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mardi, 12 novembre 2019

Etude des systèmes nationaux subsidiaires

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Etude des systèmes nationaux subsidiaires: le cas de la Russie

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Concentrons-nous sur le cas de la Russie.

Cas intéressant comme nous l’avons dit puisque tant sur le plan ethnique qu’institutionnel et historique, la Russie ou « Fédération de Russie » est le plus vaste espace territorial au monde.

La Russie post-soviétique, celle qui existe depuis bientôt près de trente ans, a dû composer pour son équilibre avec un système fédéral.

Avec des « Etats », entités gouvernementales (républiques autonomes), qui représentent leur propre peuple. Des ethno-états donc, unis dans un État.

D’autres parts, des États qui tiennent une légitimité historique et politique en Russie, dénommés oblasts.

Et d’autres, plus récents, russes sur le plan ethnoculturel, dénommés kraïs.

Tout d’abord, pour les États historico-culturels, nous avons outre la Moscovie (qui servit de base comme siège du pouvoir central unitaire russe, de Ivan IV à aujourd’hui), le Novgorod, autrefois célèbre république aristocratique médiévale (1136/1478) qu'a construit le célèbre prince (862/879) païen Riourik, fondateur de la dynastie des Riourikides.

Notons aussi les principautés de Riazan (1097/1521), Vladimir-Souzdal (1168/1389), Iaroslavl (1218/1463), Tver (1247/1485) ou encore la République aristocratique de Pskov (XIIIe/XVIe), où chacune d’entre elles ont retrouvé leur entité dans la Russie contemporaine, sous forme d’oblasts, depuis 1935 (pour Tver), 1936 (pour Novgorod et Iaroslavl), 1937 (pour Riazan) et 1944 (pour Pskov et Vladimir).

Donc les États historiques sont nommés aujourd’hui « oblasts ».

Pour leur accorder un statut particulier, les « ethno-états », on utilise le concept de république autonome.

Comme il serait long d’énumérer tous les ethno-Etats autochtones de Russie, il en sera énuméré une petite partie seulement pour en faire comprendre l’idée générale.

Parmi les ethno-états mongols, il y a la Bouriatie (république autonome depuis 1932), qui représente les Bouriates et la Kalmoukie (république autonome depuis 1957), représentant les Kalmouks.

Parmi les ethno-états turciques, il y a le Tatarstan (république autonome depuis 1920), représentant les Tatars, le Daghestan (depuis 1921), qui représente les Daghestanais et la Bachkirie (depuis 1919, 100 ans donc), pour les Bachkirs.

Parmi les ethno-états caucasiens, il y a l’Ingouchie (république autonome depuis 1992) pour les Ingouches et l’Adyguée (ou Tcherkessie, république autonome depuis 1922) qui représente les Tcherkesses.

Pour la particularité ouralienne, il y a l’Oudmourtie (depuis 1920) représentant les Oudmourtes.

Pour aller plus loin, la Nénétsie par exemple n’est pas une république autonome mais un « district autonome » (depuis 1929), représentant les Nénets, peuple autochtone ouralien, rattachée à l’oblast d’Arkhangelsk.

Deux autres régions frontalières historiquement ont été divisées et rattachées directement à la Russie, comme l’Ossétie du Nord (depuis 1924 et qui ne doit pas être confondue avec l’autre partie où l’Ossétie du Sud avait fait sécession de la Géorgie en 1992), qui représente les Ossètes, peuple indo-iranien (donc indo-européen), ainsi que la Carélie, a cheval avec la Finlande où la partie orientale est russe (depuis 1956) et qui représente les Caréliens, peuple ouralien (finno-ougrien).

Mais également il y a des États qui sont la fusion (superficielle) de deux entités différentes présentes dans le Caucase.

Comme la Kabardino-Balkarie (république autonome depuis 1936), regroupant les Kabardes (caucasiens) et les Balkars (turciques).

Et comme la Karatchaïévo-Tcherkessie (république autonome depuis 1957), regroupant les Karatchaïs (turciques) et Tcherkesses/Adyguéens (caucasiens).

Malgré cette disparité pluriethnique, ces « États dans l’État » sont affiliés à l’État russe, où outre la langue subsidiaire, la langue unitaire et officielle, le russe donc, est imposée, et d’autre part au « président fédéral », affilié au parti gouvernemental « Russie Unie » depuis 2000.

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

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Etude des systèmes nationaux subsidiaires: le cas de la Suisse

Passons maintenant au cas de l’équilibre subsidiarité/unité qu'a trouvé un autre État européen, modèle aux yeux de beaucoup, la Suisse.

La Suisse est l’Etat européen idéal tant sur le plan démocratique qu’institutionnel (subsidiaire).

Et il y a une part de vérité tant la « diversité » indo-européenne existe à travers ses régions historiques (Romandie, Alémanie, Suisse italienne) qui ont déterminé la place de ses langues officielles sur l’ensemble du territoire et par l’histoire commune, où les différentes expressions de celle-ci dans les cantons n'ont pas été un facteur de division et où chacun, à partir de 1291, a pu rejoindre librement la Confédération, souvent suite aux « guerres d’indépendance » que la Suisse a menées, et aussi à travers les évènements du XIXe siècle (révolutions de 1789, 1848) et ce malgré le différent religieux et culturel.

L’Histoire de la Suisse est intimement liée à l’histoire de ses cantons.

L’Histoire « nationale » jacobine est alors quasi inexistante si ce n’est lors de la période napoléonienne, ce qui était contextuel, propre aux peuples européens tentant de ne faire qu'un, avec l’influence de la Révolution française de 1789, mêlant aspirations nationales et libérales (démocratiques) inspirant le courant du romantisme.

Pour le côté historique, il est quelque peu anachronique de parler de « Suisse » avant 1291 (date de l’unification de 3 cantons qui avaient fait sécession de l’Alémanie, dont on peut considérer en ce sens sur le même plan que la Suisse est à l’Alémanie ce que l’Autriche est à la Bavière) puisque vivaient divers peuples, que ce soit soit les Rhètes (habitant la région romaine de Rhétie dont une partie se situait dans l’actuel canton des Grisons), les Burgondes et les Alamans (qui étaient venus au Ve siècle).

Et après la mort de Charlemagne, le Traité de Verdun (843) a divisé l’Europe occidentale en trois parties dont la Suisse faisait partie de la Francie médiane (Lotharingie), propriété de Lothaire Ier.

En 1291, les cantons de Schwyz, Uri et Unterwald font sécession de l’Alémanie pour s’unir et créer une confédération et réitèrent ensuite leur unité (en 1315) par le Pacte de Brunnen après la bataille gagnée à Morgarten (contre le duché autrichien).

En 1332, la Confédération connait son premier élargissement, à cinq cantons de plus dont quatre germaniques (Lucerne, Zurich, Glaris, Zoug) et un « latin » (Berne).

En parallèle, la Confédération (de 1450 à 1799) vit l’existence d’un État à part, composé de trois ligues (Ligue Grise, Ligue des Dix-Juridictions, Ligue de la Maison-Dieu).

La bataille gagnée à Grandson (1476) contre le duché bourguignon permit d’autres élargissements et les cantons de Fribourg et Soleure (1481) et Schaffhouse (1501) se joindront eux aussi à la Confédération.

La première division, « guerre civile » intervenait lors des Guerres de Kappel (1529/1531) entre les cantons catholiques et les cantons protestants.

La deuxième division arrivera au moment de l’époque napoléonienne, avec une éphémère « république nationale » helvétique (1798/1803) où d’autres cantons se joindront pour reformer la Confédération après l’Acte de Méditation, avec des territoires germaniques (Argovie, Saint-Gall, Thurgovie), romanche (Vaud), italophone (le Tessin) et un diversifié (le canton des Grisons).

A la veille du Congrès de Vienne, d’autres territoires francophones se joindront come Genève, Neuchâtel et le Valais.

Puis à la veille de la « contagion révolutionnaire », contre les volontés jacobines de la Confédération, les cantons catholiques conservateurs (Lucerne, Fribourg, Valais, Uri, Schwytz, Unterwald, Zoug) vont créer la ligue (sécessionniste) du Sonderbund (1845/1847), allant même engager une guerre qu’ils perdront.

Politiquement, dans les plus hautes instances institutionnelles, la Suisse, dispose :

De conseillers fédéraux (de l’ordre de 7), d’un président de la Confédération (élu par l’Assemblée fédérale, composée du Conseil national et du Conseil des États, mandaté pour 1 an), d’un vice-président et d’un chancelier.

Eugène GUYENNE (Le Parti des Européens)

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Etude des systèmes nationaux subsidiaires: le cas de la Belgique

Si durant l’Antiquité, la notion de « belge » renvoyait à une partie des gaulois, il aura fallu attendre l’époque contemporaine seulement (1830) pour disposer d'une entité subsidiaire (et indépendante) belge, reflet de son identité (or qu’est-ce que l’identité belge ? », la question se pose éternellement).

Face à ce genre de problématique, elle a depuis 1980 adopté un modèle subsidiaire « fédéral », en institutionnalisant 3 régions : la région de Bruxelles-Capitale, la région wallonne et la région flamande.

Si les principales questions sont réglées à Bruxelles, chacun possède son lot de pouvoir.

Avec un « gouvernement régional » (gouvernement wallon, gouvernement flamand) qui est le siège du pouvoir exécutif de leur région, composé de 8 ministres (sauf à Bruxelles-Capitale : 4 ministres dont 2 francophones et 2 néerlandophones) et d’un « ministre-président » pour chacun, avec un Parlement unicaméral, où Liesbeth Homans (N-VA, Flandre), Jean-Claude Marcourt (PS, Wallonie) et Rachid Madrane (PS, Bruxelles-Capitale) en sont respectivement les présidents.

Étant donné qu’il existe aussi une communauté germanophone, elle possède aussi une existence politique là où elle est, en Wallonie, avec un « Gouvernement de la Communauté germanophone de Belgique », élu par le « Parlement de la Communauté germanophone de Belgique », présidé actuellement par le socialiste Karl-Heinz Lambertz.

Et grâce à la Constitution belge (article 139) il est possible à cette dernière d’exercer politiquement certaines compétences régionales en Wallonie (comme dans le patrimoine, l’emploi et la tutelle sur les communes, fonds des communes, mais pas pour l’emploi des langues dans l’administration).

Ce qu’elle a pu mettre en œuvre déjà à trois reprises.

Cette approche institutionnelle de la subsidiarité correspond beaucoup plus à la réalité historico-politique et humaine de la Belgique, tant les identités (culturelles, linguistiques, religieuses) y sont fortes.

Eugène GUYENNE (Le Parti des Européens)

vendredi, 08 novembre 2019

Arnaud Develay: Les Conséquences de la Faillite Impériale sur l’Ordre Juridique International (+ VIDEO)

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Arnaud Develay: Les Conséquences de la Faillite Impériale sur l’Ordre Juridique International (+ VIDEO)

 

Chisinau Forum III 

Arnaud Develay est avocat international, auprès des barreaux de Washington et de Paris

Bonjour à toutes et à tous et merci de vous être déplacé(es) si nombreux(ses) afin de venir à CHISINAU pour prendre le temps d’échanger avec nous.

Je tiens particulièrement à remercier mon ami et camarade IURIE ROSCA pour son accueil toujours des plus chaleureux.

Le Forum de CHISINAU a vocation à rassembler ceux d’entre-nous qui sommes soucieux d’entretenir la flamme de la souveraineté dans nos pays respectifs.

18 ans après les attentats du 11 septembre 2001, le léviathan mondialiste est plus que jamais déterminé à accélérer le processus visant à démanteler l’ordre international hérité de la Seconde Guerre mondiale.

Réalisant que l’opération d’hypnose déployée auprès des populations sidérées au travers de ses media de masse semble échouer de par ses contradictions internes, les tenants du mondialisme à marche forcée ont lancé un assaut sans précédant sur les règles de droit international qui malgré ses déficiences garantissaient une certaine stabilité, laquelle s’en est trouvée particulièrement amoindrie dès lors que la fenêtre d’opportunité a commencé à se refermer sur le moment unipolaire une décennie à peine après la Chute du Mur de Berlin.

En bref, ce qui selon Fukuyama devait être la fin de l’Histoire et le triomphe du libéralisme a laissé place à une spoliation visant à paupériser des millions d’individus qui constituaient ce que nous avons coutume d’appeler les classes moyennes.

Cette entreprise de destruction systématique n’a cependant pu être rendue possible qu’au travers d’un démantèlement systématique de l’architecture juridique et donc politique qui constituait la pierre de voute de la souveraineté des nations.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

En réponse à la question tendant à lui demander ce qu’il considérait comme la pire catastrophe du XXème Siècle, l’actuel Président de la Fédération de Russie avait répondu sans hésiter : « L’effondrement de l’Union Soviétique. »

Le Président POUTINE avait compris que seul l’existence d’un rapport de force équilibré entre les grandes puissances rend possible le respect des règles de droit international.

Dans ce contexte de tensions servant de garde-fou, il devint possible de donner tout son sens au principes élémentaires du droit international public encapsulés par les deux piliers  que représentent les doctrines dites de PACTA SUNT SERVANDA et OPINIO JURIS.

La doctrine de PACTA SUNT SERVANDA met l’accent sur le respect de la parole donnée afin que l’accord, qu’il soit bilatéral ou multilatéral, soit respecté en chacune de ses provisions mais aussi dans son esprit par toutes les parties contractantes.

La Convention de Vienne sur les Relations diplomatiques et consulaires entre Etats-Nations est un parfait exemple de l’application de cette doctrine.

Il ne viendrait pas à l’idée d’un Etat partie à la Convention de violer par exemple les dispositions portant sur l’immunité diplomatique accordée au personnel consulaire nonobstant le caractère sérieux d’un délit portant sur des faits sérieux commis par ladite personne. Une telle démarche exposerait ledit Etat à ce que ses propres employés soient eux-mêmes assujettis à la violation de leur immunité l’étranger.

Le principe de réciprocité est donc central dans le respect des obligations découlant de tout accord entre les Parties contractantes et agit de facto comme le régulateur de l’effectivité des accords internationaux.

Parce que ces règles implicites de réciprocité sont passé dans le domaine des usages, il n’est pas nécessaire de les inscrire au titre du droit positif.

Le deuxième pilier est constitué par la doctrine dite d’OPINIO JURIS.

Le droit international coutumier est constitué de deux éléments : 1) la pratique internationale régulière et générale des États; et, 2) l’acceptation subjective de la coutume comme source de droit par la communauté internationale.

Pour qu’un traité multilatéral puisse avoir force de droit, il convient que toutes les Parties-Contractantes, mais aussi celles n’ayant pas nécessairement adhéré au traité, s’accordent sur l’interprétation qui doit prévaloir dans le traitement de la thématique du texte eut égard aux droit coutumier existant.

Cette doctrine revêt un caractère d’autant plus important qu’il existe des cas ou le droit international positif des traités ne prévoit rien et/ou dans lesquels il n’existe pas de décisions sur le sujet.

Cet état de vide juridique dit « NON LIQUET » a souvent servi de matrice à des pratiques étatiques qui dans leur applications se sont inscrits en porte-à-faux avec des principes connexes pourtant eux-mêmes parfaitement balisés par le consensus au cœur du principe d’OPINIO JURIS.

C’est le cas par exemple de la doctrine dite du « combattant ennemi ».

Suite aux attaques du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont initié leur soi-disant Guerre contre le Terrorisme.

Agissant en tant qu’hégémon sans rival, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a décrété que les Conventions de Genève n’avaient pas vocation à s’appliquer à des individus agissant en dehors de tout cadre étatique, ne portant aucun uniforme distinctif et ne respectant pas eux-mêmes les règles de la guerre conventionnelle.

Cette doctrine vit le déclenchement d’une série de violation du droit humanitaire et de la personne en général, notamment eu égard aux droits accordés à quiconque de pouvoir bénéficier d’un procès en bonne et due forme, ainsi que de pouvoir préparer une défense en ayant accès aux éléments de preuves à charge.

Certaines confessions ont par ailleurs été obtenues sous la torture ainsi que révélé par l’actuel Directrice du Renseignement US, laquelle a participé au sessions d’interrogatoires.

Dans le prolongement de ces violation du droit dit JUS COGENS, WASHINGTON a mis en place des protocoles d’enlèvements de suspects dans le cadre des « Redditions extraordinaires ».

Ces opérations menées par les services de renseignement ont souvent fait l’objet de critiques acerbes de par le fait qu’elles étaient mises en œuvre en violation totale de la souveraineté des Etats dont certains étaient considérés comme alliés.

Cette fuite en avant dans le non-respect du droit international une fois initiée est souvent très difficile à stopper.

Les dégâts sont en toute hypothèse irréversibles quant au rétablissement du statut quo ante.

Pire, parce que les violations sont commises par un Etat puissant (Membre Permanent du Conseil de Sécurité, et Membre Fondateur des Nations-Unies), c’est toute l’architecture du droit international dans son incarnation onusienne qui s’en retrouve discréditée

Les conséquences de cette période de délinquance assumée a engendré beaucoup de violations par des Etats qui ne se sont quant à eux jamais considéré être investi d’une destiné manifeste mais qui ont su utiliser à leur avantage ce précédent pour justifier à leur tour la commission de violations à l’encontre de leurs propres citoyens.

C’est dans ce contexte qu’il faut aujourd’hui analyser le retrait unilatéral des Etats-Unis de l’Accord sur le Nucléaire Iranien malgré son adoption par une résolution adoptée par le Conseil de Sécurité.

C’est aussi dans ce contexte qu’il convient de comprendre comment l’opération d’intoxication à grande échelle concernant aussi bien l’Irak, que la Libye et plus récemment la Syrie ont pu être exécutées sans que les agences onusiennes ne puissent faire leur travail de vérification.

C’est enfin dans ce contexte qu’il nous faut comprendre comment le régime de non-prolifération nucléaire a pu se retrouvé complètement démantelé en à peine deux décennies, à commencer par le retrait unilatéral de l’Administration BUSH du traité ABM de 1972 en décembre 2001 et plus récemment celui de l’Administration TRUMP du Traité INF, pour Intermediate Nuclear Forces Treaty

Le retrait unilatéral de ce dernier par Washington rétablit l’usage d’armes stratégiques sur le continent Européen.

Il est à souligner que la concentration des media entre les mains de quelques entités souvent liées aux usines d’armement a grandement facilité cette marche forcée vers le désordre actuel.

L’opinion publique n’est plus informée et les grandes manifestations de 1983 contre l’installation des missile PERSHING en Allemagne Fédérale semblent aujourd’hui comme relevant du fantasme.

Près de 20 ans après les attaques du World Trade Center, le contexte de sécurité internationale n’a jamais été aussi fragilisé.

Je vous remercie pour votre attention.

mercredi, 06 novembre 2019

Les Cours suprêmes contre le peuple et l’histoire

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Les Cours suprêmes contre le peuple et l’histoire

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le mardi 24 septembre 2019 restera dans l’histoire européenne comme une journée de deuil. Ce jour-là, les Cours suprêmes britannique et espagnole ont pris des décisions contraires à la volonté populaire et à la réalité historique.

La Cour suprême du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord existe depuis 2009. Elle remplit des fonctions judiciaires jusque-là assumées par la préhistorique Chambre des Lords. Elle décrète à l’unanimité que la suspension du Parlement pour cinq semaines voulue par le Premier ministre Boris Johnson est « illégale, nulle et sans effet ». Le Speaker (président) de la Chambre des Communes, John Bercow, convoque alors pour le lendemain une nouvelle session parlementaire.

Il s’agit d’un indéniable coup d’État judiciaire qui accélère la mutation du système politique britannique. De régime parlementaire rationalisé dans lequel le Premier ministre détenait un pouvoir discrétionnaire pour une durée illimitée, seulement interrompue par les électeurs ou par sa propre majorité, la Grande-Bretagne passe dans un régime d’assemblée soumis à la pression permanente des cléricatures médiatique et judiciaire.

Boris Johnson est devenu Premier ministre parce qu’il veut réaliser le Brexit approuvé par 51,89 % des votants. Or la classe politique britannique n’entend pas se séparer de l’Union dite européenne. Certains anti-Brexit suggèrent même l’organisation d’un nouveau référendum. Et si on refaisait les élections dès que leurs résultats déplaisent au politiquement correct ? Le cas s’est déjà présenté pour l’Irlande avec le traité de Lisbonne, d’abord rejeté par les Irlandais, le 12 juin 2008, avant que cette pâle copie du Traité constitutionnel européen soit finalement adopté le 2 octobre 2009.

Le même jour à Madrid, la Cour suprême espagnole rejette les recours déposés par la Fondation Franco, bientôt interdite pour une supposée « apologie du franquisme », l’Association de défense de la Valle de los Caidos et la communauté bénédictine du lieu. Elle autorise le gouvernement minoritaire et prébendier du sociétaliste Pedro Sanchez à exhumer la dépouille du Caudillo Francesco Franco ainsi que, dans un second temps, celle du martyr José Antonio Primo de Rivera. La violation illégitime de la sépulture du chef d’État espagnol a eu lieu jeudi dernier, 24 octobre, dans des conditions iniques qui bafouent le respect dû au défunt et à sa dignité. Le gouvernement espagnol souhaiterait ensuite transformer ce lieu de recueillement historique en « Disneyland » de la mémoire hémiplégique. Il s’agit d’effacer la victoire incontestable de la Croisade de libération nationale commencée en juillet 1936. Pedro Sanchez aimerait réécrire, huit décennies plus tard, un conflit largement perdu par les siens de la gauche dégénérée.

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Exhumer les tombes de Franco et de José Antonio relève de la profanation, acte tristement pratiqué par les « Rouges » entre 1936 et 1939. Cette pratique infâme sape d’ailleurs les piliers d’une Espagne contemporaine toujours redevable à Franco. Dans De Gaulle, 1969. L’autre révolution (Perrin, 2019, 301 p., 22 €), Arnaud Teyssier rapporte ce propos du Général De Gaulle à son collaborateur, Pierre-Louis Blanc, après son séjour passé en Espagne au printemps 1970. Il évoque l’œuvre du Caudillo : « Tout bien pesé, le bilan de son action est positif pour son pays. Mais, Dieu, qu’il a eu la main lourde ! (note 17, p. 254) » L’auteur de cet ouvrage précise que « De Gaulle avait noté un jour dans ses carnets cette phrase de Joseph de Maistre : “ Un acte politique ne se juge pas aux victimes, mais aux maux qu’il évite ” (p. 252) ». Pas sûr que le minable Pedro Sanchez comprenne cette profonde réflexion.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 145, mise en ligne sur TV Libertés, le 28 octobre 2019.

mercredi, 23 octobre 2019

« Rétablir l’état de droit face à ces nouveaux despotes que sont les multinationales et les marchés financiers »

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« Rétablir l’état de droit face à ces nouveaux despotes que sont les multinationales et les marchés financiers »

par Olivier Petitjean

Ex: https://www.bastamag

Les Nations-Unies travaillent à un nouveau traité pour contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement. En France, une loi impose, depuis 2017, un « devoir de vigilance » aux grandes entreprises, à leurs filiales et sous-traitants. Cet outil juridique mettra-t-il fin à leur quasi impunité ? Explications de notre journaliste Olivier Petitjean, via ces bonnes feuilles tirées de son ouvrage Devoir de vigilance. Une victoire contre l’impunité des multinationales.

Le 27 mars 2017, la France promulguait, à l’issue d’un laborieux parcours législatif de plusieurs années, la loi sur le devoir de vigilance des multinationales – ou, plus précisément, des « sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre ». De manière très inhabituelle pour la France, cette loi n’a pas été conçue dans les ministères, mais par un petit groupe de députés indépendamment du gouvernement, en collaboration étroite – ce qui est encore plus rare – avec une coalition d’associations, de syndicats et autres acteurs de la société civile. C’est une loi d’une grande simplicité, qui tient en trois articles. Son objectif pourrait paraître modeste : corriger une lacune du droit existant en donnant la possibilité, dans certaines conditions, de saisir la justice lorsqu’une entreprise multinationale basée sur notre territoire est mise en cause pour des atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, commises en France comme à l’étranger.

Pollutions pétrolières ou chimiques, main-d’œuvre surexploitée dans les usines des fournisseurs, conflits et répression autour des sites d’implantation des multinationales, complicité avec des dictatures, accaparement des ressources naturelles, tout le monde a entendu parler de cette face obscure de la mondialisation, où l’internationalisation des chaînes de production et la chasse aux profits se développent aux dépens des femmes et des hommes et de la nature. Que les victimes puissent porter plainte pour faire respecter leurs droits fondamentaux, ou que des associations puissent exiger l’intervention d’un juge pour mettre fin aux abus, quoi de plus naturel, quoi de plus normal soixante-dix ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et après de multiples traités internationaux sur la lutte contre l’exploitation, le climat ou la protection de l’environnement ?

Un chaînon manquant dans la mondialisation

Et pourtant, en pratique, mettre en cause une grande entreprise et ses dirigeants pour les violations des droits humains ou la dégradation de l’environnement occasionnées par ses activités reste souvent mission impossible. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, comme nous le racontons dans ce livre. D’un côté, il existe une multitude de textes de droit international ; de l’autre, une impossibilité apparente de les faire appliquer et de leur donner effet dans des situations impliquant des multinationales. Voilà manifestement un chaînon manquant dans la mondialisation.

Beaucoup de raisons entrent en jeu pour créer cette situation d’impunité. D’abord les soutiens et les complicités politiques dont bénéficient généralement les milieux d’affaires internationaux dans les pays où ils sont implantés. Ensuite la faiblesse du pouvoir judiciaire, par manque de moyens ou par manque d’indépendance. Sans compter que, bien entendu, les grandes entreprises et leurs dirigeants peuvent mettre en branle des armées d’avocats pour faire traîner en longueur les procédures, épuiser tous les recours ou exploiter les failles de l’accusation. Les personnes et les groupes les plus affectés par leurs activités, en revanche, comptent souvent parmi les plus démunis. L’histoire de David contre Goliath semble donc infiniment répétée – mais sans fronde à disposition des « petits ».

Il est aussi une raison moins visible et plus structurelle à cette impunité des multinationales, qui gît dans le droit lui-même et dans sa déconnexion d’avec la réalité économique. On peut dire qu’aujourd’hui la « multinationale », le « groupe », voire l’« entreprise », n’existent pas réellement d’un point de vue juridique. Là où nous voyons un sujet cohérent et autonome – Total, Apple ou H&M –, avec sous son égide des dizaines d’établissements, de filiales, de co- entreprises ou autres relations d’affaires gérées en fonction de l’intérêt du tout (ce qui signifie malheureusement souvent le seul intérêt des actionnaires et des dirigeants), le droit voit une nébuleuse d’entités distinctes, seulement liées entre elles par des liens capitalistiques et des contrats.

Il ne s’agit pas seulement d’un simple détail technique. Une conséquence directe de ce hiatus est qu’il est souvent extrêmement difficile de responsabiliser la multinationale elle-même (autrement dit la « société mère » qui chapeaute tout l’édifice et le dirige) pour les manquements d’une de ses filiales à l’étranger. Et à plus forte raison pour des abus constatés chez l’un de ses sous-traitants ou fournisseurs, quand bien même ces abus seraient directement liés aux exigences ou aux pressions de la multinationale en question.

Coup porté à l’impunité des multinationales

C’est précisément cette lacune, cet angle mort du droit, que la loi sur le devoir de vigilance entend combler. À certains égards, ce n’est qu’un point de détail, un simple aménagement législatif qui crée une possibilité de recours judiciaire ne visant que les abus les plus criants, selon une procédure très spécifique, et qui impliquera d’apporter la preuve que la société mère (vis-à-vis de ses filiales) ou donneuse d’ordre (vis-à-vis de ses fournisseurs et sous-traitants) a clairement manqué aux responsabilités qui étaient les siennes en proportion de son influence réelle. On voit mal cette loi donner lieu à une floraison de procès intentés contre des entreprises, comme l’ont suggéré ses détracteurs.

À d’autres égards, cependant, cela change tout. C’est d’ailleurs pourquoi cette législation d’apparence modeste, ciblant des situations que personne ne pourrait considérer comme acceptables, a suscité, et continue de susciter, une opposition aussi acharnée de la part d’une partie des milieux d’affaires français et internationaux. La loi française sur le devoir de vigilance est un coup porté à la barrière de protection juridique qui isole les multinationales des impacts de leurs activités sur les sociétés et l’environnement.

