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vendredi, 21 septembre 2012

Problématique et prospective géopolitiques de la question pakistanaise

 

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Andrea Jacopo SALA:

Problématique et prospective géopolitiques de la question pakistanaise

 

Ce sont les événements qui ont immédiatement suivi la fin de la seconde guerre mondiale qui constituent le point de départ à analyser pour comprendre les tensions qui ont affecté la zone la plus méridionale du continent asiatique. La fin des empires coloniaux et la volonté d’émancipation des nations émergentes ont entraîné un partage nouveau des territoires, tenant compte des réalités culturelles qui, auparavant, avaient cohabité sous une hégémonie étrangère unique, britannique en l’occurrence. On ne peut nullement se référer au découpage arbitraire que les puissances dominantes et coloniales ont imposé car elles sont une des causes premières des tensions qui ont ensanglanté ces pays, lesquels, aujourd’hui encore, présentent des cicatrices difficilement guérissables. Ces cicatrices, béantes, sont autant de bonnes opportunités pour tous ceux qui veulent s’immiscer dans les querelles intérieures et dans les contentieux diplomatiques qui affectent ces pays du Sud et du Sud-est de l’Asie, comme si les castes dirigeantes de l’Occident avaient la nostalgie du statut colonial d’antan, que ces jeunes nations ont rejeté; ces castes préfèrent encore et toujours contrôler ces pays indirectement, au bénéfice de leurs prorpes intérêts, plutôt que de prendre acte, sereinement, des maturations et des changements qui se sont effectués au fil du temps.

 

Il faut donc esquisser un bref panorama historique des événements les plus marquants qui ont accompagné la désagrégation de l’ancien “Raj” britannique, ainsi que de leurs conséquences directes, puis il faut passer au tamis toutes les problématiques liées au terrorisme, car ce terrorisme est un des moyens les plus utilisés pour intervenir dans et contre les choix politiques posés par les anciennes colonies britanniques, aussi pour s’immiscer dans les potentialités émergentes germant dans ces pays mêmes et pour freiner ou ralentir les nouvelles perspectives géopolitiques qui se révèlent réalisables depuis quelques temps.

 

Après le “Raj” britannique

 

Le “Raj” britannique des Indes (au pluriel!), on le sait, a été subdivisé en deux pays, le Pakistan et l’Inde, en 1947. C’était l’aboutissement de cette longue lutte indienne pour l’indépendance qui s’était radicalisée dans les années 20 et 30 du 20ième siècle, lutte dont les vicissitudes sont bien connues du public occidental grâce à la fascination qu’avait exercée sur bien des esprits la forte personnalité politique et spirituelle que fut Mohandas Karamchand Gandhi. Parallèlement au Parti du Congrès National Indien (PCNI), dont le “Mahatma” (Gandhi) était le membre le plus influent, existait aussi le Parti de la Ligue Musulmane (PLM), dirigé par Mohammed Ali Jinnah, tout aussi âpre dans sa lutte contre le colonialisme britannique. Dans une première phase de la lutte pour l’indépendance indienne, le PLM était allié au PCNI puisqu’ils avaient des objectifs communs. Mais, dès que les Britanniques promirent de résoudre la question indienne en renonçant à toutes prérogatives coloniales dans la région, les rapports entre le leader musulman et Gandhi se sont détériorés: tandis que le “Mahatma”, inspiré par les thèses théosophiques, rêvait d’une seule et unique nation indienne où coexisteraient pacifiquement plusieurs religions, Mohammed Ali Jinnah revendiquait l’instauration d’un Etat exclusivement islamique. La résolution du problème fut confiée à Lord Mountbatten qui a accepté la requête des Musulmans et a, par voie de conséquence, partagé le territoire du “Raj” britannique entre les dominions du Pakistan et de l’Inde.

 

Le plan Mountbatten contenait toutefois beaucoup d’approximations et de concessions arbitraires (et parfois inutiles), si bien qu’on ne pouvait guère le faire appliquer tout en voulant maintenir la paix: la zone d’influence du Pakistan était divisée fort maladroitement en un Pakistan occidental et un Pakistan oriental, séparé l’un de l’autre par un immense territoire sous juridiction indienne; de nombreux territoires, comme le Cachemire, n’avaient été attribués officiellement à aucun des deux nouveaux Etats souverains; malgré la volonté affichée d’attribuer aux uns et aux autres des territoires sur base de critères religieux et culturels, la partition laissait des zones à majorité hindoue au Pakistan et des zones à majorité musulmane au nouveau “dominion” de l’Inde.

 

 

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A cette situation délicate s’ajoutaient les prétentions chinoises sur quelques territoires de l’ancien “Raj” britannique. Le tout a enflammé la région pendant la seconde partie du 20ème siècle, aux dépens des populations. Pas moins de quatre guerres ont sévi et, suite à l’une d’elles, la zone baptisée par Lord Mountbatten “Pakistan oriental” est devenue indépendante, avec l’aide des Indiens, pour devenir l’actuel Bengladesh; la région du Cachemire a été divisée selon les lignes des fronts où s’étaient successivement affrontés Pakistanais, Indiens et Chinois. Il ne faut pas oublier non plus les nombreuses migrations qui ont suivi la partition, où les Hindous quittaient en masse les territoires sous juridiction pakistanaise-musulmane et où les Musulmans quittaient les zone attribuées à la nouvelle Inde indépendante, majoritairement hindoue. Ces transferts de population ont eu des effets fortement déstabilisants pour les équilibres internes des deux nouveaux Etats. Entretemps, alors que l’Inde optait pour la voie de la modernisation sous l’impulsion du gouvernement de Nehru, le Pakistan fut secoué par une série de coups d’Etat militaires, renversant à intervalles réguliers les régimes démocratiques.

 

Terrorisme et guerre au terrorisme

 

Après avoir déployé une politique fièrement hostile aux Etats-Unis sous la houlette de Zulfiqar Ali Bhutto, qui a ouvert le Pakistan aux technologies nucléaires, le pays tombe ensuite sous une nouvelle dictature militaire, dirigée par le Général Muhammad Zia-ul-Haq et fortement inspirée par le fondamentalisme musulman. La période de la dictature de Zia-ul-Haq fut celle d’une collaboration étroite avec les bandes anti-soviétiques actives dans le conflit afghan; ensuite, l’amitié entre Zia-ul-Haq et le chef d’une faction insurrectionnelle afghane, Gulbuddin Hekmatyar —appuyée par un financement d’au moins 600 millions de dollars en provenance des circuits de la CIA et transitant par le Pakistan— favorisait un soutien direct à la puissante guérilla intégriste qui luttait contre les Soviétiques (1).

 

L’existence même d’Al-Qaeda est issue de ce contexte conflictuel entre, d’une part, le gouvernement légal afghan, soutenu par l’Union Soviétique, et, d’autre part, l’insurrection des “moudjahiddins”. D’après l’ancien ministre britannique des affaires étrangères, Robert Cook, Al-Qaeda serait la traduction en arabe de “data-base”. Et ce même Cook affirmait dans un entretien accordé à “The Guardian”: “Pour autant que je le sache, Al-Qaeda était, à l’origine, le nom d’une ‘data-base’ (base de données) du gouvernement américain, contenant les noms des milliers de moudjahiddins enrôlés par la CIA pour combattre les Soviétiques en Afghanistan” (2). Ce que confirme par ailleurs Saad al-Fagih, chef du “Movement for Islamic Reform” en Arabie Saoudite: Ben Laden s’est bel et bien engagé, au départ, pour s’opposer à la présence soviétique en Afghanistan (3). Si cet appui initial des Américains à de telles organisations (qui seraient ensuite partiellement passées dans les rangs du terrorisme anti-occidental) explique les raisons stratégiques qui ont forcé les Etats-Unis à se rapprocher des organisations fondamentalistes islamiques, celles-ci, dès qu’elles ne fournissent plus aucun avantage stratégique et ne servent plus les intérêts géopolitiques immédiats de Washington, deviennent automatiquement “ennemies” et sont donc combattues en tant que telles.

 

Dans cette logique, on peut s’expliquer la ruine actuelle du Pakistan, sombrant dans le chaos sous le regard des Américains. Après la chute du régime de Zia-ul-Haq et pendant toute la durée du régime de Pervez Mucharraf, le gouvernement du Pakistan a été continuellement accusé de soutenir les talibans (4), surtout depuis l’opération, parachevée avec succès, visant l’arrestation du troisième personnage dans la hiérarchie d’Al-Qaeda, Khalid Shaykh Muhammad. Dans un tel contexte (et un tel imbroglio!), le ministre indien des affaires étrangères n’a pas hésité à déclarer “que le Pakistan a échoué dans ses projets d’éradiquer le terrorisme qui puise ses racines sur son prorpe territoire”: c’était immédiatmeent après les attentats de Mumbai (Bombay) (5). Ce bref rapprochement entre l’Inde et les Etats-Unis, prévisible et dirigé contre le Pakistan, ne devrait pourtant pas mener à une éventuelle intervention occidentale dans la zone du Cachemire, vu que tous les Etats impliqués dans cette zone se sont toujours montrés très rétifs à des interventions extérieures, même si de telles interventions pouvaient faire pencher la balance dans le sens de leurs propres intérêts géopolitiques. Il me paraît inutile, ici, d’évoquer la prétendue exécution du terroriste Osama Ben Laden, justement sur le territoire du Pakistan lui-même.

 

Mais pourquoi les relations américano-pakistanaises se sont-elles détériorées à ce point, et de manière assez inattendue?

 

Le tracé des gazoducs

 

La Pakistan est devenu membre observateur de l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) en 2005, ce qui constitue déjà un motif d’inquiétude pour les pays inféodés à l’OTAN. Cependant, ce qui constitue probablement la cause principale de la mobilisation des énergies et des médias pour discréditer la République Islamique du Pakistan est la proposition des Iraniens, séduisante pour les Pakistanais, de construire un gazoduc qui reliera les deux pays et dont Islamabad a prévu la parachèvement pour 2014. Le projet initial aurait dû également impliquer l’Inde, dans la mesure où un terminal du gazoduc y aurait abouti, mais les pressions américaines ont empêché l’adhésion de l’Inde au projet suggéré par l’Iran.

 

 

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Le projet déplait à l’évidence aux Etats-Unis non seulement parce qu’il renforce les relations entre deux pays islamiques mais aussi et surtout parce que le nouveau choix du Pakistan est diamètralement contraire aux plans prévus pour un autre gazoduc, le gazoduc dit “TAPI”, qui devrait partir du Turkménistan et passer par l’Afghanistan et le Pakistan pour aboutir en Inde, tout en étant étroitement contrôlé par des investisseurs américains.

 

Dans ce jeu, la région du Beloutchistan joue un rôle de premier plan, région habitée majoritairement par une ethnie très apparentée aux Pachtouns. Les Pachtouns sont un peuple originaire de régions aujourd’hui afghanes et se sont rendus tristement célèbres pour leurs violences et pour leurs velléités indépendantistes (tant en Iran qu’au Pakistan), sans oublier leurs trafics d’opium et d’héroïne qui posent quantité de problèmes au gouvernement pakistanais.

 

Les jeux stratégiques demeurent toutefois peu clairs et peu définis jusqu’à présent, si bien qu’il me paraît difficile de se prononcer d’une manière définitive sur les problèmes de la région. Le Pakistan reçoit encore et toujours un soutien financier de la part des Etats-Unis, en provenance directe du Pentagone; officiellement, cet argent sert à lutter contre le terrorisme mais, forcément, on peut très bien imaginer qu’il s’agit surtout de convaincre Islamabad de refuser l’offre iranienne.

 

Andrea Jacopo SALA,

Article paru sur le site italien http://www.eurasia-rivista.org/ en date du 6 août 2012.

 

Notes:

 

(1)   http://it.wikipedia.org/ Entrée sur Gulbuddin Hekmatyar.

(2)   http://www.guardian.co.uk/ , 8 juillet 2005

(3)   http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/binladen/interviews/al-fagih.html/

(4)   http://www.asiantribune.com/index.php?q=node/3231/

(5)   http://www.repubblica.it/2008/11/sezioni/esteri/india-attentato-3/dimissioni-capo-provincia/dimissioni-capo-provincia.html/

 

An interview with Daniele Scalea

An interview with Daniele Scalea
 
 

An interview with Daniele Scalea, scientific secretary of the Italian Institute of Geopolitics (IsAG), co-editor-in-chief of the Italian journal Geopolitica.

GRA : Western media confidently say that the fall of the current Syrian regime is inevitable. In your opinion, how well founded this prediction is, and is there some political power that can bring order to this situation?

D.S.: I think that the Syrian regime has so far shown a stunning solidity. There was a period in which Syrian army lost a substantial part of national territory, but it has managed to reconquer it; there was then a surprise attack to Damascus (similar to the surprise attack against Tripoli which toppled Gaddafi), but the government has regained control of the city; there were some important defections among the power establishment, but the latter remain so far close and gathered around Bashar al-Assad. So, I don't think that a violent overthrow of Syrian government is imminent nor probable, except for the case of a foreign invasion.

Thus who can bring order to this situation is a NATO-led invasion (which would obviously create an order favorable to US hegemony, which could also be a "disorder", i.e. a sectarian division of Syria) or a peaceful negotiated agreement between involved great powers, which would put an end to foreign interference that is feeding the civil war in Syria.

GRA: How likely is a forceful U.S. intervention in the Syrian conflict and attempt to violently overthrow the regime of Bashar al-Assad (or the U.S. will keep a distance and will not dare to risk)? Under circumstances of such a possibility, what consequences it will bring to America itself?

D.S.: I hold really unlikely a direct armed intervention of US in the Syrian conflict, i.e. an intervention further that the arming of rebels (which is probably already underway). New US strategy provide for the use of proxy countries in war - especially in the Near East, since US focus is shifting towards Far East - with at most a limited direct contribution. Lybian war is the model: France, UK, Italy and Qatar were in the frontline, while US remained on the second row. In the Syrian case proxy roles is assumed by Turkey, Saudi Arabia and Qatar. It is so more probable an intervention by those countries. But I believe it is unlikely too. In fact, such an action would risk to bring in the conflict also Iran, and then US would be obliged to intervene in first person. That is a dream scenario for Israel, and also for a part of US establishment, but I guess that the main part of Washington rulers - and especially Obama and his entourage - want to avoid it.

GRA: How do you assess Russia's position in this issue? Is Russia able to compromise, yielding to the wiles of the West (for example, the proposal of Hillary Clinton to establish demilitarized zone), despite the fact, that Russia has already received a very difficult experience in the situation in Libya?

D.S.: Russian position has been very balanced and sane: Moscow condemns violence on both sides, works for a negotiated and peaceful solution of the crisis, and doesn't appear willing to surrender to NATO one more time, as was in Lybian case last year. A big problem would emerge in the event - for me very unlikely but not impossible - of a NATO-led or NATO-inspired foreign armed intervention in Syria. What would be Russian response? She would be ready to react? And also if morally ready, she would have the capacity for a strong power projection in the Near East? Or, as in 2003 with the US invasion of Iraq despite Russian opposition, would might make right?

GRA : How, in your opinion, will deploy the situation after the overthrow of Bashar Assad? According to the information, disseminated through the media, there are already dozens of catastrophic scenarios.

D.S.: A forced overthrow of Bashar al-Assad would very probably entail a period of futher domestic turmoil or a foreign occupation of Syria. Subject should change if al-Assad resign in the frame of a negotiated peaceful solution of the crisis.

GRA : One possible scenario is the territorial division of Syria into three parts. Chagry Erhan, Director of the Center of Strategic Research of the European peoples, believes that the Baath regime, that is being removed from power, will try to create a new state on the basis of belonging to a madhhab through Latakia-Tartus, what can lead to a decision of destruction or assimilation of the Sunni population. In addition, such a step (creation of a new state) can undertake also Kurds. And here raises a difficult question - how to prevent the partition of the country? Erhan believes that once the government will intervene in the process by violent means, this will lead to more bloodshed. How likely do you think, this scenario is?

D.S.: I don't hold likely the very creation of a new Alawi state in Syria, whereas is probable that a violent overthrow of the current regime could create a situation of civilian and sectarian war in the country. Resistance by Syrian government and armed forces have created an ideal scenario for a negotiated solution of the crisis. Negotiation should be bring domestically, between Baathist rulers and mainly Islamist opponents, and internationally between US and Russia, Turkey-Egypt-GCC and Iran.

 

 

 

Russia e Ucraina verso l’Unione doganale

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Russia e Ucraina verso l’Unione doganale

L’idea del capo del Cremlino di creare un’unione eurasiatica con gli ex Stati dell’Urss coinvolge anche Kiev. Gli eurocrati criticano Yanukovych

Andrea Perrone

Ex: http://rinascita.eu/


La Russia spera che la pressioni sull’Ucraina messe in atto dall’Unione europea spingano Kiev tra le sue braccia. Per questo il Cremlino sta facendo pressione sul governo di Kiev, affinché sottoscriva con la Russia un’Unione doganale, tale da rappresentare un’alternativa all’integrazione nell’Ue. I leader europei hanno avvertito l’Ucraina e in particolare il suo presidente, il filorusso Viktor Yanukovych (nella foto), proprio nel fine settimana, che Kiev rischia di non conseguire l’obiettivo di una maggiore partnership con l’Unione europea, fin quando l’ex primo ministro Yulia Tymoshenko resta in carcere. Per tutta risposta Yanukovych, parlando ad un forum a Yalta (Crimea), ha ribadito che l’Ucraina è determinata a proseguire in una maggiore integrazione con l’Europa, ma gli è stato risposto molto chiaramente e senza mezzi termini che la porta dell’Ue è chiusa fino a quando non saranno attuate le riforme nel Paese. Le causa principale di questa opposizione da parte dei leader europei è costituita dalla detenzione della Tymoshenko, che è stato condannata a sette anni per abuso di potere nei negoziati sul gas con la Russia. Tutto questo a causa di uno status giuridico che gli Stati europei affermano debba venire meno. Ma in molti sottolineano che Yanukovych ha preso la decisione di mettere in carcere la sua rivale politica per le numerose e gravi accuse che le vengono addebitate. In più, le autorità ucraine hanno affermato di essere pronte a muovere nuove accuse ai danni della Tymoshenko e per questo propongono un secondo processo contro la rappresentante dell’Occidente euro-atlantico ed ex “golpista arancione” per i suoi numerosi reati. La questione ha naturalmente allarmato i Soloni europei. “Non ha idea di quanto questo caso abbia danneggiato l’immagine dell’Ucraina in Europa”, ha sottolineato il deputato portoghese Mario David, ai ministri ucraini. “Se non avremo valori comuni, allora si può dimenticare l’Accordo di associazione”, ha proseguito il politico lusitano. È necessario ricordare che nei mesi scorsi l’Ucraina e l’Ue hanno sottoscritto un documento che apre la strada a Kiev a stringere una partnership via via sempre più stretta con l’Unione europea, ma l’Ue ha messo in chiaro che l’intesa non sarà ratificata fin quando rimarrà in vigore a Kiev il clima politico attuale. Nonostante le posizioni espresse dagli eurocrati, Yanukovych non si è fatto intimorire affatto e ha annunciato che il suo Paese è deciso a favorire una maggiore integrazione, ma ora che l’Unione europea sta facendo pressioni su Kiev affinché cambi la politica interna, espresse dai tecnocrati di Bruxelles e Strasburgo, stanno spingendo l’Ucraina tra le braccia della Russia, grazie alle proposte di quest’ultima per portare sempre più Kiev nella sua orbita. I funzionari russi, a Yalta nel fine settimana per partecipare al Forum, hanno sollecitato i leader di Kiev a prendere parte alla formazione dell’Unione doganale tra Russia, Bielorussia e Kazakistan. Alexei Kostin, responsabile russo della VTB Bank e vicino al presidente Vladimir Putin, ha detto che la Russia non imporrebbe alcuna precondizione all’Ucraina. Per quanto riguarda l’Unione europea ciò che rovina le relazioni tra Kiev e Bruxelles è la detenzione della Tymoshenko, ma indubbiamente anche le posizioni filo-russe espresse da Yanukovych che certamente all’Occidente euro-atlantico non sono affatto gradite. Dal canto suo Carl Bildt, ministro degli Esteri svedese, ha dichiarato al quotidiano britannico The Independent che, nel corso di un incontro con Yanukovych, ha spiegato al presidente ucraino che l’Unione europea vuole vedere elezioni libere e corrette prima che l’accordo di adesione all’Ue venga ratificato. “La questione riguardante Yulia è in realtà soltanto la punta dell’iceberg e vi è grande preoccupazione riguardo allo Stato di diritto e alla politicizzazione dei tribunali”, ha commentato il capo della diplomazia di Stoccolma, sottolineando le critiche degli eurocrati all’indirizzo dell’Ucraina, che preferiscono sia sotto il controllo di Washington e Bruxelles, piuttosto che di Mosca. Adesso tutto è rimandato alle elezioni parlamentari previste per il mese prossimo, quando capo dello Stato e leader del Partito delle Regioni Yanukovych, si scontrerà con il partito BYuT della Tymoshenko e con diversi partiti di opposizione minori. Yanukovych dal canto suo ha ricordato che gli osservatori europei sono stati invitati a controllare lo svolgimento del voto, insistendo sul fatto che le elezioni saranno libere ed eque. Ma gli analisti, i media embedded e il mondo euro-atlantico hanno espresso il loro disaccordo, anche per la situazione che vive la fedelissima degli Stati Uniti e del mondo atlantico, Yulia Tymoshenko ancora in carcere per le accuse mosse contro di lei, tra cui un presunto omicidio di un avversario politico, che evidenziano i numerosi reati e il ruolo negativo da lei giocato nella politica ucraina dalla “rivoluzione arancione” (2004) in poi.


18 Settembre 2012 - http://rinascita.eu/index.php?action=news&id=16779

jeudi, 20 septembre 2012

Allemagne/Russie: alliance eurasiatique!

 

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Giacomo GABELLINI:

Allemagne/Russie: alliance eurasiatique!

 

La rigidité, qui caractérise les rapports que Berlin vient d’instaurer avec l’Europe (suite à la crise grecque), ne correspond nullement au dynamisme dont l’Allemagne fait preuve en se rapprochant de la Chine, de la Russie et de l’Inde, trois Etats qui forment les principaux piliers de soutien de l’ensemble désormais dénommé BRICS. La visite d’Angela Merkel à la Nouvelle Delhi en mai 2011 est venue sceller la collaboration avec l’Inde, surtout dans le domaine de la haute technologie. Les échanges entre l’Allemagne et la Chine en 2011 s’élevaient, en chiffres, à 144 milliards de dollars et seront sans nul doute doublés d’ici 2015, année où on les estime d’ores et déjà à quelque 280 milliards. Ces chiffres permettront à l’Allemagne de se hisser sur le podium des principaux pays exportateurs de biens et de services vers la Chine et de dépasser les Etats-Unis. Berlin resserrera ispso facto ses rapports stratégiques avec la Chine. En avril 2012, le premier ministre chinois Wen Jibao s’est rendu à Wolfsburg, la ville-mère de l’entreprise automobile Volkswagen, dans le but de sceller un accord visant à installer une nouvelle usine Volkswagen dans la région du Xinjiang (le “Turkestan” chinois). Les autorités chinoises prévoient, par cet accord, de diminuer le taux élevé de chômage dans cette province, qui a contribué, dans un premier temps, à alimenter les sentiments centriguges de la population indigène.

 

Cette intensification des rapports avec la Chine constitue la part intégrante et principale d’un processus qui vise le repositionnement de l’économie allemande en direction des marchés émergeants. Selon un rapport établi par l’“European Council on Foreign Relations”, “l’Allemagne tend désormais à se considérer comme une force crédible dans un monde multipolaire, ce qui alimente son ambition de devenir ‘globale’ en tablant sur ses propres forces” (1).

 

Cet accroissement important des échanges germano-chinois est toutefois dû au rôle joué par la Russie, à laquelle l’Allemagne est liée par le biais d’une alliance stratégique et énergétique de tout premier ordre. Outre la mise en oeuvre du gazoduc “Nord Stream” —qui permet au méthane russe de s’acheminer vers le terminal allemand de Greifswald et d’alimenter ainsi la croissance économique allemande— et la présence de 6000 entreprises allemandes sur le territoire russe, il faut compter le projet d’aménager une ligne ferroviaire moderne capable de transporter 400.000 tonnes de marchandises de la Chine à l’Allemagne, grâce à un accord conclu entre les chemins de fer allemands (Deutsche Bundesbahn) et leurs homologues russes (Rossiyskie Zheleznye Dorogi). Il s’agit là d’une réalisation économique d’importance fondamentale qui garantira des perspectives stratégiques de premier plan. Le but ultime de cet accord se perçoit dans l’émergence d’une nouvelle société mixte, l’“Eurasia Rail Logistics”, par laquelle les chemins de fer allemands sont appelés à s’occuper de la modernisation des lignes russes en fournissant les services d’ingénierie technique —subsidiés par des entreprises comme “Simens”— afin de remplacer des milliers de kilomètres de vielles voies binaires par des parcours de haute vitesse. Cette modernisation concerne surtout le “Transsibérien” —le “pont eurasiatique” par antonomase— dont on doit la construction, commencée en 1890 et terminée en 1916, à la volonté de ce grand premier ministre russe que fut Sergueï Witte, qui voulait relier par fer tous les points de l’immense espace couvert par l’Empire russe. Le “Transsibérien”, dont le trajet dépasse les 9000 km, demeure la plus longue voie ferrée du monde. Il relie le port russe de Vladivostok à Moscou. Le tracé qui reliera Moscou au port hollandais de Rotterdam allongera le trajet Pacifique/Atlantique de quelque 3000 km. Il sera construit ultérieurement. Les problèmes de manutention et la vitesse maximale réduite constituent les deux facteurs qui avaient, jusqu’ici, limité considérablement les potentialités de ce formidable corridor eurasiatique. L’intervention de la Deutsche Bundesbahn renverse la situation. La modernisation des structures du Transsibérien par les chemins de fer allemands a permis, en janvier 2008, de transporter par voie ferrée des marchandises par le “Beijing-Hamburg Container Express”, connecté au Transsibérien au point de jonction russe d’Oulan Oudé. Ces marchandises sont arrivées à destination en l’espace de quinze jours alors que le transport par mer demande le double de temps au minimum. Cet “exprès” a parcouru plus de 10.000 km, en passant par la Mongolie, la Russie, la Biélorussie et la Pologne.

 

 

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De cette façon, la Russie aura la possibilité de moderniser ses propres voies de communication stratégiques, en apprenant des Allemands comment construire des chemins de fer à haute vitesse et à géer le trafic par ordinateurs. Ils revendront ensuite cette technologie allemande à des pays asiatiques comme l’Iran et l’Inde. L’Allemagne a ainsi obtenu l’accès direct à la Chine, à travers l’immense territoire russe. La Deutsche Bundesbahn, grâce à cette formidable projection vers l’Est, pourra diffuser dans toute l’Eurasie les critères stabilisés par l’UE et consignés dans le “Trans-European Transport Network” (TEN), un projet visant à favoriser les trafics en provenance d’Europe et en direction de l’Extrême-Orient et, à l’inverse, à transporter des matières premières vers les industries européennes. Le projet TEN, pour lequel on prévoit des crédits de 400 milliards d’euro, n’envisage pas seulement de construire des voies de chemin de fer mais aussi de faciliter la construction de routes et d’autres “corridors transcontinentaux”. L’Allemagne cherche donc à se redonner du “Lebensraum”, de l’“espace vital”, en reprenant sa politique traditionnelle de “Drang nach Osten” (de “poussée vers l’Est”) et, par la même occasion, en créant une série de corridors stratégiques qui partent de l’Ouest vers l’Est. Le concept d’“espace vital” avait été élaboré par le géopolitologue allemand Karl Ernst Haushofer, bien avant qu’il ne fut exploité et détourné de son sens par les Nazis). Il suffit de jeter un coup d’oeil sur une carte géographique pour constater que la “poussée vers l’Est” est la voie traditionnelle de l’expansion allemande. Seul l’Est est capable de rapporter des bénéfices énormes, que ce soit sur le plan politique ou sur le plan économique, non seulement à la métropole allemande mais aussi à tous les pays impliqués, tout simplement parce qu’elle permet d’accélérer l’inéluctable intégration économique de la Russie, riche en matières premières, et de l’Allemagne, qui dispose d’une industrie très importante et d’un savoir-faire technologique enviable. C’est justement pour empêcher l’émergence d’un aussi formidable bloc économique intégré, qui assurerait l’hégémonie germano-russe sur l’ensemble de l’Eurasie, que les Etats-Unis ont déclenché l’attaque contre la Serbie de Slobodan Milosevic. En 1999, les premières cibles détruites par les bombardiers de l’OTAN ont été les ponts sur le Danube et sur la Save parce que l’objectif principal était de barrer la route au trafic fluvial allemand (comme nous avons déjà eu l’occasion de le démontrer) en direction du Sud-Est de l’Europe (et donc de la Méditerranée orientale).

 

Les prémices de la formation d’un bloc hégémonique continental similaire se sont manifestés dès 1989, suite à l’écroulement du Mur de Berlin. L’Allemagne s’est alors réunifiée sous la houlette du Chancelier Helmut Kohl et, surtout, d’un homme très habile, le Président de la “Deutsche Bank”, Alfred Herrhausen. “D’ici dix ans, affirmait Herrhausen, l’Allemagne de l’Est deviendra le complexe technologiquement le plus avancé de l’Europe et, en même temps, le tremplin qui permettra de lancer notre économie vers l’Est, de manière telle que la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie et aussi la Bulgarie joueront, à leur tour, un rôle essentiel dans le développement européen” (2). En conformité avec cet objectif, Herrhausen entendait supprimer la dette “inter-entreprises”, fait comptable qui pesait sur l’industrie ex-communiste (en 1994, cette dette s’élevait à 200 milliards de marks), en considérant que cette dette, précisément, était un atout entre les mains de la Banque Mondiale et du FMI qui, tous deux, s’opposaient, de manière irréductible, à tout assainissement du secteur industriel hérité par l’Allemagne suite à la réunification. Le Président de la Deutsche Bank soutenait, entre autres choses, le projet, jugé nécessaire, de construire des voies ferrées rapides menant à Moscou. C’est là exactement le type de projet que les puissances maritimes —l’Angleterre d’abord, les Etats-Unis ensuite— ont toujours rejeté. Herrhausen se distinguait en proposant une vision nouvelle et innovante des rapports internationaux et proposait de redimensionner le rôle de l’Allemagne qui, selon sa conception, devrait fonctionner comme un “pont” entre l’Est et l’Ouest et comme le moteur d’une reconversion industrielle et d’un développement nouveau dans une Europe soustraite au contrôle de la Banque Mondiale et du FMI.

 

 

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Tandis qu’il se décarcassait pour mettre ses plans en oeuvre, Herrhausen dénonçait ceux qui le critiquaient outrageusement (3), quand il exposait ses vues et demandait à la Banque Mondiale et au FMI d’épargner aux pays ex-communistes la “thérapie de choc” préconisée par un Jeffrey Sachs; il demandait, en insistant beaucoup, que soit accordé à ces pays un moratoire sur leurs dettes pendant quelques années, de manière à ce qu’ils puissent exploiter leurs propres ressources pour la reconstruction plutôt que payer immédiatement aux banquiers, dès l’exercice suivant, une part de leurs dettes, ou les intérêts dus. Malgré l’hostilité de la BM et du FMI, Herrhausen réussit à trouver bon accueil partout en Europe pour ses idées et projets; en l’espace de quelques petites années, la traduction de ses plans dans les réalités européennes et euro-russes aurait pu s’avérer suffisante pour faire décoller ses grands projets. Le plus important de ceux-ci fut la création, à Varsovie, d’une banque pour le développement, destinée à financer la reconstruction et l’intégration de l’Europe centrale et orientale à l’Europe occidentale. Le 1 décembre 1989, avec une ponctualité effrayante, un engin explosif —équipé d’un système d’amorçage sophistiqué fonctionnant au laser— fait sauter l’automobile blindée dans laquelle Herrhausen se déplaçait. La responsabilité de l’attentat a été attribuée au groupe terroriste communiste de la “Rote Armee Fraktion” (RAF), après une enquête des plus superficielles.

 

Immédiatement après la disparition tragique de Herrhausen, un économiste mieux noté, comme Detlev Karsten Rohwedder, a cherché à poursuivre le sillon ouvert par son malheureux prédécesseur. Rohwedder était le chef de la “Treuhandanstalt”, un holding public qui regroupe toutes les industries d’Etat de l’ex-République Démocratique Allemande (DDR/RDA), après une belle carrière déjà, où il avait préparé et géré en personne le plan d’assainissement et la réorganisation du colosse chimique et pharmaceutique Hoechst AG. Rohwedder affirmait: “A partir du moment où un libéralisme de marché de type doctrinaire ne fonctionne plus, il faut néanmoins privilégier une politique publique d’assainissement dans le cadre plus général des privatisations” (4). C’était là la politique contraire de celle réclamée par le FMI et la Banque Mondiale. Rohwedder avait l’intention de favoriser les investissements publics pour remettre en état de marche et pour moderniser le vieil appareil industriel hérité de la RDA, afin que “la population d’Allemagne de l’Est puisse dépasser au plus vite sa condition d’infériorité matérielle” (5). Cet économiste, relativement inconnu, projettait de transférer le contrôle de la “Treuhandanstalt” du ministère des finances à celui de l’économie, de façon à ce que le holding devienne l’organe central d’un dirigisme allemand rénové. Le 12 avril 1991, un ou plusieurs assassins stipendiés prennent Rohwedder pour cible, tirent trois coups de fusil à visée infra-rouge qui fracasent une fenêtre de sa maison à Düsseldorf, la fenêtre de la pièce où il se trouvait, et le tuent. La RAF revendique la responsabilité de l’attentat, ce qui démontre, une fois de plus, quelle est la véritable fonction de tout “terrorisme extrémiste”. La menace que représentait des personnalités comme Herrhausen et Rohwedder est dénoncée, de manière très précise, par un Henry Kissinger, d’après qui: “Si les deux puissances que sont l’Allemagne et la Russie s’intègrent économiquement, en tissant des liens plus étroits entre elles, alors surviendra le péril que peut représenter leur hégémonie” (6). Le rapprochement actuel entre l’Allemagne et la Russie est dû essentiellement, aujourd’hui, aux efforts de Vladimir Poutine: c’est lui qui met tout en oeuvre pour que les plans d’intégration, pensés par Herrhausen et Rohwedder, reçoivent une nouvelle chance. La situation actuelle montre que l’Allemagne a reconsidéré de manière radicale son positionnement stratégique, en se repprochant des nouveaux centres de gravité de la planète, soit les centres que représente le BRICS, qui sont en train de faire basculer l’axe de la croissance mondiale de l’Atlantique en direction des Océans Indien et Pacifique, tout en ouvrant des perspectives nouvelles et profondément révolutionnaires pour le continent européen tout entier.

 

Si l’Allemagne parvient à bétonner solidement sa tentative d’entraîner l’Europe dans le sillage de Berlin, le péril, que pointait Zbigniew Brzezinski dans ses admonestations aux Etats-Unis, risquerait bien de prendre forme. Brzezinski: “Pour tout dire en des termes qui rappellent l’ère la plus brutale des empires antiques, les trois grands impératifs de la géostratégie impériale des Etats-Unis sont d’empêcher la collusion entre les vassaux et de les maintenir dans la dépendance (en ce qui concerne leur défense), de garder des tributaires faibles qu’il faut protéger et d’empêcher les barbares de s’unir” (7). Une “union des barbares” est justement en train de se forger et elle pourrait apporter une certaine discontinuité dans les scénarios du futur...

 

Giacomo GABELLINI,

Article paru sur le site: http://www.eurasia-rivista.org/

URL: http://www.eurasia-rivista.org/germania-russia-l’alleanza-eurasiatica/16549/print/ - Mis en ligne le 26 juillet 2012.

 

Notes:

(1)   Corriere della Sera, 24 avril 2012.

(2)   Il Tempo, 30 novembre 2009.

(3)   Ibid.

(4)   Frankfurter Allgemeiner Zeitung, 30 mars 1991.

(5)   Ibid.

(6)   Welt am Sonntag, 1 mars 1992.

(7)   Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier.

mardi, 18 septembre 2012

Tiberio Graziani: 'US uses Europe as a bridge-head to attack Eurasia'

Tiberio Graziani:

'US uses Europe as a bridge-head

to attack Eurasia'

 

De oorlog tegen Europa begon in Servië

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Chris ROMAN:

De oorlog tegen Europa begon in Servië

 

 

Inleiding :

 

Zo’n 10 jaar geleden zei Zbigniew Brzezinski, stichtend lid van de Council of Foreign Relations, één van de organen van de wereldregering :“Er staat meer op het spel dan het eenvoudige lot van Kosovo. Het is niet overdreven te stellen dat een mislukking van de NAVO tegelijkertijd het eindde zou betekenen van de geloofwaardigheid van het mondiale Amerikaanse leiderschap.”

 

 

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We kunnen vaststellen dat Europa een ware agressiegolf ondergaat van de Verenigde Staten. Laten we er onmiddellijk aan toevoegen dat we hier zeker niet het hele Amerikaanse volk stigmatiseren, maar wel hun leidende klassen, zoals hoge politieke verantwoordelijken, industriëlen, geldschieters en bankiers, strategen, inlichtingendiensten, enzovoort. Sinds het begin van de jaren 1900 kunnen zij hun wereldlijke machtswellust niet meer voor de opmerkzame toeschouwer verbergen. Eén van de door hen gebruikte tactieken is die van divide et impera. De buitenlandse politiek van de VS bestaat  uit het vasthouden van de Amerikaanse hegemonie en het uitschakelen van geo-economische concurrenten. Dit zeker in West-Europa. De buitenlandse politiek richt zich in de eerste plaats tegen de belangen van Europa. Binnen de door Samuel Huntington gestelde Westerse zone zijn de VS tegenstanders-concurrenten van Europa. Een tegenstander die zeer gevaarlijk kan zijn, want hij aarzelt geen seconde om alle mogelijke middelen in te zetten om zijn doel te bereiken, ook de meest gruwelijke. Een gevaarlijke tegenstander die er alles zal aan doen om Europa te verhinderen zich te “emanciperen” en zo vanonder de Amerikaanse vleugels weg te glippen. De zogenaamde “Westerse” wereld – De VS, West-Europa en de Slavisch-Orthodoxe wereld – zouden, gezien de huidige wereldsituatie en de enorme kracht die uitgaat van de islamitische wereld, de handen bij elkaar moeten steken. Dit gebeurt niet. Integendeel. De VS ondersteunen bepaalde islamistische regimes zoals Saoedi-Arabië en Pakistan. Bin Laden is een product van de Amerikaanse veiligheids- en informatiediensten. De Amerikaanse regering houdt halsstarrig vast aan haar pro-islamistische koers, zeker in Europa . Dit wordt opgelegd door de CIA, het Pentagon en de internationale bankiers, lobby’s zoals de ADL, enzovoort. Voor alle duidelijkheid  : ik gebruik de term “islamistisch” en niet  “islamitisch’, omdat ik wens te benadrukken dat de meeste moslims in vrede willen leven, in eigen land blijven en met rust willen gelaten worden. De islamisten zijn een extremistische minderheid.

 

 

Het doel van de VS was niets minder dan het verzwakken van de Sovjetunie. Ondanks het anti-Americanisme van de islamisten en de Arabo-moslimwereld, blijven de Amerikaanse machthebbers de islamistische extremisten ondersteunen, met als doel het huidige Rusland te omsingelen en in te sluiten. We kunnen gerust stellen dat onze “Amerikaanse geallieerde”  zich zeer weinig loyaal en weinig solidair met Europa opstelt. Door de zijde te kiezen van Turkije, Saoedi-Arabië, de islamitische republieken van de voormalige Sovjetunie tégen Rusland en daardoor ook tégen West-Europa, en door zich systematisch aan de zijde te scharen van weinig democratische islamistische regimes zoals Afghanistan, Koeweit, Bosnië, Kosovo, Albanië en dit ten nadele van anti-islamistische regimes, zoals Rusland, Iran, Irak en Servië, hebben de VS elke vorm van solidariteit met Europa verbroken en verraden.

 

Door te kijken naar de anti-orthodoxe en pro-islamistische koers van de VS, kunnen de Europeanen de NAVO terecht beschouwen als een verdedigingsmechanisme dat enkel de belangen verdedigt van de Amerikaanse geo-economische belangen en moet Europa beseffen dat de NAVO het Oude Continent in geen enkel geval kan beschermen tegen gelijk welke dreiging. Integendeel, het is de NAVO die niet zal aarzelen om een Europees land aan te vallen. We hebben Servië als voorbeeld. De NAVO viel in 1999 een Europees christelijk land aan om een door islamistische immigranten bewoonde  provincie ter hulp te komen. De NAVO is niets anders dan het meesterstuk op het Amerikaanse schaakbord om de wereldheerschappij te behouden.

 

De VS-regeringen en -lobby’s zijn zich zeer bewust van het feit dat een ééngemaakt en onafhankelijk Europa hen op alle terreinen, zoals economie en militair, binnen de kortste keren zal voorbijsteken. De Amerikaanse strategen willen ten allen prijze verhinderen dat Europa één wordt, dat de twee “longen” van Europa – de westerse en de orthodoxe -  goede maatjes worden met elkaar. Daarom willen de VS ons verzwakken door Turkije binnen de Europese Unie te sleuren en door Rusland van ons weg te duwen.

 

Om dit te bereiken, volgen de VS een dubbele weg. Ten eerste : De NAVO tot voor de poorten van Rusland brengen alsook het laten ‘integreren’ binnen de ‘westers-europese wereld’ van anti-Russische staten; Ten tweede : zoveel mogelijk Rusland verzwakken en haar wegduwen richting Azië, om het land weg te houden van het westelijk deel van Europa. Hierbij hoort het reactiveren van de “Koude Oorlog”.

 

 

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Elke bom op Belgrado of Pristina zorgt ervoor dat de oude wonden tussen de Europese ‘longen’ zich opnieuw openen. Europa werd ooit verdeeld door het Grote Schisma van 1054 , Yalta (4 tot 11 februari 1945). Door de val van de Berlijnse Muur bestond echter de hoop op een hereniging van het gehele Oude Continent. Maar de internationale bankiers beslisten er anders over : er moet opnieuw een Muur komen, een Gordijn van Yzer en Bloed, om de twee Europese blokken van elkaar weg te houden.

 

De Russische socioloog Alexander Zinoviëv spreekt van ‘Occidentisme’. We kunnen ook het begrip ‘Atlantisme’ gebruiken. Het begrip ‘het Westen’ dient voor niets anders meer dan het bedriegen van onszelf en ons in de pas te laten lopen van lugubere Amerikaans-zionistische plannen. De prijs die Europa zal betalen voor de verkeerde strategische keuze, zal zeer hoog zijn. Onze regeringen zijn vazallen van de VS, Europa is in twee blokken verscheurd, aan onze zuidelijke grenzen wachten miljoenen gelukzoekers om ons demografisch deficit op te vullen. We bevinden ons in een tang : in het zuiden islamististen die het met ons niet zo goed voor hebben; en bij ons ‘McWorld’, het ‘Amerikaans westen’ dat culturen vernietigt, zoals de Amerikaanse socioloog Benjamin Barber het stelt. Het gevaar is groot dat het Europa als meerduizendjarige beschaving dat we nu kennen zal verdwijnen, indien we niet zeer snel iets ondernemen. Andere slachtoffers zijn de islamitische volkeren uit de Arabo-islamitische wereld. Ook zij lijden onder de VS-steun aan islamistische regimes. In de plaats van ons bij te staan sticht de VS binnen de Europese grenzen verschillende ‘Afghanistans’ die zich op twee à drie uren vliegen van Rome, Parijs of Brussel bevinden.

 

De gevolgen van de ‘Westerse’ oorlog tegen Servië, met de afscheuring van Kosovo als gevolg, zijn enorm. De posities van de “islamistische internationale’ werden versterkt. De ‘wereld mijn dorp’ waar alles één is, zoals sommige links-liberalen  stellen, is nog niet voor morgen. Wel is het zo dat er twee werelden zijn : de westerse – om bij het ‘westen’ te behoren moet een bepaald land niet in het ‘westen’ liggen zoals Japan, Australië of Nieuw-Zeeland – en de niet-Westerse, zoals Rusland, Wit-Rusland, Servië, China, Noord-Korea, Venezuela, Cuba, Iran, Syrië en ga zo maar door. Een aantal van de opgesomde landen behoren tot de zogenaamde “As van het Kwaad”.  Dit begrip werd door George Bush op 29 januari 2002 tijdens de State of Union voorgesteld. Irak en Libië staan niet meer op de lijst. Het begrip werd uitgedacht door de tekstschrijver van Bush, de miljonair David Frum. Deze laatste werd geboren in een Canadees-joods gezin. Hij ging naar de Yale-universiteit, waar zowat alle leden van Skull & Bones uit voortkomen. Oorspronkelijk bedacht hij “As van de Haat”, maar daar zouden teveel neo-cons zichzelf kunnen mee vereenzelvigen.

 

Voor de VS-strategen is het “kamp van de opstandigen” in staat om de hele Amerikaanse economisch-militaire strategie, met een raketschild als kers op de taart, op zijn minst in vraag te stellen. De VS willen zich indekken tegen raketaanvallen vanuit Rusland en China. Vanuit de “schurkenstaten (dixit de neo-cons) kunnen er immers geen ernstige raketaanvallen komen. Daarvoor is de reikwijdte van hun raketten te klein. Zij kunnen enkel Israël raken, maar dat is zeker het probleem van de Europeanen niet. Rusland en China landen bedreigen de Amerikaanse wereldheerschappij. Daarom dient het Amerikaanse schild. Daarom moeten er raketten komen in Polen en Tsjechië.

 

Het Westen valt Joegoslavië aan :

 

Indien we naar de conflicten kijken in  voormalig Joegoslavië, Tsjetsjenië en andere ex-Sovjet-Republieken zoals Nagorno-Karabach, dan zien we steeds een conflict tussen de Slavisch-orthodoxe wereld en het islamo-Turks imperialisme. De Slavische wereld ‘geniet’ daarboven nog eens van een aanval in de rug van het Amerikaans-economisch systeem, welke zo snel mogelijk Rusland wil omvormen tot hun 51 ste staat. De Franse geo-politicoloog François Thual zegt duidelijk dat de interne conflicten in de Balkan gebruikt worden om bepaalde landen uit de regio weg te houden.

