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samedi, 08 février 2020

La Russie rejette le récit turc sur la Syrie

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La Russie rejette le récit turc sur la Syrie

 
 
par M.K. Bhadrakumar
Ex: http://www.zejournal.mobi

La réaction russe aux derniers mouvements militaires de la Turquie dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, a pris la forme d’une longue interview du Ministre des Affaires Étrangères Sergueï Lavrov au quotidien gouvernemental Rossiyskaïa Gazeta le 4 février, suivie depuis par une déclaration officielle du Ministère des Affaires Étrangères jeudi.

Moscou a souligné que l’opération syrienne actuelle à Idlib vise à vaincre les affiliés d’Al-Qaïda soutenus par la Turquie et les pays occidentaux.

Lavrov s’est attardé sur le cadre du « format Astana », qui résulte de l’effondrement du projet de changement de régime de « nos partenaires occidentaux et autres partenaires étrangers » en Syrie suite à l’intervention russe en 2015.

Il a expliqué comment le processus d’Astana a conduit à la « zone de désescalade » à Idlib où « les groupes terroristes se sont rassemblés ». La Russie et la Turquie ont conclu des accords écrits spécifiques précisant leurs engagements à superviser Idlib. Cependant, pour citer Lavrov :

« Malheureusement, jusqu’à présent, la Turquie n’a pas respecté certains de ses engagements clés qui étaient destinés à résoudre le cœur du problème à Idlib. Il était nécessaire de séparer l’opposition armée qui coopère avec la Turquie et qui est prête à dialoguer avec le gouvernement dans le cadre du processus politique, des terroristes de Jabhat al-Nusra, devenu Hayat Tahrir al-Sham. Tous deux sont inscrits sur la liste noire des groupes terroristes par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, de sorte que ni Jabhat al-Nusra ni la dernière version, Hayat Tahrir al-Sham, n’ont rien à faire à Idlib ».

Même après des rappels répétés de la Russie, la Turquie n’a pas agi. De même, Lavrov a répété que les récents déploiements militaires turcs à Idlib ont été entrepris sans que la Russie en soit informée à l’avance. Il a déclaré : « Nous les exhortons (la Turquie) à se conformer strictement aux accords de Sotchi de 2018 et 2019 sur Idlib ».

La déclaration du Ministère russe des Affaires Étrangères du 6 février, telle que rapportée par l’agence de presse Tass, a révélé qu’il y a eu des victimes russes en raison de « l’augmentation des activités terroristes ». Elle justifiait les opérations des forces gouvernementales syriennes comme une réaction à « l’augmentation inacceptable des activités terroristes ».

Au cours du mois de décembre, « plus de 1 400 attaques de militants impliquant des chars, des mitrailleuses, des véhicules de combat d’infanterie, des mortiers et de l’artillerie ont eu lieu ». Rien qu’au cours de la dernière quinzaine, « plus de 1 000 attaques ont été enregistrées » et des centaines de soldats et de civils syriens ont été tués et blessés, et la base russe de Hmeymim a été attaquée à plusieurs reprises.

La déclaration du Ministère des Affaires Étrangères indique que « tout cela indique une augmentation inacceptable de la force terroriste à Idlib, où les militants jouissent d’une totale impunité et ont les mains libres », ce qui ne laisse au gouvernement syrien aucune autre alternative que de « réagir à ces développements ».

Dans un rejet de la demande du Président turc Recep Erdogan, qui souhaitait que le gouvernement syrien mette fin aux opérations militaires à Idlib et se retire, la déclaration russe a souligné : « Une chose à noter est que l’Armée Syrienne combat sur son propre sol contre ceux qui sont désignés comme terroristes par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Il ne peut y avoir aucune interprétation. C’est le droit et la responsabilité du gouvernement syrien de combattre les terroristes dans le pays ».

Curieusement, tant l’interview de Lavrov que la déclaration du Ministère des Affaires Étrangères ont attiré l’attention sur le transfert de groupes terroristes d’Idlib vers le nord-est de la Syrie et de là vers la Libye au cours des dernières semaines. L’implication est claire – Ankara continue de déployer des groupes terroristes comme outils de stratégies régionales en Syrie (et en Libye).

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La Russie a des contacts avec toutes les parties en Libye, y compris Khalifa Haftar. L’avertissement implicite ici est qu’Erdogan aura un prix élevé à payer en Libye où il ne peut pas compter sur l’empathie russe. La Turquie fait déjà l’objet de critiques sévères de la part de l’UE, de la France, de l’Italie, de la Grèce, de Chypre, d’Israël, des Émirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite pour son intervention militaire en Libye, notamment en déployant ses groupes de substitution depuis la Syrie. L’isolement régional de la Turquie en Libye est désormais complet.

La déclaration du Ministère russe des Affaires Étrangères a conclu en disant :

« Nous réaffirmons notre engagement envers les accords conclus lors des pourparlers d’Astana, qui prévoient de lutter contre les groupes terroristes en Syrie à condition de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays. Nous maintiendrons une coordination étroite avec nos partenaires turcs et iraniens afin de parvenir à une stabilité et une sécurité durables sur le terrain ».

Il est très significatif que la déclaration du Ministère des Affaires Étrangères ait choisi de faire référence aux « partenaires iraniens ». Le 5 février, alors qu’il recevait le nouvel Ambassadeur iranien à Moscou, le Président Poutine a également déclaré que la Russie et l’Iran étaient des « acteurs clés puissants » dans la lutte contre le terrorisme mondial et qu’ils poursuivraient leur coopération. Poutine a ajouté : « La coopération de la Russie avec l’Iran dans le cadre d’Astana a joué un rôle efficace dans le règlement du conflit syrien ».

Ce qui ressort, c’est que Moscou sent que derrière le comportement mercenaire du Président turc Erdogan, il y a le vieux schéma de la Turquie qui utilise des groupes terroristes comme mandataires, avec le soutien caché des puissances occidentales. Moscou ne peut qu’être conscient que les États-Unis font des ouvertures à Erdogan en vue de modifier l’équilibre militaire contre la Russie et l’Iran sur l’échiquier syro-irakien en aval de l’assassinat du Général Qassem Soleimani.

Curieusement, lundi, une cour d’appel américaine a accepté de « mettre en pause » une affaire alléguant que la banque d’État turque HalkBank avait contourné les sanctions américaines contre l’Iran. Le membre démocrate de la commission des finances du Sénat américain, Ron Wyden, a depuis adressé une lettre au Procureur Général américain William Barr, lui demandant si le Président Trump avait tenté d’intervenir en faveur de Halkbank !

Selon un rapport de Reuters, le Sénateur Wyden a demandé à Barr de détailler ses interactions avec Trump, le Président Tayyip Erdogan et le Ministre turc des Finances Berat Albayrak (qui est également le gendre d’Erdogan).

Le scandale de la HalkBank implique Erdogan et des membres de sa famille et un verdict défavorable du tribunal peut être très dommageable politiquement pour le Président et son gendre qui est préparé comme successeur potentiel. (Un commentaire sur le scandale présenté dans la Fondation pour la Défense des Démocraties, rédigé par un ancien membre du Parlement turc, se trouve ici). L’affaire HalkBank pend comme l’épée de Damoclès au-dessus de la tête d’Erdogan. Washington est habile à utiliser ce genre de moyens de pression contre des interlocuteurs récalcitrants à l’étranger.

D’un autre côté, si Trump a rendu service à Erdogan (ou à qui que ce soit d’ailleurs), il s’attend à une contrepartie. Et il faut s’attendre à ce que l’administration Trump visualise que la coopération d’Erdogan peut changer la donne dans la géopolitique de la Syrie et de l’Irak. Cependant, Moscou a gardé la ligne ouverte vers Ankara.

Bien sûr, c’est délibérément que Moscou a mis en évidence l’importance de l’alliance russo-iranienne en Syrie, où Washington a récemment intensifié les tensions dans le cadre de son approche de « pression maximale », menaçant Téhéran d’une guerre à l’échelle régionale.

Traduit par Réseau International

Photo d'illustration : Convoi militaire turc entrant dans la ville de Sarmada, dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie

jeudi, 06 février 2020

On The Decline In US Strategic Thinking And The Creation Of False Stereotypes

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On The Decline In US Strategic Thinking And The Creation Of False Stereotypes

Ex: https://www.geopolitica.ru

In early January 2020, the RAND Corporation published its latest research report on Russia entitled “Russia’s Hostile Measures. Combating Russian Gray Zone Aggression Against NATO in the Contact, Blunt, and Surge Layers of Competition”.

The report is made up of four chapters: 1. Russian hostile measures in every context; 2. The evolution and limits of Russian hostile measures; 3. Gray zone cases and actions during high-order war; and 4. Deterring, preventing, and countering hostile measures. There are also two appendices: 1) An evolutionary history of Russia’s hostile measures; and 2) Detailed case studies of Russia’s use of hostile measures.

By the headings alone, it is possible to gauge the kind of psychological effect that the authors of the monograph wanted it to have. They clearly wanted to say that Russia as a political entity is aggressive – it has been that way throughout history and it will continue to be so in the future – and it is therefore vital to prevent such aggression in a variety of ways.

It is also stated that the report was sponsored by the US Army as part of the project “Russia, European Security, and ‘Measures Short of War’” and that the research and analysis was conducted between 2015 and 2019. The purpose of the project was “to provide recommendations to inform the options that the Army presents to the National Command Authorities to leverage, improve upon, and develop new capabilities and address the threat of Russian aggression in the form of measures short of war.” In addition, the report was reviewed by the US Department of Defense between January and August 2019, and the RAND Corporation conducted seminars in European NATO member countries as part of the project. Notably, one of the first events was held in February 2016 at Cambridge University, which has become a kind of hub for visiting experts from other countries.

From a scientific perspective, the report’s authors adhere to the classical American school – Kremlinologist George Kennan and his concepts are mentioned, as is Jack Snyder, who coined the term “strategic culture” on the basis of nuclear deterrence. The sources referred to in the footnotes are also mostly American, with the exception of a few translated texts by Russian authors (both patriots and liberal pro-Westerners) and official government bodies. But, on the whole, the report is of rather poor scientific value.

Two interrelated topics are discussed in the first chapter that, over the last five years, the West’s military and political communities have steadfastly associated with Russia – the grey zone and hybrid warfare. It is clear that these phrases are being used intentionally, as is the term “measures”, since Western centres are trying to use the terminological baggage of the Soviet past alongside their own modern concepts, especially when it refers to military or security agencies (the term “active measures” was used by the USSR’s KGB from the 1970s onwards). It is noted that NATO officially began to use the term “hybrid warfare” with regard to Russia following the events in Crimea in 2014.

Examples given of active measures during the Cold War include: assassination (the murder of Stepan Bandera); destabilisation (training Central and South American insurgents with Cuba in the 1980s); disinformation (spreading rumours through the German media that the US developed AIDS as a biological weapon; disseminating information about CIA sabotage efforts); proxy wars (Vietnam, Angola); and sabotage (creating panic in Yugoslavia in 1949).

Although America’s involvement in such techniques was more sophisticated and widespread (from establishing death squads in Latin America and supporting the Mujahideen in Afghanistan by way of Pakistan to the Voice of America radio programmes and governing remotely during riots in Hungary and Czechoslovakia) and certain facts about the work of Soviet intelligence agencies are well known, the examples cited of measures taken by the USSR are not backed up by authoritative sources.

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Russia’s hostile measures in Europe

Other methods for influencing the report’s target audience are noticeable, and these have been used before to create a negative image of Russia. These include a comparison with the actions of terrorist organisations: “the shock and awe generated by the blitzkrieg-like success of Russia in Crimea and the Islamic State in Iraq generated considerable analytic excitement. A few early accounts suggested that Russia had invented a new way of war” (p. 6).

According to the authors, the West had already clearly decided what to call Russia’s actions in 2016. With that in mind:

“– Gray zone hostilities are nothing new, particularly for Russia.

– Russia will continue to apply these tactics, but its goals and means are limited.

– Deterring, preventing, or countering so-called gray zone behavior is difficult” (p. 7).

The report also states that many articles on the subject written in 2014 and 2015 contained overly exaggerated value judgements, but, in 2017, analyses of the grey zone and hybrid warfare shifted towards a balanced and objective view of Russian power.

This should also be queried, because a relatively large number of reports and papers on similar topics have been published since 2017. Even the US national defence and security strategies had a blatantly distorted view of both Russia and other countries.

The only thing one can possibly agree with is the coining of the new term “hybrid un-war”, which emerged from debates in recent years. It’s true that Russia is employing certain countermeasures, from modernising its armed forces to imposing counter sanctions, but many of these are in response to provocative actions by the West or are linked to planned reforms. Evidently, the authors understand that it will be difficult to make unfounded accusations, so they are covering themselves in advance by choosing a more suitable word. Against the general backdrop, however, the reference to an “un-war” seems rather vague.

It should be noted that the first appendix contains a list of academic literature on Soviet and Russian foreign policy that supposedly backs up the authors’ opinions on the methods of political warfare being carried out by Russia (and the USSR before it). Among the most important sources are declassified CIA reports and assessments, along with similar files from the US National Security Archive that were posted online by staff at George Washington University. Needless to say, the objectivity of documents like these is rather specific.

The section on the institutionalisation and nature of Russian hostile measures is interesting. The authors point out that Russia has an existential fear of NATO and the West as a whole because it has been threatened by external invasion for centuries. The timeline begins in the 13th century with the Mongol invasion that ended with the destruction of Moscow, and it finishes with Germany’s invasion of the USSR and the deaths of 20 million Russians. Interestingly, the 20th century also includes the North Russia intervention by the US and its allies. Such selectivity is surprising, as if there had been no aggression from the Teutonic Order or other wars prior to the 13th century. The 18th century is excluded from the list entirely, yet it was a pivotal era for the Russian state (the Great Northern War, the wars with the Persian and Ottoman empires, the Russo-Swedish War and so on), when numerous external challenges had to be met.

But the report then mentions NATO’s expansion to the East and America’s use of soft-power methods, including the organisation of colour revolutions in the post-Soviet space, where there were Russian client governments. Although it says in justification that NATO never threatened Russia, it emphasises that NATO’s physical infrastructure and military capabilities forced Moscow to include it on its list of national security threats.

In addition to this, the RAND experts point out Russia’s worry over internal revolt. The report once again provides a selective timeline that includes the Decembrist revolt, colour revolutions in the post-Soviet space, and even the war in Syria, which is described as “a long-standing Russian client state” (p. 15).

It then goes on to paraphrase Dmitri Trenin, director of the Carnegie Moscow Centre, who said that the Kremlin fears US intervention and the Russian General Staff fears NATO intervention. It therefore follows that “[t]he perception of a threat influences behavior, even if the perceived threat is overblown or nonexistent. Whether or not one believes that worry, or even paranoia, is the primary driver behind current Russian actions in the gray zone and its preparations for high-order war, this essential element of Russian culture demands an objective and thoughtful accounting” (p. 16).

Following this is a description of the security apparatus that carries out hostile measures. A line is drawn between the NKVD, KGB and FSB, and these are also joined by the SVR, for some reason. The armed forces are considered separately, with a focus on the GRU and special forces. And that’s it. There is no mention of the police, the public prosecutor’s office and the investigative committee or even the FSO. It is even a bit strange not to see “Russian hackers” and private military companies, which are a regular feature of such reports. It is also noted that current actions are nothing other than a “continuity of the Brezhnev Doctrine” (p. 21), which only exists in the imaginations of Western experts. The authors themselves acknowledge further on that this is how speeches by Brezhnev and Gromyko, quoted in Pravda in 1968, were interpreted by Western observers.

On the next page, it claims that neo-nationalism is an ideological tool for Russian foreign policy! And there is another rather interesting passage further on, when the authors of the report confuse former Russian Foreign Minister Igor Ivanov with former Russian Defence Minister Sergey Ivanov. Although they mention Igor Ivanov’s name in the context of grand strategy, foreign policy and neo-nationalism in Russia, they then refer to “Ivanov’s own 2003 military doctrine and reform plan” (p. 23). And this is given as confirmation of the aggressive neo-nationalist strategy that, according to the authors, is associated with Igor Ivanov! If the authors had been more attentive, they would have discovered that, at that time, Igor Ivanov was serving as the head of the foreign ministry, while the defence minister was Sergey Ivanov. Especially as they make reference to an article by a Western author, who, in 2004, analysed the Russian defence ministry’s reform and uses the right name (Matthew Bouldin, “The Ivanov Doctrine and Military Reform: Reasserting Stability in Russia,” Journal of Slavic Military Studies, Vol. 17, No. 4, 2004). It seems that, when compiling the report, they simply copied an additional footnote to lend extra weight, but it was the wrong one.

It goes without saying that such a large number of errors undermines the entire content of the report. And this raises a logical question: what was the authors’ intention? To earn their money by throwing a bunch of quotes together or to try and understand the issues that exist in relations between Russia and the West?

Judging by the number of mistakes and biased assessments, it was most probably the former. There are also traces of a clear strategic intent, however.

This can be seen in the description of the grey zone where Russia is actively operating, because the case studies provided as examples of Russia’s activities in the grey zone are its bilateral relations with Moldova (1990–2016), Georgia (2003–2012), Estonia (2006–2007), Ukraine (2014–2016), and Turkey (2015–2016). According to the authors, then, the grey zone is independent sovereign states, including NATO members! And virtually all of them, with the exception of Turkey, are former post-Soviet countries that are in the sphere of Russia’s natural interests.

As for the methods that Russia allegedly employs, these are all heaped together in a big pile: economic embargoes, which have been imposed by Moscow for various reasons (the ban on wine imports from Moldova and Georgia, for example), support of certain political parties, compatriot policies, and diplomatic statements and sanctions (in relation to Turkey, for example, when a Russian plane was shot down over Syria).

Eventually, the report states: “Our five cases may not stand alone as empirical evidence, but they are broadly exemplary of historical trends. […] Russia applies hostile measures successfully but typically fails to leverage tactical success for long-term strategic gain” (p. 49).

From this, the report concludes that:

“1. Russia consistently reacts with hostile measures when it perceives threats.

  1. Both opportunism and reactionism drive Russian behavior.
  2. Russian leaders often issue a public warning before employing hostile measures.
  3. Short- and long-term measures are applied in mutually supporting combination.
  4. Diplomatic, information, military, and economic means are used collectively.
  5. Russia emphasizes information, economic, and diplomatic measures, in that order.
  6. All arms of the government are used to apply hostile measures, often in concert.”

In their description of Russia’s actions, the RAND experts even go so far as to include resistance to the Wehrmacht in occupied Soviet territories during the Second World War, including the partisan underground, as an example of “Soviet hostile measures”, when “Soviet agents aggressively undermined the German economic program […] in the western occupied zone”! (p. 53). The report then goes on to say: “By the time the Soviets shifted to the counteroffensive, they had generated a massive, multilayered hostile-measures apparatus tailored to complement conventional military operations” (p. 53) and “[f]ull-scale sabotage, propaganda, and intelligence operations continued apace throughout the war” (p. 54). Immediately after this ludicrous statement is a paragraph on the actions of the KGB and GRU against insurgents in Afghanistan. This is then followed by an attempt to predict what Russia will do in the future.

So, from the report we can draw the following conclusions. First, it is unclear why the “hostile measures” described in the report include fairly standard practices from international experience that are also used in the West as democratic norms. Second, the report contains a number of distorted facts, errors, incorrect assessments and conclusions that undoubtedly undermine its content. Third, such specific content with attempts to manipulate history is clearly intended to further tarnish Russia’s image, since it will be quoted by other researchers and academics in the future, including by way of mutual citation to reinforce credibility. Fourth, if the US command and NATO are going to perceive this mix of speculation, phobias and value judgements as basic knowledge, then it really could lead to a further escalation, although the hostile measures will be employed by the US and NATO. Fifth, the report clearly adheres to the methodology of the liberal interventionist school, which is somewhat strange for a study that claims to be a guide to action for the military, since the US military usually adheres to the school of political realism, in accordance with which the interests of other states must be respected. And since Russia’s sphere of interests is included in the grey zone, this suggests attempts to deny Russia its geopolitical interests.

Source: OrientalReview

mercredi, 05 février 2020

Nicholas & Helena Roerich: The Spiritual Journey of Two Great Artists & Peacemakers

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Nicholas & Helena Roerich: The Spiritual Journey of Two Great Artists & Peacemakers

 
Nicholas & Helena Roerich
This article was published in New Dawn 99 (Nov-Dec 2006)

Visionaries, luminaries, and spiritual pioneers Nicholas and Helena Roerich were two of Russia’s most outstanding people. High initiates, they devoted their lives to helping the advancement of humanity. And as is often the way with many great spiritual leaders, their path was liberally strewn with hardship and adversity: revolutions, captivity, spy charges, deception and deceit; testing the Roerichs constantly on their shared belief that it was these very obstacles that would allow them to grow. 

Yet, despite the fact that the couple were once barred from entering the United States and their teachings prevented from circulating freely throughout Russia, the Roerichs’ ideas are today reaching an ever-expanding group of people around the world.  

Perhaps it is an attempt to bring balance and harmony to our world of unrest, pain and strife that is causing the massive desire to know more of Nicholas, the painter and mystic, and his wife Helena, the co-author of the Agni Yoga series of metaphysics and deep spirituality.  

Internationally acclaimed artist, author, explorer, archaeologist, humanitarian, conservationist and peacemaker Nicholas Konstantinovich Roerich (1847–1947) was born in St. Petersburg, Russia. He met his beloved wife and life partner Helena Ivanovna (1879–1955) on his way to excavate in the eastern part of Russia, and they married in 1901. 

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She was a gifted musician and healer who had been studying the ancient spiritual writings of India and the East for years; in time, she became an inspired writer and teacher. He eagerly shared her pursuits for wisdom and knowledge. Together, they explored the teachings of Rama Krishna, the Buddha and also studied Madame Helena Blavatsky’s writings and philosophies. Once safely out of Russia and the civil war that raged following the 1917 Russian Revolution, they used their time in exile to test and experiment with the Theosophical teachings. It was at this time that they met Master Morya, their spiritual teacher. Since her childhood, the Masters (members of the Brotherhood of Light) had been working with Helena in her dream world but now the work took an additional form as page after page of expansive, astonishing information was dictated to them. 

unnamed.jpgAfter leaving Russia, the Roerichs and their two sons had first gone to Scandinavia, then made their way to England, eventually arriving on the shores of America. But the United States was not their ultimate destination. Their actual goal was India. For some years after 1917, India – the Raj – was closely maintained by the British who were constantly on guard against infiltration by Russian Bolsheviks bringing their inflammatory thoughts of revolution. The Roerichs were clearly on the list of those not wanted. In time, the way did open for them to enter India and although they never knew it, they were continually kept under surveillance. This fact accounts for many of their hardships.

The Roerich family arrived in New York City in the fall of 1920. Within the next three years they had gathered about them a little circle of the perfect people to accomplish all of their goals: the formation of an idealistic artist’s society called Cor Ardens, to encourage artists to push themselves to greater heights of artistic ability; the Master School of United Arts where all of the arts where taught under one roof and students were encouraged to express themselves in various media – thereby giving them the opportunity to become more rounded individuals. And Corona Mundi, an international art museum, founded to display artistic treasures from Central Asia and other areas of the world. Roerich’s paintings were exhibited in 26 US states and he and Helena toured much of the country – meeting and exchanging ideas with the most open-minded, progressive people in the arts and humanities.

Central Asian Expeditions

In 1924, they left New York for Europe which was the last stop before going to India and beginning their four-year Central Asian expedition. The history of Central Asia of the late 1800s and early 1900s is sprinkled with daunting accounts of fearless explorers and adventurers; men and women such as Helena Blavatsky, Alexandra David-Neel, Sir Aurel Stein, Sven Hedin, and Russian born Col. Nikolai Przhevalsky, who discovered a breed of horse that was named in his honour. But none of those were artists and to the best of my knowledge, none were on a mission to Shambhala. The couple were both past fifty years old when they undertook the gruelling journey to traverse Central Asia for four years on foot, camel, horse and yak enduring the brutal heat of the lowest desert elevations and laboring over the highest mountains ranges on the planet. 

What is it that stirs people to leave the comfort of their home and set off for the unknown? Gold? Religious freedom? The quest for a better life? For the Roerichs, the reasons were many. Nicholas was interested in proving the migration routes of the early tribes that encircled the globe. He wanted to be the first Westerner to paint and document the vast mountain ranges of India, Tibet and Central Asia and search for and uncover treasures long-hidden by the desert sands. 

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Through fourteen years of researching, thinking and writing about the Roerichs, I could not help but question the real purpose of the Roerichs’ Central Asian expedition. Unbeknownst to me, a Russian scholar by the name of Vladimir Rosov, was quietly helping. Just as I had began my work by living a short time in India and meeting with Svetoslav Roerich, reading through Madame Roerich’s journals and some personal correspondence, searching through the files kept in the Library of Congress and the Freedom of Information Act; researching old micro-fiche, newspapers, and the British Secret Files for facts regarding the Roerichs’ years in America, Rosov had been studying and sifting through all the Roerich documents which had been unavailable to researchers before Gorbachev’s Perestroika restructured the country. The results of his work can be read (in Russian) in his two volumes, whose name in English translates to Nicholas Roerich, The Messenger of Zvenigorod

In the first volume, he relates a startling story which answered all my questions and astonished the world of Roerich followers. Since it was already in print, I was able to use it, thereby becoming the first person to tell (in English) the real story of the Roerichs’ four-year expedition. Rosov’s account also provided a new basis for understanding the Roerich’s second trip – during which the United States sent Roerich and his son George, back to Central Asia in search of drought resistant grasses to help prevent a reoccurrence of the disastrous “dust bowl” of 1934. It was this expedition which broke Roerichs’ friendship with Henry A. Wallace, US Secretary of Agriculture during Franklin D. Roosevelt’s administration, and led to Roerich being barred from returning to the United States.

Shambhala

For years various authors have written about Shambhala. Though many people are familiar with the term, a far greater number of people have no idea what it refers to. Those “in the know” think that the search for Shambhala was the purpose of the Roerichs’ four year expedition. And they are both right – and wrong. 

Shambhala is a Sanskrit word meaning “place of peace, tranquillity and happiness.” It is considered a mystical place – both visible and invisible – where the higher world connects with the realm of Earth. The earliest references to Shambhala are found in the more than three hundred volumes of Kanjur and Tangyur, the most sacred books of Tibetan Buddhism. The books say it is a hidden kingdom, located somewhere north of Bodh Gaya, the Buddhist shrine in northern India. Shambhala is thought to be an oasis, completely ringed by high, snowy mountains that glisten with ice. Some lamas were said to hold the opinion that it has peaks which are perpetually hidden in the mists, while others believe it is visible but too remote for anyone to get close enough to see. And then there are the stories of people who tried to find Shambhala and were never seen nor heard of again.

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Many Tibetans were said to regard Shambhala as a heaven of the gods or a special paradise, meant only for those on their way to Nirvana. Possibly the Roerichs first heard the term while reading one of Madame Blavatsky’s books on Theosophy or if not then, it might have been in 1912 when a famous Buddhist lama was in St. Petersburg helping with the construction of a Buddhist temple. However, when the lama spoke of it, he was not speaking of a destination; he was speaking of a famous Buddhist prophecy.

The prophecy involved the Panchen Lama, who held a position the Dalai Lama had created several hundred years earlier in order to share the leadership of Tibet. The Dalai Lama was the temporal leader of the country and the Panchen Lama was the spiritual leader. The prophecy predicted that one day the Panchen Lama would leave Tibet. Once this happened, a great army would arise to destroy the forces of evil and usher in a golden age, a thousand years of peace and harmony. In order for that to occur, however, the Panchen Lama would have to die. When he was reborn, he would be named Rigden Jypo and be the Maitreya, The Coming One, the king of Shambhala, the abode of the mystical Buddhist learning and the symbol of the Great Future. Shambhala was the guiding principle of the coming Kalpa, or cosmic age, and at the sound of that powerful name, certainly something awoke in the Roerichs’ hearts as it does in the hearts of all people who yearn for peace.

However, when the Roerichs’ spiritual teacher, Master Morya, spoke of Shambhala, he gave the name an additional meaning for it was how he referred to the new country that he wanted the Roerichs to create. Morya envisioned a new Buddhist spiritual country to be established on the borders of Mongolia, the Gobi and Siberia. This country was to be governed jointly by the Panchen Lama and Roerich. 

Therefore, the two major purposes for the expedition – which were kept private and confidential – were so that the Roerichs could prepare the ground for the new country and the commerce necessary for it to be financially sound; and to find the Panchen Lama so that they could parlay with him, present this startling (and naive) idea, and convince him it was possible and viable. Considering, however, that all of the land involved was already occupied and within the boundaries and domain of other governments, the fulfilment of this plan was highly improbable. One country attempting to take land from another is what wars have been fought about throughout time. When the first expedition was aborted after the Tibetans (and British) kept the Roerich Central Asian expedition freezing in captivity for four months on the border of Tibet and then sent them straight back to India, it looked as if all plans were foiled.

Then, Henry A. Wallace offered Roerich a second chance and sent him back to Central Asia. But, with China and Japan on the brink of war, it was a very dangerous and volatile time. This trip Helena Roerich stayed behind and Nicholas, an artist – not a diplomat, blundered about until Wallace ordered him to return to India and stay there – and not leave again.1 Years later, looking back on the entire event, Madame Roerich wrote in her journal that both the Panchen Lama and her husband were too old at the time to accomplish this feat. Perhaps the Roerichs were laying down the lines of light necessary for it to become a reality in the future.

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Considering that during the entire four year expedition Roerich’s travel plans were continually thwarted by visa and passport difficulties, it is surprising that Nicholas and Helena even attempted to accomplish the establishment of a new country. To me it seems a demonstration of their loyalty and dedication to work with their teacher. 

Art, Beauty and Unity

Roerich loved the concept of unity. He believed that “beauty is the force that can bring nations together.” He hated borders and boundaries and thought that since all the people of the world belonged to one family, they should be able to roam and travel freely throughout it. 

Nicholas and Helena Roerich had very expanded consciousnesses. They believed “that knowledge and beauty are the real cornerstones of evolution, the gates to a world community.” They taught that a synthesis of knowledge from all fields of human endeavours was needed to form a fully developed being. Nicholas wrote nearly thirty books and created over 7,000 paintings and theatre designs depicting scenes from ancient Slavic myths, the Himalayan Mountains, and spiritual themes from the world’s religions. 

People who see his art for the first time are often speechless at the inspirational use of colour and the spiritual power it evokes – especially his later work, completed during and after the four years of expedition. Roerich’s paintings portray spiritual development, culture and its role in human evolution and possibilities for peace in a troubled world. A broader and more metaphysical understanding is added to the paintings once the viewer penetrates Helena’s deeply spiritual writings. In addition to the Agni Yoga series, which she wrote in conjunction with Master Morya, she wrote On Eastern Crossroads under the name of Josephine Saint-Hilaire. 

Daring explorers, the couple investigated the remote and dangerous regions of China, Mongolia and the Gobi Desert where few Westerners had previous ventured. They were seeking ancient manuscripts hidden in subterranean crypts and caves, the treasures to be found in burial mounds, and the wealth of statues, artifacts and wall paintings left behind in caves by the artistic Buddhists. 

In 1929 Nicholas Roerich was nominated for the Nobel Peace Prize for his work in creating the Banner of Peace and the Roerich Peace Pact, designed to preserve the world’s treasures from being destroyed in time of war. Franklin Roosevelt and twenty-six world leaders met in Washington, D.C. to ratify the agreement. The Roerichs were friends and advisors to heads of state, scientists, artists, writers and poets. Roerich’s work won praise from Albert Einstein, Leo Tolstoy, George Bernard Shaw, Jawaharlal Nehru, Rabindranath Tagore, and many others. 

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Madonna Oriflamma, the original Roerich painting where the Banner of Peace flag appears for the first time (courtesy Nicholas Roerich Museum, New York)

Now, over fifty years later, many of their key ideas have found a place in the human soul: the equality of the feminine and the masculine principles, the wisdom of the heart and the striving for the common good and brotherhood. The eternal truths the Roerichs demonstrated on Earth are echoing through time, awakening humanity to beauty and unity. “Beneath the sign of beauty we will walk joyfully,” wrote Nicholas Roerich. “With beauty we conquer. Through beauty we pray. In beauty we are united.”

To the Roerichs, culture was the highest expression of the Light – the “cult” of Ur (Light). They considered that beauty and art speak an international language understood by all and that focusing on the beautiful in life would lead us to world peace. 

Nicholas Roerich wrote: 

If you shall be asked, of what kind of country and of what constitution you dream, you can answer in full dignity: the country of Great Culture. You shall know that in that country peace and knowledge and beauty will be revered…. You may say: life is hard. How can I think of knowledge and beauty if we have nothing to live on? Or: We are far away from knowledge and art; we have important business to attend to first. But I say: You are right, but you are wrong. Knowledge and art are not luxuries. Knowledge and art are not idleness. They are the prayer and work of the spirit. Men pray in the moments of great difficulty. So too, is this prayer of the spirit most needful, when one’s whole being is shaken and in want of support, and when it seeks a wise solution.

An arduous trial awaits the whole world: the trial by the assimilation of truth. After the medieval trials by fire, water and iron, now comes the trial by assimilation of truth. But if the power of the spirit upheld men against fire and iron, then will that same power not also raise them up the steps of knowledge and Beauty? 

