Bastien Valorgues : En ce 6 août 2015, le site Europe Maxima dont tu es l’un des fondateurs et le rédacteur en chef, fête ses dix ans d’existence. Peux-tu revenir sur les raisons de sa création ?
Georges Feltin-Tracol : Le lancement du site Europe Maxima, le 6 août 2005, est la conséquence directe de l’arrêt définitif, six mois plus tôt, de la revue L’Esprit européen animée par Jacques Marlaud et moi-même sous les pseudonymes respectifs d’Yves Argoaz et de Maximilien Malirois.
Après avoir animé l’antenne locale du « Collectif Non à la Guerre », collé des autocollants du C.N.G. sur les affiches électorales régimistes et manifesté à Lyon contre les bombardements de l’ignoble O.T.A.N. sur Belgrade en 1999 et Jacques Marlaud eut l’idée de relancer notre idée charnelle européenne qui est d’ailleurs la seule qui vaille. Au départ, son intention, très ambitieuse, visait à créer une fondation, nommée « Fondation Europe ». Mais, renseignements pris, la somme d’argent exigée et la complexité des démarches firent nous rabattre sur une association loi 1901, « Refondation Europe », éditrice de L’Esprit européen.
Le premier numéro sortit en hiver 1999 – 2000. D’abord trimestriel, il fut vite contraint de prendre un rythme semestriel du fait des coûts toujours plus élevés de l’impression et, surtout, des envois postaux. Cahin-caha et sans aucune aide officielle, L’Esprit européen dura cinq ans, réalisa treize numéros et publia de nombreux entretiens avec le Prix Nobel d’économie Maurice Allais, les princes Charles-Edmond de Bourbon et Charles Napoléon, l’agro-écologiste Pierre Rabhi, le régionaliste normand Didier Patte, l’écologiste indépendant Antoine Waechter, le corporatiste social-catholique Benjamin Guillemaind, les écrivains Gabriel Matzneff et Jean-Claude Albert-Weil…
C’est avec regret qu’on décida d’arrêter la parution de L’Esprit européen au treizième numéro consacré à l’Europe et aux Napoléon. Outre la lassitude, le nombre d’abonnés stagnait tandis que les hausses postales devenaient insupportables. Les abonnés furent toutefois surpris d’être remboursés pour les numéros qu’ils auraient dû recevoir. Fait rare à souligner !
La fin de L’Esprit européen ne brisait cependant pas la volonté de Jacques Marlaud, celle de Rodolphe Badinand et la mienne de promouvoir un point de vue euro-réfractaire au consensus ambiant. Un parent, spécialisé dans la conception de sites, m’évoqua Internet, sa souplesse d’utilisation et son prix modique. Rodolphe Badinand et moi-même acceptèrent de lancer le projet baptisé Europe Maxima (et non Europæ Maxima, faute latine voulue) afin de se distinguer de la défunte revue, L’Esprit européen, dont la version internautique conduite par Jacques Marlaud lui-même allait bientôt paraître.
Bien que méfiant, voire réticent envers le Web (je fus longtemps hostile à l’ordinateur et à la connexion Internet et je ne me soumets ni à Facebook, ni à Twitter, ni à d’autres « réseaux sociaux »), je dois admettre qu’Internet facilite la large diffusion des pensées hétérodoxes.
B.V. : Une décennie plus tard, le site connaît-il un succès franc et massif ?
G.F.-T. : Europe Maxima a connu trois physionomies successives. L’actuelle remonte à septembre 2009. On constate que cette année-là, le site reçut reçoit 4 001 visiteurs différents (sur les quatre derniers mois), puis en 2010, 26 77, en 2011, 26 555, en 2012, 30 674, en 2013, 41 905, en 2014, 38 140, et en 2015, à la date de la présente mise en ligne, 23 241. Le succès n’est ni franc ni massif : c’est surtout un succès d’estime.
