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mardi, 09 mars 2021

La Sibérie, ventre mou de la Russie?

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La Sibérie, ventre mou de la Russie?

Par Tommaso Minotti

http://osservatorioglobalizzazione.it/

77% du territoire russe est formé par une Sibérie sans réelles frontières. Dans cette région inhospitalière, où l'on ne compte que trois habitants au kilomètre carré, se concentrent 70 % des ressources pétrolières et gazières de la Fédération de Russie. Cela fait de la Sibérie une région stratégiquement importante pour Moscou. Le problème est que de plus en plus de Sibériens se sentent exclus des accords commerciaux lucratifs que la Russie et la Chine scellent dans la région. Ce sentiment provoque du ressentiment, surtout envers Moscou, qui est considérée comme une force étrangère, capable seulement d'exploiter la région sans rien donner en retour. Et c'est dans ce contexte potentiellement dangereux pour l'intégrité territoriale et le bien-être économique de la Russie que se développent les pulsions régionalistes, déjà présentes dans l'histoire mais restées longtemps en sommeil.

Contexte historique : quand la Sibérie ne se considérait pas comme russe

Déjà à l'époque tsariste, il y a eu des dérives séparatistes et régionalistes de la part d'éléments de la haute société sibérienne. Le premier d'entre ces contestataires fut Nikolaï Novikov, qui a émis une théorie sur une Sibérie indépendante dès 1838. En 1863, il y a eu une tentative de rendre cette immense région autonome, mais elle a été réprimée. Les principaux théoriciens de cette expérience, certes irréaliste, ont été avant tout Afanasy Shchapov, mais aussi Potanine et Yandritsov. Le premier, surtout, était le principal théoricien de l'oblstnichestvo, c'est-à-dire du régionalisme aux impulsions indépendantistes.

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Un partisan de la Sibérie indépendante fut également l'un des penseurs et fondateurs de l'anarchisme : Bakounine. Pendant la guerre civile russe qui a suivi la révolution d'octobre, les régionalistes sibériens se sont rangés du côté des Blancs, plus précisément de l’Amiral Koltchak. Mais ils ont d'abord créé un gouvernement autonome de Sibérie de courte durée, basé à Tomsk. Le gouvernement a été de courte durée car il a été décidé de soutenir les ennemis des bolcheviks sans essayer d'obtenir l'indépendance de la Sibérie.

À l'époque soviétique, les autorités centrales ont décidé de diviser les provinces de ce territoire sans fin afin d'avoir un contrôle plus efficace sur l’ensemble des terres sibériennes. Les poussées autonomistes semblaient perdre du pouvoir. Cependant, avec l'effondrement de l'URSS et l'arrivée de Poutine au pouvoir, il y a eu un changement de politique dans l'administration du territoire sibérien. Il a été décidé de fusionner les oblasts, ce qui s'avère contre-productif car les velléités régionalistes refont alors surface.

Un danger pour la Russie ?

Les Sibériens développent un certain ressentiment envers Pékin et Moscou, même s'ils ont été culturellement influencés à la fois par la Chine et, bien sûr et dans une bien plus large mesure, par la Russie. En ce sens, nous assistons à une véritable floraison des activités régionalistes dans les domaines les plus variés.

Manifestations, séminaires, propositions de référendum sur une plus grande autonomie de la Sibérie et diverses autres initiatives en ligne. Le web est un véhicule efficace pour les mouvements régionalistes, dont le plus important est celui qui s’est donné pour nom les "Vrais Sibériens". Mais la montée du régionalisme ne se limite pas au web.

Un séminaire sur l'indépendance de la Sibérie a été présenté à l'université d'Irkoutsk. Il aurait été parrainé par un département américano-sibérien, mais aucune information plus détaillée n'est disponible à ce jour. L'exposition d'art "Les États-Unis de Sibérie" a fait beaucoup de bruit, mais seulement en Russie. A côté de ces initiatives culturelles, il y a des mouvements politiques. En plus des initiatives nées sur Internet, il existe également des organisations plus profondément ancrées dans le territoire, dont la plus importante est le ‘’Mouvement sibérien’’. Enfin, il convient de noter un fait intéressant, même s'il n'en est qu'à ses débuts. De plus en plus de gens dans cette partie de la Russie se disent "Sibériens" et de moins en moins "Russes". Des signes petits mais révélateurs de quelque chose qui bouge.

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Drapeau de la région de Novosibirsk.

Protestations en Sibérie

Mais il n'y a pas que les initiatives culturelles et les mouvements politiques dont l'influence réelle est difficile à établir. Des manifestations ont également eu lieu, presque toutes avec un épicentre à Novossibirsk. En 2011 et 2012, la ville a été touchée par des manifestations dont le moteur était également régionaliste. La colère contre Moscou et la politique du Kremlin, perçue comme éloignée des intérêts des Sibériens, était particulièrement vive. En 2014, une marche pour la fédéralisation de la Sibérie a été interdite par les autorités gouvernementales. Un autre symptôme qui indique que quelque chose bouillonne dans la marmite. Enfin, en juillet 2020, à Khabarovsk, entre cinquante mille et quatre-vingt mille personnes sont descendues dans la rue pour protester contre l'arrestation du gouverneur Furgal. Il était très aimé par son propre peuple, mais n'était pas apprécié par les dirigeants du Kremlin, qui le considéraient comme déloyal. La foule, bien que n'ayant pas déclaré d'intentions régionalistes, était cependant hostile à Moscou et à l'État central. Enfin, autre signe de l'attention croissante du gouvernement central, deux blogueurs régionalistes nommés Loskutov et Margoline ont été mis sous étroite surveillance par les autorités judiciaires.

Une question politique

Mais quelles sont les caractéristiques du régionalisme sibérien, particulièrement fébrile à Omsk. Cette ville est devenue le nouveau centre autonomiste de la région. Revenons sur les particularités des poussées qui commencent à se produire en Sibérie. Tout d'abord, il faut dire que le soutien aux nombreuses initiatives qui ont été discutées ci-dessus est politiquement transversal. Le régionalisme n'est pas hégémonisé par un seul parti mais est soutenu par diverses composantes hétérogènes, pour l'instant nettement minoritaires, émanant de presque toutes les organisations politiques présentes sur le territoire. Une autre caractéristique est l'opposition à la politique financière de Moscou dans la région. Comme la région est la principale source de richesse de la Russie, la Sibérie souhaite une baisse des impôts. En bref, on croit, en Sibérie, que les relations ne sont pas équilibrées mais, au contraire, nettement déséquilibrées en faveur de la Russie occidentale. Enfin, le régionalisme bénéficie également d'un certain soutien dans les institutions. On l'a vu dans l'affaire Furgal, où la colère contre la destitution d'un homme politique populaire s'est combinée à une intolérance mal dissimulée envers Moscou, avec des connotations clairement régionalistes.

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Pour l'instant, le Kremlin a réagi en essayant de centraliser le plus possible. Bien que les impulsions régionalistes n'aient pas été jusqu'à présent particulièrement puissantes ou importantes, il est toujours nécessaire de garder un œil sur la situation en Sibérie. Région cruciale pour la Russie, qui tire l'essentiel de ses richesses de cette terre sans limites et peu peuplée, la Sibérie risque de devenir la prochaine cible américano-occidentale pour lancer l'assaut contre la Russie qui a d'abord vu l'effondrement de l'Ukraine puis du Belarus dans son environnement proche. La nouvelle administration américaine veut continuer sur la voie belliciste déjà empruntée par Obama, dont elle a recyclé de nombreux ex-collaborateurs : elle entend, sans fléchir, exercer une pression maximale sur la Russie.

Sans oublier le fait que la Chine bénéficierait elle aussi de la faiblesse de la Russie dans la région. Surtout parce que le Céleste Empire a déjà l’avantage d’une proximité géographique qui facilite l'exercice de son influence. Mais pour l'instant, ce ne sont que des hypothèses. Il n'en reste pas moins que le régionalisme sibérien fait son retour.

À propos de l'auteur / Tommaso Minotti

Né en Brianza en 2000. Étudiant en histoire à l'université de Milan, il est passionné par la politique nationale et internationale. Il s'intéresse principalement aux relations entre les nations. Il s'intéresse particulièrement aux questions sociales et économiques qui lient les différents États et garde toujours un œil sur l'histoire. Il collabore également avec L'Antidiplomatico où il gère l'espace "Un altro punto di vista" (‘’Un autre point de vue’’).

jeudi, 04 mars 2021

Pourquoi la Turquie ne peut pas faire pression pour normaliser ses rapports avec les États-Unis

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Pourquoi la Turquie ne peut pas faire pression pour normaliser ses rapports avec les États-Unis

Par Salman Rafi Sheikh

Ex : https://geopol.pt

Alors que les liens entre la Turquie et les États-Unis se sont tendus ces dernières années et qu'un divorce stratégique n'est plus complètement irréaliste, la politique étrangère de la Turquie continue de tourner autour de la question de l'équilibre entre l'Ouest et l'Est. Alors que sa situation géographique aux frontières de l'Asie et de l'Europe semble déterminer en grande partie son orientation désormais plus large en matière de politique étrangère, la Turquie sous Erdogan a également acquis, ou du moins essaie d'acquérir, un statut de grande puissance qui lui permettrait d'agir comme un "équilibreur" entre les deux grands pôles de puissance du monde. Mais le positionnement stratégique particulier de la Turquie, inspiré par la volonté de se rétablir en tant qu'empire "néo-ottoman", capable de mener une politique étrangère véritablement indépendante et d'agir comme une grande puissance, a surtout provoqué une scission entre la Turquie et ses alliés de l'OTAN, en particulier les États-Unis. Les États-Unis ont expulsé la Turquie du programme de développement des F-35, et leurs relations bilatérales n'ont jamais été aussi tendues qu'aujourd'hui. Si la principale motivation de la Turquie pour améliorer ses relations avec la Russie était de diminuer sa dépendance vis-à-vis des États-Unis et d'acquérir ainsi une meilleure position de négociation, elle s'est clairement retournée contre elle ; d'où les tentatives de la Turquie pour rétablir l'équilibre.

Si la Turquie réussit à acquérir les avions F-35 en tant que membre de l'OTAN, cela renforcera considérablement sa capacité de défense aérienne. À cette fin, elle a récemment engagé un cabinet d'avocats basé à Washington pour faire pression en faveur de sa réadmission dans le programme américain d'avions de chasse F-35. Ankara avait commandé plus de 100 chasseurs furtifs et a fabriqué des pièces pour leur production, mais a été retirée du programme en 2019 après avoir acheté des systèmes de défense anti-missiles russes S-400, qui, selon les Etats-Unis, pourraient menacer les F-35.

L'embauche par la Turquie d'une société chargée de représenter ses intérêts démontre qu'une transition politique à la Maison Blanche n'a pas conduit à une transition automatique dans les relations bilatérales entre les deux pays. Cette démarche confirme que leurs désaccords sont fondés sur des différences politiques qui vont bien au-delà des présidents en exercice. Par conséquent, les tentatives de la Turquie de recalibrer ses liens avec les États-Unis ne porteront probablement pas leurs fruits pour une raison : leurs différences ne sont pas politiques ; elles sont stratégiques, et leur convergence théorique, en tant qu'alliés au sein de l'OTAN, est sans cesse mise en balance avec leurs divergences.

Le 23 février, le Pentagone l'a confirmé :

"Il n'y a pas eu de changement dans la politique de l'administration concernant les F-35 et les S-400″. Une fois de plus, nous demandons instamment à la Turquie de ne pas aller de l'avant avec la livraison des S-400".

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La position américaine reste inchangée malgré l'allusion récente du ministre turc de la défense, Hulusi Akar, à la possibilité de trouver une "solution gérable" pour le système S-400.

La position stratégique de la Turquie en tant qu'acteur indépendant, positionné à l'intersection de l'Ouest et de l'Est, est la raison principale de la position inchangée des États-Unis.

