruption et abus de confiance. Ses détracteurs voient dans cette réforme qui enflamme le pays un moyen de contourner un éventuel jugement qui lui retirerait sa fonction de Premier ministre.

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Itamar Ben Gvir (photo) et Bezalel Smotrich profitent des circonstances pour avancer dans leur programme. Avec la colonisation de la Palestine, ils suggèrent de simplifier la législation sur la détention, le port d’arme et l’engagement en public. Ils proposent même la peine de mort pour les terroristes. Itamar Ben Gvir a réclamé sans succès l’arrestation et l’incarcération des responsables des manifestations anti-gouvernementales, parmi lesquels maints anciens ministres...

Ces propositions électrisent une société israélienne déjà très politisée. Les courants religieux hassidiques s’élèvent contre la peine capitale. Mais le refus de ces réformes concerne toutes les catégories sociales et toutes les générations. De nombreux militaires, de carrière ou appelés, expriment publiquement leur désaccord et désobéissent ouvertement aux ordres. Idem dans les rangs de la police et des services de sécurité ainsi que chez les entrepreneurs de l’industrie informatique. L’« État profond » israélien réagit très fortement à ces prémices de révolution nationale-populaire conservatrice. Une lutte à mort commence entre les deux camps. De profondes fractures socio-politiques traversent Israël. Certains observateurs parlent de « pré-guerre civile » ou de « guerre civile froide ». D’autres réclament un coup d’État qui destituerait « Bibi », dissoudrait l’actuelle Knesset et interdirait les partis de la coalition.

Par-delà le désir légitime de mettre au pas une justice politisée inféodée aux canons du globalisme, la droite radicale au pouvoir à Tel-Aviv veut arrêter l’impérialisme judiciaire des tribunaux au détriment du gouvernement, du parlement et des citoyens. C’est en 1992 que la Cour suprême d’Israël s’est autorisée à intervenir dans l’action de l’exécutif. L’État hébreu est l’un des rares États au monde à ne pas disposer de constitution écrite, mais de quinze lois fondamentales prises entre 1958 et 2018. Ainsi de 1996 à 2001, au moment des législatives au scrutin proportionnel quasi-intégral, les Israéliens devaient élire au suffrage universel direct leur Premier ministre. Ehud Barak, Ariel Sharon et Benyamin Netanyahou ont bénéficié de cette fugace consécration populaire. L’expérience prime-ministérielle s’interrompt en raison des difficultés majeures à nouer des alliances pérennes à la chambre.

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Les chantres de l’« État de droit » croient en l’équilibre harmonieux des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) au sein d’un même ensemble politique. Cette croyance est délétère parce qu’elle offre en pratique une primauté aux magistrats. Le soi-disant « État de droit » est le gouvernement des juges inamovibles et irresponsables. Doit-on rappeler que la Constitution française de la Ve République distingue nettement les pouvoirs exécutif et législatif de l’autorité judiciaire ? L’autorité se subordonne au pouvoir.

À l’exemple inabouti de la Pologne et de la Hongrie, deux démocraties illibérales encore en formation, l’actuel gouvernement israélien souhaite éviter toute ingérence judiciaire dans les affaires de l’État. Or, contrairement à Varsovie et à Budapest, Tel-Aviv n’a pas à subir les formidables pressions et les chantages insupportables de la Commission de Bruxelles. Ce combat nécessaire contre l’hypertrophie interventionniste des juges a enfin une conséquence sur un « droit international » qui tend à abaisser les puissances publiques au niveau des individus et des groupes économiques transnationaux à l’avantage de ces deux derniers.

Les divers conflits depuis la fin de la Guerre froide en ex-Yougoslavie, en Afrique et, aujourd’hui, en Ukraine incitent des juristes cosmopolites, le regard fixé sur les précédents du tribunal de Nuremberg et de la CPI (Cour pénale internationale), à envisager la création d’une juridiction internationale capable de juger les dirigeants politiques. Depuis quand un chef d’État souverain aurait-il des comptes à rendre à des étrangers ? Les appels à la formation d’un tribunal ad hoc se font au moment même où l’on apprend que les contrats de livraison des vaccins anti-covid insistent sur l’immunité des responsables pharmaceutiques et des dirigeants politiques acquéreurs.

Les dirigeants israéliens posent les fondations d’une démarchie charismatique illibérale. Il est donc intéressant qu’une volonté politique souhaite se prémunir d’une justice plus que jamais hors-sol, que ce soit au pied de la colline de Sion que sur les berges de la Seine, de la Vistule ou du Danube.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 65, mise en ligne le 15 mars 2023 sur Radio Méridien Zéro.

18:34 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, israël, likoud, shas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 17 mars 2023

Extraits du programme du mouvement BoerBurger (Pays-Bas)

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Extraits du programme du mouvement BoerBurger, hier grand vainqueur des élections néerlandaises


- Il sera interdit aux enseignants de toutes les écoles de diffuser leurs idéologies personnelles parmi les élèves. Il y aura une ligne téléphonique d'urgence où les élèves et les parents pourront signaler tout dérapage.

- Plus d'argent pour la police et les forces de l'ordre.

- La couleur, l'âge, l'origine, l'orientation sexuelle et la religion ne doivent pas avoir d'importance. La discrimination est interdite. Il en va de même pour la discrimination positive. Les personnes qui postulent à un emploi au sein du gouvernement sont jugées sur la base de leur qualité et non sur la base de leur sexe, de leur handicap physique, de leur couleur, de leur orientation sexuelle, de leur religion ou autre. Il n'y aura donc AUCUN quota de femmes, ni aucun quota d'ailleurs, dans les ministères. Le seul quota qui existera sera un quota de qualité : 100 % des employés auront été sélectionnés selon leurs les qualités les meilleures.

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- L'attribution des logements sera basée sur l'urgence plutôt que sur l'appartenance ethnique. Cela signifie qu'un groupe de population n'a pas plus ou moins de droit à un logement (abordable) qu'un autre groupe de population, uniquement sur la base de l'origine.

- Les immigrants qui NE viennent PAS d'une zone de guerre ou dont l'existence et celle de leur famille ne sont pas sérieusement menacées doivent pouvoir prouver qu'ils disposent d'un travail et d'un logement permanents aux Pays-Bas. S'ils peuvent le prouver et s'ils maîtrisent bien la langue néerlandaise, ils seront admis. Après avoir contribué pendant cinq ans à la société et à l'économie néerlandaises, ils pourront obtenir un permis de séjour permanent.

- Les demandeurs d'asile qui ne cherchent que la bonne fortune économique et sont sans travail ni revenu ne seront pas admis ou seront expulsés vers leur pays dès que possible.

mardi, 14 mars 2023

Beijing gagne la partie de Go (encercler)

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Beijing gagne la partie de Go (encercler)

par Antonio de Martini

Source : Antonio de Martini & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-gioco-del-go-accerchiare-lo-vince-pechino

La réouverture des communications entre l'Arabie Saoudite et l'Iran met fin à une ère de domination anglo-américaine dans la zone MENA (Middle East and North Africa) qui a commencé en 1915 avec la création de l'IPC (Iranian Petroleum Company), une société à capitaux publics voulue par Churchill, qui a commencé avec la reconversion de la flotte du charbon au naphte, grâce à la méga-raffinerie d'Abadan.

À la base de toute stratégie, on a toujours vu la tendance - qui avait déjà fait ses preuves sur le continent européen avec l'introduction du concept de "balance of power" qui divisait l'Europe continentale, laquelle est restée une entité unique même après la chute de l'empire occidental - à opposer les différents potentats et à opérer dans une fonction d'arbitrage.

À la rivalité israélo-palestinienne s'est ajoutée la difficile rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite, après que l'effondrement irakien s'est révélé insuffisant pour contrer les Ayatollahs.

Sur la carte, œuvre de Cyrous Ashtari Tafti, les premiers bénéficiaires possibles de la détente sont indiqués : le Liban, avec une élection présidentielle bloquée depuis huit mois et onze tours électoraux restés vains; le Yémen, déchiré par une guerre qui atteint sa onzième année; le Qatar, mis à l'index par les Saoudiens et les Emiratis pour ne pas avoir isolé l'Iran conformément aux décisions des Etats-Unis et de leurs satellites.

L'échange d'ambassadeurs aura lieu dans deux mois, mais les contacts, notamment à Pékin, ont déjà commencé.

Tous deux sont d'infatigables négociateurs mais conscients de l'urgence d'une nouvelle politique énergétique mondiale et unis, ils sont une superpuissance. Divisés, ils ont laissé le marché aux Etats-Unis.

Puis, petit à petit, ils aborderont le super dossier de la guerre syrienne qui les oppose.

Les deux pétro-puissances auront l'opportunité de contrôler les routes du pétrole (du Golfe Persique à Suez), de se partager le marché pétrolier asiatique (avec l'Indonésie), de réduire les allocations de défense et de pouvoir se diversifier en Mésopotamie et au Soudan au lieu d'investir dans les pays anglo-saxons et d'être à la merci de sanctions unilatérales sur la base de valeurs commodes et non partagées. Vous verrez les États-Unis commencer à chercher (à Djibouti ?) une nouvelle base pour la 5e flotte basée à Bahreïn. Trop exposée maintenant.

Celui qui ne dort déjà plus, c'est Netanyahou qui pensait ne pas avoir à se réguler en se déchaînant contre un Iran isolé et qui va se retrouver embarqué dans un Nouvel Ordre Mondial auquel il ne s'attendait pas et qui ne promet rien de bon.

 

La Chine est-elle à bout de patience avec les États-Unis?

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La Chine est-elle à bout de patience avec les États-Unis?

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2023/03/07/onko-kiinan-karsivallisyys-yhdysvaltojen-suhteen-loppumassa/

Comme le rapporte le Wall Street Journal, le président chinois Xi Jinping s'est montré "inhabituellement franc en critiquant la politique américaine et en imputant à la campagne de répression menée par Washington contre la Chine la responsabilité des récents défis auxquels son pays est confronté".

"L'Occident, dirigé par les États-Unis, a mené une campagne d'isolement, de blocus et de répression contre nous, ce qui a posé des défis sérieux et sans précédent au développement de notre pays", a déclaré M. Xi, selon les médias d'État chinois lundi.

Les commentaires de M. Xi constituent un changement inhabituel pour un dirigeant qui s'est généralement abstenu de critiquer directement les États-Unis dans ses déclarations publiques. D'un autre côté, au cours de son long mandat, M. Xi a fait preuve d'un pessimisme croissant à l'égard des relations entre l'Occident et les grandes puissances de l'Est.

Les accusations selon lesquelles les États-Unis ont étouffé le développement de la Chine au cours des cinq dernières années ont fait partie d'un discours prononcé par M. Xi devant les membres de l'organe consultatif politique suprême de la Chine, la session législative annuelle à Pékin.

Les médias américains estiment qu'en évoquant les États-Unis dans des termes chargés de connotations de l'époque de la guerre froide, le dirigeant chinois poursuit la rhétorique nationaliste que les fonctionnaires de rang inférieur et les médias d'État ont utilisée pour critiquer Washington au cours de ces dernières années.

Selon le président Biden, les États-Unis sont en concurrence avec la Chine, mais ne veulent pas de conflit. Dans le même temps, les tensions bilatérales persistent sur le commerce, la technologie, l'influence géopolitique et l'opération militaire de la Russie en Ukraine.

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Bien que l'administration Biden puisse affirmer qu'elle ne veut pas de conflit, la stratégie de sécurité nationale actualisée met l'accent sur la "rivalité historique entre les démocraties et les autocraties", ce qui, avec d'autres déclarations américaines, a été interprété en Chine comme un signe que Washington cherche à remplacer le régime socialiste de Pékin par un régime fantoche pro-occidental.

Comme dans le cas de la Russie et de l'Ukraine, Washington se réjouirait certainement d'une nouvelle guerre par procuration qui attirerait l'attention des médias sur la Chine : il a été suggéré que Taïwan, le Japon ou même l'Australie essaieraient d'être manipulés pour mener une véritable guerre contre la Chine.

Les autorités chinoises ont depuis longtemps mis en garde les États-Unis contre ce que l'on appelle la "pensée de la guerre froide", mais la réponse américaine est que la rhétorique de Xi à l'égard de l'administration Biden commence à prendre des accents similaires.

Le président chinois a semblé faire valoir un point de vue similaire, par exemple, lors de son sommet de novembre avec Joe Biden. À l'époque, M. Xi avait déclaré que "la répression et la retenue ne feront que renforcer la volonté et le moral du peuple chinois".

Les porte-parole officiels du ministère chinois des affaires étrangères, qui s'adressent souvent aux journalistes étrangers sur un ton acerbe lors de réunions d'information régulières, ont utilisé à plusieurs reprises un langage similaire. Selon le nouveau ministre chinois des affaires étrangères, Qin Gang, "le conflit est inévitable si Washington ne change pas d'approche".

Dès le mois d'octobre dernier, Xi a envoyé un message sinistre à ses camarades lors du congrès du parti, déclarant que "les tentatives extérieures de répression et d'endiguement de la Chine pourraient s'intensifier à tout moment". À l'époque, les États-Unis n'avaient pas été mentionnés directement, mais il semble que la patience du régime chinois face aux provocations et à la guerre commerciale soit finalement à bout.

La Méditerranée : épicentre du conflit entre la civilisation et la barbarie atlantique

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La Méditerranée : épicentre du conflit entre la civilisation et la barbarie atlantique

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/mediterraneo-epicentro-del-conflitto-tra-civilta-e-barbarie-atlantica

Nous sommes au seuil d'une ère de transition. La guerre entre les États-Unis et la Russie en Ukraine, avec la crise énergétique qui en découle, ainsi que la pandémie, suivie de l'incipit de la quatrième révolution industrielle et de la transition environnementale, sont des événements destinés à bouleverser les équilibres géopolitiques préexistants et avec eux, le modèle économico-politique néolibéral mondial. La zone méditerranéenne, déjà marginalisée dans le contexte géopolitique mondial, est destinée à assumer un rôle de premier plan dans le futur nouvel ordre mondial multipolaire, déclenché par le déclin de l'unilatéralisme américain.

Après la fin de la bipolarité de la guerre froide, les rives sud et est de la Méditerranée, en plus d'être ravagées par les guerres du Moyen-Orient et les conflits des "printemps arabes", sont devenues l'épicentre des migrations massives en provenance d'Afrique et d'Asie. Le phénomène de la migration est entièrement inhérent au modèle de développement néolibéral mondial, qui prévoit la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux. Par conséquent, les migrations de masse, y compris les tragédies en mer, sont des événements qui s'inscrivent dans un contexte socio-économique mondial, dans lequel les pays les plus en retard sont privés des meilleures ressources humaines nécessaires à leur développement et les pays les plus avancés importent des masses de travailleurs bon marché afin de comprimer les salaires et de rendre leurs économies plus compétitives sur le marché mondial.

Avec l'avènement de l'UE, l'asymétrie économique, culturelle et politique entre le nord et le sud de l'Europe s'est accentuée. Le développement de l'Europe du Nord a été assorti de l'appauvrissement et de la subalternité de l'Europe méditerranéenne et du sous-développement accentué des pays d'Afrique du Nord. Une échelle hiérarchique de développement et de pouvoir politique a ainsi été déterminée entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud selon les paramètres du système économique néolibéral.

En outre, en vertu de la primauté de l'axe franco-allemand en Europe, l'UE a toujours été conçue comme une unification dont le centre de gravité économique et politique se trouvait dans l'Europe carolingienne, avec une marginalisation relative de la zone méditerranéenne et de ses relations avec la région MENA (Middle East - North Africa). L'Europe a toujours dénoncé un grave manque de vision stratégique en concevant la Méditerranée comme une zone intégrée dans la logique idéologique et stratégique de l'Occident, d'abord dans le bipolarisme entre l'Est et l'Ouest issu de la guerre froide, puis dans le clivage entre le Nord capitaliste et le Sud sous-développé du monde, sanctionné par l'ordre mondial unilatéraliste américain.

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La guerre russo-ukrainienne a également profondément affecté les relations internes de suprématie de l'Europe. Avec la fin de l'interdépendance économique et énergétique entre l'UE et la Russie, l'OTAN a pris le contrôle politique et stratégique de l'Europe, avec le déclassement de la puissance allemande et la dévolution du leadership européen aux pays anglo-scandinaves et baltes, la Pologne se hissant au rang de première puissance militaire européenne. Le centre de gravité stratégique de l'Europe s'est déplacé vers le nord-est, avec le déclassement de la Méditerranée en zone européenne marginale, suite également au désengagement américain dans la région MENA.

Les changements stratégiques de l'OTAN dans une clé russophobe, pourraient favoriser une plus grande liberté d'action pour les pays de l'Europe méditerranéenne, dans la perspective d'échapper à la condition post-historique d'insignifiance géopolitique dans laquelle elle semble confinée aujourd'hui. La subalternité européenne vis-à-vis de l'OTAN a toujours été fonctionnelle aux desseins impérialistes américains d'étendre sa domination absolue en Méditerranée, conçue comme un lac atlantique. Une toute autre configuration géopolitique qu'elle est destinée à assumer dans le monde multipolaire naissant. Par la Méditerranée transitent 28% des approvisionnements mondiaux en hydrocarbures et la "Mare nostrum" est devenue la jonction stratégique pour l'accès à la mer Rouge et à la zone indo-pacifique.

