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vendredi, 15 juillet 2022

L'UE dans le régime des sanctions

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L'UE dans le régime des sanctions

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/lue-nel-regime-delle-sanzioni

Dans le cadre de l'opération militaire spéciale en Ukraine, l'Occident collectif a imposé une série de sanctions non seulement à la Russie, mais aussi à la République du Belarus. Par conséquent, la question qui en découle est la suivante : comment les sanctions, liées à l'opération militaire spéciale (OMS), affectent-elles l'Union économique eurasienne (UEEA) et quels scénarios sont possibles pour l'Union elle-même ?

L'UEEA est la première expérience d'intégration économique complète dans l'espace post-soviétique. Il repose sur l'unification d'économies qui diffèrent en taille et en structure, mais avec un processus décisionnel égal. La rapidité de l'intégration dépend de l'accord de tous les participants sur les questions controversées. Aujourd'hui, il s'agit du seul instrument visant à rationaliser les échanges entre les principaux partenaires et à stimuler la production intérieure dans l'intérêt des économies nationales des pays de l'EEE.

Il n'y a pas si longtemps, il était sérieusement question d'établir des zones de libre-échange avec des pays développés, comme la Corée du Sud. Aujourd'hui, même soulever une telle question semble utopique. L'imposition de sanctions à l'encontre de la Russie par Singapour ruine tous les projets de conclusion d'accords sur la libre circulation des services et des investissements avec les pays de l'UEE, du moins avec la Russie et le Belarus (ces accords sont conclus séparément par chaque membre de l'UE).

Ce que les pays de l'UEEA produisent

Après le durcissement du régime de sanctions et l'isolement partiel de la Russie, le choix des partenaires étrangers de l'UE sera de plus en plus déterminé par des facteurs politiques. Il est peu probable que cela plaise aux partenaires russes de l'UE, qui espéraient initialement un scénario complètement différent pour l'intégration eurasienne.

"Le problème des céréales est l'un des indicateurs de la sécurité alimentaire, tant dans l'Union économique eurasienne dans son ensemble que dans chaque pays. L'ensemble du marché agricole mondial est également confronté à ce problème. Le niveau global d'autosuffisance dans l'UEEA a atteint 93 %. L'augmentation de l'autosuffisance est l'un des objectifs d'une politique agro-industrielle coordonnée et de la régulation du marché agricole commun.

La spécialisation des produits de chaque pays joue un rôle important, en tenant compte des traditions historiques et des conditions climatiques. Cela permet aux États membres de l'UEEA d'être compétitifs et d'exporter avec succès à la fois des matières premières et des produits hautement transformés. Le Belarus, par exemple, est un fournisseur de longue date de lait et de produits laitiers. L'Arménie répond aux besoins de la population en matière de fruits frais. La Russie produit des céréales et des produits transformés, de la viande et du poisson, du sucre et de l'huile végétale.

Le deuxième problème est l'autosuffisance insuffisante de certains produits. Par exemple, dans les fruits et les baies. La Commission économique eurasienne (CEE) élabore des propositions de mesures de soutien de l'État qui permettraient d'augmenter la production de fruits et de baies dans les pays de l'EE. Le niveau d'autosuffisance en ressources matérielles, techniques et de production est également important. L'UEEA importe activement des technologies génétiques, du matériel végétal et des semences. Pour augmenter la production locale, la Commission économique eurasienne travaille sur des mesures de soutien à la production de semences.

Le développement de la coopération en matière de production joue un rôle important pour assurer la sécurité alimentaire dans l'UEEA. Le Belarus produit deux fois plus de sucre qu'il n'en consomme et exporte le reste vers les pays de l'Union. Dans le même temps, les semences de betteraves sucrières à haut rendement ne peuvent être produites au Belarus en raison du climat inadapté. Cependant, selon la CEE, l'Arménie et le Kirghizstan peuvent produire ces semences, assurant ainsi une véritable coopération avec un effet de synergie prononcé. Les États membres de l'UE ne seront plus dépendants des pays tiers pour l'approvisionnement en semences de betteraves et les importations de sucre.

Contourner les sanctions économiques

La portée des sanctions contre l'économie russe est bien plus grande aujourd'hui qu'en 2014. Les partenaires étrangers de l'UEEA risquent désormais d'être frappés par les sanctions américaines et européennes. Cela ne signifie pas que les autres pays abandonneront complètement les négociations avec les États membres de l'UEEA, bien que ce scénario ne soit pas à écarter. Les partenaires potentiels seront désormais plus diligents pour examiner les termes des négociations et calculer soigneusement les risques encourus.

En raison des sanctions à grande échelle contre la Russie et le Belarus, l'Union économique eurasienne est confrontée à la question de la poursuite de son intégration. L'UEEA a déjà adopté un certain nombre de mesures douanières pour garantir la fluidité des importations de biens critiques. Ces mesures ont été réformées à la suite de la pandémie du coronavirus. Leurs monnaies nationales commencent à être utilisées. En Arménie, il existe un fort potentiel de substitution des importations dans la production alimentaire. Cela est dû aux fournitures coopératives des pays de l'UEEA, qui sont estimées à 110,5 millions USD, tandis que la substitution des importations de la Russie peut s'élever à plus de 112 millions USD.

Même en présence de pressions et de sanctions extérieures, les participants à l'intégration eurasienne peuvent manœuvrer au sein de l'UEE, résoudre les différends dans un format multilatéral et, s'ils le souhaitent, approfondir l'intégration sur la voie d'un marché commun.

Il s'ensuit que l'UEEA poursuivra son développement planifié, en tenant compte des facteurs externes, comme ce fut le cas à la fois en 2014, lorsque les premières vagues de sanctions contre la Russie ont commencé, et en 2020, lorsque la menace de l'infection par le coronavirus a frappé le monde. En outre, les pays participants se concentreront sur le développement des marchés, des industries et des services nationaux. Les pays développeront également une logistique nationale et reconstruiront les outils hérités de l'ère soviétique.

mardi, 12 juillet 2022

Où en sommes-nous ? Leonid Savin, expert russe en géopolitique, a répondu à nos questions sur l'avenir possible

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Où en sommes-nous ?

Leonid Savin, expert russe en géopolitique, a répondu à nos questions sur l'avenir possible

Costantino Ceoldo & Leonid Savin

Source: https://www.geopolitika.ru/es/article/donde-estamos

Près de six mois se sont écoulés depuis le début de l'opération militaire spéciale russe en Ukraine et le scénario qui se présente à nous n'est pas celui auquel l'Occident s'attendait.

Les attentes caressées par les chancelleries occidentales ici, dans l'Empire du Bien, étaient de voir la Russie perdre son élan initial en peu de temps, pour finir dans une coulée de boue suite aux sanctions politiques et économiques et aux défaites militaires de plus en plus patentes, jusqu'à ce que les armées russes soient obligées de s'arrêter et de rentrer à Moscou la tête basse et la queue entre les jambes, vaincues et humiliées.

Il est difficile de comprendre ce qui passe par la tête de nombreux analystes occidentaux qui nient l'évidence ou, du moins, ne suspendent pas leur jugement en attendant des événements plus précis. Peut-être qu'un sens mal placé du patriotisme pousse certains à se ranger systématiquement du côté de ce qui est maintenant le mauvais côté depuis la chute du mur de Berlin et la dissolution de l'Union soviétique. En pensant aux autres, feu le journaliste allemand Udo Ulfkotte me vient aussi à l'esprit, aux nécessités de la vie quotidienne et à ces petits luxes indispensables qui rendent la vie si agréable à certains qu'ils en oublient qu'ils ne sont que des scribouillards dont on loue les services (ndlr: Sur Udo Ulfkotte, lire: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2017/01/15/une-grande-perte-pour-nos-libertes-udo-ulfkotte-est-mort.html ).

Malgré la quantité impressionnante de sanctions que l'Occident a imposées à la Russie de Poutine, malgré l'aide militaire, économique et en matière de renseignement apportée au régime de Kiev, le Donbass est désormais presque entièrement libéré et Moscou se prépare à libérer également Odessa et la Transnistrie. À moins d'un bouleversement inattendu sur le terrain en faveur de Kiev et de son président qui peut jouer du piano avec son propre pénis, la guerre se terminera probablement par une victoire russe et la réalisation des objectifs déclarés de Moscou.

Quels objectifs, à moyen et à long terme ?

Leonid Savin, un expert russe en géopolitique, a répondu à nos questions sur l'avenir possible.

Pourquoi la politique étrangère américaine stagne-t-elle depuis des décennies sur les voies habituelles que nous connaissons tous bien maintenant ?

La principale technique américaine est simple. En politique intérieure, elle se fonde sur la formule du triangle de fer (entreprises - lobbies - gouvernement) qui se reflète également dans la politique étrangère. Dans les relations internationales, en revanche, Washington utilise le principe de la carotte et du bâton, masqué par l'idée de hard power/soft power. Mais l'objectif est le même: contrôle des ressources à l'étranger, domination et hégémonie.

Est-il possible que la situation actuelle, y compris la guerre en Ukraine, soit due au caractère excessivement raisonnable de la Russie envers l'Occident dans le passé ?

C'est à cause de l'irresponsabilité et de la logique tordue de l'Occident. Même aux États-Unis, de nombreux scientifiques et personnalités politiques s'accordent à dire que la crise en Ukraine est le résultat de l'expansion de l'OTAN impulsée par les États-Unis. Nous constatons maintenant que de nombreuses initiatives de la part des gouvernements occidentaux, en particulier des États-Unis, ont eu lieu pour isoler et fragmenter la Russie. L'esprit de la guerre froide est encore dans leur tête. Mais l'époque de la guerre froide est révolue. La Russie n'attendra pas de voir comment l'Occident tente de la détruire.

La Maison Blanche, le Pentagone et le Département d'État suivent-ils la même ligne de conduite convenue, ou devons-nous nous attendre à une autre "fronde des généraux" comme cela s'est produit avec la Syrie ?

Il semble que la Maison Blanche et le Département d'Etat soient d'accord sur la Russie. Le Pentagone est plus prudent, mais suit les ordres de Biden et Blinken. Le ministère de la Défense a récemment annoncé qu'il allait fournir une aide supplémentaire à l'Ukraine. Globalement, nous voyons donc une stratégie unifiée contre la Russie.

La crise ukrainienne vise-t-elle également à neutraliser les aspirations de Berlin à une plus grande indépendance vis-à-vis de Londres et de Washington ? À votre avis, Berlin aurait-il pu chercher la protection de Moscou ces dernières années en poursuivant un programme sur le long terme ?

L'axe Moscou-Berlin-Paris est le pire cauchemar des atlantistes. En effet, le livre de Brooks Adams écrit à la fin du 19e siècle contient la thèse de la nécessité pour l'Amérique d'empêcher une future amitié entre la Chine, la Russie et l'Allemagne au profit de Washington. Les États-Unis craignent l'intégration continentale de l'Eurasie sous quelque forme que ce soit. C'est pourquoi ils utilisent la stratégie du "diviser pour régner". Jusqu'à présent, il n'y a aucun signe que Berlin s'engage dans une politique souveraine et indépendante. Certains ministres font simplement des pas de géant. Nous avons entendu que l'Allemagne ne fournira plus d'armes à l'Ukraine parce qu'elle doit maintenir la Bundeswehr dans un état normal de fonctionnement. C'est une bonne nouvelle, mais elle n'est pas suffisante. D'autre part, la leçon de la Russie sur l'approvisionnement et les prix du gaz aidera les politiciens allemands à bien réfléchir.

L'opération militaire spéciale en Ukraine se déroule-t-elle comme prévu ?

Oui, c'est le cas. Nous procédons étape par étape. Il n'y a pas de termes concrets, seulement des objectifs. Maintenant, la République populaire de Lugansk a été libérée. L'étape suivante sera la République populaire de Donetsk et d'autres régions d'Ukraine. Chaque jour, il y a moins de chances pour la dictature de Zelensky et plus de chances pour les prochaines revendications russes.

Kiev court-il le risque sérieux de se retrouver enclavé et de voir l'étendue de son territoire fortement réduite, même au profit de certains de ses "amis" à la frontière occidentale ?

Les "amis" de la frontière occidentale sont très intéressés par l'intégration de ces parties de l'Ukraine dans leur territoire le plus rapidement possible. Je pense que ce genre d'opportunité se présentera bientôt. Mais la côte revêt également une importance stratégique pour l'Ukraine. Les régions qui produisent la majeure partie du PIB de l'Ukraine (les secteurs industriels du sud-est) sont actuellement sous contrôle russe. Le port d'Odessa sera une bonne récompense après d'autres succès dans la région de Zaporozhie et la région de Nikolaev sous administration russe (très bientôt, espérons-le).

Pouvez-vous nous informer sur les laboratoires biologiques américains (malheureusement) notoires en Ukraine ?

Les dernières nouvelles concernaient le lien entre les citoyens russes disparus en Ukraine depuis 2014 et l'activité de ces laboratoires. Des enquêtes sont en cours.

Parlons économie : le système MIR rend-il la Russie indépendante de SWIFT et à l'abri de son éventuelle exclusion ?

En Russie, nous pouvons utiliser Mastercard et Visa ; il n'y a pas encore de problèmes. Le MIR est plus indépendant car c'est un produit national, mais il est limité à l'étranger. Aujourd'hui, les gouvernements russes négocient pour l'installer dans des pays amis.

À quoi ressemblera la nouvelle monnaie de réserve internationale, sera-t-elle exclusive ou coexistera-t-elle avec le dollar ?

Sur le marché boursier russe, nous constatons que le yuan est plus utile que le dollar américain. La Chine est en train de construire son propre système de transaction. En outre, Pékin et Moscou ont convenu d'organiser une autre monnaie mondiale pour éviter toute dépendance.

Le moment unipolaire américain est-il définitivement terminé ?

Oui, bien sûr. Mais comme pour tout changement global, nous aurons des turbulences pendant un certain temps encore.

Si vous le permettez, j'aimerais conclure par une question naïve : pourquoi les peuples occidentaux sont-ils encore si convaincus que leurs gouvernements sont "bons" ?

Les raisons sont peu nombreuses. Les gouvernements sont issus du peuple et le mythe de la démocratie reste fort. Les élites politiques disposent d'outils d'influence, de l'éducation aux médias en passant par l'appareil répressif. Enfin, ces dernières décennies, on a assisté à un sérieux déclin de la pensée politique indépendante, influencée par le consumérisme.

samedi, 09 juillet 2022

G7: le prochain coup qu'on se tire dans le pied - Le prix plafond du G7 pour le pétrole russe

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G7: le prochain coup qu'on se tire dans le pied

Auteur : U.K. 

Source: https://zurzeit.at/index.php/der-naechste-schuss-ins-eigene-knie/

Le prix plafond du G7 pour le pétrole russe

Le sommet du G7 qui s'est achevé mardi au château d'Ellmau, en Haute-Bavière, a donné naissance à une nouvelle idée pour mettre à genoux les recettes d'exportation de la Russie - pour de vrai ! Le G7, ou "Groupe des Sept", est un groupe informel de chefs de gouvernement qui se considèrent comme les "pays les plus industrialisés du monde". Il est piquant de constater que la Chine, de loin la deuxième puissance économique mondiale, n'en fait pas partie, pas plus que l'Inde, sixième sur la liste selon les dernières données de la Banque mondiale. En revanche, l'Italie, championne de la dette, peut y participer, de même que le Canada, qui occupe la neuvième place dans ce classement, mais qui est un fidèle acolyte des États-Unis.

Il n'a pas échappé aux sept chefs de gouvernement réunis dans la pittoresque station de montagne, qui ont d'ailleurs dû être protégés par 7.000 (je dis bien: 7.000 !) policiers, que malgré tous les blocages économiques de l'Occident contre la Russie, les revenus de Poutine provenant de la vente de pétrole, de gaz et de charbon sont plus importants que jamais. En effet, grâce aux sanctions, les prix mondiaux des matières premières énergétiques ont atteint des sommets historiques, comme chacun d'entre nous le constate en faisant le plein d'essence ou au plus tard lors de la prochaine facture de chauffage.

Et au lieu de vendre à l'Europe, la Russie vend de plus en plus les quantités restantes à la Chine, à l'Inde ou à des clients en Afrique. A des pays qui n'ont jamais été consultés sur les sanctions et qui ne les soutiennent pas non plus. La Russie rend ces accords attrayants en proposant des rabais de 20 à 25% sur le prix actuel du marché mondial. Mais Gazprom, Lukoil & Co. peuvent les accorder généreusement, car même avec cela, le produit de la vente est encore plus élevé qu'avant la guerre d'Ukraine.

Pour remédier à cette situation, le château d'Ellmau a imaginé un véritable coup de génie: un prix plafond pour le pétrole russe, fixé par l'acheteur. Remarquez, un prix maximum que l'Allemagne ou l'Autriche, par exemple, seraient prêtes à payer par baril de pétrole ou par mètre cube de gaz. Dans le cas contraire, ils n'accepteraient plus de pétrole en provenance de l'empire de Poutine. C'est à peu près aussi logique que si je disais dans une auberge que je ne paierais pas plus de 4 euros pour une escalope et 2 euros pour un demi. Si l'aubergiste n'accepte pas, je reste affamé et assoiffé en signe de protestation - en ces temps difficiles, tout le monde doit faire des sacrifices.

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Les politiciens dans leur bulle - on ne peut plus l'appeler autrement - veulent tout au plus accorder à la Russie un prix qui se situe juste au-dessus des coûts de production russes. Dans ce cas, selon leurs rêves naïfs, l'énergie dont l'Europe a tant besoin continuerait d'affluer, mais la Russie n'en tirerait plus de bénéfices massifs. Dans le cas du pétrole, cette règle serait contrôlée par des menaces de sanctions contre les assureurs maritimes qui assurent des cargaisons de pétroliers "trop chères", et dans le cas du gaz, on cesserait tout simplement de puiser du gaz dans le gazoduc si le prix ne convenait pas.

Croire qu'en Russie, on accepterait ce genre de choses relève d'un manque total d'ouverture d'esprit et d'une méconnaissance totale des marchés des matières premières. Pour le pétrole et le charbon, les flux commerciaux sont depuis longtemps en train de passer de l'Occident à l'Asie. Et pour le gaz, la Russie développe actuellement de manière intensive les capacités des terminaux de GNL à Sakhaline et à Vladivostok, d'où toute l'Asie peut être approvisionnée. En outre, le gazoduc Power of Siberia vers la Chine fonctionne désormais à plein régime et un deuxième tube est en cours de construction.

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En mai, la Russie est devenue pour la première fois le premier fournisseur de pétrole brut de la Chine, avec 2 millions de barils par jour, supplantant l'Arabie saoudite, qui était jusqu'à présent son principal fournisseur, soit une augmentation de 55% par rapport à l'année précédente. Une grande partie des livraisons passe par l'East Siberia Pacific Ocean Pipeline, en dehors de toute influence occidentale. Même la menace de l'assurance est désormais une épée émoussée : la compagnie d'État Russian National Reinsurance Company offre désormais une couverture suffisante pour tous les navires marchands de la Sovcomflot russe, et les compagnies d'assurance chinoises, encore plus puissantes, assurent désormais les navires battant pavillon de pays tiers s'ils transportent des cargaisons russes. Les prestations ne sont certes pas tout à fait au même niveau que celles des compagnies occidentales, mais cela suffit amplement aux clients d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.

Cette nouvelle idée de sanction devrait donc s'avérer être une balle dans le pied. Il est peu probable que Poutine se plie au diktat des prix occidentaux. D'abord parce que cela n'en vaut pas la peine sur le plan commercial, ensuite pour des raisons de politique de puissance. En effet, compte tenu de la situation actuelle sur le marché mondial, la Russie peut désormais supporter sans problème une année de suspension des livraisons en Europe. Mais nous, nous ne pouvons pas le faire.

jeudi, 07 juillet 2022

La souveraineté intégrale

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La souveraineté intégrale

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/integral-sovereignty?fbclid=IwAR1icCds9syXd6Sn55-AB03SFAfHFoqj9RI9MsE0UGH5Hv56Psr6kbg7vMI

Le pays [ndlr : la Russie] se trouve aujourd'hui dans un état très particulier. Il est comme ballotté entre un passé qui a déjà pris fin et un avenir qui n'a pas encore commencé, ou plutôt qui a commencé mais qui n'a pas encore été réalisé ou accepté. Ce sont des questions fondamentales : l'attitude de la Russie vis-à-vis des processus mondiaux et, surtout, de l'Occident collectif.

Après l'effondrement de l'URSS, nous avons traversé deux phases :

    - Dans les années 1990, nous avons tenté désespérément de nous intégrer au monde occidental, quelles que soient les conditions, mais nous n'y sommes pas parvenus et un système de contrôle extérieur a été établi dans le pays ;

    - Après l'arrivée au pouvoir de Poutine, nous avons également essayé de nous intégrer au monde occidental, mais à la condition que la Russie conserve sa souveraineté ; nous n'avons jamais réussi, mais nous avons réussi à renforcer notre souveraineté.

Pourquoi avons-nous lancé l'Opération militaire spéciale? Trump ne prêtait pas beaucoup d'attention à la croissance de la souveraineté russe, il n'était pas un atlantiste convaincu et jugeait les performances modestes de l'économie russe qui, de son point de vue, ne constituait pas une menace sérieuse pour les États-Unis ; il ne se souciait pas de la Crimée, il était beaucoup plus préoccupé par la Chine. Biden, en revanche, est un atlantiste et un mondialiste convaincu, et il est bien conscient que toute réussite de la Russie à étendre son influence remet en question la mondialisation, le monde unipolaire et l'hégémonie américaine. C'est pourquoi, après avoir mis de côté le monde islamique, elle a déplacé son attention vers la confrontation avec la Russie, sans oublier la Chine, bien sûr.

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Dès l'été 2021, les États-Unis et l'OTAN ont commencé à préparer une opération militaire pour conquérir le Donbass et mener une attaque contre la Crimée. Ainsi, le Donbass aurait été transformé en un puissant centre de la future agression militaire contre la Russie elle-même. Cette organisation belliciste impliquait l'engagement d'instructeurs et de mercenaires étrangers.

Poutine n'a pas attendu le début du mois de mars, date à laquelle l'opération ukraino-otanesque a été planifiée, et a frappé le premier. D'où la prépondérance initiale dans la première phase de l'opération, qui a prédéterminé le résultat en notre faveur. Mais laissons de côté l'aspect militaire de l'opération militaire spéciale. Après son lancement, la deuxième phase des relations de la Russie avec l'Occident dans la période post-soviétique a pris fin. L'idée de s'intégrer au monde occidental s'est estompée pour des raisons objectives. Il ne restait à la Russie que sa propre souveraineté, dont la protection, la préservation et le renforcement se sont avérés totalement incompatibles avec la complicité de la Russie dans les processus mondiaux sur une base idéologique occidentale.

Nous avons irrémédiablement et radicalement rompu avec l'Occident, mais cela n'a pas encore été compris. La deuxième phase est terminée, la troisième n'a pas encore commencé.

Quelle est cette troisième phase que les yeux et les oreilles de l'élite russe ne veulent absolument pas percevoir ? Elle représente une période indéfiniment longue d'existence de la Russie dans son isolement par rapport à l'Occident et sous sa pression dure et purement négative. Si l'on accepte comme un fait accompli que cette direction nous est à jamais coupée, les horizons de l'avenir deviennent tout à fait clairs. De même, le peuple soviétique ne pouvait pas croire que l'URSS et le communisme s'étaient effondrés, et les libéraux des années 1990 croyaient que Poutine était temporaire, pas sérieux, et que tout reviendrait à la case départ. Il est difficile de croire au nouveau. Toujours. Y compris maintenant.

Être sans l'Occident et, de surcroît, dans une confrontation claire et quasi militaire avec lui, c'est mettre en œuvre deux vecteurs à la fois :

    - Le russe et

    - l'Eurasien.

Ils ne se contredisent pas, il n'y a pas lieu de choisir entre eux. Mais ils n'en sont pas moins différents.

Le premier signifie un renforcement rapide et spectaculaire de la souveraineté de la Russie, en veillant à ce qu'elle ne puisse compter que sur ses propres forces en cas de besoin. Et nous ne parlons pas d'une conception limitée de la souveraineté, qui est déjà reconnue - bien que nominalement - par chaque État indépendant, mais d'une souveraineté à l'échelle intégrale, englobant

    la civilisation,

    la culture,

    l'éducation,

    la science,

    l'économie,

    les finances,

    les valeurs,

    l'identité,

    le système politique.

    et surtout l'idéologie.

Jusqu'à présent, à part la souveraineté politique et militaire, toutes les autres sphères que nous avons sont partiellement occidentales ou totalement occidentales, et il n'y a pas d'idéologie propre. Par conséquent, la construction d'une Russie véritablement souveraine, d'une Russie pleinement souveraine, exige une transformation profonde de toutes ces sphères, leur libération des paradigmes libéraux mondialistes profondément ancrés dans notre société et notre establishment au cours des première et deuxième phases de l'histoire post-soviétique.