Throughout the world, in Israel, India, Mexico, Germany and many other countries, schools, civic organisations, and ordinary citizens are flying the Banner of Peace, proclaiming Peace through Culture. Do you want to join in this effort? If each person who reads this article would take the time to research, create, and fly the Banner of Peace – a white flag with three magenta balls in the middle – over their home, place of business, he or she will be contributing to the cause of Peace. 

Let’s all do it now! Dedicate ourselves to the cause of peace and align ourselves with the hundreds and thousands of people around the world who are using Nicholas and Helena Roerichs’ legacy and memory for inspiration.

Please visit www.roerich.org to see Roerich’s wonderful paintings and learn more of this fascinating couple.
This article was published in New Dawn 99.
 

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lundi, 03 février 2020

Réforme constitutionnelle russe – Le Conseil de l’Europe aux prises avec la souveraineté des États

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Réforme constitutionnelle russe – Le Conseil de l’Europe aux prises avec la souveraineté des États

 
 
par Karine Bechet-Golovko
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le débat sur la réforme constitutionnelle russe est arrivé jusqu’au Conseil de l’Europe, qui, comme nous l’avions sans difficulté prévu, s’est indigné de ce qu’un État membre ose encore penser à garantir sa souveraineté, sans pour autant savoir comment s’y prendre. Ici aussi l’Ukraine a été utile pour faussement soulever la question de la supériorité de la Constitution sur le droit international, « originalité » décriée qui est pourtant historiquement le lot des Constitutions, au moins en Europe occidentale. La balle est renvoyée à la Commission de Venise, qui va devoir se prononcer, finalement sur le droit des États à être souverain. L’enjeu est simple : dans ce monde global, il faut réussir à fixer formellement la fin de la supériorité formelle du droit national – les instances européennes vont-elles oser le pas ?

La réforme de la Constitution russe (voir notre texte ici) concerne plusieurs éléments qui s’opposent frontalement à la ligne idéologique globaliste, l’un d’entre eux concerne les rapports de supériorité entre le droit national et le droit international.

La Constitution russe de 1993 prévoit dans son Chapitre 1er sur les fondements constitutionnels, à l’article 15 al. 1, que, je cite :

« La Constitution de la Fédération de Russie a force juridique supérieure (…) ».

Et à l’article 15 al. 4 :

« Les principes et normes universellement reconnus du droit international et les traités internationaux de la Fédération de Russie sont partie intégrante de son système juridique. Si d’autres règles que celles prévues par la loi sont établies par un traité international de la Fédération de Russie, les règles du traité international prévalent ».

Autrement dit, la Constitution russe, comme l’ensemble des textes constitutionnels européens (au minimum) prévoit la supériorité de la Constitution. Les normes internationales sont infraconstitutionnelles, puisque la Constitution a une force juridique supérieure dans le système juridique russe et que les normes internationales sont intégrées, par l’article 15 de la Constitution, dans le système juridique russe. Sachant que sans disposition constitutionnelle prévoyant leur intégration dans le système juridique national, elles ne peuvent avoir d’effets juridiques dans ce système. Mais elles sont supralégislatives, car elles prévalent sur les normes législatives.

cr.jpgC’est notamment le système théorique qui existe en France. C’est le système de hiérarchie des normes, qui découle du théoricien autrichien Hans Kelsen au siècle dernier et qui a fondé le contrôle de constitutionnalité des lois en Europe continentale.

Alors où est le problème ? Il n’est pas juridique, il est politique et idéologique.

Lors de la rentrée parlementaire à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – APCE, les députés ukrainiens et des pays Baltes (ils siègent dans cet hémicycle justement pour cela et accomplissent parfaitement leurs fonctions) ont interpellé leurs collègues pour attirer leur attention sur la réforme constitutionnelle russe qui, Ô sacrilège !, prévoit la supériorité de la Constitution sur le droit international. Les députés de l’APCE ont alors décidé, devant une telle insolence du constituant russe, de saisir la Commission de Venise (organe consultatif de soft power qui supervise les réformes dans les pays européens). Le fondement juridique n’est pas très clair, ce droit être une atteinte portée à l’image du Parti et de ses dieux.

Selon ces députés, la Russie se prépare à ne pas appliquer les décisions de la CEDH prises à son encontre. Ce qui fut déjà quelques fois le cas, lorsque des décisions (éminemment politiques) contraires à la Constitution russe furent adoptées contre le pays, même si dans la très grande majorité des cas, la Russie exécute les décisions de la CEDH.

Le fait est que la supériorité de la Constitution, bien qu’inscrite dans le texte constitutionnel et dans la culture juridique occidentale, est largement battue en brèche dans la pratique, à la fois – en ce qui concerne les pays européens – par les instances quasijudiciaires, et par les organes politiques, adoptant des normes, sans le consentement de l’État, qui s’imposent dans son ordre juridique interne (puisque la règle de l’unanimité n’est depuis longtemps plus de mise dans les instances de l’UE). Le système du Conseil de l’Europe, à la différence de celui de l’UE, est plus un système d’organes d’influence, devant propager la « bonne parole ». Seule la CEDH, organe quasijudiciaire de ce système, a le pouvoir de prendre des décisions contraignantes à l’égard des États européens membres du Conseil de l’Europe, qui ont reconnu sa juridiction.

Mais ce n’est pas parce que les États ont reconnu sa juridiction, qu’ils ont abandonné, par la même, automatiquement, leur souveraineté nationale, en se mettant bien au chaud sous la régence de son bon vouloir. Les décisions de la CEDH, comme n’importe quel acte de droit international, ne peuvent avoir une force juridique supérieure à la Constitution nationale. Ce que la Cour constitutionnelle russe a plusieurs fois rappelé. Et la Russie n’est pas le seul pays à s’être opposé à la CEDH, l’on compte par exemple l’Italie, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne.

Or, le rapport de forces entre la CEDH et les États est tel, que beaucoup s’inclinent, remettant de facto en cause la supériorité constitutionnelle sur le droit international. C’est ici que la réforme constitutionnelle russe prend tout son sens : la Cour constitutionnelle a besoin, face à la radicalisation du combat mené contre les instances nationales par les organes globalistes, dont la CEDH fait partie, d’un appui formel, permettant d’écarter l’application des normes internationales contraires à la Constitution. La réforme constitutionnelle russe ne modifie pas la hiérarchie des normes, elle ne fait que la préciser, la formaliser au regard des nouveaux enjeux.

Or, le pouvoir des instances du monde global se développe dans la marge de flou. Ils ne peuvent ouvertement exiger des États qu’ils renoncent à leur souveraineté à leur profit en contrepartie d’une « protection » – ce comportement serait trop ouvertement mafieux. Et les États doivent garder la face malgré leurs nombreux renoncements et transferts de compétences : ils ne peuvent ouvertement reconnaître qu’ils renoncent à leur souveraineté, tout en prétendant conserver le caractère démocratique de leur système institutionnel, alors fondé sur des élections qui n’ont plus de sens, autre que le maintien de l’illusion. Car il s’agit bien de cela, de la souveraineté. La supériorité juridique de la Constitution est la garantie formelle de la souveraineté de l’État, qui peut ainsi défendre son ordre juridique et en décider. Jusqu’à présent, elle était concurrencée par la supériorité politique du droit international, qui s’impose de facto, mais donc peut être écarté de jure lorsque l’État en a le courage politique, si les normes de droit international contreviennent aux normes constitutionnelles, telles qu’interprétées par les instances nationales.

Le pas que le Conseil de l’Europe veut faire est celui du passage de la supériorité politique à la supériorité juridique du droit international sur le droit constitutionnel. Ce qui conduirait à vider définitivement le peu de souveraineté qui reste aujourd’hui aux États européens. Pour cela l’Ukraine et les pays Baltes ouvrent la voie. La Commission de Venise osera-t-elle une révolution de cette ampleur ? Va-t-elle garantir une prise de pouvoir formelle des instances internationales ? Les États ne seraient plus alors que des coquilles totalement vides, ces coquilles étant encore utiles pour gérer les territoires et les populations qui s’y trouvent, quand les décisions se prennent ailleurs.

Dans cet esprit, le « crime » commis par la Russie aux yeux des instances européennes est de mettre ces États et ces instances internationales face à la réalité de la situation. Son crime, ce qui explique cette réaction, est de dévoiler le jeu qui se joue réellement, sans plus permettre aux uns et aux autres de faire semblant pour garder la face. La Russie tente ici d’effacer cette zone de flou, ce non-dit confortable, dans lequel se développe le pouvoir des instances globalistes.


- Source : Russie politics

jeudi, 30 janvier 2020

Russie : la fin pour les Intégrationnistes atlantistes … peut-être ?

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Russie : la fin pour les Intégrationnistes atlantistes … peut-être ?


Source Unz Review via thesaker.is

À présent, nous avons tous entendu la nouvelle, tout le gouvernement russe a démissionné et un nouveau Premier ministre, Mikhail Mishustin, a été nommé. Et nous savons aussi qu’Internet a été submergé par toutes sortes de spéculations sur ce que tout cela pourrait signifier.

Hélas, tant que nous ne saurons pas qui sera inclus dans le nouveau gouvernement, nous ne pouvons pas vraiment dire grand-chose. Je veux dire, oui, en théorie, nous pourrions retenir notre souffle et nous attendre à ce que Glaziev soit nommé à une position importante dans le soi-disant «bloc économique» du gouvernement, mais comment savons-nous que ce ne sera pas Koudrine à la place ?!

On ne le sait pas.

Une chose que nous savons avec certitude, c’est ce que Poutine a annoncé dans son discours. Vous pouvez lire le texte intégral ici pour vous-même, mais voici deux choses que je veux souligner :

1 – Poutine a annoncé un effort majeur pour faire face à la pauvreté – toujours épouvantable – dont souffrent de nombreux Russes.

2- Poutine a annoncé un effort majeur pour vraiment rendre sa souveraineté à la Russie.

Pour le premier point, Poutine a proposé un certain nombre de programmes gouvernementaux majeurs pour faire face à la pauvreté insupportable dans laquelle de nombreux Russes vivent encore, y compris un nombre de maternités beaucoup plus important qui concerne également le problème démographique, des taux d’emprunts hypothécaires réduits, des soins de santé et des repas gratuits dans les écoles, etc.

Dans le deuxième point, Poutine a annoncé ce qui suit :

« La Russie ne peut être, et ne peut rester la Russie, que si  elle est souveraine. La souveraineté de notre nation doit être inconditionnelle. Nous avons fait beaucoup pour y parvenir. Nous avons restauré l’unité de notre État. Nous avons surmonté la situation où certains pouvoirs du gouvernement étaient essentiellement usurpés par des clans d’oligarques. La Russie est revenue dans la politique internationale en tant que pays dont l’opinion ne peut être ignorée. »

et

« Je suggère d’officialiser, au niveau constitutionnel, des exigences obligatoires pour ceux qui occupent des postes d’importance critique pour la sécurité nationale et la souveraineté. »

À tout le moins, c’est un très bon signe. Comme je l’ai suggéré à plusieurs reprises, le slogan «restaurer la pleine souveraineté» peut être un cri de guerre pour les patriotes russes et américains. Et nous connaissons aussi tous ceux qui seront absolument consternés par ces discours sur la «souveraineté», n’est-ce pas ?

Et encore.

J’ai l’impression que je dois mettre tout le monde en garde et rappeler à tous que le problème en Russie – et aux États-Unis – n’est pas tant une question de personne, mais plutôt une question de mauvais système, d’abord et avant tout. Je ne parlerai pas du côté américain de ce problème, mais permettez-moi de vous expliquer rapidement ce qui s’est passé en Russie au cours des dernières décennies.

La Russie d’aujourd’hui est le produit de plusieurs facteurs :

1  – L’Union soviétique non réformable des années 1980, qui s’est transformée en une sorte de «gâteau» pour la «Nomenklatura» soviétique qui, lorsqu’elle a réalisé qu’elle perdrait le contrôle du pays, a décidé de diviser l’Union soviétique en quinze pays différents – dont quelques-uns totalement fictifs – et se sont transformés de «défenseurs du Parti et de l’URSS» en «nationalistes fervents». C’était seulement un faux changement de slogan, comme toujours, mais la majorité des gens – qui voulaient maintenir l’Union soviétique – ne pouvaient rien y faire.

2 – Viennent ensuite les horreurs des années 1990 au cours desquelles la Russie, et le reste des républiques nouvellement créées, se sont débattus dans une orgie d’anarchie, de violence, de corruption et de soumission, totale et absolue, à l’Empire anglo-sioniste.

3 – Enfin, au cours des années 2000, nous avons assisté à une période de partage du pouvoir entre les Intégrationnistes atlantistes dirigés par Medvedev et le Souverainisme eurasien dirigé par Poutine. Il s’agissait d’un partenariat difficile dans lequel les Intégrationnistes atlantistes contrôlaient le «bloc économique» tandis que les Souverainistes eurasiens étaient chargés des affaires étrangères et de la défense de la Russie.

Comme leur nom l’indique, les Intégrationnistes atlantistes veulent intégrer la Russie – et eux-mêmes ! –  dans la sphère de contrôle anglo-sioniste tandis que les Souverainistes eurasiens veulent une Russie véritablement souveraine. Imaginez maintenant ce que ce premier groupe a ressenti en entendant Poutine déclarer :

Je suggère d’officialiser au niveau constitutionnel des exigences obligatoires pour ceux qui occupent des postes d’importance critique pour la sécurité et la souveraineté nationales. Plus précisément, les chefs des entités constituantes, les membres du Conseil de la Fédération, les députés à la Douma d’État, le Premier ministre et ses adjoints, les ministres fédéraux, les chefs d’agences fédérales et les juges ne devraient pas avoir de citoyenneté étrangère ou de permis de séjour ou tout autre document qui leur permet de vivre en permanence dans un État étranger. Le but et la mission du service public est de servir le peuple, et ceux qui entrent dans cette voie doivent savoir qu’en faisant cela, ils connectent leur vie de manière indissociable avec la Russie et le peuple russe sans aucun supposé ni allégeance. Les exigences doivent être encore plus strictes pour les candidats à la présidence. Je suggère d’officialiser une exigence selon laquelle les candidats à la présidence doivent avoir eu leur résidence permanente en Russie depuis au moins 25 ans et aucune citoyenneté, ou permis de séjour, étrangers et non seulement pendant la campagne électorale mais à tout moment avant celle-ci également.

Il s’agit clairement d’une condamnation à mort prononcée contre l’espoir suprême des Intégrationnistes atlantistes qui ne pourront désormais plus intégrer la Russie, ou eux-mêmes – au moyen de passeports, de comptes bancaires ou de biens immobiliers – dans les élites anglo-sionistes. Il y a maintenant même une blague qui court sur Runet (l’Internet russe) :

13h00 - Путин заявил, что госслужащие должны быть только гражданами Россиии
16h30 - Правительство в полном составе ушло в отставку

Traduction :

13 h 00 - Poutine dit que les fonctionnaires ne devraient avoir que la nationalité russe
16 h 30 - Démission complète du gouvernement

Et bien qu’il y ait un élément d’hyperbole ici, il y a aussi beaucoup de vérité !

Pourtant, nous devons toujours nous rappeler que dans l’histoire russe, l’ennemi intérieur a toujours été beaucoup plus dangereux pour le chef de la Russie que tout ennemi étranger. Dans notre cas, non seulement ces Intégrationnistes atlantistes résisteront à toutes les formes de retour véritable de la Russie à la souveraineté, mais ils seront soutenus par une classe politique russe très puissante et riche qui a gagné des millions en volant la Russie aveuglément durant les années 1990, ils seront également soutenus par tous les gouvernements occidentaux et les véritables dirigeants des «États profonds» de l’Empire anglo-sioniste.

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Ensuite, il y a ceux de la blogosphère, présumée pro-russe, qui étaient très heureux toutes ces dernières années de voir la Russie comme une social-démocratie de style occidental avec une économie, disons, très «libérale» – je préfère le mot «capitaliste» ce qui est à la fois plus honnête et moins ambiguë. Ils se sentiront désormais également menacés par ce qui semble être un virage assez dur vers la gauche, ce qui signifie que le Kremlin écoute enfin la volonté du peuple et que le turbo-capitalisme sera désormais progressivement remplacé par une forte augmentation de la solidarité sociale. J’attends avec impatience le yoga mental dans lequel ces gens vont maintenant devoir s’engager pour prétendre soutenir Poutine tout en restant en même temps fidèles à la propagande pour les Intégrationnistes atlantistes.

Comme je l’ai également dit à plusieurs reprises, Poutine est un homme très compétent à la tête d’un très mauvais système, et réformer vraiment un très mauvais système est une tâche extrêmement difficile.

Donc, alors que oui, il est possible que ce qui se passera ensuite soit – enfin ! – une purge de toute la cinquième colonne installée aux échelons supérieurs du pouvoir en Russie, ce n’est en aucun cas un fait accompli et nous devons attendre et voir quel genre de personnes obtiennent réellement leurs postes clés dans le gouvernement russe et, en particulier, dans le «bloc économique».

Nous ne devons jamais oublier à quel point les vrais patriotes russes étaient déçus lorsque, après une victoire triomphale aux élections, Poutine a, pour l’essentiel, reconduit la plupart du gouvernement Medvedev – très impopulaire – la dernière fois. Au lieu d’une purge nous avons eu la vilaine débâcle de la réforme des retraites.

Certains en Russie rêvent déjà d’une véritable purge, à la Staline, des élites politiques au pouvoir. Ils ont même remarqué que le nouveau Premier ministre a une ressemblance plus que minuscule avec Lavrentii Beria, le chef de la police secrète de Staline, voyez par vous-même :

D’accord, oui, il y a une ressemblance, mais les temps ont totalement changé ! Malgré toute la propagande occidentale sur la Russie, qui serait une sorte de «Mordor» autocratique / despotique, la vérité est qu’elle est un pays de droit et que Poutine est un président qui agit strictement dans les limites du droit russe. Il n’y aura pas de purges massives, pas d’arrestations nocturnes, pas d’exécutions secrètes.

Personnellement, je suis prudemment optimiste. Le langage utilisé dans le discours de Poutine porte tous les mots et expressions appropriés, et ses réformes suggérées sont toutes parfaitement sensées. Mais dans le passé, il y avait eu d’autres discours présidentiels avec des objectifs non moins élevés, mais la bureaucratie russe extrêmement puissante – oui, c’est aussi la « cinquième colonne qui n’existe pas » – a fait en sorte que ces objectifs ne soient jamais atteints.

Le nouveau Premier ministre a promis que la liste complète des nominations au nouveau gouvernement serait rendue publique avant le 21. Je suggère que nous attendions d’avoir tous les faits avant de faire des prédictions.

The Saker

Traduit par jj, relu par Kira pour la Saker Francophone

mardi, 28 janvier 2020

La coopération stratégique entre la Russie et le Japon se précise

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La coopération stratégique entre la Russie et le Japon se précise

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il est généralement admis que le Japon est un fidèle auxiliaire de Washington dans sa lutte contre Moscou et Pékin. Il est très proche des Etats-Unis dans le domaine technologique et commerciale. Il ne paraît pas prêt à compromettre ces rapports.

De plus, sa proximité géographique avec la Russie et la Chine est généralement considérée à Tokyo comme une faiblesse. On compte sur la Flotte américaine du Pacifique pour aider éventuellement à la protection des côtes.

Cependant, durant un débat au Parlement le 22 janvier 2020, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a indiqué que les relations de coopération entre la Russie et le Japon avaient pris une importance encore jamais vue. Il a fait allusion à des projets économiques conjoints dans les Iles Kouriles méridionales, jusqu'à présent des territoires revendiqués respectivement par chacun des Etats. En novembre 2018, Vladimir Poutine et Shinzo Abe avaient annoncé qu'ils travaillaient ensemble à la définition d'un traité de paix à ce sujet.

Par ailleurs, les 20 et 21 janvier 2020, des manœuvres aéro-navales communes ont été organisées entre la Flotte Russe de la Baltique et la force japonaise d'auto-défense (Japanese Maritime Self-Defence Fleet) en Mer d'Arabie, visant à réprimer les activités de piratages très nombreuses dans ces eaux.

Dans le même temps, le 21 janvier, l'ambassadeur russe en Corée du Nord a discuté des possibilités de coopération avec les autorités de ce pays dans le domaine de l'aviation civile et de la dénucléarisation. Ceci a été bien accueilli au Japon qui redoute de voir la Corée du Nord se doter de nouveaux armements dont le Japon aurait pu être la première cible. Ultérieurement, le Japon pourrait participer activement au grand projet de coopération ferroviaire et commerciale associant la Corée du Sud, la Corée du Nord, la Russie, la Chine et la Mongolie dans le cadre du programme initialisé par le Chine dit des Nouvelles Routes de la Soie.

Il ne s'agit pas encore d'un traité de coopération formelle entre le Japon et la Russie. Mais avec le rejet de plus en plus marqué des Etats-Unis dans la région, ce Traité pourrait être recherché activement par Tokyo.

dimanche, 19 janvier 2020

Le discours de Poutine sur l’état de la nation : centré sur le peuple russe et son avenir

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Le discours de Poutine sur l’état de la nation : centré sur le peuple russe et son avenir


Par Andrew Korybko 

Source news.cgtn.com

Le président Poutine s’est adressé à l’Assemblée fédérale ce 15 janvier, pour la première fois de l’année 2020, prenant de l’avance sur sa traditionnelle allocution annuelle, qui avait d’habitude lieu un peu plus tard dans l’année. Son discours sur l’état de la nation s’est presque entièrement intéressé sur l’amélioration de la qualité de vie du peuple russe, en soulignant fortement les importants impacts sociaux des projets de développement national de la Russie [National Development Projects (NDP)], et sur les moyens à employer au service de cette vision ambitieuse.

Une part importante de son discours était consacrée à l’accroissement du taux de natalité, par l’application de diverses incitations d’État, comme une augmentation des prestations sociales aux familles, en particulier celles disposant de faibles revenus. Il a également déclaré que les allocations de maternité seraient désormais versées dès le premier enfant — elles étaient jusqu’ici versées uniquement à partir du second. Poutine a répété à plusieurs reprises l’importance pour la Russie d’améliorer sa situation démographique, et a également insisté sur le fait que l’ensemble des politiques sont influencées, d’une manière ou d’une autre, par ce facteur.

Il ne s’agit pas pour les Russes de faire plus d’enfants pour la beauté du geste, mais de proposer un très haut niveau de vie aux futurs citoyens de la fédération. Pour servir cet objectif, Poutine a annoncé que l’État prodiguerait trois repas chauds et équilibrés à chaque enfant inscrit en école primaire, que des investissements de modernisation des écoles allaient être réalisés afin que les enfants disposent d’une éducation numérique leur permettant de trouver leur place dans la future économie technologique, que les salaires des enseignants allaient augmenter, et que plusieurs initiatives allaient suivre afin d’encourager les étudiants, via des changements dans les cursus, à poursuivre des carrières en matières scientifique, technologique, d’ingénierie, et mathématiques.

Des bourses d’études seront également distribuées en plus grand nombre pour ceux qui veulent poursuivre leur éducation secondaire dans ces matières. Le sujet de la santé est particulièrement important, a ajouté Poutine, et le gouvernement fera le maximum d’efforts pour améliorer également ce secteur, à la fois en poursuivant les investissements en la matière, et en coordonnant le chemin de carrière des soignants, pour qu’ils disposent d’emplois garantis dans les régions où leur présence est le plus nécessaire. Le président de Russie s’est montré particulièrement fier du fait que l’espérance de vie de son pays connaît actuellement ses plus haut niveau jamais atteint, cependant que le taux de mortalité infantile connaît son plus bas. Il a également affirmé que ces tendances positives doivent impérativement continuer de progresser à l’avenir.

Cette poussée socio-économique est fortement facilitée par deux grandes réalisations acquises au fil des années, à savoir la capacité de la Russie à se défendre pour les décennies à venir (une allusion à ses missiles hypersoniques de pointe), et le fait que son budget s’est enfin stabilisé.

Ces réussites ont permis au gouvernement de s’intéresser à la qualité de vie de ses citoyens, mais la constitution doit également être amendée pour ce faire. Comme l’a dit Poutine, le système politique et la société civile russes sont devenus assez matures pour s’offrir ces changements, nécessaires à la transformation de la Russie en État providence du XXIème siècle, à ce moment pivot.

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Parmi les suggestions qu’il a proposé d’ajouter à la discussion en vue d’une direction plus responsable, on trouve : interdire les postes de la fonction publique aux citoyens étrangers ou aux résidents à l’étranger, en vertu de raisons de sécurité ; et préciser la relation entre les différents niveaux de gouvernement, ainsi que les trois branches principales du pouvoir.

Sur ce dernier point, tout en réaffirmant la nécessité pour la Russie de rester une république présidentielle, Poutine a affirmé que l’Assemblée fédérale devrait disposer de plus grandes responsabilités dans la formation du gouvernement. Cela peut s’interpréter comme une poursuite de la tendance à déléguer les responsabilités aux représentants de l’État, et ainsi donner plus de pouvoir aux citoyens.

Dans l’ensemble, cette allocution de Poutine à l’Assemblée fédérale était beaucoup plus autocentrée que les précédentes. Cela résulte du fait que la situation internationale et économique de la Russie s’est stabilisée au point où le temps est venu de s’intéresser de près à ces sujets, pour préparer au mieux le pays à la longue période d’incertitude que le monde connaît depuis peu.

Investir dans son peuple est la bonne politique à mener, et le lancement d’une concertation nationale quant à une réforme constitutionnelle l’est également. Avec quatre années restantes comme président de la Fédération de Russie, Poutine se prépare à laisser un héritage durable qui profitera aux générations futures de la Russie.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Note du Saker Francophone

Difficile pour un Français de lire ce texte sans penser 
à l'héritage social du général de Gaulle aux Français, et
au rayonnement de la France dans le monde au cours des
années 1960… D'un point de vue français, si l'on
s'amuse à comparer les pays en leurs états actuels,
la population de la Russie est à peu près le double de
celle de la France ; et le PIB de la Russie est à peu
près la moitié de celui de la France. Sur le papier,
la richesse de chaque Français est donc le quadruple
de la richesse de chaque Russe. La différence est que
la France s'enlise dans une Union supranationale qui
impose des décisions de l'extérieur ne bénéficiant pas
aux Français, avec un argument que la France seule
ne ferait pas le poids dans le monde
. La trajectoire de la Russie est une preuve éclatante

de la fausseté de cet argument de propagande
même si en parité de pouvoir d'achat, la Russie
est devant la France et au niveau de l'Allemagne,
avec il est vrai un matelas de matière première
qui est une sacré sécurité.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

About the New Sacred Union

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Pavel Tulaev:

About the New Sacred Union

Ex: http://www.ateney.ru

Today, many people understand that humanity has entered a qualitatively different stage of planetary development. It is associated with space cycles, the scientific and technological revolution, changes in lifestyle, etc. Internationally, this is an obvious turn from the global dictatorship of the United States, established in the 20th century, to a multipolar world. More specifically, to the growing role of Russia and the East as a whole. The regrouping of international forces makes us develop a new strategy.

Before the collapse of the USSR in 1991, the world was conditionally divided into two large parts: the capitalist West, led by the United States and NATO, as well as the communist East, headed by the Soviet Union and the Warsaw Pact. True, in addition to this, there was a rather large block of “Non-Aligned Countries”, but its existence did not cancel the confrontation of two socio-economic systems that were inherently opposite.

In the course of liberal-monetarist reforms in the spirit of “shock therapy”, Russia, which left the USSR, tried to enter the circle of Western countries, the so-called “Big Eight”. However, it soon turned out that the essence of this community was not only in favorable economic relations. Let’s think about what Western civilization is again.

Aggressive sunset civilization

From a geographical, historical and spiritual point of view, the West, figuratively speaking, is a movement from Sunrise (origin) to Sunset (degeneration).

Many of today’s European peoples have eastern roots. For example, the teachers of the Romans are Greeks and Etruscans who came from Asia Minor; Hungarians came from the Urals, Bulgarians were from Cimmeria, Poles were from Sarmatia, Croats were from Central Asia; Basques living in the far west of Europe came from the Caucasus. The origin of the Germanic tribes, in particular, the Goths and the Vandals, is also associated with Asia.

The eastern roots of Europeans are clearly visible in their ancient mythology. Where did Zeus steal the young beautiful Europe? From the Middle East. The genesis of the Olympic gods, including Zeus-Jupiter, Artemis-Diana, Apollo, Athena-Minerva, Aphrodite-Venus, indicates their Hyperborean or Aryan ancestral home. Even the Scandinavian god Odin came to the cold lands from hot Asia.

Now let’s recall where science, culture and civilization came from to Europe.

The West took almost all fundamental knowledge from the East: writing, including runic; medicine, especially esoteric; astronomy with an annual calendar; theology, including Christianity; musical theory and many instruments; many sports and recreational games, including equestrian competitions and chess. Even many technical inventions, such as wheels, fabrics, paper, metal processing, etc. are of Asian origin.

Western colonialists and their secret societies, such as Freemasonry, have learned many secrets from the spiritual treasures of India, China, Egypt, and Sumeria. Their heirs of the New Age learned to quickly borrow, buy or steal eastern discoveries, including the Russian and Slavic scientists’ ones (the periodic table, Lobachevsky’s geometry, Ladygin’s incandescent light bulb, Tesla’s electric motors, Zhukovsky’s plane, Sikorsky’s helicopter, Zvorykin’s television, USSR’s space achievements and much more).

In a word, without the classical heritage of the East and its fundamental technical inventions, the West is nothing! In this paradoxical, at first glance, phenomenon, in fact, everything is natural. After all, eastern civilization is hundreds of thousands of years old, and western civilization is several centuries old.

The United States of America, formed in 1776 from former European colonies on the territory of the autochthonous civilization of the Indians, subjects of the archaic civilization of the red race, became an absolute expression of Western civilization. In their own interests, they use the achievements of the world community, and at the same time contrast themselves to it in the spirit of the bloodthirsty Old Testament.

One state, even such a superpower as the United States, can resist the whole world only with the help of weapons and political pressure. For this role of the world gendarme, the American hawks created a well-designed and extensive system of the New World Order (NMP), led by the aforementioned North Atlantic Treaty Organization (NATO).

This system governs America and its partners through a network of latent, that is, behind-the-scenes organizations, totaling more than 500. The most famous of them are the Bilderberg Club, the Tripartite Commission, the Council on Foreign Relations, the Pilgrims Society, “Skull and Bones”, the Federal Reserve, other Masonic and Zionist organizations. One of the main centers of NWO (New World Order) is located in the UK, or rather, in the City, the financial and business center of London, and others are in New York, Brussels, and Tel Aviv.

Directly or indirectly, thousands of NWO leaders conduct the main brain centers, foundations, banks, the media, universities, all major corporations and political parties in the United States. The influence of this coordinating power of the “world behind the scenes” on international events is obvious. Judge for yourself.

Modern Europe is a protectorate of the USA. NATO bases are located not only in Germany occupied in 1945, but in almost all EU countries. Atlantists surround our mainland with a network of military bases and red flags of local conflicts under the pretext of a hypothetical threat to their national security.

Why is Mongoloid Japan, located in the Pacific Ocean in the Far East, considered a part of «Western civilization»? Because the United States first bombed it, then subjugated it, and finally colonized it. In terms of NATO’s Pacific strategy, the “Land of the Rising Sun” is their western carrier.

Why is Belarus, absolutely European in its racial and cultural origin, considered “anti-Western” and has now become the vanguard of the forces of Eurasia? Because it is a strong ally of Russia and is not economically dependent on the EU.

The United States is particularly afraid of the unification of Europe and Russia, as this will lead to the dissolution of the Atlantic alliance and a sharp weakening of North America’s international position. Therefore, the Yankees and their agents are struggling to drive a wedge between two parts of a single continent, artificially creating a buffer zone — from the Baltic Sea to the Black Sea.

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Pavel Tulaev

It is in this context that one should understand the modern war in Ukraine, which is forcibly drawn into the EU and NATO. In terms of strategy, the NOW is a local conflict in the global scenario. Indeed, by and large, the fundamental contradictions between thalassocracy (America) and tellurocracy (Eurasia) will be resolved not in the trenches of the Ukrainian steppes, but in other spaces: space, information, technology. They are part of the world war for leadership and dominance in key areas of human activity.

Eastern alternative

What can we contrast the conscious strategy of the West to weaken Russia and the split of Eurasia?

In addition to the national Russian doctrine that protects our ethnic and cultural identity, as well as the strategic interests of the indigenous peoples of the Russian Federation, there are several large geopolitical projects supported by relevant ideologies and political programs. The most famous are Eurasian and Slavic. In some ways, they mutually complement each other, in some ways they are opposite.

The essence of Slavophilism is patrimonial logic. The main thing here is the subject with his genetic, racial, religious and social qualities. The ethics of Slavophilism is based on the cult of ancestors. For a pan-Slavist, blood is higher than the soil, since the Slav, be it Russian, Pole, Belorussian, Czech, he remains in Europe, America, Asia and Africa as a Slav, the bearer of his ethno-forming qualities.

Slavs are a large family of peoples. It forms the basis of about two dozen states with a total population of more than 300 million people. Slavs of Russian origin predominantly profess Orthodoxy, preserving for centuries their confessional and linguistic identity, in particular Cyrillic writing.