D'une part, la rivalité américano-russe est très ancrée dans la ‘’pensée à somme nulle’’, issue de la concurrence de la guerre froide. La Turquie, en revanche, avec sa position géographique très particulière, couplée à sa quête pour traduire les effets de cette localisation en politique étrangère, ne sert pas le jeu à somme nulle des États-Unis contre la Russie.

Le fait que la Turquie ait établi des liens politiques et militaires forts avec la Russie montre que les États-Unis et la Turquie ont des perceptions fondamentalement différentes de la menace. Par conséquent, alors que la Turquie semble croire que le système international actuel n'est plus aussi centré sur l'Occident et dominé par les États-Unis qu'il l'était antérieurement, et que la Turquie devrait poursuivre ses intérêts par un équilibrage géopolitique plus varié, Washington, obsédé qu'il est par la nécessité de trouver remède à la chute des États-Unis en tant que seule superpuissance, considère cette interprétation turque des affaires internationales comme anormale et irréelle. Pour Erdogan et les responsables politiques turcs à Ankara, il s'agit d'un ajustement à la nouvelle normalité de la politique mondiale.

Ces divergences ont également engendré certains points de tension politique, dont la manifestation la plus importante est la crise de longue date entre la Turquie et le Commandement central américain (CENTCOM) à propos de la crise syrienne et de la manière dont les États-Unis continuent à soutenir militairement les milices kurdes, en particulier le GPJ.

Dans ce contexte, l'administration Biden, qui a promis d'œuvrer au rétablissement de la domination américaine au niveau mondial, sera très probablement en mesure de résister aux tentatives de la Turquie d'opérer en tant qu'acteur indépendant au sein de l'OTAN, une organisation qui reste bloquée dans la pensée stratégique propre à la guerre froide et qui continue à s'imaginer inamovible et à se réinventer pour toujours et encore faire la guerre à la Russie en Europe.

Par conséquent, alors que les États-Unis voudraient rétablir les liens avec la Turquie si celle-ci abandonne le système S-400 et retourne à l'OTAN, la Turquie veut effectuer ce rétablissement d'une manière qui amène les États-Unis à l'idée d'accepter la nouvelle réalité géopolitique dans le voisinage de la Turquie, y compris le rôle de la Turquie en Syrie, et les changements plus généraux dans les affaires internationales.

Si un idéaliste préconise de trouver un "terrain d'entente" pour rapprocher les deux pays, il n'en reste pas moins que les États-Unis n'ont aucune raison impérieuse de redéfinir leur vision centrale du monde pour satisfaire la Turquie. Dans l'état actuel des choses, la Turquie n'est pas un allié indispensable de l'OTAN. C'est ce qui ressort du fait que les États-Unis préparent déjà des plans pour déplacer leur base aérienne d'Incirlik en Turquie vers l'île grecque de Crète.

Bien que cette relocalisation constitue un revers majeur pour la Turquie, elle servirait tout de même les intérêts américains dans la région. D'autre part, si la Turquie décide d'abandonner les S-400, cela restera un revers stratégique très important pour son positionnement en tant qu'acteur international majeur capable d'influencer des régions bien au-delà de ses frontières territoriales, et pour son image d'empire "néo-ottoman".

Si la Turquie a proposé de trouver une formule de compromis et de fixer les conditions dans lesquelles les S-400 peuvent être rendus opérationnels et utilisés, l'avenir de cette offre reste tributaire de la manière dont l'administration Biden l'interprète et y répond, ce qui dépend à son tour de la manière dont cette formule peut préserver et renforcer les intérêts américains au niveau régional et mondial.

Anna Gichkina interviewée par la revue La Emboscadura​ sur le mystère russe, l'âme occidentale et la pandémie actuelle

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Anna Gichkina interviewée par la revue La Emboscadura​ sur le mystère russe, l'âme occidentale et la pandémie actuelle

Anna Gichkina

Ex: https://www.linkedin.com
Propos recueillis par Jordi Garriga
 
Anna Gichkina, PhD, Directrice de la Communication chez Adscientis, Auteur/Conférencière sujets franco-russes, Présidente du think tank "Cercle du Bon Sens", Artiste Chants russes

Interviewée par Monsieur Jordi Garriga pour la revue espagnole La Emboscadura. Texte en français suivi par sa traduction en espagnol (langue de la revue) réalisée par également par Jordi Garriga. Février 2021. Je les remercie de cette belle attention.

1.     La première question qui nous parâit essentielle : vous êtes née à Arkhangelsk, sur les rives de la mer Blanche, sur les rives du cercle polaire arctique, vous êtes une fière citoyenne russe, alors comment avez-vous décidé de vous installer en France, un pays apparemment si différent ?

Avant tout, je tiens à vous remercier pour cette aimable attention à mon égard. Je tiens également à souhaiter une belle année 2021 à vous et à tous vos lecteurs.

Pour répondre à votre première question je commencerai par dire que je suis née et j’ai habité dans la ville qui s’appelle Arkhangelsk et non pas Archange bien que l’étymologie de « Arkhangelsk » réfère à « Archange », l’Archange Michaïl étant le patron de ma ville avec sa représentation sur son blason. Et il s’agit bien du cercle polaire, oui. Notre ethnie s’appelle Pomors (des deux mots : le mot « po » qui se traduit par la préposition « sur » et le mot « more » qui se traduit comme « la mer »). Une des rares ethnies slaves qui s’est très peu mélangée avec d’autres slaves ni avec des peuples étrangers. Juste un peu avec les Finois à un moment de l’histoire. 

En 2005, je suis arrivée en France. Ce fut une suite logique de mes études universitaires russe où ma spécialisation était la langue et la civilisation française. J’ai étudié cinq années durant la langue française enseignée par les professeurs russes qui, majoritairement, n’ont jamais été en France, donc les conditions d’apprentissage d’une langue étrangère furent isolées de l’imprégnation de la culture réellement française. Et un beau jour une possibilité d’aller étudier dans le pays de ma spécialisation vient vers moi (et encore fallait-il se battre pour pourvoir sortir de la Russie et être acceptée en France directement au niveau supérieur d’études). J’ai pris la décision de saisir cette possibilité d’un long voyage pour deux raisons : perfectionnement de mes connaissances de la culture française et curiosité très forte de voir comment les gens vivent ailleurs qu’en Russie. Néanmoins m’installer en France cela n’a jamais été mon objectif ni ma volonté. J’ai eu beaucoup de projets (professionnels et personnels) en Russie et ma volonté était le retour en Russie après l’acquisition d’un diplôme français. Mais à vingt-deux ans la tentation d’une vie confortable et rassasiée que la France m’offrait m’a corrompue… J’ai eu une vie très modeste en Russie, surtout durant mon enfance soviétique, et les joies capitalistes que la France me proposait m’ont tourné la tête… A cette époque, je ne me rendais pas encore compte qu’en choisissant le confort et satiété je perdais mon âme…

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La pression de mes parents en Russie pour qui mon éventuel retour aurait été considéré comme échec ne m’aidait pas à faire le meilleur choix, mes parents pensaient qu’en France j’aurais un avenir meilleur (cette ancienne génération des Russes qui ne sont jamais sortis du pays et qui pensent qu’en Europe la vie est belle et facile pour tout le monde). Mais aujourd’hui les choses ont changé pour moi, au bout de 15 ans de vie dans un pays étranger qui est la France. J’ai su apprécier l’accueil que la France m’a réservée, j’ai su voir sa générosité, sa sécurité, son respect et sa considération. C’est un pays qui, différemment de la Russie, sait s’occuper de la sécurité et du confort de ses citoyens. La seule chose qui ne me rend ici qu’à moitié vivante c’est le vide spirituel dans l’air, c’est le vide d’un noyau culturel qui fut pourtant fort auparavant, c’est l’absence de foi en « beauté qui sauvera le monde », c’est le potentiel humain qui est de plus en plus réduit ici aux besoins de base dans la pyramide de Maslow. Mais on ne peut pas tout avoir. Ma vie est désormais en France, mon mari est Français, mon enfant aussi, et la famille c’est ce qui compte avant tout. Chaque culture est différente et chaque culture a ses richesses et ces défaillances. Concernant le monde occidental et la Russie j’aimerais citer ici cette phrase de Dostoïevski : « L’Europe nous donne le « ratio » et nous, nous lui donnons le Christ ». L’idéal ce serait d’avoir et de vivre ces deux génies à la fois. Mais l’idéal est justement idéal parce qu’il est parfait et inatteignable.

2.     Pour nous, Européens de l’Ouest, il est courant de dire ou de supposer que « la Russie est un mystère » ou qu’elle est incompréhensible. C’est vraiment cela ? La Russie est-elle un pays européen particulier ou est-ce tout autre chose ?

Oui. La Russie est un pays « incompréhensible avec la raison » comme dirait Tutcheff. La Russie est incompréhensible même pour les Russes eux-mêmes comment voulez-vous qu’il soit accessible à la compréhension des étrangers. 

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La Russie pour moi n’est pas un pays européen. Je la mettrais à part. Je dirais que c’est une civilisation à part. Ce qui nous laisse la définir comme européenne c’est l’affirmation des origines gréco-romaines communes avec le monde européen. Mais quand on prend en considération cet argument on oublie de nous rappeler que l’empire romain à la fin de son existence s’est divisé en deux mondes :  Rome et Byzance. Et c’est de Byzance que naît la civilisation russe et non pas de Rome et quand on comprend la provenance de la culture russe on explique mieux les différences fondamentales entre la Russie et l’Occident.

3.     La religion joue un rôle fondamental dans la composition mentale des peuples. Dans le cas du christianisme, il est évident que la culture des racines catholiques et celle des racines orthodoxes ont développé, depuis la séparation de ces Églises, des mentalités différentes. Dans quelle mesure cela a-t-il pu séparer nos nations spirituellement ? 

Oui, la mentalité de la civilisation occidentale héritière de Rome est différente de celle de la civilisation russe héritière de Byzance. Je pense que la séparation spirituelle des nations dont vous parlez réside principalement dans la question de la souffrance. L’Occident a pris la voie slalom qui a pour objectif principal d’éviter la souffrance et la Russie s’est mise sur la voie opposée, la voie qui cultive la souffrance pour faire grandir l’âme. Si on regarde attentivement le développement de ces deux branches du christianisme à partir du schisme on peut très bien observer la modernisation progressive du catholicisme (sans parler du protestantisme qui se modernise encore plus vite) et son adaptation aux besoins et aux façons nouvelles de vivre à chaque nouvelle époque. L’orthodoxie, elle, reste rétrograde, relativement constante et fidèle au christianisme originel. Sa pratique nécessite donc le sacrifice constant du matériel, notamment du confort (rien que l’absence des bancs dans l’église et les messes debout pour tout le monde sans exception ou encore les restrictions quant au comportement à l’intérieur de l’église, l’interdiction aux femmes d’entrer dans la partie où ce trouve l’autel, interdiction d’entrer dans l’église aux femmes avec leurs têtes découvertes, interdiction d’entrer dans l’église aux femmes en période de leur menstruation, les messes en ancien slavon qui rend leur contenu incompréhensibles à ceux qui les écoutent etc.) Cet effort et ce sacrifice permettent de vivre dans la conscience du sacrifice du Christ, parce que là où il y a la souffrance il y l’humilité. La souffrance et l’humilité ce sont deux mots qui résument l’orthodoxie. Lisez Dostoïevski, c’est le meilleur exemple de la mentalité russe.

9782343141343-xs.jpg4.     La figure d’Eugène-Melchior de Vogüé est totalement inconnue en Espagne, et nous pensons qu’il est très probable qu’en France c’est aussi le cas … Pourquoi ce personnage vous a-t-il encouragé à écrire sur lui ? 

E.-M. de Vogüé fut un Homme noble non seulement par sa lignée mais aussi par son cœur. C’est un Français qui a merveilleusement bien senti l’essence de l’âme russe et qui a su la décrire à ses compatriotes d’une façon si éloquente et passionnante que les Français sont restés pendant longtemps figés dans cet émerveillement. Cet illustre personnage de l’histoire française qu’est Vogüé m’a fasciné par son parcours intellectuel et personnel mais surtout m’a encouragé à œuvrer, à son exemple, à la meilleure compréhension de la Russie en France et en Occident en général. L’art du « ratio » tellement propre à la culture occidentale et tellement accompli dans les textes de Vogüé c’était pour moi comme le maillon manquant à la meilleure explication de l’âme de mon pays.