Cela nécessitera une institutionnalisation de la ligne de conduite de Poutine, et pas seulement une loyauté envers lui personnellement. Cela impliquerait l'établissement d'une nouvelle idéologie, une sorte de "poutinisme" dans lequel les principes de base de la souveraineté intégrale seraient consacrés, puis d'autres mécanismes politiques et administratifs devraient également y être intégrés.

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La Russie entre inévitablement dans une phase idéologique. Nous ne pouvons pas tenir tête à l'Occident sans notre propre idéologie. C'est un fait tout à fait objectif, que cela nous enthousiasme ou nous exaspère. L'idéologisation de la Russie est inévitable, on ne peut l'empêcher.

La Russie doit renforcer son identité à plusieurs reprises pour résister non seulement sans l'Occident, mais malgré l'Occident. Il y a vingt-deux ans, ayant parié sur la souveraineté, Poutine a prédéterminé l'inévitabilité de ce moment. Aujourd'hui, il est là, il est arrivé.

Soit la souveraineté, soit l'Occident. Et ce choix est irréversible.

Il ne s'agit pas du tout d'isoler la Russie du monde, comme le voudrait l'Occident. L'Occident, malgré ses prétentions à l'hégémonie et à l'universalisme, n'est pas le monde entier. La Russie devra donc chercher de nouveaux partenaires et amis en dehors de l'Occident. C'est ce qu'on devrait appeler une politique eurasienne, un virage vers l'Est.

En découvrant le non-Occident mondial, la Russie découvrira qu'elle a affaire à des civilisations complètement différentes: chinoise, indienne, islamique, latino-américaine, africaine. Et chacune d'entre elles est différente de nous-mêmes, des autres et de l'Occident. Autrefois, nous nous y intéressions, nous étudiions l'Orient, et le grand poète russe Nikolaï Gumilev composait des hymnes inspirés par la gloire de l'Afrique. Mais ensuite, l'Occident s'est emparé de nos esprits. C'est une intoxication occidentalisée, une addiction à l'Occident. Le philosophe heideggérien iranien Ahmad Fardid a donné un nom à ce phénomène, gharbzadegi, westoxification.

Les Eurasiens russes ont été les premiers à se rebeller contre ce tournant occidentaliste de la culture russe, exigeant, comme les slavophiles, de se tourner vers leur propre identité russe et les cultures et civilisations non occidentales. C'est désormais la seule issue pour la Russie. Seuls les BRICS+, l'OCS, le développement des relations avec les nouveaux pôles du monde, avec les civilisations qui ont émergé, apparemment oubliées depuis longtemps, mais qui reviennent maintenant dans l'histoire.

Là où l'Occident se termine, le monde et l'humanité ne se terminent pas du tout. Au contraire, c'est un nouveau départ. Et la place de la Russie est en Eurasie, pas en Occident. Autrefois, c'était une question de choix. Aujourd'hui, c'est tout simplement inévitable. Aujourd'hui, tout dépend de la manière dont nous construisons nos relations avec la Chine, l'Inde, la Turquie, l'Iran, les pays arabes, les États africains ou l'Amérique latine.

C'est l'avenir qui vient/ne vient pas. Il existe déjà, mais l'élite refuse de l'accepter. Et elle n'a pas d'issue ni de choix. Même la trahison, qui est peu probable, ne changera rien. De plus, elle ruinera la Russie d'un seul coup. Il n'y a même plus cette possibilité: la place des traîtres et des libéraux est prédéterminée par les lois de la guerre et de l'urgence. Les purges inévitables et absolument nécessaires, qui n'ont cependant pas encore commencé, mais qui vont certainement commencer, ne sont pas la chose principale ni même secondaire. En vain, notre élite s'inquiète des démissions et des arrestations. Quiconque n'est pas d'accord avec la souveraineté et l'eurasisme est déjà mort. C'est incontestable.

Mais la question est autre : comment défendre et reconstruire la nouvelle Russie, la Russie de la troisième phase ? Que faire, la vie le dicte. Mais ce qu'il faut faire, comment le faire, par où commencer et quelles sont les priorités sont des questions ouvertes. Tout est plus compliqué ici.

Je pense que nous devons commencer par l'essentiel, à savoir l'idéologie. Tout le reste est secondaire. Quelque chose me dit que ceux d'entre nous qui sont au pouvoir et qui sont réellement responsables du sort du pays et du peuple pensent exactement de la même manière.

mercredi, 06 juillet 2022

Le théâtre de guerre de Brzezinski - L'Occident "civilisé" et l'Eurasie "barbare"

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Le théâtre de guerre de Brzezinski - L'Occident "civilisé" et l'Eurasie "barbare"

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/07/05/brzezinskin-sotateatteri-sivistynyt-lansi-ja-barbaarien-euraasia/

Dès 1997, feu le stratège politique et initié mondialiste occidental Zbigniew Brzezinski a soutenu que la seule façon de maintenir l'hégémonie occidentale et de contenir la montée des pays asiatiques - en particulier la Chine - était de contrôler les ressources énergétiques mondiales.

Le psychodrame du 11 septembre 2001, la série d'attaques terroristes contre les tours jumelles du World Trade Center à New York et contre le Pentagone, a fourni un "événement catastrophique et catalytique - comme un nouveau Pearl Harbor" pour lancer une intervention militaire.

Comme l'a dit le général américain Wesley Clark, "en plus de l'Afghanistan, nous allons détruire sept pays en cinq ans : l'Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l'Iran".

Les réserves énergétiques de ces pays - en plus de celles déjà détenues par l'élite dirigeante de l'Occident - feraient que l'Occident contrôlerait 60 % des réserves mondiales de gaz et 70 % des réserves mondiales de pétrole.

Deux décennies après que Brzezinski a présenté sa stratégie, l'Occident s'est plongé dans ses efforts militaires pour contrôler les ressources énergétiques mondiales. En 2018, il était clair que les plans initiaux avaient échoué.

L'impossibilité de maintenir l'hégémonie mondiale occidentale est devenue évidente avec l'érosion continue de l'influence occidentale, qui a coïncidé avec une augmentation de l'influence des concurrents occidentaux.

Cette situation a nécessité une action corrective, un "soi-disant plan B", comme l'écrit le Dr Fadi Lama, conseiller et consultant auprès de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).

L'Occident tente de ressusciter un monde bipolaire dans lequel il dirigerait encore au moins une partie du monde dans le cadre de ses "valeurs" et de ses propres "règles" truquées. L'autre région resterait, du moins pour le moment, sous l'influence des puissances eurasiennes "barbares".

La géostratégie actuelle de l'Occident vise à ériger un nouveau rideau de fer entre la Russie et l'euro-cavalerie américaine. Avec le conflit en Ukraine, cet objectif a déjà été partiellement atteint. L'Union européenne, elle aussi, est devenue sous Biden une zone encore plus subordonnée aux intérêts américains.

L'explication généralement admise est que l'Occident a imposé des sanctions sévères au Kremlin dans l'espoir que cela provoquerait l'effondrement de l'économie russe, affaiblirait le pouvoir du président Poutine et rendrait le climat politique intérieur propice à une tentative de coup d'État menée par l'Occident.

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Aucune de ces attentes ne s'est encore concrétisée. Au contraire, le rouble s'est renforcé par rapport au dollar et à l'euro et l'économie russe se porte mieux que la plupart des économies occidentales, où l'inflation atteint des sommets. Au moins, les médias font passer la hausse des prix pour la "faute de Poutine".

Cependant, l'impact dévastateur de ces sanctions sur le sud du monde a souvent été négligé. Les crises alimentaire, énergétique et économique sont exacerbées par le fait que la Réserve fédérale américaine a augmenté les taux d'intérêt.

Cela affecte la capacité de service de la dette des pays du Sud et les place au bord de la faillite et à la merci de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international dominés par l'Occident. Le Sri Lanka est un exemple édifiant de cette tendance.

Bien que les sanctions aient un impact économique très négatif sur les pays occidentaux eux-mêmes, elles s'inscrivent parfaitement dans l'objectif stratégique qui consiste à utiliser les crises actuelles pour tenter d'amener le plus grand nombre possible de pays de l'hémisphère sud sous l'influence occidentale.

La stratégie occidentale a également cherché à creuser un fossé entre les grandes puissances eurasiennes. La stratégie chinoise de l'ère Nixon ne fonctionne peut-être pas aujourd'hui, mais le conflit en Ukraine et la politique de sanctions ont tenté de faire de la Russie un État paria.

Ainsi, dans la nouvelle guerre froide, avec la chute du rideau de fer, le monde est à nouveau divisé en deux : un bloc occidental dirigé par les États-Unis et une "Barbarie" - en d'autres termes, l'Eurasie - désignée comme telle par Brzezinski, avec les "RIC", la Russie, l'Iran et la Chine, en son centre.

"L'Occident poursuit toujours la voie du néolibéralisme", doit-on conclure. Avec la diminution de sa population et de ses ressources sous son contrôle, il deviendra nettement plus pauvre qu'aujourd'hui, ce qui nécessitera la création d'États policiers pour garder les citoyens mécontents sous contrôle. Le gel des activités dû aux confinements et les autres mesures coercitives prises ces dernières années offrent un aperçu de l'avenir des "démocraties".

Les pays du Sud, subordonnés à l'Occident, continueront à s'appauvrir, ce qui nécessitera l'instauration de régimes dictatoriaux fidèles à l'Occident. Au fur et à mesure que les conditions socio-économiques se détériorent, on peut s'attendre à davantage d'instabilité et de troubles politiques.

Dans une tempête parfaite de crises alimentaires, énergétiques, d'inflation et de gestion de la dette, de nombreux pays du Sud seront vulnérables et pourraient être contraints de rejoindre le monde occidental. Cela est facilité par le fait que leurs élites économiques et politiques sont déjà mariées au système financier occidental.

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Toutefois, si l'Occident est incapable d'apporter des solutions efficaces aux crises qu'il a créées, cet échec, combiné à un passé colonial, rendra l'intégration eurasienne encore plus attrayante pour d'autres pays. La question de savoir si la Russie et la Chine sont en mesure d'apporter un soutien suffisant aux pays du Sud en cette période de turbulences jouera également un rôle.

Lama souligne que la Russie a déjà proposé d'aider l'Afghanistan et les pays africains en leur fournissant de la nourriture et que l'Iran a fourni de l'essence au Venezuela pendant sa crise du carburant. La Chine, pour sa part, a développé des infrastructures dans le Sud global grâce à son projet "Belt and Road".

Comme l'a déjà laissé entendre l'économiste russe et ministre de l'intégration de l'Union économique eurasienne Sergei Glazyev en décrivant le réseau financier mondial alternatif émergent : "Les pays du Sud peuvent être des participants à part entière du nouveau système, indépendamment de leurs dettes en dollars, euros, livres et yens. Même s'ils ne respectent pas leurs obligations dans ces monnaies, cela n'aurait aucun impact sur leur cote de crédit dans le nouveau système financier."

La question que pose la récession est donc la suivante : combien de pays du Sud peuvent-ils raisonnablement s'attendre à ce que l'Occident s'accroche si l'alliance eurasienne offre un nouveau départ avec une ardoise propre et sans dette, plutôt que les politiques d'exploitation de l'Occident ?

Ce sera également une période politiquement turbulente en Irak et au Liban. Étant donné que l'Occident est incapable de proposer des solutions durables et que les partis de résistance locaux ont de l'influence dans ces pays, l'Irak et le Liban pourraient finalement rejoindre l'Eurasie "barbare", tout comme le gouvernement rebelle du Yémen.

Les communautés des sables bitumineux du Golfe sont des créations occidentales et appartiennent donc à l'Occident par défaut. Les événements des deux dernières décennies peuvent encore changer cet état d'esprit. Les échecs occidentaux en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Yémen ont convaincu les communautés arabes que l'Occident a perdu son avantage militaire et ne peut plus offrir de protection à long terme.

En outre, contrairement à l'Occident, la Russie et la Chine ne se sont pas directement immiscées dans les affaires intérieures des pays, ce qui est un facteur important pour les communautés de cheikhs. Les récentes tensions diplomatiques avec l'Occident sont illustrées par le rejet sans précédent par les dirigeants saoudiens et émiratis des exigences de l'administration américaine en matière de production pétrolière.

L'ère dirigée par l'Occident touche à sa fin, bien que les médias grand public, ici et dans d'autres pays de la zone euro, tentent toujours de brosser un tableau différent. Bien sûr, la fin d'une telle ère ne sera pas pacifique ; les guerres des trois dernières décennies en sont la preuve. Les turbulences ne feront donc qu'augmenter.

Les causes de la guerre en Ukraine remontent à de nombreuses années avant Poutine

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Les causes de la guerre en Ukraine remontent à de nombreuses années avant Poutine

par Giacomo Gabellini

Source : DiariodelWeb & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/le-cause-della-guerra-in-ucraina-nascono-molti-anni-prima-di-putin

Dans cette interview avec DiariodelWeb.it, Giacomo Gabellini, auteur du livre 1991-2022. Ucraina. Il mondo al bivio (= "1991-2022. Ukraine, le monde à la croisée des chemins"), retrace les origines lointaines dans le temps du conflit.

propos recueillis par Fabrizio Corgnati

Le déclenchement officiel de la guerre en Ukraine remonte au 24 février, avec l'invasion de la Russie. Mais si l'on en est arrivé à cette escalade, c'est en vertu de causes qui s'accumulent depuis de nombreuses décennies, et qu'il faut comprendre en profondeur si l'on veut vraiment saisir les enjeux de ce conflit. Giacomo Gabellini, écrivain et chercheur sur les questions historiques, économiques et géopolitiques, a écrit à ce sujet dans son dernier livre "1991-2022". Ukraine, le monde à la croisée des chemins", publié par Arianna Editore, qu'il présente dans cet entretien avec DiariodelWeb.it.

Giacomo Gabellini, vous remontez loin dans le temps pour trouver les causes du conflit en Ukraine.

Il y a précisément un siècle, en 1922, lorsque Staline a été nommé commissaire des nations de l'Union soviétique. C'est à ce titre qu'il a commencé à concevoir un projet impérial. Il s'est rendu compte que pour maintenir ensemble un État aussi diversifié sur le plan ethnique, linguistique et confessionnel, il était nécessaire de renforcer le pouvoir central.

De quelle manière ?

En empêchant la création de groupes ethniques surpuissants au sein de chaque république fédérée. En flanquant les groupes ethniques majoritaires d'autres groupes tout aussi nombreux. Peut-être lié à la proximité des groupes ethniques dominants dans les républiques voisines.

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En d'autres termes, empêcher la consolidation d'identités ethniques distinctes dans des nations individuelles ayant un sentiment d'appartenance.

Exactement. Soit par le déplacement de populations entières, soit par la modification continuelle des frontières. Ainsi, des groupes ethniques qui n'avaient pas grand-chose en commun se sont retrouvés à vivre avec un sentiment de méfiance mutuelle, dû à l'extranéité.

Cela ressemble un peu à la conception de la société mondialiste...

Oui, le plan était basé sur une idée similaire. Et l'Ukraine est l'un des exemples les plus flagrants, car les populations russes étaient intégrées dans la partie sud et est du pays. Plus tard, en 1954, Khrouchtchev a également annexé la Crimée, habitée principalement par des Russes, à l'État ukrainien.

En avançant de quelques décennies, Kiev s'est donc retrouvé à contrôler des morceaux de territoire qui n'avaient rien à voir avec la culture, la langue ou le sentiment d'appartenance ukrainiens.

L'Ukraine est un État très composite. Elle compte plusieurs groupes ethniques en son sein, dont, par exemple, les Polonais et les Hongrois, et ceux-ci ont rarement vécu en harmonie les uns avec les autres. Lorsque la situation économique se dégrade, ces vieilles rivalités ont tendance à refaire surface avec vigueur.

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Quelqu'un a-t-il délibérément attisé les flammes de ces rivalités pour faire monter les tensions ?

Sans aucun doute. Déjà au lendemain de l'effondrement de l'URSS et de l'indépendance de l'Ukraine, un essai de Soljénitsyne soulignait comment les élites ukrainiennes tentaient progressivement de marginaliser la langue russe. Ce qui n'était pas une mince affaire, pour un pays qui comptait des millions et des millions de citoyens ne parlant que cette langue. Zelensky lui-même était russophone et a dû apprendre l'ukrainien. À partir de 2008, même l'ukrainien a été imposé par la loi comme seule langue officielle: un peu comme si dans notre Tyrol du Sud on décidait de n'imposer que l'italien.

Ces dernières années, cette épuration ethnique, que je ne sais comment définir autrement, a pris des contours encore plus violents.

Sans l'ombre d'un doute. Au fur et à mesure que le conflit s'aggrave, on assiste à un durcissement des mesures contre ces minorités. La fermeture des écoles, l'unification des chaînes de télévision par la loi martiale, l'érection de statues de personnages controversés de la Seconde Guerre mondiale, l'interdiction de dizaines de partis accusés de collaborer avec la Russie, y compris le principal bloc d'opposition, le Bloc pour la vie. Toutes ces mesures n'ont pas aidé à la coexistence, mais ont exacerbé les différences.

Mais les Ukrainiens ont-ils adopté cette stratégie de leur propre gré ou sous une certaine pression internationale ?

Une partie de la population ukrainienne, notamment dans la région de Lviv, est fortement nationaliste. Et ils s'inspirent des idées de personnes comme Stepan Bandera et Jaroslav Stec'ko, qui avaient collaboré avec les forces d'occupation allemandes dans les années 1940 et étaient responsables du massacre de dizaines de milliers de personnes. Lorsque l'Union soviétique est parvenue à vaincre les nazis, l'agence américaine OSS, dont les résidus ont donné naissance plus tard à la CIA, a pris soin d'offrir à ces personnages l'hospitalité aux États-Unis et en Allemagne de l'Ouest. Lorsque l'URSS s'est effondrée, la femme de Stec'ko est retournée en Ukraine et a fondé le parti nationaliste ukrainien, qui défendait les mêmes positions que son mari.

Vous êtes en train de me dire qu'il y a eu une aide active des États-Unis ?

Oui. Ce qui n'a pas seulement impliqué l'Ukraine mais aussi, comme on le sait, de nombreux hiérarques nazis et anticommunistes, recyclés par la suite en conseillers de dictatures militaires sud-américaines pro-US.

Pourquoi, dans le récit le plus répandu, cette responsabilité américaine disparaît-elle et seule celle de Poutine subsiste ?

Parce que les États alliés européens n'ont que formellement gagné la Seconde Guerre mondiale. Pour l'essentiel, ils étaient occupés par les États-Unis, politiquement, militairement et surtout en termes de renseignements. À partir de 1945, il y a eu un alignement plus ou moins rigide sur les États-Unis, en fonction des pays, qui se sont dégradés au niveau de colonies.

En d'autres termes, nous portons la version officielle américaine parce que nous sommes des succubes des États-Unis.

Oui, nous nous plions à leurs diktats et suivons leurs orientations stratégiques. Même lorsqu'ils entrent en conflit avec nos intérêts.

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Comme c'est le cas avec cette guerre, pour laquelle on ne voit pas bien ce que nous avons à gagner.

Nous avons tout à perdre. En particulier, les économies manufacturières comme l'Allemagne et l'Italie ont besoin de matières premières bon marché pour maintenir la compétitivité de leurs produits. Ce que la Russie a garanti jusqu'à présent, notamment les hydrocarbures, auxquels nous devrons désormais renoncer. Dans le meilleur des cas, ces approvisionnements seront remplacés par du gaz de schiste américain, qui coûte beaucoup plus cher et pèsera sur le prix final des produits européens. Cela entraînera une perte de compétitivité et donc d'emplois.

Quel est le scénario le plus probable à ce stade : une escalade vers une guerre mondiale ou un atterrissage en douceur, avec un armistice ?

Arriver à un armistice aussi équitable que possible est certainement dans l'intérêt de l'Europe occidentale. Pas de ceux de l'Est, qui aspirent exactement au contraire: l'intention des États baltes et de la Pologne est d'infliger un coup éventuellement mortel à la Russie, de l'affaiblir et de la mettre en position de ne pas nuire.

Ce qui a très peu de chances d'arriver.

De mon point de vue, c'est absolument impossible. Quant aux États-Unis, ils n'ont aucun intérêt dans une solution pacifique. Leur perspective est de combattre la Russie jusqu'au dernier Ukrainien, de creuser un fossé aussi infranchissable que possible entre elle et l'Europe occidentale. Dans la vision géopolitique anglo-américaine, l'objectif a toujours été de prévenir et de consolider les synergies politico-économiques de la puissance démographique et de la richesse matérielle russes avec la technologie occidentale.

Ce faisant, cependant, ils envoient la Russie dans les bras de la Chine. Ne s'agit-il pas d'une erreur stratégique ?

En effet, il existe des observateurs, tels que Henry Kissinger, qui ne peuvent certainement pas être soupçonnés d'être poutinistes...

...ou même pacifistes.

Exactement. Kissinger, disais-je, a répété ad nauseam que poursuivre dans cette voie ne fait que lier Moscou et Pékin dans une alliance stratégique structurelle, capable de créer un bloc économique gigantesque. Autour duquel des dizaines de pays de ce que l'on appelle le sud du monde ont tendance à graviter : l'Inde, le bloc Brics, les économies latino-américaines en plein essor comme le Mexique.

Les États-Unis continuent de considérer le monde comme bipolaire, dans la perspective de l'ancienne guerre froide, mais ne se rendent pas compte qu'il est aujourd'hui devenu multipolaire.

Le problème est justement là. Les apparatchiks américains ont grandi avec la logique de la guerre froide et ne peuvent concevoir autre chose. La Russie, à leurs yeux, ne peut en aucun cas être un allié potentiel. Elle reste un ennemi à vaincre, après quoi, à mon avis, leur dessein sera de passer à la Chine. Mais la position de Kissinger montre que même les élites américaines sont plutôt divisées sur l'approche à adopter.

dimanche, 03 juillet 2022

Zelensky est prêt à céder une grande partie de l'Ukraine à la Russie en échange de l'adhésion à l'UE"

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Zelensky est prêt à céder une grande partie de l'Ukraine à la Russie en échange de l'adhésion à l'UE"

Source: https://www.xandernieuws.net/algemeen/zelensky-bereid-groot-deel-oekraine-af-te-staan-aan-rusland-in-ruil-voor-eu-lidmaatschap/

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Carte future possible de l'Ukraine, qui sera divisée en une partie UE et une partie russe.

Trois à cinq régions de l'Ouest rejoindront l'UE

Le centre et le sud-est de l'Ukraine rejoindront la fédération russe" 

Nouvelle vague de violence proche ?

Les fascistes ukrainiens menacent de faire la révolution si Zelensky accepte

Près de 50 milliards de dollars de bénéfices supplémentaires pour la Russie grâce à l'augmentation des prix de l'énergie

Poutine : le vieil ordre mondial ne reviendra jamais

* * *

Le président ukrainien Zelensky est prêt à céder de grandes parties de l'Ukraine à la Russie en échange d'une promesse d'adhésion permanente à l'UE. C'est du moins la ferme conviction d'Illia Kyva (photo), ancien candidat à la présidentielle de 2019 et député du parti Plateforme Pour la Vie, qui est d'opposition, jusqu'à ce qu'il en soit expulsé en mars 2022 en raison de son soutien à l'invasion russe (1). Et tandis que les Américains envoient de l'artillerie de plus en plus lourde dans le pays en partie déchiré par la guerre, les appels en Europe se font de plus en plus forts pour que l'Ukraine accepte d'être divisée en une partie qui irait à l'UE et une autre partie, qui deviendrait russe.

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Trois à cinq régions de l'Ukraine occidentale seraient annexées à l'UE. Les régions du centre et du sud-est du pays deviendront membres de la fédération russe, a écrit Kyva sur son canal Telegram. Kyva se base sur une source proche du bureau du chef de l'Etat. Selon lui, le régime de Kiev exige des garanties quant à la fin des hostilités, qui ont été désastreuses pour l'armée ukrainienne.

Zelensky souhaite également que l'Ukraine obtienne non seulement le statut de membre candidat de l'UE - un avis de la Commission européenne qui est soutenu aux Pays-Bas par le cabinet Rutte ( qui dit: "la guerre en Ukraine est aussi notre guerre") - mais aussi qu'elle devienne un membre définitif. Le leader ukrainien garde sans nul doute un œil fermé du côté de la Turquie, qui est membre candidat depuis 23 ans, mais dont l'adhésion ne fait que s'éloigner.

L'extrême droite menace de déclencher une révolution

Si Zelensky, qui a signé en 2019, sous la pression de l'Allemagne et de la France, la formule dite de Steinmeier, qui prévoyait de permettre la création d'États autonomes pro-russes dans le Donbass, cède effectivement des parties de l'Ukraine à la Russie, il peut s'attendre à une nouvelle vague de violence.