La Méditerranée est donc destinée à endosser le rôle géopolitique de Medioceano, comme le décrit bien Salvo Ardizzone dans son essai "Medioceano e Medio Oriente : appunti per un teatro cruciale" (traduction française: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2023/02/14/ocean-du-milieu-et-moyen-orient-notes-sur-un-theatre-geopolitique-crucial.html ): "La Méditerranée a toujours été une zone d'échanges, une mer de commerce et de trafic par excellence, mais ces dernières années, elle s'est transformée en Medioceano, un bassin étendu aux côtes atlantiques du Maghreb et de la péninsule ibérique à l'ouest, jusqu'à la Corne de l'Afrique en passant par la mer Rouge au sud-est, une connexion entre la zone indo-pacifique et l'Atlantique. Récemment amputée de la Mer Noire et des connexions croissantes avec la Russie et l'Asie centrale par le conflit ukrainien mais, à la suite de celui-ci, élevée au rang de zone de confrontation - choc entre l'Unipolarisme hégémonique et le "Multipolarisme".

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La Méditerranée sera en fait une zone de confrontation entre les États-Unis et les puissances émergentes des BRICS, dont dépend aussi son destin de lac atlantique ou d'océan médian. L'Occident a conçu la Méditerranée comme la zone du "choc des civilisations" théorisé par Huntington, comme un conflit nécessaire pour affirmer la primauté américaine dans le monde. En réalité, le conflit est bien plus profond et n'est pas seulement guerrier, mais aussi culturel et existentiel pour les peuples de la région : entre le mondialisme et la souveraineté des Etats, le cosmopolitisme et l'identité des peuples, entre l'individualisme et le communautarisme, entre le matérialisme et les croyances religieuses.

Le plurivers méditerranéen disparu

La Méditerranée évoque un ensemble de traditions historiques et culturelles qui font partie intégrante de notre identité, une sensibilité, une esthétique, une conception de la vie et de l'homme comme valeurs unificatrices des peuples de la région.

Les racines historiques de notre civilisation trouvent leur origine dans le bassin méditerranéen. La Méditerranée a certainement été le théâtre de guerres et de confrontations entre l'Islam et le Christianisme, mais elle a également été l'épicentre de l'union de différentes civilisations, d'échanges commerciaux, et le terrain de confrontations culturelle, religieuse et scientifique. Le bassin méditerranéen représentait un multivers de civilisations, dont la rencontre/le choc a contribué à l'évolution et à l'enrichissement des valeurs culturelles et religieuses des peuples. Foulcher/Foucher de Chartres déclarait vers 1100, dans son Historia Hierosolymitana (= Histoire de la Croisade): "Maintenant, nous qui étions des Occidentaux sommes devenus des Orientaux. Celui qui était latin ou franc, sur cette terre est devenu galiléen ou palestinien. Celui qui était citoyen de Reims ou de Chartres, est maintenant devenu citoyen de Tyr ou d'Antioche. À présent, nous avons oublié nos lieux d'origine : la plupart d'entre nous ne les ont jamais vus, ni même entendu parler d'eux. Il y a ceux qui possèdent déjà leur maison et leurs domestiques comme s'il s'agissait de choses qui leur ont été transmises en héritage, et il y a aussi ceux qui ont pris pour épouse non pas une compatriote, mais une Syrienne, une Arménienne et parfois même une "Sarrasine".

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Dans ce monde multiethnique, ouvert à l'intégration entre les peuples, un processus d'assimilation a été généré entre deux cultures: l'islamique, héritière des cultures gréco-juives, et l'européenne, avec son identité romaine-chrétienne. Cette multitude de peuples, de civilisations et de confessions religieuses différents et opposés a donné naissance à une symbiose identitaire particulière identifiable dans ce plurivers méditerranéen, dont la mémoire historique a presque disparu aujourd'hui. L'ère de la mondialisation a réduit la Méditerranée à une entité géographique, identifiable par les masses de l'Occident avec des suggestions orientalistes virtuelles et l'image médiatique des stations touristiques.

La désintégration de la Méditerranée a des origines lointaines. Entre le XIXe et le XXe siècle, la région MENA a fait l'objet de conquêtes coloniales européennes et cette domination s'est accentuée avec la dissolution de l'Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale. Le processus de fragmentation de la région MENA s'est également perpétué à l'ère post-coloniale, coïncidant avec la Guerre froide : la Turquie et les pays du Golfe persique ont été intégrés à l'Occident américain, tandis que l'Égypte, la Libye, la Syrie et l'Algérie ont rejoint le bloc soviétique. Ajouté à cela, la fondation de l'État d'Israël a généré un état de guerre permanent au Moyen-Orient.

Mais c'est surtout la transformation de l'OTAN, d'une alliance stratégique défensive à un appareil militaire agressif, qui a conduit à une fracture irrémédiable entre l'Occident et le monde islamique, impliquant la Méditerranée, dont les rives opposées sont devenues le théâtre d'un conflit géopolitique toujours en cours. Le nouvel atlantisme s'est affirmé sur la base des visées stratégiques expansionnistes américaines à l'échelle mondiale. Avec les attentats du 11 septembre, les États-Unis se sont lancés dans une stratégie agressive de "guerre contre le terrorisme" qui, en plus des guerres "préventives" en Afghanistan et en Irak (suivies des agressions contre la Libye et la Syrie), a entraîné un expansionnisme politique et économique qui s'est également étendu à la région méditerranéenne. L'Europe, déjà marginalisée dans son statut post-historique d'inutilité géopolitique, est devenue, avec la multiplication des bases de l'OTAN sur son territoire, une plate-forme stratégique pour l'expansionnisme américain, qui s'est étendu non seulement dans la région MENA, mais aussi aux frontières avec la Russie, qui, se considérant assiégée et menacée dans sa sécurité par l'Occident, a ensuite envahi l'Ukraine.

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Les "printemps arabes", en tant que stratégie de l'OTAN visant à déstabiliser les États islamiques de la région MENA, ont échoué. Au contraire, ils ont constitué une occasion favorable pour l'apparition de nouveaux acteurs aux visées expansionnistes dans la zone méditerranéenne, tels que la Turquie, la Russie et les Émirats arabes. L'éviction de l'Europe de la région est désormais un fait. La France maintient seule une présence néocoloniale dans les pays du Sahel et partiellement dans ceux du Maghreb, de plus en plus combattue par les peuples de la zone et contrée par l'expansionnisme en Afrique de la Russie, de la Turquie et de la Chine.

Le désengagement américain dans la région MENA s'est accompagné de la création d'une nouvelle alliance pro-occidentale entre Israël et certains États arabes dans une fonction anti-iranienne, appelée le "Pacte d'Abraham". En fait, une nouvelle OTAN du Moyen-Orient a été formée conformément au changement de stratégie américaine dans la géopolitique du Moyen-Orient, qui prévoit la mise en œuvre d'une domination américaine indirecte dans la région MENA. Cette nouvelle OTAN du Moyen-Orient est toutefois destinée à se disloquer, étant donné la diversification des stratégies politiques des puissances de la région MENA. Israël et la majorité des pays arabes s'opposent aux politiques de sanctions américaines contre la Russie, et l'Arabie saoudite a conclu d'importants accords économiques avec la Chine.

L'expansionnisme américain conçoit la Méditerranée comme un lac atlantique. Mais le monde multilatéral progresse. Et les clivages internes à la Méditerranée peuvent également être recomposés, à condition toutefois que l'Europe puisse assumer un rôle autonome par rapport à l'OTAN dans la région. Danilo Zolo l'exprime ainsi dans son essai "La question méditerranéenne" : "Mais tout cela n'est possible qu'à une dernière condition : que l'Europe, ayant redécouvert ses racines méditerranéennes, se montre capable de se dresser comme un sujet international, doté d'une forte identité culturelle et politique et donc libéré des contraintes de l'atlantisme et ouvert à la collaboration avec le monde islamique et à la confrontation avec les puissances asiatiques émergentes. Telles sont les conditions d'une renaissance de l'unité, de l'originalité et de la grandeur civique de la Méditerranée que l'on peut raisonnablement considérer comme une <alternative>".

Le fossé économique infranchissable entre l'Occident et la région MENA

Une asymétrie économique et technologique évidente existe entre les rives nord et sud de la Méditerranée. Les pays européens de la rive nord détiennent 80% du PIB total de la zone méditerranéenne. Et cet écart de développement a été le prétexte aux plans de colonisation économique de la région MENA par l'Occident. Le phénomène migratoire en est une conséquence tragique. La dette des pays arabes envers l'UE a augmenté de manière disproportionnée au cours des dernières décennies.

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À la fin du XXe siècle, un programme de partenariat en matière de politique économique et de sécurité entre l'UE et les pays de la région MENA, appelé "processus de Barcelone", a été lancé. Ces accords étaient censés conduire à l'intégration économique de la zone méditerranéenne, avec la perspective de créer une zone de libre-échange. Cependant, ces projets ont échoué, car les pays arabes, avec leurs économies trop faibles, n'étaient pas en mesure de rivaliser avec les économies des pays plus avancés de l'UE. De telles formes de coopération, dans le contexte du système néolibéral mondial, se sont toujours avérées être un capharnaüm pour les pays sous-développés. Elles conduisent inévitablement à un endettement insoutenable et donc à l'imposition par le FMI de manœuvres d'ajustement structurel qui conduisent fatalement les pays les moins avancés au défaut de paiement.

Il convient également de noter que la région MENA est également en proie à une dépendance alimentaire vis-à-vis du Nord mondial, qui a d'ailleurs été fortement exacerbée par la guerre russo-ukrainienne. L'UE a toujours adopté des politiques protectionnistes dans le secteur agricole vis-à-vis de la région MENA. L'agriculture des pays du sud de l'Europe a été fauchée par la concurrence sauvage du marché mondial pendant des décennies, et pourtant, paradoxalement, elle impose un régime protectionniste aux importations du sud de la Méditerranée.

Le dialogue et la coopération entre les peuples du Nord et du Sud sont aujourd'hui impossibles, étant donné le différentiel de pouvoir économique et politique entre l'Occident et les États sous-développés. Cependant, avec l'émergence du multilatéralisme et la dédollarisation de l'économie mondiale, ce fossé va sans doute se réduire et la Méditerranée, transformée en Moyen-Orient, pourrait devenir très déterminante dans l'établissement d'un nouvel ordre mondial. Car ce n'est que dans un ordre multilatéral, dans lequel tous les peuples sont reconnus comme ayant une égale dignité, qu'il peut y avoir dialogue, coopération et pacification entre les Etats.

Déconstruire le fondamentalisme atlantique

Les deux rives de la Méditerranée sont aujourd'hui séparées par un fossé socioculturel infranchissable. Le dialogue est rendu impossible par le fait que l'Europe s'identifie aux valeurs de l'Occident. Aussi, considérant l'Occident comme l'incarnation des valeurs universelles et inaliénables, telles que les droits de l'homme, l'État de droit, la démocratie libérale et le libre marché mondial, sur la base de cette primauté, les États-Unis et l'UE prétendent imposer leurs valeurs aux pays islamiques, comme au monde entier. L'Occident américain est ainsi à considérer comme un nouvel eurocentrisme atlantique qui, en tant que civilisation supérieure, se considère légitimé pour la colonisation culturelle, économique et politique du monde islamique. En vertu de son autoréférence, l'Occident américain impose son système idéologico-politique au monde par le biais de sanctions, de propagande médiatique et de guerres humanitaires. L'Occident américain veut, entre autres, exporter par la force des armes un système démocratique qui a aujourd'hui dégénéré en une oligarchie financière et technocratique et qui est donc très éloigné du modèle originel de la démocratie représentative.

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Entre les rives de la Méditerranée, un conflit politico-idéologique fait rage depuis des décennies entre la modernité occidentale et les pays islamiques, dont la culture s'est avérée incompatible avec le processus de mondialisation cosmopolite et néo-libérale imposé par l'unilatéralisme américain. Au contraire, la civilisation islamique s'est révélée être un élément de résistance à la domination mondiale de la superpuissance américaine.

Deux visions du monde contradictoires, qui s'avèrent irréconciliables car les Etats-Unis sont une puissance génétiquement unilatérale, incapable de concevoir "l'autre à partir d'elle-même". Un monde composé d'une multiplicité de cultures et d'identités différenciées est inconcevable pour les Etats-Unis. L'ordre mondial unipolaire fondé sur les droits de l'homme devrait être remplacé par un monde multipolaire fondé sur la primauté des droits des peuples. Dans un ordre où l'homme, au lieu d'être considéré comme une entité abstraite, selon les diktats de l'idéologie libérale, mais comme un individu appartenant et participant à une communauté structurée sur des valeurs culturelles, politiques et religieuses identitaires, les libertés individuelles, les droits des minorités et des classes subalternes pourraient être mieux protégés. De même, dans le contexte géopolitique, la primauté des droits des peuples conférerait une égale dignité à tous les États et, par conséquent, s'affirmerait un ordre qui garantit la souveraineté et l'indépendance des États et préserve leurs identités culturelles, libérant les peuples les plus faibles et les moins développés de l'esclavage de la dette, qui constitue aujourd'hui le principal instrument de la domination occidentale.

Deux fondamentalismes opposés se sont affrontés en Méditerranée. L'islamisme est en fait un phénomène né d'une réaction exaspérée au fondamentalisme du marché, des droits de l'homme, de la "destinée manifeste", en tant que valeur identitaire des Etats-Unis d'origine vétérotestamentaire.

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L'Europe doit donc déconstruire le fondamentalisme des "valeurs occidentales" imposées par l'occupation américaine après la Seconde Guerre mondiale. Pour établir un dialogue, il faut accorder une égale dignité aux deux interlocuteurs. Grâce au dialogue avec les peuples de la région MENA, l'Europe pourrait se redécouvrir et se reconnaître, retrouver sa mémoire historique, redécouvrir ses racines identitaires (principalement le christianisme), les origines de sa culture pré-moderne. Selon Franco Cassano, dans son essai "Nécessités de la Méditerranée" : "De l'interdiction de l'usure à la forte insistance sur les devoirs d'assistance aux autres membres de la communauté, l'Islam peut être un atout important pour déconstruire un jeu qui sous-tend le fondamentalisme de l'Occident, le solipsisme de l'individualisme radical, l'apologie d'un sujet totalement déraciné de tout lien social, une idée de la liberté de plus en plus anomique, construite sur le modèle du consommateur plutôt que sur celui du citoyen".

Du dialogue avec l'Europe, les pays islamiques eux-mêmes pourraient tirer des idées et des projets pour créer un modèle de développement et de modernisation compatible avec leur identité culturelle afin d'émanciper leurs sociétés des conditions actuelles de retard et de sous-développement qui ont constitué un terreau très fertile pour la prolifération du fondamentalisme islamique.

L'Europe devrait donc procéder à une déconstruction du fondamentalisme américaniste qui a conduit à la dissolution progressive de son identité culturelle. En d'autres termes, opérer une révolution culturelle en son sein afin d'assumer un rôle de premier plan dans l'ère du monde multipolaire qui s'ouvre à nous. Le fondamentalisme atlantique est dans une phase de déclin irréversible et l'UE, qui n'a jamais existé en tant qu'entité géopolitique autonome de l'OTAN, est en voie de dissolution progressive. C'est ainsi que Serge Latouche l'exprime dans son essai "La voix et les voies d'une mer déchirée" : "Cependant, est-il vraiment vrai que l'Europe peut renier sa progéniture et dissoudre le lien de solidarité avec le "monstre" qu'elle a engendré ? Malgré les rivalités et les antagonismes de toutes sortes, l'Europe reste profondément complice et solidaire des Etats-Unis. Afin d'affirmer et de renforcer sa différence, l'Europe devrait renouer avec ses racines pré-modernes et pré-capitalistes, comme la vision méditerranéenne, et redécouvrir sa parenté avec son côté oriental et orthodoxe qui est toujours resté en marge. Ces deux Europes, celle du Sud et celle de l'Est, ont pour frontière l'autre : le voisin, le Moyen, l'Extrême-Orient et, surtout, elles ont pour frontière le monde musulman dans ses variantes turque, persane, kurde, mongole, berbère et arabe. Les échanges incessants, même violents, et les complicités de toutes sortes ont toujours (ou du moins pendant longtemps) préservé ces parties de l'Europe de l'autisme de l'Europe atlantique et des excès américains.

Cette Europe, aujourd'hui déchristianisée et réduite à une périphérie atlantique, devra rompre avec l'Occident et, pour se libérer de la domination de l'anglosphère qui prévaut aujourd'hui dans l'UE, elle devra redécouvrir sa vocation méditerranéenne puis se projeter au Moyen-Orient.