Eurasianism proceeds from the territorial community of the population of various ethnic and even racial origin. Here, Belarus and Kazakh, Lithuanian and Tatar, Russian and Mongol are equivalent. The fundamental principle of Eurasianism is soil above blood. Eurasians recognize the differences, but do not give them a fundamental character. The racial approach is unacceptable to them. Religious — secondary. For example, an Orthodox Chinese speaking Russian can well be an ideological Eurasian.

The extreme forms of these two ideologies — racial pan-Slavism and continental internationalism — clash in the political struggle. This is due to historical reality, which is much more complicated than simplified schemes.

The ancestors of the Slavs (Wends,Venets), along with the Celts, made up a significant part of the pre-Christian population of Europe. Serbs settled next to them, including on the Baltic coast, where Germany is now.

The primordial Russia of the Varangian era, which included the ethnic elements of the Slavs, Balts, Finns and Ugrians, was also originally a Caucasian race with a significant part of the Nordic blood. As a result of ethnogenesis, expansion and colonization, the Russian people united various Slavic and European tribes related to them.

As the Russian lands expanded south and east, the Slavic-speaking superethnos began to include more and more Asian elements. For example, Don Cossacks combine Slavic-Aryan, Turan and Dinar features.

The Russian Federation today includes more than 190 different ethnic groups. Most of them are of non-Slavic, or rather, not Caucasian origin, although about 80% of the population considers themselves Russian. According to modern genetics, the Great Russians predominantly remain Caucasians, but in large cities and on the outskirts there is a rapid mixing with other racial types.

That is why for Russian people the ideology of Slavophilism is more understandable, while Eurasianism is closer to national minorities. For Tatars and Caucasians, pan-Slavism is as far away as pan-Turkism and pan-Mongolism are for us.

Our choice

What to do in this difficult, very controversial situation? The main thing, in my opinion, is to avoid extremes, i.e. not to bring Slavophilism to a utopia of pan-Slavism and clash with political Eurasianism.

A model is needed that combines the most constructive elements of both ideologies. And only the third idea that goes beyond blood and soil can unite them.

From the point of view of patrimonial logic, it would be advisable to unite Russia and Europe into the strategic block Euro-Russia as the core of a wider continental alliance. After all, the metahistorical role of Russia is not only the connection between East and West. It is the Heart of the Continent, its mystical center, the axis of its historical Destiny.

However, in the current situation, when another armed conflict is unleashed in the center of our continent, in the center of the Slavic world, the implementation of the Euro-Russian project is very difficult. In this regard, it is desirable to create a new Holy Alliance of all forces opposing the deadly aggression of the West.

It is in this direction that the CSTO (Collective Security Treaty Organization) and BRICS (Brazil, Russia, India, China and the Republic of South Africa) develop their strategies, which Iran and Turkey want to join.

As we can see, the anti-Western alternative of the 21st century does not geopolitically repeat the alliance of the three emperors of the 19th century or the Warsaw Pact of the Soviet era. We are witnesses of a new turn of history to the East.

Remember the famous metaphor of how Emperor Peter the Great, with his Westernist reforms, allegedly “cut a window into Europe,” which was in fact the ancestral home of Russia. Compared to him, President Putin is an analogue of Prince Alexander Nevsky, who made the Eastern choice. After all, Asia has always been of great importance for Russia, so it is quite reasonable to turn to face it.

Since the challenge on the part of the United States is global, the answer must be global. All peoples of goodwill, both Nordic and Mardi, both European and Asian, must unite against the ubiquitous gangster, funded by international bankers.

Under these conditions, our common strategy is a peaceful offensive of the forces of Good against the demons of Evil. This is, first of all, the spiritual, Royal Way of self-improvement, where there is a place for every worthy inhabitant of the Earth. Everyone has what to do and what to say.

We are not opposing the Americans or the Anglo-Saxons, but against the deadly Western civilization as such, against the degeneration of people growing under the influence of the West, against the degradation of European culture and the violation of social laws at the national and international level. We are for freedom, for a dignified life, for justice and order. For the right to an original path of development of all peoples, including residents of the Western Hemisphere.

The USA itself needs a “new way of thinking” and a “perestroika”, as the USSR used to be. The revolution in America will help to save it from complete collapse, ruin and humiliation, and, in the end, find a worthy place in a changing world. We know that in the West there are many thinkers and politicians who understand the need for radical changes.

Our ultimate goal is not a struggle for political power and any terrestrial territories, but the birth of a new person, a new race of people, which will be based on the principles of spiritual creativity and the ideals of holiness. The man of the future will transform not only his flesh, but also the world around him.

Only the blind do not see the East again excitingly grow red. «The Golden Eos with purple fingers got up from the darkness». Rejoice, behold, and salute the beautiful Queen Dawn.

Moscow, 2018.

lundi, 13 janvier 2020

Die russische Ethnos-Theorie

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Die russische Ethnos-Theorie

von Dr. Christian Böttger

Ex: https://wir-selbst.com

Die russische Ethnos-Theorie

Kultur versus Ethnos

Seit dem 9. September 2014 hat das „Staatliche Museum für Völkerkunde“ in München einen neuen Namen. Jetzt heißt es „Museum Fünf Kontinente“. Besonders originell ist die Begründung für die Umbenennung, die an Realsatire grenzt: Der Begriff Völkerkunde sei nicht mehr zeitgemäß, weil die Besucher damit nichts anfangen könnten. Sie glaubten, es handle sich um eine Einrichtung von Fachgelehrten für Fachgelehrte. Eine dümmere Erklärung konnte man sich wohl nicht einfallen lassen, denn der Name ist jetzt erst recht verwirrend und verweist eher auf das Gebiet der Geographie als auf das der Ethnologie. Bereits 2001 war das traditionsreiche Frankfurter Museum für Völkerkunde in „Museum der Weltkulturen“ umbenannt worden und trägt seit 2010 auch den Namen „Weltkulturen Museum“. Nach den Umbenennungen der Volkskundeeinrichtungen in den letzten Jahrzehnten sind nun also die völkerkundlichen Museen dran.

Da drängt sich die Frage nach den Ursachen für diese Veränderung auf. Diese Erscheinung läßt sich nur erklären, wenn man sie vor dem Hintergrund der ökonomischen Globalisierung und der Umwandlung von Nationalstaaten in Einwanderungsgesellschaften im Rahmen einer angestrebten „Weltbürgergesellschaft“ betrachtet. Dazu müssen die Angehörigen der einzelnen Völker nicht nur ihrer staatlichen Souveränität und ihrer ökonomischen Selbständigkeit, sondern auch ihres ethnischen Selbstbewußtseins beraubt werden. Zur Unterstützung dieser Globalisierungstendenzen werden seit langem auch die Sozial- und Geisteswissenschaften herangezogen. Sie werden vor allem dahingehend beeinflußt, ein rein mechanistisches Gesellschaftsverständnis zu vermitteln, das eine individualistische Einstellung zu Volk und Staat garantiert.

Welche konkreten Möglichkeiten lassen sich nutzen, um diese destruktiven „Erziehungsziele“ zu realisieren? Zuerst einmal müssen die Verfechter der „Moderne“ alles daransetzten, den ethnischen Volksbegriff aus dem Sprachgebrauch der Medien und Schulen zu entfernen. Dabei greift man auf die Erkenntnisse der Sprachtheorie zurück, die behauptet, daß Begriffe nicht die Wirklichkeit abbilden, sondern sie erst konstruieren. Folglich läßt sich die Wirklichkeit durch veränderte Begriffe ebenfalls verändern. Nach dieser Lesart kann man also durch die Beseitigung des Volksbegriffes auch das Volk als reale Erscheinung beseitigen. Die entstehende Lücke wird meist durch den Kulturbegriff ersetzt.

In den letzten Jahren ist es nämlich zu einer bewußt lancierten Unsitte geworden, von „Kulturen“ statt von konkreten Völkern zu sprechen. Der Kulturbegriff, der einen Ersatz dafür bieten soll, verfügt aber nicht nur über eine geringe Definitionsschärfe, er bietet mit seinem hohen Abstraktionsgrad auch eine Vielzahl von Möglichkeiten der ideologischen Manipulation. Im offiziellen Sprachgebrauch werden die Staaten Europas durch die Einwanderungspolitik nicht etwa in Vielvölkerstaaten verwandelt, was der Realität entsprechen würde, sonder nur kulturell bereichert, wie es so schön heißt. Auf diese Weise kann der wirkliche Prozeß der Umwandlung des Nationalstaates in einen Nationalitätenstaat verschleiert werden. Die Einteilung der Bevölkerung in „Migranten“ und „Einheimische“ dient ebenfalls dazu, von der Volkszugehörigkeit abzulenken. Das kann im Extremfall soweit gehen, daß Heimatvertriebene aus den ehemaligen deutschen Ostgebieten – also nicht nur die Rußlanddeutschen – als „Migranten“ erfaßt werden.

Seit einiger Zeit ist man dazu übergegangen, die Existenz von Völkern ganz in Frage zu stellen. Diese Ethnos-Leugnung ist inzwischen Mainstream geworden und zur Lehrmeinung an den Universitäten aufgestiegen. Vom Institutsleiter des Berliner „Instituts für Europäische Ethnologie“, Prof. Kaschuba, wurde 1999 das Hochschullehrbuch „Einführung in die Europäische Ethnologie“ verfaßt. In ihm wird die Behauptung aufgestellt, zu Beginn des 19. Jahrhunderts sei es zu einer „Erfindung des ethnischen Paradigmas“ gekommen. Die Ethnien wären nicht naturgewachsen, sondern sie seien im intellektuellen Diskurs im Verlauf der Modernisierung hergestellt worden. An dieser ‚Erfindung‘ wären Volkskunde und Völkerkunde in jener Zeit maßgeblich beteiligt gewesen. Die Prozesse der Entdeckung und Erforschung des Ethnischen, die vielerorts mit dem Erwachen des ethnischen Selbstbewußtseins einhergingen, werden neuerdings also als „Erfindung“ ausgegeben. Besonderer Kritikpunkt – der Merkmalskatalog, an dem sich der Volksbegriff festmachen läßt und der damit Abgrenzung erst ermöglicht.

Sieht man einmal von der rein eurozentrischen Betrachtungsweise, dem Mangel an ethnologischem Wissen über außereuropäische Völker ab, so zeigen diese wenigen Ausführungen, worum es wirklich geht, nämlich um das Problem der Abgrenzung mittels eines Merkmalskataloges in einer sich scheinbar entgrenzenden Welt. Doch existiert kein Gegenstand ohne Merkmale. Wie will man denn einen Gegenstand beschreiben, wenn man ihm keine Merkmale zuordnen darf. Erst durch die Begrenzung ergibt sich bekanntlich die Gestalt, das kann man an jedem Körper erkennen. Wer die Begrenzung beseitigen will, zielt in Wahrheit auf die gesamte Gestalt. Aus dieser Position resultiert dann eine weitere Problematik. Wenn es nämlich keine realen Ethnien gibt, sondern nur „Ethnizität im Menschen“ wie diese Kulturwissenschaftler neuerdings behaupten, dann kann es auch keinen Ethnozid geben. Der Begriff des Ethnozids erübrigt sich, wird mit solchen Positionen zum Paradoxon. Logischerweise muß deshalb die Ethnos-Leugnung dem Ethnozid vorausgehen. Raffinert, aber durchschaubar, vielleicht nicht für alle Akteure. Hier verflechten sich ideologische Motive, Klassenauftrag und pseudo-wissenschaftliche Vorstellungen. Die vordergründige Absicht der Ethnos-Leugner ist klar: die panische Angst vor dem Scheitern des Konzeptes der sog. „multikulturellen“ Gesellschaft, die man in der BRD unter dem Gesichtspunkt der Antithese zum Nationalsozialismus zu errichten trachtet.

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Diese Ethnos-Leugnung könnte aber durchaus auch eine rechtliche Dimension besitzen. Ethnozidale Bestrebungen sind eben kein Kavaliersdelikt. Dessen sollten sich die Verneiner des Ethnos immer bewußt sein. Auch führende Nationalsozialisten wollten kurzerhand aus den Sorben und Wenden der Lausitz „wendisch-sprechende Deutsche“ machen. Sie leugneten also die Existenz des sorbischen Ethnos. Heute würde das niemand mehr wagen. Im Gegenteil. Die „Stiftung für das sorbische Volk“ erhält immerhin eine jährliche Zuwendungssumme von mehreren Millionen Euro vom Bund und von zwei Bundesländern.

Das zentrale Instrument zur wissenschaftlichen Demontage des Volksbegriffes bildet die sog. „amerikanische Kulturanthropologie“. In den vergangenen Jahrzehnten konnte man das allmähliche Einsickern ihrer Methoden und Grundmuster in den gesellschaftlichen Diskurs recht gut verfolgen. Dieses Einsickern erfolgte auf unterschiedlichen Wegen und unter ganz verschiedenen Namen, so daß die dahinterstehende Absicht nicht so leicht zu durchschauen war.

Die Anfänge für diese verhängnisvolle Entwicklung liegen weit zurück. Ausgangspunkt dieses tiefgreifenden Umbruchs in den ethnologischen Wissenschaften war u. a. der Volkskunde-Kongreß in Detmold 1969. Hier wurde von jungen Vertretern des Fachs im Zusammenhang mit der damaligen Studentenbewegung der „Abschied vom Volksleben“ verkündet und mit dem Hinweis auf die jüngere deutsche Geschichte der Name des Faches überhaupt in Frage gestellt. Philosophische Grundlage für diesen Neuansatz bildete der Neomarxismus der sog. „Frankfurter Schule“. Niederschlag fand diese geistige Strömung zuerst am Ludwig-Uhland-Institut in Tübingen, wo sich dann die Deutsche Volkskunde in Anlehnung an die amerikanische Kulturanthropologie als „empirische Kulturwissenschaft“ etablierte. Das soziale Leben von Kulturen und Teilkulturen mit ihren Konflikten zu beobachten, zu beschreiben und zu interpretieren stand von nun an im Mittelpunkt. Zu Beginn der 70er Jahre war also an die Stelle der deutschen Volkskunde eine Spielart der amerikanischen Kulturanthropologie getreten, die mit ihren Grundmustern und Termini wie geschaffen schien für westliche „Einwanderungsgesellschaften“.

An Anfang der amerikanischen Kulturanthropologie standen nämlich Forschungen zur Integration und kulturellen Assimilation von Einwanderern in die USA. Kern war zunächst das politische Dogma des Aufgehens ethnischer Minderheiten wie Indianer und Afro-Amerikaner sowie neu zugewanderter Europäer in der euro-amerikanischen Gesamtgesellschaft. Der „American Way of Life“ wurde einfach als moderne Gesellschaft ausgegeben und eine Anpassung an diese Lebensweise mit anschließender Assimilation als unausweichlich betrachtet. Erst in einer späteren Phase begann man die Frage der Assimilation differenzierter zu betrachten und durch „Akkulturationskonzepte“ zu ersetzen. Seit den 1960er Jahren wird sogar die Idee des Schmelztiegels ganz in Frage gestellt.

Gemeinsam ist allen kulturanthropologischen Konzepten, daß sie ihre Methodik an Einwanderungsgesellschaften herausgebildet haben. Einwanderungsgesellschaften zeichnen sich aber dadurch aus, daß die Entwicklung der Menschen durch einen Bruch gekennzeichnet ist, der mit der Einwanderung beginnt. Die kontinuierliche Entwicklung einer einheitlichen ethnischen Gemeinschaft ist unter diesen Bedingungen nicht mehr gegeben. Und siehe da, schon gerät man in ein ganz anderes Fahrwasser. Mit den Einwanderungsgesellschaften als Entwicklungsrahmen gelang es den Forschungsgegenstand „Volk“ durch das Forschungsfeld „Kultur“, im Sinne von „Alltagskultur“ und Werteordnung usw. zu ersetzen. Nicht mehr die Träger der Kultur als Kollektiv, sondern das Getragene und seine individuelle Widerspiegelung standen jetzt im Mittelpunkt. Das hat Folgen! Das Getragene ist veränderlich in seiner räumlichen und zeitlichen Dimension. Ein Veränderliches, vom Kollektiv, vom Volk abgekoppeltes, wird auf diese Weise zum Gegenstand der Betrachtung. Das soll nicht heißen, daß die kulturelle Seite eines Volkes als unveränderlich, als konstant zu betrachten ist. Was aber die Angehörigen eines Volkes verschiedener Zeitalter miteinander verbindet, ist die Tatsache, daß die Generationen mit ihrer Kultur aufeinander folgen, aufeinander wirken, daß die kulturellen Entwicklungen der früheren Zeitalter die der späteren Zeitalter mitbestimmen. Genau das Ausklammern dieser historischen Dimension nutzen heute die ideologischen Wegbereiter der Globalisierung, um jene fixen kollektiven Identitäten in Frage zu stellen, die sich in Völkern, Rassen und fest umrissenen Kulturkreisen manifestieren und ein Zusammengehörigkeitsgefühl zulassen. Dieses auch Abgrenzung und Ausgrenzung beinhaltende Zusammengehörigkeitsgefühl gilt es nach Meinung der Globalisten zu eliminieren. Die Globalisierungsideologen mußten deshalb eine spezifisch gelagerte Kulturdefinition finden, die „Kulturen“ nicht mehr als fest umrissene, konstante Größen auffaßt. Erreicht wurde dieses Ziel durch die Wahl des sog. „weiten Kulturbegriffs“, der die gesamte Lebensweise als Kultur begreift. Indem man auf diese Art die gesamte, sich jeden Augenblick verändernde Lebensweise als Kultur betrachtet, läßt man sie ins Gestaltlose zerfließen, denn erst durch die Begrenzung ergibt sich bekanntlich die Gestalt. Mit diesem kulturanthropologischen Taschenspielertrick kann man problemlos alle kollektiven Identitäten von Völkern, Rassen und Kulturkreisen verschwinden lassen.

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Ein solches Denksystem – Kultur als Lebensweise – bietet den Globalisten ungeahnte Möglichkeiten der Manipulation. Das Ziel dieser Sichtweise besteht also in der Auflösung jener fixen kollektiven Identitäten, die sich u. a. in Völkern manifestieren, denn diese könnten der „Weltbürgergesellschaft“ der „One World“ im Wege stehen. Erreicht wird dieses Ziel durch die Konstruktion eines abstrakten kulturellen Systems, dessen Inhalt keinen Gemeinschaftsbezug und keine Abgrenzung zuläßt. Abgrenzung und damit Vielfalt werden als etwas Verwerfliches verstanden. Dabei wird außerdem die Gesamtkultur nur als Summe von Teilkulturen und ihren Bestandteilen betrachtet. Wechselbeziehungen und Rückkopplungen von Kulturkomponenten bleiben außen vor, denn sie könnten schon wieder Umrisse sichtbar machen, neue Gestalten erzeugen.

Worin besteht aber nun der Grundirrtum der westlichen Kulturanthropologen? Nach ihrer Auffassung verfügt das konstruierte kulturelle System über bestimmte Teilbereiche wie z. B. religiöse, soziale und ethnische. So gesehen ist die ethnische Dimension nur eine von mehreren Dimensionen der „Kultur“ und zwar eine mit sinkender Bedeutung. Während sich der Volksbegriff auf eine konkrete Gemeinschaft von Menschen bezieht, also demographisch an eine ganz bestimmte Population gekoppelt ist, stellt der Kulturbegriff nur eine abstrakte Konstruktion dar, die den Volksbegriff nicht ersetzen kann. „Völker“ und „Kulturen“ sind nämlich nicht einfach Synonyme, die man beliebig austauschen kann. Um einmal ein Beispiel zu nennen: ein Sioux-Indianer, der heute in New York in einem Wolkenkratzer seine Heimstatt gefunden hat, über Kühlschrank, Fernsehgerät und Waschmaschine verfügt, also nicht mehr im Tipi wohnt, hat zwar seine Kultur, nicht aber seine Ethnizität verändert. Durch das Ersetzen des Volksbegriffs durch den Kulturbegriff – als ein erster Schritt – und der Gleichsetzung von „Kultur“ mit „Lebensweise“ – als ein zweiter Schritt – gelingt es die Bedeutung des Ethnischen bis hin zur Bedeutungslosigkeit herunterzuspielen und der Manipulation Tür und Tor zu öffnen. Darin besteht der Kern des Taschenspielertricks der Kulturanthropologen.

Weil das Ethnische nach westlicher Auffassung in modernen Gesellschaften nur eine Dimension, ein winziger Teilbereich des Kulturellen ist, wird der Ethnos-Begriff meist nur noch für kleine ethnische Einheiten verwendet. Die Berechtigung dazu leitet man aus den Modernisierungskonzepten ab. Danach verkörpern die ethnischen Besonderheiten der Völker das sogenannte Traditionale, das die Durchsetzung der Moderne erheblich behindert und deshalb beseitigt werden muß.

Doch spätestens seit den 80er Jahren des 20. Jahrhunderts konnte man feststellen, daß die Bedeutung ethnischer, religiöser und sprachlicher Faktoren nicht nur im Anwachsen begriffen war, sondern zunehmend auch politische Relevanz erhielt. Entgegen allen Prognosen zeigten sich jetzt statt eines Verschwindens ethnischer Unterschiede Anzeichen für ein Wiederaufleben der ethnischen Eigenheiten. Das mußte sogar der BRD-Star-Philosoph Jürgen Habermas eingestehen.

Die amerikanische Kulturanthropologie ist heute ein fester Bestandteil des Globalismus. Sie bietet den Verfechtern der Weltbürgergesellschaft die Möglichkeit, moderne und rückschrittliche Lebensweisen einander gegenüberzustellen. Damit wird ein Endziel suggeriert, nämlich eine einheitliche Weltzivilisation, die nichts anderes ist, als der American Way of Life. Für Vielfalt ist da kein Platz mehr. Auf diese Weise ist die Kulturanthropologie zu einer destruktiven ideologischen Waffe gegen die Völkervielfalt geworden.

Demgegenüber präsentiere ich in meinem Buch mit der russischen Ethnos-Theorie eine Alternative dazu. Dieser wissenschaftliche Ansatz betrachtet das „Volk“ als ein dynamisches Ganzheitssystem – hier mit dem griechischen Wort „Ethnos“ bezeichnet. Im alten Griechenland hatte dieser Begriff etwa ein Dutzend Bedeutungen; darunter Volk, Stamm, Menschenmenge, Heiden, Herde, Rudel, Sippe usw. Die sprachwissenschaftliche Analyse des Wortes läßt erkennen, daß es sich bei diesem Begriff um eine Gesamtheit von Menschen handelt, die gemeinsame Merkmale aufweisen.

Diese Lehre vom Ethnos ist Ausdruck der typischen mittel- und osteuropäischen Auffassung vom Volk. Der Prozeß der Ethnogenese der Völker Europas verlief auf ehemaligem provinzialrömischem Gebiet anders als in den Gebieten nördlich und östlich des Limes. In Italien, Gallien oder Britannien – um nur drei Beispiele zu nennen – führte die „Invasion der Barbaren“ zu einer völligen Umgestaltung der ethnischen Verhältnisse auf der territorialen Grundlage zumeist der alten römischen Provinzen. In Mittel-, Nord- und Osteuropa entstanden die meisten Völker durch Verschmelzung mehrerer in Sprache und Kultur verwandter Stämme. Dieser ganz andere Typ der Ethnogenese hat das ethnische Selbstbewußtsein dieser Völker nachhaltig geprägt.

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Der Begriff Ethnos taucht als Gegenstand der modernen ethnologischen Wissenschaft zuerst in Rußland auf und zwar schon zu Beginn des 20. Jahrhunderts. Untrennbar verbunden ist er mit dem Namen Sergei M. Schirokogorow. Es ist kein Zufall, daß eine wissenschaftliche und handhabbare Auffassung von dem, was ein Ethnos, ein Volk, ist, in der ehemaligen Sowjetunion entstand. Aufgrund der Tatsache, daß dort über 100 Ethnien lebten, hatte die ethnische Problematik von je her einen hohen Stellenwert. Die Forschungen zum Ethnos-Begriff gewannen hier seit den 1960er Jahren zunehmend an Bedeutung. Ein Grund warum der Ethnosbegriff als Forschungsgegenstand festgelegt wurde, war die Mehrdeutigkeit des Volksbegriffes in der russischen Sprache. Neben seinem ethnischen Inhalt verfügt er auch über einen sozialen, etwa im Sinne von „werktätige Massen“. In der deutschen Sprache kennen wir diese Mehrdeutigkeit ebenfalls mit der Bedeutung „einfaches Volk“. Ein weiterer Grund lag in dem Bedürfnis der Wissenschaftler, ihren Forschungsgegenstand zu präzisieren und sich damit von den Nachbardisziplinen Kulturwissenschaft und Soziologie unterscheidbar zu machen. Außerdem wollte die Parteiführung die Wissenschaftler verpflichten, die allmähliche Herausbildung eines „Sowjetvolkes“ zu beweisen. Um solche ethnischen Prozesse der Annäherung von Ethnien zu beschreiben, mußte erst einmal ein einheitlicher Begriffsapparat vorhanden sein. Darüber hinaus erforderte die Entwicklung der Völker Asiens und Afrikas nach Beendigung der Kolonialherrschaft eine Beschäftigung mit den sog. ethnischen Prozessen, was ebenfalls diese neue Begrifflichkeit erforderlich machte. Die Zeit zwischen 1964 und 1973 war gekennzeichnet durch einen breiten wissenschaftlichen Meinungsstreit über die Definition und die Merkmale des Ethnos. An dieser Diskussion durften sich auch nicht-marxistische Wissenschaftler wie Lew Gumiljow beteiligen. Das Resultat dieses Meinungsstreites wurde 1977 von Julian Bromlej (Bild) in dem auch in deutscher Sprache erschienenen Buch „Ethnos und Ethnographie“ zusammengefaßt. Es enthält Erkenntnisse verschiedener Fachkollegen und ist somit durchaus nicht nur „Bromlejs Theorie“, wie es oft kolportiert wird.

md7173426719.jpgBei der Entwicklung der theoretischen Grundlagen dieser neuen Lehre leitete man zunächst die Merkmale des „Ethnos“ von den Merkmalen der „Nation“ ab. Das war möglich, weil im Gegensatz zu den heutigen westlichen Ländern in Osteuropa die Nation als ein „ethno-sozialer Organismus“ betrachtet wurde und wird. Sie gilt neben Stamm und Völkerschaft als eine Erscheinungsform des Ethnos und zwar als die am höchsten entwickelte. Wenn aber die Nation nur eine spezifische Erscheinungsform des Ethnos ist, dann müssen zumindest einzelne Merkmale der Nation auch identisch mit den Merkmalen des Ethnos sein. Als Richtschnur zur Feststellung der Merkmale einer Nation mag damals die Nationsdefinition von Stalin eine gewisse Rolle gespielt haben. In einer Schrift von 1913 bezeichnete Stalin die Nation als eine historisch entstandene stabile Gemeinschaft von Menschen mit gemeinsamer Sprache, gemeinsamen Territorium, Wirtschaftsleben, und der sich in der Gemeinschaft der Kultur offenbarenden gemeinsamen psychischen Wesensart. Diese von Stalin herausgearbeiteten Merkmale bildeten für die sowjetische Forschung auch den Ausgangspunkt für die Diskussionen um die wissenschaftlich exakte Bestimmung des Ethnos-Begriffs.

In einem Aufsatz von 1978 definierte Bromlej den Inhalt des Begriffs „Ethnos“ so:

Unter Ethnos im engen Sinne oder Ethnicos verstehen wir eine historisch entstandene Gruppe von Menschen, die über eine nur für sie charakteristische Gesamtheit gemeinsamer beständiger Züge der Kultur (…), der Sprache und der Psyche sowie über ein Selbstbewußtsein, darunter auch das Bewußtsein ihres Unterschiedes von anderen ähnlichen Gebilden, und eine Selbstbezeichnung (Ethnonym) verfügen.

Julian Bromlej

Das Ethnos ist also ein Ganzheitssystem, das auch Informationen der Vergangenheit speichert und weiterverarbeitet. Bestimmte historisch gewachsene und kollektiv gebildete Eigenschaften und Produkte wie z. B. die Sprache, kulturelle Züge, ethnisches Selbstbewußtsein, psychische Wesensart usw. bilden somit die Systemkomponenten. Diese Systemkomponenten sind aber ausschließlich aus dem ganzen System heraus zu verstehen und dürfen keinesfalls nur als eine Summe aus den Eigenschaften und Produkten der einzelnen Individuen betrachtet werden.

Das ethnische Selbstbewußtsein wird von einigen russischen Ethnologen an den ersten Platz unter den Charakteristika des Ethnos gestellt, da es in erster Linie die Zugehörigkeit eines Menschen zu einem Ethnos bestimmt. Ausschlaggebend dafür ist größtenteils die Vorstellung von einer bestimmten Abstammung, nicht unbedingt die Abstammung selbst. Verändert sich über mehrere Generationen das ethnische Selbstbewußtsein, so hat sich auch die ethnische Zugehörigkeit verändert. Ein Beispiel hierfür bilden die assimilierten Hugenotten in Deutschland. Zu den Besonderheiten des ethnischen Selbstbewußtseins gehört, daß Kinder noch nicht über ein solches verfügen, sondern daß dieses sich erst im Reifungsprozeß des Jugendlichen herausbildet. Wenig ausgebildet ist es auch bei Personen, die wenig Kontakt zu Angehörigen anderer Ethnien haben. Das gilt besonders für die Bauern in der Feudalgesellschaft. Hier herrscht ein lokales oder religiöses bzw. konfessionelles Bewußtsein vor. Die zunehmende Bedeutung des ethnischen Selbstbewußtseins innerhalb des Systems ethnischer Merkmale ergibt sich in der Moderne auch aus dem Zurückgehen der ethnischen Besonderheiten auf dem Gebiet der materiellen Kultur.

Charakteristisch für die osteuropäischen Ethnologen ist der Gebrauch des Ethnos-Begriffs auch für große, viele Millionen zählende Gemeinschaften und die Nationen hochentwickelter Länder. Deshalb sahen sie sich veranlaßt, auch politische und ökonomische Faktoren bei der Herausbildung und dem Funktionieren des Ethnos zu berücksichtigen. Das gilt insbesondere im Hinblick auf die Nation, der höchstentwickelten Erscheinungsform des Ethnos. Das Problem der Wechselwirkungen zwischen Ethnos und politisch-territorialer Gemeinschaft war lange Gegenstand des wissenschaftlichen Meinungsstreits. Zur Beilegung dieses Streites wurde der Begriff des „ethnosozialen Organismus“ geschaffen. Dieser ethnische Organismus ist dann nahezu identisch mit einer Gesellschaft. Er stellt ein ethnisches Gebilde dar, das auf einem kompakten Territorium zu finden ist und eine politische und ökonomische Einheit verkörpert. Die Berechtigung für die Verwendung des Organismusbegriffs in der sozialen Sphäre leitete man daraus ab, daß es sich bei einem Ethnos um die Vorstellung von einer sich selbst reproduzierenden Ganzheit handelt.

Soweit eine skizzenhafte Darstellung zur sowjetischen Ethnostheorie. Wie ist aber die Entwicklung der ethnologischen Forschung in den Nachfolgestaaten der Sowjetunion weiterverlaufen? Was wurde speziell aus der Lehre vom Ethnos?

Um den Stellenwert der Ethnos-Lehre in den Nachfolgestaaten der Sowjetunion zu begreifen, gilt es die damalige Situation zu berücksichtigen. Es bestand in dieser Umbruchzeit die Notwendigkeit, die Legitimität dieser Staaten gerade auch ethnisch zu untermauern. „Ethnos“ fand Eingang in offizielle Dokumente und juristische Texte. Das Ideologievakuum nach dem Zusammenbruch des Bolschewismus bot viel Raum für das Ethnische und das Ordnungsmodell „Nation“, verstanden als ein ethno-sozialer Organismus. Das gilt insbesondere auch für die russische Föderation. Über 90 Treffer zum Begriff этнос gibt es allein auf der offiziellen Internetseite des russischen Präsidenten, über eine Million Einträge findet die Suchmaschine google.ru. Die Situation war aber gleichzeitig von dem Bedürfnis nach Distanzierung von der sowjetischen Wissenschaftstradition gekennzeichnet. Die Mehrheit der russischen Ethnologen plädierte so für eine vom marxistischen Unterbau und seinen Begrifflichkeiten befreite Ethnos-Lehre.

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Trotz des ungebrochenen Weiterbestehens der Ethnoslehre wurde 1990 Waleri Tischkow (auch Tiškov), ein Kritiker der Ethnos-Theorie, zum Nachfolger Bromlejs im Amt des Institutsdirektors an der Akademie der Wissenschaften gewählt. Tischkow, der sich an westlichen Forschungsansätzen ausrichtet, forderte eine theoretische Neuorientierung. Die Ethnos-Theorie betrachtete er lediglich als eine Variante der marxistisch-leninistischen Nationstheorie. Sein Hauptvorwurf lautet: Bromlej und seine Anhänger interessierten sich für den „Menschen im Ethnos“ und nicht für die „Ethnizität im Menschen“. Ist da ein Unterschied? Aber sicher, ein ganz gewaltiger sogar! In diesem Unterschied spiegelt sich der Gegensatz von Primordialisten und Konstruktivisten wider. Die Primordialisten betrachten Stämme und Völker als uranfängliche, objektiv vorhandene kollektive Einheiten, die durch bestimmte Merkmale gekennzeichnet sind. Doch das genau bestreiten die Konstruktivisten. Sie behaupten, daß die Welt, wie wir sie wahrnehmen, nicht das Ergebnis eines Abbildes der Wirklichkeit ist, sondern das Ergebnis des Erfindens der Wirklichkeit, wobei das eigene Weltbild den Ton angibt. Auf die Ethnologie angewandt behaupten die Konstruktivisten, daß Völker und Stämme gar nicht existieren, nie existiert haben, sondern reine Erfindungen, Wahrnehmungsstörungen sind. Somit legt man das „Ethnische“ in den Menschen und zwar als Wahrnehmungsstörung. Deshalb ist es auch ein grundsätzlicher Unterschied, ob ich mich für den „Menschen im Ethnos“ oder für die „Ethnizität im Menschen“ interessiere. Bei letzerem interessiere ich mich dann in der Endkonsequenz nur für eine Wahrnehmungsstörung.

