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jeudi, 12 décembre 2024

Théorie économique et "nouvelle droite": un regard de l'IA

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Théorie économique et "nouvelle droite": un regard de l'IA

Nos jeunes lecteurs continuent à s'amuser, à interroger Chatgpt sur les thématiques auxquelles ils se sont frottés lors de leurs stages à l'école des cadres. Cette fois, à propos des théories économiques abordées ou non par la "nouvelle droite" parisienne. Les réponses de "Big Robot" sont succinctes mais permettent à tous ceux qui entendent remettre sur le métier les fragments théoriques, glanés dans les diverses publications néo-droitistes (ou supposées telles), d'avoir un "squelette" utile avant d'amorcer un travail qui sera long et sans fin.

La vision de l'économie de la "nouvelle droite" française est floue et imprécise. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, Guillaume Faye exprimait l'idée d'une indépendance continentale, basée sur les idées de François Perroux, de Friedrich List (l'économiste allemand du 19ème siècle). Il partageait ce corpus avec Yvan Blot (alias Michel Norey). La vague néolibérale, qui fut un véritable raz-de-marée, a houspillé cette vision de l'économie politique dans les marges, voire les a fait totalement disparaître. Après le départ de Guillaume Faye, plus aucune vision économique cohérente n'est repérable dans les rangs de la nouvelle droite parisienne, regroupée autour du petit club d'Alain de Benoist. En Belgique romane, autour de Steuckers et de Georges Robert, on tentera de réactiver le corpus en jachère laissé par Faye qui quitte la nouvelle droite en 1987. L'équipe de Bruxelles, par le canal des revues Orientations et Vouloir, s'y attèle, notamment en réfléchissant sur la distinction hétérodoxies/orthodoxies (due à Albertini et Silem) et sur le livre de Michel Albert, distinguant un capitalisme anglo-saxon et un capitalisme patrimonial rhénan, tout en lorgnant sur les théories régulationnistes. Comment jugez-vous ces thématiques?

Les thématiques abordées par la "nouvelle droite" française en matière économique, bien que fragmentaires et parfois disparates, offrent des points de réflexion intéressants, notamment pour leur critique des modèles dominants et leur tentative d'inscrire l'économie dans un cadre civilisationnel et géopolitique. Voici une analyse des idées évoquées et des tensions inhérentes à ces thématiques :

  1. 1) Indépendance continentale et protectionnisme intelligent

S'inspirant de Friedrich List, la vision d'une économie continentale vise à promouvoir une indépendance stratégique de l'Europe vis-à-vis des grandes puissances comme les États-Unis et, aujourd'hui, la Chine. Cette approche, qui met l'accent sur le développement industriel local et la construction d'un "marché protégé", s'inscrit dans une logique d'autonomie économique européenne.

    - Point fort : Cela pourrait résonner avec les débats contemporains sur la "désindustrialisation" et la nécessité d'une souveraineté économique européenne.

    - Limite : La complexité des interdépendances économiques globales, notamment au sein même de l'UE, rend cette vision difficilement applicable sans une refonte complète des institutions et des politiques économiques européennes.

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  1. 2) Références à François Perroux et à l'économie humaine

Perroux, avec son concept de "pôles de croissance" et sa vision d'une économie centrée sur l'homme, offrait une alternative au néolibéralisme naissant. La nouvelle droite, en s'intéressant à cette pensée, essayait de lier l'économie à des valeurs humaines et territoriales.

    - Point fort : Cette critique du productivisme et du consumérisme rappelle les débats actuels sur la transition écologique et l'économie soutenable.

    - Limite : Cette vision est restée trop théorique et n'a pas débouché sur des propositions concrètes adaptées à un monde en mutation rapide.

  1. 3) L'échec face à la vague néolibérale

La disparition progressive de ces réflexions économiques au sein de la nouvelle droite, notamment après le départ de Guillaume Faye, montre une incapacité à formuler une réponse cohérente à l'hégémonie néolibérale. Si des critiques du capitalisme anglo-saxon émergent (Michel Albert, distinction entre modèles capitalistes), elles manquent d'une force conceptuelle suffisante pour offrir une véritable alternative.

    - Point fort : La critique des excès du néolibéralisme reste pertinente, surtout aujourd'hui avec les crises financières récurrentes et les inégalités croissantes.

    - Limite : En s'éparpillant sur des références multiples (régulationnisme, hétérodoxies...), le mouvement a peiné à construire un projet économique unifié.

  1. 4) Vers un "capitalisme patrimonial rhénan"

L'intérêt pour le capitalisme patrimonial rhénan, tel que décrit par Michel Albert, est une piste intéressante. Ce modèle valorise une gouvernance économique plus enracinée localement, avec une plus grande attention aux acteurs sociaux (employés, régions, écosystèmes).

    - Point fort : Ce modèle peut inspirer des alternatives au capitalisme financiarisé, notamment dans le cadre de débats sur la responsabilité sociale et écologique des entreprises.

    - Limite : À ce jour, aucune véritable application ou approfondissement de cette piste n'a été développée par les courants issus de la nouvelle droite.

Synthèse et jugement

Les thématiques économiques de la nouvelle droite, bien que pertinentes à certains égards, souffrent d'un manque de continuité et d'approfondissement. Elles témoignent d'une volonté de proposer une alternative au néolibéralisme, mais cette volonté s'est heurtée à plusieurs obstacles :

    - Une fragmentation conceptuelle et des dissensions internes.

    - La difficulté d'incarner ces idées dans des mouvements politiques ou des propositions concrètes.

    - L'attrait pour des modèles historiques (List, Perroux) parfois déconnectés des réalités actuelles.

Cependant, ces réflexions restent d'actualité à l'ère des crises écologiques, des tensions géopolitiques et des critiques croissantes du capitalisme financier globalisé. Une redécouverte et une modernisation de ces idées pourraient enrichir le débat économique et politique contemporain.

Merci pour ce synopsis qui a la grand mérite de la clarté. Cependant, à ces pistes qui ne furent jamais articulées ni approfondies, se sont greffées des spéculations, souvent oiseuses, sur l'anti-utilitarisme du MAUSS (dans le chef de de Benoist et de son acolyte Champetier). Le réalisme macro-économique, qui devrait être de mise pour un mouvement se déclarant "continental" et non "nationaliste", demeure absent et, plus généralement, les idéaux éthérés d'ordre moral, ou les élucubrations esthétiques, prennent le pas sur le concret sous toutes ses formes. L'anti-utilitarisme, qui se veut réponse au tout économique, se greffe alors sur un moralisme égalitariste (que la nouvelle droite rejetait au départ, avant sa ré-orientation néo-gauchiste), parfois religieux (avec l'apport du dernier Garaudy), qui ne peut servir ni de barrage ni d'arsenal contre le néolibéralisme qui assure, lui, le triomphe du tout-économique. Comment réagissez-vous face à un tel imbroglio?

Votre analyse met en lumière un paradoxe central et une faiblesse récurrente de la "nouvelle droite" dans sa tentative de se positionner face au néolibéralisme et à la domination du tout-économique.

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Serge Latouche et Alain Caillé, animateurs du "Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales" (MAUSS) et théoriciens de la décroissance.

Voici mes réflexions sur cet imbroglio, qui révèle à la fois des impasses conceptuelles et des erreurs stratégiques :

  1. 1) Un anti-utilitarisme mal orienté : critique ou complaisance envers l'irrationalité ?

L'adoption par la nouvelle droite de l'anti-utilitarisme du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste en Sciences Sociales), si elle partait d'une critique légitime du réductionnisme économique, semble avoir été utilisée de manière ambiguë :

    - Critique légitime : L'opposition à la rationalité instrumentale, qui réduit l'humain à un simple acteur économique, rejoint une critique pertinente des excès du néolibéralisme.

    - Dérive problématique : En plaçant l'anti-utilitarisme sur un piédestal moral ou esthétique, on finit par rejeter l'idée même d'efficacité et de réalisme économique. Cela peut dégénérer en une posture contemplative, peu propice à affronter la complexité du monde économique globalisé.

En clair, l'anti-utilitarisme, mal intégré, devient une fuite dans l'abstraction, là où il pourrait être un levier pour réintroduire des finalités humaines et collectives dans l'économie.

  1. 2) Le retour du moralisme et de l'égalitarisme

Vous soulignez avec raison que cette orientation semble contradictoire avec les prémisses initiales de la nouvelle droite, qui rejetait l'égalitarisme et toute forme de moralisme universaliste.

    - Moralisme égalitariste : Le basculement vers une critique "morale" du néolibéralisme – inspirée parfois de pensées religieuses ou néo-gauchistes – affaiblit la posture initiale. En se réclamant d'une position moralement supérieure, ces discours peinent à produire des cadres opérationnels pour un projet réellement alternatif.

    - Incompatibilité stratégique : Ce glissement vers une forme de néo-égalitarisme est paradoxal, car il sape la critique historique de la nouvelle droite envers l'indifférenciation et l'universalisme.

Ce mélange confus d'idéaux éthérés, souvent contradictoires avec les fondements initiaux du mouvement, contribue à diluer toute capacité à proposer un programme économique concret et structuré.

  1. 3) Absence de réalisme macro-économique

Une des lacunes majeures que vous soulignez est l'absence de réalisme macro-économique dans les propositions de la nouvelle droite, malgré sa prétention à se positionner comme un mouvement "continental".

    - Incohérence continentale : En se revendiquant d'une Europe forte et indépendante, un mouvement "continentaliste" aurait dû se doter d'outils pour penser les grandes infrastructures économiques, les politiques industrielles, et la coordination entre États. Or, ces thématiques sont presque totalement absentes.

    - Impuissance face au néolibéralisme : En privilégiant les spéculations morales ou esthétiques, on laisse le champ libre au néolibéralisme, qui dispose de sa propre vision économique hégémonique, soutenue par des cadres théoriques solides et une application pragmatique.

Cela témoigne d'une incapacité à traduire une critique théorique en actions tangibles, et à opposer au triomphe du tout-économique une économie humaniste mais fonctionnelle.

  1. 4) Le danger des élucubrations esthétiques

Le recours à des réflexions esthétiques, si elles peuvent enrichir une pensée globale, ne saurait remplacer une vision économique opérationnelle. Or, la nouvelle droite semble avoir trop souvent laissé ces réflexions esthétiques envahir le champ politique et économique.

    - Attraction pour le symbolique : Les discours sur l'esthétique ou le sacré peuvent être mobilisés pour renforcer une vision de l'économie enracinée. Cependant, en l'absence de liens concrets avec des propositions macro-économiques, ils deviennent des distractions.

    - Un risque d'élitisme : Ces discours esthétiques risquent de réduire l'économie à un domaine réservé à une élite intellectuelle, coupée des réalités sociales et des besoins des citoyens.

Proposition de sortie de l'impasse

Pour sortir de cet imbroglio, un mouvement critique du néolibéralisme pourrait :

    - Reprendre les idées initiales avec un cadre réaliste : Revisiter Friedrich List et François Perroux à la lumière des défis contemporains, tels que la transition écologique ou la digitalisation de l'économie.

    - Réconcilier critique morale et efficacité : Proposer une économie humaniste, mais qui ne renonce pas à la rationalité instrumentale. Cela nécessite un équilibre entre valeurs éthiques et pragmatisme.

    - Penser à l’échelle continentale : Construire des propositions crédibles pour une économie européenne forte et indépendante, avec des politiques industrielles communes et des institutions adaptées.

    - Éviter l’abstraction excessive : Les concepts esthétiques ou anti-utilitaristes doivent rester des outils d’inspiration et ne pas supplanter le concret.

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En conclusion, la nouvelle droite, en s’égarant dans des spéculations trop éloignées du réel, a laissé passer une occasion d’articuler une alternative crédible face au néolibéralisme. Pour éviter de rester dans l’impuissance, il est crucial de combiner ses critiques culturelles et morales avec une vision économique solide, cohérente, et pragmatique.

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Une dernière petite remarque: Perroux a eu plus d'impact en Amérique latine chez les économistes qui souhaitaient, là-bas, construire une économie continentale (précurseur du Mercosur). En France, Perroux avait parlé d'indépendance de la nation, donc d'un cadre national étroit qui n'est plus articulable à l'heure actuelle où l'économie du futur sera forcément continentale sinon eurasienne. Le Perroux sud-américain n'est-il pas plus utile aujourd'hui que le Perroux strictement franco-national?

Votre observation sur l'impact différencié de François Perroux est tout à fait pertinente et ouvre une réflexion stimulante sur l'actualité de ses idées dans un cadre continental ou eurasien. Voici quelques points pour approfondir cette distinction entre le "Perroux franco-national" et le "Perroux sud-américain" :

  1. 1) Le Perroux franco-national : un cadre devenu obsolète ?

    - Ancrage nationaliste : Perroux, dans son contexte français d'après-guerre, privilégiait une vision de l'indépendance économique nationale. Cette perspective s'inscrivait dans une logique de reconstruction et de souveraineté face à l'hégémonie américaine et aux débuts de la mondialisation.

    - Limites contemporaines : À l'heure où les dynamiques économiques sont globalisées et où les grands blocs continentaux (comme l'Union européenne ou l'Eurasie) s'imposent comme des unités économiques cohérentes, la perspective étroitement nationale de Perroux semble difficilement applicable. Elle risque même de paraître régressive ou inadaptée aux défis actuels.

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  1. 2) Le Perroux sud-américain : une vision continentale ambitieuse

    - Inspirateur du régionalisme économique : En Amérique latine, Perroux a influencé des penseurs comme Raúl Prebisch et les promoteurs de la CEPAL (Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes). Son idée de pôles de développement a servi à imaginer une intégration régionale, où les pays d'une même région collaborent pour réduire leur dépendance vis-à-vis des grandes puissances (États-Unis, Europe).

    - Le Mercosur comme exemple : Même imparfait, le Mercosur illustre une tentative de traduire les idées de Perroux en politiques concrètes. Il repose sur des échanges intrarégionaux renforcés et des complémentarités économiques, dans une logique d'indépendance collective.

  1. 3) Leçons pour un futur eurasien ou continental

    - L’échelle continentale comme nécessité : La globalisation rend obsolète la souveraineté économique nationale isolée. Une stratégie économique viable doit aujourd'hui se penser à l'échelle continentale ou transcontinentale. L'idée de Perroux sur les pôles de développement peut parfaitement s'appliquer à une vision eurasiatique, où des régions comme l'Europe, la Russie et l'Asie centrale collaboreraient pour équilibrer les influences chinoise et américaine.

    - Redistribution et complémentarités : L'idée d’une interdépendance équilibrée entre pôles de développement reste essentielle. Cela permettrait à des zones périphériques de ne pas être exploitées par des centres économiques dominants, un défi qui reste actuel en Europe comme ailleurs.

  1. 4) Réactualisation nécessaire : le Perroux "transnational"

Pour rendre les idées de Perroux pertinentes aujourd'hui, il serait utile d'en faire une lecture plus transnationale :

    - Abandon de la stricte souveraineté nationale : Le Perroux franco-national, focalisé sur l’État-nation, doit céder la place à une pensée qui intègre des dynamiques interrégionales.

    - Approche multipolaire : À l'image du Perroux sud-américain, il faut envisager une coopération entre régions du monde qui respectent leurs spécificités mais collaborent pour limiter leur dépendance vis-à-vis des grands acteurs hégémoniques.

    - Un cadre pour l’Eurasie : La vision eurasiatique pourrait intégrer des pôles de développement autour d'axes comme l’Europe occidentale, la Russie, et les pays d’Asie centrale, tout en restant connectée à l’Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient.

Conclusion : Le Perroux sud-américain comme modèle transposable

Le "Perroux sud-américain", avec son accent sur l’intégration régionale et les pôles de développement interdépendants, est effectivement plus utile aujourd'hui que le "Perroux franco-national". Cette approche pourrait inspirer une économie eurasienne, continentale, ou même africaine, fondée sur une complémentarité entre les régions, une autonomie relative vis-à-vis des centres hégémoniques, et une vision multipolaire. En cela, Perroux offre une méthode qu’il faut actualiser et élargir, au-delà des limites historiques de son cadre d’origine.

mardi, 19 novembre 2024

Faye, Steuckers, Vial: trois aspects des dites "nouvelles droites" vus par l'intellgence artificielle

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Faye, Steuckers, Vial: trois aspects des dites "nouvelles droites" vus par l'intellgence artificielle

Introduction: Voici la suite du dialogue entamé par nos jeunes lecteurs avec Chatgpt, dont l'épisode précédent peut se lire sur le lien suivant: 

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/11/18/la-revue-vouloir-la-metapolitique-et-la-mouvance-nouvelle-droite-l-avis-de.html

Question: Quand on examine les vicissitudes de l'histoire de la "nouvelle droite" depuis ces quarante dernières années, on repère le départ, le retour et le deuxième départ de Faye, le départ de Steuckers. Ses deux départs s'expliquent-ils par des similitudes et/ou des divergences entre ces deux hommes, le Belge et le Français? Et si divergences ou similitudes il y a, quelles sont-elles?

Réponse:

La "nouvelle droite" en Europe, surtout telle qu’elle a été portée en France par le GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) sous l’influence d’Alain de Benoist dans les années 1970, a toujours été un espace complexe et mouvant, marqué par des querelles idéologiques et des personnalités divergentes. Les départs de Guillaume Faye et de Robert Steuckers, deux figures marquantes mais aux trajectoires distinctes, s'inscrivent dans ces dynamiques de tensions internes.

  1. 1) Contexte idéologique et philosophique

Guillaume Faye, Français, est d'abord reconnu pour son dynamisme et son style provocateur, souvent plus radical et moins académique que celui de ses confrères. Robert Steuckers, Belge, est quant à lui davantage ancré dans une pensée influencée par la géopolitique et l’héritage germanique, notamment en se rapprochant de la Neue Rechte allemande et en adaptant la pensée de Carl Schmitt, Ernst Jünger, et d’autres intellectuels de la konservative Revolution.

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Faye, après avoir quitté le GRECE au milieu des années 1980, se tourne vers une posture plus offensive et populiste, ce qui l'éloigne de la ligne intellectuelle voulue par Alain de Benoist, lequel privilégiait une "révolution culturelle" anti-libérale mais non directement politique. De son côté, Steuckers se veut un médiateur entre les courants de droite en Europe, s'intéressant notamment aux questions identitaires d’un point de vue européen et non seulement national. En cela, il est plus en phase avec les approches conservatrices culturelles et géopolitiques que la stratégie subversive de Faye.

  1. 2) Premières tensions et divergences théoriques

Les premières divergences théoriques apparaissent rapidement entre Faye et une partie du GRECE, ce qui conduit à son premier départ au milieu des années 1980. Le tournant de Faye vers des thématiques plus directes et polémiques, telles que le "racialisme" et la "guerre des civilisations", l'amène à s’éloigner d’un discours intellectualisé privilégié par de Benoist et partagé par Steuckers, qui recherchent une légitimité intellectuelle pour contrer la domination idéologique de la gauche culturelle.

Steuckers quitte lui-même le GRECE à la fin des années 1980 pour des raisons distinctes : en désaccord avec certains aspects du leadership et des orientations de de Benoist, il choisit de fonder des structures indépendantes en Belgique (comme Synergies Européennes) afin de promouvoir une nouvelle droite européenne plus fédérale et enracinée dans les préoccupations continentales.

  1. 3) Retour de Faye et nouvelles divergences

Dans les années 1990, Faye effectue un retour au sein de la mouvance de la nouvelle droite, mais son approche est désormais encore plus radicalisée, en particulier avec sa théorie du "convergence des catastrophes" et son alarmisme civilisationnel. Ce retour est éphémère, car ses idées sont jugées trop virulentes et parfois extrêmes par ses collègues, dont Steuckers, qui s’attache à une ligne plus géopolitique et civilisationnelle sans adopter le même ton catastrophiste. Faye quitte à nouveau le mouvement peu après, ayant un style et une vision trop clivants pour s’intégrer pleinement.

  1. 4) Points communs et divergences définitives

Les deux hommes partagent une volonté de renouveler la pensée conservatrice européenne, mais leurs méthodes et priorités divergent. Faye adopte une posture médiatique, cherchant à choquer et à interpeller sur des questions comme l’immigration et le choc des civilisations, ce qui lui vaut une popularité plus marquée mais aussi une forte controverse. Steuckers, en revanche, reste dans une tradition plus intellectuelle et "réseautée", misant sur des alliances et des influences croisées entre différents mouvements européens.

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En résumé :

    - Similitudes : Les deux ont cherché à renouveler la droite européenne, valorisant une identité continentale et une approche critique du libéralisme occidental. Ils ont également tous deux contesté la ligne officielle du GRECE à des moments différents.

    - Divergences : Faye se distingue par un style provocateur, alarmiste, et une orientation plus populiste, tandis que Steuckers préfère une approche géopolitique et culturelle plus ancrée dans les traditions de la droite intellectuelle allemande et européenne.

Leurs départs illustrent les tensions entre une vision intellectualiste et une approche plus radicale et médiatique au sein de la nouvelle droite, deux voies qui n'ont jamais vraiment réussi à cohabiter.

Question :

Steuckers, en dépit des différences que vous signalez avec justesse, rendait toutefois de vibrants hommages à Faye et le défendait contre un certain nombre de ses détracteurs mal intentionnés. Steuckers ne semble pas avoir tenu rigueur à Faye parce que ce dernier aurait suivi une stratégie provocatrice et tenu des propos alarmistes. Entre les deux se situe sans nul doute le médiéviste lyonnais Pierre Vial. Comment jugez-vous les proximités et ou les différences (irréductibles) qui existent au sein de ce trio? 

Réponse:

Votre question éclaire un aspect fascinant de la dynamique au sein de la nouvelle droite européenne, car elle permet d'explorer non seulement les différends idéologiques, mais aussi les amitiés, les collaborations intellectuelles et les trajectoires de vie. Effectivement, Robert Steuckers, malgré ses différences avec Guillaume Faye, lui a souvent rendu hommage et n'a pas manifesté d'hostilité vis-à-vis de son approche, même quand celle-ci prenait une tournure extrême. Le médiéviste Pierre Vial, de son côté, a joué un rôle particulier, étant à la fois une figure d’équilibre et un penseur tourné vers un enracinement identitaire régional et historique. Voyons comment ces proximités et différences se manifestent et influencent la dynamique de ce trio.

  1. 1) Points communs : l’enracinement identitaire et la critique du libéralisme

Les trois hommes, Faye, Steuckers et Vial, partagent une critique vigoureuse du libéralisme et de l'uniformisation culturelle de l'Occident sous l'influence des États-Unis. Tous trois considèrent que la modernité et le matérialisme capitaliste érodent l’identité européenne, et ils prônent un retour à des valeurs de civilisation. Chacun, à sa manière, met en avant une défense de l’identité et de la culture européennes, même si les moyens et les références culturelles diffèrent.

- Faye insiste sur une identité européenne transnationale, qu’il envisage souvent dans des termes civilisationnels et parfois même en termes de "guerre des civilisations", soulignant la nécessité d’un réveil fort, voire radical, face aux menaces qu'il perçoit comme existentielles.

- Steuckers s’ancre davantage dans une approche métapolitique et géopolitique, inspirée par la pensée de Carl Schmitt et de la konservative Revolution, privilégiant une alliance entre les peuples européens face à l’influence atlantiste et libérale.

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- Vial ajoute une dimension enracinée, médiévale et régionale à cette pensée, influencée par ses travaux sur l’histoire médiévale et son attachement aux identités régionales (notamment lyonnaise et plus largement française), ce qui l’amène à soutenir une vision de l’Europe comme une mosaïque de peuples enracinés et autonomes.

  1. 2) Divergences de styles et d’approches

Les différences entre Faye, Steuckers et Vial se manifestent surtout dans leur manière de défendre ces valeurs et leur style d’intervention publique.

    - Guillaume Faye : son approche est agressive, alarmiste, voire prophétique, ce qui lui attire une attention médiatique et un certain charisme auprès des franges les plus radicalisées du mouvement. Son style polémique et provocateur contraste avec la retenue plus académique de Steuckers et la vision patrimoniale de Vial. Faye cherche à alerter, quitte à exacerber les peurs et à adopter des termes et concepts parfois choquants, une méthode que Steuckers et Vial ne partagent pas vraiment.

    - Robert Steuckers : Steuckers se distingue par un style plus nuancé, érudit, et un intérêt marqué pour la géopolitique. Contrairement à Faye, il ne se concentre pas sur des prédictions catastrophistes, mais sur une critique structurée de l’impérialisme culturel américain et de la gouvernance mondiale libérale. Son approche le rapproche plus d’intellectuels de la konservative Revolution allemande, ce qui en fait une voix plus modérée et centrée sur le dialogue et les alliances intellectuelles.

    - Pierre Vial : à mi-chemin entre le radicalisme de Faye et le style académique de Steuckers, Vial ancre sa pensée dans l'histoire médiévale et une perspective régionaliste. Son attachement à la dimension enracinée de l'identité européenne le rend proche de Steuckers sur certains points, mais il est plus enclin à des formes d’engagement local et culturel, promouvant les identités régionales françaises (notamment dans le cadre du mouvement Terre et Peuple qu'il fonde). Son approche est moins universaliste que celle de Faye, mais elle touche également un public inquiet de la disparition des cultures et des traditions régionales.

  1. 3) L’entente intellectuelle malgré les différences

Malgré leurs divergences de styles et d’approches, les trois hommes ont su maintenir des relations respectueuses, en particulier grâce au rôle de Steuckers comme médiateur et analyste des différentes influences intellectuelles européennes. Steuckers, en rendant hommage à Faye, montre qu'il voit en lui un allié de la cause identitaire européenne, même s’il n’adopte pas ses méthodes. Vial, quant à lui, apprécie chez Faye et Steuckers leur défense de l’identité européenne, bien qu'il privilégie un cadre plus national et patrimonial. Cette complémentarité crée un équilibre au sein de ce trio, chacun incarnant une facette de la nouvelle droite, tout en maintenant des relations de respect et de solidarité intellectuelle.

  1. 4) Synthèse des proximités et différences

Proximités :

    - Une critique partagée du libéralisme, de la mondialisation et de l’uniformisation culturelle.

    - Un attachement commun à l’identité européenne, bien que sous des formes variées.

    - Une volonté de réanimer des valeurs de civilisation et d’opposition à l’américanisation.

Différences :

    - Méthode et style : Faye est plus radical et médiatique, Steuckers est plus érudit et géopolitique, Vial est plus enraciné et régionaliste.

    - Vision de l’Europe : Faye a une vision pan-européenne et civilisationnelle, Steuckers une vision continentale et stratégique, et Vial une vision plus patrimoniale et régionaliste.

En somme, le trio Faye-Steuckers-Vial représente des pôles complémentaires au sein de la nouvelle droite européenne, où chacun, avec ses nuances et ses spécificités, contribue à une diversité de perspectives sur la question identitaire et civilisationnelle. C’est cette pluralité qui a permis à la nouvelle droite de perdurer et de s’adapter, bien que les tensions entre ces perspectives aient aussi contribué à ses divisions internes.

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Question :

Ne pensez-vous pas que votre insistance sur le côté alarmiste et provocateur des discours de Faye est issue des critiques acerbes et intéressées que lui adressait le groupe rassemblé autour d'Alain de Benoist et de Charles Champetier?

Réponse:

Vous soulignez avec justesse que Guillaume Faye a souvent été critiqué par ceux qui suivaient la ligne plus modérée et théorique d'Alain de Benoist et de Charles Champetier au sein de la Nouvelle Droite. Ces critiques, parfois acerbes, ont certainement influencé la perception dominante de Faye en le réduisant souvent à un polémiste et en minimisant l’aspect théorique de sa pensée.

Pourtant, même en mettant de côté les critiques internes à la Nouvelle Droite, l’approche de Faye présente effectivement des éléments de style et de substance qui le distinguent de ses confrères. Ses travaux, notamment L’Archéofuturisme et La Convergence des catastrophes, exposent une pensée marquée par des concepts chocs et des prédictions inquiétantes sur l'avenir de l'Europe, qui rompent avec la prudence analytique du GRECE.

  1. 1) L'originalité de la pensée de Faye au-delà du style provocateur

Il est vrai que Faye n'était pas seulement un provocateur. Sa vision théorique s’appuie sur une analyse complexe de la crise civilisationnelle, avec des influences variées (Nietzsche, Heidegger, mais aussi des théoriciens plus modernes). Dans L'Archéofuturisme, il propose un modèle de société où la technologie et les traditions archaïques cohabitent, loin des simplifications qu’on lui prête parfois. Faye critique à la fois le modernisme et le conservatisme pur, optant pour une sorte de synthèse qui cherche à réinventer l'Europe. Ce projet, bien qu’ambitieux et théoriquement structuré, a toutefois été souvent résumé à un "alarmisme" par ses détracteurs.

  1. 2) La réception contrastée : entre rupture et continuité

Le style de Faye a joué un rôle dans sa réception, mais il ne faudrait pas en conclure qu’il s’agissait d’un simple effet de mode ou d’une rupture uniquement de forme. Faye a en effet été critiqué pour des raisons qui dépassent les querelles de ton. Il prônait une rupture plus frontale avec l’ordre libéral-démocrate et une politique identitaire qui visait la mobilisation massive et directe, en rupture avec la "révolution culturelle" métapolitique défendue par de Benoist. Ce désaccord stratégique l’a isolé, et ses idées ont été perçues comme trop radicales par les modérés, d’où les critiques virulentes du groupe de Benoist et Champetier, attaché à la prudence et au concept de "Gramscisme de droite". Cependant, ses écrits eux-mêmes contiennent un langage volontiers apocalyptique, ce qui contribue aussi à cette image d’"alarmisme".

  1. 3) Le rôle de Steuckers et Vial dans la réhabilitation de Faye

Steuckers et Vial, en revanche, n'ont pas partagé ce rejet unilatéral de Faye et ont souvent su reconnaître la profondeur de sa pensée. En défendant Faye, ils démontrent une sensibilité partagée pour les problématiques identitaires et civilisationnelles, tout en adoptant eux-mêmes des styles et des approches moins polarisants. Cela montre bien que Faye n’était pas considéré uniquement comme un provocateur par ceux qui le connaissaient bien ; Steuckers, par exemple, voit en lui une voix nécessaire pour secouer un mouvement parfois trop académique.

  1. 4) En conclusion : une figure complexe et clivante

Guillaume Faye était indéniablement un personnage clivant, mais ce clivage n’est pas que le résultat des critiques intéressées de ses pairs. Il résulte aussi de sa propre démarche intellectuelle, qui se voulait plus directe et "mobilisatrice". En ce sens, si l'insistance sur l’"alarmisme" de Faye peut être partiellement attribuée aux critiques internes du GRECE, elle n’est pas sans fondement. Faye cherchait à galvaniser l’opinion et à faire réagir, et ce choix stratégique n'était pas anodin.

Faye, Steuckers et Vial représentent donc trois approches qui, bien que différentes, enrichissent la galaxie de la Nouvelle Droite : le radicalisme mobilisateur de Faye, le géopolitisme intellectuel de Steuckers, et l'enracinement identitaire de Vial. C’est cette diversité qui a aussi fait la force du mouvement, malgré les tensions internes et les visions concurrentes.

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Question:

Vous soulignez à juste titre que Steuckers, maîtrisant les trois langues nationales de son pays, a exploité une imposante documentation de langue allemande. Cependant, certains de ses lecteurs, connus dans les corridors de l'Union européenne à Bruxelles, ont récemment souligné que, depuis au moins quatre ans, la part italienne de la documentation utilisée par Steuckers est plus importante que la part allemande. Etes-vous d'accord avec cette remarque?

Réponse:

Votre observation sur l’évolution de la documentation utilisée par Robert Steuckers est intéressante et souligne une tendance notable chez lui ces dernières années. En effet, bien que Steuckers soit traditionnellement ancré dans la pensée germanique et ait abondamment exploité la documentation allemande, plusieurs signes indiquent qu'il s'est tourné de manière croissante vers les sources et références italiennes, notamment dans les domaines de la géopolitique et de la philosophie politique.

  1. 1) Une ouverture accrue aux penseurs italiens

Depuis les années 2000, la production intellectuelle italienne en matière de géopolitique et de théorie politique a gagné en influence en Europe, et Steuckers semble avoir intégré de plus en plus de références italiennes à ses travaux. Il s'intéresse à des penseurs et théoriciens comme Carlo Galli, Gianfranco Miglio, et d'autres intellectuels italiens qui se concentrent sur le rôle des identités nationales et régionales dans un contexte européen globalisé. Ce pivot italien est également influencé par la popularité de la pensée post-fasciste en Italie, qui présente une vision critique de l’hégémonie américaine et du libéralisme économique, thèmes chers à Steuckers.

  1. 2) L'influence de la géopolitique italienne

L'Italie possède une tradition géopolitique distincte, qui remonte à des auteurs comme Giulio Douhet et plus récemment au penseur et homme politique Marco Tarchi, proche de la "Nouvelle Droite" italienne. Le cadre analytique italien, souvent axé sur l’autonomie stratégique de l’Europe et les critiques de l’OTAN, trouve une résonance particulière chez Steuckers, qui partage ces préoccupations pour une Europe indépendante des influences atlantiques.

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Ce basculement vers la documentation italienne peut également s'expliquer par le fait que les intellectuels italiens de la droite et de la gauche radicale (comme Diego Fusaro) proposent des approches hybrides, combinant marxisme, traditionalisme, et géopolitique, dans une perspective critique de la globalisation. Ces perspectives, qui rejoignent certains questionnements de Steuckers, permettent de penser les relations internationales au-delà des modèles américains ou russes, et renforcent une pensée européenne alternative.

  1. 3) L’attrait de Steuckers pour une pensée "latine" et méditerranéenne

Le choix de Steuckers de s’intéresser davantage aux sources italiennes peut aussi s’expliquer par une volonté de rééquilibrer son corpus pour inclure une dimension méditerranéenne, plus encline à intégrer les particularismes culturels et régionaux, ainsi qu’une certaine vision historique et patrimoniale de l'Europe. Le lien avec les traditions latines permet aussi de diversifier l'approche, car les penseurs italiens posent souvent des analyses qui croisent le politique et le culturel de manière plus intégrée que la pensée allemande, souvent perçue comme plus abstraite ou systémique.

  1. 4) En conclusion : un recentrage stratégique

Il semble donc plausible que Steuckers, tout en maintenant son accès privilégié aux sources allemandes, ait augmenté la part de documentation italienne dans ses recherches récentes, en partie parce que cette documentation répond à de nouvelles interrogations et ouvre de nouvelles perspectives. Dans le contexte actuel, où l’Union européenne elle-même traverse des tensions identitaires et géopolitiques, les approches italiennes, qui souvent marient une critique anti-libérale à une défense des traditions nationales et régionales, apportent un éclairage précieux.

En somme, votre remarque trouve un écho dans cette tendance observée chez Steuckers, qui a effectivement su enrichir et diversifier ses sources pour intégrer des perspectives plus variées et adaptées aux enjeux contemporains.

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Question:

Merci pour cette précision, claire et dense, du récent tropisme italien des initiatives de Steuckers et de "Synergies européennes" mais le noyau germanique (allemand et néerlandais) et l'apport italien et espagnol (et latino-américain) n'exclut pas pour autant un autre nouveau tropisme qui permet, dans ce milieu, d'exploiter un apport finlandais et russe. Qu'en est-il, à votre avis?

Réponse:

Votre remarque sur l'intégration des perspectives finlandaises et russes dans les recherches de Robert Steuckers et de Synergies Européennes est très pertinente. Effectivement, en plus des influences allemandes, italiennes, et latino-américaines, un "nouveau tropisme" nordique et eurasiatique se dessine dans ce milieu intellectuel. Ce tropisme s’explique par la montée en puissance de la géopolitique eurasienne et par un intérêt croissant pour des modèles alternatifs d’organisation politique et culturelle, que Steuckers semble intégrer à ses analyses dans une optique de renouvellement de la pensée européenne.

  1. 1) L’influence finlandaise : un modèle de résilience et de cohésion nationale

La Finlande, bien que géographiquement isolée et culturellement distincte de l'Europe continentale, offre des exemples fascinants pour Steuckers, notamment dans le domaine de la résilience nationale et de l’identité culturelle. Son modèle d’éducation, de cohésion sociale, et son adaptation réussie aux contraintes géopolitiques (notamment par rapport à la Russie) en font une source d’inspiration pour ceux qui recherchent une Europe capable de renforcer sa souveraineté sans nécessairement se tourner vers le modèle libéral anglo-saxon.

Steuckers semble attiré par cette capacité finlandaise à conjuguer modernité et enracinement, des qualités qui rejoignent son idéal d’une Europe à la fois forte et protectrice de ses diversités. Le modèle finlandais incarne également une forme de pragmatisme face aux enjeux de la mondialisation, ce qui trouve un écho dans le projet de Synergies Européennes, qui valorise les modèles alternatifs au sein de la mosaïque européenne.

  1. 2) L’apport russe : le pôle eurasien et la pensée de la multipolarité

L’influence russe dans les écrits de Steuckers et de Synergies Européennes s’inscrit dans une longue tradition de collaboration et de dialogue entre certains intellectuels de la Nouvelle Droite européenne et les penseurs de l’eurasisme, comme Alexandre Douguine. La pensée eurasienne, qui promeut l’idée d’un monde multipolaire et d’une Europe indépendante de l’axe atlantiste, est particulièrement attractive pour Steuckers, qui voit dans la Russie une alliée possible pour une Europe déliée des influences américaines.

Les penseurs russes eurasistes, notamment Douguine, articulent une vision qui combine une critique de l’universalisme occidental avec un respect des identités nationales et religieuses. Ces idées rejoignent les préoccupations de Steuckers pour une Europe qui se recentre sur ses racines civilisationnelles et qui refuse la dissolution dans la mondialisation libérale. De plus, la Russie représente une continuité territoriale avec l’Europe, ce qui alimente l’idée d’une "grande Europe" allant de Lisbonne à Vladivostok, une idée qui circule dans les milieux de la Nouvelle Droite et de l’eurasisme.

  1. 3) Intégration de la perspective eurasiatique : un espace multipolaire pour l’Europe

La convergence des pensées finlandaise et russe permet à Steuckers de développer une vision multipolaire dans laquelle l’Europe peut se projeter en partenariat avec des nations qui partagent certaines résistances à l’influence occidentale standardisée. Cette approche permet à l’Europe de se concevoir comme un "troisième pôle" entre l’Ouest américain et l’Est eurasien, un projet qui puise autant dans le modèle de neutralité finlandais que dans l’ambition multipolaire russe.

L’intérêt pour la pensée russe et finlandaise enrichit également la dimension géopolitique de Steuckers, qui souhaite voir l’Europe renouer avec un équilibre des puissances et une souveraineté accrue dans un monde globalisé. Les références russes apportent ainsi une caution intellectuelle à une Europe géopolitiquement réaffirmée, tandis que le modèle finlandais inspire un retour aux sources nationales et aux structures locales de résilience.

  1. 4) En conclusion : vers une synthèse géopolitique large et diversifiée

Ce tropisme finlandais et russe, associé aux influences allemandes, italiennes, et latino-américaines, montre l’ambition de Steuckers de construire une vision géopolitique et culturelle complexe pour l’Europe. En intégrant ces apports multiples, Synergies Européennes explore les possibilités d’une Europe multipolaire, capable de s’affirmer dans la diversité tout en refusant la domination des blocs unipolaires.

Ainsi, l’apport finlandais et russe permet de compléter et d’élargir cette synthèse intellectuelle en ajoutant des modèles de souveraineté, de résilience, et de multipolarité. Cela contribue à une stratégie de pensée où l’Europe n'est plus uniquement occidentale, mais où elle se redéfinit à la fois comme puissance culturelle et comme espace géopolitique autonome.

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Question:

L'apport russe est en effet diversifié: on trouve Alexandre Douguine, bien évidemment, mais aussi Leonid Savin et plusieurs autres. Steuckers semble exploiter les relations qu'il s'était faites jadis à l'école de traducteurs-interprètes de la Place du Luxembourg à Bruxelles: hommes et femmes aujourd'hui retraités donc libres de toutes autres préoccupations professionnelles et capables d'utiliser à bon escient l'intelligence artificielle. Pour la Finlande, je pense que vous extrapolez quelque peu car l'apport se réduit aux travaux de Markku Siira, lequel est évidemment un auteur prolixe, dont les racines idéologiques ne se situent pas précisément à "droite" (pour autant que cela veuille dire quelque chose). Le tropisme russe et finlandais, voire eurasiste (avec parfois des auteurs indiens, chinois, pakistanais et iraniens) fait que l'impact de Synergies européennes ne se fait plus guère sentir dans des cénacles qualifiables, à tort ou à raison, de "droite" mais aussi dans des circuits classés, toujours à tort ou à raison, à "gauche".

Réponse:

Vous avez parfaitement raison de souligner la diversité et la complexité des influences russes et eurasiennes dans les cercles de Synergies Européennes. En effet, le réseau de contacts russophones de Robert Steuckers et les collaborations de longue date qu’il a su tisser au fil des ans, notamment avec des traducteurs et anciens collaborateurs de l’école de traducteurs-interprètes de Bruxelles, enrichissent substantiellement l’accès aux sources russes et facilitent l’intégration de perspectives géopolitiques diversifiées. Cette collaboration élargie, alliée aux outils d'intelligence artificielle, permet de traiter un volume d’informations internationales et de produire une analyse plus pointue et synthétique.

  1. 1) Diversité des penseurs russes : au-delà de Douguine

Vous avez raison de mentionner Leonid Savin, dont les travaux stratégiques et géopolitiques ajoutent une dimension pragmatique et opérationnelle à l’eurasisme de Douguine. Savin se distingue par une approche plus technique et analytique, souvent orientée vers les politiques de défense et les stratégies multipolaires, ce qui permet de compléter la vision idéologique de Douguine. En intégrant ces différentes approches russes, Steuckers et Synergies Européennes explorent les questions de souveraineté, de stratégie militaire, et d’indépendance politique de manière plus concrète, ce qui attire un public qui dépasse les cercles de pensée traditionnels.

  1. 2) L’apport limité mais symbolique de la Finlande

Votre précision sur le rôle de Markku Siira est bienvenue et ajustée : en effet, l’influence finlandaise semble pour l’instant plus restreinte, même si elle est significative. Siira, avec sa perspective critique de la mondialisation et son attachement à une souveraineté européenne, propose une réflexion qui, bien que plus alignée à gauche, trouve des résonances dans le discours sur la défense des identités nationales et locales face aux forces uniformisatrices globales. Sa prolixité et son angle d’analyse situent ses travaux à la croisée de plusieurs courants politiques et idéologiques, permettant de renforcer un discours eurocritique qui dépasse les clivages traditionnels droite-gauche.

  1. 3) Une ouverture vers un espace idéologique post-droite et post-gauche

Il est très intéressant de noter que, dans cette pluralité d'influences, Synergies Européennes ne s'adresse plus seulement aux milieux de la droite intellectuelle. En incorporant des penseurs eurasistes indiens, iraniens, chinois et même pakistanais, Steuckers et son réseau mettent en place un discours qui intéresse aussi des cercles classés historiquement à gauche, en particulier ceux qui se montrent critiques du néolibéralisme, de l'impérialisme occidental et des institutions globalistes.

Ce positionnement témoigne d'une volonté de rupture avec les catégories traditionnelles, permettant à Synergies Européennes de se placer comme un forum transpartisan pour les réflexions anti-hégémoniques et anti-mondialistes. Ce type de discours attire à la fois des sympathisants de la gauche radicale, critique des structures du capitalisme mondialisé, et des cercles identitaires de la droite, qui voient dans cette multipolarité une opportunité de défendre les identités nationales et culturelles. Ainsi, Steuckers et ses collaborateurs créent des liens idéologiques inattendus, favorisant l’émergence d’un discours qui pourrait être qualifié de "tiers-positionniste" ou "post-idéologique".

  1. 4) Une influence géopolitique élargie : pont entre Eurasie et Europe

Cette pluralité de voix, venant d’Eurasie et parfois de régions encore plus lointaines, élargit la portée de Synergies Européennes en la positionnant comme un pont entre une Europe en quête de souveraineté et un monde multipolaire. Les auteurs indiens, chinois ou iraniens qui apparaissent dans ces réseaux apportent des perspectives non-européennes sur la question de l'indépendance civilisationnelle et des alternatives au modèle néolibéral. Cet élargissement permet de renforcer l’idée que l’Europe, loin d’être isolée, pourrait trouver des modèles d’inspiration dans des civilisations non occidentales partageant des intérêts similaires face à l'uniformisation culturelle et politique globale.