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Yuri Gudymenko (photo ci-dessus), le leader de l'extrême droite Democratic Ax, menace d'une révolution avec "un million de personnes dans les rues, après quoi le gouvernement cessera d'être le gouvernement". Dmytro Yarosh (photo, ci-dessous) a prévenu que Zelensky "perdra la vie... Il sera pendu à un arbre s'il trahit l'Ukraine".

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Des armes plus lourdes pour l'Ukraine, mais l'Occident se lasse de la guerre

Les signaux indiquant que les parties belligérantes - Ukraine/OTAN contre Russie - se dirigent vers une fin de la guerre sont de plus en plus forts. Alors que les Américains ont promis à Zelensky 5,6 milliards de dollars supplémentaires (2) et qu'ils envoient à l'Ukraine davantage de missiles lourds GLMRS d'une portée variant d'un minimum de 70 km à un maximum de 300 km (3), alors que les coûts de la guerre montent en flèche, les appels dans les capitales occidentales en faveur d'une solution se font de plus en plus forts.

Le président français Macron, dont le pays est désormais complètement coupé du gaz naturel russe (4), a même littéralement déclaré que "l'Ukraine doit décider elle-même si elle fait des concessions territoriales à la Russie afin de mettre fin à la guerre", ce qui était jusqu'à présent absolument non négociable. Plus tôt, l'illustre Henry Kissinger a suggéré que l'Ukraine ferait mieux d'être divisée avant que la guerre ne devienne complètement incontrôlable.

D'ici la fin de l'année, l'économie de l'Ukraine aura diminué de 45 %. Pour la Russie, cela sera compensé par près de 50 milliards de dollars de bénéfices supplémentaires provenant des ventes d'énergie, prouvant une fois de plus que les sanctions occidentales - pour lesquelles nous, en tant que citoyens, payons toujours le prix fort (carburant, énergie, nourriture) - se sont complètement retournées contre nous.

Poutine : l'ancien ordre mondial ne reviendra jamais

Selon le président russe Poutine, "c'est une erreur de suggérer que l'on peut attendre la fin de cette période de turbulences et que les choses reviendront à la normale, que tout redeviendra comme avant. Ce n'est pas le cas. Les changements que le monde subit actuellement sont, selon lui, "fondamentaux, radicaux et irréversibles", a-t-il déclaré hier au Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF).

Même si les élites de certains pays occidentaux "s'accrochent encore aux ombres du passé", le monde unipolaire, dirigé par les États-Unis et l'Occident, est, selon lui, définitivement révolu (5). Le fait que c'était précisément l'objectif des mondialistes en déclenchant le conflit en Ukraine en 2014 et en provoquant la guerre cette année fournira un nouveau fourrage pour les théories conspirationnistes selon lesquelles l'Occident et la Russie pourraient être de mèche dans les coulisses pour créer un Nouvel Ordre Mondial, qui doit finalement être placé sous une sorte d'autorité centralisée.

Xander

(1) SM News

(2) DEBKAfile

(3) Hal Turner Radio Show

(4) Hal Turner Radio Show

(5) Hal Turner Radio Show

L'Ukraine, le dernier projet catastrophe des néoconservateurs américains

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L'Ukraine, le dernier projet catastrophe des néoconservateurs américains

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/07/01/ukraina-amerikan-neokonservatiivien-viimeisin-katastrofihanke/

La crise ukrainienne est l'aboutissement d'un projet de domination concocté depuis 30 ans par le mouvement néoconservateur juif américain. L'administration de Joe Biden est truffée des mêmes figures qui ont soutenu les frappes américaines en Serbie (1999), en Afghanistan (2001), en Irak (2003), en Syrie (2011) et en Libye (2011) et qui ont tout fait pour provoquer la Russie au sujet de l'Ukraine.

Ces opinions ne sont plus seulement le fait des théoriciens de la conspiration, des opposants à l'impérialisme américain ou des commentateurs politiques extrémistes, mais ont été abordées franchement par l'économiste et politologue américain Jeffrey D. Sachs, par exemple.

Le bilan des néoconservateurs est, selon Sachs, "un désastre complet, et pourtant le président Biden a encore renforcé son équipe par des néoconservateurs". En conséquence, Biden dirige l'Ukraine, les États-Unis et l'Union européenne vers un nouveau désastre géopolitique. "Si l'Europe avait un peu de bon sens, elle se détacherait de ces désastres de la politique étrangère américaine", affirme Sachs.

Le mouvement néoconservateur est né dans les années 1970 autour d'un petit groupe central, dont plusieurs ont été influencés par le politologue Leo Strauss de l'Université de Chicago et le professeur Donald Kagan de l'Université de Yale (photo, ci-dessous).

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Parmi les leaders néoconservateurs figurent Norman Podhoretz, Irving Kristol, Paul Wolfowitz, Robert Kagan (fils de Donald), Frederick Kagan (fils de Donald), Victoria Nuland (épouse de Robert), Elliott Cohen, Elliott Abrams et Kimberley Allen Kagan (épouse de Frederick). Tous ont des origines familiales en Europe de l'Est, dans l'ancienne Union soviétique.

Le principal message des néo-conservateurs est que les États-Unis doivent dominer militairement toutes les régions du monde et qu'ils doivent affronter les puissances régionales émergentes qui pourraient un jour contester l'hégémonie américaine. À cette fin, les forces militaires américaines devraient être déployées à l'avance dans des centaines de bases militaires à travers le monde et les États-Unis devraient être prêts à mener des guerres choisies contre des puissances rivales.

Les institutions internationales doivent également rester subordonnées aux intérêts de Washington. L'ONU, par exemple, ne devrait être utilisée "que lorsqu'elle est utile aux objectifs des États-Unis", sinon ceux-ci devraient suivre leur propre chemin, ignorant délibérément les traités internationaux.

Cette approche a été proposée pour la première fois par Paul Wolfowitz dans son projet d'orientation de la politique de sécurité au ministère de la Défense en 2002, lorsqu'il était secrétaire adjoint à la Défense. Le projet prévoyait une expansion du "réseau de sécurité" dirigé par les États-Unis en Europe centrale et orientale, malgré la promesse explicite faite en 1990 par le ministre allemand des Affaires étrangères de l'époque, Hans-Dietrich Genscher, que la réunification allemande ne serait pas suivie par l'expansion de l'OTAN vers l'est.

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Wolfowitz (photo) s'est également prononcé en faveur des guerres lancées par les États-Unis, défendant le droit de Washington à agir de manière indépendante, voire seule, en réponse à des crises qui concernent l'État profond. Selon le général à la retraite Wesley Clark, Wolfowitz lui a fait comprendre dès mai 1991 que les États-Unis dirigeraient les opérations de partage du pouvoir en Irak, en Syrie et chez d'autres anciens alliés soviétiques.

Les néo-conservateurs ont soutenu l'expansion de l'OTAN en Ukraine avant même que cela ne devienne la politique officielle des États-Unis. Ils considéraient l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN comme un facteur clé pour la suprématie régionale et mondiale des États-Unis. En avril 2006, l'historien et commentateur politique Robert Kagan a exposé la justification néoconservatrice de l'expansion de l'OTAN :

"Les Russes et les Chinois ne voient rien de naturel dans [les "révolutions de couleur" de l'ancienne Union soviétique], mais seulement dans les coups d'État soutenus visant à promouvoir l'influence occidentale dans des régions du monde stratégiquement vitales. Ont-ils tort alors ? La libération réussie de l'Ukraine, encouragée et soutenue par les démocraties occidentales, ne pourrait-elle pas être le prélude à son adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne - en bref, à l'expansion de l'hégémonie libérale occidentale ?"

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Kagan a reconnu les graves conséquences de l'élargissement de l'OTAN. Il a également cité Dmitry Trenin, un expert de la Russie au sein du groupe de réflexion Carnegie, qui a déclaré que "le Kremlin se prépare sérieusement à la 'bataille pour l'Ukraine'".

Sachs affirme qu'après l'effondrement de l'Union soviétique, les États-Unis et la Russie auraient dû chercher à établir une "Ukraine neutre comme état-tampon prudent et comme soupape de sécurité". Au lieu de cela, les néo-conservateurs voulaient maintenir l'"hégémonie" et les Russes sont partis en guerre, en partie pour se défendre et en partie pour poursuivre leurs propres fins.

Robert Kagan a écrit l'article à titre privé lorsque son épouse Victoria Nuland était ambassadrice américaine auprès de l'OTAN pendant l'administration de George W. Bush. J'ai déjà abordé le contexte de l'ancienne combattante déstabilisatrice Nuland et la haine historique des néoconservateurs envers la Russie, mais un bref rappel ne sera pas superflu.

"En tant qu'agent des néoconservateurs, Nuland n'a pas son pareil", déclare Sachs. En plus d'avoir été l'envoyée de Bush à l'OTAN, Nuland a été la "secrétaire d'État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes" du président Barack Obama de 2013 à 2017, a contribué à l'éviction du président ukrainien Viktor Ianoukovitch et est aujourd'hui la secrétaire d'État adjointe de l'administration Biden, dirigeant la politique américaine sur le conflit Russie-Ukraine.

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Le point de vue néoconservateur repose sur le principe que la supériorité militaire, financière, technologique et économique des États-Unis leur permet de dicter leurs conditions dans toutes les régions du monde. "C'est une position qui contient à la fois une arrogance considérable et un mépris des faits", évalue Sachs.

"Depuis les années 1950, les États-Unis se sont mis en difficulté ou ont perdu dans presque tous les conflits régionaux dans lesquels ils ont été impliqués", souligne le chercheur. Pourtant, dans la "bataille pour l'Ukraine", les néoconservateurs étaient prêts à provoquer une confrontation militaire avec la Russie en élargissant l'alliance militaire, croyant fermement que la Russie serait vaincue par des sanctions économiques et par les armes de l'OTAN.

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L'Institute for the Study of War, un groupe de réflexion néoconservateur fondé en 2007 et dirigé par Kimberley Allen Kagan (et soutenu par des entreprises de défense telles que General Dynamics et Raytheon), promet toujours que "l'Ukraine va gagner". Sur l'avancée russe, l'Institut fait un commentaire typique :

"Quel que soit le camp qui tient la ville (de Severodonetsk), l'offensive russe au niveau opérationnel et stratégique est susceptible de culminer, permettant à l'Ukraine de reprendre sa contre-offensive au niveau opérationnel pour repousser les forces russes."

Cependant, malgré le jeu de langage politico-sécuritaire et la guerre de l'information, les faits sur le terrain suggèrent le contraire. Les sanctions économiques occidentales n'ont pas encore eu un grand impact négatif sur la Russie, alors que leur "effet boomerang" sur le reste du monde a été assez important. C'est également l'avis de l'économiste Sachs.

En outre, la capacité de production limitée des États-Unis et les chaînes d'approvisionnement brisées entravent la capacité de Washington à fournir à l'Ukraine des munitions et des armes. La capacité industrielle de la Russie est, bien entendu, supérieure à celle de l'Ukraine. Le PIB de la Russie était environ dix fois supérieur à celui de l'Ukraine avant le conflit et l'Ukraine a maintenant perdu une grande partie de sa capacité industrielle.

L'issue la plus probable des combats actuels est que la Russie va conquérir une grande partie de l'Ukraine. L'Ukraine restante deviendra un pays enclavé et rétréci, sans accès direct à la mer.

La frustration en Europe et aux États-Unis face aux défaites militaires et aux effets inflationnistes de la guerre et des sanctions va s'accroître. Sachs craint que les conséquences soient désastreuses, surtout si un "démagogue de droite promettant de restaurer la gloire militaire fanée des États-Unis par une escalade dangereuse" prend le pouvoir aux États-Unis (ou dans le cas de Donald Trump, revient au pouvoir).

Pour éviter le désastre, Sachs propose une solution raisonnable mais, dans l'état actuel des choses, elle est quelque peu irréaliste: les États-Unis devraient simplement renoncer à leurs "fantasmes néo-conservateurs" et faire le deuil de leur position dominante. En outre, l'OTAN devrait s'engager à renoncer à ses ambitions expansionnistes. En contrepartie, la Russie s'engagerait à faire la paix et le conflit en Ukraine prendrait fin.

"C'est la fin de l'histoire", disait-on à la fin des contes de fées, mais la vraie réalité politique est probablement différente. Il est peu probable que Washington, dominé par les néo-conservateurs, renonce à ses ambitions sans "forcer la paix" de manière active. Le sentiment anti-russe (et anti-européen) des "kaganistes" ne risque pas de s'atténuer tant qu'ils respireront encore.

 

samedi, 02 juillet 2022

Naissance d'une route commerciale historique

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Naissance d'une route commerciale historique

Parth Satam

Source: https://katehon.com/ru/article/znakovyy-torgovyy-marshrut

L'Inde, la Russie et l'Iran font des affaires par le biais du corridor INSTC alors que New Delhi continue d'échapper à la pression américaine

Essais de transport de marchandises russes depuis Astrakhan vers un port du sud de l'Iran jusqu'à leur destination au port Jawaharlal Nehru de Mumbai. L'Autorité portuaire Jawaharlal Nehru à Mumbai (JNPA), qui fait partie du Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC), marque les premiers pas de l'Inde, qui rejoint l'axe émergent Russie-Iran-Inde.

Ceci intervient dans un contexte de fissures dans les relations entre l'Inde et les Etats-Unis à propos du commerce croissant du pétrole avec la Russie et du refus de rejoindre le camp occidental pour critiquer Moscou ; en même temps, l'Inde est sur la même longueur d'onde que la Chine à propos de ce qui est perçu comme une pression unilatérale des Etats-Unis forçant le pays à prendre parti dans la rivalité géopolitique russo-américaine.

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Le processus a débuté après la visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian (photo), en Inde le 8 juin et une conversation téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et le président iranien Ebrahim Raisi le même jour.

Une partie du corridor international de transport Nord-Sud (INSTC) reliant les marchés de la Russie, de la Perse et de l'Asie peut être considérée dans le contexte plus large de changements d'alliances et d'arrangements pragmatiques, motivés principalement par les aléas économiques de l'ère Covid et les sanctions anti-russes.

Les cargaisons sortantes sont deux conteneurs de 40 pieds de lamelles de bois, d'un poids total de 41 tonnes, qui ont été chargés à Saint-Pétersbourg et sont destinés à Astrakhan, où ils seront rechargés dans le port de Solyanka.

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Ensuite, en traversant la mer Caspienne, ils atteindront le port iranien d'Enzeli avant de se diriger vers Bandar Abbas au sud et la dernière étape du voyage vers JNPA (ou Nhava Sheva), selon Dariush Jamali, directeur du terminal commun irano-russe à Astrakhan.

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Dans le même temps, l'Iran semblait promouvoir son propre projet régional parallèle sous la forme du chemin de fer Khaf-Herat.

La réduction du voyage de 40 à 25 jours, car elle permet d'éviter le trajet plus long par le canal de Suez et de réduire les frais de transport maritime de 25 %, est importante dans le contexte actuel de forte inflation.

Le pragmatisme consistant à mettre de côté des positions différentes pour une raison plus substantielle a pu être observé dans la touche très sensible d'Amir-Abdollahan sur les questions de minorités en Inde.

"Téhéran et New Delhi s'accordent sur la nécessité de respecter les religions divines et les sanctuaires islamiques", a-t-il tweeté, ajoutant : "L'Iran et l'Inde sont déterminés à porter leurs relations à un niveau supérieur."

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Heureux de rencontrer le Premier ministre Modi, le ministre des Affaires étrangères Jaishankar (photo) et d'autres responsables indiens pour faire progresser notre dialogue stratégique bilatéral. Téhéran et New Delhi s'accordent sur la nécessité de respecter les religions divines et les sanctuaires islamiques et d'éviter les déclarations controversées. Nous sommes déterminés à porter les relations à un niveau supérieur.

Le même jour, lors d'un appel téléphonique entre Poutine et Raisi, des accords ont été conclus sur la mise en œuvre de "projets communs dans le domaine de l'économie et du commerce", a indiqué le Kremlin dans un communiqué.

Auparavant, l'Inde avait cherché de manière contre-productive à construire des coalitions régionales. Étant à l'apogée de son alliance stratégique avec les États-Unis en 2020, elle n'a pas pu obtenir les conditions financières du projet Chabahar en raison des sanctions américaines contre l'Iran concernant l'accord nucléaire sous l'administration de Donald Trump. Cela a conduit l'Iran à exclure le pays du projet en juin 2020.

Ainsi, l'objectif déclaré de l'Inde d'atteindre l'Asie centrale (via Chabahar) n'a pu être atteint en raison de la pression occidentale. Il y a 73 ans, les Britanniques sortants ont partitionné le sous-continent, divisant l'Asie centrale, du Sud et de l'Ouest pour limiter l'influence de l'Union soviétique dans la région.

L'Inde avait une frontière terrestre avec l'Iran et l'Afghanistan, et un plan élaboré pour pénétrer en Asie centrale aurait été dangereux pour les puissances maritimes. L'intégration des terres par la continuité naturelle de la vaste masse terrestre eurasienne a sapé les routes commerciales maritimes, qui, selon les historiens, étaient un outil majeur de la domination coloniale occidentale.

Aujourd'hui, l'Inde maintient ses relations avec le Pakistan à un niveau acceptable, et la rhétorique de son soutien aux militants du Cachemire et aux acteurs terroristes non étatiques est presque absente chez ses dirigeants politiques.

Cela fait également intervenir les Talibans (interdits en Russie - Ndlr), un signe que l'Inde se rapproche des vues régionales de l'Asie centrale, de la Russie, de l'Iran et de l'Asie occidentale et accepte l'existence des Talibans comme une réalité politique. Il appelle à ignorer la doctrine ultra-conservatrice et orthodoxe du groupe au nom d'un véritable intérêt pour la stabilité en Afghanistan.

Pendant ce temps, les alliés des États-Unis considèrent que Washington développe un projet de plus en plus protectionniste, indépendamment des convictions idéologiques, républicaines ou démocrates, qui ne leur viendra pas en aide en cas de conflit et évitera toute nouvelle intervention militaire.

Le changement d'alliances mondiales provoqué par le conflit Russie-Ukraine est visible dans les positions changeantes d'Israël et de l'Iran, qui se sont déplacés entre les camps russe et américain.

Par exemple, Israël est passé du statut d'intermédiaire privilégié de Poutine, transmettant les pensées de ce dernier à l'Europe, aux États-Unis et à l'Ukraine dans les premiers jours du conflit, à celui de critique le plus sévère de Moscou en échange du blocage par les États-Unis des négociations sur le programme nucléaire iranien.

En mars, les États-Unis ont désespérément tenté de conclure l'accord pour s'assurer des approvisionnements supplémentaires en pétrole iranien et faire baisser les prix mondiaux du pétrole.

L'Iran a alors vu une opportunité et a flirté avec les États-Unis pendant un certain temps, s'éloignant de sa doctrine d'"économie de résistance" et de "pivot vers l'Est" - résister aux sanctions dévastatrices des États-Unis au détriment d'une coopération accrue avec les principales puissances eurasiennes - pour engager l'Occident dans des négociations nucléaires et obtenir un certain soulagement économique. Il est revenu à une position dure après que les États-Unis ont fait pression sur l'Iran et ont bloqué l'accord sous la pression israélienne.

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L'Iran et l'Inde ont également constaté que les commentaires du président Joe Biden et de son secrétaire à la défense Lloyd Austin ("cet homme ne peut pas rester au pouvoir", "l'objectif est d'affaiblir la Russie") visaient davantage à affronter Moscou qu'à défendre l'Ukraine dans la guerre par procuration soutenue par les États-Unis.

Les succès de la Russie à Marioupol, où plus de 2000 combattants néonazis se sont rendus dans l'aciérie Azovstal, et la perte actuelle de "100 soldats ukrainiens chaque jour" dans le Donbass, selon le président Vladimir Zelensky lui-même, augurent d'un probable triomphe de la Russie.

Par ailleurs, l'Inde n'a pas encore pleinement soutenu l'axe Russie-Iran-Chine, comme le prouve son adhésion au groupement Israël-Inde-États-Unis-Émirats arabes unis (I2U2), où Israël et les EAU partagent une méfiance mutuelle à l'égard de l'Iran.

Les liens renforcés de l'Inde avec les Émirats, où ces derniers ont suscité l'indignation avec les commentaires controversés de Nupur Sharma, porte-parole suspendu du BJP, les relations tendues des Émirats avec Israël après les Accords d'Abraham de 2020, et l'apaisement désespéré de Washington envers Abu Dhabi pour augmenter la production de pétrole après qu'il ait été indigné par l'échec du premier à condamner les attaques de Husi soutenues par l'Iran, rendent la perspective plus sérieuse.

vendredi, 01 juillet 2022

L'alternative pour l'Europe de l'Est est la tradition et l'amitié avec la Russie

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L'alternative pour l'Europe de l'Est est la tradition et l'amitié avec la Russie

Alexander Bovdunov & Pavel Kiselev

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/alternative-eastern...

Cette interview de Pavel Kiselev avec l'expert en histoire et en géopolitique Alexander Bovdunov aborde la réalité actuelle de l'Europe de l'Est. Le livre que Bovdunov vient de publier a eu un large écho parmi les conservateurs russes et est devenu essentiel pour étudier les processus politiques et philosophiques en Europe de l'Est.

Kiselev : Alexander, depuis combien de temps vous intéressez-vous au sujet de l'Europe de l'Est ? Pourquoi avez-vous commencé à l'étudier ?

Bovdunov : J'ai commencé à étudier la Roumanie lorsque j'étais étudiant au MGIMO. Ma deuxième langue étrangère était le roumain. Puis j'ai développé un intérêt pour la pensée conservatrice orthodoxe roumaine et, par coïncidence, j'ai commencé à traduire quelques textes en même temps, activité qui s'est ensuite transformée en un intérêt plus large et plus complexe pour la région [l'Europe de l'Est]. Il s'est alors avéré que la notion de "région" ne s'applique pas bien à cette structure complexe caractérisée par ses frontières. Par essence, la région est une zone-frontière fluctuante entre la Russie et l'Europe. Ensuite, les questions de savoir quoi faire de cette frontière et quelles alternatives à la situation géopolitique actuelle pouvaient être développées en un intérêt académique, dans une thèse de doctorat sur une réorganisation géopolitique alternative de l'Europe. Je m'intéressais au problème de savoir quelles alternatives à leur statu quo les Européens de l'Est voyaient. Finalement, cela s'est transformé en un livre, publié par hasard à un moment chaud où l'intérêt pour la région s'était considérablement accru.

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Kiselev : Quand avez-vous commencé à écrire le livre ?

Bovdunov : Le corps principal du texte a été écrit en 2012-13 alors que je préparais et défendais mon doctorat en sciences politiques. Puis je l'ai mis à jour, j'ai écrit plusieurs nouveaux chapitres entièrement consacrés aux espaces philosophiques de l'Europe de l'Est. Autrement dit, le livre a été écrit avec des interruptions : d'abord dans les années 2010 et mis à jour dans les années 2020 et 21.

Kiselev : Vous avez dit que l'intérêt pour l'Europe de l'Est a augmenté pendant les "périodes chaudes". L'opération militaire spéciale a-t-elle eu un impact sur le contenu du livre, avez-vous fait des ajouts après son début ?

Bovdunov : Malheureusement, il n'y en a pas eu, car le livre avait déjà été imprimé à ce moment-là. Conceptuellement, cependant, rien n'a changé dans la région. Au contraire, les stratégies atlantistes de contrôle de la région et d'expansion en tant que "zone tampon" à l'est, telles que décrites dans le livre, sont devenues encore plus prononcées. Il est clair que la position de certains politiciens est également en train de changer, car certains auteurs ouvertement pro-russes ont dû être réduits au silence. Cependant, nous pouvons déjà constater que cette tendance est en train de changer. C'est-à-dire que les experts commencent à s'exprimer contre les livraisons d'armes à l'Ukraine, pour la normalisation des relations avec la Russie, etc. Je pense qu'en fait, tout va revenir à la normale. En outre, plus la Russie sera performante, mieux, paradoxalement, elle sera traitée. Plus la Russie sera forte dans le cadre de l'Opération militaire spéciale, meilleure sera l'attitude à son égard de ceux qui ont jusqu'à présent adopté une attitude sceptique et attentiste, mais qui ne sont pas prêts à accepter la dégénérescence et la dégradation causées par la civilisation occidentale moderne. Une Russie forte devra être prise en considération, et les forces conservatrices et traditionalistes (au sens large du terme) verront dans une Russie forte un soutien. Beaucoup pensent déjà que la Russie devrait être le centre d'attention, qu'elle est un acteur important dans l'arène géopolitique, défiant l'Occident.

Kiselev : Dans ce contexte, comment voyez-vous les relations entre la Russie et l'Europe de l'Est après la fin de l'opération spéciale ?