Angesichts der großen Bedeutung der Ethnos-Lehre in Rußland muß man sich fragen, wie ausgerechnet ein Wissenschaftler wie Tischkow, der in der russischen Ethnologie fast völlig isoliert ist, in dieses hohe Amt des Institutsleiters aufsteigen konnte, denn ganz offensichtlich fungiert er dort als ein ideologischer Brückenkopf des Westens. Die Antwort liegt auf der Hand. Es geht ganz einfach um westliche Geldgeber, die man bei der Stange halten will. Das heutige Institut kooperiert sehr erfolgreich mit westlichen Sponsoren. Das sind vor allem Stiftungen und – wie könnte es anders sein – NGOs, die berüchtigten „Nichtregierungsorganisationen“, also meist ausländische Agentenzentralen, die in Rußland den Auftrag haben, die als Modernisierung getarnte Verwestlichung voranzutreiben. Es ist also sehr viel Geld im Spiel, um den Primordialismus in der russischen Ethnologie abzulösen und stattdessen den destruktiven völkerzerstörenden Konstruktivismus zur Herrschaft zu bringen. Wo „One World“ propagiert wird, darf es auch nur noch eine Meinung geben.

ЛевГумилёв1934.jpgBesonders beliebt in den Nachfolgestaaten der Sowjetunion ist ein weiterer namhafter Vertreter der Ethnos-Lehre, Lew Gumiljow (Bild). Als Opfer des stalinistischen Gulag-Systems stand er nicht gerade auf dem Boden der marxistisch-leninistischen Ideologie. Für ihn glich das Ethnos einem biologischen Organismus, der gesetzmäßige Entwicklungsphasen durchlaufen muß, die mit den verschiedenen Altersstufen eines Menschen vergleichbar sind. Nach der politischen Wende in der Sowjetunion wurde die Ethnogeneselehre Gumiljows besonders von Politikern und Amtsträgern aufgegriffen und als Orientierungshilfe verstanden. Seine Publikationen wurden in hohen Auflagen gedruckt, seine Ideen fanden Eingang in die Lehrbücher. Wissenschaftliche Konferenzen wurden zu seinen Thesen veranstaltet, Universitäten nach ihm benannt und Denkmäler für ihn errichtet.

Der nahtlose Anschluß an die westliche Wissenschaftslandschaft mit ihrem kulturanthropologischen Dogma ist nicht zu erwarten. Der ethnisch-föderale Staatsaufbau aus der Sowjetzeit nämlich mit seinen Zugeständnissen an die autonomen Gebietseinheiten und Republiken wurde in der Russischen Föderation beibehalten. Er wird permanent dazu beitragen, den Ethnos-Begriff und die dazugehörige Lehre zu reproduzieren. Deshalb sind alle Bemühungen der prowestlichen Kräfte darauf gerichtet, einen Wandel „von Ethnos zu Demos“ herbeizuführen. Das bedeutet weg von der ethnisch definierten Titularnation der Sowjetzeit und hin zu einem staatsbürgerlich, politisch definierten Staatsvolk. Damit würden die im Weltmaßstab vorbildlichen Gebietseinteilungen aufhören, Entwicklungsrahmen für die entsprechenden Ethnien zu sein. Schließlich ist keine noch so kleine ethnische Gemeinschaft in der ehemaligen Sowjetunion vollständig verschwunden und das in einem Zeitraum, wo in anderen Teilen der Welt die Assimilation kleiner ethnischer Gemeinschaften einen Massencharakter angenommen hatte.

Welche Bedeutung hat die in Rußland entwickelte Lehre vom Ethnos für das heutige Deutschland? Worin unterscheidet sie sich eigentlich von den traditionellen deutschen Vorstellungen? Die klassische deutsche Auffassung vom Volk hat viele Wurzeln im deutschen Idealismus bzw. in der deutschen Romantik. Grundlage des volklichen Seins war bei Johann Gottfried Herder das unbewußte Schaffen des Volksgeistes. Darunter verstand Herder eine schöpferische, überindividuelle geistige Wesenheit, die alle kulturellen Schöpfungen des Volkes hervorbringt. Diese Äußerungen des Volksgeistes sollten sich nach den Anschauungen der Romantiker in Lied, Sage, Märchen, Glaube und Brauch manifestierten. Dieser rein philosophisch-idealistischen Sichtweise stellt die russische Lehre vom Ethnos eine historisch-materialistische Sichtweise zur Seite. Die Ethnoslehre zeichnet sich durch ein strenges, geradezu naturwissenschaftliches Herangehen aus, das nur Fakten gelten läßt. Sie sieht im Ethnos nicht ein Produkt des Volksgeistes, sondern in erster Linie ein Produkt der Geschichte. Damit wird eher die physische Seite des Phänomens untersucht als die geistige. Das hat allerdings den Vorteil, daß sich Dank der Einbeziehung der Kybernetik diese physische Seite des Volksorganismus der Öffentlichkeit wesentlich leichter vermitteln läßt als das Wirken eines eher nebulös erscheinenden Volksgeistes. Dennoch findet innerhalb dieser Ethnos-Lehre, in dem von ihr angenommenen System ethnischer Merkmale, die sog. „psychische Wesensart“ ihren festen Platz – allerdings nicht als Ursache, sondern als Produkt der Geschichte.

Die heutigen Gegensätze verlaufen aber nicht mehr vordergründig zwischen idealistischer und materialistischer Betrachtung, haben doch beide Betrachtungsweisen ihre Berechtigung. Schon der große deutsche Philosoph, Soziologe und Anthropologe Arnold Gehlen wies darauf hin, daß die Materiedefinition viel zu ungenau ist, um hier eindeutige Unterscheidungen treffen zu können. Der heutige Gegensatz besteht also vielmehr zwischen den Ethnos-Leugnern im Westen und den Protagonisten des Ethnos im Osten Europas, d. h. zwischen mechanistischer und organischer Weltanschauung. Nicht zufällig verweigern sich gerade die Visegrad-Staaten der Veränderung ihrer ethnischen Struktur durch die Aufnahme von Migranten. Sie haben sich in weiten Teilen ihre organische Gesellschaftsauffassung bewahrt und verteidigen diese. Die Ethnos-Leugner des Westens hingegen sind an Einwanderungsgesellschaften orientiert und folgen im Hinblick auf die großen europäischen Völker den Grundmustern der amerikanischen Kulturanthropologie. Die Kulturanthropologie ist aber durch ein mechanistisches Gesellschaftsverständnis (das Ganze als Summe) gekennzeichnet. Osten und Westen sind somit nicht nur geographische Markierungen, sondern stehen sich also auch als Gesinnungsbegriffe im „Weltkampf um den Menschen“ gegenüber.

Dr. Christian Böttger

Christian Böttger, geb. 1954, Facharbeiterausbildung als Gärtner für Zierpflanzenbau mit Abitur 1974, studierte von 1983-1988 Ethnographie, deutsche Geschichte und Volkskunde an der Humboldt-Universität zu Berlin. Danach arbeitete er bis Ende 1991 als wissenschaftlicher Mitarbeiter im Wissenschaftsbereich Kulturgeschichte/Volkskunde am Zentralinstitut für Geschichte (Akademie der Wissenschaften der DDR) an einem Forschungsprojekt auf dem Gebiet der Kulturgeschichte sozialer Reformbewegungen in Deutschland um 1900. Ende 1993 promovierte er an der Humboldt-Universität zum doctor philosophiae. Anschließend war er als wissenschaftlicher Mitarbeiter an verschiedenen Lexikonprojekten beschäftigt.

Autor des Buches:

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dimanche, 12 janvier 2020

La 4e guerre mondiale a bien commencé !...

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La 4e guerre mondiale a bien commencé !...
 
par Michel Geoffroy
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré aux conséquences de  l'assassinat par les Américain du général Soleimani, homme-clef du régime iranien. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

Assassinat du général Qassem Soleimani : la 4e guerre mondiale a bien commencé !

L’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, revendiqué par les Etats-Unis, apporte une nouvelle preuve que la quatrième guerre mondiale a bien commencé. Nous sommes en effet entrés dans la quatrième guerre mondiale, qui a succédé à la troisième – la guerre froide. C’est une véritable guerre des mondes car elle voit s’opposer différentes représentations du monde et aussi parce qu’elle a la stabilité du monde pour enjeu.

Le monde unipolaire contre le monde polycentrique

Cette guerre oppose avant tout les Etats-Unis, de plus en plus souvent alliés à l’islamisme, qui ne comprennent pas que le monde unipolaire a cessé de fonctionner, aux civilisations émergentes de l’Eurasie – principalement la Chine, l’Inde et la Russie – qui contestent de plus en plus leur prétention à diriger le monde.

Les Etats-Unis, bras armé de la super classe mondiale, veulent en effet maintenir leur rôle dirigeant mondial, acquis après la chute de l’URSS, car ils continuent de se voir comme une « nation unique », comme n’avait pas hésité à l’affirmer encore le président Obama devant une assemblée générale des Nations Unies stupéfaite !

Même affaiblis, ils entendent conserver leur hégémonie par n’importe que moyen, y compris militaires. Avec leurs alliés occidentaux transformés en valets d’armes, ils font donc la guerre au monde polycentrique, c’est-à-dire aux cultures, aux civilisations et aux peuples qui ne veulent pas d’un monde unidimensionnel.

Monde unipolaire versus monde polycentrique, voilà la matrice de la quatrième guerre mondiale.

La dé-civilisation occidentale

Ce que l’on nomme aujourd’hui l’Occident, correspond à un espace dominé et formaté par les Etats-Unis, et n’a plus qu’un rapport lointain avec la civilisation qui l’a vu naître, la civilisation européenne.

L’Occident aujourd’hui correspond à l’espace qu’occupe l’idéologie de l’américanisme : le matérialisme, l’individualisme fanatique, le culte de l’argent, le multiculturalisme, le féminisme hystérique, le messianisme, l’idéologie libérale/libertaire, et une certaine appétence pour la violence, principalement.

Cet Occident fait la guerre aux autres civilisations, y compris à la civilisation européenne, car les « valeurs » qu’il se croit en droit de promouvoir partout par la force, sont en réalité des antivaleurs, des valeurs mortelles de dé-civilisation. Pour cette raison aussi, la civilisation européenne entre en décadence, alors que la plupart des autres civilisations renaissent au 21ème siècle

La quatrième guerre mondiale recouvre donc un affrontement civilisationnel : le choc entre les civilisations renaissantes de l’Eurasie et la culture de mort véhiculée par l’américanisme.

Et ce choc contredit la croyance cosmopolite en l’émergence d’une unique civilisation mondiale.

Le mythe américain de la paix démocratique

Depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis sont passés d’une stratégie d’endiguement du communisme à une stratégie d’élargissement de leur modèle de société à tous les peuples, comme l’a annoncé sans détour Bill Clinton devant l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993 : « Notre but premier doit être d’étendre et de renforcer la communauté mondiale des démocraties fondées sur le marché » [1].

Cette stratégie expansive correspond à la croyance dans la « paix démocratique » selon laquelle les Etats démocratiques seraient pacifiques par nature et parce que le modèle américain serait profitable à tous.

Mais, comme le souligne Christopher Layne [2], il s’agit d’une illusion : car rien ne vient confirmer que l’instauration de la démocratie au niveau d’un Etat annule les effets structuraux de la pluralité contradictoire des puissances et des intérêts au plan international.

Mais, surtout, la croyance dans la paix démocratique conduit nécessairement à souhaiter le renversement des Etats « non démocratiques » – les Etats-voyous selon le langage imagé nord-américain contemporain – pour que   des démocraties leur succèdent. Mais cette présomptueuse volonté de changement de régime [3] – qui a beaucoup de points communs avec l’islamisme implique une ingérence conflictuelle dans les affaires intérieures des autres Etats.

L’impérialisme de la démocratie n’a donc rien à envier au plan belliqueux à tous les autres impérialismes et ce n’est pas un hasard si dans leur courte histoire, les Etats-Unis ont été si souvent en guerre [4] !

La guerre chaotique occidentale

La quatrième guerre mondiale se déroule pour le moment principalement dans l’ordre géoéconomique : elle a pour enjeu la maîtrise des ressources énergétiques mondiales et celle des flux économiques et financiers et notamment la remise en cause de la domination du dollar, instrument de la domination globale des Etats-Unis puisqu’il leur permet de financer facilement leur arsenal militaire démesuré.

Mais elle se déroule aussi sur le terrain des guerres infra-étatiques et des « guerres civiles » internationalisées car commanditées de l’extérieur.

Depuis la fin du bloc soviétique, les Occidentaux, emmenés par les Etats-Unis, n’ont eu de cesse en effet d’encourager la destruction chaotique des puissances susceptibles de contrer leur projet de domination mondiale. Il s’agit de créer partout des poussières d’Etats impuissants et rivaux en application du vieux principe « diviser pour régner » !

La destruction de la Yougoslavie (1989-1992), suivi de la guerre illégale de l’OTAN au Kossovo (1998-1999) a constitué le coup d’envoi de la quatrième guerre mondiale.

Ces conflits ont contribué à affaiblir la périphérie de la Russie et aussi, par contre coup, à déstabiliser l’Union Européenne : désormais ingouvernable à 28 ou à 27 états et dirigée de fait par une Allemagne atlantiste, l’Union Européenne, ne compte quasiment pas sur la scène internationale comme acteur indépendant !

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Encercler la Russie

De même, la fin de l’URSS n’a nullement mis fin à la politique américaine d’encerclement de la Russie. Comme on le dit parfois avec humour : « la preuve que la Russie est menaçante : elle à mis ses frontières exprès à côté des bases de l’OTAN ! »

Car il s’agit de programmer l’émiettement de la puissance russe : notamment en encourageant la sécession Tchétchène (guerre de 1994 à 2000) et en soutenant les révolutions de couleur [5] qui organisent à chaque fois la mise en place de nouvelles équipes politiques anti-russes. Et bien sûr en s’efforçant de satelliser l’Ukraine grâce à la « révolution » d’Euromaïdan (hiver 2013 à février 2014), ayant, par un heureux hasard, abouti à la destitution illégale du président Yanoukovytch qui souhaitait le maintien des relations privilégiées avec la Russie [6]. Et aussi, par contre coup, à la séparation de la Crimée et à la guerre dans le Donbass.

Le scénario Euromaïdan s’est d’ailleurs aussi reproduit en Amérique Latine : avec le renversement en 2017 du président de l’Equateur, le radical Rafael Correa en 2017 et son remplacement par un pro-occidental, Lenin Moreno ; la tentative de déstabilisation du président du Venezuela, Nicolàs Maduro en fin 2018 ; les menaces contre Ortéga Président du Nicaragua et contre Cuba [7], présentés comme « la troïka de la tyrannie » par les Etats-Unis ; le renversement du président de la Bolivie Evo Morales en 2019, suite à un coup d’état institutionnel ayant conduit à….annuler sa réélection.

La guerre civile partout !

Mais c’est au Moyen et au Proche-Orient que la stratégie chaotique occidentale est la plus aboutie.

Avec la « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan qui dure depuis… 18 ans, la seconde guerre d’Irak (2003) ; la déstabilisation de la Lybie, menée par la France (opération Harmattan), la Grande Bretagne et l’OTAN de mars à octobre 2011 – qui a provoqué par contrecoup la « crise migratoire » de 2015 en Europe et un chaos civil qui n’en finit pas [8]– et enfin la « guerre civile » en Syrie à partir de 2011, qui se termine en 2019 avec la défaite totale de l’Etat Islamique, suite à l’intervention décisive de la Russie à partir de 2015 ; sans oublier la guerre au Yemen.

Les uns après les autres, les Etats susceptibles de constituer un pôle de puissance et de stabilité, dans une région qui représente un enjeu énergétique majeur, mais aussi une mosaïque de peuples, de religions et où aucune frontière n’est jamais sûre, ont ainsi été attaqués et durablement déstabilisés. Avec toujours le même résultat : non pas la « démocratie », mais le chaos, la guerre civile, des milliers de morts civils et la voie ouverte à l’islamisme radical. Et la mainmise américaine sur les ressources énergétiques comme en Syrie.

Comme l’écrit le géopoliticien Alexandre Del Valle, il « suffit pour s’en convaincre de voir ce que sont devenus les Etats afghan, irakien, libyen, ou même l’ex-Yougoslavie, aujourd’hui morcelée en mille morceaux «multiconflictuels» comme la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine ou le Kossovo, autant de pays déstabilisés durablement par les stratégies cyniques pro-islamistes et ou anti-russes et anti-bassistes des stratèges étatsuniens [9]».

Et toujours selon le même scénario : des bobards médiatiques à répétition (soutien du terrorisme, épuration ethnique, armes de destruction massive, utilisation de gaz contre la populationetc…) servent à présenter à l’opinion occidentale l’agression contre des Etats souverains, en violation des principes des Nations Unies, comme une opération humanitaire !

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L’Iran prochaine victime ?

Les Etats-Unis n’ont jamais caché que l’Iran était le prochain sur la liste du « changement de régime ». L’assassinat du général Qassem Soleimani, revendiqué par les Etats-Unis , venant après la récusation américaine du Traité sur le nucléaire iranien et le soutien américain ostensible aux manifestations en Iran, s’inscrivent à l’évidence dans une stratégie de changement de régime en devenir.

Même s’il s’agit d’un très gros morceau à avaler.

L’Iran, avec plus de 82 millions d’habitants en 2019, retrouve en effet progressivement son rôle de puissance régionale, héritière lointaine de l’empire Perse, qu’il jouait au temps du Shah. Il dispose aussi des 4èmes réserves prouvées de pétrole et des 1ères réserves de gaz mondiales….

L’Iran chiite développe son influence politique et religieuse sur un arc qui part de sa frontière afghane pour rejoindre l’Irak, la Syrie et le Liban. Il concurrence l’islam sunnite sous domination Saoudienne et soutenu par les Etats-Unis, qui regroupe, lui, l’Egypte, la Jordanie, les Etats du Golfe et la péninsule arabique. La confrontation avec l’Iran constitue un enjeu majeur pour l’Arabie Saoudite, d’autant que sa minorité chiite se concentre dans sa région pétrolifère et aussi pour Israël.

Dans un tel contexte, un conflit, direct ou indirect, entre les Etats-Unis et l’Iran ne pourrait qu’avoir de très graves répercussions mondiales.

Les Etats-Unis, véritable Etat-voyou

Le président Trump, qu’une certaine droite adule curieusement alors qu’il embarque allègrement les Européens dans la quatrième guerre mondiale, adopte à l’évidence un comportement qui tranche avec la relative prudence de ses prédécesseurs. Même si la ligne politique de cette nation messianique reste la même.

En fait, les Etats-Unis se croient désormais tout permis, en véritable Etat-voyou : récuser les traités qu’ils ont signé, relancer la course aux armements nucléaires [10], imposer des « sanctions » unilatérales à toute la planète sans aucun mandat du conseil de sécurité des Nations Unies, espionner les communications mondiales y compris celles de leurs « alliés », s’ingérer dans les affaires intérieures des Etats, taxer arbitrairement les importations, tuer des responsables politiques et militaires étrangers sans aucune déclaration de guerre etc…

Et l’on s’étonne encore que l’image de marque des Etats-Unis et de leurs « croisés » occidentaux, décline dans le monde, en particulier dans le monde musulman ?

Comme le souligne Alexeï Pouchkov [11] , ancien président de la commission des affaires étrangères de la Douma, la présidence Trump incarne une Amérique fiévreuse et nerveuse car elle a pris conscience de sa fragilité croissante dans le monde polycentrique qui vient. Une Amérique qui se tourne aussi de plus en plus vers elle-même pour faire face à ses problèmes intérieurs croissants.

Make America Great Again – rendre l’Amérique de nouveau grande -, le slogan de campagne du candidat Trump, revient à reconnaître que, justement, l’Amérique a perdu de sa superbe alors qu’elle ne se résout pas à abandonner sa suprématie.

Une contradiction dangereuse pour la paix du monde !

Michel Geoffroy (Polémia, 7 janvier 2020)

Notes :

[1] Le 27 septembre 1993

[2] Christopher Layne « Le mythe de la paix démocratique » in Nouvelle Ecole N° 55, 2005

[3] Regime change en anglais

[4] On dénombre pas moins de 140 conflits et interventions américaines dans le monde depuis le 18ème siècle même s’ils sont évidemment d’ampleur très variables

[5] Révolution des roses en Géorgie (2003), révolution orange en Ukraine (2004) et révolution des tulipes au Kirghizstan (2005); sans oublier la deuxième guerre d’Ossétie du Sud opposant en août 2008 la Géorgie à sa province « séparatiste » d’Ossétie du Sud et à la Russie ; un conflit étendu ensuite à une autre province géorgienne , l’Abkhazie.

[6] Une Ukraine dans l’UE et dans l’OTAN provoquerait le contrôle américain de la mer Noire

[7] Après «l’empire du mal», qui désignait l’URSS dans les années 1980 et «l’axe du mal», qui qualifiait les pays réputés soutenir le terrorisme dans les années 2000, un nouveau concept est venu de Washington pour identifier les ennemis des États-Unis: c’est la «troïka de la tyrannie».Dans un discours sur la politique de Washington concernant l’Amérique latine, John Bolton, conseiller à la sécurité du Président américain a désigné en novembre 2018 : le Venezuela bolivarien de Nicolas Maduro, le Nicaragua de Daniel Ortega et Cuba, où Miguel Diaz-Canel a succédé aux frères Castro.

[8] Le pays est actuellement secoué par le conflit armé entre les forces du maréchal Khalifa Haftar, et son rival installé à Tripoli, le Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU

[9] RT France du 10 avril 2019

[10] Les Etats -Unis se sont retirés le 1er février 2019 du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (en anglais : intermediate-range nuclear force treaty INF) – signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, et l’un des grands symboles de la fin de la guerre froide – Ils se montrent déjà réticents à prolonger pour cinq ans le traité New Start – ou Start III – sur les armements nucléaires stratégiques qui, signé en 2011, arrive à échéance en 2021.Les Etats-Unis se sont aussi retirés du traité ABM en 2001

[11] Conférence de présentation de son ouvrage « Le Jeu Russe sur l’Echiquier Global » le 14 novembre 2019

mercredi, 08 janvier 2020

Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région

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Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région


Par Andrew Korybko 

Source oneworld.press

Ex: https://www.lesakerfrancophone.fr

La nouvelle année constitue une opportunité idéale d’attirer l’attention sur les trois tendances géopolitiques les plus importantes pour chaque région, qui pourraient fortement influencer la course des événements au cours des 12 mois à venir.

Amérique du Nord

Trump tenté (piégé?) par Les Démocrates vers une nouvelle guerre

Les périodes d’élections présidentielles constituent systématiquement un moment très sensible en matière de politique étrangère étasunienne : le président sortant (s’il y en a bien un cette fois-ci) essaye en général d’éviter de se faire prendre dans des missions controversées à l’étranger, cependant que l’opposition fait tout son possible pour le pousser à commettre une intervention en vue de faire baisser ses chances de ré-élection.

La possible désignation par les États-Unis des cartels de drogue comme terroristes

Sur les exhortations de son homologue mexicain, Trump a remis dans sa poche sa décision controversée de désigner les cartels de drogue comme terroristes, mais il pourrait la ressortir cette année pour améliorer ses chances de ré-élection, en dépit des conséquences qu’une telle décision pourraient engendrer dans les relations bilatérales avec le Mexique.

L’impact économique de l’ACEUM

On s’attend à ce que la mise en œuvre de l’ACEUM1 (« NAFTA 2.0 ») porte des impacts très positifs sur les économies des trois pays impliqués, chose qui, conjuguée avec une stabilisation relative de la situation au Mexique, pourrait propulser Trump vers un deuxième mandat, en particulier sur le dossier de l’immigration illégale motivée par des raisons économiques vers les États-Unis.

Amérique latine

Possible diffusion du « printemps sud-américain »

L’éclatement à différents niveaux d’une révolte authentiquement populaire dans plusieurs pays d’Amérique du Sud au cours des derniers mois de l’année 2019 peut se diffuser sur le reste du continent, la question qui occupe l’esprit de la plupart des observateurs étant de savoir si le Brésil de Bolsonaro sera épargné par ce scénario.

La poursuite de l’« Opération Condor 2.0 »

Aucun doute que la guerre hybride fomentée par les États-Unis d’Amérique à l’encontre des gouvernements multipolaires-socialistes de cet hémisphère va se poursuivre en 2020, avec le Venezuela, Cuba et le Nicaragua en cibles de premier plan, suite à la réussite de l’opération de changement de régime sur Morales, le président de Bolivie allié de ces pays, en 2019.

La « Citadelle Amérique »

À l’arrière de ses réussites géopolitiques de la décennie écoulée, les États-Unis vont tâcher d’institutionnaliser leur hégémonie fortement rétablie sur l’Amérique latine, au travers d’accord commerciaux bilatéraux bloc à bloc entre l’ACEUM (déjà rattachée à l’ALÉAC2, l’Alliance Pacifique, et le Mercosur, afin de créer une méga-région pro-États-Unis.

Europe

La montée des « Trois Mers »

L’« Initiative des trois mers« , soutenue par les États-Unis et dirigée par la Pologne, va poursuivre sa montée en puissance en matières géopolitique, militaire et économique ; il s’agit d’une cale étasunienne visant à empêcher tout rapprochement non approuvé par Washington entre l’Europe occidentale et la Russie.

La bataille du pouvoir post-Brexit au sein de l’Union européenne

Les traits que prendra de facto le pouvoir politique dans l’UE post-Brexit ne sont pas encore bien distincts, mais il pourrait s’agir ou bien d’une poursuite de l’hégémonie allemande, de l’émergence de la France comme rivale de celle-ci, ou d’une division entre une Europe franco-allemande à l’Ouest et une Europe centrale menée par la Pologne (EuroLibéraux contre EuroRéalistes).

La triangulation des relations commerciales

L’UE constitue un des angles du triangle économique mondial, complété par les États-Unis et la Chine, mais il faut s’attendre à ce que les États-Unis fassent pression sur l’UE pour qu’elle prenne ses distances avec la Chine, suite à la conclusion de la « première phase » de leur accord commercial plus étendu, ou qu’elle assume sa propre possible guerre commerciale contre Trump.

Afrique

La crise des États faillis en Afrique de l’Ouest

Le triangle des frontières Mali-Burkina Faso-Niger est devenu le nouveau « Syrak« , au sens où cet espace constitue une zone stratégique, sans loi mais très étendue, comprenant des millions de personnes, déstabilisée par les menaces terroristes. Les conséquences pourraient déboucher sur une réaction en chaîne d’États faillis et de crises migratoires.

Les élections à venir en Éthiopie

L’Éthiopie va connaître des élections en 2020, qui sont largement décrites comme les plus libres et les plus justes de l’histoire récente de ce pays ; mais le risque est que les lignes de fracture ethnoreligieuses exacerbées par le premier ministre Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix, s’approfondissent à l’issue de l’élection et plongent le pays dans une totale « Balkanisation ».

Le conflit de Cabo Delgado au Mozambique

Qu’on en attribue les causes à des terroristes étrangers, à des insurgés locaux, ou à une combinaison des deux, le conflit de Cabo Delgado au Mozambique semble voué à s’empirer en 2020 ; ce qui pourrait porter à conséquences en matière de sécurité sur le plan régional : la communauté Est-africaine est une voisine proche, mais aussi sur le plan mondial, le pays hébergeant d’immenses projets d’extraction de Gaz naturel liquéfié.

Moyen Orient-Afrique du Nord

Ça passe ou ça casse pour le « néo-ottomanisme »

La grande ambition stratégique de la Turquie, visant à rétablir sa sphère d’influence historique, sera mise à l’épreuve en Méditerranée orientale, avec d’une part la construction de l’oléoduc GRISCY par ses rivaux régionaux, et d’autre part, au-delà les étendues maritimes d’Afrique du Nord, sur le dossier incertain de la survie des autorités pro-Ankara à Tripoli.

Le « Nouveau Moyen-Orient »

La baisse d’intensité des guerres en Syrie et au Yémen pourrait déboucher sur un accord tacite de l’ensemble des parties prenantes, tant intra qu’extra-régionales (on pense à la Russie, à la Chine et aux États-Unis dans cette seconde catégorie) quant à un nouveau statu quo régional, qui pourrait même connaître l’influence de l’« Accord du Siècle » de Trump.

Une réconciliation du CCG

Des étapes petites mais réelles ont été actées au cours des dernières semaines dans la perspective d’une réconciliation du Conseil de Coopération du Golfe, entre le Qatar et ses partenaires dans l’organisation (en premier chef, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis), mais ce processus pourrait n’en être qu’à ses débuts ; et le débouché final sera corrélé aux liens futurs de Doha avec Ankara.

Ex-URSS

Vacillement du « numéro d’équilibriste » de la Russie

La Russie va devoir recalibrer son exercice d' »équilibrage » si elle veut espérer poursuivre cette stratégie de manière crédible, suite à son pivot vers l’Inde, et suite à l’hypothèse très sérieuse d’une vente de missile BrahMos à des prétendants sur la Mer de Chine, comme les Philippines ; la situation de confiance avec la Chine, durement gagnée au cours des deux décennies passée, en dépend.

L’Asie centrale poursuit son intégration régionale tous azimuts

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale progressent dans leur intégration régionale tous azimuts dans la lignée des réformes pragmatiques en matière de politique étrangère pratiquées par Mirziyoyev, le nouveau président de l’Ouzbékistan, qui ont établi une atmosphère de confiance facilitant la participation volontaire de ces pays à l’OTSC, à l’OCS et aux Nouvelles routes de la soie.

Fin du « numéro d’équilibriste » du Bélarus

Le Bélarus va se voir pressé de choisir entre, d’une part, rester membre des processus d’intégration menés par la Russie, ou d’autre part s’associer aux processus soutenus par les États-Unis et l’UE (« initiative des trois mers » y compris) : ce n’est pas là la résultante d’une « ingérence russe » mais simplement l’échec du « numéro d’équilibriste » de Lukashenko en 2019.

Asie du Sud

Un accord de paix afghan déclencherait un changement de paradigme

On assisterait à un vrai changement de paradigme en matière géostratégique régionale, si les États-Unis réussissaient à conclure un accord de paix avec les Talibans, qui conjuguerait la montée en puissance des parties prenantes multipolaires dans cet État enclavé perclus par la guerre, avec un basculement de l’approche régionale étasunienne, d’un axe militaire vers un axe économique.

Des progrès tangibles sur CPEC+

On assistera très probablement à une expansion du corridor économique Chine-Pakistan en direction du Nord, de l’Ouest et du Sud (respectivement, N-CPEC+, W-CPEC+, et S-CPEC+) courant 2020, l’État pivot mondial du Pakistan commençant lentement mais sûrement à intégrer cette vision dans son approche stratégique générale.

Implosion interne en Inde

Les tentatives du parti BJP au pouvoir d’imposer une « Hindu Rashtra«  à l’État constitutionnel séculaire ont provoqué un niveau de tumulte ethnique, religieux, séparatiste et politique sans précédent depuis la tristement célèbre « urgence » de l’Inde au cours des années 1975-1977 ; la situation va sans doute s’empirer, l’État doublant la mise en matière de violences, et l’économie poursuivant son déclin.

Asie orientale

Implications indo-japonaises dans le grand Est russe

Le « Couloir maritime Vladivostok-Chennai«  (VCMC) va faire monter l’influence de l’Inde sur le grand Est de la Russie, et une percée dans la conclusion d’un accord de paix russo-japonais pourrait en faire autant pour Tokyo, les deux nations asiatiques alliées pouvant aller jusqu’à inviter la Russie à rejoindre leur « Couloir de croissance Asie-Afrique » (AAGC).

« Deuxième Phase » de l’accord commercial?

On ne sait pas encore quand, ni même si, les États-Unis et la Chine conviendront d’une « seconde phase » de leur accord commercial élargi, cette variable étant d’une influence considérable quant à leurs relations en 2020, ainsi que sur l’état de leurs économies.

Le point d’interrogation coréen

Nul ne sait vraiment ce que décidera la Corée du Nord, mais tout recul sur son engagement symbolique à la dénucléarisation pourrait porter à des conséquences très déstabilisantes pour la région, du fait de la réaction que cela pourrait engendrer de la part des États-Unis, en particulier si Trump accuse la Chine d’exercer de supposées pressions sur son partenaire pour qu’il « se comporte mal ».