Il faut néanmoins remarquer que depuis 2005, diverses contributions parues sur Europe Maxima ont été reprises par des sites amis tels Polémia, Vox N.-R., Euro-Synergies, Au cœur du nationalisme, Alternative Europe, Novopress, L’info nationaliste, etc., ainsi que par des blogues personnels (Yann Redekker, Jean-Marie Lebraud, etc.). Ces reprises, possibles et souhaitables du fait du caractère viral d’Internet, ont accru la réputation d’Europe Maxima même si le quidam l’ignore complètement.
Et n’oublions pas nos détracteurs ! Quelques années après son apparition, Europe Maxima fut cité en heureuse compagnie par les habituelles ligues de petite vertu. Ainsi, en novembre 2009, le M.R.A.P. sortit son rapport sur Internet, enjeu de la lutte contre le racisme. Rapport annuel, dans lequel notre site préféré était ainsi décrit : « Se veut d’un haut niveau intellectuel, parfois néo-païen, plutôt pro-israélien, admire Éric Zemmour, atypique par rapport à d’autres sites identitaires ». Plus loin, le rapport le range dans la « droite extrême ». Le 27 janvier 2012, le blogue du Monde, « Droite(s) Extrêmes(s) », mentionnait Europe Maxima et Francis Cousin parce que ce dernier fût cité par Marine Le Pen dans son Pour que vive la France. La gloire ! La réclame gratuite est toujours bonne à prendre.
Je tiens à revenir sur certains commentaires précédents. Néo-païen ? Oui, mais pas seulement ! Pro-israélien ? En 2009, une polémique opposa deux rédacteurs : André Waroch, plutôt favorable à cet État, et Claude Bourrinet, pro-palestinien. Mais Europe Maxima ne peut se résumer à ces deux personnalités. Sur ce sujet bien précis et à titre personnel, je récuse à la fois la cohabitation territoriale (l’imbrication même !) de deux États israélien et palestinien et un État unique binational. Je soutiens au contraire un ensemble étatique grand-syrien envisagé par le Libanais Antoun Saadé (1904 – 1949) et son Parti social nationaliste syrien.
B.V. : Longtemps, j’attendais chaque dimanche soir avec impatience la lettre informant la mise en ligne de deux nouveaux articles. Or, depuis février 2013, plus rien ! Pourquoi ?
G.F.-T. : Les premiers temps, les mises en ligne furent aléatoires et assez chaotiques. Mais, très vite, notre secrétaire de rédaction, Rodolphe Badinand, conscient qu’Europe Maxima se devait d’être un site de réflexions et d’analyses et non pas un diffuseur d’informations en flot continu comme le sont Fdesouche ou Le Salon beige. Après les tâtonnements initiaux, il fut décidé de mettre en ligne une fois par semaine (le dimanche, jour de repos) deux articles, plus ou moins longs.
Afin d’élargir l’audience d’Europe Maxima et aidés par des amis qui nous fournirent les premières adresses électroniques de personnes susceptibles d’être intéressées par le contenu, Badinand réalisa la fameuse lettre hebdomadaire qui fonctionna jusqu’au début de l’année 2013. Là, le nombre de retour en courriers indésirables (ou spams) devint considérable. Agacée par ces rejets, l’équipe arrêta le courriel hebdomadaire, pariant que les lecteurs intéressés auront mis Europe Maxima dans leurs favoris. N’étant pas un site marchand, refusant toute publicité et défendant la gratuité, Europe Maxima peut se permettre cette liberté qui n’a pas de prix.
B.V. : Quand on parcourt l’ensemble du site Europe Maxima, ses douze rubriques, quarante-trois sous-rubriques et leurs quelque huit cents articles, on reste surpris par la grande diversité des points de vue exposés et des sujets traités. Est-ce voulu ?