 

De vicieuze cirkel van oorlogen in voormalig Joegoslavië werd niet enkel aangestoken door de separatistische moslims maar eveneens door katholieke Slaven (Kroatië, Slovenië), gesteund door Duitsland. Toen beide katholiek-slavische landen zich afscheidden, wilden de moslims hun voorbeeld volgen. Bosnië was de eerste steen van een reeks domino’s. Bosnië kreeg de volle steun van de VS, Duitsland en zowat de gehele islamitische wereld. Er ontstond een tegennatuurlijke alliantie : moslims en katholieken verenigden zich tegen de Orthodoxe Serviërs.

 

Het multi-religieuze Joegoslavië barstte uit elkaar met de onafhankelijkheid van het door het ‘Westen’ gesteunde Slovenië en Kroatië tot gevolg. Duitsland was het eerste land dat Slovenië en Kroatië  erkende (december 1991). Dit gebeurde nog voor de erkenning van beide landen door de EU. De rol van Duitsland in de erkenning door de EU was fundamenteel. De UNO stemde op 25 september 1991 een wet die alle mogelijke wapenleveringen aan alle partijen in Joegoslavië verbood. Duitsland leverde toch in het geheim wapens en munitie aan Kroatië. Hierdoor werden 25.000 Serviërs uit Slavonië verjaagd (oktober 1991). In de regio Slavonska Pozega werden 25 Servische dorpen met de grond gelijk gemaakt. In december 1991 stemden 11 van de 12 EU-lidstaten voor het behoud van de Joegoslavische staat. Duitsland slaagde erin na een lange nachtelijke vergadering de EU te chanteren. Bonn was immers belangrijk voor de invoering van de euro en dreigde zelfs het gehele Verdrag van Maastricht te kelderen. Duitsland zorgde ervoor dat de EU zowel Kroatië als Slovenië  erkende.  Voor het eerst sinds de Tweede Wereldoorlog toonde Duitsland opnieuw haar Ost-Politik. Enorme anti-Servische gevoelens speelden hierbij de hoofdrol. Sinds 1914 tot op heden heeft Duitsland (alsook Oostenrijk) nog niet kunnen afrekenen met haar oude anti-Servische demonen. De eenheid van Joegoslavië werd opgeofferd om de eenheid van de EU te bewaren. Als reactie op de Kroatische onafhankelijkheid eisten de Serviërs in Kroatië onafhankelijkheid voor hun regio. Deze Servische republiek, de Krajina, werd door de EU … niet erkend. Wat aan de Kroaten, Slovenen, Bosnische moslims en Albanese Kosovaren werd toegestaan, werd verboden aan de Serviërs. De  westerse media toonde de Serviërs als ‘indringers’. Het Oostenrijks-Hongaars Rijk had hen drie eeuwen daarvoor naar daar verhuisd om een buffer te vormen tegen de aanvallen van de Turken. Het in de hoek drummen van de Serviërs leidde naar een hevige anti-Kroatisch reactie. De vuile politiek van de EU leidde naar duizenden onschuldige doden, zowel Kroaten als Serviërs, en de verdrijving van 300.000 Serviërs uit Slavonië en Krajina in mei en augustus 1995. Duitsland, Oostenrijk, Hongarije, Polen maar ook Chili en Bolivië leverden wapen aan de Kroaten. De rijke Kroatische diaspora in de VS organiseerde enorme geldinzamelingen om voor Zagreb wapens te kopen. Daardoor konden de Kroaten de duizenden Serviërs verjagen uit gebieden waar zij al zeer lang woonden. Nadien kreeg Servië ook steun, meer bepaald van Rusland, Bulgarije, Roemenië en Griekenland. Moskou leverde alleen al voor 300 miljoen dollar aan tanks. Hoewel, op zich is dit niet zoveel. De steun van Rusland viel al vlug weg. De Russische president Jeltsin stak totaal in de zak van de VS en de VS-gezinde oligarchen. Moskou deed niets toen de NAVO in 1995 het Servische deel van Bosnië aanviel. Daardoor kon de Kroatisch-islamitische alliantie het  halen op de nationalistische Serviërs.

 

Vanaf april 1992 wilden de VS Joegoslavië onherroepelijk uit elkaar. Op 10 maart 1992 bevindt James Baker, Amerikaans staatssecretaris, in Brussel en vraagt aan alle ministers van Buitenlandse Zaken om Bosnië te erkennen. Op 7 april 1992 krijgt hij zijn zijn : Bosnië wordt door het Westen erkend. Sindsdien stoken de Amerikanen steeds ruzie. In maart 1992 zeggen ze de moslim Alija Izetbegovic zijn eerder aangegane akkoord van Lissabon te verwerpen. Dit akkoord hield een opdeling in van Bosnië volgens etnische lijnen. 44% zou islamitisch gebied worden. Onder druk van de Amerikanen zegt hij het akkoord op dat hij eerder had ondertekend met de Kroaten (Mate Bobben) en de Serviërs (Radovan Karadzic). Washington zet alles in op islamitisch Bosnië. Om de zaak aanvaardbaar te maken voor de massa, misbruiken ze het drama van de explosie van een bakkerij in Sarajevo (16 doden). Hoewel de verantwoordelijkheid voor het drama totaal bij de moslim-Bosniërs ligt – duidelijk gesteld door het hoofd van de Blauwhelmen, de veiligheidsdiensten van Frankrijk en Engeland en de vertegenwoordiger van de EU – slagen de VS er dank zij CNN in om de Serviërs te barbariseren. Ja, de Serviërs krijgen de schuld van iets wat zij niet hebben gedaan. Daarop stemt de Veiligheidsraad voor sancties tegen Servië. Die Veiligheidsraad geeft de NAVO en dus aan Washington toestemming om de sancties hard te maken. De VS eisen rechten op voor de Bosnische Kroaten, Bosnische moslims en Albanezen, maar weigeren diezelfde rechten aan Bosnische Serviërs. Deze Bosnische Serviërs worden geregeerd door een moslim en hebben niet het recht om de Servische nationaliteit te hebben of in Servië te mogen stemmen, wat de Kroaten wel gegund wordt. Op 21 en 22 september 1997 stelt zelfs Henri Kissinger zich vragen bij de leefbaarheid van Bosnië. Hij zegt dat Bosnië pas leefbaar wordt indien één van de strijdende partijen de totale overwinning behaalt. Bosnië ‘libaniseert’ zich spoedig. De drie kampen bestrijden elkaar, elk met zijn buitenlandse steun.

De moslims eisen zowat alles op : zij baseren zich op hun demografische groei. In 1961 maakten de Serviërs 43% uit van de bevolking, de moslims 26% en de Kroaten 22%. In 1991, vlak voor  de onafhankelijkheid maakten de Serviërs 31% uit van de bevolking, de moslims 44% en de Kroaten 17%. Samuel Huntington stelt : “De expansie van één groep leidt tot de verdrijving van de andere”. De Bosnische moslims krijgen enorme steun van Saoedi-Arabië en nog niet zo lang geleden van Iran. Turkije gebruikt enorme diplomatieke druk om het Westen te doen kiezen voor de moslims van Bosnië. Bosnië maakte tot 1876 deel uit van het Ottomaanse Rijk. Izetbegovic kreeg in Riad in 1993 de mooie som van 93.333 dollar. Koning Faycal van Saoedi-Arabië keek toe en zag dat het goed was. Hij kreeg deze som voor zijn “uitmuntend islamiserend werk”. Zijn eerste actie bestond uit het toetreden tot de Organisation of the Islamic Conference, zwaar ondersteund door Saudi-Arabië. Nochtans zijn de christenen in Bosnië in de meerderheid. Izetbegovic voerde de sharia in. Het leger en de politie werden geïslamiseerd, straatnamen veranderden van naam. Voorbeeld : de Maarschalk Titostraat werd de Mula-Mustapha-Baseskijastraat (een moslimtheoloog uit de 18de eeuw). Vele kerken, zowel orthodoxe als katholieke, werden vernietigd. Duizenden Serviërs en Kroaten werden verjaagd. De Kroaten zijn nu zelf slachtoffers van hun voormalige islamitische bondgenoten. Zij luisterden naar het dictaat van de VS. De prijs is hoog.

 

postcard.jpgIn Zagreb – Kroatië – staat daarentegen de grootste moskee van Joegoslavië. Sarajevo is in twee stukken gedeeld : een Kroatisch en een islamitisch. In het islamitische deel kan men er Albanezen, Tsjetsjenen, Turken, Afghanen, Pakistanen ontmoeten, allen genaturaliseerd als dank voor de bewezen diensten.

 

Yossef Bodansky, zich in Angelsaksische veiligheidsmiddens begevend, zegt dat Kosovo en Albanië haarden van islamistisch terrorisme en toegangspoorten tot Europa zijn voor islamistische extremisten.

 

De islamistische extremisten vonden elkaar in Afghanistan. Zij kwamen “broeders in nood” helpen in Kosovo en Albanië om de islamitische as Sarajevo-Tirana te verstevigen. Deze militaire islamistische as loopt van Albanië over Macedonië, Montenegro, Bosnië tot in … Milaan ! Het doel van deze islamistische as in Europa en meer bepaald de Balkan is :

- een commercieel bruggenhoofd opzetten dat op enkele stappen van West-Europa ligt;

- het verstevigen van de islamitische as Sarajevo-Tirana, om zo politieke druk te kunnen uitoefenen;

- het organiseren van spionage basissen om zo West-Europa te infiltreren.

 

In 1997 steunde Teheran (toen een ander, door de VS aan de macht, gebracht regime dan vandaag !) het terreurnetwerk van de UCK. Het UCK kreeg granaten, machinegeweren, aanvalsgeweren, nachtkijkers en communicatiemateriaal om een lijn aan te leggen tussen Tirana en Kosovo.

 

Albanië en Kosovo, een nieuw Europees Afghanistan ?

 

Voor Saudi-Arabië is Groot-Albanië (Albanië, Kosovo, delen van Macedonië, Griekenland en Montenegro) islamitisch gebied, een Dar-al-Islam. Saudi-Arabië betaalt de bouw van vele moskeeën in Kosovo. Tegelijkertijd vernietigde het UCK er tot nu toe al meer dan duizend kerken, kloosters en orthodoxe kerkhoven, dit ondanks de aanwezigheid van de KFOR-troepen. De KFOR-troepen bouwden samen met de UNMIK (UNO-Missie in Kosovo ) en de EU aan nieuwe moskeeën, en dit terwijl de Albanezen op hetzelfde ogenblik honderden kerken vernietigen … .

 

De eerste stap die het UCK ondernam, was de strijd voor de Kosovaarse afscheuring van Servië. In 1999 was deze stap eigenlijk al geregeld. Door de vlucht van duizenden Serviërs werd de regio etnisch gezuiverd. De drie maanden durende NAVO-bombardementen waren daarin van zeer groot belang.

 

De tweede stap is de afscheuring van een deel van Macedonië, het noordwesten van Griekenland en van Montenegro, immers al onafhankelijk, tot groot jolijt van sommige bekrompen Vlaams-nationalisten. Zo zal Groot-Albanië tot stand komen. Met het verlies van Montenegro verliest Servië haar havens en haar gunstige ligging aan zee. De overwinning van het UCK in Kosovo stimuleert deze door de VS gesteunde terreurgroep om verder te gaan in genoemde gebieden met veel Albanezen.

 

In Tetovo, Macedonië, leven Macedoniërs een Albanezen op gespannen voet. De “Democratische Albanese Partij” maakt onder grote druk van de VS deel uit van de regering.

 

De nieuwe republiek Macedonië ondervond weinig tot geen gevolgen van de Oorlogen in Joegoslavië begin jaren 90. Dat veranderde toen in 1998 een extreem-nationalistische orthodoxe regering onder premier Gregoriefski aan de macht kwam en bovendien oorlog uitbrak in Kosovo. Veel etnische Albanezen vluchtten uit Kosovo, waarvan een deel naar Macedonië waar al een etnisch-Albanese minderheid woonde. De Albanezen in Macedonië, georganiseerd in de UCK-M, streefden naar onafhankelijkheid. Dit leidde ertoe dat er in 2001 in Macedonië een korte maar hevige strijd woedde tussen etnische Albanezen en het Macedonische regeringsleger. Als gevolg hiervan stopte het geweld en werd door Macedonische en etnisch-Albanese leiders het Akkoord van Ohrid ondertekend.

Besloten werd dat de NAVO zou assisteren bij het innemen van de wapens van de etnische Albanezen. Deze missie kreeg de naam Task Force Harvest (oogst). De NAVO werd gevraagd om Macedonië na beëindiging van TFH te ondersteunen bij het vredesproces en de parlementsverkiezingen van 15 september 2002. Hierop stationeerde de NAVO de vredesmacht Task Force Fox in Macedonië. Nadat de verkiezingen naar tevredenheid verlopen waren werd deze missie opgevolgd door een kleinere EU-vredesmacht “Concordia”, die later weer werd opgevolgd door een EU politie-missie met de naam “Proxima”, die een jaar (tot 15 december 2004) actief zou zijn. Vlak voor die tijd werd de missie met één jaar verlengd (Proxima II). Deze missie eindigde op 15 december 2005.

 

“De moslims in de Balkan weten dat ze op Bill Clinton kunnen rekenen”, zo schreef Denise Artaud, VS-deskundige. Islamitisch Bosnië en Kosovo hebben zich na de val van het Ottomaanse Rijk kunnen ontwikkelen dankzij de steun van de VS. Het UCK werd door de CIA opgeleid en ondersteund. Maar ook door Amerikaanse veteranen, ex-legerofficieren en bedrijven zoals Armor Holdings, Airscan, MPRI (Military Professional Resources Incorporated). De MPRI werkt onder controle van Amerikaanse geheime diensten en wordt ingezet bij delicate opdrachten zoals het sturen van huurlingen en raadgevers. Tijdens de Kroatisch-Servische oorlog leidde deze organisatie in Duitsland (Garmisch) de Kroatische officieren op.

Het bewijs dat de VS niet tussenbeide kwamen omwille van de mensenrechten werd geleverd op 3 augustus 1995. Het Kroatische leger voerde Operatie Storm (oluja) uit, alles georganiseerd door de MPRI. Doel was het verdrijven van alle Serviërs uit Krajina, dit met medewerking van de UNO en de logistieke steun van de NAVO. De VS-diplomaten en politici hebben een algemeen kenmerk : arrogantie. Peter Galbraith verklaarde op arrogante wijze dat hij de eerste was die het gezuiverde Knin binnen reed.

 

Peter Galbraith heeft meerdere posities bekleed binnen de Amerikaanse regering en bij de Verenigde Naties. In de jaren 1993 tot 1998 was hij als ambassadeur voor Amerika in Kroatië actief betrokken bij het Kroatische en Bosnische “vredesproces”.

In de jaren tachtig heeft hij gerapporteerd over het zogenaamde gebruik van chemische wapens tegen de Koerden in Noord-Irak (met toenmalig akkoord van de CIA !), wat uiteindelijk heeft geleid tot het instellen van Amerikaanse sancties tegen Saddam Hussein.

 

Washington traint het UCK

 

In Bosnië leidde de MPRI het islamitisch leger op. Voor de opleidingen in Kroatië en Bosnië tikte de factuur voor de MPRI zo’n 600 miljoen dollar aan. Washington vertelde de wereld dat de MPRI er was “om de overgang naar democratie bij te staan”. Het programma heette Train & Equip.

 

Volgens het gespecialiseerde blad Soldiers of Fortune deed in Kosovo niet alleen MPRI mee, maar ook de firma Duncorp. MPRI en Duncorp leidden rechtstreeks de terroriisten van het UCK op. Dit gebeurde in Albanië, waar de NAVO een stevige basis heeft. Het UCK kon tegelijkertijd genieten van zowel Amerikaanse als islamitische steun. James Rubin, VS-woordvoerder, had zelf besloten om de radicale Hashim Taci te steunen en niet de veel gematigder Ibrahim Rugova. Op 15 maart  2005 overleefde Rugova een bomaanslag. Nadien zou hij officieel stervan aan kanker. we kennen allemaal de truc van de geheime diensten om een klein beetje uranium in één of andere zetel in te planten, opdat de lastigaard onopvallend door kanker zal sterven. Is dit Rugova overkomen ? De CIA weet er waarschijnlijk meer van. Volgens Greg Copley, directeur van het Amerikaanse blad Defence and Foreign Affairs Strategic Studies “is het duidelijk dat vanaf 1992 de VS en de Duitse regering het UCK actief hebben gesteund. Zonder de steun van Clinton zou het UCK zeker de slagkracht niet hebben die ze nu bezit ”. Het UCK is de lokale geallieerde van de NAVO. De terreurgroep deelt aann de NAVO alle belangrijke Servische stellingen mee. Generaal wesley Clarck rekende op het UCK voor het geval er op Servië een NAVO-aanval met grondtroepen zou komen. De Amerikanen hadden zelf niet veel zin in een man tegen man gevecht met de Serviërs. Clinton was tegen een grondaanval. Hij wilde zich houden aan de “nul doden aan westerse zijde”-doctrine. Vandaar de laffe bombardementen op vrouwen en kinderen en daarom vanop onbereikbare hoogte.

 

We weten nu zeker dat de CIA, de SAS en de NAVO met het UCK samenwerkten sinds zeker 1999 met als doel van dat UCK een infanterieleger te  maken. Ben Works van het SRI (Strategic Rechearch Institute) zegt duidelijk : “De politiek van de VS bestaat in het helpen van Bin Laden. De politiek van Clinton bestaat uit het garanderen van nog meer terrorisme.” De Amerikaanse kolonel Harry Summers zei in die tijd : “De Amerikanen gedragen zich in Kosovo als de verdedigers van terroristische groepen, die nochtans onze aartsvijanden zijn.”

 

Zowel Henry Kissinger, Samuel Huntington, Yossef Bodansky en Noam Chomsky stelling zich de vraag : “Waar zijn de VS het enige niet-moslimland dat zo de belangen van de moslimlanden verdedigt en zich manoeuvreert in de richting van de moslimlanden ?” Eén van de doelstellingen is het creëren van een soort westerse en pro-westerse islam, gemaakt dank zij de Turks-Amerikaanse as. Deze idee werd in Amerikaanse loges uitgebroed. De islam op zich is een gevaar voor de Israëlische staat, dus moet die islam omgevormd worden tot pro-westers. Er zijn in Europa nationalistische partijen die het maçonnieke discours vanuit de VS gratis overnemen. Maar hier kunnen de VS en hun bondgenoten zich lelijk vergissen. Mooi meegenomen is dan het gegeven dat de VS het terrein al bezet waar anders hevig anti-westerse stromingen zich zouden kunnen nestelen.

 

Ook is het zo dat de VS in zwart-wit termen van goed en kwaad denken. Het Kwaad is iedereen die de belangen van de VS op één of andere manier tegenwerkt.

 

Voor de VS is Europa van zeer groot geopolitiek belang. Het is voor hen de toegang tot het gehele Euro-Aziatische continent. De helft van de Amerikaanse handel gebeurt met Europa. Zeker meet Duitsland, Engeland en Nederland. Om dit te bekomen creëerden ze de Atlantische As. Daarbovenop is hun hulp aan de constructie van de EU in de jaren ‘50 niet zonder reden. Daarom moet, volgens de VS, elke vorm van nationalisme binnen de EU teniet gedaan worden. De VS willen een EU als vazal  en uitvoerder van hun belangen, maar schuwen een sterk onafhankelijk Europa. De Amerikaanse advocaten van Jean Monnet fluisterden hem in het oor de anti-trust-wet zodanig op te stellen dat de  Amerikaanse staalindustrie geen hinder zou ondervinden van de later opgerichte EGKS. Voor de VS is de EU een zwakke partner, wat ze willen. Een steeds maar ouder wordende bevolking, en technologisch meer en meer achterstand oplopend op de rest van de wereld. Daarbij komt nog dat door het verplicht aanvaarden van de EU-regels alle landen hun soevereiniteit verliezen, waardoor ze zaken moeten aanvaarden die hen eigenlijk meer kwaad dan goed doen. Hoe meer landen bij de EU, hoe zwakker dit continent, redeneren ze daar over de plas. Door de vrije uitwisseling van mensen en goederen is een interne controle vrijwel onbestaande en ideaal voor de maffia van de internationale bankiers. Dank zij de VS ( en de zwakte en de corruptie van de EU-ambtenaren) heeft Europa zelfs geen leger. Europa is enorm afhankelijk van de NAVO, het privé leger van de Bilderbergers. Het kan ongelooflijk klinken, maar de kracht van Europa bestaat uit de verdeeldheid. Anders zouden alle landen in koor op de Amerikaanse deuntjes dansen. Europa heeft duizenden jaren geschiedenis geschreven. Nu dreigt Europa de geschiedenis langs een achterpoortje te verlaten.

De NAVO is niet enkel een militair instrument, maar een macht om een bepaalde politieke en economische aanwezigheid te behouden. Dit onder voorwendsel ons te beschermen. Zbigniew Brzezinsky zegt dat Europa een geostrategisch bruggenhoofd is op het Euro-Aziatische continent gericht naar het Nabije en het Midden-Oosten. Nog belangrijker dan de alliantie met Japan, want Europa is de toegang tot het gehele Euro-Aziatische continent. Vlak daar onder ligt Afrika. Europa is het punt waar de belangrijkste energieën ter wereld zich elkaar ontmoeten. Europa is letterlijk een Amerikaans protectoraat. Haar afwezigheid tijdens het debat over Joegoslavië spreekt boekdelen. Haar zwakheid tegenover de VS werd zeer duidelijk tijdens de Amerikaanse aanval op een Europees land, op Servië. In de plaats van de Amerikanen van antwoord te dienen en duidelijk te stellen dat dit een Europese kwestie is die door Europeanen moet worden opgelost, collaboreerde de EU mee met de vrouwen en kinderen dodende NAVO, steeds in handen van een Amerikaan, ook de Europese afdeling. Brzezinsky vreest een autonoom Europa. Dit grootse Europa, het Euro-Russische Europa, kan, zoals de naam het zelf aangeeft, een alliantie sluiten met een stabiel Rusland en zelf een eigen super defentieapparaat uitbouwen. Brzezinsky gaat verder : “Hierdoor zou de NAVO-aanwezigheid in Europa onnuttig worden. Maar indien de Atlantische as zich verwijdert, is het gedaan met de Amerikaanse voorrechten op het Euro-Aziatisch continent. Met een sterk Europa is het gedaan de Atlantische Oceaan te beheersen alsof ze enkel aan de VS behoort. En daarmee wordt het penetratievermogen van de VS in het Euro-Aziatische continent enorm ingeperkt. Gelukkig heeft Europa ons nodig omwille van haar verdediging. De westelijke staten (van Europa) blijven in grote mate een protectoraat van de VS. Deze staten herinneren zich zeer goed wat het is om een vazal te zijn van een Rijk.” Daarom stellen ze alles in het werk om Oost en west-Europa tegen elkaar op te zetten en Rusland te omsingelen. De VS voeren heden de meeste anti-Europese strategie uit sinds de val van de Sovjetunie.

 

De strategie van het omsingelen van de orthodoxe wereld en meer bepaald Rusland :

 

Het aanhouden van een pro-islamitische koers, als onderdeel van de Amerikaanse buitenlandse politiek, alsook het toepassen van de “roll-back” tactiek (het terugdringen) van de orthodoxe wereld, de strategie van de groene gordel, staat voor het omcirkelen van Rusland en haar broedervolkeren, door middel van het ondersteunen van de islamitische ramkoers van Turkije , de Turkstalige landen van de voormalige Sovjetunie en die van de Kaukassus en de Balkan. De islamitische gordel is hoofdzakelijk gericht tegen de Orthodoxie. Hiervoor worden drie islamitische machten gebruikt :

- Saudi-Arabië, als geldschieter van de anti-slavische islamisten in Tsjetsjenië, Afghanistan, Bosnië, Kosovo, Albanië, UCK, enzovoort;

- Turkije, zuidelijke pijler van de NAVO, overal het ‘turkiseren’ ondersteunend;

- Pakistan en Afghanistan, basis voor de internationale soennitische islam.

 

De Amerikanen hebben steeds de islamisten rond Rusland gesteund. Tijdens het bestaan van de Sovjetunie en erna. Tussen 1994 en 1998 steunden de VS de Taliban in Afghanistan. Na het ‘verraad’ van Gulbuddin Hekmatyar, een Pashtun van de Kharoti-stam, als gevolg van de Golfoorlog, plaatste de VS hem op de zwarte lijst (19 februari 2003). Plots werd zijn groep “een bende terroristen”. Want de Taliban werd geacht de orde te handhaven op de firma Unocal kon beginnen met het graven van kanalen om daar nadien pijpleidingen te leggen. Daardoor zouden van Turkmenistan over Afghanisstan olie en gas naar Europa moeten stromen. Om de Taliban bij de publieke opinie gunstig te stemmen, werd verteld dat ze de drugstraffiek zouden doen stoppen. Afghanistan is immers de allergrootste producent van hard-drugs. De Taliban controleren meer dan 90% van de drugsproductie in het land. De CIA sloot er de ogen voor. We kunnen ons de vraag stellen in hoeverre de CIA niet zelf in de drugshandel is ingeburgerd.

 

Later handhaafden de VS een embargo tegen Afghanistan. Bin Laden, een CIA-product, keerde zich tegen zijn meesters.

 

De geostrateeg Bruno Colson legt uit dat de politiek van de VS eruit bestaat systematisch potentiële rivalen te verzwakken of uit  te schakelen, of ze nu vriend of vijand zijn, opdat deze staat haar supermacht behoudt. Op 8 maart 1992 verscheen er in de New York Times een versie van de Defence Planning Guidance die de Amerikaanse Veiligheidsstrategie uitlegde. Er werd samengewerkt met de NSA, een Amerikaanse veiligheidsdienst die vele malen sterker is dan de CIA. De Amerikaanse missie bestaat erin nooit toe te staan dat één of andere rivaal in West-Europa, Azië of de GOS het hoofd recht zodat de Amerikaanse economische belangen in het gedrang komen. Er staat eigenlijk letterlijk dat Europa en Japan – gealllieerden ! – klein moeten worden gehouden. Het rapport stelt letterlijk : “Wat belangrijk is, is het gevoel dat de internationale orde ondersteund wordt door de VS en dat die VS om de orde te bewaren op elk moment moet kunnen ingrijpen wanneer een collectieve actie niet mogelijk is.”  U begrijpt nu waarom de VS zich achter de UNO schuilen om Irak aan te vallen. “De UNO staat machteloos en aldus nemen de VS de zware taak op zich om zelf en alleen aan te vallen.” De Amerikaanse leiders zeggen ons dat hun wereldheerschappij nodig is om de mensheid democratie en vrede te verzekeren. Papa Bush noemde dit de Nieuwe Wereldorde.

 

Heerschappij over Eurazië, constante in de Angelsaksische geopolitiek :

 

In zijn boek “Het Grote Schaakbord” legt Brzezinski uit dat voor de VS de heerschappij over Eurazië, gaande van West-Europa tot China, van hoogste belang zijn. Een sterke aanwezigheid op het Euro-Aziatisch continent garandeert wereldheerschappij. Zeker dank zij de daar aanwezige   grondstoffen. De VS zijn een supermacht dank zij de aanwezigheid in de drie randzones van het continent. Eurazië is het enige terrein waar een eventuele rivaal van de VS zou kunnen verschijnen. Daar bevindt zich de sleutel van de Amerikaanse geopolitiek. De gedachtengang van Brzezinski wordt al jaren door de Engelsen uitgevoerd. De evolutie van de geopolitieke geschiedenis wordt bepaald door een botsing van continentale machten meet maritieme machten. Men kan ook spreken over Thalassocratie. Een thalassocratie (thálassa =  zee; krateín = macht hebben over, heersen) is de naam die reeds in de Griekse oudheid werd gebruikt om een maatschappij aan te duiden die de macht had op zee of deze toch nastreefde. Essentieel voor een thalassocratie was natuurlijk een vloot, die zowel een handels- alsoorlogsvloot kon zijn.

 

De Britten stelden zich reeds de vraag : “Wat zou er met de maritime machten gebeuren indien het grote Eurazische continent zich zou verenigen in één blok en een hele Armada verbergen ?” Het antwoord is devide et impera. “De NAVO is het middel om te verhinderen dat het blok ooit één wordt,” zegt generaal Gallois. Volgens geopolitieker Halford John Mackinder (1861-1947) is het ergste wat er kan gebeuren deDrang nach Osten van Duitse keizer Willem II of een continentale alliantie van Duitsland met Rusland. Deze kunnen de wereldsuprematie van de Angelsaxen beëindigen. Daarom pleit Mackinder voor een gordel van staten tussen Duitsland en Rusland om het militair sterke Duitsland in een eerste tijd te absorberen. Maar de Bolsjewieken veranderen de  geopolitiek in Europa. Vanaf 1943 bepleit Mackinder de theorie van “Heartland” . Voor hem is dit de gehele voormalige Sovjetunie met Centraal- en Oost-Europa aan de rand. Mackinder stelt : “Wie Oost-Europa beheerst, beveelt het hart van de wereld. Wie het hart van de wereld beheerst, beveelt het eiland van de wereld. Wie het eiland van de wereld beheerst, beveelt de wereld.” Oost-Europa is aldus één van de meest strategische gebieden. De Balkan verbindt het Heartland met de Middellandse Zee. Maar Centraal- en Oost-Europa zijn de sleutel tot eenheid van het grote continent. Men kan duidelijk begrijpen waarom de zeemachten Groot-Brittannië en Amerika aan Rusland een vloot hebben willen onthouden en de toegang tot warme zeeën in de Kaukassus, Centraal-Azië en de Balkan. Ook de Britse geopolitieker Homer Lea gaat uit van de land-zee-verhouding. In zijn boek “The Day of the saxons” pleit hij voor het indijken van Rusland. De Russen mogen zelfs niet onrechtstreeks de Bosporus en de Dardanellen beheersen. Tijdens de Krimoorlog werd zijn theorie toegepast. Engeland en Frankrijk steunden de Turken tegen de Russen. Het doel van de orthodoxe Tsaar was om het Heilige land te bevrijden en Constantinopel opnieuw in te nemen. Vandaar konden de Russen doorstoten naar de Indische Oceaan. De Westerse mogendheden schrokken van de gedachte dat de Russische hoofdstad Sint-Petersburg kon verhuisd worden naar de Middellandse Zee. De Vrede van Parijs kwam op 30 maart 1856 (met tsaar Alexander II)  tot stand tijdens een congres in Parijs en bezegelde het einde van de Krimoorlog. Rusland werd teruggedrongen op de Zwarte Zee en mocht langs de kusten geen oorlogshavens meer bouwen. Rusland gaf ook zijn belang op de christenen in het Ottomaanse Rijk te beschermen. De machten beloofden elkaar de integriteit van het Ottomaanse Rijk te behouden. Moldavië en Walachije (die in 1858 zouden worden verengd als Roemenië) en Servië werden erkend als autonoom onder de bescherming van de Europese machten.

 

Het staat vast dat de Angelsaksische mogendheden doorheen de hele geschiedenis alles hebben gedaan om Rusland tegen te werken. Zij steunden steeds de vijanden van Rusland. Een ander voorbeeld van Britse steun is de Russisch-Japanse oorlog. Zowel Groot-Brittannië als Japan maakten zich zorgen om de groeiende macht van Rusland in Mantsjoerije. Op 30 januari 1902 sloten zij een bondgenootschap. Hierin werd overeengekomen dat indien één van beide landen in een oorlog werd meegesleept ter verdediging van haar regionale belangen, de andere natie niet alleen neutraal zou blijven maar er alles aan zou doen om te vermijden dat het conflict zou uitbreiden. Indien andere landen aan de oorlog zouden gaan deelnemen – men dacht aan Frankrijk en Duitsland – dan zou dit land haar bondgenoot ter hulp komen. In feite vergemakkelijkte dit verdrag van 1902 de verwerving van Korea door Japan en versterkte het haar verlangen om het gevecht aan te gaan tegen de Russen in Mantsjoerije.

 

In een boek “Vertelsels en legenden van de ethische oorlogvoering” legt auteur Daniël Bensaïd  de ware redenen uit van de aanval op Joegoslavië. Dank zij deze oorlog hebben de Amerikanen de hand kunnen leggen op een regio waarvan zij beseffen dat zij die in handen moeten hebben om een eventuele opmars van Rusland te dwarsbomen. Het doel van de VS ligt helemaal in dezelfde lijn als die van de Engelsen in de 19de eeuw.

 

In zijn boek “Rusland na het jaar 2000” schrijft Guennady Zjoeganov, leider van de Russische Communistische Partij (In Rusland zijn de Communisten eveneens nationalisten), over de Russisch-Amerikaanse strijd voor de controle van het Heartland “dat de uitkomst van deze strijd over het lot van de wereld zal beslissen. Het Westen wordt aldus verplicht om de Russische heerschappij in de Euro-Aziatische kern te breken”. Zjoeganov is een uitmuntend geopolitieker. Dit kan eveneens gezegd worden van de ultra-nationalist Vladimir Zjirinovsky. Henri Kissinger zegt dat “men Rusland moet aanmoedigen zich enkel op haar eigen grondgebied bezig te houden. Een land dat zich uitstrekt over 11 tijdszones, van Sint-Petersburg tot Vladivostok, heeft niet veel last van claustrofobie.” Een rapport van de Amerikaanse Landsverdediging van 1992 stelt dat de VS-regeringen er rekening mee houden dat de omcirkeling van Rusland tot een hevige toename van Russisch-nationalisme kan leiden. Maar die risico’s nemen ze er graag bij. Het rapport bevestigd dat er Amerikaanse nucleaire wapens op Rusland gericht blijven“want Rusland is de enige macht ter wereld die in staat is de Amerikaanse wereldheerschappij te doorbreken”.

 

Dit document van 1992 houdt het plan in om alle landen van het voormalige Warchaupackt op te zetten tegen Rusland. U begrijpt nu waarom het raketschild in Polen en Tsjechië voor dienen. Niet voor het stoppen van de raketten van Hamas en Hezbollah (die trouwens kleine Russische raketten zijn). Met de uitbreiding van de NAVO richting Oost-Europa knaagt Amerika stilletjes aan de invloedssferen van Moskou.

 

Brzezinski (CFR) zei dat “de NAVO moet uitgebreid worden naar het Oosten om elke dreiging van Rusland in Oost-Europa tegen te gaan”. Ook daarom eisen de Amerikanen dat Turkije bij de EU komt. Dan is Rusland zowel economisch als militair omsingeld. Turkije bij de EU is slecht voor Europa maar goed voor de geopolitieke belangen van de VS. Om de omsingelingen tegen te gaan rekent Rusland op Servië, Griekenland, Iran en Armenië.

Kissinger schrijft : “Indien we falen bij het uitbreiden van de NAVO richting Oost-Europa, dan kan dit leiden naar gevaarlijke geheime akkoorden tussen Rusland en Duitsland”. Bondskanselier Kohl had al zo’n geheim akkoord overwogen en met de Russen besproken.

 

De ware reden voor de Amerikaanse interventie in Kosovo :

 

Charles de Gaulle, voormalig Frans president en aanhangers van de Euro-Russische as, omschreef de NAVO als volgt : “Navo : Organisatie opgedrongen aan de Atlantische Alliantie die niets meer is dan de militaire en politieke onderwerping van West-Europa aan de VS”.

 

De strategie van de NAVO-interventie in Servië lijkt soms onsamenhangend, zelfs leeg. Officieel bombarderen ze om “een menselijke catastrofe te vermijden”. De NAVO heeft niet enkel de menselijke catastrofe kunnen vermijden maar heeft die zelfs uitgelokt. De luchtaanvallen – de Angelsaxen zijn de tientallen laatste jaren niet beroemd omwille van hun moed man tegen man te vechten -  lokten van Servische kant begrijpelijkerwijze harde tegenreacties op. De NAVO-aanvallen zorgen voor een exodus van Albanezen, veel materiële schade maar ook veel doden. De NAVO bombardeerde zelfs vluchtende Albanezen.

 

De Franse generaal Salvan zegt zelf dat de bombardement Milosevic groen licht geeft om Kosovo op te ruimen.

 

We kunnen er niet omheen : ofwel is het nooit het doel van de NAVO geweest mensen te redden ‘van de gruwelijke Serviërs’ ofwel zijn ze bij de NAVO vreselijk naïef en onkundig. Indien we uitgaan van de eerste stelling, dan stellen we vast dat het doel steeds is veranderd en dat de acties incoherent zijn. Het doel van de oorlog tegen Servië is nooit heel duidelijk gesteld, waardoor de Amerikanen een zeer ruime speelmarge hebben waardoor zij hun eigen doel steeds voor ogen konden houden. De media, allen vazal van de internationale bankiers, vertelden ons verschillende doelen :

- de Albanese bevolking in Kosovo beschermen (dixit Blair, Chirac, Clinton, Schröder);

- een algemene destabilisatie van de Balkan vermijden (dixit Chirac);

- Slobodan Milojevic verplichten de akkoorden van Rambouillet te aanvaarden, die voor de Serviërs naar collectieve zelfmoord leiden. (Tijdens de besprekingen zijn Madeleine Albright : “We’ll bomb them”)

- eisen van het veertrek van de Serbo-joegoslavische troepen uit Kosovo;

- het verbieden van elke grove handeling van een dictator tegen een minderheid (dixit Blair);

- het rechtvaardigen van het bestaan van de NAVO, die toen haar 50-jarig bestaan  vierde;

- het militair potentieel van Joegoslavië vernietigen. Dit houdt ook de vernietiging in van het gehele militair-economische potentieel van het land.

 

Sommigen zeggen dat de NAVO aanviel “omdat Europa zelf passief en zwak handelde”; “De Amerikanen zijn naïef zoals kleine kinderen”; “De Amerikanen streden in de Balkan op om de publieke opinie weg te leiden van de sexschandalen van Clinton en Lewinsky”;

Eric de la Maisonneuve, Frans hoofd van de Société de Stratégie, zegt :”De niet-strategie van de NAVO maskeert perfect de strategie van de Amerikanen. De sinds 1994 in de Balkan door de Amerikanen geleide operaties beantwoorden aan een ware strategie. De Kosovaarse Albanezen worden gebruikt voor de Amerikaanse strategie.” Doorheen de hele geschiedenis van de moderne tijd zien we dat de vijand steeds op voorhand wordt gediaboliseerd met als de massa in te pompen dat ‘de aanvallen op de duivel’ gewettigd zijn.

 

Toen de piloten opdracht kregen een rijdende colonne te bombarderen maar meldden dat er geen tanks maar burgers en tractors waren, gaf het NAVO-opperbevel : “toch bombarderen”. Deze communicatie tussen en verontwaardigde piloot en de NAVO-top in Kosovo werd afgeluisterd en wereldkundig gemaakt.

 

Geopolitieke doelstelling en Amerikaanse strategie in de Balkan en Europa :

 

1. De stichting van een Groot-Albanië om de Balkan te destabiliseren:

 

Milosevic is al een tijdje weg. We kunnen zien dat het UCK haar eigen doelstellingen heeft kunnen bereiken : etnische zuivering van Kosovo (er wonen bijna geen Serviërs meer), onafhankelijkheid, het invoeren van een andere munt (jaren geleden was de Deutsche Mark er de munt !) en het onmogelijk maken aan de Serviërs om hun grondgebied – want Kosovo is Servisch – te controleren.

 

Het doel van de Albanese separatisten is niet enkel een onafhankelijk Kosovo, maar eveneens de aansluiting bij Albanië , samen met delen van Macedonië, Griekenland en Montenegro. Op dit ogenblik wordt Macedonië het meest bedreigd want de mot zit er intern al diep in. Meer dan 30% van de bevolking is van Albanese origine.  In 1997 trainden de FARK , de milities van Rugova en concurrent van het UCK, al in de Macedonisch-Kosovaarse grenstreek. Dit deden ze samen met Turkse officieren. De Amerikanen keken welwillend toe. Washington besloot toen al om Macedonië als achtertuin te gebruiken voor haar operaties.

De onafhankelijkheid van Kosovo dient als dominoeffect om  de andere Albanezen in de andere landen aan te sporen hetzelfde te doen. Nu wordt duidelijk waarom het UCK bij de onafhankelijkheid van Kosovo massaal op straat kwam met Albanese … en Amerikaanse vlaggen ! De andere grote winnaars zijn Turkije en Duitsland.

 

De VS hebben vanaf 1999 steeds het UCK gesteund. Richard Holbrooke zei dat de Serviërs verantwoordelijk waren voor etnische botsingen van 2000. Toen stapten 50.000 Albanezen op naar  het door Serviërs bewoonde deel van Kosovska Mitrovica, een stad in het Noorden van Kosovo, met als doel de stad te zuiveren van Serviërs. De stad had eind 2003 een geschat inwonertal van 68.929, bestaande uit zo’n 80% etnische Albanezen in het zuiden van de stad, zo’n 10-15% etnische Serven in het noorden van de stad en zo’n 2% Bosniakken, die in het noorden en het zuiden wonen.

 

Om de rust in de stad te bewaren en de Albanezen en Serven uit elkaar te houden zijn enkele duizenden KFOR-militairen en UNMIK-politietroepen in de stad gelegerd. De grens tussen de Albanezen en de Serven verloopt over de rivier de Ibar.

Servië heeft aan de rand met Kosovo troepen geplaatst. De VS stellen dat de NAVO of KFOR in Servië zelf (ten noorden van Kosovo !) kan optreden in Servië “het zou aandurven misdaden te plegen tegen de Albanezen” in Kosovo ! Iedereen weet dat het UCK er in opdracht op uit is de Serviërs tot harde represailles uit te lokken. Daarom dat het UCK er zijn hand niet voor omdraait om op te treden op een wijze waar zelfs de grootste tiran uit de geschiedenis nog iets kan van leren.

 

2. Het stichten van een NAVO-protectoriaat in Centraal-Europa, Balkan en Albanië:

 

De bescherming van de Franse KFOR-troepenmacht, samen met de Turks-Duits-Amerikaanse samenwerkingen de Balkan, en door de internationale gemeenschap gelegitimeerd dankzij de UNO en de daarbij horende administratie in Kosovo, laat het westers protectoraat van de NAVO toe dat de VS de Russisch-orthodoxe wereld aan haar zuidflank omsingelen en alzo de toegang beletten tot de Middellandse Zee. Tegelijkertijd bezetten ze het geostrategische kruispunt waar drie werelden elkaar ontmoeten : de Middellandse Zee, de Turko-islamitische wereld een de Slavisch-orthodoxe wereld. De NAVO zal er voor minstens 20 tot 30 jaar aanwezig zijn en haar positie versterken.

 

3. Het heroprichten van een nieuw Ijzeren Gordijn tussen West-Europa en de Slavisch-Orthodoxe wereld :

 

De Amerikaanse strategie bestaat uit het aanbrengen van een duurzame breuk tussen west-Europa en de Slavisch-Orthodoxe wereld, en dit zowel op politiek, psychologisch, economische en geostrategisch vlak. De VS willen west-Europa er van overtuigen dat ze meer gemeen hebben met hun Amerikaanse beschermheren dan met hun Slavische broeders en buren.

- De NAVO wordt direct gelinkt aan de UNO omwille van Amerikaanse heerschappij over het Westen;

- het verdedigen van de belangen van de Amerikaanse oliemaatschappijen;

- om bovenstaande te bekomen : Rusland afsnijden van de rest van de wereld, desnoods met stromen van bloed.

 

De aanval op Servië (en Irak) is eveneens een waarschuwing aan tegenpruttelende staten zoals Rusland, Wit-Rusland, China, India, en anderen.

 

Het nieuwe Gordijn van Yzer en Bloed zet beide delen van Europa nog meer tegen elkaar op dan e voorbije 50 jaar.

 

4. Het stichten enclaves, aparte entiteiten en islamitische “abcessen” binnen Europa :

 

Het doel is dubbel :

- destabiliseren van Europa door het creëren van een “islamistisch, pro-Turks en separatitisch  abces” en dit in het hart van het Oude Continent; Op dit punt botsen de westerse, islamitische en de Orthodoxe beschaving. De NAVO heeft dan een goede reden om iedereen te komen beschermen.

- Amerika zich door de Arabische staten “laten vergeven” voor de onvoorwaardelijke steun aan Israël, steun die washington meer en meer in de problemen brengt. Washington wil een goede toegang tot de meer dan een miljard moslims, die wel antiwesters zijn maar toch – in de ogen van het Amerikaanse grootkapitaal – consumenten. En niet vergeten : onder hun voeten bevindt zich 75% van de oliereserves ter wereld.

 

5. De EU compromitteren een ervoor zorgen dat dat er een Atlantische vrijhandelszone komt alsook een bruggenhoofd naar het Euro-Aziatisch continent :

 

De VS willen de Europeanen doen inzien dat ze “onbekwaam” zijn om zelf een buitenlandse politiek te voeren en zelf een gemeenschappelijke defensie in stand te houden, die los staat van Washington. De NAVO, en aldus Washington, moeten dan instaan voor de verdediging van het Oude Continent. De EU is dan niets  anders dan een bruggenhoofd voor het Euro-Atlantisch Blok.

 

Conclusie :

 

Dank zij de Amerikaanse bemoeienissen in Europa voelen vele Europeanen geen binding met heet Oude Continent. In tegendeel : sommigen plooien zich  – als reactie – terug op kleine grenzen omdat ze binnen zeer die kleine grenzen nog één of andere vorm van identiteit ontdekken. Het gevaar bestaat erin dat ze zich daardoor de meest bekrompen mentaliteit aanmeten. Kleine volksentiteiten zijn een must, maar men moet beseffen dat men samen leeft met de buurman, ook al heeft die in de loop der geschiedenis meer dan eens oorlog gevoerd tegen ons volk.

 

Rusland werd steeds vakkundig ver weg gehouden van het theater in West-Europa. Sommigen zeggen dat Rusland geluk heeft gehad en niet veel hinder heeft ondervonden van de bedreigingen die Europa boven het hoofd hangen. maar dat is vergeten dat de Russen ook hun deel van de koek hebben gekregen.

 

Zij hebben Europa indertijd verdedigd tegen de aanvallen van de Tartaro-Mongolen. (De Litouwers sloten zich bij de Slag van Koelikovo, 8 september 1380, aan bij de Mongolen). Maar zij hebben ook veel bloed verloren in Afghanistan en verdedigen heden Europa tegen het islamisme in Tsjetsjenië.

 

Vladimir Volkoff zegt duidelijk dat de Amerikaanse bezetting in de eerste plaats een zorg is voor Europa. Daarom moet er geen as komen van Washington over Brussel naar Tel Aviv. Ook geen as van Portugal tot de Oeral; maar een as van Gibraltar tot Vladivostok, omdat dit laatste één geografisch geheel is.