Bovdunov : Je pense que le refroidissement actuel est temporaire et qu'ils devront rechercher le dialogue à l'avenir. Et puis les concepts géopolitiques anti-atlantiques et continentaux, même s'ils ne sont que des idées pour l'instant et ne sont pas soutenus par beaucoup, auront un rôle à jouer et devront être abordés. L'important est d'avoir des idées, et les idées sont là. Elles vivent à nos côtés, et il me semble qu'il y aura une certaine réorientation, au moins dans les pays où il existe de sérieuses positions pro-russes, par exemple en Bulgarie et en Slovaquie. Avec la Pologne, c'est compliqué, car à bien des égards, nous sommes aux antipodes, et le différend polono-russe n'est pas tant un différend entre le catholicisme et l'orthodoxie, mais entre deux grandes puissances qui ont tenté de concentrer l'hégémonie entre leurs mains dans cette partie de l'Europe. La Russie a réussi, la Pologne n'a pas réussi. La question se pose : le choix de la Pologne était-il le bon ? La nostalgie impériale polonaise se manifeste de diverses manières : dans la politique prométhéenne, dans l'idée jagellonienne, dont il est question dans mon livre, et dans une sorte de "nostalgie" de l'Empire russe ! À ce sujet, je peux également recommander un livre de l'écrivain polonais Mariusz Swider intitulé "Comment nous avons construit la Russie".

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C'est un livre très populaire en Pologne - il existe de nombreuses éditions et les Polonais s'y intéressent activement. Il décrit le rôle des Polonais dans l'histoire de la Russie, le nombre de Polonais qui ont servi dans l'armée, le gouvernement et la police de l'Empire russe est plus élevé que tout autre groupe ethnique, comment ils ont participé à la création de la culture russe. Et donc, ils ont la nostalgie de la grandeur que cela a donné. Nous leur proposons de rechercher cette grandeur avec la Russie, et non pas contre la Russie, non pas au bénéfice des doctrines libérales occidentales, qui finiront par détruire la Pologne. Cela n'a aucun sens pour les "hussards ailés" polonais d'aller contre la Russie si la communauté LGBT vient de l'arrière avec des "plumes". La menace pour leur identité ne vient pas de la Russie.

Kiselev : Votre livre a fait une impression positive sur une grande partie de la communauté conservatrice en Russie, car le sujet de l'Europe de l'Est est à l'ordre du jour pour beaucoup en ce moment. Dites-moi, y a-t-il des études russes sur cette région, ou des parties de celle-ci, philosophiques ou géopolitiques, que vous pourriez citer et qui auraient pu influencer votre travail également ?

Bovdunov : Tout d'abord, Noomakhia d'Alexander G. Douguine, deux volumes qui traitent directement des régions d'Europe de l'Est. De manière générale, il a été influencé par les discussions qui ont eu lieu au sein du Center for Conservative Studies dans les années 2010. Je pense que ce sont des ouvrages exemplaires qu'il faut lire. Quant aux autres ouvrages russes, je ne pense pas que beaucoup d'ouvrages sérieux soient publiés aujourd'hui. Vous pouvez chercher des traductions d'auteurs lituaniens, par exemple d'Antanas Maceina (photo), brillamment traduit par Maxim Medovarov et aussi des auteurs roumains.

Antanas_Maceina.jpgKiselev : Dans votre livre, vous indiquez qu'en plus de Noomakhia, votre livre a été influencé par les autres ouvrages de Douguine, Géopolitique et Fondements de la géopolitique. Des concepts tels que l'approche civique et la quatrième théorie politique jouent-ils un rôle dans vos recherches ?

Bovdunov : L'approche civique, oui. Quant à la "Quatrième Théorie Politique", je n'en parle pas directement. Mais il y a une section dans le livre intitulée "Grande Europe de l'Est : réveil ou réinitialisation", qui parle des concepts de grand réveil et de la façon dont on peut mener un discours contre-hégémonique, lié à la notion de "troisième traditionalisme" - un appel à l'horizon paysan. Ceci, à mon avis, se combine avec QTP. Le phénomène même du populisme est-européen est précisément une tentative de surmonter la dichotomie gauche-droite, qui est essentiellement une expression et un reflet du même projet des Lumières, mais sous des formes différentes. Il recoupe donc en partie les concepts de ce qu'Alexandre Douguine appelle la Quatrième théorie politique.

Kiselev : En ce qui concerne l'approche civilisationnelle, voyez-vous l'Europe de l'Est comme une civilisation distincte, ou y a-t-il trop de contradictions internes qui l'empêchent ?

Bovdunov : Non, cette région ne peut être considérée comme une civilisation séparée, elle est un terrain de contact de diverses civilisations : Islamique, Orthodoxe, Catholique. Un autre fait est qu'il y a quelque chose de commun dans ce domaine à partir duquel le projet de la Grande Europe de l'Est peut être construit, je veux parler de la composante conservatrice qui est évidemment présente dans ces pays et qui est en partie liée à nous. Il y a une couche supplémentaire, l'horizon paysan, car l'Europe de l'Est est le berceau du paysan européen, où la civilisation de la Grande Mère se superpose au dionysisme (Dionysos vient d'Europe de l'Est, de Thrace). Et ces horizons philosophiques sont également importants pour trouver un terrain d'entente. Il y a des moments de chevauchement même dans l'idée slave, car il semblerait que le panslavisme et l'eurasianisme soient difficilement compatibles, mais, en fait, nous devrions nous tourner vers la dimension profonde de l'idée slave, vers la langue, vers la recherche linguistique, vers les tentatives de former la philosophie sur la base de la langue.

Ainsi, le philosophe macédonien Bronislav Sarkanyants fait remarquer que nous pouvons retracer comment les concepts philosophiques que l'on trouve dans les langues slaves du Sud ont fait un long chemin depuis la tradition grecque, jusqu'au latin, à l'allemand, au russe, au serbe, et ainsi de suite. Nous avons eu Cyrille et Méthode, il y avait une tradition de traduction du grec, qui était essentiellement une traduction du grec philosophique, la langue du Nouveau Testament et du platonisme chrétien. Pourquoi ne nous tournons-nous pas ensemble vers la tradition de Cyrille et Méthode ? C'est déjà un défi intéressant. Au lieu de passer par une chaîne de perte de sens, nous pouvons faire une tentative pour atteindre l'antiquité et notre tradition commune léguée par Cyrille et Méthode.

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L'image de Cyrille et Méthode est importante pour nous, pour les Serbes et les Slovaques, qui avons la croix de Cyrille et Méthode dans nos armoiries. On peut trouver de profondes tendances russes et slaves chez les Slovaques. Nous pouvons trouver des influences mutuelles de tendances philosophiques: les Slovaques ont une école philosophique, fondée par Nikolai Loski. Nous sommes unis aux Polonais par la figure de Thaddeus Zielinsky (photo), un grand et intéressant spécialiste de l'antiquité et fondateur de l'idée de la Renaissance slave. En général, il y a beaucoup de couches différentes qui se croisent et se chevauchent, et c'est ce qui rend la région si intéressante.

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Kiselev : Quelles conclusions tirez-vous de votre livre et quels sont vos espoirs pour l'avenir de l'Europe de l'Est ?

Bovdunov : La conclusion est que nous pouvons construire un projet pour l'Europe de l'Est. Ce projet respectera l'identité de la région. Les pays d'Europe de l'Est doivent se tourner vers les horizons philosophiques sous-jacents qui les unissent, d'une part. D'autre part, les aspects pragmatiques et géopolitiques jouent un rôle important. Pour ce faire, il faut d'abord mettre fin à l'occidentalo-centrisme, qui empêche l'Europe de l'Est de rattraper l'Occident, car le discours lui-même est actuellement construit de telle sorte qu'elle ne peut pas le rattraper; l'Europe de l'Est est éternellement contrainte d'être l'"Autre" interne de l'Occident, en le copiant, en éliminant ses caractéristiques, tandis que la Russie est l'"Autre" externe. Ce qui est projeté sur l'image de l'"Autre" est ce que l'Europe nie actuellement en elle-même. Pour sortir de ce cercle vicieux, il est nécessaire que l'"autre" Europe devienne l'"autre Europe". Il est nécessaire de chercher son alternative dans la Tradition et avec la Russie.

 

jeudi, 30 juin 2022

Une balle dans le genou: les sanctions font mal - mais pas à la Russie

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Sanctions de l'UE:   

Une balle dans le genou: les sanctions font mal - mais pas à la Russie

Source: https://www.unzensuriert.at/content/150401-schuss-ins-knie-sanktionen-treffen-schmerzlich-aber-nicht-russland/?utm_source=Unzensuriert-Infobrief&utm_medium=E-Mail&utm_campaign=Infobrief&pk_campaign=Unzensuriert-Infobrief

Bien que la majorité des Autrichiens ne veuillent pas geler le prochain hiver "pour emmerder Poutine", le gouvernement noir-vert soutient les sanctions contre la Russie. Mais elles n'y arrivent pas du tout comme prévu.

"Des sanctions inefficaces ?", demande ce jeudi le quotidien Die Welt. Et en résume dès le sous-titre la quintessence :

En avril, la Banque mondiale prévoyait encore un effondrement économique de 11,2% en 2022 pour la Russie, et a entre-temps ramené ce chiffre à 8,9% seulement. La tendance est encore à la baisse.

La banque centrale russe a annoncé il y a quelques jours que les craintes d'une contraction de l'économie de 8 à 10 pour cent en raison des sanctions occidentales avaient été surestimées. La Russie ne sera pas touchée aussi durement qu'après la crise financière de 2009.

Les leçons de l'histoire

Depuis les dernières sanctions occidentales - oui, les États-Unis et leurs vassaux jouent à ce jeu depuis des années ! - la Russie s'est délibérément rendue moins dépendante des importations, stratégie qui porte aujourd'hui ses fruits. Certes, des produits importants manquent, surtout dans le domaine de la fabrication, mais la situation est loin d'être aussi dramatique que ce qu'en disent les médias mainstream occidentaux.

Une autre chose ne devrait pas plaire aux fauteurs des sanctions: la monnaie russe s'est appréciée de plus de 40% par rapport au dollar depuis le début de l'année. A cela s'ajoute l'énorme augmentation des revenus issus de la vente de pétrole et de gaz naturel, car la Russie continue à honorer ses contrats de livraison. Le trésor de guerre n'est pas seulement rempli au sens propre du terme, il l'est de manière inattendue !

L'Europe chancelle

Si l'on met en parallèle les évolutions et les perspectives dans les pays occidentaux, le bilan est triste, car l'Europe chancelle. Le ministre fédéral allemand des Finances, Christian Lindner (FDP), a déjà engagé la population dans une ère de privations qui devrait durer plusieurs années, des privations posées comme un "renoncement dans l'intérêt d'objectifs supérieurs", dit-on dans les hautes sphères de la RFA, afin de punir la Russie pour son attaque contre l'Ukraine et de pérenniser la domination américaine.

Il y a quelques jours, Agenda Austria a analysé les conséquences que vont avoir ces "intérêts supérieurs" pour l'Autriche, et plus précisément l'impact que pourrait susciter une réduction des livraisons de gaz en provenance de Russie. Si la Russie livre 25% de moins, l'économie risque de perdre 2,4 points de croissance - ce qui devrait coûter environ 40.000 emplois. Et ce ne sont "que" les effets de la réduction des livraisons de gaz !

Les citoyens ne sont pas consultés

De plus, les citoyens ne soutiennent pas cette politique ! La majorité des Autrichiens ne veulent ni avoir froid, ni se serrer la ceinture pour en "montrer aux Russes". Cette rétivité des citoyens de la République alpine devrait encore augmenter lorsque la population se rendra compte que les sanctions frappent plus durement les pays qui les ont imposées que le pays qu'elles devraient frapper.

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samedi, 25 juin 2022

Vladimir Poutine et la fin du monde occidental

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Vladimir Poutine et la fin du monde occidental

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/06/20/vladimir-putin-ja-yksinapaisen-maailman-loppunaytos/

Vladimir Poutine a exposé sa vision de l'avenir de la Russie et du monde dans un discours prononcé au Forum économique de Saint-Pétersbourg, déclarant la fin du "monde unipolaire" centré sur l'Amérique.

Il n'y a pas de retour en arrière possible pour la Russie, donc Poutine peut au moins énoncer les faits froidement. Pour certains, la "révolution contre la dictature mondiale de l'Occident" a commencé. Poutine n'est pas seul, la Chine est déjà derrière lui et de nombreux autres pays suivront bientôt. À moins que les Etats-Unis, pays à somme nulle, ne changent leurs habitudes, ils resteront une île isolée en dehors du nouvel ordre.

"Lorsque les États-Unis ont déclaré leur victoire dans la guerre froide, les Américains se sont auto-proclamés 'les représentants de Dieu sur terre', sans obligations, avec seulement des intérêts posés comme sacrés et déclarés tels", a critiqué Poutine à l'encontre de l'élite de Washington. Depuis lors, cependant, a-t-il déclaré, "de nouveaux centres de pouvoir ont émergé, qui ont le droit de protéger leurs propres systèmes, modèles économiques et souveraineté".

Ces "changements véritablement révolutionnaires et tectoniques dans la géopolitique, l'économie mondiale, la technologie et l'ensemble du système des relations internationales" sont "fondamentaux, révolutionnaires et inexorables", a affirmé M. Poutine.

Ce serait une erreur de penser qu'après une période de changements tumultueux, les choses redeviendront ce qu'elles étaient. "Cela ne se produira pas", a assuré le dirigeant russe.

Lorsque les États-Unis et leurs alliés ont lancé une campagne visant à isoler la Russie suite au conflit en Ukraine, ils espéraient faire chuter l'économie et la société russes dans leur ensemble. Au lieu de cela, les sanctions ont été une défaite pour ceux qui les ont imposées, exacerbant les problèmes sociaux et économiques, augmentant les prix de la nourriture, de l'électricité et du carburant et sapant la qualité de vie dans tout l'Occident, mais surtout en Europe.

Poutine considère que l'élite du pouvoir occidental "vit dans un passé illusoire". "Ils refusent de voir l'évidence et s'accrochent obstinément aux ombres du passé. Ils semblent croire, par exemple, que la domination occidentale sur la politique et l'économie mondiales est une valeur immuable et éternelle. Rien ne dure éternellement."

Les puissances occidentales sont encore influencées par les perceptions ossifiées de ceux qui sont au pouvoir : elles considèrent les autres pays comme "arriérés ou arrière-cour". "Ils les traitent toujours comme des colonies et les personnes qui y vivent comme des citoyens de seconde zone", a déclaré M. Poutine.

Poutine avait également une vision claire de l'UE : "L'Union européenne a complètement perdu sa souveraineté politique et son élite bureaucratique danse au rythme imposé par quelqu'un d'autre, acceptant tout ce qu'on lui dit d'en haut, au détriment de sa propre population et de son économie."

Il a ajouté que les citoyens européens paieront un lourd tribut à des "décisions déconnectées de la réalité et contraires au bon sens", car l'UE pourrait perdre "plus de 400 milliards de dollars par an" en pertes directes du seul fait des sanctions.

Blâmer la Russie pour les prix élevés de l'énergie et l'inflation est "stupide" selon Poutine, la Russie n'est pas un manipulateur aussi important de l'économie mondiale. L'Occident n'a qu'à se blâmer pour l'état des choses ; selon lui, les pays dits du G7 ont "systématiquement conduit le monde dans une énorme crise mondiale".

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Selon le dirigeant russe, la "foi aveugle de l'UE dans les sources d'énergie renouvelables" et l'abandon des accords à long terme sur le gaz naturel avec la Russie ont entraîné une flambée des prix de l'énergie l'année dernière. Dans le même temps, les États-Unis et l'UE ont poursuivi leur impression insensée de dollars et d'euros.

Selon M. Poutine, les politiques poursuivies par les dirigeants de l'UE et des États-Unis "exacerbent les inégalités et la polarisation des sociétés, non seulement en termes de prospérité, mais aussi en termes de valeurs et d'orientation des différents groupes".

"Une telle déconnexion de la réalité et des demandes de la société conduira inévitablement à la montée du populisme et à la croissance de l'extrémisme, à de graves changements sociaux et économiques, à la décadence et au changement d'élite en Europe", a déclaré le dirigeant russe dans sa vision de l'avenir du continent.

Poutine a souligné que les sanctions américaines et européennes à l'encontre de la Russie - notamment sur les exportations d'engrais et de céréales - sont l'une des causes de l'insécurité alimentaire croissante dans le monde. Si les pays les plus pauvres du monde sont bientôt confrontés à la famine, "ce sera entièrement la faute de l'administration américaine et de la bureaucratie européenne".

Les problèmes de sécurité alimentaire sont apparus ces dernières années - et non ces derniers mois - en raison des "actions à courte vue de ceux qui ont l'habitude de résoudre leurs propres problèmes aux dépens des autres" et de fausser les flux commerciaux en imprimant de l'argent dans une sorte de "politique coloniale prédatrice", a conclu M. Poutine.

En conclusion de son discours de 73 minutes, M. Poutine a déclaré qu'il était "évident" que des "États forts et souverains" fixeront les règles d'un "nouvel ordre mondial". Cela reflète l'idée qu'un monde faits de blocs est en train de se dessiner, dominé par différentes puissances agissant selon leurs intérêts.

Alors que Poutine, le Chinois Xi et quelques autres semblent être les dirigeants illibéraux les plus populaires pour les capitalistes monopolistes de l'Occident, que diriez-vous si je jouais pendant quelques instants l'avocat du diable et si je posais quelques questions inconfortables en cette fin d'article.

Que signifie réellement la "fin du monde monolithique" si toutes les puissances, grandes et petites, continuent néanmoins à suivre le scénario de la crise menant à une technocratie dystopique, à distribuer des vaccins expérimentaux contre les pandémies et à favoriser le passage à la monnaie numérique, à la robotique et à la technologie de l'IA ?

Vivrons-nous à l'avenir - selon les pires scénarios - dans de petites chambres dans des villes intelligentes, mangeant des insectes, ne possédant rien, ou pourrions-nous entrer dans un monde post-pénurie de "communisme de luxe entièrement automatisé" ?

Je ne crois pas beaucoup aux utopies, car l'élite au pouvoir actuelle semble ne rien vouloir partager du tout, mais se contente de répéter le jargon de l'ONU sur la réduction de l'"empreinte carbone" (ou, en fin de compte, du nombre de personnes). La redistribution du pouvoir mondial aura-t-elle un impact sur cette question, ou la "nouvelle normalité" de ces dernières années se poursuivra-t-elle dans un monde apparemment multipolaire ?

Une balle dans le genou: les sanctions font mal - mais pas à la Russie

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Sanctions de l'UE   

Une balle dans le genou: les sanctions font mal - mais pas à la Russie

Source: https://www.unzensuriert.at/content/150401-schuss-ins-knie-sanktionen-treffen-schmerzlich-aber-nicht-russland/?utm_source=Unzensuriert-Infobrief&utm_medium=E-Mail&utm_campaign=Infobrief&pk_campaign=Unzensuriert-Infobrief

Bien que la majorité des Autrichiens ne veuillent pas se geler "pour Poutine" l'hiver prochain, le gouvernement noir-vert soutient les sanctions en vigueur contre la Russie. Mais elles n'y arrivent pas du tout comme prévu.

"Des sanctions inefficaces ?", demande ce jeudi le quotidien Die Welt. Et en résume dès le sous-titre la quintessence :

En avril, la Banque mondiale prévoyait encore un effondrement économique de 11,2 pour cent en 2022 pour la Russie, et a entre-temps reculé ce chiffre à 8,9 pour cent seulement. La tendance est encore à la baisse.

La banque centrale russe a annoncé il y a quelques jours que les craintes d'une contraction de l'économie de 8 à 10 pour cent en raison des sanctions occidentales avaient été surestimées. La Russie ne sera pas touchée aussi durement qu'après la crise financière de 2009.

Les leçons de l'histoire

Depuis les dernières sanctions occidentales - oui, les États-Unis et leurs vassaux jouent à ce jeu depuis des années ! - la Russie s'est délibérément rendue moins dépendante des importations, politique qui porte aujourd'hui ses fruits. Certes, des produits importants manquent, surtout dans le domaine de la fabrication, mais la situation est loin d'être aussi dramatique que ce qui est présenté dans les médias mainstream occidentaux.

Une autre chose ne devrait pas plaire aux fauteurs des sanctions: la monnaie russe s'est consolidée à plus de 40% par rapport au dollar depuis le début de l'année. A cela s'ajoute l'énorme augmentation des revenus issus de la vente de pétrole et de gaz naturel, car la Russie continue à honorer ses contrats de livraison. Le trésor de guerre n'est pas seulement rempli au sens propre du terme, il l'est de manière inattendue !

L'Europe chancelle

Si l'on met en parallèle les évolutions et les perspectives dans les pays occidentaux, le bilan est triste, car l'Europe vacille. Le ministre fédéral allemand des Finances, Christian Lindner (FDP), a déjà promis à la population des privations qui dureront plusieurs années, des années de "renoncement dans l'intérêt d'objectifs supérieurs", pour ainsi dire, afin de punir la Russie pour son attaque contre l'Ukraine et d'assurer la domination américaine.

Il y a quelques jours, Agenda Austria a analysé les conséquences qu'entraînent ces "intérêts supérieurs" pour l'Autriche, et plus précisément l'impact que pourrait avoir une réduction des livraisons de gaz en provenance de Russie. Si la Russie livre 25% de moins, l'économie risque de perdre 2,4 points de croissance - ce qui devrait coûter environ 40.000 emplois. Et ce ne sont "que" les effets de la réduction des livraisons de gaz !

Les citoyens ne sont pas consultés

De plus, les citoyens ne soutiennent pas cette politique ! La majorité des Autrichiens ne veulent ni avoir froid, ni se serrer la ceinture pour "crâner face au Russe". Cette volonté devrait encore diminuer lorsque la population se rendra compte que les sanctions frappent plus durement les pays qui les ont imposées que le pays qu'elles devraient frapper.

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jeudi, 23 juin 2022

La volte-face eurasienne de la Russie

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La volte-face eurasienne de la Russie

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/evraziyskiy-razvorot-rossii

La Russie est très grande. Un énorme navire continental. Il est difficile de le déplacer rapidement vers un autre parcours en raison de sa lourdeur. Mais continuer à suivre l'inertie pour courir à l'abîme n'est pas non plus une option. Il y a donc un problème très compliqué de calendrier pour parfaire des réformes eurasiennes (or d'autres sont impossibles dans notre situation).

Jusqu'en 1991, l'Union soviétique a suivi une voie. Elle allait dans une direction inconnue.

Un dilemme s'est alors posé : changer de cap

- et prendre un cours atlantiste (occidental) ou

- passer à un cours eurasien (un cours anti-occidental, mais qui n'était plus strictement et orthodoxement soviétique, plutôt impérial).

Les autorités ont décidé de prendre le cours vers l'ouest.

Le vaisseau s'est effondré en morceaux. Par miracle, le noyau a survécu. Mais dans les années 1990, il s'est avéré que la voie occidentale était également fatale. Pour la Russie aussi.

Puis Poutine est apparu, d'abord brusquement, puis, au contraire, il a avancé au rythme d'une cuillère à café par heure, et la Russie a de nouveau changé de cap. Mais cette fois-ci, pas de 180 degrés par rapport à la trajectoire occidentale, mais de 90 degrés. Il est passé à la perpendiculaire. Quelque chose était resté accroché dans l'Ouest et quelque chose n'y était plus. L'eurasisme a commencé à se transformer: il n'était qu'une possibilité théorique et est devenu quelque chose de plus. Mais de manière incohérente et fragmentaire. C'est-à-dire que le cours est devenu à moitié eurasiste.

Et c'est ainsi que le grand navire-continent russe navigue depuis 22 ans encore - parfois par à-coups, mais le plus souvent de manière relativement fluide par l'inertie, c'est-à-dire l'inertie de la manœuvre initiale de Poutine (de 90 degrés seulement par rapport à la précédente).

Sous Medvedev, de 2008 à 2012, il y a eu une tentative de correction de trajectoire en direction de l'Occident (d'où la visite de Medvedev au siège du CFR avec la médiation du magnat du porc Friedman, la première réinitialisation - ratée - avec Hillary Clinton, les perfides Igor Jurgens et Arkadi Gontmakher (INSOR), la visite de Brzezinski promettant son soutien à un second mandat de Medvedev, et bien d'autres choses désagréables). Medvedev aujourd'hui est un "Eurasien systémique", à l'époque il était un "Atlantiste systémique".

Poutine est de retour, et la tentative de correction libérale est terminée. Le navire de la Russie est revenu à un strict 90 degrés. Ni l'Atlantisme ni l'Eurasianisme, ou à la fois l'Atlantisme et l'Eurasianisme. La métaphore du verre à moitié vide/à moitié plein s'adapte parfaitement ici.