G.F.-T. : Oui ! Je soutiens l’éclectisme des références intellectuelles. Ce n’est pas sans raison que le site se place sous une citation de Dominique de Roux. Quand on consulte les deux textes fondateurs du site, ses manifestes « Pour l’Europe ! » et « Refonder l’Europe avec un esprit européen », on y relève l’apport intellectuel dela Révolution conservatrice allemande, des non-conformistes français des années 1930 (en particulier la Jeune Droite et le groupe L’Ordre nouveau), de l’Internationale situationniste, de la « Nouvelle Droite », de la Tradition pérenne (René Guénon, Julius Evola, Alain Daniélou), de l’écologie radicale, de l’ergonisme de Jacob Sher et des diverses « troisièmes voies » solidaristes et subsidiaristes. Cette variété se retrouve dans les thèmes abordés quand bien même on écarte un peu les sujets scientifiques. La diversité correspond aux contributeurs dont le parcours et l’engagement différent : quoi de commun en effet entre le traditionaliste radical païen Rodolphe Badinand, le traditionaliste évolo-guénonien Daniel Cologne, l’identitaire « de gauche » André Waroch, l’inter-collectif informel post-situationniste Gustave Lefrançais, le fin lettré classique Claude Bourrinet, le républicain grand-européen Pierre Le Vigan, l’euro-libéral néo-protectionniste Jacques Georges ou le Grand Européen dissident Tomislav Sunic, sinon la participation à un même site ? Les débats y sont parfois vifs, mais toujours souhaitables et indispensables. Aborder un problème sous des angles singuliers constitue notre marque de fabrique.
B.V. : Est-ce aussi une volonté de ta part de présenter autant de liens avec d’autres sites dont certains sont parfois rivaux avec d’autres ?
G.F.-T. : La discussion, la polémique, la disputatio – fut-ce par écran et clavier interposés – font partie de cet esprit européen qu’Europe Maxima entend promouvoir depuis une décennie. Certes, il ne s’agit pas de débattre avec nos ennemis : les discussions concernent principalement nos « milieux » qui manquent singulièrement de tonicité intellectuelle ! Europe Maxima leur donne volontiers du tonus ! C’est une école de formation permanente en ligne. Prenons toutefois garde de ne pas devenir des « Soldats 2.0 » ou des « geeks nationalistes », vecteurs plus ou moins conscients du nombrilisme et du truisme.
B.V. : Jusqu’en 2011, quelques rédacteurs du site étaient qualifiés de « Uhlans ». Pourquoi ?
G.F.-T. : Sous ce terme de « Uhlans », je désignais de façon humoristique les premiers rédacteurs d’Europe Maxima : André Waroch, Daniel Cologne, Jacques Georges, Claude Bourrinet, Tomislav Sunic. Ces amis acceptèrent rapidement que le site reprenne leurs textes parus ailleurs avant qu’ils en offrent des inédits. Pourquoi « Uhlans » ? Ce sont des clins d’œil aux fameux « Hussards » qui ne formèrent jamais un groupe littéraire homogène, et aux « chevau-légers », les députés légitimistes de l’Assemblée nationale au début de la IIIe République.
Les « Uhlans » chargeaient avec leurs lances. Leurs successeurs numériques, aux premiers temps d’Europe Maxima, contre le politiquement correct au risque parfois de s’affronter en duel… Leur qualificatif s’est estompé avec l’arrêt de la lettre dominicale. Cependant, la sensibilité uhlan perdure !
B.V. : L’existence d’Europe Maxima a-t-elle eu des retombées, positives ou négatives, pour ses contributeurs réguliers ? Pour être plus clair, le site a-t-il favorisé leurs démarches auprès des éditeurs ?
G.F.-T. : J’étais plus que sceptique devant les avantages supposés d’Internet. Je dois reconnaître mon erreur. L’existence d’Europe Maxima a vraiment facilité les contacts auprès des éditeurs amis. Le premier à en bénéficier fut Rodolphe Badinand qui publia, en 2008, chez Alexipharmaque d’Arnaud Bordes, son célébrissime Requiem pour la Contre-Révolution et autres essais impérieux. Sans la moindre publicité – Rodolphe refuse toute intervention médiatique, y compris radiophonique ! -, cet ouvrage remarquable dont je fus le premier lecteur et le premier metteur en page, est aujourd’hui épuisé et seulement disponible en format numérique.