 

Enkel deze laatste as betekent de laatste overlevingskans voor Europa. Enkel deze laatste As kan Europa, en daardoor de hele wereld, behoeden voor toestanden neergeschreven door Georges Orwell’s 1984.

 

We staat voor de keuze : met de internationale bankiers en slavernij of met Rusland en de vrijheid. Ik heb al gekozen.

 

Kris Roman

Woordvoerder Euro-Rus (www.eurorus.org)

Gent, 3 maart 2008

lundi, 17 septembre 2012

Réflexions sur deux points chauds: l’Iran et la Syrie

Robert STEUCKERS:

Réflexions sur deux points chauds: l’Iran et la Syrie

 

Conférence prononcée à l’Université de Gand, Hoveniersberg, 8 mars 2012

 

L’Iran

 

La première chose qu’il faut impérativement dire quand on prend la parole à propos de l’Iran, c’est de rappeler que ce pays a été le première empire créé par un peuple de souche indo-européennes au cours de l’histoire, dès 2500 ans avant J.C. Le dernier Shah d’Iran, vers la fin de son règne, avait commémoré l’événement fondateur de l’impérialité iranienne à Persépolis par une fête d’une ampleur extraordinaire, à laquelle toutes les têtes couronnées de la planète avaient participé. Ensuite, l’Iran est la terre matricielle de la religion zoroastrienne, première tentative de dépassement d’une religiosité purement mythologique, à l’époque historique lointaine que des auteurs comme Karl Jaspers et Karen Armstrong nomment, très justement, la période axiale de l’histoire, période où se cristallisent les valeurs indépassables sur lesquelles se fondent les grandes civilisations, les empires ou les forces religieuses. Le zoroastrisme pose la figure du dirigeant charismatique qui forge une morale exemplaire et qui, pour l’asseoir dans la société, est accompagné d’une suite de gaillards vigoureux, armés de gourdins (de massues) et d’arcs. C’est dans cette suite de Zoroastre qu’il faut voir l’origine de tous les ordres de chevalerie, introduits en Europe par les cavaliers sarmates (donc iraniens) recrutés par l’Empire romain pour défendre ses frontières, les “limes”. Ces Sarmates, zoroastriens au départ et souvent devenus mithraïstes, ont été casernés en “Britannia” (Angleterre) et au Pays de Galles où ils ont résisté longtemps aux Angles et aux Saxons et ont été à la base des mythes arthuriens, considérés jusqu’à date récente comme “celtiques”. On les retrouve aussi le long du Rhin (le musée romain-germanique de Cologne expose des pierres tombales de cavaliers sarmates) et dans nos régions, surtout le long de la Meuse. Les Alains, peuple cavalier proche des Sarmates et des Scythes, accompagnent les Suèves et les Wisigoths dans leur conquête de l’Espagne. Les régions où ils s’installent, dans le Nord de la péninsule, résisteront à l’invasion maure et c’est précisément dans ces régions-là que les ordres de chevalerie populaires naîtront, enrôlant de simples paysans ou des pélerins arrivés à Compostelle pour former le noyau dur des armées de la reconquista.

 

Querelles entre islams (au pluriel!)

 

L’islamisation totale de l’Iran sera fort lente jusqu’aux temps de Shah Abbas (16ème siècle), qui fera du chiisme la religion de l’Empire perse, en guerre contre les Ottomans, champions du sunnisme. Pour que l’islam soit devenu dominant en Perse, il aura fallu attendre 400 ans après la conquête de ce vaste pays par les armées des successeurs de Mahomet. Le zoroastrisme s’est longtemps maintenu, tandis que le chiisme y cohabitait conflictuellement avec le sunnisme. Ce long conflit entre chiites et sunnites nous ramène à l’actualité: le conflit sous-jacent du Moyen Orient, fort peu mis en exergue par nos médias, oppose en effet l’Arabie saoudite, puissance championne du sunnisme le plus intransigeant, sous sa forme wahhabite, et l’Iran, champion du chiisme. En Orient, les guerres sont éternelles: le passé ne passe pas, est toujours susceptible d’être réactivé car il faut venger les ancêtres, un affront, une défaite. L’Orient, dans ses réflexes, a l’avantage de ne pas connaître d’idéologie progressiste qui efface, ou veut effacer, des mémoires et du réel matériel les forces d’antan, les forces immémoriales. Ce conflit chiite/sunnite, et surtout sa résilience, peut apparaître paradoxal à tous ceux qui ne perçoivent dans l’islam qu’un seul bloc, uni et indifférencié. C’est là une vision simpliste, fausse et juste bonne à générer de la propagande à bon marché. A l’instar d’Yves Lacoste, géopolitologue français et éditeur de la remarquable revue “Hérodote”, il convient, pour être sérieux, de parler des “islams”, si l’on veut poser des analyses cohérentes sur les conflits qui traversent non seulement la sphère musulmane dans son ensemble mais aussi sur les inimitiés qui animent les communautés islamiques immigrées en Europe et que le personnel politique, policier et juridique contemporain, inculte et abruti, est incapable de comprendre donc de prévenir (la “prévoyance”, vertu cardinale des “bons services” selon Xavier Raufer) voire de réprimer à temps. Les affrontements entre chiites et sunnites, voire entre d’autres communautés qui ont l’islam ou le “coranisme” pour dénominateur commun, permettent à des “empires”, hier le britannique, aujourd’hui l’américain, de pratiquer la politique du “Divide ut impera”, de diviser pour régner. C’est ainsi que, tacitement hier, de plus en plus ouvertement aujourd’hui, l’Arabie saoudite est désormais un allié d’Israël dans la lutte contre l’Iran, voulue par Washington et que les schématismes propagandistes des islamophobes hypersimplificateurs ou des fondamentalistes islamiques délirants ou des islamophiles présents dans toutes les “lunatic fringes”, qui veulent voir dans les conflits actuels une lutte entre “Judéo-Croisés” et “Bons (ou Mauvais) Musulmans” sont totalement faux: il y a, d’un côté, l’alliance “Wahhabito-judéo-puritano-croisée” et, de l’autre, les “fondamentalistes chiites/khomeynistes”. Dans les deux camps, il y a des musulmans et ils s’étripent allègrement. De même, la guerre civile qui fait rage aujourd’hui en Syrie est un conflit entre Alaouites et Sunnites; ceux-ci, sous l’impulsion des Wahhabites saoudiens, considèrent les Alaouites, détenteurs du pouvoir à Damas, comme des hérétiques, proches des chiites. Une fois de plus, ce conflit interne à la Syrie démontre que les inimitiés entre factions musulmanes ont plus de poids, au Proche- et au Moyen-Orient, que la césure, souvent mise en exergue dans nos médias, entre l’Occident et l’Islam, n’en déplaisent aux islamophobes ignares que l’on entend gueuler à qui mieux mieux pour des histoires de caricatures, de foulard ou de bidoche ovine, histoires dont on se passerait d’ailleurs bien volontiers sous nos cieux. Les Américains, bien au courant de ces clivages, peuvent ainsi réactiver de vieux conflits afin de faire triompher leurs projets dans le “Grand Moyen Orient”, qu’il s’agit, selon eux, d’unifier sur le plan économique, pour en faire un marché ouvert aux productions des multinationales américaines, et de balkaniser sur le plan politique, notamment en redessinant, sur le long terme, la carte de la région selon les vues d’un Colonel des services américains, Ralph Peters.

 

Des Qadjar aux Pahlevi

 

Quand, dans la première décennie du 20ème siècle, la dynastie perse des Qadjar n’a plus pu contrôler le pays, et que celui-ci a plongé dans le chaos, suite à une tentative de réforme constitutionnelle où l’Iran aurait dû adopter la constitution belge (!), le père du dernier Shah, Reza Khan, colonel d’une unité de cosaques iraniens, prend le pouvoir et se fait proclamer empereur en 1926. Son objectif? Faire de la Perse, qu’il rebaptise “Iran”, un pays moderne, selon les règles du despotisme éclairé, pratiquées en Turquie, à la même époque, par Mustafa Kemal Atatürk. Cette modernisation ne peut s’effectuer, on s’en doute, sous la houlette du clergé chiite (les Chiites ayant un clergé, contrairement aux Sunnites; c’est là la grande différence entre les deux orientations de l’islam moyen-oriental; on peut dire aussi que le clergé chiite est une forme islamisée et dégénérative des fameuses “suites zoroastiennes”, dont la mission était d’imposer la morale politique à un cheptel humain trop souvent indiscipliné). La modernisation selon Reza Khan passe a) par une gestion iranienne de la rente pétrolière, b) par la construction de voies de chemin de fer pour désenclaver la plupart des régions du pays et pour relier les ports du Golfe Persique à la Mer Caspienne, c) par la constitution d’une marine capable d’imposer les volontés iraniennes dans les eaux du Golfe. La volonté de gérer la rente pétrolière se heurtera à la mauvaise volonté britannique car Londres détenait tous les atouts de la “Anglo-Iranian”. La construction du chemin de fer se fera grâce à des ingéneiurs suisses, scandinaves et allemands. Des officiers italiens se chargeront de moderniser la flotte iranienne, fournie en bâtiments construits dans les chantiers navals de la péninsule. En 1941, Britanniques et Soviétiques violent délibérément la neutralité iranienne; dans la foulée, la RAF détruit la flotte iranienne dans les ports du Golfe. Reza Khan est envoyé en exil, d’abord dans les Seychelles, ensuite en Afrique du Sud où il meurt d’un cancer qu’on ne soigne pas comme il le faudrait. De 1941 à 1978, son fils, Mohammed Reza Pahlevi occupe le trône, avec le soutien des Américains, un soutien qui, de la part de Washington, sera d’abord total, puis de plus en plus réticent. Le jeune Shah opte pour une “protection” américaine parce que les Etats-Unis n’ont pas de frontières communes avec l’Iran, tandis que l’URSS brigue l’annexion des régions azerbaïdjanaises du Nord de l’Iran, cherche à les fusionner avec la république Socialiste Soviétique de l’Azerbaïdjan et tandis que les Britanniques, avant l’indépendance et la partition de l’Inde, cherchaient à inclure les provinces beloutches de l’Est iranien dans la partie beloutche de l’actuel Pakistan.

 

Les mémoires de Houchang Nahavandi

 

1359833_6708795.jpgLes mémoires du dernier ministre de l’éducation nationale du Shah Mohammed Reza Pahlevi, Houchang Nahavandi, réfugié à Bruxelles suite à la révolution de Khomeiny, nous apprennent le déroulement véritable de la révolution iranienne. Sa fille Firouzeh Nahavandi confirme les hypothèses paternelles dans un mémoire universitaire très intéressant (ULB), présentant pour l’essentiel un panorama général des partis politiques iraniens. Pour Houchang Nahavandi, c’est essentiellement Harry Kissinger, en tant que “tête pensante” en coulisses inspirant tous les macrostratégistes américains, et ce sont ensuite les présidents démocrates John F. Kennedy, Lyndon B. Johnson puis Jimmy Carter, contrairement au républicain Richard Nixon, qui n’ont pas voulu d’une “concentration de puissance” sur le territoire du plus ancien “empire” de l’histoire mondiale, même si sur ce territoire règnait un allié loyal. La stratégie d’utiliser les “droits de l’homme” pour fragiliser un Etat sera tout de suite appliquée à l’Iran du Shah, dès sa nouvelle théorisation, sous la présidence de Carter. Simultanément, elle sert à boycotter les Jeux Olympiques de Moscou et reçoit une “traduction” destinée au public français, celle que propageront les “nouveaux philosophes”, anciens gauchistes anti-communistes, recyclés dans la défense de l’Occident sous prétexte de diffuser un “socialisme à visage humain”, antidote à la “barbarie”. Les “droits de l’homme”, en tant qu’idéologie libérale et “bourgeoise” (disaient les penseurs d’inspiration marxiste), avaient été soumis à une critique philosophique serrée dans les années 60: la pensée en faisait une “illusion idéaliste”, un “embellisement” plaqué sur les laideurs ou les dysfonctionnements sociaux générés par le libéralisme, un irréalisme destiné à tromper les peuples, à leur fournir un nouvel “opium”, qui prendrait le relais de la religion. Dès les prémisses du “cartérisme”, les intellectuels américains à la solde des “services”, puis leurs émissaires français que sont les “nouveaux philosophes”, les réexhument de l’oubli, de la géhenne des pensées battues en brèche par la critique philosophique (marxiste, structuraliste et autre), et en font une arme contre le marxisme-léninisme au pouvoir en URSS et dans le bloc de l’Est d’abord, contre tous les autres pouvoirs qui ont l’heur de déplaire hic et nunc à l’hegemon américain. Parmi ceux-ci: le système mis en place (mais non parachevé) du dernier Shah.

 

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Photo: Houchang Nahavandi

 

Pourquoi cette hostilité à l’endroit d’un Etat, d’un pouvoir et d’un souverain théoriquement “alliés”? Pour un faisceau de quatre motifs, parmi d’autres motifs, que je sélectionne aujourd’hui pour étayer ma démonstration:

 

1.

Le Shah, sous prétexte de se montrer féal à l’égard de l’alliance qui le lie aux Etats-Unis par le Pacte de Bagdad, puis par le CENTO, équivalent de l’OTAN dans la région entre Bosphore et Indus, cherche continuellement à renforcer son armée. Celle-ci devient trop puissante aux yeux de Washington. La marine impériale iranienne se montre capable d’intervenir avec succès dans le Golfe Persique (à Bahrein en l’occurrence). Son aviation, équipée d’appareils américains, se révèle prépondérante dans la région (ses pilotes seront impitoyablement éliminés dans la première phase des épurations khomeynistes, quand, parmi les épurateurs, siégeaient quelques Irano-Américains, disparus par la suite, une fois leur mission accomplie, cf. les mémoires d’Houchang Nahavandi). L’élimination du Shah visait donc à affaiblir l’armée d’un allié qu’on ne voulait pas trop fort, surtout que sa position géographique sur les hauts plateaux iraniens lui permettait de contrôler, du moins indirectement, quelques régions clefs comme le Golfe, le prolongement afghan des hauts plateaux, la Mésopotamie. Cette possibilité de contrôle et d’élargissement implicite, en faisait une puissance autonome potentielle en dépit de son inclusion dans le CENTO, alliance où la Turquie servait de maillon commun avec l’OTAN.

 

La politique nucléaire du dernier Shah

 

2.

Le Shah avait ensuite amorcé une politique nucléaire. L’hostilité à l’Iran, pour des raisons nucléaires, n’est donc pas nouveau, ne date pas d’Ahmadinedjad. Le Shah avait conclu des accords nucléaires avec la France (encore gaullienne) et l’Allemagne; il investissait une part de la rente du pétrole dans l’industrie atomique européenne. Le but prioritaire de l’Iran n’est pas de se doter d’un armement nucléaire mais de s’équiper d’un nucléaire civil performant car la rente du pétrole, si elle était doublée d’une production complémentaire d’énergie via les centrales nucléaires, aurait permis au Shah et permettrait à Ahmadinedjad de se donner une confortable autarcie énergétique permettant un envol industriel, un armement conventionnel efficace pour l’armée (sur terre, sur mer et dans les airs) et, surtout, à terme, de développer une diplomatie indépendante dans l’espace que le Shah appelait “l’aire de la civilisation iranienne” (ou qu’Ahamadinedjad pourrait appeler le “réseau chiite”, plus réduit et plus dispersé, donc moins efficace, que l’aire envisagée par le “Roi des Rois”). Aujourd’hui, pour l’Iran, la nécessité de se doter d’un nucléaire civil et de vendre un maximum de pétrole est plus impérative et potentiellement plus lucrative que jamais. En effet, la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon oblige l’Empire du Soleil Levant à importer plus de pétrole, notamment d’Iran en dépit des appels au boycott lancés avec tant d’insistance depuis Washington. La France et l’Allemagne ne songent plus à réactiver la politique atomique qu’elles pratiquaient avec le Shah: Paris ayant abandonné sa diplomatie indépendantiste gaullienne et Berlin montrant sans cesse une timidité nucléaire incapacitante, vu le poids politico-parlementaire des Verts (qui font indirectement la politique de Washington en plongeant les pays européens dans la dépendance pétrolière). Le Brésil, lui, a également lancé des programmes nucléaires et pratique d’ores et déjà une diplomatie indépendante dans le Nouveau Monde et ailleurs, en s’alignant sur le BRIC. Le Pakistan, pourtant théoriquement allié des Etats-Unis, a vendu de la technologie nucléaire à l’Iran (et à la Libye), au vu et au su des Américains qui ne s’en sont jamais plaint. L’idée centrale qu’il convient de retenir ici, c’est que l’Iran est, géographiquement parlant, le centre du fameux “Grand Moyen Orient” (GMO) que veulent unifier les Américains sous leur égide discrète et que ce centre ne peut pas avoir d’autre détermination politique et (géo)stratégique que celles qu’imposent les Etats-Unis, faute de quoi l’unification économique espérée, le grand marché rêvé du GMO, ne se réalisera pas ou se réalisera au bénéfice d’autres hegemons. C’est l’enjeu actuel du fameux “Grand Jeu”, commencé au 19ème siècle pour la maîtrise des régions iraniennes, afghanes et pakistanaises entre l’Empire britannique et l’Empire russe. L’Iran est en effet, depuis toujours, le maillon le plus fort et le plus important sur la chaîne formée par les Etats ou royaumes entre les côtes de la Méditerranée orientale et la Chine, chaîne que les stratégistes, notamment à la suite de Zbigniew Brzezinski, nomment la “Route de la Soie”.

 

3.

Pour Washington, il s’agit aussi, comme auparavant pour les Britanniques, d’empêcher toute forme de tandem irano-russe. Le Shah avait signé des accords gaziers avec Brejnev. Aujourd’hui, sous Ahmadinedjad, l’influence russe augmente en Iran, bien que les Iraniens se méfient instinctivement, par tradition historique, de ce voisin trop proche et trop puissant, tenu éloigné de ses frontières depuis l’émergence des nouvelles républiques indépendantes du Turkménistan et de l’Ouzbékistan, auparavant soviétiques.

 

Les Américains craignent l’émergence d’une diplomatie iranienne indépendante

 

4.

Ce que les Américains, avec leurs présidents démocrates, craignaient le plus, c’était l’émergence progressive d’une diplomatie impériale iranienne indépendante. En Europe occidentale, De Gaulle avait déjà inauguré la sienne, assortie de ventes d’appareils Dassault Mirage en Amérique latine, dans d’autres pays de l’OTAN, en Inde et en Australie, sans compter les manoeuvres navales communes entre le Portugal, la France, l’Afrique du Sud et plusieurs pays d’Amérique latine dans l’Atlantique Sud, faisant rêver l’écrivain Dominique de Roux, à un “Cinquième Empire”, pour l’essentiel inspiré du poète portugais Pessoa et de facture franco-lusitanienne (Brésil compris). Dans ses mémoires, publiées après la tragédie de la révolution khomeyniste, le Shah explicite ce qu’il entendait par “aire de la civilisation iranienne”. Celle-ci s’étendait de la Palestine à l’Indus voire aux zones islamisées de la vallée du Gange en Inde, au Golfe Persique et à toutes les côtes avoisinantes de l’Océan Indien. Toutes ces régions ont subi, à un moment ou à un autre de l’histoire, une influence iranienne. L’Iran, par une politique culturelle adéquate et/ou par une politique d’aide économique, devait retrouver l’influence perdue (ou amenuisée) dans ces régions. Ensuite, dans une perspective de coexistence pacifique et de dégel entre les blocs, le Shah entend ouvrir un dialogue économique avec l’URSS. Avec l’Europe, les relations sont excellentes, de même qu’avec l’Egypte. Mieux, le système préconisé par le Shah parvient à surmonter l’antique hostilité entre l’Arabie saoudite, sunnite et wahhabite, et la Perse chiite: en 1975, les deux souverains s’entendent dans le cadre de l’OPEC, créant par là même un tandem qui ne convient guère aux puissances anglo-saxonnes qui entendaient garder une maîtrise totale sur le pétrole moyen-oriental. Le Shah entretient aussi de bons rapports avec l’Inde, qui souhaitait maintenir le pourtours de l’Océan Indien en dehors de la rivalité Est/Ouest, au nom des principes de non alignement prônés par Nehru. En Afghanistan, pays pour partie chiite, le Shah développe un programme d’aide qui, à terme, aurait partiellement fusionné les deux pays, tout en soustrayant Kaboul à toute influence soviétique directe. Le souverain iranien agissait de la sorte en se croyant l’allié privilégié des Etats-Unis et en prenant au sérieux l’idée de coexistence pacifique entre deux blocs aux systèmes différents. En développant sa diplomatie de rapports bilatéraux, le Shah enfreignait plusieurs règles tacites fixées par la Grande-Bretagne d’abord, par les Etats-Unis ensuite. Il créait un pôle de puissance dans son pays même, alors que les Anglais avaient toujours voulu une Perse faible et “protégée”. Il entretenait de bons rapports commerciaux (surtout gaziers) avec l’URSS, en dépit de son appartenance au CENTO, donc à l’un des trois piliers des alliances occidentales sur le “rimland”, s’étendant de l’Egée aux Philippines. La politique anglaise avait toujours voulu éviter tous contacts positifs entre la Perse, pièce maîtresse sur le “rimland” et pays-charnière entre le Machrek arabe et le sous-continent indien, et la Russie/URSS. L’Afghanistan, depuis les théories du géopolitologue Homer Lea et de Lord Curzon (disciple de Mackinder), devait demeurer un espace soustrait à son environnement, un espace neutralisé où ne devaient intervenir ni la Russie (selon les règles du “Grand Jeu”) ni l’Angleterre ni, a fortiori, une Inde ou un Pakistan devenus indépendants ni une Perse qui aurait récupéré les atouts de sa puissance d’antan. En déployant un tel zèle, le Shah s’était rendu, à son insu, totalement insupportable aux yeux des stratégistes américains, héritiers dans la région des réflexes géostratégiques de l’Empire britannique. Il fallait donc lui mettre des bâtons dans les roues et, après les accords pétroliers irano-saoudiens, le chasser du pouvoir, pour remettre en selle des esprits falots ou obscurantistes, rétifs à toute modernité, sans visions de grande envergure: le projet s’est soldé par un fisaco (partiel) parce que les aires impériales, surtout en Orient, ont longue mémoire. Une mutation de signe au niveau idéologique, niveau superficiel, simplement superstructurel, n’élimine pas pour autant les réflexes profonds, pluriséculaires voire plurimillénaires.

 

Pour l’Europe, mai 68; pour l’Iran, Khomeiny

 

9782951741539.jpgEn modernisant l’Iran, en exaltant le passé perse, y compris le passé pré-islamique, en jugulant l’influence des mollahs et en installant dans le pays un islam politiquement “quiétiste” et religieusement plus fécond, en soulignant les aspects les plus lumineux de l’islam perse (ceux qu’ont étudié avec tout le brio voulu un Henry Corbin et ses disciples, dont Christian Jambet), le Shah voulait donner un lustre à son projet de “révolution blanche”, une révolution imposée d’en haut, impliquant une modernisation totale des systèmes d’enseignement, une industrialisation et une redistribution adéquate de la rente pétrolière. Cette “révolution blanche” a été un échec, surtout à cause du boom démographique qui amplifiait chaque année la tâche à accomplir, en alourdissant considérablement le budget alloué aux oeuvres de la “révolution blanche”, dont la création d’un réseau scolaire performant, y compris pour les filles. Rien que le projet d’une telle “révolution” pouvait fâcher les stratégistes américains: mis à part le modèle occidental, ouvert, bien entendu, aux multinationales, ces stratégistes ne toléraient pas l’éclosion de systèmes différents, et finalement auto-centrés, fussent-ils non communistes, dans les Etats du “rimland” inféodés aux commandements américains de l’OTAN, du CENTO et de l’OTASE (Asie du Sud-Est). Par ailleurs, les projets gaulliens de “participation” et d’“intéressement”, de Sénat des régions et des professions, ont été torpillés par les événements de mai 68, mascarade festiviste-révolutionnaire, aux ingrédients délirants, aux perspectives impraticables (celles qui nous ont menés à l’impasse dans laquelle nous marinons et végétons actuellement). On sait désormais, grâce aux recherches fouillées du Prof. Tim B. Müller de Berlin (Humboldt-Universität), que les “services” ont téléguidé, depuis des officines américaines où pontifiait notamment un Herbert Marcuse, l’émergence de cette “contre-culture”, en Allemagne comme en France, pour créer les conditions d’un enlisement permanent, équivalent à un “politicide” constant (cf. Luk van Middelaar). Le régime des mollahs, autour de la personnalité de l’Ayatollah Khomeiny, devait être l’équivalent iranien de notre “mai 68”, la fabrication destinée à enliser pendant longtemps l’Iran dans l’“impolitisme” (Julien Freund).

 

Guerre Iran/Irak et “Irangate”

 

Ce régime, dit “théocratique”, qui renverse d’abord la hiérarchie chiite qualifiée de “quiétiste”, se met en place dès le départ du Shah, en 1979. Les Etats-Unis, leurs “alliés”, tout le cortège des branchés et des post-soixante-huitards, les gauchistes durs et mous à l’unisson, applaudissent au départ du Shah, posé comme un “tyran”, exactement de la même manière que l’est aujourd’hui le brave ophtalmologue Bachar al-Assad. Cette vaste clique dûment médiatisée, téléguidée depuis Washington, imagine alors avoir jeté les bases d’une “démocratie” parlementaire à l’occidentale en Iran, avec des partis de gauche et des partis religieux (qui, avec l’aide de quelques ONG américaines, seraient devenus aussi inconsistants que les démocrates-chrétiens en Europe occidentale), flanqués de quelques libéraux agnostiques travaillant à maintenir “ouvertes” la société et l’économie iraniennes. C’était déjà le projet des Britanniques dans la première décennie du 20ème siècle: imposer à l’Iran une constitution de modèle belge. Les stratégistes américains étaient sûrement moins naïfs et plus cyniques: avec Khomeiny, et ses élucubrations, ils pensaient avoir trouvé le bonhomme qui allait plonger l’Iran dans le chaos et l’obscurantisme, ruinant du même coup tous les projets du Shah, projets modernisateurs et générateurs de puissance politique. A l’intérieur de la révolution iranienne cependant, les Pasdaran, ou “Gardiens de la Révolution”, dont faisait partie Ahmadinedjad, finissent par donner le ton et se révélent foncièrement anti-américains, au nom du théocratisme khomeiniste, certes, mais aussi au nom du nationalisme iranien (le souvenir de la révolution manquée de Mossadegh en 1953). Très rapidement, les relations s’enveniment: les Pasdaran prennent le personnel de l’ambassade américaine en otage. Riposte américaine: déclencher une guerre par personne interposée. Le champion de l’Amérique dans l’arène sera l’Irak nationaliste et sunnite de Saddam Hussein. Pendant huit années consécutives, les deux pays vont se déchirer au cours d’une guerre de position. L’Iran perd son trop-plein démographique: toute une jeunesse est sacrifiée dans la lutte contre l’Irak, soutenu aussi par l’Arabie saoudite, parce qu’il est tout à la fois arabe et sunnite. Le soutien occidental à Saddam Hussein n’est toutefois pas constant et total: quand les Irakiens conquièrent trop de terrain, les Etats-Unis, et même Israël, livrent des armes à l’Iran. Ce sera la fameuse affaire de l’Irangate.

 

 

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Les déboires d’Ahmadinedjad

 

Ahmadinedjad est dans le collimateur parce qu’il est certes un représentant de la “révolution khomeiniste” de 1978-79, parce qu’il est un ancien pasdaran qui a participé à la prise d’otages dans l’ambassade des Etats-Unis (ce qui est une entorse inacceptable aux règles de bienséance diplomatique) mais surtout parce que, derrière sa façade islamo-fondamentaliste et “khomeiniste”, il est pour l’essentiel un nationaliste iranien qui se rappelle de l’affaire Mossadegh de 1953 et qui veut moderniser son pays. Il annulle ainsi les espoirs des stratégistes américains des années 70 de voir l’Iran plonger pour longtemps dans un chaos passéiste (et non pas “progressiste” comme l’Europe; en bout de course, ce passéisme et ce progressisme, tous deux fabriqués, reviennent au même; tous deux plongent les polities, qui en sont affectées, dans l’impolitisme). Ahmadinedjad veut donc une modernisation, qui ne passe pas par un effacement des réflexes archaïques de l’islam et qui s’opère par l’adoption d’un programme nucléaire civil. C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter les heurts survenus, depuis la fin de l’année 2010, entre Ahmadinedjad et son entourage pasdaran, d’une part, et le pouvoir islamo-conservateur des mollahs antimodernistes, d’autre part. Cet affrontement tourne aujourd’hui au désavantage d’Ahmadinedjad. Il y a six jours, le 2 mars, celui-ci vient de subir une importante défaite électorale. La majorité est désormais aux mains des mollahs les plus conservateurs, regroupés autour de la personnalité de Seyyed Ali Khamenei. Les islamo-nationalistes d’Ahmadinedjad sont donc en minorité et affrontent toutes les manoeuvres de déstabilisation perpétrées par leurs adversaires. Notons au passage que ces élections n’ont amené au pouvoir aucun des “réformistes” soutenus par les médias occidentaux, tant les platitudes philosophiques, que l’on nous oblige à aduler aux nom des “Lumières”, font sourire l’électeur iranien, fût-il un homme modeste. Les forces en présence en Iran sont toutes, officiellement, hostiles à l’Occident. Ahmadinedjad, le 2 mars 2012, a perdu deux villes importantes, Ispahan et Tabriz, ce qui diminue considérablement ses chances pour les présidentielles de 2013. Les résultats de ces élections pourraient donc très bien annuler, à terme, les spéculations de guerre formulées à tour de bras par les médias, puisque le départ d’Ahmadinedjad, après un verdict négatif du scrutin présidentiel, n’autoriserait plus la propagande belliciste. Notons aussi que plusieurs figures de l’entourage d’Ahmadinedjad sont accusées de “sorcellerie” par les islamistes les plus intransigeants, qui font ainsi le jeu des Américains, dans la mesure où le résultat évident d’une éviction du pôle pasdaran de la révolution islamique de 1978-79, signifierait un arrêt du processus de modernisation de l’Iran, entre autres choses, par le truchement d’un programme nucléaire civil.

 

Dans la situation actuelle de l’Iran, il convient de retenir trois facteurs importants:

◊ L’embargo contre l’Iran ne fonctionne pas: le Pakistan, l’Inde et la Chine continuent à se fournir en brut iranien, tandis que le Japon se présente comme client depuis la fermeture de la centrale nucléaire de Fukushima. Deux options s’offrent alors à l’Amérique, qui entend réaliser dans la région, par aiilleurs incluse tout entière dans l’espace relevant de l’USCENTCOM, sa grande idée de marché du “Grand Moyen Orient”: ou le retour à un modus vivendi avec l’Iran ou la guerre.

 

Demain: un modus vivendi avec l’Iran?

 

◊ L’option de retrouver un modus vivendi avec l’Iran demeure toujours ouverte, à mon avis. Elle est formulée par le professeur irano-américain Trita Parsi (John Hopkins University), par une politologue comme Barbara Slavin (USA Today) et par un ancien haut fonctionnaire de la CIA, Robert Baer. L’Iran redeviendrait le principal allié des Etats-Unis dans la région, même avant Israël (ce qu’Israël ne souhaite pas car l’Etat hébreu serait alors obligé de composer avec les autorités palestiniennes) et, autour de la masse géographique compacte qu’est le territoire iranien, le fameux GMO pourrait enfin se former par agrégations successives. On reviendrait en quelque sorte à la case départ: l’espace de la “civilisation iranienne”, qu’évoquait le Shah dans ses mémoires, deviendrait le GMO, auquel il correspond dans une large mesure et où un nouvel Iran, dénationalisé et émasculé, en constituerait la masse géographique centrale (Trita Parsi). Il se constituerait sous l’égide américaine et damerait le pion à la Russie et à la Chine en Asie centrale, tandis que ce nouvel Iran, non nucléaire, pourrait exporter son pétrole vers l’Inde et le Japon, en consacrant sa rente pétrolière non pas à la création d’un outil nucléaire civil, ou à un équivalent chiite de la “révolution blanche” du Shah, mais à l’achat de produits américains destinés à la consommation de masse.

 

◊ L’autre option est celle que l’on craint en ce moment: la guerre. Vu la non intervention des Etats-Unis en Syrie, vu l’enlisement en Irak et en Afghanistan, vu aussi la discrétion de la participation américaine à l’hallali contre la Libye, vu les risques énormes qui risquent de survenir au Pakistan, il n’y a pas lieu de penser qu’une guerre future contre l’Iran se fera sur les modèles de 2001 (Afghanistan) et de 2003 (Irak), le territoire iranien étant trop vaste pour être quadrillé sans lourdes pertes et trop montagneux pour permettre des opérations aisées sur le plan conventionnel. La stratégie employée sera probablement double: encerclement/étranglement de l’Iran par l’installation de bases américaines dans tous les pays voisins, ce qui est déjà réalisé; ou bombardement des seuls sites nucléaires iraniens, comme Israël l’avait fait en Irak en 1981 (en apportant ainsi une aide indirecte à l’Iran de Khomeiny). Zbigniew Brzezinski est opposé à une guerre directe: pour ce stratégiste, théoricien de la maîtrise de la “Route de la Soie”, ce serait une catastrophe car les forces américaines y serait clouées plus longtemps encore qu’en Afghanistan, ce qui alourdirait le budget américain et fragiliserait la position hégémonique des Etats-Unis dans le monde, risquant aussi de ruiner le projet de GMO; ensuite l’Iran a la capacité de bloquer le trafic maritime dans le Golfe Persique, ce qui triplerait voire quadruplerait le prix du pétrole en quelques semaines seulement.

 

La Syrie

 

Le nom de la Syrie est ancien, il est celui d’une province romaine, qui n’a toutefois pas eu des frontières constantes. Dans la région, les Romains, puis les Byzantins, ont changé plusieurs fois le tracé des frontières provinciales de leur Empire. Après un premier effondrement des armées de l’Empire byzantin, la Syrie, jusqu’alors chrétienne, du moins depuis le règne de Constantin, est conquise par la première vague des combattants arabo-musulmans, sortis de la péninsule arabique sous la conduite des premiers héritiers de Mohamet. La Syrie, majoritairement sémitique dans sa population, et parlant araméen, s’assimilera vite au nouveau monde musulman. Ajoutons que dans l’Empire byzantin, secoué par les querelles entre iconodules (adorateurs d’images représentant Dieu, le Christ, Marie et les saints) et iconoclastes, hostiles à toute représentation du divin ou de figures divinisées par des images ou des sculptures, les Syriens étaient majoritairement iconoclastes, rejetaient les images comme le feront plus tard les musulmans, mais que les chrétiens araméens restitueront par fidélité à l’idéal religieux grec-orthodoxe. Ce ne sera pas le cas en Iran ou en Inde, terres non sémitiques, où images et miniatures, véritables chefs-d’oeuvre de finesse et de précision, seront longtemps une tradition. L’iconoclasme est une attitude religieuse souvent propre au monde sémitique, indépendamment de l’islam. L’iconodulisme est en revanche une option esthétique plutôt indo-européenne. Au début du 16ème siècle, la Syrie arabe est conquise par les Ottomans turcs, venus d’Anatolie, appuyés par des mercenaires ou des janissaires balkaniques. Pendant 400 ans, la Syrie sera une part constitutive importante de l’ensemble ottoman. Les Turcs, comme les Romains, modifieront souvent le tracé des frontières de leur province syrienne. Cette situation perdurera jusqu’en 1918 où, à l’issue de la première guerre mondiale, la Syrie, conquise par les Britanniques et les Arabes hachémites sous la conduite du fameux Lawrence d’Arabie, passe sous mandat français. Les Hachémites, pour prix de leurs efforts aux côtés des Britanniques, voulaient obtenir, pour l’un des leurs, le trône de Syrie. Ils souhaitaient qu’un royaume se constituât autour de Damas, pour se prolonger jusqu’au Sud de la Palestine et pour jouxter ainsi leurs terres ancestrales du Hedjaz dans l’Ouest de la péninsule arabique.

 

 

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Wahhabisme saoudien

 

Cette péninsule, matrice de l’islam, n’était pas, à l’époque un royaume uni: à l’Ouest, les Hachémites dominaient les terres du Hedjaz au Nord, tandis que le Yémen, jadis riche grâce à son commerce avec l’Afrique subsaharienne, dominait celles du Sud-Ouest. A l’Est, face aux côtes iraniennes du Golfe Persique, vivaient des tribus arabes chiites, en conflit larvé avec les sunnites d’obédience wahhabite. Au centre, dans le Nejd, régnaient les ressortissants de la famille des Séouds et les religieux wahhabites, inspirés par l’islam fondamentaliste, de facture hanbaliste, qu’avait théorisé un imam particulièrement combattif au 18ème siècle. Dans les années 30, les Séouds wahhabites vont conquérir toutes ces provinces périphériques, appuyé par un mouvement de combattants-pionniers, l’Ikhram. Les Hachémites devront quitter leurs terres d’origine et se contenter des trônes de Transjordanie et d’Irak, deux mandats britanniques. Les chiites de la péninsule arabique et des régions proches du Yémen vivront désormais sous le knout wahhabite. Forte du pétrole après les accords américano-saoudiens de 1945, suite à l’entrevue Roosevelt/Ibn Séoud sur un bâtiment de l’US Navy en Mer Rouge, l’Arabie saoudite soutient partout dans le monde les mouvements hanbalites, wahhabites et salafistes, avec la bénédiction tacite des Etats-Unis. Une figure, présentée comme le porte-paroles d’un islam modéré ou d’un très hypothétique “euro-islam” à faire émerger au sein de nos sociétés, telle Tariq Ramadan, appartient à cette mouvance. Il est le neveu de Saïd Ramadan, agent notoire de la CIA en Allemagne dès les années 50, appartenant au mouvement des Frères musulmans, également hanbalite et hostile au pouvoir pragmatique et efficace des “Jeunes officiers” égyptiens, autour de Gamal Abdel Nasser, affublé par ses ennemis fondamentalistes du sobriquet, soi-disant infâmant, de “Pharaon”. Saïd Ramadan contribuera à démanteler les réseaux musulmans travaillant pour les services allemands, des réseaux qui étaient, par la force des choses, plus pro-européens dans leurs options stratégiques, afin de les remplacer par des imams relevant de leur seule obédience et téléguidés par les Etats-Unis. Saïd Ramadan a brisé, et définitivement, les ressorts d’un véritable “euro-islam” que son neveu, paradoxalement, appelle de ses voeux, mais cette fois pour paralyser les polities européennes et faire émerger en leur sein des éventuelles “cinquièmes colonnes” au profit du tandem américano-wahhabite, véritable alliance entre les fondamentalismes protestant/puritain et islamiste.

 

Les espoirs hachémites de recevoir un trône à Damas étaient d’avance pures illusions. Les Accords Sykes-Picot de 1916 contenaient un protocole secret: la France devait recevoir le mandat de gérer le Liban et la Syrie; la Grande-Bretagne de gérer l’Irak, la Transjordanie et la Palestine. En 1917, Lord Balfour déclare que les Juifs pourront avoir “un foyer en Palestine”, ce qui ne signifie pas recevoir la Palestine (toute entière) comme foyer. Les Hachémites acceptent cette solution, donc aussi le foyer juif en Palestine, ce qui a pour effet aujourd’hui que toute une littérature palestinienne, non entachée de fondamentalisme, fustige cette attitude, notamment sous la plume d’un écrivain comme Said K. Aburish, auteur d’une saga familiale montrant la collusion hachémito-britannique et d’une histoire très critique de “l’ascension et du déclin de la famille Séoud”, mercenaire des intérêts américains. Une littérature que des “services” européens idéaux feraient bien de lire pour correspondre enfin à la qualité que préconise un Xavier Raufer, une qualité qui met la capacité de prévoir au premier rang de ses priorités. En 1918-19, les Hachémites acceptent cette présence sioniste parce que l’armée britannique –qui avance d’Aqaba à Damas et chasse les Turcs avec l’appui des cavaliers et chameliers arabes du Colonel Lawrence– est flanquée d’une “Jewish Legion”, composée pour partie de sionistes issus de Russie, qui étaient opposés à la révolution bolchevique et voulaient continuer la guerre aux côtés des alliés occidentaux. Parmi eux, Weizmann et Ben Gourion, ainsi que le sioniste de droite le plus virulent, qui, contrairement à ses jeunes disciples les plus radicaux, demeurera toujours fidèle aux Anglais: Vladimir Jabotinski. Au départ, Hachémites et sionistes étaient liés par leur commune appartenance aux armées de l’Empire britannique. La rupture entre Arabes et sionistes viendra plus tard, quand la majorité des colons juifs installés dans le “foyer juif en Palestine”, militeront dans des formations socialistes ou communistes, auxquelles s’opposeront les autochtones arabes, plus traditionnels dans leurs réflexes politiques.

 

Le mandat français

 

C’est dans le cadre de cette mutation post-ottomane que la Syrie tombe sous administration française et l’éphémère royaume syrien de l’Hachémite Fayçal est effacé de la carte, après une bataille où les Bédouins d’Arabie, ceux-là même qui avaient suivi Lawrence, sont écrasés à Maysalun: dans la foulée, Fayçal s’enfuit et les territoires accordés au titre de mandat à la France sont divisés, avec, d’une part, un “Grand Liban” (créé le 1 septembre 1920), dominé par les maronites chrétiens, et, d’autre part, une Syrie privée de presque tout son littoral. Les alliés avaient jugé que les peuples de la région n’étaient pas encore assez “mûrs” pour bénéficier d’une indépendance. D’où l’expédient du “mandat”. L’Irak recevra des Britanniques une indépendance formelle et limitée dès 1932 mais le nationalisme indépendantiste irakien se dressera contre Londres en 1941, sous l’impulsion du ministre Rachid Ali qui voudra s’aligner sur l’Axe. La Syrie devra attendre 1946 pour accéder à une indépendance complète.

 

Sultan_Pasha_al-Atrash.jpgLa période du régime français ne sera pas une ère de paix. Très vite, en 1925-26, la Syrie se révolte, à commencer par le “Djebel druze” dans le Sud, sous l’impulsion de Sultan Pacha al-Atrash (photo; 1891-1982) et sous la direction éclairée du Dr. Abd al-Rahman al-Shahbandar (1880-1940). Sultan Pacha al-Atrash avait déjà organisé des révoltes contre les Ottomans, récurrentes en Syrie depuis le début du 17ème siècle, ainsi qu’un premier soulèvement de peu d’ampleur en 1922-23. La révolte, druze au départ, générale par la suite, donne naissance à une idéologie nationaliste “grande syrienne”, visant l’unification des territoires aujourd’hui libanais, syriens et palestiniens, tout en manifestant une hostilité à la “Déclaration Balfour” (“Yasqut wa’d Balfour!”). Cette révolte, contrairement à celle d’aujourd’hui contre le pouvoir de Bachar al-Assad, était surtout le fait de la majorité sunnite: dans les minorités, sauf chez les Druzes d’al-Atrash, on cherchait plutôt la protection des Français. La révolte druze a donc été inattendue: c’est l’horreur qu’a provoqué un gouverneur local français, un certain Capitaine Carbillet, en voulant appliquer à la lettre les élucubrations “progressistes” et soi-disant “anti-féodales” de la révolution française et du jacobinisme le plus obtus, qui a déclenché le soulèvement. Carbillet et sa clique se mêlaient de tous les aspects de la vie des autochtones, critiquaient les traditions et les règles de leur droit traditionnel, dans une optique totalement différente de celle d’un Maréchal Lyautey au Maroc, soucieux de respecter les traditions politico-religieuses chérifaines. Trois chefs du clan al-Atrash furent attirés dans un piège par le Haut Commissaire français, le Général Maurice Sarrail, et emprisonnés à Palmyre: cette arrestation de trois parlementaires fut l’incident qui mit le feu aux poudres. En juillet 1925, les Druzes emportent une première victoire, qui est immédiatement suivie d’une répression impitoyable de la part de la puissance mandataire, ce qui entraîne l’adhésion à la révolte des nationalistes de Damas, menés par le Dr. Abd al-Rahman al-Shahbandar qui venait, le 5 juin 1925, de créer son parti, le “Parti du Peuple”. La colonne druze, en marche vers Damas, est défaite par l’aviation française et la cavalerie marocaine le 24 août. Les révoltés syriens optent alors pour la guérilla. Le 18 octobre, un commando d’une soixantaine d’insurgés s’infiltre dans Damas. Sarrail ordonne aussitôt de mitrailler et de bombarder la ville, lui infligeant des destructions effroyables, qui choquèrent les Britanniques et provoquèrent à Paris une campagne de presse hostile au Haut Commissaire, laché par la gauche et le parti “républicain”. La droite, qui n’aimait pas ce général “républicain” et maçon, ne l’épargna pas. Il mourut en mars 1928 dans l’indifférence générale.

 

 

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Projet de partition de la Syrie sous le mandat français

 

Il est remplacé par Henry de Jouvenel, un civil, qui ne parvient pas tout de suite à mater la révolte: elle se poursuivit pendant tout l’hiver, jusqu’au printemps de l’année 1926. Les insurgés campaient en lisière de Damas et harcelaient les troupes françaises. La répression fut très féroce: villages incendiés, habitants mâles massacrés, fusillades de prisonniers sur les places publiques de Damas, déportations de villageois soupçonnés de soutenir la rébellion, nouveaux bombardements de la capitale. A Hama, Fawzi al-Qawuqji, ancien officier ottoman passé aux troupes de Fayçal et Lawrence puis rallié à la France, déclenche une seconde révolte pour faire diversion et disperser les forces françaises, ce qui entraîne le bombardement de la ville et la destruction de ses plus beaux quartiers par des tirailleurs sénégalais excités par leurs officiers blancs.

