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mercredi, 02 décembre 2020

La République des juges...

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La République des juges...

par Richard Dessens

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur EuroLibertés et consacré à la question du pouvoir de la magistrature. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

La République des juges

Contrairement au vocabulaire courant, la Justice n’est pas un « pouvoir » au même titre que les pouvoirs législatif et exécutif. Et cela ne l’a jamais été sauf dans les théories de séparation stricte des pouvoirs chez les philosophes du XVIIIe siècle, Montesquieu en tête. La Révolution elle-même n’institue pas un « pouvoir » judiciaire autonome, en limitant, au contraire, les juges à un rôle de strict applicateur de la loi (« les juges sont la bouche de la loi ») leur en interdisant toute latitude interprétative. Le Tribunal de Cassation devait en référer au Corps législatif en cas d’obscurité de la loi et donc ne pouvait en aucun cas faire œuvre de jurisprudence et de source du droit.

La Constitution de 1958 attend son Titre VIII avant d’évoquer, après le pouvoir exécutif, puis le pouvoir législatif dans un ordre d’ailleurs significatif quant au véritable détenteur du pouvoir, une simple « autorité » judiciaire. On parle aussi d’ « institution » judiciaire, même si l’indépendance de la Justice (tout au moins des juges du siège) est rappelée régulièrement dans les textes.

« Autorité indépendante » oui, « pouvoir », non. Ce n’est pas du tout la même chose. Et c’est bien l’objet d’une lutte lente et obstinée de la Justice depuis deux siècles, d’acquérir une position de « pouvoir » comparable à celui du législatif ou de l’exécutif. Surtout depuis la création en 1958 de la future École Nationale de la Magistrature.

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Mais un premier problème limite cette velléité récurrente : la loi est élaborée par le pouvoir législatif (même si en réalité c’est l’exécutif et l’Union européenne qui sont à l’origine de 95 % des lois, remettant en cause sur le fond la réalité de l’existence d’un pouvoir législatif souverain !).

Or, la Justice est bien tenue d’en respecter les règles et d’en suivre les revirements au gré des nouvelles lois de nouvelles majorités théoriques. C’est bien pourquoi, les juges ont arraché peu à peu une compétence jurisprudentielle, née d’une autorité d’interprétation des lois et de leur faculté d’en combler les lacunes d’autre part. C’est une Justice envieuse de tels pouvoirs des juges anglais ou américains qui, contrairement aux principes du droit français, s’est investie de ces nouvelles attributions. Cette « américanisation » de notre justice lui a permis de faire un pas vers la création d’un pouvoir, au-delà de sa seule « autorité ». Les mots ont leur importance.

Nous naviguons dans un État aux valeurs qui se sont chamboulées peu à peu. Le législatif, premier pouvoir, est peu à peu largement supplanté par le pouvoir exécutif et des injonctions européennes. Le pouvoir exécutif s’est trouvé encore renforcé par l’adoption du quinquennat qui donne une majorité automatique et servile dans la foulée de l’élection du Président, véritable centre de tous les pouvoirs.

À l’inverse, dans ces conditions, la Justice s’est instituée, souvent par idéologie politique d’ailleurs, comme un « contre-pouvoir » faute d’être un « pouvoir ». Si le principe de séparation des pouvoirs a pour origine une possibilité d’empiétements d’un pouvoir sur un autre, il n’en reste pas grand-chose pour ce qui concerne législatif et exécutif, étroitement mêlés par le jeu des institutions et de la pratique, comme ils l’étaient d’ailleurs sous la Révolution.

Mais pour ce qui est de la Justice, ce sont justement les possibilités d’empiétements sur les pouvoirs législatif et surtout exécutif qui sont devenus l’arme des juges pour affirmer un contre-pouvoir qu’ils voudraient transformer en véritable pouvoir.

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Le poids que la Justice fait de plus en plus peser sur le pouvoir exécutif et, indirectement, sur la liberté de choix du peuple à travers l’élection censée être le pouvoir suprême, lui attribue une puissance exorbitante, à l’abri de la formule qui affirme solennellement que les juges rendent la justice « au nom du peuple français »… sans être pour autant élus par le peuple. Formule commode et justifiant leur contre-pouvoir paralysant.

C’est ainsi que la nouvelle offensive des juges, portés par une idéologie politique claire, pour acquérir un véritable « pouvoir », est en train d’être victorieuse, après qu’ils ont arraché d’autres prérogatives par ailleurs qui les amenaient vers le même but.

Il est intéressant de noter que la Presse mène le même combat dans un temps identique. Érigée en « quatrième pouvoir » par Burke (alors que le troisième n’existe déjà pas comme on l’a vu), qui rejoignait ainsi le combat des juges pour leur propre pouvoir, la Presse n’a cessé de grignoter des libertés de plus en plus étendues jusqu’à, en effet, devenir un véritable pouvoir autoproclamé et sans lien avec la « souveraineté » (qu’en reste-t-il d’ailleurs ?) populaire. Les récents spectacles qu’a fournis la presse télévisée américaine vis-à-vis de Donald Trump en apportent l’éclatante démonstration si c’était encore nécessaire.

Or, la Presse puise sa « légitimité » dans l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Or, la Presse oublie toujours la fin de cet article : « sauf à répondre de l’abus de cette liberté ». Qui oserait aujourd’hui alléguer les abus d’une presse toute puissante et surtout monolithique pour la remettre à sa juste place ? Pas les juges car Justice et grande Presse, alliés objectifs, se soutiennent mutuellement au nom d’un combat commun vers la conquête de « pouvoirs » qu’ils convoitent pour les mêmes raisons – souvent politiques – depuis longtemps.

Et le peuple dans tout ça ? Quand se décidera-t-il à reprendre sa souveraineté et à l’imposer aux élites en mal de nouveaux pouvoirs ?

Richard Dessens (Eurolibertés, 23 novembre 2020)

dimanche, 15 novembre 2020

Les escroqueries commises en France par des criminels africains

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Les escroqueries commises en France par des criminels africains
 
par Jean-Paul Baquiast
 
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Nous republions ici les principaux extraits d'une note du Ministère de l'intérieur destinée à informer les services compétents (y compris les polices municipales) au sujet du développement rapide actuel des escroqueries et vols en bande organisée provenant d'individus résidents en Afrique francophone ou en provenant et connaissant parfaitement les possibilités offertes par l'internet.

Depuis plus d'une dizaine d'années, des individus originaires d'Afrique de l'Ouest, notamment du Bénin, du Cameroun, de Côte d'Ivoire, du Nigéria, de la RDC ainsi que de la République du Congo, agissant en bande organisée, sont régulièrement impliqués dans la réalisation d'escroqueries en France et à partir de leur pays d'origine. Leur recours au vecteur Internet repose sur plusieurs facteurs :

• la francophonie, qui permet de cibler des victimes, physiques ou morales, situées sur notre territoire 

• l'utilisation  de moyens d'anonymisation tels que des proxys ou des VPN (Virtual Private Network) qui assurent l'anonymat et rendent l'identification par les services de police particulièrement longue et difficile ;

• un réseau communautaire actif sur le territoire français, qui se révèle être une source de main d'œuvre non négligeable, disposée à réaliser les tâches indispensables au bon fonctionnement de leurs activités.

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La population ouest-africaine se passionne pour ces escrocs nationaux, appelés « Feymen » au Cameroun, « Brouteurs » en Côte d'Ivoire, « Yahoo Boys » / « Yahoo Yahoo » au Nigeria ou encore « Gaymen » au Bénin. Leurs prétendus exploits se propagent à travers la presse et une série télévisée à leur effigie a même été réalisée en Côte d'Ivoire (« Brouteurs.com»). Un terme est également consacré pour désigner les victimes, « Mougous ».

De manière générale, des réseaux locaux recrutent et gèrent de jeunes compatriotes à la recherche d'argent facile, avides de montrer leur richesse naissante. Les escrocs agissent depuis les nombreux cybercafés ou boutiques de téléphonie mobile et lieux privés. Les réseaux locaux sont dirigés par des chefs qui ont la charge de payer les heures d'abonnement et de recruter des profils spécifiques.

En effet, les escrocs ont chacun des fonctions différentes, certains pouvant extraire des adresses mails alors que d'autres développent des sites (ex : faux sites bancaires). Ils font également appel à un grand nombre d'intermédiaires en France et en Afrique, tels que les collecteurs, en charge du retrait des gains. Il est à noter que certains se spécialisent en suivant des formations techniques au Maroc.

Plusieurs techniques sont utilisées pour réaliser ces escroqueries

* L'utilisation frauduleuse des coordonnées bancaires sur internet.

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Des Camerounais, Béninois et Ivoiriens effectuent des commandes frauduleuses sur internet à l'aide de cartes bancaires appartenant à des tiers. L'acquisition des références de cartes s'effectue selon divers procédés : • subtilisation des coordonnées bancaires, à travers le monde, à l'insu du titulaire ; • achat sur des forums étrangers (de 20 à 50€) ou sur le darknet, parfois réalisé à l'aide de bitcoins, eux-mêmes acquis par des cartes prépayées PCS ; • recours à la technique de l'hameçonnage (ou « phishing ») consistant à envoyer un mail en se faisant passer pour un opérateur officiel et légitime, par exemple un fournisseur de services internet ; • échange par messageries de données bancaires, notamment via l'application WhatsApp.

Munis des références bancaires, certains effectuent les commandes (via des adresses IP étrangères) et d'autres récupèrent la marchandise (vêtements, alcool, meubles, etc.) puis la revendent. Les objets sont in fine destinés à un usage personnel, à la vente en ligne ou au marché noir en France, mais aussi à la vente en Afrique.

* Les escroqueries via les sites d'annonces en ligne. 

Des escrocs, majoritairement béninois, mettent en vente des articles sur des sites d'annonces et demandent au futur acquéreur, un acompte ou un paiement par mandat cash, sans jamais fournir le bien acheté. Ils mettent en confiance les acheteurs en envoyant des photocopies de cartes d'identité, généralement volées.

Le site Leboncoin est particulièrement prisé via des annonces de vente de voiture, de matériel multimédia et de billets de parcs d'attraction. Il leur arrive aussi d'escroquer un vendeur, en envoyant un chèque (avec ou sans provision) supérieur au montant du produit, en lui demandant ensuite un remboursement de la différence.

* Les escroqueries dites « à la romance »

Celle-ci consiste à mettre en confiance une victime afin qu'elle transmette des fonds à un escroc prétendument épris d'elle. A cette fin, les malfaiteurs créent un profil attrayant sur un site de rencontre et correspondent ensuite pendant plusieurs mois avec la future victime. Plusieurs personnes peuvent entretenir les échanges, aussi bien en France qu'en Afrique. Deux types d'escroqueries sont réalisées une fois la confiance établie : • la sollicitation d'une aide financière pour diverses raisons (billets d'avion, maladie, etc.), la victime pouvant être harcelée si besoin ; • la transmission d'un chèque volé et falsifié à la victime afin qu'elle l'encaisse puis qu'elle fournisse le montant équivalent en créditant des cartes PCS ou en réalisant des transferts PayPal/Western Union. L'escroquerie peut aussi se transformer en « sextorsion », les malfaiteurs menaçant de diffuser des enregistrements vidéo ou photos compromettantes aux contacts de la victime ou sur YouTube. Toutes ces escroqueries sont commises par des Ivoiriens, Nigérians ou Béninois.

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*Les escroqueries dites « à la nigériane » ou « fraude 419 »

Afin de récupérer directement des fonds, des escrocs tentent d'appâter des victimes par l'envoi de mails leur indiquant être les gagnants d'un billet de loterie ou les bénéficiaires d'un héritage. Ils se font alors passer pour de prétendus avocats ou huissiers, et invitent les victimes à compléter un formulaire et à le renvoyer pour obtenir leur numéro de compte bancaire et leur signature, pour effectuer des ordres de virement frauduleux. Ils tentent aussi d'obtenir le paiement de frais de dossiers. Ces attaques sont réalisées par des Béninois, Camerounais, Ivoiriens et Nigérians.

* L'arnaque à l'encontre de sociétés dite escroqueries « à la carambouille » Ce terme désigne le fait que des ressortissants ivoiriens, sous couvert d'une entreprise localisée en Côte d'Ivoire, d'une grande enseigne française ou d'une société-écran, les escrocs tentent de passer des commandes auprès d'entreprises localisées en Europe. Ils utilisent le nom de l'entreprise française en le transformant légèrement. Ou bien ils créent des noms de domaine internet proches des identités existantes (phénomène dit « typosquatting »). Le plus souvent, les escrocs demandent un paiement différé (30 à 60 jours suivant la réception de la commande) sans s'en acquitter in fine. Les préjudices peuvent être très importants pour les entreprises, allant parfois jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'euros.

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On notera que les groupes criminels africains s'adaptent aisément à leur environnement. Ainsi la crise sanitaire du COVID 19 peut offrir une zone de prédation nouvelle pour la réalisation de leurs cyber-escroqueries. 1

1 Note de JP Baquiast
Certains se vantent de procéder ainsi à une "colonisation à l'envers

 
 
 

jeudi, 29 octobre 2020

État de droit, état d’impuissance ?

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État de droit, état d’impuissance ?

 
 
Ex: https://www.bvoltaire.fr

Après chaque attentat commis en France, les coups de menton du gouvernement se répètent, sempiternels et quasi à l’identique : « Les auteurs de ces attentats seront châtiés, la Justice passera. » On se souvient des déclarations de Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, à la suite des attentats de 1986 : «  Nous allons terroriser les terroristes… » Il me précisa, lors d’un entretien, que la formule n’était que de communication afin de rassurer l’opinion, le gouvernement n’ayant aucun indice pour frapper les terroristes. Par la suite, les mesures effectives de répression se sont souvent perdues dans les méandres des procédures, judiciaires ou autres.

Après l’odieux assassinat de , Gérald Darmanin annonce l’expulsion de 231 islamistes radicalisés : belle décision, mais sera-t-elle suivie d’effet ?

Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, analyse avec une grande lucidité, dans un article publié par Le Figaro du 22 octobre dernier, les raisons de l’incapacité d’agir des gouvernements. Les autorités françaises se sont laissées enfermer dans les carcans juridiques des multiples textes de défense des droits de l’homme, interprétés strictement par le Conseil d’État, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel, la Cour européenne de Justice et la Cour européenne des droits de l’homme ().

Jean-Éric Schoettl appelle à modifier la et à renégocier les traités européens pour restaurer notre souveraineté et la primauté des lois françaises sur la jurisprudence des cours qui n’ont de cesse d’encadrer et de limiter l’action régalienne de l’État dont la mission essentielle, ne l’oublions pas, est d’assurer la sécurité des Français.

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Dans l’actuel État de droit, tous les domaines d’action régaliens sont strictement encadrés par la jurisprudence des cours susmentionnées : le regroupement familial, la liberté d’association, l’expulsion des étrangers, le droit d’asile.

Dans ces conditions, la loi nationale est suspendue aux décisions des juges et souvent invalidée. Le vrai législateur n’est plus le Parlement mais les juges. Le gouvernement est sous contrôle permanent, les ministres sont devenus du gibier de mise en examen devant la Cour de justice de la République ! La judiciarisation de notre société est une dérive inacceptable qui paralyse l’action gouvernementale de l’État.

Chaque action des pouvoirs publics doit être, au préalable, analysée au regard des risques juridiques, voire pénaux encourus. Cette situation n’est pas sans rappeler la scène de Louis Jouvet jouant le rôle d’un chef de bande qui préparait ses actions en étudiant scrupuleusement… le Code pénal !

La paralysie de l’action régalienne du gouvernement est incompréhensible pour nos concitoyens qui accueillent au premier degré les déclarations martiales… sans suite ! Cela ne peut perdurer au risque de ruiner, à jamais, toute confiance dans l’autorité.

Il est urgent de restaurer l’autorité de l’État en rétablissant l’ordonnancement juridique naturel fondé sur le suffrage universel national, seul juge dans une démocratie souveraine. Cela passe par une révision constitutionnelle qui rétablisse la supériorité des lois sur les traités et accords internationaux antérieurs (article 55) et précise que l’expulsion des étrangers relève uniquement de l’autorité administrative, en écartant le juge judiciaire (article 66).

Ces propositions vont faire pousser des cris d’orfraie à tous les tenants du « politiquement correct » et à tous les défenseurs qui ont investi en masse ces domaines, que ce soit à titre professionnel ou, pis encore, au nom de leur idéologie.

Mais il y a urgence à agir pour restaurer l’autorité de l’État, car la situation présente nourrit l’extrémisme et les solutions radicales. Il faut, dans le monde inextricable des procédures, trancher le nœud gordien, sans attendre.

mercredi, 07 octobre 2020

L’arnaque de la mobilisation médiatique pour la liberté d’expression

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L’arnaque de la mobilisation médiatique pour la liberté d’expression

par Éric DELCROIX

La grande presse française s’est unie pour publier un appel intitulé « Ensemble défendons la liberté ». Une « Lettre ouverte à nos concitoyens » en faveur de la liberté d’expression qui a notamment été publiée dans Le Figaro, sur une page entière (page 5), le 23 septembre. Or, cette publication est intervenue 5 jours après l’incarcération, à la prison de Fleury-Mérogis, de l’écrivain et essayiste Hervé Ryssen pour délit d’opinion (loi Pleven). Une négation de la liberté d’expression, tue par cette même grande presse, si prompte à défendre la légitime liberté de Charlie-Hebdo, d’ailleurs à l’origine de l’appel.

*

*  *

Quand L’Humanité subjugue Le Figaro

Le texte d’« Ensemble défendons la liberté » cite, dans sa solennité incantatoire, les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 insérée dans le préambule de la Constitution. Je vais faire de même ici mais, en soulignant (caractères gras) ce qui est important pour comprendre le propos révolutionnaire pour ce qu’il est et qui ne garantit rien à personne…

Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »
Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

En d’autres termes, la Déclaration de 1789 – quelque peu brouillonne il est vrai, ne sachant pas trop qui est homme et qui est citoyen, ce qui est droit naturel et ce qui est nomocratie (c’est-à-dire la toute-puissance de la loi formelle écrite) – est ici parfaitement adaptable à la sauce stalinienne qui fut si chère à l’Humanité, autre cosignataire…

De l’incantation révolutionnaire de 1789 à la Terreur

Naïf Figaro, dont les rédacteurs ne savent plus lire un texte pour ce qu’il dit et non pour son prestige historique et idéologique… Car, enfin, que reste-t-il de la liberté d’opinion, si elle ne doit pas « troubler l’ordre public établi par la loi » ? Que reste-t-il de la liberté d’expression « sauf à répondre de l’abus… dans les cas déterminés par la loi » ?

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne garantit rien ici quant aux libertés qu’elle déclame, laissant la loi imposer n’importe quoi. Pas une ligne qui puisse froisser les mânes de Staline.

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Qu’attendent nos faiseurs d’opinion pour faire litière d’une Déclaration qui ne contient rien de tangible, hormis ses articles 7 et 17 ?
Le premier interdit la rétroactivité des lois, principe sur lequel la justice et le législateur s’assoient depuis le procès Barbie et la loi Taubira (2001), qui fait rétrospectivement de la traite négrière transatlantique un crime contre l’humanité.
Le deuxième proclame, quant à lui, simplement le droit de propriété.

Voilà pourquoi, comme Hervé Ryssen aujourd’hui, on peut être jeté en prison pour délit d’opinion, dans le respect littéral des droits de l’homme, comme on peut l’entendre à L’Humanité, avec la complaisance confraternelle du Figaro. Et pourtant les rédacteurs d’icelui devraient savoir qu’historiquement, derrière les droits de l’homme nous eûmes la Terreur…

Comme le disait Soljenitsyne, il se peut que le mensonge l’emporte, mais il ne doit jamais passer par nous !

Éric Delcroix

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 28 septembre 2020.

mercredi, 30 septembre 2020

Intelligence juridique : un nouvel instrument d’influence des Etats

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Intelligence juridique : un nouvel instrument d’influence des Etats

Au 21ième siècle, le droit international moderne connait un chamboulement profond mettant ainsi en cause sa légitimité. Celui-ci a tendance à devenir un réel outil de guerre économique tendant à se normaliser aux droits étrangers des pays les plus influents.