Or, à ce jour, il n'existe aucun signe prémonitoire d'une possible résurrection de l'Europe de l'abîme atlantique de la post-histoire dans lequel elle a plongé. Mais qui fera ressurgir le plurivers méditerranéen de l'oubli séculaire? 

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Note : Les essais de Danilo Zolo "La question méditerranéenne", de Franco Cassano "Nécessité de la Méditerranée" et de Serge Latouche "La voix et les voies d'une mer déchirée" ont été publiés dans l'ouvrage collectif "L'alternative méditerranéenne" édité par Franco Cassano et Danilo Zolo, Feltrinelli 2007.

 

vendredi, 10 mars 2023

Il n'y a pas seulement le gaz et le pétrole: les Européens dépendent aussi du combustible nucléaire russe

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Il n'y a pas seulement le gaz et le pétrole: les Européens dépendent aussi du combustible nucléaire russe

Source: https://zuerst.de/2023/03/10/nicht-nur-gas-und-oel-die-europaeer-sind-auch-von-russischen-kernbrennstaeben-abhaengig/

Bruxelles/Moscou. Le fait que les Européens se tirent une balle dans le pied en boycottant les importations d'énergie russe n'est pas nouveau. Mais l'UE ne dépend pas seulement du gaz et du pétrole russes, mais aussi du combustible nucléaire russe. Au sein de l'UE, c'est donc surtout la France qui se trouve dans le pétrin.

Des mouvements de retrait se font déjà sentir. Le conseiller municipal viennois en charge du climat, Jürgen Czernohorszky, qui préside le réseau de villes Cities for Nuclear Free Europe (CNFE), conseille ainsi d'exclure complètement le secteur nucléaire des sanctions. "L'UE n'a pas d'autre choix que d'exclure totalement l'énergie nucléaire du dixième train de sanctions récemment adopté contre la Russie. Car l'Europe s'est de plus en plus livrée dans le domaine nucléaire au fil des années", déclare Czernohorszky.

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En France, sans le combustible nucléaire russe, ce n'est pas seulement l'approvisionnement en énergie qui serait menacé, mais aussi la capacité opérationnelle de l'armée - les sous-marins nucléaires français dépendent également du ravitaillement en combustible nucléaire russe.

Dans les anciens pays du bloc de l'Est, l'approvisionnement en énergie est particulièrement dépendant du bon vouloir de la Russie - les éléments combustibles pour les anciens réacteurs nucléaires de type VVER-440 ne peuvent actuellement être fournis que par des entreprises russes. La Hongrie continuera également à dépendre du combustible nucléaire russe - Budapest est en train de faire construire deux nouveaux réacteurs par l'entreprise énergétique publique russe ROSATOM. Budapest s'oppose donc aux sanctions occidentales. (mü)

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La guerre de Washington contre Pékin va appauvrir l'Europe des majordomes

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La guerre de Washington contre Pékin va appauvrir l'Europe des majordomes

Augusto Grandi

Source: https://electomagazine.it/la-guerra-di-washington-contro-pechino-impoverira-leuropa-dei-maggiordomi/#google_vignette

Donald Trump avait commencé sa campagne électorale présidentielle américaine en annonçant qu'il annulerait toutes les importations en provenance de Chine s'il était réélu.  Une perspective à laquelle Pékin se prépare d'ores et déjà. En vue d'une guerre certes économique mais peut-être aussi militaire. Et la profonde stupidité de Biden et de ses majordomes européens a déjà donné à Xi Jinping un allié fidèle en la Russie.  Les brillants atlantistes ont sorti Poutine d'une position d'équidistance substantielle entre l'Ouest et l'Est pour le contraindre à une alliance plus large, non seulement en Asie, mais aussi en Afrique et en Amérique latine.

Et tandis que Schlein, la nouvelle cheffesse des socialistes italiens, s'occupe d'antifascisme et d'astérisques, que Meloni tente (en vain) de faire passer le message et les diktats de Biden, le reste du monde se prépare aux changements que l'on considère de plus en plus probables.  C'est une chasse permanente aux matières premières indispensables pour affronter un monde qui n'est plus global mais divisé en nouveaux alignements dont on ne sait s'ils seront solides et durables.

A ce stade, les accords économiques et commerciaux ne signifient pas grand-chose. Contrairement à ce que le gouvernement de Rome fait semblant de croire (et on espère qu'il ne fait que semblant, car s'il y croit vraiment, c'est beaucoup plus grave).

D'autre part, des tensions apparaissent là où un observateur distrait ne s'y attend pas.  Par exemple entre les Émirats et l'Arabie saoudite. Mais aussi dans les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale.  Alors qu'au contraire, des pays historiquement ennemis signent des accords stratégiques.  Et la Chine multiplie les collaborations militaires dans le domaine naval pour préparer l'affrontement avec les États-Unis, qui se sont renforcés aux Philippines.

La confusion est grande dans le ciel. Contrairement à ce que prétendait le président Mao. Et de temps en temps, il y a aussi des signes, généralement sous-estimés, qui mettent en doute le récit officiel.  Par exemple, on répète depuis plus de deux ans qu'il y a un manque de puces électroniques.  Elles manquent dans les voitures, dans tous les produits technologiques. Et elles sont refusées à la Russie pour l'empêcher de les utiliser à des fins d'armement. Il est dommage que la Corée du Sud, l'un des principaux producteurs de puces, ait dû ralentir sa production parce que ses entrepôts sont pleins. Et ce n'est pas à cause des sanctions contre Moscou, puisque la Russie continue à recevoir des micropuces par le biais de triangulations avec des pays amis.

En revanche, les majordomes européens de Biden appauvrissent leurs pays respectifs. Et la politique américaine de fermeture à l'égard de la Chine, fermeture également imposée aux majordomes, conduira à l'annulation des marchés les plus prometteurs pour la production européenne en général et italienne en particulier.  Pour être les meilleurs serviteurs des intérêts nord-américains, le dirigeants italiens devront renoncer à des centaines de millions de consommateurs potentiels dans des pays où la classe moyenne se développe.

Un comportement pour le moins stupide.  Et nous avons vu avec les récents scandales à Bruxelles qu'il faut être bien crédule pour penser qu'il s'agit d'une simple stupidité.

mercredi, 08 mars 2023

Dépêches sur les événements de Géorgie

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Dépêches sur les événements de Géorgie

Manifestations de masse à Tbilissi contre la loi sur les agents étrangers - l'essentiel

Source: https://katehon.com/ru/news/v-tbilisi-massovye-protesty-protiv-zakona-ob-inoagentah-glavnoe

Mardi, 7 Mars 2023 - 22:09

L'opposition géorgienne s'est unie et tente de chasser le gouvernement et son chef, Bidzina Ivanichvili, par la force (jusqu'à présent sans recourir aux armes). La loi sur l'influence étrangère prévoit que les personnes morales qui reçoivent plus de 20 % de fonds étrangers doivent le déclarer publiquement.

    - Le rassemblement devant le parlement a commencé après l'adoption du projet de loi en première lecture. Les citoyens s'y opposent car ils estiment que la loi entrave l'intégration européenne de la Géorgie.
    - Le chef du parti au pouvoir, Rêve géorgien, estime que la société est volontairement désinformée, alors que la transparence des ONG contribuera à réduire la polarisation politique.
    - Au milieu du bruit et des affrontements, les députés ont dû être évacués du bâtiment du Parlement sous la protection de la police.
    - Le ministère de l'intérieur a déclaré que le rassemblement "a pris un caractère violent". L'opposition insiste sur le caractère pacifique de la manifestation
    - La police a tiré des gaz lacrymogènes et actionné des canons à eau lors du rassemblement qui a suivi. Des manifestants, des journalistes et des policiers ont été blessés
    - Levan Ioseliani, procureur géorgien, a appelé la police et les manifestants à "ne pas dépasser les limites".
    - La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili a annulé ses réunions à New York et s'adressera bientôt au peuple.
    - Notez que le nouvel ambassadeur américain en Géorgie, Robin Dunnigan, est considéré comme un expert en matière de coups d'État (appelés "révolutions colorées").


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Les États-Unis menacent la Géorgie de sanctions pour avoir adopté une loi sur les agents étrangers

Source: https://katehon.com/ru/news/ssha-prigrozili-gruzii-sankciyami-za-prinyatiya-zakona-ob-inoagentah

Mardi, 7 Mars 2023 - 22:54

Les autorités américaines n'excluent pas la possibilité d'imposer des sanctions à la Géorgie en raison de la loi sur les agents étrangers. C'est ce qu'a annoncé le département d'État américain dans la nuit de mardi à mercredi.

Ils ont expliqué que pour l'instant, il s'agit de sanctions personnelles contre des hommes politiques géorgiens.

"Nous disposons d'un certain nombre d'outils qui nous permettent de demander des comptes à quiconque, dans n'importe quel pays, entrave l'exercice d'un droit de l'homme universel", a déclaré le porte-parole du département d'État, Ned Price.

Un peu plus tôt, l'ambassadrice des États-Unis à Tbilissi, Kelly Degnan, avait également exprimé sa protestation. Elle a qualifié le projet de loi de "contraire à la loi américaine et dirigé contre les médias et les ONG".

Ces propos ont surpris les membres du gouvernement géorgien. Ainsi, Thea Tsulukiani, vice-premier ministre de Géorgie et ministre de la culture, a avoué ne pas comprendre la logique américaine.

Premièrement, pourquoi la loi géorgienne doit-elle se conformer à la législation américaine ? Deuxièmement, comment peut-elle contredire la législation américaine, si elle reprend littéralement la loi américaine existante sur les agents étrangers. La seule différence est que la version géorgienne est beaucoup plus douce.

Aux États-Unis, la loi permet à la fois à une personne morale et à une personne physique d'être reconnue comme agent étranger. En Géorgie, elle n'autorise que les personnes morales. Malgré cela, Washington a accusé Tbilissi de violer les droits de l'homme.

Le parlement géorgien a adopté en première lecture la loi sur les agents étrangers. Cela a déclenché des protestations massives et des affrontements avec la police de l'extérieur. Mécontents de la décision des parlementaires, les manifestants craignent que la nouvelle loi ne devienne un obstacle sur la voie de l'intégration européenne du pays.

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La présidente géorgienne en visite aux États-Unis qualifie la Statue de la Liberté de symbole de la lutte nationale et soutient le Maïdan à Tbilissi

Source: https://katehon.com/ru/news/prezident-gruzii-iz-ssha-nazvala-statuyu-svobody-simvolom-nacionalnoy-borby-i-podderzhala

Mardi, 7 Mars 2023 - 23:04

La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, dans un discours aux manifestants à Tbilissi, a déclaré qu'elle soutenait la protestation contre la loi sur les agents étrangers. Elle a ajouté qu'elle opposerait son veto à cette loi.

"J'en appelle à vous, ce soir, à Rustaveli, où je me suis tenue plus d'une fois. Ce soir, je suis à New York et la Statue de la Liberté est derrière moi. C'est un symbole de ce pour quoi la Géorgie s'est toujours battue, de ce que nous avons atteint aujourd'hui. Je me tiens à vos côtés parce que vous représentez aujourd'hui la Géorgie libre", a déclaré Salome Zurabishvili dans son discours vidéo.

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La police de Tbilissi répond aux cocktails Molotov en tirant des balles en caoutchouc contre les manifestants

Source: https://katehon.com/ru/news/policiya-tbilisi-v-otvet-na-kokteyli-molotova-primenila-rezinovye-puli-protiv-protestuyushchih

Mardi, 7 Mars 2023 - 11:16 pm

Pour tenter de disperser les foules violentes de manifestants, la police a commencé à utiliser des balles en caoutchouc. Ni les canons à eau ni les gaz lacrymogènes n'ont pu calmer les manifestants, et les manifestants eux-mêmes ont commencé à lancer des cocktails Molotov sur les forces de l'ordre.

Les manifestants ont déjà reçu le soutien de la présidents de la Géorgie, qui, bien qu'il s'agisse d'une personnalité officielle, peut encore influencer l'humeur de la foule, dont la taille, selon les premières estimations, est d'au moins 10.000 personnes.

La police retient les manifestants avec des matraques en caoutchouc près du bâtiment du parlement géorgien, la circulation est bloquée dans toute la ville et des équipements spéciaux ont été envoyés dans les rues de Tbilissi.

lundi, 06 mars 2023

De l'Inde à l'Afrique, les tournées européennes ne sont pas à la hauteur des résultats annoncés

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De l'Inde à l'Afrique, les tournées européennes ne sont pas à la hauteur des résultats annoncés

Augusto Grandi

Source: https://electomagazine.it/dallindia-allafrica-i-tour-euro...

Lady Garbatella (= Giorgia Meloni) s'envole pour l'Inde et les clercs de la désinformation italienne assurent que les résultats certains de cette visite inclueront la condamnation de la Russie par New Delhi.  Manifestement, le premier ministre indien ne suit pas les médias italiens et n'exprime donc pas la moindre condamnation de Moscou avec qui, au contraire, les relations économiques et financières se sont intensifiées depuis le début de la guerre en Ukraine.  Il est vrai que ce n'est pas Meloni qui s'est lancé dans des annonces dépourvues de signification, mais un démenti de temps en temps, son service de presse peut tout de même essayer d'en faire un.

Mais ce n'est pas comme si, sur la scène internationale, le rival de Lady Garbatella, Emmanuel Macron, faisait mieux, puisqu'il est en tournée en Afrique pour faire oublier les manifestations qui se succèdent sur le sol français et récupérer un peu d'espace et de crédibilité sur le continent noir où sévissent la Chine et la Russie, mais aussi l'Inde et la Turquie. Le pauvre Macron arrive au Gabon et l'accueil est froid. Puis, pourtant, l'environnement se réchauffe en République démocratique du Congo. Pas dans le sens espéré par le président français.  Il est interpellé et insulté par une population qui accuse l'Hexagone de soutenir le Rwanda, coupable d'avoir perpétré des massacres au Congo.

Pour compléter le tableau des difficultés croissantes de la politique étrangère d'une Europe au service de Washington, l'ONU condamne la politique répressive menée par le gouvernement algérien.  Mais comment ? L'Algérie tant encensée par Lady Garbatella et les ministres du gouvernement de droite et du centre, avec le soutien total des clercs de la désinformation italienne, pourquoi nous vend-elle à un prix élevé le gaz que nous achetions auparavant à un prix beaucoup plus bas à la Russie ?  L'Algérie, partenaire clé du fantômatique "plan Mattei" ?

Il est évident qu'il s'agit d'une sale manœuvre de Poutine, qui contrôle l'ONU, pour mettre sous un mauvais jour un pays ami de l'Italie atlantiste.  Dommage qu'en réalité Alger soit un partenaire stratégique de Moscou.  Mais cela a dû échapper aux clercs du journalisme italien.

Les buts et objectifs actuels de la Russie dans l'Arctique

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Les buts et objectifs actuels de la Russie dans l'Arctique

Alan Gotchiyaev

Source: https://www.geopolitika.ru/article/sovremennye-celi-i-zadachi-rossii-v-arktike

L'Arctique russe dans le contexte de la crise des relations de la Russie avec les États arctiques.

Les premières explorations de la Russie dans la région arctique ont commencé dès le siècle dernier, il y a plus de cent ans. À cette époque, le ministère des Affaires étrangères de l'Empire russe a envoyé une note aux gouvernements des pays alliés indiquant que la Russie était propriétaire des terres et des îles situées au nord de la côte asiatique de l'empire. Des expéditions ont alors été menées avec les brise-glace Vaigach et Taimyr. En conséquence, les îles Bennett, Herald, Jeanette, Henrietta et Solitude ont été incluses dans l'empire [2, P. 64-66].

Toutes les terres et les îles découvertes depuis 1916 ont ensuite été transférées sous l'administration de la RSFSR en 1924, et deux ans plus tard, le décret du Présidium de la CCE de l'URSS a défini que "le territoire de l'Union de la RSS est constitué de toutes les terres et îles, à la fois découvertes et celles qui pourraient l'être ultérieurement, situées dans l'océan Arctique au nord de la côte de la RSS jusqu'au pôle Nord entre le méridien 320 degrés 4' 35'' à l'est de Greenwich, longeant le côté est de la baie de Vaida jusqu'au repère de triangulation du cap Kekurskoe, et le méridien de 168 deg. 49' 30' à l'ouest de Greenwich, passant par le milieu du détroit séparant les îles de Ratmanov et le groupe Kruzenshtern (Krusenstern) des îles Diomid dans le détroit de Béring" [15 avril 1926 - Le statut juridique des possessions arctiques de l'Union soviétique est déterminé. // GoArctic. 15.04.2020]. Les dispositions de ce décret sont restées pratiquement inchangées jusqu'en 1985, lorsque l'expédition du brise-glace Kapitan Dranitsyn, dirigée par R.R. Gaidovsky, a découvert un nouveau détroit séparant l'île de Northbrook. En conséquence, le détroit a été nommé d'après le chef-découvreur de l'expédition, et les îles sont devenues connues sous le nom de West et East Northbrook [2, P. 67].