 

La France empétrée dans le Rif, en Syrie et dans la Ruhr

 

La férocité de la répression, qui s’explique en partie parce que la France faisait face à deux révoltes simultanément; elle devait donc réagir vite devant ces deux dangers qui menaçaient ses positions à l’Ouest et à l’Est de la Méditerranée: en Syrie, elle peut agir seule; dans le Rif (au Maroc), elle doit se concerter avec l’Espagne. Les révoltes syrienne et rifaine sont aussi contemporaines de la grève générale des ouvriers allemands, dressés contre l’occupation de la Ruhr. Paris ne peut intervenir en Rhénanie avec toute la vigueur voulue, vu la mobilisation de ses forces au Levant et en Afrique du Nord. En Allemagne, elle n’a pas le soutien de Londres et ne peut compter que sur un soutien mitigé de la Belgique. Les événements de Syrie dans les années 20 du 20ème siècle sont peu connus, sont généralement oubliés et ne font l’objet d’études scientifiques que depuis peu de temps. Une fois la révolte syrienne matée et la guerre du Rif terminée, la France pratique au Levant la politique du “Divide ut impera”, créant des autonomies locales pour les chrétiens, les Alaouites, les Druzes et les Kurdes. Ces derniers bénéficient de largesses incroyables, dont ne bénéficiaient pas, à l’époque, les Bretons ou les Alsaciens, eux aussi à soumis à une féroce répression judiciaire parce qu’ils réclamaient des droits linguistiques. Les Kurdes, eux, peuvent parler leur langue, reconnue sur le plan administratif dans l’espace du mandat syrien. Le résultat de cette politique fait que la Syrie, jusque aujourd’hui, est restée un tissu de zones ethno-religieuses centrées autour de villes-marchés. Le pays est peu centralisé. Son unité politique, après la seconde guerre mondiale, est certes le résultats d’un nationalisme anti-français mais aussi une création due à l’action d’un parti nationaliste et socialiste, le “Baath”. L’idéologie de ce parti a été pour l’essentiel théorisée par des chrétiens du Levant. Le “Baath” accède au pouvoir en 1963, devenant du même coup l’assise portant l’Etat, même après les défaites militaires de 1967 et de 1973 face à Israël, à la suite desquelles survient le problème de l’eau, du “stress hydrique” du Golan, plateau regorgeant de sources, comme le Plateau de Langres en France, véritable château d’eau alimentant la Seine et plusieurs de ses affluents, la Meuse et la Sâone (affluent du Rhône).

 

L’armée, pilier modernisateur de l’Etat syrien

 

Le Baath organise la Syrie post-mandataire, après les hésitations des années 50, où la vie politique syrienne était troublée et indécise, comme en France sous la IV° République. Ce nouveau pouvoir baathiste est centré sur l’armée, qui devient l’école de la nation. Au sein du peuple, on recrute les jeunes hommes capables, on les forme, on en fait des officiers qui encadrent la nation.

 

36zagr.jpgDans un document militaire secret de 1966, cité par un historien de la Syrie qui fut diplomate néerlandais, Nikolaos van Dam (1), l’auteur anonyme rappelle que les “représentants de l’impérialisme” multiplient les efforts pour réserver l’encadrement de l’armée aux “classes bourgeoises” dans les pays en voie de développement. L’armée reste ainsi aux mains des mêmes oligarques et est maintenue à l’écart de la politique, réduisant de la sorte les armées à de simples “soupapes de sécurité” qu’on appelle uniquement en cas de besoin pour les renvoyer ensuite dans leurs casernes. Il faut donc remplacer l’armée de métier par une “armée idéologique”, explique l’officier baathiste anonyme qui a rédigé le document de 1966 dans le ton socialiste et “tiers-mondiste” de l’époque. Cette “armée idéologique” (donc, en l’occurrence, “baathiste”) doit travailler en permannence à réaliser les objectifs émancipateurs de la masse populaire et à éliminer les injustices. Le “soldat idéologique” est un homme dévoué à sa nation, qui a reçu une éducation adéquate, reposant sur les principes libérateurs et défensifs du Baath, “de manière à ce que l’on puisse se fier à lui, porteur d’une arme, afin qu’il soit une barrière insurmontable contre tous les ennemis: les ennemis de la nation arabe, les ennemis des classes deshéritées qui travaillent dur, les ennemis de l’Unité (syrienne), de la liberté et du socialisme, qu’ils soient des ennemis intérieurs ou extérieurs” (p. 171). “Dans une armée idéologique, les méthodes classiques et professionnelles, basées sur le mercenariat et sur la force aveugle, disparaissent et sont remplacées par de nouveaux rapports reposant sur l’attachement (à la nation), sur la compréhension mutuelle et sur une foi partagée en une destinée commune” (p. 171). “La nature de notre lutte pour l’indépendance, et le fait que les distinctions de classe tranchées n’existent pas dans notre société, a ouvert la possibilité à un groupe de fils de paysans, de travailleurs, de personnes ne disposant pas de gros revenus, d’entrer à l’Académie Militaire (...) pour devenir plus tard le noyau dur révolutionnaire de l’armée, lui permettant de réaliser son rôle historique qui est de superviser la vie du pays et de la nation arabe...” (p. 172). L’armée est donc une “milice” constituée d’un type nouveau de “moine-soldat”, ancré dans la substance populaire.

 

Le Baath et l’armée contre les “Frères Musulmans”

 

Cette valorisation laïque de l’armée comme “bouclier” contre les facteurs de désunion et de sectarisme a pour mission de créer un “Syrien nouveau”, détaché de toutes les formes de sectarisme religieux conduisant à toutes sortes de séditions (le “factionalisme”). La mise sur pied d’une telle “armée idéologique” implique de supprimer, dans la société syrienne, toutes les discriminations imposées parfois aux minorités comme les chrétiens (11% de la population), aux Druzes et aux Alaouites (dont est issu le clan al-Assad). L’objectif des nationalistes syriens d’inspiration baathiste était donc de mettre fin à toutes les polarisations opposant les Sunnites (majoritaires) aux minorités religieuses, d’éliminer le “factionalisme” druze au sein des forces armées et de contrer les menées des Frères Musulmans, incitant les Sunnites majoritaires à discriminer les représentants d’autres communautés religieuses. Aujourd’hui nous assistons à la revanche des “Frères”, dont une révolte, en 1982, avait été matée à Hama par l’action conjuguée de l’armée et des milices baathistes. Cette insurrection de Hama venait après une tentative d’assassinat du Président Hafez al-Assad par les “Frères” le 26 juin 1980. C’est à partir de ces événements sanglants que le binôme armée/parti a reçu une coloration plus “alaouite”. Depuis lors, une guerre civile larvée oppose les “Frères” aux Alaouites et aux baathistes. Le déchaînement actuel des passions, exploité par Israël, les Etats-Unis (avec son élite “puritaine” protestante), la France (avec ses “nouveaux philosophes”’), le Qatar et les Wahhabites saoudiens, s’explique par l’alliance entre ces puissances et les “Frères” pour éliminer un régime lié à l’Iran (vu la parenté religieuse entres Chiites iraniens et Alaouites syriens) et allié à la Russie (à laquelle il accorde des facilités maritimes et navales sur la côte méditerranéenne). La guerre civile actuelle a été annoncée voici trente-deux ans dans une “Déclaration de la Révolution islamique en Syrie”, proclamée en novembre 1980. Cette déclaration appelait les Alaouites “à venir à la raison avant qu’il ne soit trop tard” (p. 107). C’est également dans cette “Déclaration” de novembre 1980, qui promet de “garantir les droits de toutes les minorités”, que les Alaouites sont déclarés “kuffar”, c’est-à-dire “hérétiques” ou “rénégats” de la vraie foi et “idolâtres” (“mouchrikoun”), donc cibles idéales d’une djihad permanente. Contre la volonté de l’“armée idéologique” de demeurer “laïque”, “transconfessionnelle” et “anti-factionaliste”, la “Déclaration” des “Frères” entend au contraire vider l’armée de tous ses éléments non sunnites, appartenant aux “minorités”, afin qu’elle ne réflète que la seule majorité jugée “orthodoxe”, à l’exclusion de tous ceux que l’on campe comme “hérétiques” ou “idolâtres”. Des événements tragiques ont secoué la Syrie en 1981: les “Frères” commettaient des attentats sanglants à Damas contre l’armée et contre le bureau du Premier Ministre; en Egypte, ils assassinaient Sadate (6 octobre). Ces violences ont été le prélude des événements actuels et présentent les mêmes clivages, sauf que le camp des “Frères”, à l’époque, ne bénéficiaient pas du soutien des bellicistes américains et de leurs porte-voix européens. Fin février 1982, cette première guerre civile syrienne prend fin.

 

Les Alaouites, facteur peu connu en Europe occidentale

 

Les Alaouites sont un facteur peu connu en Europe occidentale. On ne peut faire toutefois l’équation entre les Alaouites syriens, chiites, et les Alevis turcs, également victimes de la majorité sunnite. En Turquie, les Alevis sont soit des chiites déguisés en milieu majoritairement sunnite, comme en Syrie, soit des convertis récents ou moins récents, qui ont bien voulu devenir musulmans pour sortir de la “dhimmitude” sans pour autant adhérer aux rigorismes du sunnisme orthodoxe et pour garder une religiosité joyeuse et festive. Parmi les Alevis turcs, on trouve aussi des chamanistes centre-asiatiques (issus des groupes de cavaliers turkmènes ou ouzbeks recrutés par l’armée ottomane), des chrétiens orthodoxes, grecs ou arméniens, des zoroastriens (notamment parmi les Kurdes) voire des juifs, notamment de rite hassidique. Actuellement, bon nombre d’Alevis turcs soutiennent l’armée contre le néo-islamisme d’Erdogan. Pour eux, l’armée turque, laïque, est un rempart contre les exactions sunnites qui n’ont pas manqué de se manifester brutalement: plusieurs pogroms anti-alévis ont effectivement eu lieu en Turquie au cours de ces deux dernières décennies. En Turquie, les Alevis sont donc un mélange de convertis en surface. En Syrie, ce sont des chiites qui ont quelque peu modifié leurs rites pour survivre au sein d’un Empire ottoman majoritairement sunnite. La disparition de la tutelle ottomane après 1918 a rendu aux Alaouites syriens la possibilité de se rapprocher du chiisme, ce qui explique l’alliance iranienne actuelle. En Turquie, la prise du pouvoir par Erdogan et l’AKP, il y a dix ans, a amorcé un processus de démantèlement de cette armée laïque, voulue par Mustafa Kemal Atatürk. Le binôme Erodgan/Gül représente un islam, apparemment modéré, qui veut assurer la prééminence du sunnisme en Turquie. Les deux hommes ont milité dans le mouvement “Milli Görüs”, jadis jugé “extrémiste” par le “Verfassungschutz” allemand. Ce mouvement, à la fois nationaliste et islamiste, s’est fait le relais de ceux qui ont toujours voulu maintenir ou restaurer la domination du sunnisme propre à l’Empire ottoman, un sunnisme mis à l’écart sous la république fondée par Atatürk. Avec l’AKP d’Erdogan, ce sunnisme évincé va prendre sa revanche et chasser à son tour l’armée turque du pouvoir qu’elle détenait depuis près de huit décennies. Avec Gül, qui a des liens avec les Frères musulmans, cette tendance s’accentuera et explique pourquoi la rupture s’est effectuée entre la Turquie et la Syrie en août 2011: Gül avait demandé à Bachar al-Assad de prendre des “Frères” dans son gouvernement. Pour le leader syrien, c’est là une requête impensable, vu les événements de 1980-82 à Hama et à Damas, où les “Frères” ont déclenché une guerre civile dans le but d’éliminer tous les ressortissants de minorités religieuses (chrétiennes comme musulmanes) de l’appareil de l’Etat. L’acceptation de “Frères” dans un gouvernement syrien aurait signifié un abondon total et complet de l’option “transconfessionnelle” du baathisme et la fin de la domination discrète, non officielle, des clans alaouites. Dans la querelle qui a opposé Bachar al-Assad et le binôme Gül/Erdogan en août 2011, le président syrien a refusé la centralisation sunnite hostile aux minorités et maintenu son adhésion aux principes “transconfessionnels” du baathisme, pour qui le “sectarisme”, d’où qu’il vienne, fût-ce de la majorité, ruine le projet d’une grande Syrie forte, arabe et socialiste, où tout exclusivisme islamiste empêcherait la fusion avec un Liban partiellement chrétien. Pour les islamistes, dits “modérés”, autour de Gül et Erdogan, al-Assad est un “anti-démocrate”, tel que le fustige l’Occident des ONG américaines et des “nouveaux philosophes” de Paris. Pour les alliés saoudiens ou qataris de ces fondations américaines ou de ces pseudo-philosophes du “prêt-à-penser”, al-Assad, en tant qu’Alaouite est un “hérétique”: nous avons là la collusion des fondamentalismes bellicistes, l’islamiste et l’occidentaliste.

 

L’alliance entre Saoudiens, Al-Qaedistes et Américains

 

Les Saoudiens, dans ce jeu, luttent donc contre les Alaouites, considérés comme “hérétiques”, et contre tout Etat, dans l’aire arabo-musulmane, qui fonctionne correctement mais sans se référer à des idéologèmes coraniques. Ce que nous pourrions considérer comme de la “bonne gouvernance” au Proche et au Moyen Orient, parce qu’elle assure la paix civile, difficile à imposer dans un espace où il y a tant de turbulences permanentes, est dénoncée comme “mauvaise gouvernance” par l’alliance étonnante que représentent aujourd’hui les Etats-Unis, la nouvelle philosophie, la nouvelle gauche soixante-huitarde marquée par cette “nouvelle philosophie”, les “Frères Musulmans” et le fondamentalisme islamiste de facture wahhabite. Nous vivons ici une situation confuse et floue (à dessein), martelée par les médias conformistes, comme l’avait déjà dénoncée un Georges Orwell, quand il disait que “la vérité est mensonge et le mensonge, vérité”. Dans le cadre de la collusion entre Wahhabites et occidentalistes (soi-disant de “gauche”), signalons tout de même qu’Abdel Hakim Belhaj, combattant d’Al Qaeda devenu gouverneur de Tripoli en Libye suite à l’élimination de Kadhafi, soutient la politique belliciste de l’américanosphère et donc le discours sur les “droits de l’homme” que débitent depuis trente-cinq ans les philosophes bellicistes de la place de Paris. Curieux allié! De même, Ayman al-Zahwari, chef d’Al Qaeda depuis la mort de Ben Laden, appelle à la djihad contre la Syrie. Il ajoute, pour rendre la situation plus confuse encore pour les ignorants et les crédules, qui avalent tout ce que racontent les médias, que Bachar al-Assad est un allié des Etats-Unis... On s’aperçoit des “trucs” de la manipulation planétaire: devant un public arabe, on accuse le “grand méchant” du moment d’être un allié des Etats-Unis; en Europe, on raconte qu’il est un “ennemi de la démocratie”, donc de l’Occident. Pendant ce temps, la télévision iranienne, qui, elle, soutient al-Assad, au nom d’une solidarité entre chiites, dénonce l’alliance entre “les Frères Musulmans, la maison royale des Séouds, les cabbalistes juifs et la franc-maçonnerie des services secrets anglo-saxons avec leurs rituels paléo-égyptiens”. Dont acte. En Flandre, on a peine à imaginer qu’est désormais allié à Al Qaeda le sycophante libéral-thatchérien Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge du gouvernement “arc-en-ciel” et nouvel ami du belliciste vert Cohn-Bendit (celui qui, vu ses obsessions d’ordre sexuel, devait “aller se tremper le cul dans une piscine” selon le ministre de De Gaulle, Alain Peyrefitte). Eh oui, ce Verhofstadt hurle dans le même concert qu’Ayman al-Zawahri, chef d’Al Qaeda!

 

L’embarras d’Israël

 

Israël a une position mitigée. Pourquoi? Tel Aviv souhaite la stabilité dans les conflits régionaux, dont il est partie prenante, veut des ennemis bien profilés, auxquels il s’est habitué au fil du temps et des affrontements. Déjà, la disparition de Moubarak en Egypte fragilise les positions israéliennes sur le front du Sinaï, les néo-islamistes sunnites égyptiens pouvant dans un avenir plus ou moins proche être prompts à aider les combattants du Hamas, lui aussi sunnite, ce qui mettrait en danger la frontière israélienne dans le Neguev, surtout après l’abandon du Sinaï lorsque la paix a été signée avec l’Egypte de Sadate et Moubarak. Alors, si al-Assad tombe, qui viendra au pouvoir après lui à Damas? Les “Frères”? Des Wahhabites assimilables à Al-Qaeda? Ou sera-ce le chaos complet? Certes, Israël déteste Bachar al-Assad, surtout pour son soutien au Hizbollah chiite, pour être le fils de son père Hafez al-Assad qui avait refusé de signer les accords sur le Golan et pour son alliance panchiite avec l’Iran d’Ahmadinedjad. Mais Israël sait que l’Iran a toujours, au cours de son histoire plurimillénaire, soutenu des sectes, des mouvements religieux, des séditions politico-religieuses et surtout le particularisme juif dans l’espace syro-palestinien, contre les Romains (on peut avancer l’hypothèse que les Esséniens et les premiers Chrétiens étaient une de ces antennes parthes dirigées contre Rome), puis, plus tard, contre les Byzantins, les Ottomans et aujourd’hui contre l’alliance américano-israélienne. Cette donne était connue des services israéliens, qui avaient parfaitement su gérer l’antagonisme qui les opposait à Damas: quid, s’il faut changer demain de stratégie, former de nouveaux agents, repérer de nouveaux ennemis, tenir d’autres discours dans les médias au risque de troubler un électorat israélien déjà suffisamment composite et versatile? Israël, suite aux suggestions d’un Colonel américain, Ralph Peters, propose une division de la Syrie en petits Etats ethnico-religieux, exactement comme l’avaient voulu les Français, à l’époque du mandat. Par ailleurs, si al-Assad soutient le Hizbollah chiite et anti-israélien, vainqueur de Tsahal au Liban pendant l’été 2006, le Hamas palestinien, lui, sunnite et tout autant anti-israélien notamment dans son bastion de la Bande de Gaza, soutient les insurgés anti-baathistes de Syrie, au même titre qu’Erdogan et les “nouveaux philosophes”, dont beaucoup de réclament d’une “judéité” franco-républicaine et émancipée à la sauce 68. Or voilà que ces petits messieurs tout pleins de jactance et d’hystérie, ces pompeux donneurs de leçons, ces “intellectuels faussaires”, souvent pro-sionistes à tous crins, se retrouvent dans le même bâteau que les sectataires du Hamas! Raison supplémentaire pour dire qu’Israël aurait préféré le statu quo à la nouvelle soupe, au nouvel imbroglio!

 

Les thèses historiques de Luttwak sur les empires romain et byzantin

 

Parmi les voisins d’Israël, la Syrie dispose de la meilleure armée. C’est un motif pour Israël de voir disparaître le système baathiste qui inspire force, puissance et popularité à la chose militaire en Syrie. Mais, par ailleurs, l’armée et le baathisme sont des phénomènes connus de l’Etat hébreu qui savait comment y faire face. Pour les Etats-Unis, la campagne médiatique contre la Syrie, le baathisme et le pouvoir alaouite et l’orchestration de la guerre civile sont des actions dirigées non pas tant contre la Syrie en soi, avec laquelle ils s’étaient accommodés jusqu’ici, mais contre l’Iran dont le seul allié, en dehors du vieux territoire persan, est désormais la Syrie du clan al-Assad, pourtant alliée des Etats-Unis lors de la première guerre contre l’Irak.

 

 

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Si l’allié syrien (et donc méditerranéen) de l’Iran est éliminé, celui-ci est aussitôt affaibli. En déployant cette stratégie, les Etats-Unis se prennent, comme ils aiment à le faire depuis une ou deux décennies, pour les héritiers géopolitiques de Rome dans la région. Afin d’expliquer les turbulences post-soviétiques en Asie centrale, le long de la “Route de la Soie”, on se réfère souvent à la géostratégie mise au point par Zbigniew Brzezinski dans plusieurs ouvrages, articles ou essais, dont “Le grand échiquier” (“The Grand Chessboard”). On parle beaucoup moins des travaux historiques d’Edward Luttwak sur la stratégie de l’Empire romain, publié fin des années 80 et sur la stratégie de l’Empire byzantin, paru plus récemment. L’ouvrage sur la stratégie de l’Empire romain explique comment il faut tenir la “trouée pannonienne”, soit l’espace aujourd’hui hongrois entre Danube et Tisza, et le Delta du Danube ou la Dobroudja (frontière roumano-bulgare), pour se rendre maître de tout l’espace méditerranéen et sud-européen (à l’Ouest du Rhin et au Sud du Danube). L’ouvrage sur l’Empire byzantin explique les stratégies à adopter pour la maîtrise des Balkans (ce qui est accessoire pour les Etats-Unis maintenant) et pour la domination du Proche Orient ou Levant, ce qui nous ramène à la problématique que nous abordons aujourd’hui. Les Etats-Unis (avec leur appendice israélien) se trouvent face à l’Iran dans la région, exactement comme l’Empire romain du temps des Parthes (bataille de Carrhae en 53 av. J.C.; maîtrise très momentanée des provinces d’Assyria et de Mesopotamia entre 115 et 117) ou que l’Empire byzantin face aux Sassanides.

 

Le jeu dissimulé du néo-ottomanisme

 

Les enjeux de la lutte entre Rome et Byzance, d’une part, et les Parthes ou la Perse, d’autre part, se situent tous à l’Est du territoire syrien actuel, zone d’affrontements entre empires depuis la plus haute antiquité, depuis l’Empire hittite et les royaumes Mittani. Même si aujourd’hui les Etats-Unis dominent les territoires assyriens et mésopotamiens d’Irak, que Rome n’a pu contrôler que pendant deux ans, l’Iran conserve un atout dans cette région fragile, celui de pouvoir inciter les populations chiites à la révolte. L’instabilité irakienne actuelle prouve amplement cette hypothèse, que l’on relativisera en rappelant que les attentats anti-chiites qui ponctuent la vie quotidienne à Badgad sont sans nul doute des formes particulièrement cruelles d’intimidation de la population chiite arabe du Sud du pays, alliées potentielles des Iraniens. La stratégie persane a toujours été par ailleurs, du temps des Romains comme du temps des Byzantins, de semer des troubles, par sectes ou communautés religieuses interposées, dans l’espace syrien (du Taurus au Sinaï). Bachar al-Assad et son clan alaouite servent de levier éventuel aux Iraniens dans la région du Levant, où Ahmadinedjad et les mollahs y sont les héritiers stratégiques des Parthes et des Sassanides: c’est ce levier potentiel que les Etats-Unis entendent détruire aujourd’hui, comme les Romains et les Byzantins souhaitaient se débarrasser de tous les alliés potentiels des Parthes ou des Sassanides. Si on rappelle que, pour bon nombre d’observateurs et d’historiens, l’Empire ottoman était, volens nolens, l’héritier stratégique de Rome et de Byzance dans la région depuis sa conquête de la Syrie et de la Palestine au 16ème siècle, le néo-ottomanisme d’Erdogan, Gül et Davutoglu pourrait s’interpréter comme une stratégie indirecte des Etats-Unis contre l’Iran, dans la mesure où l’allié turc au sein de l’OTAN opte pour une forme de diplomatie apparemment indépendante, ancrée dans l’histoire locale sans plus faire référence à l’universalisme occidentaliste, une nouvelle diplomatie turque qui reste malgré tout, malgré son travestissement en néo-islamisme sunnite, “romaine-byzantine” dans son essence, donc anti-perse et conforme aux visions américaines théorisées par Luttwak. Byzance avait en effet voulu reconquérir l’Ouest de l’Empire romain d’Occident (jusqu’à l’Espagne) afin de disposer de suffisamment de ressources pour affronter les Sassanides, tout en défendant la Syrie contre les infiltrations perses et en pariant sur les chrétiens de la péninsule arabique contre les païens arabes et les Juifs, alliés des Sassanides. Aujourd’hui, les chiites ou les alaouites voire bon nombre de chrétiens araméens remplacent les païens sémites et les Juifs d’Arabie dans le jeu de l’Iran, tandis que les chrétiens arabes pro-byzantins des 6ème et 7ème siècles sont remplacés par les sunnites turcs, saoudiens et les “Frères Musulmans” dans la stratégie néo-byzantine commune des Etats-Unis, de la Turquie, des Frères Musulmans et des wahhabites saoudiens contre la Syrie et l’Iran.

 

L’Iran, dans ce contexte conflictuel, n’a plus guère d’alliés: au Liban, le Hizbollah, certes vainqueur en 2006, est sur la défensive et ne peut contrôler l’ensemble du pays. La Syrie est pour le moment neutralisée par une guerre civile dont on ne peut prévoir l’issue (sera-ce comme en Syrie même au printemps 1982 ou comme en Libye en 2011?). La Libye est hors jeu et appartient désormais à la zone “OTAN”, tout en étant gouvernée par des anciens activistes d’Al-Qaeda (à BHL, la jactance, aux al-qaedistes, le terrain). L’Erythrée et le Soudan, plutôt favorables à l’Iran, sont trop éloignés. Si la Syrie tombe et devient ipso facto une arrière-cours de la Turquie, membre de l’OTAN, le Hizbollah disparaîtra faute de soutien, ce qui soulagera Israël. L’Iran ne disposera plus d’une “tête de pont” sur la côte méditerranéenne. La France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont donc soutenu d’anciens activistes d’Al-Qaeda en Libye et en soutiennent d’autres, avec les “Frères Musulmans”, en Syrie aujourd’hui. L’opposition syrienne reçoit 6 milliards de dollars par an. Ce soutien à des activistes d’Al-Qaeda doit nous contraindre à poser une question: qui était réellement Ben Laden? Un militant religieux anti-impérialiste ou un agent des Etats-Unis, appelé à lancer partout des opérations “fausse bannière” (false flag)? La question demeure ouverte...

 

Conclusion

 

Nous venons d’expliciter les racines du conflit syrien actuel, qui remonte au mandat français, aux troubles des années post-mandataires et à l’insurrection anti-baathiste des “Frères Musulmans” entre 1980 et 1982. Revenons aux événements d’aujourd’hui, sur le terrain. A Homs, récemment, l’armée régulière syrienne a capturé 1500 prisonniers, appartenant à l’armée des insurgés: la plupart de ces combattants étaient des étrangers; parmi eux, douze Français, dont un colonel de la DSGE. Cet épisode est tu ou minimisé par les médias. La France négocierait la libération de ses ressortissants en demandant l’intercession de la Russie de Poutine. Sarközy et Cameron, dans une déclaration commune, avaient annoncé “que les coupables seraient punis”, avouant, en quelque sorte, qu’il y a bel et bien intervention occidentale aux côtés des insurgés syriens or l’article 68 de la Constitution française stipule “qu’il est interdit de mener une guerre secrètement sans l’approbation du Parlement sous peine d’être déféré devant la Haute Cour de Justice”. Alors, dans le cas qui nous préoccupe, y a-t-il, en France aujourd’hui, “estompement de la norme” comme on dit pudiquement en Belgique quand la justice ne fait pas correctement son travail...? A la fin du mois de février 2012, 75 pays se sont réunis à Tunis pour décider de geler les avoirs de la Banque Nationale de Syrie, pour entendre l’Arabie saoudite déclarer qu’elle allait financer les rebelles syriens et leur fournir des armes (celles-ci viennent alors d‘un pays arabe et non pas d’une puissance occidentale que l’on pourrait accuser de “néo-colonialisme”). De son côté, Hilary Clinton menace: “Assad paiera le prix fort pour avoir bafoué les droits de l’homme, ses jours sont comptés”. Comme étaient comptés les jours de Kadhafi? Devons-nous réellement participer à ce genre de chasse à l’homme digne du Far West? Devons-nous tolérer qu’un homme politique fini et usé comme Verhofstadt cherche encore à se faire de la publicité en appelant au carnage comme il le fit déjà pour la Libye? Le “Conseil National Syrien” (CNS), embryon d’un gouvernement post-Assad, déclare certes qu’il protègera les minorités, tenant ainsi exactement le même langage que les Frères Musulmans en 1980-81 qui, simultanément, demandaient l’exclusion de tous les minoritaires hors des rouages de l’Etat. Les minorités pour leur part sont inquiètes et soutiennent plutôt le régime baathiste ou cherchent la protection des Russes comme au temps de l’Empire ottoman. Elles ont le souvenir de ce qui est advenu des chrétiens (toutes obédiences confondues) en Irak, elles savent ce qui advient des Coptes d’Egypte et elles se rappellent des incendies des monastères orthodoxes serbes par les bandes kosovars. Dans le monde arabe, les minorités, chrétiennes, chiites ou autres, ne survivent que sous les régimes laïques et militaires, où elles ne sont pas réduites à des communautés de citoyens de seconde zone. Elles sont persécutées quand les “Frères Musulmans” ou les wahhabites ou les salafistes prennent le pouvoir car, pour elles, c’est alors le retour à une dhimmitude pure et dure.

 

L’Europe, si elle avait été un véritable sujet politique, aurait dû plaider pour le statu quo en Libye, en Egypte et en Syrie, quitte à négocier dur avec les pouvoirs militaires ou avec les dynastes “kleptocrates” en place pour aboutir à des solutions satisfaisantes. Avec le mixte explosif de “Frères” et d’Al-Qaedistes arrivé au pouvoir avec l’appui diplomatique d’Hilary Clinton, avec les avions de combat de Sarközy et de l’OTAN, avec les mercenaires recrutés par le Qatar, grâce aussi au relais médiatique qu’ont été BHL et ses imitateurs, l’Europe, voisine immédiate de l’Afrique du Nord et du Levant, est désormais cernée sur son flanc méridional par une zone de turbulences sur laquelle elle n’a plus le moindre contrôle ni la moindre influence, vu la cassure Europe/Islam due à un rejet général, dans tous les pays européens, de l’immigration en provenance des pays musulmans, vu la disparition des laïcismes militaires et la fin annoncée des communautés chrétiennes d’Orient (lesquelles servaient jadis d’interfaces entre les deux aires civilisationnelles). La crise économique, surtout dans des pays comme la Grèce, l’Espagne ou l’Italie, fragilise encore davantage ce flanc sud de notre sous-continent. C’est la raison pour laquelle il faut se montrer extrêmement vigilant en trois points: le détroit de Gibraltar, l’espace maritime entre Sicile et Tunisie, l’Egée, sans oublier Chypre. Ces zones doivent être verrouillées, soustraites par tous les moyens à des influences dangereuses ou des flux migratoires déséquilibrants; il ne faut faire, en ces zones-clefs, aucune concession d’ordre géopolitique.

 

Les désastres libyen, égyptien, tunisien et syrien démontrent, s’il fallait encore le démontrer, que les interventions, directes ou déguisées, des Etats-Unis dans le Vieux Monde, et plus particulièrement, en ce qui nous concerne, dans l’espace euro-méditerranéen ou proche-oriental, ne conduisent qu’à des désordres difficilement surmontables, qu’à des ressacs de puissance pour l’Europe (et, partant, pour toutes les puissances européennes en dépit de la subsistance tenace d’antagonismes inter-européens, hélas toujours repérables). Carl Schmitt et Karl Haushofer nous ont rendu attentifs à ce type d’intervention “hors espace”, qui représentent toujours des modi operandi équivalant à des guerres indirectes perpétrées par les puissances thalassocratiques contre les puissances continentales ou contre les puissances du “rimland”, mi-maritimes (ou potentiellement maritimes) et mi-continentales. Les interventions “hors espace” (“raumfremd”) ne visent pas l’ordre mais le désordre, le chaos; elles visent à affaiblir à moyen ou long terme des puissances posées clairement comme ennemies ou qui sont simplement différentes, émergentes ou potentiellement génantes. Les collaborateurs européens de ces entreprises américaines (par immixtions saoudiennes et qataries interposées) sont des traitres purs et simples à l’endroit de leurs propres polities ou des opportunistes, en quête d’un privilège quelconque, ou des naïfs, incapables d’analyser la situation historique de grandes régions proches de l’Europe dont le devenir, positif ou négatif, influence nécessairement la marche des affaires en notre sous-contient et qui, de plus, ont une importance géostratégique cruciale sur la masse continentale eurasiatique et sur le pourtour de l’Océan Indien et des mers annexes, comme le Golfe ou la Mer Rouge, qui s’approchent, en leurs extrémités de la Méditerranée orientale. Il y a bel et bien une alliance entre Washington et les fondamentalistes islamistes contre l’Europe et, aujourd’hui, contre la principale puissance du concert européen, c’est-à-dire la Russie de Poutine, lequel d’après les dépêches détournées par Julian Assange dans le cadre de l’affaire dite de “Wikileaks”, est le seul personnage politique de caractère en Europe.

 

Robert STEUCKERS.

 

Notes:

 

(1) Nikolaos van DAM, The Struggle for Power in Syria – Politics and Society under Asad and the Ba’th Party, I. B. Tauris, London, 1979-2011.

 

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-          Tigrane YEGAVIAN, “Repères minorités: les relatios entre les chrétiens et le régime Al-Assad”, in: Moyen-Orient, n°12, oct.-déc. 2011.

 

Articles anonymes:

 

-          AA, “Un plan israélien pour le démembrement de la Syrie”, sur: http://french.irib.ir/info/

-          AA, “Le rapport de la Ligue Arabe donne des preuves de l’implication de la CIA, du MI6 et du Mossad derrière les violences en Syrie”, sur http://mediabenews.wordpress.com/

-          AA, “La crise iranienne de plus en plus intégrée dans la crise générale”, sur http://mbm.hautetfort.com/ (11/01/2012).

-          AA, “Survol historique de la Syrie et des Alaouites”, sur http://mediabenews.wordpress.com/ (24/01/2012).

 

Ouvrages/Articles lus après rédaction:

 

-          Paul DELMOTTE, “Le retour du Colonel Peters”, sur http://mbm.hautetfort.com/ (04/05/2012).

-          Mathieu GUIDERE, “Nouvelle géopolitique de l’islamisme”, in: Moyen-Orient, n°15, juillet-sept. 2012.

-          Bernard HOURCADE, “Iran-Occident: la fin d’une guerre froide?”, in: Moyen-Orient, n°15, juillet-sept. 2012.

-          Tancrède JOSSERAN, Florian LOUIS & Frédéric PICHON, Géopolitique du Moyen-orient et de l’Afrique du Nord – Du Maroc à l’Iran, PUF, Paris, 2012.

-          Peter LOGGHE, “Domineert Qatar straks de gehele Arabische ruimte?”, in Nieuwsbrief Deltastichting, Nr. 57, Maart 2012.

-          Michael LÜDERS, Iran: Der falsche Krieg – Wie der Westen seine Zukunft verspielt, C. H. Beck, München, 2012.

-          Romain MIELCAREK, “Syrie: du mensonge à la vérité – le jeu dangereux de la propagande”, in: Pays émergents, mai-juin 2012.

-          Mansouria MOKHEFI, “Le Golfe arabo-persique, quelle puissance arabe?”, in: Moyen-Orient, n°15, juillet-sept. 2012.

-          Valentina NAPOLITANO, “Le Hamas dans la tourmente révolutionnaire syrienne”, in: Moyen-Orient, n°15, juillet-sept. 2012.

-          Antoine UYTTERHAEGHE, “Syrië, de strategische inzet”, sur http://www.uitpers.be/ (12/03/2012).

-          Claus WOLFSCHLAG, “Mediales Trauerspiel im Syrienkonflikt”, sur http://www.jungefreiheit.de/ (19/04/2012).

-          Tigrane YEGAVIAN, “L’impasse syrienne”, in: Carto, n°12, juillet-août 2012.

 

mardi, 24 juillet 2012

L’itinéraire d’un géopolitologue allemand: Karl Haushofer

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Robert Steuckers:
L’itinéraire d’un géopolitologue allemand: Karl Haushofer

Préambule: le texte qui suit est une brève recension du premier des deux épais volumes que le Prof. Hans-Adolf Jacobsen a consacré à Karl Haushofer. Le travail à accomplir pour réexplorer en tous ses recoins l’oeuvre de Karl Haushofer, y compris sa correspondance, est encore immense. Puisse cette modeste contribution servir de base aux étudiants qui voudraient, dans une perspective néo-eurasienne, entamer une lecture des oeuvres de Haushofer et surtout analyser tous les articles parus dans sa “Zeitschrift für Geopolitik”.

Haushofer est né en 1869 dans une famille bien ancrée dans le territoire bavarois. Les archives nous rappellent que le nom apparaît dès 1352, pour désigner une famille paysanne originaire de de la localité de Haushofen. Les ancêtres maternels, eux, sont issus du pays frison dans le nord de l’Allemagne. Orphelin de mère très tôt, dès l’âge de trois ans, le jeune Karl Haushofer sera élevé par ses grands-parents maternels en Bavière dans la région du Chiemsee. Le grand-père Fraas était professeur de médecine vétérinaire à Munich. En évoquant son enfance heureuse, Haushofer, plus tard, prend bien soin de rappeler que les différences de caste étaient inexistantes en Bavière: les enfants de toutes conditions se côtoyaient et se fréquentaient, si bien que les arrogances de classe étaient inexistantes: sa bonhommie et sa gentillesse, proverbiales, sont le fruit de cette convivialité baroque: ses intiatives porteront la marque de ce trait de caractère. Haushofer se destine très tôt à la carrière militaire qu’il entame dès 1887 au 1er Régiment d’Artillerie de campagne de l’armée du Royaume de Bavière.

En mission au Japon

Le 8 août 1896, il épouse Martha Mayer-Doss, une jeune femme très cultivée d’origine séphérade, côté paternel, de souche aristocratique bavaroise, côté maternel. Son esprit logique seront le pendant nécessaire à la fantaisie de son mari, à l’effervescence bouillonnante de son esprit et surtout de son écriture. Elle lui donnera deux fils: Albrecht (1903-1945), qui sera entraîné dans la résistance anti-nazie, et Heinz (1906-?), qui sera un agronome hors ligne. Le grand tournant de la vie de Karl Haushofer, le début véritable de sa carrière de géopolitologue, commence dès son séjour en Asie orientale, plus particulièrement au Japon (de la fin 1908 à l’été 1910), où il sera attaché militaire puis instructeur de l’armée impériale japonaise. Le voyage du couple Haushofer vers l’Empire du Soleil Levant commence à Gênes et passe par Port Saïd, Ceylan, Singapour et Hong Kong. Au cours de ce périple maritime, il aborde l’Inde, voit de loin la chaîne de l’Himalaya et rencontre Lord Kitchener, dont il admire la “créativité défensive” en matière de politique militaire. Lors d’un dîner, début 1909, Lord Kitchener lui déclare “que toute confrontation entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne coûterait aux deux puissances leurs positions dans l’Océan Pacifique au profit du Japon et des Etats-Unis”. Haushofer ne cessera de méditer ces paroles de Lord Kitchener. En effet, avant la première guerre mondiale, l’Allemagne a hérité de l’Espagne la domination de la Micronésie qu’elle doit défendre déjà contre les manigances américaines, alors que les Etats-Unis sont maîtres des principales îles stratégiques dans cet immense espace océanique: les Philippines, les Iles Hawaï et Guam. Dès son séjour au Japon, Haushofer devient avant tout un géopolitologue de l’espace pacifique: il admet sans réticence la translatio imperii en Micronésie, où l’Allemagne, à Versailles, doit céder ces îles au Japon; pour Haushofer, c’est logique: l’Allemagne est une “puissance extérieure à l’espace pacifique” tandis que le Japon, lui, est une puissance régionale, ce qui lui donne un droit de domination sur les îles au sud de son archipel métropolitain. Mais toute présence souveraine dans l’espace pacifique donne la maîtrise du monde: Haushofer n’est donc pas exclusivement le penseur d’une géopolitique eurasienne et continentale, ou un exposant érudit d’une géopolitique nationaliste allemande, il est aussi celui qui va élaborer, au fil des années dans les colonnes de la revue “Zeitschrift für Geopolitik”, une thalassopolitique centrée sur l’Océan Pacifique, dont les lecteurs les plus attentifs ne seront pas ses compatriotes allemands ou d’autres Européens mais les Soviétiques de l’agence “Pressgeo” d’Alexander Rados, à laquelle collaborera un certain Arthur Koestler et dont procèdera le fameux espion soviétique Richard Sorge, également lecteur très attentif de la “Zeitschrift für Geopolitik” (ZfG). Dans son journal, Haushofer rappelle les rapports qu’il a eus avec des personnalités soviétiques comme Tchitchérine et Radek-Sobelsohn. L’intermédiaire entre Haushofer et Radek était le Chevalier von Niedermayer, qui avait lancé des expéditions en Perse et en Afghanistan. Niedermayer avait rapporté un jour à Haushofer que Radek lisait son livre “Geopolitik der Pazifischen Ozeans”, qu’il voulait faire traduire. Radek, roublard, ne pouvait faire simplement traduire le travail d’un général bavarois et a eu une “meilleure” idée dans le contexte soviétique de l’époque: fabriquer un plagiat assorti de phraséologie marxiste et intitulé “Tychookeanskaja Probljema”. Toutes les thèses de Haushofer y était reprises, habillées d’oripeaux marxistes. Autre intermédiaire entre Radek et Haushofer: Mylius Dostoïevski, petit-fils de l’auteur des “Frères Karamazov”, qui apportait au géopolitologue allemand des exemplaires de la revue soviétique de politique internationale “Nowy Vostok” (= “Nouveau Monde”), des informations soviétiques sur la Chine et le Japon et des écrits du révolutionnaire indonésien Tan Malakka sur le mouvement en faveur de l’auto-détermination de l’archipel, à l’époque sous domination néerlandaise.

Le séjour en Extrême-Orient lui fait découvrir aussi l’importance de la Mandchourie pour le Japon, qui cherche à la conquérir pour se donner des terres arables sur la rive asiatique qui fait face à l’archipel nippon (l’achat de terres arables, notamment en Afrique, par des puissances comme la Chine ou la Corée du Sud est toujours un problème d’actualité...). Les guerres sino-japonaises, depuis 1895, visent le contrôle de terres d’expansion pour le peuple japonais coincé sur son archipel montagneux aux espaces agricoles insuffisants. Dans les années 30, elles viseront à contrôler la majeure partie des côtes chinoises pour protéger les routes maritimes acheminant le pétrole vers les raffineries nippones, denrée vitale pour l’industrie japonaise en plein développement.

Début d’une carrière universitaire

Le retour en Allemagne de Karl et Martha Haushofer se fait via le Transibérien, trajet qui fera comprendre à Haushofer ce qu’est la dimension continentale à l’heure du chemin de fer qui a réduit les distances entre l’Europe et l’Océan Pacifique. De Kyoto à Munich, le voyage prendra exactement un mois. Le résultat de ce voyage est un premier livre, “Dai Nihon – Grossjapan” (en français: “Le Japon et les Japonais”, avec une préface de l’ethnologue franco-suisse Georges Montandon). Le succès du livre est immédiat. Martha Haushofer contacte alors le Professeur August von Drygalski (Université de Munich) pour que son mari puisse suivre les cours de géographie et passer à terme une thèse de doctorat sur le Japon. Haushofer est, à partir de ce moment-là, à la fois officier d’artillerie et professeur à l’Université. En 1913, grâce à la formidable puissance de travail de son épouse Martha, qui le seconde avec une redoutable efficacité dans tous ses projets, sa thèse est prête. La presse spécialisée se fait l’écho de ses travaux sur l’Empire du Soleil Levant. Sa notoriété est établie. Mais les voix critiques ne manquent pas: sa fébrilité et son enthousiasme, sa tendance à accepter n’importe quelle dépêche venue du Japon sans vérification sourcilleuse du contenu, son rejet explicite des “puissances ploutocratiques” (Angleterre, Etats-Unis) lui joueront quelques tours et nuiront à sa réputation jusqu’à nos jours, où il n’est pas rare de lire encore qu’il a été un “mage” et un “géographe irrationnel”.

Le déclenchement de la première guerre mondiale met un terme (tout provisoire) à ses recherches sur le Japon. Les intérêts de Haushofer se focalisent sur la “géographie défensive” (la “Wehrgeographie”) et sur la “Wehrkunde” (la “science de la défense”). C’est aussi l’époque où Haushofer découvre l’oeuvre du géographe conservateur et germanophile suédois Rudolf Kjellen, auteur d’un ouvrage capital et pionnier en sciences politiques: “L’Etat comme forme de vie” (“Der Staat als Lebensform”). Kjellen avait forgé, dans cet ouvrage, le concept de “géopolitique”. Haushofer le reprend à son compte et devient ainsi, à partir de 1916, un géopolitologue au sens propre du terme. Il complète aussi ses connaissances par la lecture des travaux du géographe allemand Friedrich Ratzel (à qui l’on doit la discipline de l’anthropogéographie); c’est l’époque où il lit aussi les oeuvres des historiens anglais Gibbon (“Decline and Fall of the Roman Empire”) et Macaulay, exposant de la vision “Whig” (et non pas conservatrice) de l’histoire anglaise, étant issu de familles quaker et presbytérienne. Les événements de la première guerre mondiale induisent Haushofer à constater que le peuple allemand n’a pas reçu —en dépit de l’excellence de son réseau universitaire, de ses érudits du 19ème siècle et de la fécondité des oeuvres produites dans le sillage de la pensée organique allemande,— de véritable éducation géopolitique et “wehrgeographisch”, contrairement aux Britanniques, dont les collèges et universités ont été à même de communiquer aux élites le “sens de l’Empire”.

Réflexions pendant la première guerre mondiale

Ce n’est qu’à la fin du conflit que la fortune des armes passera dans le camp de l’Entente. Au début de l’année 1918, en dépit de la déclaration de guerre des Etats-Unis de Woodrow Wilson au Reich allemand, Haushofer est encore plus ou moins optimiste et esquisse brièvement ce qui, pour lui, serait une paix idéale: “La Courlande, Riga et la Lituanie devront garder des liens forts avec l’Allemagne; la Pologne devra en garder d’équivalents avec l’Autriche; ensuite, il faudrait une Bulgarie consolidée et agrandie; à l’Ouest, à mon avis, il faudrait le statu quo tout en protégeant les Flamands, mais sans compensation allemande pour la Belgique et évacuation pure et simple de nos colonies et de la Turquie. Dans un tel contexte, la paix apportera la sécurité sur notre flanc oriental et le minimum auquel nous avons droit; il ne faut absolument pas parler de l’Alsace-Lorraine”. L’intervention américaine lui fera écrire dans son journal: “Plutôt mourir européen que pourrir américain”.

Haushofer voulait dégager les “trois grands peuples de l’avenir”, soit les Allemands, les Russes et les Japonais, de l’étranglement que leur préparaient les puissances anglo-saxonnes. Les énergies de l’ “ours russe” devaient être canalisées vers le Sud, vers l’Inde,sans déborder ni à l’Ouest, dans l’espace allemand, ni à l’Est dans l’espace japonais. L’ “impérialisme du dollar” est, pour Haushofer, dès le lendemain de Versailles, le “principal ennemi extérieur”. Face à la nouvelle donne que constitue le pouvoir bolchevique à Moscou, Haushofer est mitigé: il rejette le style et les pratiques bolcheviques mais concède qu’elles ont libéré la Russie (et projettent de libérer demain tous les peuples) de “l’esclavage des banques et du capital”.