Ce droit des gens se trouve, aujourd’hui, vidé de sa principale substance qui consistait à régir une batterie de règles et de normes contraignantes pour les Etats et à faire régner une justice internationale. Au fait, certains Etats se livrent, de plus en plus, à des ruses, emballées dans un « faux » droit international, pour orienter leurs politiques dans un objectif de dominance économique et géopolitique.

Force, aujourd’hui, est de constater un flagrant abus des législations extraterritoriales, avec des règles valables non pas pour tous mais qui tirent plutôt profit à un Etat ou à quelques Etats, tout en étant défavorables, voir même fort nuisibles pour les autres. Un tel constat interpelle les pays défavorisés qui interceptent un tel changement avec beaucoup d’inquiétude, concluant que le droit international commence progressivement à céder la place aux droits étrangers les plus influents. En témoigne de cela un certain nombre de législations étrangères et communautaires qui instituent des règles juridiques à portée extraterritoriale, à l’exemple du droit américain, du droit européen ou encore, à moindre mesure, du droit français. Il s’agit finalement de lois d’instrumentalisation.

Lutter contre les crimes transnationaux (terrorisme, blanchiment de capitaux, financement du terrorisme, corruption, etc.) demeure la volonté de tous les Etats. Ainsi et sur la base de cette cause commune, ceux-ci tentent de légitimer leurs droits à l’effet de vouloir s’affirmer dans et au-delà même de leurs frontières. Toutefois, il n’en demeure pas moins que derrière cet intérêt sécuritaire mondial se dissimulent de réels objectifs concurrentiels et commerciaux propres à un Etat ou à une minorité d’Etats. En effet et dans le cadre de l’internationalisation des entreprises et de la globalisation des échanges, tout Etat essaie de recourir à l’intelligence juridique. Cette dernière, selon le professeur Bertrand Warusfel , « s’entend de l’ensemble des techniques et des moyens permettant à un acteur – privé ou public – de connaître l’environnement juridique dont il est tributaire, d’en identifier et d’en anticiper les risques et les opportunités potentielles, d’agir sur son évolution et de disposer des informations et des droits nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre les instruments juridiques aptes à réaliser ses objectifs stratégiques ».

Comment donc les pays recourent à l’intelligence juridique pour atteindre leurs objectifs stratégiques ?

Aujourd’hui, une nouvelle forme de rapport de force s’installe entre les pays les plus développés, visant à imposer, chacun à sa manière, ses propres droits, à travers le recours à des outils d’intelligence juridique. La création de normes avantageuses à portée extraterritoriale constitue l’une de ces techniques. Nous allons donc, à travers les exemples américain (I) et français (II), essayé de contextualiser ce phénomène.

  • Le modèle offensif américain

Le Foreign Corrupt Practices Act[1] (FCPA), le Foreign Account Tax Compliance Act[2] (FATCA), la loi Helms-Burton[3], la loi Amato-Kennedy[4], le Patriot Act[5], le Sarbanes-Oxley[6] (« Act Public Company Accounting Reform and Investor Protection Act »), le Justice Against Sponsors of Terrorism Act[7] ou encore le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) [8] ont permis aux Etats Unis d’Amérique d’obliger toute la communauté internationale à adhérer à leurs objectifs stratégiques.

En l’espace de dix ans (2008-2018), l’Etat américain, à travers le FCPA, a infligé, des amendes s’élevant à près de 6900 millions de dollars américain, dont à peine le quart (1700 millions de dollars) à des entreprises américaines et le reste à des entreprises majoritairement européennes. Il en est de même concernant les violations américaines à leurs embargos et/ou en matière de lutte contre blanchiment de capitaux, dont les pénalités, entre 2004 et 2015, ont généré 16.945 millions de dollars et encore une fois majoritairement à des entités européennes.

Il en ressort qu’une telle mesure de sanctions permet l’atteinte d’un double objectif : renflouer, d’une part, les caisses américaines et d’autre part, anéantir les concurrents potentiels des entreprises américaines.

In fine, les législations à effet extraterritorial des Etats-Unis visent la plupart des concurrents étrangers de leurs entreprises nationales.

  • L’exemple français : une approche timide

9782330118211_0_500_796.jpgBien que la communauté internationale soit consciente de cette prédominance américaine, rares soient les Etats qui essaient de s’y protéger en recourant, à leur tour et parallèlement, à des instruments d’intelligence juridique. La France, quant à elle, avait déjà depuis plus d’un demi-siècle, tenté de s’inscrire dans une telle dynamique, en adoptant, depuis le 26 juillet 1968, la loi n° 68-678 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. Ce texte a été, par la suite, renforcé par la loi du 19 juillet 1980 et en publiant une Note sur d’éventuelles mesures législatives et/ou réglementaires ayant pour objectif de protéger ses entreprises contre les abus normatifs extraterritoriaux.

Bien que les initiatives françaises semblent être, à première vue, fort prometteuses, il en ressort que l’application de ces lois reste très timide. En effet, les autorités françaises témoignent d’un manque de volonté sur les plans administratif et politique, par peur d’être abandonnées par un partenaire stratégique international. Autrement dit, la France craint que s’installe un rapport de force avec les Etats Unis d’Amérique et évite ainsi de se doter d’armes égales à l’effet d’imposer des politiques coopératives. Ainsi et à la lecture du Rapport d’information[9], déposé par la commission française des affaires étrangères et la commission des finances en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 3 février 2016 sur l’extraterritorialité de la législation américaine, nous pouvons relever que la France, malgré l’élaboration d’un diagnostic assez brillant, n’envisage pas vraiment de s’inscrire dans une dynamique d’intelligence juridique.

Ensuite et en réponse à la loi anti-corruption américaine, bradant le principe de « non bis idem[10] », la France[11] réagit craintivement, en promulguant la loi Sapin II en décembre 2016 qui prévoit des dispositions d’extraterritorialité sur la corruption.

L’habileté de l’usage de l’intelligence juridique

L’intelligence juridique devient, incontestablement, une nouvelle arme d’influence des Etats. Celle-ci vient enrichir l’intelligence économique[12] pour lui permettre d’élargir son spectre d’analyse en vue de l’adoption d’une stratégie plus performante.

Avantage serait donc aux pays les plus futés qui sauraient l’utiliser à bon escient, sans pour autant être en extrême contradiction avec le droit international. L’exemple des Etats Unis d’Amérique reste donc, par excellence, le modèle à suivre en pareille question.

Concernant les Etats victimes de cet arsenal juridique démesuré, ceux-ci doivent réfléchir à développer des solutions de contournement à l’effet d’éviter leur adoption. A cet égard, les « lois d’obstruction »[13] ou encore les « lois de blocage »[14] constituent une belle illustration.

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En outre, il semble, aujourd’hui, que de nouvelles puissances émergentes, à l’exemple de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Turquie ou encore de l’Indonésie sont entrain de bouleverser, progressivement, l’ordre international structuré autour des Etats Unis d’Amérique. Dans une telle configuration, les pays devraient, dès à présent, pousser leur réflexion, encore une fois dans le cadre d’une dynamique d’intelligence juridique. Ceux-ci devraient se préparer pour faire face à un arsenal inextricable de législations extraterritoriales émanant de différentes puissances économiques !

Yassir Lahrach

EGE-Rabat

Notes

[1] Cette loi américaine, promulguée en 1977, ne concernait que les entreprises américaines jusqu’à la date de 1988 pour venir s’étendre aux entreprises étrangères ayant un lien avec les Etats-Unis.

[2] Cette loi a pour finalité de lutter contre l’évasion fiscale des citoyens et résidents américains. Ce texte contraint les établissements financiers à procéder à l’identification des clients « US person » et collecter les données de ces derniers pour les mettre à la disposition de l’administration fiscale américaine.

[3] Cette loi a été promulguée en 1996 par Bill Clinton. Celle-ci permet, en l’occurrence, aux exilés cubains, de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises soupçonnées de « trafiquer » avec des biens ayant appartenu à des ressortissants américains.

[4] Cette loi d’Amato-Kennedy, adoptée par le Congrès américain en date du 8 août 1996, prévoit un fait générateur commun pour les deux États visés, appelés « Etats voyous » pour leur soutien, notamment, au terrorisme et un spécifique à la Libye.

[5] Cette loi américaine a été adoptée après les attentats du 11 septembre 2001. Celle-ci a fait l’objet d’un amendement en date du 2 juin 2015 par le Freedom Act du 2 juin 2015. Cette loi s’applique automatiquement à l’ensemble des Etats qui ont conclu un accord de coopération judicaire avec les Etats Unis d’Amérique.

[6] Cette loi a été adoptée par le congrès américain en Juillet 2002 en réponse aux multiples scandales comptables et financiers, notamment, ceux d’Enron et de WorldCom. Cette loi est également connue sous les noms de « SOX », de « Sarbox », ou encore de « SOA ».

[7] Cette loi a été approuvée en 2016 par le Sénat et la Chambre des représentants et permet d’adopter « des procédures au civil et des recours collectifs contre des personnes, des entités et des pays étrangers ayant fourni un soutien matériel, direct ou indirect, à des organisations étrangères ou à des personnes engagées dans des activités terroristes contre les États-Unis ».

[8] Il s’agit d’une loi fédérale des États-Unis qui fut adoptée en 2018 et qui porte sur la surveillance des données personnelles, notamment dans le Cloud. Elle oblige, notamment, les fournisseurs de services américains, par mandat ou assignation, à fournir les données demandées stockées sur des serveurs se trouvant aux États-Unis ou dans des pays étrangers.

[9] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp

[10] Cette terminologie signifie, tout simplement, que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits.

[11] Geslin Albane. La position de la France en matière d’extraterritorialité du droit économique national. In: Revue juridique de l’Ouest, 1997-4. pp. 411-467

[12] Manuel d’intelligence économique, Sous la direction de Christian Harbulot – 3ième édition, septembre 2019, PUF

[13] Ce sont, tout simplement, des contre-législations qu’avaient utilisé le Canada, l’Australie, le Royaume Uni ou encore la France pour contrecarrer la procédure du discovery, interdisant à leurs ressortissants de mettre à la disposition des autorités américaines des informations financières et/ou économiques, faute de quoi ils risquent de faire l’objet de sanctions pécuniaires, voir même pénales.

[14] IBID

samedi, 26 septembre 2020

Pourquoi l'extraterritorialité américaine constitue-t-elle une arme de guerre économique?

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Pourquoi l'extraterritorialité américaine constitue-t-elle une arme de guerre économique?
 
Ex: La Revue Géopolitique (via Instagram)

Neuf milliards d'euros d'amende contre BNP Paribas pour avoir violé l’embargo iranien ou encore 772 millions contre Alstom sont deux exemples illustrant les conséquences de l'extraterritorialité du droit américain comme arme de guerre économique.⠀

Après de nombreuses dérives de multinationales américaines, le Congrès vote le "Foreign Corrupt Practices Act" (FCPA) en 1977, loi luttant contre la corruption d'argent public - et promue par les USA auprès de l’OCDE en 1997 - après s’être aperçu d’une éventuelle distorsion de concurrence entre les entreprises américaines et étrangères, non-tenues par cette loi. Ce principe permet au “Department of Justice” de poursuivre une entreprise étrangère s’adonnant à des activités frauduleuses, lorsqu’elle possède un quelconque lien avec les USA, tel que l’utilisation du dollar lors d’une transaction.⠀

Suspecté depuis 2010 de mener des activités de corruption pour obtenir des contrats, la justice américaine a fait pression (montant de la possible amende, arrestation de dirigeants) en 2014 sur le PDG d’Alstom, poids lourd de l’industrie française, et l’a obligé à céder sa filiale “énergie” à un concurrent direct américain, General Electric, pour la somme dérisoire de 13 millions d’€, en échange de l’abandon des poursuites. Titulaire d’actions cotées aux USA et accusée de corruption concernant des appels d’offres publics, l’entreprise Sanofi a dû payer une amende de 25 millions d’euros en 2018, au titre du FCPA.

Avec des amendes colossales, l’arrestation de dirigeants d’entreprises ou encore l’obligation de se conformer aux standards de la réglementation américaine, au risque d’être banni du très influent marché américain, les USA disposent ainsi d’un arsenal juridique remettant en cause la souveraineté économique des Etats qui y sont confrontés. Qu’est-ce que vous en pensez? Votre opinion nous intéresse!

“Source Image: ShutterStock”⠀
Rédacteur: Joan Kinder⠀
Rédacteur en chef: Saïmi Steiner⠀

Découvrez notre univers de comptes passionnants!⠀

dimanche, 20 septembre 2020

La Juge Ruth Bader Ginsburg de la Cour Suprême est décédée

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La Juge Ruth Bader Ginsburg de la Cour Suprême est décédée

Stéphane Montabert
Suisse naturalisé, Conseiller communal UDC, Renens
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

La Cour Suprême américaine a annoncé ce vendredi le décès de la juge Ruth Bader Ginsburg, des "complications métastatiques d'un cancer du pancréas", à 87 ans.

L'heure est aux politesses et aux hommages, donc et y compris par Donald Trump. On célèbre la fille d'immigrants juifs de Brooklyn, parvenue petit à petit à accéder au sommet du pouvoir judiciaire... Mais au-delà de l'éloge panégyrique de circonstance, les médias encensent surtout la juge la plus "progressiste" de la cour.

Il faut comprendre ce que cela veut dire. Ruth Bader Ginsburg ("RBG" selon son acronyme) a été nommée par Bill Clinton en 1993. Loin de la "modérée" sous l'étiquette de laquelle elle fut présentée, elle s'est avérée en pratique une des plus gauchistes et des plus engagées politiquement de tous les juges de la Cour Suprême américaine, partageant ce triste honneur avec Sonia Sotomayor nommée par Obama en 2009.

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En d'autres termes, RGB n'a eu de cesse que de fouler aux pieds son rôle d'interprétation de la Constitution des États-Unis. À la place, elle a toujours statué avec comme seul objectif de pousser tous les sujets qui lui tenaient à cœur politiquement ou sociologiquement. Permettant à l'occasion à la Cour suprême de basculer en sa faveur, elle fut en faveur de:

  • toutes les initiatives de vote par correspondance (qui ne cesse de créer la polémique aujourd'hui) ;
  • l'immigration par tous les moyens ;
  • le rejet de toute tentative de renvoi de quelque immigré que ce soit, quelles que soit les raisons (même les pires criminels de sang) ;
  • l'avortement et l'infanticide (avortement jusqu'au terme de la grossesse, y compris pendant l'accouchement);
  • le mariage homosexuel ;
  • l'abaissement de l'âge du "consentement raisonné" aux relations sexuelles à douze ans ;
  • la validation constitutionnelle de l'Obamacare ;
  • l'approche raciste de la discrimination positive.

La liste n'est pas exhaustive. On comprend le désarroi des gauchistes radicaux américains sur Twitter.

La juge était malade depuis plusieurs années. Elle avait néanmoins refusé de démissionner sous la Présidence Obama, estimant préférable de céder sa place sous l'Administration (Hillary) Clinton qui devait lui succéder en 2016. Les citoyens américains lui jouèrent un bien mauvais tour en élisant à sa place Donald Trump. Dès lors, plus question de démissionner et de laisser à Trump le choix de son successeur!

RBG choisit donc de se maintenir à son siège coûte que coûte, malgré son grand âge et une santé déclinante, s'absentant souvent et pour de longues périodes alors qu'elle subissait des interventions médicales et des thérapies liées au cancer qui la rongeait. Il  arriva plusieurs fois à la vieille dame de s'évanouir en public. À plusieurs reprises, la Cour suprême dut siéger à huit au lieu de neuf, ce qui entraîna des troubles de son fonctionnement et supprima temporairement son rôle d'établissement de la jurisprudence.

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Malheureusement pour elle, son heure arriva trop tôt. Trump est toujours Président, et il est en mesure de décider de son successeur. Le fera-t-il pendant le mois qui nous sépare de l'élection? C'est possible - après tout il est parfaitement en droit de le faire. Trump a toujours mis la nomination des juges au cœur de son mandat (c'est un aspect de sa Présidence bien peu couvert par les médias) et les Républicains contrôlent toujours le Sénat avec 53 sièges. Mieux encore, face aux critiques de la gauche, Trump a établi depuis longtemps une liste officielle des personnalités qu'il envisageait pour une future nomination à la Cour Suprême. Autant dire que tout est prêt. Mais Trump pourrait aussi sportivement choisir d'attendre les élections de novembre, galvanisant les deux parties en montant les enchères de l'élection.

L'équilibre de la Cour Suprême est fragile. Les juges Clarence Tomas et Samuel Alito sont les plus conservateurs dans le respect de la Constitution. Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh (pourtant tous deux nommés par Trump) ainsi que John G. Roberts Jr., le juge en Chef, sont souples dans leur interprétation ; Stephen Breyer, Elena Kagan et Sonia Sotomayor la négligent clairement pour laisser libre court à leurs convictions de gauche, et viennent de perdre Ruth Bader Ginsburg dans leur camp.

La place est donc libre pour que la nomination d'un futur juge réellement constitutionnaliste ramène enfin l'équilibre dans une institution qui a beaucoup perdu en crédibilité dans l'histoire récente à force de se rallier à l'opinion politico-médiatique du moment, plutôt qu'à la Constitution américaine. Et ce choix pourrait influer sur le comportement de la Cour pendant plusieurs décennies.

Stéphane Montabert - Sur le Web et sur LesObservateurs.ch, le 19 septembre 2020

mercredi, 26 août 2020

Droit et démocratie chez Carl Schmitt. Avec Ninon Grangé, Rainer Maria Kiesow, Daniel Meyer et Augustin Simard à la Maison des Sciences de l'Homme

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Droit et démocratie chez Carl Schmitt. Avec Ninon Grangé, Rainer Maria Kiesow, Daniel Meyer et Augustin Simard à la Maison des Sciences de l'Homme.

Durée : 1 heures 43 minutes 4 secondes

Pour écouter: http://ekouter.net/droit-et-democratie-chez-carl-schmitt-avec-ninon-grange-rainer-maria-kiesow-daniel-meyer-et-augustin-simard-a-la-maison-des-sciences-de-l-homme-5181#

Description :
Quatre livres de ou sur Carl schmitt on été récemment traduit en français : La loi désarmée. Carl Schmitt et la controverse légalité/légitimité sous Weimar (Augustin Simard, Éditions de la MSH, 2009), Légalité et légitimité (Carl Schmitt, traduit par Christian Roy&Augustin Simard, Éditions de la MSH, 2016), Loi et jugement. Une enquête sur le problème de la pratique du droit (Carl Schmitt, traduit de l'allemand et présenté par Rainer Maria Kiesow, Éditions de l’EHESS, 2019) et Carl Schmitt. Nomos, droit et conflit dans les relations internationales (Ninon Grangé, PUR, 2013).


C'est donc à une rencontre sur l'histoire politique des concepts du droit (légalité/légitimité, loi/jugement, etc.) (re)pensés par Carl Schmitt et étroitement liés au constitutionnalisme que nous avons droit, en compagnie des auteurs et traducteurs des livre pré-cités, qui s'avèrent être également parmi les meilleurs spécialistes au plan international de l'œuvre du plus grand juriste allemand du XXe siècle.

samedi, 27 juin 2020

La guerre économique par l’extraterritorialité du Droit

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La guerre économique par l’extraterritorialité du Droit

Ex: https://infoguerre.fr

Frédéric Pierucci, Président d’IKARIAN, William Feugère, Avocat, Fondateur d’ETHICORP, Blandine Cordier-Palasse, Présidente de BCP Executive Search

et Véronique Chapuis, directrice du programme Intelligence Juridique EGE

A RETENIR

1. L’Intelligence Juridique replace le sujet de l’extra-territorialité à « sa juste place, stratégique, économique et politique » dixit Sophie Leclerc, directrice juridique

2. L’extra-territorialité ? Enjeux d’Intelligence Economique et Juridique

  • Permet à un pays d’imposer des sanctions (amendes, prison) à des personnes physiques ou morales où qu’elles soient, en cas d’infraction aux lois de lutte contre la corruption, le blanchiment, la fraude, le trafic d’influence (etc.) ou en cas de non-respect des embargos ou sanctions imposées à un autre pays.
  • Les faits reprochés peuvent avoir été commis dans le passé sans limite de temps.
  • Les enquêtes sont déclenchées de façon discrétionnaire.
  • Entreprises, administrateurs, dirigeants, salariés et retraités peuvent être responsables à titre personnel. Les délégations de pouvoirs ne sont pas opposables au DOJ US.
  • Ça marche si l’entreprise accusée a des intérêts financiers et commerciaux dans ce pays dont elle ne peut pas s’affranchir (biens, affaires commerciales, contrats ou offre en cours aux US, utilisation de la monnaie de ce pays)[1].