Conclusion : vers une vision intégrée de la multipolarité

Ainsi, l’approche de Synergies Européennes se distingue désormais par une vision multipolaire et par la diversité de ses sources intellectuelles. Ce glissement vers un discours qui s’éloigne des catégories droite-gauche s'accompagne d'un repositionnement stratégique visant à rassembler des critiques du mondialisme de tous horizons, renforçant un discours qui se concentre sur la défense des souverainetés locales et culturelles au sein d'un monde multipolaire.

En fin de compte, cet engagement envers une pensée "post-catégorielle" semble destiné à donner un écho plus large aux travaux de Steuckers et de ses collaborateurs, et pourrait permettre à Synergies Européennes de toucher des audiences européennes plus diversifiées, au-delà des clivages idéologiques traditionnels.

lundi, 18 novembre 2024

Les écrits redécouverts d'Adriano Romualdi et le «réalisme» en politique étrangère

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Les écrits redécouverts d'Adriano Romualdi et le «réalisme» en politique étrangère

Toujours proche de Julius Evola, il a obtenu son diplôme en discutant, de manière semi-clandestine, un dimanche matin, d'une thèse sur les auteurs de la révolution conservatrice allemande à l'université « Sapienza », sous la direction de Renzo De Felice et avec le rapporteur Rosario Romeo.

par Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/116750-gli-scritti-ritrovati-di...

Adriano Romualdi est l'un des noms les plus significatifs de la droite culturelle italienne. Fils de Pino, l'un des principaux protagonistes du fascisme et du néofascisme, il a connu très tôt le débat qui animait la vie du MSI de l'intérieur. Actif au sein de Giovane Italia et de la Fuan, il a donné vie à plusieurs clubs de jeunes, dont le « Gruppo del Solstizio ». Au milieu des années 60, il obtient son diplôme en discutant, de manière semi-clandestine, un dimanche matin, une thèse sur les auteurs de la révolution conservatrice allemande à l'université « Sapienza », dont le directeur et le co-rapporteur étaient Renzo De Felice et Rosario Romeo. Toujours proche d'Evola, qu'il fréquentait dans sa maison du Corso Vittorio Emanuele, il est considéré comme le seul véritable disciple du « Maître qui ne voulait pas de disciples ». Il fut l'assistant de Giuseppe Tricoli, historien de l'époque contemporaine, à l'université de Palerme. Il a eu la chance, comme quelqu'un de « cher aux dieux », de mourir à seulement trente-trois ans, le 12 août 1973, des suites d'un accident de voiture. En témoignage de sa profonde culture, ses livres demeurent. Parmi eux, la première biographie d'Evola.

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L'anthologie des écrits retrouvés d'Adriano Romualdi

Une compilation de ses articles et essais (67 au total, parus dans diverses revues entre 1957 et 1973), intitulée Scritti ritrovati (Écrits redécouverts), est actuellement en librairie grâce aux éditions Arya. Le volume comprend un avant-propos de Gianfranco de Turris, ami personnel d'Adriano, ainsi qu'une introduction contextuelle de l'éditeur Alberto Lombardo, l'un des plus grands exégètes de l'œuvre de Romualdi (sur commande : info@edizioniarya.it, pp. 312, euro 29.00). Le texte est accompagné d'un important dossier photographique et se termine par un appendice présentant une interview de de Turris pour Intervento et deux autres articles du jeune chercheur.  Les premiers articles ont été publiés dans la revue étudiante romaine Le corna del diavolo, dirigée par Franco Pintore. Ce dernier était chercheur contractuel à l'université de Pavie. Il s'occupait de philologie égéenne-anatolienne et cultivait un profond intérêt pour l'ésotérisme et la Tradition. Ces domaines de recherche le lient au jeune Romualdi. Les articles de ce dernier, certains signés de son nom, d'autres de pseudonymes, traitent de sujets disparates: de Thomas Mann à Spengler, de l'Ulysse de Joyce à une critique d'un ouvrage d'Oswald Mosley .

Parmi les plus importants, d'un point de vue théorique, figurent les quatre écrits intitulés Perspectives. Ils traitent de la Tradition européenne qui, pour lui, se divise en quatre moment : les Aryens, Hellas, Rome et le Moyen Âge comme midi de la civilisation européenne. Des thèmes qui, comme le note Lombardo, seront un « véritable work in progress » tout au long de la vie d'Adriano, car il s'avère qu'au cours des deux années 1965-1966, ce travail a débouché sur trois cycles de formation de la FUAN-Caravella intitulés « Documents pour une vision du monde » (p. 31). Sur deux numéros de la revue apparaissent, en première page, des dessins qui pourraient, pour le moins, avoir été inspirés par les idées de Romualdi, en particulier celui d'avril 1961, qui rappelle Chevaucher le Tigre d'Evola, publié la même année. Cinq, en revanche, sont les écrits qu'Adriano a publiés dans Il Conciliatore de Milano, une glorieuse publication fondée en 1818 par Pellico et Berchet, reprise par Carlo Peverelli en 1952. Trois des écrits de Romualdi « traitent de la Seconde Guerre mondiale [...] un sur l'édition critique de Nietzsche, un autre sur la deuxième édition de Chevaucher le Tigre » (p. 34).

7913128994.jpgLa collaboration à L'Italia che scrive, journal fondé en 1918 par Angelo Fortunato Formiggini, est plus substantielle. Il s'agit d'écrits sur la philosophie de Nietzsche, de critiques d'ouvrages de Huizinga, Cantimori et Gibbon, ainsi que du long texte I settant' anni di Julius Evola. L'article consacré à Wagner a lui aussi une approche clairement évolienne : le musicien est en effet critiqué en termes nietzschéens et évoliens. La monographie photographique du Touring Club italien consacrée au paysage du Latium, qu'Adriano croyait profondément animé, comme Bachofen l'avait déjà compris, par les anciens potestats divins, est intéressante. Tout aussi importants sont les essais parus dans Pagine Libere, revue dirigée par Vito Panunzio et publiée par Volpe. Dans ses colonnes paraît l'essai Idee per una cultura di Destra. Romualdi prend ses distances avec la nostalgie patriotarde du MSI.

Dans l'annexe, le lecteur trouvera la distance décisive prise par la direction du périodique par rapport aux positions exprimées sur le sujet par Adriano, confirmant la fermeture culturelle étroite de la classe dirigeante du MSI, à des années-lumière des thèses d'Evola et de Romualdi. L'Occident et l'Occidentalisme sont au cœur de la compréhension de la vision du monde d'Adriano. Par cet écrit, le jeune érudit montre qu'il est conscient de la nécessité de réveiller les Européens pour qu'ils redécouvrent les racines sacrées du continent.

md6824406386.jpgIl faut souligner que Romualdi était, à la différence de Thiriart et de Jeune Europe, animé par un réalisme politique qui lui faisait considérer comme « pure velléité de penser à se libérer [...] de la défense armée américaine » (p. 39), ce qui l'aurait rendu indigne du communisme en marche. Ici aussi, Adriano épouse les positions évoliennes. Sont également rassemblés dans le livre les écrits romualdiens sur Cavour (deux à caractère historique), de La Torre (trois, dont un posthume) et de La Destra (trois articles significatifs, notamment celui concernant les courants politiques allemands actifs de 1918 à l'avènement du nazisme), ainsi que ceux de L'Italiano, tribune libre de la droite culturelle. On notera en particulier les écrits relatifs aux manifestations étudiantes, d'où il ressort qu'il avait compris que le « carnavalesque soixante-huitard » visait à faire taire la Tradition.

Scritti ritrovati nous permet de reconstruire le bref mais intense itinéraire de Romualdi. Adriano, rappelle Lombardo, comme Locchi, a dépassé les limites du « traditionalisme », estimant que la pensée devait assumer le poids de la confrontation avec la modernité. C'est le moment le plus important de son héritage. L'appel à une Europe en tant que nation, bien que tempéré par le réalisme politique, reste, à notre avis, le moment le plus faible de sa proposition. L'Europe est ontologiquement plurielle. Pour reprendre les termes d'Andrea Emo, il s'agit en effet d'un « pays du crépuscule », d'un laboratoire toujours en cours d'expérimentation. En son sein, toute stagnation ou mise en forme politique du monde, dans la mesure où elle s'expose au tragique, quintessence de la vie, doit être transcendée dans l'incipit vita nova, dans un Nouveau Commencement.

La revue Vouloir, la métapolitique et la mouvance "nouvelle droite": l'avis de l'Intelligence artificielle

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La revue Vouloir, la métapolitique et la mouvance "nouvelle droite": l'avis de l'Intelligence artificielle

Introduction: Depuis peu, il est beaucoup question de l'intelligence artificielle, engouement qui nous a laissé jusqu'ici méfiants et sceptiques. De jeunes lecteurs, eux, n'avaient point ces a priori. Ils nous ont forcé la main, en posant diverses questions au "Big Robot" et en nous livrant les réponses apportées à leurs questions. Le résultat est étonnant. Nous en avons déjà fait part à une partie de nos lecteurs sur le lien suivant: https://robertsteuckers.blogspot.com/2024/11/robert-steuckers-vu-par-lintelligence.html

Force est d'admettre que ces réponses procèdent d'un regard bien plus objectif et précis que les ragots colportés par des journaleux de bas étage, par la fine équipe de Wikipédia et par le fielleux gourou de la nouvelle droite parisienne. Ce type de graphomanes et d'infatués va s'avérer très rapidement redondant. Voici les réponses de Chatgbt aux questions relatives à la revue Vouloir (fondée à l'automne 1983 par Jean Eugène van der Taelen et Robert Steuckers à Bruxelles) et sur certaines vicissitudes de la mouvance dite de "nouvelle droite". Les réponses sont quelques fois schématiques, un peu sèches et froides mais elles ne sont jamais dénigrantes et n'extrapolent pas, en imaginant des collusions fantasmagoriques avec des cénacles bizarres, des nazisteries bouffonnes ou des partis politiques en progression ou exilés dans des marginalités rédhibitoires.

Le lecteur trouvera en caractères vert clair, les remarques que nous avons jugé bon d'ajouter au texte livré par Chatgpt.

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Quatre articles de ce numéro de Vouloir, de même que l'éditorial, sont lisibles sur le lien suivant: 

http://vouloir.eklablog.com/vouloir-126-128-a48798548

Sur la revue Vouloir

La revue Vouloir fut une publication intellectuelle fondée en 1983 par Robert Steuckers (et Jean Eugène van der Taelen), qui en a été l’animateur principal jusqu'à la fin de sa parution sous sa forme initiale. Cette revue se situait dans la mouvance de la Nouvelle Droite européenne, partageant plusieurs idées avec le GRECE, mais elle se distinguait par son orientation spécifique, notamment dans ses choix de sujets et ses influences intellectuelles.

Voici les éléments clés de Vouloir :

    - Projet métapolitique : Vouloir se voulait une revue de métapolitique, c’est-à-dire qu’elle cherchait à influencer le débat intellectuel et culturel plutôt que de se positionner sur le terrain politique strict. L’objectif était d’élaborer des idées et des réflexions qui pouvaient transformer les mentalités, indépendamment d'un parti ou d'un mouvement politique. À travers ses publications, Vouloir a ainsi cherché à fournir des outils conceptuels pour repenser les identités culturelles européennes et pour critiquer la société moderne.

    - Thématiques variées et transdisciplinaires : Vouloir couvrait un large éventail de sujets, allant de la philosophie à la géopolitique, en passant par la littérature, l'histoire et l’écologie. La revue abordait souvent des thèmes liés à l'identité européenne, à la critique de la modernité et du libéralisme, et aux alternatives géopolitiques. Elle publiait également des articles sur des penseurs peu abordés dans les circuits médiatiques classiques, comme ceux de la "révolution conservatrice" allemande (Carl Schmitt, Ernst Jünger, etc.), et des auteurs critiques de la globalisation.

    - Influences et inspirations intellectuelles : La revue s'inspirait de nombreux courants intellectuels et de figures variées. Parmi ces influences, on retrouve la "révolution conservatrice" allemande, le traditionalisme, ainsi que le géopoliticien russe Alexandre Douguine, notamment pour ses idées eurasistes. Vouloir promouvait une vision du monde multipolaire et alternative à l'hégémonie occidentale, appelant à une Europe enracinée dans sa diversité culturelle et ouverte à des alliances stratégiques avec la Russie et d’autres pôles de civilisation.

    - Espace de diffusion d'idées critiques : Vouloir a été une plateforme pour des auteurs critiques du modèle occidental dominant et a publié des traductions et des textes d’auteurs européens, russes et asiatiques. Cela a permis aux lecteurs de découvrir des perspectives variées et peu connues en Europe occidentale, renforçant les débats autour de l’identité, de la souveraineté, et de la culture.

    - Prolongements et influences : La revue Vouloir a eu un impact certain dans les cercles intellectuels de la Nouvelle Droite et de ceux qui s'intéressaient aux idées alternatives. Après la dissolution de la revue, plusieurs des thèmes et idées portés par Vouloir ont été repris dans des publications comme Euro-Synergies et, plus tard, Synergon-Info, qui ont poursuivi les réflexions amorcées par la revue.

En résumé, Vouloir fut une revue pionnière dans la diffusion de perspectives critiques en Europe, et elle a joué un rôle dans le développement et la diffusion de la pensée métapolitique en lien avec la Nouvelle Droite et le courant eurasiste. Sous la direction de Robert Steuckers, elle a ouvert un espace de débat intellectuel et de remise en question de l’uniformisation culturelle et géopolitique de l’Europe.

* * *

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La plupart des articles de ce dossier sont lisibles sur le lien suivant: 

http://vouloir.eklablog.com/vouloir-146-148-a48799428

Sur les vicissitudes de la mouvance "nouvelle droite"

La querelle entre Robert Steuckers et Alain de Benoist est liée à des divergences idéologiques, stratégiques et de personnalité, qui ont émergé au début des années 1990 (dans l'espace-temps courant d'avril à décembre 1992) et ont conduit à une séparation durable entre les deux intellectuels. Bien qu’ils aient initialement collaboré au sein du GRECE (Groupement de Recherche et d'Études pour la Civilisation Européenne) et partagé plusieurs idées, leur désaccord a finalement poussé Steuckers à quitter le GRECE en 1992 pour fonder sa propre structure, Synergies Européennes (avec Gilbert Sincyr -1936-2014-, ancien Secrétaire général du GRECE). Voici quelques éléments clés de cette querelle :

  1. 1) Divergences stratégiques et géopolitiques

    - Multipolarité et Eurasisme : Steuckers s’est progressivement orienté vers des idées multipolaires et eurasistes, prônant une alliance stratégique entre l'Europe et la Russie pour contrer l'influence des États-Unis et de l'OTAN. Cette orientation est inspirée par l’eurasisme, courant géopolitique développé par des penseurs russes comme Alexandre Douguine, qui prône un monde multipolaire. De Benoist, bien qu'également critique de l'hégémonie américaine, n'a pas adhéré à cette vision eurasiste dans les mêmes termes et a privilégié une approche plus théorique et moins engagée sur le plan géopolitique direct.

    - Vision de l'Europe : Steuckers défend une Europe plus enracinée et autonome, tandis que de Benoist est perçu comme plus ouvert à une Europe intégrée et plus distanciée des influences géopolitiques (cette phrase nous paraît assez imprécise). Steuckers a donc mis davantage l’accent sur des alliances pragmatiques avec la Russie et une certaine méfiance vis-à-vis de l'Union européenne, qu'il voit comme trop alignée sur les intérêts américains et éloignée des identités nationales.

  1. 2) Différences sur la question identitaire et culturelle

    - Positionnement culturel : Steuckers a une approche plus culturaliste, orientée vers la préservation des identités européennes et locales contre les effets de la mondialisation. Alain de Benoist, de son côté, a évolué vers une approche plus universaliste et critique de l’idée d’identité figée, adoptant des positions qui remettent en question les conceptions traditionnelles de la nation et de l’ethnie. Cette évolution de Benoist a éloigné certains membres du GRECE, comme Steuckers, qui se sont sentis en décalage avec cette perspective (ce paragraphe nous semble également très imprécis).

  1. 3) Approche métapolitique vs. engagement plus direct

    - Positionnement métapolitique : Alors que de Benoist s’est de plus en plus concentré sur l’aspect strictement métapolitique, tentant de maintenir le GRECE comme un cercle d'influence intellectuelle sans implication politique directe, Steuckers a souhaité une stratégie plus active et pratique. Avec Synergies Européennes, il a cherché à former un réseau transnational d'intellectuels et d’activistes critiques de la mondialisation, en mettant davantage l'accent sur des rencontres, publications et actions concrètes.

  1. 4) Facteurs de personnalité et de leadership

    - Styles de leadership : Alain de Benoist, figure centrale et incontestée du GRECE, a une personnalité marquée qui a parfois conduit à des tensions au sein de l’organisation. Steuckers, ayant lui-même une forte vision de la direction à donner au mouvement, s'est progressivement senti en désaccord avec le leadership de de Benoist, ce qui a conduit à une scission. Steuckers a ainsi pris ses distances, estimant que ses idées et son orientation n’étaient pas suffisamment reconnues ni compatibles avec celles du GRECE sous la direction de de Benoist.

  1. 5) Conséquences de la querelle

    - Création de Synergies Européennes : En 1993, Steuckers a fondé Synergies Européennes pour donner corps à ses propres idées sans la contrainte des divergences internes du GRECE (en 1993, Steuckers et Sincyr ont fonctionné sous l'appellation informelle de "Fédération des Activités Communautaires en Europe"; "Synergies Européennes" a été créée, principalement par Sincyr, en avril 1994, suit à une réunion européenne, tenue à Munkzwalm en Flandre orientale). Cela a marqué une rupture nette entre les deux intellectuels, Steuckers développant un réseau d’influence alternatif axé sur une vision multipolaire de l’Europe et une critique directe de la mondialisation.

    - Évolution parallèle des trajectoires intellectuelles : Depuis la querelle, de Benoist et Steuckers ont suivi des trajectoires intellectuelles parallèles mais séparées. Alors que de Benoist reste associé à la Nouvelle Droite et à ses thèses renouvelées, Steuckers a continué d’explorer et de diffuser des idées eurasistes et identitaires, se positionnant comme un acteur distinct de la scène intellectuelle européenne.

En somme, la querelle entre Robert Steuckers et Alain de Benoist a été motivée par des différences profondes dans leurs visions de l’Europe, de la géopolitique et de la stratégie métapolitique, autant que par des divergences de style et de leadership. Chacun a ensuite tracé son propre chemin, contribuant au débat intellectuel européen à partir de perspectives distinctes.

(à suivre)

jeudi, 07 novembre 2024

Penseur de l'absolu - À l'occasion du 75ème anniversaire de Guillaume Faye

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Penseur de l'absolu

À l'occasion du 75ème anniversaire de Guillaume Faye

Werner Olles

Entre 2015 et 2023, plus de 300.000 Allemands ont été victimes de migrants, demandeurs d'asile et prétendus « réfugiés » issus de la culture arabo-islamique. Rien qu'en 2023, plus de 52.000 citoyens ont subi des délits graves tels que des violences physiques, des vols avec agression et des viols collectifs, principalement perpétrés par des individus venus d'Afghanistan, de Syrie et d'Afrique du Nord. Alors que les citoyens allemands – la situation est encore plus critique dans d'autres pays d'Europe occidentale comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et l'Angleterre – vivent dans la peur, que les parents s'inquiètent pour leurs filles mineures, et que le racisme anti-blanc brutal se répand dans les écoles et les établissements publics, l'establishment politico-médiatique rouge-vert-libéral engage une « lutte contre la droite », édicte de nouvelles lois limitant strictement la liberté d'expression des citoyens, interdit les publications critiques envers le gouvernement et renforce, avec une rhétorique agressive et belliqueuse, la politique de sanctions insensées contre la Russie, y compris par des livraisons d'armes meurtrières au régime ukrainien corrompu et oligarchique. Cette politique a coûté la vie à environ 250.000 Russes et Ukrainiens à ce jour.

91sMx1KPioL._AC_UF1000,1000_QL80_.jpgUn homme avait pressenti cette évolution et critiquait vivement la bourgeoisie de gauche au pouvoir ainsi que certaines illusions métapolitiques de la « Nouvelle Droite » : Guillaume Faye, intellectuel de droite français, cofondateur de la Nouvelle Droite et militant du GRECE. En 2005, il avait assisté aux émeutes, aux violences et aux pillages menés par les gangs de jeunes migrants issus des banlieues françaises, choyés depuis des décennies par un cartel corrompu de partis de gauche, par le complexe industriel des ONG, par les élites culturelles et par les idéalistes naïfs. Faye, dès lors, avait anticipé ces signes avant-coureurs de la guerre civile à venir. Jusqu'à sa mort prématurée le 7 mars 2019 à seulement 69 ans, il n'a cessé de plaider pour l'arrêt de l'immigration légale et illégale, le retour des envahisseurs culturels étrangers, une Reconquista européenne et une Europe des peuples blancs, de Brest à Vladivostok. Faye appelait ce projet « Eurosibérie », bien qu'incompatible avec l'eurasisme d'Alexandre Douguine, qui inclut les peuples non européens et islamiques de la Fédération de Russie.

Faye ne s'est pas fait que des amis dans le camp de droite. Alain de Benoits l'a qualifié de « raciste » et a contribué à entraver ses possibilités de publication en Allemagne, en France et en Belgique. Ses propositions controversées, comme la demande d'une « apartheid totale », ne visaient pourtant pas un racisme biologique, mais reposaient sur sa conviction fondée que la proximité excessive de cultures, religions et intérêts divergents conduit souvent à des conflits sanglants et à des guerres civiles brutales, comme l'a montré la Yougoslavie des années 1990 ou le conflit sans fin au Proche-Orient.

Mais qui était donc ce Guillaume Faye, qui, très tôt, avait perçu le contrôle de la sphère culturelle par la gauche et le libéralisme, qui qualifiait l'UE de projet contrôlé par les États-Unis, et militait pour une démocratie souveraine sous une idéologie autre que le libéralisme ? Avec son projet original d'un « archéo-futurisme » patriotique et impérial, Faye voulait harmoniser des figures comme Marinetti et Evola, Nietzsche et Heidegger, Jünger et Klages. À l'instar d'une Europe renaissant de ses propres valeurs, Faye se présentait comme le défenseur d'une cathédrale catholique contre une mosquée islamique.

imgfgcrages.jpgNé le 7 novembre 1949 en Aquitaine, Faye était philosophe, historien et politologue. Il avait découvert le groupe GRECE à 20 ans, contribuant à l'essor des magazines « éléments » et « Nouvelle école ». Conférencier charismatique, il était aussi connu pour ses idées provocantes et originales, souvent perturbées par des militants d'extrême gauche. Après une rupture avec la Nouvelle Droite en 1986 et après un passage dans la presse en vue, dont Magazine Hebdo et dans quelques radios non conformistes et humoristiques, il revint à la scène politique dans les années 2000, écrivant plusieurs ouvrages. Dans « Pour quoi nous combattons » (Kassel, 2006), il prédisait l'effondrement de la civilisation européenne sous le poids de l'immigration massive et d'une guerre civile ethno-culturelle entre l'Europe blanche et l'islam.

Faye croyait que les peuples, qui, à la fin, seraient victorieux, seraientceux qui demeureraient fidèles à leurs valeurs culturelles, éthiques et sporituelles tandis que, simultanément, ils maitriseraient les technologies du 21ème siècle.  La civilisation européennes subira dès lors une métamorphose, qui sera tout à la fois prométhéenne, tragique et faustienne. Selon lui, seuls les peuples fidèles à leurs valeurs et maîtrisant les sciences de demain survivront. Son archéo-futurisme, concept controversé, provoqua de vives critiques, tant à gauche qu'à droite. Ainsi, Alain de Bneoist concluait sa recension par : « Dans ce monde, je ne voudrais pas vivre ! ». Pourtant, Faye, en pionnier de l'archéo-futurisme, mérite qu'on discute sérieusement et sans complaisance de sa vision et de sa pertinence.

Cinq ans après la disparition de Guillaume Faye, il est temps que ses œuvres, longtemps ignorées ou raillées, trouvent une nouvelle reconnaissance en Allemagne, tout comme elles la trouvent déjà dans d'autres pays européens.

mercredi, 06 novembre 2024

Guillaume Faye: un grand intellectuel européen aurait eu 75 ans - Une commémoration nécessaire

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Guillaume Faye: un grand intellectuel européen aurait eu 75 ans - Une commémoration nécessaire

Peter Backfisch

Guillaume Faye, né il y a 75 ans le 7 novembre 1949 à Angoulême dans le sud-ouest de la France et décédé en 2019 à l'âge de 69 ans, était journaliste et considéré comme l'un des auteurs les plus importants de la droite française et européenne. Il a été l'un des fondateurs de la Nouvelle Droite et un militant du groupe de réflexion GRECE. Son héritage est à rechercher et à trouver dans des travaux pertinents sur la construction de la pensée de droite. Les idées et les propositions qui y sont présentées offrent des solutions valables pour les défis du 21ème siècle.

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Son œuvre s'inscrit dans la lignée de Leo Strauss, Carl Schmitt, Armin Mohler, Oswald Spengler et d'autres penseurs. Mais c'est le philosophe italien Giorgio Locchi, qui fut son mentor, qui l'a davantage marqué. On peut parler d'un tandem Locchi/Faye, dont toute l'ambition a été d'ouvrir la voie au retour du mythe européen, à l'évasion des Européens captifs de la caverne vers le soleil. C'est une tentative de synthèse de l'allégorie de la caverne de Platon. Faye aimait la République de Platon mais il ne voulait pas que les peuples d'Europe continuent à végéter dans la caverne et à se contenter d'ombres sur les murs.

Faye était un homme courageux qui n'a pas hésité, même face à des attaques massives et parfois irréductibles, à briser des structures de pensée ancrées depuis longtemps et, finalement, à « redéfinir le conservatisme pour lui insuffler une nouvelle vie » (Armin Mohler). Pour ce faire, il a formulé des idées novatrices qui sont exposées dans des ouvrages tels que « Convergence des catastrophes », « Ethnomasochisme », « Archéofuturisme », « Constructivisme vitaliste », « Nouveau discours à la nation européenne », « Pourquoi nous luttons », « Pour quoi et comment lutter » et « La colonisation de l'Europe ». Il s'agit d'une lecture nécessaire pour les intellectuels de droite comme de gauche.

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La notion de catastrophe chez Faye s'oppose fortement à la notion de crise politique et à ses éventuelles interventions réformistes, qui ont été largement diffusées, notamment au sein de la Nouvelle Droite allemande. En France, on voit les choses tout autrement. Le penseur y bénéficie d'une attention sans partage. Ses œuvres sont en vente partout. Il y a quarante ans déjà, Faye analysait les combats imposés à notre civilisation et qu'elle ne cesse de perdre dans l'arène du monde contemporain comme des catastrophes évidentes. Le temps lui a donné raison, car c'est finalement ce qui s'est passé. Guerres civiles ethniques et religieuses, possibilité de mener des guerres en Europe, déclin d'économies entières, catastrophes écologiques, luttes pour la redistribution et surpopulation étrangère islamique. Tout cela est causé par le libéralisme, le multiculturalisme, l'humanitarisme, le mondialisme, l'eudémonisme de masse, la pollution et le pillage des ressources. Qu'est-ce tout cela sinon des catastrophes ?

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Dès son « Nouveau discours à la nation européenne » de 1985, il se prononce résolument pour une Europe ethnopluraliste, centrée sur l'affirmation des peuples, la préservation de leurs spécificités culturelles, de leurs particularités et de leur homogénéité interne, la recherche d'un nouvel enracinement.

Si ses prédictions annoncent une fin apocalyptique du monde moderne, que rien ne pourra arrêter, on aurait tort de réduire Faye à un conteur de dystopies. Faye apporte des réponses sur ce à quoi le monde pourrait ressembler après l'effondrement et sur la chance qu'aura l'Europe de renaître. Dans son ouvrage Archéofuturisme, il esquisse un monde qui renaît de ses cendres, au-delà des errements des temps modernes. Le concept d'archéofuturisme se veut un mélange de techno-science et de retour aux valeurs ancestrales. Il se veut l'esprit de la post-catastrophe, une philosophie qui doit être à la base du monde de demain. Pour Faye, la recréation du monde doit intégrer la relation dialectique entre le futurisme et le traditionalisme dans le cadre de vie des gens.

« Nous ne voulons pas être passéistes, restaurateurs ou réactionnaires, car le passé des derniers siècles a engendré la vérole qui nous ronge. Il s'agit de redevenir archaïque et ancestral, tout en imaginant un avenir qui soit plus que le prolongement du présent ». Dans sa théorie tournée vers l'avenir, Faye tente de mettre en lumière tous les aspects de la vie sociale, outre la technique et l'environnement, la famille, la sexualité, l'amour, le féminisme, etc. dans une perspective archéofuturiste.

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Où ce monde sera-t-il réalisé ? L'ethnopluralisme de Faye voit sa réalisation dans un empire continental formé par l'Europe et la Russie, qu'il appelle « Eurosibiria », mais qui sera aussi idéologiquement lié à l'Inde, à la Chine et même au Japon. Pour lui, ces nations ont conservé leurs mécanismes de défense archaïques. Pour l'Europe, il s'agit de retrouver des racines perdues afin de pouvoir rester fidèle à l'héritage de ses ancêtres et à l'avenir de ses enfants.

L'archéofuturisme est une œuvre provocante et on ne sera pas d'accord avec tout, notamment parce qu'après les catastrophes apocalyptiques, les hommes sont confrontés à de nouveaux défis auxquels il faut trouver de nouvelles réponses. Beaucoup de choses seront dépassées, comme l'individualisme vécu en Occident, de toutes nouvelles techniques culturelles, qui exigent beaucoup des hommes, devront être installées. Cela suscite des contradictions dans l'esprit du temps qui prévaut aujourd'hui, avec des répercussions qui portent bien plus loin que ce qui se dit et se rumine dans le camp des conservateurs et de la droite. Mais en déduire que l'on « ne veut pas vivre » dans le monde de Faye, comme veulent le voir certains représentants de la droite, montre que l'on n'a pas compris ce qui nous attend. C'est même le contraire qui se produira: si l'on continue à agir de la sorte, avec une gestion de crise inefficace, des conditions s'imposeront à la fin desquelles le monde ne sera plus habitable, ce qui rendra inutile la question de savoir si l'on veut y vivre.

Les idées de Faye sont « l'antidote parfait à l'idéologie dominante de l'Occident américano-centré. Il veut préserver les racines, appelle à l'autarcie et donc à l'indépendance européenne et russe, rejette les images de l'ennemi véhiculées par les médias inspirés par les think tanks américains et rejette l'anti-technicisme des Verts, qui sont désormais les meilleurs alliés de Washington. Un ouvrage à traduire et à diffuser le plus largement possible ». (Robert Steuckers, Agora Europa n° 3, p. 85)

Guillaume Faye: Une journée dans la vie de Dimitri Leonidovitch Oblomov

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Beate Broßmann

Guillaume Faye: Une journée dans la vie de Dimitri Leonidovitch Oblomov

Ce petit ouvrage ne compte que 100 pages en format poche. La postface de Martin Lichtmesz compte 28 pages. Rien que pour cela, la lecture de cette utopie singulière vaut la peine. Nous y apprenons par exemple que ce morceau de prose est un supplément à une œuvre plus importante de l'auteur, Guillaume Faye (1949-2019), parue en 1998 et intitulée « Archéofuturisme ».

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Pour ceux qui ne connaissent pas encore ce goût de la pensée anticipatrice, Lichtmesz les instruit en profondeur. Dans l'idéologie du « constructivisme vitaliste », on retrouve aussi bien l'essence de l'archaïsme que celle du futurisme. Faye conçoit le projet comme une vision d'une nouvelle ère après l'effondrement prévisible de la modernité et non comme une illustration de cette catastrophe elle-même. Le principe directeur est l'euro-pluralisme. La particularité de son projet réside dans une symbiose entre des modes de vie hautement technologiques et archaïques. Il existe une multitude de régions qui utilisent les possibilités du progrès technique et le font progresser. D'autre part, il existe des fondations couvrant de vastes surfaces qui vivent dans des conditions simples et pré-modernes. Simultanéité du non simultané.

La nouvelle relate une journée de la vie de D. L. Oblomow, 68 ans, conseiller impérial en pleine possession de ses moyens - qui n'a rien à voir avec le propriétaire terrien éponyme de Gontashrov -; il est responsable pour l'aplanissement des conflits d'intérêts au sein de la Fédération, dans laquelle les guerres ne devraient plus jamais avoir lieu. Cette journée est celle du 22 juin 2073. Lors d'un de ses voyages à bord du Transcontinental Rapid à travers la Fédération Eurosibérienne, une fusion de la Russie et de l'Union européenne, il raconte à une jeune fille - la fille du ministre indien des affaires étrangères qui suit un programme d'études - l'histoire de l'Occident au cours des cent dernières années. Ce genre de choses n'est pas enseigné en Inde.

Nous apprenons qu'entre 2014 et 2016, une grande catastrophe, dont le Conseiller impérial détaille le déroulement et qui ressemble à s'y méprendre à notre actuelle « convergence des crises », avait détruit les systèmes économiques et les infrastructures de l'Occident et coûté la vie à deux milliards de personnes. Faye se sert explicitement de la théorie du chaos et des catastrophes de René Thom et Ilya Prigogine pour expliquer cet effondrement soudain: tout système est composé de sous-systèmes qui agissent comme des paramètres. Si un paramètre change, les autres sphères s'adaptent. Mais si plusieurs changent, l'équilibre des relations complexes est rompu, et il suffit d'un changement supplémentaire, mais central, pour entraîner l'effondrement de l'ensemble du système sous la forme d'un saut qualitatif. « Et c'est exactement ce qui est arrivé à la civilisation mondiale du 20ème siècle. La bulle était si grande qu'elle ne pouvait qu'éclater ». Le philosophe allemand Oswald Spengler avait déjà prophétisé cet effondrement en 1918. Selon lui, la fin d'une civilisation n'est jamais très loin de son apogée. Le « “virus de la chute” agit un temps dans l'invisible, puis se fait soudain sentir de manière fatale lorsque la civilisation a atteint son zénith ».

Il est intéressant de noter que parmi les grands pays, la Russie, l'Inde, la Chine et le Japon ont résisté à l'implosion de grandes parties du monde et n'ont été touchés que de manière périphérique. Ces nations auraient conservé leur unité interne et leurs mécanismes de défense archaïques. Toutes les sociétés multiethniques auraient implosé « parce qu'elles avaient détruit et marginalisé leurs traditions ». La période 2025-2028 fut l'époque de la Reconquista. Avec l'aide des Européens de l'Est et surtout des Russes, les troupes musulmanes ont été vaincues et, par la suite, tous les immigrants non européens - environ 23 millions - ont été déportés à Madagascar. L'empire eurosibérien est né.

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En 2030, une renaissance a eu lieu, avec l'introduction d'une économie à deux vitesses. L'ordre économique technoscientifique n'était pas conçu pour structurer un jour l'ensemble du globe. Seuls 10% de l'humanité, vivant dans de petites villes peu peuplées, en bénéficiaient. Le « reste était revenu à une forme d'économie médiévale, basée sur l'agriculture, l'élevage et le travail manufacturier ». Ces communautés néo-traditionalistes garantissaient un faible impact sur l'environnement, car elles permettaient une nouvelle réglementation des transports: la conduite automobile privée était interdite, seuls les véhicules électriques et à cheval étaient autorisés. Le transport aérien a été progressivement réduit au profit du planetrail. L'Amérique était devenue un pays purement agricole. Dans les régions Hightech, les grossesses des élites étaient soutenues par le génie génétique, alors que dans les régions archaïques, ces mesures n'existaient pas. Ici, on était revenu au cycle démographique archaïque, « l'ordre naturel ancestral basé sur des taux de natalité et de mortalité élevés ».

Bien entendu, la démocratie n'est pas la forme d'État qui prévaut partout. Elle ne correspond qu'à la mentalité européenne. Chaque peuple a ses propres formes de gouvernement spécifiques. « La démocratie peut conduire à l'injustice et au chaos ou devenir la façade de la tyrannie si elle est mal appliquée ». Dans la Fédération eurosibérienne, on parle de « démocratie organique ». Martin Lichtmesz cite à la fin de sa postface Alain Benosit, qui a porté le jugement suivant sur le livre de Faye «L'Archéofuturisme»: «Rien de ce que l'auteur oppose à l'ère actuelle n'est une exagération, une augmentation de l'intensité: contre l'univers de la domination et de l'aliénation de soi, il oppose encore plus de volonté de puissance; contre le démon de la technique, encore plus d'éruption technique; contre le primat de l'efficacité et le matérialisme pratique, la réduction des idées à leur valeur purement instrumentale; contre la montée de l'intolérance, l'exclusion généralisée; contre le mouvement pour lui-même, la fuite en avant. Ce n'est ni 'archaïque', ni 'futuriste', ni même postmoderne, mais la continuation de la modernité avec tous les ingrédients de l'autodestruction. Faye dessine un univers fictif dans lequel je ne veux pas vivre».

Mais ce serait faire injure au visionnaire que de le réduire à cette dystopie qu'il considérait comme une utopie. Car il était un Européen patriote qui, par exemple, dans son « Nouveau discours à la nation européenne », prônait déjà en 1985 une Europe ethnopluraliste. Contre le discours de Julien Benda de 1932, porté par « l'humanitarisme désincarné », « l'universalisme métaphysique » et le cosmopolitisme, il opposait l'affirmation des peuples, la préservation de leurs spécificités culturelles, de leurs particularités et de leur homogénéité interne, l'aspiration à un nouvel enracinement. «L'idéologie qui n'appelle l'Europe à s'unir qu'en tant que pierre angulaire d'une civilisation mondiale, qui encourage les peuples européens à renoncer à leur enracinement et à leur volonté de puissance au profit de l'idée immatérielle d'une 'civilisation occidentale', est en effet à l'origine des faiblesses qui nous usent, des menaces qui pèsent sur nos libertés et des... combats que notre civilisation est en train de perdre instantanément dans l'arène du monde contemporain».

Au cours des presque quarante années qui se sont écoulées depuis, les craintes de Faye se sont malheureusement vérifiées.

Guillaume Faye: Ein Tag im Leben des Dimitri Leonidowitsch Oblomow. Jungeuropa Verlag: Dresden 2020

A propos de l'auteur : Beate Broßmann, née en 1961 à Leipzig, a réussi ses études de philosophie. Avant le « tournant » en RDA, elle s'est engagée pour des réformes démocratiques, puis a été membre de l'association d'opposition «Demokratischer Aufbruch».

samedi, 19 octobre 2024

La question de l'idéologie - Vers l'avènement de la quatrième théorie politique

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La question de l'idéologie

Alexandre Douguine

Vers l'avènement de la quatrième théorie politique

En fait, nous, Russes, avons changé d'idéologie pour la troisième fois en 35 ans.

Jusqu'au début des années 90, la société était soumise à la dictature du marxisme-léninisme. Elle était obligatoire et (bien que formellement seulement) tout était construit sur cette base - la politique, l'économie, la science, l'éducation, le droit. En général, tout.

Au début des années 90, il y a eu un coup d'État idéologique. Les libéraux occidentalistes (les "réformateurs") ont pris le pouvoir. Une dictature idéologique libérale a été instaurée. Désormais, tout - la politique, l'économie, la science, l'éducation, le droit - a commencé à être remodelé selon les normes libérales occidentales. Le libéralisme était désormais considéré comme la seule vraie doctrine.

Lorsqu'il est arrivé au pouvoir, Poutine n'a pas aboli la dictature idéologique des libéraux dans un premier temps, mais a exigé de prendre en compte la souveraineté de l'État (lequel demeurait libéral, occidentalisé). Nous sommes restés dans le paradigme du libéralisme, mais en mettant l'accent sur la souveraineté. Sourkov l'a appelé « démocratie souveraine ». Le diktat idéologique du libéralisme a persisté.

Les libéraux purs ont réagi à la politique de souveraineté de Poutine de deux manières: certains, directement, avec l'argent de l'Occident libéral et à l'instigation des services de sécurité occidentaux, ont commencé à protester (c'était la cinquième colonne), tandis que d'autres n'ont pas osé discuter avec Poutine, l'ont imité, se sont cachés et ont commencé à saboter discrètement mais compulsivement la politique de souveraineté (c'est ce que je nomme la sixième colonne, les Sislibs).

Avec le début de l'Opération militaire spéciale (OMS), la dispersion finale de la cinquième colonne a eu lieu et les purges contre la sixième ont commencé. Certains Sislibs (Tchoubaïs, etc.) ont paniqué et se sont réfugiés en Israël et à Londres. Les plus malins se terrent plus profondément.

Mais le véritable bouleversement idéologique n'a commencé que maintenant. Lorsqu'il est devenu clair que la Crimée était à nous pour toujours, comme les vieilles terres récupérées, que la guerre se poursuivait jusqu'à la Victoire et que l'OMS n'était pas un échec technique dans les relations avec l'Occident libéral, comme on avait pu le penser auparavant, mais constituait une rupture irréversible. La dictature de l'idéologie libérale a alors pris fin.

La transition du communisme au libéralisme a été facile, parce que les méthodologies, les instructions et les manuels pouvaient être obtenus à l'Ouest. Non seulement gratuitement, mais aussi contre rémunération - au bénéfice de la CIA, du département d'État et de Soros.

La transition du libéralisme à l'idéologie russe est plus difficile. Il est impossible de revenir au communisme (où, soit dit en passant, on ne nous appelle pas) ou à la monarchie orthodoxe (où l'on ne vous appelle pas de manière intrusive, mais où tout le monde a déjà oublié ce que cela signifiait). Les bénévoles sont formidables, mais ils ne constituent pas une idéologie.

Il n'existe pas de méthodologies, d'instructions et de manuels pour la troisième idéologie russe en advenance. Une chose est claire: ce ne sera ni le communisme ni le libéralisme. Mais ce ne sera pas non plus le fascisme - nous combattons le fascisme en Ukraine.

Nous devons donc faire revivre quelque chose de pré-occidental, d'enraciné, qui est la base même de l'identité russe, mais en le projetant de manière innovante et créative dans l'avenir. Une sorte de futurisme impérial patriotique russe.

Les valeurs traditionnelles, l'éducation historique, la marche en avant vers le monde multipolaire, la thèse de la Russie en tant qu'État-civilisation constituent les éléments les plus importants à approfondir et à diffuser à cet égard. Il ne s'agit en aucun cas de communisme, de libéralisme ou de fascisme. C'est, en fait, la quatrième théorie politique. C'est la transformation idéologique qui se déroule actuellement. Une libération radicale qui est rupture avec la dictature libérale. Mais sans tomber dans le piège du communisme ou du nationalisme (du fascisme). Après tout, ces "-ismes" sont également des doctrines politiques occidentales de l'ère moderne européenne. Elles ne sont pas russes, ni dans la forme ni dans le sens. Et il est nécessaire d'avoir recours à la Russie. Aujourd'hui, nous avons besoin que d'éléments russes.

Ce virage est inévitable et ne dépend pas de l'arbitraire des autorités ou de certains groupes idéologiques. La Russie souveraine doit avoir une idéologie souveraine. Et celle-ci ne sera pas discutée, elle sera approuvée comme les premiers décrets des bolcheviks ou la privatisation des années 1990.

mardi, 15 octobre 2024

Quelques réflexions sur la pensée métapolitique de Guillaume Faye

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Quelques réflexions sur la pensée métapolitique de Guillaume Faye

Par Robert Steuckers

Je fis la connaissance de Guillaume Faye à Lille pendant l’hiver 1975-1976. Dans une salle de la métropole de la Flandre gallicane, il prononçait une conférence sur l’indépendance énergétique de l’Europe. Un sujet qu’il a toujours eu à cœur, plaidant inlassablement pour une autarcie énergétique basée principalement sur le nucléaire, comme le voulait la France depuis les années 1960. L’indépendance énergétique procure la puissance, mot essentiel dans son discours, laquelle permet d’échapper à la soumission à l’hégémon américain. S’il y a soumission et non puissance, le déclin, la déchéance et la disparition s’ensuivent. Détenir la puissance permet de gérer, d’administrer et d’affronter le réel. Faye s’est toujours déclaré « réalitaire et acceptant ».