En 1919, pendant les troubles qui secouent Munich et qui conduisent à l’émergence d’une République des Conseils en Bavière, Haushofer fait partie des “Einwohnerwehrverbände” (des unités de défense constituées par les habitants de la ville), soit des milices locales destinées à maintenir l’ordre contre les émules de la troïka “conseilliste” et contre les pillards qui profitaient des désordres. Elles grouperont jusqu’à 30.000 hommes en armes dans la capitale bavaroise (et jusqu’à 360.000 hommes dans toute la Bavière). Ces unités seront définitivement dissoutes en 1922.

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Les résultats du Traité de Versailles

La fin de la guerre et des troubles en Bavière ramène Haushofer à l’Université, avec une nouvelle thèse sur l’expansion géographique du Japon entre 1854 et 1919. Une chaire est mise à sa disposition en 1919/1920 où les cours suivants sont prodigués à onze étudiants: Asie orientale, Inde, Géographie comparée de l’Allemagne et du Japon, “Wehrgeographie”, Géopolitique, Frontières, Anthropogéographie, Allemands de l’étranger, Urbanisme, Politique Internationale, Les rapports entre géographie, géopolitique et sciences militaires. L’objectif de ces efforts était bien entendu de former une nouvelle élite politique et diplomatique en mesure de provoquer une révision des clauses du Traité de Versailles. Pour Wilson, le principe qui aurait dû régir la future Europe après les hostilités était celui des “nationalités”. Aucune frontière des Etats issus notamment de la dissolution de l’Empire austro-hongrois ne correspondait à ce principe rêvé par le président des Etats-Unis. Dans chacun de ces Etats, constataient Haushofer et les autres exposants de la géopolitique allemande, vivaient des minorités diverses mais aussi des minorités germaniques (dix millions de personnes en tout!), auxquelles on refusait tout contact avec l’Allemagne, comme on refusait aux Autrichiens enclavés, privés de l’industrie tchèque, de la viande et de l’agriculture hongroises et croates et de toute fenêtre maritime de se joindre à la République de Weimar, ce qui était surtout le voeu des socialistes à l’époque (ils furent les premiers, notamment sous l’impulsion de leur leader Viktor Adler, à demander l’Anschluss). L’Allemagne avait perdu son glacis alsacien-lorrain et sa province riche en blé de Posnanie, de façon à rendre la Pologne plus ou moins autarcique sur le plan alimentaire, car elle ne possédait pas de bonnes terres céréalières. La Rhénanie était démilitarisée et aucune frontière du Reich était encore “membrée” pour reprendre, avec Haushofer, la terminologie forgée au 17ème siècle par Richelieu et Vauban. Dans de telles conditions, l’Allemagne ne pouvait plus être “un sujet de l’histoire”.

Redevenir un “sujet de l’histoire”

Pour redevenir un “sujet de l’histoire”, l’Allemagne se devait de reconquérir les sympathies perdues au cours de la première guerre mondiale. Haushofer parvient à exporter son concept, au départ kjellénien, de “géopolitique”, non seulement en Italie et en Espagne, où des instituts de géopolitique voient le jour (pour l’Italie, Haushofer cite les noms suivants dans son journal: Ricciardi, Gentile, Tucci, Gabetti, Roletto et Massi) mais aussi en Chine, au Japon et en Inde. La géopolitique, de facture kjellénienne et haushoférienne, se répand également par dissémination et traduction dans une quantité de revues dans le monde entier. La deuxième initiative qui sera prise, dès 1925, sera la création d’une “Deutsche Akademie”, qui avait pour but premier de s’adresser aux élites germanophones d’Europe (Autriche, Suisse, minorités allemandes, Flandre, Scandinavie, selon le journal tenu par Haushofer). Cette Académie devait compter 100 membres. L’idée vient au départ du légat de Bavière à Paris, le Baron von Ritter qui, en 1923 déjà, préconisait la création d’une institution allemande semblable à l’Institut de France ou même à l’Académie française, afin d’entretenir de bons et fructueux contacts avec l’étranger dans une perspective d’apaisement constructif. Bien que mise sur pied et financée par des organismes privés, la “Deutsche Akademie” ne connaîtra pas le succès que méritait son programme séduisant. Les “Goethe-Institute”, qui représentent l’Allemagne sur le plan culturel aujourd’hui, en sont les héritiers indirects, depuis leur fondation en 1932.

L’objectif des instituts de géopolitique, de la Deutsche Akademie et des “Goethe-Institute” est donc de générer au sein du peuple allemand une sorte d’ “auto-éducation” permanente aux faits géographiques et aux problèmes de la politique internationale. Cette “auto-éducation” ou “Selbsterziehung” repose sur un impératif d’ouverture au monde, exactement comme Karl et Martha Haushofer s’étaient ouverts aux réalités indiennes, asiatiques, pacifiques et sibériennes entre 1908 et 1910, lors de leur mission militaire au Japon. Haushofer explique cette démarche dans un mémorandum rédigé dans sa villa d’Hartschimmelhof en août 1945. La première guerre mondiale, y écrit-il, a éclaté parce que les 70 nations, qui y ont été impliquées, ne possédaient pas les outils intellectuels pour comprendre les actions et les manoeuvres des autres; ensuite, les idéologies dominantes avant 1914 ne percevaient pas la “sacralité de la Terre” (“das Sakrale der Erde”). Des connaissances géographiques et historiques factuelles, couplées à cette intuition tellurique —quasi romantique et mystique à la double façon du “penseur et peintre tellurique” Carl Gustav Carus, au 19ème siècle, et de son héritier Ludwig Klages qui préconise l’attention aux mystères de la Terre dans son discours aux mouvements de jeunesse lors de leur rassemblement de 1913— auraient pu contribuer à une entente générale entre les peuples: l’intuition des ressources de Gaia, renforcée par une “tekhnê” politique adéquate, aurait généré une sagesse générale, partagée par tous les peuples de la Terre. La géopolitique, dans l’optique de Haushofer, quelques semaines après la capitulation de l’Allemagne, aurait pu constituer le moyen d’éviter toute saignée supplémentaire et toute conflagration inutile (cf. Jacobsen, tome I, pp. 258-259).

Une géopolitique révolutionnaire dans les années 20

En dépit de ce mémorandum d’août 1945, qui regrette anticipativement la disparition de toute géopolitique allemande, telle que Haushofer et son équipe l’avaient envisagée, et souligne la dimension “pacifiste”, non au sens usuel du terme mais selon l’adage latin “Si vis pacem, para bellum” et selon l’injonction traditionnelle qui veut que c’est un devoir sacré (“fas”) d’apprendre de l’ennemi, Haushofer a été aussi et surtout —c’est ce que l’on retient de lui aujourd’hui— l’élève rebelle de Sir Halford John Mackinder, l’élève qui inverse les intentions du maître en retenant bien la teneur de ses leçons; pour Mackinder, à partir de son célèbre discours de 1904 au lendemain de l’inauguration du dernier tronçon du Transibérien, la dynamique de l’histoire reposait sur l’opposition atavique et récurrente entre puissances continentales et puissances maritimes (ou thalassocraties). Les puissances littorales du grand continent eurasiatique et africain sont tantôt les alliées des unes tantôt celles des autres. Dans les années 20, où sa géopolitique prend forme et influence les milieux révolutionnaires (dont les cercles que fréquentaient Ernst et Friedrich-Georg Jünger ainsi que la figure originale que fut Friedrich Hielscher, sans oublier les communistes gravitant autour de Radek et de Rados), Haushofer énumère les puissances continentales actives, énonciatrices d’une diplomatie originale et indépendante face au monde occidental anglo-saxon ou français: l’Union Soviétique, la Turquie (après les accords signés entre Mustafa Kemal Atatürk et le nouveau pouvoir soviétique à Moscou), la Perse (après la prise du pouvoir par Reza Khan), l’Afghanistan, le sous-continent indien (dès qu’il deviendra indépendant, ce que l’on croit imminent à l’époque en Allemagne) et la Chine. Il n’y incluait ni l’Allemagne (neutralisée et sortie du club des “sujets de l’histoire”) ni le Japon, puissance thalassocratique qui venait de vaincre la flotte russe à Tsoushima et qui détenait le droit, depuis les accords de Washington de 1922 d’entretenir la troisième flotte du monde (le double de celle de la France!) dans les eaux du Pacifique. Pour “contenir” les puissances de la Terre, constate Haushofer en bon lecteur de Mackinder, les puissances maritimes anglo-saxonnes ont créé un “anneau” de bases et de points d’appui comme Gibraltar, Malte, Chypre, Suez, les bases britanniques du Golfe Persique, l’Inde, Singapour, Hong Kong ainsi que la Nouvelle-Zélande et l’Australie, un cordon d’îles et d’îlots plus isolés (Tokelau, Suvarov, Cook, Pitcairn, Henderson, ...) qui s’étendent jusqu’aux littoraux du cône sud de l’Amérique du Sud. L’Indochine française, l’Insulinde néerlandaise et les quelques points d’appui et comptoirs portugais sont inclus, bon gré mal gré, dans ce dispositif en “anneau”, commandé depuis Londres.

Les Philippines, occupées depuis la guerre hispano-américaine puis philippino-américaine de 1898 à 1911 par les Etats-Unis, en sont le prolongement septentrional. Le Japon refuse de faire partie de ce dispositif qui permet pourtant de contrôler les routes du pétrole acheminé vers l’archipel nippon. L’Empire du Soleil Levant cherche à être une double puissance: 1) continentale avec la Mandchourie et, plus tard, avec ses conquêtes en Chine et avec la satellisation tacite de la Mongolie intérieure, et 2) maritime en contrôlant Formose, la presqu’île coréenne et la Micronésie, anciennement espagnole puis allemande. L’histoire japonaise, après Tsoushima, est marquée par la volonté d’assurer cette double hégémonie continentale et maritime, l’armée de terre et la marine se disputant budgets et priorités.

Un bloc continental défensif

Haushofer souhaite, à cette époque, que le “bloc continental”, soviéto-turco-perso-afghano-chinois, dont il souhaite l’unité stratégique, fasse continuellement pression sur l’ “anneau” de manière à le faire sauter. Cette unité stratégique est une “alliance pression/défense”, un “Druck-Abwehr-Verband”, soit une alliance de facto qui se défend (“Abwehr”) contre la pression (“Druck”) qu’exercent les bases et points d’appui des thalassocraties, contre toutes les tentatives de déploiement des puissances continentales. Haushofer dénonce, dans cette optique, le colonialisme et le racisme, qui en découle, car ces “ismes” bloquent la voie des peuples vers l’émancipation et l’auto-détermination. Dans l’ouvrage collectif “Welt in Gärung” (= “Le monde en effervescence”), Haushofer parle des “gardiens rigides du statu quo” (“starre Hüter des gewesenen Standes”) qui sont les obstacles (“Hemmungen”) à toute paix véritable; ils provoquent des révolutions bouleversantes et des effondrements déstabilisants, des “Umstürze”, au lieu de favoriser des changements radicaux et féconds, des “Umbrüche”. Cette idée le rapproche de Carl Schmitt, quand ce dernier critique avec acuité et véhémence les traités imposés par Washington dans le monde entier, dans le sillage de l’idéologie wilsonienne, et les nouvelles dispositions, en apparence apaisantes et pacifistes, imposées à Versailles puis à Genève dans le cadre de la SdN. Carl Schmitt critiquait, entre autres, et très sévèrement, les démarches américaines visant la destruction définitive du droit des gens classique, le “ius publicum europaeum” (qui disparait entre 1890 et 1918), en visant à ôter aux Etats le droit de faire la guerre (limitée), selon les théories juridiques de Frank B. Kellogg dès la fin des années 20. Il y a tout un travail à faire sur le parallèlisme entre Carl Schmitt et les écoles géopolitiques de son temps.

En dépit du grand capital de sympathie dont bénéficiait le Japon chez Haushofer depuis son séjour à Kyoto, sa géopolitique, dans les années 20, est nettement favorable à la Chine, dont le sort, dit-il, est similaire à celui de l’Allemagne. Elle a dû céder des territoires à ses voisins et sa façade maritime est neutralisée par la pression permanente qui s’exerce depuis toutes les composantes de l’ “anneau”, constitués par les points d’appui étrangers (surtout l’américain aux Philippines). Haushofer, dans ses réflexions sur le destin de la Chine, constate l’hétérogénéité physique de l’ancien espace impérial chinois: le désert de Gobi sépare la vaste zone de peuplement “han” des zones habitées par les peuples turcophones, à l’époque sous influence soviétique. Les montagnes du Tibet sont sous influence britannique depuis les Indes et cette influence constitue l’avancée la plus profonde de l’impérialisme thalassocratique vers l’intérieur des terres eurasiennes, permettant de surcroît de contrôler le “chateau d’eau” tibétain où les principaux fleuves d’Asie prennent leur source (à l’Ouest, l’Indus et le Gange; à l’Est, le Brahmapoutre/Tsangpo, le Salouen, l’Irawadi et le Mékong). La Mandchourie, disputée entre la Russie et le Japon, est toutefois majoritairement peuplée de Chinois et reviendra donc tôt ou tard chinoise.

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Sympathie pour la Chine mais soutien au Japon

Haushofer, en dépit de ses sympathies pour la Chine, soutiendra le Japon dès le début de la guerre sino-japonaise (qui débute avec l’incident de Moukden en septembre 1931). Cette option nouvelle vient sans doute du fait que la Chine avait voté plusieurs motions contre l’Allemagne à la SdN, que tous constataient que la Chine était incapable de sortir par ses propres forces de ses misères. Le Japon apparaissait dès lors comme une puissance impériale plus fiable, capable d’apporter un nouvel ordre dans la région, instable depuis les guerres de l’opium et la révolte de Tai-Peh. Haushofer avait suivi la “croissance organique” du Japon mais celui-ci ne cadrait pas avec ses théories, vu sa nature hybride, à la fois continentale depuis sa conquête de la Mandchourie et thalassocratique vu sa supériorité navale dans la région. Très branché sur l’idée mackindérienne d’ “anneau maritime”, Haushofer estime que le Japon demeure une donnée floue sur l’échiquier international. Il a cherché des explications d’ordre “racial”, en faisant appel à des critères “anthropogéographiques” (Ratzel) pour tenter d’expliquer l’imprécision du statut géopolitique et géostratégique du Japon: pour lui, le peuple japonais est originaire, au départ, des îles du Pacifique (des Philippines notamment et sans doute, antérieurement, de l’Insulinde et de la Malaisie) et se sent plus à l’aise dans les îles chaudes et humides que sur le sol sec de la Mandchourie continentale, en dépit de la nécessité pour les Japonais d’avoir à disposition cette zone continentale afin de “respirer”, d’acquérir sur le long terme, ce que Haushofer appelle un “Atemraum”, un espace de respiration pour son trop-plein démographique.

L’Asie orientale est travaillée, ajoute-t-il, par la dynamique de deux “Pan-Ideen”, l’idée panasiatique et l’idée panpacifique. L’idée panasiatique concerne tous les peuples d’Asie, de la Perse au Japon: elle vise l’unité stratégique de tous les Etats asiatiques solidement constitués contre la mainmise occidentale. L’idée panpacifique vise, pour sa part, l’unité de tous les Etats riverains de l’Océan Pacifique (Chine, Japon, Indonésie, Indochine, Philippines, d’une part; Etats-Unis, Mexique, Pérou et Chili, d’autre part). On retrouve la trace de cette idée dans les rapports récents ou actuels entre Etats asiatiques (surtout le Japon) et Etats latino-américains (relations commerciales entre le Mexique et le Japon, Fujimori à la présidence péruvienne, les théories géopolitiques et thalassopolitiques panpacifiques du général chilien Pinochet, etc.). Pour Haushofer, la présence de ces deux idées-forces génère un espace fragilisé (riche en turbulences potentielles, celles qui sont à l’oeuvre actuellement) sur la plage d’intersection où ces idées se télescopent. Soit entre la Chine littorale et les possessions japonaises en face de ces côtes chinoises. Tôt ou tard, pense Haushofer, les Etats-Unis utiliseront l’idée panpacifique pour contenir toute avancée soviétique en direction de la zone océanique du Pacifique ou pour contenir une Chine qui aurait adopté une politique continentaliste et panasiatique. Haushofer manifeste donc sa sympathie à l’égard du panasiatisme. Pour lui, le panasiatisme est “révolutionnaire”, apportera un réel changement de donne, radical et définitif, tandis que le panpacifisme est “évolutionnaire”, et n’apportera que des changements mineurs toujours susceptibles d’être révisés. Le Japon, en maîtrisant le littoral chinois et une bonne frange territoriale de l’arrière-pays puis en s’opposant à toute ingérence occidentale dans la région, opte pour une démarche panasiatique, ce qui explique que Haushofer le soutient dans ses actions en Mandchourie. Puis en fera un élément constitutif de l’alliance qu’il préconisera entre la Mitteleuropa, l’Eurasie (soviétique) et le Japon/Mandchourie orientant ses énergies vers le Sud.

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Toutes ces réflexions indiquent que Haushofer fut principalement un géopolitologue spécialisé dans le monde asiatique et pacifique. La lecture de ses travaux sur ces espaces continentaux et maritimes demeure toujours aujourd’hui du plus haut intérêt, vu les frictions actuelles dans la région et l’ingérence américaine qui parie, somme toute, sur une forme actualisée du panpacifisme pour maintenir son hégémonie et contenir une Chine devenue pleinement panasiatique dans la mesure où elle fait partie du “Groupe de Shanghai” (OCS), tout en orientant vers le sud ses ambitions maritimes, heurtant un Vietnam qui s’aligne désormais sur les Etats-Unis, en dépit de la guerre atroce qui y a fait rage il y a quelques décennies. On n’oubliera pas toutefois que Kissinger, en 1970-72, avait parié sur une Chine maoïste continentale (sans grandes ambitions maritimes) pour contenir l’URSS. La Chine a alors eu une dimension “panpacifiste” plutôt que “panasiatique” (comme l’a souligné à sa manière le général et géopolitologue italien Guido Giannettini). Les stratégies demeurent et peuvent s’utiliser de multiples manières, au gré des circonstances et des alliances ponctuelles.

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Réflexions sur l’Inde

Reste à méditer, dans le cadre très restreint de cet article, les réflexions de Haushofer sur l’Inde. Si l’Inde devient indépendante, elle cessera automatiquement d’être un élément essentiel de l’ “anneau” pour devenir une pièce maîtresse du dispositif continentaliste/panasiatique. Le sous-continent indien est donc marqué par une certaine ambivalence: il est soit la clef de voûte de la puissance maritime britannique, reposant sur la maîtrise totale de l’Océan Indien; soit l’avant-garde des puissances continentales sur le “rimland” méridional de l’Eurasie et dans la “Mer du Milieu” qu’est précisément l’Océan Indien. Cette ambivalence se retrouve aujourd’hui au premier plan de l’actualité: l’Inde est certes partie prenante dans le défi lancé par le “Groupe de Shanghai” et à l’ONU (où elle ne vote pas en faveur des interventions réclamées par l’hegemon américain) mais elle est sollicitée par ce même hegemon pour participer au “containment” de la Chine, au nom de son vieux conflit avec Beijing pour les hauteurs himalayennes de l’Aksai Chin en marge du Cachemire/Jammu et pour la question des barrages sur le Brahmapoutre et de la maîtrise du Sikkim. Haushofer constatait déjà, bien avant la partition de l’Inde en 1947, suite au départ des Britanniques, que l’opposition séculaire entre Musulmans et Hindous freinera l’accession de l’Inde à l’indépendance et/ou minera son unité territoriale ou sa cohérence sociale. Ensuite, l’Inde comme l’Allemagne (ou l’Europe) de la “Kleinstaaterei”, a été et est encore un espace politiquement morcelé. Le mouvement indépendantiste et unitaire indien est, souligne-t-il, un modèle pour l’Allemagne et l’Europe, dans la mesure, justement, où il veut sauter au-dessus des différences fragmentantes pour redevenir un bloc capable d’être pleinement “sujet de l’histoire”.

Voici donc quelques-unes des idées essentielles véhiculées par la “Zeitschrift für Geopolitik” de Haushofer. Il y a en a eu une quantité d’autres, parfois fluctuantes et contradictoires,  qu’il faudra réexhumer, analyser et commenter en les resituant dans leur contexte. La tâche sera lourde, longue mais passionnante. La géopolitique allemande de Haushofer est plus intéressante à analyser dans les années 20, où elle prend tout son essor, avant l’avènement du national-socialisme, tout comme la mouvance nationale-révolutionnaire, plus ou moins russophile, qui cesse ses activités à partir de 1933 ou les poursuit vaille que vaille dans la clandestinité ou l’exil. Reste aussi à examiner les rapports entre Haushofer et Rudolf Hess, qui ne cesse de tourmenter les esprits. Albrecht Haushofer, secrétaire de la “Deutsche Akademie” et fidèle disciple de ses parents, résume en quelques points les erreurs stratégiques de l’Allemagne dont:
a)    la surestimation de la force de frappe japonaise pour faire fléchir en Asie la résistance des thalassocraties;
b)    la surestimation des phénomènes de crise en France avant les hostilités;
c)    la sous-estimation de la durée temporelle avec laquelle on peut éliminer militairement un problème;
d)    la surestimation des réserves militaires allemandes;
e)    la méconnaissance de la psychologie anglaise, tant celle des masses que celle des dirigeants;
f)    le désintérêt pour l’Amérique.
Albrecht Haushofer, on le sait, sera exécuté d’une balle dans la nuque par la Gestapo à la prison de Berlin-Moabit en 1945. Ses parents, arrêtés par les Américains, questionnés, seront retrouvés pendus à un arbre au fond du jardin de leur villa d’Hartschimmelhof, le 10 mars 1946. Karl Haushofer était malade, déprimé et âgé de 75 ans.

L’Allemagne officielle ne s’est donc jamais inspirée de Haushofer ni sous la République de Weimar ni sous le régime national-socialiste ni sous la Bundesrepublik. Néanmoins bon nombre de collaborateurs de Haushofer ont poursuivi leurs travaux géopolitiques après 1945. Leurs itinéraires, et les fluctuations de ceux-ci devrait pouvoir constituer un objet d’étude. De 1951 à 1956, la ZfG reparaît, exactement sous la même forme qu’au temps de Haushofer. Elle change ensuite de titre pour devenir la “Zeitschrift für deutsches Auslandswissen” (= “Revue allemande pour la connaissance de l’étranger”), publiée sous les auspices d’un “Institut für Geosoziologie und Politik”. Elle paraît sous la houlette d’un disciple de Haushofer, le Dr. Hugo Hassinger. En 1960, le géographe Adolf Grabowsky, qui a également fait ses premières armes aux côtés de Haushofer, publie, en n’escamotant pas le terme “géopolitique”, un ouvrage remarqué, “Raum, Staat und Geschichte – Grundlegung der Geopolitik” (= “Espace, Etat et histoire – Fondation de la géopolitique”). Il préfèrera parler ultérieurement de “Raumkraft” (de “force de l’espace”). Les ouvrages qui ont voulu faire redémarrer une géopolitique allemande dans le nouveau contexte européen sont sans contexte ceux 1) du Baron Heinrich Jordis von Lohausen, dont le livre “Denken in Kontinenten” restera malheureusement confiné aux cercles conservateurs, nationaux et nationaux-conservateurs, “politiquement correct” oblige, bien que Lohausen ne développait aucun discours incendiaire ou provocateur, et 2) du politologue Heinz Brill, “Geopolitik heute”, où l’auteur, professeur à l’Académie militaire de la Bundeswehr, ose, pour la première fois, au départ d’une position officielle au sein de l’Etat allemand, énoncer un programme géopolitique, inspiré des traditions léguées par les héritiers de Haushofer, surtout ceux qui, comme Fochler-Hauke ou Pahl, ont poursuivi une quête d’ordre géopolitique après la mort tragique de leur professeur et de son épouse. A tous d’oeuvrer, désormais, pour exploiter tous les aspects de ces travaux, s’étendant sur près d’un siècle.

Robert Steuckers,
Forest-Flotzenberg, juin 2012.

Bibliographie:

Hans EBELING, Geopolitik – Karl Haushofer und seine Raumwissenschaft 1919-1945, Akademie Verlag, 1994.
Karl HAUSHOFER, Grenzen in ihrer geographischen und politischen Bedeutung, Kurt Vowinckel Verlag, Berlin-Grunewald, 1927.
Karl HAUSHOFER u. andere, Raumüberwindende Mächte, B.G. Teubner, Leipzig/Berlin, 1934.
Karl HAUSHOFER, Weltpolitik von heute, Verlag Zeitgeschichte, Berlin, 1934.
Karl HAUSHOFER & Gustav FOCHLER-HAUKE, Welt in Gärung – Zeitberichte deutscher Geopolitiker, Verlag von Breitkopf u. Härtel, Leipzig, 1937.
Karl HAUSHOFER, Weltmeere und Weltmächte, Zeitgeschichte-Verlag, Berlin, 1937.
Karl HAUSHOFER, Le Japon et les Japonais, Payot, Paris, 1937 (préface et traduction de Georges Montandon).
Karl HAUSHOFER, De la géopolitique, FAYARD, Paris, 1986 (préface du Prof. Jean Klein; introduction du Prof. H.-A. Jacobsen).
Hans-Adolf JACOBSEN, Karl Haushofer, Leben und Werk, Band 1 & 2, Harald Boldt Verlag, Boppard am Rhein, 1979.
Rudolf KJELLEN, Die Grossmächte vor und nach dem Weltkriege, B. G. Teubner, Leipzig/Berlin, 1930.
Günter MASCHKE, “Frank B. Kellogg siegt am Golf – Völkerrechtgeschichtliche Rückblicke anlässlich des ersten Krieges des Pazifismus”, in Etappe, Nr. 7, Bonn, Oktober 1991.
Emil MAURER, Weltpolitik im Pazifik, Goldmann, Leipzig, 1942.
Armin MOHLER, “Karl Haushofer”, in Criticon, Nr. 56, Nov.-Dez. 1979.
Perry PIERIK, Karl Haushofer en het nationaal-socialisme – Tijd, werk en invloed, Aspekt, Soesterberg, 2006.
Robert STEUCKERS, “Les thèmes de la géopolitique et de l’espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945 – Karl Haushofer, Oskar von Niedermayer & Otto Hoetzsch”, in Nouvelles de Synergies européennes, n°57-58, Forest, août-octobre 2002 [recension de: Karl SCHLÖGEL, Berlin Ostbahnhof Europas – Russen und Deutsche in ihrem Jahrhundert, Siedler, Berlin, 1998].

samedi, 30 juin 2012

Syrie – Comment la CIA contrôle la livraison d’armes aux rebelles

Syrie – Comment la CIA contrôle la livraison d’armes aux rebelles

Financées par les pays du Golfe, ces livraisons clandestines via la Turquie sont contrôlées par l’agence américaine.

Sans armes capables de détruire les chars syriens, point de salut pour l’opposition à Bachar el-Assad. Depuis des mois, Nasser le répétait à ses amis occidentaux ou arabes. Mi-mai, cet opposant en exil affichait donc le sourire lorsqu’une quarantaine de dirigeants des conseils militaires de la révolution se sont discrètement rendus en Turquie pour recevoir un précieux arsenal.

« Nous avons surtout récupéré des roquettes RPG 7 puisées sur les stocks de l’armée saoudienne », confiait-il lors d’un récent passage à Paris. « Elles ont été acheminées par avion, jusqu’à l’aéroport d’Adana, où la sécurité turque a surveillé les déchargements avant de savoir à qui ces roquettes allaient être destinées ». Pour rassurer ses hôtes, Nasser garantit que leur utilisation allait être supervisée par « des leaders traditionnels proches des insurgés, histoire d’éviter les dérives mafieuses ».Les roquettes ont été convoyées à Douma et Harasta, dans la banlieue de Damas, Zabadani sur la route du Liban, Deraa au sud, et dans la région d’Idleb, frontalière de la Turquie.

Nasser n’en parle pas, mais, en coulisses, les agents de la CIA veillent à ce que ces nouvelles armes qui parviennent en plus grand nombre aux activistes ne tombent entre les mains de djihadistes, infiltrés en Syrie. Le New York Times va même jusqu’à affirmer que les localisations des dépôts et leurs destinataires sont déterminés en coordination avec les espions américains.

Pour les Occidentaux, qui ont beaucoup hésité avant d’accepter l’armement des insurgés, l’organisation de ces filières est une priorité : « Nous discutons même avec les Turcs de cibles à frapper », poursuit Nasser. « Et nous comptons maintenant hors de Syrie des représentants des conseils militaires qui ont chacun un relais dans une ville de l’intérieur ».

 

Ses rivaux islamistes liés aux Frères musulmans disposent eux aussi de leurs propres canaux d’approvisionnements. Et eux militent pour que ces armes aillent à leurs seuls partisans, afin d’être les grands vainqueurs de l’après-Assad. Pour les monarchies du Golfe, principaux fournisseurs en armes des rebelles, ces livraisons doivent rééquilibrer le rapport de forces sur le terrain, pour forcer Assad à accepter un compromis sur le modèle yéménite. « Les diplomates saoudiens nous répètent que tant que Bachar gardera une nette supériorité militaire sur ses ennemis, il n’aura aucun intérêt à négocier son départ », confie un diplomate français, qui rappelle que l’ex-président « Saleh au Yémen n’a discuté de sa sortie uniquement parce que l’opposition et ses partisans faisaient à peu près jeu égal ».

Ces livraisons d’armes doivent également accélérer les défections parmi les fidèles à Assad. « De nombreux militaires hésitent, mais s’ils voient qu’avec des missiles antitanks, nous infligeons de lourdes pertes aux pro-Bachar, ils seront alors plus nombreux à nous rejoindre », jure Mohannad, un membre de l’Armée syrienne libre, réfugié en Jordanie. Les premiers effets de ces approvisionnements se font sentir. Une douzaine de généraux ont rallié la Turquie, tandis que huit pilotes auraient fui en Jordanie. De leur côté, les activistes conduisent des opérations plus audacieuses, contre des hélicoptères notamment. « Avec ces armes, espère Kamal, nous pourrons également libérer des régions comme Idleb ».

Mais face à un pouvoir prêt à tout pour survivre, l’opposant se veut prudent. « L’utilisation d’armes plus sophistiquées entraînera une riposte encore plus dure. Nous aurons des pertes, et en face, nous allons détruire notre armée. Or les militaires sont nos frères, pas nos ennemis. Ces armes », dit-il, « doivent surtout faire peur à Assad ». Leur mise à disposition nourrit la lutte d’influence entre les parrains des insurgés.

« Les Français aimeraient bien être dans la salle des opérations à Adana », sourit Kamal, « mais les Turcs s’y opposent. À défaut d’armes qu’ils ne veulent pas livrer, que les Français nous donnent des équipements pour sécuriser les communications de nos combattants ». Après s’être montré hostile à la militarisation de la révolte au printemps, le nouveau gouvernement laisse faire aujourd’hui. Qu’on le veuille ou non, « les armes passent », reconnaît Laurent Fabius au quai d’Orsay. Incapables d’intervenir militairement en Syrie, les Occidentaux ne peuvent plus refuser aux rebelles des armes pour se défendre. Mais le pari de renverser Assad est encore loin d’être gagné.

Le Figaro

jeudi, 28 juin 2012

Charte de l’ONU ou un monde à la Rambo …

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Charte de l’ONU ou un monde à la Rambo …

Lavrov: Le futur rapport de forces dépendra de l’issue de la crise syrienne

D’après le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le futur rapport de forces dans le monde et l’ordre mondial dépendront de l’issue de la crise qui perdure en Syrie.

Le mode de solution de la crise syrienne serait décisif pour l’avenir du monde: ou l’on s’appuiera sur la Charte de l’ONU, ou ce sera le droit du plus fort qui régnera, c’est ce que Lavrov a dit samedi passé à Moscou. Il a souligné que le Conseil de sécurité de l’ONU ne permettra pas d’intervention militaire en Syrie. «Et cela non pas parce que nous défendons Assad ou son régime, mais parce que nous savons combien la composition interconfessionnelle de la société syrienne est compliquée. Quelques-uns de ceux qui exigent une intervention militaire veulent détruire cette composition interconfessionnelle et changer la Syrie en un champ de bataille pour la suprématie dans le monde islamique», a dit Lavrov. Ce serait une tendance très dangereuse. La Russie fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher un tel développement. «Nous ne défendons pas le régime, mais les chances pour une stabilité dans cette région et dans le monde islamique. Nous défendons le droit international», a souligné Lavrov. En Syrie, il y a plus de 14 mois, des protestations violentes ont éclaté contre Bachar al-Assad. D’après les indications de l’ONU, environ 12 000 personnes ont été tuées dans des affrontements entre l’armée et l’opposition armée. L’opposition syrienne, mais aussi des Etats occidentaux, demandent la démission d’Assad. En 2011 et en 2012, au Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie et la Chine ont bloqué par leur veto deux projets de résolutions présentés par des Etats occidentaux concernant la Syrie. Moscou a justifié le refus avec le souhait d’empêcher une intervention militaire en Syrie d’après le «scénario libyen», parce que les résolutions n’excluaient pas des interventions militaires internationales contre le régime d’Assad. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, a conçu, sur l’ordre des Nations Unies et de la Ligue arabe, un plan de paix pour la Syrie qui prévoit la fin des violences, le départ des villes des troupes du gouvernement, un dialogue entre le gouvernement et l’opposition ainsi que l’accès libre pour les biens de secours. Le 12 avril, les parties du conflit ont déclaré un armistice. Le Conseil de sécurité de l’ONU a donné le feu vert à une délégation de 300 observateurs en Syrie. Malgré cela, il y a toujours des combats et des violences sanglantes. D’après les indications des autorités syriennes, les rebelles ont enfreint l’armistice plus de 5000 fois. L’opposition quant à elle, rend l’armée du gouvernement responsable de la violence qui perdure.     •

Source: Ria Novosti du 9/6/12, http://de.rian.ru/politics/20120609/263761923.html 
(Traduction Horizons et débats)

dimanche, 17 juin 2012

Géopolitique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord

Géopolitique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord

Une présentation complète et structurée des grands enjeux géopolitiques et géoéconomiques du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, à l’heure de la mondialisation.

Caractéristiques

  • 192 pages
  • 25.00 €
  • ISBN : 978-2-13-060638-3
  • N° d'édition : 1
  • Date de parution : 25/04/2012

L'ouvrage

Du Maroc à l’Iran en passant par l’Égypte, on disait le « grand Moyen-Orient » (Middle East and North Africa pour les Anglo-Saxons) immobile. Le voilà en ébullition. L’ambition de cet ouvrage est d’offrir les outils pour comprendre cette région au cœur de l’actualité, dont l’intelligence est souvent obstruée par le flot d’idées reçues et de contre-vérités qu’elle charrie.
A contrario d’une vision simpliste qui réduirait le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à un univers soudé autour du dénominateur commun islamique, l’ouvrage explique en quoi la diversité, voire la fragmentation, en constitue la caractéristique fondamentale. Une pluralité qui est une inestimable richesse en termes de civilisations, mais provoque en contrepartie une très forte instabilité.
Cependant, loin de réduire le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à un terrain d’affrontement entre des impérialismes venus d’ailleurs, l’ouvrage montre surtout comment certains pays qui les composent s’affirment progressivement comme des acteurs à part entière de la mondialisation.

Table des matières

Un Orient simple mais pluriel. Introduction

Au centre de l’ancien monde : le Moyen-Orient. Contraintes et horizons

I.Entre montagne et désert

II.Du sable, des cailloux, de l’eau et des hommes
III.Entre terre et mer
IV.Des constances naturelles
V.Le nœud gordien

La terre des prophètes. L’empreinte de l’histoire et des religions

I.L’islam comme ciment
II.La ville et le bédouin
III.Les religions du livre
IV.La tour de Babel
V.Peuple de la steppe et peuple du désert
VI.Le choc de l’Occident

Le rejet de la soumission étrangère. Le Moyen-Orient du XIXe siècle à nos jours

I.Déclin ottoman et intrusion européenne

II.Le grand bouleversement de la Première Guerre mondiale
III.Le Moyen-Orient face aux défis des indépendances
IV.L’impossible démocratie ?

La malédiction de la rente. Des économies déficientes

I.Au pays de l’or noir : économie et géopolitique des hydrocarbures
II.Des économies rentières et peu diversifiées
III.Des économies en panne
IV.Un tropisme méditerranéen ?

Le bal des puissances. Une région en quête de leadership

I.La lutte pour le leadership régional des puissances non arabes

II.Le monde arabe en quête de leader

Sous le signe de Mars. Une zone de conflits

I.Les frontières de sang
II.Caïn contre Abel : la guerre civile
III.Briser les chaînes : les conflits pour l’indépendance
IV.Les guerriers de Dieu

Un épicentre de la géopolitique mondiale. Une région au cœur des rivalités de puissance planétaires

I.Une région au cœur d’enjeux planétaires
II.Le Moyen-Orient vu d’ailleurs

Un acteur de la mondialisation. Une intégration croissante à l’espace mondial

I.Une puissance multiforme
II.Le monde vu du Moyen-Orient

Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’épreuve de la mondialisation

Bibliographie
Glossaire des termes arabes, hébreux et turcs
Index

A propos des auteurs

Tancrède Josseran, auteur de La nouvelle puissance turque, prix Anteios du livre de géopolitique, collabore à l’observatoire du monde turc dans la Lettre Sentinel. Analyses et solutions.

Florian Louis est agrégé d’histoire.

Frédéric Pichon est auteur d’une thèse sur la Syrie, diplômé d’arabe et enseigne l’histoire et la géopolitique en classes préparatoires.

Les directeurs

Pascal Gauchon

Où se procurer cet ouvrage ?

samedi, 16 juin 2012

Il Mediterraneo tra l’Eurasia e l’Occidente: i sommari

Il Mediterraneo tra l’Eurasia e l’Occidente: i sommari

Il Mediterraneo tra l’Eurasia e l’Occidente: i sommari

È uscito il numero XXVI (2/2012) della rivista di studi geopolitici “Eurasia”, un volume di 264 pagine intitolato:

IL MEDITERRANEO TRA L’EURASIA E L’OCCIDENTE

Ecco di seguito l’elenco degli articoli presenti in questo numero, con un breve sommario per ciascuno di essi.

IL MEDITERRANEO TRA L’EURASIA E L’OCCIDENTE di Claudio Mutti

“Chi controlla il territorio costiero governa l’Eurasia; chi governa l’Eurasia controlla i destini del mondo”. Questa celebre formula, proposta dallo studioso americano Nicholas J. Spykman (1893-1943) in un libro che apparve postumo mentre era in corso il secondo conflitto mondiale, può aiutare a comprendere il significato geopolitico della “primavera araba”. Ricordiamo che secondo Spykman, esponente della scuola realista, gli Stati Uniti dovrebbero concentrare il loro impegno su un’area fondamentale per l’egemonia mondiale: si tratta di quel “territorio costiero” (Rimland) che, come una lunga fascia semicircolare, abbraccia il “territorio centrale” (il mackinderiano Heartland), comprendendo le coste atlantiche dell’Europa, il Mediterraneo, il Vicino e il Medio Oriente, la Penisola Indiana, l’Asia Monsonica, le Filippine, il Giappone. Non appare perciò infondata una lettura della “primavera araba” alla luce dei criteri geostrategici dettati da Spykman, i quali suggeriscono agli Stati Uniti l’esigenza di mantenere in uno stato di disunione e di perenne instabilità il “territorio costiero” – nel quale rientrano anche le sponde meridionali ed orientali del Mediterraneo.

AL DI LÀ DELL’ETHOS DELL’OCCIDENTE di Fabio Falchi

Nella conferenza “La fine della filosofia e il compito del pensiero” Martin Heidegger non esita ad asserire che «la fine della filosofia significa: inizio della civilizzazione mondiale fondata sul pensiero occidentale-europeo».Tuttavia, se da un lato si deve riconoscere nella tecnoscienza il centro ordinatore della nostra epoca, dall’altro è innegabile che l’Occidente non possa non entrare in relazione con culture “diverse”, in grado di “resistergli” sotto il profilo geopolitico, e che esso stesso rechi in sé ciò che lo “contraddice”, vuoi sotto l’aspetto economico e antropologico (Karl Marx e Karl Polanyi), vuoi sotto quello politico e culturale (Carl Schmitt). Non si dovrebbe allora vedere in ciò, tenendo anche conto che “occidentale” ed “europeo” non sono affatto sinonimi, il segno di «un primo incalzante lampeggiare dell’Ereignis», cioè di una “luce” al di là dell’ethos dell’Occidente?

LA LIBIA CHE È STATA DISTRUTTA di Giovanni Armillotta

Nel saggio si esaminano essenzialmente i processi istituzionali e l’ingegneria costituzionale che hanno presieduto alla fondazione della Prima Repubblica Libica (1969-1977) e della Jamâhîriyya (1977-2011). Analizziamo la tal forma di governo venuta alla luce nella comunità internazionale: le novità e le differenze rispetto ai tradizionali significati della repubblica nei sensi liberal-democratico “occidentale” che democratico-popolare in adozione nei Paesi marxisti posti sia ad Ovest che in Estremo Oriente. Vediamo le cause che hanno favorito l’emergere della Libia quale primo Paese africano ai vertici del prodotto interno lordo procapite, fino al crollo – auspici le liberalizzazioni economiche – della Jamâhîriyya, il cui soffocamento da parte delle potenze postcolonialiste ha fatto precipitare l’ex Stato maghrebino nel tribalismo, nella violenza e nell’integralismo islamico a tutto vantaggio dell’imperialismo e dello sfruttamento dei popoli.

QUO VADIS, TURCHIA? di Aldo Braccio

C’è una duplice possibilità, un diverso destino che incombe sulla Turchia nel medio e lungo termine: sovranità e indipendenza, ovvero essere parte integrante dell’”asse del male” di occidentale invenzione, o essere “serva (alleata di ferro) della NATO”, in prosecuzione dell’impegno filoatlantico imposto al Paese a partire dal secondo dopoguerra. In altri termini, vi è la possibilità di una Turchia ancorata  a una concezione unipolare del mondo, a guida occidentale e particolarmente a guida statunitense, e quella di un Paese che fa affidamento su una futura, prossima dimensione multipolare del pianeta e cerca di favorirne l’avvento.

TURCHIA E SIRIA di Aldo Braccio

Il dipanarsi delle relazioni storiche fra queste due nazioni – sorte dalla dissoluzione dell’impero ottomano – è significativo della difficoltà di ricostruire uno stabile centro geopolitico nell’area vicinorientale. Le contraddittorie strategie di Ankara sono oggi all’origine di una nuova fase di tensione che non corrisponde agli interessi e alle aspirazioni né dello Stato turco né di quello siriano e che provoca evidente imbarazzo nell’opinione pubblica dei due Paesi.

BOICOTTAGGIO CONTRO IL REGIME SIONISTA di Claudia Ciarfella

La campagna di Boicottaggio, Disinvestimento e Sanzioni (BDS) contro le politiche del governo israeliano in Palestina, avviata il 9 luglio 2005, costituisce ad oggi il caso più cruciale e delicato di boicottaggio per fini politici e umanitari: la campagna fu lanciata attraverso un appello della società civile palestinese, sottoscritto poi da numerose altre associazioni, sindacati e personalità di spicco in tutto il mondo, e punta a colpire Israele su vari fronti. Il movimento BDS non tenta di salvaguardare solamente la categoria dei palestinesi nei Territori Occupati, bensì mira al rispetto dei diritti fondamentali dei cittadini arabo-palestinesi di Israele ed, infine, di quelli dei profughi palestinesi, in primis circa il loro diritto al ritorno nelle proprie terre, così come stabilito dalla Risoluzione 194/1948 delle Nazioni Unite. Il grado di incisività della campagna BDS in relazione alla forza politica ed economica di Israele è ancora oggetto di accesi dibattiti.

“TRIPOLI, SUOL DEL DOLORE…” di Alessandra Colla

Dopo una gestazione trentennale, il 29 settembre 1911 le ambizioni colonialistiche del giovane Regno d’Italia sfociano nell’aggressione alla Libia: dichiarata guerra con un pretesto all’Impero ottomano, possessore di quella regione nordafricana, l’Italia si imbarca in un’avventura destinata a segnare irrimediabilmente il corso degli eventi futuri che vedranno protagonista il bacino del Mediterraneo e le terre che vi si affacciano. Sorta di prova generale della guerra 1915-1918, il conflitto italo-turco costituisce da un lato la prima grande campagna di informazione/disinformazione di massa della storia italiana, e dall’altro il terreno ideale per la sperimentazione della nuova tipologia bellica che s’imporrà nel XX secolo: il bombardamento aereo.

LA “PRIMAVERA” DELLA LEGA ARABA di Finian Cunningham

Dal 1945 in poi, la Lega degli Stati Arabi ha sospeso due soli Stati membri: la Libia e la Siria, ambedue nel 2011. L’organizzazione araba ha fornito un sostegno all’azione neocolonialista degli USA e dei loro alleati.

L’EVOLUZIONE NEOOTTOMANA di Federico Donelli

L’articolo analizza il fondamento ideologico e culturale dell’attuale politica estera della Turchia. Definita da molti analisti come una politica di stampo neoottomano, questa, fonda le proprie radici negli anni ottanta e nella carismatica figura di Turgut Ozal che per primo cercò di rilanciare le ambizioni turche attraverso un deciso richiamo del glorioso passato imperiale. L’idea che l’odierna Turchia possa rivivere il ruolo centrale degli antichi fasti ottomani è alla base della dottrina e dell’azione politica del Primo Ministro Erdoğan e del suo ideologo Davutoğlu. In un Vicino Oriente in cui regna un clima di generale instabilità la Turchia è quindi sempre più legittimata a proporsi come il Paese guida della regione.

UN PERICOLO PER L’EURASIA di Andrea Fais

Mentre negli USA e in Europa i canali d’informazione hanno scatenato un clima di entusiasmo per le “primavere arabe”, altrove le reazioni a questi eventi hanno registrato toni contrastanti e umori controversi. Mosca ed Astana avvertono la minaccia di una destabilizzazione che, come auspicato negli USA, potrebbe far saltare le cerniere eurasiatiche comprese tra Egitto e Xinjiang e tra Siria e Tatarstan; Pechino vede nello sconvolgimento del Nordafrica un attacco occidentale all’Unione Africana e ai programmi di sviluppo patrocinati dalla Cina nel Continente Nero.

CHE COSA VUOL DIRE REPUBBLICA ISLAMICA? di Ali Reza Jalali

Il sistema politico iraniano si basa sull’Islam ed in particolare sulla forma sciita, corrente minoritaria per numero di fedeli rispetto all’Islam sunnita. Le istituzioni iraniane quindi sono sottoposte alla tutela di una guida religiosa di alto rango, che ha il compito di intervenire nelle attività dei tre poteri dello Stato (legislativo, esecutico, giudiziario) quando questi si allontanano dai principi islamici. I fondatori della Repubblica Islamica dell’Iran hanno però voluto adattare all’idea tradizionale di Stato islamico i precetti di un moderno sistema costituzionale: questa interessante sfida,che si è concretizzata con la Rivoluzione islamica del 1979, continua oggi ad affascinare gli intellettuali, iraniani e non.