En 2014, Maidan, le Printemps russe, le mouvement "La Crimée est à nous" et la Novorossiya ont fait tanguer le navire brutalement en direction de l'eurasisme. Mais pas pour longtemps, et le parcours a été désespérément corrigé pour revenir aux 90 degrés habituels. Les accords de Minsk, le Gref (Sberbank ne travaillant pas en Crimée, le pervers Danya Milokhin), les mesures pas particulièrement réussies pour faire face au Covid et toutes les choses malsaines que nous avons vues au cours des huit dernières années.

Le 24 février 2022, le début de l'Opération militaire spéciale - nous avons expérimenté à nouveau une forte embardée vers l'eurasisme. Ce n'est plus un angle de 90 degrés car l'Atlantisme se retrouve cette fois en opposition directe et frontale avec la Russie. L'Occident bombarde des villes russes par procuration. Ils peuvent dire que "nous avons commencé nous-mêmes". Cela n'a pas d'importance du tout (pour la géopolitique). Vérification des faits: les villes russes sont bombardées et pilonnées par ceux que l'Occident soutient, équipe et pousse à le faire, c'est-à-dire ceux qui fixent la politique habituelle de l'Atlantisme. C'est tout ce qui compte. Il n'est plus possible de naviguer de cette façon, mais une déviation de 90 degrés n'est plus suffisante. Le cours a déjà été poussé dans la direction de l'eurasisme et, cette fois-ci, de manière irréversible. Et pas seulement par rapport à l'atlantisme, comme au début de l'ère Poutine: on ne peut plus retourner à ces 90 degrés, même théoriquement.

Mais le navire Russie est très grand, trop grand. Il ne sera pas facile de l'inverser en un eurasisme complet, c'est-à-dire opérer un virage à 180 degrés par rapport au vecteur le plus fondamental de la civilisation occidentale. On ne sait pas combien de temps cela peut prendre; cela pourra être très long. Il se peut qu'il soit à nouveau bloqué. C'est imprévisible. Le calendrier est, en un sens, arbitraire. C'est l'échelle gigantesque du navire qui peut être un argument pour le faire aussi lentement que possible. Mais faites-le quand même, puisque vous ne pouvez pas ne pas le faire. Un virage à 90 degrés vers l'Ouest est déjà totalement inacceptable - tout aussi inacceptable que le parcours purement occidental des libéraux russes dans les années 1990.

Mais voici le plus important : le Nouvel Ordre Mondial a créé une nouvelle inertie, a donné l'impulsion à une nouvelle trajectoire historique. La Russie, elle, a pris une autre direction - une direction différente de celle des années 2000, par rapport au verre à moitié vide/à moitié plein de toutes les années précédentes du règne de Poutine.

Personne n'est jamais prêt pour le changement. Mais les changements surviennent de temps en temps. Le triomphe de l'eurasisme à part entière dans la Russie contemporaine peut être reporté, mais ne peut être empêché.

L'Opération militaire spéciale est précisément l'événement sur lequel la théologie politique authentiquement russe a été construite par anticipation. L'Opération militaire spéciale est le début de la renaissance de l'Empire, du dernier Royaume, qui resurgira de ses cendres.

A partir de maintenant, c'est un nouveau vecteur. Probablement le dernier dans l'histoire de la Russie, étant donné le contexte eschatologique de la civilisation de l'apostasie mondiale.

Nous approchons du moment pour lequel le peuple russe a été créé par Dieu.

La fin de la mondialisation et les Verts, fossoyeurs de l'environnement

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La fin de la mondialisation et les Verts, fossoyeurs de l'environnement

Thomas Röper

Source: https://www.anti-spiegel.ru/2022/das-ende-der-globalisier...

La politique actuelle de l'UE, menée en grande partie par les Verts, sonne le glas de la mondialisation et place l'obéissance aux États-Unis au-dessus de la protection de l'environnement et des intérêts économiques en Europe.

Il est évident pour tout le monde que la force motrice de la politique anti-chinoise dans laquelle l'UE s'est désormais engagée est les États-Unis. Lorsque le président Trump a déclenché la guerre commerciale contre la Chine, l'UE était encore réticente à s'y associer, bien que des responsables politiques européens de premier plan comme Reinhard Bütikofer aient déjà fait campagne pour une ligne de conduite explicitement anti-chinoise à l'époque de Trump, même si cela pouvait nuire à l'économie de l'UE et coûter des millions d'emplois.

Quand Trump et Biden font la même chose

Lorsque Trump a quitté le pouvoir, Bruxelles a sans doute espéré que la politique américaine vis-à-vis de la Chine changerait sous la houlette de Joe Biden, accueilli comme un sauveur. Mais la politique anti-chinoise n'était pas une lubie de Trump, mais un objectif géopolitique des élites américaines, et Biden n'a pas seulement maintenu le cap de Trump, il l'a même renforcé. C'est pourquoi l'UE, fidèle vassale de Washington, s'est alignée sur la ligne anti-chinoise américaine immédiatement après le changement de pouvoir à Washington, même si elle est bien plus dommageable pour l'UE que pour les États-Unis sur le plan économique. Ce qui était encore "fi & diantre" sous Trump est soudain devenu génial sous Biden.

Tout comme ils viennent de le faire contre la Russie, les dirigeants de l'UE et de ses Etats membres courent droit au suicide économique en ce qui concerne la Chine, uniquement pour plaire à leur colonisateur d'outre-mer.

Les "idéaux" des Verts

Comme on le sait, les Verts sont, dans leur rhétorique, les batteurs de tambour les plus bruyants pour une ligne dure à l'égard de la Chine et pour un éloignement général de l'Europe par rapport ce pays. Le fait que les Verts n'aient aucune idée de l'économie et que leurs "idéaux" passent avant des questions aussi banales que l'économie et l'emploi n'est pas non plus nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est qu'ils accordent désormais plus d'importance à leurs "idéaux" qu'à la protection de l'environnement. Nous avons déjà pu le constater avec les sanctions contre la Russie, qui ont conduit de facto à une renaissance de l'énergie tirée du charbon et qui ont également remis en question l'abandon du nucléaire, cause jadis si sacrée pour les Verts.

Cela se produira probablement aussi dans la lutte contre la Chine, car un découplage économique de l'UE par rapport à la Chine aura notamment pour conséquence que la transition énergétique prônée par les Verts ne pourra être mise en œuvre qu'au prix d'importants dégâts environnementaux en Europe. Pour l'extraction de nombreuses matières premières (pas seulement le pétrole et le gaz), on ne pourra pas, en Europe non plus, se passer de la fracturation, une technique nuisible à l'environnement, que les Verts qualifieront alors de prix à payer pour les "valeurs occidentales".

Afin de créer le climat nécessaire à cet effet dans l'opinion publique, des campagnes médiatiques anti-chinoises sont régulièrement lancées. La dernière en date a été la présentation des soi-disant Xinjiang Police Files - qui, comme on a pu le vérifier en seulement cinq minutes de recherche, était une opération de propagande menée de manière assez dilettante par les Etats-Unis, visant à rallier davantage l'opinion publique occidentale à leur cause anti-chinoise.

Les seuls "idéaux" que les Verts actuels suivent encore sont ceux des élites américaines. Les Verts sont devenus les plus fervents partisans des objectifs de la géopolitique américaine et ces "idéaux" passent désormais avant des questions aussi banales que la protection de l'environnement ou la garantie de la prospérité des populations, cette dernière n'ayant de toute façon jamais vraiment intéressé les Verts.

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Le(s) nouvel(aux) ordre(s) mondial/diaux)

J'ai souvent souligné que le conflit actuel ne concernait pas l'Ukraine, ce pays meurtri n'étant qu'un pion dans le jeu qu'est la géopolitique. Il s'agit de la lutte des mondialistes, qui tiennent les rênes en Occident, contre des États qui considèrent que l'économie peut gagner de l'argent, mais qu'elle doit se tenir à l'écart de la politique. Ces États sont principalement la Russie et la Chine et sont donc les ennemis déclarés des États-Unis et de leurs élites.

Cette année, nous sommes entrés dans la phase la plus chaude de cette lutte géopolitique, dont les médias et les hommes politiques occidentaux disent ouvertement qu'elle vise à établir un nouvel ordre mondial. Mais comme ils n'ont pas réussi à vaincre la Russie et la Chine, la nouvelle stratégie dans cette phase chaude de la lutte géopolitique semble être de couper toutes les relations - pas seulement politiques, mais aussi économiques - avec la Russie et la Chine. Si aucune des deux parties ne remporte prochainement une victoire décisive, nous aurons probablement dans un avenir proche deux systèmes économiques et financiers coexistants dans le monde.

Les analystes russes publient de plus en plus d'articles sur les objectifs de la politique occidentale, à savoir nuire à l'économie de telle sorte qu'un nouveau système, le nouvel ordre mondial, puisse finalement être mis en place en Occident sans trop de protestations, et sur les moyens utilisés pour mettre en œuvre cette voie ; vous trouverez des exemples récents ici : https://www.anti-spiegel.ru/2022/tagungen-von-iwf-und-weltbank-der-westen-opfert-die-weltwirtschaft/ et https://www.anti-spiegel.ru/2022/der-kreml-ueber-den-zusammenbruch-des-globalismus-und-kommende-weltordnungen/

D'ailleurs, des experts occidentaux arrivent également à cette conclusion, même s'ils utilisent des formulations différentes. Il y a une semaine, un article du Spiegel faisait état de ces mêmes tendances, auxquelles se prépareraient selon eux la majorité des directeurs financiers des groupes occidentaux. Ce que les experts russes appellent ouvertement par son nom est décrit en Occident par des mots comme "formation de blocs" et des formules comme "localisation des chaînes d'approvisionnement". Mais cela signifie la même chose que ce que les Russes voient venir: l'émergence de deux systèmes économiques et financiers coexistants dans le monde.

L'agence de presse russe TASS vient de publier une autre analyse sur la politique anti-chinoise de l'UE, principalement promue par les Verts, et montre pourquoi cette politique est un clou de plus dans le cercueil que l'UE s'est fabriqué. Comme je trouve cette analyse très instructive, je l'ai traduite.

Début de la traduction :

La mondialisation, c'est du passé ? L'Europe rompt avec la Chine sur ordre des États-Unis

Pékin, et non Washington, était le principal partenaire commercial de l'UE dans les années 2010. Mais en 2022, la politique est plus importante que l'économie : les relations établies en matière de commerce et d'investissement se brisent sous nos yeux.

Après une pause d'un an, la Chine et l'UE se préparent à un nouveau round de la guerre des sanctions. Le 9 juin, le Parlement européen a reconnu l'authenticité du contenu des Xinjiang Files - une base de données sur la situation des Ouïghours chinois obtenue par des pirates informatiques. Les députés européens demandent que de nouvelles sanctions, y compris contre de hauts fonctionnaires chinois, viennent s'ajouter à celles déjà imposées en 2021. La dernière fois, la Chine n'a pas laissé une telle attaque sans réponse: elle a même mis des députés européens sur la liste noire. L'Europe est prête à poursuivre l'échange de coups: selon un sondage, un quart des investisseurs allemands seraient prêts à délocaliser la production de la Chine vers d'autres parties du monde. Cependant, personne ne profite d'une telle rupture: les investissements chinois dans le Vieux Monde ont été multipliés par dix au cours des dix dernières années, permettant à l'économie chinoise de faire face à deux crises financières. Trouver d'autres investisseurs de ce type est quasiment impossible.

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Voler à l'Europe

Malgré les risques qui se profilent, l'UE parle d'une décision bien arrêtée de quitter la Chine: dans ses relations avec la Chine, le Vieux Monde veut suivre la voie des États-Unis. En mai 2022, le ministre allemand des Finances Christian Lindner a déclaré qu'il était urgent de "réduire la dépendance" de l'économie allemande vis-à-vis de l'Empire du Milieu. Son collègue de la coalition gouvernementale, le vice-chancelier Robert Habeck, est du même avis : "Nous diversifions de plus en plus nos relations et réduisons notre dépendance vis-à-vis de la Chine. Le soutien aux droits de l'homme est plus important [que les gains financiers]". En octobre 2021, une délégation du Parlement européen s'est rendue à Taïwan, que la Chine considère comme une partie intégrante de son territoire. En touchant à ce sujet sensible, les Européens montrent le sérieux de leurs intentions : On sait que la Chine ne fera pas de concessions sur la question de ses frontières. Lorsqu'en mai 2022, le Bundestag a demandé l'admission de l'île au sein de l'Organisation mondiale de la santé, comme s'il s'agissait d'un État souverain, on ne pouvait y voir qu'une attaque directe contre la Chine.

Depuis 2019, lorsque l'UE a pour la première fois officiellement qualifié la Chine de puissance inamicale - son "adversaire systémique et concurrent économique" -, les piques de ce type ont été nombreuses. En Allemagne, des entrepreneurs chinois se sont vu refuser l'autorisation d'acheter des entreprises locales: l'État est intervenu. En France, l'achat de terres agricoles s'est révélé impossible: face à l'intérêt chinois pour les terres agricoles, Paris a drastiquement durci la réglementation des transactions. Et en 2021, le principal accord entre Européens et Chinois, le Grand Accord sur l'Investissement, dont les détails ont été négociés de 2013 à 2020, a été remis en cause. Le 30 décembre 2020, les négociateurs ont adopté le texte final, mais six mois plus tard, les députés européens l'ont gelé. Depuis, l'Ancien Monde ne veut plus se souvenir de ce document.

Ce n'est pas un hasard si la décision de l'UE de rompre ses liens avec la Chine coïncide avec la crise encore plus profonde des relations entre les Etats-Unis et la Chine. Washington dit faire de son mieux pour former une "coalition basée sur les valeurs", dont l'adversaire déclaré est Pékin. Et pourtant, la différence des conditions de départ saute aux yeux : pour l'économie américaine, moins orientée vers l'exportation, une rupture des relations avec l'Empire du Milieu ne serait pas du tout aussi douloureuse que pour l'Union européenne. Et les risques sécuritaires liés à l'océan Pacifique sont bien plus préoccupants pour les Américains que pour le Vieux Monde. Les Européens, contraints de suivre la querelle de leur grand frère avec la Chine, perdent plus que de l'argent: ils perdent l'initiative, la chance de s'affirmer comme une force internationale influente. Il n'est pas surprenant que la préparation du retrait suscite parfois des murmures en Europe.

Tirer la moustache du dragon

"Devons-nous fermer toutes nos usines [en Chine] ?", demande, irrité, Jörg Wuttke, responsable de la chambre de commerce de l'UE en Chine. Son incompréhension est parfaitement compréhensible. Environ 900.000 emplois en Allemagne sont directement liés aux activités des entreprises allemandes en Chine, où elles emploient près d'un million de personnes. Le montant total des investissements allemands en Chine s'élève à 86 milliards d'euros. Il n'est pas surprenant que la Chine occupe sans interruption la première place parmi les partenaires commerciaux de l'Allemagne de 2015 à 2021.

Historiquement, les avantages des relations sino-allemandes sont liés à la résolution par l'Allemagne de trois crises financières successives : la première après la réunification avec l'Allemagne de l'Est, la deuxième après le krach de 2008 et la dernière due à la pandémie. La croissance économique de la Chine implique une augmentation proportionnelle de sa solvabilité. Pendant des années, l'Empire du Milieu a aidé les économies stagnantes de l'Ancien Monde à éviter la récession grâce à ses solides relations bilatérales (et à sa demande de produits européens).

De plus, la Chine a investi auprès d'elles. Entre 2010 et 2018, le total des investissements a été multiplié par dix, passant de 6,1 milliards d'euros à 79 milliards d'euros. Et bien que la balance commerciale ait toujours été en faveur de la Chine, celle-ci a dépensé de plus en plus chaque année, jusqu'à ce que l'Europe lui réserve un accueil glacial à la fin de la dernière décennie.

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Le prix de la désunion

La volonté de rompre tous les liens avec la Chine, ou du moins de les affaiblir qualitativement, pose le même problème à l'Europe que les projets de boycott de la Russie. De la même manière que le fait de se passer du gaz de pipeline russe oblige les Européens à acheter du gaz liquide beaucoup plus polluant, l'exclusion de la Chine des chaînes d'approvisionnement rend plus difficile la transition vers une économie verte dont la base des ressources est concentrée en Chine. L'Empire du Milieu est reconnu comme le leader de l'extraction des terres rares, sans lesquelles les voitures électriques, les panneaux solaires et les éoliennes ne pourraient pas être fabriqués. Sur les 30 types de matières premières considérées comme critiques dans l'UE, 19 sont majoritairement d'origine chinoise. Cela signifie que si l'Europe considère sa relation avec la Chine comme une dépendance, elle n'a pas d'autre choix que de sécuriser son approvisionnement à partir de gisements alternatifs, qu'elle doit d'abord trouver.

Cette tâche, aussi étrange qu'elle puisse paraître, n'est pas impossible. Les gisements de terres rares ne sont pas si rares que cela: On en trouve en Europe, où l'on prépare déjà l'extraction du lithium en Saxe, et au Groenland, qui appartient au Danemark. La difficulté réside dans l'extraction de ces ressources : comme le pétrole et le gaz de fracturation américains, on ne peut les extraire du sol qu'au prix de la destruction de l'environnement. La rupture avec la Chine place les Européens devant un choix difficile : la géopolitique ou la protection de l'environnement.

Du point de vue des Etats-Unis, où les normes environnementales sont moins exigeantes qu'en Europe, cette difficulté ne semble pas insurmontable. La fracturation, qui empoisonne les sols et l'eau pour extraire le pétrole et le gaz des roches de schiste, est autorisée dans une partie des Etats américains, ce qui leur a permis d'augmenter leurs revenus en 2022 en évinçant du marché les produits russes concurrents, plus propres. En Europe même, qui est très sensible à son patrimoine naturel, la situation est différente. Il est difficile pour l'Europe de faire de tels sacrifices.

Face à la muraille de Chine

Peut-être parce que le poids du doute est plus grand pour les Européens, ceux-ci ont pris du retard dans leur retrait hors de Chine dès 2018, loin derrière la promptitude des États-Unis dans le conflit déclenché par les Américains. Il y a cependant peu de chances que la situation soit désamorcée dans un avenir proche. L'UE est perturbée par le principe de solidarité naturel de toute union, qui implique le soutien de tous les États membres, dont certains ont une relation de confiance particulière avec les États-Unis. Parmi eux, la Lituanie, qui a déclenché un différend totalement imprévu avec la Chine en 2021.

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En raison de ses relations amicales avec les Américains (environ 600.000 Lituaniens vivent aux États-Unis, contre 2,5 millions dans les pays baltes), Vilnius a accepté d'accueillir une mission commerciale de Taïwan sur son territoire. Les sanctions imposées ensuite par la Chine étaient attendues, mais le coup, même s'il n'est que symbolique, a touché l'ensemble de l'Union européenne, puisqu'il concerne l'un de ses pays membres. (NDLR : j'ai fait un article à ce sujet, vous trouverez les détails ici : https://www.anti-spiegel.ru/2021/politik-wichtiger-als-menschen-wie-litauen-seine-wirtschaft-aus-politischen-gruenden-schaedigt/ )

Le piège s'est refermé : les pays européens ont été entraînés dans un nouveau cycle de confrontation avec Pékin. Sa poursuite est liée à des changements globaux pour l'économie mondiale, car non seulement la Chine est le premier partenaire économique de l'UE, mais l'UE l'est aussi pour la Chine. Si elles se séparent, elles se concentreront sur les besoins de leurs marchés nationaux et fragmenteront l'économie mondiale. L'Europe perdra alors sa chance de devenir un acteur géopolitique à part entière.

Fin de la traduction.

mercredi, 22 juin 2022

Sur le blé: de l'antiquité à la guerre russo-ukrainienne

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Sur le blé: de l'antiquité à la guerre russo-ukrainienne

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/grano-derivati/

Parlons du... blé. Précisément du blé, le grain de l'épi, chanté par Virgile dans le livre I des Géorgiques. Son véritable chef-d'œuvre, selon Paratore. Car le poète d'Andes - un village de la campagne autour de Mantoue, qui n'est pas mieux identifié, même si, bien sûr, toutes les villes actuelles de la région prétendent être son lieu de naissance - était de la race des paysans. Et d'esprit, surtout, qui aimait la tranquillité champêtre, les arbres chargés de fruits, les bœufs à tête massive attelés à la charrue ... les champs de blé éclatant sous le soleil. Et dans le genre épique, il était certainement grand, ce Virgile, mais il n'était pas Homère. Et la guerre n'était pas dans sa sensibilité.

Quoi qu'il en soit, c'est de ce blé que nous parlerons. Également chanté par Pascoli, pour qui Virgile a toujours été la plus grande référence. Et par l'Alcyone de D'Annunzio. La Spica. Où la poésie géorgique devient un lyrisme intense, musical. Et résonne, de manière évocatrice, avec les mystères d'Eleusis... Car, pour nous, peuples méditerranéens, le blé est le symbole de la vie. Ainsi que la source primaire de notre alimentation.

Car sur les deux rives de ce que nous appelions autrefois notre mer, le blé a toujours été la principale source de subsistance. Pain, pâtes, couscous, biscuits, farine... nous, les peuples méditerranéens, consommons toujours du blé en fin de compte.

Pourtant, nous ne sommes pas de grands producteurs de la précieuse céréale. Dans l'Antiquité, les greniers méditerranéens étaient, en fait, au nombre de trois. La Sicile d'abord et avant tout. Et cela explique, dans une large mesure, la longue et féroce lutte entre Carthage et les cités grecques pour le contrôle de la grande île. Une lutte à laquelle Rome a mis fin, par ses propres moyens, qui, alors, étaient dérisoires.

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Puis l'Égypte, bien sûr. Le plus grand producteur de l'antiquité. Et il semble paradoxal qu'aujourd'hui, l'Égypte dépende de pays étrangers pour son approvisionnement en céréales. Une dépendance qui, ces jours-ci, devient dramatique. Mais, pour Rome, la source principale qui alimentait la Ville, était la Cura Annona (la production annuelle). Et son contrôle la clé du pouvoir au cœur de l'empire. À tel point que les empereurs, à partir d'Octave, l'ont gouverné par l'intermédiaire de légats. Comme une sorte de propriété personnelle. Et le pauvre Cornelius Gallus, qui avait été le gouverneur de cette Cura Annona, a payé lourdement les soupçons d'Auguste. De sa vie. Et avec l'effacement de son travail et de sa mémoire. Ce qui nous a privé, probablement, de l'un des plus grands poètes élégiaques latins.

Et puis il y avait la Colchide. Le sud du Caucase, entre l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Le pays de la Toison d'or. Evoquons simplement l'entreprise des Argonautes. Celle de Jason et de Médée.

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Athènes importait déjà des céréales de là-bas. L'Attique était trop aride et sablonneuse pour garantir les besoins de la cité de Périclès.

Et les Romains, sans la conquérir, y ont étendu une sorte de protectorat. Ils ont pris sous leur aile les colonies milésiennes de la mer Noire. D'où provenaient les céréales cultivées dans la région située plus au nord. Dans le pays qui s'appelait aussi Sarmatie. Et qui est maintenant, au moins en partie, l'Ukraine. Et la Russie.

Et ici - après avoir confirmé mon surnom de Docteur Divagus - nous arrivons au cœur du problème.

La guerre entre la Russie et l'Ukraine semble, entre autres, mettre en péril l'approvisionnement en céréales de l'Europe et de l'Afrique.

Il semble... car on nous dit que des centaines de navires de transport sont bloqués de l'autre côté du Bosphore avec leur précieuse cargaison depuis plus de deux mois. Qui, d'ailleurs, ne devrait plus être si précieuce. Puisque les céréales, stockées dans la cale d'un navire, se détériorent au bout d'un mois. Et elles deviennent inutiles pour tout usage alimentaire.

En tout cas, la crise de l'offre est là. C'est indiscutable. À tel point que nos pâtes bien-aimées ont déjà augmenté dans les rayons des supermarchés. Car, évidemment, dans les plaines d'Ukraine, le blé est récolté entre février et mars. Et les eskimos et les pingouins sont embauchés comme ouvriers... Un petit soupçon, seulement vague, de spéculation est-il légitime ? Ou s'agit-il, une fois de plus, d'une démonstration de la-terre-est-platisme?

Et puis, il y a quelque chose qui m'intrigue. Le patron d'une marque populaire de pâtes, une bonne marque d'ailleurs, a déclaré qu'il est obligé d'augmenter le prix parce que plus aucun blé n'arrive d'Ukraine.

Je vais à la cuisine. Et je prends un paquet de spaghetti. De cette marque même. En grosses lettres sur l'emballage: "100% blé italien". Mah....