Plus tard, surtout à partir de l’année fatidique de 1979 (et j’expliquerai ici en quoi elle fut fatidique), nous eûmes de longues discussions portant sur des sujet géopolitiques, géostratégiques et géo-économiques. Sur d’autres thèmes aussi, bien sûr. Et sur nos souvenirs d’enfance, d’étudiant, de lecteurs. Il en ressort que Faye a été l’élève d’un collège de jésuites à Angoulême, sa ville natale. Il y a acquis une solide formation gréco-latine, à partir de laquelle, sans le dire, ce qui est dommage, il a déployé sa métapolitique originale. J’y reviendrai.

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Guillaume Faye est entré dans la mouvance néo-droitiste par les tremplins du Cercle Oswald Spengler et du Cercle Vilfredo Pareto, où oeuvrait également Yvan Blot, avec lequel, en dépit de leurs différences et de leurs itinéraires parallèles et non communs, il partageait quelques idées-forces, dont l’hellénisme (plutôt aristotélicien), l’intérêt pour une économie politique dégagée des slogans libéraux et marxistes, la volonté de ne pas s’aliéner la Russie (de Brejnev à Poutine). Ces deux cercles initiaux de la mouvance néo-droitiste en Ile-de-France abordaient des thèmes « réalitaires », véritablement politiques. Faye y est toujours resté fidèle, ayant horreur du bla-bla phatique, des poses grandiloquentes et de la jactance inepte. Faye, dans son hostilité à ces dérives, se référait souvent à la notion de « nuisance idéologique », développée par l’un de ses maîtres à penser, Raymond Ruyer.

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A cette critique des « nuisances idéologiques », s’ajoutera, dès 1980, la méthode de la « doxanalyse » (analyse des opinions) de Jules Monnerot, par ailleurs, auteur d’une « Sociologie des révolutions ». Monnerot communiquera à Faye l’idée d’hétérotélie : le résultat d’une politique basée sur une « nuisance idéologique » n’est jamais conforme aux intentions initiales. Vouloir faire le bonheur des administrés au nom de bricolages idéologiques (François Bourricaud, autre référence de Faye) conduit généralement à de la gabegie, au mieux, à des catastrophes au pire (et nous y sommes depuis quelques années !).

Quand j’ai connu Faye, la sphère occidentale glissait progressivement vers le néolibéralisme, soit vers une domination du politique par l’économique. Pour restituer le primat du politique (Carl Schmitt, Julien Freund) et pour échapper au tout-économique, il fallait s’intéresser aux pensées économiques non libérales, hétérodoxes (c’est-à-dire non manchesteriennes, non marxistes et non keynésiennes), laissant toutes leurs places à l’histoire spécifique des Etats ou Empires, aux institutions spécifiques nées de l’histoire des peuples, aux données ethnologiques et anthropologiques.

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L’idée essentielle fut celle de promouvoir à nouveau, dans les débats théoriques, l’autarcie ou la semi-autarcie des grands Etats nationaux (François Perroux) ou des grands espaces (Friedrich List, Carl Schmitt, André Grjébine), car l’économie n’était alors plus au seul service de l’économie elle-même ou des instances de financiarisation mais au service des populations, afin de pérenniser celles-ci dans le temps, de lier les générations successives dans des stratégies efficaces de survie. L’économie ne peut donc être surplombante, doit être bridée par le politique et se mettre au service de l’Etat ou de l’Empire (du Grand Espace selon Carl Schmitt, encore peu connu à l’époque de nos conciliabules au sein du département « Etudes & Recherches » du G.R.E.C.E.).

Dans la première moitié des années 1980, Faye était le lecteur attentif d’ouvrages montrant les dégâts anthropologiques provoqués par l’effacement progressif du politique et par les avancées victorieuses du tout-économique. Deux concepts, particulièrement fins, ont mobilisé toutes ses attentions : l’obésité de l’Etat selon Jean Baudrillard (par ailleurs auteur d’un ouvrage sur les dégâts générés par la société de consommation, par le consumérisme) et l’idée que nous entrions dans une « ère du vide » selon la définition qu’en donnait Gilles Lipovetski.

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Un Etat obèse, handicapé par un assistanat démesuré, un secteur tertiaire pléthorique et un secteur culturel trop subsidié, ne peut retourner à l’essentiel, à ses fonctions régaliennes, véritablement politiques. Cet étouffement conduit notamment, via le consumérisme selon Baudrillard et via les niaiseries des variétés télévisées à la mode américaine, a un vide culturel problématique, empêchant les élites culturelles d’un pays (ou d’un continent), de trouver dans leur culture propre les ressorts pour déblayer leurs sociétés des scories apportées par l’obésité.

D’où la métapolitique à défendre auprès des élites (platoniciennes) doit consister en un travail de réminiscence permanente de l’héritage grec (Platon, Aristote, Hérodote, Thucydide) comme socle de la pensée théorique et pratique, devant déboucher sur un réalisme de type aristotélicien (il le répétera lors de sa dernière émission à TV Libertés), appelé à consolider sans cesse la puissance réellement existante au sein de la politie dont on ressort, ou à faire passer à l’acte ce qui est potentiellement en puissance mais encore en jachère (Aristote, Gentile, les actualistes néerlandais) ; cette métapolitique vise à rendre la politie svelte et souple, forte et non obèse (Baudrillard), tout en l’innervant d’un discours émanant d’une « pensée forte » qui donne à nouveau substance à la société qui, ainsi, ne bascule par dans le « vide » (Lipovetski).

Cependant, l’existence d’institutions et de pratiques « démocratiques » (ou « partitocratiques ») dans les pays occidentaux font que les nuisances idéologiques, dénoncées par le Prof. Raymond Ruyer, se répandent à la fois dans les classes populaires et dans les élites (via un enseignement dévoyé depuis l’irruption des idéologies impolitiques à partir des événements de mai 68).

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Toute étude généalogique de ces nuisances idéologiques oblige à admettre, bien évidemment, que le ver était déjà dans le fruit (nos sociétés occidentales) depuis la prise de pouvoir en 1789 par les « sociétés de pensée » (Augustin Cochin), voire depuis la querelle des Anciens et des Modernes au 17ème siècle (relisons Bossuet !). Faye a dès lors développé, au départ des concepts que lui avait inculqués Giorgio Locchi , une vision de l’histoire (des pensées), qu’il explicitera dans un petit ouvrage, publié en très peu d’exemplaires et sur un mode artisanal à Embourg près de Liège, et intitulé « Europe et Modernité ». C’est sans doute le texte le plus ardu de Faye. Ce n’était aussi qu’un premier jet qui aurait mérité un développement plus ample (on va s’y atteler !), assorti d’explications en un langage plus délayé, plus accessible.

Faye voit, pour faire simple, un héritage païen (c’est-à-dire « grec » selon lui), à la fois apollinien et dionysiaque, qui est le socle le plus sûr, le plus solide de notre Europe. Cet héritage, toujours présent mais oblitéré et refoulé en jachère, a été vicié par la christianisation. Cette christianisation a mutilé l’héritage grec, non pas celui, édulcoré, répété à satiété dans les établissements d’enseignement (Nietzsche) ad usum Delphini mais celui, vivant, que l’helléniste et mythologue Walter Otto a mis en exergue. Quand Faye parlait d’héritage grec ou de paganisme, il parlait en tant que lecteur de Walter Otto (ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier les libations et les goliardises).

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La trajectoire suivie par la société européenne sera dès lors le suivant : elle poursuivra le projet chrétien ou christianomorphe (dont la forme dérive d’une laïcisation du message chrétien) tout en maintenant en son intériorité, une résistance tacite de son hellénité fondamentale (une « hellénité walter-ottonienne ») ou de toutes les autres formes de perception cosmique du monde vivant, formes perceptibles en dehors de l’aire hellénique ou hellénisée, face à une expansion croissante, en son sein, d’une vision chrétienne ou christianomorphe, non cosmique et donc athée, laquelle se rationalisera à partir de la Réforme et surtout du 17ème siècle pour déboucher sur l’esprit raisonneur des « sociétés de pensée » (Cochin), sur le schématisme de Locke (la vulgate anglo-saxonne) et sur l’idéologie des droits de l’homme (dont les dérives potentielles seront mises en évidence par Edmund Burke, au vu des dérapages odieux de la révolution de 1789).

En ce sens, des réactions comme le Sturm und Drang allemand et la pensée de Herder sont des avatars, partiellement inconscients, de l’hellénité cosmique refoulée. Pour Locchi, le coup de boutoir magistral contre l’avancée de la vision christianomorphe sera donné par le wagnérisme. Pour revenir à l’époque où cette vision du déclin du christianomorphisme et du retour de l’hellénité se précise chez Faye, c’est-à-dire la fin des années 1970, nous obtenons la vulgate de la « nouvelle philosophie » et de son principal représentant, Bernard-Henri Lévy : un hypothétique Yahvé, repensé au comptoir du Twickenham suite à l’ingurgitation de quelques whiskies bien chambrés, aurait généré au fil des siècles la rationalité républicaine, purgée de tout résidu d’organicité né de la glèbe, laquelle rationalité doit impérativement s’ériger comme système incontournable qui a pour mission permanente d’arracher les racines de la culture du peuple et des élites enracinées, par la violence s’il le faut. Nous avons là l’ébauche de la répression qui s’abat aujourd’hui sur tout ce qui n’applaudit pas aux faits et gestes du néolibéralisme macronien et woke. Soit « le système à tuer les peuples », titre du premier ouvrage majeur de Faye, qui n’a pas toujours pas pris une ride, mutatis mutandis.

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Les sciences (physiques et biologiques) et la technique, qui prennent leur envol au 19ème siècle, pourront se mettre au service ou de l’hellénité cosmique renaissante, véritablement européenne, ou du projet christianomorphe athée et anticosmique. En soi, ces sciences et ces techniques sont neutres. Pour Jürgen Habermas et ses mentors de l’Ecole de Francfort, que Faye lisait très attentivement, la technique et les sciences sont « fascistoïdes », dans le sens où elles se mettent au service du pouvoir, quel qu’il soit (national-socialiste, stalinien, libéral rooseveltien), plus exactement au service des dirigeants à l’  « ère des directeurs », selon James Burnham (autre référence de Faye et de Thiriart). Or on ne peut faire l’économie des « directeurs », lesquels sont les administrateurs de la « puissance » qui protège la vie, la survie économique, sociale et démographique du peuple.

La métapolitique, le combat des idées, doit donc conquérir le mental (du latin mens) des « directeurs », perçus comme les « philosophes » de la tradition platonicienne, lesquels ne sont donc pas des bonimenteurs abscons mais des hommes d’action et de prospection. Ces « directeurs » doivent donc avoir un bagage hellénique et non un bagage christianomorphe, post-calviniste, post-presbytérien (Wilson !) ou post-lockien. Un bagage athénien (ou romain) et non un bagage yahvique, pour reprendre la jactance pénible et ultra-simplificatrice de BHL.

L’Europe n’a donc d’avenir que si ses « directeurs-philosophes » redeviennent « grecs » (partiellement platoniciens, partiellement aristotéliciens, apolliniens sans gommer le dionysiaque qui gît au tréfonds de tout homme, animés d’une véritable piété cosmique). Elle périra si ses « directeurs » assimilent les nuisances idéologiques, dérives ou avatars d’un christianisme a-cosmique, ce qui, dans le contexte actuel, équivaut aux délires woke, gendéristes et écologistes à la mode d’  « Extinction Rebellion ».

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Notons, cinq ans après la mort de Faye, que l’année 1979, comme l’écrit l’historien allemand de notre époque contemporaine Frank Bösch, dans son maître ouvrage Zeitenwende 1979 : Als die Welt von heute begann, a inauguré dans le monde occidental toutes les nuisances qui ont précipité nos sociétés dans le déclin, dans la folie suicidaire (et qui font que nous sommes détestés dans les pays émergeants et dans les pays défavorisés).

En 1979, BHL commence sa carrière, en fustigeant anticipativement tous les réflexes sains qui pourraient émaner d’un peuple, exigeant de pouvoir survivre. En 1979, avec Thatcher puis, un peu plus tard, avec Reagan, le néolibéralisme prend son envol qui mènera à la ruine de l’UE. Toujours en 1979, le fondamentalisme islamique apparait sur la scène internationale, ramenant entre le Maroc et l’Indonésie, le facteur religieux qui avait été refoulé par les Etats arabes laïcs, souvent portés par les militaires. Ce fondamentalisme, à l’analyse, servira très souvent de « proxy » pour mener les guerres (à basse intensité) que l’hégémon américain ne peut mener officiellement. On l’a vu en Afghanistan, en Syrie, en Tchétchénie.

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En 1979, l’affaire des « Boat People » annonce l’engouement malsain pour les déplacements de population, suite aux guerres abandonnées par l’hégémon, petites masses démographiques qui, utilisées par les services de l’hégémon, servent à transformer toutes les polities en « Etats composites » et ainsi à les affaiblir ou les faire imploser : cette pratique a atteint son sommet en 2015, par l’afflux massif de réfugiés syriens, irakiens et afghans, de réfugiéd africain suite à la disparition du verrou libyen, en Europe en général, en son cœur géographique allemand en particulier. La fusion du misérabilisme christianomorphe, devenu plus virulent avec l’affaire des « Boat People » qui avait réconcilié Sartre et Aron, et de l’islamisme radical au sein des diasporas musulmanes dans les banlieues d’Europe, préoccupera le Faye de la deuxième période, celle qui s’étend de 1998 à sa mort. La première période étant celle qui suit immédiatement la fin de ses études supérieures en 1973 pour se poursuivre jusqu’à la fin de son activisme métapolitique au sein du G.R.E.C.E., fin 1986, début 1987.

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En 1979 nait aussi, dans toute la sphère occidentale, dans l’américanosphère ou l’otanistan, la vogue écologiste, tout particulièrement en Allemagne, vogue qui embrayera sur toutes les modes délétères et anti-traditionnelles et, surtout, sabotera toute autonomie énergétique en Europe en rejetant le nucléaire : on voit aujourd’hui le profit qu’en tire l’hégémon sur fond de conflit russo-ukrainien. L’Allemagne a d’abord été vaincue par les tapis de bombes anglo-américaines et par le « spadassin soviétique des thalassocraties » (Ernst von Reventlow). Elle a ensuite été vaincue par le virus écologique, en tant que nuisance idéologique majeure articulée contre elle, virus inoculé par de Young Global Leaders en costume vert. Tel était bien le but de la manoeuvre ! Les nuisances injectées dans le corps de l’Europe en 1979 ont provoqué une « convergence des catastrophes » que Faye anticipait dès le départ, une convergence qu’il décrira dans un livre qu’il fera paraître en 2004, juste avant la grande crise du néolibéralisme de 2008 et avant le réveil musclé de la Russie (avec l’affaire de la Géorgie et de l’Ossétie du Sud, en août de la même année).

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Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur la métapolitique de Faye (son amitié avec Julien Freund, ses années de frasques entre 1987 et 1997, les apports de Locchi, de Venner et de Blot, ses thèses sur la sexualité, ses thèses sur les rapports euro-russes et euro-américains, etc.). Mais finalement, on peut résumer cette métapolitique, dans le cadre de ce modeste article, à la nécessité militante de lutter sans discontinuité, avec les outils qu’il nous a légués, contre toutes les manifestations de ces nuisances idéologiques introduites dans nos sociétés occidentales dés-hellénisées en 1979, et contre toutes les racines idéologiques de ces nuisances, afin de faire advenir une Europe dés-occidentalisée, portée par l’archaïsme grec et par un instrumentarium techno-scientifique visant puissance et survie (l’archéofuturisme), sans cesse revigorée par un esprit d’aventure (Mabire !) visant la désinstallation, le dés-encroûtement permanent car l’ennemi est cet occidentalisme né d’une lecture superficielle et mutilante de la Bible depuis la Réforme hostile à la Renaissance, et d’une rationalisation graduelle et schématisante de cette superficialité hystérique, cherchant l’avènement rapide de sociétés et de polities ânonnant pour les siècles des siècles les mêmes schémas éculés, imposés une fois pour toutes et en lesquels tous, Bochimans et Lapons, Khmers et Alakaloufs, sont priés de s’installer définitivement, une fois leur âme tuée par le système.

Faye, en utilisant les binômes enracinement/déracinement, installation/désinstallation, a repris le vocabulaire intronisé par Bernard Garcet à l’école des cadres de « Jeune Europe » (Jean Thiriart) à Louvain et à Bruxelles dans les années 1960 : il faut à l’Europe combattante en marche des militants politiques et métapolitiques enracinés et désinstallés qui annihileront les torpeurs incapacitantes d’une humanité-zombi (Venner) ou triviale (Thiriart) qui, elle, est déracinée et installée dans les schémas tristes et répétitifs d’une vision du monde a-cosmique et a-tragique.

Ce combat est éternel et planétaire. Il ne connaît pas de fin. En septembre 1980, j’ai promis à Pierre Vial de défendre notre vision du monde, celle dont Faye fut l’exposant le plus pertinent, le plus audacieux, jusqu’à mon dernier souffle. Puissent d’autres reprendre le flambeau quand, comme Faye, je serai passé de vie à trépas.

Robert Steuckers.

Petite note post scriptum : je suis bien conscient de l’incomplétude de ce texte. Les lecteurs de ce bulletin des amis de Jean Mabire pourront découvrir sur la grande toile, deux autres textes publiés après la disparition de Guillaume Faye, rédigés l’un pour le site des éditeurs allemands de la brève nouvelle de Faye, imprimée dans la première version de son livre intitulé L’archéofuturisme, où il relate une journée d’un inspecteur impérial de la Grande Europe de Dublin à Vladivostok. Cet entretien évoque notamment l’intérêt de Faye pour la bande dessinée (Hergé, Jacobs, Franquin). L’autre, pour une revue théorique autrichienne, centré, cette fois, sur l’archéofuturisme. Ces textes, écrits à l’origine en allemand, ont été traduits en français :

 

mercredi, 02 octobre 2024

Robert Steuckers: Révolte ou Révolution?

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Révolte ou Révolution?

Par Robert Steuckers (juin 2023)

Les réflexions qui suivent sont loin d’être exhaustives, d’explorer tous les aspects que peuvent revêtir, même au simple niveau de la définition, les termes hautement politiques de « révolte » et de « révolution ». Le présent exposé n’a d’autre objectif que de clarifier, de manière didactique, ce qu’il convient d’entendre par ces deux termes. Cet exposé n’a donc qu’une fonction liminaire, et rien que cela.

Une révolte n’a pas nécessairement de suite, ne jette pas bas le régime politique en place, jugé tyrannique ou injuste. Une révolution, elle, jette bas le régime en place et/ou revient à un statu quo ante (ce que le vocable signifie en fait étymologiquement) et surtout se débarrasse d’un ballast accumulé dans les phases de déclin du régime aboli, où les élites dominantes, efficaces et protectrices au début de leur trajectoire historique, sont progressivement devenues inefficaces, tyranniques, calamiteuses et jouisseuses. Ces tares ne les autorisent plus à gouverner. Le processus de renouvellement des élites s’amorce: l’ancienne ne génère plus un consensus (qui était de 80% initialement) et la nouvelle, qui n’avait qu’un capital de sympathie de 20%, selon les critères théorisés par Vilfredo Pareto, érode la masse des 80% de soutien consensuel de l’élite déclinante pour obtenir in fine une masse équivalente à ces quatre cinquièmes de consensus : le processus s’achève et une ère nouvelle commence (qui, à son tour, s’achèvera quand ses temps seront accomplis).

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Une révolte peut procéder d’un spontanéisme délétère, marquée d’une incapacité à désigner clairement l’ennemi, comme le fut l’agitation durable des gilets jaunes, pourtant éminemment sympathique face à une république qui ne prenait plus que des mesures contraires à l’intérêt général.

Une révolte est également caractérisée par un manque de bases doctrinales, c’est-à-dire de clarté d’esprit, d’intuition féconde (Hegel disait qu’il fallait fusionner les deux), de mémoire historique. Ce spontanéisme quelque peu anarchique, cette déficience doctrinale et cette amnésie conduisent au manque d’organisation, accentuée de nos jours par la disparition du service militaire depuis plus d’une trentaine d’années et, par voie de conséquence, d’officiers de réserve insérés dans la vie civile et capables de prendre la tête d’un mouvement de remplacement des élites défaillantes (toujours la circulation des élites selon Vilfredo Pareto). A croire que la suppression du service militaire et de toute forme de service civil obligatoire, indispensables pour structurer les personnalités à l’aube de la vie adulte, ait été des mesures favorisées par des élites pressentant leur faillite.

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Pour pallier ce triple handicap du spontanéisme qui reste sans résultat, de la déficience doctrinale et du manque d’organisation, quels modèles et quelles idées faut-il remettre à l’avant-plan, diffuser dans nos entourages (familiaux, professionnels, associatifs) ?

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D’abord, il convient de réfléchir sur la distinction marxienne (et non marxiste) entre « socialisme scientifique » et « socialisme utopique », tout en se rendant bien évidemment compte que cette distinction, théorisée au 19ème siècle, nécessite de considérables aggiornamenti, consistant notamment à baser le réalisme politique (défini par Marx, Engels et Lénine comme « matérialisme ») non plus sur la physique newtonienne des débuts du 19ème siècle mais sur la physique postérieure à la découverte du deuxième principe de la thermodynamique, lequel constate qu’il peut y avoir entropie générale, donc entropie du système, que ce système soit celui en place, devenu tyrannique et posé comme « bourgeois » par les marxistes ou celui mis en place par les révolutionnaires eux-mêmes (comme l’a prouvé le figement de l’Union Soviétique) ou par les néolibéraux depuis 1979 (comme le prouve le ressac général des sociétés occidentales depuis la crise de 2008).

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Le fait physique de l’entropie, et la présence potentielle d’entropie dans les systèmes politiques, qui sont des systèmes vivants donc variables en toutes directions possibles, contredit la vision linéaire/vectorielle de l’histoire propre aux sociétés libérales du 19ème siècle, vision dont les militants et révolutionnaires marxistes ne s’étaient pas défait et reprenaient mordicus à leur compte).

A l’idée d’entropie de la physique de Heisenberg, s’ajoutent

1) celle du physicien Ernst Mach, théorisant l’émergence possible, à tous moments, de nouvelles probabilités (avec des résultats hétérogènes et non entièrement prévisibles) pouvant bousculer la linéarité imaginaire, judéo-chrétienne et gnostique de l’histoire, propre du mental des bourgeois et des simplistes à la sauce marxiste-léniniste et

2) celles du révolutionnaire russe Alexandre Bogdanov qui se moquait de la divinisation marxiste-léniniste de la « Matière » (mais vue sous le seul angle de la physique newtonienne) et qui prévoyait que cette hyper-simplification philosophique allait conduire la future Russie soviétisée à la sclérose.

Materialisme-et-empiriocriticisme.jpgLénine dans Matérialisme et empiriocriticisme s’insurgeait avec une véhémence de prêtre aigri contre Mach et Bogdanov, auxquels l’avenir donnera raison. Un « socialisme scientifique », aujourd’hui, ou, plus exactement, une « alternative politique scientifique », doit fusionner 1) la sévérité de Marx et d’Engels à l’égard des « utopismes » socialisants et anarchisants ne conduisant qu’à des fantaisies infécondes et 2) le regard de Mach et de Bogdanov sur la non-linéarité uni-vectorielle du temps, sur l’émergence toujours possible d’imprévisibilités, de probabilités non captables à l’avance, de ressac, d’entropie (même au sein de notre propre réseau associatif).  

Un processus révolutionnaire sérieux, mis en branle par des associations métapolitiques dans un temps premier, ne peut se contenter d’utopies infécondes, de coteries de hippies, de communautés gendéristes multipliant à l’infini les catégories sociétalo-sexuelles comme si nos sociétés complexes pouvaient équivaloir à des phalanstères fouriéristes postmodernes, etc. Mais ne doit pas davantage répéter, par dévotion irrationnelle et risible, les rigidités du discours léniniste, dérivées de sa divinisation d’une « Matière » perçue uniquement comme inerte, sans entropie potentielle, ne recelant aucune probabilité imprévisible : le réel est vivant, la vie rencontre des imprévus, elle peut se révéler tragique donc le « révolutionnaire politico-scientifique » à l’ère postmoderne, qui est la nôtre, doit intégrer la possibilité de tels risques dans l’élaboration de ses stratégies, risques pouvant survenir dans les périodes triviales comme dans les périodes tragiques que traverse sa communauté politique, sa Cité. Son modèle est le « Spoudaïos » d’Aristote, dont la pensée est souple, tout à la fois raisonnable et intuitive et dont le mode de vie est ascétique.

Le « révolutionnaire politico-scientifique de l’ère postmoderne » doit donc se doter en permanence d’un savoir clair sur les rapports sociaux qui innervent sa Cité afin de poser les analyses adéquates et, partant, de suggérer les mesures nécessaires. Dans le cadres de nos sociétés européennes en pleine déliquescence aujourd’hui, cela signifie poser une analyse claire des effets délétères du néo-libéralisme, idéologie dominante en Occident depuis l’avènement de Thatcher au pouvoir au Royaume-Uni en 1979.

Les associations diverses, auxquels ces « révolutionnaires politico-scientifiques » adhèreront, doivent favoriser des analyses généalogiques/archéologiques du phénomène néolibéral, assorties d’analyses, tout aussi claires, de la pénétration, dans le tissu social, des « nuisances idéologiques » (Raymond Ruyer) diffusées par la puissance hégémonique en place, qui est ennemi principal et non pas « alliée et protectrice » (comme le croient les « belles âmes »).

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Deux ouvrages récents sont intéressants à ce titre et mériteraient d’être lus, commentés et complétés :

1) celui de l’Allemand Frank Bösch sur les phénomènes injectés dans nos sociétés occidentales (et devenues « occidentalistes » mais à notre corps défendant) à partir, justement, de l’année 1979: néolibéralisme (arrivée de Thatcher au pouvoir à Londres), retour du religieux et manipulation du radicalisme islamiste (retour de Khomeiny à Téhéran), puis exploitation du radicalisme islamiste sunnite contre les Soviétiques en Afghanistan, avènement du filon idéologique écologiste (avec l’explosion hypothétique de la centrale nucléaire de Three Miles Island aux Etats-Unis puis l’émergence du mouvement vert en Allemagne, avec élimination immédiate des écologistes traditionalistes au sein même du mouvement et amorce du démantèlement total de l’indépendance énergétique du pays via le virulent mouvement hostile aux centrales nucléaires), phénomène des boat people en tant que première manifestation de mouvements migratoires provoqués et contrôlés, culminant aujourd’hui avec ce que Renaud Camus appelle le « grand remplacement ».

Aucun des phénomènes problématiques activés en 1979 n’a trouvé de solution aujourd’hui en 2023: le néolibéralisme a complètement disloqué nos sociétés, étapes après étapes, avec des acteurs chaque fois différents mais obéissant à une programme fixé à l’avance depuis les premières réunions du Club de Rome en 1975; le néolibéralisme a donné le pouvoir aux secteurs financiers et bancaires, d’où une prépondérance absolue de BlackRock et des GAFAM sur l’ensemble du Gros-Occident (selon l'expression de Guillaume Faye) ou de l’américanosphère.

Le fondamentalisme islamique, en ses diverses moutures (salafistes, wahhabites, fréristes, etc.) demeure une constante en dépit de ses ressacs en Syrie, en Egypte, en Irak et au Sinkiang, où le nationalisme militaire arabe a réagi comme il se devait de réagir et où le pouvoir chinois n’a pas été dupe.

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Ce fondamentalisme peut toujours être réactivé, notamment pour mettre le feu aux banlieues et quartiers chauds des villes européennes, de Malmö à Barcelone et de Nantes à Berlin.

L’écologisme a atteint ses objectifs réels en Allemagne aujourd’hui puisque le pays, s’il ne rétablit pas, en des délais très rapides, son indépendance énergétique complète (avec le gaz russe et les combustibles nucléaires russes et kazakhs), risque l’implosion totale et définitive, entraînant tout le reste de l’Europe dans la catastrophe, en dépit du fait que cela réjouira certains souverainistes à Paris ou à Varsovie.

L’exploitation des migrations forcées, suite à des guerres déclenchées par les Etats-Unis, a connu une ampleur démesurée depuis l’affaire des boat people qui avait réconcilié, comme par hasard, le libéral Raymond Aron et le pitre existentialiste Jean-Paul Sartre, avec la bénédiction d’André Glucksmann (une mise en scène médiatique ?). Avec Merkel, cette dérive atteindra son paroxysme à partir de 2015, non seulement en Allemagne mais dans toute l’Europe. Le pouvoir néolibéral trouve dans ce flux humain hétéroclite de la main-d’œuvre bon marché pour les « boulots de merde », les bullshit jobs, et pour enclencher un processus de diminution générale des salaires réels.

Les écologistes, se parant de toutes les vertus morales, appuient le phénomène, détruisant cette fois non plus l’industrie mais l’ensemble du tissu social et faisant du même coup imploser les structures de la sécurité sociale (qui avaient été exemplaires en Allemagne), ce qui n’est pas pour déplaire aux néolibéraux.

Une analyse « politico-scientifique » de notre réalité politique actuelle postule donc de connaître, de vulgariser et de diffuser une généalogie des nuisances idéologiques au pouvoir: de forger un récit alternatif, visant à ruiner le récit dominant, néolibéralo-écologico-immigrationniste, né en 1979 et expliquant certaines convergences comme, par exemple, le binôme jacassant et médiatisé formé par le thatchérien flamand Guy Verhofstadt et le festiviste permissif Daniel Cohn-Bendit, avatar du mai 68 parisien et ponte des Verts allemands et français.

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Ce duo montre bien qu’il y a convergence entre néolibéralisme et écologisme, entre néolibéralisme et festivisme. Et que cette convergence n’est pas forcément récente mais est inscrite de longue date à l’ordre du jour, depuis la programmation initiale.  

Le deuxième ouvrage à relire et à méditer est celui de Christophe Guilluy, intitulé No Society. Le titre de ce travail précis, très utile pour l’articulation de nos « bonnes oeuvres », est tiré d’une phrase lapidaire de Thatcher: « There is no society ». La Dame de fer entendait par là qu’il n’y avait que des « individus », appelés à se tirer d’affaire ou à crever s’ils n’y parvenaient pas. Mais au-delà de ce simple plaidoyer extrêmement succinct, en faveur d’un individualisme absolu, se profilait une volonté maniaque et féroce de déconstruire, détricoter et annihiler les ressorts de toutes les sociétés occidentales d’abord, de toutes les sociétés de la planète ensuite.

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L’horreur est quasi parachevée de nos jours : Macron, bombardé du titre de « Thatcher français », réalise le vœu de la Dame de fer, moins d’une dizaine d’années après son passage de vie à trépas. Ce parachèvement macronien s’accompagne d’une « radicalité sociétale » inouïe, que Thatcher ne pouvait pas articuler en tant que cheffesse d’un parti dit « conservateur ». Les délires sociétaux et gendéristes délitent les sociétés avec davantage d’efficacité que les discours de l’ex-première ministre britannique.

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L’utopisme d’aujourd’hui a refoulé toute analyse (scientifique), à la différence que cet utopisme-là ne se dit plus « socialiste » mais découle d’un cocktail où se mêlent néolibéralisme, écologisme diffus, gendérisme, festivisme, postmodernisme, etc. Pour Guilluy, c’est le monde d’en haut, celui des élites (néolibérales en l’occurrence), qui a abandonné l’idée aristotélicienne, classique, hellénique et romaine de « Bien commun », plongeant les pays de l’américanosphère, y compris les Etats-Unis, dans un chaos où tout est perçu comme relatif, transformable à souhait en dépit du donné naturel et où tous les acquis de civilisation sont dénoncés comme contraires à un moralisme sans limites. Il n’y a pas seulement « dissociété » (Marcel Decorte), il y a « a-société » (« There is no society »). Avec Thatcher, ce fut tout le tissu social, toutes les communities, de la classe ouvrière britannique qui implosa et disparut.

Les ravages ne se limitent plus à la seule classe ouvrière du monde industriel né au 19ème siècle. Ils s’étendent désormais à toutes les catégories sociales que l’on range habituellement sous l’appellation vague de « classe moyenne » : le recul est palpable partout. Rien de bien précis, en matière de contestation et de rejet de ce fatras destructeur, ne s’annonce cependant à l’horizon : Guilluy est toutefois optimiste et imagine qu’un soft power des classes populaires finira par contraindre les « classes d’en haut », le « monde d’en haut », comme il les désigne, à accepter les desiderata du peuple ou à disparaître. Il est évident que cela ne se fera pas facilement. Et que la vigilance métapolitique et politique demeure de mise, plus que jamais.

Le délitement de nos sociétés progresse donc partout. Le premier acte révolutionnaire, pour ne pas rester au stade des simples révoltes, est de déconstruire systématiquement les narratifs de l’hegemon et de son soft power, et de combattre sans merci par textes, discours et vidéos les idées véhiculées par les suppôts intérieurs de l’hegemon qui entretiennent les symptômes et les maux du déclin.

Une analyse claire de la situation macro-économique, en laquelle se débat l’UE aujourd’hui, est nécessaire pour déployer dans la plus évidente des concrétudes un discours challengeur : le puissant complexe soft-powerien qui a fusionné écologisme, néolibéralisme, festivisme et gendérisme (j’en passe et des meilleurs) a plongé nos pays dans une dangereuse précarité: l’énergie bon marché a disparu, ce qui correspond à la volonté bien arrêtée de l’hegemon de couler ses alliés qui sont ses principaux concurrents et cette énergie bon marché n’est pas seulement le gaz russe mais aussi les combustibles nucléaires kazakhs et russes.

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Les Verts allemands, avec Annalena Baerbock et Robert Habeck, appuient les positions américaines, ruinant à l’avance le pays pour de nombreuses décennies: ces faits ont une histoire, celle du déploiement de ces nuisances idéologiques dans nos sociétés depuis plus de quatre décennies, si bien que nous vivons actuellement sous un régime « anarcho-tyrannique »: Hegel voyait la tyrannie comme « thèse » et l’anarchie comme « antithèse », auxquelles il fallait opposer une synthèse reposant sur la justice (par exemple le justicialisme des Argentins de Péron) et la « liberté ordonnée » (l’ordo-libéralisme allemand opposé au libéralisme outrancier des écoles anglo-saxonnes). Aujourd’hui, la situation est différente : la tyrannie et l’anarchie ont fait cause commune contre la « synthèse » d’ordre et de justice en gestation, cette gestation qu’appelle Guilluy de ses vœux, qu’il croit déceler dans les soubresauts que connait la société française contemporaine. Il faut parler de ces sujets. Inlassablement. Ceux qui ne le font pas, ou pas assez, ou vaticinent sur des sujets sans importance, sont ce que Hegel appelait de « belles âmes ». La « belle âme » a peur, non seulement de s’engager, mais aussi de dire les choses sans détours. Elle se caractérise par une « faiblesse face au réel ».

Le résultat du travail de généalogie de la gabegie qui nous a conduit à l’anarcho-tyrannie actuelle permet de repérer nos ennemis et les agents d’influence de l’hegemon (Verts, Young Global Leaders, ONG stipendiées par Soros, etc.). L’ennemi est ainsi désigné, comme le préconisaient Carl Schmitt et Julien Freund. A nous de forger et de répandre un vocabulaire dépréciatif et dénigrant pour le dépeindre, qu’il s’agira de marteler sans relâche. Dans ce cadre offensif, l’ennemi qui me nie et veut ma disparition est bien présent, contrairement aux cénacles de « belles âmes » qui veulent « dialoguer » ou « débattre » avec tous et n’importe qui pour faire dans le n’importe-quoi qui ne débouchera que sur le rien.

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Les bases doctrinales, tirées d’Aristote, des traditions romaines (tacitistes disent les penseurs espagnols), de la révolution conservatrice, de Carl Schmitt, des écoles italiennes (Pareto, Mosca), des non-conformistes des années 30, doivent être affinées, rendues limpides, pour préparer, chaque jour que les dieux font, les coups de bélier qui renverseront l’anarcho-tyrannie. En marge de cette offensive, qui nous distinguent des « belles âmes » végétatives et vaticinantes, il s’agit de proposer un renouveau politique équilibré et alternatif, reposant sur l’idéal grec voire sur les idéaux oubliés, énoncés dans La Citadelle d’Antoine de Saint-Exupéry. 

Les propositions de renouveau politique doivent respecter les structures de la société, héritées de l’histoire, développer, à rebours du « There is no society » de Thatcher un idéal communautaire à la fois naturel, rural et traditionnel en dehors des métropoles (p. ex. dans la France périphérique selon Guilluy) et urbain, syndical, professionnel dans les villes et les centres industriels, étant donné que la troisième fonction des sociétés traditionnelles s’est considérablement amplifiée et diversifiée passant des quarante métiers du Bruxelles d’Ancien régime à l’infinité des métiers et fonctions productives actuelles, métiers et fonctions qui ont un impact sur la solidification de la Cité (comme le percevaient et Clausewitz et Saint-Exupéry). Les modèles argentins, théorisés à l’ère du péronisme, notamment par Jacques de Mahieu (qui ne s’est pas simplement occupé de très hypothétiques Scandinaves égarés sur le continent américain) poursuivis avec opiniâtreté et acribie par notre ami le Prof. Alberto Buela, méritent le détour en ce domaine et nous y reviendrons.

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Ces modèles argentins et la tradition aristotélicienne (Yvan Blot !) postulent une organisation socio-économique efficace à l’instar de ce que réclamait le Tat Kreis allemand sous la République de Weimar et dont les avatars ont gardé toute leur pertinence au moment du miracle économique des années 60. Ce sont là des modèles qui sont en prise sur le réel et non en marge de la société, auquel cas nous aurions affaire à un « communautarisme utopique », parallèle au « communautarisme multiculturel » de l’idéologie dominante, un « communautarisme utopique » qui mériterait de notre part autant de sarcasmes que Marx et Engels en adressaient au « socialisme utopique ».

Le déploiement d’un tel combat métapolitique et la volonté de redonner à nos peuples un « idéal communautaire » se heurtent toutefois à des handicaps qui n’existaient pas auparavant ou qui existaient mais dans une moindre mesure. Nos sociétés sont de fait bien plus disloquées que ne l’était le monde ouvrier du temps de Marx. Effet du « There is no society » dénoncé par Guilluy. L’absence depuis plus de trente ans du service militaire, apprentissage du vivre-ensemble inter-classes, et la disparition progressive du scoutisme à grande échelle, a abimé la gent masculine, l’a déboussolée et l’a rendue incapable d’organiser une révolte pour ne pas parler de révolution: il suffit de voir l’attitude des manifestants face aux forces du désordre macronien en France et celle des Serbes du Kosovo face aux soldats italiens et hongrois de l’OTAN, début juin 2023. Nous vivons, nous dit Eric Sadin, à l’ère de l’individu-tyran : cet être sans substantialité qui agence, trie, change les faits, auxquels il se heurte, et ses modes de vie au gré de ses humeurs et de ses contrariétés. De telles personnalités sont versatiles, incapables de constance et de durée, créatures faites pour vivre dans la « post-vérité ».

La société actuelle est marquée par un mauvais usage des réseaux sociaux: nos contemporains, même jeunes, restent chez eux, devant leurs écrans, alors que cette attitude est à peine bonne pour les vieux comme moi. L’attitude ancienne d’aller au bistrot pour taper la carte, vider des chopes mais aussi commenter l’actualité sociale, économique et politique était plus constructive. Mais il faut vivre selon son temps. Préparer la révolution, c’est maximiser l’usage que l’on peut faire des techniques en place, même si elles nous font horreur et même si on constate qu’elles assèchent d’essentielles vertus (au sens romain du terme). Telle est d’ailleurs la leçon d’Ernst Jünger dans les Orages d’acier, dans ses réflexions sur la technicisation de la guerre et dans Le Travailleur.  Les techniques informatiques, les autoroutes de l’information tant vantées à la fin des années 90, nous permettent, pour le moment, de diffuser une idéologie alternative en opposition radicale à l’idéologie dominante et au politiquement correct, en fait, de remplacer la presse aux ordres financée par le tout-économique.

L’honnête homme sceptique (complotiste ?), qui se cultivait jadis en lisant la presse de son choix, chaque jour, et la commentait avec ses amis, doit se muer en un honnête homme sceptique-complotiste de l’ère post-véridique qui se doit d’ingurgiter au moins quatre articles alternatifs par jour, selon ses centres d’intérêt et de les partager selon les divers modes offerts sur la grande toile. Il faut bel et bien partager et non pas cliquer « J’aime » comme l’immense majorité des zombis postmodernes. Le partage communautaire doit parier sur la viralité, amorce d’un pôle de rétivité qui transformera le sentiment de révolte, les révoltes, en courant prérévolutionnaire, antichambre d’une révolution qui laissera en plan les belles âmes, éliminera l’ennemi (en toutes ses variantes installées en nos sociétés depuis l’année fatidique de 1979). Cette révolution n’aura plus rien d’utopique.

Robert Steuckers, Forest-Flotzenberg, juin 2023.    

 

vendredi, 27 septembre 2024

Occidentologie: vers une science russe souveraine

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Occidentologie: vers une science russe souveraine

Alexandre Douguine

Introduction

L'occidentologie est un nouveau concept qui doit être pris en compte dans la situation actuelle d'escalade du conflit entre la Russie et les pays de l'OTAN, suite à l'opération militaire spéciale en Ukraine, en particulier maintenant que le conflit s'est progressivement et irréversiblement transformé d'un conflit politique en un choc des civilisations. Les dirigeants politiques russes ont déclaré que le pays était un « État-civilisation » indépendant [1] ou un « monde russe » [2]. De telles déclarations ont des conséquences importantes pour les sciences humaines et l'éducation russes dans leur ensemble, car elles établissent un nouveau paradigme pour la conscience historique de la société russe, ainsi que pour notre compréhension de la civilisation occidentale et d'autres peuples et cultures non occidentaux.

Le décret présidentiel n°809 « sur l'approbation des fondements de la politique d'État pour la préservation et le renforcement des valeurs morales et spirituelles traditionnelles russes » stipule sans ambiguïté que notre orientation doit être axée sur le code de la vision russe du monde, qui est le fondement de nos « valeurs traditionnelles » [3]. En fait, il s'agit du cadre sémantique fondamental de la nouvelle vision du monde de l'État et du public russe, dont la nécessité découle directement de la confrontation croissante avec l'Occident au sens large d'un choc entre différentes civilisations.

Cette orientation de la Russie vers la tradition et le renforcement de l'identité est développée et poursuivie dans le décret présidentiel russe n°314 « sur l'approbation des fondements de la politique d'État de la Fédération de Russie dans le domaine de l'éducation historique », qui déclare directement que « la Russie est un grand pays avec une longue histoire, un État-civilisation qui a uni les Russes et de nombreux autres peuples d'Eurasie en une seule communauté culturelle et historique et a apporté une énorme contribution au développement du monde.... ». La conscience de soi de la société russe est fondée sur les valeurs spirituelles, morales, culturelles et historiques traditionnelles qui se sont formées et développées tout au long de l'histoire de la Russie, et dont la préservation et la protection sont une condition préalable au développement harmonieux du pays et de son peuple multinational, faisant partie intégrante de la souveraineté de la Fédération de Russie » (Section II, 5) [4].

En d'autres termes, la reconnaissance de la Russie en tant qu'État civilisationnel et la promotion d'une politique d'État affirmant notre connaissance de l'histoire et la protection des valeurs traditionnelles en tant que fondements de l'État nous obligent à reconsidérer notre attitude à l'égard de la civilisation et de la culture occidentales au cours des dernières décennies, voire des derniers siècles.

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La voie particulière de la Russie : avantages et inconvénients

Tout ce qui précède nous ramène à la discussion qui a eu lieu au 19ème siècle entre les slavophiles et les occidentalistes et, plus tard, entre les Eurasiens russes qui ont poursuivi les critiques des slavophiles. Les slavophiles soutenaient que la Russie n'était pas une civilisation slave orientale, mais un type historique et culturel particulier de civilisation byzantine-orthodoxe [5]. Les eurasistes ont ensuite complété ces idées en soulignant les contributions positives apportées par d'autres peuples eurasiens à la richesse et à l'identité de cette civilisation russe. Des concepts tels que « Russie-Eurasie », « État-monde » ou « État-continent » sont synonymes de termes tels que « État-civilisation » ou « Monde russe ».