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Au 21ème siècle, une étape importante dans la définition des territoires arctiques de la Russie a été la signature du décret "Sur les territoires terrestres de la zone arctique de la Fédération de Russie" du 02.05.2014, selon lequel les districts autonomes de Yamal-Nenets, de Nenets et de Tchoukotka, les régions d'Arkhangelsk et de Mourmansk, la République de Iakoutie et de Komi, le territoire de Krasnoïarsk, les districts de Carélie de Belomorsk, Louhsky et Kemsky ainsi que " les terres et les îles situées dans l'océan Arctique et certains ulus de Iakoutie, qui ont été déclarés territoire de l'URSS par la résolution du Présidium du Comité exécutif central de l'URSS du 15 avril 1926. "Ces territoires faisaient partie de la partie russe de l'Arctique [Décret du Président de la Fédération de Russie "Sur les territoires terrestres de la zone arctique de la Fédération de Russie"].

L'infrastructure côtière de l'Arctique russe est formée par une vingtaine de ports, dont les ports de Khatanga, Naryan-Mar, Sabetta, Dudinka, Dikson, Varandey, Mourmansk, Arkhangelsk, Onega, Mezen, Kandalaksha, etc. En 2017, ces ports de l'Arctique occidental ont traité plus de 70 millions de tonnes de marchandises, dont des ressources naturelles pétrolières et gazières. Dans l'Arctique oriental, les ports maritimes de Provideniya, Beringovsky, Egvekinot, Tiksi, Pevek et Anadyr, construits au milieu du 20e siècle, ont un rôle militaro-stratégique et traitent des volumes de marchandises pas si importants - un peu plus de 1% des marchandises des autres ports de l'Arctique russe [1, P. 95].

Les principaux sont les ports de Nakhodka, Vladivostok et Vanino, qui traitent des blocs de conteneurs pour le stockage de carburant et de lubrifiants, divers types de machines et de matériaux de construction, du carburant, du charbon (qui, entre autres, est transporté vers la RPC depuis les ports de Beringovsky et Pevek), ainsi que des ressources pour les établissements situés le long des rivières Kolyma, Indigirka, Yana, Olenek et Khatanga [Ibid, P. 95].

Malgré les volumes impressionnants de marchandises transitant par les ports, ceux-ci sont longtemps restés dans un état technique moins que parfait. "La plupart des ports maritimes de l'Arctique constituent aujourd'hui le maillon faible du NSR. En raison d'un manque de fonds, les ports n'ont pas modernisé leurs équipements techniques, ni dragué leurs approches et leurs embouchures", a commenté V.A. Popov du Collège maritime du gouvernement russe en 2021 [Les ports arctiques commencent une nouvelle vie. // GoArctic. 16.02.2021]. En raison des problèmes susmentionnés, la rotation des cargaisons et la capacité de débit des ports diminuent constamment. Par exemple, le traitement des marchandises au port de Tiksi est passé de 860.000 tonnes de marchandises depuis 1986 à 33.000 tonnes en 2019, et sa capacité n'est utilisée qu'à 50% maximum (Ibid.).

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Aujourd'hui, l'importance de la recherche dans la région n'a pas diminué, car l'Arctique produit plus de 80 % de son gaz naturel et possède un pourcentage élevé de réserves pétrolières, et parce que la route maritime du Nord est un important corridor de transport et de commerce qui doit être maintenu.

À cette fin, et malgré les sanctions, les diverses crises et l'état technique moins qu'idéal des ports, la construction de nouveaux terminaux dans l'Arctique s'est poursuivie, principalement à proximité des gisements de gaz, de pétrole et de charbon, et l'État a déjà soutenu ces projets à hauteur de plus de 110 milliards de roubles. La corporation d'État Rosatom et le ministère russe des transports, auquel l'administration de la route maritime du Nord doit rendre compte du développement des ports aujourd'hui [Nouveaux terminaux dans la zone arctique de la Russie. // Maritime News of Russia. 06.04.2022].

Par exemple, cinq projets d'investissement d'une valeur de plus de 100 milliards de roubles doivent être mis en œuvre près du port de Mourmansk, ce qui inclut la construction de terminaux pour le transbordement de charbon et de gaz naturel liquéfié. Il est également prévu d'ouvrir le terminal Tuloma ici en 2023 pour desservir PhosAgro, qui produit des engrais minéraux. La holding de pêche Norebo prévoit d'ouvrir le terminal Udarnik pour traiter les cargaisons réfrigérées et congelées. "Rosatom", quant à lui, prévoit de construire un terminal séparé pour le fret par conteneurs d'ici 2024, en espérant que jusqu'à 800.000 conteneurs par an seront expédiés par le NSR à l'avenir. Dans la baie d'Ura, près de Mourmansk, la construction du plus grand complexe de transbordement de gaz naturel liquéfié par Novatek est prévue pour 2023, avec une capacité de plus de 40 millions de tonnes, ce qui coûtera 70 milliards de roubles. À Arkhangelsk, un projet de construction de deux terminaux destinés à traiter les engrais minéraux, les cargaisons de pétrole, les condensats de gaz, etc. sera réalisé en deux phases jusqu'en 2028. Le coût de la construction est estimé à près de 150 milliards RUB. Un terminal Chaika de 10 millions de tonnes est déjà en cours de construction dans le port de Dickson, pour un coût de plus de 18 milliards de roubles, sous les auspices de la société d'infrastructure AEON, et Rosneft prévoit d'y ouvrir le terminal Bukhta Severn en 2024. [Ibid.]

Aujourd'hui, dans le contexte de la position de crise de la Russie au sein du Conseil de l'Arctique, l'aide internationale dans la région s'affaiblit. Néanmoins, comme on l'a appris à la fin de 2022 par les conclusions de N.V. Korchunov, président du Comité supérieur du Conseil de l'Arctique, les pays des BRICS et de l'OCS sont intéressés par la poursuite de la coopération avec la Russie dans la région arctique [Les BRICS et l'OCS sont intéressés par la coopération avec la Russie dans l'Arctique, a déclaré le ministère des Affaires étrangères. // RIA Novosti. 08.12.2022]. En outre, la VIIIe Conférence internationale "L'Arctique : développement durable" ("Arctic-2023") est toujours prévue pour les 2 et 3 mars 2023 à Moscou avec la participation de 600 personnes [VIIIe Conférence internationale de l'Arctique : développement durable. // Arktika-2023].

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En outre, Rosneft, en collaboration avec Innopraktika, un institut de développement non gouvernemental, prévoit de commencer des recherches sur l'impact des facteurs climatiques et anthropiques locaux sur les écosystèmes des mers arctiques dans la mer Blanche à l'été 2023. Des biopréparations seront également développées pour nettoyer les mers du Nord de la pollution par les hydrocarbures. Le but du projet est de réaliser le modèle géologique le plus fiable de l'Arctique russe [Rosneft poursuivra l'exploration de l'Arctique en 2023. // Nezavisimaya Gazeta. 07.02.2023]. Outre le fait qu'une étude approfondie de la région et des projets conjoints entre scientifiques et entreprises permettront de garantir une navigation toute l'année sur le NSR, les problèmes de réchauffement de l'Arctique seront également abordés, car au cours des dernières décennies, les températures y ont augmenté plus rapidement que partout ailleurs dans le monde, à savoir: l'air arctique s'est réchauffé de 4°C depuis 1960. Des chercheurs allemands de l'Université de Potsdam et de l'Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine ont exprimé leur intérêt pour l'Arctique. L'Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine s'est dit préoccupé par ce fait et a souligné qu'avec le réchauffement, la végétation de conifères commence à empiéter sur la toundra et que "si les émissions de gaz à effet de serre tombent à zéro d'ici 2100 et que les températures moyennes n'augmentent pas de plus de 2°C sur l'ensemble du territoire, même dans ce cas, d'ici 2500, il restera environ un tiers de la zone de toundra dans le Chukotka et le Taimyr. Si, d'ici 2100, les émissions de gaz à effet de serre ne sont réduites que de moitié, il ne restera que 5,7 % de la toundra en forêt. [Retrait de la toundra. // Science et vie. 07.06.2022]. Tout cela affectera à la fois la flore et la faune de la région et la population locale.

Cependant, comme nous l'avons déjà noté, la poursuite de la coopération dans la région est remise en question, ce qui est un fait résolument négatif, car l'Arctique était probablement la seule région où la Russie et les pays occidentaux entretenaient des contacts étroits et pouvaient tirer un grand profit du développement conjoint de la région.

Néanmoins, la Russie prévoit toujours de construire diverses installations dans la région et de mener des recherches à grande échelle, tout comme d'autres pays arctiques. En janvier 2023, par exemple, une société minière suédoise a déclaré avoir découvert un important gisement de minéraux de terres rares dans sa partie de l'Arctique. Le gisement a été découvert par une société minière d'État, qui contrôle déjà deux grandes mines de fer au-delà du cercle arctique. Cette découverte s'est vu conférer un statut géopolitique important car elle contribuera à réduire la dépendance à l'égard des approvisionnements en éléments de terres rares en provenance de Chine (environ 60 % des éléments de terres rares sont importés de Chine) (La Suède découvre d'importants gisements de terres rares dans la région arctique. // Site Web socialiste mondial. 01.29.2023].

En Finlande également, dans le contexte de l'évolution des principes et des accents géopolitiques, tant au sein de la région arctique individuelle qu'au niveau mondial, on a décidé cette année de créer une nouvelle politique arctique qui pourrait servir de point de référence dans les nouvelles réalités. Dans le cadre de cet effort, le gouvernement finlandais a invité plusieurs représentants de différents pays à participer à la conférence Arctic Frontiers à Tromsø, en Norvège, la conférence la plus active sur le développement de l'Arctique et une occasion de débat international, pour discuter des changements dans l'Arctique et de la façon dont ils pourraient affecter les pays arctiques et la Finlande en particulier. Dans le même temps, les points clés de la politique arctique finlandaise seraient maintenus à l'avenir. "Le changement climatique et la biodiversité, le développement durable et les droits des peuples autochtones seront les priorités de la politique arctique de la Finlande à l'avenir", ont déclaré les représentants finlandais [La Finlande explore une nouvelle direction pour sa politique arctique. // Nouvelles du Grand Nord. 01.27.2023].

Ainsi, les objectifs et les priorités des pays dans ce bouleversement politique ont commencé à changer, tout comme de nombreux arrangements politiques dans le monde. L'Arctique ne fait pas exception. À l'heure actuelle, il est trop tôt pour dire quels changements fondamentaux les crises peuvent produire dans la région, mais il est juste de dire qu'à ce stade, les États de l'Arctique, y compris la Russie, mènent toujours des recherches, font de nouvelles découvertes et se préparent aux grands changements à venir, avec beaucoup moins de cohésion et de solidarité qu'auparavant.

Liste des sources :

    (1) Zaostrovskikh E.A. Seaports of the Eastern Arctic and supporting zones of the Northern Sea Route. // Regionalistika. 2018. №6. - 106 с. 

    (2) Lukin Y.F. L'Arctique russe se développe avec des îles. // AiS. 2015. №18. - 80 с.

dimanche, 05 mars 2023

La tournée de Blinken en Asie centrale

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La tournée de Blinken en Asie centrale

Source: https://katehon.com/ru/article/centralnoaziatskoe-turne-blinkena

Le secrétaire d'État américain Anthony Blinken a effectué une visite en Asie centrale du 28 février au 3 mars. Le 28 février, il a rencontré à Astana le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokayev. Il a également eu des entretiens avec son homologue, le ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan, Mukhtar Tleuberdi. En outre, il a rencontré les ministres des Affaires étrangères des cinq pays d'Asie centrale à Astana (format C5+1). Le 1er mars, M. Blinken a rencontré le ministre ouzbek des Affaires étrangères Bakhtiyor Saidov et s'est entretenu avec le président ouzbek Shavkat Mirziyoyev à Tachkent.

Contre la Russie et la Chine

La rhétorique de Blinken et les déclarations officielles à la presse ne laissaient aucun doute. Le chef de la diplomatie américaine est venu en Asie centrale pour persuader les plus proches voisins de la Russie de soutenir les sanctions anti-russes ou au moins de condamner ses actions en Ukraine, creusant ainsi un fossé entre Moscou et ses partenaires d'Asie centrale. Au Kazakhstan, par exemple, il a remercié la république d'avoir fourni une aide humanitaire à l'Ukraine et d'avoir hébergé les 200.000 personnes qui ont fui la Russie après l'annonce de la mobilisation partielle. En Ouzbékistan, il a exhorté les médias locaux à ne pas diffuser la "propagande russe". Partout, il a exprimé son soutien à la souveraineté des pays de la région et approuvé les "réformes".

Lors d'une conférence de presse au Kazakhstan le 28 février, il a qualifié la Russie d'agresseur plus de dix fois. Au même moment, le chef du ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan a déclaré qu'il ne voyait aucune menace de la part de la Russie. L'invité américain a également critiqué la Chine depuis Astana, menaçant de problèmes "non seulement dans les relations avec les États-Unis, mais aussi avec d'autres pays" si Pékin soutenait Moscou dans le conflit ukrainien. Lors d'une conférence de presse à Tachkent, Blinken a critiqué le plan de paix de la Chine dévoilé la veille. Le secrétaire d'État a accusé Pékin de "continuer à attiser les flammes du feu que Vladimir Poutine a allumé".

Lors d'une conférence de presse à l'issue d'une réunion avec les ministres des affaires étrangères du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l'Ouzbékistan, du Turkménistan et du Tadjikistan, Blinken a également déclaré que les Etats-Unis étaient prêts à dédommager les pays d'Asie centrale pour les dommages causés par les sanctions anti-russes.

La question des sanctions

Pour les États-Unis, le problème est que le commerce de la Russie avec les pays d'Asie centrale augmente malgré les sanctions. Il s'agit en partie d'"importations parallèles". Les États-Unis ont déjà discuté avec les pays d'Asie centrale de la mise en œuvre de sanctions anti-russes. Il est bénéfique pour les pays de la région d'agir comme des ponts de la Russie vers le monde et les États-Unis devraient offrir quelque chose de valable (ou des sanctions sévères) pour contrebalancer les avantages évidents de la coopération avec la Russie et la Chine. Jusqu'à présent, l'aide que Washington promet - 25 millions de dollars pour tous les pays de la région, même si elle s'ajoute aux 25 millions de dollars promis en septembre dernier - ne correspond pas aux coûts d'une éventuelle adhésion aux sanctions anti-russes. Les Américains, cependant, pourraient utiliser la méthode de la carotte et du bâton en menaçant les économies locales de sanctions. Auparavant, Washington a imposé des sanctions à l'oligarque russo-ouzbek Alisher Usmanov, mais a ensuite retiré ses actifs des restrictions de blocage. Les Etats-Unis n'ont pas expliqué dans quel but ce geste de bonne volonté avait été fait.

Après la visite de Blinken aux États d'Asie centrale, le ministre kazakh des affaires étrangères a déclaré que, grâce aux consultations avec les Américains, Astana a pu éviter des sanctions secondaires.

Questions de sécurité

Comme l'a noté le ministre ouzbek des affaires étrangères par intérim, Bakhtiyor Saidov, les États-Unis et l'Ouzbékistan "partagent les mêmes priorités pour une Asie centrale prospère, stable et pacifique". La question de la sécurité - avec en toile de fond la situation problématique en Afghanistan où le gouvernement des Talibans ne peut faire face aux radicaux, y compris les terroristes de l'ISIS* (*organisation terroriste interdite en Russie) - inquiète les pays d'Asie centrale.

Les États-Unis pourraient bien profiter de ce problème (créé en grande partie par leurs propres actions et inactions en Afghanistan) en promettant de l'aide aux pays d'Asie centrale.

Les États-Unis ont un autre intérêt sécuritaire au Kazakhstan : les armes et munitions soviétiques qui pourraient être transférées en Ukraine. Auparavant, il a été signalé que des munitions étaient vendues depuis le Kazakhstan via des pays du Moyen-Orient. Il a été signalé que le Royaume-Uni supervisait ce projet.

Un autre problème non moins important est la sécurité biologique.

On sait qu'un nouveau laboratoire biologique américain est en cours de construction au Kazakhstan, dans le village de Gvardeyskiy, dans la région de Zhambyl. Un autre laboratoire de ce type est situé à Almaty. Selon les experts, les questions de fonctionnement des installations biologiques des États-Unis au Kazakhstan pourraient également être discutées à huis clos. En Ouzbékistan, un laboratoire similaire a été ouvert en 2021.

Les États-Unis ont positionné ces installations comme visant à lutter contre le bioterrorisme et à répondre de manière adéquate aux menaces naturelles. L'Asie centrale est un réservoir naturel pour un certain nombre de maladies dangereuses, notamment la peste.

Cependant, au cours de l'opération spéciale en Ukraine, les autorités russes ont déclaré à plusieurs reprises que ces installations auraient pu être utilisées pour créer des armes biologiques. Moscou a une attitude négative à l'égard du placement près de ses frontières de biolaboratoires américains liés à l'Agence américaine de réduction de la menace bioterroriste (DTRA) dirigée par le Pentagone.