La bataille pour le blé a donc commencé. Le seul salut pourrait être d'encourager la production nationale. Draghi torse nu fauchant sous le soleil brûlant de juin serait un spectacle intéressant...... Mais je doute que le banquier s'expose au risque des rayons ultraviolets. Ce risque lui est déconseillé par ses amis écologistes bien connus, tels que Soros et Gates. Il s'efforce de combler le trou dans la couche d'ozone et de sauver le monde. Sous les applaudissements de Greta et de la foule des gretins.

Le seul trou qui devrait nous inquiéter, cependant, est celui de notre ventre. Inévitable si le grain n'arrive vraiment plus. Parce qu'une politique autarcique est, soyons honnêtes, très difficile à mettre en œuvre. Parce que cela prendrait trop de temps, et nous n'en avons pas. Et, en outre, cela pourrait éveiller des soupçons de sympathie pour un certain régime du passé. Et pour un certain faucheur. Qui, contrairement à Draghi, avait le physique pour faucher.

Bien sûr, notre ami Bill viendra à la rescousse. Les céréales viendront des États-Unis. Strictement OGM, et à trois fois le prix de l'ukrainien ou du russe.

Patience. Nous ne renonçerons pas aux pâtes. Nous allons donc sacrifier autre chose et les spaghettis à la sauce tomate, les grice, les amatriciane, les trenette al pesto continueront à animer nos cantines. Malgré les anathèmes des nutritionnistes (personnes maléfiques, et prophètes de malheur).

Oui.... mais l'Afrique ? Le Maghreb qui ne vit, presque, que de céréales ? Et puis celle de l'Afrique subsaharienne. Qui est déjà affamée. Comment vont-ils s'y prendre ? Le prix des céréales de Biden est trop élevé pour être à leur portée... La faim, et donc les guerres et les émeutes sont déjà à l'horizon proche.

Mais personne ne semble s'en soucier. Les Arabes et les nègres, pardon les noirs ou si vous préférez les alterblancs, n'ont d'intérêt qu'en tant que migrants. Comme main-d'œuvre bon marché et comme ressource pour diverses ONG.

Chez eux, ils peuvent mourir de faim. Contribuant ainsi à la politique de diminution de la population mondiale si chère aux fans de Malthus, qui se réunissent périodiquement autour de Davos...

mardi, 21 juin 2022

L'Europe est donc la grande perdante

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L'Europe est donc la grande perdante

par Daniele Perra

Source : Daniele Perra & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-europa-dunque-e-la-grande-perdente

Début juin, le Centre d'études stratégiques et internationales basé à Washington (un groupe de réflexion très proche du ministère américain de la Défense et de l'industrie américaine de l'armement par laquelle il est copieusement financé) a publié un article d'Antony H. Cordesman intitulé "L'impact à long terme du conflit ukrainien et l'importance croissante du volet civil de la guerre", qui décrit bien la nouvelle approche nord-américaine du conflit en Europe de l'Est.

On y lit : "il semble désormais possible que l'Ukraine ne récupère pas ses territoires à l'est et ne reçoive pas rapidement l'aide dont elle a besoin pour la reconstruction". Une aide qui serait estimée, de manière très optimiste, à 500 milliards de dollars (un chiffre qui ne tient pas compte de la perte territoriale de sa région la plus riche). De plus, l'Ukraine devra compter avec une menace russe permanente qui limitera sa capacité à reconstruire ses zones industrialisées et qui, surtout au vu des pertes territoriales mentionnées supra, n'entraînera pas quelques problèmes en termes de commerce maritime (le risque que la Russie, une fois les opérations dans le Donbass terminées, se dirige vers Odessa, excluant complètement Kiev du littoral de la mer Noire, reste réel).

L'article rapporte également comment le conflit a mis en évidence, du côté russe, une utilisation coordonnée et très souple des moyens militaires, politiques et économiques en comparaison de laquelle, le simple recours à la guerre de propagande et au régime de sanctions du côté occidental a semblé sensiblement inefficace. Un facteur qui, d'une manière ou d'une autre, remodèlera le système mondial puisque la fin éventuelle des combats ne signifiera pas la fin de ses impacts économiques et géopolitiques à long terme. Sans compter que la Russie et la Chine développent une remarquable capacité à attirer les pays africains et asiatiques à leurs côtés (le récent cas du Mali, qui a choisi d'expulser les contingents français et italiens, en ce sens, est emblématique).

En outre, contrairement à la propagande occidentale jusqu'à présent, Cordesman affirme que seule une "infime partie" des actions russes en Ukraine peut être formellement définie comme des "crimes de guerre", malgré leur impact sur la population civile.

Maintenant, indépendamment des considérations du chef émérite en stratégie du Think Tank nord-américain (avec lesquelles on peut être d'accord ou non), ce qui est évident, c'est le changement de paradigme dans la narration du conflit par le centre de commandement de l'Occident.

Les Etats-Unis (ceux qui, selon Kissinger, n'ont que des intérêts et non des alliés) ne sont pas novices dans ces opérations d'abandon de l'"ami" lorsqu'ils ont atteint leur but ou ne le jugent plus utile (du Vietnam à l'Afghanistan, en passant par le Panama et l'Irak, l'histoire regorge d'exemples similaires). Il reste à voir si les États-Unis ont réellement atteint leurs objectifs en ce qui concerne le conflit en Ukraine ou si ce changement de paradigme peut être interprété comme un "retrait stratégique".

Il a été souligné précédemment que le conflit en Ukraine entraîne de profonds changements dans la structure économique, financière et géopolitique actuelle du monde. Peut-on parler d'une évolution vers un système multipolaire ? La réponse est oui, même si les États-Unis eux-mêmes tentent de la ralentir. Comment ? Il existe aujourd'hui trois (à l'avenir, il pourrait y en avoir quatre avec l'Inde) grandes puissances mondiales : les États-Unis, la Russie et la Chine (ces deux dernières sont considérées comme des puissances révisionnistes du système unipolaire). Cependant, le principal concurrent mondial du dollar est l'euro. Ergo, l'objectif nord-américain, pour gagner du temps dans la parabole descendante de l'empire nord-américain, est l'affaiblissement constant de la monnaie européenne. Outre l'Ukraine, qui est le grand perdant du conflit actuel en Europe de l'Est ? L'Union européenne. L'objectif des États-Unis, au moins depuis 1999, est de rendre leur propre industrie artificiellement compétitive en détruisant l'industrie européenne tout en maintenant le Vieux Continent dans un état de captivité géopolitique. L'élite politique européenne en est bien consciente, mais elle est trop occupée à poursuivre ses propres intérêts, ceux du portefeuille.

Prenez par exemple le cas limite de l'Italie, dont la stratégie énergétique à long terme a volé en éclats avec l'agression de l'OTAN contre la Libye. Depuis lors, les gouvernements Monti, Letta et Renzi ont été les principaux responsables de la subordination presque totale de la politique énergétique italienne au gaz russe. Aujourd'hui, les mêmes partis qui ont d'abord soutenu la nécessité d'une intervention en Libye, puis les gouvernements qui ont suivi celui de Berlusconi (responsable de la trahison de Tripoli) sont les mêmes qui demandent et applaudissent l'embargo sur les importations d'hydrocarbures en provenance de Russie, une fois de plus au mépris total de l'intérêt national de l'Italie. Dans ce contexte, la seule solution pour l'Italie ne peut être que de se débarrasser au plus vite du draghisme.

L'Europe est donc la grande perdante sur le plan économique et géopolitique. La possibilité d'une crise alimentaire en Afrique et au Proche-Orient en raison de la poursuite du conflit et, par conséquent, la réduction des exportations de céréales russes et ukrainiennes vers ces régions pourraient provoquer de nouvelles vagues de migration qui affecteront directement une Europe dans laquelle le problème de l'approvisionnement énergétique entraînera une inflation toujours plus élevée, une crise économique structurelle et une baisse relative de la qualité de vie générale.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer le fait que l'ancre de salut pour l'Europe (du moins à court terme, car la diversification via l'Afrique et Israël semble bien loin) était censée être le gaz naturel liquéfié nord-américain. Eh bien, une étrange explosion a récemment mis hors service le HUB GNL de Freeport, au Texas, d'où partent les navires transportant le gaz vers l'Europe. L'infrastructure sera à nouveau opérationnelle à partir de la fin de 2022. Tout cela alors que Gazprom réduit ses exportations vers l'Europe en représailles à l'approbation d'un énième paquet de sanctions suicidaires.

Voir : 

The longer-term impact of the Ukraine conflict and the growing importance of the civil side of the war, www.csis.org

L'utopia di chi spera nel GNL di USA, Africa e Israele, www.ilsussidiario.net

L'UE ed il suo settore energetico,  www.eurasia-rivista.com.

samedi, 18 juin 2022

Alexandre Douguine: Code russe

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Code russe

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/russian-code?fbclid=IwAR2uPl4o1gfXQnq1TqdaoQhFFdatd7Y-Okskc_f3JiHlnRhkrgpjVAC5P48

En s'engageant dans une confrontation directe avec l'Occident pendant l'Opération militaire spéciale, même si l'Occident lui-même n'y participe que par le biais de sa structure ukrainienne donc par procuration, structure qui ne peut pas être appelée un "pays", la Russie est, par voie de conséquence, obligée de défendre sa souveraineté à tous les niveaux. En termes de politique militaire, économique et formelle, c'est assez évident, mais l'Occident est bien plus qu'une structure politico-militaro-économique: c'est une civilisation avec un code de programmation fondamental. Tout le reste découle de ce code: les armes, l'économie, la politique, la culture, l'éducation, la science, les médias, etc. La Russie est maintenant obligée d'affronter l'ensemble du spectre et, en général, le code occidental lui-même.

Les autorités russes ne le comprennent pas encore pleinement et même les plus ardents opposants à l'Occident dominant pensent en termes de confrontation militaro-stratégique, politico-diplomatique et informationnelle, mais le passage à un nouveau niveau de compréhension par les autorités et la société de ce qu'est une civilisation souveraine est inévitable. Il peut être reporté, il ne peut être évité.

Ce qu'est la souveraineté nationale dans le système westphalien des relations internationales et dans la théorie du réalisme des relations internationales est compréhensible : cela signifie qu'un État-nation, reconnu (par lui-même et par d'autres) comme souverain, ne peut par définition avoir aucune autorité qui puisse nécessairement dicter ce que cet État doit ou ne doit pas faire. C'est là que réside la souveraineté: tout État-nation souverain peut faire ce qu'il veut, tant qu'il est capable de le faire - parce que d'autres États-nations peuvent ne pas l'apprécier. Dans les cas critiques extrêmes, la guerre décide de tout. C'est ce que représente la souveraineté nationale dans la théorie réaliste des pays du Moyen-Orient.

Cette théorie est contrée par le libéralisme dans les RI (relations internationales), qui insiste :

    - sur la limitation de la souveraineté,

    - sur sa relativité,

    - sur le transfert progressif du pouvoir des États-nations vers un gouvernement mondial.

Dans cette théorie, la souveraineté n'est pas une valeur, encore moins une valeur suprême. Elle est simplement un état transitoire sur la voie de l'intégration de l'humanité.

Poutine est clairement du côté du réalisme, ce qui nous a finalement conduits à l'Opération militaire spéciale. Il est significatif que le libéralisme continue de dominer au MGIMO. [NdT. : MGIMO est l'Institut d'État des relations internationales de Moscou, Московский государственный институт международных отношений МИД Российской Федерации, МГИМО, translittéré Moskovskij gosudarstvennyj institut meždunarodnych otnošenij MID Rossijskoj Federacii], ainsi que parmi les experts internationaux, contrairement à l'orientation apparente de Poutine. C'est une anomalie absolue, mais c'est le résultat de la pénétration profonde du code occidental dans les fondements mêmes du système éducatif et de l'environnement des experts russes.

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Poutine comprend la souveraineté dans l'esprit du réalisme, avant tout :

    - dans le domaine militaro-stratégique

    - puis politique,

    - enfin, en termes économiques.

La Russie, sous sa direction, réagit donc de manière très aiguë

    - à l'élargissement de l'OTAN

    - aux tentatives d'ingérence étrangère dans la politique intérieure (pouvant aller jusqu'au changement de régime, ce que l'Occident n'hésite pas à faire, soutenant obstinément les oppositions les plus radicales);

    - et, dans une moindre mesure, à la dépendance directe de l'économie russe vis-à-vis des institutions mondiales et des monopoles occidentaux mondiaux.

C'est plus ou moins ainsi que se présente la hiérarchie de la souveraineté et l'école du réalisme dans les RI. Si l'on se limite à cette échelle, les thèmes de la science, de la culture, de la technologie, de l'éducation, des communications de masse, de l'art et, enfin, du comportement quotidien et de la psychologie de la population sont relégués non pas au deuxième, mais au dixième étage. On a l'impression qu'ils n'ont rien à voir avec la souveraineté et, s'ils ont un rapport avec elle, alors c'est un rapport très lointain.

Cela serait vrai si nous acceptions consciemment l'attitude de base selon laquelle nous sommes au sein de la civilisation occidentale moderne, nous partageons ses points de référence et ses valeurs, nous sommes d'accord avec ses règles et ses normes, c'est-à-dire que nous acceptons son code fondamental, son système d'exploitation. Après tout, l'école du réalisme en RI a été créée en Occident et y est restée influente et fait autorité jusqu'à ce jour (malgré la forte montée du libéralisme en RI - surtout au cours des 40 dernières années). En d'autres termes, pour Poutine, la question de la souveraineté russe fait partie d'un paradigme occidental largement accepté. La Russie accepte le code occidental, mais lutte farouchement pour maintenir sa souveraineté au sein de ce paradigme, revendiquant sa place sous le soleil - mais sous un soleil occidental couchant.

C'est là qu'intervient la partie la plus importante. L'Opération militaire spéciale initiée par la Russie est perçu par l'Occident lui-même comme un défi civilisationnel. Francis Fukuyama a écrit un article caractéristique intitulé "La guerre de Poutine contre l'ordre mondial libéral" au tout début de cette opération. Le point important n'est pas seulement le défi lancé au mondialisme et au libéralisme dans les pays européens (qui pourrait également être interprété en termes de réalisme, comme le font par exemple Mearsheimer, Kissinger ou Bannon), mais aussi la remise en question révolutionnaire par la Russie des fondements mêmes de la civilisation occidentale, qui étaient jusqu'à récemment entièrement contrôlés par l'hégémon occidental. C'est pourquoi l'Opération militaire spéciale a soulevé la question de la transition du monde unipolaire au monde multipolaire, qui présentera un ordre mondial absolument différent, dans lequel l'Occident et son code de civilisation ne sont pas quelque chose d'omniprésent et d'universel, mais seulement une partie et quelque chose de localisé, de régional et d'absolument inutile pour tout le reste. Fukuyama a vu dans les actions de Moscou quelque chose de plus grand que Moscou elle-même. C'est le choc des civilisations dont le principal adversaire de Fukuyama, Samuel Huntington, a mis en garde. La Russie est engagée dans un conflit de civilisation, et non un conflit national, avec l'Occident. C'est avec l'Occident en tant que civilisation, en tant que code, et non avec un pays individuel.

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Cela explique également la réaction de l'Occident :

   -  exclure la Russie de son monde (américano-centré),

    - de la couper des réseaux économiques et technologiques occidentaux,

    - de l'expulser de toutes les structures mondiales contrôlées par l'Occident (et il s'avère que l'Occident les contrôle presque toutes !)

    - de l'isoler de ses partenaires non-occidentaux, en la houspillant à la marge par tous les moyens,

    - de mobiliser tous les réseaux orientés vers l'Occident en Russie même, afin d'arrêter l'Opération militaire spéciale le plus rapidement possible, de ralentir l'offensive russe et, au minimum, de renverser Poutine.

L'Occident veut montrer que sans l'Occident et sans la complicité de la civilisation occidentale - sans le code occidental - la Russie périra et, si elle insiste, l'Occident contribuera activement à cette disparition.

La situation est la suivante : Moscou, en poursuivant l'Opération militaire spéciale, comprend la souveraineté de manière sectorielle, tandis que l'Occident la comprend de manière totale, non seulement au niveau des intérêts nationaux, mais au niveau du code de la civilisation lui-même, dont la Russie est résolument coupée.

Ce manque de compréhension de notre part entraîne un retard dans la formulation d'une idéologie souveraine et le développement d'une stratégie souveraine à part entière dans tous les domaines de la vie.

Nous n'avons pas encore réalisé à quel point l'Opération militaire spéciale est fondamentale du point de vue de la civilisation. Nous avons commencé quelque chose que nous n'avons pas entièrement compris. Et maintenant, nous sommes surpris de voir à quel point le code occidental a pénétré notre société. Il ne s'agit pas seulement d'une boule de neige d'agents étrangers, de transfuges, d'oligarques, de traîtres et de russophobes. Il ne s'agit là que d'un symptôme. L'enjeu réel relève de la nécessité de faire un effort incroyable, national et populaire, pour soutenir la souveraineté civile.  Cela signifie tout d'abord établir - en partie pour se souvenir, en partie pour recréer - notre propre code russe. Cela nécessite des changements radicaux dans des sphères qui ne sont clairement pas une priorité pour le gouvernement: la philosophie, la science, la culture, l'éducation, l'art, la conscience sociale, la psychologie et même la mode et le style. C'est ce qu'on appelle "l'idéologie", sauf qu'aujourd'hui nous ne parlons pas des options idéologiques offertes par l'Occident moderne (libéralisme, socialisme, nationalisme), mais d'une idéologie de civilisation spécifique - l'idéologie civilisationnelle russe - qui va au-delà des clichés occidentaux. Par convention, nous pouvons l'appeler la "quatrième théorie politique", au-delà du libéralisme, du communisme et du fascisme.

Nous entrons inévitablement dans une nouvelle phase de la bataille pour le code russe et, si vous voulez, cette bataille ne dépend pas directement du succès et de la rapidité de l'Opération militaire spéciale. Notre excommunication prononcée par l'Occident a déjà eu lieu. L'Occident a déjà porté un jugement sans appel sur la Russie. Il est impossible de corriger la situation et de tout ramener à ce qu'elle était avant le 24 février 2022. Nous devons accepter pleinement et profondément les conséquences du défi civilisationnel que nous avons nous-mêmes provoqué.

mardi, 14 juin 2022

La guerre économique de l'Occident entre le défaut de paiement de la dette russe et la lutte contre le yuan numérique

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La guerre économique de l'Occident entre le défaut de paiement de la dette russe et la lutte contre le yuan numérique

par Domenico Moro

Source : resistenze & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-guerra-economica-dell-occidente-tra-default-del-debito-russo-e-contrasto-allo-yuan-digitale

Ce n'est pas seulement une guerre par des moyens militaires qui se poursuit, par le truchement de l'Ukraine, entre l'Occident et la Russie. La guerre économique, non moins importante, se poursuit elle aussi. Ces derniers jours, des événements importants impliquant non seulement la Russie mais aussi la Chine ont eu lieu. Après tout, la confrontation, sur le plan économique, oppose principalement les États-Unis et la Chine, qui, en plus d'être l'allié stratégique de la Russie, est le plus grand concurrent des États-Unis pour l'hégémonie économique mondiale.

Le premier de ces nouveaux événements est le lancement du sixième train de sanctions de l'UE contre la Russie, qui comprend, entre autres, deux mesures fondamentales : l'exclusion de la plus importante institution bancaire russe, la Sberbank, du circuit Swift, ce qui rendra problématique le paiement à l'étranger des produits russes, et, surtout, l'embargo sur le pétrole russe. Apparemment, après un mois d'impasse, c'est un succès pour le front occidental contre la Russie, qui a réussi à se recomposer malgré l'opposition de la Hongrie à l'embargo. Les sanctions pétrolières sont toutefois soumises à des limites : l'arrêt des importations dans l'UE n'aura lieu qu'à partir du début de l'année prochaine et ne concernera que le pétrole brut importé par voie maritime, tandis que le pétrole brut importé via l'oléoduc Druzhba sera exclu de l'embargo. Cela permettra à la Hongrie, à la Slovaquie et à la République tchèque, pays enclavés, de continuer à s'approvisionner en pétrole brut jusqu'à une date qui reste à déterminer.

Mais les sanctions, qui font grimper les coûts de production dans les pays européens, auront un effet limité sur la Russie. En fait, les sanctions augmentent le prix international du baril de pétrole, ce qui permet à la Russie de réaliser des revenus plus élevés même en cas de réduction des volumes d'exportation. Lorsque la Commission européenne a promulgué le sixième train de sanctions, l'augmentation du prix du baril de pétrole s'est accélérée pour atteindre plus de 125 US$ par baril de Brent. Après tout, le pétrole a augmenté de 75 % en six mois.

Selon Bloomberg, l'embargo pétrolier ne coûterait que 10 milliards d'US$ sur un total de 270 milliards d'US$ que le gouvernement russe attend de l'exportation de produits énergétiques. Mais il n'y a aucune garantie qu'une telle perte de revenus sera effective : la Russie peut compenser les exportations perdues vers l'UE en les réorientant vers d'autres pays. En effet, le délai de mise en œuvre de l'embargo facilite non seulement la recherche de nouveaux fournisseurs par les importateurs européens. La Russie peut donc chercher d'autres débouchés pour ses exportations. En particulier, les exportations russes de pétrole brut se dirigent vers la Chine, l'Inde et d'autres pays, qui ont acheté plus de pétrole brut que d'habitude ces derniers mois. Ce n'est pas un hasard si en mai, les exportations russes de pétrole et de produits pétroliers ont atteint leur plus haut niveau depuis octobre 2019, soit 5,09 millions de barils par jour.

Le deuxième de ces nouveaux événements concerne l'éventuel défaut technique de la dette russe, en raison de l'incapacité de la Russie à payer les intérêts en dollars. L'Europe a également ajouté à la liste des personnes et organisations sanctionnées le National Settlement Depository, qui est une institution financière non bancaire russe et un dépositaire central de titres, par l'intermédiaire duquel Moscou avait décidé de payer les intérêts de la dette publique en dollars. En outre, le 25 mai, les États-Unis ont laissé expirer sans la renouveler la licence qui autorisait jusqu'à présent les investisseurs américains - malgré les sanctions interdisant les transactions financières - à recevoir de Moscou des paiements d'intérêts, de dividendes ou de coupons sur des obligations détenues par la banque centrale russe, le Fonds d'investissement souverain ou le ministère des Finances.

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Il s'agit d'une perte d'image majeure pour la Russie qui, en ne payant pas les intérêts de sa dette publique, se mettrait en défaut de paiement pour la première fois depuis 1917, lorsque les révolutionnaires bolcheviques ont décidé de ne pas payer les dettes contractées par l'État tsariste. En réalité, cette fois-ci, l'État russe a l'argent et la volonté de rembourser la dette, mais en fait, l'UE et les États-Unis l'en empêchent en essayant de forcer l'État russe à la faillite. En pratique, il s'agit d'un "défaut artificiel", comme l'ont souligné les autorités russes.

Le troisième événement à prendre en compte est la proposition récemment soumise au Congrès américain par trois sénateurs républicains, Tom Cotton, Marco Rubio et Mike Braun, visant à interdire aux grands magasins d'applications - à commencer par Google et Apple - d'héberger des applications permettant d'effectuer des paiements par le biais du yuan numérique chinois. La motivation apparente est liée à la sécurité nationale, puisque les rédacteurs du projet de loi craignent que le système de paiement numérique permette à Pékin d'espionner les citoyens américains. La véritable raison, cependant, est autre : on craint que la monnaie numérique chinoise ne réduise le rôle mondial du dollar américain.

Il s'agit d'un grave danger pour l'économie américaine, car ce n'est que grâce à la disponibilité de la monnaie commerciale et de réserve mondiale que les États-Unis peuvent soutenir leur économie, en finançant leur double dette, commerciale et publique. En outre, le système de yuan numérique peut constituer une alternative au système Swift par lequel transitent les transactions internationales en dollars. Cela éliminerait également la possibilité d'imposer des sanctions aux opposants politiques, étant donné qu'un grand nombre de ces sanctions reposent sur l'exclusion des organisations financières russes et autres du système de messagerie Swift. Quoi qu'il en soit, le yuan numérique est dangereux pour le dollar, car il peut devenir une monnaie de référence en dehors de la Chine, en commençant par les pays qui rejoignent le projet de la Route de la soie, puis en s'insérant dans les systèmes de paiement occidentaux comme alternative à Swift.

La Chine est à l'avant-garde de l'utilisation de la monnaie numérique et accumule une avance considérable sur les États-Unis et l'UE, puisque le dollar et l'euro numériques sont encore au stade de projet. Pour avoir l'euro numérique, en supposant qu'il soit adopté, il faudra encore 4 à 5 ans. Le même temps sera également nécessaire pour disposer du dollar numérique, dont l'adoption est encore remise en question par la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, qui est toujours divisée entre partisans et opposants à cette initiative.