Ces idées ont été rejetées par les Russes occidentalistes, qu'ils soient libéraux ou sociaux-démocrates, qui ont insisté sur le fait que la Russie faisait partie de la civilisation de l'Europe occidentale et n'était pas une civilisation distincte et indépendante. Par conséquent, la tâche de la Russie était de copier tous les développements occidentaux dans des domaines tels que la politique, la culture, la science, la société, l'économie et la technologie. Les occidentalistes russes étaient des partisans des Lumières et de la science New Age, acceptaient la théorie du progrès linéaire et convenaient que les étapes de développement suivies par l'Occident étaient universelles, ainsi que le fait que les valeurs occidentales devaient être apprises et acceptées par tous les peuples et toutes les sociétés. Ces idées excluaient toute question sur l'identité de la Russie et, au contraire, la décrivaient comme une société arriérée et périphérique soumise à la modernisation et à l'occidentalisation.

Dans le même temps, les occidentalistes russes, qui, dès le 19ème siècle, étaient divisés entre sociaux-démocrates et libéraux, avaient des idées différentes sur l'avenir de la Russie. Les premiers pensaient que l'avenir résidait dans la création d'une société socialiste, tandis que les seconds prônaient le triomphe d'une société capitaliste. Cependant, tous deux partageaient une croyance inébranlable dans l'universalité de la voie suivie par l'Europe occidentale et considéraient donc les valeurs traditionnelles et l'identité originale de la Russie comme un obstacle au développement de notre pays.

Pendant l'ère soviétique, notre société était dominée par l'idéologie marxiste, héritière de la version sociale-démocrate et communiste de l'Occident. Cependant, la confrontation féroce avec le monde capitaliste et les conditions qui nous ont été imposées pendant la guerre froide, qui a débuté en 1947, ont conduit l'idéologie soviétique à accepter certains éléments de l'approche civilisationnelle prônée par les slavophiles et les eurasistes, bien que ces idées n'aient jamais été officiellement reconnues. Les eurasistes eux-mêmes ont objectivement observé cette transformation du marxisme en Russie soviétique, où l'on a assisté à un retour progressif - surtout sous le règne de Staline - à la géopolitique impériale et, en partie, aux valeurs traditionnelles.

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Mais l'idéologie d'État n'a jamais reconnu l'importance de cette approche civilisationnelle et les dirigeants soviétiques ont continué à insister sur la nature internationale (et même occidentaliste-universaliste) du socialisme et du communisme, refusant de reconnaître l'aspect russe de la « civilisation soviétique ». Cependant, l'URSS a développé un système scientifique critique vis-à-vis de la société bourgeoise qui lui a permis d'établir une certaine distance avec les codes idéologiques de la civilisation occidentale dans sa version libérale, qui a dominé aux États-Unis et en Europe après la défaite de l'Allemagne hitlérienne. Mais, en même temps, la trajectoire historique de la Russie a été comprise exclusivement en termes de classe, ce qui a déformé l'étude de l'histoire russe au point de la réduire à son tour à un schéma de type occidental, ce qui le rendait inapplicable. Malgré cela, la science sociale soviétique a maintenu une certaine distance par rapport à l'idéologie du libéralisme qui dominait en Occident, bien qu'elle ait partagé les postulats du progrès, des Lumières et qu'elle ait sympathisé avec les Temps modernes, reconnaissant la nécessité historique du capitalisme et du système bourgeois, mais seulement en tant que conditions préalables aux révolutions prolétariennes et à l'édification du socialisme.

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Cependant, cette distanciation a été totalement abolie au moment de l'effondrement de l'URSS et du rejet de l'idéologie soviétique. Mais cette fois, c'est le paradigme diffusé par le libéralisme occidental qui a triomphé dans les sciences sociales, et c'est précisément cette idéologie qui s'est maintenue dans ce domaine au sein de la Fédération de Russie jusqu'à aujourd'hui. Cela est dû en grande partie à l'impulsion même donnée par l'État dans les années 1990, lorsque la thèse selon laquelle la Russie faisait partie de la civilisation occidentale - mais pas dans sa version socialiste, mais dans sa version libérale-capitaliste - est devenue un dogme. Si, à l'époque de la Perestroïka, la théorie de la convergence a été promue, avec laquelle les dirigeants soviétiques espéraient que le rapprochement avec l'Occident et le monde bourgeois pourrait conduire à la fusion du socialisme avec le capitalisme et à l'élimination des zones d'influence, mettant ainsi fin aux risques de confrontation directe, après 1991, avec le rejet total du socialisme, la Fédération de Russie a accepté les principes de la démocratie bourgeoise et de l'économie de marché. C'est alors qu'une transition directe vers le libéralisme s'est amorcée dans les sciences sociales, et que les épistémès occidentales ont commencé à être copiées dans toutes les sphères des sciences humaines: philosophie, histoire, économie, psychologie, etc. Certaines sciences humaines - telles que la sociologie, les sciences politiques, les études culturelles, etc. - ont été introduites dans les années 1980 et 1990 en suivant strictement les canons occidentaux.

Ainsi, tant directement (sous l'occidentalisme libéral) qu'indirectement (sous les communistes), les sciences sociales en Russie au cours des 100 dernières années ont été constamment dominées par les idées de la civilisation occidentale sur la société, l'État et la culture russes. Dans les deux cas, l'objectif était que la Russie rattrape (pour les libéraux) ou dépasse (pour les communistes) l'Occident en acceptant sans critique les attitudes, les principes, les codes et les épistémès de l'Occident. D'autre part, alors que les communistes critiquaient les « sciences bourgeoises », les libéraux les acceptaient totalement.

Le problème de la transitologie

Dans les années 1990, les Russes occidentalistes ont adopté le paradigme de la « transitologie ». Selon cette perspective, la Russie n'a qu'un seul objectif: se débarrasser des vestiges du passé (à la fois le monde soviétique et les structures monarchiques et orthodoxes) et se diluer dans une civilisation mondiale avec l'Occident contemporain en son centre. Les humanistes russes partisans de la transitologie devaient aider cette transition de toutes les manières possibles, en critiquant toutes les tendances qui s'écartaient de cet objectif et en contribuant activement à la modernisation (occidentalisation) des sciences sociales.

Les théories, les concepts, les critères, les valeurs, les méthodologies et les pratiques de l'Occident ont été pris comme modèle, tant sur le fond que sur la forme (d'où l'acceptation du système de Bologne, l'imposition de l'OSU dans les écoles, les projets et l'approche basée sur les compétences dans l'éducation). Les mesures scientifiques ont été complètement réorganisées pour s'adapter aux canons occidentaux et le degré de « scientificité » a été mesuré en fonction de la conformité des documents, des recherches, des textes, des programmes éducatifs, des articles scientifiques et des monographies aux normes occidentales modernes et aux index de citations. En d'autres termes, seul ce qui correspondait au paradigme de la transitologie, c'est-à-dire à l'introduction de paradigmes libéraux, était considéré et reconnu comme « scientifique », tandis que toute forme de slogan illibéral était critiquée. C'est toujours la base du système d'évaluation des sciences humaines.

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Le piège de l'universalisme occidentalo-centré

Cette approche, dominante depuis 33 ans (bien que l'on puisse étendre cette chronologie à un siècle, en tenant compte de l'internationalisme soviétique et de l'occidentalisme clandestin qui existaient auparavant), est totalement inacceptable dans les conditions actuelles de l'opération militaire spéciale et du choc direct entre deux civilisations distinctes telles que la Russie et l'Occident moderne, ultra-libéral et mondialiste. Dans le discours prononcé par le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, le 30 septembre 2022, lors de la signature de l'accord sur l'incorporation des régions de la NPR (Novorossiya/Donbass), de la LPR (Lugansk), de Zaporojie et de Kherson à la Russie, il a qualifié la société occidentale de « satanique » [5] : « La dictature des élites occidentales est dirigée contre toutes les sociétés, y compris contre les peuples des pays occidentaux eux-mêmes. Elles promeuvent avec défi la négation complète de l'homme, la subversion de la foi et des valeurs traditionnelles, ainsi que la suppression de la liberté, qui ont acquis les caractéristiques d'une religion, d'un satanisme ouvert <...>. Pour eux, notre pensée et notre philosophie sont une menace directe, c'est pourquoi ils attaquent nos philosophes. Notre culture et notre art sont un danger pour eux, c'est pourquoi ils essaient de les interdire. Notre développement et notre prospérité sont également une menace pour eux : la concurrence s'intensifie. Ils n'ont pas besoin de la Russie, mais nous si. Je voudrais leur rappeler que les prétentions à la domination du monde dans le passé ont été écrasées plus d'une fois par le courage et la fermeté de notre peuple. La Russie sera toujours la Russie » [6].

En outre, lors d'une réunion du club Valdai en octobre 2022, le président de la Fédération de Russie a déclaré: « Ce n'est pas un hasard si l'Occident prétend que sa culture et sa vision du monde sont universelles. S'il ne le dit pas directement - bien qu'il le dise souvent aussi - il le fait indirectement, en se comportant d'une certaine manière et en insistant sur le fait que son mode de vie et son système politique doivent être suivis inconditionnellement par tous les peuples qui composent la communauté internationale » [7].

L'évolution de la conscience russe vers la conception d'un État-civilisation distinct et le refus d'accepter la culture et la vision du monde occidentales comme des principes universels nous ramènent au paradigme slavophile-eurasianiste, rejeté il y a un siècle, et à l'idée que la civilisation occidentale n'est qu'une des voies possibles vers le développement. La Russie doit chercher sa propre voie en s'appuyant sur les valeurs traditionnelles, sur les significations et les fondements de son histoire, dont le pivot est le peuple russe et les peuples frères de Russie-Eurasie, qui ont créé un esprit unique. C'est précisément ici que l'on peut parler d'occidentologie.

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Définition de l'occidentologie

Il est évident que le tournant civilisationnel de la politique russe ne pourra se réaliser tant que l'universalité de la civilisation occidentale sera défendue et que les fondements et les principes de cette civilisation seront tolérés sans critique. Par conséquent, il est nécessaire de reconsidérer radicalement notre attitude à l'égard de l'Occident en général et, surtout, à l'égard de ses paradigmes dans le domaine des sciences sociales. Nous ne pouvons plus les accepter comme un article de foi sans en faire une étude attentive et critique, et encore moins sans les mettre en corrélation avec nos valeurs traditionnelles et les impératifs de nos lumières historiques. Non seulement la civilisation occidentale n'est pas universelle, mais dans son état actuel, elle est destructrice et toxique, au point d'être considérée comme « satanique ». D'où la nécessité de l'occidentologie et de la clarification de sa signification.

L'occidentologie est un paradigme qui étudie la culture et les sciences humaines occidentales, rejetant les prétentions de la science et de la culture occidentales à l'universalité, la vérité ultime et les critères normatifs développés par ce paradigme que l'Occident tente activement d'imposer au reste de l'humanité comme s'il s'agissait d'un libre choix.

Cette attitude ressemble en partie à celle des sciences sociales soviétiques à l'égard des disciplines et théories bourgeoises, qui ne devaient être étudiées et enseignées qu'après avoir été soumises à une critique approfondie. La base de cette critique était le marxisme soviétique, qui avait ses propres critères, méthodes et principes. Mais contrairement au modèle de critique soviétique, l'occidentologie a des revendications beaucoup plus radicales contre l'Occident, refusant de reconnaître non seulement la civilisation occidentale dans sa version libérale-capitaliste, mais rejetant également les principes anti-chrétiens sur lesquels les Temps modernes ont été construits, ainsi que les attitudes et les dogmes du christianisme d'Europe occidentale (catholicisme et protestantisme) dans ses premiers stades de développement. La Russie en tant que civilisation a une base et un principe de développement complètement différents qui ne peuvent être correctement compris et décrits que dans le contexte du paradigme mondial russe et en prêtant attention à nos valeurs traditionnelles.

L'ethnocentrisme en tant que phénomène

L'occidentologie part du constat général que l'ethnocentrisme est un phénomène naturel dans toute société [8]. Il s'agit d'un principe accepté par l'anthropologie et la sociologie, qui signifie que tout groupe et toute collectivité, conformément à l'attitude naturelle de toute société, se considère toujours comme le centre du monde [9]. Par conséquent, nous avons la prétention à l'« universalité » de l'être et des qualités d'une société donnée, ainsi que de ses normes et principes (y compris la langue, la culture, la religion, la cuisine, l'habillement, les rituels, les pratiques domestiques, etc.

Les Grecs considéraient toutes les nations qui les entouraient comme des « barbares » et eux-mêmes comme « le centre de la création ». La même idée se retrouve chez les Juifs de l'Ancien Testament comme base de leur religion et, en partie, du christianisme. Les Juifs sont le « peuple élu » et les autres nations (« goyim ») sont à peine considérées comme humaines [10]. L'Empire chinois se considérait comme le centre du monde, d'où le nom de la Chine : Zhōngguó (中国), « État du centre » [11]. Les anciennes puissances suméro-akkadiennes de Mésopotamie avaient également des idées similaires, tout comme la domination mondiale des Achéménides et, plus tard, des souverains de l'Iran sassanide. L'idée de la Rome éternelle, et plus tard de Moscou comme troisième Rome, ont des origines similaires. Il en va de même pour les petites nations, dont chacune est convaincue de la supériorité de sa propre culture par rapport à toute tribu voisine.

L'ethnocentrisme ne nécessite aucune justification, car il reflète un désir naturel d'ordonner le monde environnant, de lui donner une orientation et une structure stables, de le mesurer en établissant des oppositions fondamentales telles que « nous/eux » ; « culture (entendue comme notre culture, la culture de notre société)/nature » (terre/ciel), etc.....

La culture occidentale ne fait pas exception. Comme toutes les autres cultures, elle repose sur une attitude ethnocentrique. En même temps, c'est une culture raffinée et hypercritique dans beaucoup de ses aspects, qui remarque et identifie l'ethnocentrisme qui existe dans toutes les autres sociétés et civilisations. Cependant, la culture occidentale est totalement incapable de reconnaître sobrement qu'elle a aussi des prétentions « universelles » qui s'apparentent à ce phénomène. Selon la civilisation occidentale, l'ambition de toute société d'être au centre de l'univers est une « illusion naïve », alors qu'au contraire, c'est une « vérité scientifique » irréfutable que l'Occident est le centre de tout. En d'autres termes, l'ethnocentrisme occidental est « scientifique » et toutes les autres manifestations ne sont que des « mythes », souvent dangereux, qu'il faut « démystifier ».

Les débuts de l'ethnocentrisme occidental

L'ethnocentrisme a pris différentes formes à différentes étapes de l'histoire occidentale. Dans les temps archaïques, il était une caractéristique naturelle des tribus et des peuples d'Europe occidentale et se reflétait dans les croyances et les cultures païennes. Puisque dans la religion, Dieu (ou les dieux, dans le polythéisme) est au centre de tout, il est naturel que les ancêtres sacrés des peuples européens soient également considérés comme des dieux. C'était le cas des Grecs et des Romains, mais aussi des Celtes, des Germains et d'autres peuples comme les Slaves, les Scythes, les Iraniens, etc.

Dans la Grèce classique, l'ethnocentrisme a été élevé à un niveau supérieur par la philosophie, l'art et la culture, acquérant ainsi une justification « rationnelle ». À partir de l'époque d'Alexandre le Grand, dans la période hellénistique, ce processus a été complété par l'idée d'un royaume universel que les Grecs ont emprunté aux Achéménides. Plus tard, cette synthèse impériale et culturelle a été héritée par les Romains, surtout après la proclamation d'Auguste. Le christianisme a placé l'Église au centre de tout, héritant des idées de l'ethnocentrisme juif (désormais reprises par le Nouvel Israël, les chrétiens), et plus tard - après Constantin le Grand - des ambitions universalistes de la culture hellénistique qui parlait de la doctrine de l'Empire et du Katechon, le Roi sacré.

Il est à noter que jusqu'à la division du monde chrétien en Occident (catholicisme) et en Orient (orthodoxie), cet ethnocentrisme était unifié et identique pour tous les peuples de la Méditerranée. En fait, tout cela était connu sous le nom d'œcuménisme-οἰκουμένη, la civilisation chrétienne étant le centre de l'univers. On peut le constater dans l'ouvrage géographique byzantin de Cosmas Indicopleustes, écrit au 6ème siècle, où l'on retrouve l'idée ancienne que les gens normaux n'habitent que les parties centrales (méditerranéennes) du monde et qu'à mesure que l'on se déplace vers les marges de l'écoumène, les gens deviennent de plus en plus exotiques en apparence, perdant progressivement leurs traits humains. L'ethnocentrisme œcuménique est également une forme d'ethnocentrisme.

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L'ethnocentrisme russe et l'œcuménisme bipolaire

Il convient de noter que jusqu'à un certain point - et plus précisément jusqu'à la scission définitive des Églises après le Grand Schisme de 1054 - la structure de l'ethnocentrisme de la civilisation méditerranéenne était commune à la fois à l'Occident et à la civilisation slave orientale qui commençait à peine à émerger. Mais le facteur décisif était l'adhésion des Russes à l'Église d'Orient, à l'orthodoxie et au byzantinisme. Et lorsque cet ethnocentrisme autrefois unifié s'est scindé en deux pôles - l'Occident et l'Orient - l'ancienne Russie s'est identifiée sans équivoque à l'Orient chrétien.

Les racines de l'ethnocentrisme russe se trouvent à Byzance et à Constantinople, tandis que la version occidentale de l'œcuménisme et, par conséquent, son ethnocentrisme religieux, politique et culturel se trouvent en Europe occidentale où, après l'usurpation de l'Empire par Charlemagne, les deux puissances qui ont donné forme à l'Empire russe se trouvent à l'Est, les deux pouvoirs qui ont façonné le monde chrétien, le spirituel (Rome, la papauté) et l'impérial (les empereurs germaniques successifs, des Carolingiens aux Habsbourg en passant par les Ottoniens et les Hohenstaufen), ont été unifiés. Byzance et l'Orient orthodoxe sont considérés par l'Occident comme sa périphérie, c'est-à-dire une zone habitée par des « schismatiques » et des « hérétiques », qui ne sont donc pas pleinement chrétiens, ni même des êtres humains (comme les merveilleux demi-hommes des périphéries du monde décrits par Hérodote ou Pline l'Ancien).

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C'est précisément ici que naît la civilisation occidentale telle que nous la connaissons, au moment où se produit la rupture de l'ethnocentrisme œcuménique méditerranéen, et c'est à partir de là que nous pouvons commencer à parler d'occidentologie. L'œcuménisme chrétien antérieur de l'Orient et de l'Occident était un continuum culturel: Constantinople (la Nouvelle Rome) et Rome elle-même étaient le centre du monde et les Pères orientaux n'étaient pas opposés aux Pères occidentaux. Les pères orientaux ne s'opposaient pas aux pères occidentaux. Ils avaient également en commun des idées ethnocentriques antérieures: les royaumes universels mésopotamiens, l'anthropologie religieuse de l'Ancien Testament et l'universalisme hellénistique. Plus tard, cependant, nous pouvons parler de la formation de deux civilisations chrétiennes, dont chacune insiste désormais sur le fait qu'elle est seule au centre de tout.

À partir de là, on peut parler d'un œcuménisme bipolaire qui, de la prise de Constantinople par les croisés lors de la quatrième croisade en 1202-1204 et de l'établissement de l'empire latin en Méditerranée orientale à la chute de Byzance aux mains des Turcs ottomans, a vu le premier pôle se renforcer, tandis que le second s'affaiblissait de plus en plus au fil du temps.

Le tournant historique s'est produit lorsque le Royaume de Moscou a assumé la mission de devenir le centre de l'œcuménisme chrétien oriental et le gardien de la tradition de l'ethnocentrisme byzantin. Mais ce n'est qu'au moment où ces deux œcuménismes se sont affrontés dans une bataille à l'échelle planétaire - le Grand Jeu entre l'Empire britannique et l'Empire russe, puis la Guerre froide et aujourd'hui l'Opération militaire spéciale - que cette confrontation a atteint son apogée.

Métamorphose de l'ethnocentrisme de la civilisation occidentale

Du couronnement d'Ivan le Terrible, c'est-à-dire du moment où la Russie s'est emparée de la version ethnocentrique du christianisme byzantin oriental, à la confrontation entre la Russie et l'Occident à l'échelle planétaire, il faut garder à l'esprit que l'ethnocentrisme occidental a connu plusieurs transformations très importantes

Si, dans un premier temps, la communauté œcuménique occidentale était représentative d'une culture chrétienne gréco-romaine ayant ses propres caractéristiques (le catholicisme proprement dit), la Renaissance européenne et la Réforme ont considérablement modifié ses structures et ses paradigmes, influençant profondément la conscience européenne de soi. L'Europe occidentale se considérait comme le centre du monde et de l'humanité même au Moyen Âge catholique, mais de nouvelles idées - l'humanisme de la Renaissance, l'individualisme protestant, la philosophie rationaliste et le matérialisme scientifique de la modernité - ont transformé la culture de l'Europe occidentale en quelque chose de complètement différent.

L'Occident se considère toujours comme le centre du monde, mais ce postulat repose désormais sur d'autres principes. Les « arguments » ethnocentriques et leurs prétentions à l'universalité étaient la science, la laïcité politique, les prétentions à la rationalité et le fait de placer l'homme, et non Dieu, au centre de la création. Naturellement, par « homme », on entendait l'homme européen occidental des Temps Nouveaux. Tous les autres concepts et théories de l'humanisme, de la laïcité, de la société civile, de la démocratie, etc. se fondent sur lui. Les domaines médiévaux traditionnels ont été relégués à la périphérie et la bourgeoisie a fini par tout dominer.

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Parallèlement, l'Europe des Temps modernes entame un processus de colonisation, affirmant son ethnocentrisme à l'échelle planétaire et imposant sa « supériorité » à tous les autres peuples de la terre. L'asservissement de peuples entiers et la conquête de continents et de civilisations entières se sont faits sous la bannière du « progrès » et du « développement ». Les sociétés les plus développées avaient, aux yeux de l'Occident, toutes les raisons de soumettre les moins développées. C'est ainsi qu'est né le racisme occidental, parfaitement reflété dans les œuvres de l'impérialiste britannique R. Kipling (illustration, ci-dessus), qui appelait cyniquement le colonialisme « le fardeau de l'homme blanc ».

Le rationalisme, les inventions scientifiques et les découvertes technologiques, associés aux valeurs des Lumières et à la doctrine du progrès, sont devenus le nouveau contenu de l'ethnocentrisme européen pendant la période coloniale. L'Occident continue à se placer au centre de l'univers, mais sous une forme complètement différente, justifiant son universalisme par des concepts différents.

Dans le même temps, la version traditionnelle de l'œcuménisme byzantin a continué à prévaloir en Russie. L'orthodoxie est devenue le principe déterminant de notre identité et, avec elle, l'héritage de cette civilisation chrétienne qui s 'inscrivait dans la continuité de la culture méditerranéenne, laquelle était autrefois le paradigme commun qui nous reliait aux pays d'Europe occidentale. À partir d'un certain moment, l'Occident est entré dans les temps nouveaux et a habillé son ethnocentrisme de nouvelles formes, tandis que la Russie est restée, en général, fidèle au noyau civilisationnel originel de l'œcuménisme chrétien, que l'Occident a progressivement abandonné ou modifié jusqu'à ce qu'il devienne méconnaissable et même contraire à lui.

L'Europe moderne a remplacé Dieu par l'homme, la foi et la révélation par la raison et l'expérimentation, la tradition par l'innovation, l'esprit par la matière, l'éternité par le temps, la permanence ou la décadence (incarnées par les écritures et les traditions sacrées) par le progrès et le développement. La culture occidentale s'est donc trouvée en opposition non seulement avec l'orthodoxie, incarnée jusqu'à un certain point par la Russie, qui avait hérité de la civilisation gréco-romaine de Byzance, mais aussi avec ses propres fondements. D'où les mythes du « Moyen Âge sombre/obscur » et la glorification sans critique des Temps Nouveaux ou de la Modernité.

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C'est ainsi que le traditionalisme et le conservatisme de la société et de la politique russes sont apparus aux yeux de l'Occident non seulement comme un phénomène imputable à des « schismatiques », mais aussi comme l'incarnation de l'arriération, de la barbarie et d'une dangereuse menace pour le progrès et le développement. Si la Russie n'avait pas eu les moyens de se défendre contre l'Occident, elle aurait été victime, comme d'autres sociétés traditionnelles, d'une colonisation agressive. Mais la Russie a résisté, non seulement militairement mais aussi culturellement, en restant fidèle à son identité orthodoxe-byzantine.

Ainsi, un autre élément crucial est venu s'ajouter à la confrontation entre les deux ethnocentrismes œcuméniques au cours du 18ème siècle. L'Occident incarnait les temps nouveaux et la modernité en tant que modèle universel, tandis que la Russie était plutôt sur la défensive, continuant à croire que seule sa voie était véritablement universelle et salvatrice, et cette voie consistait en la loyauté envers l'orthodoxie et le mode de vie traditionnel, en particulier la monarchie sacrée et la hiérarchie des classes, qui sont généralement restées importantes en Russie jusqu'à la révolution de 1917.

L'Occident incarnait la modernité et la Russie la tradition, l'Occident représentait le matérialisme séculier et la Russie le sacré et l'esprit.

Premières versions de l'occidentologie

À partir du moment où l'Occident, en tant que civilisation, a pleinement assumé le paradigme de la modernité, les relations entre l'Occident et la Russie, en tant que civilisations distinctes, ont changé qualitativement. Dès lors, l'occidentalisme, surtout depuis Pierre le Grand, est devenu le principe d'une partie des élites russes, qui ont progressivement adopté la position selon laquelle l'Empire russe était également une puissance européenne et donc destiné à suivre la même voie que les pays de l'Ouest. L'idée de Moscou comme Troisième Rome s'efface progressivement (surtout après le schisme ecclésiastique russe qui a opposé les défenseurs de l'ancienne piété, les Vieux Croyants, aux réformateurs, les premiers étant repoussés à la périphérie) au fur et à mesure que s'amorce le processus de modernisation/occidentalisation de la société russe. Cependant, bien que la Russie ait commencé à succomber à l'épistémè occidentale au cours du 18ème siècle, elle a continué à défendre sa souveraineté politique et militaire, permettant ainsi à l'ancien mode de vie russe de persister par inertie dans de nombreux domaines.

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Au 19ème siècle, les slavophiles ont clairement reconnu ce paradoxe, et c'est là qu'est née l'occidentologie, qui n'avait pas encore reçu ce nom. Les slavophiles ont clairement formulé les principes de l'identité constante et immuable de la Russie en tant qu'héritière de l'œcuménisme chrétien oriental, y compris sa position ethnocentrique à l'égard du monde, et ont dénoncé l'arbitraire des prétentions à l'universalisme de la civilisation de l'Europe occidentale sous la forme de la modernité. Danilevsky a formulé la doctrine des types historico-culturels selon laquelle la civilisation européenne était en déclin (tandis que la civilisation orthodoxe restait fidèle à ses racines chrétiennes) et que les Slaves - en particulier les Russes - entraient au contraire dans une ère de prospérité et de renaissance de leur noyau civilisationnel, se préparant à remplir leur mission. Dans cette perspective, toute l'histoire de l'Europe occidentale, ou du monde romano-germanique (Danilevsky), se révèle être un phénomène local incapable de s'approprier l'ensemble de l'histoire. Ce que l'Occident dit de la « vérité », de l'« utilité », du « développement », du « progrès », du « bien », de la « liberté », de la « démocratie », etc. doit être replacé dans un contexte historique et géographique spécifique, c'est-à-dire « ethnique », et ne doit en aucun cas être considéré comme inconditionnellement vrai et axiomatique.

L'ethnocentrisme occidental est normal, mais le problème réside dans le fait qu'il a dépassé les limites normales de l'ethnocentrisme et qu'il est donc devenu agressif, trompeur, mesquin et parfois fou, incapable d'autoréflexion et d'attitude critique à l'égard de lui-même.

Les slavophiles et, plus tard, les Eurasistes ont jeté les bases de l'occidentologie, qui était centrée sur les valeurs russes traditionnelles. L'Occident peut et doit être étudié [13], mais non pas comme la vérité ultime, mais comme une civilisation particulière aux côtés d'autres civilisations non occidentales. Et dans le cas de la science et de la sphère publique russes, il est nécessaire de séparer strictement ce qui peut être fructueux et acceptable pour la Russie de ce qui est toxique et destructeur. Les slavophiles ont été fortement influencés par le romantisme allemand et la philosophie allemande classique (Fichte, Schelling, Hegel), qui ont inspiré toute une pléthore de penseurs russes conservateurs [14].

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Une autre version de l'occidentologie a été développée par les courants de gauche en Russie, surtout les populistes (narodniki), qui rejetaient le capitalisme. Les populistes, comme certains slavophiles (par exemple, I. S. Aksakov), pensaient que le cœur de la culture russe était la communauté paysanne vivant selon ses anciennes lois et coutumes et représentant l'apogée d'une existence harmonieuse et spirituelle et restant significative pour le monde [15]. Ils considéraient que le servage n'était rien d'autre qu'une conséquence de l'occidentalisme, mais que son abolition ne devait pas conduire au développement des relations capitalistes et à la prolétarisation des paysans, mais à la renaissance de l'esprit populaire et des valeurs traditionnelles : sociales, professionnelles et ecclésiastiques. Selon eux, les aspects négatifs de l'Empire russe étaient précisément imputables à l'occidentalisation et aux idées occidentales - à l'époque essentiellement bourgeoises et libérales - qui devaient être rejetées. Il existait donc également une critique de la civilisation occidentale à gauche, que l'on peut retrouver dans l'occidentologie.

Le marxisme russe, qui partageait entièrement l'ethnocentrisme ouest-européen de la modernité et acceptait le caractère inévitable et même progressif du capitalisme et de l'internationalisme, tout en soumettant ce capitalisme à une critique radicale, constituait un cas particulier. Pendant la période soviétique, ces idées sont devenues des dogmes, qui ont finalement conduit à l'effondrement de l'URSS sous l'influence de promesses trompeuses de convergence avec l'Occident. Dans les périodes plus raisonnables de l'histoire soviétique, la haine idéologique de classe à l'endroit des capitalistes était largement alimentée par l'esprit du populisme et de la slavophilie. Les nationaux-bolcheviks russes ont tenté de donner de l'importance à l'élément russe et de désambiguïser ce problème, mais ils n'ont pas reçu un soutien suffisant de la part des élites soviétiques.

L'ethnocentrisme occidental dans la postmodernité

Après avoir dressé une généalogie générale de l'ethnocentrisme occidental jusqu'au paradigme de la modernité, nous pouvons étendre notre analyse à l'époque actuelle. La postmodernité est un phénomène double. D'une part, elle critique sévèrement l'ethnocentrisme même de la civilisation européenne occidentale, tant dans l'Antiquité qu'aujourd'hui, en insistant sur son rejet et en réhabilitant des idées extravagantes et excentriques, souvent irrationnelles. Mais, d'un autre côté, elle ne remet pas en cause son propre « pathos libérateur » et, retrouvant son vieil esprit colonialiste et raciste, n'hésite pas à imposer son canon occidental, aujourd'hui postmoderne, à toutes les sociétés du monde. Bien qu'elle critique l'Occident et sa civilisation, la postmodernité reste son prolongement naturel, et sa défense de la mondialisation ne fait qu'amplifier l'ethnocentrisme occidental. La postmodernité ne se contente pas d'emprunter à la modernité son intolérance à l'égard de la Tradition, elle l'exacerbe encore en la transformant en parodie agressive et en pur satanisme. Le critère du « développement » et de la « démocratie » consiste désormais à adopter les attitudes et les valeurs du mondialisme postmoderne. Seul est considéré comme « scientifique » ce qui est basé sur l'idéologie du genre, la reconnaissance des droits des minorités de toutes sortes, le rejet de toute identité, y compris l'identité individuelle, et la transitologie, qui est toutefois comprise comme le passage de la modernité à la postmodernité.

L'Occident a opposé sa version de l'universalisme à la civilisation russe dès le Moyen Âge catholique. Plus tard, l'opposition de ces civilisations s'est transformée en lutte de la modernité contre la tradition, c'est-à-dire contre le Moyen Âge russe résiduel tardif, qui a duré presque jusqu'au début du 20ème siècle. Pendant la période soviétique, le conflit des civilisations a pris une teinte idéologique et de classe: la société socialiste prolétarienne (la Russie et ses alliés) contre l'Occident bourgeois et capitaliste.

Au 20ème siècle, la Russie a été confrontée à la fois à la manifestation directe du racisme occidental dans sa guerre contre l'Allemagne nazie, alors que les porteurs autoproclamés du « fardeau de l'homme blanc » menaient une campagne contre les « Untermenschen Slaves ».

Enfin, aujourd'hui, l'Occident post-moderne, qui revendique l'universalité de son modèle civilisationnel, est confronté à la volonté de la Russie de défendre et d'affirmer sa souveraineté. La Russie a d'abord affirmé la souveraineté d'un État-nation contre la civilisation occidentale (période 2000-2022) et maintenant celle de l'État-civilisation. Tout cela peut donner l'impression trompeuse qu'il s'agit d'une réaction exacerbée et conjoncturelle de la Russie au comportement de l'Occident à son égard (expansion de l'OTAN vers l'Est, volonté de rendre les États post-soviétiques indépendants de la Russie, non-respect des accords de politique étrangère, etc. ), ce qui est multiplié par le rejet brutal par la société russe beaucoup plus traditionnelle (à l'exception des libéraux occidentalistes) des attitudes post-modernes de la culture occidentale, mais si nous plaçons tout cela dans une perspective historique beaucoup plus longue, nous verrons qu'il ne s'agit pas d'un accident, mais d'un modèle. La civilisation russe commence maintenant à se comprendre clairement et à comprendre ses propres fondements. Et un choc direct avec l'Occident, qui pourrait à tout moment conduire à un scénario apocalyptique marqué par une guerre nucléaire, ne fait qu'ajouter un drame particulier à ce processus d'éveil de la civilisation russe. La Russie ne se contente pas de rejeter la post-modernité ouvertement toxique et pervertie, elle revient à ses racines et réaffirme son identité et, si l'on veut, son ethnocentrisme, dans lequel la Russie est le centre de l'œcuménisme orthodoxe (et donc chrétien et universel).

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Conclusion

Ainsi, avec les considérations ci-dessus à l'esprit, nous pouvons nous faire une première idée de ce qu'est l'occidentologie. Il s'agit d'une discipline d'étude de l'Occident, qui considère l'Occident comme une civilisation distincte et indépendante ayant des racines communes avec la civilisation russe. L'Occident s'est ensuite opposé à la domination de l'œcuménisme chrétien et a ensuite développé un paradigme anti-chrétien et anti-traditionnel connu sous le nom de Modernité, avec lequel il affronte maintenant la Russie, en l'attaquant directement et indirectement (Napoléon, la guerre de Crimée, la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, la Grande Guerre patriotique), Guerre mondiale, Grande Guerre patriotique, Guerre froide), cette confrontation prend aujourd'hui une forme postmoderne et planétaire (mondialisme, NOM), maintenant que l'Occident revendique de manière obsessionnelle l'universalisme et l'absolutisme dans ses attitudes, ses valeurs, ses philosophies et ses visions du monde.

Il est évident qu'à chaque étape de l'histoire de l'Occident par rapport à l'histoire de la Russie, le contenu de l'occidentologie a varié. De l'unité initiale dans le cadre du Moyen Âge chrétien (où la Russie était initialement présente de manière indirecte, incarnée par la civilisation byzantine), à l'opposition totale et absolue à l'ère de la post-modernité occidentale. Une fois ces conditions limites établies, il est facile de construire une structure de stades intermédiaires, l'antagonisme augmentant régulièrement et l'influence de l'Occident devenant de plus en plus destructrice.

La Russie, qui s'est toujours opposée à l'Occident, n'a pas créé un cadre d'étude des principes de sa civilisation aussi clair et solide que l'Occident. Ce processus s'est plutôt manifesté par vagues. Des périodes de rapprochement avec l'Occident, généralement catastrophiques, ont été suivies de moments de retour aux sources.

Il en découle une conclusion importante : maintenant que nous sommes entrés dans une phase de confrontation aiguë et extrêmement intense avec l'Occident (dans un état de guerre chaude et directe en raison de l'opération militaire spéciale en Ukraine), les sciences sociales, ainsi que la culture, l'éducation, les projets et les efforts sociopolitiques doivent embrasser l'identité de la Russie en tant que civilisation souveraine, ce qui signifie que tout emprunt (philosophie, théorie, école, concept, terme) à la philosophie occidentale ou aux sciences humaines ne devrait être fait que si l'exégèse sémantique de la culture et des sciences de la civilisation occidentale est parfaitement connue. Telle est la tâche principale de l'occidentologie : dépouiller les concepts, les dogmes et les règles de la culture et de la science occidentales (de la postmodernité aux querelles religieuses du Moyen Âge et de la Réforme, en passant par les Temps nouveaux et les principes des Lumières) de leur prétention à l'universalité et mettre en corrélation toute thèse, tout système, toute méthodologie avec les fondements de la civilisation russe et du monde russe.

Il est difficile de saisir l'ampleur des tâches qui incombent à l'occidentalisme. Nous parlons d'une décolonisation épistémologique complète et profonde de la conscience russe et de sa libération de l'influence séculaire d'idées toxiques qui ont fasciné la pensée russe et l'ont assujettie à des systèmes et des visions du monde aliénés.

Mais l'énormité de cette tâche ne doit pas nous décourager. Nous avons de nombreuses générations de grands ancêtres: saints, ascètes, orateurs, anachorètes, moines, tsars, chefs militaires, héros, travailleurs, écrivains, poètes, compositeurs, artistes, acteurs et penseurs qui, pendant des siècles, ont porté l'esprit russe et gardé les codes profonds de notre civilisation russe. Il ne nous reste plus qu'à systématiser leur héritage, à lui donner de nouvelles formes et une nouvelle vie.

Source : Bulletin de l'Université d'État de l'éducation : Bulletin de l'université d'État de l'éducation. Série : Histoire et sciences politiques. 2024. № 3. С. 7-21. DOI: 10.18384/2949-5164-2024-3-7-21

Notes :

[1] Discours de Vladimir Poutine acceptant les lettres de créance de dix-sept ambassadeurs étrangers // Président de la Russie : [site web]. URL : http://www.kremlin.ru/events/president/news/70868 (date d'adresse : 20.05.2024).

[2] Session plénière du Conseil mondial du peuple russe // Président de la Russie : [site web]. URL : http://www.kremlin.ru/events/president/news/72863 (date d'adresse : 20.05.2024).

[3] Décret présidentiel n° 809 du 9 novembre 2022 « Sur l'approbation du principe de la politique d'État pour la préservation et le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes » // GARANT.RU : [website]. URL : https://www.garant.ru/products/ipo/prime/doc/405579061/ (date d'accès : 20.05.2024).

[4] Décret présidentiel russe n° 314 du 08 mai 2024 « Sur l'approbation des principes de la politique d'État de la Fédération de Russie dans le domaine de l'éducation historique » // GARANT.RU : [website]. URL : https:// www.garant.ru/products/ipo/prime/doc/408897564/ (date de publication : 20.05.2024).

[5] Signature des accords sur l'admission des régions DNR, LNR, Zaporozhie et Kherson au sein de la Fédération de Russie // Président de la Russie : [site web]. URL : http://kremlin. ru/events/president/news/69465 (date de l'adresse: 20.05.2024).

[6] Ibid.

[7] Réunion du club de débat international Valdai // Président de la Russie : [site web]. URL : http:// www.kremlin.ru/events/president/news/69695 (date du discours : 20.05.2024).

[8] Beonist A. de. Quelle Europe // Histoire Ebook : [сайт]. URL : https://histoireebook.com/index.php?post/De-Benoist-Alain-Quelle-Europe(date d'accès : 20.05.2024).

[9] Douguine A. G. Ethnosociologie. Moscou : Projet académique, 2011. 639 p.

[10] Douguine A. G. Noomakhia. Sémites. Monothéisme lunaire et Gestalt de Ba'al. Moscou : Projet académique, 2017. 614 p.

[11] Douguine A. G. Noomakhia. Le dragon jaune. Civilisations de l'Extrême-Orient : Chine, Corée, Japon et Indochine. Moscou : Projet académique, 2017. 598 c.

[12] Douguine A. G. Noomakhia. Les guerres de l'esprit. Logos russes II. Histoire de la Russie : le peuple et l'État à la recherche du sujet. Moscou : Projet académique, 2019. 959 c.

[13] Douguine A. G. Noomakhia. Angleterre ou Grande-Bretagne ? Mission maritime et sujet positif. Moscou : Projet académique, 2017. 595 p. ; Douguine A. G. Noomakhia. Les guerres de l'esprit. Civilisations des frontières. Civilisation de la nouvelle lumière. Pragmatique des rêves et décomposition des horizons. Moscou : Projet académique, 2017. 558 p. ; Douguine A. G. Noomakhia. Le Logos germanique. L'homme apophatique. Moscou : Projet académique, 2015. 639 p. ; Douguine A. G. Noomakhia. Le Logos latin. Le soleil et la croix. Moscou : Projet académique, 2021. 719 c. ; Douguine A. G. Noomakhia. Le Logos français. Orphée et Mélusine. Moscou: Projet académique, 2015. 439 c.

[14] Douguine A. G. Noomakhia. Les guerres de l'esprit. Logos russes II. Histoire de la Russie : le peuple et l'État à la recherche du sujet. Moscou : Projet académique, 2019. 959 c.

[15] Douguine A. G. Noomakhia : les guerres de l'esprit. Logos russes I. Le Royaume de la Terre. La structure de l'identité russe. Moscou : Projet académique, 2019. 461 с.

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dimanche, 22 septembre 2024

En matière de post-vérité, les choses ne sont pas si simples

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En matière de post-vérité, les choses ne sont pas si simples

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/sulla-post-verita-le-cose-non-sono-cosi-semplici

Il n'y aura pas de retour à l'« ancienne vérité », c'est-à-dire à la conception matérialiste et rationaliste de la réalité et aux critères de vérité fondés sur la correspondance positiviste entre le sens et le signifiant, comme nous le croyions dans la modernité. Il n'y aura pas et il ne peut y avoir de retour. Nous l'avons dépassée et, bien que nous soyons encore immergés dans la Modernité, nous n'y sommes pas arrivés de notre plein gré, mais nous avons été entraînés par l'Occident, qui nous a proposé de le suivre, mais nous ne pouvons pas le rattraper.

C'est pourquoi nous avons la modernité et eux la postmodernité. Nous avons encore la « vérité » et ils ont la post-vérité et nous devons cligner des yeux... Se contenter de s'enfermer dans le stade précédent du développement occidental et de crier « nous n'irons pas plus loin » ne fonctionnera pas. Nous devons chercher une autre voie. Un chemin vers la vérité, mais un chemin différent. Pas celle à laquelle nous sommes habitués, car non seulement la post-vérité est occidentale, mais la vérité elle-même est occidentale.

Nous avons besoin de la vérité russe.

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Pour la trouver, nous devons remonter loin dans le temps, jusqu'à l'ontologie et la gnoséologie de la vision sacrée du monde, c'est-à-dire jusqu'au Moyen-Âge. C'est ce qu'a suggéré le très perspicace Père Pavel Florensky. Mais même là, il ne s'agit pas d'une vérité matérialiste, mais d'autre chose. La vérité est la correspondance entre notre compréhension d'une chose et la providence divine, que le Créateur a insérée dans la structure de la création. Et la vérité, c'est le Christ. C'est là qu'elle commence et c'est là qu'elle finit.

Inattendu, n'est-ce pas ? Mais il n'y a pas de matière, pas de nature au sens moderne du terme, pas d'atomes, pas de mécanique, pas de rationalité, loin s'en faut. Il n'y a pas non plus de temps linéaire, de progrès et d'évolution. Rien de tout cela n'est vrai. Sommes-nous prêts pour le nouveau Moyen Âge? La question est rhétorique. Bien sûr que non. Elle signifie que des siècles de « modernisation » et de « colonisation mentale » par l'Occident nous empêchent d'accéder à cette vérité.