De ce fait, elle remet en cause la condition d’« irresponsabilité sociale » intrinsèque à la notion même d’entreprise multinationale, se jouant des frontières et des juridictions. Elle modifie ce qui, en apparence, n’est qu’un petit rouage juridique de la mondialisation, mais qui affecte virtuellement tout le fonctionnement de la machine – notamment au profit de qui et au détriment de qui elle opère.

Tout ceci ne vient pas de nulle part. L’adoption de la loi française en 2017 n’est ni le commencement ni la fin. La manière dont elle sera effectivement utilisée et mise en œuvre fera certainement l’objet de controverses aussi virulentes que celles qui ont entouré son élaboration et son adoption. Sa portée dépasse les frontières de l’Hexagone, comme l’illustre l’intervention dans le débat législatif français d’organisations comme la Chambre de commerce des États-Unis, principal lobby patronal américain, ou la Confédération syndicale internationale, porte-parole du monde syndical à l’échelle globale.

Des chaînes de responsabilité souvent complexes et diffuses

Cette loi constitue une étape dans une histoire qui commence, au moins, dans les années 1970 – date à laquelle la régulation des entreprises multinationales dans le cadre du droit international émerge en tant qu’enjeu politique. Elle est issue, dans sa conception, de l’expérience concrète d’associations et d’avocats, en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Inde, en Équateur et ailleurs, qui ont tenté pendant des années d’utiliser les armes du droit existant pour mettre les multinationales et leurs dirigeants face à leurs responsabilités. Parallèlement à la France, d’autres pays européens débattent de législations similaires – ce qui prouve à quel point le sujet est à l’ordre du jour. Dans les enceintes onusiennes comme le Conseil des droits de l’homme ou l’Organisation internationale du travail, les discussions se poursuivent sur des instruments de droit international visant à donner, comme la loi française, une effectivité juridique à la responsabilité des multinationales.

Pour un lecteur non averti, tout ceci pourrait peut-être paraître irréel. Nous ne sommes pas préparés, culturellement et historiquement, à imaginer une multinationale ou un patron d’entreprise dans un tribunal, devant un juge, obligés de répondre de leurs actes, sauf peut-être dans les cas les plus flagrants d’escroquerie ou de corruption. Les tribunaux sont faits pour les délinquants et les criminels ordinaires, en chair et en os, dont les actions sont clairement identifiables, avec des conséquences tout aussi claires sur la vie humaine ou l’intégrité des personnes et des biens.

Par comparaison, la délinquance ou la criminalité « en col blanc » – celle des spéculateurs, des fraudeurs fiscaux, des hommes d’affaires et des cadres d’entreprise – ne nous apparaît pas avec le même sens de gravité et d’immédiateté, même si ses conséquences directes ou indirectes peuvent être beaucoup plus sérieuses. Nous imaginons facilement juger l’assassin qui aurait fait une seule victime, et non juger l’entreprise ou le dirigeant dont les décisions froides ont directement entraîné une pollution, la commercialisation de produits dangereux ou un affaiblissement des règles de sécurité affectant la vie de centaines de riverains, de consommateurs ou de travailleurs.

Il y a de bonnes raisons à cela. Lorsqu’il est question d’abus de la part de multinationales, les actions, les processus de décision qui ont mené à ces actions, les causes et les chaînes de responsabilité sont souvent complexes, diffus et délicats à déterminer. Mais cette difficulté ne signifie pas qu’il n’y ait pas effectivement décision, action et nécessité de répondre de leurs conséquences. L’impression de discontinuité et de distance entre les décisions apparemment « impersonnelles » prises dans les salles de réunion des sièges des multinationales et leurs conséquences très concrètes pour les gens et pour la nature, parfois à l’autre bout du monde, est précisément ce qui facilite les abus et laisse libre cours à la seule recherche du profit financier.

Ramener les multinationales et leur pouvoir au sein d’un véritable « état de droit »

Parfois, ce principe d’irresponsabilité finit par entraîner des scandales de grande ampleur : effondrement au Bangladesh en 2013 de l’immeuble du Rana Plaza qui abritait des ateliers textiles travaillant pour de grandes marques occidentales ; marées noires avec leurs déversements de pétrole comme celles de l’Erika, de Chevron-Texaco dans l’Amazonie équatorienne ou celles qui polluent au quotidien le delta du Niger ; pollutions chimiques à grande échelle comme à Bhopal en Inde ; collaboration avec des dictatures ou des groupes terroristes. Mais il régit aussi, au quotidien, d’innombrables décisions prises par les directions d’entreprise, dont nous sentons indirectement les conséquences dans nos vies et qui font du monde d’aujourd’hui ce qu’il est, avec ses multiples défis sociaux, politiques et environnementaux.

En ce sens, la loi sur le devoir de vigilance n’est pas une loi « de niche » qui n’intéresserait que les ONG de solidarité internationale ou les défenseurs de l’environnement. La place croissante et, pour être clair, le pouvoir des multinationales – elles-mêmes de plus en plus dominées par les marchés financiers et leur logique de profit à court terme – sont aujourd’hui une réalité qui dépasse largement la seule sphère économique. Impossible d’y échapper. Elle engage nos modes de vie, la préservation des écosystèmes et du climat, notre cohésion sociale elle-même, au sein de chaque pays et entre pays. Ce pouvoir est aussi de plus en plus contesté par une grande partie de l’opinion publique, par les communautés qui accueillent (et souvent subissent) ces activités, et parfois par les travailleuses et travailleurs des multinationales eux- mêmes. Une forme de contrat social semble s’être rompue.

Face à ce constat, la tentation de beaucoup est d’en appeler simplement à une réaffirmation du pouvoir politique face aux pouvoirs économiques, d’exiger des autorités publiques qu’elles (ré)imposent enfin leurs règles et leurs volontés aux acteurs économiques et fassent primer l’intérêt général sur les intérêts privés. Difficile d’être en désaccord. Mais il ne faut pas non plus passer à côté de ce qui fait la spécificité de ce « pouvoir » qui est celui des multinationales, qui justement ne fonctionne pas sur le modèle de celui des États et ne s’oppose pas frontalement à eux – sauf, bien sûr, cas extrêmes. C’est un pouvoir de fait qui s’exerce dans les creux du pouvoir politique et de la législation, en occupant tout l’espace de ce qui n’est pas expressément interdit et effectivement sanctionné par les pouvoirs publics, ou en jouant de l’« extraterritorialité » que lui permet sa dimension multinationale par rapport aux frontières administratives et judiciaires. Il s’exerce aussi d’une certaine façon par le droit, en s’appuyant sur un « droit des affaires » qui le rend invisible et quasi naturel – par exemple celui des accords de libre-échange. C’est pourquoi le terrain juridique est tout aussi important que les terrains politique et économique face aux abus des multinationales.

Au fond, l’enjeu est de maintenir ou de ramener les multinationales et leur pouvoir au sein d’un véritable « état de droit » et d’un espace public démocratique. Les grands principes des droits de l’homme et des libertés civiles se sont construits, historiquement, en réponse à l’arbitraire des monarchies absolues ; il faut aujourd’hui les protéger ou les reconstruire face à ces nouveaux despotes que sont les grandes entreprises et les marchés financiers.

Le devoir de vigilance se situe en ce sens à l’une des plus importantes « frontières » actuelles de notre démocratie – une démocratie de plus en plus mondialisée et de plus en plus soumise aux pouvoirs économiques. C’est un outil et un point d’appui pour rééquilibrer, à la fois de l’intérieur et de l’extérieur des entreprises, un système de plus en plus biaisé en faveur des puissances de l’argent. Son avenir et la manière dont il sera mis à profit restent aujourd’hui à écrire.

Olivier Petitjean

Ce texte est tiré de l’introduction du livre d’Olivier Petitjean : Devoir de vigilance. Une victoire contre l’impunité des multinationales, 2019, éditions Charles Léopold Mayer, 174 pages, 10 euros.

mardi, 07 mai 2019

Le droit, arme de guerre des Etats-Unis...

 

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Le droit, arme de guerre des Etats-Unis...

Entretien avec Ali Laïdi
Ex: http://www.metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Ali Laïdi au Figaro Vox à l'occasion de la sortie de son essai Le droit, nouvelle arme de guerre économique (Acte Sud, 2019). Docteur en science politique, Ali Laïdi est chroniqueur à France24, où il est responsable du "Journal de l'Intelligence économique". Il est également chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). et enseigne à Sciences Po Paris. Il a déjà publié une Histoire mondiale de la guerre économique (Perrin, 2016).

Comment le droit est devenu l’arme favorite des États-Unis pour s’accaparer nos entreprises

FIGAROVOX.- Comment résumer en quelques lignes l’usage du droit en tant qu’arme de guerre économique? Comment définir l’extra-territorialité du droit américain?

Ali LAIDI.- Les juristes distinguent deux types d’extraterritorialité, notamment à travers la question des sanctions. Il y a d’abord les sanctions primaires, appliquées lorsque l’État américain décide d’interdire à ses sociétés et à tout ce qu’il considère comme étant des «US persons» d’avoir des relations commerciales avec certaines entités, généralement un État. Or dans ce cas précis, selon les juristes, nous ne serions pas dans un cas d’extraterritorialité puisque cette sanction primaire ne s’applique qu’aux US persons. Cependant, la définition de l’US persons aux États-Unis est tellement large qu’une filiale d’entreprise étrangère peut être comprise comme US person et donc tomber sous le coup des sanctions primaires.

Il y a ensuite les sanctions secondaires, qui s’appliquent à tout le monde, toutes les entreprises, qu’elles soient américaines ou étrangères. Dans ce cas-là, certains juristes acceptent de reconnaître qu’il y a une forme d’extraterritorialité.

Mais, pour les géopolitologues, il est évident que l’extraterritorialité se situe à la fois dans les sanctions primaires et secondaires et il est très intéressant d’en étudier les effets, notamment en ce qui concerne les affaires d’embargos ou de lutte contre la corruption, car dans ces domaines-là, le lien avec le territoire américain est beaucoup plus ténu. En effet, dans la plupart des cas recensés depuis un certain nombre d’années, les cas de corruption ont lieu en dehors du territoire américain. Mais un lien peut être établi dès lors que vous allez utiliser le dollar, ou par exemple si vous avez utilisé un compte Gmail dont le serveur se situe en partie aux États-Unis. La définition de la compétence du droit américain sur les faits de corruption à l’étranger est donc extrêmement large, même si elle ne touche pas directement le territoire américain.

Pouvez-vous revenir sur l’affaire Alstom?

C’est en 2010 que les Américains sonnent l’alerte et que le Département de la Justice des États-Unis ouvre une procédure contre le Français Alstom. Des années que la société pratique la corruption, enchaîne les condamnations, pourtant rien ne change. En 2004 et 2008, les justices mexicaine et italienne condamnent Alstom à plusieurs milliers de dollars et à une exclusion pour quelques années des marchés publics pour corruption de fonctionnaires. En 2011, la justice suisse épingle le Français pour corruption et trafic d’influence en Tunisie, Lettonie et Malaisie et condamne Alstom à une amende de plus de 40 millions d’euros. Prévenants, les Suisses qui savent que la justice américaine s’intéresse également à Alstom, lui envoient l’ensemble des pièces de cette affaire. Lesquelles alourdissent le dossier ouvert par Washington.

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Autant dire que les Américains ne manquent pas d’éléments pour aller chercher querelle à Alstom et exiger que l’entreprise lance une enquête interne. Ils passent à l’attaque en 2013 et interpellent un cadre d’Alstom, Frédéric Pierucci, vice-président d’Alstom Chaudière. La rumeur dit même que Patrick Kron est menacé d’un emprisonnement s’il met les pieds aux États-Unis. Pendant que Frédéric Pierucci croupit sous les verrous, Patrick Kron négocie dans le plus grand secret la vente de la branche énergie (Alstom Power) de son entreprise à l’américain General Electric. Malgré la résistance d’Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, au plus haut niveau de l’État, la messe est déjà dite. On a lâché Alstom.

Le 19 décembre, lors de l’Assemblée générale d’Alstom, le dépeçage d’Alstom est acté. Dans les trois co-entreprises Energie créé dans le plan, General Electric est majoritaire. Les Américains y pilotent les deux directions les plus stratégiques: les directions financières et opérationnelles. Les Français sont cantonnés à la technologie. C’en est fini de l’indépendance atomique française chère au Général De Gaulle. La fabrication des turbines, élément indispensable au fonctionnement de nos centrales nucléaires, passe sous pavillon américain.

Quelles sont les réactions des États visés par ce genre de pratiques? Comment a réagi la France, par exemple, à l’affaire Alstom?

Les Européens ne bougent pas. Angela Merkel reconnaît la légitimité des États-Unis à épingler les entreprises étrangères soupçonnées de corruption. En 2015, des députés français enquêtent sur l’extraterritorialité de la législation américaine mais le rapport n’aboutit à aucune décision politique forte. J’ai beaucoup travaillé sur la réponse de la France en particulier et de l’Europe en général, et le bilan c’est qu’il n’y en a pas. Les Européens sont tétanisés par rapport à ce problème-là, et ils ne savent pas quoi faire. Le plus extraordinaire, c’est qu’ils se plaignent même de ne pas avoir été préparés, alors même que l’une des premières manifestations de l’extraterritorialité date de 1982, lorsque le président Reagan a voulu interdire aux filiales des entreprises américaines de participer à la construction d’un gazoduc entre l’URSS et l’Europe. À cette époque, Margaret Thatcher s’était fermement opposée à la position américaine de vouloir imposer des sanctions aux filiales américaines, ce qui avait fait reculer Ronald Reagan.

C’était donc déjà un signe de la volonté des Américains de s’immiscer dans les relations commerciales et l’autonomie économique de l’Europe. En 1996, il y a eu un second signal avec la loi fédérale Helms-Burton, qui renforçait l’embargo contre Cuba, et la loi d’Amato-Kennedy, qui visait à sanctionner les États soutenant le terrorisme international et qui donnait la possibilité à Washington de punir les investissements - américains ou non - dans le secteur énergétique en Iran ou en Libye. Toute cette expérience n’a donc servi à rien, comme l’illustre tout ce qui se passe aujourd’hui avec le cas iranien. On a l’impression que l’Union européenne repart à zéro, qu’elle n’a pas enrichie sa réflexion sur le sujet.

J’explique cela par le fait que tant qu’il n’y aura pas un cadre général de pensée stratégique économique en Europe, à chaque fois les fonctionnaires de Bruxelles se trouveront dépouillés, car ils ne savent pas comment réagir. En effet, le concept de guerre économique est un concept complètement balayé à Bruxelles où l’on n’a jamais accepté de réfléchir sur la question. L’Europe, c’est la paix, et la puissance est un gros mot à Bruxelles.

L’Union européenne n’est donc pas en mesure de répondre à ces menaces?

En 1996, il y a eu une occasion formidable de réagir face aux lois Helms-Burton et Amato-Kennedy, lorsque les Européens ont décidé d’établir un règlement pour protéger les entreprises européennes. L’Union européenne avait déposé plainte à l’OMC, mais malheureusement elle l’a retirée. Les Européens ont trouvé un accord avec les Américains, et ce fut là l’erreur stratégique. Cet accord reposait alors essentiellement sur la bonne volonté du président Clinton, et sur celle du Congrès qui, éventuellement, n’appliquerait pas forcément les dispositions des lois qui posaient problème. Selon moi, à l’époque il aurait vraiment fallu traiter le problème à la racine et laisser la plainte déposée à l’OMC aller jusqu’au bout. Cela aurait permis de montrer que les Européens n’accepteraient pas ce type de diktat économique.

On mesure aujourd’hui le prix de cette erreur politique des Européens. Le président Trump n’étant pas tenu par la promesse de ses prédécesseurs a décidé très récemment d’appliquer le titre III de la loi Helms-Burton qui autorise les poursuites des entreprises étrangères devant les tribunaux américains. Faut-il déposer une nouvelle plainte à l’OMC? Aujourd’hui, une telle action semble inenvisageable tant les Européens craignent de donner une occasion à Donald Trump de quitter l’OMC. Bruxelles et Paris sont donc systématiquement sur la défensive, ne trouve pas de solutions, et toutes les entreprises européennes ont aujourd’hui quitté l’Iran et peut-être Cuba dans les prochains mois. Et ce n’est pas la plateforme financière de troc promise par Paris, Londres et Berlin pour assurer des relations commerciales avec Téhéran qui va radicalement modifier le rapport de force avec les Américains. L’ambition européenne se limite aux échanges dans les secteurs de l’alimentation et des médicaments. Ce n’est pas cela qui fera revenir Total, Peugeot ou Renault…De plus, les Américains comptent tout faire pour l’empêcher de fonctionner.

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Vous expliquez qu’Airbus sera la prochaine cible de l’extraterritorialité du droit américain...

Depuis le printemps 2016, Airbus Group traverse une zone de turbulence juridique. Thomas Enders, alors PDG de l’avionneur européen (remplacé par Guillaume Fleury) a décidé d’ouvrir le parapluie en se confessant de son propre chef à l’agence britannique de crédit à l’exportation (UK Export Finance, UKEF): son entreprise a oublié de mentionner certains intermédiaires dans plusieurs contrats à l’export. Depuis, les Britanniques et les Français via le Parquet national financier, enquêtent. Thomas Enders pensait couper l’herbe sous le pied des Américains. Mais en décembre dernier, on a appris que Washington avait placé Airbus sous enquête. Il est clair qu’une épée de Damoclès est placée au-dessus de l’avionneur européen. Avec la présence des Américains dans la procédure, la facture risque d’être salée, forcément de plusieurs milliards d’euros.

Les États-Unis sont-ils le seul pays à mettre en œuvre l’extra-territorialité de leur droit? Vous expliquez que c’est beaucoup grâce à leurs services secrets…

Les Américains sont en effet le seul pays à manier leurs lois extraterritoriales de manière aussi intrusive et agressive. Et visiblement cela marche quand vous constatez qu’ils peuvent frapper des entreprises russes et même chinoises (ZTE et Huawai). Les Européens répondent qu’ils possèdent aussi une législation extraterritoriale à travers le Règlement général de protection des données (RGPD) censé contraindre les entreprises du monde entier à protéger nos données personnelles. Mais la loi américaine qu’on appelle le Cloud Act voté en août dernier permet à n’importe quelle autorité de poursuite américaine d’exiger l’accès à nos données quand bien celles-ci sont hébergées en Europe par un Gafa. Les États-Unis sont extrêmement agressifs car, vous avez raison de le noter, ces lois leur permettent de récupérer des millions d’informations économiques qui vont nourrir les bases de données de leurs services de renseignement. Et servir à la protection de leurs intérêts économiques et commerciaux. Il va falloir surveiller la réponse chinoise. Souvent Pékin applique la réciprocité. Il faudra voir comment les Chinois se comportent notamment sur les marchés de la route de la Soie. Ce n’est pas un hasard si les Chinois ont été les premiers à traduire mon livre.

Ces pratiques deviendront-elles systématiques? Ou bien les États-Unis seront-ils contraints de les abandonner?

Elles commencent à poser des problèmes aux Américains. Diplomatiques d’abord. Les relations avec leurs alliés se tendent de plus en plus. Vont-ils finir par se révolter ou accepter un statut plus proche de vassal que d’allié? Vont-ils utiliser les mêmes armes, et dans ce cas, cette affaire pourrait très mal finir... Ou alors se détacher du dollar au profit de l’euro et du yuan? Problèmes sécuritaires ensuite. Les organisations criminelles et terroristes ainsi que les États qualifiés de «voyous» par Washington s’adaptent à la nouvelle situation. Ils trouvent les parades pour parer aux coups de l’Amérique. Le problème, c’est que les lois extraterritoriales américaines sont trop efficaces. Résultat: les entreprises occidentales n’osent plus bouger le moindre petit doigt et désertent certains marchés risqués. Ce qui affaiblit la surveillance américaine, les autorités manquant de sources pour faire remonter les bonnes informations. Du coup, remarquent les spécialistes américains de la sécurité, les outils de surveillance et de contrôle commencent à diminuer. Les entreprises et les acteurs moins dociles, plus opaques, s’en réjouissent.

Ali Laïdi, propos recueillis par Etienne Campion (Figaro Vox, 3 mai 2019)

mardi, 19 mars 2019

Ali Laidi et son livre sur le Droit, la nouvelle arme de la guerre économique

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Ali Laidi et son livre sur le Droit, la nouvelle arme de la guerre économique

 
Depuis une dizaine d’années, les États-Unis mobilisent une arme économique dont les élites européennes sont en train d’évaluer les dégâts et que l’opinion publique ne soupçonne pas : leur droit, leurs lois, qu’ils appliquent au-delà de leurs frontières et qui leur permettent de s’ingérer dans la politique étrangère et commerciale de leurs ennemis comme de leurs alliés. Cibles prioritaires : les entreprises européennes en général, et françaises en particulier.
 

mercredi, 13 mars 2019

Portraits-robots des mafias en Belgique

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Portraits-robots des mafias en Belgique

par Marie-Cécile Royen et Thierry Denoël

Source: Le Vif (juillet 2012)

Ex: https://www.levif.be

La police fédérale recourt, dans son Image policière nationale de sécurité 2011, au critère de la nationalité pour décrire des phénomènes criminels en constante évolution. Elle peut ainsi déterminer la provenance des organisations criminelles actives en Belgique et décrire leur mode de fonctionnement et leurs particularités.

OUEST DES BALKANS : LES ALBANAIS ET LA CULTURE DU CLAN

Les organisations criminelles albanophones sévissent en Belgique depuis le milieu des années 1990. On parle aujourd'hui de quatrième vague d'implantation de ces groupes mafieux provenant des Balkans. A l'époque, les réseaux albanais tenaient d'une main de fer la quasi-totalité du marché de la prostitution en Belgique. Tout en se maintenant à Anvers et à Bruxelles, ils ont perdu de leurs forces dans ce secteur et se sont reconvertis dans le trafic de drogues et d'armes, ce dernier ayant été alimenté par les stocks dispersés après la chute du mur de Berlin. Une des caractéristiques de la mafia albanaise, réputée opportuniste plutôt que stratège, est qu'elle est polycriminelle : elle s'adonne aussi aux vols organisés et au trafic de migrants.

L'organisation criminelle, en cercles concentriques, est d'abord familiale. Autour d'un noyau constitué de membres d'un même clan viennent se greffer des amis ou des individus provenant du même village d'origine, essentiellement de Tropojë dans le nord de l'Albanie et de la vallée de la Drenica, de Pristina et de Mitrovica au Kosovo. Un troisième cercle est constitué de "collaborateurs", soit de main- d'£uvre pour les vols en séries, le passage de drogue, la conduite de véhicules... Les Albanais travaillent aussi avec des clans associés, le plus fréquemment ceux de la Mafia italienne, mais aussi de la Maffyia turque.

Au fil des années, on a vu croître l'implication des groupes criminels albanophones, toujours mieux intégrés dans la société belge. Ils se sont beaucoup investis dans l'import et l'export de cocaïne qu'ils se procurent directement en Amérique du Sud auprès des Cartelitos colombiens, font livrer à Anvers et redistribuent vers l'Italie et la Scandinavie en s'appuyant sur la diaspora albanaise.

SUD-OUEST DE LA MER NOIRE : LES GROUPES CRIMINELS TURCS, MAÎTRES DE L'HÉROÏNE

La police fédérale qualifie les organisations turques de "menaçantes" en raison de leur rôle déjà ancien dans le trafic d'héroïne et l'importation de biens contrefaits (vêtements de marque, parfums, sacs à main, cigarettes). La nouveauté : l'implication de Turcs des Pays-Bas et de Belgique dans la production de cannabis. Sept dossiers en 2008, 39 pour 2009-2010. Les "Turcs hollandais" jouent un rôle de contremaître (organisation des plantations en Belgique) pour le compte de leurs commanditaires, tandis que les "Belges", souvent en situation précaire, sont soigneurs de plantation ou coupeurs de plants. Les groupes criminels turcs exploitent des Bulgares turcophones dans les secteurs du nettoyage, des abattoirs ou de la construction, ainsi que les petits commerces. L'Etat est floué par la fraude fiscale et sociale qui accompagne cette exploitation économique. L'argent du crime est envoyé en Turquie par des passeurs humains et investis dans l'immobilier ou le soutien aux membres de la famille. Les Turcs sont également les champions du "hacktivisme" : le "défacement" de la page d'accueil d'un site officiel ou semi-officiel pour faire passer des convictions politiques, sociales ou religieuses.

LES ROUMAINS SUR TOUS LES FRONTS

Après les Belges, qui occupent la première place pour tous les phénomènes, les Roumains forment le deuxième groupe d'auteurs en importance pour les phénomènes de vol à la tire, la fraude aux cartes de paiement, l'escroquerie sans Internet et le vol par ruse. Ils sont le troisième groupe d'auteurs en importance pour l'exploitation sexuelle, le vol à l'étalage et la criminalité informatique. Un certain nombre d'entre eux, sédentaires ou itinérants, ont des racines tsiganes : on les retrouve surtout dans les cambriolages et les vols. Les autres pratiquent l'exploitation sexuelle de façon plus ou moins organisée. D'autres Roumains sont parfois victimes de leurs compatriotes : les femmes dans la prostitution, les hommes dans le secteur de la construction, taillables et corvéables à merci. Les groupes criminels de cette origine commettent des escroqueries via les achats et ventes en ligne, après avoir été les champions du skimming (fraude aux cartes de paiement grâce à des appareils installés dans les distributeurs de billets). Depuis janvier 2011, un grand nombre de banques bloquent les cartes de crédit en dehors de l'Europe. Une parade efficace, semble-t-il.

LES BULGARES ET LEURS RÉSEAUX FERMÉS

On observe une montée en puissance des groupes criminels bulgares depuis la fin du visa obligatoire (2001). Ils se sont organisés depuis la Bulgarie, ce qui rend leur surveillance plus difficile. Les analystes de la police fédérale relèvent le caractère fermé de ces organisations tout en jugeant leur pouvoir de nuisance modéré. Les Bulgares sont particulièrement actifs dans l'exploitation sexuelle qu'ils pratiquent de manière douce : "dame de compagnie" plutôt que proxénète, prostituées consentantes, de nationalité bulgare... Les gains sont réinvestis en Bulgarie, dans l'immobilier (achat de terrains pour y construire de petits hôtels). Depuis que la Bulgarie est membre de l'Union européenne (2007), certains métiers en pénurie sont ouverts à ses ressortissants. Des réseaux criminels font travailler des compatriotes en Belgique et les réexpédient au pays tous les trois mois pour faire valider leur passeport. Leurs conditions de vie sont dégradantes. Des fraudes à la sécurité sociale sont probablement liées à cette exploitation économique. Les réseaux écoulent aussi en Belgique de la fausse monnaie fabriquée en Bulgarie.

ASIE DE L'EST : LES CHINOIS S'EXPLOITENT ENTRE EUX

Le 18 juin dernier, le patron du City Wok, un resto chinois de 400 places à Verviers, a été condamné à 18 moins de prison ferme pour traite des êtres humains et exploitation de main-d'£uvre clandestine. Une condamnation pour combien de clandestins ainsi abusés en Belgique ? Structurés en petites entités familiales, les groupes criminels chinois sont surtout actifs dans la traite des êtres humains, l'exploitation économique et la criminalité informatique. Ces activités génèrent de grosses sommes d'argent qui sont envoyées en Chine via Western Union. Les candidats à l'immigration illégale en Belgique proviennent le plus souvent des provinces côtières assez prospères du Fujian et du Zhejiang. Souvent fermées, les organisations chinoises se sont récemment ouvertes et sous-traitent de plus en plus avec d'autres organisations, des groupes albanais par exemple, pour le transport. L'exploitation des clandestins est principalement organisée dans des restaurants chinois ou japonais et s'exerce à l'égard de personnes asiatiques.