INTRIGO CONTRO LA SIRIA di Alessandro Lattanzio

La Siria è sottoposta a una pressione internazionale, che viene esercitata tramite diversi mezzi: militari, spionistici, terroristici, economici e mediatici. Organizzare una simile operazione ha richiesto molto tempo, grandi risorse ed un’ampia rete internazionale, che comprende sia capi di stato ed ex-ministri, sia docenti, politici e militanti arabi, turchi e occidentali, ovviamente con il necessario sostegno di dissidenti, terroristi e traditori di origine siriana. L’articolo si propone di definire il quadro dell’intrigo contro la Siria.

LA SFIDA DELLA MEZZALUNA TURCA di Vincenzo Maddaloni

Se si pensa che fino ad alcuni mesi fa la marina israeliana e quella turca compivano le manovre congiunte sotto l’egida della NATO, si può capire l’ansia di Tel Aviv quando si è saputo che nei radar della flotta turca le navi e gli aerei israeliani non sono più segnalati come «amici» ma come «ostili». Con i suoi ottantacinque milioni di abitanti a schiacciante maggioranza islamica la Turchia è il secondo paese NATO per potenza militare e ha un forte orgoglio nazionale, memore della storia imperiale ottomana.

GUERRA DI LIBIA: BANCHE, PETROLIO E GEOPOLITICA di Claudio Moffa

Gen. Wesley Clark: “… Una decina di giorni dopo l’11 settembre 2011, andai al Pentagono. Un Generale che aveva collaborato con me mi chiamò: ‘Sir, vi devo parlare un secondo … abbiamo preso la decisione di attaccare l’Iraq’. ‘Una guerra contro l’Iraq? E perché?’ ‘Non lo so! Credo che non sanno più che fare’ . ‘Hanno trovato forse qualche prova di legami tra Saddam e Al Qaeda?’ ‘No, No ..” … Tornai a trovarlo qualche settimana dopo, erano cominciati i bombardamenti in Afghanistan. ‘Stiamo ancora preparandoci ad attaccare l’Iraq?’ ‘Ancora peggio, Sir!’. Prese un foglietto dal tavolo e disse: ‘l’ho appena avuto dalla Segreteria della Difesa. E’ un promemoria che illustra un piano per prendere (to take) 7 paesi in 5 anni’ ” “Cominciamo con l’Iraq, poi la Siria e il Libano, la Libia, la Somalia, il Sudan e infine l’Iran” (http://blog.alexanderhiggins.com/2011/05/22/general-wesley-clark-revealsplan-invade-iraq-syria-lebanon-lybia-somalia-sudan-iran-22858/)

LA FUNZIONE EURASIATICA DELL’IRAN di Claudio Mutti

La strategia statunitense, finalizzata a conseguire il controllo del bordo esterno del continente eurasiatico, ha individuato nell’Iran il segmento centrale di quella fascia islamica che rappresenta il potenziale presidio dell’Eurasia sul versante meridionale. Nell’area che va dall’Asia centrale al Vicino Oriente, l’influenza iraniana è in grado di contrastare la penetrazione occidentale, che ha i suoi attuali veicoli nei movimenti settari appoggiati dalle petromonarchie del Golfo. L’asse Mosca-Teheran può risolvere le contraddizioni esistenti tra la Russia e i musulmani dell’Asia centrale e caucasica, contraddizioni alimentate ed utilizzate dall’Occidente per destabilizzare l’area.

LA DESTABILIZZAZIONE DELLA SIRIA di Carlo Remeny

Ma che cosa c’entra la violenza in Siria con la “Primavera araba”, ammesso che di primavera si possa parlare? Nulla. Si tratta, invece, di un attacco ben preparato da Paesi che per anni hanno recitato la parte degli amici di Damasco con l’obiettivo di monitorare la Siria per lanciare al momento opportuno la loro sfida mortale ad una componente fondamentale dell’alleanza tra Iran, Siria e Resistenza libanese, tanto temuta dall’Occidente.

LA PRIMAVERA EGIZIANA DEL 1919 di Lorenzo Salimbeni

Nell’autunno del 1919 l’Egitto, all’epoca sotto protettorato britannico ed ancora unito con il Sudan, fu attraversato da un movimento rivoluzionario che si opponeva al persistere della presenza britannica, nonostante le promesse di piena indipendenza con le quali era stato stimolato il coinvolgimento egiziano nella Prima Guerra Mondiale. Gli insorti ricevettero la solidarietà di Gabriele d’Annunzio e della Lega dei popoli oppressi che stava prendendo corpo nell’ambito dell’impresa che aveva portato il poeta abruzzese a prendere il controllo di Fiume: non mancarono gli abboccamenti fra emissari fiumani ed egiziani, però non vi furono risultati concreti.

STRATEGIA E GEOPOLITICA DELL’AMERICA LATINA, parte seconda, di Miguel Ángel Barrios

Di fronte alle novità geopolitiche di grandezza epocale di cui è apportatore il secolo XX, l’autore si domanda se l’America Latina possa trasmettere un suo specifico contributo ad un mondo multipolare, che affermerà e sottolineerà le differenze, le diversità e le pluralità. Egli ritiene che, perconseguire un tale scopo, sia indispensabile recuperare l’esercizio del pensiero strategico, al fine di riscattarlo e renderlo capace di far fronte alle molteplici sfide della globalizzazione. L’argomentazione si articola dunque in tre parti, tre veri e propri saggi, il primo dei quali (“Approssimazioni teorico-pratiche”) si prefigge di mettere in luce l’importanza del pensiero strategico e dell’azione strategica. L’autore effettua preliminarmente una panoramica storica della strategia, dalla prospettiva in cui prende forma una teoria generale della guerra; quindi egli colloca la strategia, in quanto metodo di ragionamento, nel campo dell’azione sociale.

INTERVISTA AD ALDO COLLEONI, ex Console della Corea del Nord a cura di Marco Bagozzi

A COLLOQUIO CON MASSIMO FINI di Luca Bistolfi

INTERVISTA A FRANCO CARDINI a cura di Enrico Galoppini

INTERVISTA A SERGEI MARTYNOV, Ministro degli Affari Esteri della Repubblica di Bielorussia a cura di Stefano Vernole

L’INDIPENDENZA DELL’EGITTO NEI PIANI DELL’ASSE a cura di Stefano Fabei

Alessandro Lattanzio, Songun, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 2012. Recensione di Augusto Marsigliante

Domenico Quirico, Primavera araba. Le rivoluzioni dall’altra parte del mare, Bollati Boringhieri, Torino 2011. Recensione di Claudio Mutti

vendredi, 15 juin 2012

De la géopolitique du pétrole à celle du gaz La Syrie se trouve au centre de la guerre du gaz

De la géopolitique du pétrole à celle du gaz

La Syrie se trouve au centre de la guerre du gaz

par Imad Fawzi Shueibi,* Damas

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch/

L’attaque médiatique et militaire à l’encontre de la Syrie est directement liée à la compétition mondiale pour l’énergie, ainsi que l’explique le professeur Imad Shueibi dans l’article magistral que nous publions. A un moment où la zone euro menace de s’effondrer, où une crise économique aiguë a conduit les Etats-Unis à s’endetter à hauteur de 14 940 milliards de dollars, et où leur influence s’amenuise face aux puissances émergentes du BRICS, il devient clair que la clé de la réussite économique et de la domination politique réside principalement dans le contrôle de l’énergie du XXIe siècle: le gaz. C’est parce qu’elle se trouve au cœur de la plus colossale réserve de gaz de la planète que la Syrie est prise pour cible. Les guerres du siècle dernier étaient celles du pétrole, mais une nouvelle ère commence, celle des guerres du gaz.

Avec la chute de l’Union soviétique, les Russes ont réalisé que la course à l’armement les avait épuisés, surtout en l’absence des approvisionnements d’énergie nécessaires à tout pays industrialisé. Au contraire, les USA avaient pu se développer et décider de la politique internationale sans trop de difficultés grâce à leur présence dans les zones pétrolières depuis des décennies. C’est la raison pour laquelle les Russes décidèrent à leur tour de se positionner sur les sources d’énergie, aussi bien pétrole que gaz. Considérant que le secteur pétrolier, vu sa répartition internationale, n’offrait pas de perspectives, Moscou misa sur le gaz, sa production, son transport e t sa commercialisation à grande échelle.
Le coup d’envoi fut donné en 1995, lorsque Vladimir Poutine mis en place la stratégie de Gazprom: partir des zones gazières de la Russie vers l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Iran (pour la commercialisation), jusqu’au Proche-Orient. Il est certain que les projets Nord Stream et South Stream témoigneront devant l’histoire du mérite et des efforts de Vladimir Poutine pour ramener la Russie dans l’arène internationale et peser sur l’économie européenne puisqu’elle dépendra, durant des décennies à venir, du gaz comme alternative ou complément du pétrole, avec cependant une nette priorité pour le gaz. A partir de là, il devenait urgent pour Washington de créer le projet concurrent Nabucco, pour rivaliser avec les projets russes et espérer jouer un rôle dans ce qui va déterminer la stratégie et la politique pour les cents prochaines années.
Le fait est que le gaz sera la principale source d’énergie du XXIe siècle, à la fois comme alternative à la baisse des réserves mondiales de pétrole, et comme source d’énergie propre. Par conséquent, le contrôle des zones gazières du monde par les anciennes et les nouvelles puissances est à la base d’un conflit international dont les manifestations sont régionales.
De toute évidence, la Russie a bien lu les cartes et a bien retenu la leçon du passé, car c’est le manque de contrôle au niveau des ressources énergétiques globales, indispensables à l’injection de capital et d’énergie dans la structure industrielle, qui fut à l’origine de l’effondrement de l’Union soviétique. De même la Russie a compris que le gaz serait la ressource énergétique du siècle à venir.

Historique du grand jeu gazier

Une première lecture de la carte du gaz révèle que celui-ci est localisé dans les régions suivantes, en termes de gisements et d’accès aux zones de consommation: 

1.    Russie: Vyborg et Beregovaya 

2.    Annexé à la Russie: Turkménistan 

3.    Environs plus ou moins immédiats de la Russie: Azerbaïdjan et Iran 

4.    Pris à la Russie: Géorgie
5.    Méditerranée orientale: Syrie et Liban
6.    Qatar et Egypte.
Moscou s’est hâté de travailler sur deux axes stratégiques: le premier est la mise en place d’un projet sino-russe à long terme s’appuyant sur la croissance économique du Bloc de Shanghai; le deuxième visant à contrôler les ressources de gaz. C’est ainsi que furent jetées les bases des projets South Stream et Nord Stream, faisant face au projet étasunien Nabucco, soutenu par l’Union européenne, qui visait le gaz de la mer Noire et de l’Azerbaïdjan. S’ensuivit entre ces deux initiatives une course stratégique pour le contrôle de l’Europe et des ressources en gaz.

Pour la Russie:

Le projet Nord Stream relie directement la Russie à l’Allemagne en passant à travers la mer Baltique jusqu’à Weinberg et Sassnitz, sans passer par la Biélorussie.
Le projet South Stream commence en Russie, passe à travers la mer Noire jusqu’à la Bulgarie et se divise entre la Grèce et le Sud de l’Italie d’une part, et la Hongrie et l’Autriche d’autre part.

Pour les Etats-Unis:

Le projet Nabucco part d’Asie centrale et des environs de la mer Noire, passe par la Turquie où se situent les infrastructures de stockage, puis parcourt la Bulgarie, traverse la Roumanie, la Hongrie, arrive en Autriche et de là se dirige vers la République tchèque, la Croatie, la Slovénie et l’Italie. Il devait à l’origine passer en Grèce, mais cette idée avait été abandonnée sous la pression turque.
Nabucco était censé concurrencer les projets russes. Initialement prévu pour 2014, il a dû être repoussé à 2017 en raison de difficultés techniques. A partir de là, la bataille du gaz a tourné en faveur du projet russe, mais chacun cherche toujours à étendre son projet à de nouvelles zones.
Cela concerne d’une part le gaz iranien, que les Etats-Unis voulaient voir venir renforcer le projet Nabucco en rejoignant le point de groupage de Erzurum, en Turquie; et de l’autre le gaz de la Méditerranée orientale: Syrie, Liban, Israël.
Or en juillet 2011, l’Iran a signé divers accords concernant le transport de son gaz via l’Irak et la Syrie. Par conséquent, c’est désormais la Syrie qui devient le principal centre de stockage et de production, en liaison avec les réserves du Liban. C’est alors un tout nouvel espace géographique, stratégique et énergétique qui s’ouvre, comprenant l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban. Les entraves que ce projet subit depuis plus d’un an donnent un aperçu du niveau d’intensité de la lutte qui se joue pour le contrôle de la Syrie et du Liban. Elles éclairent du même coup le rôle joué par la France, qui considère la Méditerranée orientale comme sa zone d’influence historique, devant éternellement servir ses intérêts, et où il lui faut rattraper son absence depuis la Seconde Guerre mondiale. En d’autres termes, la France veut jouer un rôle dans le monde du gaz où elle a acquis en quelque sorte une «assurance maladie» en Libye et veut désormais une «assurance-vie» à travers la Syrie et le Liban.
Quant à la Turquie, elle sent qu’elle sera exclue de cette guerre du gaz puisque le projet Nabucco est retardé et qu’elle ne fait partie d’aucun des deux projets South Stream et Nord Stream; le gaz de la Méditerranée orientale semble lui échapper inexorablement à mesure qu’il s’éloigne de Nabucco.

L’axe Moscou-Berlin

Pour ses deux projets, Moscou a créé la société Gazprom dans les années 1990. L’Allemagne, qui voulait se libérer une fois pour toutes des répercussions de la Seconde Guerre mondiale, se prépara à en être partie prenante; que ce soit en matière d’installations, de révision du pipeline Nord, ou de lieux de stockage pour la ligne South Stream au sein de sa zone d’influence, particulièrement en Autriche.
La société allemande Gazprom Germania a été fondée avec la collaboration de Hans-Joachim Gornig, un Allemand proche de Moscou, ancien vice-ministre du charbon et de l’industrie minière pour l’énergie, qui a supervisé la construction du réseau de gazoducs de la RDA. Gazprom Germania a été dirigée jusqu’en octobre 2011 par Vladimir Kotenev, ancien ambassadeur de Russie en Allemagne.
Gazprom a signé nombre de transactions avec des entreprises allemandes, au premier rang desquelles celles coopérant avec Nord Stream, tels les géants E.ON pour l’énergie et BASF pour les produits chimiques; avec pour E.ON des clauses garantissant des tarifs préférentiels en cas de hausse des prix, ce qui revient en quelque sorte à une subvention «politique» des entreprises du secteur énergétique allemand par la Russie.
Moscou a profité de la libéralisation des marchés européens du gaz pour les contraindre à déconnecter les réseaux de distribution des installations de production. La page des affrontements entre la Russie et Berlin étant tournée, débuta alors une phase de coopération économique basée sur l’allégement du poids de l’énorme dette pesant sur les épaules de l’Allemagne, celle d’une Europe surendettée par le joug étasunien. Une Allemagne qui considère que l’espace germanique (Allemagne, Autriche, République tchèque, Suisse) est destiné à devenir le cœur de l’Europe, mais n’a pas à sup­porter les conséquences du vieillissement de tout un continent, ni celle de la chute d’une autre superpuissance.
Les initiatives allemandes de Gazprom comprennent le joint-venture de Wingas avec Wintershall SA., une filiale de BASF, qui est le plus grand producteur de pétrole et de gaz d’Allemagne et contrôle 18% du marché du gaz. Gazprom a donné à ses principaux partenaires allemands des participations inégalées dans ses actifs russes. Ainsi BASF et E.ON contrôlent chacune près d’un quart des champs de gaz Loujno-Rousskoïé qui alimenteront en grande partie Nord Stream; et ce n’est donc pas une simple coïncidence si l’homologue allemand de Gazprom, appelé «le Gazprom germanique», ira jusqu’à posséder 40% de la compagnie autrichienne Austrian Centrex Co., spécialisée dans le stockage du gaz et destinée à s’étendre vers Chypre.
Une expansion qui ne plaît certainement pas à la Turquie qui a cruellement besoin de sa participation au projet Nabucco. Elle consisterait à stocker, commercialiser, puis transférer 31 puis 40 milliards de m3 de gaz par an; un projet qui fait qu’Ankara est de plus en plus inféodé aux décisions de Washington et de l’OTAN, d’autant plus que son adhésion à l’Union européenne a été re­jetée à plusieurs reprises.
Les liens stratégiques liés au gaz déterminent d’autant plus la politique que Moscou exerce un lobbying sur le Parti social-démocrate allemand en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, base industrielle majeure et centre des conglomérats allemands RWE et E.ON.
Cette influence a été reconnue par Hans-Joseph Fell, responsable des politiques énergétiques chez les Verts. Selon lui, quatre sociétés allemandes liées à la Russie jouent un rôle majeur dans la définition de la politique énergétique allemande. Elles s’appuient sur le Comité des relations économiques de l’Europe de l’Est – c’est-à-dire sur des entreprises en contact économique étroit avec la Russie et les pays de l’ex-Bloc soviétique –, qui dispose d’un réseau très complexe d’influence sur les ministres et l’opinion publique. Mais en Allemagne, la discrétion reste de mise quant à l’influence grandissante de la Russie, partant du principe qu’il est hautement nécessaire d’améliorer la «sécurité énergétique» de l’Europe.
Il est intéressant de souligner que l’Allemagne considère que la politique de l’Union européenne, pour résoudre la crise de l’euro, pourrait à terme gêner les investissements germano-russes. Cette raison, parmi d’autres, explique pourquoi elle traîne pour sauver l’euro plombé par les dettes européennes, alors même que le bloc germanique pourrait, à lui seul, supporter ces dettes. De plus, à chaque fois que les Européens s’opposent à sa politique vis-à-vis de la Russie, l’Alle­magne affirme que les plans utopiques de l’Europe ne sont pas réalisables et pourraient pousser la Russie à vendre son gaz en Asie, mettant en péril la sécurité énergétique européenne.
Ce mariage des intérêts germano-russes s’est appuyé sur l’héritage de la Guerre froide, qui fait que trois millions de russophones vivent en Allemagne, formant la ­deuxième plus importante communauté après les Turcs. Poutine était également adepte de l’utilisation du réseau des anciens responsables de la RDA, qui avaient pris soin des intérêts des compagnies russes en Allemagne, sans parler du recrutement d’ex-agents de la Stasi. Par exemple, les directeurs du per­sonnel et des finances de Gazprom Germania, ou encore le directeur des finances du Consortium Nord Stream, Matthias Warnig qui, selon le Wall Street Journal, aurait aidé Poutine à recruter des espions à Dresde, lorsqu’il était jeune agent du KGB. Mais il faut le reconnaître, l’utilisation par la Russie de ses anciennes relations n’a pas été préjudiciable à l’Allemagne, car les intérêts des deux parties ont été servis sans que l’une ne domine l’autre.
Le projet Nord Stream, le lien principal entre la Russie et l’Allemagne, a été inauguré récemment par un pipeline qui a coûté 4,7 milliards d’euros. Bien que ce pipeline relie la Russie et l’Allemagne, la reconnaissance par les Européens qu’un tel projet garantissait leur sécurité énergétique a fait que la France et la Hollande se sont hâtées de déclarer qu’il s’agissait bien là d’un projet «européen». A cet égard, il est bon de mentionner que M. Lindner, directeur exécutif du Comité allemand pour les relations économiques avec les pays de l’Europe de l’Est a déclaré, sans rire, que c’était bien «un projet européen et non pas allemand, et qu’il n’enfermerait pas l’Alle­magne dans une plus grande dépendance vis-à-vis de la Russie». Une telle déclaration souligne l’inquiétude que suscite l’accroissement de l’influence russe en Alle­magne; il n’en demeure pas moins que le projet Nord Stream est structurellement un plan moscovite et non pas européen.
Les Russes peuvent paralyser la distribution de l’énergie en Pologne et dans plusieurs autres pays comme bon leur semble, et seront en mesure de vendre le gaz au plus offrant. Toutefois, l’importance de l’Allemagne pour la Russie réside dans le fait qu’elle constitue la plate-forme à partir de laquelle elle va pouvoir développer sa stratégie continentale: Gazprom Germania détient des participations dans 25 projets croisés en Grande-Bretagne, Italie, Turquie, Hongrie et d’autres pays. Cela nous amène à dire que Gazprom – après un certain temps – est destinée à devenir l’une des plus importantes entreprises au monde, sinon la plus importante.

Dessiner une nouvelle carte de l’Europe, puis du monde

Les dirigeants de Gazprom ont non seulement développé leur projet, mais ils ont aussi fait en sorte de contrer Nabucco. Ainsi, Gazprom détient 30% du projet consistant à construire un deuxième pipeline vers l’Europe suivant à peu près le même trajet que Nabucco, ce qui est, de l’aveu même de ses partisans, un projet «politique» destiné à montrer sa force en freinant, voire en bloquant le projet Nabucco. D’ailleurs Moscou s’est empressé d’acheter du gaz en Asie centrale et en mer Caspienne dans le but de l’étouffer, et de ridiculiser Washington politiquement, économiquement et stratégiquement par la même occasion.
Gazprom exploite des installations gazières en Autriche, c’est-à-dire dans les environs stratégiques de l’Allemagne, et loue aussi des installations en Grande-Bretagne et en France. Toutefois, ce sont les importantes installations de stockage en Autriche qui serviront à redessiner la carte énergétique de l’Europe, puisqu’elles alimenteront la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie, la Hongrie, l’Italie et l’Allemagne. A ces installations, il faut ajouter le centre de stockage de Katharina en Saxe-Anhalt, que Gazprom construit en coopération avec l’Alle­magne, afin de pouvoir exporter le gaz vers les grands centres de consommation de l’Europe occidentale.
Gazprom a mis en place une installation commune de stockage avec la Serbie afin de fournir du gaz à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie elle-même. Des études de faisabilité ont été menées sur des modes de stockage similaires en République tchèque, Roumanie, Belgique, Grande-Bretagne, Slovaquie, Turquie, Grèce et même en France. Gazprom renforce ainsi la position de Moscou, fournisseur de 41% des approvisionnements gaziers européens. Ceci signifie un changement substantiel dans les relations entre l’Orient et l’Occident à court, moyen et long terme. Cela annonce également un déclin de l’influence étasunienne, par boucliers antimissiles interposés, voyant l’établissement d’une nouvelle organisation internationale, dont le gaz sera le pilier principal. Enfin cela explique l’intensification du combat pour le gaz de la côte Est de la Méditerranée au Proche-Orient.

Nabucco et la Turquie en difficulté

Nabucco devait acheminer du gaz sur 3900 kilomètres de la Turquie vers l’Autriche et était conçu pour fournir 31 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an depuis le Proche-Orient et le bassin caspien vers les marchés européens. L’empressement de la coalition OTAN – Etats-Unis – France à mettre fin aux obstacles qui s’élevaient contre ses intérêts gaziers au Proche-Orient, en particulier en Syrie et au Liban, réside dans le fait qu’il est nécessaire de s’assurer la stabilité et la bienveillance de l’environnement lorsqu’il est question d’infrastructures et d’investissement gaziers. La réponse syrienne fut de signer un contrat pour transférer vers son territoire le gaz iranien en passant par l’Irak. Ainsi, c’est bien sur le gaz syrien et libanais que se focalise la bataille, alimentera-t-il Nabucco ou South Stream?
Le consortium Nabucco est constitué de plusieurs sociétés: allemande (REW), autrichienne (ÖMV), turque (Botas), bulgare (Energy Holding Company) et roumaine (Transgaz). Il y a cinq ans, les coûts initiaux du projet étaient estimés à 11,2 milliards de dollars, mais ils pourraient atteindre 21,4 milliards de dollars d’ici 2017. Ceci soulève de nombreuses questions quant à sa viabilité économique étant donné que Gazprom a pu conclure des contrats avec différents pays qui devaient alimenter Nabucco, lequel ne pourrait plus compter que sur les excédents du Turkménistan, surtout depuis les tentatives infructueuses de mainmise sur le gaz iranien. C’est l’un des secrets méconnus de la bataille pour l’Iran, qui a franchi la ligne rouge dans son défi aux USA et à l’Europe, en choisissant l’Irak et la Syrie comme trajets de transport d’une partie de son gaz.
Ainsi, le meilleur espoir de Nabucco demeure dans l’approvisionnement en gaz d’Azerbaïdjan et le gisement Shah Deniz, devenu presque la seule source d’approvisionnement d’un projet qui semble avoir échoué avant même d’avoir débuté. C’est ce que révèle l’accélération des signatures de contrats passés par Moscou pour le rachat de sources initialement destinées à Nabucco, d’une part, et les difficultés rencontrées pour imposer des changements géopolitiques en Iran, en Syrie et au Liban d’autre part. Ceci au moment où la Turquie s’empresse de réclamer sa part du projet Nabucco, soit par la signature d’un contrat avec l’Azerbaïdjan pour l’achat de 6 milliards de mètres cubes de gaz en 2017, soit en s’emparant de la Syrie et du Liban avec l’espoir de faire obstacle au transit du pétrole iranien ou de recevoir une part de la richesse gazière libano-syrienne. Apparemment une place dans le nouvel ordre mondial, celui du gaz ou d’autre chose, passe par rendre un certain nombre de service, allant de l’appui militaire jusqu’à l’hébergement du dispositif stratégique de bouclier antimissiles.
Ce qui constitue peut-être la principale menace pour Nabucco, c’est la tentative russe de le faire échouer en négociant des contrats plus avantageux que les siens en faveur de Gazprom pour Nord Stream et South Stream; ce qui invaliderait les efforts des Etats-Unis et de l’Europe, diminuerait leur influence, et bousculerait leur politique énergétique en Iran et/ou en Méditerranée. En outre, Gazprom pourrait devenir l’un des investisseurs ou exploitants majeurs des nouveaux gisements de gaz en Syrie ou au Liban. Ce n’est pas par hasard que le 16 août 2011, le ministère syrien du Pétrole a annoncé la découverte d’un puits de gaz à Qara, près de Homs. Sa capacité de production serait de 400 000 mètres cubes par jour (146 millions de mètres cubes par an), sans même parler du gaz présent dans la Méditerranée.
Les projets Nord Stream et South Stream ont donc réduit l’influence politique étasunienne, qui semble désormais à la traîne. Les signes d’hostilités entre les Etats d’Europe centrale et la Russie se sont atténués; mais la Pologne et les Etats-Unis ne semblent pas disposés à renoncer. En effet, fin octobre 2011, ils ont annoncé le changement de leur politique énergétique suite à la découverte de gisements de charbon européens qui devraient diminuer la dépendance vis-à-vis de la Russie et du Proche-Orient. Cela semble être un objectif ambitieux mais à long terme, en raison des nombreuses procédures nécessaires avant commercialisation; ce charbon correspondant à des roches sédimentaires trouvées à des milliers de mètres sous terre et nécessitant des techniques de fracturation hydraulique sous haute pression pour libérer le gaz, sans compter les risques environnementaux.

Participation de la Chine

La coopération sino-russe dans le domaine énergétique est le moteur du partenariat stratégique entre les deux géants. Il s’agit, selon les experts, de la «base» de leur double véto réitéré en faveur de la Syrie.
Cette coopération ne concerne pas seule­ment l’approvisionnement de la Chine à des conditions préférentielles. La Chine est amenée à s’impliquer directement dans la distribution du gaz via l’acquisition d’actifs et d’installations, en plus d’un projet de contrôle conjoint des réseaux de distribution. Paral­lèlement, Moscou affiche sa souplesse concernant le prix du gaz, sous réserve d’être autorisé à accéder au très profitable marché intérieur chinois. Il a été convenu, par conséquent, que les experts russes et chinois travailleraient ensemble dans les domaines suivants: «La coordination des stratégies énergétiques, la prévision et la prospection, le développement des marchés, l’efficacité énergétique, et les sources d’énergie alternative».
D’autres intérêts stratégiques communs concernent les risques encourus face au projet du «bouclier antimissiles» américain. Non seulement Washington a impliqué le Japon et la Corée du Sud mais, début septembre 2011, l’Inde a aussi été invitée à en devenir partenaire. En conséquence, les préoccupations des deux pays se croisent au moment où Washington relance sa stratégie en Asie centrale, c’est-à-dire, sur la Route de la soie. Cette stratégie est la même que celle lancée par George Bush (projet de Grande Asie centrale) pour y faire reculer l’influence de la Russie et de la Chine en collaboration avec la Turquie, résoudre la situation en Afghanistan d’ici 2014, et im­poser la force militaire de l’OTAN dans toute la région. L’Ouzbékistan a déjà laissé entendre qu’il pourrait ac­cueillir l’OTAN, et Vladimir Poutine a estimé que ce qui pourrait déjouer l’intrusion occidentale et empêcher les USA de porter atteinte à la Russie serait l’expansion de l’espace Russie–Kazakhstan–Biélorussie en coopération avec Pékin.
Cet aperçu des mécanismes de la lutte internationale actuelle permet de se faire une idée du processus de formation du nouvel ordre international, fondé sur la lutte pour la suprématie militaire et dont la clé de voute est l’énergie, et en premier lieu le gaz.

Le gaz de la Syrie

Quand Israël a entrepris l’extraction de pétrole et de gaz à partir de 2009, il était clair que le bassin méditerranéen était entré dans le jeu et que, soit la Syrie serait attaquée, soit toute la région pourrait bénéficier de la paix, puisque le XXIe siècle est supposé être celui de l’énergie propre.
Selon le Washington Institute for Near East Policy (WINEP, le think-tank de l’AIPAC), le bassin méditerranéen renferme les plus grandes réserves de gaz et c’est en Syrie qu’il y aurait les plus importantes. Ce même institut a aussi émis l’hypothèse que la bataille entre la Turquie et Chypre allait s’intensifier du fait de l’incapacité turque à assumer la perte du projet Nabucco (malgré le contrat signé avec Moscou en décembre 2011 pour le transport d’une partie du gaz de South Stream via la Turquie).
La révélation du secret du gaz syrien fait prendre conscience de l’énormité de l’enjeu à son sujet. Qui contrôle la Syrie pourrait contrôler le Proche-Orient. Et à partir de la Syrie, porte de l’Asie, il détiendra «la clé de la Maison Russie», comme l’affirmait la ­Tsarine Catherine II, ainsi que celle de la Chine, via la Route de la soie. Ainsi, il serait en capacité de dominer le monde, car ce siècle est le Siècle du Gaz.
C’est pour cette raison que les signataires de l’accord de Damas, permettant au gaz iranien de passer à travers l’Irak et d’accéder à la Méditerranée, ouvrant un nouvel espace géopolitique et coupant la ligne de vie de Nabucco, avaient déclaré: «La Syrie est la clé de la nouvelle ère».    •

*Philosophe et géopoliticien. Président du Centre de documentation et d’études stratégiques (Damas, Syrie)


Source: http://www.voltairenet.org/La-Syrie-centre-de-la-guerre-du 
(Traduction Réseau Voltaire avec Sega Ndoye)

Les tensions augmentent entre l’Iran et l’Azerbaïdjan

Les tensions augmentent entre l’Iran et l’Azerbaïdjan

Ex: http://medianews.wordpress.com/

Les relations déjà tendues entre l’Iran et l’Azerbaïdjan qui opère comme un avant-poste des Etats-Unis et d’Israël dans la mer Caspienne, ont continué de se détériorer ces derniers jours.

 

Il y avait eu un durcissement de ton de part et d’autre suite au Concours Eurovision de la Chanson qui s’est tenu cette année à Bakou. Le 29 mai, l’Azerbaïdjan avait empêché un influent imam iranien d’entrer dans le pays après que les Islamistes iraniens ont qualifié le concours de la chanson de « parade pour homosexuels. » Il y a eu des protestations réciproques dans les deux pays durant le concours. Téhéran et Bakou ont depuis tous deux rappelé leur ambassadeur.

Le 30 mai, le gouvernement de Bakou avait aussi envoyé une note à Téhéran lui demandant des informations sur le lieu de séjour de deux écrivains d’Azerbaïdjan qui auraient disparu en Iran. Les médias russes parlent maintenant ouvertement d’une « guerre diplomatique. »

La raison de ces relations tendues est l’étroite collaboration de l’Azerbaïdjan avec les Etats-Unis et Israël dans les préparatifs de guerre contre l’Iran. Téhéran a accusé plusieurs fois le gouvernement de Bakou d’être impliqué dans les assassinats de scientifiques nucléaires iraniens qui ont été très probablement perpétrés par des agences du renseignement américain et israélien. L’Iran se sent à juste titre menacé par le réarmement systématique de l’armée d’Azerbaïdjan qui est assuré par Israël et les Etats-Unis.

Les Etats d’Azerbaïdjan, de Russie, du Turkménistan, du Kazakhstan et d’Iran se querellent depuis des années au sujet d’un relevé de frontière dans la mer Caspienne riche en pétrole dont le statut territorial n’a pour cette raison toujours pas été défini. Tahir Zeynalov, analyste de l’Académie diplomatique d’Azerbaïdjan, a dit au journal en ligne Eurasianet.org que l’Azerbaïdjan aura à se défendre contre d’éventuelles tentatives de l’Iran d’effectuer des forages d’exploration pétrolière dans la région que son pays pourrait revendiquer « comme étant le nôtre. »

Durant le récent Concours Eurovision de la Chanson, deux vaisseaux garde-côtes d’Azerbaïdjan ont patrouillé dans le port de Bakou et il y a des divulgations d’articles de presse associant cette manoeuvre à de prétendues menaces de l’Iran. En réaction à cette provocation ouverte, l’Iran a procédé à des exercices militaires impliquant six navires de guerre près de la frontière avec l’Azerbaïdjan.

L’armée de l’Azerbaïdjan, et particulièrement la marine, a été systématiquement réarmée ces dernières années par les Etats-Unis. Entre 2010 et 2011, les dépenses militaires de l’Azerbaïdjan sont passées de 3,95 pour cent à 6,2 pour cent du PIB, voire 3,1 milliards de dollars. Dans un télégramme de 2009 du gouvernement américain, publié par WikiLeaks, l’Azerbaïdjan est décrit comme « un partenaire important dans la guerre contre le terrorisme. » Les dirigeants de l’Azerbaïdjan avaient soutenu les guerres contre le Kosovo, l’Irak et l’Afghanistan.

La dépêche dit aussi: « En tant que partie intégrante du plan d’action individuel pour le partenariat de l’OTAN (NATO Individual Partnership Action Plan), l’Azerbaïdjan a promis d’accroître la capacité de ses forces navales pour empêcher les menaces dans la mer Caspienne et pour apporter sa contribution dans la lutte contre le terrorisme. A cette fin, le ministre de la Défense travaille en étroite collaboration avec le Département d’Etat à la Défense des Etats-Unis depuis deux ans … Les plongeurs et les commandos de la marine de l’Azerbaïdjan ont reçu un entraînement et de l’équipement de la part des Etats-Unis.

L’Azerbaïdjan est non seulement riche en pétrole et en gaz, qui est largement exporté vers les Etats-Unis et l’Union européenne, mais elle est aussi un important pays de transit pour des ressources provenant du reste du bassin Caspien et d’Asie centrale. La dépêche précitée l’indique clairement : « L’un des intérêts clé américain est ici la capacité de l’Azerbaïdjan à continuer à produire et à exporter des ressources en hydrocarbures provenant de réserves qui sont situées au large de la mer Caspienne. »

Israël est aussi directement impliqué dans l’armement de l’Azerbaïdjan. En février de cette année, Bakou a accepté d’acheter d’Israël des armes d’une valeur de 1,6 milliard de dollars. Les nouveaux systèmes d’armes commandés à Israël comprennent des missiles basés en mer et des drones. Grâce au soutien des Etats-Unis et d’Israël, Bakou dispose à présent d’une marine plus lourdement armée dans la région Caspienne que la Russie.

Selon un rapport publié par le magazine américain Foreign Policy, Israël a maintenant accès aux bases aériennes près de la frontière au Nord de l’Iran, d’où des frappes aériennes pourraient être lancées contre Téhéran.

On a aussi pu voir la semaine dernière à quel point l’Azerbaïdjan est impliqué dans les préparatifs de guerre contre l’Iran, dans un article du Washington Post détaillant la suggestion absurde d’une tentative d’assassinat présumé de l’Iran contre des responsables américains en Azerbaïdjan. (Voir : « Washington Post airs another unlikely Iranian assassination plot »)

La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, est attendue à Bakou le 6 juin pour rencontrer le président d’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, et le ministre des Affaires étrangères, Elmar Mamedyarov. A l’ordre du jour figurera le conflit du Haut-Karabakh (Nargorny-Karabagh), une région au sujet de laquelle l’Azerbaïdjan a été en conflit pendant des années avec son voisin l’Arménie.

Le conflit territorial au sujet du Haut-Karabakh est un motif important pour le soutien que l’Azerbaïdjan apporte à présent aux Etats-Unis et à Israël. En cas de guerre au sujet du Haut-Karabakh, la Russie et l’Iran se rallieraient à l’Arménie tandis que l’Azerbaïdjan compterait évidemment sur un soutien de Washington.

La question de l’Iran est aussi d’une importance capitale. Selon le journal en ligne de l’Azerbaïdjan AKZ.az, les experts s’attendent à ce que Clinton discute du « programme de la guerre contre le terrorisme et de l’aide à l’Azerbaïdjan, » et du « rééquipement technique des services secrets de l’Azerbaïdjan. »

La Turquie qui appuie aussi une intervention militaire contre la Syrie, et qui joue actuellement un rôle de premier plan pour équiper les rebelles syriens, envoie quatre hauts responsables militaires comme occasion de manifester publiquement son soutien à Bakou, en soulignant les liens de longue date qui existent entre Ankara et ce pays de langue turque. L’agence d’information russe Regnum a cité une source anonyme proche de l’armée turque disant : « Par cette mesure, la Turquie veut faire comprendre à l’Iran qu’elle ne laissera pas l’Azerbaïdjan toute seule. »

Clara Weiss

mercredi, 13 juin 2012

Civilization as political concept

Civilization as political concept

Interview with the leader of the International “Eurasian Movement”, a philosopher, and a  professor at Moscow State University Alexander Dugin

Interviewed by the Global Revolutionary Alliance’s own Natella Speranskaja 

Ex: http://www.granews.info/

- The crisis of identity, with which we faced after the Cold War and the collapse of the communist world, is still relevant. What do you think is capable of lifting us out of this crisis  – a religious revival or creation of a new political ideology? Which of the options are you  inclined to yourself?

- After the collapse of communism came the phase of the “unipolar moment” (as Charles Krauthammer called it). In geopolitics, this meant the victory of unilateralism and Atlanticism, and because the pole was left alone, the West has become a global phenomenon. Accordingly,  the ideology of liberalism (or more accurately, neo-liberalism) is firmly in place crushing the two alternative political theories that existed in the twentieth century – communism and fascism . The Global liberal West has now defined culture, economics, information and technology, and politics. The West’s claims to the universalism of it’s values, the values of Western modernity and the Postmodern era, has reached its climax. 

Problems stemming from the West during the “unipolar moment” has led many to say that this “moment” is over, that he could not yet be a “destiny” of humanity.That is, a “unipolar moment” should be interpreted very broadly – not only geopolitical, but also ideologically, economically, axiologically, civilization wide. The crisis of identity, about which you ask, has scrapped all previous identities – civilizational, historical, national, political, ethnic, religious, cultural, in favor of a universal planetary Western-style identity  – with its concept of individualism, secularism, representative democracy, economic and political liberalism, cosmopolitanism and the ideology of human rights.Instead of a hierarchy of identities, which have traditionally played a large role in sets of collective identities, the “unipolar moment” affirmed a flat one-dimensional identity, with the absolutization of the individual singularity.  One individual = one identity, and any forms of the collective identity (for example, individual as the part of the religious community, nation, ethnic group, race, or even sex) underwent dismantling and overthrow. Hence the hatred of globalists for different kind of “majorities” and protection of minorities, up to the individual.

The Uni-polar Democracy of our moment - this is a democracy, which unambiguously protects the minority before the face of the majority and the individual before face of the group.  This is  the crisis of identity for those of non-Western or non-modern (or even not “postmodern”) societies,since this is where customary models are scrapped and liquidated. The postmodern West with  optimism, on the contrary, asserts individualism and hyper-liberalism in its space and zealously  exports it on the planetary scale.

However, it’s not painless, and has caused at all levels it’s own growing rejection.  The problems, which have  appeared in the West in the course of this “uni-polar moment”, forced many to speak, that this “moment’s” conclusion, has not succeeded in becoming “the fate” of humanity.  This, therefore,  was the cost of the  possibility of passage to some other paradigm…

So, we can think about an alternative  to the “unipolar moment” and, therefore, an alternative to liberalism, Americanism, Atlanticism, Western Postmodernism, globalization, individualism, etc. That is, we can, and I think should,  work out plans and strategies for a “post-uni polar world “, at all levels – the ideological and political, the economic, and religious, and the philosophical and geo-political, the cultural and civilizational, and technology, and value.

In fact, this is what I call multi-polarity. As in the case of uni-polarity it is not only about the political and strategic map of the world, but also the paradigmatic philosophical foundations of the future world order.  We can not exactly say that the “uni-polar moment” has finally been completed. No, it is still continuing, but it faces a growing number of problems. We must put an end to it – eradicate it. This is a global revolution, since the existing domination of the West, liberalism and globalism completely controls the  world oligarchy, financial and political elites.

So they just will not simply  give up their positions. We must prepare for a serious and intense battle.   Multi-polarity will be recaptured by the conquered peoples of the world in combat and it will be able to arise only on the smoking ruins of the global West.  While the West is still dictating his will to the rest, to talk about early multipolarity  – you must first destroy the Western domination on the ground.   Crisis – this is much, but far from all.

- If we accept the thesis of the paradigmatic transition from the current unipolar world order model to a new multi-polar model, where the actors are not nation-states, but  entire civilizations, can it be said that this move would entail a radical change in the very human identity?

- Yes, of course. With the end of the unipolar moment, we are entering a whole new world. And it is not simply a reverse or a step back, but it is a step forward to some unprecedented future, however, different from the digital project of “lonely crowds”, which is reserved for  humanity by globalism. Multi-polar identity will be the complex nonlinear collection of different identities – both individual and collective, that is varied for each civilization (or even inside each civilization).

This is something completely new that  will be created.

And the changes will be radical. We can not exclude that, along with known identities, civilizations, and offering of  new ways … It is possible that one of these new identities will become the identity of “Superman” – in the Nietzschean sense or otherwise (for example, traditionalist) …  In the “open society” of globalism the individual is, on the contrary, closedand strictly self-identical.

The multi-polar world’s anthropological map will be, however, extremely open, although the boundaries of civilizations  will be defined clearly. Man will again re-open the measurement of inner freedom – “freedom for”, in spite of the flat and purely external  liberal freedom – “freedom from” (as John Mill), Which is actually,  not freedom, but its simulacrum, imposed for a more efficient operation of the planetary masses by a small group of global oligarchs.

- Alexander Gelevich Dugin, you are the creator of the theory of a multi-polar world, which laid the foundation from which we can begin a new historical stage. Your book“The theory of a multi-polar world” has been and is being translated into other languages. The transition to a new model of world order means a radical change in the foreign policy of nation-states, and in today’s global economy, in fact, you have created all the prerequisites for the emergence of a new diplomatic language. Of course, this is a challenge of the global hegemony of the West. What do you think will be the reaction of your political opponents when they realize the seriousness of the threat posed?

- As always in the vanguard of  philosophical and ideological ideas, we first have the effect of bewilderment, the desire to silence or marginalize them. Then comes the phase of severe criticism and rejection. Then they begin to consider. Then they become commonplace and a truism. So it was with many of my ideas and concepts in the past 30 years. Traditionalism, geopolitics, Sociology of imagination , Ethnosociology, Conservative Revolution , National Bolshevism, Eurasianism, the Fourth Political Theory, National-structuralism, Russian Schmittianism, the concept of the three paradigms, the eschatological gnosis, New Metaphysics and Radical Theory of the Subject , Conspiracy theories, Russian haydeggerianstvo , a post-modern alternative , and so on – perceived first with hostility, then partially assimilated, and finally became part of mainstream discourse in academia and politics of Russia, and in part, and beyond.

Each of these directions has their fate, but the diagram of their mastering is approximately identical. So it will be also with the theory of a multipolar world   It will be hushed up, and then demonized and fiercely criticized, and then they will begin to look at it closely, and then accepted. But for all this it is necessary to pay for it and to defend it in the fight.  Arthur Rimbaud said that “the spiritual battle as fierce and hard, as the battle of armies.” For this we will have to struggle violently and desperately. As for everything else.

- In the “Theory of a multipolar world,” you write that in the dialogue between civilizations the responsibility is born by the elite of civilization. Do I understand correctly, it should be a “trained” elite, that is, the elite, which has a broad knowledge and capabilities, rather than the present “elite”? Tell me, what is the main difference between these elites?

- Civilizational elite – is a new concept. Thus far  it does not exist. It is a combination of two qualities – deep assimilation of the particular civilizational culture (in the philosophical, religious, value levels) and the presence of a high degree “of drive,” persistently pushing people to the heights of power, prestige and influence. Modern liberalism channels passion exclusively in the area of economics and business, creating a preference for a particular social elevator and it is a particular type of personality (which is an American sociologist Yuri Slezkine called “mercurial type”) .

The Mercurial elite of globalism, “aviakochevniki” mondialist nomadism, sung by Jacques Attali, should be overthrown in favor of radically different types of elites. Each civilization can dominate, and other “worlds”, not only thievish, mercurial shopkeepers and  cosmopolitans.  Islamic elite is clearly another – an example of this we see in today’s Iran, where the policy (Mars) and economics (Mercury) are subject to  spiritual authority, of the Ayatollah (Saturn).

But the “world” is only a metaphor. Different civilizations are based on different codes. The main thing is that the elite must be reflected in the codes themselves, whatever they may be. This is the most important condition. The will to power inherent in any elite, shall be interfaced with the will to knowledge, that is intellectualism and activism in such a multipolar elite should be wedded. Technological efficiency and value (often religious) content should be combined in such an elite. Only such an elite will be able to fully and responsibly participate in the dialogue of civilizations, embodying the principles of their traditions and engaging in interaction with other civilizations of the worlds.