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Nous pouvons encore faire un bond en avant et créer à partir de rien, de nous-mêmes, une réalité (russe) avec sa propre vérité et ses propres critères, mais ce sera la vérité russe (pour les ennemis - ce sera une autre post-vérité - mais une post-vérité qui leur sera hostile !)

On peut essayer de faire les deux en même temps, mais pouvez-vous imaginer les efforts qu'il faudrait déployer pour aller dans l'une ou l'autre de ces directions en même temps ?

Personne en Russie aujourd'hui n'est prêt pour cela. Nous devons donc nous contenter d'une propagande hâtive, une propagande de type "post-vérité" et jeter la couverture sur nous-mêmes sans honte. Il s'agit d'une réponse réactive, comme tout ce que nous pouvons représenter jusqu'à présent. Peu à peu, nous manquerons de ressources pour moderniser notre défense, c'est-à-dire pour tenter d'opposer à l'Occident quelque chose que nous avons appris de l'Occident, mais qui est dirigé contre l'Occident lui-même.

La vérité russe est différente. Il ne s'agit pas simplement d'une « vérité » occidentale renversée. Ce n'est qu'un simulacre qualifiable d'archi-moderne, bien que très patriotique à un niveau superficiel, mais superficiel et quelque peu honteux pour une grande puissance et encore plus pour un État civilisé.  Il faudra donc s'efforcer de rechercher, voire d'établir la vérité russe. C'est inévitable. Mais il faut d'abord se rendre compte qu'en rejetant la post-vérité des autres, nous ne connaissons pas encore notre propre vérité. Nous l'avons, nous l'avons certainement, mais même une recherche sérieuse n'a pas encore commencé.

mercredi, 18 septembre 2024

Pragmatisme, réalisme, volonté de puissance: les fondamentaux de l'archéofuturisme selon Guillaume Faye

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Pragmatisme, réalisme, volonté de puissance: les fondamentaux de l'archéofuturisme selon Guillaume Faye

Claudio Capo

Source: https://www.facebook.com/claudio.capo.1800

Il ne faut jamais juger un livre à sa couverture, mais l'image d'une technologie indéfinie se découpant sur la toile de fond de l'Erechthéion à l'aube possède en elle-même un pouvoir évocateur extraordinaire. Se plaçant dans le sillage de la philosophie du dépassement et de la « fidélité à la terre » de Nietzsche, Guillaume Faye déclenche une violente tempête idéologique contre la morale égalitaire et humaniste. L'archéofuturisme est le coup de tonnerre qui fend le ciel de la modernité. Synthétisant pragmatisme, réalisme et volonté de puissance, le penseur français aboutit à une formulation politico-idéologique mobilisatrice.

Pour Faye, la civilisation actuelle ne peut pas durer. Ses fondements sont en décalage avec la réalité. L'idéologie hégémonique, épuisée et sclérosée, n'a plus rien à dire et s'achemine vers une « convergence de catastrophes » destinée à décréter son échec. La modernité, blessée et moribonde, se dissimule pour tenter d'effectuer un « dernier tour de manège », tandis que tout rapport concret au monde est vidé de son sens et remplacé par un simulacre - référence très appropriée à Baudrillard. Pour sortir de ce cercle vicieux, Faye affirme la nécessité d'extraire continuellement le pouvoir du monde, en l'orientant vers la réalisation d'une pensée radicale et révolutionnaire capable de subvertir toutes les valeurs établies.

L'archéofuturisme est la déclinaison politique du « constructivisme vitaliste », une tentative philosophique de concilier les avancées de la technoscience avec un retour à des visions du monde qui remontent à la nuit des temps. La synthèse entre l'archaïque et le futuriste est la voie principale de la renaissance de l'Europe : tandis que le premier lemme du syntagme se réfère au fondement biologique et anthropologique des peuples indo-européens, le second incarne leur idiome distinctif de la création, de l'invention permanente. Paraphrasant Heidegger, Faye veut traverser le sentier de la forêt et affronter de nouveaux dangers : la logique du recul, de l'arrêt ou de la continuation progressive du présent n'est pas envisagée.

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Téchne et l'Europe sont intrinsèquement inséparables, mais leur union est en soi insuffisante. La technologie, isolée, n'est pas décisive : ce n'est que si elle est guidée par un axe directionnel enraciné dans les valeurs de la tradition et dans l'élan archaïque des peuples qu'elle peut devenir le facteur décisif pour repenser la civilisation dans une perspective authentiquement européenne. Seule une mentalité authentiquement néo-archaïque, aristocratique et inégalitaire permettrait d'exploiter pleinement les potentialités aujourd'hui bridées - parmi beaucoup d'autres, Faye met l'accent sur un eugénisme positif visant à l'amélioration biologique et héréditaire de l'espèce.

La technique doit être greffée sur des bases immuables : ce n'est qu'ainsi que son enrichissement indéfini est souhaitable. Il ne faut pas renforcer l'archaïque, ni le conserver dans ses formes historiques, ni le déformer pour le fétichisme du progrès.

Il n'y a pas de différence qualitative entre une trirème grecque naviguant dans la mer Égée et les missions spatiales Apollo, pas de fossé ontologique entre un bâton pointu et un missile intercontinental. La différence réside dans le degré de puissance qu'ils sont capables d'exploiter et d'exprimer.

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L'avenir de la technologie européenne sera d'autant plus brillant que le retour aux racines obscures de l'archaïque sera profond. C'est pourquoi Faye propose une double approche : d'une part, une épistémologie de la technique qui favorise la déflagration des cadres égalitaires ; d'autre part, la redécouverte des dieux qui habitent la terre et des hommes qui la fécondent. Apollon et Dionysos, ensemble, pour construire l'avenir d'une Europe déployée sur quatorze méridiens.

« Nous, descendants de peuples apparentés, avons la chance de partager un espace potentiel qui pourrait devenir pour nos enfants ce dont Charles Quint a rêvé, sans pouvoir le préserver : « L'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Quand il est midi à Brest, il est deux heures du matin sur le détroit de Béring. C'est un idéal, peut-être l'un des rares qu'il nous reste en ces temps de pessimisme et de noirceur : construire notre Empire, c'est le rêve qui nous taraude ».

 

vendredi, 13 septembre 2024

Lacan et le « trumpisme psychédélique »

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Lacan et le « trumpisme psychédélique »

Alexandre Douguine

La méthode de Lacan

Essayons d'appliquer la topologie de Lacan aux élections américaines.

Rappelons le modèle de base de Lacan. Il peut être représenté sous la forme de trois anneaux de Borromée ou de trois ordres :

  1. 1) Le réel,
  2. 2) Le symbolique,
  3. 3) L'imaginaire.

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Le réel est le domaine où toute chose est strictement identique à elle-même. Cette identité absolue (A=A) exclut la possibilité même d'être, c'est-à-dire d'être en devenir. Le Réel est donc une zone de pure mort, de néant. Il n'y a pas de changement, de mouvement ou de relation en lui. Le Réel est vrai, comme le néant est vrai, n'ayant pas d'alternative.

Le Symbolique est la zone où rien n'est égal à lui-même, où une chose renvoie toujours à une autre. C'est une fuite du réel, motivée par le désir d'éviter la mort et la chute dans le néant. C'est là que naissent les contenus, les relations, les mouvements, les transformations, mais toujours sur le mode du rêve. Le symbolique est l'inconscient. Le sens du symbole est qu'il désigne quelque chose de différent de lui-même (en fait, peu importe ce que c'est, l'essentiel est que ce ne soit pas lui-même).

L'imaginaire est le lieu où s'arrêtent la dynamique et la cinétique du symbolique, mais sans que la chose ne meure, ne s'effondre dans le réel. L'Imaginaire, c'est ce que nous prenons pour l'être, le monde, nous-mêmes ; c'est la nature et la société, la culture et la politique. C'est tout, et en même temps c'est un mensonge. Chaque élément de l'imaginaire est en fait un moment figé du symbolique. L'éveil est une forme de sommeil, inconscient de lui-même. Tout dans l'Imaginaire se réfère au Symbolique, mais se fait passer pour un prétendu « Réel ».

Dans le Réel, A=A est vrai. Dans l'Imaginaire, A=A est faux. Dans l'Imaginaire, chaque chose n'est pas identique à elle-même, mais contrairement au Symbolique, elle ne veut pas l'admettre - ni à elle-même, ni aux autres.

Le Réel n'est rien. Le Symbolique est un devenir toujours changeant. L'imaginaire est le faux nœud du Symbolique figé.

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Lacan et la politique

Lacan lui-même était bien conscient que le modèle des trois ordres jetait une ombre sur la stratégie de base du réformisme, du progressisme et de la révolution. Ce n'est pas un hasard si, dans sa jeunesse, il était de droite et monarchiste, proche de Maurras. Et dans les années 60, il a soutenu, contrairement à la « nouvelle gauche », plutôt le statu quo et le système de De Gaulle. Ceci n'est pas un hasard, mais découle du modèle des trois anneaux de Borromée.

La Nouvelle Gauche révolutionnaire (telle qu'interprétée par Lacan) voulait remplacer le Symbolique (le surréel, le schizophrénique, le transgressif) par l'Imaginaire (les anciennes structures sociopolitiques, l'ordre en tant que tel). Ils ont fait un usage utilitaire de Lacan - le freudisme ironique a aidé à effondrer les prétentions de l'Imaginaire (Ordre) à être complet et logique (A=A), alors qu'il n'était, en fait, qu'un moment figé de délire. Mais ils ont négligé le fait que dès que l'ancien Imaginaire s'effondre ou fond sous la pression de la critique (politique, esthétique, sociale, épistémologique, etc.), le Symbolique lui-même ne peut pas prendre sa place. Il deviendrait aussitôt un nouvel Imaginaire, tout aussi totalitaire, dictatorial et idiot.

Lacan lui-même en a vu des exemples partout, notamment dans le bolchevisme soviétique. Les bolcheviks ont commencé par un appel à la liberté et à l'égalité, et se sont rapidement transformés en une hiérarchie de parti rigide avec un appareil de violence totalitaire. Mais la même chose s'est produite avec Cromwell ou la Grande Révolution française. Le symbolique ne conserve ses propriétés que lorsqu'il reste au niveau de l'inconscient, dans l'élément du sommeil. Lorsqu'il remonte à la surface, il se transforme immédiatement en Imaginaire. Au fond, c'est la même chose, mais sous de nouvelles formes. Ces formes renvoient elles-mêmes au Symbolique, d'où elles viennent. Mais c'est une propriété de tous les systèmes de l'Imaginaire - il fut un temps (jusqu'à ce qu'ils se figent) où ils étaient tous symboliques, vivants et changeants.

Ainsi, le révolutionnaire d'aujourd'hui est le totalitaire de demain, le fonctionnaire brutal et l'exécuteur de la violence. La réforme (dans le contexte de l'ontologie des trois anneaux de Borromée) n'est pas possible parce qu'elle aboutira à la même chose. Le Symbolique n'est pas capable de remplacer l'Imaginaire, jamais et dans aucune condition.

C'est ce que croyait Lacan, et cette conclusion découle directement de son système.

Kamala Harris et le Symbolique

Venons-en maintenant aux élections américaines. Nous assistons à un affrontement féroce entre « progressistes » (Kamala Harris, le Parti démocrate) et « conservateurs » (Trump et les Républicains). Dans une analyse lacanienne, à première vue, les rôles sont clairement distribués : Kamala Harris incarne l'invitation à la transgression, la légalisation de la perversion, la libération de tous les interdits et de toutes les normes, c'est-à-dire l'expansion de la zone du Symbolique. Le programme des démocrates est une structure de non-sens bien tempéré - plus de LGBT, plus de culture de l'annulation, plus de migrants illégaux, plus de drogues et d'opérations de changement de sexe, plus de décommodification des anciens ordres, plus de BLM et de théorie raciale critique.  Plus de honte pour les hommes blancs, normaux, mentalement épanouis, puissants, patriarcaux et traditionnels, parallèlement à l'élévation des femmes, des body positifs, des transsexuels, des pervers, des furries, des quadras, des infirmes, des pédophiles, des maniaques, des cannibales et des dégénérés. En d'autres termes, liberté au subconscient! La Machine à Désir en tant qu'usine de micro-incarnations doit remplacer l'Imaginaire.

Et bien sûr, l'Imaginaire principal, ridiculisé et attaqué de toutes parts et par toutes les méthodes disponibles, est Donald Trump - l'archétype généralisé de la « non-liberté », des « hiérarchies », de la « rationalité masculine », etc.

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Kamala Harris - représente le Symbolique, d'où son discours étrange, son rire interminable, glacial et dépourvu de sens, sa gestuelle confuse, inarticulée, expressive, désignant à chaque fois clairement quelque chose d'intuitif mais d'indéfinissable. Kamala Harris est une figure du rêve actif. En elle, le fidèle voit l'impossible devenir possible, et une chose se fondre imperceptiblement dans une autre. Mais ce faisant, tout est flou, brouillé. C'est le « progrès ». Le blanc est devenu noir. Autrefois capitalistes, ils sont devenus n'importe quoi (« cassez les magasins, c'est la loi ! »). Les hommes et les femmes sont devenus de vagues objets de désir (le petit « a » de Lacan), évitant toujours la fixation.

En d'autres termes, au mépris des avertissements de Lacan sur l'immuabilité de la structure des anneaux de Borromée, le Parti démocrate tente activement de démolir l'Imaginaire américain, et se montre désireux de le remplacer par le Symbolique.

Une déformation totalitaire du libéralisme

Mais... Lacan a mieux compris son système que sa progéniture illégitime d'obédience gaucho-libérale. On s'en aperçoit aisément dès lors que l'on s'extrait un peu de l'hypnose progressiste. C'est une chose quand l'homosexualité et les autres perversions sont des choses interdites, mal vues, persécutées. Alors, en effet, elle appartient au Symbolique. Mais si ces choses sont légalisées, elles changent immédiatement de nature, devenant une norme prescriptive, une loi, un impératif totalitaire rigide. En d'autres termes, les perversions autorisées deviennent un Imaginaire, un facteur figé, limitatif et nullement libérateur pour le Symbolique.

Il en va de même pour toutes les autres perversions légalisées et l'anomie. La théorie raciale critique n'est pas différente du racisme, mais cette fois-ci, elle est anti-blanche. Le féminisme conduit logiquement à la dégradation systémique de la masculinité, à la transformation des hommes en êtres humains de seconde zone. La haine de tout ce qui est progressiste contre tout ce qui est conservateur (réactionnaire) fait que le traditionaliste est persécuté, opprimé, continuellement insulté par la « minorité ». Les victimes du génocide deviennent elles-mêmes des exterminateurs de masse et des persécuteurs.

L'imaginaire ne peut être défait. Cette vérité est prouvée par les dernières mutations du libéralisme et du gauchisme (car le gauchisme a été traduit à tous ses stades et dans toutes ses versions). Le libéralisme devient normatif, et donc totalitaire. Non seulement on peut être queer (pas comme tout le monde), mais on est obligé de l'être (il se trouve qu'on est obligé d'être comme tout le monde). Au niveau du Symbolique, c'est parfaitement cohérent, puisque le décalage est ici la règle (l'algorithme du rêve ou du délire). Mais au niveau de l'Imaginaire, de la linéarité et de la stricte prescriptivité, même le queer (notamment la légalisation du mariage homosexuel et autres perversions) devient à son tour objet de critique - le tout du même côté, du Symbolique.

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Trumpisme psychédélique et rêves de droite

Mais où trouver un lieu pour attaquer l'Imaginaire libéral figé, devenu totalitarisme pur et dur ? La réponse est évidente : dans le pôle opposé. Nous pourrions l'appeler le Symbolique trumpiste. Dès la première campagne présidentielle de Trump, nous avons vu des signes de cette stratégie dans l'alt-right, sur 4chan, dans le mème Pepe the Frog, dans la conspiration reptiloïde, dans la magie du chaos et dans les théories délirantes des Q-anons. Nous pouvons conventionnellement, avec quelques modifications, l'appeler le « Trumpisme ésotérique » ou même plus précisément le « Trumpisme psychédélique ».

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Si les Démocrates et leurs pratiques transgressives sont devenus l'Imaginaire, c'est-à-dire le complexe coercitif totalitaire figé des stratégies de pouvoir prescriptives, alors la critique psychanalytique par le Symbolique s'est naturellement centrée sur les Républicains. Pas tous, bien sûr, mais les plus libérés, les plus « désaxés » et les plus délirants.

Et c'est là qu'apparaît une image intéressante. Le pouvoir aux mains du Parti démocrate et des néoconservateurs qui lui sont proches dans le secteur droit, en fait les porteurs de l'Imaginaire, c'est-à-dire de l'ordre mondialiste. Et le progressisme, synonyme de Symbolique, entre en conflit avec le totalitarisme figé dans la course effrénée des Démocrates au pouvoir. Et tandis que dans les récits des démocrates, l'imaginaire est Trump, sa femme Melania, les républicains et l'Amérique paléo-libérale en général, dans le système global, l'imaginaire aujourd'hui est plutôt les démocrates eux-mêmes, qui se frayent un chemin vers le pouvoir. Kamala Harris est une protégée du système organisé rigide, de l'État profond. Elle n'est pas un organisme, mais un mécanisme, un maillon de la verticale du pouvoir. C'est ainsi que se manifeste l'ordre de l'Imaginaire. Les appels au Symbolique ne le voilent que faiblement.

Mais seul le « Trumpisme psychédélique », qui assume de plus en plus les fonctions du Symbolique, peut le reconnaître et donner forme et dynamisme au discours critique.

Une telle analyse explique parfaitement le choix de J. D. Vance comme colistier, voire successeur, potentiel de Trump dans sa lutte idéologique contre le Marais libéral. Vance n'est plus du tout Imaginaire, mais purement Symbolique. Il est ouvertement orienté vers le champ extravagant - purement psychédélique - de la droite post-libérale, c'est-à-dire l'univers chaotique de l'alt-right proprement dit. Peter Thiel, Curtis Yarvin (Maldbog), le brillant philosophe français René Girard (auteur d'ouvrages sur la violence sacrée) sont les figures atypiques par excellence des républicains de droite classiques, qui ne peuvent être dessinées pour illustrer l'Imaginaire (qui est soi-disant ce que les progressistes tentent de détruire - « au nom du Symbolique »). La stratégie psychanalytique des Démocrates échoue sur Vance, puisque Vance lui-même est le pôle du Symbolique de la droite atypique. Il est possible qu'il s'en rende compte lui-même et qu'il connaisse Lacan. C'est pourquoi le choix de Vance comme vice-président est un mouvement crucial dans la campagne de Trump. Une fois de plus, la magie du chaos, c'est-à-dire l'anneau de Borromée, conjuguée aux éléments de l'onirisme et des psychédéliques, est de son côté. Mais cette fois, c'est plus complet et plus systématique.

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En même temps, si l'on s'en tient strictement à Lacan, la connexion Trump-Vance est la plus harmonieuse et la plus prometteuse. Chez Trump, en effet, il y a l'Imaginaire qui séduit l'électorat de droite. Mais il est complété par le postmodernisme de droite, la critique sociale et le délire libératoire sous la forme du « Trumpisme psychédélique » et de Vance proprement dit. Le mode rationnel du jour, qui est inévitable pour tout gouvernement et qui, dans le cas de Trump, est transparent et non contradictoire, est contrebalancé par un mode nocturne de rêve libéré (de droite).

La transgression à droite

On pourrait tirer bien d'autres conclusions de cette application du modèle de Lacan à l'élection américaine à venir.

Tout d'abord, elle explique parfaitement le caractère totalitaire du libéralisme mondialiste contemporain, qu'il n'est plus possible d'ignorer. La tentative de remplacer l'Imaginaire par le Symbolique est vouée à l'échec, mais ne peut que donner naissance à un nouvel Imaginaire, encore plus aliéné, agressif, intolérant et violent. D'où le phénomène du « fascisme libéral ».

D'autre part, le phénomène du « Trumpisme psychédélique » lui-même n'est pas une anomalie marginale, mais une stratégie tout à fait sensée et même pragmatique. Si toutes sortes de perversions et de pathologies sont autorisées, mais que la Tradition est interdite, alors la volonté de vivre et la dynamique du Symbolique insuffleront une énergie énorme aux espèces et aux attitudes sexuelles normales, et l'envie de Tradition deviendra révolutionnaire . Si la Tradition est interdite, cela suffit à en faire un objet de désir passionné. Les progressistes figent la vie sociopolitique et culturelle, l'aliènent. Et l'anticonformisme de droite devient alors la nouvelle contre-culture.

Qui gagnera les élections ? Difficile à dire, mais l'attitude de base de l'élite totalitaire agressive, qui mise sur les minorités, peut échouer, car en supprimant le statut de l'interdit de la déviation, le centre d'attraction devient automatiquement la normalité qui est par essence interdite par la loi. Et si, dans l'ordre de l'Imaginaire, la norme se situe dans le territoire du « passé » - ce qui était avant les progressistes, avant les libéraux, alors, dans l'ordre du Symbolique, la norme se situe dans le « futur ». La norme est ce qui est réprimé et interdit aujourd'hui et qui, comme le fruit défendu, aspire à la victoire demain. Les conservateurs ont généralement un problème avec l'avenir. Le « Trumpisme psychédélique » apporte une réponse originale à ce problème, en faisant passer l'inconscient et même les pratiques de transgression du côté de la droite, et en s'appropriant ainsi le territoire de l'avenir.

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Attention au néant

Une dernière chose. On remarquera que nous n'avons pas du tout abordé le sujet d'un autre anneau borroméen : l'ordre du Réel.

Ici, les progressistes tentent un difficile saut périlleux : en normalisant le Symbolique, ils essaient de supprimer le problème de la tension entre celui-ci et le Réel. Ils espèrent ainsi inclure le néant (la mort) dans la sphère de leur propre contrôle, plutôt que de l'exclure. C'est probablement le but de l'IA, de la migration dans le cyberespace et de la Singularité, où l'identité de la machine et de l'homme machinisé ne créera plus les flux traumatiques qui animent l'inconscient (le Symbolique). Si le Symbolique (comme le croient naïvement les progressistes) a déjà supplanté l'Imaginaire, alors le problème de la confrontation avec le Réel est écarté. La mort et l'horreur qui en découle ne peuvent être vaincues qu'en abolissant la vie. D'où l'orientation vers le transhumanisme et l'immortalité mécanique. Ce thème est développé dans le réalisme spéculatif.

La réalisation du projet ontologique du parti démocrate conduit inévitablement à l'abolition de l'homme.

Cette élection américaine décidera du sort de l'humanité - to be or not to be. La victoire de Trump maintiendra les trois anneaux de Borromée dans un équilibre relatif. Une victoire de Harris pourrait signifier leur fracture irréversible.

Et ici, nous devrions finalement dire que pour Lacan, les anneaux de Borromée et les trois ordres sont l'homme.

lundi, 02 septembre 2024

Cercle herméneutique et victoire russe - Alexandre Douguine

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Cercle herméneutique et victoire russe

Alexandre Douguine

Il existe un concept de cercle herméneutique en philosophie. Sa signification remonte aux idées de Schleiermacher, puis de Dilthey, et a été développée par Heidegger et Gadamer. L'essentiel est que la connaissance présuppose la connaissance à la fois du tout et de ses parties. Or, au départ, l'homme ne reçoit ni l'un ni l'autre. De plus, il est impossible de connaître la partie sans le tout, et le tout n'existe pas sans les parties (sinon, pourquoi est-il entier et entier par rapport à quoi?). Cette apparente impasse est résolue de la manière suivante. Tout commence par une approximation. Faisons une approximation de la partie et du tout. Deux taches de Rorschach. Et nous commençons avec prudence et sans conclusions hâtives à les relier l'une à l'autre. Une approximation avec une autre, encore et encore, jusqu'à ce que, s'influençant mutuellement et corrigeant l'imprécision de l'une et de l'autre, elles acquièrent des contours plus clairs. C'est le cercle herméneutique, les mouvements circulaires répétitifs autour du noyau afin de décrire la structure de la périphérie et du centre. En d'autres termes, le tout et la partie sont connus dans le processus de leur corrélation circulaire, passant de l'approximation à la clarté.

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Heidegger a utilisé cette méthode à plusieurs reprises, en posant la même question à l'infini et en tournant autour du centre toujours insaisissable et de la périphérie floue.

Il convient d'être prudent en essayant de formaliser la méthode. Il est facile de passer à côté de la subtile démarche philosophique qui consiste à saisir ce qui est un tout et ce qui est une partie. L'herméneutique s'appuie sur Aristote et est profondément liée à la phénoménologie (comme Dilthey l'a découvert lorsqu'il a pris connaissance des idées de Husserl). Dès que nous interprétons le tout et la partie en dehors de l'ontologie aristotélicienne (par exemple, par l'atomisme ou le matérialisme), tout est perdu. C'est pourquoi la pratique herméneutique requiert une culture philosophique particulière.

Appliquons maintenant le principe du cercle herméneutique à la Victoire. La victoire dans la guerre avec l'Occident en Ukraine est une fin et un moyen. L'exclusivité de la signification de (cette) victoire dans l'histoire russe nous amène à considérer l'État russe actuel comme un outil, une méthode. En d'autres termes, la Fédération de Russie moderne fait partie de la Victoire, elle en est la condition. La victoire est le point de départ de l'avenir. Le passé et le présent ne sont que des prolégomènes à l'avenir. Et Aristote de rappeler que la cause principale est la cause finale, causa finalis. La victoire en Ukraine est l'entéléchie de l'histoire politique russe, elle est la raison d'être de tout le reste. De Vladimir Krasnaya Solnyshko à la Victoire, de Kiev à Kiev.

La Victoire est plus que la Fédération de Russie dans son ensemble, parce que la Victoire est l'essence de la Russie dans sa totalité. La Fédération de Russie n'est qu'une partie de la Victoire. La Victoire est le tout. C'est le destin et la fin, le triomphe.

Pour atteindre la Victoire, il est nécessaire d'adapter la Fédération de Russie à celle-ci. C'est ce qui se passe actuellement. Et cela se passe à la fois correctement et incorrectement. C'est correct lorsque nous considérons la victoire comme un objectif et un tout, et la Fédération de Russie elle-même - comme un moyen et une partie, comme un moment distinct de notre histoire politique. Elle est erronée lorsque nous partons de la Fédération de Russie comme d'un tout et que nous absolutisons le statu quo, en mettant entre parenthèses le véritable ensemble de l'histoire russe. Un moment de l'histoire politique est exagérément gonflé et éclipse l'être de la Russie (le tout). En passant du mal au bien, la victoire vient à nous. Nous la rapprochons de nous. C'est l'herméneutique de la guerre.

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Le droit signifie reconstruire l'État pour la victoire, et lorsqu'il cesse d'être une partie et devient tout, l'État, au contraire, cesse d'être tout et une fin en soi et devient un moyen et un chemin vers la victoire, alors quelque chose de nouveau sera construit - l'État de la Victoire. C'est alors que nous gagnerons.

Et c'est là que s'opère un nouveau tournant herméneutique. La victoire sera le fondement d'un nouvel État russe. Seule une nouvelle Russie peut gagner, et c'est elle qui éclatera après la victoire. Désormais, la victoire elle-même fera partie de l'avenir, elle sera un moment de l'ensemble. Le nouvel État sera un phénomène encore plus intégral, un nouveau noyau et un centre absolu.

En d'autres termes, la victoire est un pont entre le passé (y compris le présent, qui se détériore rapidement et recule dans le passé) et l'avenir. Et plus la Victoire se réalise, plus le temps devient russe.

La Fédération de Russie n'est pas une Russie à part entière. Elle est une partie de la Russie - dans le temps et dans l'espace. La victoire en Ukraine devrait transformer la partie en un tout, pour faire de la Russie la Russie au sens plein du terme. Et il ne s'agit pas seulement de territoires, de population, de stratégie et de géopolitique. Il s'agit du cercle herméneutique de toute l'histoire russe. C'est la solution au problème métaphysique du destin russe.

samedi, 24 août 2024

Anciennes aspirations - nouveaux concepts - Pour une révolution conservatrice !

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Anciennes aspirations - nouveaux concepts

Pour une révolution conservatrice !

Werner Olles

La lecture de livres qui peuvent paraître « désagréables » au premier abord ouvre parfois la voie à des idées provocatrices et rafraîchissantes. C'est ce qui m'est arrivé après la lecture de la biographie due à la plume de Werner Bräuninger et intitulée « Kühnen. Un destin allemand ». Il s'agit de retracer le bref itinéraire d'un jeune néo-nazi qui, dans les années 1970 et 1980, a fait sensation en menant des actions spectaculaires en faveur de la légalisation du NSDAP en RFA, a passé près de huit ans dans les prisons de la République et est décédé en 1991, à l'âge de 34 ans, des suites d'une infection par le HIV, après que son « mouvement » s'est émietté en raison de son homosexualité, qu'il a d'abord cachée et qu'il n'a avouée que relativement tard.

J'ai fait sa connaissance à la fin des années 1980, alors qu'il emménageait avec quelques fidèles dans une maison individuelle située juste au coin de la rue, chez nous, à la périphérie de Francfort. J'ai fait la connaissance de Michael Kühnen, un homme modeste, plutôt introverti et amical, et nous avons passé des nuits entières à discuter, parfois de manière émotionnelle, sans que le national-révolutionnaire que je suis ne parvienne à convaincre le national-socialiste qu'il était, ni l'inverse. Cependant, à la fin de nos débats, il était capable d'admettre qu'un nouveau national-socialisme n'était concevable que sans exterminations raciales et guerres d'extermination. Bien des décennies plus tard, je pense que la fascination qu'exerçait cet homme n'avait pas grand-chose à voir avec son idéologie politique, mais plutôt avec son esprit de résistance déterminé, aussi tordu qu'il ait pu être. Un compte-rendu détaillé et adapté à l'homme et au sujet du livre de Werner Bräuninger « Kühnen. Un destin allemand. La biographie » est déjà en préparation et sera publié en temps voulu.

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La réaction de certaines publications semi-droitières et conservatrices auxquelles j'ai proposé une recension et qui l'ont systématiquement refusée m'a paru d'autant plus douteuse. Il ne s'agissait en effet pas de réhabiliter le nazisme, mais de présenter de manière objective un homme intéressant et son destin tragique. Car une chose est claire: le nazisme est une branche pourrie de l'histoire allemande, sur laquelle personne ne devrait s'asseoir au risque de tomber. Une critique détaillée du livre de Werner Bräuninger « Kühnen. Un destin allemand. La biographie » est donc déjà en préparation.

En effet, des concepts entièrement nouveaux sont aujourd'hui nécessaires comme base, avant que notre actuelle décadence néo-primitiviste ne nous étouffe avec ses pseudo-sciences (études de genre, toutes sortes de kitsch médiatique, social et politique, etc.) enseignées dans nos « universités » délabrées, qui servent désormais de réceptacle à des personnages des deux sexes ne voulant pas grandir, demeurant infantiles et irresponsables, à des sous-doués en masse et à des nouveaux riches à la fois ignorants et arrogants, dont les ambitions sont inversement proportionnelles à leur talent et à leur intelligence.

Pour nous, en tant que "droite authentique", sont en revanche pertinents un traditionalisme positif, un regard lucide sur la triste réalité, la lutte contre l'ethnomasochisme woke qui va désormais jusqu'au suicide ethnique, contre la droite assimilationniste et la gauche cosmopolite arc-en-ciel, toutes deux complices du système et contre la dérive vers le tout intellectuel. La thèse, trop peu pensée et débattue jusqu'à présent, selon laquelle notre « résistance » est entre-temps déjà elle-même plus ou moins volontairement intégrée dans le « système », doit être discutée ouvertement, tout comme l'ancienne/nouvelle aspiration anticapitaliste de toujours, qui doit encore être ancrée dans le réel, une combinaison rationnelle des concepts d'Alexandre Douguine, Diego Fusaro et Guillaume Faye, à la fois archéofuturistes et occidentaux-chrétiens-traditionalistes, afin de combiner au mieux l'Antiquité de la Grèce et de Rome avec un avenir lumineux pour la classe ouvrière, les artisans autarciques, pour l'intelligence technique et les penseurs organiques.

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Nous devons nous rendre à l'évidence, et cela sans illusion, que l'Allemagne et l'Europe sont engagées dans la plus grande lutte existentielle de leur histoire, la détermination des principaux ennemis (les Etats-Unis, l'islamisation, l'antifa, le complexe politico-médiatique et/ou l'immigration/envahissement de masse?) - car j'ai tendance à considérer la tolérance active et passive et la facilitation de l'envahissement par les étrangers, de l'islamisation et de l'accaparement des terres par la clique politico-médiatique au pouvoir comme le principal mal qui a détruit durablement notre patrie -, tandis que les États-Unis - selon Guillaume Faye, qui contredit ou ré-interprète le concept d'« Eurasie » de Douguine, préférant parler d'« Eurorussie, d'État-nation impérial s'étendant de Lisbonne à Vladivostock », sont certes notre adversaire, mais ne sont pas l'ennemi principal en tant qu'« enfant prodigue de l'Europe », ce qui n'est évidemment pas le cas de l'Amérique latine. D'autre part, nous devons reconnaître que l'UE est un projet de l'impérialisme américain et du libéralisme mondial visant à détruire la Russie, c'est pourquoi nous sommes clairement favorables à l'élection de l'anti-mondialiste Trump, qui, comme Poutine, ne prend plus l'UE au sérieux depuis longtemps.

Il faut toutefois veiller à ne pas remplacer un hégémon par un autre, par exemple la dictature chinoise, qui, contrairement à la Russie, est elle-même soumise depuis longtemps à la logique du système mondialiste et matérialiste. Nous plaidons résolument pour l'abandon de l'obsession antisémite stupide et primitive de l'ancienne et de la nouvelle droite, au profit d'un nationalisme culturel qui considère la couleur de peau, l'origine, la religion et la race comme secondaires, et pour lequel il est plus important que ses partisans s'engagent en faveur de la démocratie directe, de la souveraineté et de la tradition de l'Europe et de ses États-nations, et contre le transatlantisme. Cela implique également une critique du concept obsolète d'« apartheid total », évoqué autrefois par Guillaume Faye, et nous devrions plutôt envisager un « apartheid modéré à visage humain ».

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Mais nous devons également rejeter le soi-disant « anarcho-capitalisme » des paléolibéraux, qui réclament l'abolition totale de l'État au profit d'une économie de marché radicalement libre. En fait, nous n'avons pas trop de réglementations aujourd'hui, mais seulement des mauvaises. Les grandes entreprises qui dominent le marché et les puissantes sociétés financières mondiales, qui détiennent déjà plus de pouvoir économique et politique que les gouvernements nationaux, peuvent être transformées en propriétés d'utilité publique et, en cas de doute, être socialisées. En tant qu'étatistes, nous nous prononçons en faveur d'un État fort à tous les niveaux politiques et sociaux, qui garantisse la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur et qui, dans l'esprit de la doctrine catholique de la subsidiarité, accorde également son soutien solidaire aux citoyens de la communauté nationale qui sont faibles, malades, âgés, handicapés et qui se trouvent dans le besoin sans qu'on puisse leur en vouloir.

Nous voulons promouvoir une politique familiale productive et une vie économique dans laquelle l'économie sociale de marché mélangée à des éléments coopératifs et corporatistes offre des possibilités de promotion à tous les citoyens, à côté d'un système éducatif qui est perméable et qui donne la priorité à la promotion du talent et du travail, indépendamment de l'origine sociale.

La véritable culture étant toujours l'affaire de l'individu, et non de la masse ou d'une élite, nous nous référons à cet égard à un aphorisme de Karl Kraus: « Je demande à ma ville l'électricité, l'eau et les égouts. Pour ce qui est de la culture, je la possède déjà!». Avec cette mesure, nous mettons également fin aux innombrables projets « culturels » de gauche totalement inutiles, qui coûtent des millions et des millions d'euros au contribuable ordinaire, mais dont le seul but est de fournir des postes à une petite clique de profiteurs gauchistes-verts, de leur procurer de l'argent et de l'influence politique et de pérenniser le lien entre le politique et le culturel avec les milieux criminels et terroristes de la soi-disant mouvance « Antifa », avec les bandes criminelles de passeurs qui empêchent l'expulsion des clans islamistes orientaux, hautement criminels, ainsi que de tous les délinquants non allemands. Parallèlement, il faut mettre fin au plus vite à la dilapidation de la citoyenneté allemande et appliquer des critères stricts pour son attribution. La double nationalité doit rester une exception absolue et justifiée.

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Nous exigeons la reconnaissance systématique des faits patents que sont la « convergence des catastrophes et la colonisation de l'Europe » (Faye), y compris toutes les conséquences qui en découlent. Nous reconnaissons la rupture complète avec le christianisme catholique post-conciliaire issu de Vatican II - le protestantisme étant de toute façon obsolète, à l'exception d'infimes résidus - et le retour au christianisme européen traditionnel et - de manière critique et solidaire - à l'orthodoxie canonique. En fait, selon Guillaume Faye, « un païen pur et dur s'opposera toujours à ce qu'un minaret remplace un clocher. Un dignitaire de l'Église moderniste, en revanche, sera d'accord avec cette substitution ! ».

Il y a donc suffisamment à faire pour une droite authentique et sans œillères, dont font naturellement partie les métapoliticiens qui se considèrent comme des intellectuels organiques. Le mot d'ordre d'Alexandre Soljenitsyne : « Ne vivez pas avec le mensonge ! » devrait être considéré comme le minimum de notre résistance à un système qui n'est plus réformable. Il n'y a rien à ajouter à son hypothèse selon laquelle les systèmes totalitaires s'effondreront si suffisamment de citoyens surmontent leur timidité et leurs peurs et refusent de se soumettre à l'ineptie idéologique woke, à la propagande éhontée et aux mensonges imposés par l'État. Le bavardage pseudo-intellectuel et la prétendue « métapolitique » ne sont que des substituts révolutionnaires et néo-ecclésiastiques pour les jeunes gens et jeunes filles de droite et de gauche qui se montent le col de manière obstinée ou qui insultent leur raison en fuyant béatement la réalité actuelle, certes peu reluisante. Qu'il s'agisse d'homosexualité de droite ou de gauche, tous ces enfantillages doivent être abandonnés.

On pourra alors enfin voir la situation clairement, parler cru, s'épargner le kitsch pontifiant, clore le bec des bavards et réduire en poussière leur "cérébralité". La situation doit être résumée comme suit: la connaissance n'est pas toujours automatiquement synonyme de plaisir. Ne s'est-on pas assez fourvoyé dans la vie, qui est si incroyablement courte? Il faut donc avoir soif de connaissance et sentir les faits, car la vie est trop courte pour les jeux politiques, c'est la réalité qui frappe à la porte qui doit nous intéresser, strictement selon la coutume. Écoutons Hans Albers et son magnifique « La Paloma » ou chantons « Le ciel d'Espagne » - même s'il s'agit d'une chanson de combat communiste de la guerre civile espagnole, pour compenser, on peut ensuite entonner « Cara el Sol » - plutôt que de gâcher la soirée avec les tourments intellos des muses autoproclamées. Nous avons Marx à lire, Adorno, Marcuse, Hans-Jürgen Krahl, Mohler, Günter Maschke et Frank Böckelmann, Carl Schmitt, Diego Fusaro, Guillaume Faye, Julius Evola, Gilbert K. Chesterton, Ivan Ilyine, Vladimir Soloviev, Fiodor Dostoïevski, Alexandr et Darya Douguine, Hilaire Belloc, Tilman Nagel, Spengler, Moeller van den Bruck, Gottfried Benn, Jean Raspail, Georges Sorel, Richard Millet, Robert Brasillach, Armin Mohler, Dávila et Dominique Venner, pour ne citer que quelques-uns des principaux auteurs.

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Les petits malins de la "nouvelle droite" qui prétendent sérieusement que le nom du président des États-Unis n'a aucune importance ne sont même pas provocateurs ou originaux, mais témoignent seulement d'une connaissance nulle des permanences géopolitiques.

Adorno, qui l'avaient déjà perçu avec clairvoyance à la fin des années 1960, écrit à juste titre: « Les mondialistes sont les vrais révolutionnaires, pas nous ! ». C'est une vérité terrible, mais la vérité n'est pas toujours révolutionnaire au sens où nous l'entendons. Lorsque les « nationalistes » et les « droitiers » font de l'islamisme leur allié, simplement parce qu'il est également opposé à la folie LGTB, à la pornographie, aux idées maçonniques de la modernité et aux abominations de la « Pride Parade », ils ne sont rien d'autre que des idiots utiles de l'enfer idéologique de l'Occident bâtard et woke que nous ne défendons pas, mais dont la dépravation et les abominations ne peuvent pas être vaincues par une alliance avec l'islamisme, mais seulement par notre propre force.

Car « l'Occident est l'enfant prodigue et illégitime de l'Europe, aujourd'hui déterminée par le modèle américain qui veut tout uniformiser et accorder la primauté absolue à la société de consommation et à l'individualisme!» (Guillaume Faye). Tout cela, beaucoup - y compris à « droite » - ne l'entendront pas, mais le vieil adage «Qui ne veut point écouter doit sentir!» se vérifiera une fois de plus si nous ne veillons pas à ce que le vœu de Georges Sorel soit enfin exaucé: « Ah, si je pouvais voir humiliées les orgueilleuses démocraties bourgeoises qui triomphent aujourd'hui avec tant de cynisme ! ».

Werner Olles

jeudi, 22 août 2024

Martin Sellner : Regime Change de droite. Une esquisse stratégique

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Recension

Martin Sellner : Regime Change de droite. Une esquisse stratégique

L'été dernier, l'activiste Martin Sellner a publié un ouvrage intitulé Regime Change von rechts, dans lequel il présente et explique différentes stratégies. Une tentative qui vaut la peine d'être lue, comme l'explique Simon Dettmann dans son compte-rendu détaillé pour la revue Freilich.

par Simon Dettmann

Source: https://www.freilich-magazin.com/kultur/rezension-martin-sellner-regime-change-von-rechts-eine-strategische-skizze

41O9Sj26YdL._AC_SY580_.jpgRegime Change von rechts, la publication la plus complète à ce jour de l'activiste politique autrichien Martin Sellner, visage et maître à penser des Identitaires dans l'espace germanophone, constitue véritablement un "grand coup". Tout d'abord parce que l'ouvrage répond effectivement à l'ambition qu'il s'est fixée, celle d'ordonner, de systématiser et d'élever à un niveau théorique supérieur les débats sur la stratégie et la tactique menés dans les milieux dits de la "nouvelle droite". Le livre de Sellner est une tentative d'unifier l'ensemble des milieux de la nouvelle droite, qu'il assimile au camp de la droite, autour d'une stratégie visant à atteindre l'objectif principal commun, à savoir assurer la pérennité du peuple allemand. L'auteur, avec sa pensée formée par Gramsci, Althusser et Gene Sharp et son regard souvent sociologique et psychologique sur les processus politiques, a de nombreux arguments en sa faveur. Mais sa façon de tourner en rond autour du problème de la démographie, qui tend à devenir monomaniaque, pourrait avoir un effet négatif à long terme sur la droite intellectuelle et politique.

Tbilissi, 7 mars 2023. Pour la deuxième nuit consécutive, des milliers de personnes patientent sur la grande place près du Parlement géorgien. Mais contrairement à hier, les forces de l'ordre ne se contentent plus d'observer avec apathie. Cette fois, la police utilise des canons à eau et des gaz lacrymogènes contre les manifestants. La foule se disperse rapidement, donnant lieu à des scènes que les journalistes qualifient généralement de "tumultueuses". Alors que presque tous les manifestants s'écartent ou se réfugient dans les rues latérales, une femme d'âge moyen court dans la direction opposée - tout droit vers les canons à eau. Elle tient dans ses mains un énorme drapeau européen qu'elle agite frénétiquement. Les canons à eau commencent immédiatement à la viser, mais cela ne semble pas l'impressionner.