PAYS-BAS ET BELGIQUE : LES AUTEURS BELGES SOUS-REPRÉSENTÉS

Depuis le premier rapport sur la criminalité en Belgique, à la fin des années 1990, la part des criminels belges dans l'ensemble de la criminalité organisée a diminué. Elle est passée de 50 % à moins de la moitié de l'ensemble. Aujourd'hui, elle fluctue entre 40 et 45 %. Le nombre d'auteurs belges est proportionnel à leur part dans la population (90,2 %) dans deux seuls domaines : la possession, diffusion et production de matériels pédopornographiques et le hooliganisme. Ils sont aussi fréquemment cités dans les délits avec violence, trafic de produits hormonaux, incendie criminel, vandalisme et atteinte à l'environnement. Les bandes de motards ( lire encadré) ne sont composées que de Belges. Egalement contrôlée par des autochtones, la mafia des hormones, dynamique et professionnelle, selon les enquêteurs. En matière de stupéfiants, les Belges sont des organisateurs, à grande échelle, de plantations de cannabis et de labos de drogues synthétiques. Ils exercent des fonctions plus secondaires dans le trafic de cocaïne. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité financière, les analystes policiers pointent le rôle crucial des professionnels (avocats spécialisés en droit fiscal, notaires, réviseurs d'entreprises, conseillers fiscaux) qui participent consciemment à des constructions frauduleuses.

LES NORD-AFRICAINS : AUTEURS ET VICTIMES

A propos des criminels d'origine marocaine, algérienne et tunisienne, l'Image policière nationale de sécurité (IPNS) est prudente. Elle n'évoque pas une criminalité organisée (comptabilisée sous l'étiquette de "belge") mais bien de "tendances récentes" qui font des Nord-Africains, résidant légalement ou non en Belgique, des auteurs et parfois des victimes de certains phénomènes. Vols avec ou sans violence (comme le smurfing, où une bande de jeunes envahissent un magasin pour y commettre des vols), escroquerie par téléphone (vente de vins de mauvaise qualité). L'aide à l'immigration illégale et la fraude à la sécurité sociale au moyen de faux documents semblent de mieux en mieux organisée.

LES NÉERLANDAIS : LE MARCHÉ DE LA DROGUE

Les groupes criminels néerlandais sont prédominants dans la production de cannabis, l'importation/exportation de cannabis et de cocaïne, la production et l'exportation de drogues synthétiques. La cocaïne arrive via les ports d'Anvers et de Zeebrugge, ainsi que l'aéroport de Zaventem. Elle est directement transportée aux Pays-Bas en vue de son traitement et de sa distribution. Les organisations criminelles sont souvent limitées à 6 ou 8 personnes, avec la participation de Belges pour certaines tâches. Dans une moindre mesure, on retrouve aussi des criminels néerlandais dans le blanchiment (via l'achat de biens immobiliers), la fraude à l'impôt sur le revenu, la fraude à la TVA et la vente en Belgique d'articles contrefaits en Turquie. Les organisations néerlandaises pratiquent la fraude fiscale et sociale dans le secteur de la construction, en mettant des travailleurs étrangers exploités à la disposition de sous-traitants.

MARIE-CÉCILE ROYEN ET THIERRY DENOËL

Maffia in België - De onderwereld globaliseert

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Maffia in België - De onderwereld globaliseert

Op zeven jaar tijd is het aantal criminele organisaties in België verdubbeld tot 300. Vooral de aanwezigheid van de Albanese maffia neemt jaar na jaar toe. Dat is af te leiden uit het voorontwerp van het Belgisch Jaarrapport over Georganiseerde Criminaliteit, dat in het najaar aan het parlement wordt voorgelegd.

Het eerste Belgische Jaarrapport over Georganiseerde Criminaliteit, opgesteld in 1996, maakte melding van 162 geïdentificeerde criminele organisaties in België. ‘Vandaag zijn er 300 onderzoeken lopende, waarvan 120 het voorbije jaar zijn gestart. Wordt het fenomeen groter of identificeren we meer criminele organisaties omdat onze aandacht ervoor is toegenomen? De waarheid ligt waarschijnlijk in het midden’, zegt Marc Paternotte, strategisch analist bij de Directie Georganiseerde Criminaliteit van de federale politie. ‘In totaal gaat het om ongeveer 2300 betrokken personen, want de omvang van de organisaties is niet zo groot. Meestal zijn het groepen van vijf tot negen leden.’ Ter vergelijking: in Spanje starten jaarlijks 300 nieuwe onderzoeken naar criminele organisaties en Duitsland volgt momenteel 850 lopende dossiers op.

De peetvaders bestaan echt

Volgens het nieuwe jaarrapport schommelt de leeftijd van leden van criminele organisaties in België rond de 30 jaar. Paternotte: ‘In vergelijking met de globale gemiddelde leeftijd van criminelen 22 jaar is dat vrij oud. In de statistieken duiken ook enkele personen op boven 60 jaar. De peetvaders bestaan dus echt.’ Iets meer dan tien procent van de daders zijn vrouwen. Opvallend is ook dat criminele organisaties steeds meer een beroep doen op specialisten zoals boekhouders, informatici, advocaten en financiële experts. ‘Criminele organisaties kunnen het kruim van dat soort experts aantrekken, want ze betalen beter dan de overheid of de normale zakenwereld’, zegt Freddy De Pauw, auteur van De maffia in België (Davidsfonds, 1998).

Het lijstje met criminele activiteiten is lang: van mensenhandel over drugssmokkel tot afpersing, inbraken en hold-ups. Een nieuwe ontwikkeling is dat criminele organisaties zich niet langer toeleggen op één activiteit. Drugs en beschermde diersoorten worden bijvoorbeeld samen in dezelfde vrachtwagen gesmokkeld. De Pauw: ‘Organisaties gaan ook onderling beter samenwerken. De onderwereld globaliseert en vertakt zich. Dat zie je bijvoorbeeld in de mensenhandel: oplichters die valse paspoorten verkopen aan Koerden in Irak werken samen met Turkse mensenhandelaars, die op hun beurt banden hebben met Albanese en Italiaanse organisaties. Maffiabazen zijn zakenmensen die hun imperium proberen uit te breiden. Als dat kan door samen te werken, doen ze dat ook. Anderzijds kan onderlinge concurrentie soms leiden tot een maffiaoorlog, zoals je vandaag in Oost-Europa ziet.’

Maffiosi op de beurs

België ontplooien criminele organisaties hun activiteiten in de eerste plaats vanuit Brussel en Antwerpen. Daarna volgen Luik, Charleroi, Hasselt, Gent, Bergen, Brugge en Tongeren. ‘Ondanks een daling van 47 procent in 2000 naar 40 procent vorig jaar vormen Belgische criminelen nog steeds de grootste groep binnen de georganiseerde criminaliteit. Dat wordt vaak vergeten’, aldus Paternotte. ‘Samen met Nederland is België het belangrijkste productie- en exportland ter wereld voor amfetamines en xtc. Van de hormonenmaffia hoor je maar weinig, omdat zij steeds minder geweld gebruikt, maar dat wil niet zeggen dat ze haar activiteiten heeft stopgezet.’

Maar liefst 79 verschillende nationaliteiten zijn betrokken bij de georganiseerde criminaliteit in België. Met een 24-tal organisaties vormt de Italiaanse onderwereld in België nog altijd het grootste buitenlandse criminele circuit. De Pauw: ‘Ze hebben intussen wel geleerd om uit het nieuws te blijven. De nieuwe generatie Italiaanse maffiosi vind je op de beurs en in de financiële wereld.’ Onmiddellijk na de Italiaanse organisaties volgen Nederlandse (6 procent), Marokkaanse (5 procent) en Albanese groeperingen (5 procent). ‘De systematische toename van Albanese criminele organisaties in België is de opvallendste vaststelling uit het jaarrapport’, zegt Paternotte. ‘Jaar na jaar slagen zij erin om hun activiteiten uit te breiden. In 1997 zijn Albanese groeperingen begonnen met straatcriminaliteit, maar later geraakten ze betrokken bij heroïne- en vrouwenhandel, prostitutie en georganiseerde diefstallen. Ze gaan heel opportunistisch te werk en gebruiken ook meer geweld dan andere groepen.’

De Pauw: ‘Dat komt omdat zij een relatief jonge maffia zijn. Ik verwacht dat ze op termijn uit eigenbelang minder geweld zullen gebruiken en zich meer als zakenmensen gaan gedragen. Albanese criminele groeperingen in België zijn filialen die deel uitmaken van een groter netwerk met bijvoorbeeld een zetel in het noorden van Albanië. Ook als je in België een groep zou oprollen, blijft het netwerk bestaan.’

Bedreiging voor democratie

Moet België zich nu zorgen maken? ‘Het grootste gevaar van de georganiseerde criminaliteit schuilt in hun potentieel om zware feiten te plegen. We moeten er ons van bewust zijn dat het fenomeen bestaat’, zegt Paternotte. ‘Ook represailles tegen politiemensen en burgers zijn niet te onderschatten: zes van de tien organisaties gebruiken wel eens geweld of intimidatie.

In de voorbije vijf jaar zijn 400 feiten vastgesteld, van chantage over slagen en verwondingen tot moord.’ De Pauw: ‘In vergelijking met zeven jaar geleden staat België een stuk verder in de bestrijding van georganiseerde criminaliteit. Het jaarrapport toont aan dat de overheid het fenomeen ernstig neemt. Gevaarlijk is vooral dat criminele organisaties steeds meer gebruik maken van corruptie, hun geliefkoosd wapen, en dat is slecht voor het democratisch gehalte van onze samenleving. Om het witwassen van crimineel geld tegen te gaan zouden in de eerste plaats fiscale paradijzen binnen de Europese Unie en in landen als Liechtenstein en Monaco opgedoekt moeten worden. Maar alle beloftes van het Europees Parlement ten spijt is daar nog niet veel van in huis gekomen.’

Maffia? Ze zien eruit zoals u en ik

‘Het beeld van georganiseerde criminaliteit zoals je dat ziet in films als The Godfather strookt vaak niet met de werkelijkheid. Ook de term maffia gebruiken we bij de politie liever niet. De maffia is maar één specifieke vorm van een criminele organisatie, met kenmerken als zwijgplicht, een voorgeschiedenis en een hiërarchisch verband’, aldus Paternotte. ‘Het belangrijkste kenmerk van criminele organisaties is het gebruik van contrastrategie: technieken om hun eigen bestaan of activiteiten af te schermen. Georganiseerde diefstalbendes die deze contrastrategie niet toepassen, beschouwen we niet als criminele organisaties.’ De Pauw: ‘Leden van criminele organisaties zijn geen uitzonderlijke personages met speciale kenmerken. Ze vallen net niet op, werken heel discreet en zien er uit zoals u en ik. Een van de grondregels van gevestigde maffiagroepen is: probeer uit de schijnwerpers te blijven.’

mardi, 13 novembre 2018

Les relations internationales dans un monde multipolaire

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Les relations internationales dans un monde multipolaire

par Hans Köchler*

Ex: http://www.zeit-fragen.ch

Afin d’éviter tout malentendu, il est judicieux d’entreprendre d’abord une clarification concernant la formulation du sujet qui m’a été assigné «Les relations internationales dans un monde multipolaire». Pour le terme «international», c’est assez simple. Il faut cependant souligner spécifiquement ce qu’on entend par ce terme «interétatique», puisque qu’en allemand «nation» a encore une autre signification. Il s’agit donc des relations entre les Etats et implicitement, de celles entre les peuples et les individus. Cela n’entre pas en contradiction avec le fait que l’Etat obtienne sa légitimité du statut souverain du citoyen dans l’action commune.

«L’avantage décisif de la configuration multipolaire – plutôt complexe, il faut le reconnaître – est que chaque acteur, indépendamment de sa taille et de son pouvoir, a une marge de manœuvre – on pourrait aussi dire un espace de liberté – relativement plus grande que dans l’ancienne configuration unipolaire. Pour les Etats de moindre importance, un cadre multipolaire constitue clairement une meilleure garantie pour la sauvegarde de leur indépendance, qu’un système hégémonique ou aussi bipolaire.»

«Multipolaire» et «multilatéral»

Cependant, la notion de «multipolaire» nécessite d’être expliquée de manière plus précise. Il ne faut pas la confondre avec la notion de «multilatéral». Cette dernière se rapporte à la forme ou plutôt à la méthode de l’action en politique extérieure des Etats, alors qu’au contraire l’adjectif «multipolaire» met l’accent sur la configuration de pouvoir entre les Etats. Ce sont deux niveaux de compréhension totalement différents de l’application de cette notion. Les accords, par exemple, peuvent être soit bilatéraux, soit multilatéraux; ils ne peuvent cependant jamais être unilatéraux, puisque on ne peut conclure un accord avec soi-même. Les sanctions peuvent être unilatérales, si elles sont imposées par une seule partie, soit par un seul Etat, soit par un groupe ou une organisation d’Etats. Les sanctions ne deviennent des mesures de contrainte collectives, donc multilatérales, que si elles sont dispensées par le Conseil de sécurité des Nations Unies au nom de tous, donc au nom de la communauté des nations. On peut donc dire qu’un Etat agit dans un certain cas, de façon multilatérale, c’est-à-dire, qu’il prend des décisions en commun avec d’autres Etats, ou alors, dans un cas isolé ou de façon générale, il peut également agir de façon unilatérale.


Il en va tout autrement avec l’adjectif «multipolaire». A un moment donné, la configuration de pouvoir au niveau global ou régional peut être unipolaire, bipolaire ou multipolaire. Ici, il n’est pas question – tout autrement qu’avec «unilatéral», «bilatéral» ou «multilatéral» – du nombre des Etats trouvant un accord au sujet de mesures particulières, mais du nombre de pôles de pouvoir au niveau global. Juste un indice pour préciser cette différence: dans un ordre multipolaire, un Etat peut – s’il le souhaite – agir de manière unilatérale, s’il pense être assez puissant pour le faire. S’il n’y a qu’un seul centre de pouvoir, l’Etat dominant sera constamment tenté d’agir comme il le désire, sans rechercher l’entente avec les autres Etats, puisqu’il n’existe aucun contrepoids à son pouvoir. Dans une telle configuration, il peut cependant de son propre chef également agir de manière multilatérale, c’est-à-dire, accorder sa position avec d’autres Etats – s’il en ressent la magnanimité ou – selon le point de vue – suffisamment d’indulgence.

Trois questions déterminantes concernant le sujet

Après cette clarification, nous pouvons rentrer in medias res, dans le vif du sujet. Comme je vois la chose, il y a trois questions déterminantes concernant le sujet – comment avancer au niveau international dans un monde multipolaire:

  1. Quelle est la marge d’action des acteurs étatique dans une constellation multipolaire, induisant idéalement, mais non nécessairement, aussi un équilibre de pouvoir multipolaire?
  2. Quelle est la particularité des relations internationales, lorsqu’il y a plus de deux pôles de pouvoir, c’est-à-dire, quelle en est la différence d’avec une configuration unipolaire ou bipolaire?
  3. Quelles sont les perspectives d’avenir de l’action interétatique dans un contexte multipolaire – ou, très concrètement, hic et nunc: comment passer d’une configuration unipolaire à une configuration multipolaire?

Le monde est dans une phase transitoire

Je pense qu’il est clair pour nous tous que le monde se trouve actuellement dans une telle phase transitoire et que nous nous trouvons pour l’instant dans une sorte de mélange hybride. L’ordre mondial n’est plus exclusivement unipolaire, mais il n’est pas non plus entièrement multipolaire. Il est évident qu’une telle époque de bouleversements comprend pour tout le monde de l’instabilité et des risques. Il y a cependant encore une autre incertitude. Dans cette phase transitoire, il est tout à fait possible que se forme une nouvelle bipolarité – par exemple «Etats-Unis – Chine». Il n’est pas possible de donner une évaluation exacte du parallélogramme des forces globales en présence.

Rétrospective historique

Afin de comprendre correctement la situation actuelle et estimer d’une manière réaliste les chances et les perspectives de l’action étatique, il faut effectuer une brève rétrospective historique. Au cours des siècles depuis le début de l’organisation étatique, les relations internationales ont essentiellement été des démonstrations de force régies par la loi du plus fort. Il n’y avait à cela aucun cadre (légal) normatif. Pour décrire cette situation, il y a en allemand une expression adaptée: l’«anarchie de la souveraineté».


Dès le XVIIe siècle, et surtout depuis le Traité de Westphalie qui mit fin à la guerre de 30 Ans, on a essayé de formuler des règles du jeu pour les relations interétatiques – et cela dans une sorte de cadre multipolaire. Mais ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que sont apparus les prémisses d’une codification universelle des règles devant être suivies par les Etats, ou plus exactement des règles que les Etats se sont volontairement engagés à respecter. On pourrait citer en exemples la Sainte-Alliance qui fit suite aux guerres napoléoniennes ou – à la fin du XIXe siècle – l’unification par les Conventions de La Haye et enfin, au siècle dernier déjà, la mise en forme d’un statut pour l’organisation nommée Société des Nations, devenue – après une autre guerre mondiale – l’Organisation des Nations Unies. Mais on doit admettre qu’il n’existe, à l’heure actuelle, aucun système de règles pour la mise en application homogène et généralisée de normes internationales sur lesquelles on se soit mis d’accord. Finalement, tout au long des siècles, le progrès a seulement consisté à continuellement préciser et à codifier davantage ces règles et principes.

Potentiel de la Realpolitik et le cadre légal

Ainsi, en ce qui touche au positionnement de chaque Etat dans la communauté mondiale, les relations internationales sont définies, aussi au début de notre millénaire, par une sorte d’interaction entre deux facteurs: d’une part, le potentiel de la realpolitik et d’autre part, le cadre légal. On ne peut considérer aucun de ces aspects isolés l’un de l’autre.
Passons ensuite au potentiel de realpolitik: on entend par là la capacité d’un Etat à exprimer ses intérêts vitaux – soit, à l’américaine «the national interest». Ceux-ci sont déterminés d’une part par les paramètres économiques, militaires et technologiques, donc selon le potentiel de pouvoir effectif d’un Etat. Entretemps, il est devenu à la mode d’y adjoindre l’aspect de «soft power». D’autre part, il dépend aussi du savoir-faire tactique et diplomatique d’un Etat, de la manière dont il s’investit concrètement – avec le potentiel de pouvoir dont il dispose – dans les divers débats et de sa capacité à participer à l’articulation mutuelle des intérêts, ou à négocier ses intérêts avec les autres sur la base de la réciprocité. Cette habileté diplomatique – comme on peut l’observer dans les politiques d’alliance d’un Etat – fait essentiellement partie de la force de realpolitik et se joint donc au potentiel effectif du pouvoir. Le rôle joué par Talleyrand lors du Congrès de Vienne en est un exemple particulièrement frappant: il était le représentant de la France postnapoléonienne – le perdant de la guerre! – et malgré le potentiel de pouvoir radicalement réduit de son pays, il a été capable de jouer un rôle tout à fait décisif dans les pourparlers.

Des principes légalement codifiés plutôt que l’«anarchie des souverainetés»

Le deuxième facteur important, outre le potentiel de la realpolitik, est le cadre légal. A cet égard il y a une différence fondamentale avec l’époque pré-moderne de l’anarchie des souverainetés. Alors que les conflits d’intérêts précédents prenaient un tour essentiellement belliqueux, ils peuvent à présent être négociés selon des règles précises – depuis que les principes légaux sont codifiés dans des accords. La structure des normes interétatiques toujours plus complexe devrait offrir – tout au moins selon sa conception – de la sécurité à l’acteur étatique de deux façons: d’une part dans la vie réelle, on pourrait aussi dire, au sens physique – en tant que protection des attaques et interventions contre sa souveraineté. C’est, par exemple, l’importance des dispositions dans la Charte des Nations-Unies ou, auparavant, dans le Pacte Briand-Kellog. D’autre part, l’ensemble codifié des normes devrait offrir un genre de sécurité de planification – selon le principe de la bonne foi. Un Etat doit pouvoir être sûr que les autres Etats agissent également selon le système de règles sur lequel il y a eu accord préalable.

Le dilemme des Nations Unies

Ce deuxième facteur – le cadre légal – n’est toujours pas entièrement développé. Il reste abstrait, si l’on ne le considère pas en rapport avec le potentiel de la realpolitik. A quoi servent les plus belles règles – sur le papier –, si un Etat n’est pas en mesure d’exiger leur respect face à d’autres acteurs potentiellement plus forts. Voilà en quoi consiste exactement, depuis sa fondation, le dilemme de l’Organisation des Nations Unies en tant que garant du droit et de la paix au niveau mondial.

L’unipolarité rend le cadre légal presque totalement inefficace

Les deux facteurs – le potentiel de la realpolitik et le cadre légal – sont mis en œuvre différemment selon la structure du système international (unipolaire, bipolaire, multipolaire). Quand l’un des deux domine – dans une situation d’unipolarité – les facteurs que j’ai mentionnés dans le second point – le cadre légal – demeurent en grande partie sans effet. Dans une telle configuration, ce sont avant tout les petits et moyens Etats qui y perdent leur marge de manœuvre – ce que nous avons tous pu observer durant les dernières décennies – par exemple, dans l’ordre bipolaire de la guerre froide. Dans des conditions d’unipolarité, l’Hégémon s’en tiendra au cadre légal uniquement tant que celui-ci ne s’oppose pas à ses intérêts vitaux. Pour illustration, on pourrait renvoyer à la politique de Donald Trump. La résiliation unilatérale par les Etats-Unis du traité conclu avec l’Iran a démontré de façon drastique aux gens de bonne foi les conséquences d’une politique unilatérale. Lorsqu’un Etat se sent si puissant qu’il pense ne pas devoir prendre en considération les intérêts d’autrui, alors il est capable d’ignorer les engagements des résolutions obligatoires du Conseil de sécurité des Nations-Unies ou ceux conclus par un précédent gouvernement, dans le cas où le gouvernement en poste pense qu’une telle position correspond mieux à ses intérêts nationaux.


Dans une configuration unipolaire, ce ne sont, pour les membres de la communauté internationale, pas tant les normes formellement en vigueur qui comptent, mais leur positionnement en realpolitik: soit en tant que vassal de l’Hégémon – ce qui a été, par exemple, pendant longtemps le rôle de l’Allemagne à l’égard des Etats-Unis – ou dans une tentative de se regrouper avec d’autres Etats. Nous en trouvons un exemple pour ce cas, dans les formes transnationales de coopération, comme par exemple les BRICS ou les initiatives au niveau régional telle l’Organisation de coopération de Shanghai. Il s’agit là d’une coordination politique entre Etats sympathisants dans le but de résister à la pression de l’Hégémon.

Stratégie d’accès au pouvoir dans le domaine purement militaire

Parmi les options de la realpolitik, il y a aussi la possibilité que certains Etats poursuivent une stratégie d’accès au pouvoir dans le domaine purement militaire, notamment en recourant à des armes de destruction massive. Cela signifie, on a pu l’observer tout récemment avec l’exemple de la crise au sujet de la Corée du Nord. Concernant la problématique des armes nucléaires dans le contexte de la realpolitik, il existe également une intéressante – et sibylline – étude («Advisory Opinion») de la Cour de justice internationale qui a évoqué le tabou de la question de l’admissibilité des armes nucléaires dans sa réponse à la question qui lui avait été posée à ce sujet par l’Assemblée générale, à savoir si, dans un cas où il s’agit de la survie d’un Etat en tant que tel, la question de l’utilisation d’armes de destruction massive ne devait pas être considérée autrement que seulement sur un plan formel (uniquement aux termes de la loi).

Davantage de marge de manœuvre dans un ordre multipolaire

Les options – brièvement esquissées – d’action des Etats dans le contexte unipolaire contiennent déjà en elles-mêmes les prémisses de l’émergence d’un ordre multipolaire dans lequel plus de deux centres de pouvoir négocient les règles du jeu des relations internationales et articulent ensuite leurs intérêts dans le cadre de ces règles. Il est évident que dans un tel cadre l’acteur indépendant – en comparaison du scénario unipolaire – possède une marge de manœuvre clairement plus étendue. Il n’est plus alors livré, pour le meilleur et pour le pire, à la volonté d’un Hégémon, mais peut articuler ses intérêts en coopération avec d’autres acteurs, ce qui lui ouvre toujours plusieurs options. Il peut rejoindre un groupement régional ou en créer un autre, ou participer à un forum de coopération transnational. Mentionnons comme exemples, les BRICS ou le G20. Un Etat peut également se positionner en tant que médiateur neutre, comme le démontre manifestement la politique extérieure de la Suisse. Dans une constellation bipolaire, comme durant la guerre froide, cette politique peut cependant développer une plus importante efficacité. (Cela correspond aussi à l’expérience de la diplomatie autrichienne jusqu’à son entrée dans l’Union européenne.)

Aucune obligation à participer à un des centres du pouvoir

Dans cette comparaison des différents types d’ordre universel, il est important de souligner que la multipolarité ne veut pas dire que chaque Etat aurait l’obligation de se joindre à l’un des centres du pouvoir existant (et donc de se soumettre) – et que de cette façon, les petits Etats seraient pour ainsi dire marginalisés. La multipolarité signifie au contraire l’existence de plusieurs pôles de pouvoir pouvant se former autour d’Etats indépendants, mais aussi autour de groupements d’Etats ou d’organisations interétatiques ne s’étendant pas nécessairement au monde entier. Là aussi, il y a pour un Etat indépendant la possibilité fondamentale de s’abstenir ou de décider de façon autonome s’il nécessite une sécurité supplémentaire en intégrant une organisation existante ou non. Il y a donc une large marge d’appréciation et de manœuvre diplomatique. Les petits Etats ne sont donc pas contraints à se joindre à un groupe de pays.


L’avantage décisif de la configuration multipolaire – plutôt complexe, il faut le reconnaître – est que chaque acteur, indépendamment de sa taille et de son pouvoir, a une marge de manœuvre – on pourrait aussi dire un espace de liberté – relativement plus grande que dans l’ancienne configuration unipolaire. Pour les Etats de moindre importance, un cadre multipolaire constitue clairement une meilleure garantie pour la sauvegarde de leur indépendance, qu’un système hégémonique ou aussi bipolaire.


Même si dans une configuration à deux pôles de pouvoir des Etats neutres avec un bon savoir-faire diplomatique parviennent dans des cas isolés, à avoir un «poids» plus considérable que dans un contexte multipolaire, il y a, vu les conditions structurelles de cet équilibre de pouvoir, toujours un danger accru d’être aspiré dans la domination régionale d’un des deux pôles ou alors d’être repoussé dans l’«arrière-cour» d’une des superpuissances. Les risques sont donc plus élevés que de se placer dans le cadre d’une multitude d’Etats se trouvant en concurrence ou en coalition et s’inscrivant avec dynamisme dans le polygone des forces continuellement changeantes.

Ni Etat mondial, ni gouvernement mondial

Dans le monde multipolaire de l’avenir se dessinant d’ores et déjà, il y a l’opportunité pour chaque Etat d’affirmer sa souveraineté dans la coopération librement négociée sur la base de la réciprocité avec les autres pays. Malgré la grande fluctuation – il faut en convenir – de cette configuration, il s’agit probablement de la meilleure option que la formation d’un Etat mondial dont le quotidien politique – si j’ose ironiquement m’exprimer ainsi – serait structurellement absolument semblable aux conditions dans un ordre mondial unipolaire. L’Hégémon imposant sa volonté à tous les Etats, serait, au sein de la construction d’un Etat planétaire, remplacé purement et simplement par une sorte de gouvernement mondial qui absorberait la diversité des peuples et des cultures par son exercice de son pouvoir central. Il y a là une forte ressemblance structurelle avec l’unipolarité.