3. Objectifs ?

C’est une arme d’encadrement du commerce (embargos, pays sous sanction) ou une arme de guerre économique (lutte contre la corruption, le blanchiment, le trafic d’influence …) comme le montre le pourcentage d’entreprises européennes condamnées : 62% dont 25% payés par les entreprises françaises. L’importance des amendes (plusieurs milliards €) et les transactions avec le DOJ (Department of Justice) permettant d’éviter la condamnation pénale de l’entreprise.

C’est plutôt un transfert de responsabilité par les états sur les entreprises qu’une délégation de souveraineté[2].

4. Moyens de défense

La France s’est dotée de moyens de lutte contre ces infractions (Loi Sapin 2, l’AFA (Agence Française de Lutte contre la Corruption)) qu’elle peut maintenant opposer au DOJ américain. La CGIP (convention judiciaire d’intérêt public) permet d’éteindre l’action publique si l’entreprise accusée respecte les obligations imposées[3].

5. Administrateurs et Salariés impliqués

Les salariés impliqués dans l’accusation de leur entreprise, les retraités et anciens salariés doivent faire assurer leur défense sur leurs deniers personnels.

6. Programme de compliance

Les mesures pour assurer la conformité concernent tous les niveaux et toutes les directions de l’entreprise : conseil d’administration, comex, directions générale, RH, juridique, finances, affaires publiques, commerciale, achat, qualité, technique, R&D, sécurité, marketing, communication.

A CREUSER

7. Enlever l’épée de Damoclès de la menace des enquêtes 

La défense des entreprises européennes contre l’extra-territorialité devrait être une priorité stratégique de l’Union Européenne car l’extra-territorialité est une source de désorganisation des entreprises en plus d’être un poids. Amendes et peines de prison sont la partie émergée de l’iceberg. S’y ajoutent les coûts et effets des défenses à mettre en place, de l’ingérence dans la gouvernance via le monitoring, des organisations et procédures à déployer, de l’hémorragie des secrets d’affaires dans les flux de défense. Notre loi de blocage est insuffisante. Il faudrait donner des compétences extra-territoriales au juge français. Une démarche européenne et des alliances avec l’Allemagne et d’autres pays seraient utiles pour construire un système efficace.

8. Développer une gouvernance holistique de la Compliance 

La compliance ou conformité est un dispositif qui doit être intégré dans la stratégie de l’entreprise au plus haut niveau par le CA et le COMEX ou CODIR car les objectifs de l’entreprise doivent être atteignables en maîtrisant les risques qui y sont liés. C’est tout l’enjeu de la signification de la « Tolérance Zéro » par opposition au « Pas vu, Pas pris » lorsque la question est traitée de façon superficielle ou sous le seul angle juridique. Les conseils d’administration doivent donner la ligne directrice et les directions générales doivent donner les moyens de mettre en place, déployer et monitorer le programme de compliance de manière efficiente.

9. Lutter contre l’insécurité juridique 

Le DOJ fait signer aux entreprises sous enquête une renonciation à bénéficier de la prescription prévue par la Loi. On ne connaît pas la position des tribunaux américains car les entreprises sont forcées à transiger de peur des conséquences d’une assignation au pénal aux Etats Unis.

Le passé est une zone de risque à contrôler. On peut citer notamment le guide fusions-acquisitions de l’AFA qui rend les dirigeants de l’entreprise acquéreur ou absorbante responsables des manquements antérieurs en cas de défaut de contrôle. Le traitement doit être plus large que la corruption, qui ne figure pas parmi les  5 premiers risques auxquels les entreprises sont effectivement confrontées : atteintes à la sécurité des salariés et accidents du travail, intrusions informatiques, es atteintes à la protection des données personnelles, le harcèlement moral et enfin les escroqueries et « fraudes au président » (enquête AFJE-ethicorp.org 2019-2020, publié Éditions législatives, disponible sur www.ethicorp.org) .

10. Protéger les administrateurs, dirigeants et salariés 

L’exposition des dirigeants, salariés, ex-salariés, retraités est à encadrer par les Ressources Humaines et par la Direction Juridique des entreprises. C’est un enjeu managérial prioritaire. La même démarche doit être menée pour protéger les administrateurs.

11. Lutter pour la probité des affaires 

La répression par des sanctions lourdes et l’ingérence dans la gouvernance des entreprises sont-ils les meilleurs moyens de lutter pour la probité des affaires ? L’argent dépensé dans cette lutte contre ne serait-il pas mieux employé à aider les entreprises à faire évoluer des pratiques parfois séculaires, parfois encore ancrées comme mode normal de fonctionnement dans certains pays, à concevoir des mesures locales ? Le rejet de certains clients ne satisfaisant pas tous les critères du KYC ne pourrait-il pas évoluer vers leur intégration en contrepartie de programmes qualité assurant la probité ?

C’est tout l’enjeu d’un changement de culture au sein des organisations où valeurs partagées, éthique des affaires et programme de compliance déployé avec efficience, pourraient renforcer, voire redonner de la confiance dans les relations avec l’ensemble des parties prenantes de son écosystème.

Notes

[1] Pour aller plus loin sur le lien de dépendance : http://www.leclubdesjuristes.com/le-retrait-des-etats-uni...

[2] Pour aller plus loi sur la notion de délégation de souveraineté : La Nouvelle Economique Politique, Olivier Bomsel, Folio 2017 http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-e...

[3] https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/co....

dimanche, 07 juin 2020

Vivre libre, mourir libre - par la Communauté de la Rose et de l’Épée

« Nous nous battons pour la liberté.
Pour moi, la pire des choses serait de vivre en esclave.
On peut tout avoir : à manger, à boire, de quoi se vêtir, un toit où se loger.
Si on n’a pas la liberté, si on n’a pas la fierté, si on n’est pas indépendant,
cela n’a ni goût, ni valeur. »
Ahmad Shah Massoud (1953 – 2001)

Aujourd’hui et à l’avenir, notre combat va de plus en plus s’axer sur une valeur fondamentale : la liberté. On distingue deux camps dans l’Humanité : ceux qui défendent la liberté, et ceux qui veulent la réduire – bien souvent au nom de prétextes apparemment légitimes.

Voilà pourquoi nous proclamons notre attachement à la Liberté, sans laquelle l’homme n’a aucune dignité et aucune possibilité de grandir en esprit.

Nous nous positionnons :

Pour :

  • La liberté de conscience
  • La liberté d’opinion
  • La liberté d’expression
  • La liberté de mouvement
  • La liberté de réunion

Contre :

  • La censure et la surveillance
  • Les lois sécuritaires liberticides
  • Les restrictions à la liberté individuelle
  • Le nouvel être social standardisé

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Nous reconnaissons comme des droits inaliénables les articles 18, 19 et 20 de la DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME, actuellement bafoués en France ainsi que dans le reste du monde :

« Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

Article 19
Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Article 20
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association. »

Nous constatons que la France va à l’encontre de ces articles, par les limitations et censures sans cesse grandissantes de la liberté d’expression, ainsi que la diabolisation du discours non-institutionnel. Nous pourrions le démontrer et le détailler ultérieurement, ce qui ne sera pas une chose compliquée tant les exemples liberticides ne manquent pas :
– Censure des discours et informations arbitrairement classés comme fake-news.
– Diabolisation de la pensée critique vis-à-vis du Système en place.
– Condamnation judiciaire des propos opposés à certaines communautés religieuses, ethniques ou sexuelle, alors que dans la majorité des cas ces propos n’incitent pas à la haine mais relèvent de la liberté d’expression.
– Intrusion de l’Éducation Nationale dans la vie privée des familles, afin d’y détecter les idées des parents et d’opposer les enfants à leurs parents (ce qui va aussi à l’encontre du 3ème point de l’article 26 de la Déclaration des Droits de l’Homme).
– Lois utilisées pour interdire les débats sur certains sujets et pour légaliser les procès d’intention, comme la loi Pléven, la loi Gayssot ou la loi About-Picard.
– Mise au ban de la société, grâce aux médias et aux réseaux sociaux, des personnes développant une pensée critique et originale.
– Lutte interministérielle contre des minorités spirituelles et thérapeutiques, considérées comme sectaires pour leurs idées et leur choix de vie, et non pour des faits légalement punissables.
– Etc.

Nous estimons que la dignité d’un être humain est de pouvoir vivre librement, mais aussi mourir librement. Un être humain peut disposer de son corps en fonction de ses opinions et de ses croyances, sans qu’aucune autorité n’intervienne dans sa vie privée, et cela dans le courant de sa vie comme dans le choix de sa mort. Les différentes obligations médicales, le droit de l’État à prélever les organes d’un mort sans son accord ou la marginalisation des personnes refusant l’acharnement thérapeutique, ne sont que des atteintes à la liberté de mourir en fonction de ses convictions. Il n’est pas étonnant qu’un régime qui ôte des libertés fondamentales pour vivre, ôte aussi des libertés fondamentales pour mourir.
Nous condamnons ici le régime matérialiste qui est en place car celui-ci, niant l’existence de l’âme, dénie aux êtres humains le droit de conformer leur vie à leurs conceptions propres de l’âme, et par conséquent nie la liberté de conscience.

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La République Française est ainsi opposée aux libertés fondamentales qui permettent à un être humain d’accorder sa vie à ses conceptions spirituelles.

Si la France est particulièrement concernée par ces accusations, celles-ci s’appliquent néanmoins, à quelques détails près, à la plupart des pays du monde et à l’Union Européenne dans sa totalité. Nous considérons donc comme un devoir d’entrer en insurrection morale contre l’Ordre mondial en place, c’est-à-dire contre son oligarchie dirigeante dont les intérêts économiques ne seront jamais compatibles avec la liberté.

Les répressions qui pourraient se durcir et se généraliser à l’avenir contre les opposants, démontreront encore plus la nature liberticide du régime en place. Évidemment, ces répressions seront justifiées par des prétextes qu’ils soient sanitaires, scientifiques, sociaux, humanistes ou écologiques afin d’obtenir l’assentiment de l’opinion publique.

Que tous ceux qui se reconnaissent dans ces principes et dans ce combat diffusent ce message.

Nous n’avons pour le moment que l’insurrection de conscience comme possibilité, et si nous ne pouvons pas changer le Système, nous pouvons néanmoins montrer un exemple pour ceux qui réfléchissent encore librement.

vendredi, 05 juin 2020

En Italie, Facebook condamné pour censure et atteinte à la liberté d’expression

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En Italie, Facebook condamné pour censure et atteinte à la liberté d’expression

Secolo d’Italia (Italie) 

Ex: http://www.zejournal.mobi

Fin de l’impunité pour Facebook ? Ce qui vient de se passer en Italie revêt une importance considérable : un État européen fait prévaloir ses lois sur l’arbitraire des « standards de la communauté ». Nous reprenons un article publié sur le site de la fondation Polémia le 30 mai 2020. Cette victoire italienne pourrait être la première d’une série en Europe au moment où la loi Avia va rentrer en vigueur en France.

C’est un revers historique pour Facebook en Europe. La justice italienne a en effet confirmé la supériorité de la loi nationale sur l’arbitraire des règles privées de Facebook dans le cadre d’un litige entre l’entreprise américaine et le mouvement politique CasaPound. Laurent Solly, l’ancien préfet hors-cadre nommé directeur de Facebook pour la zone Europe du Sud — comprenant l’Italie et la France — voit la censure de Facebook fragilisée par cette décision judiciaire de première importance. Nous proposons aux lecteurs de Polémia la traduction d’un article du site Secolo d’Italia : Casapound gagne encore en justice. Facebook condamné à garder leur page ouverte.

Le Tribunal civil de Rome a rejeté le recours déposé par le réseau social contre l’ordonnance [à effet immédiat] qui ordonnait la réactivation de la page principale de CasaPound Italia.

Une réponse est arrivée après plus de trois mois. L’audience au cours de laquelle Facebook a déposé la plainte s’est tenue le 14 février.

C’est le site du Primato Nazionale qui révèle le dernier épisode du bras de fer.

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Davide di Stefano.

« Nous savons donc aujourd’hui que cette plainte a été rejetée. Et que les dispositions de la juge Stefania Garrisi ont été confirmées. Cela signifie que la page CasaPound et le profil de Davide Di Stefano, défendus par les avocats Augusto Sinagra et Guido Colaiacovo, restent actifs. Facebook est également condamné à payer des frais de justice pour 12 000 euros. »

Dans une intervention signée par lui, Davide Di Stefano explique que les attendus de la sentence confirment la supériorité hiérarchique des principes constitutionnels et du droit italien par rapport aux « normes de la communauté » du géant social et aux contrats privés.

Dans la disposition du collège composé des juges Claudia Pedrelli, Fausto Basile et Vittorio Carlomagno, est indiquée « l’impossibilité de reconnaître à une entité privée, telle que Facebook Ireland, sur la base de dispositions marchandes et donc en raison de la disparité de la force contractuelle, des pouvoirs ayant substantiellement incidence sur la liberté d’expression de pensée et d’association, et qui dépasseraient ainsi les limites que le législateur lui-même s’est fixées en droit pénal ».

« L’arrêt — explique la Cour – se trouve conforté dans le fait que, comme indiqué dans l’ordonnance attaquée, CasaPound est ouvertement présent dans le paysage politique depuis de nombreuses années ».

« L’exclusion de CasaPound de la plateforme — écrivent les magistrats — doit donc être considérée comme injustifiée sous tous les profils mentionnés par Facebook Ireland ».

« Le periculum in mora [danger/dommage causé par le retard, NdT] doit être considéré comme subsistant sur la base des considérations formulées dans l’ordonnance contre laquelle il a été fait recours, qui méritent d’être pleinement partagées, sur le rôle prééminent et relevant joué par Facebook dans les réseaux sociaux. Et, donc, objectivement aussi dans la participation au débat politique ».

N’appartient donc pas à Facebook « la fonction d’attribuer de manière générale à une association une “licence” établissant le caractère licite d’une association. Étant donné que la condition et la limite de l’activité de toute association est le respect de la loi. Dont la vérification est laissée au contrôle juridictionnel général ».

Dans l’ordonnance des juges du Tribunal civil de Rome, il est fait référence aux articles 18 et 21 de la Constitution, sur la liberté d’association et la liberté de pensée. Par conséquent, et peu importe que CasaPound soit un parti ou non, la priorité de la primauté nationale, la liberté d’association et de pensée doit être garantie.

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« Il n’a pas trouvé que CasaPound relève de la définition d’une organisation incitant à la haine telle que prévue par les Standards de la Communauté [Facebook], c’est-à-dire “engagée dans la violence” par des actions de ”haine organisée” et ”de violence organisée ou d’activité criminelle” », peut-on toujours lire dans l’ordonnance.

Qui conclut en expliquant comment, « en l’absence de violations constatées et de ne pas pouvoir apprécier le caractère préventif des objectifs de l’association au regard des principes constitutionnels, la désactivation de la page Facebook est injustifiée. Elle est à l’origine d’un préjudice non susceptible de réparation en contrepartie, relatif à la participation de CasaPound au débat politique, ayant incidence sur des biens protégés par la Constitution ».

Traduction Polémia

Lire aussi:

Italie – Qui sont ces

Gilets Oranges anti-euro

et « corona-sceptiques » ?

mardi, 19 mai 2020

Covid-19. Contre un « Nuremberg de la santé »

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Covid-19. Contre un « Nuremberg de la santé »

par Éric DELCROIX

J’ai lu sur le Net que des gens de la mouvance nationale ou identitaire proposaient un « procès de Nuremberg de la santé », afin de poursuivre en justice les responsables politiques qui ont fait preuve de leur imprévoyance brouillonne face à la pandémie de covid-19. Pourtant, non seulement le grand procès de Nuremberg est une référence malheureuse, type même du procès partial à proscrire, mais l’idée même de judiciariser plus et encore notre vie politique me paraît terriblement pernicieuse. Notre mouvance paie au prix fort l’instauration des lois bâillons et anti-discriminatoires : il lui faut revenir sur terre et cesser de choir dans les rets du système de la gouvernance libérale et mondialiste judiciarisé. Méfions nous de la démesure du tout judiciaire invasif, d’inspiration américaine.

La souveraineté, qui est immunité judiciaire, ne se divise pas

L’impéritie de nos dirigeants, illustrée par le manque de réactivité (refus idéologique de fermer nos frontières), la pénurie de matériel sanitaire de première nécessité (masques, gants, gel hydroalcoolique) justifie la défiance du peuple. Et, au plus vite, un changement dans le personnel politique. Mais pas des condamnations judiciaires, à plus forte raison pénales. On s’est gaussé de la célèbre formule de Georgina Dufoix, « Responsable mais pas coupable (1991) »; pourtant, du point de vue de la forme, c’est bien elle qui avait raison ! La responsabilité politique est très distincte de la culpabilité judiciaire et pénale; elle doit le rester ou le redevenir. La responsabilité d’un mauvais ministre est politique, aussi justifie-t-elle son éviction et le renvoi dans ses pénates. Aux citoyens, il appartient de le critiquer, de le couvrir d’opprobre et de… mieux voter à l’avenir !

Un responsable politique est en charge d’une part de la souveraineté de l’État; président de la République, chef du gouvernement ou ministre, ne devraient répondre ès qualité en justice que dans des cas de trahison, concussion ou corruption. Il en était ainsi du temps de la Haute-Cour, juridiction aussi exceptionnelle que sporadique. La constitution de la Cour de justice de la République comme juridiction permanente et ayant vocation à juger les membres du gouvernement pour toute sorte d’infraction (1993) est une mauvaise idée et abaisse, une fois de plus, le politique au profit du juge. Sa permanence même lui permet de recevoir des plaintes de particuliers, expression de tous les ressentiments.

Photo_34442.jpgAvec le Code pénal Badinter, en vigueur depuis 1994, il existe au moins un délit fourre-tout, rétif à la règle multiséculaire de l’interprétation stricte, savoir la mise en danger de la vie d’autrui (article 223-1), véritable épée de Damoclès. Et voilà aussi pourquoi le gouvernement est si hésitant et incertain quant aux décisions franches à prendre face à la pandémie. Aucun ministre prenant une décision cherchant à être déterminante, avec un inévitable risque vital dans la population en l’occurrence, ne peut plus exclure de finir frappé par une condamnation pénale.

Le garde-frontière est-allemand

Quant à la responsabilité judiciaire pour des décisions régaliennes, ceux qui se sont réjoui des condamnations, même limitées et symboliques, de garde-frontière est-allemands ont eu tort. Certes, en leur temps je suppose que je n’aurais pas eu d’état d’âme pour leur tirer dessus, mais après la chute de la République démocratique allemande (RDA/DDR), force aurait été d’admettre qu’ils avaient obéi aux ordres d’un pouvoir, sinon légitime, du moins revêtu de l’effectivité – comme dit le droit international. Cette justice (« Vae victis », malheur au vaincu) n’est pas seulement léonine, elle est également impolitique et même anti-politique. Pareille jurisprudence fait que nous ne pouvons plus envisager de tirer pour protéger nos frontières contre les immigrants envahisseurs; pareille jurisprudence fait que nous ne pourrons plus envoyer l’armée rétablir l’ordre dans les banlieues du chaos ethnique, puisque nos soldats n’auront plus le droit de… tuer !

Tel est l’héritage pervers du grand procès de Nuremberg (1945 – 1946), métastases de la théorie dite des « baïonnettes intelligentes », qui permet de poursuivre en justice un soldat pour l’exécution d’ordres mêmes conformes précédemment aux us et coutumes de la guerre (comme protéger sa frontière ou fusiller des partisans hors-la-loi).

Sans une révolution rétablissant le bon sens, et donc l’exclusion de la souveraineté politique du champ judiciaire, il sera vain de prendre le pouvoir dans un but de sauvegarde nationale et identitaire. Le pouvoir sera aux mains des juges et une Jeanne d’Arc salvatrice irait de nouveau en prison ou au supplice, mais cette fois même pas par la volonté arbitraire d’un ennemi…

Face à la pandémie nous sommes mal gouvernés, d’une part parce que nos gouvernants sont mauvais, mais d’autre part parce qu’ils ont tout simplement peur du juge ! Comment faire face à une catastrophe nationale si l’on n’a plus la légitime licence du pouvoir et la capacité d’affronter, dans le monde réel, une tragédie ?