Fort de cette bonne expérience, Rodolphe m’incita vivement à publier un premier ouvrage. En 2009, grâce aux bons soins des Éditions d’Héligoland de Gilles Arnaud parurent donc Orientations rebelles. S’enchaînèrent ensuite L’Esprit européen entre mémoires locales et volonté continentale (2011), Réflexions à l’Est (2012), Bardèche et l’Europe (2013), En liberté surveillée et Thierry Maulnier. Un itinéraire singulier (2014). Parallèlement, divers éditeurs me sollicitèrent pour participer à des recueils collectifs. En 2009, à l’initiative de Jacques Marlaud et de Pierre Le Vigan sortit La patrie, l’Europe et le monde. Éléments pour un débat sur l’identité des Européens chez Dualpha de Philippe Randa. Quatre années après la fin de L’Esprit européen, cet ouvrage se concevait comme le feu d’artifice final de l’aventure ! On y trouvait à la fois des articles d’abord publiés dans la revue et d’autres, inédits, dont mon « Patries, État et post-modernité dans le nouvel ordre de la Terre», repris plus tard dans le n° 31 (épuisé) de Krisis intitulé « Droite/Gauche » (mai 2009).
Collaborer à des ouvrages collectifs permet d’étendre notre carnet d’adresses. Ainsi l’ami Roland Hélie. Nous discutâmes un après-midi en 2012 devant la librairie Primatice de Philippe Randa. Lors de la table ronde annuelle de Terre & Peuple à Rungis quelques mois après, je revis Roland Hélie à son comptoir. Il me proposa tout de go si j’acceptais de répondre à un questionnaire sur l’Europe, ce qui donna ensuite Face à la crise : une autre Europe ! 30 points de vue iconoclastes. Enhardi, je le recontactais début 2013 pour lui soumettre l’ébauche bien avancée de Bardèche et l’Europe. Il l’accepta volontiers, l’édita rapidement et m’invita même à collaborer à la revue Synthèse nationale qui avait déjà repris quelques-unes de mes mises en ligne, d’où maintenant ma chronique « Livres au crible ». Grâce à la notoriété du site, je devins aussi l’une des plumes de Réfléchir & Agir et de Salut public.
Au delà de mon cas personnel, Europe Maxima a permis à d’autres contributeurs de se faire éditer. En 2010, André Waroch publia chez Le Polémarque Les Larmes d’Europe avec une préface de ma part. Un an plus tard, Claude Bourrinet écrivait chez Ars Magna, L’Empire au cœur que j’ai eu aussi l’honneur de préfacer, avant de donner à Pardès, trois ans plus tard, son superbe Stendhal. D’abord réticent à l’idée de rééditer son merveilleux Julius Evola, René Guénon et le christianisme (1978), Daniel Cologne accepta finalement de le ressortir en 2011, assorti d’une nouvelle préface relativisant certaines propositions initiales.
Oui, Internet nous a pour la circonstance grandement facilité le contact avec des éditeurs courageux. Il ne faut pas se contenter du seul Internet, mais soutenir l’indispensable complémentarité entre la Toile et l’édition imprimée comme le fait avec brio Synthèse nationale qui est à la fois un site régulièrement mis à jour et une revue bimestrielle. Il est évident qu’Internet comporte de grands avantages tactiques pour la guerre des idées. Mais il présente aussi de gigantesques défauts parmi lesquels sa vulnérabilité à la censure.