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Propager la démocratie

Lors de son séjour au Kazakhstan, M. Blinken a déclaré que les États-Unis soutenaient les réformes du système politique du pays vers une plus grande "démocratie". En Ouzbékistan, il a également été question de "réformes". Le ministère ouzbek des Affaires étrangères a exprimé sa reconnaissance pour le soutien américain aux réformes du président Mirziyoyev. Au cours de sa tournée en Asie centrale, M. Blinken a accordé une attention particulière aux programmes humanitaires américains dans la région. A Tachkent, par exemple, il a rencontré des écoliers participant au programme "US Embassy Access".

Hisser les drapeaux

La visite du secrétaire d'État américain en Asie centrale a coïncidé avec la visite du secrétaire du Conseil de sécurité russe, Nikolay Patrushev, au Venezuela et à Cuba. Au Venezuela, Patrushev a rencontré le dirigeant du pays, Nicolas Maduro, et a discuté officiellement de la coopération entre les services de renseignement et les forces de l'ordre. À Cuba, une réunion a eu lieu avec le chef du ministère de l'Intérieur du pays, ainsi qu'avec le leader de la révolution cubaine, Raul Castro, et le président du pays, Miguel Diaz-Canel. Les "priorités stratégiques" de la coopération entre les deux pays ont été discutées.

Les États-Unis et la Russie hissent leur drapeau dans les domaines d'intérêt prioritaires de chacun. Ce faisant, Moscou peut compter sur ses alliés dans la région, tandis que Washington doit trouver des échappatoires pour convaincre les partenaires de Moscou d'écouter sa position. Cependant, les États-Unis disposent d'un potentiel de déstabilisation de la région, notamment des biolaboratoires non responsables devant les autorités locales, des institutions et fondations de la "société civile" et des instruments de pression des sanctions. Dans le cadre des "consultations" avec les Américains sur les sanctions, les États d'Asie centrale leur donnent de facto le droit d'influencer leurs propres économies, sapant ainsi leur propre souveraineté.

 

France: Conjectures politiciennes

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France

Conjectures politiciennes

par Georges FELTIN-TRACOL

C’est une petite musique qui commence à circuler dans le tout-Paris médiatique et que le landernau politicard répète à l’envie afin de s’effrayer à bon compte. 2027 verrait l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République.

Les ultra-modernes augures expliquent cette prédiction par des analogies. Après deux mandats, Barack Obama qui, s’il avait pu se présenter encore, aurait effectué un troisième, puis un quatrième mandat, a laissé la place à Donald Trump. Ne pouvant plus se représenter, Emmanuel Macron passerait la main à la finaliste malheureuse de 2017 et de 2022. Cette hypothèse hardie se base sur une gauche, unie ou non, absente du second tour, des Républicains en coma dépassé et, surtout, une majorité présidentielle éclatée en plusieurs candidats (Édouard Philippe, François Bayrou, Bruno Le Maire, peut-être Gérald Darmanin et un représentant de l’aile progressiste de la Macronie). Elle parie enfin sur une exaspération populaire générale croissante à venir propice à la victoire du marinisme.

Mais le scénario envisagé ne s’arrête pas en 2027. Il intègre l’échéance présidentielle suivante avec une nouvelle candidature d’Emmanuel Macron, âgé de 55 ans. Il reviendrait à l’Élysée effectuer un nouveau décennat. Observons le tumulte permanent suscité par une opposition protéiforme qui a paralysé, parasité et éclipsé l’action de Trump et du Brésilien Jair Bolsonaro. Aujourd’hui, l’Italienne Giorgia Meloni montre toute la difficulté de diriger un pays occidental quand on ne provient pas entièrement des cénacles officiels. La médiacratie, l’opposition de gauche, la haute-administration et la magistrature l’encerclent et l’empêchent de conduire la politique pour laquelle elle a été élue. En quatre mois, la présidente de Frères d’Italie est revenue sur ses promesses électorales, applique une politique dans la stricte continuité de Mario Draghi et se doit de composer avec la Commission de Bruxelles qui sait que le rapport de force joue en sa faveur.

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Malgré une éventuelle majorité absolue au Palais-Bourbon, Marine Le Pen à l’Élysée serait ligotée et surveillée par le Conseil constitutionnel, la Cour de Cassation, la Cour de justice de l’Union pseudo-européenne, la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil d’État, les réseaux d’influence qui noyautent la fonction publique, les syndicats, la médiacratie, l’ONU, l’OTAN, etc. Soit elle renoncerait à des pans entiers de son programme déjà bien léger, ce qui plongerait la France dans la déception, le marasme et la dépolitisation, soit son expérience présidentielle s’achèverait à la Mohamed Morsi, en référence au président islamiste égyptien renversé au bout d’un an en 2013, ce qui inciterait un prompt retour de son prédécesseur à la tête de l’État.

Une autre spéculation excite les commentateurs politiques, à savoir le risque de dissolution de l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron s’irrite de ne plus disposer de majorité absolue. Il aurait la tentation de déclencher des législatives anticipées au premier prétexte trouvé. Or, les circonstances présentes ne se prêtent guère à cette manœuvre politicienne. À partir de septembre 2023 se déroulera dans l’Hexagone la Coupe du monde de rugby.

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Difficile d’être en campagne électorale à ce moment-là. En 2024, hormis les trois – quatre premiers mois de l’année, il y aura d’abord les élections européennes en mai ou en juin, sauf si elles sont couplées avec des législatives anticipées, puis ensuite les Jeux Olympiques. Leur fin constituerait une assez bonne fenêtre de tir à la condition que les JO soient un succès indéniable sur lequel le chef de l’État puisse s’appuyer. Il n’est pas certain que cette manifestation dispendieuse réussisse au regard de l’état des transports publics parisiens, de l’organisation de l’évènement et de la sécurité. Un effet sur-multiplié « Stade de France » avec ces méchants Anglais agresseurs d’honnêtes racailles du 9-3 est fort prévisible.

En cas de dissolution, l’Assemblée nationale conserverait peut-être une majorité relative ou bien, hypothèse plus improbable, consacrerait la victoire du RN. Dans cette perspective, Marine Le Pen a dès à présent annoncé qu’elle refuserait sa nomination à Matignon. À l’instar du Polonais Jaroslav Kaczyński, longtemps chef du groupe parlementaire majoritaire, elle resterait présidente de son groupe au Palais-Bourbon. Ce retrait tactique préserverait en partie ses chances de l’emporter en 2027. Cependant, tout gouvernement RN subirait les entraves énoncées précédemment et vivrait une cohabitation éprouvante avec un président prêt à tout pour le faire dérailler, quitte à redissoudre la chambre basse dès la carence d’une année révolue.

La funeste révision constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarközy et adoptée de justesse par le Congrès à Versailles qui empêche tout troisième mandat présidentiel consécutif fige les initiatives de l’actuel locataire de l’Élysée. Sans cette contrainte stupide, preuve flagrante de l’américanolâtrie de l’ancien maire de Neuilly-sur-Seine, Emmanuel Macron pourrait démissionner, être réélu, dissoudre l’Assemblée de juin 2022 et, cette fois-ci, obtenir une majorité absolue. Toutefois, s’il démissionne au cours de son second mandat, pourrait-il immédiatement se représenter en considérant que l’intérim de la présidence de la République par le président du Sénat compte pour un mandat ? Les constitutionnalistes divergent sur la réponse apportée. Une minorité avance que sa candidature serait légitime et invoque un avis du Conseil d’État rendu le 25 octobre 2022. Saisi par le gouvernement à propos de la présidence de la Polynésie française et de la possibilité qu’un président puisse exercer un troisième mandat alors que la loi organique interdit plus de deux mandats consécutifs de cinq ans chacun, le juge administratif explique finalement que « la disposition s’entend comme limitant à deux mandats successifs de cinq ans complets l’exercice de la présidence de la Polynésie et qu’une personne ayant exercé deux mandats successifs, dont l’un est inférieur à cinq années, peut légalement briguer un troisième mandat ». La plupart des spécialistes s’accorde néanmoins qu’il appartiendrait au Conseil constitutionnel dont les membres ne sont pas impartiaux – on l’a vu avec l’approbation de l’horrible passeport sanitaire -, de valider ou non les parrainages.

Histoire de terrifier leurs quelques lecteurs bien-pensants à peu de frais, la grasse presse et les prescripteurs d’opinions convenus échafaudent volontiers de vaines supputations politiciennes. Il faut toutefois retenir que l’activité politico-électorale se joue pour l’instant dans un cadre règlementaire défavorable à l’Opposition nationale, populaire, sociale, identitaire et européenne. Il lui reviendra le moment venu de s’affranchir du carcan institutionnel en instaurant une situation exceptionnelle apte à remplacer réellement les fondements philosophiques du gouvernement.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 63, mise en ligne le 1er mars 2023 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 04 mars 2023

Réorganiser le Heartland: aperçus, suggestions et objectifs possibles dans les stratégies multipolaires

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Réorganiser le Heartland: aperçus, suggestions et objectifs possibles dans les stratégies multipolaires

Par Lorenzo Maria Pacini

Source: https://domus-europa.eu/2023/02/06/riorganizzare-lheartland-panoramiche-suggestioni-e-possibili-obiettivi-nelle-strategie-multipolari-di-lorenzo-maria-pacini/  

Pourquoi est-il nécessaire de réorganiser le Heartlandfsddeeee?

Partons de l'hypothèse que le cadre multipolaire du monde est quelque chose de déjà déclenché et de factuel, mais qui nécessite une organisation au fur et à mesure de sa définition. Il s'agit d'un processus au sein duquel nous nous trouvons, et non d'une étape "formelle" - même si, d'un point de vue géopolitique, nous pouvons parler de formalisme géographique - et qui doit donc être considéré au fur et à mesure de son développement.

Un premier centre d'intérêt possible est le Heartland, le cœur de la Terre, dont Halford Mackinder n'a cessé de nous rappeler qu'il est l'axe géographique de l'Histoire, c'est-à-dire nécessaire pour fixer un plan cartésien de l'existence humaine.

Commençons donc par nous concentrer sur les principaux vecteurs d'activité géopolitique qui amélioreraient qualitativement le potentiel global du Heartland, dont dépend l'existence ou non d'un monde multipolaire. Il s'agit d'une réorganisation stratégique de l'espace entourant la Russie de toutes parts, dans le but de :

    - Rééquilibrer la présence militaire dans les cinq domaines (terre, eau, air, espace, infosphère) du bloc atlantique ;

    - Favoriser le développement de systèmes sociaux différents de ceux qui sont centrés sur l'Occident ;

    - Favoriser le développement de systèmes géo-économiques et financiers en dehors des plateformes contrôlées par l'Occident (notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Israël et l'Arabie Saoudite) ;

    - Renforcer les acteurs et les promoteurs du multipolarisme ;

    - Permettre aux pays du Heartland, donc en premier lieu à la Russie, d'avoir un accès direct aux points de contact avec le Rimland et le Sealand, et donc aux ports, aux mers chaudes et pas seulement aux mers froides, aux ressources, aux positions stratégiques.

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Comme la diplomatie russe l'a également démontré à plusieurs reprises, notamment depuis le début de l'opération militaire spéciale, le Heartland doit se consolider, accumuler des ressources, mobiliser les structures sociales et passer à une phase de plus grande activité géopolitique ou, plutôt, de plus grande spécificité géopolitique. Tout cela exige un travail politique intense et nécessite une sorte de mobilisation géopolitique, qui a nécessité un examen attentif des instruments, des ressources et des avantages potentiels au cours des années précédentes, sans attirer une attention excessive, du moins pendant la période de développement inertiel. C'est dans ce sens que l'on peut lire les démarches diplomatiques entreprises par la Russie ces dernières années : une révision de ses activités en vue d'assurer des points stables avec les Etats de l'orbite eurasienne, en comptant sur la proximité ethno-sociologique et un intérêt commun à se libérer de l'orbite anglo-américaine. Dans ce cas, un calcul complètement différent est nécessaire pour qu'un ensemble de possibilités complètement différent émerge.

Le début de la construction d'un monde multipolaire passe nécessairement par un changement de conscience de l'élite politique russe, son ouverture à un horizon géopolitique continental et planétaire, sa prise de conscience de sa responsabilité dans le destin de l'espace social, politique, économique et historique qui lui est confié. D'autre part, le mondialisme et la construction d'un monde unipolaire nourrissent méthodiquement l'éducation de plusieurs générations de l'élite américaine, européenne et mondiale dans une clé atlantiste (à travers des clubs privés, des loges, des organisations d'experts, des guildes intellectuelles, des institutions éducatives spécialisées, etc.), qui comprend, entre autres, une étude minimale obligatoire de la géopolitique et d'autres disciplines complémentaires. De même, donc, la création d'un monde multipolaire et la réorganisation du Heartland doivent prévoir un nouvel élan géopolitique et l'éducation des cadres dirigeants des pays impliqués dans le processus, et en cela la Russie a montré, au moins partiellement, qu'elle a réussi à intensifier l'éducation géopolitique (qui, à l'époque de l'URSS, était considérée comme captieuse et subversive), de manière à configurer une ligne qui s'avère, à ce jour, suffisamment stable dans la gestion multilatérale d'un contexte stratégique international. En empruntant ce que le philosophe russe Alexandre Douguine avait déjà souligné à plusieurs reprises, l'élite russe doit prendre conscience qu'elle est l'élite de tout le Heartland, en commençant à penser à l'échelle eurasiatique et non plus seulement à l'échelle nationale. Cette transition n'a pas été automatique mais le résultat d'un processus éducatif, si l'on considère qu'il y a encore quelques années (peut-être quelques mois), une éventuelle adhésion de la Fédération de Russie à l'OTAN était redoutée, non sans une certaine ironie. Il est clair que seule une classe dirigeante adéquatement préparée d'un point de vue géopolitique a été - et sera - en mesure de réaliser la mobilisation géopolitique nécessaire et de mener efficacement une politique active de restructuration de l'ensemble de l'espace eurasien, afin de construire un monde multipolaire et, ce qui est plus compliqué, de le protéger.

Un regard sur la stratégie du Western Heartland

Examinons à présent les paramètres généraux de la manière dont la renaissance du Heartland se déroule et devrait se poursuivre, dans les principales directions de la voie de la construction d'un monde multipolaire, en commençant par l'ouest.

Le premier point fondamental est le modèle sur lequel sont construites les relations entre la Russie et les États-Unis. La situation créée par l'escalade militaire due à l'Opération militaire spéciale, dont nous savons tous qu'elle est le résultat d'un long processus et non d'un événement unique et isolé, n'exclut pas a priori la possibilité d'un nouvel équilibre, précisément par le biais de la diplomatie de l'entre-deux-guerres (celle qui a déjà lieu) et de l'après-guerre. Ce qui pourrait émerger, et qui serait géopolitiquement commode pour l'ensemble du Heartland, c'est l'indépendance vis-à-vis de l'administration américaine et des vues personnelles, politiques et culturelles connexes des États-Unis. Si, en effet, les Etats-Unis ne peuvent s'empêcher de penser et d'agir à leur manière, car c'est le vecteur constant de leur stratégie planétaire (à partir de Woodrow Wilson), le seul qui ait garanti des résultats probants et rapproché les Etats-Unis de la domination mondiale, et donc il ne peut y avoir de raisons ou d'arguments capables de forcer les Etats-Unis à abandonner l'hégémonie mondiale et la construction d'un monde global, il est cependant vrai qu'une défaite militaire redessinerait considérablement non seulement la géographie des frontières, mais plus encore celle du Lebensraum, de l'espace vital géopolitique des Etats européens, qui sont directement limitrophes du Heartland et surtout de la Russie.

Au niveau des écoles de pensée, pour les Etats-Unis, toute autre position vis-à-vis du Heartland, autre qu'une hostilité farouche et constante, est tout simplement considérée comme irresponsable et stupide : tout ce que les Etats-Unis défendent dans la zone du continent eurasien est directement opposé aux intérêts stratégiques du Heartland et à la construction d'un monde multipolaire. Cette vision opposée de l'organisation de l'espace politique de l'Eurasie est un axiome absolu, qui n'admet aucune exception ou nuance. Les États-Unis veulent que l'Eurasie et l'équilibre des forces qui s'y trouvent correspondent le plus possible à l'unipolarisme et à la mondialisation.

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Le Heartland dans son ensemble a cependant une vision exactement opposée, que les dirigeants russes sont en train de comprendre, en se faisant le leader d'un conflit qui, militairement, implique quelques puissances, mais qui, géo-économiquement, en l'espace de quelques mois, a complètement bouleversé l'équilibre international des forces.

L'asymétrie actuelle entre les pays eurasiens et le bloc atlantique est cependant telle qu'elle ne permet pas, à mon avis, un affrontement direct entre puissances, entre terre et mer, du moins pas de la manière classique à laquelle on pourrait s'attendre. L'hybridation de la guerre entraîne la nécessité de plus grandes interactions, en même temps que l'incapacité stratégique et économique de la Russie à s'engager seule dans un conflit mondial, ce qui n'aurait pas été possible même à l'époque de l'Union soviétique. C'est ainsi que les pays voisins entrent en jeu.