Ce nouveau rôle du juge est porté par cette coquecigrue d’importation qu’est l’État de droit, dont la maxime délétère est « Pereat mundus fiat justicia : (Périsse le monde plutôt que la justice) ».

Nous ne sommes plus gouvernés parce que, juridiquement parlant, nous ne sommes plus gouvernables.

Éric Delcroix

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 3 mai 2020.

lundi, 11 mai 2020

Démocratie parlementaire contre gouvernement des juges : le problème ne se pose pas qu’en Pologne et en Hongrie !

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Démocratie parlementaire contre gouvernement des juges : le problème ne se pose pas qu’en Pologne et en Hongrie !

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

 
Europe – La question de la démocratie parlementaire contre le gouvernement des juges ne concerne pas que la Pologne et de la Hongrie, même si la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) semblent concentrer leur attention principalement sur ces deux pays d’Europe centrale depuis maintenant 10 ans (depuis 2010 pour la Hongrie et depuis 2015 pour la Pologne). Et d’ailleurs, la limitation des pouvoirs des parlements démocratiquement élus au moyen d’un équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire n’est pas une condition indispensable à la démocratie, comme le montre la tradition de souveraineté illimitée du parlement au Royaume-Uni. À cet égard, n’oublions pas que l’un des principaux points mis en avant par les partisans du Brexit et autres eurosceptiques britanniques, c’était justement que soumettre leur pays aux décisions de tribunaux supranationaux ou internationaux comme la Cour de justice de l’UE et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) empiète de plus en plus sur la souveraineté du Parlement de Westminster et est par nature antidémocratique. La Grande-Bretagne n’a certes pas pour le moment l’intention de se retirer de la Convention européenne des droits de l’homme et de rejeter la juridiction de la CEDH, mais la question peut à nouveau se poser à la suite du rapport publié en février par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), où il est fait état des liens étroits entre un nombre important de juges de la CEDH et l’Open Society Foundations de George Soros, ce qui soulève des questions sur l’impartialité des auteurs de nombreux jugements importants. En vertu du Traité de Lisbonne, les précédents établis par la CEDH affectent le droit de l’UE, et cela pose donc des limites claires à la souveraineté des États-nations, comme c’est aussi le cas avec la CJUE. Cette dernière est une institution de l’Union européenne et elle a, depuis longtemps déjà, pris l’habitude d’interpréter les traités européens de manière à favoriser l’évolution vers une Europe fédérale bien au-delà de ce qui est prévu par la lettre de ces traités. La question de l’actuelle réforme judiciaire polonaise, soumise à la CJUE par la Commission européenne, offre justement aux juges de Luxembourg une opportunité pour étendre les pouvoirs de Bruxelles comme jamais auparavant.

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L’UE prend parti pour les juges rebelles en Pologne au nom de l’État de droit et de la démocratie

En effet, le 8 avril dernier (soit un mois avant la date originellement prévue pour l’élection présidentielle polonaise), la CJUE répondait favorablement à une demande de la Commission européenne en délivrant une ordonnance provisoire censée « geler » la Chambre disciplinaire créée au sein de la Cour suprême polonaise (qui est une cour de cassation) dans le cadre de la réforme judiciaire adoptée en 2018 par le Parlement dominé par le parti Droit et Justice (PiS) de Jarosław Kaczyński et sa coalition Droite unie (une majorité absolue reconduite à la chambre basse du Parlement lors des élections législatives d’octobre 2019). La dispute autour de cette Chambre disciplinaire entre dans le cadre d’un conflit plus large concernant la façon dont sont nommés les quinze juges siégeant au Conseil national de la magistrature (KRS), car c’est le KRS qui présente au Président polonais un choix de candidats à la Chambre disciplinaire. Depuis la réforme du KRS adoptée en 2018, ces quinze juges (sur 25 membres du KRS au total) sont nommés non plus par d’autres juges mais par le Parlement, ce qui signifie que la majorité parlementaire PiS est désormais à l’origine de la majorité des nominations au KRS. Ces membres choisis par le PiS ont donc eu une voix décisive quant aux candidatures soumises au président Andrzej Duda (qui vient lui aussi du PiS) pour siéger à la Chambre disciplinaire. Il convient toutefois de préciser que, si elle stipule qu’il doit y avoir 15 juges parmi les 25 membres du Conseil national de la magistrature, la Constitution polonaise laisse au Parlement le soin de déterminer la façon dont ces juges doivent être nommés, et le Tribunal constitutionnel polonais a confirmé en mars 2019 que la procédure de nomination des membres actuels du KRS était conforme à la Constitution.

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Pourtant, certains juges polonais remettent en cause la légitimité de ce KRS réformé et de la Chambre disciplinaire nouvellement créée à la Cour suprême. La juge Małgorzata Gesdorf, première présidente de la Cour suprême qui s’est engagée activement depuis 2017 contre les réformes de la justice adoptées par le Parlement (y compris en prenant part à des manifestations organisées par l’opposition), a publiquement demandé aux juges de la Chambre disciplinaire de ne plus rendre de jugements plusieurs mois avant l’arrivée à terme de son propre mandat de première présidente le 30 avril dernier. Le président de l’association de juges Iustitia a annoncé pour sa part qu’il ne comparaîtrait pas devant la Chambre disciplinaire, alors qu’il avait été convoqué pour son militantisme politique (les juges en Pologne n’ont pas le droit de faire de la politique de manière publique). Pire encore, certains juges de rang inférieur siégeant dans les tribunaux locaux ont prétendu pouvoir contester les décisions rendues par d’autres juges dont la nomination avait été proposée au président de la Pologne par le KRS réformé, car ils considèrent que ces nominations n’avaient pas été faites de manière valide, le KRS réformé ne jouissant pas de la légitimité nécessaire à leurs yeux (en vertu de leur propre interprétation de la Constitution, chose pourtant normalement réservée au Tribunal constitutionnel). Même si en vertu des traités européens l’organisation du pouvoir judiciaire est normalement une compétence souveraine de chaque État membre, en août 2018 un groupe de juges polonais rebelles siégeant à la Chambre du travail et des assurances sociales de la Cour suprême a envoyé à la CJUE une série de questions préjudicielles portant sur les réformes du PiS dans une affaire sans lien direct avec ces questions, ce qui est une pratique interdite par le droit européen. Dans un jugement rendu en novembre 2019, la Cour de justice a déclaré que c’est à la juridiction de renvoi, en l’occurrence à la Chambre du travail et des assurances sociales près la Cour suprême polonaise, « de vérifier si la KRS offre ou non des garanties suffisantes d’indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif ».

1551892270_026505_1551892328_noticia_normal.jpgCe jugement avait de quoi surprendre, car en droit polonais seul le Tribunal constitutionnel a cette compétence, et les traités européens n’autorisent pas la CJUE à attribuer une telle compétence à un autre organe judiciaire d’un État membre. Néanmoins, prétendant se fonder sur cette décision de novembre de la CJUE, la première présidente de la Cour suprême Małgorzata Gesdorf (dessin, ci-contre)a convoqué le 23 janvier une audience rassemblant trois des cinq chambres de la Cour suprême, soit environ la moitié de tous les juges de la Cour suprême, afin d’adopter une résolution par laquelle toutes les décisions prises par la Chambre disciplinaire étaient déclarées non valides et tous les juges nommés par le Président Duda sur la base des candidatures présentées par le KRS réformé devaient cesser de prononcer des jugements, cette résolution de la Cour suprême affirmant que les réformes votées par le Parlement en 2017-18 violaient le droit européen, à savoir le principe d’indépendance de la justice mentionné en termes généraux dans les traités européens. La présidente de la Diète (la chambre basse du parlement polonais) a donc saisi le Tribunal constitutionnel sur la question des compétences respectives du Parlement et de la Cour suprême. Les juges constitutionnels ont alors suspendu à titre provisoire la résolution de la Cour suprême avant de constater dans un arrêt définitif rendu le 20 avril que la résolution adoptée le 23 janvier à la Cour suprême violait à la fois la Constitution polonaise et le droit européen et n’avait donc aucun effet.

Pour ajouter à la confusion, le 20 avril, soit 10 jours avant la fin de son mandat de première présidente de la Cour suprême, la juge Małgorzata Gesdorf délivrait un arrêt en vertu duquel elle transférait toutes les affaires confiées à la Chambre disciplinaire aux autres chambres de la Cour suprême. Mme Gesdorf justifiait sa décision en brandissant l’ordonnance provisoire du 8 avril de la CJUE, alors que les décisions de la CJUE ne peuvent pas s’appliquer directement (il aurait fallu un vote du parlement polonais pour mettre en œuvre l’ordonnance provisoire de la CJUE, c’est-à-dire pour suspendre l’application de la loi ayant décidé de la création de ladite Chambre disciplinaire). Le 5 mai, cet arrêt était annulé par le premier président par interim de la Cour suprême polonaise, Kamil Zaradkiewicz. Conformément à la Constitution polonaise, le juge Zaradkiewicz a été nommé par le président Andrzej Duda pour conduire la procédure d’élection du prochain premier président de la Cour suprême, Małgorzata Gesdorf n’ayant pas conduit cette élection avant la fin de son mandat.

Toutefois, de même que la Commission Juncker auparavant, la Commission Von der Leyen prend ouvertement parti pour les juges polonais rebelles qui, comme mentionné plus haut, demandaient eux aussi à la Cour de justice de l’UE de se prononcer un jugement sur la validité du régime disciplinaire mis en place par le Parlement polonais. Ce jugement de la CJUE serait censé s’appuyer sur les principes généraux d’État de droit et d’indépendance des tribunaux mentionnés dans les Traités européens. Le 29 avril, la Commission européenne engageait d’ailleurs une nouvelle procédure contre la Pologne, cette fois à propos d’une réforme du régime disciplinaire des juges adoptée en janvier 2020. Cette réforme vise à pouvoir sanctionner efficacement ces juges qui, prétendant appliquer directement la décision de la CJUE de novembre 2019, remettent en cause la légitimité d’autres juges quand ceux-ci ont été nommés sur recommandation du Conseil national de la magistrature (KRS) après les réformes du PiS. Dans tout autre pays de l’UE, un juge ne peut pas invalider un jugement au prétexte que le juge à l’origine de la décision ne serait pas légitime à ses yeux. Mais pour la Commission européenne, que la Pologne sanctionne ce type de comportements rebelles de la part de juges militants serait une atteinte au principe d’indépendance de la justice !

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UE contre Hongrie

De manière assez similaire, lorsqu’en 2011 Viktor Orbán, fort d’une majorité constitutionnelle au parlement, a introduit une nouvelle constitution qui restreignait les compétences de la Cour constitutionnelle hongroise et abaissait l’âge de la retraite des juges à 62 ans, de manière à éliminer les juges qui avaient commencé leur carrière sous le régime communiste, la Commission européenne a pris le parti de ceux qui voyaient en ces réformes une menace pour l’État de droit et pour la démocratie. Elle a alors porté la question de l’âge de la retraite devant la CJUE qui a estimé en novembre 2012 que « l’abaissement radical de l’âge de la retraite des juges hongrois constitue une discrimination fondée sur l’âge non justifiée », et la Hongrie a dû porter l’âge de la retraite des juges à 65 ans, soit l’âge standard de la retraite dans ce pays. En juin 2011, le Parlement européen a de son côté adopté une résolution critiquant la nouvelle Loi Fondamentale hongroise parce qu’elle serait « susceptible de mettre en péril l’indépendance de la justice hongroise », notamment à cause des « dispositions portant sur la nouvelle Cour constitutionnelle hongroise ». Autre exemple : en juin 2019, la Commission européenne a adressé au Conseil une recommandation sur la Hongrie dans laquelle elle explique que « l’équilibre des pouvoirs, crucial pour assurer l’indépendance de la justice, a été encore affaibli dans le système des tribunaux ordinaires. Le Conseil national de la magistrature fait face à des difficultés croissantes pour exercer un contrepoids face aux pouvoirs du Président de l’Office national de la justice. Cela fait naître des inquiétudes concernant l’indépendance judiciaire. » Sans surprise, tandis que les membres du Conseil national de la magistrature sont des juges nommés par d’autres juges, le président de l’Office national de la justice est nommé par le Parlement. Ici encore, la Commission européenne, tout comme le Parlement européen, attaque la Hongrie pour avoir mis en place un contrôle parlementaire sur des juges nommés (et non élus), comme si l’État de droit et la démocratie ne pouvaient être garantis que par l’existence d’un pouvoir judiciaire totalement indépendant, et comme si un pouvoir judiciaire contrôlé uniquement par lui-même était en soi la meilleure garantie de démocratie.

Pourquoi l’UE n’a-t-elle jamais remis en cause le principe de la souveraineté illimitée du Parlement britannique ?

colloque-10.10.19.pngSi c’était le cas, les institutions de l’UE auraient dû mettre le Royaume-Uni sous le feu des projecteurs dès son adhésion au bloc européen en 1973, ou au minimum dès l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, puisque ce traité a incorporé dans le droit européen la Charte des droits fondamentaux et l’obligation de souscrire à la Convention européenne des droits de l’homme. Il est vrai que le protocole n° 30 de la Charte des droits fondamentaux stipule explicitement que « La Charte n’étend pas la faculté de la Cour de Justice de l’Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume-Uni, d’estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu’elle réaffirme. ». Mais alors, en vertu dudit Protocole, ce qui s’appliquait au Royaume-Uni jusqu’au Brexit devrait s’appliquer à la Pologne aussi, ce qui n’est manifestement pas le cas aux yeux de la Commission européenne et de la CJUE (voir le jugement du 19 novembre 2019 à propos du Protocole n° 30 et de l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la République de Pologne et au Royaume-Uni : « il ne remet pas davantage en question l’applicabilité de la Charte en Pologne et n’a pas pour objet d’exonérer la République de Pologne de l’obligation de respecter les dispositions de la Charte »).

Tandis que l’on reproche à Varsovie et Budapest des réformes décrites comme constituant un abus de pouvoir par le parlement et comme remettant en cause le système d’équilibre et de séparation des pouvoirs et donc, paraît-il, l’État de droit et la démocratie, dans l’une des plus anciennes démocraties d’Europe la souveraineté du parlement est définie de la manière suivante : « La souveraineté parlementaire est un principe de la constitution britannique. En vertu de ce principe, le Parlement est l’autorité juridique suprême du Royaume-Uni qui peut adopter ou abroger toute loi. D’une manière générale, les tribunaux ne peuvent pas annuler ses lois et aucun Parlement ne peut adopter de lois que les futurs Parlements ne pourront pas modifier. La souveraineté parlementaire est l’élément le plus important de la constitution britannique. »

La moitié des juges de la Cour suprême polonaise et sa première présidente se sont arrogé en janvier le droit d’invalider une loi adoptée par le Parlement, en se fondant sur le jugement de la CJUE de novembre où il était dit que le droit européen est supérieur aux lois nationales, et en arguant du fait que le deuxième alinéa de l’article 19, par. 1, du traité sur l’Union européenne stipule que « Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union ». Malheureusement, la Commission européenne soutient ouvertement cette attitude clairement inconstitutionnelle au nom du principe de l’application directe du droit européen. En Pologne, seul le Tribunal constitutionnel a la capacité d’invalider des lois approuvées par le Parlement, et c’est pourquoi les juges constitutionnels polonais ont invalidé le 20 avril 2020 cette résolution adoptée le 23 janvier à la Cour suprême, la considérant comme non conforme à la Constitution polonaise et au droit européen. En même temps, dans un autre pays ayant appartenu à l’Union européenne jusqu’en janvier 2020, le Parlement « peut adopter ou abroger toute loi » et « les tribunaux ne peuvent pas annuler ses lois », ce qui n’a jamais posé problème à la Commission européenne actuelle ni à aucune Commission antérieure.

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Par ailleurs, le Royaume-Uni n’a pas de cour constitutionnelle et sa Cour suprême, qui est considérée par de nombreux observateurs comme contraire à la tradition parlementaire britannique, n’a été créé qu’en 2009 par une loi promulguée par le Parlement sous le gouvernement travailliste de Tony Blair. Puisque d’après la constitution britannique « aucun Parlement ne peut adopter de lois que les futurs Parlements ne pourront pas modifier », la Cour suprême britannique pourrait facilement être abolie par la majorité parlementaire actuelle. Il se trouve que le nouveau Procureur général pour l’Angleterre et le pays de Galles nommé par le premier ministre Boris Johnson en février, Suella Braverman, est d’avis que, pour le bien de la démocratie, le Parlement doit récupérer la souveraineté qui lui a été confisquée non seulement par l’Union européenne mais aussi par les tribunaux. Mme Braverman a écrit en janvier que l’arrêt par lequel la Cour suprême avait décidé en septembre que la suspension du Parlement par Boris Johnson était illicite était un nouvel exemple de « l’intrusion continue et chronique des juges » sur le terrain de la politique. Elle a critiqué l’« activisme judiciaire » et déclaré : « Oui, les tribunaux doivent agir pour contenir les abus de pouvoir par le gouvernement, mais si un petit nombre de juges non élus et n’ayant de comptes à rendre à personne continuent de déterminer les grandes politiques publiques en s’opposant aux décideurs élus, notre démocratie ne peut pas être qualifiée de représentative. La légitimité du parlement est sans égale et c’est la raison pour laquelle nous devons reprendre les commandes, non seulement aux dépens de l’UE, mais aussi de l’appareil judiciaire ». En tant que procureur général, Braverman est maintenant procureur en chef pour l’Angleterre et le Pays de Galles et premier conseiller juridique du gouvernement.

Dans un article intitulé « Réparer la Cour suprême devrait être la priorité constitutionnelle de Boris Johnson », l’éditorialiste du Telegraph Charles Moore se moque de la vision d’un Brexit qui serait « une lutte entre les ‘populistes’ sans vergogne et les justes déterminés à résister à tout ce qui pourrait avoir ‘un effet extrême sur les fondements de notre démocratie’ », les derniers mots étant une citation de la décision de septembre de la Cour suprême qui avait invalidé la suspension du Parlement par Johnson quand l’opposition anti-Brexit, aidée par le Speaker John Bercow, avait pris le contrôle de l’ordre du jour de la Chambre des communes tout en refusant de nouvelles élections. Pour que cela ne se reproduise pas à l’avenir, Boris Johnson a promis d’abroger la loi de 2011 sur la durée fixe du Parlement afin de redonner au gouvernement la capacité de convoquer des élections législatives au moment où il le souhaite. Moore suggère aussi que le gouvernement et sa majorité au Parlement trouvent le moyen de restaurer une prérogative de la prorogation (suspension du Parlement pour une durée déterminée) qui ne doit pas être soumise au contrôle des juges. Il estime en outre qu’« il faut revoir le panel ‘indépendant’ chargé de nommer les juges, qui donne à l’establishment une capacité presque illimitée d’auto-réplication » En effet, écrit Moore, la « Déclaration des droits de 1689 […] protège la liberté politique en insistant pour qu’aucune ‘délibération du Parlement’ ne puisse être ‘annulée’ par un tribunal », et « il n’y avait jamais eu auparavant de séparation formelle des pouvoirs dans ce pays. C’était mieux ainsi », conclut l’éditorialiste.

Les gens comme Małgorzata Gesdorf – la première présidente de la Cour suprême polonaise jusqu’au 30 avril – ou Věra Jourová – la Vice-présidente de la Commission européenne pour les Valeurs et la Transparence qui remet aujourd’hui en cause le droit qu’a le Parlement polonais de nommer des membres de son Conseil national de la magistrature (KRS) – pensent-ils donc aussi que l’État de droit et la démocratie sont menacés en Grande-Bretagne à cause d’une séparation des pouvoirs insuffisante ?