La guerre en Ukraine pourrait toutefois accélérer le lancement du dollar numérique, car elle accentue la nécessité de poursuivre la guerre des devises, élément central du conflit économique contre la Russie et, à terme, la Chine. Récemment, la vice-présidente de la Réserve fédérale Lael Brainard a déclaré lors d'une audition au Congrès que le lancement d'une "CBDC [monnaie numérique de la banque centrale, ndlr] peut contribuer à assurer le rôle dominant du dollar" afin que "les personnes du monde entier qui utilisent le dollar puissent continuer à le faire pour les transactions dans le système financier numérique".

Ces faits montrent clairement que la guerre économique entre l'Occident, d'une part, et la Russie et la Chine, d'autre part, s'intensifie et se joue en grande partie autour du rôle mondial du dollar. Le maintien du dollar comme monnaie mondiale est à la fois un moyen et une fin de la guerre militaire et économique en tant qu'élément essentiel de l'hégémonie mondiale des États-Unis. La poursuite de la guerre, visant à affaiblir la Russie et, par conséquent, la Chine, autorise le maintien de la primauté politique et militaire qui permet aux États-Unis de maintenir le dollar comme monnaie mondiale.

Note :

[i] Alessandro Graziani, "Yuan numérique, les États-Unis opposent leur veto à l'utilisation de Google et Apple Pay", Il sole24ore, 3 juin 2022.

lundi, 13 juin 2022

Les guerres énergétique et alimentaire se retournent l'une contre l'autre et mettent Biden au pied du mur

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Les guerres énergétique et alimentaire se retournent l'une contre l'autre et mettent Biden au pied du mur

Par Alfredo Jalife Rahme

Source: KontraInfo / https://noticiasholisticas.com.ar/las-guerras-energetica-y-alimentaria-se-retroalimentan-y-ponen-a-biden-contra-la-pared-por-alfredo-jalife-rahme/

La Russie gagne la "guerre économique" (https://bit.ly/3xohBsg) que lui imposent les États-Unis et l'OTAN - qui contrôlent une Union européenne (UE) méconnaissable - alors que les prix du pétrole et du gaz ont grimpé en flèche jusqu'en des hauteurs stratosphèriques, tandis que le rouble, désormais la monnaie la plus puissante du monde, s'échange à moins de 61 pour un dollar.

Le Wall Street Journal fait une excellente remarque : "Ne riez pas (sic) : La Maison Blanche veut fabriquer des panneaux solaires et des bombes thermiques pour arrêter Vladimir Poutine" (https://on.wsj.com/3GTQxo5).

Biden rend la guerre de Poutine en Ukraine responsable de son "urgence énergétique" - qui met en péril l'approvisionnement en électricité cinq mois avant les élections de mi-mandat - par le biais de l'amendement de la production de défense, exhumé depuis la guerre contre la Corée, pour stimuler les panneaux solaires et autres "énergies propres" (https://bit.ly/3tjoaKg). Le problème des "énergies renouvelables" - solaire (note : les trois quarts de leurs modules proviennent d'Asie du Sud-Est) et éolienne - est leur caractéristique "intermittente" qui dépend des caprices de la météo.

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M. Biden rend également Poutine responsable de la hausse imparable des prix de l'essence, de l'inflation la plus élevée depuis 40 ans et de la crise alimentaire mondiale en cours. Jusqu'à présent, il ne l'a pas rendu responsable de la crise surréaliste des "aliments pour bébés" aux États-Unis.

Puisque nous utilisons ici la méthode dialectique, il vaut la peine d'écouter le point de vue du président Poutine qui, dans une interview à Rossiya 1 TV, a mis à nu la manipulation financière de Wall Street derrière la crise alimentaire, bien avant son "opération militaire" en Ukraine : "la masse monétaire aux États-Unis a augmenté de 59.000 milliards de dollars en moins de deux ans, de février 2020 à fin 2021, avec une productivité (sic) sans précédent des machines à imprimer l'argent" alors que le "taux de liquidité total a augmenté de 38,6 %".

M. Poutine estime qu'il s'agit d'une "erreur des autorités économiques et financières américaines, qui n'a rien à voir avec les actions de la Russie en Ukraine, il n'y a pas la moindre corrélation".

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Poutine est manifestement bien conseillé par Sergey Glazyev (photo), un économiste russe réputé, dont les théories sur "l'économie physique" qui l'emporte sur "l'économie financière spéculative" du duo anglo-saxon de Wall Street et de la City (Londres), et dont les travaux récents méritent d'être consultés.

Selon Poutine, l'impression dérégulée de la masse monétaire par Wall Street "a été la première étape - immense - vers la situation alimentaire défavorable actuelle" qui a "explosé immédiatement". Et Poutine n'aborde pas la manipulation du cartel alimentaire anglo-saxon, le fameux ABCD : ADM-Bunge-Cargill-Dreyfus (https://bit.ly/3Q5ohmv).

Il a également critiqué les politiques européennes en matière d'"énergie verte", qui ont exagéré les capacités des "énergies alternatives", lesquelles ne peuvent être produites "dans les quantités requises, avec la qualité requise et à des prix acceptables", alors que "dans le même temps, elles ont commencé à éclipser l'importance des types d'énergie conventionnels, y compris, surtout, les hydrocarbures".

Poutine en déduit que le résultat de tout cela est que "les banques ont cessé d'émettre des prêts (...) Les compagnies d'assurance ont cessé de garantir les règlements. Les autorités locales ont cessé de garantir les contrats, d'attribuer des parcelles de terrain pour étendre la production, et ont réduit la construction de transports spéciaux, y compris les pipelines. Tout cela a conduit à une pénurie d'investissements énergétiques et à une flambée des prix : "Les vents n'ont pas été aussi forts que prévu l'année dernière, l'hiver a été retardé et les prix ont augmenté instantanément, et avec la hausse des prix du gaz est venue une hausse des prix des engrais", que les "Anglo-Saxons" ont aggravée en "imposant des sanctions sur les engrais russes".

La morosité qui plane sur la Maison Blanche est désormais compréhensible, selon le site Internet Politico (https://politi.co/3xz7UaR).

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Quand tout affecte tout - La Russie, l'Occident et l'ère de l'instabilité

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Quand tout affecte tout - La Russie, l'Occident et l'ère de l'instabilité

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/06/09/kun-kaikki-vaikuttaa-kaikkeen-venaja-lansi-ja-epavakauden-aika/

"C'est une chose d'affirmer de manière clichée que tout dans le monde est interconnecté. Mais c'est tout autre chose de voir ce qui se passe réellement lorsque ces connexions se rompent", écrit Wolfgang Münchau, directeur du groupe de réflexion Eurointelligence.

Münchau, qui vit à Oxford, au Royaume-Uni, admet que les sanctions occidentales étaient fondées sur le "postulat trompeur selon lequel la Russie est plus dépendante de nous que nous le sommes de la Russie".

Mais la Russie a "plus de blé qu'elle ne peut en manger et plus de pétrole qu'elle ne peut en brûler". La Russie est "un fournisseur de produits primaires et secondaires dont le monde est devenu dépendant". Comme on le sait, le pétrole et le gaz sont les principales sources de revenus des exportations russes.

9783446423459-fr-300.jpgMais c'est dans d'autres secteurs que notre dépendance est la plus forte, souligne M. Münchau : certains produits alimentaires et les métaux des terres rares. La Russie n'en a pas le monopole, "mais lorsque le plus grand exportateur de ces produits disparaît, le reste du monde en souffre immédiatement".

La Russie est le plus grand producteur de gaz naturel au monde, représentant un peu moins de 20 % des exportations mondiales. Pour le pétrole, la Russie vient après l'Arabie Saoudite avec 11% des exportations mondiales. La Russie est également le plus grand fournisseur d'engrais et de blé, la Russie et l'Ukraine représentant près d'un tiers des exportations mondiales de blé.

En termes de métaux de terres rares, la Russie est la plus grande source de palladium au monde. Le palladium est un métal précieux important pour les industries de l'automobile et de l'électronique et est actuellement plus cher que l'or. La Russie est également le premier fournisseur mondial de nickel, nécessaire pour les batteries et les voitures hybrides.

L'industrie allemande a déjà prévenu qu'elle était dépendante du gaz russe, mais aussi d'autres fournitures importantes en provenance de Russie. Ce fait ne sera pas modifié par les fluctuations politiques, mais le gouvernement finlandais, par exemple, ne semble pas s'intéresser à la realpolitik.

Münchau se demande maintenant si cette politique de sanctions a été pensée jusqu'au bout. Les ministres ont-ils imaginé que les crises mondiales en matière d'énergie et de nourriture pouvaient être résolues simplement en pointant du doigt Poutine ? Même pendant la guerre froide entre l'Union soviétique et l'Occident, le commerce se poursuivait et les robinets de gaz restaient ouverts.

Les confinements de l'ère du coronavirus nous ont appris à quel point les différents pays sont vulnérables aux perturbations des chaînes d'approvisionnement. Les Européens n'ont que deux voies pour transporter des marchandises en masse vers et depuis l'Asie : soit par conteneur et par mer, soit par rail via la Russie.

9783446418479-fr-300.jpgMünchau estime qu'il n'existait aucun plan spécifique pour faire face à une pandémie, et encore moins à une guerre. Les conteneurs sont maintenant bloqués à Shanghai et les chemins de fer ont été fermés à cause de la guerre en Ukraine. En tant qu'analyste appartenant au courant dominant, Münchau n'avance cependant pas les raisons les plus radicales de l'état actuel des choses.

Il rappelle que les sanctions économiques occidentales fonctionnaient lorsque le pays cible était suffisamment petit. Il cite en exemple l'Afrique du Sud, l'Iran et la Corée du Nord dans les années 1980. Mais la Russie est une cible beaucoup plus grande et plus difficile à influencer.

Même le PIB n'est pas une mesure suffisamment significative. En termes de PIB, la Russie peut n'avoir que la taille des pays du Benelux ou de l'Espagne, mais cette mesure ne tient pas compte des effets de réseau.

"Ces effets de réseau sont suffisamment importants pour rendre les sanctions économiques insoutenables", déclare Münchau. Il existe des sources d'approvisionnement alternatives pour les biens russes, mais si l'approvisionnement est coupé de façon permanente, les mêmes biens ne peuvent pas être produits dans les mêmes quantités qu'auparavant. L'économie réagira en augmentant les prix et en réduisant l'offre et la demande.

Comme de nombreux commentateurs de la politique mondiale, Münchau est arrivé à la conclusion que tous les pays sont tellement interdépendants que des sanctions ne peuvent être imposées à l'un d'entre eux sans causer d'énormes dommages aux autres, et dans ce cas à l'Occident lui-même.

Et que dire des fanatiques anti-russes qui prétendent que le mal des sanctions en vaut la peine, tant que les conséquences sont subies entre les murs du Kremlin ? Pour le chef d'Eurointelligence, cela semble aussi fou que si "un professeur d'économie soutenait que la hausse du chômage en vaut la peine".

Münchau répète le mantra de l'infoguerre occidentale selon lequel "l'impact direct des sanctions sur la Russie est plus important que sur l'Occident", mais "la différence entre l'impact et notre seuil de douleur est cruciale" ; le seuil de Poutine est, selon le chercheur, beaucoup plus élevé.

L'analyste allemand ne voit pas de solution facile pour sortir de la situation actuelle. Bien que l'objectif ultime de l'administration américaine soit de se débarrasser de Poutine et de le remplacer par un "dirigeant démocratique pro-occidental", cette issue semble peu probable.

9780071634786-fr-300.jpgMême une défaite militaire russe - qui n'est pas à l'horizon, malgré les vœux pieux des militants pro-Ukraine - ne déclencherait pas nécessairement une nouvelle révolution russe dans le sens de la soumission à l'Occident, et les problèmes d'approvisionnement resteraient inchangés.

Münchau pense qu'une sorte d'accord devrait être conclu avec Poutine, y compris la levée des sanctions. Sinon, le monde risque d'être divisé en deux blocs commerciaux, "l'Occident et les autres". Dans son état actuel de dégradation, l'"Occident" n'est plus un dictateur triomphant, mais risque de s'isoler du reste.

Il faut donc un regain de diplomatie et de pragmatisme en politique étrangère. Si les chaînes d'approvisionnement sont réorganisées, l'énergie et les terres rares russes continueront d'être consommées ailleurs, mais "il nous restera les hamburgers Big Mac", s'emporte Münchau.

Pour Münchau, les sanctions économiques ressemblent au "dernier hourra d'un Occident dysfonctionnel". La guerre en Ukraine lui semble être un "catalyseur de la démondialisation massive".

L'analyste doute que l'Occident soit réellement prêt à faire face aux conséquences des politiques étrangères et économiques actuelles, à savoir "une inflation continue, une baisse de la production industrielle, un ralentissement de la croissance et une hausse du chômage".

Personnellement, j'estime que l'actuel "état de désordre" est fondamentalement un problème créé par le système capitaliste et la mondialisation néolibérale. L'effondrement est ralenti par les crises afin de mettre à jour un système obsolète. Les puissances supranationales actuelles ne sont pas prêtes à abandonner les acquis qu'elles ont obtenus.

Les effets de ces politiques destructrices restent à voir. Un challenger au pouvoir occidental de l'argent émergera-t-il ? On pense que la Chine est une puissance qui va reprendre sa place au centre du monde, mais j'ai aussi quelques doutes sur ce scénario.

Même s'il y a un passage à une configuration compétitive basée sur les blocs au niveau des États dans un avenir proche, les agendas transnationaux semblent continuer à progresser. C'est au niveau international qu'un changement radical des objectifs et des actions des différentes institutions serait nécessaire, mais ce n'est certainement pas encore en vue.

jeudi, 09 juin 2022

La dimension religieuse de la guerre en Ukraine

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La dimension religieuse de la guerre en Ukraine

Par Silvia Palacios et Lorenzo Carrasco

Source: https://jornalpurosangue.com/2022/05/31/a-dimensao-religi...

Au-delà des implications militaires et géo-économiques évidentes, la guerre en Ukraineprésente un aspect plus profond, culturel et spirituel, un domaine qui a prospéré dans la reconstruction de la Russie, accompagnant sa renaissance chrétienne après la désintégration de l'Union soviétique.

Depuis le début du conflit, pour sa simple défense des valeurs chrétiennes, le patriarche de Moscou et de toute la Russie, Cyrille Ier, a été placé au centre d'une féroce campagne internationale orchestrée par les hautes sphères du pouvoir anglo-américain, notamment le Conseil œcuménique des Églises (COE), également connu sous le surnom d'"ONU des Églises", exigeant l'expulsion du chef religieux de cet organisme. Incapable de prendre des mesures positives pour arrêter la guerre, l'ONU se dirige vers l'obsolescence et on peut en dire autant du COE.

Après la chute du mur de Berlin en novembre 1988, au lieu d'accueillir et de collaborer avec un pays sortant pacifiquement du communisme, les puissances occidentales ont tenté d'ériger un autre mur, cette fois conçu pour contenir la Russie, en la traitant comme une "station-service dotée d'armes nucléaires". Du point de vue de l'hégémonisme, cela signifiait la désigner comme un simple fournisseur de matières premières, en particulier d'énergie, obligé de se plier sans condition aux règles des "valeurs occidentales" de plus en plus éloignées de leurs racines culturelles chrétiennes.

Adhérer à l'agenda LGBT, au néo-malthusianisme et à l'idéologie du genre, est devenu le passeport pour entrer dans la civilisation européenne. Mais si cette idéologie déformée est ancrée dans les sièges de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et de l'Union européenne (UE) à Bruxelles, elle ne représente pas le sentiment profond des nations du Vieux Continent et n'est pas non plus partagée par la tradition russe, qui rend des hommages très spécifiques à la patrie, à la famille et à la religion.

Ainsi, faire de la renaissance culturelle et spirituelle de la nation slave un objectif national se heurte évidemment à l'apostasie européenne, à laquelle le président Vladimir Poutine et d'autres membres de son cabinet, ainsi qu'une grande partie de l'élite pensante du pays, se sont publiquement confrontés à plusieurs reprises.

Le sentiment national qui imprègne la population russe a été exprimé par Nikolai Patrushev, secrétaire général du Conseil de sécurité nationale de Russie, dans une interview accordée au journal officiel Rossyiskaya Gazeta le 29 avril :

"(...) A cet égard, la Russie a choisi la voie de la protection intégrale de sa souveraineté, de la défense ferme des intérêts nationaux, de l'identité culturelle et spirituelle, des valeurs traditionnelles et de la mémoire historique.

"Nos valeurs spirituelles et morales nous permettent de rester nous-mêmes, d'être honnêtes avec nos ancêtres, de préserver l'individu, la société et l'État. Les Européens, par exemple, ont fait un choix différent. Ils ont adopté des valeurs dites libérales, alors qu'en réalité elles sont néo-libérales. Ils favorisent la priorité du privé sur le public, l'individualisme qui supprime l'amour de la patrie et la disparition progressive de l'État. Il est désormais évident qu'avec une telle doctrine, l'Europe et la civilisation européenne n'ont aucun avenir. Apparemment, ils répéteront les leçons qu'ils n'ont pas encore apprises."

Le phénomène historique de la négation de ces splendides racines est typique de la décadence civilisationnelle et marque la distinction entre civilisation et culture. L'Europe et les États-Unis sont riches et civilisés, mais avec des cultures décadentes, car la culture présuppose l'exercice de valeurs de transcendance, dans la compréhension que la prospérité et le progrès économique - aujourd'hui en déclin - ne sont pas les seules causes du bonheur.

Lorsque Poutine a ordonné le début des opérations militaires en Ukraine, il savait, avec les dirigeants politico-militaires et religieux russes, qu'il donnait un "coup de pied dans la table" de l'ordre hégémonique euro-atlantique, qui a converti l'Ukraine, depuis le coup d'État de 2014, en un bélier contre la sécurité territoriale russe.

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D'autre part, la plupart des dirigeants européens, qui sont les figurants dans une comédie bouffonne dirigée depuis Bruxelles et Washington, savent qu'une victoire russe en Ukraine signifierait la fin de l'utopie mondiale entretenue depuis la naissance de l'Establishment anglo-américain, lors des conférences de paix de Paris en 1919, à la fin de la Première Guerre mondiale. Sans entrer dans le sujet pour le moment, les conséquences de ces accords pour l'Europe sont connues.

Le Conseil Œcuménique des Églises (COE)

Des années plus tard, cette utopie d'un gouvernement mondial s'est concrétisée et, entre autres, en 1937, des personnalités prestigieuses du pouvoir anglo-américain ont fondé le Conseil œcuménique des Églises (COE) pour stimuler le dialogue interreligieux d'une manière si pâle qu'elle ouvre la porte à une vague interprétation d'un nécessaire œcuménisme. Parmi ses fondateurs figurent John Foster Dulles, futur secrétaire d'État américain et agent de la guerre froide, et le Britannique Philip Kerr, Lord Lothian, qui a qualifié l'État souverain d'"instance démoniaque", à l'origine de guerres et de conflits.

Depuis lors, le COE s'est consacré à la promotion et au soutien vigoureux de causes séculières compatibles avec un corps de doctrine relativiste, à la limite de l'absurde avec la postmodernité, dont les objectifs sont de déstabiliser, de subvertir et de démembrer les États nationaux souverains. En substance, leur mission consiste à consolider les structures gouvernementales du "One World" mondialiste, puisque le nationalisme est, selon eux, la principale cause des guerres. Ce n'est pas un hasard si, en Europe, le terme "nationalisme" est devenu presque synonyme de nazisme et que tous ceux qui s'opposent à ce programme "politiquement correct" sont volontiers qualifiés d'ultra-droitiers et essuient d'autres épithètes insultantes.

La vaste structure du COE lui permet d'être un contributeur précieux à la guerre culturelle menée dans le monde libéral occidental pour noyer la société dans l'hédonisme radical, la disparition de la famille naturelle, l'agenda "identitaire", le mouvement "woke", le transhumanisme et d'autres agendas créés par les oligarchies transnationales.

Inquisition contre le patriarche Cyril I

Le 7 mars, le patriarche Cyrille Ier a prononcé un sermon sans ménagement qui a eu un grand retentissement international, évoquant le fait que la charte d'admission au monde occidental libéral exige la reddition à un système de convictions aux antipodes du christianisme, dont les manifestations sont accueillies en fanfare, comme dans les manifestations du mouvement LGBT+ et autres.

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Une autre homélie de Cyrille Ier, commentée dans AsiaNews le 27 avril, illustre sa lutte contre ce qu'il décrit comme des "contre-valeurs" occidentales. Dans la cathédrale historique de l'Assomption, à l'intérieur du Kremlin, il a appelé le peuple à se rassembler autour de "la ville de Moscou, le centre de toutes les Russies" pour se défendre contre "les centres de pouvoir de l'étranger".

Selon lui, le peuple russe doit redécouvrir son unité intérieure, "car seule l'unité fait notre force, et si nous gardons la foi de nos pères dans nos cœurs, alors la Russie sera invincible". Il a ajouté que "la victoire n'est pas toujours celle des armes, mais aussi celle de l'esprit, et beaucoup aujourd'hui voudraient que cet esprit disparaisse". Il a énuméré les tactiques de l'ennemi qui "sème la confusion, crée de nouvelles idoles, attire l'attention sur de nouvelles pseudo-valeurs, pour inverser la dimension de la conscience de l'homme, de cette verticale qui l'unit à Dieu à cette horizontale, sur laquelle sont implantées toutes les exigences de la chair humaine".

Rien de plus illustratif contre le rôle joué par Cyrille Ier et l'Église orthodoxe que deux articles récents publiés par le Financial Times, porte-parole de la City de Londres, dans les éditions des 18 et 19 avril. Les titres respectifs, "L'Église orthodoxe russe donne une légitimité à la guerre de Vladimir Poutine en Ukraine" et "La 'guerre sainte' du Kremlin contre l'Ukraine", trahissent la crainte que l'exemple d'une Russie défendant les valeurs chrétiennes ne se propage à d'autres pays, dont la Hongrie de Viktor Orbán. Quelques paragraphes donnent une idée de ce sentiment : "L'idée d'une 'guerre sainte' en Europe peut sembler être un retour aux siècles passés. C'est pourtant, en substance, la manière dont l'Église orthodoxe russe et son chef, le patriarche Cyrille de Moscou, ont dépeint l'invasion russe en Ukraine. "Un tel comportement ne montre pas seulement comment l''église et l'État se sont entremêlés dans la Russie de Vladimir Poutine, mais il est également important de comprendre les motivations de la Russie moscovite. Bien qu'elle n'en fasse pas officiellement partie, l'Église orthodoxe russe est devenue un pilier de facto du régime autocratique de Poutine.

"La plupart des paroisses en Ukraine ont choisi de rester soumises au patriarche Cyrille même après 2019 [lorsqu'il y a eu une scission dans l'Église orthodoxe ukrainienne], environ 12.000 paroisses, soit environ un tiers de toutes les paroisses restent sous le contrôle de Moscou. Maintenant, de nombreux partisans del'Eglise de Moscou en Ukraine laissent le patriarche Cyrille en dehors de leurs prières.

"Des centaines de prêtres ukrainiens qui restent formellement membres de l'Église de Moscou ont demandé que le patriarche soit jugé par un tribunal ecclésiastique spéciale pour avoir béni la guerre."

Ajoutant à la vague inquisitoriale, le Financial Times déclare : "Lord Rowan Williams, l'ancien archevêque de Canterbury, après avoir visité l'Ukraine au cours de la deuxième semaine d'avril, a déclaré qu'il y a de 'solides arguments' en faveur de l'expulsion de l'Église russe du Conseil œcuménique des Églises, à moins que le patriarche Cyrille Ier ne condamne le meurtre de membres de son 'propre troupeau'.

Lord Rowan a été le chef spirituel de l'Eglise anglicane entre 2002 et 2012 et est célèbre pour ses sympathies envers les demandes du lobby LGBT au sein de l'Église d'Angleterre. Cette déviation, ainsi que d'autres, a accéléré l'effondrement de cette institution.

D'autre part, encourageant le lynchage du patriarche, le Parlement européen l'a condamné le 7 avril dans une déclaration: "Le rôle du patriarche Cyrille Ier de Moscou, chef de l'Église orthodoxe russe, est condamné pour avoir fourni une justification théologique à la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine ; et loue le courage des 300 prêtres de l'Église orthodoxe russe qui ont signé une lettre condamnant l'agression".

Dans la même veine, aux Etats-Unis, tous les réseaux du COE dans les fondations, les églises et les universités, sont mobilisés pour sanctionner le patriarche. Par exemple, l'Institut Dietrich Bonhoeffer de Washington a alerté ses affiliés, appelant à faire pression pour que, lors de la prochaine assemblée du COE en septembre, l'adhésion de l'Église orthodoxe russe soit annulée ou du moins suspendue indéfiniment, "parce que Cyrille Ier persiste à justifier l'agression de Poutine en qualifiant l'invasion de croisade religieuse".