Pour terminer, permettez-moi mon ceterum censeo, en dernier ajout. L’ONU, l’Organisation des Nations-Unies fondée à la suite de la Seconde Guerre mondiale, ne pourra survivre en tant que projet mondial que si elle fait son deuil de l’idée d’un gouvernement mondial exercé par un Conseil de sécurité doté de plein-pouvoirs dictatoriaux et qu’elle réussit à se transformer en un cadre normatif et organisationnel pour un nouvel équilibre multipolaire des pouvoirs. La subordination persistante de la communauté mondiale à la volonté des cinq Etats les plus puissants de l’époque – c’était la multipolarité de 1945! – est, au sein du nouveau cadre se dessinant actuellement, un anachronisme dangereux pouvant finalement faire éclater tout le système.    •
(Traduction Horizons et débats)

 
Hans Köchler

Hans Köchler a été de 1990 à 2008 directeur de l’Institut de philosophie de l’Université d’Innsbruck. Aujourd’hui, il est président du Groupe de travail autrichien pour la science et la politique, co-président de l’Académie inter­nationale de philosophie et président de l’International Progress Organization qu’il a fondée en 1972. On ne peut ici rappeler que quelques-uns des points marquants de l’activité débordante de Hans Köchler.
Les axes de recherche de Köchler sont, entre autres, la philosophie juridique, la philosophie politique et l’anthropologie philosophique, dans lesquelles ses résultats de recherche scientifique convergent sur de nombreux points avec les vues du cardinal polonais Karol Wojtyla, devenu plus tard le pape Jean Paul II.
Hans Köchler s’est fait connaître dès le début des années soixante-dix par de nombreuses publications, des voyages, des rapports, et par sa participation, au sein de diverses organisations internationales, à un dialogue des cultures, en particulier le dialogue entre le monde occidental et le monde islamique. En 1987, le professeur Köchler a lancé, en collaboration avec le lauréat du prix Nobel Sean McBride l’«Appel des juristes contre la guerre nucléaire» et a en conséquence contribué à une expertise, selon laquelle la Cour de justice internationale a établi que l’éventuelle utilisation d’armes nucléaires était incompatible avec le droit international public.
Hans Köchler a toujours pris position sur la question de la réforme des Nations Unies et a exigé leur démocratisation. Il a, en particulier, également pris position sur la question de la concrétisation du droit international, et s’est en cela opposé à une instrumentalisation politique des normes du droit international. Faisant partie des observateurs envoyés au procès de Lockerbie par Kofi Annan, alors Secrétaire général des Nations Unies, il a rédigé un rapport critique, paru en 2003 sous le titre «Global Justice or Global Revenge? International Justice at the Crossroads». Son impression était que le procès de Lockerbie s’était déroulé sous influence politique, et il en retirait l’exigence d’une séparation des pouvoirs ainsi qu’une totale indépendance de la juridiction pénale internationale.
Le texte que nous reproduisons ici est la version autorisée d’un discours donné par M. Köchler lors du colloque de septembre «Mut zur Ethik», le 1er  septembre 2018 à Sirnach en Suisse.

mardi, 06 novembre 2018

Quand les droits de l’homme se transforment en arme géopolitique

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Quand les droits de l’homme se transforment en arme géopolitique

par Alfred de Zayas

Ex: http://www.zejournal.mobi

Utiliser et abuser des droits humains comme une arme géopolitique a transformé le droit individuel et collectif à l’aide, à la protection, au respect et à la solidarité – fondé sur la dignité humaine et l’égalité de tous et de toutes – en un arsenal hostile pour s’attaquer aux concurrents ou adversaires économiques et politiques. La technique du dénigrement public («naming and shaming») est devenue une sorte de kalachnikov omniprésente utilisant les droits de l’homme comme munition.

L’expérience montre cependant que la technique du dénigrement public ne soulage en rien la souffrance des victimes. Elle poursuit uniquement des objectifs stratégiques de certains gouvernements, d’organisations non gouvernementales tout à fait politisées, de lobbies, et d’une industrie droits-de-l’hommisme en émergence, instrumentalisant les droits de l’homme pour dénoncer sélectivement et déstabiliser autrui, même souvent pour faciliter un changement de régime, indépendamment de leur évidente tendance antidémocratique, impérialiste, voire néo-colonialiste et sans égard pour la norme fondamentale du droit international de la non-ingérence dans les affaires internes des Etats souverains.

Cette stratégie repose sur le postulat erroné suivant: «celui qui dénonce» possède une sorte d’autorité morale et l’«Etat dénoncé» est censé de reconnaître cette supériorité morale et doit agir en conséquence. Cela pourrait fonctionner théoriquement si «celui qui dénonce» faisait ses reproches et pratiquait l’humiliation médiatique d’une manière non sélective et renonçait à un évident deux poids deux mesures. Toutefois, cette technique se retourne souvent contre «celui qui dénonce», car tout le monde se rends compte qu’il utilise les droits de l’homme «à la carte», a souvent ses propres secrets honteux à cacher et demeure peu crédible moralement.

Cet exemple classique de mauvaise foi intellectuelle renforce en général la résistance des Etats ou gouvernements «dénoncés» qui seront encore moins enclins à prendre des mesures en vue de corriger les violations des droits de l’homme réelles ou imaginaires. Ou alors, on peut supposer que «celui qui dénonce» souhaite en réalité susciter davantage de résistance parmi les dénoncés afin que l’on puisse encore mieux clouer au pilori le «dénoncé». Cela s’inscrit dans une idée machiavélique des droits de l’homme en tant qu’instrument de politique extérieure ne servant pas à améliorer la vie des individus mais à promouvoir des objectifs géo-économiques et géopolitiques.

Une autre technique de guerre envers les droits de l’homme est l’emploi des «lois» comme arme de déstabilisation. Il s’agit de la dite «guerre à l’aide du droit» [en anglais «lawfare», une synthèse de «law» et «warfare»] avec laquelle le «droit» est utilisé pour saper l’Etat de droit en instrumentalisant le droit pénal international pour diaboliser certaines personnalités dirigeantes bien choisies. Là aussi c’est le deux poids deux mesures. Un avocat ou un juge respectable ne trahirait pas son métier en jouant à ce genre de double jeu – mais certains le font. Au lieu de préserver l’éthique de l’Etat de droit, ces juges politisés corrompent et minent la crédibilité de tout le système (pensez au «Volksgerichtshof» [Tribunal du Peuple] du juge Roland Freisler!). Parfois on pense aux juges de la Cour pénale internationale à La Haye, aux juges de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg et aux juges de la Cour interaméricaine des droits de l’homme à San José, Costa Rica. Certains de leurs jugements manquent de toute cohérence et violent les principes fondamentaux tel «audiatur et altera pars». Le «droit» n’est plus le droit, mais une arme politique, une arme de destruction massive.

L’arsenal des droits de l’homme utilisé comme arme comprend aussi des guerres non-conventionnelles, telles les guerres économiques et les régimes de sanctions qu’on tente de justifier par des prétendues violations des droits de l’homme dans le pays visé. Le résultat de ces guerres est qu’elles prennent en otage des populations entières sans apporter une quelconque aide aux victimes – ni à celles ayant subi des violations des droits de l’homme par leurs propres gouvernements, ni à celles soumises aux «sanctions collectives» par l’Etat ou les Etats ayant prononcé des sanctions. Cela peut mener à des crimes contre l’humanité, lorsque la sécurité alimentaire est détruite, les médicaments et les appareils médicaux manquent ou ne sont disponibles qu’à des prix prohibitifs. Empiriquement, on sait que les sanctions économiques tuent. Les régimes de sanctions contre l’Irak, la Syrie ou le Venezuela ont déjà tué des milliers de personnes civiles, mortes de malnutrition ou manque de médicaments, et ont déclenché des flux migratoires.

La technique du «dénigrement public» de gouvernements et de peuples implique dans certaines conditions d’autres violations des droits de l’homme et de l’Etat de droit en violation des articles 6, 14, 17 ,19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et peuvent atteindre les limites de ce qu’on appelle «discours de la haine» (art. 20).
En guise de conclusion: même s’il y a eu dans certains cas des résultats positifs suite à un «dénigrement public», notamment par quelques ONG sérieuses, cette manière d’agir est très problématiques et n’est certes pas une solution pour toutes les violations des droits de l’homme. Dans des situations complexes, le «dénigrement public» a très souvent aggravé la situation ou alors il s’est avéré totalement inefficace. Les Etats feraient bien de consulter à nouveau l’Evangile selon Matthieu VII, 3–5, et de remplacer la technique hypocrite et politisée du «dénigrement public» par des honnêtes propositions de bonne foi et des recommandations constructives, complétées par un service de conseil et d’assistance technique pour apporter de l’aide concrète aux victimes sur le terrain, voir une réparation directe aux victimes.

Tisser et entretenir des liens d’amitié et de bienveillance est la meilleure chose que l’on puisse faire pour développer la coopération et le progrès dans le domaine des droits de l’homme. Le plus urgent, à l’heure actuelle, est une diplomatie réfléchie, des négociations axées sur des résultats, une culture du dialogue et de la conciliation – et certainement pas d’une «culture» de l’intransigeance et de l’hypocrisie n’aidant personne.

L'auteur, Alfred de Zayas, a été nommé dès mai 2012 premier Expert indépendant pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Son mandat s’est terminé en mai de cette année. Actuellement, il est professeur de droit international à la Geneva School of Diplomacy. Il est haut fonctionnaire retraité de l’Office du Haut Commissaire des Droits de l’homme, où il était secrétaire du Comité des Droits de l’homme et chef du Département de pétitions (greffier).

lundi, 08 octobre 2018

LAWFARE, le nouvel essai néolibéral en Amérique du Sud

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LAWFARE, le nouvel essai néolibéral en Amérique du Sud

par Telma Luzzani

Ex: http://www.zejournal.mobi

Les leaders progressistes latinoaméricains de la dernière décennie subissent aujourd’hui les arguties d’une Justice corporative et au service des intérêts de la droite conservatrice.

Au XXIe siècle, quand le néolibéralisme mondialisé semblait imbattable, au sein des pays d’Amérique du sud un groupe de présidents a démontré qu’avec des politiques adaptées, un monde de bien-être pour tous était possible.

Ils sont arrivés au pouvoir en respectant toutes les règles du jeu démocratique que les puissances d’Occident disent défendre. Les présidentes et les présidents ont été choisis et réélus par des votes massifs, au minimum le double du chiffre qu’affichent les leaders de la Maison Blanche ou les Présidents ou Premiers ministres européens. Ils ont obtenu des résultats extraordinaires : ils ont sorti des millions de Sud-Américains de la pauvreté ; désendetté leurs pays ; ils ont obtenu la reconnaissance de l’Unesco, qui a déclaré la région « sans analphabétisme », et des Nations Unies qui l’a félicité pour être « une zone unique dans le monde sans guerres », et ont atteint, au niveau national des réussites scientifiques et économiques sans précédents, et tout cela sans les crises et les tremblements de terre institutionnels typiques de l’Amérique du Sud. La période des gouvernements progressistes a été la période la plus longue de stabilité de nos républiques depuis leur naissance au XIXe siècle.

Evidemment pour mettre en œuvre ces politiques de réussite, ils ont eu à défier l’extraordinaire appareil culturel qui légitimait l’orthodoxie du marché comme l’unique modèle économique possible et l’alignement avec les États-Unis, la désunion de nos pays et l’abandon de la souveraineté dans notre politique extérieure.

Ce fut le deuxième grand laboratoire de l’Amérique du Sud des dernières décennies. Podemos en Espagne ; le Parti travailliste de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni ; Syriza en Grèce, et la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ont suivi avec intérêt le processus et l’ont intégré dans leurs politiques. Le premier grand laboratoire fut en 1973 le Chili d’Augusto Pinochet, quand Milton Friedman et ses « Chicago boys » ont essayé, à feu et à sang, le néolibéralisme. Ensuite ce modèle a été mis en application mondialement, d’abord par Margaret Thatcher à la fin des années 70, et par Ronald Reagan dans les années 80.

EXPÉRIENCE

Dans le cas des propositions progressistes du début du XXIe siècle, l’expérience n’est pas encore finie. Le défi de ces présidents aux prédateurs du conglomérat mondial de la finance –et de l’industrie de l’armement et le fait qu’ils ont démontré, dans la pratique, la viabilité des projets d’équité et de bien-être font payer au modèle aujourd’hui un prix très élevé. Les représailles de l’establishment sont féroces.

Le 11 septembre dernier, devant la décision judiciaire de l’empêcher de se présenter comme candidat à la présidence, l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva a envoyé une lettre sentie au peuple du Brésil dans laquelle il leur demande de voter pour son remplaçant. « À l’avenir, Fernando Haddad sera Lula pour des millions de Brésiliens. Jusqu’à la victoire, une accolade du compagnon de toujours ». Bien qu’il n’y ait pas eu de preuves dignes de foi d’un délit, Lula a été condamné à douze ans de prison. Les juges ont fait la sourde oreille même aux recommandation de l’ONU qui demandait qu’il lui soit permis de participer aux élections du 7 octobre parce que deux instances doivent encore se prononcer dans son procès pour savoir s’il est innocent ou non. Plus encore 40 % des Brésiliens veulent le choisir comme président.

Mais, le désir populaire vaut il quelque chose ? Est-ce un hasard que tous les présidents progressistes soient poursuivis par la Justice et que les présidents d’héritage néolibéral, ayant des délits de corruption prouvés -Michel Temer (Brésil), Pierre Pablo Kuczynski (Pérou), Enrique Peña Nieto (Mexique) ou Mauricio Macri (Argentine), pour citer quelques exemples – sont libres et dans certains cas continuent de gouverner ? L’ex-présidente argentine Cristina Kirchner et l’équatorien Rafael Correa sont poursuivis par la Justice.

Le président bolivien Evo Morales a été accusé d’avoir un fils et de ne pas le reconnaître, ce qui a diminué ses possibilités de triompher dans un référendum qui proposait sa réélection. Peu de mois après, on a su que ce soit disant fils non reconnu n’existait pas, mais il était déjà trop tard. La même chose est survenue avec Dilma Rousseff, accusée d’une supposée irrégularité administrative, qui a débouché sur un procès politique en 2016. Peu de temps après, le ministère public brésilien a établi qu’ « il n’y a pas eu de délit » et a ordonné de classer l’enquête. Il était aussi trop tard, le Congrès du Brésil avait déjà voté sa destitution.

Pour l’anthropologue John Comaroff, de l’Université de Harvard, Lula est un clair exemple de lawfare [Guerre Juridique] c’est-à-dire quelqu’un qui est victime de l’abus de la loi à des fins politiques. Il s’agit d’un nouveau terrain d’essai en Amérique du Sud qui pourrait être utilisé ensuite dans d’autres parties du monde. « La violence de la loi a remplacé la violence des armes. Maintenant avec ces processus judiciaires la dignité des personnes est attaquée, elles sont gommées, on veut les faire disparaître », a-t-il affirmé.

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ILS NE REVIENNENT PLUS

Comment opère le lawfare ? Les médias (y compris les réseaux sociaux) et le Pouvoir judiciaire (en alternance dans certains pays avec le Législatif) en sont sa colonne vertébrale. D’abord un délit supposé « filtre » dans la presse et tous les jours et à toute heure, sont publiés soupçons ou fausses nouvelles qui impliquent « l’ennemi politique ». Ce bombardement médiatique crée une sensation de présomption de faute. Finalement, ces fausses nouvelles sont prises comme base de départ pour réaliser des enquêtes policières et des poursuites en justice. Pendant ce temps, dans l’opinion publique se forge l’idée que le « suspect » est coupable et que la Justice agit avec équité.

Le cas de Lula – la manière dont il a été emmené en prison, les châtiments auxquels il est soumis, (comme l’interdiction de parler) et les conditions d’isolement beaucoup plus dégradantes que celles de tout vulgaire assassin ou un homme condamné pour génocide sous la dictature –a réveillé une certaine conscience dans une grande partie du peuple brésilien qui le veut comme président en 2019, bien que, pour le moment, cela ne soit pas possible.

Cette étape du laboratoire sudaméricain de haute agressivité contre les leaders populaires a deux objectifs : d’un côté, la restauration et l’introduction totale et définitive du modèle néolibéral sauvage, et, de l’autre, la diabolisation et la disqualification des dirigeants et de leurs politiques sociales pour que jamais ils ne reviennent.

Le politologue Ernesto Calvo, de l’Université de Maryland, a décrit dans l’article « Gaslighting et les FF.AA. » un autre aspect des nouveaux essais de laboratoire qui sont réalisés en Amérique du Sud et à propos desquels nous devons être très vigilants. Il s’agit du piétinement du système institutionnel et la négation de l’État de droit. Calvo analyse les « transgressions » des règles de la démocratie du président US Donald Trump depuis qu’il a pris le pouvoir.

Mais il alerte aussi sur les changements que Mauricio Macri cherche à travers la loi qui différencie Défense et Sécurité pour les Forces armées argentines. « Pour ceux qui mettent cette nouvelle politique en application, tout cela qui n’a pas été explicitement articulé dans la loi peut être transgressé. Il n’y a pas de limites qui ne peuvent être contournées si le pouvoir veut obtenir un résultat », assure Calvo. Ainsi on peut déconstruire les principes de tolérance politique et porter atteinte aux piliers de la démocratie, comme la liberté d’expression, l’indépendance des pouvoirs, l’aspect sacro-saint du vote et du statut constitutionnel du droit de citoyenneté.

L'auteur, Telma Luzzani, est journaliste. Durant 20 ans elle a travaillé à Clarin où elle a couvert des faits historiques comme la chute de l’Union Soviétique, le passage de Hong Kong à la Chine et la guerre entre le Liban et Israël et, a été chef d’édition de la section internationale. Chroniqueur pour Radio Nationale elle co-conduit le programme Vision 7 International à la Télévision Publique Argentine. Elle est aussi auteur de plusieurs livres, dont : « Territorios vigilados : cómo opera la red de bases norteamericanas en Sudamérica » [Territoires surveillés : comment opère le réseau de bases usaméricaines en Amérique du Sud]. Elle vit à Buenos Aires.

Traduit par Estelle et Carlos Debiaside pour El Correo de la Diaspora 

mardi, 22 mai 2018

Conquête des droits : le droit de mémoire

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Conquête des droits : le droit de mémoire

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

A l’évidence, la notion de « droit de mémoire » que nous évoquons est une réplique au « devoir de mémoire » que l’on nous impose. Une réplique mais pas seulement, car ce droit à une mémoire saine et non polluée par des récits incapacitants est à la source de l’estime de soi, sans laquelle ni les peuples ni les gens ne peuvent épanouir librement leur facultés. « Qu’appelles-tu mauvais ? », demandait Nietzche dans le Gai Savoir. Et il répondait : « celui qui veut toujours faire honte ». Le « devoir de mémoire » est mauvais en soi, car il vise toujours à faire honte et à rabaisser pour mieux dominer. Le droit de mémoire, au contraire, réhabilite et libère par la fierté d’être ce que furent les aïeux.

Qu’est-ce que le « devoir de mémoire » ? Le devoir de mémoire serait « une obligation morale de se souvenir d'un événement historique tragique et de ses victimes afin de faire en sorte qu'un événement de ce type ne se reproduise pas » (Wikipedia).

Le « devoir de mémoire » est un concept apparu dans les années 1990. Personne ne croit vraiment, sauf peut-être quelques naïfs, que la raison profonde de ce « devoir » serait d’éviter la « reproduction d’évènements historiques tragiques » : ceux qui le soutiennent ont généralement une mémoire très sélective et s’abstiennent souvent de condamner les tragédies actuelles, pour peu que la cause soit « juste », c’est-à-dire aille dans le sens de leurs intérêts ou de leurs conceptions géostratégiques, politiques, économiques ou sociétales. Madeleine Allbright, secrétaire d’Etat des Etats-Unis entre 1997 et 2001, soutient le devoir de mémoire. Mais quand une journaliste lui fait observer que les sanctions américaines contre l’Irak (embargo sur les produits alimentaires et pharmaceutiques notamment) avait tué plus de 500 000 enfants, sa réponse est : « le prix en valait la peine ». Bernard Kouchner, lui aussi très engagé en faveur du devoir de mémoire (mais aussi pousse en guerre contre la Serbie, la Lybie, la Syrie, l’Iran…) part dans un grand éclat de rire (forcé) quand un journaliste serbe l’accuse d’avoir couvert les trafics d’organes organisés par ses alliés de l’UCK au Kosovo (trafic avéré et documenté que tout le monde connaissait et que seul Kouchner, pourtant administrateur du Kosovo en tant que Haut représentant de l’ONU, semble ignorer). Notons-le : les guerres et les massacres de l’Empire en Irak, en Yougoslavie, en Afghanistan, en Serbie, en Libye, en Syrie… ont tous été déclenchés et soutenus par des partisans du « devoir de mémoire ». Cela donne la valeur du concept.

Pour comprendre les objectifs de ce « devoir » mémoriel, il faut savoir qui donne le « devoir » et qui est sensé le remplir. Dans tous les pays occidentaux, le « devoir de mémoire » est une obligation fixée par l’Etat en direction des peuples. Le point commun de ces Etats est qu’ils sont, dans le sillage de la Révolution « française », des Etats qui définissent le « peuple » comme un « corps d’associés » sans distinction d’origine, de race ou de religion. Ce sont des Etats apatrides et supranationaux, au sens où ils sont au-dessus du peuple réel, hors du terreau national. Ils sont au service de la « société ouverte » et de l’universel et appliquent consciencieusement les directives oligarchiques qui, progressivement, déstructurent les nations enracinées et atomisent les peuples historiques. Etat supranational et corps national : même si le premier se dit au service du second, il ne faut pas confondre le bourreau et sa victime. Le « devoir de mémoire » n’est qu’une arme parmi d’autres de la panoplie qui sert au crime.

Ce « devoir » a, en effet, pour seul objectif de provoquer le mépris du peuple envers lui-même et de paralyser ainsi toute velléité de résistance face aux politiques antinationales conduites par l’Etat apatride. Ce « devoir » va donc mettre l’accent sur des épisodes susceptibles d’engendrer un fort sentiment de culpabilité dans le peuple souche qu’il s’agit ainsi de neutraliser :

  • En France : Shoah, Traite négrière, esclavage, colonisation…
  • En Allemagne : Shoah, génocide des Roms…
  • En Autriche : Shoah…
  • En Belgique : Collaboration, colonisation…
  • Aux Etats-Unis : esclavage des Noirs, génocide amérindien, persécutions raciales…
  • En Espagne : franquisme, expulsion des Morisques, expulsion des Juifs…

Le « devoir de mémoire » a pour seul but de neutraliser les peuples par la honte et de les ramener aux « pages sombres de leur histoire » sitôt que renaît un sentiment identitaire. Le « devoir de mémoire » est donc un outil de domestication des peuples au service d’Etats dominés par une oligarchie apatride. Ces Etats-larbins n’ont donc aucune légitimité, les lois mémorielles qu’ils imposent ou tentent d’imposer n’en n’ont pas d’avantage. Les peuples n’ont aucun devoir autre que ceux qu’ils se donnent en toute liberté.

Les peuples ont par contre des droits. Parmi ceux-ci le droit de mémoire. Tous les peuples ont le droit de se souvenir des pages glorieuses de leur histoire. Ils ont le droit de mettre l’accent sur ce qui les honore et d’oublier leurs défaillances.

Il ne faut pas confondre histoire et mémoire. Aux historiens la recherche historique et l’écriture brute des faits : encore faut-il qu’ils soient libres de le faire et qu’ils ne soient pas entravés par le politiquement correct ou les lois mémorielles. Aux peuples un enseignement qui « reflètent fidèlement la dignité […] de leur histoire » (Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, art 15). Le droit de mémoire est un droit à une histoire digne, une histoire dont on peut être fier : « Le premier devoir d’un grand peuple, écrivait Fustel de Coulanges, est de s’aimer et de s’honorer dans ses morts. Le véritable patriotisme n’est pas l’amour du sol, c’est l’amour du passé, c’est le respect de ceux qui nous ont précédés » (Questions historiques, 1893)

La mémoire est certes une construction artificielle : on privilégie certains épisodes, on en refoule certains autres. Les individus comme les peuples ne se construisent pas autrement. Et alors ? Notre peuple vit les années les plus dramatiques de son histoire. En pleine régression démographique sur des terres ancestrales qu’on lui dispute, il doute de lui, de son droit et même de sa légitimité à exister. Ceux qui lui font devoir de ressasser à l’infini les « heures les plus sombres de son histoire »  veulent sa mort. Ils veulent accélérer une disparition qui est sans doute trop lente à leurs yeux.

Seuls des psychopathes pouvaient inventer le « devoir de mémoire ». Qui d’autre pourrait vouloir imposer à un peuple cultivant déjà la haine de soi le « devoir » de se souvenir constamment de ses moments les plus « sombres » ? Ferait-on cela à un individu sans être un scélérat ? Le « devoir de mémoire » est un crime contre l’humanité : il ne respecte pas la dignité des peuples et contribue à leur effacement.

A l’inverse le droit de mémoire ne se discute pas. Les peuples comme les individus sont libres de se souvenir de ce qui les renforce et de ce qui les aide dans l’existence. Personne ne doit interférer dans cette démarche. La mémoire du peuple autochtone appartient au peuple autochtone. Aucun historien républicain, aucun politicien républicain, quelle que soit sa nationalité réelle, n’a le droit de manipuler cette mémoire, de la salir, de la dévaloriser et de lui enlever sa dignité.

Le peuple autochtone est en danger de mort. Son droit le plus strict est de contrôler le récit qui est fait de lui. Son droit le plus strict, conformément à ce qu’énonce la Déclaration des Nations unies citée plus haut, est que l’enseignement reflète la dignité de son histoire. Bientôt, le peuple autochtone va s’organiser. Cela est inéluctable. Un Etat parallèle autochtone va apparaître. Cet Etat aura probablement une sorte de « ministère de l’Enseignement » regroupant des historiens autochtones. Il reviendra à ces historiens de fixer le contenu de l’histoire autochtone enseignée à nos enfants. Il reviendra au mouvement autochtone, par une multitude d’actions non violentes, d’imposer cette histoire dans les écoles de la République. Le droit de mémoire est un droit fondamental : en disposant de notre passé, la République dispose de notre futur. Au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, cela doit maintenant cesser.

Antonin Campana

17:31 Publié dans Actualité, Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mémoire, droit, droit de mémoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 18 mai 2018

Liberté et légitime défense

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Liberté et légitime défense

par Bernard Wicht

Ex: http://www.oragesdacier.info

 
Depuis la fin de la guerre froide, le mot liberté a subitement disparu du discours politique au profit du vocable sécurité. Or les philosophes savent bien que ces deux termes ne sont pas compatibles, qu’ils ont plutôt tendance à s’exclure l’un l’autre : « N’y a-t-il liberté politique que famélique, errante et proscrite ? Et n’y a-t-il de sécurité que dans la servitude, sinon dans la servilité... ? Doit-on tout attendre de l’État ou ne rien attendre de lui ? Ces questions sont au centre de toutes les théories politiques qui opposent la liberté de l’individu à la sécurité de l’Etat ou la ‘raison d’État’ à la sécurité des individus. » Nous aurions donc quitté un âge de liberté pour entrer dans une ère sécuritaire avec l’asservissement que cela implique. Signalons d’ores et déjà que pour les sociologues, c’est un fait acquis. Ceux-ci ont explicité cette transition de la liberté à la sécurité en développant, précisément dans les années 90, le concept de société du risque pour tenter de traduire ce repli et le désenchantement qui l’accompagnait : pêle-mêle ainsi, le tabagisme, les catastrophes nucléaires, la disparition de la couche d’ozone ou les armes à feu seraient ressentis comme les nouvelles « menaces » – les risques – pesant dorénavant sur les individus et les collectivités, c’est-à-dire des dangers sans cause ou des accidents dont il faut se préserver par tous les moyens y compris la restriction draconienne des libertés. A la doctrine militaire « zéro mort » correspond donc celle plus sociopolitique du « risque zéro »
 
     Ce glissement de paradigme – de la liberté à la sécurité – est passé relativement inaperçu, pourtant son impact est immense pour la conception de la citoyenneté : dès lors que l’État n’est plus le garant des libertés de chacun mais (au contraire) de la sécurité de tous, le citoyen en armes n’est plus considéré comme une protection contre la tyrannie mais comme un criminel en puissance, comme une menace potentielle, comme un « sauvage » qui risquerait de retourner à l’état de nature. Car, en plaçant la sécurité au centre, en priorité absolue, non seulement on évacue la liberté mais on la recale à l’état de nature, de licence folle, sans règles. Ceci souligne encore la nécessité de re-penser la liberté aujourd’hui, de ré-interpréter en fonction de l’environnement actuel les oppositions paradigmatiques sur lesquelles se fonde la liberté positive : res publica/tyrannie ; armée de citoyens/armée prétorienne ; bien commun/corruption. Or en fonction de cet environnement, ces couples paradigmatiques récupèrent toute leur pertinence et permettent de mettre en évidence combien il est nécessaire pour un groupe de maintenir ou de retrouver sa capacité de décision collective et autonome, combien il est important pour lui de ne pas dépendre totalement d’autrui pour défendre cette capacité. En effet, si l’image du tyran est devenue caricaturale de nos jours, si elle se résume de plus en plus à celle du « méchant » dans les filmographies hollywoodiennes, la tyrannie demeure en revanche une réalité dans les sociétés contemporaines, que ce soit sous la forme du racket mafieux, de la prise en main de certaines populations par les gangs ou d’un pouvoir étatique excessif ayant perdu de vue le bien commun. Les oppositions paradigmatiques précitées servent ainsi de repères et de guide dans cet effort de redéfinition de la liberté. Dans cette recherche de nouveaux espaces de liberté, d’espaces civiques de décision autonome, susceptibles de structurer un sujet autonome en vue de l’action, il convient en outre de garder à l’esprit que l’ère des révolutions, des nationalismes et des idéologies est désormais close. Les fondamentalismes et les fanatismes religieux représenteraient-ils l’étape actuelle ? Certainement pas pour les vieilles sociétés occidentales profondément marquées par les tragédies à répétition du terrible XXe siècle. En revanche, les mécanismes premiers des collectivités humaines demeurent sans doute valables et constituent de ce fait un ressort de fonctionnement premier sur lequel il est possible de re-construire. Dans ce sens, l’adage on ne possède que ce qu’on peut défendre reste un principe de base de toute démarche en la matière. Défendre sa terre et ses biens a été en effet de tout temps, et dans toute société, une motivation essentielle des individus ainsi que le relève notamment Carl Schmitt dans sa théorie du partisan, le combattant tellurique qui se bat pour ses foyers (pro aris et facis) alors que l’État a abandonné la lutte : « Le partisan représente encore une parcelle de vrai sol ; il est l’un des derniers à monter la garde sur la terre ferme, cet élément de l’histoire universelle dont la destruction n’est pas encore parachevée. » Plus loin, c’est Hobbes dans son Léviathan qui rappelle que le droit à l’auto-défense est un droit naturel et que, comme tel, il ne peut être cédé par aucune convention : « L’obligation des sujets envers le souterrain s’entend aussi longtemps, et pas plus, que dure la puissance grâce à laquelle il a la capacité de les protéger. En effet, le droit que, par nature, les humains ont de se protéger eux-mêmes, quand personne d’autre ne peut le faire, ne peut être abandonné par aucune convention. » Dans le même sens, dans son deuxième Traité du gouvernement civil, Locke explique que la première loi de la nature est celle de la conservation de soi-même : « Celui qui tâche d’avoir un autre en son pouvoir absolu, se met dans l’état de guerre avec lui... Car j’ai sujet de conclure qu’un homme qui veut me soumettre à son pouvoir sans mon consentement, en usera envers moi, si je tombe entre ses mains, de la manière qui lui plaira, et me perdra, sans doute, si la fantaisie lui en vient. En effet, personne ne peut désirer de m’avoir en son pouvoir absolu, que dans la vue de me contraindre par la force à ce qui est contraire au droit de ma liberté, c’est-à-dire, de me rendre esclave... et la raison m’ordonne de regarder comme l’ennemi de ma conversation, celui qui est dans la résolution de me ravir la liberté, laquelle en est, pour ainsi dire, le rempart. » 
 
     En la considérant ainsi brièvement sous cet angle, la philosophie occidentale semble contenir toute une culture de la légitime défense formant le socle des libertés politiques. Sur cette première base, on peut ensuite tenter d’ébaucher la configuration de ces nouveaux espaces autonomes de décision et d’action en se demandant comment réoccuper cette coquille vide qu’est devenu l’État postmoderne, cet espace post-étatique livré à la foule et aux réseaux de tous ordres sous la surveillance de milliers de caméras.

Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ?
 

mercredi, 09 mai 2018

La judiciarisation du principe de précaution, un risque de régression civilisationnelle

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La judiciarisation du principe de précaution, un risque de régression civilisationnelle

Texte de la rubrique Progrès

Ex: https://lignedroite.club

Le principe de précaution maintenant inscrit dans la Constitution tend à placer la science et la technologie ainsi que l’industrie en position d’accusés permanents. Loin d’être neutre idéologiquement, il constitue une arme redoutable entre les mains des écologistes pour s’opposer aux projets qu’ils refusent. Dès lors, la mise en œuvre de ce principe ne peut que freiner le progrès et contrarier le génie européen qui a toujours cultivé une démarche prométhéenne d’invention et de connaissance. Ligne droite dénonce en conséquence cette sacralisation de la précaution totalement contraire à l’esprit de notre civilisation.

Un concept politiquement correct

Le principe de précaution est en effet devenu l’un des piliers de la pensée politiquement correcte. Utilisé par les tenants de l’écologisme punitif, il est brandi à tout propos pour s’opposer à une réalisation, une recherche ou une expérimentation jugée non conforme. Introduit à travers la Charte de l’environnement dans le Préambule de la Constitution, il a aujourd’hui valeur constitutionnelle et se trouve désormais défendu et mis en œuvre par le Conseil constitutionnel qui peut, en l’invoquant, interdire n’importe quel projet.

Un processus foncièrement négatif

Ligne droite déplore cette situation qui crée un état d’esprit de suspicion systématique à l’égard de toute entreprise scientifique, technologique ou industrielle et peut à terme provoquer une véritable régression civilisationnelle. Le principe de précaution consiste en effet à envisager le pire et à imposer les mesures propres à l’éviter et cela même si aucune étude scientifique ne permet d’affirmer que cette éventualité relève du possible. Dès lors, et quelle qu’en soit la rédaction, ce principe purement négatif conduit à dresser des obstacles qui ne peuvent que contrarier l’émergence des innovations.

Un frein au progrès scientifique

Ce principe, qui peut paraître raisonnable au premier abord, devient en effet, lorsqu’il s’inscrit dans un processus judiciaire, une arme implacable permettant de s’opposer à n’importe quel projet novateur. Et force est de constater que sa mise en œuvre et l’état d’esprit qui en résulte freinent le progrès dans de nombreux secteurs. Ainsi par exemple, dans l’industrie pharmaceutique, l’esprit de précaution a d’ores et déjà provoqué une baisse significative des autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicaments. Aux États-Unis, entre 1998 et 2007, celles-ci ont été divisées par deux, passant de 39 à 19. Un phénomène qui a conduit au triplement des coûts de lancement d’un médicament et à la réduction de l’effort de recherche sur les nouveaux traitements. À l’évidence, la mise en œuvre juridique du principe de précaution limite le progrès scientifique dans les pays où il est mis en œuvre.

Un outil idéologique au service des écologistes

Sans doute est-ce d’ailleurs là l’objectif principal de ce dispositif. Conçu par les écologistes, il n’est en réalité qu’un instrument destiné à combattre les projets qu’ils rejettent. Comment expliquer sinon que ce principe ne soit pas utilisé dans d’autres domaines jugés politiquement corrects ? Ainsi par exemple le principe de précaution n’a jamais été mis en œuvre lorsqu’il a été décidé d’ouvrir les portes de notre pays à une immigration massive d’origine extra-européenne. Les risques de fracture de la société française, ceux liés à la perte d’identité, au communautarisme, au terrorisme islamique n’ont nullement été évalués. Et puisque l’idée même du principe de précaution est d’envisager le pire, le risque que la France disparaisse en tant que nation aurait dû être pris en compte, ce qui n’a évidemment jamais été le cas. On interdit jusqu’au simple recensement des réserves françaises en gaz de schiste par crainte d’une pollution des sols mais on laisse notre société se décomposer sous les coups du multiculturalisme.

Une démarche contraire au génie européen

Cette institutionnalisation du principe de précaution n’est donc pas neutre idéologiquement et vient contrarier l’esprit de notre civilisation. Elle s’inscrit en effet dans une entreprise de contestation du progrès scientifique totalement contraire au génie européen. De tout temps en effet nos ancêtres ont été animés d’un esprit prométhéen qui les a conduits à repousser leurs limites, à explorer, à découvrir, à entreprendre et leur a permis d’accomplir des progrès spectaculaires. Des progrès survenus après de nombreux essais, d’innombrables tentatives, de multiples erreurs sans cesse corrigées jusqu’au succès. Le principe de précaution qui empêche cette dynamique conduit donc à paralyser le progrès. Ce dernier exige l’audace et l’audace va de pair avec le risque. Si demain l’humanité refuse tout risque, elle se condamnera à l’immobilisme et donc à la régression. Si de leur côté les Européens s’engagent dans la voie, au demeurant illusoire, du risque zéro, ils seront dépassés par d’autres civilisations, comme celle de la Chine, au sein desquelles le risque est encore considéré comme inhérent à la nature humaine.

Non à la sacralisation de la précaution

Ligne droite entend donc rétablir cet état d’esprit conquérant et audacieux propre à l’homme européen. Elle ne préconise certes pas de cultiver le risque pour le risque. La prudence demeure une vertu essentielle que les dirigeants politiques, comme les chercheurs scientifiques et les chefs d’entreprise, doivent posséder et mettre en application. Mais elle entend refuser la sacralisation de la précaution qui peut paralyser tout progrès scientifique ou industriel. Aussi Ligne droite réclame-t-elle que le principe de précaution soit retiré de la Constitution.

lundi, 30 avril 2018

Conquête des droits : le droit à l’existence

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Conquête des droits : le droit à l’existence

par Antonin Campana

Ex: http://www;autochtonisme.com

 

Légalement, en République, le concept de « Français de souche » n’existe pas. Les « Français blancs dits de souche » ne constituent pas un « groupe de personne » au sens de la loi. Cette notion « ne recouvre aucune réalité légale, historique, biologique ou sociologique», et «la “blancheur” ou la “race blanche”» n'est «en aucune manière une composante juridique de la qualité des Français» (Tribunal Correctionnel de Paris, mars 2015). Par contre, le concept de néocalédonien de souche existe juridiquement et les néocalédoniens de souche constituent bien un « groupe de personnes », et même un « peuple », au sens de la loi (Accord de Nouméa, loi organique 99-209…). Le refus de reconnaître juridiquement le peuple souche de France est à la base d’un système profondément inégalitaire, discriminant et lourd de menaces pour celui-ci (système qui permet par exemple d’insulter en toute impunité les « Français blancs » et d’appeler contre eux à la violence. Cf. le jugement du Tribunal cité plus haut, qui ne trouve aucune objection au fait d’inciter à « niquer » les « petits Gaulois de souche »).

Nous avons montré (ici) que le peuple autochtone de souche européenne, c’est-à-dire le peuple français historiquement « blanc », avait été juridiquement transféré en 1790 dans une nation civique. Cette nation civique a pris le nom de « peuple français » ce qui était un détournement manifeste de nom, voire un vol, puisque cette nation était en fait un « creuset » destiné à intégrer les hommes de toutes les origines.

Dans ce creuset, le peuple français de souche subit aujourd’hui une relation de domination, puisque le régime en place le nie et se refuse à considérer autre chose qu’une nation civique « sans distinction ». Pour la République, il n’y a que le corps d’associés indifférenciés et pas de « corps intermédiaires » ou de « sections du peuple » dans ce corps : pas de peuple souche donc. Celui-ci s’est évaporé et n’est même pas une composante parmi d’autres de la société multiraciale et multiculturelle : il n’existe tout simplement pas !

 La question qui se pose est donc celle-ci : le peuple souche existe-t-il encore, ou a-t-il disparu le 14 juillet 1790 après son transfert dans la nation civique ? Il n’y a que deux réponses possibles à cette question :

  • Oui, il a disparu : il faut donc reconnaître juridiquement son génocide (rappelons que la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948) considère que la « soumission intentionnelle d’un groupe [national, ethnique, racial ou religieux] à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » est un acte de génocide).
  • Non, il existe toujours : il faut par conséquent reconnaître juridiquement son existence.

Bien sûr, la seconde réponse est la seule réponse acceptable, puisque des Français de souche se revendiquent toujours comme tels. Néanmoins, le peuple souche a bien a été victime d’une tentative de génocide, tentative toujours en cours, d’ailleurs, avec le Grand Remplacement et la négation autistique de son existence (négation d’existence qui permet au passage de nier le Grand Remplacement : on ne saurait remplacer ce qui n’existe pas).

Or, non seulement l’existence du peuple souche n’est pas reconnue, mais son effacement est implicitement proclamé par la loi républicaine (sans que pour autant le génocide soit reconnu). Le Conseil Constitutionnel rappelle que le peuple français, défini comme un « concept juridique » (sic !), est une « catégorie unitaire insusceptible de toute subdivision en vertu de la loi », et que la Constitution de la Ve République « ne connaît que le peuple français composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion » (décision n°91-290DC du 09 mai 1991). Exit donc le peuple souche comme catégorie à part entière.

Pourquoi cette discrimination et ce rejet, si l’on considère que le peuple des Autochtones mélanésiens est quant à lui respectueusement reconnu par les mêmes instances républicaines ? L’interrogation est d’autant plus légitime que le peuple des Autochtones mélanésiens de Nouvelle-Calédonie et le peuple des Autochtones européens de France, peuples vivant sur le même « Territoire de la République », peuvent présenter des titres similaires justifiant leur droit à être tous deux juridiquement reconnus comme peuples à part entière.

Si les premiers Lapitas, ancêtres des kanaks, arrivent dans l’archipel vers 1000 avant notre ère. Les ancêtres des Européens, quant à eux, peuplent l’Europe depuis la nuit des temps. Les peintures de Lascaux ont 20 000 ans, celles de la grotte Chauvet, en Ardèche, ont 35 000 ans. Depuis, le peuplement européen de l’Europe a été ininterrompu jusqu’à aujourd’hui. Est-il besoin de le rappeler ? Faut-il énumérer toutes les empreintes laissées en Europe par ce peuplement européen ?

Pour le reste, le peuple autochtone de France pourrait quasiment s’approprier mot à mot le préambule de l’accord de Nouméa :

« [Lorsque la République] prend possession  [de la France], elle s'approprie un territoire et n'établit pas des relations de droit avec la population autochtone. Les traités passés constituent  des actes unilatéraux.

Or, ce territoire n'était pas vide.

Il était habité par des hommes et des femmes qui se dénommaient [Français]. Ils avaient développé une civilisation propre, avec ses traditions, ses langues, ses coutumes qui organisaient le champ social et politique. Leur culture et leur imaginaire s'exprimaient dans diverses formes de création.

Des hommes et des femmes sont venus en grand nombre, [à la fin du XX siècle], animés par leur foi religieuse, venus contre leur gré ou cherchant une seconde chance [en France]. Ils se sont installés. Ils ont apporté avec eux leurs idéaux, leurs connaissances, leurs espoirs, leurs ambitions, leurs illusions et leurs contradictions.

[La relation de la France avec la République] demeure marquée par la dépendance coloniale, un lien univoque, un refus de reconnaître les spécificités, dont les populations nouvelles ont aussi souffert dans leurs aspirations.

Le choc de la colonisation  [républicaine et migratoire] a constitué un traumatisme durable pour la population d'origine.

Les [Français] ont été privés de leur nom en même temps que de leur terre. Une importante immigration a entraîné des déplacements considérables de populations [françaises], dans lesquels [les familles françaises] ont vu leurs moyens de subsistance réduits et leurs lieux de mémoire perdus. Cette dépossession a conduit à une perte des repères identitaires.

L'organisation sociale française s'en est trouvée bouleversée. Les mouvements de population l'ont déstructurée, la méconnaissance ou des stratégies de pouvoir ont conduit trop souvent à nier les autorités légitimes [NDLR : identitaires] et à mettre en place des autorités dépourvues de légitimité [NDLR : républicaines], ce qui a accentué le traumatisme identitaire.

Simultanément, le patrimoine culturel français était nié ou pillé.

A cette négation des éléments fondamentaux de l'identité française se sont ajoutées des limitations aux libertés publiques et une absence de droits politiques, alors même que les [Français de souche] avaient payé un lourd tribut à la défense de la [République], notamment lors de la Première Guerre mondiale.

Les [Autochtones sont] repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui pourrait, chez un peuple fier et non dépourvu de traditions guerrières, provoquer des révoltes.

La colonisation [républicaine] a porté atteinte à la dignité du [peuple autochtone de France] [qu’elle prive] de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer [au peuple autochtone de France] son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d'une nouvelle souveraineté

Il est aujourd'hui nécessaire de poser les bases d'une citoyenneté [autochtone de France], permettant au peuple d'origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun.

La taille [de la France] et ses équilibres économiques et sociaux ne permettent pas d'ouvrir largement le marché du travail et justifient des mesures de protection de l'emploi local.

Il convient d'ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l'identité [autochtone].

Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du  rééquilibrage. L'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin commun.

La République est prête à accompagner le peuple autochtone de France dans cette voie ».

Dans l’accord de Nouméa, la République reconnaît que les Autochtones mélanésiens de Nouvelle-Calédonie forment un « peuple » : le « peuple kanak » (point 3 par exemple). Obliger la République à reconnaître que les Autochtones européens de France forment eux-aussi un peuple, tant par leur lignée particulière, leur culture spécifique, que leur lien à la terre ancestrale, revient à faire acte de justice, au nom de l’égalité entre les peuples.

La reconnaissance du droit à l’existence juridique entraînera mécaniquement l’octroi de droits collectifs jusqu’au droit du peuple autochtone à disposer de lui-même. N’allons pas croire que la reconnaissance de ce droit sera offerte sur un plateau. Il devra être conquis de haute lutte, comme il l’a été en Nouvelle-Calédonie. Un Avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) du 23 février 2017, observe qu’« aucune définition formelle de la notion d' "autochtone ", pas plus que celle d' "indigenous " en anglais, n'a été arrêtée en droit international ». Pourtant, cette Commission décrète arbitrairement que « seuls les Kanak de Nouvelle-Calédonie et les Amérindiens de Guyane sont des peuples autochtones de la République française ». C’est que la CNCDH a parfaitement compris que le régime en place ne tiendrait pas longtemps si le droit des peuples autochtones était appliqué aux Français de souche européenne. Du point de vue républicain, il est vital que le peuple souche de France ne soit absolument pas conscient de son assujettissement à une République trop universelle pour être française, trop absolue pour être démocratique, trop ouverte pour ne pas être remplaciste.

Le peuple autochtone de France ne doit jamais être reconnu en tant que tel : de son point de vue, la CNCDH a raison !  Mais ce déni d’existence et cette crispation ne montrent-t-elles pas aux Autochtones le point faible du Système et par conséquent la direction de leur combat ? Dans cette conquête du droit à exister juridiquement, conquête mobilisatrice s’il en est, les Autochtones ne manqueront pas d’arguments. Ils disposent de tous les atouts nécessaires pour montrer et démontrer autant qu’il faudra qu’ils ne sont ni un sous-peuple, ni un peuple fantôme, mais un peuple historique et un grand peuple : qui pourra soutenir longtemps le contraire sans passer pour un imbécile ou un antijaphite ?

Antonin Campana

Conquête des droits : le droit à la dignité

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Conquête des droits : le droit à la dignité

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Principe ou postulat : la dignité est une norme impérative. Elle est accordée à chaque être humain et constitue de ce fait une base du droit international. Depuis Kant, on admet que la dignité d’une personne impose de ne pas traiter celle-ci seulement comme un moyen, mais comme une fin en soi. Autrement dit, une personne n’est pas un objet dont on peut se servir, c’est une entité intrinsèque, autonome et libre de réaliser le plein épanouissement de ses facultés. On lui doit un respect inconditionnel.

Comme il existe une dignité individuelle, il existe aussi une dignité collective propre à chaque peuple, dignité reconnue elle-aussi par le droit international. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones accorde ainsi aux peuples autochtones le droit à vivre dans la dignité. Cette dignité doit être protégée de toute forme de violence et la Déclaration demande aux « moyens d’informations » de refléter fidèlement la « dignité » de la culture, des traditions, de l’histoire et des aspirations autochtones (art. 15).

Ramené aux peuples, le droit à la dignité signifie que ceux-ci ne doivent jamais être traités comme des moyens ou des objets mais doivent être respectés en tant qu’entités libres et en capacité de réaliser en toute autonomie le plein épanouissement de leurs cultures, de leurs traditions, de leurs histoires et de leurs aspirations. De ce point de vue, le peuple des Autochtones européens de France est-il traité par la République étrangère de France plutôt comme un moyen ou plutôt comme une entité autonome et respectable ?

L’histoire de ces deux derniers siècles apportent une réponse catégorique et sans ambigüité. Tout d’abord, soulignons que l’existence du peuple autochtone est niée par la République. Comment, dans ces conditions, celle-ci pourrait-elle lui reconnaître une quelconque dignité ? La négation d’existence est le pire que l’on puisse faire à un individu comme à un peuple. Il faut y voir non seulement un manque total de respect mais aussi un désir d’effacement qui peut s’assimiler à un meurtre ou à un génocide symbolique.

 Indubitablement, ce peuple autochtone de France, peuple « qui n’existe pas », a été le moyen de l’expansionnisme républicain. La République s’en est servie comme d’un vulgaire outil lui servant à propager ses idéaux en Europe, tout d’abord, puis dans ses colonies et finalement dans le monde entier. D’un point de vue républicain, l’instrumentalisation du peuple autochtone a été bénéfique, puisque les « principes » et les « valeurs » de 1789 structurent aujourd’hui le Système et donnent la norme à l’ensemble du monde occidental. Du point de vue du peuple instrumentalisé, le bilan et autrement plus négatif puisqu’il a payé de son sang l’expansionnisme de cette « matrice ». Nous parlons ici de plusieurs millions de morts, des bocages vendéens à la conquête du Tonkin, sans oublier Verdun ou Diên Biên Phu. Rappelons, pour faire court, que la France était en 1789 le troisième pays le plus peuplé du monde après la Chine et l’Inde... et que cela n’était déjà plus vrai en 1795.  

Utilisé dans un premier temps pour propager le républicanisme, le peuple autochtone a ensuite servi de laboratoire au modèle mondialiste de société ouverte. En devenant « creuset » (le « creuset républicain »), c’est-à-dire récipient servant à fabriquer la « mixité » et la « diversité », son statut de simple « moyen », voire d’objet, s’est confirmé. C’est en effet « au milieu de lui » (une expression biblique qu’il faut retenir) et pas dans quelque contrée inoccupée, que les expérimentateurs et ingénieurs sociaux républicains ont choisi de déverser progressivement et avec méthode des flots d’immigrés de toutes provenances. Sans égard pour ses souffrances, la mise en danger de son avenir ou l’insécurité culturelle ainsi générée, les ingénieurs sociaux républicains se sont servis de lui pour expérimenter un nouveau modèle de société. Le projet a entièrement reposé sur la créativité, la puissance de travail et le capital matériel que le peuple souche a su accumuler durant des siècles à force de sueur et de sang. C’est sur l’exploitation du labeur autochtone que repose encore la paix sociale. Que les Autochtones cessent de payer leurs impôts ou de travailler quelques jours et le modèle républicain explose instantanément. Le peuple autochtone est un peuple réduit en esclavage pour que dure le « vivre-ensemble ». Or aucun maître ne reconnaîtra la dignité de son esclave.

Moyen de propagation d’une idéologie mais aussi moyen d’expérimentation d’un modèle de société, le peuple autochtone a aussi été considéré par les instances républicaines comme un moyen commode d’explication des échecs de ce modèle de société. En effet, le modèle républicain de « vivre-ensemble » ne fonctionnant pas, il était important de trouver un bouc émissaire afin de disculper le régime et innocenter les valeurs et principes « universels » qui légitiment l’entreprise d’ingénierie sociale. Le peuple bouc émissaire parfait a été (et reste) le peuple autochtone réduit au racisme récurrent et historique qui serait le sien. Tout un système d’avilissement (antijaphétisme) va donc être construit à seule fin de « prouver » ce racisme irréductible, racisme qui, bien entendu, est la cause toute trouvée d’un « vivre-ensemble » impossible. CQFD !

On le voit, la République a seulement et toujours considéré le peuple autochtone comme un moyen. Moyen d’expansion idéologique, moyen d’expérimentation de la société ouverte, moyen d’explication des échecs politiques : la République n’a jamais reconnu l’autonomie du peuple français de souche européenne, elle n’a jamais reconnu son droit à organiser le fonctionnement de sa société selon son identité spécifique, elle n’a même jamais reconnu son existence ! Dans ces conditions, comment pourrait-elle reconnaître sa dignité ?

Un droit ne se mendie pas, il se prend. Ainsi du droit à la dignité.  Il ne tient qu’à nous d’imposer une histoire qui ne soit pas qu’une succession de méfaits. Il ne tient qu’à nous d’exiger de la République une repentance pour les crimes qu’elle a commis envers notre peuple et il ne tient qu’à nous de montrer que nous existons, non en tant qu’individus ou en tant que « citoyens », mais en tant que peuple millénaire ! La République reconnaît volontiers la dignité des Autochtones, mais en tant qu’individus abstraits. Or notre dignité ne s’inscrit pas dans une abstraction (l’Homme) mais dans une réalité concrète : celle de notre appartenance généalogique et identitaire. Nous devons exiger un respect inconditionnel, non en tant que citoyens calibrés, « sans distinction » et interchangeables, mais en tant que membres d’un peuple particulier.

Mais comment avoir de telles exigences quand on est un peuple dispersé ? Si la République joue avec notre peuple, c’est que notre peuple n’est pas organisé. Si elle traite le peuple autochtone comme un moyen, un objet ou un outil, c’est que le peuple autochtone accepte de l’être. Le droit à la dignité ne pourra être reconquis avant que nous ayons psychologiquement intégré à la fois notre condition subalterne, notre exploitation sociale et politique, et les responsabilités de la puissance étrangère républicaine. Il revient au Grand Rassemblement autochtone et à la lutte pour les droits, dont le droit à la dignité, de laver nos esprits de cette propagande deux fois séculaires qui nous amoindrit à nos propres yeux.

Antonin Campana

samedi, 27 janvier 2018

Le projet de «propriété économique» ou le retour au servage

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Le projet de «propriété économique» ou le retour au servage

Ex: http://www.geopolitica.ru

Le droit continental soumis au droit anglo-saxon ou la domination radicale des intérêts du grand capital sur le « fait politique »

Lorsque des gens tels que Gauthier Blanluet[1], digne successeur des frères Dulles - efficaces représentants américains, au cours du XXème siècle, du grand capital installé à Wall Street[2] - au cabinet Sullivan et Cromwell[3] (de Paris), s'intéressent d'assez près au concept de propriété économique pour y consacrer une thèse soutenue en 1998[4]. Qu’au surplus cette thèse, adoubée par Jean-Pierre Le Gall, a permis à son auteur de succéder très jeune au poste dudit Le Gall au sein de la prestigieuse université de droit Paris II (autrement connue sous le nom d’Assas), assurant au demeurant un brillant parcours professionnel à son auteur. Alors, il importe que tout citoyen français, qu’il appartienne ou non au microcosme du droit, de l’économie, de la fiscalité, ou de la politique, s'intéresse à son tour à la "propriété économique" : ce concept est ainsi appelé à sortir de son carcan de « spécialistes » pour s’adresser d’une façon générale à tous les citoyens.

Après avoir fait un bref aperçu du contexte dans lequel la notion de « propriété économique » s’inscrit, nous détaillerons ici pourquoi la « propriété économique » a de grandes chances d’être adopté dans un futur proche par le droit positif. Il nous restera ensuite à détailler en quoi ce concept est éminemment dangereux pour les peuples.

La « propriété économique », incarnation du droit anglo-saxon

La notion de « propriété économique », jusqu’alors inconnue du droit français, est en revanche très prégnante dans le droit anglo-saxon, lequel droit est essentiellement axé autour du commerce. En droit anglo-américain moderne, la conception du droit est toute entière incluse dans l’économie, le capital domine et dirige le facteur humain. Au contraire, pour le droit continental classique le « fait politique », au sens d’organisation des rapports humains, prime le « fait économique ». L’économie n’est pas absente du droit continental classique mais, loin d’en être la source exclusive, elle n’est au contraire qu’un élément parmi d’autres que le droit prend en considération. La conception continentale du droit considère en priorité le facteur organisationnel du groupe humain tandis que la philosophie du droit anglo-saxon, tout de pragmatisme vêtu, recherche en priorité la valorisation financière. Considérer l’organisation d’un groupe humain par le seul prisme mercantile et financier est éminemment réducteur si l’on veut bien prendre en compte que l’humain n’est pas seulement une valeur marchande. L’organisation sociétale axée autour du commerce a ainsi pu dévier vers une organisation qui finit par ne rechercher que le profit. Or la recherche du profit ne peut concerner et ne concernera toujours que le faible pourcentage des détenteurs du capital pour, en fin de parcours, finir par ne concerner que les plus grands d’entre eux[5]. Fondamentalement, la conception anglo-saxonne du droit est une conception élitiste de la vie en société, laquelle ne peut et ne doit être organisée que par et pour le plus grand bien de « quelques élus ». La réussite sociale et financière - peu importe les moyens employés puisque l’apparence prévaut sur la réalité – est considérée comme un signe de cette « élection » divine. Il s’agit ici d’une conception idéologique de la vie en société qui semble bien s’accorder avec la spiritualité protestante.