5.     D’un point de vue traditionnel et conservateur, on peut voir comment « les droits de l’homme » sont établis comme une sorte de pseudo-religion planétaire, sans aucun lien avec le passé. Sans affirmer que c’est le résultat de conspirations , pourquoi certains groupes et certaines personnes verraient-ils bien de construire une religion sans transcendance ? Est-ce possible ?

Si l’on prend le mot religion dans son sens unificateur de rassembler le peuple ou des peuples autour d’un élément culturel commun alors dans ce cas oui la religion sans transcendance est possible, cela s’appelle l’idéologie. Je pense à l’URSS ou l’idéologie des Droits de l’Hommes. Mais si l’on prend le mot religion dans son sens étymologique et originel (du latin « relegare » - relier) la religion est donc ce qui permet de relier le Ciel avec la Terre et la transcendance dans ce cas est la condition fondamentale. Toute société qui a éliminé Dieu et le sacré de sa culture redevient barbare parce que ce n’est pas le contrat social qui unit véritablement la société et fait les lois c’est le cœur des hommes et leur foi en idéal parfait et absolu. Comme l’homme est fait pour croire et pour avoir la foi, si l’on lui enlève Dieu il trouvera autre chose à croire. Il croira alors en l’argent ou en un autre homme. Mais le problème d’une telle situation est que l’absolu est remplacé dans ce cas par le relatif et les vérités relatives, les idéaux changeants ne sont pas capables de créer des cœurs nobles et de satisfaire l’homme spirituellement. Il n’y a que la perfection absolue qui est crédible et qui est une source inépuisable d’espérance et du perfectionnement de l’âme humaine.

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6.     La littérature, la musique, la poésie … sont sans aucun doute des activités humaines aussi nécessaires que manger et dormir. Les tendances artistiques dites « contemporaines » qui semblent s’appuyer sur le plus laid et le plus vil de l’âme humain, sont-elles vraiment de l’art ou sont-elles juste une autre affaire basée sur les émotions et non sur les sentiments ?

Cette question est très compliquée. Tout peut être appelé art à partir du moment où il s’agit de la création consciente de quelque chose par quelqu’un avec un but conscient et voulu également. Comme le but de chaque création est différent les émotions qu’elle provoque sont également différentes. La question du beau et du laid dans l’art est une question de choix personnel, tout comme le choix de la théorie philosophique : il y en a ceux qui aiment Schopenhauer et ceux qui aiment Pascal ou Florensky etc. Ou c’est comme choisir le monde avec Dieu ou le monde sans Dieu. Faut-il encore bien définir ce que l’on entend sous « beau ». Quant à moi, le beau pour moi c’est ce qui est moral et haut. L’art pour l’art ce n’est pas pour moi. 

7.     La Russie est un pays qui a réussi à surmonter un terrible effondrement survenu il y a trente ans. Au-delà du politique, l’âme russe a-t-elle démontré sa force, malgré la période soviétique, ou peut-être grâce à elle ?

L’âme russe a toujours su préserver son essence. « La Russie change de Maîtres mais reste inchangée elle-même », - peut-on lire chez Custine. (Je crois que c’est la seule phrase positive que nous pouvons trouvez chez lui à l’égard de la Russie, mais quelle phrase !) Peu importe quelle secousse vit la Russie dans son histoire, son pilier qui est l’orthodoxie culturelle ne bouge pas parce que si le pilier bouge la maison s’écroulera. Le peuple russe a comme une sorte de conscience collective archétypale de ce pilier et de son importance.

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8.     La pandémie actuelle et la crise dans laquelle elle nous entraîne, malgré toute la propagande, seront-elles un catalyseur qui pourra réveiller le meilleur des Européens (spirituellement, culturellement) ou, peut-être, le point de non-retour qui fait définitivement de l’Union européenne la version orientale des USA (déracinement, consumérisme, hédonisme) ?

L’Occident n’a plus de pilier, lui. Ce qui donne l’espoir, le sens et la force aux pays comme la Russie fut éliminé en Occident. Les sociétés déracinées ne savent plus comment faire pour être heureux et sereins. Je ne suis pas sûre que la situation covid réveillera dans les sociétés la nostalgie de l’éternité, je pense que pour cela il faut une situation beaucoup plus grave. La tension et l’incertitude actuelle risquent d’amplifier et de faire ressortir plutôt le pire qui est en nous : toutes les peurs, les mal êtres, les frustrations relatifs à la succession des besoins qui restent sans satisfactions en engendrant de nouveaux besoins. 

9.     Vous dirigez l’association « Cercle du Bon Sens », visant principalement à une bonne entente entre les peuple russe et français (nous comprenons européen en général) . Nous aimerions que vous nous informiez de certaines activités ou réalisations remarquables.

Avec plaisir. Vous êtes les bienvenus. Avant les restrictions covid imposées nous avons organisé un événement par mois. Nous refusons de passer en mode wébinars car les rencontres et échanges intellectuels réels sont importantes pour nous.  

10.  Enfin, nous sommes curieux de connaître votre opinion sur l’Espagne, sur le peuple espagnol, qui a toujours eu une relation particulière avec la Russie à distance et malgré les guerres.

Espagne ! Merveilleux pays gardant encore ses attaches fortes à ses traditions. S’il reste aujourd’hui en Occident un pays où le sacré est encore dans l’air c’est bien le vôtre. Je regarde en ce moment la série Netflix « Casa del Papel ». Ce que je remarque dans cette ciné-production contemporaine espagnole c’est le courage d’accentuer par les moments les racines chrétiennes de votre culture et le courage de ne pas être politiquement correct dans le choix des acteurs. L’atmosphère espagnole de chaque épisode ne laisse aucun doute sur le pays par lequel la série fut créée. 

mardi, 02 mars 2021

Occident/Russie : déconnexion totale

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Occident/Russie : déconnexion totale

par Alain RODIER

Ex: https://cf2r.org

Les néoconservateurs américains, suivis par leurs homologues européens, ont gagné. Il semble que les liens entre l’Union européenne et la Russie sont désormais bien coupés. Il reste bien le projet North Stream II, qui doit approvisionner l’Allemagne en gaz russe, mais nul doute que les lobbies vont tenter de le torpiller en imposant des sanctions aux entreprises qui y participent. Résultat, l’Allemagne risque de finir par être dépendante des énergies ayant reçu le blanc-seing des écologistes radicaux. En résumé, fourniture d’électricité par les centrales au charbon, appel au gaz de schiste américain et à divers apports extérieurs dont le nucléaire français.

L’inflexion de la politique étrangère américaine

Il convient de constater que la nouvelle administration en place à la Maison-Blanche applique la maxime : « America is back ! ». En attendant de s’attaquer au « dur » de sa politique étrangère – les relations avec la Chine et l’Iran -, Joe Biden a en tout cas trouvé là un slogan censé rompre avec son prédécesseur et indiquer la marche à suivre pour les prochaines années. Il convient que les États-Unis soient à nouveau « prêts à diriger le monde, pas à s’en éloigner, prêts à affronter nos adversaires, pas à rejeter nos alliés, et prêts à défendre nos valeurs. ».

Le programme est le suivant : le retour à l’ordre international tel que les États-Unis l’ont défini au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. À la doctrine du désengagement de guerres au faible rapport coût/efficacité voulue par Donald Trump, Biden propose une ancienne doxa modifiée à l’aune des « valeurs » progressistes dont il s’est fait le champion lors de sa campagne : le monde se porte mieux quand l’Amérique en assume la direction. Plus néoconservateur, on ne fait pas ! En premier lieu, il a pris le contre-pied de l’alliance passée par son prédécesseur avec l’Arabie saoudite emmenée par le prince Mohammed Ben Salman. La décision la plus spectaculaire a été le gel des livraisons d’armes à Riyad, engagé dans une longue guerre contre les insurgés houthis au Yémen. Il s’agit de « faire en sorte que les ventes d’armes par les États-Unis répondent à nos objectifs stratégiques » a souligné un porte-parole du département d’Etat, tout en qualifiant cette mesure de « routine administrative typique de la plupart des transitions. » le nouveau président a toutefois réaffirmé, le 26 janvier dernier, l’engagement de Washington « à aider notre partenaire, l’Arabie saoudite, à se défendre contre les attaques sur son territoire. » C’est que derrière l’effet d’annonce, le montage diplomatique bâti par Trump autour de la reconnaissance d’Israël et incluant désormais les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan, mérite probablement d’être prolongé. D’autant plus que les Russes sont embuscade en mer Rouge, région éminemment stratégique où ils font les yeux doux au Soudan afin de trouver un point d’appui pour leur flotte.

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Joe Biden a également décidé de prendre le contre-pied de son prédécesseur concernant l’OTAN et, en particulier concernant la présence militaire américaine en Allemagne. Trump, qui avait de mauvaises relations avec la chancelière Angela Merkel, avait annoncé en 2020 vouloir diminuer d’environ 9 000 hommes ce contingent qui compte près de 35 000 militaires. Cette décision avait été présentée comme une sanction envers Berlin – mais aussi indirectement à l’encontre des autres pays membres de l’OTAN – accusé de ne pas mettre assez la main à la poche.

Le retour de l’« ennemi » russe

Surtout, Joe Biden semble décidé à remettre les pendules à l’heure avec la Russie suspectée d’ingérences multiples, lors des élections américaines et dans bien d’autres pays. Ce n’est pas le retour à la Guerre froide mais cela y ressemble furieusement avec une nuance que ne soulignent généralement pas les experts : le Kremlin ne veut plus envahir l’Europe pour la convertir au marxisme-léninisme. Pour Washington, le temps des « indulgences » est fini. Lors de son premier appel à Vladimir Poutine, Biden n’a pas hésité à aborder les sujets qui fâchent : le sort de l’opposant Alexeï Navalny et de ses partisans, le piratage d’institutions fédérales américaines, les récompenses offertes aux talibans afghans tueurs de soldats américains – selon des informations dont une partie est, au moins sujette à caution. Il y est même allé d’un avertissement à peine voilé : « J’ai clairement dit au président Poutine, d’une façon très différente de mon prédécesseur, que le temps où les Etats-Unis se soumettaient face aux actes agressifs de la Russie, l’ingérence dans nos élections, les piratages informatiques, l’empoisonnement de ses citoyens, est révolu. Nous n’hésiterons pas à en augmenter le coût pour la Russie et à défendre nos intérêts vitaux et notre peuple ». Ce discours est à l’évidence à usage interne car il n’a aucune chance d’être entendu puisque, pour les responsables russes, l’agresseur, c’est Washington.

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Les médias pro-Biden – en particulier européens – ont applaudi, insistant beaucoup sur le soutien apporté aux « démocrates » russes. Vladimir Poutine a, comme d’habitude, gardé son calme, préférant se féliciter d’un accord ouvrant possiblement l’extension pour cinq ans du dernier traité de réduction des arsenaux nucléaires (New START), mais rien n’est encore signé : « Prenons d’abord connaissance de ce que les Américains proposent et nous ferons ensuite un commentaire » a tempéré, le porte-parole du président russe. Il sait qu’en dépit de l’enthousiasme quasi unanime affiché lors de la victoire de Biden, nombre d’Européens ne sont pas encore totalement soumis à Washington.

Plus grave encore, il semble, selon Moscou, que les néoconservateurs ont décidé d’exploiter l’affaire Navalny dans l’ambiance explosive crée par la pandémie de la Covid-19. Ces derniers espèrent, en jetant des milliers de manifestants dans la rue – chiffres pour le moment invérifiables -, provoquer une situation de chaos en Russie, dans le but de renverser le pouvoir en place qui ne leur convient pas car il n’est pas « aux ordres ». Cette manière de procéder est loin d’être nouvelle pour les États-Unis qui prennent toujours garde d’intervenir par proxiesinterposés.