Le régime M.O.A. (mondialiste occidentaliste atlantiste) va de plus en plus le contrôler et, au nom du fallacieux « vivre ensemble » et de la lutte contre l’« extrémisme », proscrire non pas les sites islamistes, mais les sites mal pensants. Détenir à côté d’un site une revue, éponyme ou non, deviendra vite un atout considérable, nonobstant le coût élevé d’une formule papier à cause de l’imprimerie, de la mise en page et des tarifs postaux. Si le régime peut bloquer un site, il lui est plus difficile d’arrêter une revue surtout si elle opère de manière clandestine. Avec les techniques actuelles d’impression, il est désormais aisé d’imprimer chez soi : les faux-monnayeurs le font bien. Pourquoi pas les futurs concepteurs de samizdat de l’Occident globalitaire ? Cette éventualité n’est pas à négliger alors que s’accentue la répression étatique et para-étatique. Soyons conscients qu’il sera bientôt plus grave d’écrire ce que nous pensons que d’agresser une retraitée ou fumer un joint !
B.V. : Plus personnellement, dans Au-delà des vents du Nord, Stéphane François s’offusque de « la publication, dans ses revues [celles d’Alain de Benoist], d’articles d’auteurs très marqués à l’extrême droite, dénués de toute reconnaissance universitaire ou intellectuelle » et de te citer en compagnie d’Alexandre Douguine, de Jure Vujic et de Michel Drac. Ta réaction ?
G.F.-T. : D’abord, je suis flatté, honoré même, d’être en si bonnes compagnies (rires). Je pourrai ensuite te répondre « Me ne frego (je m’en fous !) ». Sur le site Fragments sur les temps présents, Stéphane François réagit de façon assez plaisante aux féroces et justes critiques de Michel Onfray sur les universitaires. Il signe la pétition qui condamne cette attaque en se qualifiant de « Petit homme gris ». Je souscris à son point de vue : ce sont des universitaires, c’est-à-dire des fonctionnaires du savoir convenu, du sophisme et du psittacisme. Ils représentent bien cette caste qui « rapplique quand on la siffle » (dixit le défunt « empereur de Septimanie » Georges Frêche).
Je me moque de n’avoir aucune « reconnaissance universitaire ». Faut-il vraiment être reconnu par une baraque en ruine prête à flamber ? Certes, mes travaux présentent une tournure universitaire avec un appareil de notes plus ou moins développé et des références étayées. Mais, contrairement à tout ce petit monde frelaté, je ne m’interdis rien. Si j’ai envie, un jour, de traiter de l’Amérique latine, puis le lendemain de la situation politique intérieure en Irak ou de l’histoire de tel ou tel peuple, je le ferai volontiers. J’œuvre en généraliste. Aucun champ des connaissances ne m’est a priori fermé. Je vais à rebours de la démarche universitaire qui prône l’hyper-spécialisation au point qu’on peut facilement devenir LE spécialiste planétaire des mouches en vol ultimement outragées au XXe siècle par les résistants de la vingt-cinquième heure. Je partage la conception de Rodolphe Badinand qui veut faire du site une « Encyclopédie du côté obscur », voire une somme contre-encyclopédique.
Quant à ne pas avoir de « reconnaissance intellectuelle », je rigole. Alexandre Douguine est en Russie un théoricien du néo-eurasisme qui paie chèrement ses critiques envers Vladimir Poutine puisqu’il n’enseigne plus à l’université d’État de Moscou. Jure George Vujic a publié en français trois essais dont le dernier, Nous n’attendrons plus les barbares (Kontre Kulture, 2015) est brillant. En peu de temps, Michel Drac est devenu l’un de nos penseurs les plus incisifs et des plus visionnaires. N’oublions pas qu’il a théorisé le concept salutaire de B.A.D. (bases autonomes durables).
Pour ma part, je ne cherche pas à obtenir de Stéphane François ou d’un autre universitaire du Système M.O.A. décati une quelconque reconnaissance intellectuelle. Cette reconnaissance intellectuelle, je l’ai déjà, n’en déplaise aux petits grisâtres de l’Alma Mater dégénérée. Sinon aurai-je pu collaborer dans Éléments, Krisis, Culture Normande, Le Magazine national des Seniors, L’Unité Normande, et, aujourd’hui, dans Synthèse nationale, Réfléchir & Agir et Salut public, être convié à une trentaine de conférences, participer à une quarantaine d’émissions radiophoniques sur Radio Courtoisie et à « Méridien Zéro » ? Stéphane François confond certainement notoriété médiatique qui est proche du zéro pour moi (je m’en réjouis !) et la reconnaissance effective de la part des militants et des lecteurs. C’est cette dernière qui m’importe.