- How can you comment on the hypothesis that the return to a bipolar model is still possible?

- I think not, practically or theoretically. In practice, because today there is no country that is comparable to the basic parameters of the U.S. and the West in general. The U.S. broke away from the rest of the world so that no one on its own can compete with them. Theoretically, only the West now has a claim to universality of its values, whereas previously Marxism was regarded as an alternative. After the collapse of the Soviet Union it became clear that universalism is only  liberal, capitalist. To resist Western imperialism there can only be a coalition of large spaces – not the second pole, but immediately multiple poles, each of them with its own strategic infrastructure and with a particular civilizational, cultural and ideological content.

- How real is the sudden transition to a non-polar model? What are the main disadvantages of this model?

- Passage to a non-polar model, about which leaders are increasingly talking of in the Council on Foreign Relations (Richard Haass, George Soros,etc.), means the replacement of the facade of a uni-polar hegemony, the transition from the domination based on military and strategic power of the United States and NATO (hardware ) to dispersed domination of the West as a whole (software). These are two versions – hard-hegemony and soft-hegemony. But in both cases the West, its civilization, its culture, its philosophy, its technologies, its political and economic institutes and procedures come out as the standard universal model.  Over the long term, this will indicate  the transfer of power to a “world government”, which will be dominated by all  the same Western elites, the global oligarchy. It will then  discard it’s  mask and will act directly on behalf of the transnational forces. In some sense non-polarity is worse than uni-polarity, though, it would seem hard to believe.

Non-polarity itself, and even more sharply and rapidly, will not yet begin. For this, the world must go through the turmoil and trials until a desperate humanity itself cried for the world elite with a prayer for salvation. Prior to that, to weaken the power of the United States, world disasters occur, and war. Non-polar world under the control of a world government, consisting of direct representatives of the global oligarchy,  is expected by many religious circles as the coming “of the kingdom of the Antichrist.”

As for the “shortcomings” of such a model, I believe that it is just  “a great parody of” the sacred world empire, which  Rene Guenon warned of in his work The Reign of Quantity and the Signs of the Times. This will be a global simulacrum.  To recognize these “deficiencies” will  not be so easy, otherwise opposition “to the antichrist” would be too simple a matter, and the depth of his temptation would be insignificant.

The true alternative is a multi-polar world, everything else – evil in the truest sense of the word.

- The “counter-hegemony” by Robert Cox, who you mention in your book aims to expose the existing order in international relations and raise the rebellion against it. To do this, Cox called for the creation of counter-hegemonic bloc, which will include political actors who reject the existing hegemony. Have you developed the Fourth Political Theory as a kind of counter-hegemonic doctrine that could unite the rebels against the hegemony of the West?

- I am convinced that the Fourth Political Theory fits into the logic of building counter-hegemony, which Cox spoke of. By the way, also inthe proximity of critical theory in the MO theory, and multi-polar world is a wonderful text by Alexandra Bovdunova ,voiced at the Conference on the Theory of a multipolar world in Moscow, Moscow State University on 25-26 April 2012 .

4PT is not a complete doctrine, this is still the first steps toward the exit from the conceptual impasse in which we find ourselves in the face of liberalism, today rejected by more and more people around the world, in the collapse of the old anti-liberal political theories – Communism and Fascism. In a sense, the need for 4PT – is a sign of the times, and really can not be disputed by anyone. Another matter, what will be 4PT in its final form. The temptation appears to build it as a syncretic combination of elements of previous anti-liberal doctrines and ideologies …

I am convinced that we should go another way. It is necessary to understand the root of the current hegemony. This coincides with the root of modernity as such, and it grows from the roots of modernity in all three pillars of political theories – liberalism, communism and fascism. To manipulate them to find an alternative to modernity and liberalism, respectively, and of the liberal hegemony of the West, is in my view, pointless. We must move beyond modernity in general, beyond the range of its political actors – individual, class, nation, state, etc.

Therefore 4PT as the basis of a counter-hegemonic planetary front should be constructed quite differently. Like the theory of a multipolar world 4PT operates with a new concept – “civilization”, but 4PT puts special emphasis on the existential aspect of it. Hence the most important, the central thesis of 4PT that its subject is the actor -  Dasein. Every civilization, its Dasein, which means that it describes a specific set of existentials. On their basis, should be raised a new political theory  generalized at the following level into a “multipolar federation Of Dasein” as the concrete structure of counter – hegemony. In other words, the very counter-hegemony must be conceived existentially, as a field of war between the inauthentic globalization (global alienation) and the horizon of authentic  peoples and societies in a multipolar world (the possibility of overcoming the alienation  of civilizations).

- When we talk about cognitive uprising, however first of all, our actions should be aimed at the overthrow of the dictatorship of the West?

- The most important step is the beginning of the systematic preparation of a global revolutionary elite-oriented to multi-polarity 4PT. This elite must perform a critical function – to be a link between the local and global. At the local level we are talking about the masses and the clearest exponents of their local culture (religious leaders, philosophers, etc.). Often, these communities do not have a planetary perspective and simply defend their conservative identity before the onset of toxic globalization and Western imperialism.

Raising the masses and the traditionalist-conservatives  to a realized uprising in the context of a complex union of a counter-hegemonistic block is  extremely difficult. Simple conservatives and their supportive mass, for example, of the Islamic or Orthodox persuasion are unlikely to realize the necessity of  alliances with the Hindus or the Chinese. This will be the play  (and they are already actively playing it) of the globalists and their principle of “divide and conquer!” But the revolutionary elite, which is the elite, even within a particular traditionalist elite of society, should take the , heartfelt deep and deliberate feelings of local identity and correlate it within a total horizon of multi-polarity, and  4PT.

Without the formation of such a elite the revolt against the  post-modern world and the overthrow of the dictatorship of the West will not take place. Every time and everywhere   the West has a problem, he will come to the aid of anti-Western forces, which, however, will be motivated by narrow bills to specific civilizational neighbors – most often, just as anti-Western as they are. So it will be and already is the instrumentalization of globalists of various conservative fundamentalist and nationalist movements. Islamic fundamentalists to help the West is one. European nationalists – is another. So a “unipolar moment” extends not only to exist in itself, but also playing the antagonistic forces against him. The overthrow of the dictatorship of the West will become possible only if this strategy  will be sufficient enough to create or make appear a new counter-hegemonic elite. A initiative like Global Revolutionary Alliance – the unique example of really revolutionary and effective opposition to hegemony.

- You have repeatedly said that Eurasianism is a strategic, philosophical, cultural and civilizational choice. Can we hope that the political course chosen by Vladimir Putin (establishment of a Eurasian Union ) Is the first step towards a multipolar model?

- This is a difficult question. By himself, Putin and, especially, his environment, they act  more out of inertia, without calling into question the legitimacy of the existing planetary status quo. Their goal – to win his and Russia’s  rather appropriate place within the existing world order. But that is the problem: a truly acceptable place for Russia is not and can not exist, because the “uni-polar moment”, as well as the globalists stand for the desovereignization of Russia, eliminating it as an independent civilization, and strategic pole.

This self-destruction seems to suit, Dmitry Medvedev and his entourage (INSOR) for he was ready to reboot and go for almost all of it. Putin clearly understands the situation somewhat differently, and his criteria of “acceptability” is also different. He would most of all psychologically  arrange  a priority partnership with the West while maintaining the sovereignty of Russia. But this is  something  unacceptable under any circumstances to the unipolar globalists -  practically or theoretically.

So Putin is torn between multipolarity, where he leads the orientation of  sovereignty and Atlanticism, where he leads the inertia and the tireless work of a huge network of influence that permeates all of the structure of Russian society. Here’s the dilemma. Putin makes moves in both directions – he proclaims multi-polarity, the Eurasian Union, to protect the sovereignty of Russia, even spoke of the peculiarities of Russian civilization, strengthening vertical power, shows respect (if not more) to Orthodoxy, but on the other hand, surrounds himself with pro-American experts (eg, “Valdai Club”), rebuilds, education and culture under the globalistic Western models, has a liberal economic policy and suffers comprador oligarchs, etc.

The field for maneuver Putin is constantly shrinking. The logic of the circumstances pushes him to a more unambiguous choice. Inside the country this uncertainty of course causes growing hostility, and his legitimacy falls.

Outside the country  the West only increases the pressure on Putin to persuade him towards globalism and the recognition of “unilateralism”, specifically – to cede his post to the Westerner Medvedev. So Putin, while continuing to fluctuate between multipolarity and Westernism, loses ground and support here and there.

The new period of his presidency will be very difficult. We will do everything we can to move it to a multipolar world, the Eurasian Union and 4PT. But we are not alone in Russian politics – against us for influence in Putin’s circles we have an army of liberals, agents of Western influence and the staff of the global oligarchy. For us, though, we have the People and the Truth. But behind them – a global oligarchy, money, lies, and, apparently, the father of lies. Nevertheless, vincit omnia veritas. That I have no doubt.

mardi, 12 juin 2012

Multipolarity as challenge

Multipolarity as challenge

Interview with political analyst Alexander Latsa by N.Speranskaya for GRAnews

Ex: http://www.granews.info/

The collapse of the Soviet Union meant the cancellation of the Yalta system of international relations and the triumph of the single hegemony - the United States, and as a consequence, transformations of the bipolar world order to a unipolar model. Nevertheless, some analysts are still talking about a possible return to a bipolar model. How do you feel about this hypothesis? Is there a likelihood of emergence of a power capable of challenging the global hegemony?

The collapse of the Soviet Union has indeed led directly to an American domination of the world affairs. When Bush father proclaimed the new world order in the sands of Iraq, many (in the Western world) even thought that it would be so forever, that the history of ideas had stopped and that the world would from now on forever be under American domination. 

We can see today that those who thought so were wrong, and it only took a decade for History to take back its rights, leading America into wars that will accelerate its decline, while paradoxically, they were supposed to establish its domination. 

During the same decade, Russia was reborn from its ashes and has once again become a strong regional power, a power that has visions of domination of Eurasia, as Vladimir Putin hammered during his first speech as the elected president on May 7, 2012. 

We hear a lot more about the Russia / America confrontation than at the beginning of this century but these countries will probably never be anymore the main key players in the world of tomorrow, unlike America and the USSR in the world of yesterday. 

Logically, China is today targeted by the American strategists as being a main adversary as it is most likely to become the leading world power during this century, on an economical, financial and demographic level - perhaps even a military one. China should therefore become the biggest competitor of an America in decline, and if nothing is done, the world of tomorrow will be punctuated by the China/America opposition.

Zbigniew Brzezinski openly admits that the U.S. is gradually losing its influence. Here it is possible to apply the concept of "imperial overstretch", introduced by renowned historian Paul Kennedy. Perhaps, America has faced that, what was previously experienced by the Soviet Union. How do you assess the current state of the U.S.?

Zbigniew Brzezinski is getting older and is probably aware of his mistakes, realizing that his outlook for the future world (under an American domination) have not fully come true. I say "not fully” because today the world is still dominated by the American hyper-power. The dollar is still the dominant currency in 2012 and America remains the world's largest economy, although the 2008 crisis seems to have been almost fatal to this financial domination. On the military level, its predominance is also over. Iraq and especially Afghanistan have shown the limits of the American military supremacy. Nobody longer sees America as an invulnerable power as it was the case a decade ago. Curiously though, America just like the USSR chose to die and go to prove their vulnerability to the world in the same location:Afghanistan. I would like to add that this “end of Empire” had already been planned by a French sociologist, Emmanuel Todd, in 2002.

The loss of global influence of the U.S. means no more, no less, as the end of the unipolar world. But here the question arises as - to which model will happen the transition in the nearest future? On the one hand, we have all the prerequisites for the emergence of the multipolar world, on the other – we face the risk of encountering non-polarity, which would mean a real chaos.

In fact, no one knows what direct and indirect consequences the collapse of this superpower may have. Neither do we know if the unilateral post-transition will not be chaotic, nor how this potential chaos will occur. One can really wonder who the future major players will be in a "world of post-American domination."
China and India are likely to become (in that order) the two dominant powers in the Southern Eurasia and in the South East Asia. Russia will likely become the dominant power in Northern and Western Eurasia but it will also probably be a new pole of attraction for the European nations, for cultural, political and religious reasons.

I would also add that if neither China nor Russia nor India have and probably should not have, global ambitions, those powers should have strong regional ambitions in their respective zones of influence, that is to say in Eurasia / Central Asia / South East Asia. And yet this area is obviously a key strategic geopolitical area. Russian, Indian, Chinese and American regional interests will therefore probably continue to cross, and accentuate the new great game between these great powers at the heart of Eurasia. Thus it is doubtful that the transition towards a multipolar world (or at least towards a world that will no longer be under American control) happens in a non-chaotic, at least initially.

The project of "counter-hegemony", developed by Cox, aims to expose the existing order in international relations and raise the rebellion against it. For this, Cox calls for the creation of counter-hegemonic bloc, which will include those political actors who reject the existing hegemony. The basis of the unipolar model imposed by the United States, is a liberal ideology. From this we can conclude that the basis of the multipolar model just the same has to be based on some ideology. Which ideology, in your opinion, can take replace the counter-hegemonic one, capable of uniting a number of political actors who do not agree with the hegemony of the West?

The opposition of the communist and liberal ideologies had the advantage of structuring the world. With the victory of the liberal ideology, through the military and political victory of the Western coalition, there was more or less  a sense of global unity  because "the world" thought that victory was final and that the ideology of the winner would be "functional". But three decades later (and this has accelerated since the crisis of 2008) the system now appears to be corrupt, probably unsustainable and not adapted to the world. 

The liberal ideology has accelerated the globalization process, but this globalization has probably contributed indirectly to the destruction of the Western domination and of the related liberal ideology, that had put the economy at the heart of human history, just as Marxism had somehow done it before.

To have a glance at the emerging powers undoubtedly gives clues about the near future. The  new emerging  players of the world (BRICS for example), are a group of emerging powers that despite their important cultural, civilizational, geopolitical and demographic differences, also appear to have a lot of similarities. Their emergence is characterized by a type of development that challenges the recommendations of economic liberalism. These powers are characterized by strong state intervention. The BRICs are also societies in transition from an authoritarian tendency (China, Russia) or conservative societies dominated by a cast system (India, Brazil). Consequently they do not accept Western standards i.e. the rule of law and democracy. Their foreign policies are converging to challenge the status quo of the post-Cold War and the Western domination as it is American-centered. BRICS share a core value: a national sovereignty as a basic structural element  of the international system. Last, the BRICS systems have focused on societal systems based on traditions, identity and religion. All these are probably indications on the possible BRICS ideologies in construction, that will replace the current reigning ideology.

If we project the multipolar model on the economic world map, then we’ll get the coexistence of multiple poles, and at the same time, will create a complete matrix for the emergence of a new economy - outside of Western capitalist discourse. In your opinion, is the concept of “autarky of big spaces”, suggested by List, applicable for this?

I think we should differentiate the end of the unipolar world, and its corollary - the end of the current Western-centered world - from the globalization process, as the latter will continue. The Western world collapses mainly for political, demographic and economic reasons but also for spiritual ones. Its "code" of operation is clearly not functional anymore, nor adapted to today's world. Globalization will be lethal to the system that helped to accentuate it. Besides, the dominant power since the end of World War II (America) does not have the means anymore to promote its system of values and of thoughts, nor to impose its military domination. Therefore, America cannot control the Western world any longer.

That said, even if the Western world disappeared and even if the weakening of America continued during the first half of this century, globalization will spread culturally and demographically. As an example, in 2030, the world will perhaps count 8.5 billion people, and all the younger generation of the entire planet will read and write, which never happened before. There are human upheavals to come that are probably unprecedented. I do not think the anti-Western ideology is a sufficient vector to build a new world. BRICS though probably give a “first and vague” idea of what tomorrow's world could be: a world of civilizational and identity consolidation. Actually, it will be world made of a self-centered and wide open spaces.

Globalization should therefore widen and force "the worlds of tomorrow" to get more in contact the ones with the others, but one can sincerely doubt that this will happen in a friendly way and without tension. All this will probably be happening in a very chaotic way at first, since there will not be one dominant power able to more or less control, structure or master these flows.

Do you agree that now the fate of the world order is solved in Russia, that is, in the Heartland, to contain and weaken of which aims the Planetary U.S. strategy?

I see several interrelated equations together, and they are all related to the Heartland. First the global takeover of America and its globalist device happened via a projection capacity, that is to say, by extension beyond its borders to its military, economic and political devices, through NGOs and the revolutions of colours for example. This extension occurred through a unique  military control of the oceans in History, but also by using the dominated Western Europe as a bridgehead to attack Eurasia. This battle against the USSR for the global control turned  (since the fall of the Soviet Union) in a battle against Russia for the control of Eurasia.

Today the U.S. project is weakened by the financial, social, moral and political situation of the country. The expansion of NATO is jammed: the U.S. strategists surely foresaw Russia as a compliant bridgehead to America and that could attack an awakening China. But the reconstruction of Russia since March 2000 and the development of China hamper those plans. This is the reason why Russia is again the main enemy, as it prevents the American’s interference in what is known as the Heartland. 

Russia is now the key equation to prevent the unilateral world under American domination, to turn into a bilateral America / China world. Paradoxically, Russia will now have to deal with China in a subtle balance of forces, both friendly but firm.

We are now on the verge of paradigmatic transition from the unipolar world order model to the multi-polar one, where the actors are no more nation-states, but entire civilizations. Recently in Russia was published a book "Theory of multipolar world," written by the Doctor of Political and Social Sciences, Professor Alexander Dugin. This book lays the theoretical foundation, basis, from which a new historical stage can start, and describes a number of changes both in the foreign policy of nation-states and in today's global economy, which involve a transition to the multipolar model. Of course, this also means the emergence of a new diplomatic language. Do you believe that multipolarity is the natural state of the world and that transition to the multipolar model is inevitable?

I do not believe in the unipolar world and it seems to me that a multipolar world is best able to preserve the overall balance. But this requires several consistent players, of equivalent size and weight and whose own interests do not intersect. We know very well that this is not the case. The grandees of today and of tomorrow have their own interests in mind. I do not believe in an eternal honeymoon between non-western victorious countries.

In that sense, Russia may be facing a very difficult equation to contain an explosion in Asia: first, China will probably naturally and very quickly have its own sphere of influence felt in the pre-squared Russian Central Asia, and second, a Western coalition is currently installing a military device on the Western Russian side. Therefore, the collapse of the U.S. in my opinion refers directly to the place of Europe and Russia in the world of tomorrow. I put these two blocks together for several reasons. Neither Russia nor Europe can afford to face each other, as they both have strategic and structural weaknesses. Europe is currently an economic giant but a political and spiritual dwarf. On the opposite, Russia is a political and spiritual giant but also relatively an economic dwarf, apart from its raw materials.

The Europe / Russia relationship is one of the key points of the future. The political, economic and military potential of a European-Russian block, from the Atlantic to the Pacific Ocean, could make it become one of the giants of tomorrow's world.Of course it also means that Europe must accept to become part of a Eurasian  block, allied with Russia and all the countries that would choose to ally themselves with Russia too, in the near future. 

I spoke of the need to have players of similar size; As a French of Eurasia - and in order for this Eurasian block to constitute itself, I believe in the creation of a Paris-Berlin-Moscow-Astana axis. This huge Euro-Eurasian pole would be a sovereign power and would be essential to contribute to peace on the continent, and why not, in the world.

 

 

mardi, 05 juin 2012

Azerbaïdjan: pas de sanctions!

 

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Bernhard TOMASCHITZ:

Azerbaïdjan: pas de sanctions!

L'Azerbaïdjan est candidat à l'adhésion à l'OTAN!

 

L’emprisonnement de Ioulia Timochenko, chef de l’opposition ukrainienne, fait que Kiev, juste avant la Coupe européenne de football, essuie un feu roulant de critiques. Ce n’est pas le cas de l’Azerbaïdjan où a eu lieu, le 26 mai, la finale du concours de l’Eurovision. Le président autoritaire Ilham Aliyev n’a rien à craindre: le ministère allemand des affaires étrangères a fait savoir qu’il n’y aurait pas de “campagne systématique” contre cette ancienne république soviétique.

 

Pourtant l’Azerbaïdjan devrait faire rugir de colère cet Occident si zélé à défendre les droits de l’Homme: les manipulations électorales y sont à l’ordre du jour tout comme les entorses lourdes à ces mêmes droits de l’Homme. Amnesty International estime que le nombre de prisonniers politiques est de 75 à 80; quant à l’organisation indépendante “Reporters sans frontières”, qui établit une liste des pays selon qu’ils accordent ou non une liberté de la presse pleine et entière, elle classe l’Azerbaïdjan à la 162ème place sur les 179 Etats qui ont été passés au crible de la grille d’analyse. L’Ukraine, elle, est au 116ème rang. Ensuite, il me paraît opportun d’ajouter que le clan Aliyev a fondé une sorte de dynastie post-communiste (Ilham Aliyev a succédé à son père Heydar en octobre 2003).

 

Mais contrairement à l’Ukraine, l’Azerbaïdjan n’a commis aucune grosse faute: il ne s’est jamais heurté de front aux intérêts géostratégiques des Etats-Unis. Enfin, ce pays caucasien, riche en ressouces et d’une grande importance stratégique, se trouve, depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, tout en haut sur la liste des Etats prioritaires bénéficiant de l’aide américaine. Dans un rapport de planification stratégique édité par l’organisation d’aide au développement USAID, inféodée au ministère américain des affaires étrangères, on a pu lire le constat suivant dès juin 2000: “L’Azerbaïdjan possède d’énormes réserves prouvées de pétrole et de gaz naturel. De plus, il se situe dans une zone géostratégique cruciale entre la Russie et l’Iran”. Par voie de conséquence, Washington ne néglige rien pour mettre Bakou de son côté, tandis que les Azéris louvoient, depuis leur indépendance en 1991, entre les Etats-Unis et la Russie. Si les plans américains réussissent, Washingon pourra tuer deux mouches d’un seul coup de savatte: d’une part, la Russie sera encore un peu plus houspillée hors du Caucase mériodional; ce sera le deuxième revers après la Géorgie. D’autre part, les Américains pourraient créer une pierre d’achoppement entre Moscou et Téhéran.

 

Le but principal des stratèges de Washington est donc de favoriser une adhésion à l’OTAN de l’Azerbaïdjan. Le 3 juin 2009, dans le magazine “Eurasianet”, qui s’affiche sur la grande toile, on pouvait lire un article de Shahin Abbasov, conseiller du spéculateur en bourse Georges Soros, financé par l’”Open Society Institute Azerbaidjan”, où l’auteur évoquait une rencontre avec un responsable très haut placé de l’OTAN, dont il ne citait pas le nom, selon qui l’Azerbaïdjan aurait plus de chance d’adhérer rapidement à l’OTAN que la Géorgie. “Il y a quelque temps, au quartier général de l’OTAN à Bruxelles comme à Bakou, on pensait que la Géorgie serait la première à adhérer au Pacte nord-atlantique et que l’Azerbaïdjan ne suivrait qu’ultérieurement”. Mais la donne a changé depuis la guerre entre la Géorgie et la Russie en août 2008; voilà pourquoi “l’Azerbaïdjan pourrait plus vite devenir membre de l’OTAN que la Géorgie ou l’Ukraine”. Ensuite, dit-on dans l’article, l’Azerbaïdjan dispose de “quelques atouts particuliers”, notamment ses “liens culturels étroits” avec la Turquie, partenaire à part entière de l’OTAN et son importance stratégique cardinale sur le tracé prévu de l’oléoduc Nabucco.

 

Mais avant que les démarches ne soient entreprises en vue de l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Pacte nord-atlantique, il faut d’abord briser les bonnes relations qui existent entre Bakou et Moscou. La Russie a conservé, depuis la fin de l’Union Soviétique, la station de radar de Gabala en Azerbaïdjan, une station de haute importance stratégique. Le bail se termine à la date du 24 décembre 2012. A l’heure actuelle, les deux Etats négocient un prolongement de ce bail jusqu’en 2025, mais Bakou exige comme prix de la location non plus la somme de sept millions de dollars par an mais celle de 300 millions! Jusqu’en novembre 2011, on parlait de quinze millions de dollars.

 

Apparemment le prix a été réévalué à la hausse afin que Gabala soit trop cher pour la Russie et qu’ainsi la voie soit ouverte à l’OTAN. En janvier 2010, le politologue Vafa Guluzade, conseiller de l’ancien président Heydar Aliyev, soulignait dans un article: “Le territoire et le peuple de l’Etat d’Azerbaïdjan s’avèrent idéaux pour une coopération avec l’OTAN. Le pays dispose d’une situation géostratégique favorable, sa population est éduquée et capable de se servir de nouvelles technologies. L’Azerbaïdjan dispose aussi de terrains d’aviation militaires, qui pourraient servir de bases à l’OTAN”.

 

Bien sûr, il faut également tenir compte de solides intérêts économiques. A ce propos, on a pu lire les lignes suivantes dans le texte qui exposait en juin 2000 la planification stratégique de l’USAID: “La participation de firmes américaines dans le développement et l’exportation du pétrole et du gaz naturel azerbaïdjanais s’avère importante pour la diversification des importations américaines d’énergie et pour la promotion des exportations américaines. Les Etats-Unis soutiennent l’utilisation de divers tracés d’oléoducs pour faciliter l’exportation du pétrole d’Azerbaïdjan”. Il s’agit surtout de contourner la Russie et l’Iran dans l’acheminement du pétrole et du gaz naturel. Le tracé Bakou/Tiflis (Tbilissi)/Ceyhan achemine déjà le gros du pétrole de la zone caspienne via la Géorgie en direction de la côte méditerranéenne de la Turquie. Cet oléoduc est contrôlé par un consortium anglo-américain sous la direction du géant pétrolier britannique BP.

 

D’autres tracés d’oléoducs devront être construits à court ou moyen terme. On est actuellement en train de boucler les négociations quant à la construction de l’oléoduc TANAP (“Trans-Anatolian Pipeline”) qui devrait acheminer le gaz naturel azerbaïdjanais en Europe via la Turquie. Le projet TANAP, qui aura coûté sept milliards d’euro, devrait avoir une capacité de 16 milliards de m3 par an, ce qui constitue une concurrence majeure pour la Russie, et aussi, bien sûr, pour l’Iran.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°21-22/2012; http://www.zurzeit.at/ ).

samedi, 02 juin 2012

La Turquie face au front Syrie-Irak-Iran

La Turquie face au front Syrie-Irak-Iran

Ex: http://mediabenews.wordpress.com/


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Après avoir «perdu» la Syrie, la Turquie serait elle en train de perdre l’Irak?


- Cérémonie de fin de formation de recrues de l’armée irakienne à Kirkourk, dans le nord du pays. REUTERS/Ako Rasheed. -

Comme un air de déjà vu, déjà entendu. Après Bachar el-Assad, c’est au tour de Nouri al-Maliki, le premier ministre irakien, de renvoyer l’ancienne puissance ottomane dans ses cordes. Alors que les Turcs pouvaient, en Irak comme en Syrie, se prévaloir de beaux succès économiques et d’une percée politico-diplomatique, le climat entre Ankara et Bagdad se dégrade à grande vitesse (après celui entre Ankara et Damas, l’année dernière). La rupture n’est, ici, pas encore totalement consommée. Mais pour combien de temps encore?

Le 9 mai, Ankara refuse de livrer à Bagdad l’ancien vice-président irakien, Tarek al-Hachémi. Recherché pour avoir commandité l’assassinat de plusieurs officiels, objet d’une «notice rouge» d’Interpol, c’est un sunnite qui a regretté que l’Irak soit devenu un véritable couloir d’acheminement d’armes iraniennes à destination de la Syrie.

En avril, un autre rival du Premier ministre irakien, le président de la région kurde autonome d’Irak Massoud Barzani, avec lequel Ankara a noué d’étroits liens (commissions conjointes, ouverture d’un consulat turc, visites de ministres et omniprésence des entrepreneurs turcs) est reçu en grandes pompes.

Il  accuse Nouri al-Maliki de se conduire en dictateur et s’oppose à la vente par les Etats-Unis de F-16 à Bagdad. On voit mal l’ancien peshmerga Barzani lancer des opérations militaires contre le PKK (mouvement séparatiste kurde en guerre contre Ankara depuis 28 ans et dont les bases arrières se situent dans les montagnes d’Irak du nord) – ce serait un suicide politique. Mais le Président de la région kurde autonome d’Irak peut resserrer l’étau logistique et psychologique autour des rebelles qui sévissent, à partir de son territoire.

Les Kurdes d’Irak, partenaires fiables

Paradoxalement, Massoud Barzani, proche des Israéliens, constitue désormais le seul partenaire vraiment fiable des Turcs dans la région.

A peine les troupes américaines parties qu’en janvier, le ton était donné: trois roquettes tirées sur l’ambassade de Turquie à Bagdad. Cette attaque faisait suite au coup de téléphone de  Tayyip Erdogan à  Nouri al-Maliki,  durant lequel le Premier ministre turc se serait inquiété du sort fait au bloc Iraqiya d’Iyad Allawi, un  ancien baassiste, chiite,  opposé à Nouri al-Maliki et soutenu par la Turquie avec financements largement saoudiens. En jeu: l’équilibre confessionnel et politique de  la coalition gouvernementale mise laborieusement sur pied à la suite des élections de mars 2010.

Depuis plusieurs années, la Turquie intervient dans la politique intérieure irakienne, et ne s’en cache pas. Elle  cherche, selon Beril Dédéoglu, professeure turque de relations internationales, à  «limiter l’emprise d’al-Qaïda sur les sunnites et à gagner le cœur des chiites pour les détourner de l’Iran». 

«C’est en prenant de telles initiatives que la Turquie pourrait conduire la région au désastre et à la guerre civile», aurait rétorqué, une fois le combiné raccroché, le Premier ministre irakien.

Nouvelle passe d’armes verbales, crescendo, en avril. Après avoir été  accusé par son alter égo turc de monopoliser le pouvoir, d’«égocentrisme» politique et de discriminations à l’égard des groupes sunnites dans son gouvernement, Nouri al-Maliki  déclare que la Turquie est sur le point de se transformer en un «Etat hostile» pour «tous».

Téhéran, puissance de référence

C’est «la fin d’une période d’innocence: les Turcs commencent à prendre des coups au Moyen-Orient, ce qui n’est pas nouveau, mais ça l’est pour l’AKP (le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002), suggère le chercheur Julien Cécillon. L’Irak et par extension le Moyen-Orient, deviennent plus une zone à risque qu’un espace d’opportunités pour la Turquie», selon le co-auteur de «La Turquie au Moyen Orient, le retour d’une puissance régionale?» (dirigé par D. Schmidt, IFRI, 2011).

En couverture de l’ouvrage publié en décembre 2011, une photo montre R .T Erdogan et N. al-Maliki, debout côte à côte et au garde-à-vous sur le tarmac de l’aéroport de Bagdad. La photo qui veut symboliser le «nouvel espace de déploiement de la puissance turque» ne remonte qu’à 2009. Elle parait pourtant presque «datée», d’une autre époque : quand certains faisaient référence au «modèle turc» et  la Turquie se flattait d’être une «source d’inspiration» pour les pays arabes.

Les Turcs sont en train de réaliser qu’ils ont aussi peu d’influence sur Nouri al-Maliki qu’ils n’en avaient sur Bachar al-Assad. Et que Téhéran reste la puissance de référence,  à Bagdad comme à Damas. Mais «Ankara a déjà les mains pleines avec Assad et  souhaite  éviter un autre scénario de choc!», analyse Sinan Ulgen, également chercheur associé à Carnegie Europe à Bruxelles. Or comme la Syrie, l’Irak est crucial pour les ambitions régionales de la Turquie.

D’abord économiquement: les routes d’Irak sont essentielles pour que les camions turcs –désormais interdits de Syrie— accèdent aux marchés proche-orientaux. L’instabilité politique irakienne empêche la croissance économique du pays sur laquelle misent les hommes d’affaires turcs (la grande majorité des compagnies étrangères en Irak sont turques et ce sont elles qui reconstruisent le pays). De même qu’elle bride l’exploitation des richesses pétrolières et gazières pour l’acheminement desquelles la Turquie constitue un important pays de transit.

Paix froide Ankara-Téhéran

Et puis, «la déstabilisation du pays, quelques mois après le rapatriement des troupes américaines est de mauvaise augure pour le maintien de l’ordre politique en Irak», prédit Sinan Ulgen, directeur d’Edam, un think-thank turc. «Les risques d’une désintégration de l’Irak sont bien plus élevés qu’en Syrie», ajoute la professeure Béril Dédéoglu, et pourraient conduire à la  constitution d’un Etat kurde indépendant au nord du pays. Une perspective que craignent les autorités civiles et militaires turques, en guerre depuis 28 ans contre «leur» propre mouvement séparatiste kurde, le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan).

Soner Cagaptay du  Washington Institute for Near East Policy nuance: «Ankara juge que le gouvernement de Maliki est autoritaire et qu’il prend ses ordres à Téhéran. Mais elle ne s’affole pas autant qu’elle a pu le faire par le passé d’une division de  l’Irak».  

L’idée d’un Kurdistan indépendant au nord de l’Irak ne constitue donc plus un cauchemar absolu pour Ankara. «Pour autant qu’il conserve les gisements pétroliers de Kirkouk, obtienne un quasi contrôle de Mossoul, et ne s’adjoigne pas une partie du territoire kurde de Syrie!», précise Béril Dédéoglu, spécialiste de relations internationales parfois consultée par le gouvernement turc. Lequel aurait eu connaissance des plans d’indépendance «déjà prêts» de Massoud Barzani.

On assiste donc actuellement au réalignement de Bagdad aux côtés du régime syrien et de l’Iran face à une Turquie qui soutient, elle, l’opposition au régime de Bachar al-Assad. «Il est probable que Téhéran continue à encourager Bagdad contre  Ankara,  en espérant qu’en retour la Turquie s’inclinera face à Assad», avertit Soner Cagaptay. Longtemps en «paix froide», les pouvoirs turc et iranien se sont rapprochés ces dernières années, mais en 2011 Téhéran a très mal pris qu’Ankara autorise l’installation du bouclier antimissile aérien de l’Otan sur son territoire.

C’est donc peut-être un front Iran-Irak-Syrie qui se dessine face à une Turquie moins repliée sur elle-même. L’esquisse d’une recomposition régionale?

L’un des scénarios verrait la Turquie à la tête d’un bloc sunnite, peut-être allié à l’Occident, et opposé à l’Iran et son fameux «croissant chiite» dont la continuité territoriale («du Tadjikistan au sud-Liban») aurait été contrariée par la dislocation de l’Irak et la création d’un Etat kurde au nord avec une entité sunnite au centre du pays.

Un tournant stratégique «sunnite» pour la Turquie, dont la politique étrangère à l’égard de la Syrie, et dans une moindre mesure de l’Irak ne fait cependant pas du tout l’unanimité: ni dans son opinion publique (en particulier dans la minorité alévie, une branche proche des chiites) ni pour le principal parti d’opposition (CHP, le parti républicain du peuple) ni même, en ce qui concerne la Syrie, jusqu’au président de la République de Turquie, Abdullah Gül.

Ariane Bonzon

jeudi, 31 mai 2012

L’Ukraine boycottée ou la vengeance de l’Occident

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Bernhard TOMASCHITZ:
L’Ukraine boycottée ou la vengeance de l’Occident

L’Ukraine est menacée de boycott, non pas pour le sort infligé à Madame Timochenko mais pour l’orientation pro-russe du Président Ianoukovitch

Le prolongement des accords russo-ukrainiens sur la présence de la flotte russe en Mer Noire a heurté les Etats-Unis

Quelques semaines avant le début des matches pour la coupe européenne de football, l’Ukraine, pays hôte, est mis sous pression. Le président de la Commission de l’UE, Barroso, a renoncé à sa visite lors des matches, de même que plusieurs hommes politiques en vue d’Europe occidentale. Quant au ministre allemand des affaires étrangères, Westerwelle, il a adressé quelques remontrances au gouvernement de Kiev: “Le gouvernement ukrainien doit savoir que le chemin vers l’Europe passe par un pont qui repose sur deux piliers: la démocratie et l’Etat de droit”.

Le motif officiel de ces tensions croissantes est la détention de Ioulia Timochenko. L’ancienne première ministre a été condamnée l’automne dernier à sept années de prison pour corruption, parce qu’elle avait conclu un accord gazier avec la Russie, que les juges ont considéré comme défavorable à l’Ukraine. Ces accords ont entraîné une perte de quelque 137 millions d’euros. L’Occident a sévèrement critiqué ce jugement: il critique le Président pro-russe Viktor Ianoukovitch d’avoir voulu se débarrasser d’une adversaire mal aimée. “En infligeant une sentence sévère à l’encontre de Madame Timochenko, le gouvernement Ianoukovitch a rejoint la liste, toujours plus longue, des gouvernements qui utilisent le droit pénal pour l’appliquer à d’anciens dirigeants. Des anciens premiers ministres, des présidents, des ministres et des chefs de l’opposition —tous adversaires politiques de ceux qui sont au pouvoir— sont désormais traduits en justice ou menacés de poursuites judiciaires”, écrit Arch Puddington, vice-président de “Freedom House”, une boîte américaine spécialisée en propagande. Toute une batterie de nouveaux reproches ont fait déborder le vase: la “princesse du gaz” Timochenko se verrait refuser des traitements médicaux en prison, elle y serait maltraitée, etc.

Mais en fait cet assaut propagandiste et médiatique contre l’Ukraine, qui est un pays où la notion d’Etat de droit est différente de celle en vigueur en Occident, a d’autres motivations: il vise le Président Ianoukovitch. Il y a deux ans, quand celui-ci a battu le pro-occidental Viktor Iouchtchenko qui, aux côtés de Ioulia Timochenko, était la deuxième icône de la “révolution orange” soutenue par les Etats-Unis, la politique ukrainienne a changé de cap. Iouchtchenko avait voulu rejoindre l’OTAN: cette intention ukrainienne a été rayée de l’ordre du jour dès l’accession à la présidence de Ianoukovitch. Les relations avec la Russie se sont normalisées, alors qu’elles avaient été fort tendues jusqu’alors. Quand Ianoukovitch a prolongé le contrat de location des bases navales russes en Crimée, à Sébastopol, dont le terme était prévu pour 2017, il a en quelque sorte franchi une ligne rouge.

Dès l’accession de Ianoukovitch à la présidence, le 7 février 2010, le tir de barrage a commencé. Le publiciste américain Walter Russell Mead, habituellement modéré dans ses propos, écrivait, dès le lendemain, que la victoire de Ianoukovitch “constituait un nouveau camouflet à l’idée que le monde tout entier deviendrait rapidement démocratique”. Plus incisif fut le politologue new-yorkais Alexander J. Motyl au cours de l’été 2010 dans les colonnes de la célèbre revue “Foreign Affairs”. D’après Motyl, Ianoukovitch choisirait ses ministres comme un “patron” et privilégierait des hommes et des femmes issus de la minorité russe de l’Est de l’Ukraine, ce qui mettrait le “consensus national en danger”.

On ne s’étonnera guère que Motyl critique surtout le prolongement du bail de location des bases navales de la flotte russe de la Mer Noire. D’après lui, ce prolongement serait une décision irréfléchie, prise à la hâte, sans qu’il n’ait été tenu compte des “effets géopolitiques potentiels pour l’Ukraine”. En prolongeant ce bail, Ianoukovitch aurait “bradé” la sécurité de l’Ukraine en “livrant à la Russie, pour un certain temps, le contrôle informel de la Crimée, des voies maritimes incontournables et des ressources gazières qui la jouxtent”.

Pour les Etats-Unis, le prolongement du bail constitue un revers considérable pour leurs ambitions géopolitiques en Europe orientale. Même si l’adhésion de l’Ukraine n’est plus aujourd’hui à l’ordre du jour, Washington a désormais les mains liées jusqu’en 2042. Avec une base russe sur son territoire national, l’Ukraine n’adhèrera pas au Pacte nord-atlantique; quant à un rejet unilatéral du bail de la part de l’Ukraine, la Russie ne l’acceptera pas. De cette façon, les Etats-Unis éprouveront les plus grandes difficultés à contrôler ce que les géopolitologues de tradition anglo-saxonne nomment le “Heartland”, soit l’espace-noyau eurasien. En 1919, en effet, le géographe britannique Sir Halford J. Mackinder écrivait, suite à la première guerre mondiale, la révolution russe et l’occupation par les troupes allemandes de l’Ukraine après le traité de paix germano-soviétique de Brest-Litovsk: “Qui gouverne l’Europe orientale, domine l’espace-noyau. Qui gouverne l’espace-noyau, domine l’ïle mondiale (l’Europe, l’Asie et de nombreuses portions de l’Afrique). Qui gouvernne l’île mondiale, domine le monde”.

Les Etats-Unis avaient réussi à dominer momnetanément cet espace-noyau, auquel appartient au moins l’Ukraine orientale, grâce à la “révolution orange” qu’ils avaient mise en scène de l’automne 2004 au printemps 2005. A l’époque, l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Kiev, John Herbst, avait joué dans ce jeu un rôle déterminant. Les affaires étrangères américaines écrivent à son sujet: “Lorsqu’il était en fonction, il a travaillé à l’amélioration des relations américano-ukrainiennes et a contribué au déroulement d’élections présidentielles correctes (“fair”). A Kiev, il a vécu la “révolution orange”. Auparavant, John Herbst avait été ambassadeur des Etats-Unis en Ouzbékistan, où il a joué un rôle décisif dans l’installation d’une base américaine appelée à soutenir l’Opération ‘Enduring Freedom’ en Afghanistan”.

Les Etats-Unis n’ont pourtant pas réussi à maintenir sur le long terme l’Ukraine dans leur sphère d’influence. Cet échec s’explique pour plusieurs raisons: le duo Iouchtchenko/Timochenko s’est rapidement dissous; les conditions de vie des Ukrainiens n’ont pas pu être améliorées pour l’essentiel et la politique pro-américaine de Iouchtchenko a accentué le vieux clivage entre Ukraine de l’Est et Ukraine de l’Ouest. Mais cet échec n’exclut pas une nouvelle révolte colorée qui pourrait à nouveau changer la donne. Car n’oublions pas ce qu’écrivait Motyl il y a deux ans: “Si Ianoukovitch maintient le cours qu’il poursuit aujourd’hui, il pourrait provoquer une deuxième révolution orange”. Le cas Timochenko pourrait en donner le prétexte.

Bernhard TOMASCHITZ.
(article tiré de “zur Zeit”, Vienne, n°19/2012; http://www.zurzeit.at/ ).

L’Égypte a acheté une licence pour une douzaine de drones chinois

L’Égypte a acheté une licence pour une douzaine de drones chinois

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L’Égypte a acheté une licence pour une douzaine de drones chinois

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Le ministère de la Défense de l’Égypte a acquis une licence pour fabriquer 12 drones ASN-209 de la Chine. Le montant de la transaction n'a pas été précisé. L’Égypte a l'intention d'utiliser des équipements chinois pour réaliser la reconnaissance et la surveillance.

Des drones ASN-209 pesant 320 kg peuvent transporter une charge utile jusqu'à 50 kg. L'appareil dispose d'une vitesse maximale de 140 kilomètres par heure et la portée maximale est de 200 km. ASN-209 peut rester en l'air pour un maximum de 10 heures. Chaque drone peut diffuser la vidéo en direct en temps réel. L'installation de l'équipement radio-électronique est possible.

La structure d'un complexe ASN-209 comprend un avion, un centre de contrôle au sol et des véhicules avec des catapultes pour lancer le drone.

mercredi, 30 mai 2012

Compte-à-rebours vers la guerre : la doctrine Blair contre la doctrine Poutine

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Compte-à-rebours vers la guerre : la doctrine Blair contre la doctrine Poutine

Ex: http://mbm.hautetfort.com/

28 mai 2012 (Nouvelle Solidarité) – Les discussions qui ont suivi les sommets du G-8 et de l’OTAN ont été dominées la semaine dernière par le retour sur le devant de la scène de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair en tant que conseiller pour la réélection de Barack Obama à la Présidence des Etats-Unis.

Ce dévouement de sa part, of course, n’est pas gratuit. Blair et son équipe de spin-doctors, qui avaient été la véritable cheville ouvrière de la guerre en Irak (il avait fourni à Georges W. Bush le fameux mémorandum « prouvant » l’existence sur les armes nucléaires irakiennes, qui se sont révélées par la suite être inexistantes), entendent profiter d’une victoire d’Obama en novembre prochain pour reprendre les rênes du pouvoir en Angleterre.

Comme l’avait rapporté le Guardian de Londres en février 2009, Obama avait présenté Blair comme son « premier ami officiel » lors d’un petit déjeuner de prière à la Maison-Blanche, un mois à peine après son inauguration.

Le nouveau binôme espère diriger le monde (ou ce qui en restera), en s’appuyant sur la doctrine qu’avait annoncée Blair lors d’une conférence à Chicago en 1999 : sous prétexte d’« établir et de répandre des valeurs qui nous sont chères », inaugurer une nouvelle forme de « coopération internationale » en liquidant le Traité de Westphalie de 1648 (et bien sûr en réformant la Charte de l’ONU), c’est-à-dire en sacrifiant l’Etat-nation souverain pour faire place à un nouvel empire.

Comme nous l’avons rapporté sur ce site, avec la création de l’Atrocities Prevention Board (APB — Conseil de prévention des atrocités) Barack Obama a décrété le 23 mars 2012 que les violations des droits de l’homme, où que ce soit dans le monde et tels que son Administration les conçoit, portent directement atteinte… à la sécurité nationale des Etats-Unis !

Un nouvel ajout à la doctrine Blair (la version 2.0) est que l’OTAN doit être capable d’aller en guerre sans consulter les législatures nationales, car il « faudrait trop de temps » pour obtenir leur permission. C’est en effet ce que vient de demander le général Sir David Richards, le chef d’état-major britannique lors d’un discours au Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) le 23 mai à Washington, une proposition qu’il a qualifiée de défense intelligente.

Ceci correspond également à ce que le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta avait déclaré au comité responsable du Sénat plus tôt cette année, au nom de l’administration Obama : pour aller en Libye, nous n’avions besoin que de la permission de l’OTAN. Le respect de la Constitution, qui exige que nous obtenions l’autorisation préalable du Congrès n’est pas très pratique. Nous vous tiendrons informés à notre retour.

Or, comme le résumait l’économiste américain Lyndon LaRouche récemment, la doctrine Blair est l’exacte antithèse de la doctrine défendue par Vladimir Poutine comme base de la politique étrangère russe, qui consiste à défendre le système de droit international hérité du Traité de Westphalie, en réelle coopération avec la Chine, l’Inde, et plus récemment le Pakistan.