La Russie est ainsi redevenue, que l’on le veuille ou non, l’« ennemi conventionnel » suite aux mesures prises par Washington.

Selon Arnaud Dubien, fin connaisseur de la Russie, « 2014 avait marqué la fin des illusions sur la convergence entre la Russie et l’Occident, processus généralement compris comme l’adoption par Moscou du modèle et des règles du jeu édictées à Bruxelles et Washington ». Autant dire un asservissement aux règles édictées par ces entités. Il est compréhensible que les Russes, de culture orthodoxe et encore imprégnés d’un héritage marxiste, aient été réticents à adhérer aux systèmes de pensée occidentaux jugés décadents et pervers.

Alors que doit répondre Moscou ? Toujours selon A. Dubien « ce qui s’est passé à l’occasion de la visite de Josep Borrell au début février à Moscou indique que la Russie n’est pas demandeuse de dialogue politique, en tout cas pas selon l’agenda et les modalités voulues par Bruxelles. Le Kremlin se sent fort, laissera venir et avisera ».

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En résumé sur le plan politique, économique, culturel, etc. la Russie n’attend plus rien de l’Union européenne, considérée comme étant en train de se saborder, à tous points de vue. Peu à peu, ce qui était acheté en Europe est fourni localement ou, à défaut, importé d’autres pays, comme la Chine. Il ne pas se faire d’illusions, les agriculteurs européens en général et français en particulier ne vendront plus rien en Russie dans les années à venir.

Sur le plan militaire, les jeux de « gros bras » se poursuivent, l’OTAN et la Russie continuant à se tester mais sans intention de conquête de part et d’autre. La Pologne et les Etats baltes ont beau agiter la menace représentée par l’Ours russe – qui certes a récupéré la Crimée jugée comme vitale par le Kremlin -, la Russie ne va pas envahir ces pays. Par contre, il n’est pas exclu que Moscou agisse comme le fait Washington, en procédé à des « révolutions de couleur », en y organisant des troubles via des tiers (ONG, sympathisants) afin de maintenir les pouvoirs politiques locaux dans l’incertitude voire l’inquiétude.

Le Grand Nord, nouvel enjeu ?

Sans évoquer sur les opportunités économiques – en partie liées au réchauffement climatique – que beaucoup citent, jusqu’à présent, le Grand Nord était le terrain de jeu quasiment exclusif des bombardiers stratégiques russes.

Mais les forces américaines ont récemment montré leur intérêt pour cette région qui ne peut plus être considérée comme une « zone tampon » pour les États-Unis. En 2020, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, l’US Navy a envoyé quatre navires (USS Donald Cook, Porter, Roosevelt et USNS Supply) en mer de Barents, point de départ des sous-marins russes opérant dans l’espace océanique appelée GIUK (Groenland/Iceland/United Kingdom), d’une importance capitale pour les liaisons maritimes entre l’Europe et l’Amérique du Nord.

De son côté, l’US Air Force a mené plusieurs exercices dans la région, notamment en y dépêchant des bombardiers B-1 Lancer (qui n’ont plus de capacité nucléaire) qui ont survolé la Norvège et la Suède. En 2021, l’armée de l’air américaine a l’intention de déployer quatre de ces appareils en Norvège. Ils seront stationnés sur la base aérienne d’Ørland. Cette mission devrait officiellement améliorer l’interopérabilité avec les alliés et les partenaires de Washington en Europe et habituer les forces aux opérations dans le Grand Nord. « La disponibilité opérationnelle et notre capacité à soutenir nos alliés et nos partenaires et à réagir rapidement sont essentielles au succès », a déclaré le général Jeff Harrigian, commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique. « Nous apprécions le partenariat durable que nous avons avec la Norvège et attendons avec impatience les opportunités futures pour renforcer notre défense collective », a-t-il ajouté.

*

Force est de constater que la rupture Occident/Russie est consommée. Elle était prévisible. Il y a déjà longtemps que Moscou a retiré ses observateurs de l’OTAN. Le divorce est également acté avec l’Union européenne, suite au récent voyage de Josep Borell à Moscou et au les prochaines sanctions prévisibles suite à l’affaire Navalny.

lundi, 01 mars 2021

Les maîtres de la philosophie allemande et russe se sont influencés mutuellement pendant un siècle

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Les maîtres de la philosophie allemande et russe se sont influencés mutuellement pendant un siècle

Dr. Paul Kindlon

Ex : https://russia-insider.com/en/

Les historiens littéraires mentionnent fréquemment l'influence allemande sur la littérature russe du XIXe siècle. En effet, on peut affirmer que les premiers écrivains romantiques russes ont beaucoup emprunté à des écrivains allemands tels que Heine, ETA Hoffman, Novalis et Goethe. Cependant, peu de choses ont été écrites sur la manière dont les écrivains russes ont influencé la pensée et la conscience allemandes.

Le lien russo-allemand - d'un point de vue politique - remonte aux grandes rébellions paysannes et citadines de 1848-49. Richard Wagner - compositeur classique de grand talent et nationaliste allemand - a en fait combattu sur les barricades aux côtés de l'anarchiste russe Mikhaïl Bakounine lors du soulèvement de Dresde en 1849. Le jeune Wagner rêvait d'une nouvelle forme de société et d'une nouvelle forme d'art. Les radicaux russes étaient du même avis.

Mais les écrivains russes, en particulier Tolstoï et Turgueniev, ont eu des suites bien plus importantes. Les écrits de ces deux Russes ont eu une forte influence sur les intellectuels allemands. Le premier dans le domaine de la spiritualité et le second dans la sphère de la politique. Les romans de Turgueniev, les Mémoires d'un chasseur et Pères et fils, ont inspiré des milliers d'intellectuels allemands qui rêvaient de changement social et de progrès politique. Turgueniev s'est même installé à Baden-Baden. Mais pour l'écrivain russe Gontcharov, c'est l'Allemand qui doit servir de modèle à "l'homme du futur". Dans son roman Oblomov, un aristocrate russe paresseux et passif (un homme superflu qui n'aime rien de plus que le sommeil) est juxtaposé à un autre personnage vivant, actif et pratique ; qui est à moitié allemand, Stoltz. L'idée étant que les Russes doivent devenir des "hommes d'action" et ne pas gâcher leur vie dans un monde de rêve.

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Turgueniev.

Plus que quiconque, cependant, c'est l'écrivain russe Dostoïevski qui influencera le philosophe Nietzsche qui, par la suite, influencera la pensée allemande (et occidentale) pendant plus de cent ans.

Dostoïevski et Nietzsche

Qualifiant Dostoïevski de "maître psychologue", Nietzsche a lu avec grand intérêt les romans de l'écrivain russe. Il n'était pas seul. À la fin du XIXe siècle, l'Allemagne a connu une flambée de ce que l'on a appelé "l'effet Raskolnikov" : de jeunes hommes désillusionnés qui s'identifiaient au héros commettaient un meurtre (généralement un amant) puis tentaient de se suicider.

Raskolnikov est le protagoniste du roman très philosophique Crime et châtiment de Dostoïevski. Le héros est certain de sa supériorité et de sa grandeur et le prouvera en assassinant sans pitié. À sa grande surprise - alors que Nietzsche avait du mal à publier ses œuvres - il découvrit que le public russe le connaissait déjà et aimait ses écrits ! (Soit dit en passant, l'amour de sa vie, était une intellectuelle et féministe germano-russe du nom de Lou Andreas Salome).

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Nietzsche a été tellement marqué par les écrits de Dostoïevski que son dernier acte de santé mentale - ou peut-être son premier acte de folie - est venu directement d'une scène de Crime et Châtiment. Pendant son séjour à Turin, en Italie (1889), Nietzsche quitte son hôtel et voit une vieille jument - à peine capable de bouger - se faire fouetter par un chauffeur. Tout comme Raskolnikov rêvait de protéger une vieille jument battue en lui jetant les bras autour du cou, Nietzsche a couru vers le pauvre animal souffrant et a jeté les bras autour de la jument en pleurant hystériquement.

Le philosophe allemand qui s'insurgeait contre la "pitié" en tant que forme de morale esclavagiste, qu'il fallait surmonter, ne pouvait pas suivre son propre enseignement à ce stade. C'est un cruel tour de l'histoire que les pensées de Nietzsche aient été adoptées - et modifiées - par les nazis qui, avec une bravade wagnérienne, allaient envahir la patrie de Dostoïevski. Nietzsche - l'homme - aurait été consterné par cet acte sauvage des Raskolnikovs allemands.

dimanche, 28 février 2021

Urga. Le pays de Ungern

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Urga. Le pays de Ungern

Par Stanislav Khatuntsev

Ex : https://centroevolianogranada.blogspot.com

Traduction vers l’espagnol de Juan Gabriel Caro Rivera

Le baron blanc qui a accordé l'indépendance à la Mongolie

Dans la steppe montagneuse de Mongolie, le vent souffle de façon incontrôlable d'un côté à l'autre, ne laissant que de l'herbe à la surface du sol. Le sifflement et le hurlement des éléments provoquent une horreur à la fois archaïque et mystique. Et au milieu des hurlements du vent, on entend le hennissement d'un cheval qui brise la monotonie de ce paysage abrupt et sauvage. Au-delà de l'horizon, au sommet d'une haute colline rocheuse, sur laquelle les nuages passent fantastiquement et rapidement, apparaît la figure d'un cavalier portant une robe mongole dorée. Le cheval, comme s'il s'agissait d'une énorme tour sombre, se cabre et se cabre, coupant l'atmosphère avec ses yeux fous. Son cavalier l'apprivoise avec une main de fer. Il s'agit du baron Ungern.

Il y a exactement 100 ans, une série d'événements importants se sont produits qui sont associés à son nom.

Le lieutenant général Roman Fedorovitch von Ungern-Sternberg est sans aucun doute une figure légendaire. Il était l'un des dirigeants du mouvement Transbaïkalien Blanc, étant le second à commander ce système qui avait été créé par l'ataman Semyonov, à qui l'amiral Koltchak, en tant que souverain suprême de la Russie, avait transféré tous les pouvoirs militaires et civils des territoires qui se trouvaient dans "l'Extrême-Orient russe".

Roman Fedorovitch était un ami de Semyonov pendant la Première Guerre mondiale et les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Tous deux se sont battus ensemble. Au cours de l'été 1917, Semyonov, qui avait les pouvoirs du gouvernement provisoire, retourna dans sa patrie en Transbaïkalie. Il a appelé Ungern à venir dans sa patrie et à y rester avec lui. C'est là qu'ils ont commencé à lutter ensemble contre les bolcheviks. Lorsque Semyonov prit Chita en août 1918, le baron de la division de cavalerie asiatique établit plus tard sa base d'opérations à Dauria, où il contrôlera le trafic de l'East China Railway.

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C'est là que ce général blanc a commencé à concocter des plans de proportions véritablement planétaires: il souhaitait ressusciter dans tout l'Ancien Monde les monarchies qui étaient tombées, en restaurant les dynasties renversées de Chine (les Qing) et de Russie (les Romanov). Le territoire de Khalkha, également connu sous le nom de ‘’Mongolie extérieure’’, sera la première étape de la réalisation de ses plans. En août 1920, Ungern, avec son armée de "smachus" (cosaques), arrive en Mongolie fin octobre et prend d'assaut sa capitale Urga.

À partir de l'automne 1919, la Khalkha est occupée par les "gamins", soldats de l'Armée républicaine de la Chine révolutionnaire, qui volent et oppriment les Mongols, perpétrant toutes sortes d'injustices et de violences contre la population, afin de venger le fait que, quelques années auparavant, les Mongols avaient osé se libérer de la domination chinoise. Urga était la base et le quartier général de ces envahisseurs, qui disposaient d'une force militaire assez importante et bien équipée selon les normes locales. Les troupes d’Ungern étaient 10 à 12 fois moins nombreuses que les troupes chinoises, tandis que les fils de l'Empire Céleste étaient largement inférieurs en nombre de canons. Il n'est donc pas surprenant que les deux assauts désespérés que le baron a lancés contre Urga aient échoué.