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Les juges de Soros à la Cour européenne des droits de l’Homme

Une autre question est de savoir si les « juges non élus et n’ayant de comptes à rendre à personne » qui siègent à la CJUE et à la CEDH sont vraiment indépendants et impartiaux. La CEDH en particulier soulève de sérieux doutes. S’il ne s’agit pas d’une institution de l’Union européenne, c’est elle qui interprète la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Or « les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux. » (art. 6, par. 3, du Traité sur l’Union européenne). Au cours de la décennie écoulée, les jugements de la CEDH ont imposé à l’Italie la légalisation des unions homosexuelles et à l’Autriche l’adoption des enfants par le « deuxième parent » dans les couples homosexuel. La CEDH a aussi exercé des pressions sur la Pologne en faveur d’une libéralisation de l’avortement tandis que la Hongrie a été forcée d’abolir la perpétuité réelle (la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle). Non seulement la CEDH est-elle souvent accusée d’activisme judiciaire en raison de ses interprétations souvent très libres et militantes d’une Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales écrite en termes généraux, mais ce reproche est désormais conforté par un rapport récemment publié par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), une ONG internationale dédiée à la protection des droits de l’homme. On trouve en effet dans ce rapport une liste des juges de la CEDH ayant des liens étroits avec les ONG actives devant cette même CEDH. Comme on peut le lire dans l’introduction du rapport de l’ECLJ, « au moins 22 des 100 juges permanents ayant siégé à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) entre 2009 et 2019 sont anciens responsables ou collaborateurs de sept ONG fortement actives auprès de cette Cour. Douze juges sont liés au réseau de l’Open Society Foundation (OSF), sept aux comités Helsinki, cinq à la Commission Internationale des Juristes, trois à Amnesty International, un à Human Rights Watch, un à Interights et un à l’A.I.R.E. Centre. L’Open Society se distingue par le nombre de juges qui lui sont liés et par le fait qu’elle finance les 6 autres organisations citées dans ce rapport. Depuis 2009, on recense au moins 185 affaires dans lesquelles l’une de ces sept ONG est officiellement impliquée dans la procédure. Parmi celles-ci, dans 88 cas, des juges ont siégé dans une affaire dans laquelle était impliquée l’ONG avec laquelle ils étaient liés. (…) Sur la même période, on observe seulement 12 cas de déports dans lesquels un juge s’est retiré d’une affaire en raison, semble-t-il, d’un lien avec une ONG impliquée dans l’affaire. Cette situation met en cause l’indépendance de la Cour et l’impartialité des juges ; elle est contraire aux règles que la CEDH impose elle-même aux États en la matière. C’est d’autant plus problématique que le pouvoir du tribunal est exceptionnel. »

La démocratie en Occident menacée par l’activisme judiciaire plutôt que par la souveraineté parlementaire

Et si donc la véritable menace pour la démocratie occidentale aujourd’hui ne venait pas de « populistes sans vergogne » rétablissant un certain contrôle parlementaire sur le pouvoir judiciaire, mais plutôt de l’attitude de ces « justes déterminés à résister à tout ce qui pourrait avoir ‘un effet extrême sur les fondements de notre démocratie’ », et de leur volonté de mettre à la merci d’un gouvernement de juges « éclairés » toutes les lois adoptées par les parlements élus ?

Antonin_Scalia_Official_SCOTUS_Portrait.jpgLe problème n’est pas uniquement européen. Quand la Cour suprême des États-Unis a imposé la légalisation du « mariage gay » dans les 50 États de l’Union en 2015, le juge dissident Antonin Scalia (photo) a qualifié cette décision d’insulte à la démocratie et il a accusé la Cour suprême dont il faisait partie de chercher de plus en plus souvent à créer les politiques de la nation plutôt qu’à se poser en arbitre. « La décision prise aujourd’hui veut dire que mon dirigeant et le dirigeant des 320 millions d’Américains vivant entre les deux côtes, c’est une majorité des neuf juristes siégeant à la Cour suprême », a alors écrit Scalia. « Cette pratique de la révision constitutionnelle par un comité non élu de neuf personnes, toujours accompagnée (comme c’est le cas aujourd’hui) d’éloges excessifs de la liberté, prive le peuple de la liberté la plus importante qu’il s’était affirmé dans la Déclaration d’Indépendance et qu’il avait obtenu par la révolution de 1776 : la liberté de se gouverner lui-même. »

Sans aller aussi loin, l’arrêt de juin 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne qui a contraint les 28 États membres à reconnaître les effets juridiques des unions de même sexe porte lui aussi dans une certaine mesure atteinte à la liberté des peuples de l’Europe de se gouverner eux-mêmes. En effet, en vertu des traités européens qui ont été approuvés par leurs représentants élus, ces peuples n’avaient jamais sciemment renoncé à leur droit de décider souverainement de leurs transformations sociétales futures.

Et d’ailleurs, n’en déplaise à la Commission européenne et à la Cour de Justice de l’UE, les peuples de l’Union européenne n’ont jamais non plus formellement renoncé à leur droit de préserver ou rétablir une certaine forme de contrôle démocratique sur leur propre système judiciaire et de défendre la démocratie parlementaire contre l’activisme des juges militants.

Article publié originellement le 12 mars 2020 en anglais sur kurier.plus, le site de l’Institut de coopération polono-hongroise Wacław Felczak.

Traduit en français et mis à jour le 7 mai 2020 pour le Visegrád Post.

 

Extrait de: Source et auteur

samedi, 14 mars 2020

Le projet de nouvelle constitution russe et l'avenir de Poutine

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Le projet de nouvelle constitution russe et l'avenir de Poutine

par le Général Dominique Delawarde

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Sous le titre : Le Parlement russe autorise Vladimir Poutine à se représenter en 2024, le journal le Monde vient de publier une "fake news" de plus qui sera abondamment commentée par la presse mainstream occidentale.(voir le lien ci après)

Cet article est de Dominique Delawarde, membre de notre comité de rédaction

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/10/le-parlement-russe-autorise-vladimir-poutine-a-se-representer-en-2024_6032499_3210.html

C'est une Fake news, au moins pour le titre, car le parlement russe n'était actuellement qu'en phase finale d'approbation d'un "PROJET" de constitution. Ce "PROJET" devra être approuvé ou rejeté par référendum par l'ensemble du peuple russe qui, seul, autorisera ou refusera les changements constitutionnels proposés. On fait encore des référendums dans ce pays et le parlement n'y a pas tous les pouvoirs.La Russie n'est pas la France .....

Que s'est-il passé à la Douma ?

La députée Valentina Terechkova, ancienne cosmonaute et première femme à avoir effectué un vol dans l'espace en 1963, est la dernière intervenante au débat sur le projet de constitution. Elle propose un amendement au projet de Constitution avant le vote final. Elle dit ceci : « Pourquoi tourner autour du pot ? pourquoi imaginer des constructions artificielles ? Regardons les choses honnêtement : si les gens le veulent et si la situation l'exige, il faut permettre au président en exercice de se présenter à nouveau à ce poste. ».

 Transformé en amendement, la proposition de Valentina Terechkova est adopté à une écrasante majorité. Le référendum aura lieu dans 6 semaines, le 22 avril prochain. Il projet sera très probablement voté, ce qui me réjouit pour deux raisons:

 1 - Poutine représente aujourd'hui le seul contre pouvoir solide à l'OTAN dont on connaît la propension à générer le chaos et la mort sur la planète depuis 1995.
(Au cours du dernier quart de siècle, 1 million de bombes ont été larguées par des pays membres de l'OTAN, agissant en coalition de circonstance, sur des pays qui n'avaient agressé aucun des membres de l'Organisation).
https://www.breizh-info.com/2019/11/19/130735/lotan-artisane-de-paix-ou-fautrice-de-troubles-et-de-chaos-general-2s-dominique-delawarde-le-13-novembre-2019

Garder Poutine jusqu'à 2036 sera probablement un bien pour son pays qu'il a remis sur pied entre 2000 et 2020 et surtout un bien pour le maintien de la paix sur la planète entière, par le retour à "l' équilibre de la terreur". Il serait bon que les fous furieux "néoconservateurs" des Etats Unis, de l'UE et de l'OTAN qui entendent régenter le monde en fonction de leurs seuls intérêts trouvent quelques "garde-fous" sur leur chemin.

 2 - Poutine a manoeuvré merveilleusement, comme à son habitude. Il n'a pas proposé lui même cet amendement, il a laissé une députée mondialement connue le faire et le parlement voter. Mais Poutine a proposé lui même des amendements à la Constitution qui vont droit au coeur d'une partie importante de l'électorat russe et de l'homme que je suis, citoyen d'un pays en déliquescence économique, politique, sociale, morale et sociétale. Ces amendements correspondent aux valeurs qui sont les miennes : Ainsi du respect de la « foi en Dieu », de l'interdiction du mariage homosexuel ou de la protection par l'Etat d'une «vérité historique », souvent mise à mal par les occidentaux qui ne cessent de la ré-écrire à leur avantage (notamment sur la 2ème guerre mondiale).

En conclusion, si le projet de nouvelle constitution est voté par référendum et si Poutine décide de rester jusqu'à 2036, il pourrait dépasser la longévité au pouvoir de la grande Catherine II, impératrice de Russie. Avec son expérience et celle de son ministre des affaires étrangères Lavrov, avec la complicité active de Xi Jingping, président à vie de son pays, il pourrait s'opposer avec succès aux velléités guerrières des "gouvernements de passage inexpérimentés" de chacun des grands pays d'une coalition occidentale en déclin. Notons au passage que les tenants du pouvoir des grands pays de l'OTAN sont de plus en plus mal élus, que leur opinion publique est profondément divisée et que ces états membres de l'OTAN sont, eux même, divisés entre eux.

Dominique Delawarde.

dimanche, 08 mars 2020

Hasskriminalität – die Allzweckwaffe gegen kritische Bürger

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Stefan Schubert:

Hasskriminalität – die Allzweckwaffe gegen kritische Bürger

Ex: https://kopp-report.de

Kann man sich etwas Verwerflicheres vorstellen als den sexuellen Missbrauch eines Kindes? Oder dass eine Rentnerin in ihrer eigenen Wohnung überfallen und der Schädel eingeschlagen wird, um einige Euros zu erbeuten? Für die Berufspolitiker der großen Koalition in Berlin gibt es offenkundig gravierendere Probleme. Ihnen missfällt es seit Jahren, dass sie dank dem Internet und den sozialen Medien direkten Kontakt mit der Bevölkerung haben, den sie zudem nicht steuern können. Um diese basisdemokratische Teilhabe einzuschränken, zu zensieren und zu kontrollieren, sprechen die Politiker gefühlt seit Monaten nur noch über Hate Speech und die sprachlichen Gemeinheiten, die sie zu ertragen haben. Als Nebenwirkung des geplanten Gesetzes drohen nicht nur weitere Eingriffe in die Meinungsfreiheit und Datenschutzbestimmungen, sondern auch die Zerstörung der Justiz.

Auch am Donnerstag schreckten die Altparteien im Bundestag nicht davor zurück, den Hanauer Amoklauf eines Psychopathen bis über den Schambereich politisch zu instrumentalisieren. Dazu kreierte die politische Elite einen neuen Kriminalitätsbereich, der sogleich durch die Komplizenschaft der Medien enorm aufgeblasen wurde. Der vorgelegte Gesetzesvorstoß gegen Hasskriminalität wirkt, als ob Merkel, Maas und Co. das Land in die Gefälligkeitsblase der alten Bonner Republik zurückversetzen wollen.

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Eine Zuspitzung und selbst eine Überspitzung von Sachverhalten oder Meinungen über politisch aktive Personen und Organisationen gehören zu einer aktiven politischen Debatte dazu. Wer dies nicht bereit ist zu akzeptieren, dem sei ein anderer Job angeraten. Doch zweifellos endet der politische Diskurs da, wo die Strafgesetze beginnen. Im deutschen Strafgesetzbuch (StGB) existiert jedoch bereits ein ganzes Dutzend von Strafgesetzen, die über die Debattenkultur im Land wachen. Nachfolgend seien nur einige Paragraphen aufgezählt: §185 Beleidigung, §186 Üble Nachrede, §187 Verleumdung, §188 Üble Nachrede und Verleumdung gegen Personen des politischen Lebens, §189 Verunglimpfung des Andenkens Verstorbener, §130 Volksverhetzung, §131 Gewaltdarstellung, §140 Belohnung und Billigung von Straftaten, §153 Falsche uneidliche Aussage, §164 Falsche Verdächtigung und §166 Beschimpfung von Bekenntnissen, Religionsgesellschaften und Weltanschauungsvereinigungen.

Wenn ein juristischer Bereich in Deutschland als vollkommen reguliert anzusehen ist, dann liegt dies, wie belegt, im Bereich der Meinungsstraftaten vor. Entschuldigung, hier habe ich mir einen Freudschen Versprecher geleistet – Meinungen will die Bundesregierung laut Selbstauskunft zukünftig nicht per se kriminalisieren, also bis auf die falschen Meinungen, die natürlich schon. Wie die vom antifaschistischen Kampf Beseelten die gesamte Republik unaufhörlich wissen lassen, ist das Gesetz zur Hasskriminalität auf rechtsextreme Hetze im Netz maßgeschneidert. Nur wird bekanntlich im Mainstream nicht zwischen einer legitimen rechten Meinung und rechtsextremen Äußerungen unterschieden, und so fragt sich der interessierte Bürger, ab welcher Definition die staatliche Strafverfolgung nun eigentlich einsetzt. Bereits bei dem Gebrauch von Begriffen wie »Grenzöffnungen«, »Bevölkerungsaustausch«, »#NichtMeineKanzlerin«, oder erst ab »Volksverräterin Merkel« und dergleichen? Bei Experten macht längst das böse Wort einer »Gesinnungsjustiz« die Runde.

Dass die Bundesregierung ihre Untertanen so im Ungewissen lässt, wirkt wie beabsichtigt. Durch die unklare Rechtslage wird sowohl die Unsicherheit als auch die Einschüchterung von Millionen Bürgern dieses Landes befeuert. Der Souverän soll so zur absoluten Regierungskonformität umerzogen werden.

Die Stasi-Schergen der SED, die nun Unterschlupf bei den Linken gefunden haben, werden aufgrund dieser perfiden Genialität der Merkel-Regierung sicherlich vor Neid platzen. Zudem fragt sich der Bürger dieses Landes, wie es sich denn mit islamistischer Hetze gegen Ungläubige, Frauen, Juden und Christen verhält. Dazu konnte noch kein aktueller Beitrag eines Ministers vernommen werden. Genauso verhält es sich bei dem linksextremen Hass gegen politisch Andersdenkende und deren mannigfachen Gewaltandrohungen. Erinnert sei an die Tötungsphantasien einer Teilnehmerin auf der Strategiekonferenz der Linkspartei in Kassel, auf der sie darüber fabulierte, nach der linken Machtergreifung ein Prozent der Reichen im Land zu erschießen. Empörung bei Merkel? Empörung im Mainstream? Fehlanzeige!

Die Zerstörung der Justiz

Das sogenannte Gesetz zur Hasskriminalität wird den bereits erodierten Rechtsstaat weiter aushöhlen und birgt zudem das Potential, das gesamte Justizsystem zu überfordern. Der Deutsche Richterbund schlägt laut Alarm. Dieser rechnet mit bis zu 150 000 neuen Verfahren pro Jahr. In der Masse werden diese Delikte zuerst auf den Schreibtischen der Kriminalpolizei landen. Doch diese sei in den vergangenen Jahren »regelrecht kaputt gemacht« worden, klagt der Chef des Bundes Deutscher Kriminalbeamter, Peter Meißner, an.

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Anstatt die Bürger vor der Kriminalität zu schützen, zwingt die Politik die Kripo, gegen die Bürger vorzugehen, die sich angesichts der Verbrechenslawine im Zuge der Grenzöffnungen im Ton vergriffen haben. Die polizeiliche Gesinnungsschnüffelei scheint ausdrücklich von den Herrschenden beabsichtigt zu sein. Um die nahende Prozesslawine gegen wütende Bürger bewerkstelligen zu können, werden 800 zusätzliche Staatsanwälte und Richter benötigt. Doch diese Planstellen verspricht die Politik der Justiz bereits seit Jahren, ohne dass es zu einer nachhaltigen Aufstockung gekommen ist.

So ist abzusehen, dass Richter demnächst, anstatt Vergewaltiger und kriminelle Asylbewerber abzuurteilen, auf regierungskritische Bürger angesetzt werden. Und dies in einer Zeit, in der durch überlastete Gerichte reihenweise Schwerverbrecher aus dem Gefängnis marschieren.

Trotz der vielfachen Kritik an der Gesetzesvorlage ist zu befürchten, dass das Gesetz durch die Bundesregierung in Kraft treten wird. Auch der Bundesdatenschutzbeauftrage Ulrich Kelber äußerte erhebliche Bedenken, indem er über »gravierende Eingriffe in die Grundrechte« sprach. Besonders die Pläne der Bundesregierung, Facebook, Twitter etc. zu zwingen, die Passwörter und Zugangsdaten im Verdachtsfall den Behörden mitzuteilen, ordnet der Bundesdatenschutzbeauftrage in die Nähe einer Grundgesetzwidrigkeit ein.

Über strafbare Inhalte im Netz urteilt somit nicht mehr das Gericht, sondern die Bundesregierung und Facebook, welche zudem offen mit extrem linken Organisationen wie Correctiv zusammenarbeiten.

Das geplante Gesetz wirkt wie ein Generalangriff auf die Gewaltenteilung und Rechtsstaatlichkeit. Facebook und Co. sollen mit einer Meldepflicht aller in Frage kommenden Kommentare mit immensen Bußgeldern genötigt werden. Der Twitter-Nutzer Hendrik Wieduwilt schreibt dazu:µ

»Gegen die Meldepflicht im #NetzDG war die Vorratsdatenspeicherung ein Kindergeburtstag …«.

Auch der Vorsitzende vom Deutschen Journalisten-Verband (DJV), Frank Überall, befürchtet schwerwiegende Grundrechtsbeschneidungen und einen umfassenden Zugriff auf Kommunikationsgeräte und Datenspeicher von Journalisten.

Eines wird bei der Begutachtung der Vorgänge deutlich. Der Rechtsstaat wird angegriffen. Nicht von rechts, auch nicht von links, sondern durch die Bundesregierung.

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Samstag, 07.03.2020

lundi, 02 mars 2020

"Quelles réponses à la guerre du droit?"

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"Quelles réponses à la guerre du droit?"

par Me Olivier de Maison Rouge

 
Intervention de Me Olivier de Maison Rouge lors de la table ronde "Le droit, arme de puissance économique ?" organisée par le Cercle Droit & Liberté le 12 février 2020 à la Maison des Mines (75005 Paris).
 
Olivier de Maison Rouge est avocat d’affaires et docteur en droit. Il a également mené des études de sciences politiques et est spécialiste du droit de l’intelligence économique. Il a enseigné auprès de divers écoles et universités dont l'Ecole de Guerre Economique. Il est aussi l'auteur de nombreux articles et ouvrages sur la guerre économique dont "Penser la guerre économique : Bréviaire stratégique" paru chez VA Presses en 2018 et "Le droit du renseignement." Paru chez Lexis Nexis en 2016.
 

dimanche, 01 mars 2020

"Le droit américain, facteur de déstabilisation au Moyen-Orient" par Me Ardavan Amir-Aslani

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"Le droit américain, facteur de déstabilisation au Moyen-Orient" par Me Ardavan Amir-Aslani

 
Intervention de Me Ardavan Amir-Aslani lors de la table ronde "Le droit, arme de puissance économique ?" organisée par le Cercle Droit & Liberté le 12 février 2020 à la Maison des Mines (75005 Paris).
 
Ardavan Amir-Aslani est avocat franco-iranien et fondateur du cabinet Cohen Amir-Aslani. Il dispose d’une forte expertise en matière de réflexion stratégique et de direction de contentieux à l’échelle internationale notamment pour faits de corruption d’agents publics. Il est Chevalier de la légion d'honneur et est également essayiste et spécialiste de la géopolitique du Moyen-Orient. Il est l’auteur de nombreux ouvrages portant sur les relations internationales et notamment « Faire des affaires avec l’Iran » aux éditions Eyrolles.
 

vendredi, 21 février 2020

Les juges contre la démocratie...

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Les juges contre la démocratie...

Entretien avec Anne-Marie Le Pourhiet 
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Anne-Marie Le Pourhiet, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la montée en puissance des pouvoirs juridictionnels face à la souveraineté des États et à l’auto-détermination de leurs peuples. Anne-Marie Le Pourhiet est professeur de droit public à l’université Rennes-I et vice-président de l’Association française de droit constitutionnel.