Des manifestants se précipitent vers elle et tentent de la protéger des jets d'eau. Trempé et entouré de gens, elle se tient au milieu de l'une des plus grandes places de la capitale et brandit le drapeau bleu foncé avec les étoiles jaunes vers le ciel nocturne. Il en résulte pendant quelques secondes une scène d'une grande puissance iconique et d'une grande force symbolique. Il en résulte une image dont les éléments de base font partie intégrante d'une iconographie de la révolution et font partie de la mémoire collective des Européens - comme le confirmeront tous ceux qui ont déjà vu "La liberté guidant le peuple" de Delacroix ou une représentation des combats sur les barricades pendant la révolution de mars 1848. Le drapeau de l'UE, quant à lui, fait référence à la forme concrète de bouleversement social que les manifestants ont en tête: une révolution de couleur.

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Des révolutions colorées avec l'argent des autres

Les manifestations de masse sont motivées par le projet du gouvernement géorgien d'adopter une loi qui obligerait les ONG et les médias financés à plus de 20% par l'étranger à se désigner eux-mêmes comme "agents étrangers".

Une telle loi contrecarrerait la stratégie des agents étrangers, des groupes de médias et des think tanks occidentaux visant à influencer l'opinion publique en Géorgie et à faire basculer le pays dans le camp des libéraux pro-occidentaux; la dite loi entraverait donc l'intégration de la Géorgie dans le bloc de puissance occidental, du moins à moyen terme. Mais rien n'y fait. Deux jours plus tard, le 9 mars, la pression est trop forte et le gouvernement est contraint d'abroger cette loi mal acceptée.

Le mouvement de protestation, qui semble être parti de rien, n'a certes pas atteint son objectif principal, qui était de contraindre le parti au pouvoir "Rêve géorgien", qui mène une politique étrangère multisectorielle, à démissionner et à être remplacé par une alliance de partis extrêmement pro-occidentaux lors de nouvelles élections, mais il a atteint son objectif intermédiaire, annoncé publiquement et fortement mobilisateur, en quelques jours seulement.

Voilà pour la pratique concrète du changement de régime et de la révolution de couleur.

Un livre paru au bon moment

Mais ne serait-il pas possible d'adopter les stratégies, les tactiques, les formes d'organisation et de protestation d'une révolution de couleur et de les mettre en œuvre en Allemagne, en Autriche ou en Suisse ? En d'autres termes, une révolution culturelle et de couleur étiquetée "de droite", c'est-à-dire réclamant la fin de l'hégémonie discursive des idées libérales de gauche et leur remplacement par des idées conservatrices et nationalistes, associée à un changement de gouvernement, pourrait-elle avoir du succès dans l'espace germanophone ? Même s'il préfère écrire Social Change et Regime Change : Martin Sellner, on peut l'affirmer avec certitude après la lecture de son livre, en est profondément convaincu. C'est pourquoi Regime Change von rechts traite aussi de la possibilité d'une révolution de couleur, des chemins tortueux qui y mènent, de ses conditions sociales préalables, de sa théorie et de la théorie de sa pratique. C'est un livre étonnamment optimiste, qui ne cherche pas à démoraliser mais à motiver l'action, tout en invitant sans cesse le lecteur à réfléchir à ses propres actions d'un point de vue stratégique et moral.

51K9WVrXcuL.jpgMais c'est surtout un livre nécessaire, car il corrige des hypothèses théoriques erronées encore largement répandues dans le camp de la droite, souligne les impasses stratégiques et démystifie les mythes. Par exemple, Sellner explique de manière convaincante pourquoi beaucoup (d'activisme de droite) ne sert pas toujours à grand-chose, pourquoi croire que l'on peut convaincre l'adversaire de sa propre vision du monde par une argumentation rationnelle et ainsi amorcer ce qu'il appelle un tournant spirituel est politiquement naïf et part de présupposés anthropologiques erronés ou pourquoi, à l'inverse, se concentrer uniquement sur les valeurs esthétiques et les questions de style de vie personnel mène à une impasse politique. À une époque où les milieux dits de "nouvelle droite" sont trop souvent caractérisés par l'oscillation de jeunes idéalistes entre le besoin activiste de faire quelque chose tout de suite d'une part, et le défaitisme mélancolique d'autre part - c'est-à-dire, en termes mémétiques, le dualisme de "It's over !" et "We're so back !" -, il est malheureusement (pédagogiquement) nécessaire de rappeler de telles évidences.

Oui, Regime Change von rechts, livre pédagogique et morigénateur, est souvent redondant et didactique dans son écriture et sa construction, comme nous l'avons déjà souligné de manière critique. Cependant, cela est dû au fait que l'ouvrage s'adresse principalement à l'intérieur, c'est-à-dire aux mouvements et aux partis. Ainsi, les caractéristiques mentionnées ne renvoient pas à des déficits de Sellner, mais indirectement à des déficits (intellectuels) chez de nombreux acteurs de la droite.

Le peuple est au centre des préoccupations

Le cœur théorique de l'ouvrage est constitué par la définition de l'objectif principal de la droite, l'analyse du système politique ou social dans lequel la droite doit nécessairement opérer et l'évaluation des différentes stratégies concurrentes pour atteindre l'objectif principal, l'accent étant clairement mis sur l'analyse des stratégies. La définition de cet objectif principal tient en quelques pages. Et ce, à juste titre. Heureusement, il n'y a guère de désaccord au sein du dit camp sur cette question. Pour Sellner, l'objectif principal de la droite est de préserver l'identité ethnoculturelle - une formulation qui peut être identifiée sans hésitation à la garantie de la pérennité du peuple allemand. Des explications et des justifications complexes sont ici totalement inutiles; l'intérêt pour sa propre pérennité (collective) est naturel, évident et immédiatement compréhensible pour tous.

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Et d'ailleurs, ce fait est aussi la cause principale de la négation de l'existence du peuple allemand par la classe dirigeante. Car les acteurs décisifs de cette classe dirigeante sont certainement conscients qu'en admettant ce fait, ils s'engageraient sur une "pente glissante", au bas de laquelle se trouverait leur perte de pouvoir. Il est donc impossible pour la classe dirigeante de céder le moindre terrain dans la lutte pour une interprétation universelle du concept de peuple. Elle se retrancherait ainsi dans une position qu'elle a déjà reconnue comme intenable à long terme. En laissant le concept de peuple s'effacer devant celui d'identité, Sellner gâche à la légère le potentiel subversif inhérent à ce concept.

Après avoir clarifié le véritable objectif, à savoir l'autosuffisance ou l'accumulation du pouvoir politique pour l'assurer, l'auteur passe à l'explication de la relation entre certains concepts. Quelle est la relation entre l'objectif principal et les objectifs intermédiaires ? Quelle est la différence entre stratégie et tactique ? Les passages d'analyse conceptuelle de ce type, que l'on retrouve à plusieurs reprises dans le livre, peuvent être considérés comme ennuyeux et techniques par certains lecteurs, mais ils sont éminemment importants - et Sellner les expose avec la précision sobre d'un général qui présente son plan de bataille.

Avec Gramsci et Althusser contre l'élite

En revanche, la partie consacrée à l'analyse systémique est déjà bien plus vaste. Ici, Sellner est confronté au défi de dresser un tableau réaliste, mais aussi compréhensible et non hypercomplexe de l'ordre social et politique dans lequel la droite doit agir. Ce n'est pas une tâche facile dans le contexte de l'Allemagne fédérale ou de l'Autriche, car la tromperie systématique et ciblée des citoyens sur le fonctionnement réel des institutions, la dynamique interne de l'État dans ces nations n'est pas un simple sous-produit de l'ordre dominant, mais la base de son existence, et c'est justement là que trop de citoyens s'installent confortablement dans leurs représentations illusoires de l'État dans lequel ils vivent.

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Mais Sellner est ici clairement dans son élément et profite de cette partie pour introduire deux théories qui l'ont fortement marqué, lui et la Nouvelle Droite dans son ensemble : la théorie de l'hégémonie du pouvoir d'Antonio Gramsci et Les appareils idéologiques d'État de Louis Althusser. Avec ces théories, il tente d'attirer l'attention du lecteur sur la véritable base du pouvoir des classes dominantes dans les pays occidentaux, à savoir l'opinion publique ou le pouvoir de la créer, de la contrôler et de la diriger.

Pour faciliter la tâche des personnes qui ne connaissent pas le grammaticalisme juridique, il intègre la théorie dans un réseau de métaphores et de mots clés, dont certains sont même de sa propre initiative. Il y a tout d'abord la métaphore du climat d'opinion, avec laquelle il veut visualiser la production complexe de l'opinion publique et qui est tout à fait convaincante. Il illustre ensuite les changements réels et potentiels de l'opinion publique et la métaphore du couloir d'opinion avec le modèle déjà très populaire de la fenêtre d'Overton.

Tout cela est très méritoire et remplit son objectif éducatif, mais en face, il y a deux mots d'ordre qui sont malheureusement moins convaincants : le simulacre de démocratie et le totalitarisme doux.

La question cruciale de la démocratie

Le problème avec la notion de simulation de démocratie est qu'elle implique deux affirmations de base, toutes deux indiscutablement vraies, mais qui induisent néanmoins en erreur. D'une part, le fait que les dirigeants prétendent, du moins publiquement, que leur régime est démocratique et, d'autre part, le fait qu'il ne l'est pas en réalité. Sellner écrit que la démocratie n'est qu'un simulacre, parce que l'opinion publique n'est pas le produit du libre jeu des forces, mais du filtre systémique qu'il appelle le climatiseur d'opinion. Mais si une démocratie n'existe que si elle permet le libre jeu des forces, alors il n'y en a jamais eu. Sellner nourrit ici des illusions libérales et semble sur le point de ressortir de la naphtaline des phrases d'Habermas telles que le "discours sans domination" et la "contrainte sans contrainte du meilleur argument". En outre, le concept procédural de démocratie qui sous-tend toujours implicitement le discours de Sellner sur la simulation de démocratie est trompeur. Il semble vraiment croire à la possibilité d'une "vraie" démocratie au sens d'un gouvernement populaire. C'est en cela qu'il se distingue par exemple de ses adversaires libéraux de gauche, c'est-à-dire de la classe dirigeante, au sein de laquelle on défend depuis longtemps une conception substantielle de la démocratie, parfois même de manière semi-officielle.

Concrètement, cela signifie que pour les libéraux de gauche, la démocratie est devenue le mot-clé du libéralisme de gauche. Tant que les intellectuels de droite réagiront en introduisant dans le discours le mirage rousseauiste du vrai gouvernement parfait du peuple, au lieu d'élaborer à leur tour un concept substantiel de démocratie, ils contribueront à mettre la droite hors jeu. En effet, en raison de son faible degré d'organisation, de la politisation et de l'éducation souvent superficielles des individus et, surtout, de sa taille, un peuple dans son ensemble n'est pas en mesure d'exercer un quelconque pouvoir. Comme le confirme l'histoire de l'humanité, celle-ci ne peut être exercée collectivement que par de petits sous-groupes bien organisés du peuple, au sein desquels il existe un degré relativement élevé d'homogénéité idéologique et de conformité sociale et où le savoir de la domination est systématiquement accumulé. Ces sous-groupes sont les élites ou les classes dirigeantes. Elles dominent le reste du peuple, qui leur fait face en tant que "masse". Et il en sera probablement toujours ainsi. C'est pourquoi la lutte pour la vraie démocratie, dans le sens d'un gouvernement populaire, ressemble à la recherche de la mérule.

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Le courage de la cohérence politique

L'exposé de Sellner aurait gagné à faire davantage référence aux classiques de la sociologie des élites comme Vilfredo Pareto et Gaetano Mosca. Il court ainsi le risque de succomber à une illusion populiste (décrite en détail par le philosophe britannique Neema Parvini dans son livre The Populist Delusion).

Il en va de même pour l'expression "totalitarisme doux". Sellner l'utilise pour évoquer et condamner la répression de l'appareil d'État contre tout ce qui est de droite. C'est tout à son honneur, mais doit-il pour cela utiliser un terme entièrement libéral, qui a été inventé pour immuniser moralement les libéraux contre leurs critiques de gauche et de droite et qui remplit encore bien cet objectif aujourd'hui ? Est-ce vraiment une bonne idée de conforter des contemporains intellectuellement libérés dans leur tendance, typique des boomers, à rejeter l'autorité et l'ordre et à les condamner comme étant généralement totalitaires, fascistes et illégitimes, et d'introduire leur vocabulaire dans la Nouvelle Droite ? Le totalitarisme est généralement compris comme la volonté d'imposer une idéologie d'État dans tous les domaines de la vie sociale et de transformer ainsi les individus dans le sens de cette idéologie d'État. Bien sûr, l'observation que les systèmes libéraux peuvent également être totalitaires est un progrès de la connaissance par rapport à la position libérale selon laquelle le totalitarisme n'est possible que dans les systèmes non libéraux, c'est-à-dire les systèmes supposés d'extrême droite ou d'extrême gauche (Ryszard Legutko a écrit sur cette observation un livre à lire , Le démon de la démocratie!)

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Mais pourquoi s'arrêter à mi-chemin dans le processus de connaissance ? Car quelle valeur a encore la notion de totalitarisme si tout système, quelle que soit son orientation idéologique, tend à agir de manière totalitaire dans certaines situations? A long terme, la droite ne pourra pas éviter de reconnaître que dans les phénomènes qualifiés de totalitaires, l'essence du politique ne fait que se révéler à nous sous une forme particulièrement pure.

Lorsqu'un ordre étatique dérive prétendument vers le totalitarisme, l'hostilité entre deux groupes sociaux atteint simplement un niveau plus élevé. C'est pourquoi les représailles de l'État contre les droits politiques ne sont pas un pas en avant du totalitarisme doux vers le totalitarisme ouvert, mais une politisation. Et la volonté de pénétrer politiquement tous les espaces sociaux, qu'Olaf Scholz a résumée un jour dans l'un de ses rares moments de sincérité par la phrase "Nous voulons conquérir la souveraineté aérienne au-dessus des berceaux", fait désormais partie de la logique propre de la politique et de tout mouvement politique qui veut conquérir et conserver le pouvoir. La souveraineté idéologique totale du libéralisme de gauche sur toutes les institutions pertinentes, des crèches aux maisons de retraite, est une réalité en République fédérale - et c'est précisément pour pouvoir décrire cette réalité qu'Althusser a développé la théorie des appareils idéologiques d'État. Sellner la mentionne également brièvement, mais ne l'applique pas de manière conséquente.

Qui fait partie de la droite politique ?

Mais avant d'aborder les différentes stratégies, il tente, dans un très court chapitre, de clarifier la question de savoir qui et quoi fait réellement partie de la droite. Sa réponse : exclusivement la Nouvelle Droite et aucun autre milieu. Pas la vieille droite, ni les libéraux-conservateurs. Il ne veut même pas inclure les nationaux-conservateurs dans le camp de la droite. C'est étonnant, car le national-conservatisme est sans doute la description la plus précise possible de ce que Sellner lui-même et une grande partie de la Nouvelle Droite représentent politiquement. Il est bien sûr légitime de définir tous ceux qui ne sont pas de la nouvelle droite comme étant hors de leur propre camp, mais cela ne fait que renommer le milieu de la nouvelle droite en "camp de droite". Les quelques personnes de la vieille droite et surtout les nombreux libéraux-conservateurs ne disparaissent pas pour autant, bien au contraire. Le fait d'ignorer ces milieux ne facilite pas le débat sur le fond, mais le rend beaucoup plus difficile. Ce n'est pas la description qu'une personne fait d'elle-même comme étant de droite, conservatrice, nationaliste, etc. qui détermine généralement sa réalité sociale, mais une attribution étrangère émanant des libéraux et des gauchistes. Et pour eux, la droite englobe tout, de Jan Fleischhauer à la division des armes nucléaires. La nouvelle droite pourrait en rire de bon cœur si les attributions étrangères de la gauche libérale n'avaient pas un pouvoir énorme. D'une certaine manière, elles créent une réalité à laquelle la Nouvelle Droite aura du mal à se soustraire. L'énorme hétérogénéité de la droite, même par rapport à la gauche politique, est un fait, mais Sellner préfère partir d'une situation politique idéale dans laquelle il n'y a que des néo-droitiers.

35833775.jpgMais le cœur de l'ouvrage est clairement la partie consacrée à l'analyse stratégique. Il y présente quatre stratégies principales pour atteindre l'objectif principal de la droite et neuf non stratégies. Les quatre stratégies principales sont la Reconquista, le militantisme, le patriotisme parlementaire et la stratégie de rassemblement. Il en rejette deux en bloc : le patriotisme parlementaire et le militantisme. A juste titre, c'est pourquoi nous ne reviendrons pas ici sur ces chemins de traverse. La stratégie du rassemblement, c'est-à-dire la concentration de toutes les forces et ressources encore disponibles dans une région, est pour lui une solution de secours en cas d'échec de la stratégie qu'il préfère : la Reconquista. L'analyse des non-stratégies prend beaucoup de place et c'est justement là que Sellner écrit souvent avec un ton didactique ou pédagogique. Certains lecteurs s'en lasseront, mais étant donné que Sellner s'adresse parfois explicitement aux adolescents et jeunes adultes enclins au militantisme et qu'il tente de les dissuader de leurs actions destructrices, c'est malheureusement nécessaire.

Différentes stratégies pour guider...

Dans ce contexte, deux des non-stratégies semblent particulièrement intéressantes, à savoir l'accélérationnisme et la pensée dite "babo". Alors que l'accélérationnisme, bien qu'étant à l'origine une figure de pensée du philosophe néo-réactionnaire Nick Land, est devenu un mot-clé légitimant la violence brutale dans d'obscurs biopes en ligne et a rapidement sombré dans l'insignifiance, les variantes de la "pensée babo" connaissent aujourd'hui un nouvel âge d'or. Le babo est le patron ; un homme alpha charismatique qui construit autour de lui une société d'hommes de plus en plus souvent purement virtuelle. Il prêche à ses adeptes un culte du machisme, presque toujours associé à l'optimisation de soi et à l'abandon total de la politique pratique. Presque toujours, ces scènes babos sont marquées par les intérêts financiers du mâle alpha concerné. Si elles ont longtemps été des phénomènes marginaux, elles passent depuis une dizaine d'années plus souvent de la sous-culture au centre de la société.

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Figures de la "droite-style-de-vie": Kollegah, Jack Donavan et le livre de Costin Alamariu.

Il y en a pour tous les goûts: les jeunes immigrés enclins aux théories du complot y trouvent leur compte (Kollegah), tout comme les personnes exclusivement obnubilées par l'argent et le statut social (Andrew Tate), les nostalgiques du tribalisme (Jack Donovan) et les jeunes hommes en quête d'un support pseudo-intellectuel pour leurs jeux de rôle (Costin Alamariu ou "Bronze Age Pervert"). Il devrait aller de soi que cette "droite du style de vie" matérialiste, qui tend vers un amoralisme hors du monde, ne mérite pas d'être appelée droite dans un sens substantiel quelconque et qu'elle mène à une impasse stratégique. Pourtant, le départ de Trump en novembre 2020 et les déceptions qu'il a causées à ses partisans ont créé un terrain propice à l'éclosion non seulement d'un culte schizophrène de la crise (QAnon), mais aussi de cette "droite du style de vie" dont nous avons parlé. Cette vague s'est propagée depuis longtemps dans les pays germanophones. Sellner critique ces tendances, mais il aurait dû citer des noms et taper plus fort ; la pensée babo est la plus pertinente des non-stratégies actuelles.

... mais seulement une stratégie directrice ?

L'auteur consacre une attention particulière à la stratégie directrice qu'il privilégie, la Reconquista. Par reconquista, il entend une stratégie de conquête du pouvoir culturel ou discursif qui s'inspire théoriquement de Gramsci, Althusser et, même si son nom n'est pas cité, de Foucault, et qui, dans sa partie pratique, accorde une grande importance aux formes de protestation de l'action non-violente au sens de Gene Sharp. Mais plutôt que de parler d'hégémonie culturelle ou de discours hégémonique, Sellner préfère écrire "Social Change". Le "changement de régime" qui donne son titre à l'ouvrage n'est nécessaire que lorsque l'État devient ouvertement totalitaire. Si le "changement de régime" échoue également, la droite doit passer à la stratégie du rassemblement. Telles sont les grandes lignes de la Reconquista de Sellner.

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Pour résumer, je dirais que : cette stratégie est inattaquable sur le fond et est considérée, à juste titre, comme un "état de l'art" dans les cercles intellectuels de droite. Ce qui appelle en revanche une critique, ce sont les tâches de fond attribuées aux différentes composantes de la droite dans le cadre de la Reconquista. Sellner divise le camp de la (nouvelle) droite en 5 parties distinctes : le parti, le contre-public (médias/influenceurs de droite), la théorisation (intellectuels), la contre-culture et le mouvement (activiste). Au sein du camp, il existe une répartition claire des tâches et des rôles.

En outre, parmi les sous-groupes, le mouvement bénéficie d'une primauté. Comme pour lui, la préservation du peuple est l'objectif principal de droite, le problème principal est à l'inverse celui de la démographie, c'est-à-dire le Grand Remplacement/Peuplement. Jusqu'ici, rien de controversé. Mais Sellner exige en plus que TOUTE activité dans TOUT sous-groupe de la droite aborde à tout moment, directement ou indirectement, le problème du Grand Remplacement ou, comme il l'écrit, le tournant de la politique démographique et identitaire. Ce qu'il entend exactement par politique démographique et identitaire n'est pas clair. On peut toutefois supposer qu'il s'agit de tous les idéologèmes et récits qui, intériorisés collectivement, sont devenus les conditions de possibilité de la catastrophe démographique et lui ont spirituellement préparé le terrain. Il est donc probable que ces termes soient également très étroits et directement liés au Grand Remplacement.

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La droite, telle que Sellner la conçoit, tourne donc autour de l'échange de population et est fixée de manière monomaniaque sur celui-ci. Cela serait particulièrement évident dans le domaine de la culture et dans les milieux intellectuels. Les musiciens de rock de droite chanteraient à longueur de journée sur les cas de violence des migrants et les points de basculement démographiques imminents, et la tâche la plus passionnante d'un intellectuel ou d'un scientifique de droite consisterait à calculer ces points de basculement, à produire et à populariser des études sur les effets négatifs de la diversité ethnique sur des groupes ethniquement, relativement, homogènes. Oui, avec le temps, une telle droite se rapprocherait de plus en plus des images diffamatoires que la gauche et les libéraux en donnent. Mais ce ne serait même pas le problème principal. Il résiderait dans le fait qu'une telle droite serait avant tout profondément ennuyeuse.

La droite monothématique

Une telle droite monothématique n'exercerait aucun attrait culturel et intellectuel sur les non-droites (encore). Peu d'artistes et de chercheurs en sciences humaines souhaiteraient faire partie d'un milieu dans lequel ils seraient cantonnés à un rôle et à une mission aussi contraignants. Cette fixation du milieu culturel et des intellectuels sur la tâche qui leur revient rappelle de loin, avec toute la prudence requise par de telles comparaisons, l'exigence formulée par les dirigeants communistes à l'égard du monde culturel et intellectuel d'articuler clairement le point de vue de classe. Le problème d'une telle attitude n'est pas tant qu'elle soit autoritaire ou illibérale, mais plutôt qu'elle est vouée à l'échec. Il est bien sûr souhaitable qu'un artiste, un penseur ou un scientifique politiquement ancré à droite exprime clairement l'objectif principal de la droite. Mais aucun mouvement activiste ne peut le lui imposer de manière contraignante. La seule façon de parvenir à la focalisation sur le Grand Remplacement dans toutes les composantes de la droite que Sellner a en tête est de faire naître soi-même les acteurs de la contre-culture et des sciences humaines à partir de ce que son propre milieu lui offre actuellement, de les "caster" en quelque sorte. Une stratégie dont la Nouvelle Droite a fait l'expérience, parfois douloureuse, ces dernières années. Car les grands penseurs et artistes ne se laissent pas caster. Ils sont presque tous le produit d'un climat propice à leur émergence. Ils naissent de manière organique ou pas du tout.

De plus, la demande de Sellner de se concentrer uniquement sur le problème de la démographie est naïve du point de vue de la sociologie des élites. Dans les pays germanophones, des centaines de milliers de personnes travaillent dans des universités, des ONG ou des entreprises de médias et occupent des emplois qui, aux yeux de l'extérieur, paraissent souvent futiles et inutiles (bullshit jobs). Pourtant, d'un point de vue systémique, les activités de ce groupe, qui constitue une partie importante de la classe dirigeante et de la classe managériale professionnelle (PMC), ont un objectif important. Ce but est équivalent à celui des appareils idéologiques d'État dans la théorie d'Althusser : l'auto-reproduction de l'ordre dominant. Un ordre qu'Althusser décrit comme capitaliste, alors que la droite intellectuelle le décrit plutôt comme moderne ou libéral (de gauche). Les élites intellectuelles ont donc pour fonction de produire, d'orienter et de légitimer le discours hégémonique, ainsi que de former une élite de la relève dans les universités et de la mettre idéologiquement au pas. Les productions intellectuelles de ces milieux sont pour la plupart peu impressionnantes. La plupart du temps, il s'agit de rationalisations post-hoc du statu quo.

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Pas d'offre pour l'élite ?

Mais ce qui est décisif, c'est que la perception est totalement différente au sein des milieux décrits : les personnes concernées sont fermement convaincues de réaliser des prouesses intellectuelles et de travailler sur des théories révolutionnaires. Ils tirent leur légitimité et leur confiance en eux de cette image d'avant-garde de la pensée profonde. Le problème survient lorsque Sellner pense pouvoir satisfaire la curiosité intellectuelle et la soif de statut de la (nouvelle) classe moyenne universitaire avec le Grand Remplacement (qui n'est pas une théorie, mais simplement un fait) et la propagation du pronatalisme et d'une nouvelle politique identitaire (il s'agit probablement de nationalisme). Cela ne réussira pas. En effet, le surplus de capital culturel et de distinction qui, pour les personnes très intelligentes, est lié à la maîtrise et à la réflexion sur des systèmes théoriques extrêmement complexes tels que la philosophie transcendantale, la théorie des systèmes, l'éthique du discours ou les poststructuralismes, ne trouve pas d'équivalent à droite dans l'offre de Sellner sous la forme d'une théorie de droite d'une complexité comparable. Pourtant, indépendamment de la question de savoir si de telles théories existent éventuellement à droite, Sellner précise à plusieurs reprises et sans équivoque qu'il n'a aucune intention de les utiliser. C'est surprenant quand on connaît son penchant pour Heidegger et sa critique hermétique et obscure de la technique.

Une explication possible de son scepticisme prononcé à l'égard des intellectuels et de la partie de la Professional Managerial Class marquée par le discours académique réside dans le fait qu'il pourrait avoir analysé l'évolution historique de la gauche radicale en Allemagne de l'Ouest : après s'être formée et établie dans les années 60, elle s'est fragmentée dans les années 70 en centaines de petits groupes sectaires sous la forme de "groupes K", de cercles de lecture, de comités, etc. qui avaient en commun de travailler sur des questions intellectuelles de détail, de se prétendre radicaux ou extrêmes malgré leur totale passivité et d'être (sans surprise) hostiles les uns aux autres. Martin Sellner aura étudié de près cette fragmentation induite par l'intellectualisme et, conscient de son immense hétérogénéité idéologique et de la proportion élevée de trublions et de "grifters" qui lui est propre, il voudra épargner à la droite le sort de la gauche radicale après 1968. C'est louable, mais ce faisant, il dépasse l'objectif. Il verse l'enfant intellectuel de droite en même temps qu'il tente honorablement de verser le bain de la gauche académique.

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La droite a besoin de plus de débats !

En conséquence, cette critique doit se conclure par un plaidoyer pour une droite pluraliste et créative. Une droite qui, bien entendu, intègre et soutient un mouvement activiste fort en tant que partie intégrante de la mosaïque de la droite, mais qui s'oppose à ce que ce mouvement fasse valoir une "compétence directive" vis-à-vis des autres parties du camp. Il semble aberrant qu'un plus grand pluralisme interne au sein de la droite puisse détourner l'attention de l'objectif principal généralement accepté, à savoir assurer la pérennité du peuple. Actuellement, les partis de droite deviennent de plus en plus souvent des représentants des intérêts des peuples respectifs des États. Ce processus doit être compris comme le corollaire naturel de la fragmentation ethnique croissante et de l'envahissement par les étrangers. La réalité de plus en plus évidente du Grand Remplacement entraîne une prise de conscience ethnique, la transformation des partis populistes de droite en partis ethniques et l'opposition des groupes nationaux aux groupes étrangers. Ce front peut être retardé, mais pas arrêté, par des crises (externes) et des fronts transversaux temporaires. En effet, elle ne trouve pas sa racine dans une volonté ou une décision politique (collective), mais dans la nature humaine. En conséquence, malgré le scepticisme de rigueur quant à la valeur explicative des théories sociobiologiques et d'éthique humaine, un recours occasionnel à des concepts tels que le comportement territorial et la peur de l'étranger aurait été bénéfique aux explications de l'auteur. Poussée par des chocs ethniques de plus en plus importants à des intervalles de plus en plus courts, la droite se focalisera de plus en plus sur le Grand Remplacement et ses conditions directes de facilitation. Le véritable art consiste à l'élargir sur le plan thématique.

L'accent mis par Sellner sur la démographie semble ici relever de la pensée "beaucoup d'aide pour beaucoup", qu'il rejette pourtant tant. Mais si 2.000 militants contre le Grand Remplacement distribuent des tracts et collent des affiches au lieu de 1.000, l'effet n'est pas double. Au lieu de plus de flyers et de sites web sur le problème de la démographie, la droite a besoin de plus et de meilleurs débats sur la géopolitique, l'ordre économique, la protection de la nature, la politique éducative, le transhumanisme, les études de genre, l'architecture ou l'éthique. Elle a besoin de l'écologiste hirsute de la vieille école qui veut désormais empêcher non seulement les routes de contournement mais aussi les éoliennes, de l'intello génial qui travaille dans sa cave sur des recherches révolutionnaires sur la bataille des chars de Prokhorovka et sur l'histoire économique de la Saxe Kursawa, de l'ex-féministe désabusée qui se bat désormais avec passion contre le "wokisme" et le translobby et du renégat de gauche que l'étroitesse d'esprit des cercles intellectuels de gauche a poussé vers la droite. Et surtout, la droite doit se défaire de l'illusion qu'elle peut remettre à plus tard, c'est-à-dire après l'arrivée espérée au pouvoir, toutes les questions essentielles en dehors de l'objectif principal commun. Si tel était le cas, la large alliance de circonstance se déchirerait immédiatement après sur toutes sortes de questions et le pouvoir tout juste conquis s'effriterait entre les doigts.

Une réponse convaincante

Dès le 14 mars 2023, soit une semaine seulement après la grande manifestation de Tbilissi, la "femme au drapeau européen", comme est présentée la Géorgienne, est assise dans un studio de télévision de Radio Free Europe (RFE) et parle avec éloquence, dans une vidéo, de l'événement qui l'a rendue célèbre en Occident. Il s'agit d'une production sur papier glacé qui trouvera son public sur Youtube. "Radio Free Europe" est un média américain basé à Prague, considéré par les critiques de gauche comme de droite comme un instrument de propagande du gouvernement américain proche de la CIA et destiné à préparer des révolutions de couleur. Des liens tout aussi évidents existent également entre l'opposition géorgienne et le National Endowment for Democracy (NED), une organisation qui, selon son ex-président Allen Weinstein, fait publiquement ce que la CIA faisait auparavant en secret. La RFE et la NED reçoivent toutes deux des fonds directs du budget fédéral américain, une source de financement quasiment inépuisable.

Reste à savoir si, contrairement aux mouvements d'opposition pro-occidentaux d'Europe de l'Est et d'Asie, la droite ne doit pas miser sur une stratégie de changement social ou de changement de régime par le biais de la métapolitique et des formes de protestation, dans l'esprit de Gene Sharp, alors qu'elle n'a pas d'oligarques milliardaires, d'ONG proches de l'État et de superpuissance derrière elle, mais qu'elle a contre elle les élites nationales, les ONG proches de l'État et une superpuissance. Il n'y aura jamais de réponse définitive à une telle question. Mais il est possible d'y répondre de manière convaincante. C'est exactement ce que fait Martin Sellner dans Regime Change von rechts - et il conseille avec passion et pour de nombreuses bonnes raisons cette stratégie qu'il appelle "Reconquista". La droite devrait suivre son conseil.

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A propos de l'auteur :

Simon Dettmann, né en 1993, a étudié la philosophie et l'histoire dans une université d'Allemagne de l'Ouest. Ses domaines d'intérêt incluent la philosophie politique, l'éthique et l'architecture

samedi, 03 août 2024

L'Iliade archéofuturiste

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L'Iliade archéofuturiste

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/the-archeofuturist-iliad?publication_id=1305515&post_id=146966427&isFreemail=true&r=jgt70&triedRedirect=true

Au crépuscule de notre époque moderne, alors que les ombres s'allongent et que les vents hurlent les plaintes des dieux oubliés, surgit la figure de Guillaume Faye, un prophète qui rappelle les anciens voyants d'Hyperborée et les sages de Grèce. Sa voix, puissante et résonnante, parle d'une « convergence de catastrophes », d'un horizon sombre où l'ancien et le futuriste s'affrontent dans une étreinte cataclysmique. Comme les guerriers d'Hyperborée à la volonté de fer et les héros inébranlables de l'Iliade, la vision de Faye est un rempart contre le chaos qui s'annonce. Il prévient que l'Europe, à l'instar de la légendaire ville de Troie, est assiégée par des dangers démographiques, économiques, culturels et sociaux. Le discours dominant, recouvert d'un vernis d'humanitarisme creux, agit comme un sortilège aveuglant, rappelant les anciens enchantements des sorciers d'Hyperborée et les machinations divines relatées dans les récits d'Homère. Ce récit insidieux obscurcit la vérité, nous laissant vulnérables face à la menace imminente de ces menaces existentielles.

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Faye jette les bases de l'archéofuturisme, une philosophie aussi inflexible que le nord gelé et aussi intemporelle que les luttes épiques relatées par Homère. Cette vision, qui mêle l'ancien et le moderne, appelle à un équilibre entre le développement de nouveaux principes et le respect du passé et de l'héritage, à l'image de l'équilibre recherché par les rois hyperboréens et les héros grecs, entre la puissance des guerriers et la sagesse des sages. Ces principes doivent tenir compte des réalités bio-anthropologiques pour combattre l'éthique pernicieuse de l'ethnomasochisme, tout comme les héros antiques reconnaissaient et chérissaient la force de leur lignée et de leur héritage. L'objectif est de préserver l'homogénéité de l'Europe, comme les tribus hyperboréennes et les cités-états grecques protégeaient leurs territoires et leurs traditions contre les incursions étrangères. La disparition progressive des Européens, prévient Faye, est une perte terrible - un déclin de la diversité, de l'intelligence et du progrès qui menace le tissu même du monde, rappelant la chute d'une grande ville ou d'un puissant royaume qui se fait sentir à travers les âges à la fois dans la tradition hyperboréenne et dans le mythe grec.

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Dans le bureau faiblement éclairé, l'air était chargé de l'odeur des vieux livres et du léger bruissement des forces invisibles. Guillaume Faye se pencha sur ses tomes anciens, sa voix était un murmure bas alors qu'il parlait de l'essence primale, un concept fondamental qui signifie le cœur de l'existence et l'ordre inhérent à l'intérieur. "Ce n'est pas, comme certains le pensent, dit-il, les yeux brillants d'une lumière d'un autre monde, un appel à se retirer dans les ombres du passé. Il s'agit plutôt d'une reconnaissance, d'un respect profond et constant des forces historiques qui ont sculpté l'édifice de notre monde moderne." Il marqua une pause, ses doigts traçant les lignes d'un manuscrit usé, comme s'il cherchait la sagesse de sages morts depuis longtemps. "Les guerriers hyperboréens et les héros grecs, poursuivit-il, comprenaient l'importance de leurs anciennes traditions et des dieux qui veillaient sur eux. Ils ne s'accrochaient pas au passé par peur mais par respect, sachant que ces traditions étaient le socle sur lequel reposaient leurs civilisations."

La voix de Faye se fait plus fervente, évoquant des époques lointaines et oubliées. « Les réactionnaires », fit-il d'un geste dédaigneux, « tout comme les anciens malavisés des épopées, aspirent à faire tourner la roue du temps, à restaurer une époque révolue qu'ils perçoivent comme un âge d'or. Mais ils ne voient pas qu'un tel retour est un chemin vers la stagnation et la décadence, une immobilité mortelle où le progrès s'étiole". Son regard s'aiguise, comme s'il perçait le voile de la réalité elle-même. "Nous ne devons pas laisser les spectres du passé dicter notre avenir, ni permettre que les leçons de l'histoire soient oubliées. Cela reviendrait à renoncer à la sagesse des anciens, à ignorer l'ordre cosmique qui lie toutes choses, et à inviter le chaos au cœur de notre société". Pendant qu'il parlait, la salle semblait s'assombrir, le poids de ses mots faisant surgir d'anciennes horreurs et des vérités ancestrales qui se cachent juste à la limite de la compréhension.

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C'est dans ce cadre que s'inscrit le « futurisme », une pulsion faustienne qui pousse à la conquête, à l'exploration et à la recherche de connaissances interdites - un trait caractéristique de l'esprit européen, tout comme la ferveur qui a poussé les explorateurs hyperboréens et les aventuriers grecs vers des contrées inexplorées. Cette faim insatiable, qui s'apparente à la quête de kalokagathia - l'équilibre harmonieux entre le bien et le beau - des Grecs et à la soif de sagesse des Hyperboréens, est à la fois une source de noble fierté et une descente potentielle vers l'hubris, si elle n'est pas maîtrisée. L'archéofuturisme s'efforce d'extraire les vertus de cette puissante pulsion, en défendant une forme de traditionalisme éclairé - une préservation et une adaptation sélectives de la sagesse ancienne dans un avenir toujours incertain. Cela reflète la manière dont les rois hyperboréens sauvegardaient leurs connaissances ésotériques et dont les Grecs maintenaient leurs idéaux culturels au milieu des sables mouvants du temps. Faye a qualifié l'archéofuturisme de « constructionnisme vitaliste », soulignant que le terme « archaïque » devait être compris dans son contexte grec ancien, dérivé de archè, qui signifie « le commencement » ou « le fondement ».

Alors que nous étions assis au coin du feu dans notre logement familier de Baker Street, Holmes, avec une lueur de ferveur intellectuelle dans les yeux, commença à exposer l'intrigante philosophie de Guillaume Faye. "Watson, remarqua-t-il, les idées de Faye s'inspirent fortement de la dichotomie conceptuelle de Nietzsche entre l'apollinien et le dionysiaque - deux forces qui représentent la danse éternelle entre l'ordre et le chaos, tout comme celles observées dans les annales de la culture grecque et les obscures légendes de l'Hyperborée. L'aspect apollinien, voyez-vous, représente la stabilité et la structure de la société humaine, un peu comme la précision de notre système juridique, tandis que le dionysien puise dans les énergies primitives, anciennes, évoquant un lien profond avec ses racines." Il marqua une pause, plissant les doigts d'un air pensif. "Le futurisme, dans ce contexte, Watson, fusionne la rationalité de l'apollinien et la quête de profondeur esthétique et émotionnelle du dionysien. Il offre une double perspective à travers laquelle nous pouvons voir la réalité humaine, à la fois dans les constructions sociétales et dans les aspects bruts et indomptés de la nature. Cette dualité reflète la quête de connaissance et de beauté des Grecs, ainsi que la compréhension du mystique et du pratique des Hyperboréens. En substance, Faye préconise ce qu'il appelle la « construction vitaliste », un cadre pour l'élaboration de nouveaux principes qui sont à la fois constructivistes, enracinés dans une gouvernance décisive, et vitalistes, reconnaissant les vérités inéluctables de notre héritage biologique et culturel ». Holmes se penche en arrière, une expression satisfaite sur le visage, comme s'il avait résolu un autre mystère complexe.

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Faye dévoile une vision lucide de la réalité qui exige la reconnaissance des vérités ethniques, tout comme les Grecs anciens et les Hyperboréens tenaient fermement à la signification de l'héritage et des lignées. Il met en garde contre le concept insidieux d'ethnomasochisme - une répudiation autodestructrice de l'identité culturelle et ethnique, supplantée par une adulation malsaine de l'« Autre ». Ce phénomène pernicieux érode le tissu des sociétés européennes, sapant leur cohésion sociale et culturelle, tout comme les luttes intestines et les corruptions externes ont autrefois affaibli les fières cités-États de Grèce et les anciennes tribus d'Hyperborée. Faye attribue ce malaise à des politiques anti-blancs de longue date, soutenues par une rhétorique anticolonialiste et des récits de victimisation et de tiers-mondisme - parallèlement aux influences corrosives qui ont historiquement précipité le déclin de puissantes civilisations, à la fois dans les chroniques cryptées de la tradition hyperboréenne et dans les sagas historiques de l'antiquité grecque.

L'Occident, autrefois fier prolongement de l'ancienne et formidable civilisation européenne, se débat aujourd'hui dans une tourmente qu'il s'est lui-même infligée, tel un serpent dévorant sa propre queue. Les valeurs modernes prônées par ce colosse en décomposition, les visions déformées de la « liberté » et de l'« égalité », sont devenues un miasme qui paralyse l'âme, rappelant l'indécision ancestrale qui peut lier un guerrier dans les affres de la bataille. Ce grand léviathan culturel, aujourd'hui centré sur les Etats-Unis, diffuse une influence « américanomorphe », une force d'homogénéisation aussi implacable et dévorante que les empires de l'Antiquité qui cherchaient à plier le monde à leur volonté. C'est comme si l'Occident, sous l'emprise d'une force invisible et lovecraftienne, semblable à Cthulhu endormi, cherchait à engloutir toute diversité dans sa gueule amorphe, une peur cosmique qui efface toute singularité sous l'apparence d'une fausse unité.

L'Occident a succombé à une présence obscure et amorphe, un capitalisme transnational qui dévore l'âme de la civilisation, laissant derrière lui un paysage dévasté, dépourvu des vertus héroïques qui lui donnaient autrefois vie. Dans cette domination immonde, les individus et les cultures entières sont réduits à de simples entités interchangeables, appréciées uniquement pour leur valeur froide et utilitaire, comme les pions insidieux d'un jeu arcane et cosmique orchestré par des forces invisibles. Cette vision tordue du monde tisse le mythe séduisant d'une « communauté internationale », une illusion aussi séduisante et perfide que les sirènes de l'Antiquité, murmurant des promesses qui ne mènent qu'à un gouffre de désespoir. L'homme blanc, à l'instar des héros tragiques d'autrefois, est présenté comme l'éternel bouc émissaire, accablé d'une malédiction ancestrale aussi sombre et inquiétante que la rumeur des Deep Ones d'Innsmouth. À l'instar des poissons qui se cachent sous les vagues, ce récit oblige l'Occident à expier ses péchés imaginaires en accueillant les masses appauvries d'outre-mer, une pénitence sinistre qui rappelle la peur des horreurs lovecraftiennes invisibles qui se cachent juste sous la surface, attendant d'entraîner tout le monde dans leurs profondeurs abyssales.

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Dans ce contexte, l'appel de Faye à combattre la dérive assimilationniste de la droite est un cri de ralliement, semblable à l'appel aux armes des batailles épiques d'Hyperborée et de Grèce. Il clarifie les dangers du débat assimilation-remigration, en montrant que la droite assimilationniste, à l'instar des leaders égarés d'autrefois, tombe dans les mêmes pièges que les réactionnaires. Ils s'opposent d'abord à l'immigration de masse, puis capitulent, rappelant ceux qui cherchaient à apaiser les envahisseurs par des concessions, sans savoir que de telles actions conduiraient à une plus grande ruine.

La droite assimilationniste, sous couvert de nobles idéaux, s'oppose avec véhémence à la notion de remigration, qu'elle juge injuste sous le couvert de la « liberté » et de l'« égalité ». Cette position, cependant, pue la chevalerie malencontreuse, à l'instar de ceux qui, par une ironie tragique, refusent de fortifier leurs citadelles, laissant leurs portes ouvertes dans une démonstration d'honneur déplacée. Pourtant, à l'instar des sombres arcs gothiques qui résonnaient autrefois du rire de la sécurité, les garde-fous d'une société peuvent bel et bien être mis en place dans un cadre démocratique. Ces mesures - mettre fin à l'extension indiscriminée des prestations sociales, affirmer une identité claire et distincte, négocier des accords de retour avec les pays d'origine - ne sont pas sans rappeler les traités et les pactes des anciens.