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Finalement, Ungern a retiré ses troupes de l'autre côté du fleuve Kerulen, qui était le centre de la résistance contre les envahisseurs chinois et où l'empire de Gengis Khan a émergé. De nombreux Mongols, mécontents de la domination chinoise sur leur pays, y affluent de partout.

La Division de Cavalerie Asiatique a rapidement récupéré les troupes qu'elle avait perdues, tandis que son chef, qui comprenait parfaitement l'ennemi, menait une guerre psychologique efficace contre la garnison des "gamins". Après quelques mois, les Chinois superstitieux, qui se sont retrouvés dans un pays très différent de leur patrie, laquelle est pleine de riz et de soie, attendaient que le terrible châtiment des dieux puissants qui protégeaient le "Bouddha vivant", le grand prêtre d'Urga et souverain de Mongolie, Bogdo-Gegen, leur tombe dessus à tout moment. Chaque nuit, ils regardaient avec crainte les gigantesques feux de joie allumés par les habitants et les soldats d’Ungern au sommet de la montagne sacrée Bogdo-Khan-ul, au sud de la ville. Les terribles rumeurs propagées par les agents du baron privent les "gamins" de tout espoir de victoire.

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Peu avant la nouvelle attaque contre Urga, quelque chose d'absolument incroyable se produisit: dans la cour de la maison du gouverneur, Chen Yi, et en plein jour, un jour d'hiver, Ungern lui-même est apparu. Comment il a réussi à traverser la capitale ennemie sans se faire repérer est incompréhensible, surtout si l'on considère qu'elle était pleine de troupes, grouillante de patrouilles et entourée de toutes sortes de postes armés. Sur le chemin du retour, le baron a remarqué une sentinelle chinoise qui dormait devant la porte de la prison. Une telle violation de la discipline militaire l'exaspère au plus profond de son âme, et le général blanc réveille le soldat négligent à coups de poings, lui expliquant qu'il est impossible de dormir pendant la garde, car lui, Ungern, va le punir de ses propres mains. Après cela, le chef de la Division de Cavalerie Asiatique a calmement quitté la ville et s'est rendu à Bogdo-Khan-ul. Après la panique provoquée par sa fuite, les soldats n'ont pas pu organiser un escadron pour le poursuivre. L'incident a fini par être considéré comme un miracle : seules des forces surnaturelles auraient pu aider le baron dans son infiltration sur le territoire d'Urga et le faire sortir sain et sauf.

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Ce sont ces mêmes forces surnaturelles qui, selon les soldats chinois, ont aidé Ungern à kidnapper - en plein jour, devant toute la ville (au sens littéral du terme) et sous le nez de tout un bataillon de gardes - Bogdo-Gegen, qui était assigné à résidence. Cet événement démoralise même les commandants du corps expéditionnaire chinois : le général Guo Songling s'enfuit de la capitale à la tête d'une unité de gardes qui sont les mieux préparés au combat : c’était un corps de 3000 soldats d'élite de la cavalerie.

La supériorité numérique des Chinois sur la Division de Cavalerie Asiatique diminue, mais elle reste assez importante, étant de cinq à huit fois supérieure au nombre de soldats alignés par Ungern. En revanche, les soldats d’Ungern possédaient 5 à 6 fois plus d'artillerie et de mitrailleuses que les Chinois.

Cela n'a pas empêché le baron de poursuivre une opération bien planifiée qui allait mener au succès de son corps expéditionnaire. Au petit matin du 2 février 1921, un assaut frontal est lancé, auquel les Chinois résistent farouchement. Le lendemain, les combats ont cessé, puis l'assaut a repris et les "gamins" ont fui dans la terreur. La capitale de la Mongolie extérieure a été libérée le 4 février, et Ungern a remporté d'énormes trophées, dont de grandes quantités d'or et d'argent raflées dans les entrepôts de la banque d'Urga.

La guerre contre les Chinois n'était cependant pas terminée et toute une série de batailles acharnées s'ensuivit contre le corps expéditionnaire des Gamins, dont les effectifs étaient encore plusieurs fois supérieurs à ceux de la division de cavalerie asiatique. Mais à la fin, ils furent pratiquement détruits. Peu d'entre eux retournèrent en Chine, et les troupes d’Ungern gagnèrent à nouveau un important butin de guerre, dont plusieurs milliers de prisonniers.

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Le 22 février 1921, une cérémonie solennelle a lieu à Urga : Bogdo-Gegen VIII monte à nouveau sur le trône du Grand Khan de Mongolie. La monarchie est à nouveau rétablie et les Mongols accordent à Ungern toutes sortes d'honneurs et de privilèges. Il a reçu le surnom de Tsagan (c'est-à-dire Blanc) Burkhan, ou "Dieu de la guerre", étant considéré comme l'incarnation de Mahakala-Idam, une divinité lamaïste à six bras qui punissait cruellement les ennemis de la "foi jaune". Désormais, le nom du baron inspirait à ses ennemis une peur superstitieuse. Sous ses bannières étaient réunis tous les représentants de plus d'une douzaine de peuples d'Asie et d'Europe : Russes, Autrichiens, Français, Bachkirs, Chinois, Japonais, Tibétains, Coréens et Mandchous. Il y eut même... un Noir qui servit dans la division de cavalerie asiatique. Il s'agissait d'une petite Internationale blanche qui, sous la bannière de diverses religions traditionnelles - christianisme, bouddhisme et islam - s'opposait à l'athée Internationale rouge.

Fin mai, Ungern a lancé sa dernière campagne contre la Russie soviétique. Il espérait provoquer des soulèvements anti-bolcheviques dans l'Altaï et le Yenisei supérieur, dans la province d'Irkoutsk, en Transbaïkalie. Mais le peuple n'avait aucune envie de se confronter au nouveau gouvernement qui avait remplacé un système prédateur d'appropriation des excédents par une série d'impôts en nature relativement supportables. La lutte dans la région du Baïkal s'est avérée vaine et le baron a fini par se replier en Mongolie. C'est sur le fleuve Egiin-Gol, poursuivi par les "Rouges" et divisé en deux brigades, que la mutinerie a éclaté dans la Division de Cavalerie Asiatique. Von Ungern-Sternberg perdit le contrôle de ses troupes et fut arrêté par les officiers d'une division mongole qu'il s'attendait à ce qu’elle lui restât fidèle. La cavalerie asiatique s'est mise en route vers l'est, en direction de la Mandchourie, et le 15 septembre, le baron a été abattu dans la ville de Novonikolaïvsk, qui était la capitale de la "Sibérie rouge".

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L'épopée d’Ungern à Urga et en Mongolie a eu un impact significatif sur l'histoire de l'Asie intérieure. Sans lui, la Khalkha serait resté sous le contrôle du gouvernement de Pékin. Les autorités de la Russie soviétique ne voulaient pas entrer en conflit avec son voisin du sud et si le baron n'avait pas éliminé les "gamins", les bolcheviks n'auraient pas envahi la région et la Mongolie extérieure n'aurait pas quitté la sphère d'influence chinoise, ce qui est arrivé à la Mongolie intérieure, à l'Ordos, etc. C'est donc grâce à la guerre menée par Ungern que la Mongolie s'est détachée de l'orbite de Pékin et est entrée dans celle de Moscou.

Il est intéressant de noter que, pour la même raison ("l'aventure de Ungern"), la Chine a fini par perdre la région d'Uryankhai, la future Tuva, qui, en 1914, est passée du statut de partie de l'Empire céleste à celui de protectorat de l'Empire russe, et a fait partie de l'URSS jusqu’en 1944. Comme chacun sait, c'est à Tuva (dans la ville de Chadan) que l'actuel ministre de la défense de la Fédération de Russie, Sergei Shoigu, est né.

D'ailleurs, l'actuelle République de Chine (l'île de Taïwan) considère toujours cette région autonome turque, qui fait partie de la Fédération de Russie, comme faisant partie du territoire d'État de la Chine.

Ajoutons à cela que dans l'actuelle république de Mongolie, beaucoup considèrent le général blanc comme un héros national qui a libéré le pays d'une puissance étrangère. En novembre 2015, le musée dédié à Ungern a été solennellement ouvert près d'Oulan-Bator avec l'aide directe de l'Institut d'histoire et d'archéologie de l'Académie des sciences de ce pays.

C'est, à bien des égards, un résultat paradoxal de la vie du monarchiste le plus fidèle et le plus convaincu du XXe siècle.

vendredi, 26 février 2021

L'implication de la Turquie dans le conflit ukrainien va-t-elle conduire à l'intégration du Donbass par la Russie?

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L'implication de la Turquie dans le conflit ukrainien va-t-elle conduire à l'intégration du Donbass par la Russie?

par Karine Bechet-Golovko
Ex: https://russiepolitics.blogspot.com
 
Depuis décembre, l'intérêt grandissant de la Turquie, membre de l'OTAN, pour l'Ukraine inquiète ceux qui ne veulent pas la guerre totale dans le Donbass et sa possible extension au continent européen. En effet, l'accord militaire passé entre les deux pays, prévoyant une production commune pour l'Ukraine de ces drones de combat, qui ont donné la victoire à l'Azerbaïdjan, et la livraison d'une première partie, laisse attendre de nombreuses victimes civiles dans le Donbass et un risque d'extension du conflit. Car tout l'intérêt est là pour les Atlantistes : la Russie va-t-elle s'en tenir à un soutien caché et à des déclarations diplomatiques, et perdre politiquement tant à l'intérieur qu'à l'internatonal, ou bien va-t-elle laisser entendre être prête à défendre le Donbass russe contre cette agression, somme toute, de l'OTAN ? Les globalistes ayant eux-mêmes changé l'équilibre international par le développement d'une politique d'agression massive des pays non-alignés, la question longtemps écartée par la Russie de l'intégration du Donbass pourrait retrouver tout son sens dans ce nouveau contexte conflictuel.  

En décembre 2020, la Turquie et l'Ukraine ont passé un accord militaire concernant la production commune de drones de combat avec transfert de technologie. Et en attendant la mise en route de cette production, l'Ukraine se disait prête à acheter des drones Bayraktar TB2, ces mêmes drones qui ont fait la différence dans le conflit du Haut-Karabakh. Il semblerait, selon certains experts, que la Turquie ait été aidée par les Etats-Unis à prendre la "bonne décision", celle d'une implication active dans le conflit ukrainien, suite à des sanctions imposées à ses entreprises de production d'armes. Cette délicate incitation expliquerait certainement le prix de vente incroyablement bas. En février 2021, l'information tombe d'une vente de 6 drones de combat à l'armée ukrainienne à un prix 16 fois inférieur à celui du marché.

L'intensification de l'activité des forces armées ukrainiennes, en violation directe des Accords de Minsk, oblige effectivement à poser la question d'une reprise "finale" du conflit. De son côté, la Russie appelle les Occidentaux à dissuader l'Ukraine de se lancer dans une folie guerrière, tout en soulignant que l'armée ukrainienne est soutenue, armée et entraînée par ces mêmes Occidentaux. Aucun conflit armé ne peut être contrôlé, il sort toujours des limites initialement prévues et entraîne des conséquences imprévisibles. Les Occidentaux ont-ils réellement envie de se battre pour l'Ukraine ? L'on peut sérieusement en douter. Mais s'ils laissent faire, comme ils le font actuellement, ils pourront être embarqués dans un conflit qui mettra à genoux une Europe, déjà triste fantôme d'elle-même.

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La situation est ici extrêmement complexe (voir notre texte ici). Le Donbass n'est pas le Haut-Karabakh, en cas d'affrontement militaire, la Russie ne peut pas se permettre de rester en retrait. Certes moralement, comme le déclare Kourguiniane, la question du choix entre les néo-nazis de Kiev et les Russes et Ukrainiens du Donbass ne se pose pas : "Personne en Russie ne se permettrait de faire un autre choix, même s'il le voulait". Et le clan dit libéral, présent dans les organes de pouvoir, le voudrait fortement, espérant ainsi enfin entrer dans la danse occidentale, répétant à satiété le choix de 1991 et les erreurs qui l'ont accompagné.