Depuis plusieurs années maintenant, malgré un semblant de second degré, la Russie est stratégiquement intéressée par l'absence de présence américaine ou de l'OTAN dans l'espace post-soviétique, alors que les États-Unis sont intéressés par exactement le contraire ; la Russie veut avoir des relations de partenariat direct avec ses voisins d'Europe de l'Est (les pays de l'ancien bloc socialiste), les États-Unis considèrent cette zone comme une zone d'influence primaire, comme un cordon sanitaire empêchant Moscou de se rapprocher de l'UE ; la Russie veut construire un modèle d'intégration avec l'Ukraine et la Biélorussie, les États-Unis ont soutenu la révolution colorée de Kiev et le conflit dans le Donbass. Il est clair que la Russie a tout intérêt à avoir des contacts forts avec les grandes puissances de l'Europe continentale (Allemagne, France, Italie), notamment dans le domaine de la coopération énergétique, en tentant de poursuivre ce qui a déjà été appliqué avec les deux projets Nord Stream et qui se poursuit encore aujourd'hui, malgré les menaces de guerre et l'entrée de fait de ces pays dans le conflit ukrainien ; les États-Unis, par leur influence sur les pays d'Europe de l'Est et certains cercles politiques de l'Union européenne (euro-atlantistes), sabotent ces contacts par tous les moyens possibles, font obstacle aux projets, remettent constamment en question les tracés des gazoducs et tentent même de légiférer afin de légitimer une intervention militaire en cas de situations énergétiques litigieuses avec, bien entendu, une référence principale aux livraisons de la Russie.

L'efficacité des relations russo-américaines des deux côtés est mesurée de manière exactement inverse : le succès de la Russie dans ses relations avec les États-Unis est mesuré par la façon dont Moscou parvient à renforcer la position du Heartland ; les succès des États-Unis sont interprétés de manière exactement inverse, c'est-à-dire par la façon dont ils parviennent à l'affaiblir. Il est donc difficile de penser à une résolution possible, alors que la poussée, des deux côtés, pour l'acceptation d'un nouvel équilibre, d'un statu quo des choses suffisamment commode pour les parties en conflit, est plus probable.

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En ce qui concerne l'Europe, qui est la véritable sacrifiée du conflit encore présent, il existe un modèle complètement différent de l'Union européenne : dans la version élargie de la théorie développée par Mackinder en 1919, l'auteur inclut, outre la Russie, le territoire de l'Allemagne et de l'Europe centrale. L'Europe a une forte tradition continentale, une identité continentale avec une grande variété d'expressions culturelles, sociales et politiques, clairement visibles dans la politique de pays comme la France et l'Allemagne, dans une moindre mesure dans la politique de l'Italie et de l'Espagne. Le développement d'un partenariat stratégique avec ce noyau de l'Europe est une priorité pour la Russie, car c'est sur sa base que le multipolarisme peut prendre forme [1].  Une priorité qui s'est accrue avec le début de l'Opération militaire spéciale, l'Italie en particulier étant extrêmement sensible sur le plan stratégique en raison de l'extension manifeste du conflit au niveau mondial. Pas chez eux, et très probablement déjà dans la conception de ce que nous vivons maintenant, les dirigeants européens dirigés par le Royaume-Uni et les États-Unis ont toujours poussé à sécuriser le Rimland comme un cordon de sécurité à l'expansion de la Russie, dans le but de s'étendre vers l'est (mis en œuvre avec l'OTAN depuis une vingtaine d'années) afin d'encercler autant que possible l'ensemble du Heartland.

C'est exactement l'hypothèse de Mackinder sur la voie de la domination mondiale : "Celui qui contrôle l'Europe de l'Est, contrôle le Heartland ; celui qui contrôle le Heartland, contrôle l'île du monde ; celui qui dirige l'île du monde, dirige le monde" [2].

En observant concrètement la politique nationale des États européens, il est difficile de penser à une rupture possible de l'hégémonie d'outre-mer. Les chefs d'État européens ont une majorité anti-russe et mènent une politique belliqueuse et agressive à l'égard de l'ensemble du Heartland (comme ils le font également à l'égard des pays de l'ex-URSS), ce qui signifie une fermeture préventive et à long terme. L'absence de souveraineté nationale joue, sans l'ombre d'un doute, un rôle central dans cet aspect géopolitique.

Deux possibilités sont intéressantes à ce stade. En ce qui concerne l'Europe de l'Est, la Russie peut présenter un projet constructif, que l'on peut appeler la Grande Europe de l'Est : il devrait se fonder sur les caractéristiques historiques, culturelles, ethniques et religieuses des sociétés d'Europe de l'Est, mais en entrant dans le cours de l'histoire de l'Europe occidentale, ses groupes ethniques slaves et ses sociétés orthodoxes ont été laissés à la périphérie, privés de toute considération légitime et n'ont finalement eu que peu d'influence sur le développement d'un paradigme social, culturel et politique commun au sein de l'Europe occidentale. Les cultures slaves et orthodoxes diffèrent considérablement des sociétés romaines-germaniques et catholiques-protestantes, ce qui ne manquerait pas de susciter une sympathie et une cohésion anthropologiques et religieuses. Si, historiquement, l'Europe occidentale a interprété ces différences en faveur de la supériorité de la culture romano-germanique sur la culture slave et du catholicisme sur l'orthodoxie, dans le cadre d'une approche multipolaire, tout semble différent et l'identité des pays et des peuples d'Europe de l'Est est affirmée comme un phénomène sociologique et culturel indépendant ayant une valeur intrinsèque. La Grande Europe de l'Est peut inclure aussi bien le cercle slave (Polonais, Bulgares, Slovaques, Tchèques, Serbes, Croates, Slovènes, Macédoniens, Bosniaques et Serbes musulmans), que de petits groupes ethniques (comme les Serbes de Lusace) et les orthodoxes (Bulgares, Serbes, Macédoniens, mais aussi Roumains et Grecs). Les seuls peuples d'Europe de l'Est qui ne répondent pas à la définition de slave ou d'orthodoxe sont les Hongrois, mais il ne faut pas oublier leur origine eurasienne, steppique, commune aux autres peuples finno-ougriens, dont la grande majorité vit dans le Heartland et a un caractère culturel eurasien prononcé. La Grande Europe de l'Est pourrait devenir un grand espace indépendant dans le cadre d'une Europe unie. Du point de vue du Heartland, ce serait la meilleure option.

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Une deuxième option, peut-être concrètement plus longue à réaliser, est celle du détachement du bloc européen de la tutelle coloniale anglo-américaine, de la Seapower, afin d'affirmer une géopolitique eurocentrique, indépendante, souveraine, pour une Europe des peuples européens, majoritairement tellurocratique. L'analyse de cette deuxième option mériterait une étude particulière ; il convient toutefois de noter quelques difficultés objectives dans la faisabilité de cette option, au moins à court terme : l'eurocentrisme exige une éducation eurocentrique, un élément qui est pratiquement absent des écoles politiques, géopolitiques et surtout militaires. Ce qui manque, c'est l'élite politique et financière capable d'affirmer l'impératif identitaire, qui plus est dans un contexte multipolaire, idéologiquement plus beau, mais diplomatiquement et stratégiquement beaucoup plus complexe ; ensuite, il faut former les peuples, les citoyens, un processus qui implique de déresponsabiliser des nations entières de près d'un siècle de contrôle hégémonique, une reprogrammation qui n'est pas du tout rapide et dont le succès n'est même pas certain. Une Europe européenne, pour faire un jeu de mots, serait sans doute plus conforme à un monde multipolaire et aussi plus avantageuse pour le Heartland lui-même, dans un pôle d'interaction non russocentrique mais authentiquement indépendant et équilibré.

Lorenzo Maria Pacini

Note:

[1] Au moment de l'invasion unilatérale de l'Irak, qui n'a pas été approuvée par la coalition du Conseil de sécurité de l'ONU (sauf les États-Unis et le Royaume-Uni) en 2001, le profil de l'alliance continentale russo-européenne a pris forme dans l'axe Paris-Berlin-Moscou, lorsque les trois présidents de ces pays (Chirac, Schroeder et Poutine) ont condamné conjointement les actions de Washington et de Londres, exprimant ainsi les intérêts établis du Heartland dans son interprétation la plus large (Russie + Europe continentale). Cela a provoqué une quasi panique aux Etats-Unis lorsqu'ils ont réalisé comment cela pourrait finir pour l'hégémonie mondiale américaine si une telle alliance était approfondie et poursuivie, ils ont donc pris la décision de la démanteler par tous les moyens.

La guerre en Ukraine et la nouvelle logique des blocs

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La guerre en Ukraine et la nouvelle logique des blocs

Emanuel Pietrobon

Source: https://it.insideover.com/guerra/guerra-in-ucraina-logica...

Guerres, catastrophes et pandémies : des accélérateurs de tendances. Ils ne créent ni ne détruisent rien : ils provoquent la catalyse, ils accompagnent dans la tombe ce qui était mourant, ils font germer ce qui était quiescent. Ils libèrent des forces qui, jusqu'à l'instant précédant leur apparition, étaient retenues par le katéchon de l'époque.

La troisième décennie du 21ème siècle a prophétiquement commencé par une pandémie et une guerre, deux eschaton des plus puissants et des plus transfigurants, le second amplifiant l'impact mondial du premier, qui, à son tour, a accéléré des phénomènes en marche depuis un certain temps. La re-mondialisation. La redistribution et la dispersion de la puissance mondiale. La recompartimentation du système international en blocs.

La guerre en Ukraine et la pandémie C OVI D 19, en un mot, ont libéré ces forces révolutionnaires et déstabilisatrices, longtemps et durement maintenues sous le seuil de dangerosité par la superpuissance solitaire, les Etats-Unis, forces qui appellent au dépassement du moment unipolaire et, donc, à la fin de la Pax Americana belliqueuse. Et la restructuration de la géographie des pôles et des puissances au niveau international conduira inévitablement à un retour à l'âge des blocs.

Le monde à nouveau divisé en blocs

Le système international se trouve dans une situation qui mélange des éléments post-bismarckiens, c'est-à-dire l'effondrement progressif des architectures multilatérales et concertées, et des éléments post-hitlériens, c'est-à-dire la transformation d'une guerre mondiale par fragments en une guerre mondiale froide. Il s'agit d'une situation qui rend le présent très semblable, mais pas entièrement identique, au passé.

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Notre aujourd'hui est une collection d' "hiers" qui se sont produits entre 1890 et 1939, du déjà-vu. L'amitié sans frontière sino-russe dans une clé anti-américaine est l'actualisation hétérodoxe de l'Entente amicale franco-britannique dans une fonction anti-allemande. L'AUKUS et les différents pactes entre les sœurs de l'Anglosphère sont les équivalents contemporains du Grand rapprochement. Le rêve chinois de Xi Jinping est le remake jaune de la Weltpolitik de Guillaume II. La Russie est l'héritière intolérante d'un vaincu humilié par une défaite totale, dont elle voudrait réécrire certains termes, rappelant parfois le révisionnisme de l'axe Rome-Berlin.

Aujourd'hui, il s'agit d'une collection d'hiers qui se sont produits entre 1946 et 1954, pendant l'octennat transitoire qui a mené le monde vers la guerre froide entre les États-Unis et l'Union soviétique. Guerres par procuration, coups d'État et insurrections ont ouvert la voie au grand affrontement hégémonique. Pactes, alliances, projets d'intégration économique et infrastructurelle, conférences internationales comme prélude à la partition du monde en trois sous-mondes, communément appelés blocs.

Les fonctions des blocs

Les blocs. Les guerres interétatiques n'auraient aucun moyen d'affecter l'ensemble du système international si les blocs, c'est-à-dire les alliances d'entraide et les systèmes mondiaux structurés, n'existaient pas, traversant les continents et les idéologies.

La fonction des blocs, à chaque époque, est toujours la même : être le bouclier et la lance de l'hégémon qui les commande. Ils ont été la raison, mais pas l'origine, des trois guerres mondiales du 20ème siècle - deux chaudes et une froide.

Aujourd'hui, sous l'impulsion de la pandémie de CO VI D 19 et de la guerre en Ukraine, la lithosphère connaît à nouveau une fragmentation en plaques. Les deux eschaton ont extraordinairement aggravé la compétition entre grandes puissances, comme l'emblématise l'accélération de phénomènes préexistants tels que le friend-shoring et le découplage sino-américain, donnant une impulsion décisive à la régression mondiale vers l'ère des blocs. Ils sont trois, pour être précis : l'Occident redécouvert, le Mouvement des non-alignés renaissant et la coalition anti-hégémonique sino-russo-iranienne émergente.

L'Occident, un géant aux pieds d'argile

Les États-Unis peuvent se targuer de contrôler un bloc homogène, l'Occident, qui se caractérise par un haut degré de cohésion politique, une proximité culturelle, un développement économique, une supériorité technologique et une systématisation militaire sans équivalent dans le monde - de l'OTAN aux accords bilatéraux de défense mutuelle et de coopération militaire.

L'Occident est un bloc transcontinental à plusieurs niveaux, barycentré entre l'Amérique du Nord et l'Europe occidentale, mais s'étendant jusqu'à Tokyo et Buenos Aires, dont l'unité interne est garantie et consolidée par le partage de chaînes de valeur, de modes, de tendances, de culture pop, de réseaux sociaux, ainsi que par la présence de sous-alliances de nature variée. L'Occident est un bloc politique, militaire, économique, mais c'est aussi une forma mentis, un mode de vie. Identité et consommation.

Apparemment impénétrable, car fondé sur des valeurs non négociables, l'Occident est un bloc en proie à des limites et à des faiblesses, que le bloc sino-russe en gestation attaque à un rythme croissant depuis les années 2010, et dont la cohésion politique est superficielle. Des inimitiés et des rivalités menacent son intégrité, principalement la guerre souterraine entre Washington et Berlin, et des acteurs égocentriques, comme Budapest et Ankara, se prêtent, quand c'est leur intérêt, au jeu de l'axe Moscou-Pékin.

Le bloc qui ne veut pas être

Le cosmos du Mouvement des non-alignés, aujourd'hui comme hier, sera le principal champ de bataille des deux blocs, qui tenteront de courtiser, déstabiliser ou satelliser les périphéries, les pays géostratégiques et les marchés clés pour le sort de la nouvelle guerre froide.

Le bloc des neutres a historiquement servi de marché d'achat aux blocs belligérants. Car le non-aligné n'est, dans bien des cas, qu'un aligné potentiel qui attend la bonne offre. C'est en arrachant des pays comme l'Indonésie aux griffes du non-alignement socialiste que les Etats-Unis ont pu gagner la compétition avec l'Union soviétique.

La multi-vectorialité des petites et moyennes puissances du Sud mondial qui recherchent une plus grande autonomie vis-à-vis de leurs anciens maîtres peut être considérée comme un non-alignement 2.0. Arabie saoudite, Azerbaïdjan, Égypte, Inde, Kazakhstan, Serbie ; longue est la liste des acteurs qui tentent de se sortir du dilemme de l'alignement en choisissant de ne pas choisir : dialogue avec tous, alliance avec aucun.

Certains succomberont à la pression de voisins inconfortables, d'autres prendront la voie risquée de l'alignement avec des parrains lointains, et d'autres encore tenteront la voie innovante d'un nouveau bloc, égocentrique et identitaire, pour faire contrepoids aux trois dominants - le potentiel du pan-turquisme, symbolisé par le Conseil turc, du latino-américanisme et des panarabismes miniatures ne doit pas être sous-estimé.

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Le grand retour du Mouvement des non-alignés

L'héritier du Second Monde

La Russie, la République populaire de Chine et l'Iran, les trois principaux challengers des Etats-Unis (et de leur bloc), n'ont rien à voir avec l'Occident. Ils ont des sphères d'influence, des points de départ pour la construction de blocs et des projets d'intégration et de coordination ouverts quand à leurs voisins étrangers et quand à d'autres forces intéressées par le dépassement du moment unipolaire dirigé par l'Occident.

L'épigone hétérodoxe du Second Monde est l'ensemble des satellites et organes de l'axe Moscou-Pékin, auquel on pourrait ajouter la ramification iranienne. Mais contrairement au Second Monde de la mémoire belliciste, il s'agit d'un bloc à double orientation, désuni en interne, peu vertébré, culturellement divisé et dépourvu d'identité cyanoacrylate.

L'exacerbation de la concurrence entre les grandes puissances et le renforcement du double endiguement ont facilité l'effondrement de la méfiance sous-jacente et des hostilités ancestrales entre la Russie et la Chine, les incitant à amalgamer l'Union économique eurasienne et l'initiative "la Ceinture et la Route", à revitaliser et à élargir le format des BRICS - peut-être destiné à devenir l'antithèse du G7 -, à apporter leur soutien à l'Iran - un directeur adjoint de longue date qui s'est toutefois montré loyal en cas de besoin - et à investir davantage dans l'internationalisation de leur cause commune : la réforme structurelle du système international.