ASEAN & Océanie

Des missiles supersoniques pourraient perturber l’« l’équilibre des pouvoirs » en Mer de Chine du Sud

Les intérêts importants qu’ont la Russie et l’Inde à vendre leurs missiles de croisières supersoniques BrahMos, produits conjointement, à des États entretenant des différends territoriaux avec la Chine, pourraient complètement remettre en cause l’« équilibre des pouvoirs » qui a jusqu’ici empêché l’éclatement d’une guerre, tout comme pourrait le faire toute tentative étasunienne de les dépasser en livrant le même type d’armement dans la région.

La déstabilisation par l’« armée Arakan » de l’État Rakhine du Myanmar

Au Myanmar [que les médias dominants s’obstinent en occident à nommer « Birmanie », préférant l’appellation néocolonialiste à l’auto-détermination des nations, NdT], l’État Rakhine est connu mondialement comme la région où les efforts contre-terroristes menés par l’armée en 2017 avaient amené à l’exode de plus d’un demi-million de « Rohingyas », mais à présent c’est devenu le dernier front en date dans la longue guerre civile, l’« armée Arakan«  y ayant mené des assauts tout au long de l’année 2019.

La compétition sino-australienne dans le Pacifique Sud

Il est très peu probable que la compétition sino-australienne en cours, visant à gagner l’influence sur le Pacifique Sud (encouragée qu’est l’Australie dans ce jeu par les États-Unis d’Amérique), puisse voir baisser son intensité en 2020 : la constellation de petits États insulaires à faible population continuera de faire l’objet d’une attention mondiale accrue. [A noter que la Chine est le 1er client de l’Australie ce que met cett dernière sur le grill sans jeux de mots, NdSF]

Monde

Les organisations d’intégration régionales sont d’une importance plus grande que jamais

La plus grande partie du monde fait de nos jours partie de blocs d’intégrations politiques et/ou économiques régionaux — ACEUM, Alliance Pacifique, Mercosur, UE, Union Eurasienne, AfCFTA, CCG, SAARC, OCS, ASEAN, OBOR, RCEP —, ce qui amène à l’émergence de relations entre blocs (en opposition aux relations purement inter-nationales) comme vecteur de changement mondial.

Le retour de Kissinger

La stratégie étasunienne kissingerienne de « diviser pour mieux régner » devient relativement plus facile à mener qu’au cours des quelques années passées, du fait du développement de plusieurs lignes de failles entre l’Europe occidentale et centrale, entre la Turquie et ses voisins, entre la Chine et l’Inde, et le vacillement de l’« exercice d’équilibre » russe, parmi d’autres.

Le « grand partenariat eurasiatique » (GEP) constitue le meilleur espoir du supercontinent

Le meilleur espoir de réduire les conséquences déstabilisantes des résurgences de la stratégie ravivée kissingerienne étasunienne réside dans l’intégration par le GEP russe du supercontinent, sur une base bloc-à-bloc. Sa réussite dépend cependant fortement de la capacité de Moscou à recalibrer son « exercice d’équilibre », et de la décision de l’Inde de s’allier ou de contrer ce projet.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

  1. 1) 2) Accord Canada–États-Unis–Mexique, en anglais USMCA
  2. Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République dominicaine (communément appelé Accord de libre-échange d’Amérique centrale, ALÉAC, en anglais CAFTA-DR

mardi, 07 janvier 2020

De Byzance à Poutine : la grande stratégie russe et son incompréhension en Occident...

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De Byzance à Poutine : la grande stratégie russe et son incompréhension en Occident...

par Stéphane Audrand

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un texte de Stéphane Audrand, cueilli sur Theatrum Belli et consacré à la grande stratégie russe. Stéphane Audrand est consultant indépendant spécialiste de la maîtrise des risques en secteurs sensibles.

De Byzance à Poutine – Éléments de réflexions sur la grande stratégie russe et son incompréhension en Occident

La Russie effraye, fascine parfois, suscite peurs et antagonismes, mais le plus souvent dans l’incompréhension la plus totale et les clichés les plus simplistes. Son utilisation des instruments de puissance nous échappe, nous déconcerte, voire nous révulse, tant la pratique russe s’éloigne des codes occidentaux et notamment de la dichotomie « soft » et « hard » power.

Ainsi, l’incident en Mer d’Azov en 2018 ou les déclarations de Vladimir Poutine concernant la promesse du « paradis pour les Russes » en cas de guerre nucléaire ont attiré les réflexions les plus baroques [1]. C’est en vain que les commentateurs et les analystes tentent d’appliquer les grilles d’analyse occidentales à la situation russe. Leur inadéquation ne semble avoir pour conséquence que de disqualifier la Russie : ni « occidentale » ni « asiatique », l’espace russe semble failli, voué à l’échec et par conséquent stigmatisé. Par un ethnocentrisme qui serait comique s’il n’était porteur de risques, les Européens comme leurs alliés d’outre-Atlantique multiplient les représentations caricaturales de la politique de Vladimir Poutine, sans en percevoir la logique ou en la dénonçant comme intrinsèquement « mauvaise ». Ainsi, on souligne souvent l’incapacité de Moscou à « terminer » une guerre, citant les situations bloquées de longue date, du Haut-Karabagh à l’Ossétie, du Donbass à la Transnistrie. De même, on s’offusque des menées propagandistes, de l’instrumentalisation du droit international, du double discours, de la prétention russe (censément hypocrite) à négocier tout en bombardant… Comprendre l’autre, principe de base des relations internationales, semble bien difficile s’agissant de la Russie.

Les déterminants de la stratégie russe nous échappent, en grande partie parce qu’ils ne s’inscrivent pas dans notre héritage occidental de la guerre, dont le modèle mental est marqué par l’apport essentiel de deux auteurs : Saint Thomas d’Aquin et Carl von Clausewitz. Du premier nous avons hérité la propagation occidentale de la théorie de la guerre « juste », seule justification possible au déchaînement de la violence que la tradition romaine et chrétienne du droit ne peut considérer que comme une entorse au gouvernement des lois et à l’injonction de charité. D’où la limitation de la guerre à la puissance publique, au prix d’une cause juste et d’une intention bornée par l’intérêt général [2].

Au second nous devons la mystique de la guerre « totale », moment de la politique qui consiste en un acte de violence pour contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté [3]. Loin d’être antinomique, les deux approches se complètent et toute la théorie dominante moderne des conflits en Occident tourne autour de ces deux môles : il n’est de guerre possible que si elle est légitimée par le droit et la morale et il n’est de guerre envisageable que par la recherche de la victoire, moment politique par lequel le vaincu se soumet au vainqueur, à travers un ensemble de conditions – de capitulations – qui marquent la fin du « temps de guerre » et le retour au « temps de paix », au gouvernement par les lois. L’organisation même de la sécurité collective après 1945 autour de l’idée de l’Organisation des nations unies repose sur ces deux piliers de la guerre « juste » et de la guerre « politique » et marqua le triomphe mondial des conceptions occidentales : la Charte des Nations unies disqualifie la guerre comme « instrument » dans les mains du pouvoir, en dehors du rétablissement collectif de la sécurité ou de la légitime défense individuelle des Etats. Pour aller plus loin, on peut même penser que l’idée que le soft power puisse être décorrélé du hard power est une conséquence moderne de ce raisonnement : la puissance armée ne peut pas être « incluse » dans les autres pouvoirs, elle doit cohabiter « à côté » [4].

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À l’opposé, la pratique russe moderne s’inscrit dans une toute autre tradition épistémologique qui emprunte largement à un héritage byzantin dans lequel le strategikon de l’empereur Maurice remplacerait à la fois Thomas d’Aquin et Clausewitz et ferait figure de « code opérationnel », comme l’a remarqué Edward Luttwak [5]. L’héritage byzantin irrigue la tradition russe de l’usage de la force et de la puissance, et il a influencé à la fois la mystique du pouvoir (impérial ou étatique) et l’exercice de l’usage de la force, qu’elle soit armée ou non. D’une part, il n’y a pas forcément de recherche d’une « victoire » nette, car la perception de celle-ci est différente et car le continuum du pouvoir en action remplace la dichotomie « Guerre et Paix ». C’est l’ascendant qui compte. D’autre part, il n’y a pas la même obsession pour la justice de l’action car le gouvernement des lois n’est pas perçu comme prépondérant. C’est en Occident qu’a émergé l’idée que le princeps, le gouvernant, pourrait lui-même être soumis en temps ordinaire au droit, même lorsqu’il se trouve être le législateur unique [6].

L’Empire byzantin souffre d’une réputation peu flatteuse en Occident, entretenue par des siècles d’ignorance et d’approximations historiques dont la première est bien son qualificatif même. Jamais les habitants de cet empire ne se qualifièrent eux-mêmes de « Byzantins ». En leur temps, ils étaient appelés et se nommaient Romaioi, Romains, parce qu’ils furent d’abord et avant tout, non pas « les continuateurs » de l’Empire romain, mais bien l’empire romain lui-même. Il faut rappeler cette réalité : dans un environnement hostile, entouré d’ennemis, comptant bien peu d’alliés, faisant face aux Perses, aux Slaves, aux Arabes, Turcs et Latins, l’Empire romain d’Orient persista jusqu’en 1453 en tant qu’entité politique. Un empire de plus de mille ans ne peut être réduit à la vision qu’en colporte l’historiographie occidentale, mettant en avant « décadence », « querelles byzantines » et « duplicité » dans le sillage d’Edward Gibbon. Au contraire, il faut reconnaître sa capacité d’adaptation et de reconfiguration, pour tenir compte des affaiblissements qu’il dut affronter et admettre qu’il fut dirigé pendant longtemps par une élite éclairée et soucieuse du bien commun [7].

Le lien historique de Byzance avec la Russie s’est construit par la christianisation des Slaves, du IXe au XIe siècle. Alors que les principautés slaves demeurèrent morcelées jusqu’au XIIIe siècle, la foi orthodoxe fut un ciment certain d’unité sociale et culturelle, à l’image du catholicisme romain en Occident. Pour autant, ce n’est pas avant le XVIe siècle que le « messianisme russe » se développa, quelque soixante ans après la chute de Constantinople. L’idée centrale, mise à profit par l’État moscovite naissant, fait de Moscou la « troisième Rome », celle qui n’échouera pas, après que la première Rome soit tombée sous les coups barbares du fait de son hérésie et la deuxième, Constantinople, sous les coups des Turcs et par la trahison des Latins [8]. Ce messianisme moscovite servit tour à tour l’affirmation du pouvoir tsariste, l’idéologie panslaviste et même, plus tard, le marxisme soviétique. Il se cristallisait toujours autour de l’élection de Moscou comme axis mundi et de la responsabilité russe pour porter la seule civilisation de la « vraie foi » (qu’elle soit orthodoxe ou – momentanément – marxiste-léniniste) [9].

L’examen du « code opérationnel byzantin » et sa mise en regard avec les actions du Kremlin sur la scène mondiale montrent d’importantes corrélations qui s’expliquent par cette tradition de la littérature byzantine, comme si, après une parenthèse rationaliste et « occidentaliste » de quelques siècles ouverte par Pierre le Grand et refermée par Michael Gorbatchev, les Russes renouaient avec leur héritage épistémologique antique, héritage d’ailleurs revendiqué ouvertement par le Kremlin [10]. On voit s’inscrire dans cette tradition orientale une toute autre vision de l’exercice de la puissance, qui préside à la perpétuation d’un empire encerclé par des adversaires multiples et qui voit dans sa perpétuation même son ambition principale. Il faut durer en s’adaptant, malgré les faiblesses de l’Empire.

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Premières similitudes avec l’espace russe actuel, l’encerclement et la perception de menaces multiples, mais aussi l’idée que « vaincre est impossible ». L’Empire byzantin – conservons cette dénomination par commodité – ne pouvait pas compter sur un quelconque verrou territorial pour protéger une géographie exposée de toutes parts. Les Vandales, les Goths, Perses, Slaves, Arabes, Turcs, Latins… Les ennemis se succédèrent sans fin aux frontières de l’Empire et la disparition de l’un ne faisait que la place de l’autre, à l’image des barbares gothiques vaincus en Italie pendant la reconquête justinienne, et qui furent « remplacés » par les Lombards, ruinant les coûteux efforts de l’Empire [11].

Le fait que la Russie actuelle se perçoive comme menacée dans ses frontières continue d’échapper à la majorité des observateurs occidentaux, qui préfèrent mettre en avant l’expansionnisme russe et la menace qu’il représente pour ses anciens États « vassaux ». L’Europe a ainsi totalement épousé le point de vue des États de l’ancien Pacte de Varsovie, sans chercher à comprendre celui de Moscou. Envahie à trois reprises en moins de cinquante ans au début du XXe siècle [12], la Russie ne préserva son indépendance qu’au prix de millions de morts et de destructions d’une ampleur colossale. On peut comprendre que l’idée de l’invasion marqua les esprits et que le recul de la frontière « le plus loin à l’ouest possible » devint une obsession. Si le dénouement du second conflit mondial avait paru enfin donner à l’espace russe la profondeur stratégique nécessaire à sa protection, la liquidation à marche forcée de l’URSS fit reculer la frontière de positionnement des troupes de 1 300 km, de la frontière de l’ex « Allemagne de l’ouest » à celle de la Lettonie. La situation stratégique actuelle de la Russie est objectivement celle d’un empire certes encore puissant militairement, mais affaibli démographiquement, démembré et encerclé, et pas d’une puissance en expansion : les forces de l’OTAN sont à moins de 600 km de Moscou. Les trajectoires économiques et démographiques ont à ce point divergé depuis la chute du Mur de Berlin que la Russie, malgré son territoire et ses immenses ressources, ne dispose plus que de la population combinée de la France et de l’Allemagne et du PIB de l’Italie. Dans ces conditions, peut-on reprocher à Vladimir Poutine de se sentir « menacé » par l’OTAN qui agrège près d’un milliard d’habitants, avec un PIB vingt fois supérieur ? Bien entendu, cela ne doit pas conduire à négliger ou ignorer la menace qu’il peut représenter en retour, mais plutôt à la considérer comme une perception de sa propre faiblesse sur le long terme.

Le pouvoir moscovite est tout simplement conscient qu’il ne peut pas « gagner » face à l’Occident : son objectif de (re)sanctuariser la Russie tout en affaiblissant ses adversaires doit être compris dans ce contexte limité. Du reste, s’il est souhaitable que l’Europe soit faible militairement pour la Russie, elle demeure le client indispensable du gaz russe et se trouve ainsi liée dans une situation de dépendance. Encerclée, la Russie l’est aussi en Asie : le Japon et la Corée du Sud ne sont pas perçus autrement que comme des tremplins américains, tandis que la Chine, partenaire et allié de circonstance, constitue une menace de long terme perçue comme telle à Moscou. La relance favorable des négociations avec le Japon à propos des îles Kouriles est ainsi la concrétisation de cette crainte russe face à la Chine, qui justifie sur le moyen terme une tentative de rapprochement avec les adversaires potentiels de Pékin. Là encore on voit la marque byzantine d’une diplomatie à la fois opportuniste et dénuée d’aprioris moraux : seul compte l’intérêt de l’Empire et s’il est possible de diviser ses adversaires à peu de frais, c’est toujours souhaitable, même au prix de renversements apparents d’alliance. L’instrumentalisation des ventes d’armes à la Turquie est ainsi un bon exemple par lequel, à bon compte, Moscou accentue la division de l’OTAN [13].

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S’il y a utilisation récurrente de la force armée par Moscou depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, c’est d’une part car elle constitue pour l’instant une des dernières cartes maîtresses de la Russie, et d’autre part car la situation russe n’est perçue fort justement que comme ne pouvant qu’inexorablement se dégrader : l’économie de rente reste tributaire du pétrole et du gaz dont les cours sont corrélés, la démographie est sinistrée et les tensions sociales sont à la hausse, ce qui justifie d’agir au plus tôt, l’attente n’étant porteuse que d’une détérioration de la situation globale et d’une réduction des options stratégiques. On évoque souvent les « succès » de Vladimir Poutine, mais on oublie aussi les limites de son action. Ainsi, si la Russie a occupé une place laissée vide au Proche Orient par le recentrage stratégique vers l’Asie voulu par Barack Obama, elle a été incapable de conserver son ancienne influence dans les Balkans, réduite à la Serbie, et dont l’évolution actuelle est beaucoup moins marquée par l’empreinte de Moscou qu’en 1999 pendant la crise du Kosovo. En outre, l’intervention en Syrie ne passionne plus les foules et le pouvoir se fait discret sur le sujet. En Afrique, la Russie a pu avancer, notamment via ses mercenaires et quelques ventes d’armes, comme en Centrafrique, là encore à la faveur du recul des occidentaux, mais la position reste opportuniste et fragile [14].

Cet opportunisme typiquement byzantin s’explique en partie par le manque de moyens, mais aussi par la perception de l’impossibilité pratique de la « victoire », voire de son inutilité : mieux vaut agir quand c’est possible, mais sans se laisser entraîner dans des conflits trop coûteux. Les Byzantins comprirent en effet, tout comme les Russes actuellement, que l’idée de victoire « totale » contre un adversaire puissant était un leurre et que la rechercher faisait courir le risque de la sur-expansion et de l’épuisement : vaincre totalement un adversaire absorbait d’énormes ressources matérielles, humaines et fiscales, usait l’Empire et n’aboutissait, au final, qu’à faire « de la place » pour qu’un nouvel adversaire face auquel la situation impériale serait compromise par l’épuisement. Loin de sécuriser l’Empire, l’anéantissement d’un adversaire était donc perçu comme trop coûteuse et contre-productive, un « paradoxe de la stratégie », compris comme tel, notamment par l’Empereur Isaac Comnène qui théorisait qu’en temps de faiblesse, « l’augmentation est une diminution » [15].

À l’anéantissement, les Byzantins préféraient l’affaiblissement de l’adversaire, en usant d’abord d’influence politique et diplomatique. Le recours à la force était toujours possible, mais ne devait pas placer l’Empire en position de s’épuiser. Cette approche, née dans la douleur face aux Perses, aboutit à la création de « conflits larvés » entre tierces parties, insolubles mais qui divisaient les adversaires tout en les maintenant fixés sur des enjeux mineurs. C’est une approche qui choque en Occident : d’une part nous avons tendance à considérer qu’il doit y avoir « un » adversaire principal (celui contre lequel s’exerce la violence de la guerre juste) et d’autre part qu’il doit être vaincu, totalement, pour résorber la tension morale que crée le conflit. D’où cette impression, absurde à l’échelle historique, que l’Histoire prenait fin en 1989 [16] : l’adversaire principal, l’URSS, s’étant effondré, la victoire mondiale de l’Occident et de son système politico-économique semblait évidente et définitive. Toute conflictualité devenait parfaitement secondaire en l’absence d’adversaire légitime à la démocratie libérale. On sait ce qu’il advint des dividendes de la paix, acquis sous forme de « subprimes »

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Dans l’approche russe, la conflictualité, loin de fragiliser la situation sécuritaire, y contribue dans un paradoxe orwellien qu’on pourrait résumer par « la guerre (larvée) c’est la sécurité ». Ainsi, l’abcès de Transnistrie s’insère comme un « coin » entre Ukraine et Moldavie. De même, l’Ossétie du Sud « fixe » la Géorgie sur le plan territorial, tout comme le séparatisme du Donbass contribue à affaiblir l’Ukraine et sécurise l’annexion de la Crimée : aucun besoin de « résoudre » ces conflits. Dans un cas comme dans l’autre, l’intérêt de Moscou est que cela continue [17]. Même l’intervention dans le conflit syrien doit se comprendre, en partie, comme une action de protection par fixation de l’adversaire aux frontières. Loin d’être une extravagante aventure ultramarine, l’intervention en Syrie en 2015 était perçue à Moscou comme l’impérieuse nécessité de protéger les marches du Caucase. On oublie facilement que la même distance sépare la Russie de la Syrie et Paris de Marseille : environ 650 km. Le containment puis la réduction, en Syrie, de l’enclave djihadiste répond ainsi à un objectif immédiat de protection du Caucase, qui explique notamment la facilitation au départ des djihadistes organisée en sous-main par les services russes, mais aussi le « redéploiement » des survivants en Ukraine après la chute de Daech [18].

Cette compréhension de l’instrumentalisation des conflits non comme un moteur de l’expansion territoriale massive mais plutôt comme une avancée prudente du glacis stratégique par la création d’un « tampon instable » permet ainsi d’analyser le comportement russe actuel. Ayant perdu des provinces perçues comme « historiquement russes » (la Biélorussie, l’Ukraine) ou « indispensables » à la sécurité (Pays Baltes, Géorgie), la Russie cherche à reconstituer un espace stratégique suffisant qui mette Moscou à l’abri de toute tentative étrangère. Ainsi, il ne faut pas tant craindre par exemple une invasion en bonne et due forme de la Pologne ou des Pays Baltes que des tentatives de déstabilisation et de neutralisation, par agitation de minorités, armées à peu de frais avec des surplus d’armements et encadrées par des supplétifs. Or face à ce genre de conflit, l’OTAN, pensé pour les guerres de haute intensité, est démuni. Quelle serait la réaction de l’alliance si la Lituanie ou la Géorgie – si elle finit par rejoindre l’Alliance – invoquaient l’article V du Traité de l’Atlantique nord face à des « bandes armées » ?

Prolongeant l’idée que la conflictualité puisse être contributive à la sécurité dans la durée, la Russie de Vladimir Poutine ne distingue pas « temps de guerre » et « temps de paix » et a une approche globale (on pourrait dire « systémique ») de la diplomatie. Même si les Russes, dans le triomphe rationaliste du XVIIIe siècle, ont pu se rallier, pour un temps au moins et partiellement, à la vision occidentale de la guerre, ils s’en sont éloignés de nouveau, depuis la chute de l’URSS. Ainsi on comprend mieux la stupeur outrée des observateurs qui frappent de duplicité Vladimir Poutine lorsqu’il prétend négocier la paix pendant que l’aviation russe bombarde la Syrie. De même, la volonté de Moscou de discuter en même temps des quotas de gaz transitant par l’Ukraine et du conflit au Donbass, alors que ni les Européens ni Kiev ne voient (ou ne veulent voir) le rapport suscite crispations et incompréhensions. Il ne s’agit là encore que d’un avatar de conceptions occidentales ethno-centrées. Au demeurant, l’idée qu’il y a un « temps pour la négociation » et un « temps pour les armes » qui seraient mutuellement exclusifs est récente et, au final, on peut s’interroger sur sa pertinence. Elle ne se justifiait guère que pendant le second conflit mondial, en raison de la dimension idéologique irréconciliable des forces en présence. Mais une étude de la conflictualité sur le long terme montre que, en Occident comme en Orient, la règle est que les diplomates continuent de se parler pendant les combats. On peut même considérer, comme le suggère Luttwak à propos des Byzantins, que la diplomatie est encore plus importante pendant la guerre car elle permet de recruter de nouveaux alliés tout en divisant les coalitions adverses. En allant plus loin, on peut s’étonner que l’OTAN ait, dans sa doctrine opérationnelle, une vision tout à fait systémique des crises, marquant un continuum du politique à l’économique et au militaire et qui prend en compte les aspects diplomatiques du centre de gravité, mais que les dirigeants de l’Alliance atlantique, eux, soient souvent incapables de s’approprier la vision « technique » de leurs propres états-majors [19].

L’influence et la parole sont également des points de convergence entre la pratique byzantine et russe. Déjà au Moyen-âge, les Latins dénonçaient la « duplicité des Grecs » et se plaignaient de leur manque de parole. L’attachement occidental à la notion de « Vérité » n’a fait que croître avec le triomphe du rationalisme, de la méthode scientifique et du gouvernement par les lois. À l’opposé, Byzantins comme Russes percevaient et perçoivent encore la nécessité de raconter des « histoires » adaptées à chaque situation. Au temps pour les fake news, l’important est pour Moscou d’occuper le terrain de la communication, y compris par la désinformation. La démoralisation de l’adversaire par la mise en avant de ses faiblesses compte plus d’ailleurs que la propagande valorisante et c’est la méthode que pratiquent, au quotidien, Russia Today ou Sputnik. C’est une évolution marquée depuis la chute de l’URSS : Moscou ne cherche plus à proposer un système de valeurs opposé à celui de l’Occident, mais plutôt à le discréditer afin de démoraliser les populations, spécifiquement en Europe, en construisant la prophétie (hélas assez auto-réalisatrice) d’Européens « condamnés car moralement faibles ». L’approche du domaine « cyber » diffère ainsi radicalement de celle de l’Occident, en ce qu’elle s’inscrit dans la continuité avec les sujets informationnels et médiatiques [20].

maskirovka.jpgLe recours à la désinformation d’ailleurs est un des points fondateurs de la « déception » (ruse, diversion, feinte) ou, dans le jargon militaire russe moderne, de la maskirovka. Si des historiens militaires modernes au nombre desquels David Glantz ou Jean Lopez ont exposé l’importance de l’art opératique soviétique et son apport à la pensée militaire moderne, ils sont également mis en exergue le rôle crucial de la déception et de la désinformation pendant l’accomplissement de la manœuvre de haute intensité [21]. Ici se dessine encore la continuité entre opérations armées, diplomatie et influence. Il n’y a pas de soft ou hard power, mais une puissance, que l’on exerce en même temps « par les arts, les armes et les lois ». La déception byzantine ou russe est tout à la fois un outil d’affaiblissement de l’adversaire, le démultiplicateur des forces par la surprise opérationnelle qu’elle permet et le garde du corps mensonger d’une vérité qui doit être gardée secrète : conscients de l’impossibilité de préserver les secrets de manière absolue, les Byzantins le rendaient invisible au milieu du mensonge. Dans ce domaine spécifique du renseignement on voit encore des similitudes frappantes avec la doctrine russe de préservation du secret par le doute et le flou, aux antipodes d’une conception occidentale de préservation du secret par la protection, le silence et la sécurisation d’un fait rationnel unique et univoque.

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Ainsi, la déception offre le bénéfice de créer de la confusion et d’affaiblir l’adversaire sans combat ou en préalable à celui-ci. Un des avantages conférés par la déception est l’économie des forces. Il s’agit là d’un point commun notable entre l’Empire Byzantin et la Russie actuelle : dans les deux cas, on est face à un ensemble impérial disposant de forces de grande qualité, mais coûteuses à reconstituer en cas de pertes. Il faut donc les utiliser avec parcimonie et ne pas hésiter à avoir recours à des alliés, des mercenaires ou des « proxies » qu’on ira chercher avant ou pendant le conflit pour limiter l’engagement des forces impériales. Bien qu’ayant été couramment pratiquée en Occident, la déception semble à la fois passée de mode et emprunte d’inefficacité et de disqualification morale. Sans doute est-ce un avatar de l’obsession de la guerre « juste » : la ruse, le mensonge sont par essence des comportements négatifs qu’un État agissant au nom d’une juste cause devrait se restreindre d’employer. Ainsi se creuse le fossé entre le monde du renseignement et celui des opérations, pour des raisons souvent plus idéologiques qu’organisationnelles [22].

La Russie est sortie des conceptions soviétiques qui prévoyaient l’engagement massif de grands corps blindés pour disloquer en profondeur l’adversaire [23]. L’armée russe rénovée par Vladimir Poutine depuis 2008 s’est reconstituée autour de « pointes de diamant » : des unités de choc équipées en matériel modernisé qui sont, certes, supérieures en effectifs aux forces de haute intensité européennes, mais qui ne peuvent plus compter comme dans les années 1970 sur une écrasante supériorité numérique. Le gros des effectifs demeure équipé d’armes anciennes et n’a qu’une aptitude douteuse à la manœuvre interarmées, tout en pouvant fournir utilement des contingents de blocage, d’occupation ou de disruption. Ainsi, à la manière des Byzantins, les Russes sont intervenus en Syrie de manière limitée, pour « encadrer » leurs alliés. Si l’effort russe, considérable au regard des moyens économiques disponibles, a fourni au régime syrien conseillers, appui aérien et d’artillerie, moyens logistiques, antiaériens et de renseignement, le gros du travail d’infanterie a été fait sur le terrain par les supplétifs de la nébuleuse iranienne, complétés de quelques forces spéciales [24]. L’ère n’est plus à la manœuvre des grands corps blindés de l’Armée Rouge, mais plutôt aux « coups de main » opportunistes, comme dans le Strategikon. La situation dans le Donbass est partiellement similaire. Certes on voit le retour de la « haute intensité » en périphérie de l’Europe avec des engagements de centaines de chars lourds, mais là encore en usant d’unités de supplétifs, de « volontaires » qui permettent de ne pas engager les unités de pointe du dispositif de choc, dont la vocation est à la fois d’impressionner, d’aider à la régénération organique et de constituer une réserve de dernier recours : la Russie n’a pas envie d’affronter l’Occident sur le terrain militaire [25].

Cette mise en perspective de quelques éléments saillants des similitudes entre l’art stratégique et opérationnel byzantin et les manœuvres de la Russie de 2018 permet de mieux cerner à la fois les méthodes de Vladimir Poutine, mais aussi ses limites et les raisons de notre propre incompréhension.

On pourrait objecter que la présence des arsenaux nucléaires rend invalide cette approche, par la transformation profonde de l’art de la guerre. Il n’en est rien. De fait, le paradoxe moderne de la dissuasion serait plus compréhensible pour un penseur byzantin que pour son homologue occidental. L’idée que des armes puissent avoir leur meilleure efficacité par leur inutilisation, tout comme celle que la sécurité puisse être fille de la terreur, sont au cœur du paradoxe de la stratégie, de la résolution du dilemme de la convergence des contraires [26]. Mais le dernier point, peut-être le plus important, dans lequel s’inscrit l’arme nucléaire, est celui que nous avons évoqué en introduction : l’idée de durer. L’arme nucléaire offre un sanctuaire temporel à la Russie. Cette sanctuarisation apparaît particulièrement importante en Orient, face à la poussée chinoise en Sibérie et à la très forte disproportion des forces qui serait celle d’un conflit le long de l’Amour.

Même si elle pourrait apparaître à un penseur marqué par l’idée occidentale de progrès, la perpétuation de la civilisation – russe ou byzantine – comme objectif fondamental de la grande stratégie est certainement un pivot épistémologique important, qui donne une résilience particulière à la société russe en période de crise. Et, au fond, il vaut mieux sans doute avoir un objectif clair mais peu séduisant sur le plan idéologique (celui de durer) que de chercher en circonvolutions quel pourrait bien être l’objectif commun de progrès en Europe, en dehors de l’approfondissement de l’efficacité des marchés et de la concurrence libre et non faussée…

Stéphane AUDRAND (Theatrum Belli, 17 décembre 2019)

Notes :

(1) https://www.dailymail.co.uk/news/article-6292049/Putin-sa...

(2) En toute rigueur, c’est à Cicéron que revient d’avoir formalisé le premier l’idée de la guerre juste, dans La République (II, 31 et III, 37). Repris par Saint Augustin qui y adjoint l’idée chrétienne de contribution au Salut, elle est ensuite formalisée par Thomas d’Aquin. Voir LEVILLAYER A. « Guerre juste et défense de la patrie dans l’Antiquité tardive », in Revue de l’histoire des religions, tome 3, 2010,  p. 317-334.

(3) Définition au chapitre 1 de « De la Guerre », paragraphe 2.

(4) Ce qui n’est finalement que la traduction du fameux « Cedant arma togae, concedat laurea linguae » de Cicéron.

(5) Une grande partie de cet article repose sur les analyses développées par EDWARD LUTTWAK dans son excellent ouvrage La Grande Stratégie de l’Empire byzantin, Paris, Odile Jacob, 2010 (édition originale anglaise 2009).

(6) Sur l’émergence du gouvernement des Lois on pourra se rapporter aux travaux d’Alain Supiot, La Gouvernance par les nombres, Cours au collège de France, 2012-2014, Paris, Fayard, 2015, 515 pages.

(7) NORWICH, J.J., A Short History of Byzantium, First Vintage Books, New York, 1982, 430 pages, pp. 382-383.

(8) Timothy Ware, L’orthodoxie, Bruges, 1968, DDB, 480 pages, p. 150-151.

(9) Spécifiquement sur le ce « messianisme » on pourra lire DUNCAN P.J.S., Russian Messianism, third Rome, revolution, communism and after, New York, Routledge, 2000.

(10) CHRISTOU T., The Byzantine history of Putin’s Russian empire, sur The Conversation – http://theconversation.com/the-byzantine-history-of-putin...

(11) DUCELLIER A., Byzance et le monde orthodoxe, Paris, Armand Colin, 1986, page 91. L’Empereur Maurice – l’auteur du Strategykon – tenta de se maintenir en Italie largement pour des questions de prestige, et on peut penser que les coûts de cette entreprise pesèrent dans sa réflexion stratégique.

(12) En 1914-17 et en 1941-45 par l’Allemagne et, on l’oublie souvent, en 1920 par la Pologne, dont les troupes s’emparèrent de Kiev et Minsk. L’intervention des puissances occidentales contre la Révolution marqua aussi les esprits car elle montra l’encerclement de l’espace russe, les alliés débarquant sur toutes les côtes de la future URSS.

(13) FACON. I., Export russe des systèmes anti-aériens S-400 : intentions stratégiques, atouts industriels et politiques, limites, Défense & Industrie n°13, juin 2019, 4 pages.

(14) « Russie Afrique : le retour » – Affaires Étrangères du 19 octobre 2019. https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangere...

(15) Cité par DUCELLIER A., op. cit, page 15.

(16) FUKUYAMA F., La Fin de l’histoire et le Dernier Homme, Paris, Flammarion, 1992. Faisons au moins justice à Francis Fukuyama en reconnaissant que son livre comporte bien plus de nuances et d’hésitations sur la validité de sa théorie que ne le suggèrent à la fois ses adversaires et ses thuriféraires.