Mais surtout, la situation est complexe sur le plan de la sécurité internationale, car la reprise dans le sang du Donbass par l'OTAN, sous drapeau turco-ukrainien, remettrait totalement en cause, au minimum, la stabilité sur le continent européen. Ce qui, in fine, servirait le fantasme globaliste. 

D'un autre côté, la menace d'une intervention de la Russie, doublée d'une intégration du Donbass dans la Fédération de Russie, pourraient être le seul élément qui fasse réfléchir à deux fois avant de lancer les troupes. Car il y a une différence entre faire la guerre à LDNR et faire la guerre à la Russie.

Cette option de l'intégration avait longtemps été écartée par la Russie pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le scénario de Crimée était unique et n'illustrait pas une vision expansionniste. Ensuite, la Russie n'avait pas la volonté de remettre en cause la stabilité internationale, ce que démontre ses appels incessants à exécuter les Accords de Minsk, qui inscrivent le Donbass dans le cadre de l'état ukrainien, soulignant que dans le cas contraire, l'Ukraine pourrait définitivement perdre le Donbass comme elle a perdu la Crimée. Enfin, car elle espérait, à terme, voir réintégrer l'Ukraine post-Maïdan au Donbass, c'est-à-dire pacifier l'Ukraine, la rendre à elle-même.

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Or, la situation géopolitique a changé. L'intensification de la confrontation entre le clan atlantiste et la Russie modifie la donne sur de nombreux points. Si de toute manière des sanctions sont adoptées en chaîne contre la Russie, si de toute manière la rhétorique anti-russe continue à prendre de l'ampleur, si de toute manière les Atlantistes veulent faire de la Russie un état-terroriste, un paria, pourquoi alors ne pas réagir ? Les réactions asymétriques sont les plus efficaces et l'intégration du Donbass peut être l'une d'elles. Puisque de toute manière, avec ou sans lui, le combat entre dans une phase finale, une raison sera toujours trouvée (voir notre analyse ici) pour combattre la Russie, tant que l'obéissance ne sera pas totale, tant que la Russie ne se reniera pas sur la place publique.

Soit les globalistes n'ont plus le choix, ils doivent gagner ou périr, soit ils n'apprennent pas de leurs erreurs : le Maîdan, cette erreur de trop, qui a conduit à l'intégration de la Crimée, au retour de la Russie, décomplexée, sur la scène internationale, avec la Syrie ou le Venezuela. Dans tous les cas, la Russie a les cartes en main, elle aussi doit faire un choix stratégique, avec toutes les conséquences existentielles que cela implique.

jeudi, 25 février 2021

Pourquoi l'Europe est-elle hostile à la Russie?

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Pourquoi l'Europe est-elle hostile à la Russie?

Par Igor Ivanov

Ex : https://moderndiplomacy.eu

Dans son ouvrage phare de 1871, Russie et Europe, le célèbre intellectuel russe et slave Nikolay Danilevsky a exposé sa théorie selon laquelle "l'Europe reconnaît la Russie comme quelque chose d'étranger à elle-même, et pas seulement d’étranger, mais aussi d’hostile", et que les intérêts fondamentaux de la Russie devraient servir de "contrepoids à l'Europe".

Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de cet ouvrage. Le monde a changé. Quoi qu'en disent les antimondialistes, le développement rapide des technologies modernes et leur utilisation dans notre vie quotidienne nous ont obligés à réévaluer nombre de nos convictions concernant les relations entre les États et les peuples. L'échange d'informations, de découvertes et de connaissances scientifiques, et le partage de nos richesses culturelles rapprochent les pays et ouvrent des possibilités de développement qui n'existaient pas auparavant. L'intelligence artificielle ne connaît aucune frontière et ne différencie pas les utilisateurs selon leur sexe ou leur nationalité. Parallèlement à ces nouvelles possibilités, le monde est également confronté à de nouveaux problèmes de plus en plus supranationaux, dont la résolution exige des efforts combinés de notre part. La pandémie du coronavirus en est le dernier exemple en date.

C'est dans le contexte de ces changements rapides qui, pour des raisons évidentes, ne peuvent se dérouler sans certaines conséquences, que l'on peut parfois entendre cette même théorie selon laquelle "l'Europe est hostile à la Russie". Bien que les arguments avancés pour soutenir cette affirmation semblent aujourd'hui beaucoup moins nuancés que ceux de Nikolay Danilevsky.

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Nikolay Danilevsky

Il n'en demeure pas moins qu'il est impossible d'ignorer cette question, car cela rendrait extrêmement difficile l'élaboration d'une politique étrangère sérieuse à long terme, étant donné le rôle prépondérant que joue l'Europe dans les affaires mondiales.

Avant de nous plonger dans le sujet, je voudrais dire quelques mots sur la question qui nous occupe. Pourquoi l'Europe devrait-elle aimer ou détester la Russie ? Avons-nous des raisons de croire que la Russie a des sentiments forts, positifs ou négatifs, à l'égard d'un autre pays ? C'est le genre de mots qui sont utilisés pour décrire les relations entre les États dans le monde moderne et interdépendant. Mais ils sont, pour la plupart, tout simplement inacceptables. Les concepts de politique étrangère de la Russie se concentrent invariablement sur la garantie de la sécurité, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du pays et sur la création de conditions extérieures favorables à son développement progressif.

La Russie et l'Europe ont une longue histoire qui remonte à plusieurs siècles. Et il y a eu des guerres et des périodes de coopération mutuellement bénéfique tout au long de cette histoire. Quoi qu'on en dise, la Russie est une partie inséparable de l'Europe, tout comme l'Europe ne peut être considérée comme "complète" sans la Russie.

Il est donc essentiel d'orienter le potentiel intellectuel non pas vers la destruction, mais plutôt vers la formation d'un nouveau type de relation, qui reflète les réalités actuelles.

À l'aube du XXIe siècle, il était clair pour tout le monde que, pour des raisons objectives, la Russie ne pourrait pas devenir un membre à part entière des associations militaires, politiques et économiques qui existaient en Europe à l'époque, c'est-à-dire l'Union européenne et l'OTAN. C'est pourquoi des mécanismes ont été mis en place pour aider les parties à établir des relations et à coopérer dans divers domaines. Les relations bilatérales se sont ainsi considérablement développées en quelques années seulement. L'Union européenne est devenue le principal partenaire économique étranger de la Russie, et des canaux de coopération mutuellement bénéfiques dans de nombreux domaines se sont créés.

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Cependant, les relations UE-Russie se sont enlisées ces dernières années. En fait, une grande partie des progrès qui avaient été réalisés sont maintenant annulés. Et les sentiments positifs ou négatifs à l'égard l'un de l'autre n'ont rien à voir avec cela. Cela est dû au fait que les parties ont perdu une vision stratégique de l'avenir des relations bilatérales dans un monde en rapide évolution.

S'exprimant lors du Forum économique mondial de Davos, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a déclaré que la Russie faisait partie de l'Europe et que, culturellement, la Russie et l'Europe ne faisaient qu'une seule et même civilisation. C'est la prémisse de base - qui ne repose pas sur des émotions - qui devrait sous-tendre la politique de la Russie dans ses relations avec l'Europe.

La Russie et l'Union européenne sont en désaccord sur de nombreux points, mais la seule façon de surmonter les malentendus et de trouver des possibilités d'aller de l'avant est le dialogue. Dans ce contexte, la récente visite du Haut Représentant de l'UE à Moscou a été un pas nécessaire dans la bonne direction, malgré les critiques que cette démarche a reçues de la part de la partie européenne. Personne ne s'attendait à des "percées" de la part de la visite, car les animosités et les malentendus entre les deux parties étaient trop profonds. Pourtant, les visites et les contacts de ce type devraient devenir la norme, car sans eux, nous ne verrons jamais de réels progrès dans les relations bilatérales.

Outre les questions qui figurent actuellement à l'ordre du jour des deux parties, l'attention devrait se concentrer sur l'élaboration d'une vision stratégique de ce que devraient être les relations UE-Russie à l'avenir, ainsi que sur les domaines d'intérêt mutuel. Par exemple, il est grand temps que l'Europe et la Russie abordent le sujet de la compatibilité de leurs stratégies énergétiques respectives, ainsi que les conséquences possibles de l'introduction de l'"énergie verte" en Europe en termes de coopération économique avec la Russie. Sinon, il sera trop tard, et au lieu d'un nouvel espace de coopération mutuellement bénéfique, nous aurons encore un autre problème insoluble.

Dans son ouvrage La Russie et l'Europe, Nikolay Danilevsky, tout en reconnaissant le bien que Pierre le Grand avait fait pour son pays, lui reprochait de "vouloir à tout prix faire de la Russie l'Europe". Personne ne ferait de telles accusations aujourd'hui. La Russie est, a été et sera toujours un acteur indépendant sur la scène internationale, avec ses propres intérêts et priorités nationales. Mais la seule façon de les réaliser pleinement est que le pays mène une politique étrangère active. Et l'une des priorités de cette politique est les relations avec l'Europe.

dimanche, 14 février 2021

Pourquoi la Russie rend l’Occident fou

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Pourquoi la Russie rend l’Occident fou

 
 
par Pepe Escobar
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le pivot de Moscou vers l’Asie pour construire la Grande Eurasie a un air d’inévitabilité historique qui met les États-Unis et l’UE à l’épreuve.

Les futurs historiens pourraient l’enregistrer comme le jour où le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, habituellement imperturbable, a décidé qu’il en avait assez :

« Nous nous habituons au fait que l’Union Européenne tente d’imposer des restrictions unilatérales, des restrictions illégitimes et nous partons du principe, à ce stade, que l’Union Européenne est un partenaire peu fiable ».

Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, en visite officielle à Moscou, a dû faire face aux conséquences.

Lavrov, toujours parfait gentleman, a ajouté : « J’espère que l’examen stratégique qui aura lieu bientôt se concentrera sur les intérêts clés de l’Union Européenne et que ces entretiens contribueront à rendre nos contacts plus constructifs ».

Il faisait référence au sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE qui se tiendra le mois prochain au Conseil européen, où ils discuteront de la Russie. Lavrov ne se fait pas d’illusions : les « partenaires peu fiables » se comporteront en adultes.

Pourtant, on peut trouver quelque chose d’immensément intrigant dans les remarques préliminaires de Lavrov lors de sa rencontre avec Borrell : « Le principal problème auquel nous sommes tous confrontés est le manque de normalité dans les relations entre la Russie et l’Union Européenne – les deux plus grands acteurs de l’espace eurasiatique. C’est une situation malsaine, qui ne profite à personne ».

Les deux plus grands acteurs de l’espace eurasiatique (mes italiques). Que cela soit clair. Nous y reviendrons dans un instant.

Dans l’état actuel des choses, l’UE semble irrémédiablement accrochée à l’aggravation de la « situation malsaine ». La chef de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait échouer le programme de vaccination de Bruxelles. Elle a envoyé Borrell à Moscou pour demander aux entreprises européennes des droits de licence pour la production du vaccin Spoutnik V – qui sera bientôt approuvé par l’UE.

Et pourtant, les eurocrates préfèrent se plonger dans l’hystérie, en faisant la promotion des bouffonneries de l’agent de l’OTAN et fraudeur condamné Navalny – le Guaido russe.

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, sous le couvert de la « dissuasion stratégique », le chef du STRATCOM américain, l’amiral Charles Richard, a laissé échapper avec désinvolture qu’il « existe une réelle possibilité qu’une crise régionale avec la Russie ou la Chine puisse rapidement dégénérer en un conflit impliquant des armes nucléaires, si elles percevaient qu’une perte conventionnelle menaçait le régime ou l’État ».