La guerre froide 2.0 et le destin du monde

Le conservatisme social - la lutte contre l'universalisme occidental -, l'anti-américanisme - la dédollarisation -, et le révisionnisme politique - la poursuite de la transition multipolaire - sont les moteurs du bloc sino-russo-iranien naissant et confus, que l'affirmation croissante de l'éternel Premier Monde encourage à devenir la réincarnation pantocratique du défunt Second Monde.

Le cauchemar de la géopolitique anglo-saxonne d'une grande alliance entre les puissances hégémoniques d'Eurasie dans une fonction anti-atlantiste devient lentement une réalité. L'anti-américanisme est la colle qui a uni les différences de Moscou, Pékin et Téhéran, et pourrait un jour être le casus foederis d'un bloc formel, antagoniste de l'Occident, désireux et capable de mener la bataille de la transition multipolaire comme un seul homme.

Il est peut-être minuit moins une. L'Iran est conscient de la signification profonde des Accords d'Abraham, qui ont surgi des cendres de l'OTAN arabe avortée. L'AUKUS, la radicalisation de la question de Taïwan et le déplacement progressif de l'orientation géostratégique de l'Alliance atlantique vers l'Est encouragent Pékin à appuyer sur l'accélérateur de la rupture de la chaîne d'îles. La Russie a définitivement dit adieu à la saison des compromis perdants-perdants en envahissant l'Ukraine.

Il est peut-être minuit moins une. Minuit du retour officiel à l'ère des blocs formellement opposés dans la guerre froide mondiale, qui a commencé en 1955 avec la conférence de Bandung et la naissance du Pacte de Varsovie. En attendant le carillon, que le Premier Monde tentera de retarder et/ou d'empêcher, nous sommes toujours en 1954 dans le monde.

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vendredi, 03 mars 2023

Girgia Meloni: Une souveraineté limitée

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Une souveraineté limitée

par Marco Travaglio

Source : Il Fatto Quotidiano & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/a-sovranismo-limi...

Notre degré de sympathie relative pour Berlusconi est connu depuis quelques années. Dépersonnalisons donc. Imaginons que le président de l'Ukraine, l'un des pays les plus corrompus et les plus pauvres d'Europe (deux facteurs qui sont loin d'être sans rapport) depuis bien avant qu'il ne soit attaqué par la Russie, invite chez lui le premier ministre d'un gouvernement qui contribue, par des aides financières et militaires, à le maintenir artificiellement en vie. Et puis, en violation de tout devoir d'hospitalité et de toute règle de savoir-vivre, il profite de la conférence de presse commune pour insulter un allié du premier ministre qui a le grave tort de ne pas penser comme lui. Tout autre premier ministre interromprait la conférence de presse, la visite et peut-être les relations diplomatiques, non sans avoir expliqué à son collègue insolent comment les choses fonctionnent dans une véritable démocratie : chaque dirigeant politique, comme chaque citoyen, est libre d'exprimer ses pensées sur la guerre, la paix, les négociations et tout autre sujet de son choix, même si personne n'a bombardé sa maison, et aucun gouvernement étranger, allié ou non (et l'Ukraine fait partie des non-alliés, puisqu'elle ne fait heureusement pas encore partie de l'UE ou de l'OTAN), n'a le droit de fouiner. Cela peut sembler bizarre pour Zelensky, qui met hors la loi les onze partis d'opposition, arrête le chef du principal d'entre eux, unifie les chaînes de télévision en une seule chaîne de propagande (la sienne) et empêche huit reporters italiens de faire des reportages sur la guerre sans sa permission. Mais, heureusement, l'Italie n'est pas l'Ukraine, même si depuis un an elle viole sa Constitution pour envoyer des armes à son pays en disant qu'elle veut faciliter les négociations Kiev-Moscou, ce que Zelensky a pourtant interdit par décret le 4 octobre.

Non que l'ingérence de Zelensky dans les affaires intérieures italiennes soit un cas isolé : les chancelleries de l'UE, de l'OTAN et des États-Unis n'ont rien fait d'autre depuis des temps immémoriaux. Mais au moins, nous les avons choisis comme alliés et nous devons les supporter. Ce n'est pas le cas de l'Ukraine. Et c'est Kiev qui a besoin de l'argent et des armes de Rome, et non l'inverse. Donc l'idée que Zelensky distribue des bulletins de notes et des brevets de fiabilité à tel ou tel pays qui se pâme pour Kiev est déjà ridicule. Mais ce qui est encore plus ridicule, c'est qu'en Italie, la soi-disant information accuse ce dirigeant, que nous ne nommons pas, de discréditer l'Italie dans le monde pour avoir exprimé ses pensées, à tort ou à raison, peu importe. Dans un pays sérieux, le président de la République serait déjà intervenu pour remettre l'Ukrainien dans le droit chemin, avec les mêmes mots avec lesquels il a fermé la bouche de la ministre française Boone qui nous apprenait à voter le 25 septembre et menaçait de nous "surveiller" : "L'Italie peut s'occuper d'elle-même". Au lieu de cela, malheureusement, Mattarella est silencieux. Et Meloni se tait aussi, montrant de plus en plus à quoi ressemble sa "souveraineté" : à une souveraineté limitée.

Etats-Unis, Russie et Chine : l'avenir de l'Ukraine passe par le "triangle des équilibres"

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Etats-Unis, Russie et Chine: l'avenir de l'Ukraine passe par le "triangle des équilibres"

Federico Giuliani

Source: https://it.insideover.com/guerra/usa-russia-e-cina-il-futuro-dellucraina-passa-dal-triangolo-degli-equilibri.html

La Chine a proposé sa solution politique pour la crise ukrainienne, en énumérant 12 points clés. Il ne s'agit pas d'un véritable plan de paix, comme l'ont qualifié certains commentateurs, mais plutôt d'une prise de position visant à exposer, une fois pour toutes, le point de vue de Pékin sur la guerre en Ukraine.

Parmi les propositions chinoises, le respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de tous les pays, un cessez-le-feu et la reprise des négociations. Mais aussi la fin des sanctions contre la Russie, le dépassement de la mentalité de la guerre froide, c'est-à-dire l'affrontement entre blocs idéologiques opposés. On ne trouve cependant pas de condamnation explicite de la soi-disant opération militaire spéciale lancée par le Kremlin, comme s'y attendaient plusieurs gouvernements occidentaux, ni de feuille de route pour faire de la paix une réalité.

Et dire que Volodymyr Zelensky avait initialement accueilli avec prudence le document chinois. "J'ai l'intention de rencontrer Xi Jinping. Ce serait important pour la sécurité mondiale. La Chine respecte l'intégrité territoriale et doit tout faire pour que la Russie quitte le territoire de l'Ukraine", a déclaré Zelensky lors d'une conférence de presse à Kiev.

Il semblait que l'intercession chinoise pourrait remuer les choses en vue d'une éventuelle reprise des pourparlers de paix. Puis quelque chose a changé en l'espace de quelques heures. L'enthousiasme s'est évaporé dès que Mykhailo Podolyak, conseiller principal de Volodymyr Zelensky, a rejeté la proposition "irréaliste" de la Chine pour mettre fin au conflit.

Selon Podolyak, Pékin ne devrait pas "parier sur un agresseur qui a violé le droit international et qui perdra la guerre". Le document chinois a également été accueilli froidement, alors que depuis des mois, les gouvernements occidentaux appelaient Xi Jinping à accroître la pression sur la Russie pour qu'elle cesse les hostilités.

La diplomatie de la Chine

Pourquoi la Chine n'a-t-elle pas publié un plan de paix, se contentant de rédiger un document explicitant sa position ? Pour le comprendre, il est essentiel d'expliquer le fonctionnement de la diplomatie chinoise, qui est très différente de celle adoptée par l'Europe et les États-Unis.

En effet, pour la Chine, la diplomatie n'est pas une négociation. Les responsables chinois soulignent que, toutes proportions gardées, les négociations entre gouvernements occidentaux aboutissent toujours à des principes de base par le biais de la négociation. Eh bien, pour Pékin, c'est exactement le contraire qui s'applique : il faut d'abord se mettre d'accord sur certains principes de base, puis la phase de négociation a lieu.

En d'autres termes, du point de vue chinois, toute négociation se déroule sur la base de principes préalablement convenus. C'est pourquoi la Chine a rédigé un tel document, dont les 12 points clés peuvent être lus comme des principes sur lesquels entamer des pourparlers de paix. En effet, selon la diplomatie chinoise, il serait insensé d'établir une feuille de route sans partager au préalable les règles du jeu, c'est-à-dire les principes de base susmentionnés relatifs à la question à résoudre.

Comme l'a souligné Henry Kissinger, alors que les pays occidentaux ont l'habitude de faire certaines concessions dans les négociations, la Chine met ses principes sur la table jusqu'à ce que l'autre partie accepte la ligne. Dans le sens du "mode de négociation aux caractéristiques chinoises", sans l'acceptation de principes communs, il ne peut y avoir de négociation.

Pour en revenir à la crise ukrainienne, on peut supposer que Pékin sera (éventuellement) plus précis lorsque et si les parties concernées décident de dialoguer sur les bases posées par la diplomatie chinoise.

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A la recherche d'un équilibre

Une fois cette réserve levée, il convient de se demander ce que la Chine cherche à obtenir. Pékin raisonne en termes de relations gagnant-gagnant, elle recherche un équilibre (réel ou supposé) avec tout interlocuteur et dans toute sphère. En d'autres termes, Xi Jinping ne veut pas aller trop loin dans le soutien aux causes de la Russie ni faire le contraire avec l'Europe et les États-Unis.

Nous pouvons penser à un triangle avec les Etats-Unis, l'Europe et la Russie aux sommets et la Chine au milieu. Chaque relation diplomatique chinoise avec chaque acteur doit être équilibrée, tout comme, idéalement, les autres relations des acteurs impliqués dans le dessin géométrique doivent également être équilibrées.

Pour l'instant, le Dragon préfère se concentrer sur l'amitié illimitée avec la Russie (attention : un partenariat, pas une alliance) car Moscou est la partie la plus déséquilibrée dans la relation avec les États-Unis et l'Europe. Lorsque et si le Kremlin rompt l'inertie et se place en position d'"avantage", Xi déploiera davantage d'efforts pour contrebalancer l'action russe.

L'avenir de l'Ukraine dépend de ce jeu complexe de miroirs et d'équilibres. Une réserve fondamentale demeure : sommes-nous sûrs que l'architecture diplomatique envisagée par la Chine convient également aux autres protagonistes de l'affaire ?  

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dimanche, 26 février 2023

Sabotage du Brexit

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Sabotage du Brexit

par Georges FELTIN-TRACOL

La « Chronique de La Longue Vue » n° 7 mise en ligne le 28 janvier 2023 sur Radio Méridien Zéro aborde le Brexit, ses conséquences et son interprétation par l’hyper-classe cosmopolite. Maurice Gendre et Beluga s’intéressent au coup de tonnerre référendaire du 23 juin 2016 quand les Britanniques ont décidé à 51,89 % de sortir de l’Union soi-disant européenne. Quelle surprise pour le médiacosme ! On se souvient qu’au soir du scrutin, Nigel Farage, l’une des figures du « Leave », se couchait en perdant. À son réveil, le lendemain, il découvrait sa victoire.

Plus de six ans après ce vote crucial et deux ans depuis le départ effectif du Royaume-Uni de l’entité dite européenne le 1er janvier 2021, l’opinion publique britannique serait en train de se raviser. La synthèse des différents sondages donnerait une majorité en moyenne de 57 % d’électeurs interrogés favorables à un retour dans le giron bruxello-strasbourgeois. Or ni les conservateurs actuellement au pouvoir, ni les travaillistes largement en tête toujours selon les sondages n’envisagent de déposer une nouvelle candidature à l’UE sans bénéficier des exemptions. Cela n’empêche pas l’éditorial du Monde du 7 février 2023 d’en baver de plaisir. Le texte évoque l’apparition sémantique des « Rejoiners » (partisans de la ré-adhésion) et du « Bregret » (le regret d’avoir approuvé le Brexit).

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La Grande-Bretagne traverse une série cumulée de crises profondes. Une très forte inflation alimente l’actuelle crise économique. Malgré des restrictions législatives socialement liberticides, de nombreuses grèves touchent des secteurs entiers et plongent le pays dans une terrible crise sociale. La crise politique se voit à travers cinq Premiers ministres (David Cameron, Theresa May, Boris Johnson, Liz Truss et Rishi Sunak) et deux dissolutions (2017 et 2019) en six ans. Les questions de l’avenir de l’Écosse et de l’Irlande du Nord fragilisent enfin un ensemble institutionnel décati.

Les études statistiques montrent une paupérisation accélérée des catégories moyennes et populaires. On recense par ailleurs des pénuries de produits divers. Le nouveau contrôle douanier avec le Marché unique européen amputerait 15 % du commerce total britannique sans omettre la hausse des taxes sur l’importation de denrées alimentaires. La main-d’œuvre manque aussi. Le Figaro (du 10 février 2023) explique qu’en juin 2022, le solde migratoire des Européens était dorénavant négatif. Faire venir à Londres, à Douvres ou à Édimbourg un Parisien, un Berlinois ou un Milanais pour occuper un emploi précis nécessite une paperasserie bureaucratique inouïe. En revanche, le solde migratoire d’entrée en Grande-Bretagne des non-Européens restait largement positif (plus d’un demi-million d’autorisations en une seule année). Albion se tourne vers le Commonwealth à ses risques et périls...

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Le système médiatique d’occupation mentale accuse le Brexit, les deux années de cirque covidien et la guerre en Ukraine d’être à l’origine de ce contexte éprouvant. Ces trois facteurs ne sont en fait que de magnifiques prétextes qui évitent de s’attarder sur la responsabilité majeure du parlementarisme britannique et de quatre décennies d’application comptable néo-libérale. En effet, plus qu’un Brexit mal négocié, les Britanniques paient les années de libéralisme effréné de Margaret Thatcher à Rishi Sunak en passant par les travaillistes Tony Blair et Gordon Brown. Les sommes astronomiques réclamées aux ménages pour régler leur consommation d’énergie ne sont-elles pas un effet immédiat d’un marché ouvert, privatisé, supposé libre et concurrentiel ? Sous ses airs de bouffon mondialiste, Boris Johnson avait compris ce dysfonctionnement. Sa tentative de rectification se heurta néanmoins au scandale médiatique du « Partygate ». « BoJo » avait osé contester la doxa thatchérienne. Il devait le payer chèrement. De multiples et intenses clivages internes traversent les tories entre carriéristes opportunistes, néo-thatchériens incurables, libéraux sociétalistes wokistes, réactionnaires patentés et europhobes carabinés. Les haines sont si grandes qu’elles empêchent tout chef du gouvernement sensé de diriger convenablement son pays parce qu’il dépend des humeurs de sa majorité turbulente à la Chambre des Communes.

Les négociations avec Bruxelles ont réaffirmé le rôle déterminant et souverain du Parlement britannique. L’intervention de la Cour suprême, création réalisée en 2009, accentue l’insécurité juridique et affaibli les prérogatives de l’exécutif, liant les différents locataires du 10, Downing Street aux procédures parlementaires conventionnelles. Aucun Premier ministre n’est maintenant le maître à bord ! Tous ces éléments ont contribué au sabotage du Brexit. L’incompétence britannique rejoint ici la volonté des instances pseudo-européennes soucieuses d’éviter que d’autres États se libèrent de leur emprise eurocratique démente.

la_demondialisation-761735-264-432.jpgÉcrivant au moment de la crise financière des « subprimes », l’économiste eurosceptique Jacques Sapir soutient dans La démondialisation (Le Seuil, 2011) l’évolution de la Zone euro, le passage à une monnaie commune et une rupture radicale capable « de remettre la construction européenne sur ses rails et de lui faire emprunter la voie dont elle n’aurait jamais dû s’éloigner, celle du plein emploi et du progrès social ». Avant même le Brexit et les déboires nombreux qui en résultent, il prône l’unité du commandement politique. Il rappelle qu’« on oublie trop souvent la présence dans la Constitution française d’un instrument adapté aux situations d’urgence [...]. C’est l’article 16 ». Utilisé une seule fois en 1961 au moment du putsch des généraux d’Alger, cet article, par essence schmittien, accorde au président de la République des pouvoirs exceptionnels pour une durée indéterminée. Dans ce contexte particulier, Jacques Sapir propose que « dans le cadre de l’article 16, le gouvernement peut requérir de la Banque de France qu’elle opère des avances de trésorerie libellées en euros pour couvrir une partie de la dette publique qui serait ainsi rachetée par échange de bons du Trésor ». Il faudrait cependant que le chef de l’État qui l’appliquerait, possède un solide caractère. Or le caractère est une denrée rare dans les classes politiciennes britannique et française.