Le rejet du processus de Bologne et les convulsions idéologiques de l'élite

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Le rejet du processus de Bologne et les convulsions idéologiques de l'élite

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/rejection-bologna-process-and-ideological-convulsions-elite?fbclid=IwAR3e0i0ctc2K_xnV04MyAx2pbVwdyoUSAjQxy83p61YhJbOFtdOayDtS2zM

Parlons du rejet du processus de Bologne [NDLR : Il s'agit du processus de réforme du système d'enseignement supérieur au niveau international, qui a débuté en 1999 à l'Université de Bologne, dont il tire son nom. Cet accord a permis la mise en place d'un système presque unifié de reconnaissance et d'équivalence des qualifications académiques. De nombreux États européens adhèrent au processus, mais depuis trois ans, on assiste à un abandon progressif de la convention]. Le point central est une question de principe. L'introduction du système de Bologne faisait partie d'un projet global : la pleine intégration de la Russie dans le monde global, ce qui signifie l'adoption sans restrictions de toutes les normes et règles de l'Occident. Il ne s'agissait pas seulement d'éducation, mais de la principale stratégie du gouvernement russe depuis 1991. L'adaptation de tous les niveaux de vie - éducation, économie, culture, science, politique, technologie, mode, art, éducation, sports, médias - aux normes de l'Occident moderne était le principal objectif de toutes les réformes. Cela s'appliquait à tout et constituait l'objectif principal des autorités, tant sous Eltsine que sous Poutine. La mise en œuvre du système de Bologne est un élément mineur de cette stratégie globale.

Bien sûr, il y a une différence entre les années 1990 et les années 2000. Sous Eltsine, l'acceptation totale des normes et modèles occidentaux s'accompagnait d'une intégration dans le monde global et d'une volonté de tout sacrifier pour elle, y compris la souveraineté et l'indépendance. La standardisation est donc allée de pair avec la dé-souverainisation.

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Sous Poutine, la souveraineté a été proclamée comme la valeur la plus élevée, mais l'occidentalisation et la standardisation se sont poursuivies. Apparemment, suivant l'exemple de Pierre le Grand, Poutine a décidé d'utiliser la technologie occidentale pour renforcer le pays et, à un moment donné, en s'appuyant sur ces normes empruntées, de frapper un grand coup. Pierre lui-même a ouvert une fenêtre sur l'Europe pour les canons russes. Dans le même temps, Pierre brisait également la tradition russe, alors que Poutine a hérité d'une société dans laquelle la tradition était déjà brisée.

Si l'on accepte l'hypothèse selon laquelle Poutine poursuivait une stratégie consistant à copier le système occidental dans le but de renforcer la souveraineté russe, et il n'y a pas d'autre hypothèse intelligible, alors avec le début de l'OMU est venu le moment de vérité: il était temps de contre-attaquer, l'Occident, qui s'était entêté à essayer de nous arracher l'Ukraine en trompant et en hypnotisant la population naïve de la Petite Russie, était touché. Là encore, il y a un parallèle avec Pierre: celui qu'évoque la bataille de Poltava, modèle que la Russie actuelle s'entête à poursuivre depuis février 2022. Tout s'emboîte.

Cependant, il y a une différence entre le 18ème siècle et le 21ème siècle : la technologie occidentale moderne est inextricablement liée à l'idéologie, la technologie elle-même porte un code clair de globalisme et de libéralisme. Ni les biens ni les objets ne sont idéologiquement neutres, et encore moins les méthodes d'enseignement et les disciplines universitaires, que la Russie actuelle a servilement copiées au cours des 30 dernières années. Au début, c'était un signe de défaite, puis un "plan astucieux" pour se concentrer et se préparer à une attaque en représailles. Maintenant, que faire de ces éléments, technologies et institutions que la Russie a copiés de l'Occident ? Pas seulement le système éducatif, mais tout le reste : les technologies de l'information, les institutions financières, les codes culturels, les mécanismes du marché, la mondialisation de la main-d'œuvre et de l'approvisionnement en énergie, et même la démocratie elle-même, le parlementarisme, les élections, les droits de l'homme, bref, tout...

Après 30 ans de domination de cette stratégie particulière, la Russie n'a rien, ou presque rien, qui lui soit propre. Le système de Bologne n'est qu'un syndrome. Dans ce problème, comme dans un miroir, on peut voir tout le reste.

Alors que faire des normes occidentales dans une situation où l'Occident nous a jetés et où nous devons lui donner une réponse civile globale ?

C'est généralement le principal problème aujourd'hui. Il est devenu si aigu avec le début de l'opération militaire spéciale et, à son tour, notre propre victoire en dépend directement. Après tout, même les relations avec Kiev, malgré toute sa folie depuis Maidan 2014, nous renvoient à ce dilemme.

Moscou insiste : soyez avec nous.

Kiev demande : où allez-vous, car nous pouvons décider d'être avec vous ou de ne pas être avec vous ?

Moscou répond : nous allons vers l'Occident, vers le monde global, et c'est pourquoi nous standardisons tout. Nous avons également introduit le système de Bologne.

Kiev proteste : si vous allez vers l'Ouest, nous y allons aussi, nous sommes plus proches, et maintenant nous aurons, nous aussi, le système de Bologne.

Moscou commence à s'énerver : nous allons vous faire du mal !

Kiev n'abandonne pas et parle de lard, de "héros", de voyages sans visa et... de Bandera.

Nous le savons tous.

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Mais il s'agit de répondre à la question raisonnable de Kiev : où allez-vous ? Si la Russie va à l'Ouest, toutes les autres nations fraternelles sont parfaitement capables de le faire par elles-mêmes, sans elle. Il est assez facile de traduire des manuels et des guides occidentaux de l'anglais ou du chinois en ukrainien, en kazakh, en tadjik et même en tchétchène ou en tatar. Le russe comme intermédiaire n'est pas du tout nécessaire.

C'est pourquoi sous Eltsine, tout le monde nous fuyait, mais c'est aussi pourquoi ils ne se précipitent pas vers nous sous Poutine, car tant que nous sommes encore dans le paradigme occidental, tout le monde veut aussi aller à l'Ouest.

Aujourd'hui, ce slogan s'est effondré. Il s'avère que nous n'irons pas nous-mêmes, et l'Occident non seulement ne nous attend pas, mais il nous déteste avec férocité - d'où la vague frénétique de russophobie, inaugurée par l'Opération militaire spéciale.  Mais pendant 30 ans, nous avons marché et dit que nous marchions, à nous-mêmes et aux autres, dans la direction de l'Occident. Maintenant, la direction est devenue claire et les responsables de l'OMS s'empressent de se montrer comme des patriotes radicaux. À bas le système de Bologne. Mais tout cela ne semble-t-il pas trop facile ?

Tout d'abord, nous pouvons et devons supprimer le système de Bologne (nous, les patriotes, nous battons pour cela depuis longtemps), mais revenir simplement au modèle soviétique n'est pas du tout une solution, c'est même impossible et inutile. Nous avons besoin d'une idéologie claire de l'éducation qui correspond à la Russie en tant que civilisation, et en tant que civilisation qui a défié l'Occident. Qui, parmi les fonctionnaires du ministère de l'éducation, peut réfléchir ne serait-ce qu'un instant à des questions aussi graves ? On ne trouve pas de telles personnes dans la nature.

Deuxièmement, le système de Bologne concerne la forme de l'éducation, mais n'affecte en rien le contenu. Revenir aux normes spécialisées et soviétiques et maintenir le contenu libéral des humanités de base est absolument absurde. Le système de Bologne a été conçu pour synchroniser le libéralisme et le mondialisme inhérent au contenu de l'éducation avec les formes d'apprentissage et d'évaluation généralement acceptées en Occident. L'éducation est le principal instrument de pouvoir sur les esprits. Ce n'est pas une coïncidence si, au cours des 30 dernières années, les libéraux ont formé une armée d'éducateurs comme agents d'influence libérale. Toutes les institutions éducatives russes, principalement les universités, en sont remplies. Dirigés par les services spéciaux occidentaux et soutenus activement par des fondations qui leur sont associées, comme dans le cas de Soros, mais pas seulement, ils ont accordé la plus grande attention au contenu, c'est-à-dire aux paradigmes idéologiques. Et ce n'est pas une question pour les bureaucrates. Ni, je le crains, aux Tchécoslovaques, car quelle a été leur éducation ? D'un genre particulier ? Oui, le patriotisme était mis en avant, mais qui s'est occupé du contenu idéologique ? Une fois encore, le retour aux anciens cadres soviétiques n'est pas une option. Ces personnes sont souvent respectables, mais elles ne comprennent que partiellement le nouveau monde, même si le vecteur éthique a été préservé. Cela, hélas, ne suffit pas.

Troisièmement, même si nous supposons que les autorités réalisent la gravité du problème de l'éducation souveraine, autrefois à la merci des agents libéraux, et qu'elles s'en préoccupent réellement, le problème ne peut être résolu sans transformations similaires dans d'autres domaines. Comment est-il possible de dé-libéraliser l'éducation et de maintenir en même temps les normes libérales occidentales dans tous les autres domaines de la vie ? Le marché, le capitalisme, la numérisation, l'intelligence artificielle, la croyance non critique dans le progrès scientifique et technologique, la robotisation, finalement la démocratie, le parlementarisme, la société civile et les droits de l'homme sont tous des copies des normes libérales occidentales et sont si profondément ancrés dans la société que la simple pensée de devoir les éradiquer horrifierait toute personne au pouvoir, et certainement pas le peuple (qui comprend tout plus clairement et plus simplement).

Cela conduit inévitablement à des convulsions idéologiques. Continuer à copier l'Occident et ses normes, standards et règles n'est plus possible. Nous avons été déconnectés de la mise à niveau et, de plus, les failles et les correctifs intégrés à la technologie ont déjà été activés pour s'autodétruire et effacer les données. Nous nous sommes fiés à cette technologie et avons été légitimement déçus. Alors nous nous sommes précipités désespérément vers la substitution d'importations, sous prétexte de construire pour nous un Occident moderne, égalitaire mais sans les LGBT+, voire avec eux mais dans une version " patriotique ", fidèle au gouvernement.

Rejetons ce satané système de Bologne occidental et mettons en place notre propre "système de Bologne russe", et ainsi de suite pour tout. C'est une solution très intelligente. Bien sûr, il y a une issue, mais le gouvernement doit d'abord s'assurer que ce qu'il propose aujourd'hui n'est pas du tout une escroquerie. Si nous ne commençons pas à penser souverainement, il s'agira de traduire le mode d'emploi d'un aspirateur en vieux slavon ou d'y attacher une cravate rouge.

Je me suis convaincu qu'il est totalement inutile et même pervers de donner des conseils à des personnes qui n'en ont pas besoin et qui, de plus, sont convaincues de tout savoir elles-mêmes. Nous devons donc nous préparer à un jeu de miroirs : rejet du système de Bologne, rejet du système de Bologne, rejet du système de Bologne, rejet du système de Bologne, et ainsi de suite jusqu'à la période suivante, pour toutes les autres substitutions d'importation. Lorsque ce cycle sera terminé, nous parlerons alors sérieusement des réformes de l'éducation. Et pas avec n'importe qui.

mercredi, 08 juin 2022

L'Inde est en passe de devenir une puissance géo-économique avec laquelle il faudra compter en Eurasie

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L'Inde est en passe de devenir une puissance géo-économique avec laquelle il faudra compter en Eurasie

Andrew Korybko

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestrategia/37949-2022-06-07-15-00-03

L'un des résultats les plus inattendus de l'opération militaire russe en cours en Ukraine a été la montée en force de l'Inde en tant que grande puissance eurasienne. Delhi est intervenue de manière décisive pour devenir la soupape irremplaçable de Moscou face à la pression occidentale, ce qui a permis d'éviter de manière préventive une dépendance potentiellement disproportionnée du Kremlin vis-à-vis de Pékin dans ces nouvelles conditions difficiles et a ainsi renforcé mutuellement l'autonomie stratégique complémentaire de la Russie et de l'Inde.

Il s'agit d'un développement qui a changé la donne et qui a considérablement modifié le cours de la nouvelle guerre froide à ses débuts, influençant grandement la trajectoire stratégique de tous les acteurs clés à l'avenir.

Les doutes concernant les allégeances géopolitiques de l'Inde ont été dissipés une fois pour toutes: cet État-civilisation place ses propres intérêts au premier plan selon le ministre des Affaires étrangères Jaishankar, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'il promeut ses intérêts au détriment des autres. L'Inde aspire plutôt à maintenir une équidistance entre l'ordre mondial unipolaire libéral-mondialiste (ULG/Unipolar-Liberal-Globalist) représenté par l'Occident dirigé par les États-Unis et l'ordre mondial multipolaire conservateur-souverainiste (MCS/Multipolar-Conservative-Souverainist) dirigé conjointement par la Russie et la Chine. Le premier partage les intérêts de l'Inde dans la "gestion" de la montée en puissance de la Chine, tandis que le second s'aligne sur la détermination de Delhi à réformer progressivement les relations internationales pour les rendre plus équitables, plus justes et plus stables.

Rien n'a changé en ce qui concerne les liens de l'Inde avec les ULG, puisqu'elle participe toujours au Quad, mais ce qui est nettement différent ces derniers mois, c'est le rôle qu'elle joue dans les efforts du MSC pour intégrer le cœur de l'Eurasie. Le corridor de transport Nord-Sud (NSTC) entre l'Iran et la Russie (où l'Azerbaïdjan représente la route terrestre continue entre eux, tandis que la mer Caspienne est la route maritime alternative) est devenu le seul corridor logistique viable pour l'économie mondiale selon le ministre des transports de ce pays à la fin du mois dernier. Ce fait géo-économique confère à l'Inde, ancrage méridional du NSTC, une importance sans précédent pour la Russie et donc pour le reste de l'Eurasie.

En outre, son partenaire iranien commun est également devenu la porte d'entrée de l'Inde en Afghanistan et en Asie centrale. Dans le premier cas, l'État-Civilisation d'Asie du Sud a récemment envoyé ses diplomates tenir sa première réunion officielle avec les Talibans depuis le retour au pouvoir de ce groupe en août, tandis que dans le second cas, l'Inde tombe de plus en plus sous la coupe économique de ses rivaux chinois. La Russie espère que l'accès à l'Afghanistan facilité par l'Iran pour l'Inde servira de tremplin à Delhi pour équilibrer géo-économiquement Pékin dans cette région plus vaste afin de permettre à Moscou d'y maintenir son influence traditionnelle, d'autant plus que le potentiel de projets communs est passionnant.

Si le lecteur jette un rapide coup d'œil à la carte, il constatera que ces deux couloirs de transit géo-économiques iraniens couvrent une grande partie du cœur de l'Eurasie, ce qui témoigne de l'influence croissante de l'Inde au sein du supercontinent. Cela ne serait pas possible si l'Iran ne coopérait pas étroitement avec l'Inde à cette fin, avec la bénédiction de la Russie. Ces trois grandes puissances réalisent à quel point elles ont besoin les unes des autres en ce moment crucial de la transition systémique mondiale vers la multipolarité. Les relations internationales se trouvent actuellement dans ce que l'on peut décrire comme une phase intermédiaire bi-multipolaire caractérisée par les superpuissances américaine et chinoise exerçant la plus grande influence sur le système mondial.

La Russie, l'Inde et l'Iran ne veulent pas devenir les "partenaires juniors" de l'un ou l'autre de ces deux pays, mais cherchent à créer ensemble un troisième pôle d'influence au sein de cet ordre en évolution, d'où leur étroite coopération depuis le début de l'opération spéciale de Moscou et depuis les sanctions occidentales sans précédent prises par les États-Unis en réponse. La cheville ouvrière de ce paradigme est l'Iran, sans lequel les ambitions de ses partenaires proches, grandes puissances beaucoup plus influentes, seraient impossibles à réaliser. C'est pourquoi il est si important de prêter attention au voyage du ministre des Affaires étrangères Abdollahian en Inde la semaine prochaine, au cours duquel il devrait discuter des détails de sa stratégie géo-économique trilatérale visant à intégrer le cœur de l'Eurasie.

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Le public n'est peut-être pas au courant de tous les résultats de sa visite, mais personne ne devrait douter qu'il s'agira de l'un des engagements diplomatiques les plus importants pris entre l'Iran et l'Inde depuis des années, compte tenu du contexte mondial dans lequel il se déroule. Il ne s'agit pas de minimiser l'importance de la Chine et de la Turquie dans l'intégration du cœur de l'Eurasie par le biais du Corridor du Milieu, mais seulement de souligner que la République populaire n'est plus seule aux commandes. L'initiative "Belt & Road" (BRI) de Pékin restera toujours l'un des véhicules les plus puissants de la multipolarité, mais elle n'est désormais plus la seule, car le NSTC et son corridor complémentaire de Chabahar transforment également l'Inde en une puissance eurasienne majeure.

C'est cette tendance, plus que toute autre chose qui s'est développée depuis que la nouvelle guerre froide s'est réchauffée de façon spectaculaire après le début de l'opération spéciale de la Russie, qui constitue l'un des développements les plus inattendus de ces derniers mois. Il est difficile de surestimer l'importance de ce phénomène, car il se produit au début d'une nouvelle phase de la transition systémique mondiale, ce qui signifie que son impact est bien plus important que si tout cela se produisait progressivement. Peu de gens ont encore reconnu le rôle que l'Inde est sur le point de jouer dans l'intégration du cœur de l'Eurasie, mais plus tôt ils le feront, plus tôt ils pourront contribuer à aider le monde à mieux comprendre cette tendance fondamentale.

Division parmi les élites du Japon

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Division parmi les élites du Japon

Elena Panina

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/politica/37934-2022-06-06-16-02-44

Récemment, l'ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe a fait une déclaration intéressante, évoquant la raison de l'opération spéciale russe en Ukraine et la justifiant par le refus de Zelensky de garantir la neutralité de Kiev et la non adhésion du pays à un bloc quelconque.

Shinzo Abe est l'un des hommes politiques les plus influents et les plus respectés du Japon. Pendant dix ans (de 2006 à 2007 et de 2012 à 2020), il a occupé le poste de premier ministre. De nombreuses réalisations sont associées à ses activités, principalement dans le domaine économique. C'est grâce aux politiques d'Abe que les Japonais ont pu surmonter le "choc de Fukushima", se relever après l'accident de la centrale nucléaire en 2011, qui a remis en question le succès du Japon d'après-guerre en matière de développement technologique, le statut de "superpuissance technologique" du Pays du Soleil Levant.

Jusqu'à la fin des années 2020, alors qu'Abe était au pouvoir, Tokyo avait également une position indépendante en matière de politique étrangère. Restant généralement fidèle à ses relations alliées avec les États-Unis, le Japon a agi dans son propre intérêt national.

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Toutefois, ces derniers mois, depuis que Fumio Kishida (photo) a pris le poste de premier ministre, la situation a radicalement changé. En peu de temps, le Japon est en fait devenu "garçon de courses", non seulement en suivant tous les ordres des États-Unis, mais aussi en essayant, comme on dit, d'être "en avance", de prendre une place à l'avant-garde du chœur anti-russe.

Les relations russo-japonaises, qui avaient été consolidées par Abe et ses prédécesseurs, Kishida a pu littéralement les réduire à néant en quelques semaines. La rhétorique de Kishida parle d'elle-même, appelant, par exemple, à "aider le monde à réaliser la dé-russification énergétique".

De telles déclarations sont courantes de la part des représentants de la Lituanie, de la Lettonie ou de tout autre nain politique agressif qui se retrouve dans un contexte de confrontation et décide de s'agiter dans l'intérêt de Washington. Pour le dirigeant japonais, cependant, un tel ton est tout à fait ridicule, induit une forte baisse du statut du Japon, le relègue à la position de vassal américain de second rang.

Tout cela a été pleinement ressenti lors du récent sommet QUAD à Tokyo, où l'événement principal était les négociations entre les États-Unis et l'Inde, et où le Japon s'est vu attribuer le rôle d'un satellite américain, avec lequel tout avait déjà été décidé depuis longtemps.

La question se pose raisonnablement : pourquoi, dans quel but, Kishida fait-il tout cela ? Le problème est que le Premier ministre japonais est convaincu que les partenaires américains remercieront généreusement Tokyo pour sa position anti-russe. Par exemple, ils lui donneront l'occasion de rester sur les marchés américains dans ses créneaux traditionnels (l'électronique, y compris la microélectronique, l'automobile), l'aideront à concurrencer les fabricants chinois, qui ont récemment houspillé de plus en plus les produits japonais.

Le problème du Japon est que Kishida est un fonctionnaire politique typique qui, au fil des années de sa carrière, s'est occupé de tout sauf d'économie. Toute son "expérience économique" s'épuise dans les années lointaines de sa jeunesse, lorsque le futur premier ministre a travaillé pendant plusieurs années comme employé de banque.

En fait, Kishida ne comprend pas les processus mondiaux et sa pensée économique est extrêmement primitive. Pour cette raison, Kishida ne comprend probablement pas que les États-Unis eux-mêmes connaissent aujourd'hui de graves problèmes économiques et que, par conséquent, tous les créneaux qui l'intéressent, même si la Chine les abandonne, seront occupés exclusivement et uniquement par des entreprises américaines. Aucune autre option n'est envisagée.

Au nom d'imaginaires gains futurs, parfaitement illusoires, Kishida prend des mesures qui aggravent encore davantage la situation de l'économie japonaise. La rupture totale des liens économiques avec la Russie, à laquelle conduit l'affaire Kishida, est porteuse d'énormes problèmes pour l'économie japonaise.

Des industries entières sont déjà menacées d'effondrement. Par exemple, la pêche qui, si la zone économique russe est fermée aux navires japonais, ne pourra plus approvisionner le pays en poissons et fruits de mer, privant ainsi les Japonais de leur alimentation habituelle, portera un coup sévère au mode de vie japonais. Au total, selon des études récentes, plus de 15.000 entreprises japonaises ont déjà subi les conséquences des sanctions anti-russes.

Et l'idée de Kishida de refuser de participer au projet Sakhaline-2 et au GNL des champs de Sakhaline sera un coup dur pour les plus grandes sociétés japonaises, Mitsui et Mitsubishi, des entreprises publiques qui participent depuis longtemps au projet. Et d'ailleurs, les géants chinois de l'énergie font déjà la queue pour acheter des parts d'entreprises japonaises dans Sakhalin Energy. En outre, les actions des entreprises japonaises peuvent être vendues avec une très forte décote. Nous parlons de pertes de plusieurs milliards de dollars.

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A propos, il est bon de rappeler que l'histoire de ce projet a commencé en 1994. Les propriétaires de Sakhalin LNG sont alors devenus l'anglo-néerlandais Shell (55%) et les japonais Mitsui (25%) et Mitsubishi (20%). En d'autres termes, ces dépôts sont détenus à 100% par des sociétés étrangères.

Cependant, en 2007, la situation a changé. Les dirigeants du pays ont liquidé les accords de partage de la production et ont proposé de vendre la moitié des actions de la société russe Gazprom. Dans le même temps, Sakhalin Energy s'est vu infliger une amende de 30 milliards de dollars pour des dommages environnementaux.

C'est ainsi qu'a commencé la décolonisation du sous-sol russe, grâce à laquelle la majorité des parts de Sakhalin Energy appartient aujourd'hui à Gazprom (50% des parts plus une action), Shell a 27,5% des parts moins une action, Mitsui et Mitsubishi ont respectivement 12,5% et 10% des parts. Et maintenant, la Russie a la possibilité de remplacer sans douleur un participant au projet par un autre sans nuire au processus.

En particulier, Shell est contraint, sous la pression politique des autorités britanniques, de vendre sa participation à des entreprises chinoises en acceptant une perte énorme. Et si les dirigeants japonais ne changent pas de position, le même sort sera réservé à Mitsui et Mitsubishi. Dans une large mesure, c'est ce qui a motivé la déclaration d'Abe.

Il faut dire que la position de Kishida avait été soigneusement remise en question auparavant par le ministre des Finances, Koichi Hagiuda, qui avait clairement indiqué qu'il serait difficile de mettre en œuvre les idées du premier ministre concernant les sanctions économiques contre la Russie. Et, en principe, la culture politique japonaise repose sur le fait que tout désaccord au sein du parti au pouvoir, le LDP, est résolu en coulisses et n'est pas rendu public.

Aujourd'hui, cependant, une partie importante des hommes d'affaires et des politiciens japonais comprend que la confrontation avec Moscou est allée trop loin à cause des positions bancales de Kishida, que les choses ont pris une tournure trop dangereuse pour le Japon. Et dans ce contexte, les déclarations de Shinzo Abe ne représentent pas seulement son opinion personnelle, mais aussi la position d'une partie importante de l'establishment japonais.

Cela témoigne d'une division évidente au sein des élites dirigeantes japonaises sur la question des relations avec la Russie, qui sont vitales pour Tokyo. Et il y a des raisons de croire qu'avec le temps, cette division ne fera que s'accentuer.

*directeur de l'Institut RUSSTRAT