(17) Autant de crises, dont les ferments étaient connus et documentés depuis la chute de l’URSS. Ainsi, pour le cas de l’Ukraine et de la Crimée, on pourra relire BREAULT Y., JOLICOEUR P. et LEVESQUE J., La Russie et son ex-empire, Paris, Presses de Science Po, 2003, pages 105-115.

(18) https://www.la-croix.com/Monde/Europe/djihadistes-Caucase...

(19) SHAPE, Allied Command Operations – Comprehensive Operations Planning Directive COPD, 2013, 444 pages, voir en particulier pages 21, 26, 63 et 88 à 91.

(20) CONNEL, M. et VOGLER, S., Russia’s Approach to Cyber Warfare, CAN, Washington, 2017, 38 pages, pp. 3-6.

(21) Voir GLANTZ D., Soviet Military Deception in the Second World War, New York, Routledge, 2006.

(22) KEEGAN J., dans son ouvrage Intelligence in War, Londres, Pimlico, 2004, réfléchit ainsi sur les limites du renseignement dans la conduite des opérations. Il s’inscrit plutôt dans le droit fil de Clausewitz pour lequel, face au brouillard de la guerre et aux forces de frictions, il est coûteux et peu efficace de rajouter de la confusion.

(23) Voir LOPEZ J., Berlin, Paris, Economica, 2010, pages 75-88 pour une brillante synthèse francophone de l’évolution doctrinale soviétique de la bataille en profondeur, manœuvre opérationnelle la plus aboutie sans doute de l’ère de la guerre mécanisée.

(24) KAINIKARU S., In the Bear’s Shadow: Russian Intervention in Syria, Air Power Development Centre, Canberra, 2018, 192 pages, pp. 81-96.

(25) Autour de 600 chars ukrainiens. Voir l’audition du général P. Facon par la commission de la défense nationale et des forces armées – CR74 du 25 septembre 2018. Le général Facon note d’ailleurs l’importance du déni d’accès dans l’approche russe, très byzantine : il ne s’agit pas tellement de rechercher la décision de manière immédiate par la manœuvre, le feu et le choc, mais d’entraver la capacité adverse à le faire par déni d’accès terrestre et/ou aérien.

(26) Sur le paradoxe de la stratégie et son prolongement nucléaire, voir LUTTWAK E. N., Le grand livre de la stratégie, Paris, Odile Jacob, 2001, pages 21-23 et 205-207.

samedi, 28 décembre 2019

La Russie pourra s'isoler de l’Internet mondial en cas de cyberattaques ou de conflit

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La Russie pourra s'isoler de l’Internet mondial en cas de cyberattaques ou de conflit

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le 24 décembre, Moscou a annoncé avoir passé plusieurs tests couronnés de succès pour son internet « souverain ». Ces tests font suite à l’entrée en vigueur le 1er novembre dernier d’une loi sur l’« Internet durable », qui devrait permettre à la Russie de pouvoir s'isoler de l’Internet mondial, notamment en cas de cyberattaques.

C’est donc en début de semaine que les essais ont débuté, et pour le vice-ministre des Communications Alexeï Sokolov, il s’agit d’une véritable réussite : « les résultats des exercices ont montré que, globalement, les autorités et les opérateurs de télécommunications sont prêts à répondre efficacement aux risques et menaces éventuelles ». Il a aussi déclaré aux agences russes : « nous poursuivrons ce type d’exercices au cours des prochaines années. Notre tâche est que tout fonctionne, tout le temps ». Ainsi, les essais ont suivi différents scénarios, allant de la déconnexion totale des serveurs basés en Europe et aux Etats-Unis, jusqu’aux cyberattaques étrangères et à la captation de données de citoyens russes.

Pourtant, le 1er mai dernier, la signature par Vladimir Poutine de la loi sur l’« internet durable » avait provoqué un véritable tollé du côté de l’opposition, y voyant le risque d’une éventuelle censure ou d’un contrôle sur le modèle de l’Internet chinois. Le Premier ministre Dmitri Medvedev avait rapidement tenu à défendre le projet du gouvernement en déclarant qu’ « aucune technique, comme celle des pare-feux utilisée en Chine, n’empêcherait les internautes russes de consulter des sites étrangers », tout en assumant de vouloir « protéger les intérêts » de la Russie. Alexandre Jarov, président de l’agence de supervision des communications et des technologies de l’information russe Roskomnadzor, s’est vu confier la mise en œuvre de la loi. « Tout comme l’arme nucléaire dont disposent certains pays, celle-ci sera en « mode veille » », a-t-il déclaré en assurant ainsi l’indépendance du « Runet » vis-à-vis de potentielles influences étrangères.

Ainsi, c’est donc après plus d’un an de la promulgation en France de la loi « anti-fake news » et plusieurs années après les révélations de l’ancien agent américain Edward Snowden, que la Russie a décidé de franchir le pas de l’internet libre et libéré. « Internet libre et internet souverain, ces deux notions ne se contredisent pas », a déclaré le président russe Vladimir Poutine.
 

vendredi, 27 décembre 2019

Nouvelle menace américaine sur la souveraineté européenne

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Nouvelle menace américaine sur la souveraineté européenne

Par Pascal Boniface (revue de presse : pascalboniface.com – 23/12/19)*

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

Le président Donald Trump vient de prendre un décret présidentiel appelant à geler les avoirs des compagnies engagées dans la construction du pipeline Nord Stream 2 permettant d’exporter du gaz russe en Europe via la mer Baltique. Il s’agit donc, de la part des États-Unis, de menaces de sanctions lourdes à l’encontre de sociétés non américaines, pour des opérations menées en dehors du territoire américain. C’est tout le « charme » du caractère extraterritorial de la législation américaine : une loi décidée en fonction des intérêts américains peut avoir des effets à l’échelle mondiale.

Aussitôt, la compagnie suisse Allseas stoppait ses travaux et l’avenir du gazoduc semblait compromis. L’ensemble des sociétés de taille à être investies sur ce chantier ont des activités aux États-Unis et la crainte de sanctions les tétanise donc. Deux sénateurs américains, Ted Cruz et Ron Johnson, avaient averti le PDG d’Allseas d’arrêter immédiatement et de laisser le pipeline inachevé, l’alarmant que si l’entreprise essayait de façon insensée de le terminer, il prendrait le risque de mettre sa compagnie en faillite.

La dollarisation de l’économie internationale et l’affirmation de la législation extraterritoriale des États-Unis rendent crédible cette menace. Bien avant l’élection Donald Trump, de nombreuses compagnies européennes ont été condamnées à de lourdes amendes, avoisinant au bas mot, sur les 10 dernières années, 40 milliards de dollars. On se rappelle que la BNP (sous le mandat de Barack Obama) avait été condamnée à une amende de 9 milliards de dollars pour être intervenue au Soudan et en Iran.

Cette décision est motivée en apparence par la volonté de ne pas renforcer la Russie coupable d’avoir annexé la Crimée. La Russie, qui dépend toujours aux 2/3 de l’exportation de matières premières énergétiques pour se procurer des devises, en est en effet la première victime. Mais l’Allemagne, qui devait recevoir principalement ce gaz, est également impactée. La chancelière Merkel a dénoncé une interférence dans les affaires intérieures allemandes. Mais ira-t-elle au-delà de cette protestation verbale ?

Le pipeline Nord Stream 2 évite stratégiquement les pays baltes, la Pologne et l’Ukraine, pays très proaméricain. L’ambassadeur américain en Allemagne n’a pas hésité à présenter cette mesure comme pro-européenne, puisqu’il s’agit de refléter les inquiétudes de ces pays. Derrière cette décision se cache surtout une volonté américaine de pouvoir plus facilement exporter son pétrole et son gaz de schiste, pourtant plus cher que le gaz russe.

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Les États-Unis utilisent donc la menace de sanctions pour faire avancer leurs intérêts économiques. Et surtout pour imposer leurs décisions et priver les autres pays, aussi bien rivaux qu’alliés, de pouvoir prendre souverainement les leurs. Après l’interdiction d’acheter du pétrole à l’Iran, les menaces par rapport aux investissements à Cuba, c’est une nouvelle atteinte fondamentale à la souveraineté des pays européens. Il y a une très grande contradiction entre le fait d’appartenir à la même alliance et d’être aussi peu considérés par le leader du principal pays de l’alliance. Aucun pays ne porte plus atteinte à la souveraineté des pays européens que leur allié américain aujourd’hui. Combien de temps les pays européens vont-ils accepter cela ?

Les Américains reprennent en fait à leur compte le principe de « souveraineté limitée », forgé par Brejnev en 1968 à propos de la Tchécoslovaquie en particulier, et des pays du Pacte de Varsovie en général. Emmanuel Macron avait déclaré que l’OTAN était atteinte de « mort cérébrale ». C’était en fait une vision optimiste. L’OTAN est toujours bel et bien vivante, voire même très contraignante, mais elle ne joue plus le rôle de protecteur par les États-Unis des Européens. Elle joue le rôle de castrateur stratégique des ambitions européennes. Il est vraiment temps pour les Européens de sortir du somnambulisme stratégique qui les conduit à ne pas s’opposer aux Américains en échange d’une protection face à une menace hier soviétique réellement existante, aujourd’hui russe, gonflée artificiellement, pour maintenir leur imperium sur les Européens.

Pascal Boniface est politologue, fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

*Source : pascalboniface.com

jeudi, 26 décembre 2019

“The Russians Shall Have Constantinople…” (A Postscript to the Durnovo Memorandum)

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“The Russians Shall Have Constantinople…” (A Postscript to the Durnovo Memorandum)

Dr. Pat Walsh

Ex: https://drpatwalsh.com

The great dream of the Tsars over the centuries had been to conquer and convert the Ottoman capital of Istanbul/Constantinople into Tsargrad and free the Straits for the Russian Black Sea fleet. In 1914 Tsar Nicholas II entered into alliance with the British Empire in order to fulfil that dream as a part of the Great War on Germany and the Ottoman Empire that he was expecting. Plans had been made by the Russian army and navy in preparation for the day, the Armenian Dashnaks had been primed and all that was needed was the right event in the Balkans to act as detonator.

It was for that reason that the Great War was brought to the Ottoman Empire in 1914.

The Tsar’s former Interior Minister, Pyotr Durnovo, had warned him in a last Memorandum (Where did it all go wrong for Russia?), in the February before the War, that even if he achieved this feat and was not cheated out of his prize by the British, the British Royal Navy, with its mighty fleet of ships, naval bases and coaling stations dotted across the Mediterranean, lay in wait for the Russian Navy beyond. It was not something that was worth risking all for in a catastrophic Great War that would destroy the peace of Europe and more.

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But Tsar Nicholas did not listen to Durnovo and, 3 years later, as was predicted in the Memorandum, everything lay in ruins. The British had, indeed, granted the Tsar the city of his dreams, in the secret 1915 London agreement. But the catch of the Treaty was that he should fight to the death and never make a separate peace, no matter what, if he was to finally get it. Mindful of this the Tsar’s Steamroller had no brakes. It could only roll forward to Berlin or roll back, crushing Russia as it did.

The Tsar’s army collapsed due to the blood his people were forced to shed, in return for massive British loans, and being forced to fight on to the bitter end for Constantinople. After the Revolution of February 1917 he handed over power to the Liberals and Socialists who persevered with his War, and reaffirmed its aim of taking the Ottoman capital, but who proved incapable of governing the State. And the Bolsheviks who then emerged in catastrophe, under Lenin’s direction, both governed the State and saved it, as well as wiping the Romanovs from history, along with their catastrophic War. Far from the Russian eagle flying over Tsargrad, the Ottoman army had reached Baku, in the Russian Southern Caucasus, captured its oil wells, and made it the capital of the new state of Azerbaijan.

But the Russians did actually reach Constantinople in the end…

In November 1920, the remnant of the White Russian society, who had attempted to overthrow the Bolshevik upstarts and restore something of the Old Russia, were obliged by the Red Army to evacuate the Crimea with General Wrangel’s forces, after Britain withdrew its support for the attempt to overthrow the Bolsheviks. They found themselves sailing for the Tsar’s prize, now occupied by their victorious British allies, for refuge as asylum seekers.

Over 120 boats, containing around 150,000 Russian refugees, arrived in Constantinople/Istanbul. With them the Russians brought the remnants of their society, including the precious Imperial stud. They came not, as they had once hoped, “to hang Russia’s shield on the gates of Tsargrad”  but as seekers of shelter and protection. The hungry and thirsty were known to lower their wedding rings and other jewellery down on string to gathering boatloads of Armenian and Greek shopkeepers in return for bread and water. Their Christian allies treated them with contempt and, in their hour of need, bled them dry.

The Russian Army and refugees slept in the stables of Dolmabahce Palace, in rooms vacated by prostitutes in the cheap hotels, in the streets, and in makeshift army camps outside the city. Young Tsarist officers worked as porters and butlers on the streets of Pera and slept in bunkbeds in the camp at night. They walked the Grand Rue de Pera in their Cossack uniforms, and worked as taxi drivers, or played the violin in casinos. The concierge of a hotel could be a General while a waitress at a restaurant could be a Countess. They gave to Istanbul the European-style restaurant and generated a new night life. But many just descended into ruin in the city.

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The Ottoman government, which operated before it was repressed by the British occupation forces, did not spare the aid to the old enemy they could provide under very difficult circumstances. Russian lawyer and Duma member Nikolay Chebyshev wrote in his memoires, “The immigrant Russians have not felt as much in their homes as in Istanbul, even in the embracing Slavic countries.” A refugee later said, “While fleeing from Russia, we always thought that the only country that opened its doors to Jews who escaped from the Spanish Inquisition was Turkey in 1492. They would not turn us away.” (Daily Sabah, 7.7.2017)

Good relations were formed with the hospitable Moslem Turks, their enemies of centuries, whilst the Russians grew to despise the greed and dishonesty of those Christians they had once proclaimed as allies to liberate. The world had been turned upside down.

Graham Stephen, a Scotsman who had travelled as a vagabond through the Caucasus in the decade before the Great War, and who had written of the contentment he observed in the Russian countryside during the days of the great Count Witte, found himself in Istanbul in 1920-1. There he came across the broken remnants of Old Russia, which, having been promised Constantinople by Britain in return for its services in the Great War, had finally reached its heart’s desire – but not as conquering heroes establishing Tsargrad, but as abandoned refugees from the failed British interventions in Russia that the duplicitous Lloyd George had aborted.

In British-occupied Istanbul, Graham Stephen commented: “The Russians shall have Constantinople”, after all.

Everyone in England would have known what that phrase meant. It came from one of the most famous London music hall songs of the late 1870s, which made a fortune for its Irish performer – “The Jingo War Song”. It had stirred English fight against the Russian Bear and his attempt to take Constantinople in 1877/8, which Disraeli had thwarted with the threat of war and taken care of in the Treaty of Berlin. Its famous chorus, which popularised the term “Jingoism” went as follows:

“We don’t want to fight but by Jingo if we do

We’ve got the ships, we’ve got the men, and got the money too!

We’ve fought the Bear before and while we’re Britons true

The Russians shall not have Constantinople.”

That song lived in the memory for at least a generation in England and Ireland.

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But that was in the days before Sir Edward Grey brought about a Revolution in British Foreign Policy and ditched Britain’s traditional allies in Istanbul to procure the services of England’s main enemy in the World, Russia, so that the Tsar’s Steamroller could be used to help destroy the German commercial threat in a Great War. The Great Game gave way to the Balance of Power and the Great War.

Graham Stephen saw the result of the British success in luring the Tsar into an unnecessary war on the streets of Istanbul in 1920:

“Constantinople has five times as many people as it can house, a city now of appalling unhappiness and misery, and of a concomitant luxury and waste. A scene at night: two children, a boy and a girl, lie huddled together on the pavement sleeping whilst the rain beats down upon them. The crowd keeps passing, keeps passing, and some step over them, many glance questioningly downward, but all pass on. No one stops. I stood at a corner and watched. Then I walked up to the children and wakened them and tried to make them speak. But they stared with their pale faces and said nothing… I stopped a Russian woman who was hesitating as she passed. “There are many,” said she. “It is quite common. You see plenty babies lying in the rain…”

The Russians have got Constantinople at last. It Is an irony of Fate. There are a hundred thousand of them there, the best blood of Russia, and the most charming and delightful people in Europe in themselves, though now almost entirely destitute of means… The refugee peasantry and working class are mostly confined in barbed-wire internment camps outside the city, and guarded by Sengalese. Twenty per cent get permission to go into the city each day. The seventy or eighty thousand indigent Russians in Constantinople belong mostly to the upper classes. Very many belong to Petrograd society, and are people who fled to the Crimea and the Caucasus, were caught up in the Deniken or Wrangel panic, and transported hither. They are well-educated people, speaking English and French, and well-read and accomplished. But how little are those modem accomplishments when it comes to the elemental realities of life…

Alas, the temptations are great. Need becomes more and more incessant. Starvation stares thousands in the face. One sees those who keep their heads up still, but we lose sight of many who are utterly cast down and lost. Many a Russian has gone down here in this great city and been lost, vanished into the hideous underworld of the Levant. They sell all their jewels and then sell the last jewel of all. In the cabarets and night-halls of low amusement there is nude dancing and drink, lascivious Greeks, drunken American sailors capable of enormities of behaviour, British Tommies with the rolling eye, “seeing the world and being paid for it” as the posters say. The public places are a scandal, and the private dens got up in all sorts of styles with rose-coloured shaded lights and divans and cushions for abandonment to drugs and sensual affections must be explored individually to be described. A part of old Russia has come to Constantinople — to die.

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In charge of this imbroglio is a British General. The city Is under Allied control, and is patrolled by the troops of four nations, but the British is the main authority. G.H.Q. Constantinople occupies a large barracks which faces a parade-ground. Indian sentries march to and fro outside and enjoy thus serving their King, a picture of polish and smartness.

Facing the barracks is a smaller building called “The Jockey Club” where the Commander-in-Chief himself and many of his staff meet to lunch or dine, play billiards, or chat pleasantly over their liqueurs in English style.

“What a pleasure it is to see our fellows in the streets so clean and well-behaved, with no interest except in football, and to compare them with the loafers you see everywhere,” says General M. “One thing the British Empire can thank the Jews for,” says Capt. C, “is that they’ve ruined Russia.” “What’s the matter with the Russians,” says stout Col. C, “is that there’s no punch in them; they’re a helpless sort of people, from a general to a private soldier, it’s all the same; they cannot cross a road unless you take them by the hand and lead them across.” (Europe – Whither Bound?: Quo Vadis Europa?; Being letters of travel from the capitals of Europe in the year 1921, pp.35-40.)

It is hard to read this and not weep. And people wonder why Russia is still suspicious of Britain!

mardi, 24 décembre 2019

Sanctions américaines contre le gaz russe pour l’Europe

Vous pourrez voir et apprendre deux choses dans cet article de l’agence russe sputnik. D’abord que les Américains sont en guerre « économique » contre les gazoducs que la Russie tente de construire pour alimenter l’Europe.

La raison est simple. C’est une bataille pour l’énergie. Et l’Europe est un marché pour les gaz des schistes américains. Logiquement pour livrer le gaz américain, qui est plus cher, il faut faire en sorte de le rendre « rentable »… pour cela rien de mieux que de mettre des bâtons dans les roues de la Russie et la mettre dans l’impossibilité de livrer. Ils sont aimables nos amis les « zaméricains » surtout si on leur obéit bien.

Et justement à propos d’obéissance, cela nous amène à la deuxième chose que vous allez apprendre, ou ré-apprendre car vous avez déjà du croiser cette information, à savoir que le budget de la Défense pour l’année fiscale 2020, a éré voté par le Sénat américain au niveau de 738 milliards de dollars (soit plus de 660 milliards d’euros) !!

Oui je ne vous cache pas que si l’on utilisait qu’une seule année budgétaire de la défense américaine, il y aurait de quoi développer l’Afrique ou éradiquer la faim dans le monde, mais jouer avec des porte-avions c’est nettement plus rigolo, de même que bombarder à droite ou à gauche.

Cela en fait des sous n’est-ce pas !

Charles SANNAT

« Ceci est un article « presslib » et sans droit voisin, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »

«Le meilleur cadeau de Noël»: la société gazière ukrainienne se réjouit des sanctions US contre Nord Stream 2

Les nouvelles sanctions américaines contre les gazoducs Nord Stream 2 et Turkish Stream sont entrées en vigueur, et la compagnie suisse Allseas, engagée par le russe Gazprom, a suspendu ses travaux. Le PDG de la société gazière ukrainienne Naftogaz, Andreï Kobolev, s’en est félicité sur sa page Facebook.

Donald Trump a signé vendredi 20 décembre un décret promulguant la loi sur le budget Défense pour l’année fiscale 2020, texte qui comprend l’instauration de sanctions contre les entreprises associées à la construction du gazoduc Nord Stream 2. Engagée par le russe Gazprom, la société suisse Allseas a déclaré avoir suspendu ses travaux, dans l’attente d’explications de la part de Washington sur la mise en application des sanctions évoquées.

«C’est le meilleur cadeau de Noël pour nous tous», a écrit sur sa page Facebook Andreï Kobolev, PDG de Naftogaz Ukrainy, en y ajoutant des captures d’écran de la signature par le Président des États-Unis du budget Défense américain 2020 ainsi que du communiqué d’Allseas.
Sanctions contre Nord Stream 2 et aide militaire à l’Ukraine vont de pair?
Le 17 décembre, le Sénat américain avait voté le budget Défense pour l’année fiscale 2020, au niveau de 738 milliards de dollars (soit plus de 660 milliards d’euros). Les sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2 et une aide militaire à l’Ukraine font partie des sommes prévues.

Le gouvernement allemand s’est élevé contre les sanctions américaines visant Nord Stream 2, tout comme la France

Source Agence russe Sputnik.com ici

La stratégie US et ce que nous coûte la guerre des gazoducs

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La stratégie US et ce que nous coûte la guerre des gazoducs

par Manlio Dinucci

Ex: http://www.zejournal.mobi

 
 

Après avoir interdit de laisser le Chinois Huawei concourir aux appels d’offres pour la 5G, les États-Unis interdisent aux Européens d’accroitre leur approvisionnement en gaz russe. Si la première décision visait à maintenir la cohérence de l’Otan, la seconde ressort non pas d’une russophobie, mais de la « doctrine Wolfowitz » de 1992 : ne pas laisser l’UE devenir un compétiteur de « l’Empire américain ». Dans les deux cas, il s’agit d’infantiliser l’UE et de maintenir en situation de dépendance.

Alors qu’ils se battent dans un dur affrontement pour destituer le président Trump, Républicains et Démocrates déposent les armes pour voter au Sénat presque à l’unanimité l’imposition de lourdes sanctions contre les sociétés participant à la réalisation du North Stream 2, le doublement du gazoduc qui à travers la Baltique apporte le gaz russe en Allemagne. Sont touchées les sociétés européennes qui participent au projet de 11 milliards de dollars, désormais réalisé presque à 80 %, avec la société russe Gazprom, l’Autrichienne Omy, la Britannico-hollandaise Royal Dutch Shell, la Française Engie, les Allemandes Uniper et Wintershall, l’Italienne Saipem et la Suisse Allseas qui prennent part à la pose des conduites.

Le doublement du North Stream augmente la dépendance de l’Europe au gaz russe, avertissent les États-Unis. Ils sont surtout préoccupés par le fait que le gazoduc —en traversant la mer Baltique dans des eaux russes, finlandaises, suédoises et allemandes— contourne les Pays de Visegard (République Tchèque, Slovaquie, Pologne et Hongrie), les États baltes et l’Ukraine, c’est-à-dire les pays européens les plus liés à Washington par l’OTan (auxquels s’ajoute l’Italie).

La mise pour les États-Unis, plus qu’économique, est stratégique. Ce que con-firme le fait que les sanctions sur le North Stream 2 font partie du National Defense Authorization Act, l’acte législatif qui pour l’année fiscale 2020 fournit au Pentagone, pour de nouvelles guerres et nouvelles armes (y compris spatiales), la colossale somme de 738 milliards de dollars, auquel s’ajoutent d’autres postes portant la dépense militaire états-unienne à environ 1 000 milliards de dollars. Les sanctions économiques sur le North Stream 2 s’insèrent dans l’escalade politico-militaire contre la Russie.

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Une confirmation ultérieure se trouve dans le fait que le Congrès US a établi des sanctions non seulement contre le North Stream 2 mais aussi contre le Turk-Stream qui, en phase finale de réalisation, va apporter du gaz russe à travers la mer Noire jusqu’en Thrace orientale, la petite partie européenne de la Turquie. De là, par un autre gazoduc, le gaz russe devrait arriver en Bulgarie, en Serbie et dans d’autres pays européens. C’est la riposte russe au coup porté par les États-Unis, qui en 2014 réussirent à bloquer le gazoduc South Stream. Celui-ci aurait dû relier la Russie à l’Italie à travers la mer Noire et par la terre jusqu’à Tarvisio (Udine). L’Italie serait ainsi devenue une plate-forme d’aiguillage du gaz dans l’UE, avec de notables avantages économiques. L’administration Obama réussit à faire échouer le projet, avec la collaboration de l’Union européenne même.

La société Saipem (Groupe italien Eni), touchée à nouveau par les sanctions états-uniennes sur le North Stream 2, fut déjà lourdement touchée par le blocage du South Stream : elle perdit en 2014 des contrats d’une valeur de 2,4 milliards d’euros, auxquels se seraient ajoutés d’autres contrats si le projet avait continué. Mais personne à l’époque, ni en Italie ni dans l’UE, ne protesta contre l’enterrement du projet opéré par les États-Unis. Maintenant que sont en jeu les intérêts allemands, s’élèvent en Allemagne et dans l’Ue des voix critiques sur les sanctions US contre le North Stream 2.

On ne dit rien par contre sur le fait que l’Union européenne s’est engagée à importer des USA du gaz naturel liquéfié (GNL), extrait de schistes bitumineux par la destructrice technique de fracturation hydraulique. Washington, pour frapper la Russie, essaie de réduire son exportation de gaz vers l’UE, faisant payer les coûts aux consommateurs européens. Depuis que le président Donald Trump et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker ont signé à Washington en juillet 2018 la Déclaration conjointe sur la coopération stratégique USA-UE y compris le secteur énergétique, l’UE a doublé l’importation de GNL des USA, co-finançant les infrastructures avec une dépense spéciale initiale de 656 millions d’euros. Cela n’a cependant pas sauvé les sociétés européennes des sanctions USA.

Photo d'illustration: La chancelière allemande Angela Merkel et son ministre de l’Économie, Olaf Scholz, ont immédiatement dénoncé l’ingérence états-unienne.

Traduction Marie-Ange Patrizio

dimanche, 22 décembre 2019

RIP: Vladimir Bukovsky, the Defiant

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RIP: Vladimir Bukovsky, the Defiant

Ex: https://www.americanthinker.com
 

One of the first things famous Soviet dissident Vladimir Bukovsky (1942–2019) told me about himself was that his roots were Polish.  After the crushing of the Kościuszko Insurrection of 1794, his ancestor, Pan Bukowski, was taken prisoner by the Muscovites and shipped off to Siberia.  This was a harsh introduction to Russian living for the family.  Vladimir would continue into the footsteps of his forefathers.

Vladimir was born in the matrix of the Soviet Union, but as a teenager, he self-liberated.  At 14, he heard about communist leader Nikita Khrushchev's secret speech blaming Stalin for slaughtering millions.  Soon after, he rooted for the Hungarian freedom fighters in 1956.  He started asking questions.  He challenged the system.  Upon his first arrest in 1959, the youngster refused to become a snitch for the Soviet secret police.  And the KGB judged him, partly with rigid annoyance and partly with grudging admiration, unfit for recruitment.

In 1963, Vladimir was arrested, tried, and sentenced to two years for anti-Soviet agitation.  They locked him up in a psychiatric ward (psikhushka), where he was "diagnosed" with "symptomless schizophrenia."  According to Soviet "science," anyone opposing communism had to be a schizophrenic, even when he did not display any symptoms.  He was medicated forcibly.  Bukovsky told me that the trick was to learn how to regurgitate the psychotropic drugs so the hospital wardens and nurses would not notice.

After getting out in 1965, the intrepid dissident plunged right back into anti-communist activities.  He co-organized a demonstration and a petition drive in solidarity with other Soviet dissidents.  For this he was rearrested and thrown back into the red looney bin.  Now things turned tougher.  The KGB wanted to turn their prisoner into a vegetable.  Forcible administration of drugs and their doses increased.  Luckily, the regurgitation trick continued to serve the dissident.  Vladimir endured half a year of this but was unexpectedly released after half a year in mid-1966.  

Six months later, Bukovsky joined a demonstration in defense of other nonviolent protesters who were on trial or under lock and key, only to be seized himself and tried for violating a ban on public protest.  In his defense, he invoked Soviet law, which Soviet judges and secret policemen were apparently violating.  Because Vladimir refused to express remorse for demonstrating, he was sent to the Gulag — a penal colony with a forced labor regime in Bor in the Voronezh region.  His sentence was three years.  He got out in 1970.

Drawing on his experiences in the Gulag and, in particular, in psychiatric wards, the dissident began compiling a record of the Soviet abuse of psychiatry.  To add insult to injury, he discovered that some of the communist psychiatrists who worked hand in glove with the KGB were treated cordially in the West and even invited to scholarly conferences at some of the leading institutions.  The work of the medical monsters who facilitated the torture of political prisoners was treated seriously by some in the West.  Bukovsky resolved to expose it.  He managed to get his report smuggled out to the West.

Consequently, a veritable storm broke out among French, British, and other psychiatrists, some of whom demanded transparency from their Soviet colleagues and believed the dissident accounts of abuse.  For this Vladimir found himself under pre-trial detention in isolation and almost a year later received a sentence of 12 years for "slandering Soviet science."  While serving his sentence, he secretly co-authored a manual on how to beat the Soviet system of interrogation to avoid being accused of insanity.  The manual eventually found its way to the West, where it was widely disseminated.

Bukovsky became a cause célèbre.  The KGB was livid.  In 1976, at the height of détente, the Kremlin decided to further burnish its "liberal" credentials.  Thus, Moscow agreed to swap the perky freedom-fighter for the head of the communist party of Chile, Luis Corvalán, who was incarcerated following a successful military coup to thwart a red revolution in that country.  Compliments of General Augusto Pinochet, Vladimir was thrown out of the USSR and landed in the West.

He settled in England, where he successfully pursued a degree in biology at Cambridge University, where he settled permanently.  Further, he trained as a neuropsychologist and continued his career as a writer and a human rights campaigner.  He published prodigiously.  Vladimir exposed communist crimes globally as well as Western naïveté regarding the Soviet Union.  He joined numerous initiatives championing freedom.  Among others, Bukovsky animated the American Foundation for Resistance International, which aspired to coordinate all anti-communist activities by the captive people in all countries afflicted by Marxism-Leninism.  At the height of Gorbymania in the West, Vladimir and his associates dared to question the sincerity of secretary general of the Communist Party of the USSR Mikhail Gorbachev.  They pointed out quite correctly that the Soviet leader wanted to save communism, not to destroy it.

In 1992, at the invitation of Russia's president, Boris Yeltsin, Bukovsky returned to Moscow.  The Kremlin solicited his assistance in putting together evidence for the public trial of the Communist Party for its crimes.  Yeltsin eventually scrapped the idea, but not before Bukovsky was able to copy over a million pages of secret documents from Stalin's archives.  While Vladimir scanned away right in front of their noses, the KGB guardians of the documentary treasure trove had no idea what either a scanner or a laptop was, so, while watching him curiously, they never interrupted him.  Later, to his own great surprise, the former dissident was permitted to fly out of Moscow undisturbed with his computer full of archival goodies.

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In 1995, Bukovsky's magnum opus, Judgment in Moscow, emerged from this research trip.  Published in several languages, sadly, it had to wait nearly 25 years for an English translation and publication.  Because we failed to smash communism after it tripped, he warned us about the resurgence of post-communism and its threat of metastasizing in the West in the form of political correctness and socialist étatism.  Vladimir further cautioned everyone about the European integration and its totalitarian potential.  He was always full of unorthodox ideas.  Arguably the most shocking to us was his opinion about the Muscovite state and its successors.  Bukovsky told Dr. Sommer explicitly: "It is not my fault that I was born in the Soviet Union.  Why should I harbor any sentiment to that entity?  And Russia was a logical way to the USSR, even if many fabulous people lived there. ... Therefore, as long as Russia does not fall apart into several entities, it will remain dangerous.  A divided Russia is in the interest of the world, just as a united central Europe is in the interest of the world. ... This is not a question of nationalism and resentment, but of physics and balance.  Big and demoralized Russia will always harm her smaller neighbors.  Only its dividing and balancing can eliminate the danger, although not completely because Russia is a universe of slavery."

At the end, Vladimir had the last laugh: he was buried a hundred yards away from the grave of Karl Marx at Highgate Cemetery in London.  Non-conformist, defiant, and free, Vladimir Bukovsky, RIP.

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samedi, 21 décembre 2019

The Real Code of Putinism

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The Real Code of Putinism

Ex: https://www.americanthinker.com

Today's Russia is in the most critical stage of its ideological design.  Its beginning was laid in the article by Vladislav Surkov (aide to the Russian president) under the symbolic title "Long-lasting state of Putin."  The piece was widely discussed by the expert community in Russia and abroad.  Many took this article as a signal that Putin was not going to leave after his presidential term's expiration in 2024 and was preparing his domestic public and international community for this through his éminence grise (as Surkov is often called).  However, with a detailed analysis of the processes that occur in modern Russia, one can come to deeper conclusions.