Salvini devant les tribunaux: les juges contre la démocratie?

FIGAROVOX.- Le Sénat italien, à la suite d’une demande d’un tribunal de Catane, a décidé de renvoyer en justice Matteo Salvini pour séquestration de migrants, celui-ci ayant bloqué un bateau de migrants au large de la Sicile lorsqu’il était ministre de l’intérieur. De telles mesures visant à limiter l’immigration clandestine sont pourtant soutenues par une majorité des Italiens. Cette décision révèle-t-elle un retournement du droit contre la volonté générale?

Anne-Marie LE POURHIET: C’est beaucoup dire. S’il s’agissait d’un contentieux administratif tendant à faire admettre la responsabilité de l’État italien pour faute résultant de la violation du droit international humanitaire ou des normes européennes, on pourrait parler de conflit entre la démocratie et le droit. Mais ici, il s’agit de poursuites pénales visant la personne d’un ex-ministre de l’intérieur (et vice-président du Conseil) engagées sur le fondement du Code pénal italien pour «abus de pouvoir et séquestration de personnes», ce qui est pour le moins fantaisiste. C’est d’autant plus étonnant qu’un décret-loi (équivalent des ordonnances françaises) adopté en juin 2019 par le gouvernement Conte avait justement renforcé les pouvoirs du ministre de l’intérieur pour refuser l’entrée des navires de migrants dans les ports italiens. Ce n’est pas la première ni la dernière procédure de ce type engagée par des procureurs siciliens contre Matteo Salvini. Ce qui change c’est qu’à la faveur du renversement de coalition politique opéré l’été dernier, le Sénat a, cette fois, levé l’immunité, dans un revirement parfaitement cocasse digne de la commedia dell’arte où l’on voit les parlementaires «Cinq étoiles» voter exactement en février le contraire de ce qu’ils avaient voté en mars pour lâcher aujourd’hui le vice-président du gouvernement qu’ils soutenaient hier.

Nous sommes davantage ici face à un phénomène de procureurs militants qui opèrent sur fond de querelles politiciennes incohérentes. On ne sait pas non plus s’il y a des ONG derrière les poursuites pénales du parquet de Catane, mais c’est assez probable, sachant que Salvini est évidemment la bête noire des militants pro-migrants.

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Ces pressions sont-elles particulièrement fortes sur la question migratoire? On se souvient du Pacte de Marrakech qui présentait les migrations comme des «facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable». Plus récemment, un collège d’experts a remis à Emmanuel Macron et au gouvernement un rapport appelant à amender une politique migratoire jugée trop restrictive...

Il y a évidemment une pression idéologique très forte en Europe, dirigée contre le modèle wesphalien d’État-Nation et contre la protection qu’il suppose de la souveraineté et des frontières nationales. Les «valeurs» de l’Union européenne inscrites à l’article 2 du traité nous imposent la «tolérance», le respect des droits de l’homme «y compris des droits des personnes appartenant à des minorités» et surtout l’incontournable «non-discrimination» conçue comme une abolition de toutes les distinctions et hiérarchies, à commencer par celles qui séparent le national de l’étranger.

Le rapport du Parlement européen du 4 juillet 2018 invitant à ouvrir une procédure de sanction contre la Hongrie pour violation des «valeurs» de l’Union contient trois pages consacrés aux «Droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés» mettant en cause notamment le législateur hongrois qui ne serait pas suffisamment accueillant ni pour les migrants ni pour les ONG qui les soutiennent. Comme par hasard, juste deux jours après la publication du rapport Sargentini, le Conseil constitutionnel français censurait une disposition législative réprimant l’aide aux migrants illégaux au nom d’un principe de fraternité universelle sorti de nulle part mais ressemblant comme deux gouttes d’eau au sans-frontiérisme dominant dans les institutions européennes et dans les ONG qui les influencent.

Cette montée en puissance du pouvoir juridictionnel répond manifestement à une logique d’importation. D’où vient-elle historiquement?

Elle est avant tout d’origine anglo-saxonne car la common law fait depuis toujours la part belle à la jurisprudence alors que le droit romain imprègne davantage le droit continental. Mais c’est évidemment la construction européenne qui est devenue l’élément moteur de ce gouvernement des juges puisque c’est sur leur servilité que repose entièrement le système de primauté des normes européennes sur le droit national. Or ces normes européennes véhiculent justement le modèle multiculturel nord-américain hyper-individualiste. C’est pour cela que la Hongrie et la Pologne, en particulier, sont dans le collimateur de l’Union au sujet du statut et de la composition de leurs tribunaux supérieurs. La commission européenne redoute que les pouvoirs polonais ou hongrois ne désignent des juges peu favorables aux normes européennes.

Pire, ce sont les constitutions mêmes de ces États, c’est-à-dire leurs lois fondamentales souveraines qui sont critiquées et accusées de ne pas correspondre aux «valeurs» de l’Union. Le rapport Sargentini reproche ainsi à la Constitution hongroise de retenir, entre autres abominations, une «conception obsolète de la famille». De son côté, la France a eu le droit, en 2008, à un rapport hallucinant de l’«experte indépendante» du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Mme Gay McDougall, clouant au pilori le modèle républicain français jugé insuffisamment favorable aux droits des minorités et nous enjoignant de modifier la Constitution ou au moins son interprétation! La souveraineté des États et l’auto-détermination de leurs peuples n’existent plus pour les ONG et les institutions supranationales qu’elles manipulent.

En quoi cette évolution s’inscrit-elle à rebours du modèle historique français?

En France, la Révolution française, dans la continuité des monarques de l’Ancien régime, a fermement interdit aux juges de s’immiscer dans l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif. Le juge, chez nous, doit être la simple «bouche de la loi», elle-même votée par les citoyens ou leurs représentants, qui l’applique fidèlement et objectivement dans les litiges. La loi des 16 et 27 août 1790 dispose: «Les tribunaux ne pourront ni directement, ni indirectement, prendre part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture». Il s’agissait, bien entendu, d’empêcher des cours aristocratiques, réputées réactionnaires, de s’opposer à l’application de la loi «expression de la volonté générale» dans un nouveau régime qui se voulait démocratique. Le Code pénal de 1810 punit même de la dégradation civique le magistrat qui aura suspendu l’exécution d’une loi.

Quand on voit aujourd’hui nos juges, nationaux comme européens, passer leur temps à écarter les lois françaises au motif que leur application porterait, selon leur appréciation toute subjective, une atteinte disproportionnée aux «droits» individuels, notamment ceux des migrants, on mesure l’inversion vertigineuse accomplie depuis le XVIIIe siècle. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, ce gouvernement des juges est aux antipodes de la notion d’État de droit telle qu’elle a été conçue par les juristes allemands du XIXe siècle qui voulaient, au contraire, éliminer l’arbitraire des juges et des fonctionnaires.

Anne-Marie Le Pourhiet, propos recueillis par Joachim Imad (Figaro Vox, 14 février 2020)

mercredi, 19 février 2020

L’ordre public à l’abandon

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L’ordre public à l’abandon

Régis de Castelnau

Interview donnée au site Atlantico. Que l’on peut retrouver directement sur leur site.

RENONCEMENT COUPABLE

Dissolution de l’ordre public : le vrai procès du siècle que les Français devraient intenter à l’Etat.

Atlantico.fr : Un agriculteur de la Marne, Jean-Louis Leroux, a été mis en examen pour tentative d’homicide involontaire après avoir tiré sur un homme qui tentait de lui voler du carburant dans son exploitation. S’il a été libéré ce jeudi, le cas de l’exploitant agricole est un exemple type du renoncement de l’Etat en matière d’ordre public : son exploitation avait déjà fait l’objet d’une quarantaine de vols et, bien qu’il ait porté plainte une trentaine de fois, absolument rien n’avait été fait. 

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Jean-Louis Leroux, un homme juste et simple, face à une canaille magistrate sans foi ni bon sens: cet homme est désormais le symbole d'une humanité normale face à des élites dévoyées. Il faudra que justice lui soit rendue un jour, au prix le plus fort.

Le cas de Jean-Louis Leroux est à ajouter à une longue liste de cas similaires. Dans la Marne, lors d’une marche organisée en son soutien, les agriculteurs ont dénoncé « l’abandon des territoires ruraux ». Quartiers perdus de la République, campagnes… quelles sont ces catégories de la population oubliées par l’Etat et quels sont les délits que l’Etat juge « si peu importants » (exemples concrets) ? 

Régis de Castelnau : Le cas de Jean-Louis Leroux est absolument exemplaire. Le nombre de vols dont il avait été victime et le nombre de plaintes qu’il avait déposées en vain démontrent le retrait de l’État et son impossibilité désormais à assurerla sécurité des citoyens, ou au moins essayer de le faire. Rappelons qu’en France, à la différence des États-Unis par exemple, le fait de posséder des armes est interdit aux particuliers et c’est un monopole de l’État, chargé de maintenir l’ordre et la sécurité dans la société civile. Et c’est bien cette mission qui est la contrepartie de cette interdiction. Le problème est qu’aujourd’hui, et il faut le dire nettement l’État a abandonné la France périphérique et en particulier les territoires ruraux à une délinquance prédatrice qui met les habitants en rage et peut les amener pour pallier l’impuissance affichée de l’État à recourir à l’autodéfense. Et il n’y a pas beaucoup d’arguments à opposer à une population qui ne veut pas d’une violence incontrôlée mais qui ne supporte plus d’être ainsi abandonnée. Il y a des centaines d’exemples de cette dégradation de la vie civique dans les petites villes et dans les campagnes. La nouveauté depuis une quinzaine d’années, c’est l’arrivée de gangs étrangers organisés et qui se livrent à une véritable prédation sur les territoires qu’ils occupent. C’est l’exemple extraordinaire des associations caritatives dont certains de ces groupes ont pris le contrôle ! Les associations Emmaus par exemple, dans l’ouest elles sont contrôlées par des réseaux tchétchènes qui récupèrent la partie lucrative des dons pour mettre alimenter les trafics dans leur pays d’origine. Ce sont les Roms souvent mandatés par des ferrailleurs qui récupèrent tous les métaux possibles allant jusqu’à profaner les cimetières pour y récupérer les croix métalliques ou couper les fils de téléphone pour récupérer le cuivre. Il y a aussi chose extraordinaire, le vol de bétail dans les champs ou carrément du matériel agricole lourd qui prend ensuite le chemin des Balkans. Les compagnies d’assurances ne suivent plus, et les gendarmes faute de moyens n’interviennent même plus. Le pire étant qu’en général les auteurs des forfaits sont connus mais que dans le souci d’éviter des troubles sociaux, les forces de l’ordre vont se garder d’intervenir.

La question des « quartiers perdus de la république » est une peu différente, la faillite du système d’assimilation à la française, a concentré dans les banlieues anciennement rouges des populations dont la majorité n’a aucune perspective d’intégration. L’État s’est retiré de ces territoires et la nature ayant horreur du vide en a laissé l’organisation à l’alliance entre la pègre et les barbus, le tout avec des administrations municipales qui pour se reproduire se vautrent très souvent dans un clientélisme qu’on n’imagine pas. Aucune tendance politique n’est épargnée et aujourd’hui en Seine-Saint-Denis le parti de Christoph Lagarde en fait une splendide démonstration.

Atlantico.fr : Comment expliquer ce renoncement total de l’Etat en matière d’ordre public ? Quelles en sont les causes ? Est-ce dû à de trop lourdes préoccupations budgétaires où est-ce également le fait d’une vision idéologique de la politique pénale ou de la répression différenciée selon les profils de délinquants ou criminels ? 

Régis de Castelnau : C’est d’abord une question de moyens, et clairement l’inspection générale des finances de Bercy s’opposera à toute allocation de ressources supplémentaires aux forces policières chargé de l’ordre républicain sur le territoire et surtout chargé de prévenir et de lutter contre la délinquance qui pourrit la vie des citoyens : violence, vols, cambriolages, agressions gratuites, toute cette violence de tous les jours dont les statistiques nous ont montré l’explosion.

C’est exactement la même chose avec le service public de la justice. Je recommande la lecture du livre remarquable d’Olivia Dufour «Justice, une faillite française » remarquable diagnostic et réquisitoire contre cet État refusant pour des raisons budgétaires de doter la France d’une Justice digne de ce nom. Alors, face à ce manque de moyens, tant des forces de l’ordre que de l’appareil judiciaire, un certain nombre de comportements on finit par être adoptés. Il y a tout d’abord une forme de consensus entre les forces de police et les parquets pour laisser impunie toute une délinquance que l’on va qualifier « de tous les jours », délinquance qui a quand même un impact considérable sur la population. On trouve ainsi banal qu’à diverses occasions des milliers de voitures, qui sont celles des pauvres, soient incendiées. Il n’y a jamais ni recherche des auteurs (en général bien connus des forces de police) et une volonté de minorer le phénomène de la part des pouvoirs publics. Pareil pour les cambriolages, les vols avec ou sans violence, les agressions gratuites etc. Il faut savoir qu’il y a en France 1 million et demi d’infractions avec auteurs connus par an qui ne sont pas poursuivies ! Concernant la répression pénale deux facteurs rendent celle-ci impuissante. Tout d’abord énormément de décisions ne reçoivent aucune exécution, faute de moyens, c’est-à-dire de magistrats chargés de les prendre en charge, et de moyens techniques (nombre de places de prison, éducateurs, juges de l’application des peines), ce qui fait que des gens ayant parfois jusqu’à 20 condamnations sur leurs casiers judiciaires n’ont jamais fait une minute de détention. La valeur dissuasive de cette répression n’existe pas. Mais il y a aussi une part d’idéologie, ou évidemment la culture de l’excuse est très prégnante et aboutit à un « à quoi bon » tout à fait démobilisateur. Il y a une perception justifiée que la répression s’abat sur des populations déjà défavorisées ou marginales, alors beaucoup pensent que ce n’est pas la peine d’en rajouter. Paradoxalement, l’incroyable répression dont ont été l’objet les gilets jaunes et le mouvement social le démontre aussi. Dès lors qu’ils se sont trouvés en face des couches populaires et non plus des populations marginales, des magistrats ont eu la main particulièrement lourde. Ce qui démontre que le « laxisme » qui existe lorsqu’on examine les conséquences de la répression n’est pas une fatalité, mais relève bien un choix politique.En tout cas, il n’est pas excessif de dire que cette délinquance a été aujourd’hui en partie dépénalisée. Ce qui pour les « honnêtes gens » est quelque chose d’insupportable quand ils y sont confrontés. Il y a également un domaine où les magistrats ont la main particulièrement lourde comme le démontre l’affaire Leroux. Terrorisé par les risques de basculement dans l’autodéfense et la violence arbitraire qui l’accompagnerait, les tribunaux condamnent lourdement toutes les velléités de légitime défense. Suscitant d’ailleurs une incompréhension et une rage de très mauvais augure.

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Atlantico.fr : Comment remédier à cette situation ? Comment éviter que l’ordre public ne se dissolve davantage ? 

Régis de Castelnau : Je pourrais vous répondre lapidairement, « en débarrassant la France de ce gouvernement et de ce président qui n’ont qu’une obsession : démanteler les services publics y compris des grands services publics administratifs régaliens que sont la police et la Justice ». Lorsque l’on voit les réformes d’organisation et de procédure judiciaires adoptées au printemps dernier, la volonté d’Emmanuel Macron apparaît clairement. Rendre plus difficile, plus compliqué, plus cher l’accès à la justice en espérant tarir la source des contentieux. C’est exactement ce qui s’est passé avec les ordonnances travail où le recours aux prud’hommes a été à ce point compliqué, que le nombre d’affaires dont ces juridictions sont saisies s’est complètement effondré.

Donc pour remédier à la situation décrite, et revenir à un ordre républicain qui n’est plus aujourd’hui assuré, il n’y a qu’une solution : redonner à la police et à la justice les moyens d’exercer leurs missions.

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mardi, 18 février 2020

La répression pénale s’introduit à l’intérieur de la conscience

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La répression pénale s’introduit à l’intérieur de la conscience

Par Raoul de Bourges 

71wNj1C-eaL.jpgJosé Ortega y Gasset affirmait que se proclamer de droite ou de gauche, c’était accuser dans l’un et l’autre cas une hémiplégie morale. Nulle possibilité que François Sureau tombât dans une quelconque infirmité. Il se campe de longue date en défenseur de la liberté, de toutes les libertés publiques. C’est le rôle impérieux qu’il s’arroge, une fois encore, avec la rigueur du juriste et la verve de l’avocat et écrivain qu’il est, dans son opuscule Sans la liberté publié en septembre 2019 aux Tracts Gallimard.

Notre fiévreux Don Quichotte n’aime rien moins que les lois liberticides : lois mémorielles, attributions aux magistrats du parquet de faire le tri entre les bons et les mauvais manifestants, loi organisant la répression des fausses nouvelles, loi imposant l’immatriculation des vélos. Il déteste qu’on touche aux symboles et le vélo est une sorte de citadelle qui, si elle cède, s’ajoutera à la longue liste des libertés envolées. Ainsi en est-il encore de la loi Avia qui doit être promulguée et qui « introduit désormais la répression pénale à l’intérieur de la conscience ». Cette loi se fixe comme objet de lutter contre les propos haineux sur Internet, ce que Sureau fustige évidemment : « Si l’on revient un instant aux "discours de haine" que la loi se propose désormais de faire réprimer par les sociétés privées qui les diffusent, et qui suscitent en effet le dégoût ou la révolte, il me semble qu’il est erroné de penser qu’une simple loi, par l’effet de son édiction, pourra réduire un phénomène qui résulte de mécanismes sociaux et humains complexes […] A l’heure où les gouvernements sont bien obligés d’avouer leur impuissance face aux dérèglements de l’environnement ou à la mondialisation des échanges […] Hantés par la crainte d’une violence sociale à la fois générale et diffuse, nous cherchons à recréer une forme de civilité par la répression. C’est une voie sans issue. » L’affirmation peut surprendre à l’heure où l’on ne voit pas comment, sans un retour à plus d’autorité et un rappel aux devoirs de chacun, on pourrait parvenir à restaurer la concorde sociale. Mais Sureau demeure inflexible en stipulant que l’Etat de droit, dans ses principes et ses organes, a été conçu pour que ni les désirs du gouvernement ni les craintes de peuples n’emportent sur leur passage les fondements de l’ordre politique, et d’abord la liberté : « C’est cette conception même que, de propagande sécuritaire en renoncements parlementaires, nous voyons depuis vingt ans s’effacer de nos mémoires sans que personne ou presque ne semble s’en affliger. » Ainsi prédit-il que la loi Avia nous ouvrira un horizon chinois, où l’Etat et les opérateurs, par une incessante coopération électronique, pourront rejeter un citoyen « vers les ténèbres extérieures de la mort sociale ». L’Etat orwellien dont le comportement est rarement un modèle, qu’il s’agisse de légalité ou d’honneur -pensons au débranchement de Vincent Lambert, honte absolue dont s’est couvert l’Etat qui aurait dû le sauver plutôt que de le sacrifier-, impose une tutelle toujours plus forte à laquelle le citoyen n’a pas d’autre choix que de s’y soumettre.

Si l’édifice des droits se lézarde, il ne faut pas se méprendre quant à l’intention de notre auteur. Il n’est nullement question pour lui de défendre la surenchère des droits qui embouteillent nos démocraties : « Le citoyen se pense moins comme citoyen que comme individu, réclamant des droits pour lui et des supplices pour les autres, prêt à ce que la liberté de tous s’efface pour peu qu’on paraisse lui garantir la sienne, sous la forme d’une pleine capacité de jouissance des objets variés qu’il aime. Bernanos écrit que la liberté des autres lui est aussi nécessaire que la sienne. Cette idée n’est plus si communément partagée. Les gouvernements n’ont pas changé. C’est le citoyen qui a disparu. » L’individu est devenu tout à fait solitaire, libre mais seul. Doté de droits quasi illimités, mais désespérément seul. Se pose dés lors la question de savoir à quelles appartenances il pourrait se rattacher. Au culte de la nature ? A celui du Dieu des catholiques qui longtemps prévalut en nos vieilles terres chrétiennes ? Sureau ne le dira pas, mais le libéralisme libertaire, cette version dévoyée de la liberté, a engendré deux monstres : le monstre du contrôle social et la société liquide de l’individu anomique sans racines et sans espérance.