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Le concept nouveau de « propriété économique » est la traduction juridique de l’analyse économique de la notion de propriété[6]. Il est lié à ce qu’il est convenu d’appeler la théorie de l’agence[7] et a pour objectif de faire entrer la sphère politique dans la sphère économique. Accepter le concept de « propriété économique » revient à accepter de ne considérer le droit que par le prisme réducteur de l’économie. Inclure la sphère politique dans la sphère économique représente, pour des défenseurs du droit continental, une inversion exacte des valeurs. En droit continental il ne saurait y avoir d’analyse économique de la notion de propriété car cette dernière est avant tout un moyen primordial d’organisation sociale permettant de pacifier et réguler la vie en commun, une valeur d’ordre morale et politique, qui a certes des incidences économiques mais qui ne sont que des conséquences du principe politique initial et en aucun cas le fait générateur de la règle. Le droit continental ne nie pas les conséquences économiques générées par le droit de propriété mais il récuse en revanche, ou plutôt il récusait jusqu’à il y a peu, le fait de ne considérer le droit de propriété qu’au seul regard de ses conséquences économiques, ce qui est précisément l’objectif recherché par les tenants du concept de « propriété économique ». La propriété, au sens classique du terme, permet une dynamique sociale, on parle d’ascenseur social ; elle est, à ce titre, facteur d’efficience en terme d’organisation sociale. Reléguer le droit de propriété à la seule composante économique signifie en réalité transformer la philosophie sous-jacente du droit. On passe d’un droit dont l’objectif est l’organisation social à un droit dont l’objectif est le seul rendement financier. Accepter une domination radicale du profit revient ni plus ni moins qu’à passer du libéralisme au financiarisme, aussi appelé ultra-libéralisme ; cela revient à nier le rôle social d’institutions aussi essentielles que la propriété et l’entreprise. Nous avons ici affaire à une philosophie purement matérialiste et dogmatique.

C’est précisément contre cette dérive que voulait lutter le général De Gaulle en tentant d’instituer une « entreprise participative », laquelle avait pour objectif de rendre à la « société » le rôle d’organisation sociale que les théories économiques, qui empiétaient déjà sérieusement sur le droit, menaçaient sérieusement de lui retirer définitivement. Nous savons le succès de cette dernière lutte : le départ du général De Gaulle a sonné la fin de ce projet. L’historien Henri Guillemin a avancé que De Gaulle avait été renversé par les banques en raison de son projet d’entreprise participative[8]. Depuis lors, la conception économique de la notion d’entreprise n’a fait que croitre et embellir dans les pays continentaux, dits de droit écrit.

La « propriété économique », bientôt du droit positif

Nous allons voir que, par les temps qui courent, il n’est plus possible de compter sur la réticence conceptuelle définitive et rédhibitoire du droit continental à l’égard du concept de « propriété économique » pour deux raisons essentielles.

La première raison, particulière à la France, provient de l’actualité : le droit interne de ces vingt dernières années, toutes branches confondues, est riche en revirements aussi inattendus qu’impensables il y a encore quelques décennies[9]. Cette « évolution » du droit français est portée par des personnalités actives et influentes qui ont acquis des positions sociales dominantes leur permettant de faire passer l’idée que cette évolution s’impose, qu’elle est somme toute naturelle, et que l’histoire de la propriété économique « appartient à l’avenir »[10].

En raison de « l’esprit de cour », version édulcorée de l’esprit de collaboration, très en vogue chez les « élites françaises »[11], le concept de « propriété économique », poussé à pas de loup par un petit groupe d’activistes influents, savamment soutenus par les lobbies bancaires, sera à coup sûr développé et amplifié par la grande majorité des juristes universitaires, éblouis par tant d’audace créative, et des praticiens, subjugués par le bagout des activistes susmentionnés autant que par leur propre ignorance du droit civil. Les promoteurs de la financiarisation de la vie en société utilisent la grande masse des « collaborateurs » universitaires, praticiens et politiques pour concrétiser une adhésion massive au concept de « propriété économique », « évolution juridique » qui cache en réalité une révolution juridique.

Il n’est qu’à constater les projets de thèses en cours sur la propriété économique en 2013[12], les livres[13] et études[14] dores et déjà consacrés au sujet. Il est jusqu’à une proposition de loi[15] dont l’intitulé mentionne, sans vraiment savoir de quoi il parle, le terme de « propriété économique ». Il semble que l’analyse économique de la « propriété » soit également depuis 2009 à l’ordre du jour du parti socialiste[16]. On ne peut que faire le triste constat que « le fait économique » est, en France, en passe de prendre le pas sur « le fait politique », opérant ainsi un reniement de toute la philosophie de notre construction juridique.

La seconde raison est que, si la France tentait de résister (ce qui est fort peu probable pour les raisons exposées ci-dessus), l’Union Européenne est là pour rappeler à « l’ordre ultralibéral et financiariste » tout Etat qui traînerait les pieds à plier au dogme de la mondialisation inéluctable. Dans le contexte du monopole – et du mépris ouvert du principe de séparation des pouvoirs - de la Commission européenne en matière d’initiative législative[17], aucun obstacle théorique n’empêcherait cette « institution » d’imposer un jour, soit par directive[18], soit par règlement[19] directement applicable dans les Etats membres, une conception renouvelée de la propriété entièrement tournée vers le concept de « propriété économique ». Ceci pourrait très bien voir le jour sous le couvert de la compétence exclusive de l’UE concernant « l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur »[20]. Pour étayer le fait que le droit interne est de plus en plus souvent issu du droit européen, citons l’avènement en droit français, par le biais d’un règlement communautaire, des normes IFRS[21], qui réalisent une harmonisation mondiale des règles comptables applicables aux sociétés. Sans trop entrer dans les détails il faut quand même rappeler que, derrière le prétexte bonhomme de l’harmonisation, les normes IFRS sont édictées par un organisme privé[22] pour mieux répondre aux besoins mondiaux du grand capital libre et enfin décomplexé. On a ici la clef de compréhension de ce qu’il faut entendre lorsque Wikipedia explique que « On considère que la Commission dispose du droit d'initiative en vue de jouer pleinement son rôle de gardienne des traités et de l'intérêt général. ». S’agissant de l’introduction en droit français des normes IFRS, par règlement interposé, écoutons ce qu’en disent des professeurs de droit fiscal : « Bien que leur origine privée ait suscité d’importantes réticences, spécialement en France les normes IFRS se sont imposées par le biais du droit de l’Union Européenne qui, par un règlement communautaire du 19 juillet 2002, les a rendues obligatoires pour l’élaboration des comptes consolidés des sociétés cotées sur un marché réglementé d’un Etat membre. En France, depuis le 1er janvier 2005, les normes IFRS s’appliquent obligatoirement aux comptes consolidés des sociétés cotées et, sur option, aux comptes consolidés des sociétés non cotées (Ord. N°2004-1382, 20 déc. 2004).

Les comptes annuels restent soumis aux seules règles du droit français. Mais le législateur français a réformé en 2005 le droit comptable en s’inspirant des normes IFRS, avec toutefois des aménagements. La façon de penser et de s’exprimer s’en trouve affectée, un peu comme lorsqu’en cas d’invasion une langue étrangère s’impose sur un territoire nouvellement conquis. Les comptables et les fiscalistes sont désormais priés de s’exprimer dans la nouvelle langue IFRS, qui très souvent s’éloigne de l’ancien langage comptable. »[23]

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Pour finir de convaincre le lecteur de la suprématie juridique anglo-américaine, en réalité financiariste, et de la mort du génie français et du droit continental, citons Gauthier Blanluet, ardant promoteur de l’ultralibéralisme et de la concentration des capitaux par le biais, notamment, de l’avènement du droit anglo-saxon sur le droit continental : « … sur le plan plus élevé de l’organisation juridique, il est indéniable que les pays de droit écrit résistent à grand-peine – mais résistent-ils vraiment ? – à la concurrence des systèmes juridiques issus de la « common law ». Le droit communautaire, qui est – ou devrait être – un terrain d’affrontement, en livre une cuisante démonstration en matière économique. Il emporte, dans une quasi-obscurité, renonciation à tout un système ancestral de droit. Le germe d’une renaissance n’est pas encore visible. Pour l’heure, afin de répondre à la concurrence, on se contenterait volontiers d’importer des institutions en vogue outre-atlantique, fussent-elles une menace pour la cohérence d’ensemble du droit privé français. On pense bien entendu à la fiducie, petite sœur du trust anglo-américain. On pense également à d’autres institutions, également d’origine anglo-américaine, dont la fiducie pourrait faire bon sillage. La propriété économique, qui d’ailleurs trouve dans la fiducie un point d’application, est de celles-là. Aussi viendrait-elle, à son tour, s’acclimater sur les berges du vieux continent, à l’ombre impériale de la propriété du Code civil. »[24] Notons l’emploi du terme « impérial » qui, sous la plume d’un tel homme, ne saurait être considéré comme un hasard.

La « propriété économique » ou la « loi » du plus fort

La « propriété économique », aujourd’hui inconnue du droit français, étant promise à devenir prochainement le droit positif, il faut maintenant analyser de plus près ce que recouvre ce concept.

Alors que la notion classique de « propriété » octroie des droits à des acteurs juridiques sur la seule considération de la volonté de l’auteur de l’acte, selon le principe dit de « propriété économique », le titulaire des droits principaux sur un bien mobilier ou immobilier, matériel ou immatériel, est soit celui qui fournit le capital nécessaire à son acquisition, au premier rang desquels sont les établissements financiers, soit celui qui traite ou exploite le bien. Laissons à nouveau la parole à Gauthier Blanluet, qui a si bien défendu l’idée de la « propriété économique » : « Intuitivement, la propriété économique se défie du droit en ce qu’elle s’attache à l’observation des faits. Habitée par une vision simplifiée de la propriété, s’en tenant à l’image concrète du propriétaire exerçant les prérogatives habituelles de son ministère, elle prend en considération l’exercice du droit, plus que le droit lui-même. Aussi est-elle portée à voir un propriétaire dans le titulaire de la maîtrise réelle. Il importe peu, à cet égard, que le droit soit d’une opinion différente. Le réalisme parle plus haut que lui »[25].

Le problème avec le réalisme est qu’il est ici appelé à la rescousse pour acter juridiquement la prise de pouvoir politique au moyen d’une captation économique d’une minorité agissante au détriment de 99% des citoyens[26]. Lorsque le « fait » est appelé pour légitimer une future règle de droit, alors nous avons une parfaite illustration de la loi du plus fort : de factuelle, la domination devient juridique. Le « fait » devient le vecteur de la domination politique par les puissances économiques. Le profit prend le pas sur toutes les valeurs politiques et morales qui ont, jusqu’à preuve du contraire, rendu possible l’émergence de « civilisations », c’est-à-dire le polissage, au moyen de l’organisation sociale et politique, des instincts humains primaires. Le droit est détourné de son objectif d’organisation sociale pour ne servir que les intérêts d’un petit nombre d’individus.

L’analyse économique de la propriété[27] véhiculée par le concept de « propriété économique » est susceptible d’avoir des implications dans l’ensemble des branches du droit.

Ce concept est aisément déclinable en ce qui concerne le droit immobilier. C'est par exemple ce concept de « propriété économique » qui explique pourquoi en droit immobilier américain l'acquéreur ne devient propriétaire de son bien qu'une fois son emprunt totalement remboursé. C’est ce phénomène qui justifie que les banques, en cas de défaut de l'emprunteur, peuvent expulser manu militari, sans quasi aucune formalités légales, les acquéreurs (non juridiquement propriétaires) de bien immobiliers ; jetant par la même occasion des milliers de gens dans la rue[28] au moment de la crise dite des « subprimes ». Crise définitivement due à la voracité d'établissements financiers prodigues, désireux de fournir à tout prix des prêts, quitte à ce que les emprunteurs soient insolvables, du moment que l'intérêt et/ou le capital restent en définitive acquis.

Il pourrait également se décliner en matière de transmissions informatiques. S’agissant des biens immatériels, le concept dit de « propriété économique », peut expliquer le fait qu’en droit anglo-saxon le propriétaire des données personnelles, biens immatériels, collectées de façon directe ou indirecte (légalement ou illégalement[29], le moyen important peu de nos jours) par des moyens informatiques et par Internet est l'entreprise qui traite et exploite ces données et non, comme c'est encore le cas en France, les personnes concernées par ces données ou dont ces données sont issues[30]. Alors que le droit dit continental, en opposition au droit anglo-saxon, reste protecteur des données personnelles, cela pourrait changer du tout au tout si cette notion dite de « propriété économique » venait à voir le jour sur le continent européen.

En matière de droit de l’entreprise, le basculement de la conception juridique à une conception économique a déjà commencé. Il a permis l’avènement de la théorie de l’agence, qui a légitimé l’introduction des stocks options en droit français. Les stocks options sont issus d’un glissement dans la conception de l’entreprise. Ils relèvent de la volonté de rapprocher les intérêts financiers des propriétaires de l’entreprise de ceux des dirigeants en vue de maximaliser les profits capitalistiques futurs. Ils sont la « carotte » qui permet un rendement maximum aux détenteurs du capital de l’entreprise[31].

D’une façon plus générale, la « propriété économique » induirait une modification profonde des relations entre les banques avec les entreprises : de créancières, les banques jusqu’alors simples partenaires, deviendraient les véritables décisionnaires de droit. « L’immixtion dans la gestion », aujourd’hui punie, deviendrait la règle dans le monde des affaires ! Signalons au passage que les cas de disparition de PME en raison d’une « immixtion dans la gestion » des banques créancières sont légions et ceci en dépit même de l’existence d’une législation protectrice ; ce constat déplorable provient du double fait que « l’immixtion dans la gestion » est difficile à établir et qu’en cas de litige judiciaire, les PME, comme les particuliers, ne pèsent guère face aux conglomérats bancaires. On aperçoit ici encore que l’avènement du concept de « propriété économique » aurait pour conséquence la transformation d’une domination de fait du « système bancaire » sur l’économie en une domination de droit.

La conception « rénovée » du droit de propriété pourrait également avoir « d’intéressantes conséquences » – du point de vue des détenteurs du capital - en matière de transmission d’entreprises, en particulier dans le cadre des fameux LBO (Leveraged Buy-Out[32]). On pourrait dès lors se passer de l’intermédiation d’une holding de reprise. Ce qu’il est convenu d’appeler « l’effet de levier », c’est-à-dire, la remontée des dividendes de la société cible (en réalité la société victime dont le rachat est envisagé) vers l’acquéreuse, permettrait dès lors à la banque de racheter n’importe qu’elle société tout en faisant rémunérer son « effort » de prédation » par sa victime ! En cas d’avènement juridique de la « propriété économique », les sociétés cibles ne seraient plus « achetées » mais bel et bien « vendues » par les politiques aux financiers.

Comme on peut le constater, l’avènement promis pour demain du concept dit de « propriété économique » aura des conséquences sur l’intégralité de l’organisation sociale. Elle agira inéluctablement dans le sens de l’accroissement de la concentration des capitaux.

La « propriété économique », pire ennemi de la démocratie et de la liberté

En conclusion, l'ultra-libéralisme, nom donné aux théories développées par ce qu’il est convenu d’appeler le grand capital, instaure et utilise l’appropriation du « fait politique » par le « fait économique » pour assurer la domination de ses intérêts. Dans ce phénomène d’inclusion du politique dans l’économique, le concept dit de « propriété économique » a une place privilégiée, mais il n’est pas seul. Il s’accompagne, en droit, de la prééminence de la théorie dite de l’agence, en comptabilité, de l’avènement des normes IFRS, en droit bancaire, d’une dérégulation associée à une créativité[33] de grande ampleur, en droit boursier, du recours quasi exclusif à la théorie des jeux et à la spéculation débridée[34], en politique, de la suppression des idées d’Etat-nation, de séparation des pouvoirs[35] et du recours au vote des peuples[36]. L’ultra-libéralisme tue le libéralisme de façon beaucoup plus sûre que ne l'ont fait les tentatives de collectivisation des moyens de production. C’est précisément contre ces dérives qu’avait, en son temps, tenté de s’élever Maurice Allais[37], seul français a avoir reçu le prix Nobel d’économie[38], ce qui lui valu une prompte et définitive disgrâce médiatique[39]. Est-ce à cela que pensait Lénine lorsqu’il écrivit, au cours de la première guerre mondiale, « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme » ? L’impérialisme financier n’est pas géographiquement déterminé. Le financiarisme est, à la faveur des paradis fiscaux[40] (généreusement répandus sur la planète) et à la liberté de circulation des capitaux prônés par l’OMC, apatride et global. Le financiarisme a comme différence essentielle avec l’impérialisme, au sens classique du terme, qu’il agit secrètement, manipulant et corrompant, usant de subversion pour imposer sa loi d’airain aux peuples du monde. Pour expliquer l’efficacité de la méthode de domination employée par les intérêts du « grand capital », chacun optera, au choix, entre un pur hasard de circonstances, une convergence spontanée d’intérêts, ou un méchant complot.

L’ultra-libéralisme agit en quelque sorte comme un communisme inversé. Si la mise en œuvre du communisme a assuré, en même temps que l'appropriation collective par la désappropriation individuelle des moyens de productions[41], la mainmise de quelques apparatchiks sur le pouvoir[42], l’ultra-libéralisme assurerait, à l'inverse, le pouvoir total de quelques uns sur tous les biens matériels et immatériels par le biais de la domination du « fait économique » sur le « fait politique ». Le pouvoir devient ici l’apanage de l’argent et l’argent aura été le moyen de s’emparer du pouvoir.

Dans le scénario d’avènement juridique de l’ultralibéralisme, nous retournerions au simple servage de l'Ancien Régime, à l'exception près qu'il n'y aurait, au moins au départ, aucune dérogation liée à quelque zone ou ville franche que ce soit. Le servage suppose que tout individu remet sa vie et la possibilité matérielle d'assurer sa survie, au bon vouloir d'un mini-groupe de privilégiés qui concède aux premiers, pour une durée déterminée et moyennant impôts en nature ou en argent, la possibilité de simplement subsister. Si le système de féodalité a fonctionné c'est parce que le seigneur était engagé, au prix de sa propre existence, à protéger physiquement les individus qui dépendaient de lui tout en lui assurant son train de vie. À l'époque contemporaine, l’illusion de la sécurité est en train de disparaître, les populations dominées se rendant compte que leur sécurité est plus menacée de l’intérieur que de l’extérieur. Aujourd’hui, il apparaît de plus en plus que les apprentis sorciers (agroalimentaires[43], pharmaceutiques[44], énergétiques[45] etc.) ne maîtrisent pas les effets des technologies et des pratiques qui leurs assurent de substantiels profits. Dans ces conditions, comment concevoir que ces mêmes individus pourraient assumer une quelconque protection de populations, qu'ils estiment au surplus surnuméraires, si l’on en croit les multiples études alarmistes sur la population mondiale depuis le fameux rapport Meadows de 1972 du club de Rome[46] jusqu’à nos jours[47] ? En réalité la recherche du profit est aujourd’hui confrontée à un paradoxe : elle a besoin d’un accroissement de la demande (population et enrichissement des populations) pour continuer à croître mais, les ressources disponibles sur Terre étant finies, il faut dans le même temps, réduire la demande pour continuer à fonctionner, sous peine d’aboutir au phénomène de l’île de Pâques, décrit par Jared Diamond[48], étendu à l’échelle mondiale cette fois.

La « propriété économique » est le meilleur ennemi de la propriété et une des briques essentielles de la volonté de concentration du capital et des pouvoirs. Le concept de « propriété économique » est aussi, en raison de la philosophie politique qui le porte, le pire ennemi de la démocratie. Laisser les principaux détenteurs de capitaux et leurs stipendiés acter l'accaparement des biens par le biais de l'avènement juridique de la « propriété économique » équivaudrait, pour les populations, à un suicide à la fois physique et civilisationnel consenti[49]. Concrètement et très factuellement pour les populations civiles, le seul élément susceptible de faire la différence entre un "futur esclavagiste" et un "futur libre" est la prise de conscience, douloureuse mais indispensable, que l’impérialisme financier aujourd'hui aux commandes est animée, sous des apparences légalistes et réglementaires anodines, des intentions les plus sombres. Prise de conscience enfin que ce nouvel impérialisme a déjà gagné la bataille des faits et que le réalisme aujourd’hui consiste, pour les peuples, à ne pas acter juridiquement ce phénomène, sous peine d’abdication de toute liberté et de retour consenti à l’esclavage.

Il nous semble que c’est précisément ce combat que les dirigeants russes ont gagné depuis qu’ils ont mis fin au règne de l’utra-libéralisme, lequel avait fait suite à des décennies de communisme. La question reste de savoir si, en Russie, cette victoire est définitivement ou seulement temporairement établie.

Dans les pays occidentaux, la lutte reste entièrement à mener, et elle sera rude. L’avenir libre dépendra de la seule prise de conscience collective des peuples.

 

[1] http://www.sullcrom.com/Lawyers/Detail.aspx?attorney=a6e9...

[2] Voir : http://revueagone.revues.org/360

[3] http://en.wikipedia.org/wiki/Sullivan_&_Cromwell ; http://fr.wikipedia.org/wiki/John_Foster_Dulles ; http://wikileaks.org/gifiles/attach/48/48237_Allen%20Wels...

[4] Gauthier Blanluet « Essai sur la notion de propriété économique en droit privé français, recherches au confluent du droit fiscal et du droit civil », thèse présentée et soutenue publiquement le 16 janvier 1998 devant un jury composé de Pierre Catala (directeur de thèse), Maurice Cozian, Laurent Aynès, Jean-Pierre Le Gall et Pierre-Yves Gautier ; http://www.theses.fr/057654697 ; http://www.gbv.de/dms/spk/sbb/toc/313740933.pdf ; publiée en 1999, LGDJ, collection bibliothèque de droit privé tome 313

[5] Voir à cet égard : http://arxiv.org/PS_cache/arxiv/pdf/1107/1107.5728v1.pdf ; pour une présentation française : http://www.pauljorion.com/blog/?p=28360 ;

[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Th&eacute ;orie_&am... ;

[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_de_l'agence

[8] http://www.youtube.com/watch?v=_BYD9YuqKeE

[9] Voir par exemple l’intégration, partielle, en droit français du trust anglo-saxon par le biais de l’avénement de la fiducie : http://www.upr.fr/actualite/france/larbre-marini-qui-cach...

[10] Ultime phrase de la thèse Gauthier Blanluet « Essai sur la notion de propriété économique en droit privé français, recherches au confluent du droit fiscal et du droit civil » ; thèse présentée et soutenue publiquement le 16 janvier 1998 devant un jury composé de Pierre Catala (directeur de thèse), Maurice Cozian, Laurent Aynès, Jean-Pierre Le Gall et Pierre-Yves Gautier ;

[11] Lire à cet égard « Le choix de la défaite » d’ Annie Lacroix-Riz, 2ème édition, Armand Colin

[12] Elodie Pommier, à Clermont-Ferrant 1, sous la direction de Jean-François Riffard : http://www.theses.fr/s83065

[13] Cf. Propriété économique, dépendance et responsabilité, par Catherine Del Cont, Harmattan : http://books.google.fr/books?id=XZ1j8Q5nY-UC&pg=PA24&...

[14] http://www.crdp.umontreal.ca/fr/publications/ouvrages/Ber...

[15] http://rencontres-sociales.org/spip/spip.php?article3265

[16] Cf. : http://engagements-socialistes.fr/2009/12/une-approche-ec...

[17] http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d%27initiative

[18] Les amendes pour non transposition dans le délai requis des directives se chargent de sanctionner tout Etat résistant ; comme le font, dans un autre contexte, les amendes infligées aux Etats jugés excessivement protectionnistes dans le cadre des « Aides d’Etat ».

[19] http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-...

[20]http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_européenne#Comp.C3.A9t...

[21] Sur l’origine des normes IFRS, lire par exemple : http://www.argusdelassurance.com/institutions/origines-pr...

[22] Les normes litigieuses proviennent en effet de « l’International Accounting Standarts Commitee Foundation » qui, comme son nom le laisse supposer, est « une fondation de droit britannique regroupant des organismes professionnels de différents pays (notamment les grands cabinets anglo-saxons) et structurée en différents conseils, dont un comité exécutif (IASB) chargé d’élaborer un référentiel commun » nécessaire à la libre circulation des biens et des capitaux ; cf. Précis de fiscalité des entreprises 2011/2012, 35ème édition, de Maurice Cozian et Florence Deboissy, Lexisnexis, n°102 p.48

[23] ibid ; pour une application des normes IFRS aux comptes annuels, voir http://www.netpme.fr/info-conseil-1/gestion-entreprise/co...

[24] Gauthier Blanluet, thèse précitée, conclusion n°IV et V

[25] Voir Gauthier Blanluet, thèse précitée n°660

[26] Nous recommandons à cet égard la lecture suivante : http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/l-absol...

[27] http://fr.wikipedia.org/wiki/Th&eacute ;orie_&am... ;

[28] Alors même que certaines personnes avaient déjà remboursé une grande part, voire une majorité, de leur dette : le premier défaut emporte expulsion. Le réalisme économique ne voudrait-il pas qu’ils soient, dans ces conditions, les propriétaires effectifs de leur logement ?

[29] Voir http://www.youtube.com/watch?v=ugGqI24J23s

[30] Voir, par exemple, à cet égard : http://www.youtube.com/watch?v=Fn_dcljvPuY&feature=yo...

[31] Lire à cet égard « La naissance du PDG actionnaire », Olivier Berruyer, « Stop ! Tirons les leçons de la crise », Yves Michel, collection économie, p.26 et s.

[32] La technique du LBO permet le financement du rachat d’une entreprise par l’entreprise rachetée elle-même, dite société cible, laquelle in fine est amenée à rembourser les échéances de l’emprunt contractée pour sa propre acquisition ; voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Leveraged_buy-out ; http://lentreprise.lexpress.fr/patrimoine-professionnel/d...

[33] Nous pensons ici à tous les produits financiers dérivés (CDS…), à la titrisation de créances (douteuses de préférence) etc.

[34] Cf. High-Frequency Trading (HFT) etc. : http://fr.wikipedia.org/wiki/Transactions_à_haute_fréquen...

[35] Voir l’organisation de l’Union Européenne dans laquelle la Commission dispose du monopole de l’initiative législative en même temps qu’elle en représente le pouvoir exécutif

[36] Voir, pour un exemple français, le viol de la volonté populaire par Nicolas Sarkozy, alors président de la République française, qui a fait voter par les prétendus représentants du peuple le Traité de Lisbonne alors que les français l’avaient rejeté par référendum en 2005 sous le nom de Constitution européenne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Référendum_français_sur_le_t... ethttp://www.france24.com/fr/20080208-france-adopte-le-trai...

[37] http://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Allais

[38] Ce prix dit Nobel d’économie est en réalité un prix décerné par la banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel

[39] http://www.les-crises.fr/le-testament-de-maurice-allais/

[40] Lire à cet égard : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-fabuleux-...

[41] Une question pertinente pourrait être : peut-on parler de propriété collective alors qu’il n’y a pas de propriété individuelle ? En d’autres termes, la « collectivité » peut-elle exister sans la prise en compte des « individus » qui la compose ?

[42] Réalisant ce faisant le « despotisme d’une intelligentsia » prévue par Rosa Luxembourg : http://fr.wikipedia.org/wiki/Léninisme

[43] L’exemple des farines animales à base de squelettes d’animaux broyés, contaminés ou non, données à des ruminants est particulièrement édifiant

[44] Il n’y a plus guère de contrepouvoirs sérieux s’opposant à la mise sur le marché des nouveaux médicaments et vaccins, qui font bien souvent l’objet d’études et de recommandations émanant du seul fabricant-fournisseur

[45] Est-il par exemple pertinent de chercher des gaz de schistes au détriment des nappes phréatiques alors que l’eau potable existe, sur Terre, en quantité limitée et que le corps humain, pour ne parler que de lui, est composé d’environ 60 % d’eau ? A quoi servira l’énergie si nous ne disposons plus d’eau potable ?