Vladimir Putin has ruled the country since 2000, and over these 19 years, influence groups around him have been fighting each other for a special position and status.  Unlike most of his associates, Putin is indeed an ideologically motivated leader who perceives himself not just as a politician and an official, but as a sovereign, such as Peter the Great and Alexander III — the beloved emperors of the current Russian leader.

Being aware of the internal construction of Putin's philosophical vision, various people were trying to form an ideological concept that would reflect the mission and goals of modern Russia.  Some wrote about the idea of a "special civilizational path."  It suggested that Moscow would not copy the Western model of development and would not declare itself a part of the Asian world as well.  Others sought to revive the long-forgotten formula "Moscow as the Third Rome" that in fact declared Russia the heir to the fallen Byzantine Empire.  Some suggested a consensus option to combine Western and Eastern civilization codes.  Undoubtedly, there are also groups that do not consider having any ideology important; they offer to copy certain points of the most successful government projects around the world.  However, there is no question of whether Russia needs an ideology or not because Putin is absolutely convinced of the vital necessity of its existence.

There are several reasons for this approach.  Firstly, the president understands that this is about his legacy.  For a psychological type of leader like Putin, the way history remembers him is crucial.  And it is not about love and admiration of the generations to come.  It is difficult to find a politician in Russian and world historiography who could be given an unambiguous assessment.  Discussions continue about everyone without exception, from Alexander the Great to Ronald Reagan.  The key fact is the transformation when a mortal politician becomes an immortal image and an object of constant study for future generations.  Secondly, the Russian leader is convinced that people who were born and raised in independent Russia should have clear guidelines in order to at least preserve the integrity of the country.  So far, Vladislav Surkov was the one who truly managed to systemize the views and ideas of the president.  Putin's aide divided the history of Russian statehood into four parts: the Rus' of Ivan the Third, the Russian Empire of Peter the Great, the Soviet Union of Vladimir Lenin, and the Russia of Vladimir Putin.

The new ideology that is called Putinism is uniting principles and foundations that have remained unchanged throughout all the historical stages of the development of Russia.  Its foundation is the concept of National Democracy.  It implies that the process of democratization and the formation of an active civil society is inevitable but it should not be carried out according to any foreign model.  The Russian nation, like any other, has its civilizational, social, and cultural features.  Today, 190 peoples live in Russia, and most of them retain their language, traditions, and mentality.  From this point of view, Moscow is always under the permanent threat of external forces using any interethnic disagreements for their purposes.  If, for example, a political decision was made to allow same-sex "marriage" in the deeply conservative regions of the North Caucasus, Tatarstan, and Siberia, riots would begin.  And they would lead to the most unpredictable consequences.  For a large part of the progressive West, this may sound wild.  Yet for Russia, it is a matter of national security.

 

It is important to understand that Russia is not limited to Moscow or Saint Petersburg.  These cities, like any major megalopolises, are centers of the dominance of progressive and liberal ideas.  No one will argue with the fact that the United States does not begin and end in New York and California; there are also Texas, Tennessee, Utah, and other states.  The victory of Donald Trump vividly demonstrated that it was conditional Texas and Kentucky that were the heart of America, not Massachusetts and Rhode Island.  The situation is similar in Russia: Putin is guided by the mood of the regional majority, not the liberal minority of the capital.  There are a lot of sensitive problems, and any Russian ruler has to maintain internal balance in order to keep the country's physical integrity.  This is an extremely difficult task.  At certain periods of time, Emperor Nicholas II, and then the last general secretary of the Central Committee of the CPSU, Mikhail Gorbachev, did not cope with this task.  This resulted in the collapse of the Russian Empire and the USSR, respectively.  Thus, the essence of Sovereign or National Democracy is in a banal formula: everything has its time.  In other words, Putinism advocates an evolutionary rather than a revolutionary model of development.

The next crucial element is the inviolability of the mission to maintain territorial integrity.  Why is this so important to Putin?  The answer lies in the dynamics of extension and contraction of Russian territory.  The Russian Empire was the third-largest ever-existing country after the British and Mongol Empires.  It included the Baltic states, part of Poland, Bessarabia, Finland.  Replacing the Empire, the Soviet Union became smaller, losing control of many territorial units.  Then the collapse of the USSR led to the formation of 15 independent republics.  Moreover, centrifugal processes were observed inside independent Russia in the '90s: two Chechen wars, separatist sentiments in Tatarstan, Siberia, and the Far East.  Given this, Moscow has to be sensitive to any threats to territorial integrity because the next collapse will actually mean the end of Russian history.  Based on this, the policy of territorial expansion (or "gathering lands") has strategic importance for Russia.

Most of the countries that were part of the Russian Empire and the Soviet Union performed two significant functions.  The first is an external security function — pushing the borders of the Empire along the entire perimeter, which was of fundamental importance while conducting defensive wars.  It is difficult to imagine how the results of the military campaigns of Napoléon Bonaparte in 1812 and Hitler's Germany in 1941–1945 would have developed without the factor of "deep borders."  The second is the internal defense or controlled decay function.  With the collapse of the Empire, countries located on the periphery and semi-periphery leave, and the core is retained — Russia itself with its internal subjects.

From here follows the next point of the concept of Putinism — returning the post-Soviet space to the sphere of strategic dominance of Moscow.  To achieve this goal, it is important for President Putin to solve two tasks: to provide closer geopolitical integration of Belarus with Russia and to develop high-quality mechanisms of influence on Ukraine.  The Russian leader is deeply convinced that Russians, Ukrainians, and Belarusians comprise a unified nation that should be gathered under the leadership of the Kremlin sooner or later.  This is how it was in the imperial and Soviet periods.  The third task is to prevent the entry of traditional post-Soviet countries (the Baltic countries are not considered) into the North Atlantic Alliance.

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In global politics, Putin sees his mission in revising the results of the Cold War.  He is convinced that the collapse of the Soviet Union was due to the weakening of the center's influence, the indecisiveness of the authorities and the internal intrigues of hostile agents of influence.  Putinism rejects any idea that Russia lost to the United States and should now forget about its geopolitical ambitions.  At the same time, being a pragmatist, Putin realizes that today Moscow does not have sufficient resources to claim world domination.  It is important for the Russian leader that the most powerful actors in the international community develop clear rules for the game.  For Putin, the ideal model combines past systems.  The basis should be sovereignty and the principle of non-interference in each other's internal affairs (Westphalian system), the balance of power (Vienna system), and separation of responsibilities (Yalta and Potsdam system).  From the standpoint of Putinism concept, such an architecture will return Russia the status of great power and force the rest of the countries to reckon with its opinion and interests.

The fundamental feature of the new ideology is that Russia does not regard the West as its enemy.  Moscow sees a certain way of the civilizational and political future of Europe where neoliberal philosophy has set the tone for the past twenty years.  Today, other trends are visible.  One of them is the strengthening of the right-wing conservative powers: Boris Johnson in Britain, the regime of Viktor Orbán in Hungary, the party of Sebastian Kurz in Austria, Euroskepticism in Italy, France, Greece, and Germany.  The basic request of the new generation of European politicians can be described simply: more sovereignty, less dependence.  Even leaders such as Emmanuel Macron state the need for an independent European security system.  This is exactly what Russia wants to see in Europe.  It is important for Putin that Europeans rely solely on their pragmatic interests in building a political and economic dialogue with Moscow.  This narrative is becoming more and more popular in the Old World.

Areg Galstyan, Ph.D. is a regular contributor to The National Interest, Forbes, and The American Thinker.

jeudi, 19 décembre 2019

Russie - La tentation néolibérale

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Russie - La tentation néolibérale

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.com

Cet ouvrage est de Karine Bechet Golovko. Il été publié par l'Harmattan le 31/01/2018. Il avait peu attiré l'attention à l'époque, mais il conserve une actualité suffisante pour que nous le présentions ici.

Karine Bechet Golovko se décrit elle-même ainsi 
Habitant à Moscou depuis une quinzaine d'années, j'observe avec une passion toujours renouvelée les élans de ce pays complexe. Par des articles dans la presse, des publications scientifiques et des ouvrages je tente de vous faire partager une certaine vision d'un monde qui se renouvelle en permanence sous nos yeux.
« L'autorité des décisions de la CEDH à l'égard des juges constitutionnels », Revue Est-Europa, 2016, N°1
« De l'instrumentalisation du droit et des Etats : constitutions et révolutions dans l'espace post-soviétique », in « Les Constitutions, des révolutions à l'épreuve du temps », sous la dir. M.-E/ Baudoin et M. Bothom, LGDJ Lextenso, 2016
« Russie : la complexification des rapports entre l'Etat et la société civile », Revue d'études Est-européennes, 2014, N°1 spécial
« La dyarchie de l'exécutif en Russie », RDP, 2013, N°2
« Les présidentielles russes : les acteurs face à un choix de société », revue Politeia, n° 22 (2012)
« Les élections parlementaires russes : la fin d'une époque ou juste un sursaut ? », Revue Politeia, n° 20 (2012)
« Que reste-t-il du concept de « souveraineté » ? A l'occasion de la décision du Conseil constitutionnel sur le Traité de Lisbonne », Revue Politeia n°13 (2008)

Présentation par l'éditeur

La vague néolibérale mondiale a-t-elle échoué à atteindre la Russie ? Le calme de façade de la politique intérieure du pays couvre des turbulences que nous ne soupçonnons pas. Derrière la personnalité de V. Poutine, ce sont des clans néolibéraux et conservateurs qui s'affrontent à travers les organes de pouvoir, font passer des réformes, lancent des contre-réformes. Cette gouvernance russe s'est ouverte aux modalités néolibérales et revendique sa place dans la mondialisation.

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Notre commentaire au 17/12/2019

Depuis que s'est constitué un bloc géopolitique qualifié de BRIC, unissant notamment la Russie et la Chine, la question souvent posée est de savoir jusqu'à quel point ce bloc s'opposera aux offensives permanentes menées par les Etats-Unis contre la Russie. Aux yeux du Pentagone, la Russie a le tort immense de disposer d'une puissance nucléaire et spatiale seule capable aujourd'hui de tenir tête à l'Empire américain. Même si cela n'est pas dit clairement, elle doit disparaître en tant que super-puissance.

Vladimir Poutine a depuis les origines compris qu'il devait motiver suffisamment la société russe pour qu'elle accepte les sacrifices économiques que suppose la résistance à cette entreprise. Ceux-ci supposent une opposition permanente au capitalisme financier américain, dit aussi néolibéral, au lieu de coopérer avec lui pour exploiter le reste du monde. La question est donc posée de savoir jusqu'à quand les détenteurs russes du pouvoir économique et financier accepteront-ils ces sacrifices. Les services de renseignements américains ont depuis longtemps identifiés des intérêts sociaux-politiques qui en Russie pourraient être suffisamment corrompus par l'attrait des dollars pour renverser Vladimir Poutine afin de coopérer avec Wall Street au lieu de s'en tenir à distance.

Or à cet égard les candidats potentiels ne manquent pas. Le dernier ouvrage de Karine Bechet Golovko essaye d'en faire l'inventaire. Ces intérêts russes sont soumis en permanence à ce que son livre appelle la tentation néolibérale. Sur le plan intérieur, selon elle, ceci se traduit par la formation de mouvements qui s'affrontent afin de mettre le pouvoir (celui de Poutine et des militaires) au service de leurs intérêts. Mais ceux-ci sont souvent contradictoires, ce qui explique selon nous qu'il n'aient pas pu jusque ici mettre le gouvernement central, souvent désigné du terme de Kremlin, à leur service. Cependant, si l'on en croit les analyses de l'auteure, ceci ne saurait durer. A ce titre, l'ouvrage, même si ce n'est pas son ambition première, peut avoir pour effet de donner de l'espoir à ceux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur, veulent renverser Vladimir Poutine, afin de rentrer dans ce qu'elle nomme le jeu de la mondialisation.

Nous pensons cependant que dans cette description, elle n'a pas su observer les sentiments nationalistes dits-aussi pro-russes qui ont toujours permis à la Russie de se défendre dès les guerres napoléoniennes contre les offensives européennes. Ils lui ont en dernier lieu donné la possibilité de s'inscrire parmi les vainqueurs de la seconde guerre mondiale, après avoir accepté des millions de morts parmi ses forces armées. Aujourd'hui, si les Etats-Unis ne peuvent être comparés à l'hitlérisme qui voulait conquérir et détruire Moscou, il est aisé de montrer qu'ils peuvent facilement lui être assimilés. Il s'agit une nouvelle fois se détruire la Russie en tant que puissance indépendante. Le nationalisme pro-russe saura l'emporter sur l'appât des profits immédiats quand il s'agira de faire des choix géostratégiques importants. Concrètement, ceci veut dire que Moscou, avec ou sans Poutine, ne refusera pas de continuer à jouer un rôle éminent au sein du BRIC. Autrement dit, la Fédération de Russie ne capitulera pas devant les intérêts dits néo-libéraux, même s'ils sont bien représentés en son sein.

La même observation pourrait être faite concernant la Chine. De nombreuses analyses montrent que les intérêts dits néolibéraux y sont très puissants et recherchent en permanence une ouverture à l'ouest. Mais l'expérience montre également que si cette dernière devait se payer par l'abandon de la résistance aux Etats-Unis, notamment dans le Pacifique sud , les intérêts néo-libéraux chinois sauraient s'effacer devant un sentiment national défendu aujourd'hui par le Parti Communiste Chinois et le président Xi Jinping.

 

lundi, 09 décembre 2019

Des nouvelles du Bélarus

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Des nouvelles du Bélarus

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le dimanche 17 novembre dernier, près de sept millions de Bélarussiens ont renouvelé les 110 sièges de la Chambre des représentants. Coincé entre la Russie, la Lituanie, la Lettonie, la Pologne et l’Ukraine, le Bélarus – qu’on appelle en France la Biélorussie – demeure le seul État du continent à ne pas céder aux injonctions du détestable Conseil de l’Europe en appliquant toujours l’indispensable peine de mort.

Dirigé depuis 1994 par Alexandre Loukachenko, le Bélarus et son excellent président auraient dû figurer en bonne place dans le Dictionnaire des populismes sous la coordination d’Olivier Dard, de Christophe Boutin et de Frédéric Rouvillois. En effet, une multitude d’articles n’hésitent jamais à qualifier le modèle politique en vigueur à Minsk de « populiste ».

Ces élections législatives sont anticipées; elles auraient dû se dérouler en septembre 2020. La Chambre des représentants est élue pour quatre ans au scrutin majoritaire uninominal à un tour. Outre la prise en compte des votes blancs et nuls, l’électeur peut aussi choisir le bulletin « Aucun d’entre eux ». Si ce bulletin spécifique, voire l’abstention, atteint 50 % comme ce fut le cas lors du second tour des législatives françaises de juin 2017, les autorités doivent invalider le scrutin.

L’opposition payée par les officines de Soros et les observateurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont évoqué l’impossibilité pour des opposants de se présenter. Ils ont critiqué des pressions administratives sur les nombreux fonctionnaires et dénoncé d’éventuelles fraudes massives. Le bidule de Strasbourg qu’il ne faut pas confondre avec l’Union dite européenne devrait plutôt se pencher sur ces municipalités communistes, socialistes, centristes et Les Républicains de l’Hexagone où le clientélisme généralisé, la corruption endémique, le bourrage des urnes et le taux élevé de votes post mortem sont des habitudes bien installées. Maints candidats de l’ancien Front national auraient mille anecdotes à raconter sur ce sujet inépuisable…

Le Bélarus populiste ne plie pas devant la Finance internationale et son principal larbin, les États-Unis d’Amérique. Le président Alexandre Loukachenko qui entend se représenter l’an prochain pour un sixième mandat consécutif de cinq ans n’adhère à aucun parti et ne dispose même pas de sa propre formation politique. Il bénéficie en revanche de l’appui implicite d’une majorité présidentielle qui vient de remporter la totalité des sièges. La participation a augmenté de 2,6 %, d’où une abstention à 22,69 %. Les bulletins blancs et nuls s’élèvent à 0,94 %. Quant au choix « Aucun d’entre eux », il baisse de 1,09 %, soit 8,48 %.

Les grands vainqueurs des législatives restent les candidats indépendants avec 60,31 % des voix et 89 élus. Ils perdent cependant cinq sièges et 6,70 %. Le Parti communiste du Bélarus (10,67 %, en progression de 3,2 %) prend trois sièges supplémentaires, soit un total de onze élus. De tendance sociale-démocrate et en hausse de 3,88 %, le Parti républicain du travail et de la justice recueille 6,75 % et six élus. Variante locale du mouvement nationaliste grand-russe de Vladimir Jirinovski, le Parti libéral-démocrate du Bélarus conserve son unique député, mais avec 5,36 %, il progresse de 1,12 %. La gauche nationale incarnée par le Parti patriotique bélarussien maintient lui aussi ses deux élus en dépit d’une faible audience nationale (1,43 %) et un retrait de 0,73 %.

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Trois nouvelles formations liées à la majorité présidentielle informelle ont présenté quelques candidats. En dépit d’un résultat national décevant (0,89 %), le Parti agraire obtient un élu. Une formation atypique à l’intitulé original, le Parti socialiste des sports bélarussien, récolte 0,15 %. Quant au Parti républicain d’inspiration eurasiste, il ne réalise que 0,14 % des suffrages.

Les oppositions nationale-centriste, atlantiste et pro-occidentaliste du Front populaire et des communistes dissidents balayées, la nouvelle assemblée va pouvoir collaborer avec le Conseil de la République. Elle aussi élue pour 4 ans, cette chambre haute compte 56 membres élus par les conseils des représentants locaux des sept oblast (ou régions) dont la capitale et huit membres nommés par le président de la République. Celui-ci, conscient des fragilités géopolitiques et économiques de sa patrie louvoie entre Moscou, Pékin et Bruxelles. Parfois confronté comme au printemps 2017 à une vive contestation sociale, le président Loukachenko qui écoute avec une rare attention ses compatriotes a eu le courage politique de renoncer à certains projets.

Malgré d’inévitables défauts inhérents à la nature humaine, Alexandre Loukachenko appartient aux derniers véritables grands hommes d’État de la planète. En revanche, ni la France ni l’Europe n’ont cette chance.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 150, mise en ligne sur TV Libertés, le 2 décembre 2019.

samedi, 07 décembre 2019

Konstantin Leontiev, l'inaudible

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Konstantin Leontiev, l'inaudible

par Thierry Jolif

(Infréquentables, 10)

Ex: http://www.juanasensio.com

«La flatterie politique [...] n'est absolument pas obligatoire en littérature.»
Konstantin Leontiev.


Infréquentable, à coup sur, Konstantin Leontiev l'est. Non qu'il le fut, de son vivant. Certainement pas. Sûrement même le fut-il moins, bien moins, que Dostoïevski ou Tolstoï aux yeux d'une grande partie de la bonne société de l'époque. Actuellement, par contre, il l'est évidemment, pour la très simple raison qu'il est mort, et pour la tout aussi simple raison qu'il n'a pas eu l'excellente idée de laisser à la postérité une œuvre immortelle selon les actuels canon de l'immortalité.

Le voici donc bel et bien frappé d'oubli et, conséquemment, contraint de se voir classer parmi les infréquentables, non pas seulement en raison de son décès mais aussi, et surtout, à cause, précisément, de ses écrits. En fait, pas tant à cause de ses écrits mais bien plutôt en conséquence de son écriture ! De son style ! Style que lui reprochaient déjà ses contemporains, trop clair, trop «latin» pour les slavophiles, trop russe pour les occidentalistes. Politiquement concret et précis, sans sentimentalisme, extrêmement réaliste et profondément religieux, philosophiquement spirituel (et pas spiritualiste) et rigoureux, ni romanesque, ni romantique, aucunement utopique. Ainsi Leontiev, en dehors de son infréquentabilité physique due à son trépas, demeure stylistiquement infréquentable !

Il est hélas à peu près certain que, selon les très actuels critères qui font qu'un écrivain est «lisible» ou mérite d'avoir des lecteurs, notre très oublié Leontiev serait recalé. Il suffit, pour s'en convaincre, de relire une seule petite phrase du penseur russe : «L'idée du bien général ne contient rien de réel» (1).

kl-kar.jpgQui, parmi les lecteurs contemporains, souhaite encore lire de pareilles formules, et qui, parmi les marchands qui font profession de fournir de la matière imprimée, aurait encore envie de fourguer une telle camelote ? Non, soyons sérieux, ce genre de sortie, et plus encore le comportement qu'elle suppose, datent d'une autre époque, époque, fort heureusement, révolue pour nous, qui sommes gens évolués et accomplis. En outre, le bonhomme eu l'impudence de critiquer Dostoïevski ! Du moins, ce qui à notre époque revient au même, certaines idées avancées par l'auteur des Frères Karamazov. Ainsi l'obscur et impudent, à propos de Crime et châtiment, a-t-il osé écrire que «Sonia... n'a pas lu les Pères de l'Église» ! Voilà qui le rend «suspect» et par trop réactionnaire, même pour les chrétiens ! Pourtant Leontiev ne dit pas là autre chose que Chesterton lorsque celui-ci écrit qu’«En dehors de l'Église les Évangiles sont un poison», proposition raisonnable et si juste de la part d'un Britannique. «Toutes les idées modernes sont des idées chrétiennes devenues folles» : là encore, l'amateur éclairé opinera du chef et se régalera d'une telle sagacité bien audacieuse. Mais que ce grand Russe, petit écrivain compromis par sa «proximité avec le régime», se permette d'écorcher, pour les mêmes motifs, ce que la Russie nous a donné de meilleur, qu'il s'en prenne à ce style psychologique qui a fait, justement, le régal des belles âmes, voilà ce qui est proprement impardonnable.

J'aurais pu écrire «Leontiev l'illisible» mais alors je n'aurais pas touché juste. Notre époque peut tout lire, tout voir, tout entendre, et elle le veut d'ailleurs. En fait, plus qu'elle ne le veut elle le désire, et même ardemment ! Son incapacité est ailleurs : «J'entends mais je ne tiens pas compte.» Cela vous rappelle quelque chose ? Toute ressemblance avec des faits réels n'est nullement fortuite. Cette confession est révélatrice de cet autisme tant individuel que collectif et, à la fois, paradoxalement, volontaire et inconscient.

L'écriture de Leontiev est donc devenue inaudible. Notre temps désire tout entendre mais il ne sait plus écouter. Or, une telle écriture demande un réel effort d'attention et d'écoute. Leontiev, pourrais-je dire, a écrit, de son vivant, pour «ces quelques-uns dont il n'existe peut-être pas un seul». Depuis son décès, cette vérité est encore plus cinglante. Un autre écrivain russe, grand solitaire également, Vassili Rozanov, écrivait de Leontiev qu'il était plus «nietzschéen que Nietzsche».

Pendant une brève période ces deux contempteurs de leur époque entretinrent une correspondance. Ils se fréquentèrent donc, du moins par voie épistolaire. Rien de très étonnant à cela tant ces deux caractères, pourtant si profondément différents l'un de l'autre, se trouvèrent, tous deux, radicalement opposés à tout ce qui faisait les délices intellectuelles de leur siècle. Rien d'étonnant non plus à ce que leurs tombes aient été rapidement profanées et détruites par les persécuteurs socialistes; leur «infréquentabilité» devenait ainsi plus profonde, et plus large même, post-mortem. (Rozanov avait tenu à être inhumé auprès de Leontiev, dans le cimetière du monastère de Tchernigov à Bourg-Saint-Serge).

Inaccessible Konstantin Leontiev l'est, sans nul doute possible. Né charnellement en janvier 1831, né au ciel en novembre 1891 après avoir reçu la tonsure monastique sous le nom de Kliment à la Trinité Saint-Serge. Ce russe, typiquement XIXe et pourtant si terriblement, si prophétiquement «moderne» qui vécut en une seule vie les carrières de médecin militaire, de médecin de famille, de journaliste, de critique littéraire, de consul, de censeur..., côtoya aussi tous ceux qui, inévitablement, lui faisaient de l'ombre, Soloviev, Dostoïevski, Tolstoï. Inévitablement, à cause de leur talent, certes, mais aussi parce qu'ils furent toujours plus «libéraux» que lui, qui ne put jamais se résigner à l'être.

Inaccessible plus encore qu'infréquentable, car tout ce qui «sonne» un peu trop radicalement réactionnaire est, on le sait, furieusement réprimé par notre époque douce et éclairée et qui a su, si bien, retenir les leçons du passé. Les excités tel que Leontiev ne peuvent qu'être dangereux (pensez donc, défenseur d'une ligne politique byzantino-orthodoxe : même un Alexandre Duguin, de nos jours, dénonce ceux de ces compatriotes qui se laissent aller à ce rêve-là). Même à leur corps défendant, même s'ils sont, par ailleurs, nous pouvons bien le reconnaître, des «êtres délicieux», nous ne saurions tolérer leur imprécations obscurantistes. De même qu'en France un Léon Bloy, c'est «amusant»; c'est, nous pouvons bien le concéder, stylistiquement admirable (surtout à le comparer à nos actuels littératueurs, pisse-copies patentés d'introversions fumeuses et professionnels de la communication et du marketing), mais non, philosophiquement, allons, soyons sérieux, tout cela est dépassé, dépassé parce que faux, pis : incorrect !
Oui, en quelque sorte, à nos oreilles éduquées par d'autre mélopées, plus suaves, la tonalité de Leontiev sonne méchamment; c'est bien cela ! Pour notre moralisme, que nous pensons si rationnel et si réaliste, les propos de Leontiev sont affreusement méchants, et ce d'autant plus qu'il y mit lui-même toute sa force de conviction non moins réellement réaliste, mais d'un réalisme qui sut rester non matérialiste et non idéologique, d'un réalisme outrageusement chrétien. Et c'est au nom de ce christianisme réaliste que Leontiev osa adresser ses reproches à Léon Tolstoï, à Dostoïevski, à Gogol aussi (l'un des buts littéraires avoués de Leontiev était de mettre fin à l'influence de ce dernier sur les lettres russes !). Comble de l'audace perfidement rétrograde, qui scandalise plus aujourd'hui qu'alors ! À tous ceux qui étaient tentés de justifier la mélasse socio-démocratique par le christianisme, voire à faire de celui-ci rien de moins que l'essence même de cette eau-de-rose truandée, Leontiev rappelait quelques utiles vérités. Tout comme les authentiques musiques traditionnelles des peuples sont, à l'opposé des soupes sirupeuses avariées du new age, fortes et rugueuses aux oreilles non-initiées et ne dévoilent leur vraie douceur qu'après une longue intimité dans la chaleur de la langue et de l'esprit, le christianisme, à l'opposé de la doucereuse tolérance socio-démocrate, est austère et exigeant avant que d'être accueillante et lumineuse bonté !

kl-berd.jpgEt puis surtout, que pourrions-nous bien en faire de ce furieux vieux bonhomme qui a osé écrire  L'Européen moyen, idéal et outil de la destruction universelle ? Puisque, ne l'oublions pas, la littérature «vraie» doit être, nécessairement, engagée; c'est-à-dire, au-delà de critiques de pure forme, aller, toujours, dans le sens du courant. Or, nous y sommes d'ores et déjà en la belle et unie Europe, nous y sommes depuis un bon bout de temps dans ce moment historique, dans cet événement des événements qui va durer encore et encore, en plein dans cette heureuse période de l'unification, dans l'heureuse diversité des êtres équitablement soumis aux choses. Certes, avec des heurts et quelques accidents de parcours, mais bénins en somme, insignifiants même, au regard du grand espoir de «paix universelle» vers lequel tous, dans une belle unanimité, nous tendons. En tout cas nous y sommes bel et bien, oui en Europe ! Alors, quel besoin aurions-nous de nous auto-flageller en lisant ce «grand-russien» décédé, dépassé, déclassé ?

Eh bien il se trouve que la distance s'avère souvent nécessaire pour mieux se connaître. Pour nous autres, très fréquentables européens moyens et contemporains, quelle plus grande distance que celle qui nous sépare de cet inclassable russe ?

Ce grand-russien qui, de son vivant, s'ingénia à se montrer implacable envers l'européen moyen pourrait bien s'avérer, par ses écrits, un viatique pour le même à l'heure d'une renaissance russe qui pourrait offrir à une Europe épuisée et ridiculisée par quelques décennies d'une politique frileuse, cupide et aveugle à son être authentique, de regagner une place qui lui est véritablement propre, possibilité à envisager sans fol optimisme puisque Leontiev lui-même insistait sur le fait que «la véritable foi au progrès doit être pessimiste».

Conservateur comme il l'était, Konstantin Leontiev faisait partie de cette race d'hommes qui savait encore que sentiments (et non sentimentalisme) et intelligence aiguisée, loin d'être antinomiques, sont intimement liés. Ainsi, c'est avec une acuité et une intelligence épidermique que notre auteur se montrait absolument et irrémédiablement opposé à l'idéologie du progrès, du bien et de la paix universelles, idéologie dont il avait su flairer les relents dans les différents partis en présence de son temps. Refusant cette idéologie comme une utopie mortifère qu'il identifiait à un état d'indifférence, degré zéro de toute activité humaine, il refusait aussi à la politique de se projeter vers un hypothétique futur, vers le lointain, lui assignant pour seul objectif le «prochain» : «[…] cette indifférence est-elle le bonheur ? Ce n'est pas le bonheur, mais une diminution régulière de tous les sentiments aussi bien tristes que joyeux.»

Dès lors, comme tout authentique conservateur, ce que Leontiev souhaitait conserver ce n'était certainement pas un système politique ou économique quelconque ou bien quelques grands et immortels principes : «Tout grand principe, porté avec esprit de suite et partialité jusqu'en ses conséquences ultimes, non seulement peut devenir meurtrier, mais même suicidaire.» Non, ce que Leontiev aimait et voulait voir perdurer c'était bien la véritable diversité humaine, les différences dont notre époque, si douce et éclairée, nous enseigne qu'elles sont sources de conflits et d'agressions tout en en faisant une promotion trompeuse : «L'humanité heureuse et uniforme est un fantôme sans beauté et sans charme, mais l'ethnie est, bien entendu, un phénomène parfaitement réel. Qu'est ce qu'une ethnie sans son système d'idées religieuses et étatiques ?» (2).

Toute la philosophie de l'histoire développée par Konstantin Leontiev projette sur ces questions une lumière qui, bien que crue, est loin d'être aussi cynique que ses contempteurs voudraient le faire croire.

«La liberté, l'égalité, la prospérité (notamment cette prospérité) sont acceptés comme des dogmes de la foi et on nous affirme que cela est parfaitement rationnel et scientifique. Mais qui nous dit que ce sont des vérités ? La science sociale est à peine née que les hommes, méprisant une expérience séculaire et les exemples d'une nature qu'ils révèrent tant aujourd'hui, ne veulent pas admettre qu'il n'existe rien de commun entre le mouvement égalitaro-libéral et l'idée de développement. Je dirais même plus : le processus égalitaro-libéral est l'antithèse du processus de développement» (3).

Pour Leontiev, cette loi de l'histoire qu'il nomme processus de développement est une «marche progressive de l'indifférencié, de la simplicité vers l'originalité et la complexité», mais loin de tendre vers une amélioration constante, vers un bonheur complet et épanoui, qui n'est, en définitive, qu'une abstraction, cette marche connaît une forme d'arrêt qui se traduit par une simplification inverse dont Leontiev analyse trois phases : le mélange, le nivellement et, finalement, l'extinction.

kl-eurom.jpgSelon lui, cette loi quasi cyclique s'observe dans tous les domaines des civilisations historiques. Et, ce que nous appelons unanimement progrès, il le distingue très nettement de ce processus de développement, le nommant «diffusion» ou «propagation» et l'attachant à cette phase dissolvante de «simplification syncrétique secondaire» : «[…] l'idée même de développement correspond, dans les sciences exactes d'où elle a été transférée dans le champs historique, à un processus complexe et, remarquons-le, souvent contraire au processus de diffusion, de propagation, en tant que processus hostile à ce mécanisme de diffusion» (4).
Ainsi, dans les pages de son maître-livre Byzantinisme et slavisme, Leontiev scrute scrupuleusement les mouvements, les courants, lumineux et obscurs de l'histoire, leurs lignes droites, leurs déviations, leurs dérivations, sans jamais se laisser prendre aux rets des lumières crépusculaires des idéologies. Admirateur avoué de l'idée byzantine et de sa réception créatrice en Russie, Leontiev refusera pourtant l'idéal slavophile, tout autant, mais cela paraît plus «logique», que l'occidentalisme. Profondément fidèle, quoiqu'avec une élégante souplesse, à la vision des lignes de force et de partage qu'il avait su dégager de l'histoire ancienne et récente, Leontiev repèrera dans tous les courants contemporains la même force agissante : «La marche tranquille et graduelle du progrès égalitaire doit avoir vraisemblablement sur le futur immédiat des nations une action différente de celle des révolutions violentes qui se font au nom de ce même processus égalitaire. Mais je prétends que, dans un avenir plus éloigné, ces actions seront similaires. Tout d'abord un mélange paisible, l'effondrement de la discipline et le déchaînement par la suite. L'uniformité des droits et une plus grand similitude qu'auparavant de l'éducation et de la situation sociale ne détruisent pas les antagonismes d'intérêts, mais les renforcent sans doute, car les prétentions et les exigences sont semblables. On remarque également que, partout, vers la fin de l'organisation étatique, l'inégalité économique devient plus grande à mesure que se renforce l'égalité politique et civique» (5).