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Impuissants à organiser leurs polices, depuis vingt ans, les gouvernements restreignent drastiquement les libertés pour conserver les faveurs du public et s’assurer de son vote, « nous éloignant chaque année un peu plus des mœurs d’une démocratie ». Or, la liberté est un bien très précieux sans laquelle il n’y a pas de société politique. La prééminence de l’égalité -de l’égalitarisme- comme pierre angulaire de l’action politique moderne est à cet égard préoccupante par le déséquilibre qu’elle engendre au sein même de nos valeurs fondatrices.

Ni de droite ni de gauche, disions-nous, l’avocat des libertés renvoie toutes les obédiences dos à dos : « La gauche a abandonné la liberté comme projet. La droite a abandonné la liberté comme tradition, comme élément central d’une tradition nationale au sens d’Edmund Burke. Le premier camp réclame des droits "sociétaux" comme on dit aujourd’hui, dans un long bêlement progressiste, le deuxième réclame des devoirs dans un grand bêlement sécuritaire. » Citant René Girard et son inspiré désir mimétique, Sureau déplore que nous nous exprimions avec les mots de nos maîtres, cependant que ces maîtres ne se survivent que dans leur docilité à nos passions : « Et quand bien même nous serions devenus incapables de former à nouveau le projet politique de la liberté, nous devrions encore préférer la simple licence, la pulvérisation de l’idée de liberté en cent images irréconciliables, sa diffusion en mille comportements opposés, plutôt que ce que l’ordre social nous promet : la dictature de l’opinion commune indéfiniment portée par les puissances nouvelles de ce temps, et trouvant un renfort inattendu dans le désir des agents d’un l’Etat discrédité de se rendre à nouveau utiles au service d’une cause cette fois enfin communément partagée -celle de la servitude volontaire. »

jeudi, 06 février 2020

Le droit naturel de Michel Villey

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Le droit naturel de Michel Villey

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Historien et Philosophe du droit, Michel Villey fut sans aucun doute le premier contributeur du renouveau de la philosophie du droit française. Philosophe du droit naturel, Villey part du constat simple et manifeste de l’insuffisance de la doctrine des droits de l’homme pour la protection effective de ces derniers et cherche ainsi à expliquer et résoudre ce décalage entre l’idéal et la réalité. Il développe pour ce faire une pensée inspirée de deux axes principaux de réflexion : la critique de la légitimité et de l’utilité du discours juridique contemporain par le biais de la philosophie d’une part, la mise en question de l’incontournabilité de ce discours par le biais de l’histoire d’autre part. De cette pensée vaste et séduisante, nous retiendrons la conclusion suivante : le droit, avant tout considéré comme le produit d’une ontologie, n’est autre que le juste partage des choses.

1. Le droit comme produit d’une ontologie

Pour Villey l’ontologie et la pensée juridique sont intrinsèquement liées. Les différences entre les conceptions moderne et ancienne du droit trouvent leur source dans la différence entre les conceptions moderne et ancienne du monde, de la société et de l’homme. Il nous faut dès lors dépeindre à gros traits, à la suite de Norbert Campagna1, ces différences fondamentales opposant le monde des « Anciens » au monde des « Modernes ». C’est qu’en effet, le droit des « Anciens » est le résultat d’une vision du monde à la fois particulière et radicalement opposée à celle des « Modernes ».

villey.jpgAu centre de ce monde, se trouvent les rapports. Ces rapports sont directement constitutifs de la nature des êtres, ils priment sur l’individu et lui confère une identité spécifique, sans laquelle il n’en aurait aucune. L’humanité se constitue uniquement dans le cadre de ces rapports naturels avec les autres hommes, du reste parfaitement indépendants de la volonté humaine en ce qu’ils découlent directement de la nature. Ce monde est également un monde d’inégalités. Les « Anciens » ne connaissent pas l’homme un et unique, toujours et partout égal à lui-même, mais partent de l’idée qu’il y a des hommes entre lesquels existent des inégalités aussi naturelles que les rapports dans lesquels elles s’inscrivent et qui les sous-tendent. Ce monde est enfin un monde finalisé, un monde dont toutes les parties sont ordonnées vers des fins, des buts, des états qui constituent la pleine réalisation de toutes leurs potentialités. Chaque être inachevé n’est pas clos sur lui-même mais tend sans cesse vers son achèvement en ce qu’il est toujours ce qu’il est par rapport à d’autres êtres différents de lui et avec lesquels il constitue un univers.

Ce monde de rapports, ce monde inégalitaire et finalisé, s’oppose ainsi brutalement au monde des « Modernes », monde d’individus égaux et sans finalité. Le monde des « Modernes » est en effet caractérisé par l’existence unique des individus dont les rapports entre eux n’ont aucune espèce de réalité en dehors de la volonté humaine. Ce sont les individus qui donnent leur identité aux rapports et non les rapports qui constituent l’identité des individus. Ces individus sont par ailleurs, parfaitement égaux. Il existe en effet chez les « Modernes », selon Norbert Campagna, une « démocratie ontologique » : tous les individus sont égaux entre eux. Ce monde est enfin caractérisé par son absence de finalité, les choses ne pointent plus vers un au-delà d’elles-mêmes qui serait en quelque sorte leur vérité et dont la connaissance serait un préalable nécéssaire à leur compréhension.

C’est de cette opposition fondamentale que résultent selon Michel Villey, les différences entre les conceptions moderne et ancienne du droit. Or, sans souhaiter le retour des solutions des jurisconsultes romains, Villey observe que seule la conception ancienne du Droit offre une manière efficace de résoudre les litiges et de ramener l’ordre dans la société, en ce qu’elle seule retient une définition aristotélicienne du Droit : le rapport juste à chacun.

2. Le droit comme rapport juste

En effet, de ce monde ancien dont nous avons exposé les principales caractéristiques, résulte une définition particulière du droit, celle du droit comme rapport juste. Dire le droit, c’est dire ce que l’on pense être le contenu du rapport juste entre deux êtres et une chose qu’ils conçoivent tous les deux. Ce rapport, comme tous les autres chez les « Anciens », n’est pas le résultat d’une quelconque volonté mais découle directement de la nature. Le juge ne réalise ainsi sa tâche que s’il permet aux rapports humains de se rapprocher du Droit, du rapport juste tel que déduit par les fins objectives des choses, « les seules à mériter ce nom parce que réelles, extramentales, seules à constituer des valeurs authentiquement objectives »2.

Cette conception du droit renvoie clairement à la définition de la justice particulière, opposée à la justice générale et proposée par Aristote dans le chapitre V de son ouvrage l’Ethique à Nicomaque. Cette définition propose en effet de qualifier d’homme juste, celui qui observe l’égalité, c’est à dire ce qui est dû à chacun. Partant, ni comportements, ni lois n’entrent ici en compte, le droit n’ordonne ni ne commande, le juge est celui qui connait et non celui qui exige. Selon Villey, seule cette définition du droit permet d’assurer un moyen efficace de résolution des conflits, en ce qu’à l’inverse de la définition de la justice générale imposant de faire tout ce que la loi morale prescrit dans l’intérêt de la préservation de l’ordre et reprise par les Modernes, seule cette définition permet de distinguer le droit de la morale et d’en faire un objet objectif, réellement extérieur à l’homme.

Se dessine ainsi le désir profond de Villey, à savoir le retour de la définition antique du droit s’opposant au remplacement d’une loi s’imposant du dehors des hommes par une loi que les hommes se donnent eux-mêmes et permettant partant, le passage d’un droit objectif aux droits subjectifs auxquels Villey est nettement opposé. Une telle conception du droit cantonnerait en effet celui-ci, dans un monde d’individus égaux et sans finalité, à un simple « effort pour instituer une égalité utopique », à un droit cherchant à imposer un idéal à la réalité naturelle, à savoir l’inégalité des hommes. Ce souhait ne doit toutefois pas être assimilé à un abandon de la lutte contre les inégalités, au contraire, Villey constate l’inefficacité du discours des droits de l’homme et fait brillamment remarquer que le meilleur moyen d’assurer l’égalité entre les hommes et de reconnaitre leur inégalité fondamentale et de compenser cette dernière par une inégalité de droit, résultat d’une juste proportion attribuée à chacun. « Pour être pleinement équitable tout droit devrait être proportionné aux particularités de chacun, même minimes et occasionnelles. Il arrive qu’un juge attribue un délai à un débiteur parce qu’il est malade ou qu’il vient de perdre sa femme… »3.

C’est ainsi que Michel Villey estime que l’on trouverait « un grand avantage à restaurer l’ancienne notion juridique de droit naturel, généralement incomprise parce que déformée, falsifiée, depuis le début des temps modernes par les moralistes et les sociologues. L’immense mérite de l’ancien droit naturel classique fut de déterminer la part qui revient à la loi (au droit « positif ») et celle qui revient pour l’invention des solutions du droit à l’observation de la nature, de la réalité sociale. »4

Comment lui donner tort ?


1 Norbert Campagna, Michel Villey : Le droit ou les droits ?, Michalon

2 Michel Villey, Philosophie du droit, Dalloz, page 194

3 Michel Villey, Le droit et les droits de l’homme, puf, page 98

4 Michel Villey, Philosophie du droit, Dalloz, page 221

mercredi, 05 février 2020

L’entreprise : être ou ne pas être un État souverain…

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L’entreprise : être ou ne pas être un État souverain…

par Valérie Bugault
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Le chemin du droit de l’entreprise : de la perte de souveraineté de l’État à la dictature universelle.

Une récente manifestation médiatique arrive à point nommé pour illustrer la réalité politique de la question juridique de l’entreprise.

Le droit de l’entreprise est au cœur de la souveraineté des États car il est le lieu privilégié où s’affrontent les forces économiques globalistes menées par les banquiers et les forces politiques légitimistes menées par les États. N’en déplaise aux esprits faux, la traduction de la souveraineté est éminemment juridique, aussi il n’existe pas de souveraineté politique sans souveraineté juridique. Dit autrement, la souveraineté politique passe de façon essentielle par la souveraineté juridique. Derrière tous les faux semblants et les jérémiades des actuels dirigeants économiques, qui contrôlent en réalité l’État français, est un principe général : « Dieu se rit des hommes – et des États – qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. » On ne peut dans le même temps à la fois jouer le jeu globaliste de ses adversaires, tout de droit anglo-saxon vêtu, et déplorer son propre asservissement, c’est-à-dire son impuissance et sa domination !

Qu’en est-il de la souveraineté juridique française ? Sa disparition est parfaitement illustrée par l’évolution juridique du droit de l’entreprise. De ce point de vue, la France, comme la plupart des pays du monde, a abandonné son pouvoir régalien de régulation au profit de la mise en œuvre réglementaire illimitée du pouvoir de ses créanciers – les banquiers globalistes. Concrètement, la France a abandonné sa capacité a générer une économie politique autonome – comprendre « non contrôlée par les banquiers globalistes » – lorsqu’elle a refusé au Général De Gaulle la mise en œuvre juridique de la souveraineté économique, qui passait par un renouveau du droit de l’entreprise.

Alors que l’oligarchie compradore française faisait politiquement « tomber », en 1969, le chef de la France Libre, pour ne pas avoir à mettre en œuvre le principe général de « l’entreprise participative », je fus moi-même en 2005 – de longues décennies plus tard – bannie du système universitaire pour avoir eu l’audace de proposer une réforme de l’entreprise qui lutte contre l’anonymat et la prédation financière en réimposant la notion de contrôle économique, lequel passe par le rétablissement de frontières juridiques (1). Ma propre théorie juridique de l’entreprise avait pour objet d’éviter et même d’interdire la généralisation de l’immixtion dans la gestion des entreprises par les banquiers fournisseurs de crédit, immixtion déplorée dans l’article sur Goldman Sachs ci-dessus mentionné. Par ce choix de l’éviction des intrusions bancaires, ma théorie de l’entreprise reprenait les fondamentaux de « l’entreprise participative ». Or, il faut comprendre que quarante ans durant, tous les efforts politiques avaient été consciencieusement fait pour effacer toute trace juridique de l’entreprise participative dans les enseignements universitaires ! Sans revenir sur cet épisode épique de ma propre vie, il convient d’insister sur les tenants et les aboutissants d’une conception strictement financière de l’entreprise qui nous vient des pays anglo-saxons. Car, in fine, l’immixtion des banquiers dans la gestion des entreprises, qui se manifeste notamment par des actions sur le choix des dirigeants, a pour corollaire une prise de pouvoir des banquiers globalistes sur l’intégralité de la vie économique d’un pays.

Le pouvoir hégémonique des banquiers sur l’entreprise et sur l’économie des pays a été – sans surprise – véhiculé par le droit anglo-saxon.

Si le droit « anglo-saxon » a pris le contrôle politique du monde, aussi bien au niveau des institutions internationales qu’à celui des institutions nationales, c’est parce qu’il est conçu, depuis 1531, comme un instrument des puissants pour asservir les populations. Le « droit anglo-saxon » n’est pas à strictement parler du « droit », il est un moyen d’asservir les masses.

Depuis que les puissances d’argent ont pris, en occident, le contrôle du phénomène politique, le « droit anglo-saxon » a naturellement été utilisé par ces dernières car il est le plus adapté à leur entreprise de domination. Utile à la domination des puissants contre les humbles, le « droit anglo-saxon » repose sur deux piliers essentiels :

Premièrement, le prétendu « droit » anglo-saxon n’est pas du « droit » à strictement parler car il ne cherche à établir de façon générale ni « justice », ni « intégrité », ni « vérité », il cherche simplement à assurer la domination de quelques-uns sur la majorité ;

Deuxièmement, le prétendu « droit » anglo-saxon s’est construit, depuis le XVIème siècle, conformément au « positivisme juridique », c’est-à-dire en opposition au droit continental traditionnel qui véhiculait le principe opposé de « droit naturel ». Le positivisme juridique est la liberté d’établir, sans limite qualitative et quantitative, autant de règles qu’il est utile aux puissants de le faire. Ce positivisme s’est peu à peu techniquement imposé en France et en Europe continentale à la faveur de deux phénomènes : d’une part, matériellement, par le système du « Parlement représentatif » et d’autre part, théoriquement, par la « théorie pure du droit » d’Hans Kelsen.

Pour en revenir à l’entreprise, son évolution juridique a suivie, en France, celle de l’inversion du rapport de force entre banquiers globalistes et État politique : elle a validé, au fil du temps, la domination irrémédiable des entreprises par les quelques actionnaires actifs, majoritaires en terme relatif et la plupart du temps minoritaires en terme absolu, souvent réellement anonymes.

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Cette prise de pouvoir actionnarial et financier sur l’entreprise s’est brutalement accélérée lors de la mise en œuvre en France et dans le monde de la théorie dite de l’Agence, laquelle a notamment – parmi beaucoup d’autres vilenies – justifié l’introduction en France des stock-options, transformant les dirigeants des grandes entreprises en serviteurs dociles des intérêts patrimoniaux dominants.

Faisant fi de la tradition française, conforme au droit continental, de l’entreprise, le législateur a fini par rejeter la conception institutionnelle de l’entreprise, pour désormais considérer cette dernière comme un « nœud gordien », un simple enchevêtrement contractuel, dans lequel les plus forts sont toujours les « meilleurs ». Dire que l’entreprise est une institution signifie que l’entreprise, en tant qu’institution juridique, a une fonction politique d’organisation sociale qui relève de l’intérêt commun ; dire que l’entreprise est le simple siège d’un nœud contractuel, a pour effet juridique de livrer cette dernière aux contractants les plus forts, lesquels sont les principaux propriétaires de capitaux.

C’est ainsi que fut bannie du paysage juridique français l’entreprise participative en 1969 et ma propre théorie de l’entreprise en 2005.

Les enjeux politiques de ces bannissements successifs sont les suivants : l’entreprise ne doit en aucun cas échapper aux dominants économiques pour bénéficier à la collectivité, elle doit rester sous le complète dépendance des fournisseurs de crédits, ces derniers ayant pour objectif avoué la prise de contrôle politique totale et l’établissement d’un gouvernement mondial.

J’ai longuement décrit (2) comment l’entreprise avait dégénéré – au niveau mondial – en concept congloméral et comment ces conglomérats étaient aujourd’hui considérés comme des institutions qui soumettaient les États ; ces derniers étant aujourd’hui internationalement ravalés au rang de simple acteur économique non dominant, c’est-à-dire soumis.

Or précisément, l’entreprise participative, tout comme ma propre théorie de l’entreprise, en tant qu’elles sont les héritières du droit continental traditionnel, permettraient de s’opposer à cette domination capitalistique mondiale. Malheureusement en France les instances décisionnaires, politiques, universitaires et juridiques (qu’elles soient ou non fonctionnaires), sont soumises à la domination des principaux détenteurs de capitaux ; elles ont, par esprit de cour ou par corruption avérée, renoncé à lutter.

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Les dirigeants français de tout bord ont, depuis 1969, renoncé au principe de liberté, d’indépendance et de souveraineté, pour suivre la voie ignoble de l’asservissement et de la collaboration. Tant et si bien que nous assistons aujourd’hui à une nouvelle évolution du droit de l’entreprise qui, comme toujours, suit l’évolution des rapports de force entre « fait économique » et « fait politique ». Validant l’abjuration définitive du concept étatique, les « dirigeants politiques » français ont permis une nouvelle évolution de l’entreprise allant dans le sens, bien compris, de l’intérêt bancaire supérieur mais paré de vertus collectives que les banquiers ont faites leurs. Ainsi, conformément aux développements initiés par le Club de Rome, qui seront matérialisés plus tard par les Giorgia Guidestones, l’entreprise devient un enjeu « écologique ». L’entreprise est dès lors sommée de répondre aux défis environnementaux tels que compris par les puissances économiques dominantes, lesquelles ont parfaitement intégré l’insoutenabilité de leur domination par le jeu capitalistique dans un univers où les ressources naturelles sont limitées. Nous avons ainsi vu apparaître le RSE, ou Responsabilité Sociale de l’Entreprise, avant de voir la naissance, récente, de l’entreprise à mission (3). Conformément à la méthode des petits pas traditionnellement utilisée par la caste bancaire monopoliste, le fondement initial du « volontariat » s’atténue peu à peu pour bientôt se transformer en droit impératif, rigoureusement sanctionné. Nous avons ici, en matière d’évolution du droit de l’entreprise, la même méthodologie que celle appliquée à l’évolution du droit de propriété.

L’objectif ultime étant la disparition juridiquement validée de la liberté et de la démocratie, afin de laisser la place à la dictature bancaire universelle.

Derrière les faux semblants de la prise en compte de l’intérêt commun – intérêt commun entièrement défini à l’aune de celui des dominants financiers – l’entreprise est vouée à devenir un des instruments, juridiquement validé, de la dictature universelle. Conformément à la volonté des dominants économiques, le droit de l’entreprise va devenir un droit dictatorial chargé de mettre en œuvre la dictature universelle parée de « vert » mais armée de rouge sang.

L'auteur, Valérie Bugault, est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique.

Notes:

(1) Cf. « La nouvelle entreprise » publiée en 2018 aux éditions Sigest ; https://lesakerfrancophone.fr/valerie-bugault-la-nouvelle... ; https://lesakerfrancophone.fr/valerie-bugault-les-raisons...

(2) Lire « La nouvelle entreprise », publié en 2018 aux éditions Sigest

(3) Cf. Loi dite Pacte : https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/...

lundi, 03 février 2020

Réforme constitutionnelle russe – Le Conseil de l’Europe aux prises avec la souveraineté des États

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Réforme constitutionnelle russe – Le Conseil de l’Europe aux prises avec la souveraineté des États

 
 
par Karine Bechet-Golovko
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Le débat sur la réforme constitutionnelle russe est arrivé jusqu’au Conseil de l’Europe, qui, comme nous l’avions sans difficulté prévu, s’est indigné de ce qu’un État membre ose encore penser à garantir sa souveraineté, sans pour autant savoir comment s’y prendre. Ici aussi l’Ukraine a été utile pour faussement soulever la question de la supériorité de la Constitution sur le droit international, « originalité » décriée qui est pourtant historiquement le lot des Constitutions, au moins en Europe occidentale. La balle est renvoyée à la Commission de Venise, qui va devoir se prononcer, finalement sur le droit des États à être souverain. L’enjeu est simple : dans ce monde global, il faut réussir à fixer formellement la fin de la supériorité formelle du droit national – les instances européennes vont-elles oser le pas ?