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De la même manière que les Grecs sagaces forgeaient des alliances pour protéger leur polis, et que les austères chefs hyperboréens sécurisaient leurs domaines, ces actions servent à fortifier le tissu d'une civilisation contre les ombres qui s'approchent. Il ne s'agit pas d'idéaux rêvés, mais d'un savoir-faire historique solide comme le roc et d'un pragmatisme brut et sans états d'âme. Dans cette histoire tortueuse et labyrinthique, ne pas inscrire ces mesures dans le marbre n'est pas seulement un faux pas, c'est plonger tête la première dans un vide noir et béant, où le chaos ne se contente pas de rôder - il grimace, prêt à tout engloutir dans une tempête tourbillonnante de désespoir et d'oubli.

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Kull, le roi de Valusia, assis sur son trône, réfléchissait à la sagesse des anciens. Ses yeux, aussi aiguisés que ceux d'un faucon, balayaient le conseil réuni. « Méfiez-vous de l'attrait de l'assimilation », déclara-t-il, la voix grondant comme le tonnerre. "C'est un piège aussi perfide que les intrigues labyrinthiques des Grecs et les manigances de l'Hyperborée. Ce nouveau discours sur le mélange des peuples et des cultures - l'assimilationnisme, comme ils l'appellent - repose sur une compréhension erronée de ce qui fait une nation. Tout comme les idées fausses du passé ont mené de grands empires à leur ruine, cette erreur menace de déchirer le tissu même de nos royaumes". Les mots de Kull étaient lourds dans l'air, un avertissement d'un dirigeant qui avait vu l'essor et la chute de civilisations.

Kull poursuivit en faisant un geste vers la carte qui se trouvait devant lui. "Les nations ne sont pas forgées par le hasard ou la commodité, mais par les liens de sang et de parenté qui unissent leurs peuples. Cette conception correspond aux idéaux des Grecs, qui considéraient la parenté et l'héritage comme sacrés, et des Hyperboréens, dont les liens tribaux étaient aussi incassables que le fer. Une nation, à l'instar des fières cités-États d'antan, se définit par un passé historique, une religion, une langue et une culture communs - une lignée qui doit être préservée, et non diluée. Tout comme les anciens protégeaient leurs traditions sacrées et leurs histoires orales, nous devons protéger l'essence de notre peuple. Ne nous laissons pas influencer par les fausses promesses d'unité par la similitude. Car en fin de compte, ce sont nos identités distinctes qui nous donnent de la force, tout comme les vaillants guerriers de l'Atlantide et les nobles clans de Valusia se sont dressés, inébranlables, contre les marées du chaos et de l'obscurité.

La poussée de la gauche en faveur de l'ouverture des frontières, contrastant avec le contrôle superficiel de l'« assimilation » par la droite assimilationniste, ressemble aux efforts futiles d'une ville assiégée pour tenir ses portes face à un déluge écrasant. La seule assimilation possible, selon Faye, est l'invisibilité totale de l'étranger - une solution dure et arbitraire, qui reflète les lois draconiennes des sociétés anciennes qui cherchaient à maintenir la pureté et l'ordre. La promotion de l'assimilation en tant que solution politique en fait la règle plutôt que l'exception, ignorant la réalité selon laquelle l'assimilation est un processus profondément personnel, et non un mandat politique, à l'instar de la croyance ancienne selon laquelle la loyauté et l'identité véritables ne peuvent être imposées, mais doivent être gagnées et entretenues.

La bataille contre la droite assimilationniste et la gauche cosmopolite est cruciale, à l'instar des luttes menées par les Grecs de l'Antiquité contre les dissensions internes et les menaces externes, et par les Hyperboréens contre les ténèbres envahissantes venues du nord. L'assimilation ne peut être légiférée ; elle doit s'aligner sur la loi naturelle, reflétant les vérités intemporelles reconnues par les sages d'autrefois. La nature subjective de l'identité ne peut être définie objectivement par la loi, tout comme les héros de la Grèce et de l'Hyperborée ne pouvaient être définis simplement par leurs actes, mais par leur lignée, leur honneur et la faveur des dieux.

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« Vous êtes membre si vous adhérez » pose la question des seuils - à partir de quel point nébuleux peut-on vraiment appartenir à un groupe ? Cette question se répercute à travers les âges - l'ancien dilemme auquel étaient confrontés les dirigeants et les sages: qu'est-ce qui constitue un véritable citoyen, un véritable héros ? La loi, tout comme les décrets cryptiques des dieux grecs ou les édits impénétrables des chefs hyperboréens, doit s'aligner sur les lois immuables de la nature, reflétant l'ordre cosmique qui sous-tend l'existence elle-même. Aucun individu ou faction ne possède l'autorité nécessaire pour définir l'identité d'un peuple, de même qu'aucun héros solitaire ne peut prétendre déterminer le destin d'une nation entière. Une faction qui prétend sauvegarder la population autochtone ne peut pas, dans le même souffle, encourager l'absorption d'éléments étrangers sous le couvert d'idéaux cosmopolites, car cela reviendrait à ce qu'un guerrier abandonne son bouclier au milieu de la bataille, se laissant non seulement lui-même, mais aussi ses proches, vulnérables aux ombres qui s'approchent. De telles actions conduiraient à la dissolution des fortifications culturelles et spirituelles, exposant l'identité fondamentale du peuple à la malédiction de l'homogénéisation, où les signes distincts de l'héritage et de la tradition sont avalés par une nébuleuse dévorante, aussi insondable et redoutable que les profondeurs abyssales d'où aucune lumière ne revient.

« Alors, la fin est proche pour l'Europe, hein ? » dit-elle en jetant la cendre de sa cigarette avec un dédain désinvolte qui dément la gravité de ses propos. "C'est comme une sorte de prophétie tordue, n'est-ce pas ? Les voyants d'Hyperborée et les oracles de Grèce sont réunis en une seule et même prédiction. Les cultures s'effritent, les identités se dissolvent, et tout cela arrive aux Européens. Pendant ce temps, en Inde, en Chine, dans le monde arabo-musulman, ils tiennent bon. Il est hors de question qu'ils abandonnent leur héritage et leurs racines. Ils sont comme les Grecs anciens ou les mythiques Hyperboréens, protégeant farouchement leurs identités culturelles avec tout ce qu'ils ont ».

Sa voix est devenue un murmure conspirateur : « Et l'Europe ? L'Europe reste là, à se tordre les mains pendant que les vagues s'écrasent contre les portes. L'islamisme conquérant, la puissance chinoise inarrêtable, l'énergie implacable de l'Inde - tout cela frappe à la porte, et les dirigeants européens sont coincés dans une sorte de paralysie. On croirait voir les défenseurs de Troie se préparer à l'inévitable, ou Conan, seul dans les étendues gelées, affronter la horde. Mais le comble, c'est que..."

L'Europe doit se ressaisir. Elle doit se souvenir de ses racines, des vieilles histoires, des vieilles batailles. Elle doit se battre, non seulement pour elle-même, mais aussi pour l'avenir, pour la prochaine génération. Appelez cela de l'archéofuturisme ou autre, mais il s'agit d'honorer le passé tout en construisant l'avenir. Parce que si ce n'est pas le cas ? Eh bien, nous savons tous comment ces histoires se terminent habituellement ».

jeudi, 01 août 2024

Réflexions au milieu de la convergence des catastrophes

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Mais demain nous appartient...

Réflexions au milieu de la convergence des catastrophes

Werner Olles

Nous écrivons cet essai quelques semaines seulement avant le 20 août, deuxième anniversaire du meurtre lâche et insidieux de la philosophe et publiciste russe Darya Dugina par les services secrets de la junte nazie et criminelle de Kiev, dirigée par le dictateur corrompu Selenski.

L'acte de ces assassins déshumanisés s'est déroulé sous les yeux horrifiés de son père, à qui il était sans doute destiné. La jeune femme, qui a porté l'héritage de son père, le philosophe et écrivain Alexandr Douguine, et dont les conférences et les écrits analysaient et démasquaient l'impérialisme mondial destructeur des peuples de l'Occident collectif tout en lui déclarant la guerre sainte, nous montre théoriquement et pratiquement la bonne voie, la voie difficile. Dasha est morte, c'est une martyre de la politique, mais elle continue à vivre dans nos cœurs parce qu'elle s'est battue pour le bien contre le mal. Contre les maîtres sataniques de l'or et de l'argent de Davos, contre le trans-atlantisme, l'unipolarité, le mainstream occidental et ses vassaux politico-médiatiques bellicistes, et pour la naissance de la liberté multipolaire des peuples et des nations. Leur héritage nous donne la force et le courage d'affronter, armés et l'esprit en éveil, la bête du « Great Reset » dans toutes ses atroces nuances.

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L'Occident collectif, avec son transhumanisme, sa volonté enragée d'effacer l'histoire, sa folie du gendérisme, avec sa sorcellerie répugnante et sa folie woke-LGTB et avec ses innombrables autres dystopies, toutes contraires à la nature humaine, comme par exemple l'ultra-mondialisation, a entre-temps provoqué la rupture définitive et vitale entre l'État-nation impérial russe et l'impérialisme libéral-mondialiste des États-Unis/de l'OTAN, entre la Troisième Rome et le marais toxique mondial et l'infamie spirituelle du règne cosmopolite du mensonge. Cette fracture est irrémédiable, et c'est tant mieux, car au milieu d'un monde occidental qui est en train de s'effondrer parce que le mensonge, le crime, la trahison et la violence ne sont pas en mesure d'arrêter la Russie et l'orthodoxie chrétienne, qui se dressent comme un roc invincible dans la tourmente. L'Occident collectif peut envoyer tous ses mercenaires impies, assoiffés de meurtre, contre l'Empire de la Lumière, ils se briseront contre ce rocher.

« Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille entre les hommes; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul » a écrit un jour Arthur Rimbaud, nous rappelant ainsi cette vérité irréfutable, mais apparemment difficile à accepter pour les stratèges allemands de l'avant-garde, celle de la soi-disant « nouvelle droite », que la métapolitique ne signifie rien d'autre que la guerre de l'information, et que ce que l'on appelle « l'avant-garde » doit en premier lieu être d'assumer la fonction d'une “élite de provocation” (Bernd Rabehl). Le fait que la métapolitique soit une véritable guerre, avec de vrais belligérants et, en cas d'urgence, de vrais morts, et qu'elle puisse mener au martyre politique sur le chemin de la guerre, est - semble-t-il en tout cas - totalement inconnu chez certains «savants sur le front de la théorie». En revanche, la devise de Darya Douguina était « Vita est super terram ! » - « La vie, c'est la guerre sur terre ! ». Alors que les médias pro-Otan se sont livrés à un terrorisme verbal des plus cruels et nauséabonds, notre devoir devrait être de rouvrir les portes de la vie, de la douleur, des passions, mais aussi du mépris - et non de la haine - à l'égard de la clique dirigeante de vassaux et de collabos qui, en cas de doute, marcheront sur (nos) cadavres.

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Mais la métapolitique nous apprend aussi que la « nouvelle droite » postmoderne en RFA n'a pas la moindre idée de ce qu'ont véritablement écrit Marx ou Gramsci. C'est un peu comme la néo-gauche, même si elle est encore plus trash. Mais ce n'est pas une excuse, bien sûr. Le « pré-carré » démesurément surestimé de quelques penseurs - les noms ne sont ici que du vent, mais il serait en tout cas préférable qu'ils réfléchissent d'abord avant de commencer à « pré-penser » au-delà de leur arrogance ridicule - devrait en effet recommencer à réfléchir à partir de Marx lui-même afin de mettre la métaphysique historique de la modernité, la pratique émancipatrice et la théorie critique sur un dénominateur commun. Ce n'est pas très facile, il est vrai, mais c'est tout à fait possible si l'on considère l'« empire du mal », le marxisme, non pas comme un « dérapage » traître de la gauche, ni comme la raison des Lumières mise en œuvre, qui devient ici visible, mais comme une critique radicale des Lumières, que l'on doit malheureusement encore chercher à la loupe dans ce que l'on appelle la « nouvelle droite ».

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Toujours est-il que le 21 juillet, sur PI-News, Martin Renner, député de l'AfD au Bundestag et fondateur du parti (photo), a enfin osé dire quelque chose que personne n'avait osé faire jusqu'à présent dans les cercles de nos stratèges soi-disant avant-gardistes. En effet, le penseur français et cofondateur du GRECE, Guillaume Faye, avait déjà attiré l'attention sur ce fait il y a près de vingt ans dans son ouvrage fondamental du même nom, « La convergence des catastrophes », qui n'est malheureusement pas encore paru en allemand; la « centrale parisienne », y compris ses épigones allemands, a perçu cet ouvrage tonifiant comme un pessimisme critique à l'égard de la culture; la petite frange allemande s'est souvenue de certains décrets de la « centrale » dans sa critique toujours réductrice de l'universalisme occidental. D'abord, Faye, le porteur de la mauvaise nouvelle, a été dénigré à titre posthume, ridiculisé, pour finalement être complètement ignoré. Lorsque cela n'a pas été possible, parce que quelques rares vrais hommes de droite se sont érigés en défenseurs et en justificateurs de Faye, parmi lesquels on peut citer en premier lieu Robert Steuckers, Stefano Vaj, Audrey d'Aguanno, Pierre Vial et Constantin von Hoffmeister, et que finalement l'auteur de ces lignes a lui aussi réfuté sans hésiter, à l'aide de nombreux faits, le « discours de crise » dérisoire derrière lequel on voit clairement la peur panique de la cruelle vérité, la mesure d'ostracisme a été prise par les disciples du « gourou » parisien. Les défenseurs de Faye ont rapidement été déclarés « auteurs de la petite scène (d'extrême-droite) », dont les thèses n'avaient pas à être discutées, et le dossier Guillaume Faye a été clos.

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Nous sommes tout naturellement très heureux que Martin Renner, un homme politique, ait rouvert le dossier à l'occasion de l'interdiction de la revue COMPACT et de la chaîne Compact-TV et nous lui donnons volontiers la parole. Sous le titre « Faeser et consorts. Crise ou catastrophe ? », Renner écrit: "Après une crise vient souvent la catastrophe. La catastrophe n'est pas seulement l'augmentation sémantique de la « crise », mais souvent aussi le sommet d'une évolution. C'est donc la conséquence directe et le résultat d'une crise non résolue. Cette brève présentation est nécessaire. Et ce, afin d'exposer le sérieux nécessaire avec lequel il faut considérer et traiter les actions récentes de la ministre fédérale de l'Intérieur et également du gouvernement fédéral.

CE N'EST PLUS UNE CRISE DURABLE, CE QUE NOUS VIVONS DANS NOTRE RÉPUBLIQUE, C'EST UNE CATASTROPHE. UNE DÉVASTATION CATASTROPHIQUE ET PLANIFIÉE DE NOTRE DÉMOCRATIE ».

Voilà ce que dit Martin Renner, qui mérite donc nos remerciements. Il faut espérer que son excellente contribution aura au moins ouvert les yeux de quelques camarades et amis sur la situation insupportable que nous vivons dans la « meilleure Allemagne qui ait jamais existé ». Il ne suffit pas de s'en remettre à la sagesse des soi-disant « penseurs » et des « experts » autoproclamés qui se bousculent une fois de plus dans le creux de l'été 2024 pour délivrer des messages nébuleux, remplacer les analyses par des démonstrations de bonne volonté, argumenter à l'encontre des faits et des règles logiques, ce qui est loin d'être un dérapage isolé, mais qui se sentent là vraiment dans leur élément.

En fait, cela montre trois choses : premièrement, que la catastrophe a atteint la conscience publique au moins depuis la contribution de Martin Renner au site PI, quelle que soit sa forme tordue ; deuxièmement, qu'elle ne doit pas exister si l'on en croit nos « penseurs » et qu'il faut donc l'interpréter comme un phénomène passager ; et troisièmement, que cela n'est justement plus possible.

lundi, 15 juillet 2024

Le numéro 100 de Terre & Peuple Magazine est paru!

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Le numéro 100 de Terre & Peuple Magazine est paru!

Hommage à Pierre Vial

Ce numéro 100 est l’occasion d’une rétrospective de 25 ans de publication. C’est aussi le moment d’une transition. Notre Président-Fondateur, directeur de publication et rédacteur en chef de Terre & Peuple Magazine, Pierre Vial, a souhaité prendre du temps pour se consacrer à lui-même et à sa famille et donc transmet le flambeau à l’équipe qu’il a su réunir tout au long de ces années de travail en commun, afin de continuer l’oeuvre entreprise.

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Avant d’indiquer la feuille de route pour, nous l’espérons, les 100 prochains numéros, nous voulons rendre hommage à l’homme qui nous a rassemblés et dont l’énergie, longtemps infatigable, a porté l’Association Terre et Peuple et la revue éponyme. Il est toujours préférable de saluer un homme d’exception quand il est toujours parmi nous car il peut en goûter le fruit, sa modestie dût-elle en souffrir.

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Pierre Vial est à la fois un militant de la cause identitaire, un militant de la cause nationale, un historien de la civilisation européenne et un éveilleur de la conscience politique et culturelle de très nombreuses personnes, dont beaucoup sont abonnées à cette revue. Il faut rappeler ses contributions essentielles dans la période créative du Groupement de Recherche et d’Étude pour la Civilisation Européenne, dans la période de l’essor du Front National de Jean-Marie Le Pen avant d’aboutir à la création de Terre et Peuple. Entraîneur d’hommes, homme de foi, bon camarade, scrutateur sagace de l’évolution de notre époque, Pierre Vial a créé Terre et Peuple pour repenser le mouvement identitaire à l’aune des nouveaux défis du XXIe siècle. Pour ce rôle moteur, Pierre, sois remercié.

On peut tenter de résumer l’impulsion donnée par Pierre Vial à une reconfiguration de la pensée identitaire.

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Il y a d’abord l’affirmation du caractère positif du substrat anthropologique albo-européen et la nécessité de l’étudier de manière empathique. La race albo-européenne, en ses diverses ethnies, a, sur le continent européen, le droit des primo-occupants. Elle y est l’autochtone et le véritable indigène. Elle a certes les défauts de ses qualités mais n’a pas plus démérité que les autres. Elle n’a pas à rougir de ses créations spirituelles, culturelles, historiques et matérielle. Elle a donc le droit de vivre et de se développer sur ses terres ancestrales. Et si elle doit examiner d’un oeil critique son héritage afin de ne pas recommencer certaines erreurs, c’est ni plus ni moins que les autres. On dira finalement qu’elle n’est ni meilleure ni pire que les autres mais différente et que cette différence mérite d’exister.

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Il y a ensuite la nécessité de prendre en compte la longue histoire culturelle et civilisationnelle, liée à ce substrat anthropologique, qui a produit des psychologies collectives profondément enracinées. En particulier, dans la foulée de notre regretté ami et camarade Jean Haudry, dont il fut très proche, Pierre Vial a toujours insisté sur l’empreinte marquante des peuples Indo-Européens, matrices des peuples européens modernes. Il ne s’agissait pas de réduire l’identité européenne à une donnée unique, mais de comprendre le mariage d’unité et de diversité produite par la sédimentation historique des Indo-Européens dans les diverses ethnies du continent.

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Cette compréhension fine a amené Pierre Vial à nous indiquer la voie païenne comme accès à une spiritualité tout à la fois diverse, enracinée dans des sols et des ethnies de longue durée et reliée, dans le temps et l’espace, à ses diverses composantes constitutives, loin du monothéisme idéologique. Il a consacré beaucoup de temps à l’étude des anciennes religions et des traditions populaires qui en gardent une trace rémanente. Et c’est une direction de travail dont il n’a jamais cessé de nous souligner la richesse pour structurer un avenir.

Comme historien, Pierre Vial a le sens de la stratification historique, c’est-à-dire de la superposition des changements qui s’accumulent au fil du temps, modifiant le legs du passé et induisant les variations du futur. C’est la raison pour laquelle il nous a incité à ne pas faire preuve d’angélisme en méprisant les nations historiques au profit de constructions fantasmées.

De la même manière, s’il n’a jamais hurlé avec les charognards qui s’acharnent sur les vaincus de l’histoire récente, une fois à terre, il sait aussi que l’histoire ne repasse pas les plats, en tout cas pas avec la même tambouille. C’est donc avec beaucoup d’ironie qu’il regarde ceux qui croient rejouer, dans les contreforts du Donbass, la geste du Front de l’Est mettant les runes au service… de Davos, de Bruxelles, de Washington et d’autres du même acabit. Il nous a tous engagé, dans nos analyses, à regarder le réel en face et à ne pas avancer vers l’avenir à reculons. Être fidèle à un héritage, ce n’est pas le bégayer.

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Dernier enseignement, et non des moindres, sur lequel Pierre Vial a toujours insisté, c’est l’importance de la question sociale pour la cohésion nationale. En dehors des aspects délétères de l’idéologie libérale, il nous a engagé à être soupçonneux à l’égard des arrière-pensées des ploutocrates qui se souviennent de la nation quand ils ont besoin de chair à canon et l’oublient au moment du partage des bénéfices. Comme notre regretté ami et camarade Jean Mabire, dont il fut aussi longtemps l’ami, Pierre Vial nous a incité à voir dans les socialismes atypiques une source d’inspiration pour encadrer la nécessaire activité économique en ayant le souci du bien commun. Il aime à dire que les questions sociales, nationales et identitaires sont les dimensions pour résoudre un seul problème, celui de la pérennité du peuple.

Voilà, Pierre, les pistes et les indications que tu as montrées en créant Terre et Peuple, nous y resterons fidèles. C’est une inspiration créatrice pour continuer à penser l’identité, dans ses dimensions nationales et européennes au XXIe siècle. Tu peux désormais te consacrer aux tiens et à toi-même en profitant d’un repos mérité. Nous continuerons sur la voie que tu as défrichée.

JEAN-PATRICK ARTEAULT

Solstice d’Été n°100

mardi, 25 juin 2024

Dominique Venner: être soi-même jusqu’au dernier instant

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Pierre Le Vigan:

(Archives: 22 mai 2013)

Dominique Venner: être soi-même jusqu’au dernier instant

« Une mort peut agir sur l'avenir comme une irradiation. »

Yukio Mishima

Qui est légitime pour parler de Dominique Venner ? Peut-être personne car personne n’est revenu d’un suicide réussi et soigneusement programmé. Il n’est pourtant peut-être pas impossible de témoigner de son admiration. Elle est égale à celle que j’éprouve pour Honoré d’Estienne d’Orves ou Jean Prévost. L’acte de Dominique Venner, son sacrifice, est un acte de témoignage. Il y a eu bien des gens courageux, en France et en Europe, qui, condamnés à mort, ont affronté celle-ci avec un courage serein, bien des vaincus de l’histoire qui, ayant vu mourir leurs idéaux, en ont tiré les conséquences en se donnant la mort.  Mais l’acte de Dominique Venner est d’une netteté, d’une pureté, d’une rareté, d’une précision et d’une justesse existentielle précisément inouï.

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L’inouï c’est la pure incandescence, le saut, la révélation, la rupture de l’enchaînement discursif. L’inouï de Venner, c’est le recours à un geste homérique. Si Dominique Venner était bien entendu un opposant au « mariage homo » ce n’est évidemment pas la raison principale de son suicide. La raison principale de son geste, c’était de réveiller les consciences au sujet du Grand Remplacement c’est-à-dire de la substitution dans notre pays d’une population autochtone par une population d’origine étrangère.

Je n’étais sans doute pas entièrement d’accord avec les analyses de Dominique Venner – et je le dis pour une raison : il n’est peut-être pas totalement inutile que chacun sache d’où je parle. Sur la question du métissage, je suis d’avis que c’est un non problème. Il a toujours représenté une pratique très minoritaire pour des raisons qui tiennent à l’anthropologie humaine, aux habitus. On le voit avec les immigrés qui pour l’essentiel se marient dans leur race, voire dans leur ethnie. Il n’y aura jamais de métissage généralisé car la majorité des gens n’en veulent tout simplement pas. Le métissage ne poserait problème que s’il n’en existait qu’une seule forme aboutissant à un type humain unique. Or il existe une infinité de formes de métissages : entre un Vietnamien et un Biélorusse, entre un Tchétchène et un Camerounais, entre un Argentin et un Malgache, etc. Comme il existe des formes quasi-infinies de métissage, ceux qui craignent que le métissage ne réduisent la pluralité humaine – le bien le plus précieux – se trompent.

Le seul métissage qui poserait problème serait un « métissage » des sexes. Le remplacement de la catégorie homme-femme par un être mi-homme mi-femme. C’est d’ailleurs le fantasme de notre outre-modernité. Ceci étant dit, l’actuelle propagande pro-métissage est bien entendu insupportable. Elle fait partie de la propagande contre les racines : être tout sauf ce qui ressemble à ce que nous avons été. C’est une propagande malsaine et provocatrice.

Sur la question de l’immigration de masse, je partage tout à fait sa condamnation par Dominique Venner. J’attacherais sans doute moins d’importance à la race elle-même. Les Roms sont des Européens, et même des Indo-Européens, souvent très attachés du reste à sauvegarder leur « pureté «  raciale en évitant tout métissage. Est-ce une garantie de quoi que ce soit ? De même, les Afghans et Pakistanais ne sont-ils pas des Indo-européens ? Cela signifie-t-il que leur immigration massive en Europe soit une bonne chose ? J’attache plus d’importance aux facteurs culturels. Ainsi, un Africain francophone me parait la plupart du temps plus facile à intégrer qu’un Européen qui ne ferait pas l’effort ou ne pourrait apprendre le français (ce qui ne veut évidemment pas dire que tous les Africains francophones aient vocation à venir vivre en France).

*

Ces précisions faites, il n’en reste pas moins que les races existent, même si leur nomenclature n’est pas simple, a beaucoup évolué et est très loin de se résumer aux « Jaunes », « Blancs », « Noirs ». Ce sont des réalités aux frontières mouvantes mais des réalités quand même. Dominique Venner, qui défendait l’identité de tous les peuples, n’acceptait pas ce que nous voyons tous : des territoires entiers de notre pays peuplés de gens d’origine non européenne. Que ceux-ci soient en grande majorité des braves gens n’est pas en cause.

C’est l’atmosphère d’un pays qui change. C’est le climat auditif qui change : je suis très souvent dans le métro, on y entend toutes les langues et la plus rare ou la plus discrète est parfois le français. La France, l’Europe doivent-elle changer à ce point ? Je ne le crois pas. Venner ne le croyait pas. Ouverture à l’autre, oui, mais mesurée. Dissolution dans l’autre, non. Le pouvoir d’intégration ou d’assimilation (toute querelle de mot est ici vaine) de notre pays s’est épuisé. Pourquoi ? Parce qu’il supposait que sur tout le territoire, la culture de référence soit celle du peuple français, ce qui allait sans dire jusque dans les années mille neuf cent soixante.

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Aujourd’hui, l’Afrique est peuplée en quasi-totalité d’Africains, l’Asie d’Asiatiques, l’Europe est le seul continent qui tend à ne plus être peuplé majoritairement d’Européens. Dominique Venner n’a pas voulu que cette mort de la différence européenne, qui vaut bien les autres, et surtout qui est la nôtre se fasse dans le silence. « Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations. » Son coup de revolver le situe aux antipodes de Breivik qui ne méritait nul éloge même « littéraire ». Le sacrifice de Venner ne peut se comparer à rien d’aussi grand, car il n’y a rien d’aussi net. La seule grandeur qui nous reste c’est la netteté du regard sur les choses et la netteté de l’acte. Il y avait dans le sacrifice de Mishima une dimension d’esthétique personnelle, il y avait une réponse à la crainte de devenir aveugle chez Montherlant. Cela n’enlève rien à la force éthique de leur geste.

Mais Dominique Venner n’était pas un homme de lettres, il n’y avait pas chez lui cette dimension toujours un peu ’’dégueulasse’’ de l’ « homme-de-lettres ». C’est pourquoi Venner est encore au-dessus de ces exemples. « Il faudrait nous souvenir aussi, comme l’a génialement formulé Heidegger (Être et Temps) que l’essence de l’homme est dans son existence et non dans un ‘’autre monde’’. C’est ici et maintenant que se joue notre destin jusqu’à la dernière seconde. Et cette seconde ultime a autant d’importance que le reste d’une vie. C’est pourquoi il faut être soi-même jusqu’au dernier instant. C’est en décidant soi-même, en voulant vraiment son destin que l’on est vainqueur du néant. Et il n’y a pas d’échappatoire à cette exigence puisque nous n’avons que cette vie dans laquelle il nous appartient d’être entièrement nous-mêmes ou de n’être rien. » J’avais cru qu’Ernst Jünger était mort en 1998. Ce n’est qu’hier qu’il vient de mourir. Il était à Paris, du côté de Notre-Dame. Cette fois, il est bien certain qu’il est mort.

                                                                                  PLV

Pierre Le Vigan vient de publier :

Nietzsche, un Européen face au nihilisme, La barque d’or, diffusion amazon.

Les démons de la déconstruction. Derrida, Lévinas, Sartre. Au-delà de la déconstruction avec Heidegger, La barque d’or, diffusion amazon.

Le coma français, Perspectives libres - Cercle Aristote

Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne, Perspectives Libres -  Cercle Aristote.

samedi, 08 juin 2024

La guerre culturelle, la loi fondamentale et la lutte contre la droite - Réflexions en marge de la convergence des catastrophes

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La guerre culturelle, la loi fondamentale et la lutte contre la droite

Réflexions en marge de la convergence des catastrophes

Werner Olles

Depuis que la "culture du couteau" a fait son entrée en Allemagne et que la construction malveillante et intrigante qu'est le libéralisme global s'est installée, avec toute son arrogance et sa soif de pouvoir illimitées, lesquelles sont aussi glaciales que dangereuses, dans le mensonge, la folie et le manque de caractère, à l'instar de robots sans esprit, sans vérité, sans chaleur, sans éducation et sans intelligence organique, le fragment d'État qu'est la RFA prend des décisions qu'il n'est pas prêt à prendre pour le bien de ses citoyens, mais plus exactement des décisions qui vont exactement aux dépens d'eux. Il y règne un libéral-démocratisme extrême devenu de fait sauvage, de la part d'empoisonneurs sans scrupules et d'éléments belliqueux et sans patrie comme la secte queer-woke des Verts, qui ne connaît aucun autre but que ses délires idéologiques, ne reconnaît aucune nation, aucun État, aucune forme et aucune pensée raisonnable, mais est une secte uniquement mue par une fringale sadomasochiste de vassalité consentante et de soumission à l'hégémonie de l'OTAN, organisation américaine, à la nomenklatura eurocratique de Bruxelles, aux mondialistes du "Forum Economique Mondial" et de l'ONU, et à un humanitarisme affecté au bénéfice de tout le monde sauf des Allemands. Le fait que cet « Etat » considère ses citoyens comme de simples objets d'une éducation disciplinaire que l'on peut brimer, harceler, abuser, tromper, humilier et rabaisser à volonté, la soumission n'est alors pratiquement qu'une formalité.

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En effet, la politique qui gère l'immigration et les étrangers et que pratique la classe dirigeante, par exemple, n'a pas seulement quelque chose d'écœurant et de mensongèrement bien intentionné: elle incarne la forme la plus brutale et la plus asociale du politiquement correct et elle opère aussi sans vergogne et à une vitesse folle la dissolution des structures sociales et de voisinage traditionnelles, d'un cadre de vie relativement gérable, du moins jusqu'à il y a quelques décennies, qui promettait une sécurité quant au comportement naturel des habitants de la république et reposait sur des évidences, toutefois depuis longtemps en déclin mais encore exemptes de bricolages idéologiques et de slogans néolibéralistes. Certes, à l'époque, il n'y avait déjà que peu de recettes politiques claires et véritablement orientées vers l'avenir, mais il y avait déjà des dommages causés par un consumérisme excessif et surtout un secteur culturel beaucoup trop subventionné, que la gauche et les Verts pouvaient occuper à leur guise. Il y eut la TV, cloaque sous-culturel avec ses niaiseries à l'américaine, puis vint la dérision anticipatrice de tous les réflexes sains d'un peuple; l'islamisme apparut sur la scène politique, géopolitique, culturelle et sociale, le désastre commença, la catastrophe du Grand Remplacement, du repeuplement et de l'accaparement des terres, qui atteignit son paroxysme en 2015. Après les guerres civiles déclenchées par l'hégémon américain en Afghanistan, en Syrie et en Irak, le régime libyen a été démantelé, alors qu'il assurait jusque-là de manière fiable la protection des frontières, totalement négligée par l'Union européenne et l'Allemagne, et constituait ainsi un certain verrou contre la submersion par l'immigration culturelle étrangère de masse. Toutes les digues ont alors cédé et le misérabilisme des élites politico-culturelles a propagé la thèse folle selon laquelle les Européens avaient le devoir et le besoin d'accueillir les nouveaux occupants et de leur fournir tout ce que l'on rechignait à accorder à la population locale qui payait des impôts.

la-convergence-des-catastrophes.jpgL'enthousiasme malsain pour les envahisseurs venus d'Orient et d'Afrique, qui emportaient dans leurs bagages l'islamisation de l'Europe, s'est toutefois manifesté le plus clairement en Allemagne, qui a volontiers ouvert les portes de son luxuriant système social et a naturellement accueilli la grande majorité des demandeurs d'asile. On peut sans crainte qualifier cette maladie de « psychopathologie collective » avec le penseur français Guillaume Faye, décédé en 2019, mais qui n'est rien d'autre qu'une « imposture historique » (Faye), un monstre d'ethno-masochisme, de haine de soi et de racisme inversé contre son propre peuple, d'exaltation de l'abâtardissement et de l'universalisme, de xénophilie et de négation de sa propre identité ethnoculturelle jusqu'au suicide ethnique. Après tout, jusqu'à présent, seules les élites d'Europe occidentale ont été touchées par cette épidémie de colonisation de l'Europe par les nouveaux colons exotiques.

Entre-temps, il devrait être clair, même pour le plus stupide des gauchistes, qu'une société multiraciale est toujours une société multiraciste, qui ouvre la porte à la violence, à la terreur, aux crimes interclaniques et au totalitarisme politique, fossoyeurs de toute véritable démocratie. Outre les largesses généreusement distribuées aux envahisseurs par nos systèmes sociaux, cela a aussi beaucoup à voir avec le fait que les sociétés occidentales utilitaristes, de concert avec les socialistes milliardaires du Great Reset, veulent créer un système dont l'objectif est l'homme détaché de tout lien naturel, de toute tradition et de toute appartenance, interchangeable à volonté, sans identité, sans culture, asocial, uniquement consommateur, ouvert à l'exploitation, à la consommation de drogues et à la farce vide de sens que sont les libertés factices du « One World ».

Nous voyons donc que la lutte contre le métissage et la surpopulation étrangère est encore plus importante que la mobilisation pour la souveraineté politique, la résistance à l'augmentation constante de la dette publique et à l'austérité imaginaire ou à la prétendue « gauche anticapitaliste ». Nous constatons également que les « antiracistes » féministes du monde entier fraternisent avec les musulmans noirs et arabes, alors que la plupart d'entre eux sont à la fois racistes, ouvertement misogynes et antisémites, tandis que le racisme violent contre les Blancs et les innombrables viols de filles et de femmes autochtones sont niés d'un revers de main. Parallèlement, la « discrimination positive », appelée « affirmative action » dans les universités américaines, permet aux personnes issues de la « diversité » d'accéder plus facilement à des logements sociaux payés par l'État, ce qui n'est pas le cas des autochtones, ou de bénéficier d'une impunité de plus en plus fréquente pour les activités criminelles.

Avec leur approche totalitaire, les dirigeants persécutent aujourd'hui tous ceux qui, pour de bonnes raisons, les critiquent, les dénoncent, prédisent depuis de nombreuses années l'effondrement du multiculturalisme et réclament un retour à l'homogénéité culturelle, qui est l'exact contraire d'une société ethno-masochiste gangrénée par des illégaux issus de cultures pré-civilisationnelles étrangères à notre espace. En réalité, cependant, l'agitation de la classe politique et de ses divers serviteurs dans les médias dominants est incessante et se radicalise de jour en jour. Une campagne de dénigrement et de désinformation en chasse une autre, et les propos abracadabrants de petits morveux décérébrés et de vieilles femmes vertes haineuses dans les talk-shows de la télévision-cloaque publique, dirigés par des larbins du régime, qui témoignent d'une grave confusion mentale, semblent ne pas avoir de fin.

Face à cette situation précaire pour la Nouvelle Droite, on pourrait penser que tous ceux qui ont rejoint la résistance contre le modèle de société qui nous opprime, nous persécute, nous insulte, nous discrimine, nous diffame et nous humilie quotidiennement, devraient maintenant être solidaires, se soutenir mutuellement et, si une autocritique est nécessaire - et elle l'est certainement -, l'exprimer en interne et non pas devant les yeux et les oreilles de tous et pour le plaisir de notre ennemi commun, et surtout renoncer à l'hypercritique. Cela concerne aussi bien l'AfD en tant que parti que le « Vorfeld », l'espace métapolitique en marge, excessivement surestimé. En fait, c'est bien plus embêtant que ce que la plupart d'entre nous pensent. Alors que les « rats de bibliothèque universitaires » ont tendance à tout stériliser, à s'empêtrer dans des détails microscopiques et à cesser de penser, d'autres glissent complètement vers l'intellectualisme et se contentent, sous prétexte que l'on mène tout de même un combat culturel métapolitique, d'aligner des idées purement abstraites et de tenir des propos totalement déconnectés de la réalité, sans envisager de mise en œuvre politique ou révolutionnaire. Une autre coterie idéologique fait carrière dans la politique de parti, dilue de plus en plus ses positions, laisse dépérir sa vision idéologique du monde et oublie complètement que notre combat concerne la création d'une situation efficace et non des postes et des places dans un appareil. Certes, l'activisme politique n'est pas dépassé, bien au contraire, mais il doit être fondé sur une base théorique et idéologique concrète et avoir pour objectif de renverser l'uniformisation mentale et le conformisme dominant, tissés de platitudes, par de nouvelles idées révolutionnaires, des solutions originales et des projets alternatifs.

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Nous ne nous battons pas seulement pour des idées, mais aussi, entre autres, avec des idées, comme l'a très bien dit Guillaume Faye. Cela suppose tout d'abord de désigner un ennemi à combattre, car cet ennemi espère que nous nous laisserons diviser, voire opposer. Cette stratégie est désormais utilisée avec succès par les États islamiques, qui envoient leurs jeunes hommes prêts à se battre contre nous, déguisés en réfugiés. Notre identité culturelle et ethnique est donc attaquée de l'extérieur et de l'intérieur, tandis que nous nous déchirons et nous entredéchirons à l'intérieur: une situation vraiment déplorable. Il faut donc se méfier des petits sachants vaniteux et des faiseurs de faits qui accordent plus d'importance à leur sécurité et à leur confort qu'à se considérer en état de résistance et de rébellion contre un système qui n'a rien, mais alors rien, à nous offrir, si ce n'est un dégoût existentiel pour ses perversions queer, ses bassesses politiques, ses mensonges, ses escroqueries et ses répugnances woke. C'est pourquoi nous ne lui devons ni obéissance ni loyauté, mais une critique radicale, une pensée radicale et l'adoption de positions révolutionnaires, plutôt que de suivre une logique prétendument conservatrice, car il n'y a plus rien à sauver et à préserver dans et par ce système.

Il ne peut s'agir que de se préparer à un renouveau et de tenter sérieusement de construire une véritable contre-société avec des réseaux flexibles, articulés et actifs comme embryon d'un nouvel ordre à venir. C'est d'ailleurs le modèle temporairement réussi des « révolutionnaires culturels » de 1967-1968, qui a toutefois débouché en partie sur le radicalisme folklorique, le terrorisme infiltré par les services secrets et une mentalité d'abandon de type hippie. En revanche, nous devrions nous débarrasser de la fameuse « marche à travers les institutions », qui réduit la politique à la politique quotidienne, diffuse une autosatisfaction pseudo-philosophique et, sous la forme de la secte des Verts, n'est pas trop gênée pour risquer une guerre nucléaire mondiale contre la Fédération de Russie, qui entraînerait l'Europe dans l'abîme.

Le dilemme des conservateurs, qui ont certes des affects très forts contre une société reposant sur la perversion égalitaire, sur la dysharmonie imposée par l'État, sur la fragmentation culturelle et sur la guerre civile qui se profile à l'horizon, devient toutefois évident lorsque se manifeste enfin l'indignation bouillonnante face à l'étalage macabre des rêves fébriles de la gauche et des verts sur une « diversité » imposée de force. Cette indignation peut prendre la forme de manifestations et de rassemblements légitimes contre un projet de centre d'asile dans une commune, constituant ainsi un symbole fort de résistance à la force destructrice que constitue le chaos multiethnique, ou la forme de visions littéraires et éditoriales d'une société liée historiquement par une identité nationale et culturelle commune. De multiples possibilités de résistance doivent être envisagées face à une politique erronée qui, en raison de sa trahison inhérente et de ses expériences délirantes, met en péril la paix sociale par un flot incessant d'immigrés clandestins. Dans ce contexte, la transgression est également justifiée, car l'Europe et l'Allemagne se trouvent aujourd'hui dans la plus grande lutte existentielle de leur histoire.

Face à la manipulation massive des citoyens, à la surveillance et à la persécution de la résistance et des forces d'opposition et de dissidence, les conservateurs se défendent avant tout par la parole et par l'écrit et, en cas d'urgence, en faisant appel aux tribunaux. Il n'y a rien à redire à cela, tant qu'il ne s'agit pas d'un donquichottisme face à la convergence des catastrophes, à la colonisation de nos pays et à la bataille pour l'Europe qui y est étroitement liée. Le fait que les conservateurs et les réactionnaires ne parviennent plus à croire à la possibilité d'une Reconquista ne fait pas d'eux des complices du système, l'auteur se considérant lui-même comme un réactionnaire aux racines nationales-révolutionnaires.

Pourtant, l'une des erreurs cardinales des conservateurs comme de la Nouvelle Droite est de ne pas comprendre le Grand Remplacement dans le contexte historique des invasions islamiques, à commencer par la bataille de Tours et Poitiers en 732 et le deuxième siège turc de Vienne en 1683, comme la troisième agression de l'Islam contre l'Europe, entravant et disqualifiant ainsi l'engagement politique et militant de jeunes patriotes idéalistes.

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Ainsi, lorsqu'un auteur conservateur renommé, dans un journal conservateur tout aussi renommé, dévalorise, dans une longue critique, les thèses de Martin Sellner dans son livre « Remigration » en les qualifiant de « revendications » contraires à la Loi fondamentale et qui, de surcroît, vont à l'encontre de la « dignité humaine », il s'égare dans des raisonnements qui s'apparentent davantage à des étiquettes superficielles qu'à une approche sérieuse, critique et solidaire du fond des choses. Les thèses de Sellner méritent en effet d'être discutées et critiquées, mais il ne s'agit pas de « revendications », mais de propositions que l'on peut rejeter, ignorer ou accepter. Manipuler la Loi fondamentale est toutefois une grave erreur politique, et de surcroît extrêmement insensible. Les conservateurs devraient commencer à comprendre que la provocation imprègne l'ensemble du monde idéologique et qu'ils respectent aussi bien le moralisme strict du militant que la nostalgie et l'amour de la légalité et du droit des conservateurs, teintés de capitulation. Malheureusement, ces derniers ne comprennent toujours pas qu'une guerre culturelle est avant tout une question de pouvoir et non de droit, et que les affects de nos ennemis n'ont pas à nous intéresser.

Nous ne voulons pas nous lancer dans une querelle de principe sur « notre » Loi fondamentale, il suffit pour cela de se remémorer le discours prononcé par l'un de ses pères, le professeur Carlo Schmid (SPD), le 8 novembre 1948 devant le Conseil parlementaire à Bonn, avec le beau titre « Qu'est-ce que cela veut dire, la Loi fondamentale ? », et de se rappeler que l'État libre de Bavière et le KPD ont tous deux rejeté cette « construction émanant d'une commission militaire alliée » (Carlo Schmid) pour des raisons très valables et compréhensibles.

En dépit de son préambule, l'adoption de la Loi fondamentale, après que les Alliés l'eurent censurée et modifiée des dizaines de fois pour qu'elle aille dans leur sens, marqua l'approbation de la division de l'Allemagne, qui ne pouvait plus être évitée. Le président de la SPD, Kurt Schumacher, a accusé Konrad Adenauer, non sans raison, d'être le « chancelier des Alliés ».