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Ainsi, la responsabilité de la prochaine – et dernière – guerre est déjà attribuée au comportement « déstabilisateur » de la Russie et de la Chine. On suppose qu’elles vont « perdre » – et ensuite, dans un accès de rage, passer au nucléaire. Le Pentagone ne sera qu’une victime ; après tout, affirme STRATCOM, nous ne sommes pas « enlisés dans la Guerre froide ».

Les planificateurs du STRATCOM devraient lire le crack de l’analyse militaire Andrei Martyanov, qui depuis des années est en première ligne pour expliquer en détail comment le nouveau paradigme hypersonique – et non les armes nucléaires – a changé la nature de la guerre.

Après une discussion technique détaillée, Martyanov montre comment « les États-Unis n’ont tout simplement pas de bonnes options actuellement. Aucune. La moins mauvaise option, cependant, est de parler aux Russes et non en termes de balivernes géopolitiques et de rêves humides selon lesquels les États-Unis peuvent, d’une manière ou d’une autre, convaincre la Russie « d’abandonner » la Chine – les États-Unis n’ont rien, zéro, à offrir à la Russie pour le faire. Mais au moins, les Russes et les Américains peuvent enfin régler pacifiquement cette supercherie « d’hégémonie » entre eux, puis convaincre la Chine de s’asseoir à la table des trois grands et de décider enfin comment gérer le monde. C’est la seule chance pour les États-Unis de rester pertinents dans le nouveau monde ».

L’empreinte de la Horde d’Or

Bien que les chances soient négligeables pour que l’Union européenne se ressaisisse sur la « situation malsaine » avec la Russie, rien n’indique que ce que Martyanov a décrit sera pris en compte par l’État profond américain.

La voie à suivre semble inéluctable : sanctions perpétuelles ; expansion perpétuelle de l’OTAN le long des frontières russes ; constitution d’un cercle d’États hostiles autour de la Russie ; ingérence perpétuelle des États-Unis dans les affaires intérieures russes – avec une armée de la cinquième colonne ; la guerre de l’information perpétuelle et à grande échelle.

Lavrov affirme de plus en plus clairement que Moscou n’attend plus rien. Les faits sur le terrain, cependant, continueront de s’accumuler.

Nord Stream 2 sera terminé – sanctions ou pas – et fournira le gaz naturel dont l’Allemagne et l’UE ont tant besoin. Le fraudeur Navalny, qui a été condamné – 1% de « popularité » réelle en Russie – restera en prison. Les citoyens de toute l’UE recevront Spoutnik V. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine continuera de se renforcer.

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à ce gâchis russophobe malsain, une feuille de route essentielle est fournie par le Conservatisme russe, une nouvelle étude passionnante de philosophie politique réalisée par Glenn Diesen, professeur associé à l’Université de la Norvège du Sud-Est, chargé de cours à l’École supérieure d’Économie de Moscou, et l’un de mes éminents interlocuteurs à Moscou.

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Diesen commence en se concentrant sur l’essentiel : la géographie, la topographie et l’histoire. La Russie est une vaste puissance terrestre sans accès suffisant aux mers. La géographie, affirme-t-il, conditionne les fondements des « politiques conservatrices définies par l’autocratie, un concept ambigu et complexe de nationalisme, et le rôle durable de l’Église orthodoxe » – impliquant une résistance au « laïcisme radical ».

Il est toujours crucial de se rappeler que la Russie n’a pas de frontières naturelles défendables ; elle a été envahie ou occupée par les Suédois, les Polonais, les Lituaniens, la Horde d’Or mongole, les Tatars de Crimée et Napoléon. Sans parler de l’invasion nazie, qui a été extrêmement sanglante.

Qu’y a-t-il dans l’étymologie d’un mot ? Tout : « sécurité », en russe, c’est byezopasnost. Il se trouve que c’est une négation, car byez signifie « sans » et opasnost signifie « danger ».

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La composition historique complexe et unique de la Russie a toujours posé de sérieux problèmes. Oui, il y avait une étroite affinité avec l’Empire byzantin. Mais si la Russie « revendiquait le transfert de l’autorité impériale de Constantinople, elle serait forcée de la conquérir ». Et revendiquer le rôle, l’héritage et d’être le successeur de la Horde d’Or reléguerait la Russie au seul statut de puissance asiatique.

Sur la voie de la modernisation de la Russie, l’invasion mongole a non seulement provoqué un schisme géographique, mais a laissé son empreinte sur la politique : « L’autocratie est devenue une nécessité suite à l’héritage mongol et à l’établissement de la Russie comme un empire eurasiatique avec une vaste étendue géographique mal connectée ».

« Un Est-Ouest colossal »

La Russie, c’est la rencontre de l’Est et de l’Ouest. Diesen nous rappelle comment Nikolai Berdyaev, l’un des plus grands conservateurs du XXe siècle, l’avait déjà bien compris en 1947 : « L’incohérence et la complexité de l’âme russe peuvent être dues au fait qu’en Russie, deux courants de l’histoire du monde – l’Est et l’Ouest – se bousculent et s’influencent mutuellement (…) La Russie est une section complète du monde – un Est-Ouest colossal ».

Le Transsibérien, construit pour renforcer la cohésion interne de l’empire russe et pour projeter la puissance en Asie, a changé la donne : « Avec l’expansion des colonies agricoles russes à l’est, la Russie remplace de plus en plus les anciennes routes qui contrôlaient et reliaient auparavant l’Eurasie ».

Il est fascinant de voir comment le développement de l’économie russe a abouti à la théorie du « Heartland » de Mackinder – selon laquelle le contrôle du monde nécessitait le contrôle du supercontinent eurasiatique. Ce qui a terrifié Mackinder, c’est que les chemins de fer russes reliant l’Eurasie allaient saper toute la structure de pouvoir de la Grande-Bretagne en tant qu’empire maritime.

Diesen montre également comment l’Eurasianisme – apparu dans les années 1920 parmi les émigrés en réponse à 1917 – était en fait une évolution du conservatisme russe.

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L’Eurasianisme, pour un certain nombre de raisons, n’est jamais devenu un mouvement politique unifié. Le cœur de l’Eurasianisme est l’idée que la Russie n’était pas un simple État d’Europe de l’Est. Après l’invasion des Mongols au XIIIe siècle et la conquête des royaumes tatars au XVIe siècle, l’histoire et la géographie de la Russie ne pouvaient pas être uniquement européennes. L’avenir exigerait une approche plus équilibrée – et un engagement avec l’Asie.

Dostoïevski l’avait brillamment formulé avant tout le monde, en 1881 :

« Les Russes sont autant asiatiques qu’européens. L’erreur de notre politique au cours des deux derniers siècles a été de faire croire aux citoyens européens que nous sommes de vrais Européens. Nous avons trop bien servi l’Europe, nous avons pris une trop grande part à ses querelles intestines (…) Nous nous sommes inclinés comme des esclaves devant les Européens et n’avons fait que gagner leur haine et leur mépris. Il est temps de se détourner de l’Europe ingrate. Notre avenir est en Asie ».

Lev Gumilev était sans aucun doute la superstar d’une nouvelle génération d’Eurasianistes. Il affirmait que la Russie avait été fondée sur une coalition naturelle entre les Slaves, les Mongols et les Turcs. « The Ancient Rus and the Great Steppe », publié en 1989, a eu un impact immense en Russie après la chute de l’URSS – comme je l’ai appris de mes hôtes russes lorsque je suis arrivé à Moscou via le Transsibérien à l’hiver 1992.

Comme l’explique Diesen, Gumilev proposait une sorte de troisième voie, au-delà du nationalisme européen et de l’internationalisme utopique. Une Université Lev Gumilev a été créée au Kazakhstan. Poutine a qualifié Gumilev de « grand Eurasien de notre temps ».

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Diesen nous rappelle que même George Kennan, en 1994, a reconnu la lutte des conservateurs pour « ce pays tragiquement blessé et spirituellement diminué ». Poutine, en 2005, a été beaucoup plus clair. Il a souligné :

« L’effondrement de l’Union soviétique a été la plus grande catastrophe géopolitique du siècle. Et pour le peuple russe, ce fut un véritable drame (…) Les anciens idéaux ont été détruits. De nombreuses institutions ont été démantelées ou simplement réformées à la hâte. (…) Avec un contrôle illimité sur les flux d’information, les groupes d’oligarques ont servi exclusivement leurs propres intérêts commerciaux. La pauvreté de masse a commencé à être acceptée comme la norme. Tout cela a évolué dans un contexte de récession économique des plus sévères, de finances instables et de paralysie dans la sphère sociale ».

Appliquer la « démocratie souveraine »

Nous arrivons ainsi à la question cruciale de l’Europe.

Dans les années 1990, sous la houlette des atlantistes, la politique étrangère russe était axée sur la Grande Europe, un concept basé sur la Maison européenne commune de Gorbatchev.

Et pourtant, dans la pratique, l’Europe de l’après-Guerre froide a fini par se configurer comme l’expansion ininterrompue de l’OTAN et la naissance – et l’élargissement – de l’UE. Toutes sortes de contorsions libérales ont été déployées pour inclure toute l’Europe tout en excluant la Russie.

Diesen a le mérite de résumer l’ensemble du processus en une seule phrase : « La nouvelle Europe libérale représentait une continuité anglo-américaine en termes de règle des puissances maritimes, et l’objectif de Mackinder d’organiser la relation germano-russe selon un format à somme nulle pour empêcher l’alignement des intérêts ».

Pas étonnant que Poutine, par la suite, ait dû être érigé en épouvantail suprême, ou « en nouvel Hitler ». Poutine a catégoriquement rejeté le rôle pour la Russie de simple apprentie de la civilisation occidentale – et son corollaire, l’hégémonie (néo)libérale.

Il restait néanmoins très accommodant. En 2005, Poutine a souligné que « par-dessus tout, la Russie était, est et sera, bien sûr, une grande puissance européenne ». Ce qu’il voulait, c’était découpler le libéralisme de la politique de puissance – en rejetant les principes fondamentaux de l’hégémonie libérale.

411rXFGcgZL._SX310_BO1,204,203,200_.jpgPoutine disait qu’il n’y a pas de modèle démocratique unique. Cela a finalement été conceptualisé comme une « démocratie souveraine ». La démocratie ne peut pas exister sans souveraineté ; cela implique donc d’écarter la « supervision » de l’Occident pour la faire fonctionner.

Diesen fait remarquer que si l’URSS était un « Eurasianisme radical de gauche, certaines de ses caractéristiques eurasiatiques pourraient être transférées à un Eurasianisme conservateur ». Diesen note comment Sergey Karaganov, parfois appelé le « Kissinger russe », a montré « que l’Union soviétique était au centre de la décolonisation et qu’elle a été l’artisan de l’essor de l’Asie en privant l’Occident de la capacité d’imposer sa volonté au monde par la force militaire, ce que l’Occident a fait du XVIe siècle jusqu’aux années 1940 ».

Ce fait est largement reconnu dans de vastes régions du Sud global – de l’Amérique latine et de l’Afrique à l’Asie du Sud-Est.

La péninsule occidentale de l’Eurasie

Ainsi, après la fin de la Guerre froide et l’échec de la Grande Europe, le pivot de Moscou vers l’Asie pour construire la Grande Eurasie ne pouvait qu’avoir un air d’inévitabilité historique.

La logique est implacable. Les deux pôles géoéconomiques de l’Eurasie sont l’Europe et l’Asie de l’Est. Moscou veut les relier économiquement en un supercontinent : c’est là que la Grande Eurasie rejoint l’Initiative Ceinture et Route chinoise (BRI). Mais il y a aussi la dimension russe supplémentaire, comme le note Diesen : la « transition de la périphérie habituelle de ces centres de pouvoir vers le centre d’une nouvelle construction régionale ».

D’un point de vue conservateur, souligne Diesen, « l’économie politique de la Grande Eurasie permet à la Russie de surmonter son obsession historique pour l’Occident et d’établir une voie russe organique vers la modernisation ».

Cela implique le développement d’industries stratégiques, de corridors de connectivité, d’instruments financiers, de projets d’infrastructure pour relier la Russie européenne à la Sibérie et à la Russie du Pacifique. Tout cela sous un nouveau concept : une économie politique industrialisée et conservatrice.