[46] http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-baquiast/080412/... ; http://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Rome

[47] http://www.futura-sciences.com/magazines/terre/infos/qr/d... ; http://www.alterinfo.net/L-OMS-avance-en-secret-pour-mene... ; http://www.ababord.org/spip.php?article1030

[48] Cf. « Effondrement, comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie », Jared Diamond, Gallimard, voir chapitre 2 p.85 et s.

[49] http://paulcraigroberts.org/2013/10/28/pcr-column-wake-de...

Source: AgoraVox

jeudi, 18 janvier 2018

Patriotismo constitucional: Deconstrucción de la conciencia nacional

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Patriotismo constitucional: Deconstrucción de la conciencia nacional

Ex: http://www.katehon.com/es

El proceso separatista  catalán, con su punto álgido en el referéndum ilegal del  1 de octubre de 2017, provocó una reacción patriótica inesperada no solo en Cataluña, traducida en movilizaciones  populares en defensa de la Cataluña Hispánica y la unidad de España.


Una reacción  inesperada además, por las décadas en las que el mismo  régimen del  78 y su clase política, llenos de complejos y de una concepción ajena y beligerante contra todo planteamiento identitario – asociándolo erróneamente con el separatismo - han utilizado el denominado patriotismo constitucional como la respuesta del denominado “bloque constitucionalista” frente  al secesionismo.


Ciertamente el  régimen del  78 se encuentra  ante un fenómeno que se le puede  ir de las manos, por lo que empezó - a través de los partidos constitucionalistas (PP. Ciudadanos y PSOE) y movimientos cívicos afines a éstos-  la canalización de la reacción patriótica hacia un constitucionalismo, responsable por acción u omisión de la actual problemática territorial con los separatismos que no se circunscribe solo a Cataluña o País Vasco.
Y es que, la influencia alemana en el régimen del  78, no solo viene aplicada a la Ley fundamental de Bonn de 1949 o al asumir como propia la idea del “Estado social y democrático de derecho”, los partidos que se llevan turnando en el poder durante la Segunda Restauración, han asumido en sus idearios el concepto de patriotismo constitucional.


En el caso del PSOE era previsible por la matriz izquierdista y socialdemócrata de este concepto, pero en el caso del PP, fue asumido en una ponencia aprobada en su congreso nacional de Enero de 2002, evidenciando una vez más los complejos de la derecha española.


El constitucionalismo, entonces, tiene como base ideológica al patriotismo constitucional, un concepto surgido del “Institut für Socialforschung” (Instituto de Investigación Social), también conocido como Escuela de Frankfurt, en cual se agrupaban seguidores de Marx, Hegel y Freud.


El más conocido de sus teóricos, Jürgen Habermas, en su obra “Identidades nacionales y postnacionales” define al patriotismo constitucional de la siguiente manera:
“En este caso las identificaciones con las formas de vida y tradiciones propias quedan recubiertas por un patriotismo que se ha vuelto más abstracto, que no se refiere ya al todo concreto de una nación, sino a procedimientos y a principios abstractos.”


(…) “En el proceso público de la tradición se decide acerca de cuáles de nuestras tradiciones queremos proseguir y cuáles no.”
Si  nos  atenemos a las palabras de Habermas,  podemos comprender que la consecuencia de la  crisis de la conciencia nacional en España, se debe precisamente a un proceso de deconstrucción de ésta que el mismo Régimen del  78 ha ido realizando, como continuación de todos aquellos que desde el siglo XVIII impusieron la extranjerización y  el rechazo a nuestra identidad cultural e histórica, considerada como algo arcaico y oscurantista que debía ser sustituido por unos valores ilustrados que como aportación negativa, traían la ruptura del individuo con “su circunstancia”, esto es, tradición, identidad, cultura, Historia o etnia; para ser sustituido por un individuo desarraigado que pueda ser manejable por intereses ajenos a la nación de la que forma parte.


Y es que para que exista una conciencia nacional, ésta solo tiene sentido con la fidelidad a nuestras señas de identidad y asumiendo un relato histórico nacional que va desde la Roma Imperial hasta nuestros días, pasando por la reafirmación de España con la Reconquista.


Un patriotismo identitario, popular y soberanista que no suponga la adhesión a regímenes concretos, sino que éstos sirvan a los intereses de España y los españoles por encima de todo.

dimanche, 07 janvier 2018

Eric Werner: Vous avez dit Etat de droit?

par Eric Werner

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

 

On a compris qu’au sujet de l’état de droit, c’est plutôt « le tas de non droit », « les zones de non droit » les « non droit » tout court pour les dindons de la farce que nous sommes tous. By Gee avait poussé un coup de gueule, pour Grisebouille, « Ci-git l’État de droit« . C’est au tour d’Eric Werner de faire le point, relayé par LHW.*

2017: l’État de droit comme réalité. Antipresse

Les années se suivent, et en règle générale se ressemblent. Les ruptures de continuité sont rares. Mais non complètement inexistantes. L’année 2017 en a connu une importante: elle concerne l’État de droit.

L’État de droit a toujours été quelque chose de très fragile, pour ne pas dire d’aléatoire. C’est, certes, une barrière contre l’arbitraire, mais une barrière que l’arbitraire, justement, n’a pas trop de peine à franchir lorsqu’il l’estime nécessaire (par exemple, quand les intérêts supérieurs des dirigeants sont en jeu). Simplement cela ne se dit pas. Les juristes s’activent pour sauver les apparences, et en règle générale y parviennent: Les apparences sont sauves. Sauf que, depuis un certain temps, les dirigeants ne se donnent même plus la peine de sauver les apparences.

On l’a vu en 2015 déjà, lorsque Mme Merkel, s’affranchissant des textes européens relatifs à l’immigration, a décidé d’ouvrir toutes grandes ses frontières à deux millions de migrants, répétant ainsi le geste de son lointain prédécesseur Bethmann-Hollweg, qui, en 1914, avait justifié l’invasion de la Belgique en comparant les traités internationaux garantissant la neutralité belge à un chiffon de papier. Mme Merkel n’a pas exactement dit que les Accords de Dublin étaient un chiffon de papier, elle a simplement dit qu’elle ne voulait plus les appliquer. Nuance.

 [...]

Fondamentalement parlant, le droit est un instrument de pouvoir: un instrument de pouvoir entre les mains du pouvoir, lui permettant de faire oublier qu’il est le pouvoir. Telle est son utilité. Or ce qui est apparu en 2017, c’est que le pouvoir se sentait désormais assez fort pour, justement, se passer de cet instrument de pouvoir. Le pouvoir continue, certes, à fabriquer du droit, à en fabriquer, même, en grande quantité. Mais le droit qu’il fabrique n’a plus grand-chose à voir avec le droit.

On l’a vu par exemple cet automne avec l’espèce de frénésie qui l’a conduit à inventer de nouveaux délits en lien avec le «harcèlement», les «comportements inappropriés», les «violences faites aux femmes», etc. Avec le renversement de la charge de la preuve, l’extension indéfinie des délais de prescription, d’autres atteintes encore aux principes généraux du droit, on sort ici clairement du cadre de l’État de droit. On a encore affaire, si l’on veut, à du droit, mais le droit ne masque ici plus rien. Il ne fait plus rien oublier. L’arbitraire, autrement dit, se donne ici directement à voir.

[...]

Quand, par conséquent, les dirigeants français actuels reprochent à leurs homologues polonais de porter atteinte à l’indépendance de la justice, au motif que l’actuelle majorité parlementaire en Pologne aurait édicté une loi soumettant la nomination des juges polonais à l’approbation du pouvoir exécutif, on pense irrésistiblement à la parabole de la paille et de la poutre: car eux-mêmes, à y regarder de près, vont beaucoup plus loin encore dans ce domaine. En Pologne, les juges sont peut-être nommés par le pouvoir exécutif, mais au moins continue-t-on à leur demander leur avis pour savoir si quelqu’un doit ou non être embastillé. Alors qu’en France, dans les affaires de terrorisme tout au moins, non: c’est le pouvoir exécutif qui dit si quelqu’un doit ou non être embastillé. Lui et lui seul. Il n’y a pas, en France, de contrôle judiciaire dans les affaires de terrorisme. Or, comme on le sait, il est très facile aujourd’hui de se voir étiqueter de «terroriste». Le terme est élastique à souhait.

En cette fin d’année 2017, la Commission européenne a engagé une procédure visant à priver la Pologne de son droit de vote dans les conseils européens pour atteinte à «l’État de droit». Des sanctions à son encontre sont également envisagées. Mme Merkel et M. Macron font chorus en demandant à la Pologne de rentrer dans le droit chemin. Ils invoquent les «valeurs européennes». C’est l’hôpital qui se moque de la charité.

Auteur: Eric Werner, Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, docteur ès lettres, il a été professeur de philosophie politique à l’Université de Genève.

*https://lilianeheldkhawam.com/

*****

Cenator : Concernant des dénis de l'Etat de droit, M. Werner aurait encore pu citer le refus des parlementaires suisses d'appliquer les résultats des votations du 9 février 2014 ainsi que la campagne intensive de la RTS contre l'initiative No-Billag (alors qu'elle ne devrait pas prendre parti, ... idem pour la candidature de Sion pour les JO d'hiver de 2026)

 

mardi, 17 octobre 2017

Es gibt kein Menschenrecht auf Einwanderung – Staatsstreich von oben?

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Es gibt kein Menschenrecht auf Einwanderung – Staatsstreich von oben?

von Jörg Gebauer

Die Bundesregierung und die ihr nachgeordneten Behörden haben die verfassungsmäßige und verpflichtende Rechtsgebundenheit ihres Handelns verlassen. Jörg Gebauer zeigt auf, wie die Regierung sich ein neues Volk, mithin einen neuen Souverän schafft, was letztlich einem Staatsstreich gleichkommt.

I. Die Bundesregierung hat objektiv Rechts- und Verfassungsbrüche begangen

Der „Wissenschaftliche Dienst“ des Deutschen Bundestages hat im September 2017 ein höchst brisantes Gutachten erstellt, in welchem die Ereignisse Anfang September 2015 und in den Folgemonaten rechtlich gewürdigt wurden. Demnach hätte der Bundesinnenminister einen Erlass machen müssen, in welchem auf die humanitäre Ausnahmesituation hingewiesen worden wäre.

Dies wurde von mehreren Juristen, insbesondere Staatsrechtskollegen – an erster Stelle zu nennen wäre hier Joachim Nikolaus Steinhöfel – bereits 2015 und dann nochmals 2016 so reklamiert. Auch Ex-Verfassungsrichter Udo Di Fabio hatte hiernach in seinem Gutachten gefragt. Dieser Erlass – und das ist nun neu – wurde niemals geschrieben. Dabei hätte es dazu eine generelle Ermächtigung sogar im Gesetz gegeben. Hier liegt der objektive Rechts- und Verfassungsbruch.

Die Regierung und die ihr nachgeordneten Bundesbehörden haben demnach die verfassungsmäßige und verpflichtende Rechtsgebundenheit ihres Handelns verlassen. Prof. Dr. Di Fabio hielt rechtlich für denkbar, dass ein solcher Erlass vorübergehend nicht gemacht wird. Er kalkulierte dafür eine maximale Frist von ca. einem halben Jahr. Diese Frist war also im März 2016 abgelaufen.

II. Die Kanzlerin hat Probleme, Ein- und Ausreise auseinanderzuhalten

Der verfassungswidrigen Äußerung der Bundeskanzlerin Angela Merkels, das Volk seien alle diejenigen, die hier leben, ging ein anderer staatsfeindlicher Tenor bei der Verwechslung der rechtlichen Stellung von Ein- und Ausreise voraus: Die Kanzlerin ist offensichtlich gespalten. Als ehemaliger Teil des FDJ-Kader denkt sie anscheinend, man könne Menschen – wie in der DDR – an der Ausreise hindern. Dies dokumentiert sich etwa in ihrer völkerrechtswidrigen Erwartungshaltung gegenüber der Türkei, wenn sie meint, diese dürfe Emigranten auf dem türkischen Staatsgebiet festsetzen und an der Ausreise hindern (sogenannter Türkei-EU-Deal).

Und übrigens: Warum es in diesem Punkte (dem Gefangennehmen von echten oder unechten „Flüchtlingen“, genauer von Menschen, die aus der Türkei emigrieren wollen) keinerlei Kritik von links gibt, demaskiert das gesamte links-liberale, bunte Establishment. Wohlbemerkt: Selbstverständlich soll es eine Eindämmung der Migration geben. Dies jedoch nicht durch Einsperren, sondern durch Aussperren der illegalen Zuwanderung (Immigration). Worin besteht nun aber die Gespaltenheit Merkels?

Im Gegensatz zu ihrer inneren Regimetreue als ehemalige hohe FDJ-Funktionärin steht ein anderes Moment – sagen wir besser: ein kurzer Moment ihrer Biographie. Denn als ehemalige Aktivistin beim Demokratischen Aufbruch (1989) hingegen denkt sie, ein jeder Mensch dürfe schließlich reisen, wohin er wolle, zum Beispiel nach Deutschland.

Merkel selber ist diejenige, die zwischen den beiden Komplexen a) hier Lebende (Bevölkerung) versus Staatsvolk sowie b) Einreise (Immigration) versus Ausreise (Emigration) die Verbindung herstellt. Dies wird in folgendem Ausspruch Merkels überdeutlich:

„Die Zeit der deutschen Einheit, die Zeit, als der Eiserne Vorhang fiel, die Zeit, als Europa zusammen gewachsen ist, war eine wunderbare Zeit. Und deshalb gibt es auch keinerlei Rechtfertigung, dass sich kleine Gruppen aus unserer Gesellschaft anmaßen zu definieren, wer das Volk ist. Das Volk ist jeder, der in diesem Lande lebt.“

Sie kann in ihrer Gespaltenheit (oder ihrem staatsrechtlichen Dilettantismus?) nicht unterscheiden zwischen einer Ausreise von deutschen Staatsbürgern und einer Einreise von Ausländern. Das Eine (Ausreise) ist das Recht eines jeden Menschen. Nicht nur im Jahre 1989. Das Andere (Einreise) kann hingegen vom jeweiligen Zielland, in welches ein Migrant einzureisen wünscht, souverän reglementiert werden.

Staats- und völkerrechtlich dürfen Ausreisen von Menschen (Emigration) niemals verhindert werden. Hingegen können Staaten sehr wohl immer die Einreise von Ausländern (Immigration) bis hin zum rigiden Verbot regeln. Dies nicht klar zu erkennen und zu befolgen, war seit September 2015 der Grundkonstruktionsfehler der deutschen Politik.

III. Es gibt kein Menschenrecht auf Einwanderung (Immigration)

Prof. Dr. Richard Schröder (Theologe und Philosoph) führt dazu aus: „Zwischen Auswanderung und Einwanderung besteht eine Asymmetrie, die namentlich aufgrund der deutsch-deutschen Erfahrungen leicht übersehen wird. Es ist ein Menschenrecht, dass jeder (straf- und schuldenfreie) Einwohner sein Heimatland verlassen darf. Es gibt aber kein Menschenrecht auf Einwanderung, schon gar nicht in das Land meiner Wahl. Das heißt, der Staat darf seinen Bürgern das Weggehen nicht prinzipiell verbieten. Aber kein Staat ist gezwungen, jeden, der kommen will, aufzunehmen …

Die Dinge liegen beim Staatsgebiet so ähnlich wie bei der Wohnung. Niemand darf mich in meiner Wohnung einschließen. Aber ohne meine Erlaubnis darf sich niemand in meiner Wohnung niederlassen, er darf sie nicht einmal ohne meine Zustimmung betreten – außer Polizei und Feuerwehr. Das wäre Hausfriedensbruch.

„Menschenrecht“ heißt hier: das Recht auszuwandern, ist sozusagen jedem Menschen angeboren. Das Recht einzuwandern, muß dagegen verliehen werden von den Vertretern der dortigen Staatsbürger. Wem es verliehen werden darf und wem es verliehen werden muss, ergibt sich aus dem nationalen Recht und aus dem Völkerrecht …

Dem allen widersprach nur scheinbar die Erfahrung im geteilten Deutschland. Alle DDR-Bürger konnten sich ohne staatliche Genehmigung in der Bundesrepublik dauerhaft niederlassen, wenn sie sie erreicht hatten. Sie konnten sogar in ausländischen bundesdeutschen Vertretungen einen bundesdeutschen Pass bekommen und mit dem als Bundesbürger ausreisen, wenn die betroffenen Staaten das erlaubten, was bei den sozialistischen Staaten außer Jugoslawien nicht der Fall war.

Der Grund war nicht ein besonders großzügiges Einwanderungsrecht, sondern die Definition der deutschen Staatsbürgerschaft im Grundgesetz (Art. 116). Demnach waren auch die DDR-Bürger Deutsche im Sinne des Grundgesetzes, wogegen die DDR Sturm gelaufen ist. DDR-Bürger waren für die Bundesrepublik keine Ausländer und deshalb auch keine Einwanderer, wenn sie kamen. Nachdem die innerdeutsche Grenze gefallen und vollkommen verschwunden ist, denken viele, so solle es auch weltweit sein. Sie übersehen: die Türen einer Gefängniszelle werden von außen verschlossen und hindern am Weggehen. Wohnungstüren dagegen werden von innen verschlossen und hindern am Eindringen. Entsprechend gibt es auch zwei Arten von Mauern und Zäunen.“

Soweit Prof. Dr. Richard Schröder.

IV. Natürliche und republikanische Freiheit

Es findet eine eklatante Fehlinterpretation des internationalen Rechts und des europäischen Staatsrechts statt. Diese resultiert aus purer Unkenntnis der westlichen Staatsphilosophie. Warum muss diese überhaupt berücksichtigt werden, nicht nur als Einwand sondern auch und gerade als Chance?

Von Seiten der staatsphilosophischen natürlichen Freiheit her betrachtet, ist jedem Menschen nämlich jederzeit die (endgültige oder vorübergehende) Ausreise zu gestatten. Dies darf kein internationaler Vertrag und erst recht nicht die UNO oder die EU verhindern. Hingegen gilt weiterhin unangefochten: Von Seiten der staatsphilosophischen republikanischen Freiheit (Rousseau) hat jeder Staat – und das ist international unbestritten – das Recht, die Einreise fremder Staatsbürger zu verhindern.

Nach traditioneller, klassisch-liberaler Staatstheorie braucht er hierfür keinerlei Begründung. Genau dies konstituiert einen Staat ja gerade, über sein Hoheitsgebiet souverän zu entscheiden. Daran ändert weder ein Staatenbund (oder ein Vertrag zwischen Staaten) noch Schengen und Dublin irgendetwas. Über eine Einreise nichtdeutscher Staatsbürger nach Deutschland (Immigration) entscheidet rechtlich nur Deutschland.

V. Merkel hat eine Herrschaft des Unrechts errichtet und schwere Schuld auf sich geladen

Deswegen trägt Merkel mit ihren verfassungswidrigen Handlungen und Äußerungen auch die Verantwortung für Terrorakte gegen Deutsche, wenn diese von illegal anwesenden Ausländern durchgeführt wurden. Das Verwischen der Unterschiede zwischen Einreise und Ausreise verletzt zudem den demokratischen Grundkonsens, weil solch Regierungshandeln die Maxime der klassisch liberalen Staatstheorie ignoriert. Diese Maxime stehen vor der Klammer unserer Verfassung. Dies hat der ursprüngliche Verfassungsgesetzgeber, der Parlamentarische Rat, 1949 ausdrücklich in seinen Beratungen protokolliert sowie in der Präambel des Grundgesetzes manifestiert mit der Formulierung: „Im Bewußtsein seiner Verantwortung vor den Menschen“.

Dieser verkürzte Term sollte bewusst die Staatsphilosophie von Hobbes über Montesquieu, John Locke und Rousseau bis Hegel als grundlegend, notwendig (jedoch nicht hinreichend) und unabdingbar zur Basis des modernen Verfassungsstaates machen. All dies scheint die Bundesregierung auszublenden oder schlichtweg nicht zu wissen.

Diese Unkenntnis und Ignoranz ist die Hauptursache für die aktuelle Staatskrise und die „Herrschaft des Unrechts“ (Wortlaut CSU-Vorstandsbeschluss): Die Bundeskanzlerin persönlich hat sich schuldig gemacht, indem sie uns und andere Menschen in Europa dieser Gefahr ausgesetzt hat. Ohne irgendeinen Grund lässt sie seit zwei Jahren zu, dass man in Deutschland einreisen (immigrieren) darf, ohne die gesetzlichen Kriterien zu erfüllen. So konnten Verbrecher hierhin gelangen und ihre Bombenanschläge vorbereiten sowie Terrorakte durchführen, damit aber dem eigenen Staatsvolk schweren Schaden zugefügt. Kein deutscher Kanzler hat seit 1949 solch eine Schuld auf sich geladen.

VI. Es handelt sich um einen Staatsstreich von oben

Zudem hat die aktuelle Bundeskanzlerin die seit Jahrzehnten konstruktive Außenpolitik Deutschlands und unsere gute Stellung in Europa erheblich beschädigt. Merkels Definition kreiert ein neues Volk, damit aber einen neuen Souverän. Da die Souveränität aber unteilbar ist und es denklogisch in einem Staatsgebiet nur einen Souverän geben kann, bedeutet das eine Auswechslung desselben. Die Regierung schafft sich demnach ein neues Volk.

Die Auswechslung des Souveräns ist die Beschreibung für einen Staatsstreich. Neben einer Revolution („von unten“) ist der Staatsstreich („von oben“) die fundamentalste Umwälzung der politischen Ordnung, die denkbar ist.

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Zum Autor: Jörg Gebauer ist ausgebildeter Staatswissenschaftler (Magister in Politik, Jura und Soziologie). Daneben hat er Kriminologie, Volkswirtschaftslehre und Staatsphilosophie sowie Pädagogik studiert. Von 1979 bis 2014 war er Mitglied der SPD. Unter anderem gehörte er dem Juso-Bundesausschuss fünf Jahre lang an und war von Februar 1990 zuerst Mitglied der „Einsatzgruppe Deutsche Einheit“ und im direkten Anschluss daran Mitarbeiter des Deutschen Bundestages bis Juni 1992. Dort unter anderem tätig für den ehemaligen Staatsminister Hans-Jürgen Wischnewski („Ben Wisch“). Zuvor war er drei Jahre Angestellter der Johannes Gutenberg-Universität in Mainz. Seit 1992 ist Jörg Gebauer als Berater in der freien Wirtschaft tätig.

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jeudi, 16 mars 2017

EDUARDO HERNANDO - La justicia sin Estado: una crítica al globalismo legal

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EDUARDO HERNANDO - La justicia sin Estado: una crítica al globalismo legal

samedi, 04 février 2017

Faut-il juger le Droit ?

 
A l’occasion de la livraison de notre opus centré sur le droit, l’entretien avec le Professeur émérite Jean-Louis Harouel vous propose une réflexion complète sur le grand remplacement du droit national par une norme droit-de-l’hommiste métissée. Il détaille le processus politique conduisant l’État à se retourner contre son peuple alors même qu’il avait été conçu pour le protéger.
 
On semble aujourd’hui accorder une place de plus en plus importante au droit dans les rapports privés ou interétatiques, aboutissant à une primauté du droit sur la concertation. Pouvez vous nous dire quelles ont été les étapes de cette évolution ?
 
J-L H : Le phénomène que vous évoquez s’inscrit dans un grand mouvement de dévalorisation du politique au bénéfice du juridique et plus encore du judiciaire. Commencé au lendemain de la Seconde guerre mondiale, ce processus fut largement l’œuvre de la démocratie chrétienne qui, n’aimant pas vraiment la démocratie et n’aimant pas du tout la nation (cadre optimal de la démocratie), a combattu férocement la souveraineté démocratique. Dominant alors l’Europe continentale, la démocratie chrétienne s’est employée à détruire l’idée d’une suprématie parlementaire absolue au moyen d’une technique inspirée de Kelsen : la création des cours constitutionnelles, auxquelles vinrent se superposer les juridictions européennes et tout particulièrement la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Avec pour effet que la décision suprême n’est plus politique mais judiciaire.

Comment les juges justifient-ils leur autorité sur un pouvoir politique légitimement désigné par la population ?
 
J-L H : Cette justification repose sur la notion d’État de droit. Or c’est un mot-fétiche par lequel il ne faut pas se laisser intimider. Jadis protecteurs des libertés publiques des citoyens, les droits de l’homme sont devenus – nous allons y revenir – une religion séculière d’État, formant un système politico-juridique moralisateur, coercitif et répressif. Notre droit, qui était jusqu’alors inspiré par des valeurs de durée, est aujourd’hui phagocyté et dénaturé par cette religion des droits de l’homme mortifère pour les nations européennes. Si bien qu’en clair, « État-de-droit » signifie trop souvent la condamnation à l’impuissance des peuples européens face à l’immigration de masse qui les submerge et à l’islam qui est en train de conquérir sans le dire leur pays.
 
Le droit semble être de moins en moins l’affaire des États avec la montée en puissance du droit communautaire écrit par des technocrates européens. Peut-on encore récupérer la mainmise sur notre droit ?
 
J-L H : On le peut en brisant – notamment par le recours au référendum – la logique fédéraliste sournoise qui fait que les dirigeants des pays européens ne sont plus que des marionnettes en charge de faire accepter ce qui a été décidé ailleurs. Il faut rompre avec le fétichisme bigot de la sainteté du culte de l’Europe. Comme je l’écrivais dans Revenir à la nation, il faut faire éclater une Union européenne qui n’aime pas les Européens. Obsédée d’ouverture à l’autre sous l’effet de la religion des droits de l’homme, l’UE est l’ennemie des peuples européens car elle répudie la vraie identité européenne fondée sur un contenu humain particulier et une civilisation particulière. L’UE veut croire que la dévotion de l’universel peut suffire comme identité collective européenne, alors qu’elle en exprime le néant. Mais peut-être naîtra un jour une construction européenne authentique, fondée sur la volonté politique des peuples.
 
Peut-on voir dans les droits de l’homme un « déracinement » du droit ?
 
J-L H : Tel n’était pas le cas pour les droits de l’homme classiques, qui étaient concrètement les libertés publiques des citoyens au sein des États-nations démocratiques, telles qu’on les a pratiquées au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle. Le déracinement du droit est intervenu au cours de la seconde moitié du XXe siècle du fait de l’avènement de la religion séculière des droits de l’homme, inspirée par une frénésie de l’ouverture à l’autre et une compassion cosmique indifférente aux États et aux nations. François Furet a observé que la religion des droits de l’homme a pris le relais du communisme comme promesse de l’émancipation de l’humanité. Né de l’implosion des utopies antérieures, le culte des droits de l’homme érigés en norme suprême censée produire un monde meilleur constitue, selon les termes de l’historien américain Samuel Moyn, notre dernière utopie.
 

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En quoi les droits de l’homme sont-il particulièrement dangereux aujourd’hui pour l’homme lui-même ?
 
J-L H : La religion des droits de l’homme est surtout dangereuse pour l’homme occidental, qui en est l’inventeur et qui seul se l’applique vraiment. En particulier, l’islam – lequel n’admet même pas les libertés publique et notamment la liberté de penser – met certes à profit la religion des droits de l’homme pour conquérir l’Europe, mais y est absolument réfractaire. La religion des droits de l’homme est suicidaire pour ceux qui la prennent au sérieux, car elle détruit les nations, les peuples, les identités, les enracinements. L’affirmation absolue du « je » au détriment du « nous » est non seulement l’agent d’une désagrégation des sociétés occidentales, mais encore le cheval de Troie de la submersion de l’Europe par une immigration géante à dominante musulmane.
 
Que distingue droits de l’homme et droits humains ?
 
J-L H : Le terme « droits humains » est un néologisme récent qui dérive de human rights, terme apparu seulement au cours des années 1940 dans la langue anglaise. Avant cela, on parlait de rights of man, lesquels étaient les droits de l’homme classiques, les libertés publiques. Au contraire, les droits humains correspondent à la religion séculière des droits de l’homme telle qu’elle s’est imposée depuis un demi-siècle. Mais, déjà avant cela, la religion des droits de l’homme avait suscité l’intrusion de la notion de droits fondamentaux, dont les grands bénéficiaires sont les étrangers. L’admission de tout individu présent sur le sol d’un pays, fût-ce de façon frauduleuse, à multiplier les revendications et actions juridiques, lui donne une arme contre le peuple de ce pays.
 