B.V. : Pour revenir à Europe Maxima et à l’aune d’une actualité brûlante, n’était-ce pas outrecuidant, voire orgueilleux de nommer ainsi un site alors que l’Union européenne est encalminée dans des crises répétitives ?
G.F.-T. : Europe Maxima signifie « la Plus Grande Europe ». Cet idéal d’une Europe unie de Reykjavik à Vladivostok demeure le mien quand bien même je reconnais sa difficile faisabilité. La date du 6 août n’est pas anodine. C’est le jour de la Transfiguration. Europe Maxima peut s’appréhender comme une « Transfiguration de l’Europe » pour paraphraser un célèbre ouvrage du jeune Cioran. Cette « Plus Grande Europe » constitue surtout un mythe dans son acception sorélienne : il doit mettre sous tension tous les esprits préoccupés par les périls du premier quart du XXIe siècle. Son sous-titre, « Spiritualités – Puissance – Identités », est explicite. Le premier se réfère à notre héritage spirituel commun, ses traditions tant païennes que chrétiennes. La Puissance, au singulier, est inévitable quand le M.O.A. étatsunien, le métissage, l’immigration de peuplement, les religiosités secondaires et les défis économiques nous assaillent de toutes parts. Les identités témoignent de la naturelle variété des cultures, des peuples et des nations d’Europe qui, tous, procèdent de la même substance anthropologique, génétique et généalogique. Sans spiritualités et identités concrètes, la puissance ne saurait exister et la communauté géopolitique de destin qu’est l’œcumène européen n’aurait aucune colonne vertébrale. Spiritualités et identités sont complémentaires, ce qui suppose de clore au préalable les contentieux intra-européens comme le conflit frontalier du Donbass, la querelle de Gibraltar ou les minorités hongroises hors de Hongrie. Toutes ces divisions nous affaiblissent. Pourrons-nous relever ces enjeux exaltants quoique mortifères ? L’avenir tranchera…
B.V. : Hormis le maintien et le développement d’Europe Maxima pour les dix années qui viennent, as-tu d’autres projets ?
G.F.-T. : Outre la tenue d’Europe Maxima et la lecture quotidienne d’ouvrages et de périodiques afin d’alimenter des articles à venir, je poursuis bien sûr mes collaborations à Synthèse nationale, à Réfléchir & Agir et à Salut public. Les auditeurs de Radio Courtoisie et de « Méridien Zéro » le savent : je prépare le pendant biographique intellectuel de mon Thierry Maulnier. Un itinéraire singulier. Si je possède la plupart de ses ouvrages, je n’ai qu’une infime partie des articles parus, ce qui nécessite du temps et de nombreuses recherches. Pour la fin de cette année, je prévois de publier le troisième volume d’Orientations rebelles et L’Esprit européen entre mémoires locales et volonté continentale. Et j’ai aussi en tête des projets d’écriture sur ma conception identitaire de l’écologie radicale, les problématiques mitteleuropéenne et balkanique, l’avenir de l’Amérique latine ainsi qu’une enquête sur la Hongrie de Viktor Orban.
Est-ce s’éparpiller ? Je n’en sais rien ! En attendant qu’un oligarque me finance ou que j’épouse une vieille riche afin de capter son héritage (rires), le travail ne manque pas. Avec les orages qui s’amoncellent à l’horizon, il faut se préparer au pire. Pour l’heure, je ne suis qu’un guerrier des idées, un combattant des bibliothèques, un penseur pittbull, un factieux métapolitique. Si l’histoire s’accélère tragiquement, notre vision entrera probablement en résonance avec le public. Alors viendra le Kairos. N’oublions jamais que notre objectif fondamental est de construire une alternative totale, cohérente et radicale à cette société sordide et pourrie.
• Propos recueillis par Bastien Valorgues.