Bien qu'il ait considéré, en littérature, le réalisme comme désespoir et auto-castration, c'est bien à cause de son réalisme qu'il ne voulut jamais sacrifier à aucune «idée supérieure», que Leontiev a vu se refermer sur lui la porte du placard étiqueté «infréquentables».

La grande faute de Leontiev fut de dire, comme le répétait Berdiaev lui-même, que «l'homme privé de la liberté du mal ne saurait être qu'un automate du bien» ou bien encore que «la liberté du mal peut être un plus grand bien qu'un bien forcé.»

Mais... énorme mais, Berdiaev ne cessa d'essayer de convaincre, et de se convaincre, qu'il était socialiste. Cela suffit pour qu'on entrouvre, même très légèrement, la porte.

Notes
(1) Toutes les citations de Leontiev sont tirées de l'ouvrage Écrits essentiels (L'Âge d'Homme, Lausanne, 2003).
(2) Op. cit., p. 108.
(3) Op. cit., p. 139.
(4) Op. cit., p. 137.
(5) Op. cit., ibid.

L’auteur
36 ans, père de famille, chanteur et auteur breton, créateur de la “cyberevue” bretonne Nominoë et du blog Tropinka, Thierry Jolif, après avoir fondé et animé, pendant plus de dix ans l’ensemble musical Lonsai Maïkov, a étudié la civilisation celtique, le breton et l’irlandais à l’Université de Haute-Bretagne. Il a scruté et médité, durant plusieurs années, les aspects tant pré-chrétiens que chrétiens de la civilisation celtique (religion, art, musique, poésie). Orthodoxe, ayant étudié la théologie, il s’est particulièrement penché sur les aspects théologiques, mystiques et ésotériques du Graal, ainsi que sur l’étude du symbolisme chrétien, de l’écossisme maçonnique, de la philosophie religieuse russe et de l'histoire et de la mystique byzantine.
Il a collaboré aux revues Sophia (États-Unis), Tyr (États-Unis), Hagal (Allemagne), Contrelittérature (France), Terra Insubre (Italie) et est l’auteur de Mythologie celtique, Tradition celtique, Symboles celtiques et Les Druides dans la collection B-A. BA. des éditions Pardès.

mardi, 03 décembre 2019

Nackter Wirtschaftskrieg: USA nehmen Maßnahmen gegen Nord Stream 2 in Verteidigungshaushalt auf

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Nackter Wirtschaftskrieg: USA nehmen Maßnahmen gegen Nord Stream 2 in Verteidigungshaushalt auf

Ex: http://www.zuerst.de

Washington. Das amerikanische Vorgehen gegen die russisch-deutsche Ostsee-Pipeline Nord Stream 2 nimmt immer aggressivere Formen an. Jetzt wurden die amerikanischen Sanktionsmaßnahmen, die derzeit gegen Firmen in Stellung gebracht werden, die an Nord Stream 2 beteiligt sind, formell in den Verteidigungshaushalt aufgenommen. Die Strafmaßnahmen wurden vom Kongreß in den Entwurf des sogenannten National Defense Authorization Act (NDAA) aufgenommen, teilte Jim Risch, Vorsitzender des Auswärtigen Ausschusses im Senat, dem US-Magazin „Defense News” mit.

Die Zeit für den Vorstoß wird immer knapper: „Vieles von Nord Stream ist bereits getan“, sagte Risch am Rande eines Sicherheitsforums im kanadischen Halifax. Die Sanktionen würden die beteiligten Baufirmen aber davon „überzeugen“, ihre Arbeit einzustellen. Risch weiter: „Es wird sie sehr viel kosten. Ich denke, wenn diese Sanktionen verabschiedet werden, werden sie schließen, und ich denke, die Russen werden nach einem anderen Weg suchen müssen, um dies zu erreichen, wenn sie es können.

Nach russischer Einschätzung sollen die jüngsten US-Sanktionsmaßnahmen nicht nur Rußland, sondern auch die Europäer als wirtschaftliche Konkurrenz für die USA schwächen.

Der russische Senator Wladimir Dschabarow sieht die US-Pläne als Teil eines Wettbewerbsbetrugs: „Nord Stream 2 hat nichts mit den Sicherheitsfragen in den USA sowie ihrer Verteidigungskapazität zu tun. Man will US-amerikanisches Gas aufzwingen, das wesentlich teurer ist.” (mü)

mercredi, 27 novembre 2019

Quelle interprétation de l’eurasisme ?

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Quelle interprétation de l’eurasisme ?

 

par Yohann Sparfell

Ex: https://www.in-limine.eu

Chez de nombreux nationalistes et dissidents des nations occidentales, qui comprennent toutefois l’importance de prolonger leur idéal en direction du redressement spirituel et politique de la civilisation européenne, le néo-eurasisme est perçu de plus en plus, nous semble-t-il, comme une doctrine politique, géopolitique, et même métapolitique, intéressant exclusivement la Russie. Nous pensons que cette aperception des choses est issue d’une interprétation de cette nouvelle théorie politique qui émane principalement de deux éléments, historique et conjoncturel : d’une part le fait que l’eurasisme soit à son origine, c’est-à-dire au début du XXième siècle, l’aboutissement du travail intellectuel de penseurs russes, certains émigrés en Europe de l’Ouest (Mendeleev, Troubetskoï, Florovsky, Alexeïev, etc.) et, d’autre part, que la majorité des militants européens actuels ne saisissent pas toujours clairement la nécessité, simultanément à leur combat (consistant à stimuler et à affirmer la singularité d’une civilisation, la civilisation européenne, à partir de ce qui subsiste de ses fondements culturels et spirituels), de participer à l’élaboration d’une nouvelle théorie politique universelle propre à proposer de façon adéquatement différenciée à chaque civilisation un devenir qui s’ « abreuve » de la Tradition et qui s’oriente par rapport à la Centralité atemporelle de Celle-ci (cet enjeu hautain se situe donc au niveau supérieur de la doctrine, et au-delà, au niveau d’une vision spirituelle universelle du monde, avant même de pouvoir se situer au niveau inférieur, quoique essentiel, de son adaptation à une civilisation en particulier afin de lui restituer un Centre immatériel inspiré par cette vision supérieur du monde, bref, d’instaurer un Imperium européen).

Le premier élément, historique, ci-dessus mentionné, pourrait sembler surmonté par l’effet du temps, mais en apparence seulement, surtout chez certains nationalistes de l’Europe de l’Est principalement, puisqu’il joue encore, du fait de son origine russe, un rôle répulsif tant il est vrai que l’eurasisme représente pour eux un idéal oriental, asiatique, donc strictement étranger à la culture européenne originelle, et qui plus est, amalgamé au passé bolchévique. Il est exact que l’eurasisme initial s’appuyait grandement sur un « fusionisme » slavo-turco-musulman en phase avec la vision d’une destinée impériale singulière multi-ethnique et multi-nationale de la Russie intégrant ses aspects européen et turco-mongol. Il était effectivement l’aboutissement doctrinal d’une volonté, dans l’esprit de ces penseurs russes exilés, consistant à redonner des perspectives véritablement impériales à la Russie, c’est-à-dire d’en faire le siège du Centre politique et spirituel d’une civilisation prétendument singulière, suite aux enseignements qu’ils ont pu tirer de la révolution bolchevique. Mais le but ici n’est pas d’analyser, même brièvement, cet eurasisme originel car nous pensons pour notre part que le néo-eurasisme, que nous participerons ici à faire mieux appréhender sous le vocable d’« eurasisme », tout simplement, a su dépasser, grâce aux travaux et aux relations internationales soutenus par Alexandre Douguine et bien d’autres, l’espace auquel il s’était donné pour tâche sacrée à l’époque de redonner une Vie spirituellement ordonnée. Il nous faut aujourd’hui « européaniser » cette pensée féconde, car elle est, en réalité, issue de l’Europe même, de l’expérience historique de cet Europe slavo-caucasienne étendue aux nations touraniennes limitrophes.

Le second point, que nous avons qualifiés de conjoncturel, pourrait être lié au fait que la Russie s’affirme de plus en plus comme un acteur majeur du jeu géopolitique mondial actuel. Partant, ce qui est perçu de façon croissante comme une Nation qui non seulement voudrait affirmer sa singularité telle une civilisation en propre mais qui, dans le même temps, est victime d’un ostracisme de la part du cartel des pays occidentaux (sous la pression américaine), se voit bénéficier, et ce d’un point de vue qui peine à comprendre la nécessité actuelle d’une nouvelle démarche spirituel et politique vers l’universel, d’une théorie politique « appropriée » qui serait donc prétendument adaptée à son paradigme culturel, géographique et historique, voire ethnique (ce qui en soit est un non sens puisque la Russie est ethniquement et majoritairement indo-européenne), : l’eurasisme. Dans l’esprit de ces contempteurs de l’univers russe, ainsi d’ailleurs que de beaucoup d’eurasistes russes eux-mêmes, l’eurasisme serait par conséquent le prolongement doctrinal d’une césure civilisationnelle séparant la Russie du reste de l’Europe, position affirmée par Douguine lui-même (qui estime que la Russie est une civilisation orientale fortement influencée par la culture touranienne. Mais nous pourrions répondre que l’Europe, plus à l’ouest et au sud, a aussi été influencée par les cultures touranienne sans pour autant qu’elle n’en reste européenne). Il est tout à fait exact de dire que cette doctrine prend directement en compte les situations géographique et géopolitique russes au sein du Grand Continent Eurasien et la réalité socio-culturelle des peuples divers qui composent la Fédération de Russie aujourd’hui en phase d’affirmation empreinte d’incertitudes et d’hésitations à l’égard du reste de l’Europe. Cette nouvelle théorie politique, et spirituelle (ce qu’elle se doit d’être en tout premier lieu – mais nous y reviendrons), est centrée (et ce terme est d’importance à cet égard) sur une réalité des rapports internationaux actuels et une certaine aspiration qui en découle logiquement (sentiment d’exclusion de la sphère originelle européenne – sanctions, présence de l’OTAN aux frontières occidentales de la Russie, etc.). Il est bien entendu que cette aspiration motivée par la réalité actuelle d’un Occident en perte d’hégémonie ne saurait qu’être mis en parallèle avec l’absence de réelle aspiration autonome d’une Union Européenne engluée dans son atlantisme et son néo-libéralisme destructeur.

La démarche russe vers une vision civilisationnelle auto-centrée est fondée d’après la position centrale de cette immense Nation, position tout autant historique que géographique issue de la rencontre des peuples indo-européens et de peuples touraniens dans leur marche eschatologique respective, les premiers cherchant le levant et les immensités continentales du sud-est, les seconds le couchant et l’ouverture vers les mers occidentales du sud-ouest. Il ne saurait être question de nier l’Histoire, ni d’ailleurs la réalité de la mission historique d’une Nation indo-européenne qui devait pousser vers l’Est et les Grands Espaces eurasiens pour l’affirmation du pouvoir européen en Eurasie. L’eurasisme se fonde sur la reconnaissance des implications de cette aventure humaine guerrière et créatrice ayant finalement abouti à une Fédération de peuples multi-ethniques (mais avec l’ethnos slavo-caucasien au centre de cette dynamique nationale) dont la particularité est d’assumer aujourd’hui à elle seule un rôle de pivot et d’ouverture entre l’Orient et l’Occident. La Russie actuelle, avec les nations indépendantes qui lui sont historiquement, culturellement et économiquement liées, ainsi que spirituellement (soit l’Arménie, la Géorgie, la Biélorussie, l’Ossétie, etc.), participent bien à leur manière d’une civilisation qui s’est étendue historiquement au cœur de l’Eurasie, soit l’Europe, d’où elles jouent en réalité le rôle de lien entre cette dernière et l’Orient (Chine, nations turciques centre-eurasiennes et nations principalement d’origine indo-européennes du Sud eurasien : Iran, Inde). Son héritage européen primordiale, et toujours actif dans la pensée eurasiste même, ne saurait édulcorer une réalité rendue bien plus complexe et diverse par sa rencontre avec l’Orient, d’autant plus assumée de par son extension au sein du continent eurasiatique jusqu’au Pacifique (les Cosaques atteignent le Pacifique en 1640) et le Caucase (annexion de diverses nations caucasiennes au début du XIXième siècle : Arménie, Daghestan, Azerbaïdjan), ce qui a renforcé d’une certaine façon sa singularité par rapport au reste de la Mère Patrie européenne. Mais d’une certaine façon seulement car les liens, pour être distendus, n’en sont pas moins présents vers l’Europe dans une vision partagée de l’homme que l’on pourrait à juste titre relier à un « humanisme » européen originel hérité des traditions pré-chrétiennes aujourd’hui en grande partie dévoyées dans le catholicisme réformé, mais mieux conservés dans l’orthodoxie russe. La Russie est et restera européenne, si l’Europe, et elle-même, le veulent !

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L’eurasisme est donc issu d’une prise de conscience de la généalogie d’une Nation singulière au sein de laquelle ce courant d’idée apparu, avec tout ce qu’une telle connaissance peut être à même d’engendrer au crépuscule d’un monde qui s’efforce de nier la réalité profonde et sacrée de l’affirmation de la personnalité (à l’antithèse de l’individu). L’eurasisme est donc une approche civilisationnelle, impliquant profondément une démarche spirituelle, et géopolitique, pour laquelle importe avant toutes choses que les hommes, ainsi par conséquent que leurs communautés, puissent s’assimiler la force supra-humaine qui les fit naître singulièrement au sein du monde créé, et s’affirmer au travers elle. De Vladivostok à Lisbonne, cette affirmation est européenne. L’eurasisme est d’essence européenne, même si sa portée spirituelle se doit être universelle.

L’eurasisme est donc né d’une prise de conscience de la constitution originelle, spirituelle et singulière d’une Nation eurasienne (dans le mot « Eurasie », il y a Europe autant que Asie !) de la part de penseurs politiques et de philosophes russes qui avaient touché du doigt l’essence sacrée et axiale de sa « présence au monde ». Nous avons vu que cette théorie politique, malgré qu’elle ait pu être inspirée par la singularité de l’Histoire russe et qu’elle soit néanmoins profondément européenne (mais non occidentale), peut avoir pour destinée d’intéresser (dans une volonté mondiale d’instaurer une affirmation et, dans le meilleurs des cas, une harmonie des civilisations) l’ensemble des civilisations humaines, mais surtout d’être un mode de pensée au travers duquel celles-ci sauront à même de pouvoir dominer leur devenir. Il faut bien comprendre que l’eurasisme se veut être une nouvelle théorie dite « politique » qui, pour autant, est d’abord et plus profondément d’essence spirituelle. Elle nous invite en tout premier lieu à nous réorienter par rapport à un Centre qu’il nous sera nécessaire de découvrir au cœur de chaque civilisation comme de chaque communauté et personne la composant. Ce Centre n’est pas fondamentalement différent d’un point à un autre (d’une entité humaine à l’autre), mais il est d’une même Nature spirituelle partout, de formes diverses dans ses manifestations singulières, mais pourtant Un en chaque émanation de l’Être. C’est en cela que l’eurasisme peut représenter le moteur spirituel de l’élévation des esprits vers une nouvelle interprétation de l’universel, un universel qui ne saurait être confondu avec l’uniformité (ou, ce qui revient pratiquement au même, à l’universalisme), à moins de vouloir corrompre ce qui constitue les fondements de cette nouvelle théorie. En d’autres termes, l’eurasisme est une volonté opportune d’orientation vers la Tradition et son Centre céleste que notre civilisation européenne, Russie incluse, situa en Hyperborée, où nous aurons bien le besoin, il va sans dire, de nous ressourcer.

Cette nouvelle théorie, dont on a vu qu’elle est d’essence européenne et d’esprit universel (sans pour autant en faire un nouvel universalisme), est en outre politique et géopolitique, et donc pleinement apte à s’intégrer à l’espace planétaire de la pensée humaine du XXIième siècle qui prend peu à peu conscience de l’inconséquence aporétique dans lequel l’enferme la théorie néo-libérale, seule rescapée et en même temps héritière des fourvoiements idéologiques du XXième siècle. Cette théorie est donc amenée à participer au renouvellement radical (dans le sens réel du terme, c’est-à-dire qui revient à la racine, à l’essence des « choses ») d’une pensée politique qui s’est effectivement articulée jusque présent autours des trois théories politiques que sont le communisme, le nationalisme et le libéralisme, y compris dans toutes leurs variantes, jusque récemment, donc incluant la forme postmoderne du libéralisme : le post-libéralisme impolitique qui s’est de manière insidieuse immiscée en chacune des civilisations de façon à leur ôter toute réelle vocation et leur empêcher de participer à une nouvelle harmonie internationale nommée multipolarité ou encore mieux, polycentricité. Parce que l’eurasisme est aussi, et en second lieu après son approche affirmée d’une réorientation spirituelle du monde, la théorie de la multipolarité civilisationnelle qui, à son tour, intéresse l’ensemble des civilisations ainsi que des communautés humaines en cours de réaffirmation et de ré-identification à leurs fondements originels.

Mais si l’eurasisme est une théorie géopolitique, centrée sur l’essence spirituelle des civilisations et sur les rapports singuliers qu’elles entretiennent à leur propre espace (espace ayant participé à leur fondation charnelle), elle est donc aussi une théorie politique, la Quatrième Théorie Politique, dont la particularité est justement de vouloir redonner au terme même de « politique » une légitimité au regard du devenir des communautés humaines. Le politique doit justement redevenir un Art au travers duquel les personnes pourrons, et même devrons, se réorienter elles-mêmes vers le centre ordonnateur et harmonisateur de chaque communauté dont elles sont membres, vers leur propre manière d’ « habiter le monde ». La décision, qui se doit de se nourrir de la multiplicité des points de vues exprimés librement, retrouvera en dernier lieu une centralité qui la soustraira de toute obscurité liée aux instabilités de la matière (c’est-à-dire des vicissitudes liées au monde inférieur de la nécessité). La centralité et la multiplicité ne devront plus être antinomiques mais devront au contraire pouvoir se réaffirmer conjointement au travers du politique et du compromis qui lui est lié, tout comme du spirituel, qui s’incarneront dans le Bien commun. L’eurasisme est une théorie politique qui porte en elle ce principe hautain visant à élever le politique au-dessus des conflits d’intérêts (notamment économiques) et de le soumettre à la supériorité du spirituel (par le biais du Bien commun tel que nous le comprenons et tel qu’il doit être compris dans l’optique de la Quatrième Théorie Politique), au travers d’une reconnaissance toute singulièrement européenne et de l’inéluctabilité des jeux de pouvoir et de la nécessité de les circonscrire au sein d’une juste hiérarchie.

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Au vue de ce qui précède, nous considérons qu’il serait tout à fait inopportun d’estimer que l’eurasisme puisse intéresser exclusivement l’univers russe, ou adapté spécifiquement à cet univers « oriental » (par rapport au reste de l’Europe), malgré que cette théorie ait été marquée par cette spécificité depuis son origine pour s’ouvrir inévitablement vers l’universel par la suite. Les militants européens auraient donc toute légitimité à s’en réclamer à l’égard d’une nouvelle affirmation de l’Europe qui paraît encore, somme toute, hypothétique au vue du manque cruel de volonté de ses dirigeants actuels (manque de volonté de se dégager de l’hégémonisme unipolaire américain hérité des deux grandes guerres du XXième siècle, comme du totalitarisme rampant du post-libéralisme « libéré » du politique et des enracinements). Et si la civilisation européenne pouvait avoir une chance de se ré-élever (et redevenir Kultur !) en nous efforçant d’étudier et d’adapter les idées de l’eurasisme (et donc la doctrine d’une Quatrième Théorie Politique européenne), ce ne serait justement pas pour dévier de ce qui fait la singularité du langage et de l’Idée originelle de notre civilisation (puisque l’eurasisme, comme nous l’avons déjà dit, est d’essence européenne selon nous), mais au contraire, pour pouvoir l’affirmer au regard d’une théorie politique et géopolitique qui fait des civilisations et de leur singularité les axes autours desquels devront s’articuler de nouvelles théories et de nouvelles pratiques distinctives au sujet de l’homme et de ses relations à l’Autre et son environnement.

L’eurasisme n’est donc pas étranger à l’Europe car il s’agit là en réalité du nom donné à une nouvelle théorie politique, avec un volet géopolitique crucial, que chaque civilisation devra aborder et s’approprier à sa façon et selon sa propre vision originelle du monde et de l’homme. L’enjeu n’est pas, effectivement, de s’efforcer de regarder le monde par le petit bout de la lorgnette russe, mais bel et bien d’asseoir et d’affirmer notre propre vision du monde originelle européenne (que nous avons en partage avec les nations ethniquement européennes à l’est du Dniepr) tout en nous efforçant de dépasser les chimères qui, jusqu’à aujourd’hui encore, nous servent de guides intellectuels dans nos errements inconséquents.

Nous pouvons d’ailleurs émettre aujourd’hui un autre argument en faveur de l’eurasisme qui puisse en faire un instrument conceptuel, mais aussi réaliste, visant à faire ré-émerger l’Idée européenne (un humanisme originel ayant une vision réaliste de l’homme) des limbes dans lesquelles l’ont plongés les idéologues néo-libéraux. La Russie et les nations qui gravitent historiquement autours, comme précédemment mentionnées, sont primordialement de culture européenne, comme nous avons déjà pu l’exprimer ici. Mais, la réalité géopolitique du monde actuel, incitant à ce que la multipolarité s’affirme dans les rapports internationaux, tendra en outre à faire que les entités nationales de l’ex-URSS et les autres nations européennes se rapprochent de plus en plus de façon à intensifier leurs coopérations et leur intégration face aux tentatives ou potentialités hégémoniques émanant d’autres pôles plus puissants comme l’Amérique du Nord ou la Chine. Elles le devront aussi du fait des menaces qui, déjà, frappent à leur porte, notamment celles concernant l’immigration de masse et le terrorisme islamiste. C’est sans doute, et ce en vertu de la réalité des tendances des relations internationales actuelles, l’ensemble civilisationnel regroupant les nations russo-eurasiennes et européennes (de l’actuel UE), grâce à une coopération étroite et suivie, qui sera le Grand Espace au sein duquel l’eurasisme, dans toute l’Europe, devra s’affirmer une fois dépassés les vieilles rancœurs qui, encore, alimentent les discours officiels de dirigeants et de médias qui restent désespérément accrochés à leurs lubies idéologiques et leurs dépendances (sous)-culturelles. Cela doit être un argument de plus en faveur du fait que l’eurasisme, et la Quatrième Théorie Politique, non seulement ne sont pas exclusivement liés à la Nation russo-eurasienne (la Fédération de Russie et ses nations « satellites »), mais en outre qu’elle peut être à même de permettre de refonder un Grand Espace géopolitique (et spirituel) euro-asiatique (ou eurasien) qui pourra être à même de s’affirmer dans le chaos mondial actuel résultant de la dilution d’un ordre des rapports internationaux qui ne peut résister aux problèmes et contradictions qu’il a lui-même engendré dans le cours hégémonique du néo-libéralisme triomphant (la « Grande Europe » de Rejkjavik à Vladivostok).

L’eurasisme est une arme conceptuelle (tout en étant plus fondamentalement la clef doctrinaire de la réémergence possible du logos originel européen devant ouvrir à une nouvelle conscience spirituelle et communautaire civilisationnelle) qui intéresse primordialement l’Europe et la Russie en tant que Nation européenne, ensembles, unies par une volonté nouvelle d’inspirer un monde capable de dépasser (mais non d’annihiler) l’antagonisme entre l’universel et l’individuel. Ce que nous pourrons fonder de façon préliminaire de par nos relations entre les nations européenne et russo-eurasienne, et de par les relations alors plus assurées entre l’Europe et les autres civilisations mondiales, seront à la base d’un nouvel ordre de rapports internationaux qui devra émaner d’un respect du à chaque singularité et de relations non basées sur l’hégémonie et l’unilatéralisme.

Nous pouvons par conséquent nous réclamer avec force et conviction de l’eurasisme tout en ayant une foi profonde et enracinée à l’égard du devenir de l’Europe, en tant qu’européistes (malgré tous les à priori qu’inspirent ce terme à un certain nombre de néo-souverainistes) . Nous ajoutons même, que l’un engage fortement l’autre puisque l’eurasisme est un engagement en faveur de la renaissance et de la Puissance de notre civilisation européenne dont nous pouvons alors prendre conscience de ses potentialités en tant que pôles géopolitiques prenant une part considérable, si ce n’est fondamentale, au renouvellement radical des relations internationales (d’où l’importance aujourd’hui à ce qu’un Imperium européen post-UE s’associe étroitement aux initiatives russes de redéfinition des rapports internationaux et inter-civilisationnels). L’eurasisme n’est, en effet, pas séparable du projet de construction d’un ordre mondial organisé autour du principe de la multipolarité. Il n’est pas séparable, non plus, d’une vision organique des communautés humaines qui inclus les régions, les nations, les ethnies et les peuples dans un respect de la diversité culturelle, politique et spirituelle qui devra structurer le monde multipolaire à venir. L’eurasisme, si l’on peut dire, est un globalisme de la « périphérie » qui se doit de s’élever contre le globalisme du « centre » imposé, entre autres, par l’arme déstructurant des « droits de l’homme » et par le Marché. Nous pouvons d’ailleurs constater que, de ce point de vue, le mouvement des Gilets Jaunes, d’une certaine façon et de façon relative, s’engage inconsciemment dans cette voie, et est donc partie prenante de ce combat eurasiste.

L’eurasisme n’a aucune « vérité révélée » à imposer d’une façon ou d’une autre aux peuples et aux civilisations car il englobe une prise de conscience de la nécessité de respecter les diverses visions du monde qui construisent les humanités. Sa structure théorique s’appuie sur une appréciation spatiale (non principalement selon le sens anglo-saxon du terme, soit une ambition tournée vers la conquête, horizontale, mais selon une vision « cosmique » qui donne priorité à l’ordre et à l’harmonie, verticale) des civilisations dont l’enjeu primordial est pour chacune d’entre elles de pouvoir bâtir leur devenir à la lumière de leur tradition, tout en participant activement à l’élaboration d’un nouveau type de relations internationales au cœur desquelles s’imposeront une pleine conscience des réalités géographiques (économiques, énergétiques, etc.) ainsi que des différences d’approches culturelles, voire spirituelles et religieuses, plus ou moins reliées à ces réalités.

L’eurasisme est donc un appel à une nouvelle tentative d’harmonisation du monde, dont il est su au préalable qu’elle sera toujours en chantier, et non pas un quelconque espoir en faveur d’un nouvel idéalisme, de nouvelles croyances, soit une nouvelle idéologie abstraite. C’est une nouvelle théorie politique et géopolitique qui est une conscience de ce que le monde ne saurait se plier à la contrainte d’idéologies abstraites sans se sacrifier sur l’autel du vice et du faux (les abstractions sont des constructions inséparables de la pensée qui ne doivent pas pour autant s’imposer dans les esprits comme buts. Comme l’écrivait Heidegger, le mot allemand bauen veut dire bâtir, mais aussi habiter, signifiant en cela que nous ne saurions échafauder sans y trouver profondément un sens dans la réalité en fonction de la singularité de nos être-là, de notre façon d’être-dans-le-monde). C’est en cela que l’eurasisme est un dépassement, une Nouvelle Théorie, qui se positionne entre les fondamentaux de l’homme et ses responsabilités quant à son accomplissement par et pour son monde. L’eurasisme nous offre à ce titre une perspective qu’il appartient à chaque civilisation de mettre en œuvre selon sa propre weltanschauung.

L’eurasisme européen (de Lisbonne à Vladivostok et de Hammerfest à Erevan) peut donc devenir une réalité dans nos cœurs, dans nos pensées et nos actes pour peu que nous sachions bien comprendre ce qui en fait sa force et toute sa potentialité rénovatrice et créatrice. C’est pour cela, en tout cas, que nous-mêmes nous nous reconnaissons en tant qu’eurasiste et que nous désirons contrer la tendance actuelle en Europe à vouloir refouler cette Idée dans les strictes limites d’une « civilisation » russo-eurasienne qui est plutôt, en réalité, une part inespérée et un tant soit peu préservée de l’ancienne Kultur européenne. Puissions-nous en réalité nous inspirer aujourd’hui de cette Sainte Sagesse qui y a été relativement épargnée des affres de la Modernité par une Histoire à mille lieux des chemins perfides de la démocratie libérale.

Il devient indispensable de tourner le dos à une certaine vision de la géopolitique qui en fait toujours l’instrument scientifique au service de l’extension d’une puissance malsaine et illusoire, bref, de l’impérialisme. La géopolitique doit devenir pour nous, et dans le respect des différences culturelles et spirituelles, un outils au service d’une nouvelle harmonie entre les nations et les civilisations. L’Europe et ses nations doivent pouvoir y puiser la force de réorienter leur devenir en accord avec les grands projets mondiaux qui, au fils des ans, changeront radicalement l’ordre du monde (nous pensons ici entre autres au projet de Nouvelle Route de la Soie – Belt and Road Initiative – mené par la Chine) ; mais à la condition que nous ayons acquis au préalable les conditions, tant économiques, politiques que culturelles, de les accueillir favorablement et équitablement.

L’eurasisme est une Idée que les peuples et les civilisations devront s’approprier en fonction de leur propre vision du monde. Elle est donc l’alpha d’un mouvement créateur singulier et propre à chacun dont l’aboutissement, l’omega, devra être le dépassement de limites qu’aujourd’hui nous subissons de par l’hybris mondialiste. Elle est une force, nous le rappelons, qui nous fera élever l’Idée européenne, et qui, en outre, nous fera réinterpréter à la lumière de notre humanisme originel la présence de la France en Europe et dans le monde.

L’eurasisme repose essentiellement sur cette réorientation, et c’est bien la raison pour laquelle il serait injuste de prétendre qu’il ne saurait intéresser que la Nation russe (sinon nous ne parlerions que du sens vulgaire et galvaudé de l’ « intérêt », du sens individualiste). Il sera bien plutôt au centre de l’intérêt (inter-esse, être ensemble) des peuples européens, russe inclus, donc au centre de la Nation européenne sous la forme de l’européisme. Il n’existe pas essentiellement de civilisation russo-eurasienne selon nous, n’en déplaise à notre ami Alexandre Douguine, il existe par contre des cultures, des façon d’ « habiter » le monde, russe, arménienne, française, allemande italienne, islandaise, etc. qu’il s’agit alors d’unir de nouveau sous les Principes intemporelles et « originelles » de la civilisation européenne.

 

Yohann Sparfell

jeudi, 14 novembre 2019

US-Sabotage von Nord Stream 2: Deutschland drohen Treibstoff-Engpässe

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US-Sabotage von Nord Stream 2: Deutschland drohen Treibstoff-Engpässe

 
Ex: https://katehon.com

Erst kürzlich hat Dänemark die letzte notwendige Genehmigung für ein Teilstück der russisch-deutschen Erdgas-Pipeline Nord Stream 2 erteilt und damit das letzte große Hindernis für den Abschluß des Projekts beseitigt. Allerdings stellen sich nach wie vor die USA vehement quer, die womöglich auch nicht vor einer massiven Sabotage zurückschrecken. Immer wieder hat Washington in den letzten Monaten auf verschiedenen Kanälen gegen Nord Stream 2 Stimmung zu machen versucht und dabei unverhohlen mit Sanktionen gegen die beteiligten Unternehmen gedroht.

Einem aktuellen „Spiegel“-Bericht zufolge können mögliche US-Sanktionen die deutsche Treibstoffversorgung gefährden. Demnach könnten die angedrohten Sanktionen in Deutschland Engpässe bei der Versorgung mit Autobenzin und Flugzeugtreibstoff nach sich ziehen.

So habe eine der größten deutschen Erdölraffinerien, die in Schwedt ansässige PCK, gewarnt, daß sie im Fall von US-Sanktionen gegen Nord Stream 2 womöglich gezwungen sein könnte, den Betrieb zu drosseln oder sogar ganz einzustellen. PCK gehört mehrheitlich dem russischen Energiemulti Rosneft, gegen den sich mögliche Sanktionen richten würden.

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In diesem Fall wären besonders Mitteldeutschland und Berlin mit seinen Flughäfen betroffen und müßten mit Lieferengpässen rechnen.

„Ein namhaftes US-Unternehmen, das die Leitzentrale des Werks mitgeplant und gebaut hat und die Anlagen wartet, hat Rosneft mitgeteilt, es werde die Leistungen einstellen, sollten die US-Sanktionen in den kommenden Wochen tatsächlich in Kraft treten“, heißt es auf „Spiegel Online“ weiter. In diesem Fall wäre die Raffinerie, die jeden Tag genügend Treibstoff herstellt, um 250.000 Autos, 60.000 Laster oder 50 Flugzeuge zu betanken, „nicht mehr zu steuern“.

Das Projekt Nord Stream 2, das zur Hälfte vom russischen Konzern Gazprom und zur anderen Hälfte von fünf europäischen Energieunternehmen finanziert wird, sollte eigentlich bis Ende des Jahres fertiggestellt werden. Die USA versuchen aus geopolitischen und Konkurrenzgründen seit langem massiv, das Projekt zu Fall zu bringen.