Vous parlez de « religion des droits de l’homme » : si cela est avéré, quel en est le culte, les rites, et qui en sont les prêtres ?
 
J-L H : Dès lors que la religion séculière des droits de l’homme est substantiellement formée de règles de droit, les prêtres de cette religion sont tout naturellement les juges, et plus précisément ceux des plus hautes juridictions. Cette nouvelle « prêtrise judiciaire » – terme forgé par Jacques Krynen, professeur d’histoire du droit à Toulouse – avait déjà été perçue voici un demi-siècle par le professeur de droit public parisien Georges Lavau qui observait qu’en posant des règles nouvelles au nom de principes généraux du droit qu’ils déclaraient à leur gré, les hauts magistrats s’étaient arrogés une fonction religieuse, une fonction prophétique. C’est ainsi que la religion des droits de l’homme fonde le gouvernement des juges.
 
Comment expliquer le succès de la « religion des droits de l’homme », dans les médias et même à l’Université ?
 
J-L H : Le succès de la religion des droits de l’homme vient pour une bonne part de ce que de nombreux « communistes zombies » (adaptation d’une formule d’Emmanuel Todd), rendus orphelins du communisme par la disparition de l’Union soviétique, s’y sont recyclés. Marcel Gauchet a signalé dès le début des années 1980 le mouvement qui portait intellectuels et ex-militants de la lutte des classes à se réfugier dans la lutte pour les droits de l’homme. Quand au succès de la religion des droits de l’homme parmi les juristes universitaires, je répondrai avec mon collègue Yves Lequette, professeur émérite de droit privé à Paris II, que « les auteurs petits et grands qui se sont fait une spécialité de ce culte tirent de celui-ci les moyens ainsi que le sentiment de leur existence ».
 
De Gaulle disait « d’abord la nation, ensuite l’État, après le droit ». Vit-on aujourd’hui un renversement qui ferait passer le droit avant l’État, reléguant la nation en dernier ?
 
J-L H : Aujourd’hui, en France, l’État est en même temps l’Église de la religion séculière des droits de l’homme. Cet État-Église n’a presque aucun souci des intérêts concrets de la France et des Français. Leur avenir lui importe peu. L’État veille seulement à la sanctification de la société au regard des dogmes de la religion des droits de l’homme et des règles juridiques constitutives de cette religion. Ce primat religieux du droit sur les intérêts de la nation relègue effectivement celle-ci en dernier. Nous sommes dans ce que Max Weber appelait la morale de la conviction (Gesinnungsethik), laquelle érige en principe absolu un sentiment ou un principe et s’y accroche inconditionnellement sans se soucier des conséquences pratiques. Une morale qui, comme l’observait Raymond Aron, ne doit pas être la morale de l’État. Car c’est trop souvent une morale de l’irresponsabilité.

 Allez plus loin, lisez La Camisole

mercredi, 05 octobre 2016

Quand le système judiciaire français coule à pic...

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Quand le système judiciaire français coule à pic...

par Xavier Raufer

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du criminologue  Xavier Raufer, cueilli sur Atlantico et consacré à la déliquescence de la justice française...

Justice, ruine et délires : quand le système judiciaire français coule à pic

Tribunaux surchargés, gardiens de prison débordés, laxisme généralisé : l'institution judiciaire, clé de voûte de la République française, est aujourd'hui dans un triste et inquiétant état.

• A l'intention des persécuteurs stipendiés "Décryptage", "Décodeurs" & co., membres du Taubira-fan-club : tous les faits et chiffres ici mentionnés sont dûment sourcés et bien sûr, à leur entière et inquisitrice disposition.

1) La ruine

Une justice de qualité est-elle encore rendue dans la France de l'automne 2016 ? On peut en douter car le (fort pâle) garde des Sceaux lui-même parle d'une justice "exsangue". Situation d'autant plus grave que, bien sûr, la justice est la clé de voûte de tout Etat de droit.

Commençons par une - affligeante - visite du domaine judiciaire. Déjà, il est bien sous-dimensionné : par rapport à la moyenne de l'Union européenne, la France compte quatre fois moins de procureurs et deux fois moins de juges.

En France même et à l'automne 2015, le président de la conférence des procureurs dénonce "la faillite du service public de la justice" et - fait rarissime - les forts mutiques procureurs généraux élèvent désormais la voix. Tous dénoncent "des retards persistants d'exécution des décisions" et des "difficultés croissantes à faire fonctionner les chambres et fixer les audiences". Ainsi, en juin 2016 "au tribunal de Bobigny, 7 300 peines attendent d'être appliquées".

Avocats d'un côté, syndicalistes de la pénitentiaire de l'autre, tous dénoncent des "juridictions françaises en ruine". Bobigny, on l'a vu, mais aussi Créteil, Nanterre, Brest, Agen, Nantes : postes vacants, exécrables conditions de travail, piètres qualités des jugements ; encore et toujours, énormes délais d'audiencement.

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Côté syndical, on constate que les détenus deviennent maîtres des prisons - bandits, islamistes, hybrides (les deux ensemble, type Kouachi-Abdeslam-Coulibaly). Résultat : mutineries et émeutes à répétition, gardiens agressés dans des maisons (d'arrêt ou centrales), où la discipline se perd. Le patron du principal syndicat pénitentiaire parle de "déliquescence du système" et d'"autorité en fuite". Dans les prisons, désormais, "presque chaque détenu possède un portable. Certains en ont plusieurs" - quand c'est bien sûr formellement interdit.

Autre symptôme d'effondrement, les cafouillages dans l'appareil judiciaire ; d'abord, les "libérations intempestives". "Toujours plus de détenus relâchés devant l'impossibilité de s'expliquer devant un juge". Faute d'escortes, des multirécidivistes sont ainsi purement et simplement libérés. Au-delà, des couacs judiciaires en rafales (parmi vingt autres ces derniers mois) :

"Le receleur remis en liberté après une erreur du tribunal"... "Prison : une faute d'orthographe lui permet de sortir et de s'évader"... "Une figure du milieu marseillais libéré pour délai judiciaire dépassé", ainsi de suite.

Autre couac, financier celui-ci. "Victime" d'un premier imbroglio judiciaire, un islamiste de gros calibre reçoit du ministère de la Justice... un chèque de 20 000 euros de dédommagement. L'Obs' - qui n'est pas exactement un brûlot sécuritaire - dénonce une "erreur judiciaire grossière".

A Montargis, des documents de justice confidentiels sont mis à la poubelle et jonchent le trottoir.

Bien sûr, il y a eu les ravages-Taubira, ses expériences libertaires conclues par un bide intégral. Son diaphane successeur finit ainsi par reconnaître l'échec de la "contrainte pénale" (seul acte notable de l'ère Taubira), un "outil peu utilisé par les juridictions". Dit en clair : les magistrats se tapent des inventions de la camarilla-Taubira. S'ajoute à cela le foutoir qui règne depuis lors dans le (pourtant crucial) suivi des condamnés. Dispositif que la Cour des comptes, qui peut avoir la litote cruelle, dénonce en mai 2016 comme "empilement de nombreux acteurs qui peinent à s'organiser et coopérer".

L'idéologie libertaire est bien sûr en cause, mais aussi, une vaste incompétence. Ici, le récent et triste exemple donné par Mme Adeline Hazan, "contrôleuse générale des lieux de privation de liberté" (Inspecteur des prisons, en novlangue socialo). A l'été 2016, la "contrôleuse" déclare ainsi que "plus on construira de places de prison, plus elles seront occupées" - pathétique ânerie sur un banal effet d'optique-statistique, que l'on explique, pour le corriger, aux étudiants en criminologie de première année, vers le deuxième ou troisième cours...

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Bazar, idéologie, incompétence... Là-dessus, les bobards de journalistes naïfs ou complices. Après un braquage, combien de fois lit-on dans le journal que "le vol avec usage ou menace d'une arme est puni, au maximum, de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende". Bon, se dit le lecteur : au moins, un malfaiteur paiera pour ses crimes. Tu parles.

Car sous Taubira & succession, voici comment passe la justice, la vraie, celle du quotidien. Août 2016 : lisons "Le Phare dunkerquois", de ces petits hebdos de province où affleure encore le réel criminel. Omar B. est toxicomane. 27 inscriptions au casier judiciaire. Enième affaire de vol en flagrant délit. Tribunal et sentence : "Le condamné n'est pas maintenu en détention (il sort donc libre)... Sa peine de neuf mois fermes est aménagée (en français, annulée) pour qu'il puisse entrer en post-cure et être opéré du genou". Vous avez bien lu. La justice Taubira & co., désormais appendice de la Sécu.

De telles affaires, chaque semaine.

2) Les délires

Dans les décombres de notre justice, les aberrations se succèdent, le burlesque un jour, l'effrayant le lendemain - le scandaleux, toujours - sur un rythme accéléré.

De ces aberrations, voici la dernière (à ce jour) : Nancy, un criminel incarcéré, en prime, proche d'un "dangereux détenu radicalisé", reçoit par erreur (on l'espère...) les noms des agents pénitentiaires ayant rédigé un rapport sur lui.

Peu auparavant, un autre bandit incarcéré profite d'une "sortie à vélo" pour s'évader et sauter dans la voiture où l'attend son frère, un islamiste fiché.

Et Reda B.

(17 condamnations dont 7 pour braquage) dont on lit qu'il s'est évadé (en 2012) de la prison du Pontet (Vaucluse) "à l'occasion d'un tournoi d'échecs".

Et ces évasions de la prison d'Amiens - deux en quelques mois ! - où des détenus scient les barreaux de leur cellule... Les draps de lit le long de la façade... Le complice dehors qui jette la corde... A l'ancienne, façon Fanfan la Tulipe ! La direction du lieu-dit, par antiphrase, "de privation de liberté", se demande "comment des lames de scie ont pu parvenir jusqu'à eux" - judicieuse question, vraiment.

Et ce tribunal de Grenoble qui, d'abord, prend comme caution d'un caïd de la drogue 500 000 euros en espèces, 1 000 billets de 500 euros "dégageant une forte odeur d'alcool... pour dissiper les traces suspectes".

Parfois, ces foirades confinent au burlesque : "Oise : un cours d'art martial pour les détenus, les surveillants indignés"... "Haute-Garonne : le détenu cachait une piscine gonflable dans sa cellule"... Registre happening, toujours : "Un styliste sans-papiers organise un défilé [de mode] clandestin au Palais de justice de Paris".

Les sportifs maintenant : "Nantes : à peine condamné, un détenu s'évade du tribunal en pleine audience". Le multirécidiviste "bondit hors du box et s'échappe". Les magistrats, bras ballants. Sans doute, ce bondissant "nantais" a-t-il été inspiré par un "collègue" de Colmar qui, plus balèze encore, "A peine condamné, s'évade par la fenêtre du tribunal".

Telle est aujourd'hui la justice, Taubira ou post-Taubira. Car, cette dernière partie jouer les idoles pour médias subventionnés - elle dont, à l'automne 2015, l'action était rejetée par 71% des Français - ça ne va pas mieux.

Un exemple, là encore pris entre dix autres analogues. Février 2016, gare de Lyon : un policier est massacré (triple fracture de la mâchoire, etc.) par un colosse de 110 kilos connu pour trafic de stupéfiants, vols de voiture, rébellion, etc. Arrêtée, la brute épaisse est laissée libre "sous contrôle judiciaire".

A chaque désastre, le transparent garde des Sceaux promet - que faire d'autre ? Tout va s'arranger... Les contrôles seront renforcés... Puis attend, résigné, que le suffrage universel abrège son calvaire.

Voici les dernières convulsions. Au gouvernement, incompétents, idéologues et pragmatiques-largués se déchirent. Suite à une pique du Premier ministre sur la modestie de son bilan effectif, Mme Taubira montre les dents et déclare "Je peux devenir méchante".

Enfin ! Un point sur lequel on peut lui faire pleinement confiance.

Xavier Raufer (Atlantico, 28 septembre 2016)

 

mercredi, 31 août 2016

Retour sur le droit du sang

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Retour sur le droit du sang. Un débat fondamental

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Le néolithique constitue une rupture considérable dans l’histoire de l’humanité. C’est là que naissent les premières communautés organisées autour de villages puis de cités. Elle oppose irrémédiablement l’homme de l’avenir, qui est le sédentaire, à l’homme du passé qu’est le nomade. Ce qui subsiste du mode de vie nomade, ce sont des asociaux qui vivent aux dépens des populations agricoles. Lorsque dans la mythologie latine, Romulus fonde Rome, il dessine des frontières symboliques définissant le pomœrium, un espace sacré. C’est parce que Remus franchit cette frontière, en élément extérieur donc « nomade », que Romulus le tue. Fonder une cité, c’est en définir les frontières et les habitants légitimes.

A Athènes, le mythe de l’autochtonie définit la citoyenneté. C’est par leur implantation ancienne, sans cesse renouvelée par les générations successives, que le citoyen s’enracine dans sa terre. Cela définit des ayant droits naturels, héritiers de la longue mémoire de la cité mais aussi chargés de la transmettre à leurs descendants. L’introduction de nouveaux citoyens, qui n’en seraient pas les porteurs naturels par l’histoire, serait un élément de rupture dans cette continuité millénaire.

Les Pisistratides, famille de tyrans ayant régné à Athènes, ne voyaient pas dans les Athéniens des citoyens mais des sujets. Peu importe alors que ces derniers soient athéniens « de souche » ou venus d’ailleurs. Au fond, les hommes n’étaient que du bétail et leur provenance ne comptait donc pas. Ce principe se retrouva à la fin de l’empire romain, lorsque les principes de liberté de la république périclitèrent, avec Caracalla qui donna la citoyenneté romaine à tous les hommes libres nés sur le sol impérial en 212 après J.C. C’est un principe qu’on retrouve sous la féodalité, où le droit du sang est réservé aux seigneurs, mais où « tout serf né sur la terre d’un seigneur est serf du dit seigneur ».

Lorsque Périclès est arrivé au pouvoir et a établi les fondements de la démocratie à Athènes, même s’il eut des précurseurs comme Solon et Clisthène, une des premières mesures qu’il prit fut de redonner à la citoyenneté athénienne tout son sens. En 451 avant J.C, il établit ainsi la règle de citoyenneté suivante : « est athénien celui né de deux parents athéniens mariés selon les lois de la cité ». Ses propres enfants, qu’il eut de la grecque Aspasie, qui n’était pas athénienne, ne furent pas citoyens de droit. Il semble néanmoins que, toute exception confirmant la règle, les Athéniens les aient finalement naturalisés à l’issue d’une assemblée plénière, ce qui était exceptionnel.

Il alla plus loin, bravant ce que le droit moderne appelle « principe de non-rétroactivité ». Du fait que les tyrans avaient bradé la citoyenneté athénienne afin de se créer des allégeances en la conférant à des gens qui n’auraient pas pu l’obtenir du peuple, Périclès choisit de remettre en question toutes les naturalisations antérieures à son arrivée au pouvoir. Des milliers de personnes furent ainsi privées de la citoyenneté athénienne, dont ils avaient disposé par les tyrans, et donc implicitement rétablies dans leur citoyenneté d’origine.

A une époque où une forme de néo-nomadisme qu’on appelle « migration internationale » veut s’imposer et briser l’unité des populations sédentaires regroupées en Etats-nations homogènes, afin d’établir un monde sans frontières où régnera sans partage le principe du renard dans le poulailler, selon le cauchemar pensé par les partisans du mondialisme, il est fondamental de rétablir en France et en Europe les principes de citoyenneté propres à une démocratie et destinés à en garantir la pérennité. Face à cette rupture que voudraient imposer les mondialistes, le droit (démocratique) du sang ou « ius sanguinis » est le garant de la continuité entre les générations, le garant du droit inaliénable des autochtones à demeurer eux-mêmes sur la terre de leurs ancêtres.

C’est au service d’intérêts étrangers qu’en Europe, le droit du sang qui dominait alors sans partage, de l’Islande à la Russie, et y compris en France, a été affaibli par la décision des gouvernements successifs qui n’avaient aucun mandat en ce sens et qui se sont bien gardés de demander leur avis aux citoyens, pourtant les premiers concernés, de la même façon qu’ils ont imposé une immigration de peuplement, après avoir pourtant permis une immigration de travail à vocation temporaire, qui aurait dû prendre fin dès les premiers signes d’une montée du chômage.

Certes, l’Etat français avait introduit une forme de droit du sol dès 1889 afin de pallier à son déficit démographique face à l’Allemagne, mais cela ne concernait que des populations européennes, donc de même souche, dans un contexte où les migrations internationales restaient très limitées et uniquement intra-continentales. Ce faisant, malgré tout, il trahissait les intérêts de son peuple en mettant le doigt dans un engrenage qui finit par perdre l’empire romain, même si à l’époque, dans son contexte, cette mesure était sans danger. Elle devait en revanche devenir mortifère avec l’établissement d’un empire colonial en Afrique et en Asie du sud-est puis avec l’immigration post-coloniale qui en résulta dès les années 60.

Dans les années 2000, à la suite d’une propagande continue, le droit du sang, qui était la règle en Allemagne, en Italie et en Grèce, cette dernière respectant alors cette longue tradition athénienne établie par Périclès, fut sabordé. Bien sûr, tout comme en France, il existe toujours mais le mode d’acquisition de la nationalité a été considérablement élargi, et ce à chaque fois par la gauche ralliée par un universalisme tordu aux principes les plus délétères du mondialisme libéral, bien sûr une gauche sans mandat pour agir mais animée par une idéologie folle, et proprement eurocidaire disons le.

Le droit du sang, c’est donc rien de moins que la règle du sédentaire voulant se protéger du nomade, la règle du citoyen pour ne pas être ravalé au rang de sujet, la règle de l’indigène maître chez lui, la règle de l’ayant droit naturel protégé contre toute dépossession de son héritage par un tiers. C’est donc par principe le rejet du mondialisme et c’est pourquoi ce dernier s’attaque à lui et aboie contre toute personne qui voudrait le restaurer dans sa splendeur passé. C’est donc bien un débat fondamental. Enracinement ou néo-nomadisme, droit de l’indigène ou droit du migrant. Le salut de l’Europe passera nécessairement par le rétablissement, sous une forme nationale mais plus vraisemblablement européenne, comme je le prône, du droit du sang comme règle d’accès à la citoyenneté.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

mardi, 12 juillet 2016

Carl Schmitt : le nomos de la terre ou l’enracinement du droit

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Carl Schmitt : le nomos de la terre ou l’enracinement du droit

Dans Le Nomos de la Terre (1950), Carl Schmitt montre qu’il ne peut exister d’ordre sans enracinement. Contre la pensée positiviste et l’idéal cosmopolitique, il en appelle à la terre, substrat élémentaire de toute société, pour comprendre le rapport de l’humanité au monde.

[Article initialement paru dans la revue PHILITT #2 consacrée à la terre et à l’enracinement.]

Grande figure de la Révolution conservatrice allemande, Carl Schmitt s’oppose aux héritiers du positivisme d’Auguste Comte, et plus spécifiquement au positivisme juridique dont Hans Kelsen (d’ailleurs contradicteur de Schmitt) est le théoricien le plus célèbre. Celui-ci, dans sa Théorie pure du droit, n’étudie et ne reconnaît comme tel que le droit en vigueur édicté par l’homme, que l’on appelle droit positif, occultant l’origine profonde de ces normes et rejetant l’idée même d’un droit naturel qui serait fondé sur des valeurs éminentes. À l’inverse, s’attachant à en retrouver la source, Schmitt ressuscite la conception d’un droit inhérent à la terre. Si la localisation, l’espace géopolitique délimité, prime dans son étude des rapports de force, sa philosophie du droit nous invite à une lecture très organique, à la connotation écologiste. Alors, sans même invoquer de quelconques valeurs morales, que les positivistes qualifient d’extrinsèques à la matière juridique pour mieux les mépriser, Le Nomos de la Terre met la logique de ces légalistes à l’épreuve du bon sens du paysan: «En premier lieu, la terre féconde porte en elle-même, au sein de sa fécondité, une mesure intérieure. Car la fatigue et le labeur, les semailles et le labour que l’homme consacre à la terre féconde sont rétribués équitablement par la terre sous la forme d’une pousse et d’une récolte. Tout paysan connaît la mesure intérieure de cette justice.» Aussi la terre est-elle délimitée par l’homme qui la travaille, de même que par les reliefs ou les cours d’eau. Enfin, elle est le socle de toutes les clôtures, autant de manifestations visibles de l’ordre social, du pouvoir et de la propriété. On comprend donc que la terre est «triplement liée au droit». Il existe un ordre particulier, propre et défini par et pour une terre donnée, qui s’impose dès lors que celle-ci est prise. Si les mers sont libres, l’ordre règne sur la terre ferme.

ntcs5208_h430.jpgCette vision d’un enracinement de fait et a priori de l’ordre semble évacuer la posture relativiste consistant à croire que ce sont les États et les nations qui plongent de force, à grands coups d’artifices, de symboles et de discours enflammés, un ordre qu’ils créent de toutes pièces dans le sol qu’ils dominent. Comme si l’enracinement se décrétait, comme s’il s’agissait de donner les attributs d’une force naturelle et le visage rassurant d’un mythe fondateur visant à unir un peuple à sa terre de façon quasi-mystique. Carl Schmitt met en échec ceux qui aujourd’hui encore voudraient voir en la notion d’un enracinement garant de l’ordre une pure abstraction romantique sans prise avec le réel, un outil superflu et ringard à dispositions des politiques, voire un mythe «nationaliste» du «repli sur soi et de la haine de l’autre», selon la formule abjecte désormais consacrée. En réalité nous découvrons que c’est tout l’inverse, car qui n’admet pas qu’une terre particulière est irrémédiablement liée à un ordre particulier – celui qui se prétend citoyen du monde, par exemple – considérerait que l’ordre auquel il consent à se conformer est valable partout: il violerait potentiellement toutes les terres, tous les ordres, tous les droits, à l’exception du sien.

Le pacifique authentique ne peut qu’admettre qu’au moment même où une terre est prise, l’ordre qu’elle porte s’impose et ce aussi bien vers l’intérieur, à ceux qui la prennent, que vers l’extérieur, c’est à dire vers l’étranger qui ne saurait légitimement imposer un ordre différent. Autrement dit, considérer qu’il n’existe pas de lien concret d’enracinement entre un ordre particulier, un droit donné et la terre sur laquelle il règne, en vertu de la prise de cette terre, est une négation des souverainetés qui s’expriment dans la diversité des ordres. L’enracinement n’apparaît donc plus comme un choix, un mythe ou une construction a posteriori, mais d’abord comme une nécessité indépassable du politique: celle de se soumettre à l’ordre que la terre porte et impose à celui qui la prend, la partage et la travaille. Refuser ce postulat ne peut mener qu’à la destruction du substrat élémentaire même de toute société. En employant à dessein le terme de nomos pour «la première mensuration qui fonde toutes les mesures ultérieures, pour la première prise de terres en tant que première partition et division de l’espace, pour la partition et la répartition originelle», l’auteur formule en creux une critique de la pensée positiviste dans son ensemble, que le «mode de naissance» des choses n’intéresse pas et pour qui seule la «loi du phénomène» compte. Cet effort sémantique montre qu’en matière de droit aussi, celui qui méprise l’histoire méprise la terre autant que celui qui méprise la terre méprise l’histoire: il est un déraciné.

Le projet politique idéaliste et universaliste hérité de la Révolution française semble alors absurde, faisant de ce que l’auteur désigne comme des «généralisations philosophiques de l’époque hellénistique faisant de la polis une kosmopolis» une ambition concrète. Et Schmitt d’ajouter qu’ «elles étaient dépourvues de topos, c’est à dire de localisation, et ne constituaient donc pas un ordre concret». On en vient naturellement à penser que tout projet politique, s’exprimant par le droit, qui ne s’ancre à aucun moment dans la terre ferme et les réalités qu’elle impose, est suspect.

De la pensée hors-sol au mépris destructeur de la terre

Car si le déracinement des positivistes, quand il n’est qu’une hypothèse de travail, une posture intellectuelle d’universitaire n’est a priori pas un danger, les évolutions juridiques et politiques auxquelles s’intéressent Carl Schmitt à la fin du Nomos de la Terre illustrent le désastre auquel ce paradigme conduit. Le «jus publicum europaeum» que la Révolution française commença à remettre en cause avant que la Première Guerre mondiale ne l’achevât, reposait sur l’acceptation de la diversité des ordres juridiques et spatiaux et la reconnaissance de l’ennemi comme justus hostis, autrement dit comme un ennemi légitime à faire la guerre. Mais la pensée hors-sol de la Société des Nations (puis de l’Organisation des Nations unies), l’impérialisme américain parfois masqué sous les traits d’un universalisme bienveillant, conjugués avec les moyens considérables de destruction massive, pourraient avoir rompu l’attachement instinctif et naturel de l’humanité à la terre en introduisant de nouveau la notion autrefois théologique (et soumise à l’arbitrage du Pape) de justa causa dans le rapport à la guerre tout en subventionnant le rêve cosmopolitique. Comme si l’homme aujourd’hui capable de détruire la terre de l’autre (surtout si ce dernier ne peut pas en faire autant) la méprisait profondément. Comme si l’homme capable, aussi, de détruire la planète, ne pouvait avoir soif que de la dominer toute entière pour se préserver. Et l’ambition d’un «nouvel ordre mondial», expression que nous empruntons à George W. Bush lui-même, est le symbole le plus frappant de cette rupture politique et intellectuelle: il ne semble plus y avoir de place pour des ordres politiques et juridiques multiples et divers, liés à leurs propres terres, dont les relations seraient régies par des normes visant simplement à limiter la guerre. Il y aura désormais un ordre unique, universel et cosmopolitique, que l’on imagine naître dans les décombres de la Vieille Europe, prenant symboliquement racine dans les ruines de la cathédrale de Dresde. Un ordre qui n’a pas d’histoire puisqu’il n’a rien pris, un ordre qui n’a pas de terre mais qui a détruit.

Aussi, la guerre ne sera plus limitée, mais criminalisée, et prohibée en principe par l’Organisation des Nations unies. Car un ordre, même mondial, ne peut-être que pacifié. L’humanité s’étant employée à accumuler des moyens suffisants pour réduire le monde en poussière, s’est de ce fait confrontée à la question morale de l’usage de ces armes de destruction massive. On ne peut raisonnablement admettre de les employer que dans des guerres prétendument justes contre un ennemi qu’il faut détruire, et non plus seulement contraindre. Or la guerre aérienne et les très médiatiques opérations de «police bombing» sont l’image du mépris absolu pour la terre. «Le bombardement aérien (…) n’a pour sens et fin que l’anéantissement», constate l’auteur. On voit les avions de chasse comme autant de vecteurs arrogants et fiers de ce nouvel ordre mondial qui s’impose par le haut, méprisant les terres depuis leurs cockpits, eux qui ne connaissent que celle de la maison mère américaine. En prétendant mener une guerre sans jamais fouler le sol du territoire ennemi, on rompt ce lien essentiel aux yeux de Schmitt entre l’occupation, l’obéissance, et la protection. Sans soldat au sol, et donc sans lien concret avec la terre, on ouvre la voie à sa destruction pure et simple depuis les airs. Mais l’opinion est préservée: ses soldats ne meurent plus au champ d’honneur. Une fois encore, le lien à la terre apparaît comme une incontournable et nécessaire source de l’ordre, quand l’usage du seul espace aérien sème le chaos. Il semble que seule la projection d’hommes sur terre, mère et support de tout ordre, soit susceptible de donner des résultats politiques satisfaisants. Mais peu importe, puisqu’il n’y a plus de guerre, puisque tous les ennemis que l’on frappe ne sont pas des États égaux à ceux qui les combattent, mais l’incarnation du Mal! Or, si comme David Cumin, biographe et spécialiste de Carl Schmitt, aime à le rappeler, l’ennemi est pour ce dernier «la figure de notre propre question», la guerre d’anéantissement interroge le paradigme et la morale des grandes puissances militaires occidentales. Ce nouveau rapport à la terre nous invite à considérer sérieusement la leçon de Carl Schmitt à la fin de sa préface: «C’est aux pacifiques que la terre est promise. L’idée d’un nouveau nomos de la terre ne se révèlera qu’à eux.» Car la guerre moderne et destructrice prive le droit de sa source et de son siège qu’est la terre.