Dans son article du 27 février 2012 dans Moskovskiye Novosti, Poutine a réitéré sa position selon laquelle « les principes majeurs nécessaires à toute civilisation incluent la sécurité pour tous les Etats, le rejet de tout usage excessif de la force, et le respect inconditionnel des fondements du droit international. » Il est clair qu’à chaque fois que ces principes ont été négligés, explique-t-il, « les relations internationales ont été déstabilisées ».

Le 17 mai, à la veille du sommet du G-8 et du sommet de l’OTAN à Chicago, le Premier ministre russe Dimitri Medvedev, lors de son discours au 2e Forum juridique international de St.Petersbourg, discours posté par la suite sur le site du gouvernement de la Fédération russe, a lui aussi, tenu à rappeler la doctrine russe :

« Il est souvent dit que le système de droit international est obsolète. Je l’ai moi-même entendu à maintes reprises dans la pratique politique. Ses règles ne permettent pas toujours de lutter efficacement contre de nouvelles menaces. C’est vrai en partie, parce que tout devient obsolète un jour ou l’autre — y compris le droit. Mais le besoin vraiment nécessaire et urgent de moderniser le droit international ne veut pas dire abandonner ses fondements, ce qui me semble absolument évident.

Particulièrement dangereux, à mon avis, sont les actions unilatérales qui vont à l’encontre des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, qui est la principale plate-forme de la communauté internationale pour résoudre ses problèmes. Nous n’avons pas d’autre plate-forme, même si cela déplaît à quelqu’un. Il n’y en a simplement pas d’autre ! Et nous comprenons que la Charte des Nations Unies demande surtout le respect de la prééminence du droit et de la souveraineté des Etats.

Une autre remarque, qui me semble importante au regard de mon expérience et de ma pratique politiques — le principe de la souveraineté de l’Etat. Il ne doit pas être affaibli, même si ce serait commode pour la réalisation de certains objectifs politiques immédiats, y compris le but de gagner une élection. Se donner cela comme objectif revient simplement à mettre l’ordre mondial en danger.

Et les exemples d’attaques sur le principe de la souveraineté ont été nombreux au cours des dernières années. Parmi elles, les opérations militaires contre des gouvernements étrangers contournant le cadre des Nations Unies, les déclarations sur la perte de légitimité de tel ou tel régime politique par des gouvernements étrangers et non pas par le peuple du pays, l’introduction de toutes sortes de sanctions collectives contournant les institutions internationales.

Tout cela n’améliore pas la situation dans le monde ; les opérations militaires précipitées dans d’autres pays finissent généralement par provoquer l’arrivée de radicaux au pouvoir. De telles actions, qui portent atteinte à la souveraineté des États, peuvent entraîner facilement de véritables guerres régionales, et même, sans vouloir faire peur à quiconque, à l’utilisation des armes nucléaires. Chacun devrait garder cela en mémoire, surtout lors de réflexions sur la question de la souveraineté de l’Etat »

Alors que le monde transatlantique vacille au bord d’une désintégration spectaculaire de son système financier, il faut bien rappeler ici que les nuées de l’orage financier portent avec elles le risque immédiat d’une guerre globale.

La tentation permanente des élites géopolitiques (fr)anglo-américaines de renoncer à l’outil de la diplomatie pour solutionner nos problèmes avec l’Iran et la Syrie avec des sanctions, des frappes et des guerres humanitaires, est donc de très mauvaise augure.

NOTA BENE : LA LORGNETTE DE LA 3ème GUERRE MONDIALE.pdf

Les vrais raisons du conflit syrien

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Alexander FRISCH:
Les vrais raisons du conflit syrien

Le dernier bastion de la Russie au Levant doit être éliminé!

Les médias occidentaux orchestrent une propagande qui campe le Président syrien Bachar El-Assad comme un despote enragé qui fait ouvrir le feu sur des civils innocents et désarmés et opprime une opposition née au sein même de son peuple. Mais il faut avoir la curiosité de jeter un oeil derrière le voile de ces mensonges propagandistes et de ces ragots colportés par les grandes agences de presse pour constater que le président syrien doit être éliminé, comme le veulent la “communauté occidentale des valeurs” et les services secrets des puissances occidentales, à l’instar de ce qui s’est déjà passé en Libye et en Irak. Le motif n’est pas tant que la Syrie soit considérée comme un allié étroit de l’Iran, lui aussi cible de l’Occident et menacé d’une attaque par Israël; c’est surtout parce que Damas est le dernier allié de la Russie au Levant.

L’influence de Moscou doit être repoussée partout où il est possible de la repousser: tel est le but, non officiellement avoué, des Etats-Unis, puissance dont les problèmes intérieurs et l’endettement démesuré ne sont pas niables et qui perd de plus en plus de terrain en politique étrangère. Ce sont les mêmes fondations, financées par les Etats-Unis et d’autres puissances occidentales, qui agitent une frange de l’opinion publique en Russie contre Poutine et qui soutiennent le parti de la guerre civile en Syrie, qui veut le départ d’El-Assad. Ces fondations fournissent des armes à l’opposition armée syrienne et mettent tout en oeuvre pour provoquer un changement de régime à Damas, assorti de la chute d’El-Assad et de son parti Baath, séculier et nationaliste panarabe.

Y a-t-il en Syrie une opposition “modérée”?

Même au début de la mission de Nations-Unies en Syrie, la vague de violence ne s’est pas estompée dans le pays. Chaque jour des citoyens syriens perdent la vie dans les combats et dans les attentats à la bombe. On escamote bien le fait que ces victimes, souvent des femmes et des enfants, sont dues aux actions des “opposants” qui, fournis en armes et en explosifs par l’étranger, ne tiennent pas compte de la sécurité et de l’inviolabilité théorique des représentants des Nations-Unies. Récemment deux engins ont explosé à proximité d’un hôtel de la ville d’Idlib, où logeaient des observateurs des Nations-Unies. Au moins vingt-deux personnes ont perdu la vie lorsque des bombes ont explosé coup sur coup près de bâtiments abritant les services secrets de l’armée loyaliste et des forces aériennes. La plupart des victimes appartenaient, dit-on, aux services de sécurité.

Le Président du “Conseil National Syrien”, Burhan Ghalioun, qui parle soi-disant au nom d’une “opposition modérée”, justifie l’usage d’armes contre les instances de l’Etat, car de telles actions relèveraient de la “légitime défense”. Pour le “Conseil National”, mis sur pied par l’Occident, le régime d’El-Assad est sur le point de s’effondrer. Ghalioun le “modéré” déclare à ce propos: “C’est comme un cadavre puant qui attend d’être enterré”. Tandis que la “Communauté occidentale des valeurs” attend manifestement qu’El-Assad dépose les armes volontairement et agite le drapeau blanc face au parti de la guerre civile, armé principalement par les Etats-Unis, le ministre russe des affaires étrangères Serguëi Lavrov remarque en toute clarté que ce sont les poseurs de bombe, les paramilitaires et les terroristes de l’opposition militante qui barrent la route à tout processus de paix réellement stabilisant.

“L’armistice annoncé selon le plan Annan et soutenu par le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas encore permis une stabilisation définitive —en grande partie parce que les groupes armés de l’opposition tentent sans cesse de commettre leurs provocations: il s’agit principalement d’attentats à l’explosif et d’actes de terreurs ou encore de tirs contre les troupes gouvernementales ou contre des bâtiments publics”, a déclaré Lavrov dans un entretien accordé à la station de télévision russe “Rossiya-24”. La cible de l’opposition armée serait, d’après le ministre russe des affaires étrangères, de faire échouer le plan d’Annan, de susciter la colère de la communauté internationale et de provoquer ainsi une immixtion étrangère. Ensuite, Lavrov a mis les points sur les “i”: “Pour des raisons bien compréhensibles, nous travaillons principalement avec le gouvernement en place que nous tentons de persuader pour qu’il aille au devant des obligations strictes qu’impose le plan d’Annan”. “L’opposition, avec laquelle nous cherchons également à dialoguer se trouve, elle, en revanche, sous l’influence d’autres Etats”, a poursuivi Lavrov, dans une phrase apparemment anodine mais haute de signification. “De ces Etats, nous attendons une attitude responsable face aux obligations que le Conseil de Sécurité des Nations Unies demande de satisfaire”.

Les relations russo-syriennes

Le partenariat qui existe entre la Syrie et la Russie relève d’une vieille tradition: il a commencé quand Damas a plutôt penché vers l’Union Soviétique après s’être débarrassé de la double tutelle française et britannique après la seconde guerre mondiale. Bien qu’officiellement indépendante depuis 1941, la Syrie n’a vu le départ complet des troupes françaises et britanniques qu’en 1946. Dans la foulée, le pays a été secoué par une longue série de soulèvements et de coups d’Etat, situation instable due surtout à la défaite arabe face à Israël en 1948; en 1955, Choukri al-Kouwatli, tourné vers l’Egypte nassérienne, prend le contrôle du pays et sort victorieux de la période d’instabilité. Fin 1956, il rompt les relations diplomatiques avec la France et la Grande-Bretagne, s’envole vers Moscou et obtient d’importantes livraisons d’armes de la part des Soviétiques, pour une valeur totale de 60 millions de dollars.

La montée du chef panarabe légendaire, Gamal Abdel Nasser, en Egypte a également nourri les espoirs syriens de créer un Etat arabe commun. En octobre 1957, des troupes égyptiennes débarquent en Syrie; le 1 février 1958, Nasser et Al-Kouwatli proclament au Caire la fusion en un seul Etat de la Syrie et de l’Egypte ainsi que du Nord-Yémen sous le nom de “République Arabe Unie” (RAU). Cette confédération a toutefois cessé d’exister en 1961 suite au putsch perpétré par un groupe d’officiers syriens. Deux années plus tard, le parti arabe-national Baath prend le pouvoir à Damas puis, à la suite de conflits internes, l’aile gauche du parti fomente à son tour un putsch en 1966 et Noureddine El-Atassi, intransigeant face à Israël, devient le chef de l’Etat. Le premier voyage du nouveau président l’amène à Moscou. La Syrie participe du 5 au 10 juin 1967 à la fameuse “Guerre des Six Jours” contre Israël; elle est la dernière puissance arabe à déposer les armes mais perd les hauteurs du Golan près du Lac de Génézareth. En septembre 1967, El-Atassi préconise la fusion des “Etats arabes socialistes” (Egypte, Algérie, Irak et Syrie) et plaide pour la poursuite du boycott pétrolier contre l’Occident, surtout contre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Un an plus tard commence la construction du barrage sur l’Euphrate avec l’aide financière et technique de l’URSS.

Sous le successeur d’El-Atassi, Hafez El-Assad, le père de l’actuel président syrien, le partenariat avec la Russie s’est largement poursuivi. Entre 1979 et 1989, l’Union Soviétique a livré des armes à la Syrie afin d’obtenir une parité stratégique face à Israël. Sur le plan quantitatif la Syrie a obtenu cette parité en 1989 mais sur le plan qualitatif les systèmes d’armement soviétiques étaient inférieurs à leurs équivalents américains dont disposaient les Israéliens. Toutefois, El-Assad, pendant les trente années de son règne, a pu établir la Syrie comme le principal adversaire d’Israël. Tirant profit du conflit Est/Ouest, il était parvenu à contrôler le Liban et à prendre une position dominante dans le monde arabe.

Dans un entretien avec “ARTE-Journal”, le politologue français, expert de la Russie, Jean-Sylvestre Mongronier a résumé comme suit la longue tradition de partenariat dans les relations syro-soviétiques puis syro-russes: “D’un point de vue historique, le pays se sentait plus proche de l’Union Soviétique. Depuis l’indépendance réelle de 1946, la Syrie a subi un processus de radicalisation et plusieurs coups d’Etat ont eu lieu. Les forces nassériennes, les éléments communistes et les baathistes ont tous été à l’oeuvre. En 1963, c’est le parti Baath qui commet un putsch; en 1970, c’est au tour d’Hafez El-Assad. Le tout a toujours été accompagné d’un rapprochement avec l’URSS. Celle-ci a joué un rôle important dans la construction de l’appareil militaire syrien et dans la reconstitution de celui-ci après la “Guerre des Six Jours” de 1967. En plus, en 1980, Syriens et Soviétiques signent un traité d’amitié et de coopération. La Syrie s’endetta, comme ce fut également le cas de la Libye, sauf que les dettes de Damas étaient sensiblement plus élevées: 13 milliards de dollars. Ces dettes ont partiellement été transformées en achats d’armements”.

Damas doit tomber !

Occupant une place centrale du point de vue géostratégique, entre les Etats arabes et l’Iran, au beau milieu de plusieurs identités religieuses, la Syrie détient donc une position unique dans l’agencement du Proche Orient. Il y a plus de trente ans déjà, Henry Kissinger reconnaissait que le pays avait la capacité de prendre en charge une fonction de stabilisation au Levant. Moscou continue à entretenir des relations étroites avec le gouvernement de Bachar El-Assad, y compris sur les plans technique et militaire, car, comme auparavant, la Syrie demeure un client important de l’industrie russe de l’armement. Récemment, des contrats ont été conclus pour l’obtention de missiles à courte portée.

Ce n’est donc pas un hasard si les “printemps arabes” ont été largement mis en scène par les Etats-Unis et les services secrets occidentaux. L’effervescence de ces “printemps” a ensuite été importée en Syrie car, si Damas tombe, ce sera non seulement l’allié le plus important de l’Iran, menacé par Israël, qui tombera mais aussi un partenaire de longue date de Moscou. La Russie n’est apparemment pas disposée à tolérer une hégémonie totale des Etats-Unis sur l’ensemble du Proche Orient et sur ses richesses minérales. Le ministre russe des affaires étrangères fait valoir l’influence qu’exerce la Russie par l’intermédiaire de la Syrie et trouve désormais les mots justes pour désigner l’opposition syrienne, qui est tout sauf pacifique car elle mène une guerre par procuration pour le compte des Américains.

Alexander FRISCH.
(article tiré de DNZ, Munich, 11 mai 2012).

lundi, 28 mai 2012

Il Canale di Suez alla luce della “primavera egiziana”

ns4tsabr.jpgIl Canale di Suez alla luce della “primavera egiziana”

 

Eliana Favari

Ex: http://www.eurasia-rivista.org/

 

Il Presidente della Suez Canal Port Authority ha recentemente annunciato che, nonostante la grave crisi economica che ha colpito l’Egitto negli scorsi mesi e la diminuzione del numero di navi che hanno attraversato il Canale, i guadagni provenienti dai traffici nel 2011 sono aumentati di quasi mezzo milione di dollari rispetto all’anno precedente. Il Canale di Suez oltre ad essere una delle più importanti fonti di reddito del Paese è anche un indicatore delle attività commerciali mondiali. Gli interessi vitali che gravitano attorno ad esso coinvolgono, oltre all’Egitto, vari attori della comunità internazionale, a cominciare da Israele e Stati Uniti.

A livello globale e regionale l’importanza geopolitica e commerciale del Canale di Suez, che tra non molto compirà 150 anni, non può essere sottovalutata. Il Canale è la più breve via di navigazione internazionale che collega il Mar Mediterraneo con Port Said e il Mar Rosso. La sua importanza, dettata in primo luogo dalla particolare posizione geografica, è legata sia all’evoluzione del trasporto marittimo degli ultimi anni (2/3 del commercio mondiale avviene via mare) che del commercio mondiale in generale. Secondo gli ultimi dati ufficiali, quotidianamente passa per il Canale l’8% del commercio mondiale marittimo e circa 2,4 milioni di barili di petrolio. Inoltre, attraverso il gasdotto SuMed, che collega Ein Sukhna sul Golfo di Suez con Sidi Krir sulla costa del Mediterraneo, passa ogni giorno l’equivalente di 2,5 milioni di barili di petrolio (circa il 5,5% della produzione mondiale)1. Durante la crisi che ha portato alla caduta di Mubarak è bastato lo spettro della sua chiusura (com’era già accaduto all’inizio della Guerra dei sei giorni del 1967) per influire sul prezzo del greggio, ma l’allarme è rientrato quando la giunta militare ha deciso l’invio di unità speciali a guardia delle sue rive. Gli scenari di crisi ipotizzati sulle gravi conseguenze negative per l’economia marittima a seguito dell’eventuale chiusura del Canale sono drammatici. Di certo verrebbero penalizzati quei paesi, come ad esempio l’Italia, la cui economia dipende completamente dal trasporto marittimo. Questo è già avvenuto tra il 1967 e il 1975, durante i lunghi anni della chiusura del Canale nel corso dei quali sono state adottate strategie alternative e a costi maggiori, sviluppando il trasporto del petrolio con superpetroliere lungo la rotta del Capo di Buona Speranza.

Nei mesi successivi alle rivolte, nel febbraio 2011, è sorto un nuovo caso che ha rotto la monotona routine del Canale di Suez: il transito di due navi da guerra iraniane dirette in Siria ha messo in allarme in primo luogo Israele. Dopo giorni di annunci e smentite, due navi da guerra iraniane sono entrate nel Canale di Suez e si sono dirette verso il Mediterraneo per una missione di addestramento. Era la prima volta in trent’anni che le navi militari iraniane attraversavano il canale. Le relazioni tra Egitto e Iran si sono interrotte dopo la Rivoluzione islamica iraniana del 1979 e con il Trattato di pace tra Egitto e Israele dello stesso anno. Questa operazione, definita una “provocazione” dal Ministro degli Esteri israeliano, è stata considerata il primo passo verso il riavvicinamento tra i due Paesi. In molti hanno visto nell’atteggiamento dell’Iran un tentativo di rompere il suo isolamento e di estendere la sua influenza nel Medio Oriente, in parte anche a causa dell’attuale instabilità del suo alleato principale della regione, la Siria. Questa prospettiva ha allarmato soprattutto gli storici alleati dell’Egitto, l’Arabia Saudita e gli altri Paesi del Golfo, ma anche Israele e gli Stati Uniti.

Le questioni fin qui esposte inducono a riflettere sulla complessità degli interessi che ruotano attorno al canale di Suez, ed è bene quindi analizzare gli aspetti storico-giuridici correlati per avere un chiaro punto della situazione. L’art. I della Convenzione di Costantinopoli del 29 ottobre 1888 relativa alla libera navigazione del Canale di Suez che ancor oggi ne disciplina il regime di transito recita: “Il Canale marittimo di Suez sarà sempre libero ed aperto, in tempo di guerra come in tempo di pace, ad ogni nave mercantile o da guerra, senza distinzione di bandiera2. Secondo questo accordo (di cui è parte anche l’Italia) il Canale è soggetto ad un regime di demilitarizzazione. Questo significa che nessun atto di ostilità può essere compiuto al suo interno, ma esso può essere usato da nazioni belligeranti, in tempo di guerra, per eseguire azioni in aree esterne. Tale regime fu strettamente osservato nel corso delle due guerre mondiali, ed anche nel 1936 durante la campagna dell’Italia contro l’Etiopia. Al termine della crisi di Suez del 1956 seguita alla nazionalizzazione della Compagnia del Canale da parte del presidente Nasser, l’Egitto s’impegnò con la Dichiarazione del 24 luglio 1957 a “mantenere libero il Canale e non interrompere la navigazione a favore di tutte le Nazioni entro i limiti e in accordo con le previsioni della Convenzione di Costantinopoli del 18883. L’impegno dell’Egitto a rispettare tale regime non impedì tuttavia di applicare il divieto di transito nei confronti di navi israeliane. Il divieto fu successivamente esteso a qualsiasi carico diretto in Israele, a prescindere dalla bandiera della nave utilizzata per il trasporto, con motivazioni di vario genere riconducibili, in sostanza, alla tesi che il governo egiziano avesse il diritto, in ragione delle ostilità in corso, di adottare misure difensive. La situazione di ostilità tra i due paesi sfociò nel conflitto del giugno 1967, durante il quale Israele occupò la Penisola del Sinai sino alle rive del Canale, mentre l’Egitto bloccò il transito della via d’acqua mediante l’affondamento di quindici navi. Il Canale fu chiuso sino al 1975.

La situazione e le relazioni tra i due Paesi cambiarono con il Trattato di pace del 1979 seguito agli accordi di Camp David tra Sadat, Begin e Carter secondo il quale le “navi di Israele godranno del diritto di libertà di transito attraverso il Canale di Suez e delle sue rotte di avvicinamento lungo il Golfo di Suez ed il Mediterraneo sulla base della Convenzione del 1888…4. Lo stesso Trattato riconosce inoltre che lo Stretto di Tiran ed il Golfo di Aqaba sono vie d’acqua internazionali aperte alla libertà di navigazione di tutte le Nazioni. In aggiunta a questo riconoscimento internazionale dei diritti di Israele, un’ulteriore garanzia è costituita dal Memorandum bilaterale del 1979 con cui gli Stati Uniti, sulla base del Trattato di Pace dello stesso anno, si impegnano ad adottare le misure necessarie a proteggere gli interessi di Israele relativi alla libertà di passaggio nel Canale e alla navigazione nello Stretto di Tiran e nel Golfo di Aqaba. Tali previsioni sono volte in sostanza ad impedire un nuovo blocco marittimo a Israele.

In teoria, quindi, nulla impedisce all’Iran di far transitare proprie navi. A fronte dei diritti di Israele garantiti dagli accordi appena ricordati vi è il generico diritto di cui gode l’Iran, al pari di qualsiasi altra nazione, di avvalersi del regime stabilito dalla Convenzione del 1888. Correttamente, perciò, l’Autorità del Canale ha gestito il caso in modo asettico adottando un basso profilo. Le unità iraniane (una vecchia fregata di costruzione britannica ed una grossa nave appoggio, entrambe dotate di armamento tradizionale) hanno atteso nei pressi di Jedda qualche giorno. Poi sono entrate nel Canale di Suez dirigendosi verso il Mediterraneo per una missione di addestramento ad attività antipirateria in Siria. Apparentemente niente di straordinario, dunque, anche se pare che l’Egitto negli ultimi trent’anni avesse sempre fatto in modo che l’Iran non avanzasse richieste di transito. Da questo punto di vista è chiaro che l’Iran ha abilmente sfruttato la caduta di Mubarak per mettere piede nel Mediterraneo e testare la politica estera del nuovo governo militare egiziano. Peraltro l’Egitto dopo il 1975 ha sempre autorizzato il transito di unità israeliane, compresi i sommergibili classe “Dolphin” dotati di missili balistici diretti nel Golfo Persico. Altro problema è che la presenza iraniana nel Mediterraneo è stata considerata una sfida ravvicinata alla sicurezza di Israele. Ma questo non riguarda il Canale, quanto piuttosto l’assetto geopolitico dello stesso Mediterraneo che, è bene ricordarlo, non è né un mare chiuso come il Mar Nero né una zona smilitarizzata.

Un mese dopo il passaggio delle navi iraniane, il ministro degli Esteri egiziano, Nabil al-Arabi, e il suo omologo iraniano, Ali Akbar Salehi, hanno espresso pubblicamente la volontà di rilanciare i rapporti tra i loro Paesi. «Egiziani ed iraniani meritano di avere relazioni reciproche che riflettano la loro storia e civiltà: l’Egitto non considera l’Iran come un Paese nemico», ha dichiarato al-Arabi, mentre secondo Salehi «le buone relazioni tra i due Paesi aiuterebbero a riportare la stabilità, la sicurezza e lo sviluppo nell’intera regione»5. Ma a preoccupare maggiormente Israele sono state le successive dichiarazioni del Ministro egiziano, il quale ha riconosciuto Hezbollah come parte del tessuto politico e sociale del Libano ed ha affermato di voler intraprendere relazioni più distese con la Siria e con Hamas. A conferma di ciò, non solo è stato riaperto il valico di Rafah, ma i leader di Hamas si sono incontrati con le autorità egiziane per la prima volta alla sede del Ministero degli Esteri, e non in un hotel: un segnale che l’Egitto considera Hamas un partner diplomatico e non più solo un “rischio per la sicurezza”.

Tuttavia, secondo alcuni analisti il riavvicinamento tra Egitto e Iran non dovrebbe causare troppe preoccupazioni perché, per il momento, non si tradurrà in un’alleanza strategica e non andrà ad alterare le alleanze già esistenti sia con i Paesi arabi del Golfo come l’Arabia Saudita che con gli Stati Uniti. La portavoce del Ministero degli Esteri egiziano ha infatti dichiarato: «L’Iran è un vicino regionale con il quale si sta cercando di normalizzare le relazioni. L’Iran non è percepito né come un nemico, come lo era durante l’ex regime, né come un amico»6.

Un personaggio chiave che ha sempre spinto per la ripresa dei rapporti tra i due paesi è Amr Mousa, ex segretario della Lega Araba, ex Ministro degli Esteri egiziano e uno dei favoriti alla successione di Mubarak. Attraverso una politica filo-iraniana, alternativa agli USA ed all’Arabia Saudita, e soprattutto ostile ad Israele, Mousa ha cercato il consenso dei vari partiti formatisi dopo lo tsunami politico causato dalle proteste di febbraio, trovando nell’islamismo il collante giusto per conquistare il potere. Sulla stessa linea si muove Fahmi Howeydi, analista esperto in geopolitica, giornalista e intellettuale. L’ipotesi lanciata da Howeydi ha una logica perfetta, cercando di aggirare il millenario ‘scisma’ tra sunniti e sciiti. Secondo Howeydi il nuovo Egitto dovrebbe rispondere alle richieste del popolo, e quindi prendere le distanza dall’Occidente e dal suo alter ego regionale: Israele. Inoltre, per consolidare la stabilità del Medio Oriente si dovrebbe puntare alla creazione di una triplice alleanza tra Iran, Egitto e Turchia. Una politica estera in grado di mantenere buoni rapporti, ma più equilibrati, con gli USA e di ristabilire l’influenza del paese come leader regionale è fortemente sostenuta a livello popolare dalla maggior parte degli egiziani. La caduta del regime di Mubarak ha creato una situazione politica in cui l’Egitto si è schierato maggiormente a favore del popolo palestinese e sta prendendo le distanze da Israele. Tuttavia, l’Egitto e l’Iran hanno opinioni divergenti sulla questione palestinese: l’Egitto chiede ulteriori negoziati nella regione per una Palestina stabile, mentre l’Iran continua ad incoraggiare la resistenza nei confronti di Israele. D’altra parte, l’Egitto è ben consapevole dell’importanza crescente dell’Iran nel Medio Oriente e della sua influenza su alcune forze regionali, tra cui Hezbollah in Libano, Hamas in Palestina, e gli sciiti in Iraq. Tuttavia, il pieno significato dei rapporti tra Egitto e Iran non è ancora stato rivelato e non è chiaro come si svilupperanno, in particolare in seguito alle elezioni presidenziali egiziane che sono in corso in questi giorni.

* Eliana Favari è dottoressa magistrale in Scienze Internazionali – Global Studies (Università degli Studi di Torino).


NOTE:

1 http://www.suezcanal.gov.eg/

2 Fabio Caffio, Glossario di Diritto del Mare, “Supplemento alla Rivista Marittima”, nr 5/2007.

3 Ibidem.

4 Ibidem.

5 Gomaa Hamadalla, Egyptian FM: Gulf fears of Egypt-Iran détente ‘unjustified’, “al-Masry al-Youm”, 17 aprile, 2011.

6 Davis D. Kirkpatrick, In Shift, Egypt Warms to Iran and Hamas, Israel’s Foes, “New York Times”, 28 aprile 2011, accessibile su http://www.nytimes.com/2011/04/29/world/middleeast/29egypt.html?_r=2 [1] (ultimo accesso effettuato il 15 maggio 2011).

samedi, 26 mai 2012

Samuel Huntington aurait-il raison?

 
Samuel Huntington aurait-il raison  - Ardavan Amir-Aslani constate l'irruption du fait religieux en politique

Samuel Huntington aurait-il raison?

Ardavan Amir-Aslani constate l'irruption du fait religieux en politique

Ex: http://metamag.fr/
 
On avait, en même temps que Georges Bush, enterré Samuel Huntington, dont le concept du "choc des civilisations" donnait une prééminence aux oppositions culturelles-civilisationnelles , dans lesquelles le substrat religieux tiendrait une place centrale. Or, la religion reste au centre du champ  de réflexion retenu par Ardavan Amir-Aslani dans son ouvrage, "La guerre des dieux" (Nouveau Monde édition), qui a, bien entendu, intégré tous les mouvements du monde arabe.
 
Ardavan Amir-Aslani
 
Iranien d'origine, avocat dans une grand cabinet d'affaire parisien et président de la chambre de commerce France-Azerbaïdjan, il a livré quelques réflexions à la journaliste Caroline Castets pour Le Nouvel Economiste.
Flavia Labau
 
"En février dernier, tout le monde y croyait. Le Printemps arabe avait eu raison des dictatures du passé. Un formidable élan démocratique soufflait sur les pays musulmans. Un an plus tard, Ardavan Amir-Aslani rectifie. Ce n’est pas à “plus de démocratie, plus de droits de l’homme et plus de laïcité” que ces soulèvements ont abouti, mais bien “au mouvement inverse”. D’où sa suggestion de ne plus qualifier ces événements de “Printemps” mais d’ “Hiver arabe”, seule image conforme, selon lui, à “la régression inéluctable” à laquelle vont mener ces révolutions.
 
La vision est sévère. Le diagnostic, sans appel. C’est que, pour l’auteur de La Guerre des dieux, la descente du monde arabe dans ce qu’il appelle son “Moyen Age” a déjà commencé. Depuis que, par les urnes ou sous couvert de conseils de transition, les islamistes ont remplacé les dictateurs. Depuis, surtout, que le fait religieux a fait intrusion dans la vie politique. Constat d’autant plus inquiétant qu’il vaudrait pour l’ensemble de la planète où, partout, se multiplient les “irruptions du fait religieux en politique”.
 
Une tendance aux effets déjà perceptibles – repli sur soi, montée des communautarismes, peur de l’autre… – et qui devrait encore s’accentuer avec la mondialisation qui, contrairement à une autre illusion largement répandue, ne nous mènerait pas “vers un monde homogène porté par des valeurs communes” mais “vers une segmentation de la communauté planétaire par ethnies et par religions”. Seul espoir : voir la France assumer son rôle essentiel de “lien entre l’Orient et l’Occident” en se souvenant, pendant qu’il en est encore temps, de ses convictions républicaines. Celles-là mêmes qui, il y a plus de deux siècles, lui ont permis, précisément, de séparer fait religieux et vie politique.
 
“Il y a un an, tout le monde a voulu voir dans le Printemps arabe une formidable avancée démocratique mais pour moi, c’est le mouvement inverse qui s’est produit. Loin d’avoir l’effet escompté, ces révolutions ont poussé le monde arabe vers une régression en permettant l’intrusion du fait religieux dans la vie politique. Et malheureusement, c’est un constat qui, loin de se limiter à ces pays, doit être généralisé puisque partout dans le monde, les réactions et les orientations politiques apparaissent de plus en plus marquées par le fait religieux.
 
Michele Bachmann : un message dicté par dieu
 
L’Amérique – où l’on pourchasse le médecin qui pratique l’IVG et où de plus en plus de candidats font campagne sur un message ultra-conservateur, à commencer par Michele Bachmann qui disait son message dicté par Dieu – en est un exemple. La Russie où l’Eglise orthodoxe est de plus en plus présente, en est un autre. Même chose en Chine, où le pouvoir s’efforce d’amoindrir le rôle de l’Eglise catholique sur place et bien sûr en Afrique où le cas de la Libye, entre autres, est particulièrement saisissant, les trois premières décisions du CNT ayant eu pour effet de rétablir la charia, de légaliser la polygamie et d’interdire la mixité à l’école publique. Ce qui n’est pas ce que j’appellerais du progrès.
 
Religion et vie civile
 
Autres exemples de cette poussée religieuse dans la vie civile comme dans le domaine politique : la Syrie, au sujet de laquelle l’archevêque de Beyrouth avait déclaré : “pourvu que Bachar al-Assad ne tombe pas, sinon, cela sera le massacre des chrétiens de Syrie”, l’Egypte, où la minorité chrétienne fait régulièrement l’objet de massacres, ou encore le Bahreïn dont personne ne parle parce qu’il s’agit d’un royaume plus petit que Manhattan mais qui est le théâtre d’une quasi-apartheid. Le pays compte 25 % de sunnites, face à 75 % de chiites et cette majorité fait l’objet d’un racisme absolu avec interdiction de servir dans l’armée, d’exercer des fonctions importantes dans la fonction publique, etc.
 
En Pologne, l’Eglise est omniprésente sur le dossier de l’avortement et en France, on constate quasi quotidiennement cette incursion de plus en plus marquée du religieux dans la vie publique. Que ce soit lorsque les Musulmans de France manifestent autour de la polémique sur le port du voile ou lorsqu’une pièce de théâtre déchaîne la colère d’extrémistes chrétiens. Quelle que soit la zone géographique, il suffit de regarder l’actualité pour constater que le fait religieux est en constante éruption.
 
Hiver arabe
 
Cette poussée religieuse est récente. Prenez un Larousse des années 1977-78 : le terme de fondamentaliste n’y figurait pas. Pas plus que celui d’islamiste. Ce n’est qu’au début des années 80, avec la révolution iranienne, que ces termes font leur apparition dans le langage public. Parce que l’ayatollah Khomeyni est arrivé au pouvoir et qu’il a instauré une théocratie. Pour moi, il est clair que tous les problèmes du monde musulman découlent de cet événement. La guerre en Iran-Irak, l’opposition sunnites-chiites… Jusqu’au Printemps arabe qui devait aboutir à plus de démocratie, plus de droits de l’homme, plus de laïcité mais qui, au final, avec cette nouvelle mixité religieux-politique, a débouché sur le mouvement inverse. C’est pourquoi il faut cesser de parler de Printemps arabe et utiliser l’expression adéquate pour qualifier ces événements.
 
En l’occurrence, même le terme d’“Automne arabe” apparaît trop optimiste. Seul celui d’Hiver arabe” reflète la réalité de ce qui va suivre. La régression inéluctable vers laquelle va mener ces révolutions. Ce qui n’est en réalité une surprise pour personne puisque toutes les différentes dictatures de ces pays n’étaient maintenues au pouvoir qu’afin d’empêcher la montée de l’islamisme. Moubarak le disait : “Si ce n’est pas moi, ce sera les Frères musulmans.” Et la suite a prouvé qu’il avait raison. On a donc mis fin aux dictatures pour voir arriver au pouvoir des gens qui réintroduisent la charia dans la société civile. Des gens qui prennent par les urnes ou sous couvert de conseils de transition un pouvoir que, bien évidemment, ils ne restitueront jamais ; si bien qu’ils vont détruire le schéma démocratique qui les a eux-mêmes amenés au pouvoir. Et pour légitimer leur action, ils diront tenir leur pouvoir de Dieu.

La montée de l’islamisme
 
C’est l’un des grands avantages de l’islamisme : dès lors que vous vous positionnez comme étant celui qui matérialise la parole divine sur terre, comme une autorité de fait, personne ne peut plus s’opposer à vous. Celui qui le ferait serait un mécréant, un infidèle. Hors de l’islam, pas de salut. Voilà pourquoi cette religion implique forcément une forme prosélytisme, de guerre sainte…
 
 
L’autre atout des islamistes tient évidemment au fait qu’ils sont les seuls à être organisés et prêts à exercer le pouvoir, mais aussi au fait qu’ils sont souvent la seule forme de gouvernement qui n’a pas encore été essayée par ces pays. Les Irakiens, par exemple, ont essayé le baasisme, le socialisme, le capitalisme, le soviétisme, l’occidentalisme… et chaque fois, ils ont fini avec la même corruption, les mêmes tragédies de société, la même absence de démocratie. La seule chose qu’ils n’ont pas essayée, c’est l’islam. Et comme le Coran est censé détenir les réponses à toutes les questions qu’on peut se poser, cela apparaît très rassurant.
 
C’est pourquoi les pays arabes jusqu’alors dotés de régimes pro-occidentaux et séculiers vont désormais connaître des régimes anti-occidentaux et religieux. Prenez le cas de l’Egypte où les chrétiens coptes sont pourchassés dans les rues d’Alexandrie et abattus par dizaines ; prenez celui du Pakistan et de l’Afghanistan où, une fois les Américains partis, les talibans vont revenir… Il n’y a pas un exemple qui aille à l’encontre de cette vision des choses. C’est pourquoi j’en suis convaincu : exception faite de l’Iran qui a été le premier à entrer dans l’islamisme et sera le premier à en sortir en grande partie parce que 75 % de sa population a moins de 35 ans et est à la fois éduquée et connectée, le monde arabe va s’orienter vers le fanatisme religieux.
 
La double tragédie
 
A l’origine de ce mouvement, il y a la double tragédie du monde arabe. La première est une tragédie philosophique qui tient au fait que l’islam a connu sa Renaissance – avec l’astronomie, les grands mathématiciens… – avant de basculer dans le Moyen Age tel qu’il s’apprête à le vivre aujourd’hui : avec la polygamie, l’idée qu’un homme vaut plus qu’une femme et un musulman plus qu’un chrétien ou un juif, etc. Si bien que contrairement à l’Occident, l’évolution de ces pays prend la forme d’une régression. La seconde tragédie du monde arabe est liée au népotisme qui a longtemps caractérisé ces différents Etats. Ben Ali est resté au pouvoir 27 ans, Moubarak, 32 ans, Abdallah Saleh, au Yemen, 33 ans, Kadhafi, 42 ans. A cela s’ajoute l’extrême corruption, dans des pays qui sont riches et dont la population est jeune, éduquée et sans avenir.
 
Ce qui explique qu’en Algérie et au Maroc, les gens préfèrent nager à travers le détroit de Gibraltar pour être ensuite pourchassés en Espagne plutôt que de rester chez eux. Encore une fois ces pouvoirs-là étaient maintenus par les dirigeants du monde entier pour une unique raison : leur effet stabilisateur. Aujourd’hui que l’on voit ces régimes disparaître et le changement arriver, à défaut de pouvoir s’y opposer, mieux vaut l’accompagner dans l’espoir de retarder l’éclatement du conflit. Celui-ci aura lieu, c’est inéluctable. Car pendant que le monde arabe va vivre son Moyen Age, le reste du monde va continuer à se mondialiser et à se moderniser si bien que c’est un véritable conflit de civilisations qui se profile.
 
Conflit de civilisations
 
Je crois qu’on est parti au moins pour un siècle d’hostilités. Celles-ci ne devraient pas prendre la forme d’une guerre ouverte – l’Occident a aujourd’hui encore quelques atouts qui font que la guerre n’est pas une option envisageable – mais plutôt d’un refus marqué de l’Occident en Orient et d’un nombrilisme croissant en Occident. C’est déjà ce que l’on voit aux Etats-Unis où les Américains cherchent aujourd’hui à se replier sur eux-mêmes et affichent, dans leurs discours, un certain rejet de l’Europe et de ses difficultés actuelles. Un redressement économique aurait probablement un effet apaisant, mais il y a d’autres critères à prendre en compte. L’argent seul ne suffit pas. Aujourd’hui, ce que les gens veulent retrouver en priorité, c’est leur dignité. Cette dignité que nous prenons pour un acquis en Occident et qui reste un rêve pour eux. Que la police ne les gifle pas quand ils passent dans la rue, qu’elle ne leur fasse pas payer la rançon pour leur commerce…
 
A cette revendication naturelle s’ajoute une incapacité à accepter et à respecter la différence qui fait que les musulmans entre eux, sur leur propre territoire, ne parviennent pas à cohabiter. Comment pourraient-ils le faire avec le reste de la planète ?
 
Dernier élément aggravant : le fait que le monde arabe a une revanche à prendre sur son passé. Ces pays ont été colonisés, ils ont été humiliés, ils estiment qu’ils continuent à l’être au travers du conflit Israël-Palestine. Ils veulent s’affirmer. Et aujourd’hui, ils le font en rejetant nos valeurs. Le foulard dans les rues de Paris ou dans les rues du Caire, c’est bien cela : le rejet patent d’une valeur d’égalité entre l’homme et la femme et, à travers lui, un déni de l’accès de la femme au travail, à l’éducation. C’est un refus de ce qu’est l’Occident. Et face à cela nous ne pouvons rester indifférents.
 
La mondialisation
 
Encore une fois cette tendance à la politisation du fait religieux est générale. Partout dans le monde, la religion entre en politique. Les gens se retranchent. Et loin de freiner cette tendance, la mondialisation a pour effet de l’accentuer. Contrairement à ce qu’on pense, on ne va pas vers un monde homogène porté par des valeurs universelles communes mais vers une segmentation de la communauté planétaire par ethnies, par religions. Pour moi, cela s’explique par le fait que la religion est devenue un élément identitaire et que, à l’heure actuelle, on manque d’autres éléments d’identification. Le port du voile est un cri identitaire, tout comme la croix visible. Sauf que chez certains, ce n’est que cela et chez d’autres, c’est l’élément dominant d’une personnalité, ce qui prime et l’emporte sur toutes les valeurs occidentales.
 
 
Si bien qu’on ne va pas vers un melting-pot mais vers des séparations de plus en plus marquées, avec tous les risques que cela comporte en matière de montée des communautarismes et l’éventualité d’aboutir à une situation où les gens ne s’identifient que par leur communauté religieuse. Pour l’heure, la position européenne face à ces mutations est teintée d’angélisme. C’est pourquoi il faut se ressaisir : penser aux droits de l’homme, à la république, aux valeurs de la révolution qui ont permis de séparer gouvernance politique et fait religieux ; et parallèlement, être conscient d’un monde qui change et dans lequel on n’est plus les premiers. Puisque quand on en est à envisager de faire appel à la Chine pour renflouer les banques européennes, on cesse d’être crédible et on ne peut plus vivre sur la gloire du passé.
 
L’exclusion
 
Dans ce contexte les sentiments s’exacerbent. C’est pour cela qu’on voit resurgir les mêmes thèses supposément rassurantes et portées par le même discours anti-immigration, sécurité… Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui, les craintes des gens ne se limitent pas à être exclus du droit au travail. Cette peur-là, on vit avec depuis 30 ans. Ce qu’ils redoutent, c’est l’exclusion du droit au logement, du droit au soin, du droit à l’éducation. Il y a 40 ans, lorsqu’on disait “exclu” on pensait “chômeur”. Aujourd’hui, on pense “SDF”, ce qui montre bien à quel point le malaise social s’est aggravé. On n’est plus seulement dans le “je n’ai pas de boulot”, on est dans “j’ai mal”.
 
A l’origine de tout cela il y a certes des facteurs économiques mais aussi cette incursion du religieux en politique et dans la vie civile qui génère une peur de l’autre. C’est cette peur qui nous alimente l’absence de dialogue et, insidieusement, nous mène au conflit.
 
Le rôle de la France
 
En dépit de cette peur rampante, la France reste sans doute le seul pays, avec les Etats-Unis, à pouvoir s’enorgueillir de porter le message universel, républicain et laïc. Ce qui explique qu’elle a un rôle majeur à jouer dans le contexte actuel : elle doit être un lien entre l’Orient et l’Occident, entre l’Est et l’Ouest, comme elle l’a d’ailleurs toujours été. Et pourtant, elle semble absente. Détachée des enjeux du moment. Sa politique étrangère est intégralement calquée sur celle des Etats-Unis et pendant ce temps, le vide qu’elle laisse n’est pas comblé. C’est dans cet espace laissé vacant, dans cette absence de lien avec l’Occident et ses valeurs que s’engouffrent les islamistes et que le ressentiment enfle. Et que se passe-t-il lorsque les véhicules de transmission de valeurs cessent d’être présents ? On s’enracine chez soi et on regarde l’autre en face avec envie.
 
Politique étrangère
 
Le malaise est encore accentué par le fait que la politique étrangère de la France sur le Moyen-Orient et sur le monde musulman dans son ensemble est une politique marquée dont les entreprises françaises paient le prix. Car il est bien clair que, pour elles, l’obtention de grands contrats au sein de ces pays du monde arabe est associée à l’image de la France là-bas. Ce qui fait du choix d’une entreprise française un choix politique autant qu’économique. Or certaines positions politiques de la France sont perçues comme injustes ou excessives. Comme le fait que le gouvernement français ait pu être proche de Ben Ali et totalement opposé à Ahmadinejad. Ou encore que Kadhafi, qui était un fou furieux, ait été reçu à Paris et ait pu planter sa tente dans les jardins de l’Elysée alors que, parallèlement, ce même gouvernement français appelle au boycott de la Banque centrale iranienne. Pourquoi composer avec certaines dictatures et se montrer inflexibles avec d’autres ? C’est ce qui, pour beaucoup, reste difficile à comprendre.

Repli sur soi
 
Pour toutes ces raisons, j’ai du mal à croire en un avenir proche apaisé entre Orient et Occident ; en une cohabitation sereine et respectueuse des différences de chacun. Ce que je vois se profiler, en revanche, c’est un monde occidental replié sur lui-même avec des échanges extrêmement difficiles avec le monde musulman. Les visas vont être de plus en plus rares et le dialogue de plus en plus ténu. Tant sur le plan culturel que militaire, parce que toute la communauté éduquée de ces pays voudra fuir et que, bien évidemment, l’Europe ne pourra accueillir tout le monde. 
 
Afghanistan : le retour des talibans
 
Et c’est pourquoi le réveil pour tous ces pays qui croyaient avoir gagné leur liberté promet d’être brutal. Lorsque les gens réaliseront que les bouleversements récents ont entraîné une forte diminution de la manne que représentait pour eux le tourisme, lorsqu’ils prendront conscience de qui détient désormais le pouvoir et des effets induits sur la vie civile et que, au final, ils se retrouveront encore plus démunis aujourd’hui, dans cette soi-disant liberté, qu’il y a un an. Pire que tout, les gens vont constater – beaucoup l’ont d’ailleurs déjà fait – que les dictateurs sont peut-être partis, mais que les dictatures demeurent. Via ce qui reste de leur gouvernement, de leur armée ou via les islamistes.”
 
Les titres et sous-titres sont de la rédaction
Caroline Castets pour lenouveleconomiste.fr

Au sommaire du numéro 53 de la revue Rébellion :

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Au sommaire du numéro 53
de la revue Rébellion :
Editorial : Le temps des leurres. 
Culture : Sank'ia, l'épopée barbare de Z. Prilipine. 
Dossier géopolitique 
Entretien avec Aymeric Chauprade : comprendre la Realpolitik. 
L'Union pour la Méditerranée par Julien Teil. 
Obama et l'Impérialisme par Terouga. 
Entretien avec Alexandre Douguine. 
Histoire : Thermidor, le crépuscule de la République par david l'Epée. 
Culture : Entretien avec François Bousquet sur Jean Edern Hallier. 
 
Numéro disponible contre 4 euros à notre adresse :
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