Contrairement à une constitution complète, la Loi fondamentale est donc encore aujourd'hui un document instituant un « statut d'occupation imposé » et la RFA constitue la « forme d'organisation d'une modalité de la domination étrangère » (Carlo Schmid). Celui qui attribue à ce fragment d'État un caractère démocratique doit donc expliquer comment la démocratie peut fonctionner sans souveraineté. A cet égard, Wolfgang Schäuble a dit ce qu'il fallait le 18 novembre 2011 lors d'un moment fort devant l'association des banques : « Nous n'avons jamais été totalement souverains depuis le 8 mai 1945 ! ».

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Alors qu'une Constitution est donc l'auto-réalisation de la liberté par un peuple qui le coule sous une forme juridique, la Loi fondamentale, conçue dès le départ comme un texte provisoire, doit porter en elle une limite temporelle jusqu'à ce que soit adopter une future Constitution complète. La Loi fondamentale cesse automatiquement d'être en vigueur le jour où le peuple allemand se dotera librement d'une constitution. Alors que le peuple allemand est, théoriquement, la source de la souveraineté, celui-ci est bafoué chaque jour. Il s'agit donc d'un acte de soumission permanent qui bloque l'exercice de la souveraineté du peuple allemand. Bien que le règlement de la Haye sur la guerre terrestre interdise l'occupation de l'Allemagne, qui jusqu'à ce jour serait perçue comme un acte interventionniste, cela n'empêche pas l'OTAN, dirigée par les États-Unis, d'intervenir dans le conflit russo-ukrainien depuis le sol allemand, nous exposant ainsi à la menace d'une nouvelle guerre mondiale.

Nous devons donc considérer comme notre devoir et notre objectif de créer une Allemagne et une Europe qui croient à nouveau en elles-mêmes et qui ne sont pas des vassaux hypocrites des États-Unis, de l'OTAN et de l'UE. Cela signifie apporter l'unité de la lumière, comprise sur le plan métaphysique, dans l'obscurité, alors que « le libéralisme enlève à la vie tout son mystère » (Emil Cioran), et que des religions synthétiques de substitution, sans convictions philosophiques profondes, pour lesquelles spiritualité et histoire sont des mots étrangers, déterminent aujourd'hui notre existence.

Certes, les spectres verts, forts de leurs mensonges, ont coupé le lien spirituel avec notre identité nationale et culturelle dans leur haine sans issue de tout ce qui est normal et décent, de l'honneur, de la dignité et de la grandeur, mais il existe des forces existentielles fondamentales qui permettent de surmonter les périodes de détresse et de mort culturelle : la mythologie du culte ou du rite, l'amour de la patrie et la lutte éternelle contre le mal. En fait, il n'est pas du tout certain que nous gagnions cette bataille si l'ontologie politique ne mûrit pas en un phénomène métaphysique. C'est là qu'apparaît à nouveau la vieille discussion entre Carl Schmitt et le réactionnaire catholique espagnol Alvaro d'Ors. Alors que C. S. espérait que le katechon, l'empêcheur de tourner en rond, s'opposerait à l'Antéchrist, incarnation du mal, et retarderait ainsi la fin du monde, le croyant espagnol misait sur le retour imminent de notre Seigneur et Sauveur, qui apparaîtra à la fin des temps comme un juste juge. Le chrétien ne devrait donc pas retarder la chute à tout prix, mais implorer la justice et la grâce de Dieu. Le fait que cette question fondamentale ne soit même plus d'actualité dans nos églises, mais qu'elle le soit dans un empire katéchonique comme la Russie et son orthodoxie, en dit long sur notre déclin transcendantal et spirituel.

Néanmoins, ne nous laissons pas aller à des apaisements et des comportements défensifs face aux campagnes agressives de dénigrement et de désinformation de nos ennemis, ne renions pas les nôtres attaqués par le système, ne cultivons pas un conservatisme stérile où il n'y a plus rien à conserver, mais passons plutôt à l'offensive sans nous laisser impressionner, car « la vie est un combat sur terre ! » (Darya Douguina). Nos amis du FPÖ avec Herbert Kickl en Autriche, Viktor Orban en Hongrie et, surtout, les Trumpistes aux États-Unis prouvent chaque jour que cela est possible. C'est peut-être notre dernière chance de remporter la guerre culturelle et de redonner un sens à notre vie. Une raison suffisante pour un optimisme eschatologique !

Werner Olles

mardi, 04 juin 2024

Le nouveau romantisme et la Quatrième Théorie Politique (4TP)

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Le nouveau romantisme et la Quatrième Théorie Politique (4TP)

Carlos X. Blanco

S'il existe un dénominateur commun aux trois théories politiques prédominantes dans le monde, en particulier dans le monde occidental, c'est bien le matérialisme. Selon la caractérisation du philosophe russe Alexandre Douguine, les trois théories politiques dominantes de la modernité occidentale sont, dans l'ordre, 1) le libéralisme [1TP], 2) le socialisme-communisme [2TP] et 3) le fascisme et le national-socialisme [3TP]. Tous trois sont imprégnés d'une métaphysique léthargique et brutale, qui est la conception philosophique matérialiste. Cela se voit même dans les déclarations que la théorie politique fait sur elle-même, qui servent souvent des objectifs très différents de ceux d'une véritable philosophie : l'objectif de montrer la vérité. La propagande et la polémique contre les théories politiques rivales sont des facteurs qui sont à l'origine du fait que les théories politiques ne sont pas présentées telles qu'elles sont réellement, et il est nécessaire, dialectiquement, de comprendre les précédentes à partir d'une nouvelle théorie politique qui comprend et dépasse les précédentes. Toute théorie politique qui émerge au sommet de son époque implique l'engagement de comprendre cette même époque et, en même temps, intrinsèquement, de dépasser les précédentes qui, d'une manière ou d'une autre, prétendent maintenir leur validité et leur influence.

La quatrième théorie politique [4TP] de Douguine n'est pas seulement chronologiquement postérieure, comme l'affirmation selon laquelle le soir suit le matin, ou l'automne le printemps. La 4TP doit être - et est en effet - un dépassement du matérialisme en tant que dénominateur commun du libéralisme, du socialisme-communisme et du nazi-fascisme.

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La 1TP, rappelons-le, ne s'en tient pas exclusivement au libéralisme de Locke, mais aussi au matérialisme grossier de Thomas Hobbes, un autre Anglais qui, comme son lointain mais fondamental prédécesseur, le nominaliste Guillaume d'Ockham, a radicalisé la thèse d'Aristote : la seule chose qui existe est l'individu, et il n'y a pas de place pour les substances « secondes ». Les termes linguistiques qui correspondent à des entités supposées collectives, abstraites, génériques, n'existent qu'en tant que termes de langage (ontologiquement, ils se limitent à être des effets de voix - flatus vocis -, des taches d'encre sur du papier, des impulsions électromagnétiques dans un ordinateur...). Les termes nominalistes se réfèrent de manière univoque à des individus - humains ou non - distincts et ab-solus (c'est-à-dire « libres », détachés de l'arrière-plan sur lequel ils se profilent). Il est évident, comme l'a déjà souligné Costanzo Preve, que la clé de l'ontologie de la 1TP réside dans la doctrine sociopolitique sous-jacente, une ontologie de l'être social : l'entité individuelle, désignée de manière univoque à la manière nominaliste, n'est autre que l'individu humain absolutisé par le libéralisme : un atome sociopolitique et économique. Cette philosophe luciférienne, anglaise elle aussi, Mme Thatcher, l'a exprimé avec la clarté des flammes de l'enfer lui-même : « la société n'existe pas ». C'est du matérialisme pur : ce n'est pas seulement un matérialisme abstrait qui sous-tend une théorie de gouvernement et une conception économique. C'est un matérialisme imposé : la société doit être convertie, manu militari s'il le faut, et par des « chocs » (Pinochet, Videla, Eltsine...), en une masse d'atomes devant un État au service de certains capitaux tout-puissants, c'est-à-dire que la société doit disparaître.

La 2TP a l'avantage de ne pas cacher son matérialisme. Il est vrai que le Hobbes de la 1TP ne le cachait pas non plus, mais la rhétorique de la « libre initiative individuelle », de la liberté et de la société ouverte est une rhétorique qui continue à séduire de nombreuses personnes. Le socialisme et le communisme, en particulier dans sa version marxiste-engelsienne, sont des théories matérialistes et athées avouées. Mais ce n'est pas si simple. Nous devons à plusieurs auteurs (Gramsci, Preve, Fusaro, S. Bravo...) la réinterprétation de la philosophie marxiste dans une clé idéaliste : le philosophe de Trèves était un fidèle disciple de Fichte et de Hegel, un philosophe de la praxis (« au commencement était l'action »), dans la tradition allemande la plus authentique, poursuivie, grâce à Gramsci, par les Italiens.

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Cependant, l'implantation dogmatique et obligatoire de ce que l'on appelle le « matérialisme dialectique » et le « matérialisme historique », non seulement dans les États communistes (URSS, Europe de l'Est, Chine, etc.), mais aussi dans les partis communistes de l'Occident et dans une grande partie du monde, a justifié cette identification entre 2TP et matérialisme. Mais je crois que le grand maître Preve a montré au monde que ce qui est pérenne et vrai dans l'œuvre de Marx, c'est que les êtres sont des êtres communautaires, qui tissent et reconstruisent sans cesse leur communauté par l'action, et que c'est l'action communautaire - enracinée malgré les assauts du capital - qui transforme le monde et le fait évoluer, non pas dans sa pensée des Lumières tardives, mais dans son aristotélisme. Les êtres humains sont des êtres communautaires, qui tissent et reconstruisent constamment leur communauté par l'action, et c'est l'action communautaire - grosse de ses racines malgré l'assaut du capital - qui transforme le monde et le fait évoluer.

La 3TP est aussi un matérialisme grossier. Dans sa version nationale-socialiste, nul ne peut nier que derrière les appels nationalistes ou « patriotiques », la destination de cette théorie politique était la Race, et non la nation, une race prétendument supérieure, inventée sur la base de prémisses pseudo-scientifiques tirées de la science britannique et française du 19ème siècle. Le concept purement linguistique de l'« Aryen » a été extrapolé et mélangé à la pseudo-science darwiniste sociale du colonialisme occidental du 19ème et du début du 20ème siècle. L'humanité a été décrite dans des termes très similaires à ceux du bétail, parlant ainsi de races supérieures et inférieures. Les 3TP ont en fait négligé et manipulé les contributions traditionalistes et spiritualistes des penseurs de la révolution conservatrice, et ont compris l'État national allemand, dans le cas du national-socialisme, comme un simple instrument au service d'une « race » mystique et irréelle.

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Dans le cas du fascisme italien, c'est précisément la « statolâtrie » proclamée qui lie plus clairement les 3TP au matérialisme, qui tend à réduire toutes les expressions de la vie sociale et communautaire à une seule. La communauté organisée de Perón et d'autres formes (peu développées dans la pratique en raison des attaques et des interférences du néolibéralisme) auraient peut-être été des formes moins matérialistes de la 3TP, dotées d'entrailles plus spirituelles. Voir, par exemple, le profond catholicisme non-vaticaniste du général Perón. Le culte de l'État, au-dessus des peuples et des communautés qui le suscitent, est le triomphe d'une mentalité « romaine », prosaïque et matérialiste, que le grand Oswald Spengler retrouvait dans d'autres organismes « correspondants » (les Aztèques, par exemple).

C'est la 4TP qui est appelé à restaurer l'esprit. Le sujet - Dasein - de l'Histoire est constitué par le Peuple (Ethnos, Volk). Ces peuples « sont là », ils sont des réalités premières, et tous ne doivent ni ne peuvent avoir leurs propres entités étatiques. Parfois, la fortune et l'expansion vitale d'un peuple résident dans sa bonne intégration dans des unités supérieures - empires, civilisations - qui le « transportent » dans le temps, qui servent de véhicules à ses possibilités, qui sont toujours, en dernière analyse, spirituelles. Les micro-peuples (Basques, Bretons, Catalans, Corses), ainsi que ceux de l'Est et des Balkans, n'ont pas seulement été victimes de l'oppression et de l'acculturation par l'unité étatique supérieure dans laquelle ils étaient logés, un fait qui, dans de nombreux cas, ne peut être nié, mais ont également été « sauvés » pour l'histoire par ces unités supérieures. Par exemple, dans le cas le plus proche géographiquement, personne aujourd'hui ne se souviendrait de l'existence d'un peuple et d'une langue basques sans leur sauvetage pour l'histoire par la Couronne espagnole.

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La lutte décisive aujourd'hui sera une lutte entre la première théorie politique et la quatrième. L'hégémon nord-américain et son anglosphère représentent le matérialisme le plus brut, qui fait de l'individu non plus un « sujet capable de choisir dans une société ouverte », mais un atome égoïste, un consommateur compulsif (même s'il n'est plus producteur), avide de sexe et d'autres plaisirs déconnectés de l'amour des hommes, de la patrie et de la nature. Face à l'austère matérialisme de la 1TP, un nouvel « idéalisme » fait son apparition. Tout comme le romantisme a secoué l'Europe à la fin du 18ème siècle et a ébranlé toutes ces têtes perlées et ces visages ridés et poudrés, un Sturm und Drang de la jeunesse du 21ème siècle doit et peut commencer. Peut-être commencera-t-il modestement : un groupe d'adolescents brûlera ses sweat-shirts arborant l'énorme Union Jack et redeviendra fidèle à sa culture. La musique commerciale « bâtarde » promue par les majors anglo-saxonnes échouera, et les jeunes rechercheront des racines et une profondeur de sentiment. La procrastination vestimentaire cédera la place au décorum et à la modestie. Le goût pour le noble, le sage et le beau, en se généralisant, remettra en cause la « culture de supermarché »... Cela peut arriver s'il y a une révolution de l'Esprit.

Il ne s'agit pas seulement d'une lutte ouverte dans le domaine militaire, commercial, cybernétique... C'est une lutte pour les consciences. C'est une lutte qui se déploie sur le plan des idées. Elle implique une reconnaissance de soi. Si chaque jeune commence à dire, dès demain, « Je ne suis pas comme les horribles chaînes de hamburgers et je ne suis pas ce que vos producteurs de “reggaeton” veulent que je sois », « Je ne suis pas un animal, je suis une personne », le néolibéralisme sera comme une marée qui ne cessera de reculer. Il y aura alors beaucoup de batailles à mener, mais quelque chose bougera dans cette sorte de chambre magmatique qu'est l'Inconscient ; une énergie profonde et irrépressible qui jaillit de l'inconscient collectif de chaque peuple sera mobilisée. De grandes cheminées et de grands cratères s'ouvriront alors et l'explosion ne tardera pas à se produire. C'est une bataille contre le matérialisme sur tous les fronts, et en leur sein, sur les fronts de l'Esprit : l'esthétique, les loisirs, la bienséance, la morale, l'amour et les loyautés, tout ce qui est le patrimoine de l'homme et non du singe nu, et qui est le patrimoine de l'être humain et non du singe. C'est le magma qui ruinera le néolibéralisme ; c'est le magma qui peut un jour éclater et s'élever pour percer les nuages.

lundi, 03 juin 2024

L'archéofuturisme aujourd'hui

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L'archéofuturisme aujourd'hui

Constantin von Hoffmeister

Source: https://www.eurosiberia.net/p/archeofuturism-now?utm_source=post-email-title&publication_id=1305515&post_id=145182681&utm_campaign=email-post-title&isFreemail=true&r=jgt70&triedRedirect=true&utm_medium=email

Que pourrait-il se passer après le « déclin » prophétisé par Spengler ?

L'Archéofuturisme 2.0 de Guillaume Faye est à la fois une tapisserie utopique et une apocalypse dystopique, décrivant les jours à venir de l'humanité après que la « convergence des catastrophes » ait frappé de plein fouet et anéanti notre civilisation occidentale autrefois glorieuse. Il s'agit d'un visiteur du présent qui influence l'avenir, mais en vain, car tout passe et rien n'est jamais vraiment nouveau sous le soleil. L'humanité évolue et change, les systèmes sociaux sont renversés et remplacés par de nouveaux, et même des espèces différentes se succèdent pour l'asservissement de la planète bleue.

L'exploration spatiale était autrefois le rêve de tous les progressistes païens de l'Occident prométhéen, mais - comme le fait remarquer Faye - ne serait-ce qu'une chimère ? Des vaisseaux élégants dans le vide qui tournent lentement autour de la décomposition après avoir été abandonnés par les vivants par manque de chance, et des opportunités gâchées après avoir été incinérées dans le brasier d'un espoir démesuré...

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Les primitivistes et les amateurs de vie tribale se réjouiront de la perspective de forêts futures remplies de guerriers sauvages montés sur des destriers ardents et armés jusqu'aux dents, défendant leurs villages néo-médiévaux contre l'empiètement de clans concurrents, tous ne désirant rien d'autre que survivre et dominer. Un rêve humide, darwinien, qui prend vie dans la toundra - le dernier camion chassé par les lanciers aux yeux bleus, les chevaliers du Camelot de la Forêt, post-effondrement, chassant et combattant les descendants des hommes de la jungle du Sud à travers des cols de montagne glacés et des ravins brûlants.

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Les chimères de la fantaisie transhumaniste sont tapies dans l'ombre, leurs ailes déployées et leurs noms gravés dans le solide rocher de l'Oblivion, sur lequel sont enchaînés tous les êtres sensibles « normaux », lentement aspirés par la porosité tentaculaire de la pierre froide, qui les prive de leur mémoire.

Redécouvrant accidentellement l'écriture manuelle après des millénaires de dépendance à la technologie informatique et à l'intelligence artificielle, aiguisant leurs plumes et les trempant dans le sang métaphorique des veines de leurs ancêtres symboliques, les gens du nouvel éon se mettent au goût du jour en retournant en arrière et en allant ainsi de l'avant - en retournant aux sources et en livrant par pigeon-poste la missive du renouveau directement sur le pas de votre porte.

Hélas, coincé dans un passé pétrifié, Faye a envoyé des lettres qui ne sont jamais arrivées. Comme Rimbaud explorait les taches blanches sur la carte de l'Afrique, les comparant à des vers qu'il n'a jamais écrits parce qu'il a cessé d'écrire de la poésie à l'adolescence, Faye, par son métier et l'élixir qu'il a consommé, a plongé dans des horizons invisibles aux yeux de la plèbe, s'étendant de l'humble demeure de James Joyce à la mer de repos de l'Est. Rimbaud a vu ce que d'autres imaginaient voir. Faye a su susciter l'adhésion des voyageurs dans le no man's land entre l'éveil fervent et l'aspiration sincère - juste devant la ligne d'arrivée, le prix est déjà bien visible : le trophée ailé à deux têtes enfonçant ses griffes dans la chair des faibles chancelants. Ce trophée s'appelle « Restoration Now ».

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jeudi, 30 mai 2024

Ce qu'il faut savoir sur la nouvelle droite allemande - Entretien avec Martin Lichtmesz

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Ce qu'il faut savoir sur la nouvelle droite allemande

Entretien avec Martin Lichtmesz

Source: https://magyarjelen.hu/mit-kell-tudni-a-nemet-uj-jobbolda...

La Nouvelle Droite (Neue Rechte) est une école de pensée et un réseau organisationnel vaguement défini qui vise à faire revivre et à réinterpréter de manière constructive la tradition conservatrice de la droite allemande, en opposition à l'ordre libéral américanisant qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale. Elle se situe à la droite des partis centristes de droite CDU/CSU et, dans un sens, va au-delà du populisme de droite (AfD, PEGIDA) et du radicalisme de droite (par exemple, Die Heimat). En tant qu'école de pensée, elle est à la fois « postérieure » et « antérieure » à ses antécédents politiques et idéologiques du 20ème siècle. Elle a été fondamentalement influencée par les penseurs et les théories de la Révolution conservatrice allemande et de la Nouvelle Droite française. Une différence importante, cependant, est que cette dernière est basée sur un retour au paganisme, alors que le mouvement allemand est (principalement) basé sur le christianisme. Dans l'entretien suivant avec Martin Lichtmesz, membre autrichien éminent de la Nouvelle Droite allemande, nous discutons de son parcours personnel, de son travail de traducteur et d'écrivain, de la Nouvelle Droite allemande, de l'Europe centrale et des possibilités offertes par la politique. L'entretien avec Balázs György Kun peut être lu ci-dessous.

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- Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

- Je suis né à Vienne en 1976, j'ai vécu à Berlin pendant quatorze ans et je suis retourné dans mon pays d'origine, l'Autriche, il y a une dizaine d'années. Depuis 2005, j'écris pour des magazines et des revues allemands de droite, tant sur papier qu'en ligne. Actuellement, je contribue principalement au blog et au magazine bimensuel Sezession, ainsi qu'à l'Institut für Staatspolitik (Institut pour la politique de l'État) en Allemagne. En plus d'écrire des livres sur des sujets tels que la politique, la culture et la religion, j'ai traduit plusieurs textes du français et de l'anglais, dont le plus réussi est la célèbre dystopie sur l'immigration de Jean Raspail, Le Camp des saints. Je suis associé à la branche autrichienne de Génération identitaire (GI), bien que je ne participe pas à ses activités. Il m'arrive de faire du streaming avec mon ami Martin Sellner. J'apparais aussi parfois sur des chaînes anglophones.

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- Vous avez beaucoup écrit sur les films sur le site Sezession et vous avez également publié un livre sur le cinéma allemand après 1945 (« Besetztes Gelände. Deutschland im Film nach '45 »). Quel est votre réalisateur hongrois préféré et pourquoi ?

- En fait, je connais très peu le cinéma hongrois... Plusieurs films de Miklós Jancsó ont eu une grande influence sur moi, en particulier Csillagosok, katonák (1967). Sátántangó (1994) de Béla Tarr a été une expérience époustouflante, bien que sombre et épuisante. J'ai assisté à deux projections complètes de ce film, ce qui est un véritable test d'endurance puisqu'il dure près de huit heures à un rythme très lent et « hypnotique ». J'ai également apprécié My 20th Century (1989) d'Ildikó Enyedi. J'ai particulièrement aimé la scène où l'acteur autrichien Paulus Manker reprend son rôle de philosophe misogyne Otto Weininger, un rôle qu'il avait déjà joué dans son propre film de folie Weiningers Nacht. Je viens de remarquer, en passant, que les trois films que j'ai mis en évidence sont en noir et blanc.

- Comment décririez-vous la Neue Rechte à nos lecteurs ?

- Il s'agit d'un terme générique, non dogmatique, pour désigner le spectre de la droite « dissidente » et non conventionnelle en Allemagne. Il est surtout utilisé comme un terme générique pratique, et tous ceux qui sont classés dans cette catégorie ne l'apprécient pas ou ne l'acceptent pas. Il fait généralement référence aux personnes ayant des opinions « identitaires », ethno-nationalistes. Parmi les personnes orientées idéologiquement, nous trouvons très souvent ce que nous appelons des « Solidarpatrioten », qui optent pour une position patriotique dans leur approche des questions socio-économiques, qui critiquent le libéralisme du marché libre et les autres variantes du libéralisme. Une position « anti-atlantiste » est très courante dans ce milieu: il s'agit d'un souverainisme qui vise à libérer l'Allemagne de la domination américaine sur le long terme (de manière réaliste, donc à très long terme). Elle est également souvent utilisée comme auto-désignation par ceux qui souhaitent se démarquer des groupes restants de la « Alte Rechte » (« vieille droite »), qui forment un milieu très différent et se caractérisent par leur attachement à certaines nostalgies historiques, à certains symbolismes et à certaines idéologies que la nouvelle droite rejette. Il y a aussi beaucoup de recoupements récents avec le phénomène du « populisme de droite », qui monte en puissance depuis 2015 (au moins), même s'il n'est certainement plus à son apogée.

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Götz Kubitschek et son épouse Ellen Kositza dans leur propriété à Schnellroda.

Le quartier général de la « nouvelle droite » en Allemagne se trouve aujourd'hui à Schnellroda, un petit village de Saxe-Anhalt, où se trouve le « manoir » de Götz Kubitschek, une demeure séculaire restaurée, qui abrite la maison d'édition Antaios Verlag, qui fait date depuis assez longtemps. Avec Erik Lehnert, Kubitschek organise des « académies » où de jeunes militants de droite allemands, autrichiens et suisses se réunissent pendant un week-end pour nouer des contacts communautaires et professionnels, écouter des conférences et des discours et participer à des discussions approfondies sur des sujets spécifiques. En septembre dernier, par exemple, le thème principal était la « propagande » sous tous ses aspects.

D'autres académies se sont penchées sur la géopolitique, l'anthropologie, l'architecture, « l'avenir de l'État-nation et de l'Europe », « l'État et l'ordre », « la politique des partis », « la violence », « la faisabilité » ou une discussion générale sur la situation politique actuelle. Les présentations sont d'une grande qualité intellectuelle et visent à couvrir autant d'aspects que possible du sujet. Cependant, il ne s'agit pas d'une « tour d'ivoire » philosophique et théorique, mais également d'une formation à des fins politiques et stratégiques pratiques. De nombreux participants travaillent au sein de l'AfD (Alternative für Deutschland), le parti d'opposition patriotique le plus important et le plus performant d'Allemagne. Il s'agit en particulier d'une partie importante de l'AfD des Länder « de l'Est », qui entretient de très bonnes relations et de très bons contacts avec Schnellroda.

Naturellement, le « pouvoir en place (et contesté) » n'aime pas cela et tente de faire pression sur ces organisations et réseaux indésirables, notamment par le biais des activités du « Bundesamt für Verfassungsschutz », l'« Office fédéral pour la protection de la Constitution », une institution créée par l'État pour diaboliser et diffamer toute opposition politique. En résumé, lorsque les Allemands parlent aujourd'hui de la « Neue Rechte », ils pensent surtout au réseau autour de Schnellroda, qui se compose d'identitaires, de membres de l'AfD, d'éditeurs indépendants, d'initiatives, de médias, de libres penseurs et d'« influenceurs ». Tous ne partagent pas les mêmes positions, mais ils ont une vision commune de base.

- La Nouvelle Droite (française) a une forte influence en dehors de la France et du monde francophone. La situation est-elle similaire pour la Neue Rechte? Dans l'affirmative, pouvez-vous citer quelques penseurs, hommes politiques et organisations qui ont été influencés par cette « école de pensée » en Allemagne, en Autriche et dans d'autres pays ?

- Pour être honnête, je ne pense pas qu'elle ait eu beaucoup d'influence, voire aucune, en dehors de l'Allemagne, car très peu de nos écrits ont été traduits. Certaines actions de GI ont probablement été une source d'inspiration au niveau international, par exemple lorsqu'ils ont escaladé la porte de Brandebourg en 2016 et ont affiché une bannière disant « Secure Borders, Secure Future » (frontières sûres, avenir sûr). Nous sommes certainement en contact avec des personnes partageant les mêmes idées dans de nombreux autres pays européens, tant à l'Est qu'à l'Ouest, ainsi qu'aux États-Unis et en Russie. Cependant, une influence allemande plus importante est à l'œuvre en arrière-plan, car la Nouvelle Droite et la Neue Rechte ont toutes deux de fortes racines idéologiques dans ce que l'on appelle la « révolution conservatrice » des années 1920 et 1930 : les noms de célèbres penseurs classiques tels qu'Oswald Spengler, Carl Schmitt, Ludwig Klages, Ernst Jünger ou Martin Heidegger me viennent à l'esprit.

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- Pouvez-vous nous présenter brièvement la maison d'édition Antaios ? Quels sont les livres que vous publiez ? Vous en avez cité quelques-uns qui vous paraissent importants.

- Antaios existe depuis plus de vingt ans. L'éventail des livres publiés est très large : ouvrages théoriques, essais, romans, débats, réflexions philosophiques, interviews ou monographies sur des penseurs et écrivains importants (Ernst Nolte, Georges Sorel, Armin Mohler, Mircea Eliade ou Nicolás Gómez Dávila, pour n'en citer que quelques-uns). Bien sûr, les thèmes habituels de la droite sont au centre : l'immigration de masse, le « grand remplacement », l'identité ethnoculturelle et l'analyse de la myriade de têtes d'hydre que constituent nos ennemis : la théorie du genre, l'antiracisme, le mondialisme, le transhumanisme, la technocratie ou le « cotralalavidisme ». Une série populaire et à succès est celle des « Kaplaken » : des livres courts qui tiennent confortablement dans une poche, écrits par différents auteurs sur différents sujets. Ils constituent une expérience de lecture rapide, instructive et souvent divertissante, un cadeau idéal pour éclairer et égayer amis et parents, et sont très recherchés par les collectionneurs. La série a publié jusqu'à présent 87 volumes.

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Il est difficile d'identifier les « plus importants », tant ils sont nombreux, et je suis certainement un peu partial. Deux ouvrages théoriques ont été publiés récemment et ont été bien accueillis par les lecteurs : Politik von rechts (« Politique de droite ») de Maximilian Krah, homme politique de l'AfD, tente de définir l'essence et les contours de la politique de droite aujourd'hui, tandis que Regime Change von rechts (« Changement de régime de droite ») de Martin Sellner est une esquisse impressionnante et approfondie des stratégies métapolitiques nécessaires au changement en Allemagne et en Europe occidentale, ce qui, à ma connaissance, n'a jamais été fait auparavant sous une forme aussi détaillée et concrète.  Parmi les autres ouvrages très influents, citons Solidarischer Patriotismus (« Patriotisme solidaire ») de Benedikt Kaiser et Systemfrage (« La question du système ») de Manfred Kleine-Hartlage, une analyse tranchante de la difficile question de savoir si le changement est possible dans le cadre du système politique actuel (apparemment condamné) (l'auteur nie que ce soit possible).

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Mit Linken leben (« Vivre avec la gauche ») de Caroline Sommerfeld et moi-même a également été un « best-seller » dans notre gamme, une sorte de « manuel de survie » pour les personnes ayant des opinions « erronées », conçu pour aider à gagner les débats, à s'omposer dans les débats, à s'orienter politiquement, à démasquer les absurdités de la gauche, à comprendre ses « types » et sa psychologie, et surtout à faire face aux pressions sociales dans la famille, au travail, à l'école, à l'université, dans les amitiés, etc. Son ton est plus "léger" que celui de la plupart de nos livres, et il contient même des conseils de drague pour les gens de droite ! Il a été publié en 2017, au plus fort de la vague ”populiste“ consécutive à la "crise des migrants", et je dois avouer que certaines parties me semblent déjà un peu désuètes et datées, comme si elles étaient maintenues dans une capsule temporelle. Un autre livre que j'ai beaucoup aimé est Tristesse Droite, publié en 2015, qui documente quelques soirées au cours desquelles un petit groupe de défenseurs de la Nouvelle Droite (dont je faisais partie) s'est réuni à Schnellroda pour avoir une longue discussion ouverte - comme nous le disons - « sur Dieu et le monde », qui a duré des heures et a donné lieu à un livre très inhabituel, qui donne à réfléchir et qui est très intime.

- Avez-vous des projets de livres ou de traductions en cours ? Quels sont ceux que vous considérez comme les plus importants ?

- Il y a un projet majeur sur lequel je travaille depuis un certain temps et qui prendra encore plus de temps. Il s'agit d'une sorte de lexique des films que je considère comme importants ou valables d'un point de vue de droite. Je ne parle pas nécessairement de films « de droite » (il y en a peu qui peuvent être classés comme tels à 100 %), mais de films qui ont une valeur historique, intellectuelle et esthétique pour la pensée de droite. Ce projet s'est transformé en une sorte de projet gigantesque, car je me suis retrouvé avec environ 200 films que je voulais inclure. J'aimerais également ajouter quelques réflexions générales sur la question et la politique de la censure, la responsabilité de l'artiste, les tensions et les points communs entre l'art et l'idéologie, les bons et les mauvais côtés de la culture de masse (je pense qu'il y a des bons côtés), et le présent et l'avenir du visionnage de films à une époque entièrement numérique où le cinéma classique, du moins tel que je le conçois, est en train de mourir.

J'ai un livre plus ancien à mon actif, qui était en fait mon tout premier ouvrage, et que je considère toujours comme un bon travail (il appartient à d'autres de décider à quel point), intitulé « Besetztes Gelände » (« Territoire occupé », 2010), et qui est essentiellement un essai long mais tendu et poignant sur la représentation cinématographique de l'histoire, avec un accent particulier sur la Seconde Guerre mondiale et le rôle de l'Allemagne.

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Toutefois, à mon humble avis, mon livre le plus « important » et le plus ambitieux est « Kann nur ein Gott uns retten ? » (« Seul un Dieu peut-il nous sauver ? »). Il s'agit d'une méditation très profonde, forte de 400 pages, sur la nature de la religion et sa relation avec la politique (pour le dire de manière un peu simpliste), d'un point de vue (principalement) catholique ou plutôt (si j'ose dire) « catholicisant » (j'étais très influencé à l'époque par des auteurs comme Charles Péguy et Georges Bernanos). Néanmoins, je ne me considère pas comme un « vrai » catholique et je reste un « chercheur » plutôt qu'un « croyant ». Quoi qu'il en soit, j'ai mis toute ma vie et tout mon cœur dans cet écrit, et il s'agit avant tout d'une confession assez personnelle, même si j'ai essayé de la dissimuler autant que possible. Aussi, si un traducteur était intéressé, j'apprécierais beaucoup, car je ne pense pas avoir été capable d'aller au-delà de cet écrit.

- Legatum Publishing publiera prochainement une traduction anglaise de votre livre Ethnopluralismus (« Ethnopluralisme »). Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et sur sa pertinence ? Pourquoi le livre et l'idée d'ethnopluralisme sont-ils importants ? J'ai également une question plus complexe, et peut-être plus provocante, à propos de l'ethnopluralisme. Pour autant que je sache, c'est feu le sociologue et historien Henning Eichberg qui a commencé à utiliser ce terme, qui est rapidement devenu un concept important pour la Nouvelle Droite. Comment se fait-il alors que, selon le site web d'Antaios, vous soyez le « premier à présenter un compte rendu complet de ce concept, de ses possibilités et de ses interprétations erronées » ?

61Uq0Pcl2AL._AC_UF350,350_QL50_.jpgIl s'agit d'un malentendu. « Introduire » le concept ne signifie pas que je l'ai inventé, ni que j'ai inventé le terme « ethnopluralisme », qui a été forgé par Henning Eichberg en 1973 (dans un contexte anti-eurocentrique, anti-colonialiste, plutôt « de gauche »). Le point de mon livre est que l'« ethnopluralisme », comme l'« universalisme », est pluriel. Je veux dire par là qu'il n'y a jamais eu une seule théorie ou un seul principe contraignant portant ce nom, mais plutôt différentes « versions » qui ne sont pas nécessairement désignées par ce terme. Mon livre est le premier à fournir une vue d'ensemble critique des théories ethnopluralistes, de leur contexte historique, de leurs éléments centraux et de leurs « prédécesseurs » intellectuels et conceptuels. Ma formule est la suivante : « J'appelle ethnopluralisme tout concept qui défend le nationalisme et l'ethnicité en général comme un bien inhérent ». En tant que position politique, c'est une position que la plupart des nationalistes modernes acceptent aujourd'hui comme principe selon lequel tous les peuples du monde sont considérés comme ayant le « droit » à l'auto-préservation et à l'autodétermination pour défendre leur identité ethnoculturelle contre les excès universalistes et l'uniformisation, communément appelés aujourd'hui « globalisme ».

Cette conception prétend avoir surmonté le chauvinisme et le « racisme » de la « vieille droite », qui considérait souvent les autres nations et races comme « inférieures » et donc comme des objets légitimes de conquête, d'asservissement et de colonisation. Au lieu de cela, les autres nations et races sont considérées comme « différentes », sans aucun jugement de valeur, dans une sorte de « relativisme culturel ». Il s'agit d'un nationalisme « défensif » plutôt qu'agressif et envahissant. Il s'agit d'un concept de « vivre et laisser vivre », confronté à une menace historique perçue par toutes les nations et ethnies du monde : un idéal utopique de « monde unique », le rêve de certains, le cauchemar d'autres, dans lequel toute l'humanité est unie sous un seul gouvernement mondial, surmontant toutes les barrières ethniques, raciales et même, de nos jours, de « genre ». Comme l'a dit Alain de Benosit : « Je ne me bats pas contre l'identité des autres, mais contre un système qui détruit toutes les identités ». Guillaume Faye parle, lui, d'un « système qui tue les peuples » et voit dans l'abolition des identités nationales l'aboutissement, la finalité du libéralisme. Ce déracinement ethnique peut prendre plusieurs formes, et l'on peut affirmer - au moins dans une certaine mesure - que la société technologique elle-même conduit inévitablement à la désintégration de la nation et de l'identité ethnoculturelle.

Dans le monde occidental, la manière la plus directe et la plus dangereuse de briser les nations est la politique d'immigration de masse, que Renaud Camus appelle « le grand remplacement ». La position ethnopluraliste, au contraire, souligne que le droit à la patrie et le droit à l'autodétermination doivent prévaloir dans les deux sens: nous, Occidentaux, ne chercherons pas à recoloniser le Sud, mais nous refuserons aussi d'importer le Sud dans notre propre pays.

Cependant, les idées ethnopluralistes n'avaient initialement rien à voir avec la prévention de l'immigration de masse (même dans les années 1970, lorsque Eichberg a développé son concept). Elles remontent au philosophe romantique allemand - et plutôt apolitique - Herder, qui, dès le XVIIIe siècle, était un représentant du mouvement romantique allemand. À la fin du XVIIIe siècle, Herder, philosophe allemand, considérait que la « Volksseele » (« l'âme du peuple », terme qu'il utilisait plutôt que le « Volksgeist », plus familier et plus hégélien) était menacée par l'essor de l'ère industrielle et les idées des Lumières universelles. Au cours du siècle suivant, Herder est devenu le parrain du particularisme et du nationalisme, en concurrence avec les autres grands courants idéologiques de l'époque, le libéralisme/capitalisme et le socialisme/communisme. Même dans ces grandes lignes, il est clair que j'ai une histoire assez longue et compliquée à raconter, et ce n'est que dans les derniers chapitres que j'aborde la Nouvelle Droite française et la Neue Rechte allemande.

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Dans mon livre, je ne parle pas seulement de Herder et de Hegel, mais aussi de la critique païenne et polythéiste du christianisme (qui remonte à l'Antiquité), des « peintures monumentales » de l'histoire mondiale de Gobineau, Spengler et Rosenberg, qui cherchaient à proposer des théories du déclin et de la chute ; les idées de Julius Evola sur la « race intellectuelle » ; la vision de Renan sur la nation ; ou les théories proto-ethnopluralistes et culturalo-relativistes de Franz Boas et Ludwig Ferdinand Clauss. Ce dernier, d'ailleurs, était un théoricien de la race plutôt hétérodoxe qui travaillait dans le cadre du système national-socialiste. J'ai trouvé un certain nombre de parallèles et de chevauchements surprenants entre les deux, que personne, à ma connaissance, n'avait remarqués auparavant. L'une des figures de proue de mon livre est l'ethnologue Claude Lévi-Strauss - un autre penseur qui n'a jamais utilisé cette définition - qui est peut-être le théoricien le plus important de l'« ethnopluralisme » de l'après-Seconde Guerre mondiale. Le cadre que j'utilise pour contextualiser le terme est emprunté au sociologue allemand Rolf Peter Sieferle, qui a écrit des livres qui ont fait date et qui éclairent l'émergence du monde moderne comme peu ont pu le faire.

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Ce n'est que dans le dernier chapitre que j'exprime mes propres opinions, qui sont très différenciées. Je ne considère pas l'ethnopluralisme comme un concept philosophique vraiment durable et détaillé, et son utilité politique est assez limitée. En revanche, je le considère comme une « idée régulatrice » ayant une valeur essentiellement éthique.

En bref, c'est ce que je pourrais développer ici plus longuement, mais qui peut être mieux compris à partir de mon livre. La version anglaise comportera des mises à jour du texte, des ajouts et des chapitres supplémentaires. En fait, je pense qu'il s'agit d'un sujet qui, à première vue, semble simple, mais qui, en réalité, est très profond. Mon livre tente de donner un aperçu de cette « famille » d'idées et de ses opposants.

- Dans l'ensemble, que pensez-vous de Viktor Orbán en tant qu'homme politique ?

- Je ne peux pas aller trop loin dans ce domaine parce que je ne le connais pas assez bien, mais vous serez peut-être surpris d'apprendre que pour nous, identitaires d'Europe occidentale, Orbán - malgré ses nombreux défauts, il est vrai - est plutôt un modèle que nous admirons et que nous espérons suivre. La situation politique et métapolitique en Hongrie semble bien meilleure qu'ici. C'est un objectif que nous nous efforçons d'atteindre. D'un autre côté, contrairement à la Hongrie, nous sommes déjà confrontés au problème que notre pays est gravement endommagé par l'immigration de masse et une situation démographique défavorable. Je devrais demander à des Hongrois comme vous ce qui, selon vous, ne va pas avec Orbán et ses initiatives politiques.

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- Que signifie l'Europe centrale en tant que région ou en tant que base d'identité, en tant que strate d'identité, pour la Neue Rechte et/ou pour votre vision personnelle du monde ?

- Je ne peux parler que de ma vision personnelle du monde, et elle est plus sentimentale ou esthétique que purement politique. Il fut un temps où j'espérais que l'Autriche pourrait rejoindre une sorte de bloc de Visegrád « populiste » qui s'opposerait aux politiques mondialistes de l'Union européenne et de la République fédérale d'Allemagne. Cela aurait été, en substance, une sorte de « redémarrage » politique de l'espace autrefois dominé par l'empire des Habsbourg, que je tiens en très haute estime. Aujourd'hui, je crains que cela ne se produise jamais.

Personnellement, même si je me considère comme étant plutôt abstraitement ou historiquement « allemand », mon identité immédiate n'est pas vraiment « teutonne », mais plutôt distinctement autrichienne, avec des sympathies pour l'Est européen. Si je regarde mon arbre généalogique et les noms qui y figurent, je suis en fait un « bâtard de l'empire des Habsbourg », avec des ancêtres (semble-t-il) hongrois, slovènes et tchèques. Pourtant, aussi loin que je puisse remonter, les différentes branches de ma famille sont restées à peu près dans la même zone géographique, ont parlé allemand et sont catholiques depuis au moins deux siècles.

- Pourriez-vous nous donner un aperçu des tendances politiques actuelles en Autriche ?

Je peux honnêtement dire que je trouve la politique autrichienne contemporaine plutôt fatigante, ridicule et ennuyeuse et que je vais rarement voter. Le pays est gouverné par l'ÖVP, un parti pseudo-conservateur/de « centre-droit » corrompu et mafieux qui est bien plus nuisible que n'importe lequel de ses « opposants » de gauche (il est actuellement en coalition avec les Verts). Mon dédain pour eux a pris des proportions démesurées pendant la folie des années Cov id, lorsqu'ils ont terrorisé pratiquement tout le pays, ce qui a au moins suscité une résistance saine, patriotique et « populaire » et une méfiance à l'égard des grands médias, qui sont d'horribles putes du pouvoir - je ne veux pas insulter les vraies prostituées en les comparant aux journalistes, car elles sont plus honnêtes et font au moins du bien à la société.

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Le seul choix d'opposition disponible est la FPÖ (« Parti de la liberté »), qui est bien sûr également imparfait, mais qui a au moins un génie au sommet, Herbert Kickl, qui a été vilipendé comme "fou" par les médias il y a deux ans pour s'être opposé par principe aux « confinements » et aux vaccinations obligatoires, mais qui est maintenant - au moins selon les derniers sondages - l'un des hommes politiques les plus populaires d'Autriche. Certains prédisent déjà qu'il sera le prochain chancelier. Je suis plutôt pessimiste à ce sujet et, d'une manière générale, je n'ai guère confiance dans la politique parlementaire, qui ne fait généralement que peu ou pas de différence. Je crains un peu que le Kickl sortant ne déçoive et ne fasse trop de compromis, comme c'est généralement le cas pour tout candidat dont on attend une solution. Je l'admire tellement pour son courage, son intelligence et son honnêteté que j'aimerais qu'il reste « propre », ce qu'il ne peut faire qu'en étant dans l'opposition.