La réforme de la Constitution russe (voir notre texte ici) concerne plusieurs éléments qui s’opposent frontalement à la ligne idéologique globaliste, l’un d’entre eux concerne les rapports de supériorité entre le droit national et le droit international.

La Constitution russe de 1993 prévoit dans son Chapitre 1er sur les fondements constitutionnels, à l’article 15 al. 1, que, je cite :

« La Constitution de la Fédération de Russie a force juridique supérieure (…) ».

Et à l’article 15 al. 4 :

« Les principes et normes universellement reconnus du droit international et les traités internationaux de la Fédération de Russie sont partie intégrante de son système juridique. Si d’autres règles que celles prévues par la loi sont établies par un traité international de la Fédération de Russie, les règles du traité international prévalent ».

Autrement dit, la Constitution russe, comme l’ensemble des textes constitutionnels européens (au minimum) prévoit la supériorité de la Constitution. Les normes internationales sont infraconstitutionnelles, puisque la Constitution a une force juridique supérieure dans le système juridique russe et que les normes internationales sont intégrées, par l’article 15 de la Constitution, dans le système juridique russe. Sachant que sans disposition constitutionnelle prévoyant leur intégration dans le système juridique national, elles ne peuvent avoir d’effets juridiques dans ce système. Mais elles sont supralégislatives, car elles prévalent sur les normes législatives.

cr.jpgC’est notamment le système théorique qui existe en France. C’est le système de hiérarchie des normes, qui découle du théoricien autrichien Hans Kelsen au siècle dernier et qui a fondé le contrôle de constitutionnalité des lois en Europe continentale.

Alors où est le problème ? Il n’est pas juridique, il est politique et idéologique.

Lors de la rentrée parlementaire à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – APCE, les députés ukrainiens et des pays Baltes (ils siègent dans cet hémicycle justement pour cela et accomplissent parfaitement leurs fonctions) ont interpellé leurs collègues pour attirer leur attention sur la réforme constitutionnelle russe qui, Ô sacrilège !, prévoit la supériorité de la Constitution sur le droit international. Les députés de l’APCE ont alors décidé, devant une telle insolence du constituant russe, de saisir la Commission de Venise (organe consultatif de soft power qui supervise les réformes dans les pays européens). Le fondement juridique n’est pas très clair, ce droit être une atteinte portée à l’image du Parti et de ses dieux.

Selon ces députés, la Russie se prépare à ne pas appliquer les décisions de la CEDH prises à son encontre. Ce qui fut déjà quelques fois le cas, lorsque des décisions (éminemment politiques) contraires à la Constitution russe furent adoptées contre le pays, même si dans la très grande majorité des cas, la Russie exécute les décisions de la CEDH.

Le fait est que la supériorité de la Constitution, bien qu’inscrite dans le texte constitutionnel et dans la culture juridique occidentale, est largement battue en brèche dans la pratique, à la fois – en ce qui concerne les pays européens – par les instances quasijudiciaires, et par les organes politiques, adoptant des normes, sans le consentement de l’État, qui s’imposent dans son ordre juridique interne (puisque la règle de l’unanimité n’est depuis longtemps plus de mise dans les instances de l’UE). Le système du Conseil de l’Europe, à la différence de celui de l’UE, est plus un système d’organes d’influence, devant propager la « bonne parole ». Seule la CEDH, organe quasijudiciaire de ce système, a le pouvoir de prendre des décisions contraignantes à l’égard des États européens membres du Conseil de l’Europe, qui ont reconnu sa juridiction.

Mais ce n’est pas parce que les États ont reconnu sa juridiction, qu’ils ont abandonné, par la même, automatiquement, leur souveraineté nationale, en se mettant bien au chaud sous la régence de son bon vouloir. Les décisions de la CEDH, comme n’importe quel acte de droit international, ne peuvent avoir une force juridique supérieure à la Constitution nationale. Ce que la Cour constitutionnelle russe a plusieurs fois rappelé. Et la Russie n’est pas le seul pays à s’être opposé à la CEDH, l’on compte par exemple l’Italie, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.

Or, le rapport de forces entre la CEDH et les États est tel, que beaucoup s’inclinent, remettant de facto en cause la supériorité constitutionnelle sur le droit international. C’est ici que la réforme constitutionnelle russe prend tout son sens : la Cour constitutionnelle a besoin, face à la radicalisation du combat mené contre les instances nationales par les organes globalistes, dont la CEDH fait partie, d’un appui formel, permettant d’écarter l’application des normes internationales contraires à la Constitution. La réforme constitutionnelle russe ne modifie pas la hiérarchie des normes, elle ne fait que la préciser, la formaliser au regard des nouveaux enjeux.

Or, le pouvoir des instances du monde global se développe dans la marge de flou. Ils ne peuvent ouvertement exiger des États qu’ils renoncent à leur souveraineté à leur profit en contrepartie d’une « protection » – ce comportement serait trop ouvertement mafieux. Et les États doivent garder la face malgré leurs nombreux renoncements et transferts de compétences : ils ne peuvent ouvertement reconnaître qu’ils renoncent à leur souveraineté, tout en prétendant conserver le caractère démocratique de leur système institutionnel, alors fondé sur des élections qui n’ont plus de sens, autre que le maintien de l’illusion. Car il s’agit bien de cela, de la souveraineté. La supériorité juridique de la Constitution est la garantie formelle de la souveraineté de l’État, qui peut ainsi défendre son ordre juridique et en décider. Jusqu’à présent, elle était concurrencée par la supériorité politique du droit international, qui s’impose de facto, mais donc peut être écarté de jure lorsque l’État en a le courage politique, si les normes de droit international contreviennent aux normes constitutionnelles, telles qu’interprétées par les instances nationales.

Le pas que le Conseil de l’Europe veut faire est celui du passage de la supériorité politique à la supériorité juridique du droit international sur le droit constitutionnel. Ce qui conduirait à vider définitivement le peu de souveraineté qui reste aujourd’hui aux États européens. Pour cela l’Ukraine et les pays Baltes ouvrent la voie. La Commission de Venise osera-t-elle une révolution de cette ampleur ? Va-t-elle garantir une prise de pouvoir formelle des instances internationales ? Les États ne seraient plus alors que des coquilles totalement vides, ces coquilles étant encore utiles pour gérer les territoires et les populations qui s’y trouvent, quand les décisions se prennent ailleurs.

Dans cet esprit, le « crime » commis par la Russie aux yeux des instances européennes est de mettre ces États et ces instances internationales face à la réalité de la situation. Son crime, ce qui explique cette réaction, est de dévoiler le jeu qui se joue réellement, sans plus permettre aux uns et aux autres de faire semblant pour garder la face. La Russie tente ici d’effacer cette zone de flou, ce non-dit confortable, dans lequel se développe le pouvoir des instances globalistes.


- Source : Russie politics

mercredi, 29 janvier 2020

La guerre du droit n’aura pas lieu

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La guerre du droit n’aura pas lieu

par Valérie Bugault 
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À l’heure où certains commencent en France à se lever face aux risques de « sanctions » que les lois extraterritoriales américaines font peser sur les entreprises « françaises », il faut être bien clair sur les sous-jacents de cette dérisoire rébellion.

Cette « guerre du droit » qui émerge, tardivement, dans la conscience collective française n’aura pas lieu. En effet, depuis la décennie des années 1990, tout est, en France, mis en œuvre pour « anglo-saxonniser » le droit, c’est-à-dire pour faire disparaître tous les fondamentaux juridiques du droit continental traditionnel. Le Code civil, jusqu’alors qualifié de « droit commun » est, depuis cette époque, en voie de « modernisation » afin de le fusionner avec les principes commerçants, jusqu’alors et depuis l’avènement du Code de commerce de 1807, qualifiés de « dérogatoires ».

vblivre.jpgAinsi, depuis les années 90, les « milieux autorisés » (universitaires, juridiques et politiques, tous metteurs en scènes des volontés économiques hégémoniques) sont partis en guerre contre le droit civil français afin de l’accommoder à la sauce anglo-américaine globaliste ; il s’agit, ni plus ni moins que de transformer les principes du droit civil en principes commercialistes. Il serait fastidieux d’énumérer toutes les « modifications-modernisations-simplifications » qui ont eu lieu depuis lors et qui concernent toutes les branches du droit (droit de la famille et des personnes, tant patrimonial que biologique, droit contractuel, droit des biens, droit des sociétés…), toutes ont pour point commun d’être motivées par la domination et l’accaparement des principaux propriétaires de capitaux. Plus précisément il s’agit, pour les dominants monétaro-économiques, de valider juridiquement – par le « droit » donc – leur accaparement définitif sur tous les biens tangibles alors que les valeurs financières immatérielles sont condamnées – par ceux-là mêmes qui les ont créées – à une très prochaine disparition.

La domination économique des principaux propriétaires de capitaux se transforme dès lors en domination juridique. Parmi la multitude d’application de ce phénomène, citons la transformation du « droit de propriété » en « droit de propriété économique », laquelle connaît actuellement un nouveau développement avec le projet de redéfinition du droit de propriété foncier. Nous pourrions également citer la mise en œuvre, en droit français des sociétés, de la théorie de l’Agence…

Ayant déjà longuement écrit sur la question, je ne reviendrai pas ici sur ce qu’il faut entendre par « droit anglo-saxon », rappelons simplement que le prétendu « droit » d’origine anglaise n’est que la mise en forme règlementaire de la domination des puissants sur les faibles et qu’il n’a en conséquence rien – strictement rien – à voir avec le concept juridique de « droit » tel que traditionnellement compris en France.

La France était encore, jusqu’à il y a peu, la flamboyante porte-voix du droit continental, lequel est en retour sa raison d’être, rappelons par exemple :

  • que la Chine désigne la France par un idéogramme signifiant « pays de la loi »,
  • que le Code civil a été le plus grand succès français à l’exportation.

Or c’est précisément le droit continental, dont la France a été l’interprète accomplie, qui est à l’origine de la « civilisation européenne ». Le « droit » anglais, qui s’est, à partir de 1531, développé en toute autonomie, n’a été qu’une coquille formelle dépourvue de sens civilisationnel ; ce droit anglais n’a jamais eu pour objectif de porter et développer les principes d’intégrité et de justice mais au contraire de développer l’emprise des puissances, devenues financières, sur la Société, c’est-à-dire sur les populations. Le « droit anglais » est en lui-même, depuis le XVIème siècle, porteur du concept juridique « d’esclavagisme ».

La France n’existe, c’est-à-dire n’a de justification politique historique, que dans sa vocation à développer le « droit » au sens civilisationnel que ce terme comporte. Or, depuis l’avènement en France :

  • du parlementarisme dit représentatif (Révolution Française),
  • de la Banque centrale (1800),
  • du virage compradore de ses élites financières au début des années 1920,
  • de l’éviction par ses mêmes élites de De Gaulle (1969),
  • du virage compradore des « élites » politiques post-De Gaulle,

vbl3.jpgla France a d’elle-même consciencieusement renoncé à ses fondamentaux historique, c’est-à-dire qu’elle a volontairement renoncé à exister. Il ne faut donc pas s’étonner aujourd’hui de la volonté, ferme et définitive, des différents « gouverne-e-ment » français de faire disparaître l’entité politique française, en tant qu’État-nation, en la scindant et en la fusionnant dans le magma – dont la vocation est ab initio fédéraliste et globaliste – appelé « Union Européenne ». Cette Union Européenne n’est rien d’autre qu’une imposture institutionnelle chargée de valider politiquement la domination irrémédiable des puissances d’argent sur les populations. Elle est le premier pas institutionnel vers le Gouvernement Mondial. D’autres pas institutionnels existent, comme celui vers la création d’une monnaie mondiale dématérialisée contrôlée par les banquiers et leurs affidés…

L'auteur, Valérie Bugault, est Docteur en droit, ancienne avocate fiscaliste, analyste de géopolitique juridique et économique.

vendredi, 24 janvier 2020

Le premier Carl Schmitt

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Le premier Carl Schmitt

En cette rentrée où nous n’avons pas beaucoup de traductions de grands textes de sciences sociales à nous mettre sous la dent, on peut se réjouir que les Éditions de l’EHESS nous offrent l’accès à un texte clé d’un auteur dont le soupçon qui l’entoure, à juste titre au vu de son engagement nazi, nous fait trop oublier qu’il a été un très grand juriste : Carl Schmitt, qui publia Loi et jugement en 1912.


Carl Schmitt, Loi et jugement. Une enquête sur le problème de la pratique du droit. Trad. de l’allemand et présenté par Rainer Maria Kiesow. EHESS, 167 p., 22 €


Loi-et-jugement.jpgDe l’œuvre proprement juridique du jeune Carl Schmitt, disons de celle d’avant 1933, nous possédons en français Théorie de la constitution (1928, PUF 1993), La valeur de l’État et la signification de l’individu (1914, Droz 2003), mais il nous manquait jusqu’aujourd’hui un petit ouvrage de 1912 intitulé Loi et jugement, qu’Olivier Beaud, dans sa préface à l’édition française de Théorie de la constitution, qualifie de « véritable recherche de théorie du droit abordant les questions les plus fondamentales ».

Carl Schmitt a vingt-trois ans en 1912 et ce qui fascine dans ce texte, de jeunesse mais déjà très maîtrisé, c’est, avec la rigueur du questionnement, le souci constant d’éviter l’amalgame, la confusion et le malentendu ; l’éclairage qu’il jette sur la notion de décision telle que l’entendra l’auteur de la Théologie politique tout au long de sa vie. Rééditant Gesetz und Urteil en 1969, Carl Schmitt met lui-même en perspective son travail, en souligne les enjeux pour la pratique du droit d’abord, et laisse entendre toutes les conséquences que « l’autonomie de la décision », qu’il cherche à dégager, peut avoir sur la doctrine de l’État et de la souveraineté. Et il prévient qu’une « polémique farouche » a voulu travestir sa conception de la décision en « un acte fantastique de l’arbitraire ». Nous voilà avertis : si nous voulons évaluer l’œuvre de Schmitt, nous ne pouvons pas nous priver de lire Loi et jugement, car s’y trouve le « sens originel » dans sa « simplicité » de ce que signifie décider.

Alors que fleurissent les doctrines du droit dans le monde germanique de l’époque, mais aussi dans l’ensemble de l’Europe, Schmitt s’intéresse à la pratique. Mais il ne va pas le faire en sociologue, sa confrontation avec Marx et Weber n’a pas encore eu lieu, encore moins en psychologue – sans cesse dans l’ouvrage, Schmitt cherche à se démarquer de la psychologie et en particulier de celle du juge –, mais en restant à l’intérieur du droit, cherchant à élaborer une sorte de théorie de la pratique du droit possédant – l’auteur tient à éviter le terme d’autonomie – un « critère autochtone » par rapport au théorique. Hans Kelsen, le père de la Théorie pure du droit, n’a encore publié en 1912 que ses Problèmes fondamentaux de la doctrine du droit constitutionnel, mais il représente déjà le positivisme normatif que Schmitt s’emploie à disqualifier.

Le point de départ est une question (bien entendu elle-même « décisive », puisqu’elle décide déjà de ce qu’est l’ordre juridique ; en même temps, comme le dit Schmitt dans son avant-propos, elle « est décidée » par la pratique) : « quand une décision judiciaire est-elle correcte ? ». Commence alors un extraordinaire cernement de la question qui rappelle la méthode débouchant sur la définition du critère, et donc de l’essence, pour Schmitt, du politique. Ce n’est ni le comment on décide, ni les statistiques de décisions correctes, ni les diverses opinions sur leur correction ; la question n’interroge pas non plus l’histoire de la pratique, ni l’évolution historique des idéaux, mais « le critère de rectitude qui est spécifique à la pratique du droit ».

Une fois ce que l’on recherche déterminé, Schmitt se livre à la réfutation de différentes thèses : celle de la rectitude d’une décision par sa « conformité à la loi » ou à la « volonté du législateur » qui au mieux transforme le jugement en opération logique (« logicisme de la justice ») de subsomption du cas particulier sous la norme générale, au pire réduit le juge à un « automate ». De ce point de vue, Schmitt se démarque aussi bien de l’herméneutique jurisprudentielle, identifiant interprétation correcte et décision correcte, que du mouvement connu sous le nom d’« école libre du droit » (Freirechtsschule) qui cherchait à élargir de manière extra-juridique (jugements moraux, culture) le concept de loi et de norme et auquel Schmitt reproche d’être incapable à la fin de dégager un critère de rectitude autre que celui du normativisme juridique (la conformité à la loi).

Pour découvrir ce critère de rectitude spécifique, il faut d’abord bien distinguer la doctrine du droit et la pratique du droit, ce que Schmitt appelle sa « détermination » (Rechtsbestimmtheit ; à ce point central du texte, le traducteur fait opportunément remarquer que le terme de Besttimmtheit vient de la logique de Hegel, mais il ne va pas malheureusement plus loin dans son commentaire), autrement dit le moment où le juge statue sur un cas, dit le droit (iurisdictio ou iurisfactio), énonce, en le créant ainsi dans sa détermination hic et nunc, le to dikaion (le juste). Le résultat de cette opération ne peut être déduit, son caractère aléatoire et risqué ne peut être effacé. La motivation du jugement ne peut se superposer parfaitement à la décision. La pratique découvre là son autonomie, le droit statué n’existe pas avant le jugement, comme une pure et simple application. Il est produit. Ce qui ne fait pas pour autant du juge un législateur.

À la fin, quel est ce critère de rectitude appartenant de « manière autochtone à la pratique du droit » ? Une décision judiciaire est correcte si « l’on peut admettre qu’un autre juge aurait décidé de la même manière ». C’est ici que le décisionnisme du jeune Schmitt, mais il nous a prévenus que la polémique ultérieure avait défiguré son concept, doit devenir l’objet de toutes les attentions. Invoquer « l’autre juge », c’est introduire une collégialité, la position collective de gens de métier ; au-delà, c’est faire appel à une sorte de sensus judiciarii d’une société, d’une époque, bref, c’est réintroduire l’histoire et la sociologie, là où pourtant Schmitt voulait les écarter.

Mais introduire le tiers, c’est aussi consacrer un mouvement constant dans l’histoire moderne du droit, celui de la hiérarchisation des juridictions et de la complexité des relations entre les différentes cours. Surtout, en appeler à « l’autre juge » consiste à circonscrire le jugement dans la « prévisibilité » et la « calculabilité », même dans le cas où un jugement serait rendu contra legem. Ceux qui ont lu Derrida, et le Derrida lecteur de Schmitt pour qui l’expression schmittienne de « décision calculable » serait un oxymore, seront surpris par cette reprise (en main ?) soudaine du concept de décision, tout à coup arraché à l’indétermination (et pour cause puisque Schmitt parle de « détermination du droit ») au risque, au saut, à l’incommensurabilité des motifs et de l’acte de jugement. Mais on comprend que tous ces points qui caractérisent la rectitude de la décision autorisent Schmitt à penser qu’ainsi il échappe au « fantastique de l’arbitraire ».

L’auteur d’Ex captivitate salus ne réécrit pas en 1969 son texte de 1912 sous le coup de la querelle. Encore une fois, il nous indique que sa réflexion sur l’autonomie de la décision n’est pas restée sans conséquences sur la définition de la souveraineté étatique. En 1912, il cherche à isoler le propre de la pratique correcte du droit et veut en discerner le critère déterminant, et l’on découvre que ce n’est pas tant la décision qui l’intéresse que la mise au jour du degré d’autochtonie de la pratique du droit par rapport à la doctrine, et la définition de ce qu’est l’ordre juridique.

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Peut-on affirmer que Schmitt, pour le politique, va suivre le même cheminement, guidé par la même préoccupation ? Répondre à cette question permettrait, non pas d’oublier son engagement nazi, mais de savoir si nous pouvons conserver la recherche du critère du politique (sans conserver la différence ami/ennemi) sans forcément se focaliser sur la souveraineté (est souverain celui qui décide) mais au contraire, comme semble s’y essayer en ce moment même Bruno Latour, sur l’autonomie de la pratique politique.