Incapable de s’affranchir des schémas institutionnels inadaptés aux circonstances dues au Brexit, le Royaume-Uni s’érige en parfait contre-exemple en matière de départ de l’engrenage eurocratique. Pour paraphraser un célèbre bolchevik, s’extraire de cette fausse Union n’est pas un dîner de gala, mais plutôt une opération chirurgicale de guerre, d’où le recours salutaire à l’article 16.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 62, mise en ligne le 22 février 2023 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 25 février 2023

La Chine, l'Iran et le mouvement contre l'hégémonie occidentale

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La Chine, l'Iran et le mouvement contre l'hégémonie occidentale

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2023/02/15/kiina-iran-ja-lannen-h...

Le président iranien Ebrahim Raisi effectue actuellement une visite d'État de trois jours en Chine, à l'invitation du président Xi Jinping. Au cours de ce voyage, un certain nombre de documents de coopération seront signés afin d'approfondir et d'élargir le partenariat stratégique entre les deux pays, l'"alliance du lion et du dragon".

Lors du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai qui s'est tenu l'année dernière à Samarkand, en Ouzbékistan, le président Xi a mentionné que la Chine envisagerait les relations Chine-Iran dans une "perspective stratégique et à long terme". Le gouvernement iranien a également déclaré que la visite de M. Raisi en Chine avait une "signification économique, politique et stratégique".

En tant que deux anciennes civilisations d'Asie, la Chine et l'Iran sont aujourd'hui des puissances industrielles et des producteurs d'énergie majeurs. Les deux pays se complètent économiquement et ont tous deux un fort désir de se développer; leurs besoins de développement sont compatibles dans de nombreux domaines.

La Chine est le premier partenaire commercial de l'Iran depuis de nombreuses années et l'Iran est l'un des marchés les plus importants pour les contrats de projets étrangers chinois, ainsi que pour l'exportation d'équipements complets et de modules technologiques. Dans le même temps, l'Iran est un pays important dans le processus de développement de l'initiative chinoise "Belt and Road Infrastructure".

La Chine et l'Iran sont également tous deux des adversaires de l'hégémonie anglo-américaine. L'Iran reste la cible de sanctions sévères, tandis que la Chine est la principale cible de la "répression stratégique" de l'Occident. Malgré ces revers, il y a de la place et du potentiel pour l'essor de pays comme la Chine et l'Iran en dehors du bloc occidental américain et de sa sphère d'influence.

L'interaction croissante entre la Chine et l'Iran présente également des caractéristiques qui vont à l'encontre de l'hégémonie occidentale. Pékin et Téhéran prônent une politique étrangère indépendante et défendent fermement le principe de non-ingérence des étrangers dans leurs affaires intérieures. La souveraineté dans le contexte international s'inscrit dans la tendance générale de l'époque et contribue au pluralisme mondial.

La Chine estime que le monde est actuellement en proie à des changements jamais vus depuis un siècle. En raison des actions de Washington, la structure internationale est de plus en plus divisée et changeante. Sans aucun doute, le plus grand défi pour l'avenir proche est de vaincre le modèle capitaliste de l'Occident et les politiques à courte vue basées sur la pensée à somme nulle.

Dans la situation actuelle, les pays émergents sont une fois de plus confrontés à des choix historiques. Pendant la guerre froide, de nombreux pays ont refusé de se joindre à la confrontation du bloc et ont créé le Mouvement des non-alignés afin de poursuivre un statut indépendant et souverain.

Il s'agit d'une force politique dominante qui est délibérément ignorée par les États-Unis et l'opinion publique occidentale ; deux tiers des membres de l'ONU - plus de la moitié de la population mondiale - vivent dans des pays non alignés. La Chine est le partenaire naturel de ces pays, qui ont partagé leur sort avec les pays en développement.

Par ses actions actuelles, la Chine cherche à contribuer à l'émergence d'un nouveau système de gouvernance mondiale, plus rationnel et peut-être plus équitable. Il semblerait qu'il y ait également de la place pour la République islamique d'Iran et de nombreux autres pays qui ont subi des épreuves aux mains de l'Occident.

La "bi-mondialisation" en marche - vers une nouvelle guerre froide?

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La "bi-mondialisation" en marche - vers une nouvelle guerre froide?

Peter Logghe

Source: Nieuwsbrief Deltapers, nr. 177, februari 2023

Le monde est de plus en plus divisé et les lignes de fracture passent cette fois-ci par les câbles de communication sous-marins, les serveurs de données et les usines de semi-conducteurs. La mondialisation, selon l'auteur Guillaume Travers, qui écrit désormais dans la revue Eléments (en l'occurrence dans son 200ème numéro), ne s'arrête pas, mais émerge en tant que bi-mondialisation, le monde globalisé tombant dans l'un des deux camps: l'américain ou le chinois. La position de l'Europe est faible. Guillaume Travers esquisse les défis stratégiques de demain dans sa contribution sur "la guerre des infrastructures".

Non sans raison, Travers cite l'exemple du système bancaire SWIFT, lancé en 1973, afin de suivre de manière fiable les comptes entre banques. Développé en Belgique, dans le seul but de ne dépendre d'aucune des grandes puissances de l'époque, SWIFT voulait ainsi créer un système neutre et apolitique pour faciliter les paiements internationaux. Le même raisonnement - faciliter le trafic international et le faire par le biais d'un intermédiaire neutre et apolitique - peut être fait en ce qui concerne l'internet, entre autres.

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Cet idéal de neutralité dans les infrastructures est en train de disparaître comme neige au soleil, écrit Travers. Au départ, les États-Unis ont espionné les données de SWIFT à la suite des attentats islamistes du 11 septembre 2001. Le ministère de la Justice belge a renoncé aux poursuites. En 2010, la situation a été "régularisée" et les États-Unis ont officiellement eu accès aux données de paiement. La neutralité avait, d'un coup, été supprimée, SWIFT n'avait plus de monopole "neutre" et était considéré comme une "infrastructure américaine".

Une "guerre des infrastructures" s'est engagée, un certain nombre de puissances politiques s'opposent à la domination américaine sur l'infrastructure mondiale et, par suite, développent la leur propre. Pourtant, une seule superpuissance parvient actuellement à proposer une alternative réelle et exploitable, la superpuissance chinoise. Pour Pékin, le développement massif de toutes sortes d'infrastructures pour rompre avec la dépendance à l'égard des États-Unis est un moment clé dans l'établissement d'un nouvel ordre mondial. Pour la Chine, ce développement des infrastructures est complémentaire de son initiative géopolitique "Belt and Road Initiatives" de 2013. La volonté de devenir technologiquement autonome est forte en Chine.

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En ce qui concerne les paiements internationaux, explique Guillaume Travers, la Chine a lancé son propre système, le China International Payments System (CIPS), en 2015. Le CIPS relie aujourd'hui environ 1300 banques dans 107 pays. Pas comparable à SWIFT, autrement dit, mais le CIPS gagne en volume chaque année et permet ainsi à la monnaie renminbi de circuler hors de Chine. La création du CIPS s'est accompagnée du développement de plusieurs réformes pour faciliter l'utilisation du renminbi au niveau international.

En informatique, on assiste au même scénario. En mai 2022, le gouvernement chinois a annoncé son intention de remplacer l'ensemble du parc informatique de l'État et des entreprises. Tous les ordinateurs de fabrication étrangère seront remplacés par des modèles et des ordinateurs chinois, soit un total de 30 millions d'ordinateurs. Cette politique et d'autres sont toutes le résultat d'une politique chinoise de réduction de la dépendance envers les pays étrangers (et surtout l'Amérique ) dans les semi-conducteurs, la téléphonie, les serveurs et les données. Dans le même temps, la Chine renforce le contrôle de sa propre production.

L'Amérique réagit à la politique chinoise

Pendant ce temps, de nombreuses grandes entreprises chinoises se sont retirées de la Bourse de New York, empêchant les autorités américaines de glaner des informations délicates sur les entreprises. Les États-Unis réagissent naturellement à ce changement de politique chinoise de bien des manières. Depuis le 25 novembre 2022, l'Amérique refuse aux entreprises de télécommunications chinoises des licences pour le marché américain. Les entreprises en question sont Huawei et ZTE. En ce qui concerne les semi-conducteurs, l'Amérique doit faire face à une concurrence chinoise acharnée. En août 2022, les États-Unis ont adopté la loi CHIPS and Science Act, annonçant que 280 milliards d'euros d'investissements sont prévus pour la fabrication et l'innovation sur le marché des semi-conducteurs et des puces.

DERNIER-VOL_couv.jpgAlice Ekman, spécialiste de la Chine, parle de "bi-mondialisation" dans un livre récent (Dernier vol pour Pékin, L'Observatoire, 240 p.). Car ce qui se profile n'est pas seulement la (vieille) confrontation entre deux superpuissances, l'Amérique et la Chine, mais plus encore la division de la planète en deux zones d'influence. La zone d'influence chinoise est, elle, en pleine expansion. Les initiatives "Belt and Road", déjà mentionnées, visent à relier la Chine à l'Europe, et sont donc désormais associées à des investissements massifs dans les infrastructures. L'Europe reste sous l'influence des États-Unis et montre jusqu'à présent peu de signes de vouloir s'éloigner de la dépendance technologique.

Le Japon abandonne sa politique de neutralité militaire

Pour l'Amérique, la politique étrangère et géopolitique se jouera principalement dans le Pacifique au cours des prochaines années - malgré la focalisation temporaire sur l'Ukraine et l'incursion russe. Il est clair que la partie de poker autour de Taïwan a accru la nervosité des États-Unis. Le Japon, qui a dû payer un lourd tribut en tant que puissance perdante après la Seconde Guerre mondiale, et a dû limiter sa politique militaire à un usage purement défensif, semble changer son fusil d'épaule. Dans l'ombre du Premier ministre japonais assassiné Shinzo Abe, le Japon semble mettre un terme à sa politique pacifiste et opter pour une politique militaire plus musclée.

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En raison de sa situation géographique unique, le Japon pourrait et peut continuer à jouer un rôle décisif dans de nombreux conflits. Le Japon est toujours à la tête de la troisième plus grande économie du monde et, ces dernières années - sous la direction du Premier ministre Abe, soit dit en passant -, il a augmenté ses dépenses militaires. Mais les commentateurs ne parlent pas d'une rupture révolutionnaire avec le pacifisme, qui a défini pendant des années la politique étrangère du Japon, mais d'un ajustement aux nouvelles circonstances. Le fait est que le nouveau Premier ministre japonais, Fumio Kishida, veut augmenter les dépenses dans le domaine militaire et aussi améliorer sérieusement la capacité des dispositifs contre-attaquants du Japon. Le Premier ministre Kishida veut porter les dépenses militaires, qui représentaient jusqu'à présent 1 % du PIB, à 2 % en cinq ans. Quant à la reconstitution des réserves militaires en vue de riposter militairement, il s'agit, selon Kishida, d'un processus qui prendra du temps. Par exemple, la constitution d'un stock de nouveaux missiles (Tomahawk et autres) risque de prendre des années.

De nombreux commentateurs voient donc la visite de Fumio Kishida à Washington fin janvier 2023 comme un nouveau départ, et un changement significatif dans l'alliance nippo-américaine. Le Japon et l'Amérique se préparent à l'éventualité d'un conflit militaire dans le Pacifique pour la première fois depuis des décennies. Alors que l'attention des États-Unis et du Japon pendant la première guerre froide était principalement concentrée sur le nord (la menace de l'URSS), l'attention se porte désormais sur le sud et les îles japonaises du sud-ouest, une région géographique située à 100 miles à peine des côtes taïwanaises.

D'un point de vue géopolitique, beaucoup de choses bougent dans le Pacifique, mais peu d'entre elles parviennent malheureusement à notre "presse de qualité" en Flandre.

vendredi, 24 février 2023

Le discours de Poutine - Une mauvaise nouvelle pour l'Occident ?

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Le discours de Poutine - Une mauvaise nouvelle pour l'Occident ?

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2023/02/21/putinin-puhe-huonoja-uutisia-lannelle/

Le président russe Vladimir Poutine a prononcé son discours de politique générale cette année et, comme d'habitude, il a été critiqué par les agences de presse occidentales. Le discours a réitéré des points de vue déjà entendus auparavant sur l'opération spéciale en Ukraine, l'Ouest de l'OTAN, les valeurs russes, la politique intérieure, l'économie et l'avenir.

Dans les médias finlandais, le discours de Poutine a été qualifié de "propagandiste et de mensonger', mais un auditeur critique ne peut en dire autant. La Russie n'a pas déclenché la guerre en attaquant unilatéralement l'Ukraine en février de l'année dernière, mais la responsabilité principale du déclenchement et de l'escalade du conflit incombe effectivement aux élites des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l'"Occident collectif".

L'Occident a provoqué la Russie en élargissant l'OTAN et en transformant l'Ukraine en une plateforme d'agression anti-russe. Les préoccupations de la Russie en matière de sécurité ont été ignorées parce que l'Occident voulait une escalade : dans le grand jeu géopolitique, la Russie devait perdre et être détruite militairement, politiquement et économiquement.

Aujourd'hui, les eurocrates ont révélé leur crainte que, en raison d'une pénurie critique de munitions, la guerre en Ukraine puisse se terminer dans quelques mois. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a également souligné que l'Ukraine consomme plusieurs fois plus de munitions que l'industrie de la défense de l'Occident ne peut en produire.

L'Occident ne veut pas la paix, et les peuples d'Europe sont eux aussi depuis longtemps poussés à la frénésie de la guerre. L'image de Poutine en tant que dictateur désespéré et éloigné de la réalité a (avec succès ?) été instillée dans l'esprit des Finlandais également. Ailleurs, par exemple dans le Sud global, les gens comprennent ce qu'est ce jeu sombre : la tentative des États-Unis de maintenir leur position hégémonique dans un monde en mutation.

Selon Poutine, l'Occident voudrait transformer "un conflit local en un conflit mondial". Comme en réponse à cela, il a déclaré que la Russie suspendrait sa partie de l'accord de non-prolifération nucléaire avec les États-Unis. C'est une mauvaise nouvelle pour l'Occident, mais la plupart des analystes estiment que la probabilité que la Russie utilise des armes nucléaires reste très faible.

Le discours de Poutine a été critiqué pour avoir dit peu de choses nouvelles. Qu'attendaient donc les auditeurs d'ici et d'ailleurs ? Les stratégies militaires ne sont pas abordées dans les discours, mais il est clair que Poutine et les autorités russes préparent depuis un certain temps leurs citoyens à un conflit prolongé dans lequel les Ukrainiens ne sont pas l'ennemi, mais des "otages du régime de Kiev et de ses maîtres occidentaux", des otages de substitution du plan de guerre anti-russe.

Selon les Russes, l'opération en Ukraine se poursuivra jusqu'à ce que les programmes d'aide occidentaux soient épuisés et que plus aucune menace anti-russe n'émerge de Kiev. Comment cet objectif sera-t-il atteint, en continuant à mener une bataille qui épuise les ressources et les soldats, ou en faisant quelque chose de plus spectaculaire ? Quoi qu'il en soit, l'anniversaire du réchauffement du conflit approche.

Pour le reste du monde, ce "conflit local" est de moindre importance, et les apparitions de Zelensky ne suscitent pas beaucoup d'émotion (tout au plus, un frisson de dégoût ?). Bien sûr, de nombreux pays aimeraient voir l'Occident dirigé par les États-Unis gravement humilié ; la "fuite de l'Afghanistan" de Washington serait-elle un avant-goût de la défaite à venir en Ukraine ?

jeudi, 23 février 2023

Nebenzia : L'Occident cherche à étouffer de toutes ses forces l'enquête sur le sabotage de Nord Stream

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Vasily Nebenzia : L'Occident cherche à étouffer de toutes ses forces l'enquête sur le sabotage de Nord Stream

Source: https://katehon.com/ru/news/nebenzya-zapad-stremitsya-vse...

Mercredi, 22 Février 2023

Le représentant permanent de la Russie estime que le travail des pays occidentaux pour enquêter sur les circonstances du sabotage du gazoduc est biaisé.

Le premier jour des consultations sur un projet de résolution russe visant à créer une commission spéciale chargée d'enquêter sur les circonstances du sabotage des gazoducs Nord Stream, a donné l'impression que les pays occidentaux n'ont pas l'intention de participer à un processus objectif. Le représentant permanent russe Vasily Nebenzia a exprimé cette opinion lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.

Nebenzia a déclaré : "Nos experts discutent ces jours-ci du texte que nous avons proposé, mais après le premier tour, nous avons l'impression que les experts occidentaux ne sont pas intéressés par une enquête internationale objective, ce qui, bien sûr, ne fait que renforcer nos soupçons", a-t-il déclaré.

Le diplomate a souligné que l'enquête actuelle, à laquelle participent le Danemark, la Suède et l'Allemagne, vise à dissimuler toutes traces et à protéger les États-Unis. Dans le même temps, la Russie n'est tout simplement pas autorisée à participer à l'enquête.

Compte tenu de toutes les circonstances, la Russie ne se fait aucune illusion sur le motif, les auteurs et la méthode de sabotage des gazoducs, a résumé M. Nebenzia.