Le partenariat stratégique Russie-Chine est actif dans ces trois secteurs géoéconomiques : industries stratégiques/plates-formes technologiques, corridors de connectivité et instruments financiers.

Cela propulse la discussion, une fois de plus, vers l’impératif catégorique suprême : la confrontation entre le Heartland et une puissance maritime.

Les trois grandes puissances eurasiatiques, historiquement, étaient les Scythes, les Huns et les Mongols. La raison principale de leur fragmentation et de leur décadence est qu’ils n’ont pas pu atteindre – et contrôler – les frontières maritimes de l’Eurasie.

La quatrième grande puissance eurasiatique était l’empire russe – et son successeur, l’URSS. L’URSS s’est effondrée parce que, encore une fois, elle n’a pas pu atteindre – et contrôler – les frontières maritimes de l’Eurasie.

Les États-Unis l’en ont empêchée en appliquant une combinaison de Mackinder, Mahan et Spykman. La stratégie américaine est même devenue connue sous le nom de mécanisme de confinement Spykman-Kennan – tous ces « déploiements avancés » dans la périphérie maritime de l’Eurasie, en Europe occidentale, en Asie de l’Est et au Moyen-Orient.

Nous savons tous à présent que la stratégie globale des États-Unis en mer – ainsi que la raison principale pour laquelle les États-Unis sont entrés dans la Première et la Seconde Guerre mondiale – était de prévenir l’émergence d’un hégémon eurasiatique par tous les moyens nécessaires.

Quant à l’hégémonie américaine, elle a été conceptualisée de façon grossière – avec l’arrogance impériale requise – par le Dr Zbig « Grand Échiquier » Brzezinski en 1997 : « Pour empêcher la collusion et maintenir la dépendance sécuritaire entre les vassaux, pour garder les affluents souples et protégés, et pour empêcher les barbares de se rassembler ». Le bon vieux « Diviser pour mieux régner », appliqué par le biais de la « domination du système ».

C’est ce système qui est en train de s’effondrer – au grand désespoir des suspects habituels. Diesen (photo) note comment, « dans le passé, pousser la Russie en Asie reléguait la Russie dans l’obscurité économique et éliminait son statut de puissance européenne ». Mais maintenant, avec le déplacement du centre de gravité géoéconomique vers la Chine et l’Asie de l’Est, c’est un tout nouveau jeu.

glenn-disen-e1581866530918.jpgLa diabolisation permanente de la Russie-Chine par les États-Unis, associée à la mentalité de « situation malsaine » des sbires de l’UE, ne fait que rapprocher la Russie de la Chine, au moment même où la domination mondiale de l’Occident, qui dure depuis deux siècles seulement, comme l’a prouvé Andre Gunder Frank, touche à sa fin.

Diesen, peut-être trop diplomatiquement, s’attend à ce que « les relations entre la Russie et l’Occident changent également à terme avec la montée de l’Eurasie. La stratégie hostile de l’Occident à l’égard de la Russie est conditionnée par l’idée que la Russie n’a nulle part où aller et qu’elle doit accepter tout ce que l’Occident lui offre en termes de « partenariat ». La montée de l’Est modifie fondamentalement la relation de Moscou avec l’Occident en permettant à la Russie de diversifier ses partenariats ».

Il se peut que nous approchions rapidement du moment où la Russie de la Grande Eurasie présentera à l’Allemagne une offre à prendre ou à laisser. Soit nous construisons ensemble le Heartland, soit nous le construisons avec la Chine – et vous ne serez qu’un spectateur de l’histoire. Bien sûr, il y a toujours la possibilité d’un axe inter-galaxies Berlin-Moscou-Pékin. Des choses plus surprenantes se sont produites.

En attendant, Diesen est convaincu que « les puissances terrestres eurasiatiques finiront par intégrer l’Europe et d’autres États à la périphérie intérieure de l’Eurasie. Les loyautés politiques se déplaceront progressivement à mesure que les intérêts économiques se tourneront vers l’Est et que l’Europe deviendra progressivement la péninsule occidentale de la Grande Eurasie ».

Voilà qui donne à réfléchir aux colporteurs péninsulaires de la « situation malsaine ».

Traduit par Réseau International

***

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«Qui veut la paix prépare la guerre»: la Russie annonce être prête en cas de rupture des relations avec l'UE

La Russie est prête à rompre ses relations diplomatiques avec l’Union européenne si cette dernière adopte des sanctions créant des risques pour les secteurs sensibles de l‘économie, a déclaré ce vendredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, sur la chaîne YouTube Soloviev Live.

« Nous y sommes prêts. [Nous le ferons] si nous voyons, comme nous l’avons senti plus d’une fois, que des sanctions sont imposées dans certains secteurs qui créent des risques pour notre économie, y compris dans des sphères sensibles. Nous ne voulons pas nous isoler de la vie internationale mais il faut s’y préparer. Qui veut la paix prépare la guerre ».

De nouvelles sanctions en vue

Cette semaine, le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell a annoncé, après sa visite à Moscou, la possibilité de nouvelles sanctions. Il s’est dit préoccupé par les « choix géostratégiques des autorités russes ».

Condamnant les autorités pour avoir emprisonné en janvier l’opposant Alexeï Navalny et les qualifiant de « sans pitié », Josep Borrell a notamment indiqué dans son blog que sa visite avait conforté son opinion selon laquelle « l’Europe et la Russie s’éloignaient petit à petit l’une de l’autre ».

Les propos tenus à Moscou

Lors de sa visite dans la capitale russe du 4 au 6 février, Josep Borrell avait vanté le vaccin Spoutnik V, le qualifiant de « bonne nouvelle pour l’humanité ». Il avait en outre espéré que l’Agence européenne pour les médicaments l’enregistrerait.

Il avait également dit qu’il y avait des domaines dans lesquels la Russie et l’UE pouvaient et devaient coopérer, et que Bruxelles était favorable au dialogue avec Moscou, malgré les difficultés.

Anastassia Verbitskaïa - Sputnik

vendredi, 12 février 2021

L'immaturité de la diplomatie européenne

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L'immaturité de la diplomatie européenne

Par Ricardo Teixeira da Costa

Ex : https://geopol.pt

L'Union européenne a une fois de plus fait preuve de son immaturité diplomatique, et mis en évidence ses maillons faibles, en déclarant hier à l'unisson trois diplomates russes personae non grata.

Après le premier voyage désastreux de Josep Borrell à Moscou, où il s'est révélé être un bien piètre diplomate face au colossal Lavrov, l'Allemagne, la Pologne et la Suède ont décidé de prendre une revanche digne d’un jardin d’enfant et ont retiré les lettres de créance de trois diplomates russes de leurs territoires.

Sans invoquer aucune raison juridique pour de telles décisions, démontrant que leur diplomatie est guidée par des instincts risibles et non par des critères rationnels, ils ont même précisé que l'action était coordonnée entre les trois et obéissait au principe de réciprocité, en représailles à une décision "similaire" de Moscou quelques jours plus tôt.

Moscou n'a pas retiré ses lettres de créance suite à un déchaînement d'émotions, mais parce que les diplomates européens en question étaient impliqués dans des activités illégales sur son territoire. Mais l'UE, qui ressemble de plus en plus aux États-Unis, ne connaît pas le principe de non-intervention. Elle suppose qu'elle peut agir sur le territoire russe comme elle ne l'admettrait jamais sur le sien.

Peut-on imaginer la réaction de Berlin si des diplomates russes devaient participer à des manifestations de rue non autorisées contre Mme Merkel ? Eh bien, renversons les événements, soyons honnêtes et regardons l'énorme hypocrisie que révèle ce feuilleton, dont le seul motif est un citoyen russe condamné par la justice russe pour fraude et corruption sur le territoire russe.

Qu'implique donc toute cette escalade perpétrée par des technocrates bruxellois et par la presse occidentale à l'heure actuelle ? Je suppose qu'il s'agit d'une escalade délibérée dans certains secteurs, et qu'elle sert d'entrée en matière pour le Conseil européen de mars, au cours duquel les dirigeants de l'UE jetteront les bases de leurs futures relations avec la Russie. Nous savons que la question énergétique, l'Ukraine et le Belarus sont des points chauds et qu'il y a des intérêts majeurs à boycotter un accord entre l'Europe occidentale et le géant eurasien.

Étant donné que, de l'autre côté de l'Atlantique, la nouvelle administration progressiste a déjà fait savoir qu'elle "n'hésitera pas à augmenter les coûts pour la Russie", il faut s'attendre à ce que l'UE soit incitée à se tourner vers Joe Biden, où les nostalgiques des années Obama et de son humanitarisme mondial ne manqueront pas, comme en témoignent le coup d'État en Ukraine et les bombardements en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Syrie, en Libye, en Somalie et au Pakistan, ainsi que les vagues de réfugiés qui en ont résulté. Est-ce là ce qu'ils veulent pour l'Europe dans le monde ?

En tant que Portugais, et avec notre influence limitée, il est souhaitable que nous fassions savoir clairement que nous insistons sur la voie diplomatique et que nous croyons en la bonne foi de nos collègues à l'autre bout du continent, notamment parce que l'Europe n'est pas seulement une réalité géographique, mais surtout une réalité civilisationnelle, et que la compréhension entre l'Est et l'Ouest est une nécessité et n'est qu'une question de temps.

Nord Stream II : La rivalité franco-allemande affaiblit l’Europe et profite aux Etats-Unis

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Nord Stream II : La rivalité franco-allemande affaiblit l’Europe et profite aux Etats-Unis

Il y a de l’eau dans le gaz franco-allemand.

Le gouvernement français s’est dit opposé à la poursuite du projet de gazoduc Nord Stream II. La France a pourtant déjà investi plus d’un milliards dans la projet au travers de la compagnie énergétique ENGIE . Pour quelles raisons le gouvernement Macron s’est t-il positionné ainsi ?

Il s’agit avant tout d’une conséquence de la rivalité géopolitique franco-allemande dans l’UE

Contrairement à ce qui est souvent mis en avant dans le projet européen, c’est autant

la rivalité qui est au coeur du projet et qui détermine la dynamique de l’UE, que l’objectif  de créer une alliance pour  compter vis à vis des puissances extérieures

Le « couple franco-allemand », représentation géopolitique, est une stratégie assumée qui reste une réalité incontournable tant que l’on reste dans le paradigme de l’intégration européenne en raison du rôle de charnière géographiques de la France et de l’Allemagne. C’est une stratégie de pouvoir  consciente qui a pour d’une part objectif du point  de vue des Français de  montrer une parité géopolitique franco-allemande, malgré le déséquilibre depuis l’unification allemande et du point de vue de  l’Allemagne, de masquer son rôle de puissance centrale, Enfin le « couple » se positionne au centre du pouvoir de l’UE.    

L’existence même du projet européen est la résultante de cet enjeu franco-allemand dont la finalité  est d’encadrer  cette rivalité, d’où les neutralisations réciproques entre les deux partenaires qui ne partagent pas les mêmes finalités géopolitiques européennes

L’affaire du gazoduc  Nord Stream II en est un bon exemple.

Cette posture s’explique d’abord par le changement de président aux Etats-Unis, et le gouvernement Macron cherche à plaire au président Biden, pour contrebalancer l’Allemagne devenue la puissance centrale de l’UE. C’est récurrent chez les atlantistes français de s’allier avec les Etats-Unis par méfiance de l’Allemagne  pour lui ravir le statut de meilleur allié.  C’est au détriment d’une alliance franco-allemande et ne fait que renforcer le tropisme occidental des Allemands qui  privilégient l’axe germano-américain sur le couple franco-allemand (c’est apparu clairement depuis le traité de Elysée en 1963).  

La position du gouvernement français n’est pas réellement une surprise, car la présidence Macron avant déjà exprimé  ses doutes vis à vis du projet Nord Stream en 2019, et exigé que  la Commission européenne, sceptique aussi vis à vis du projet, supervise le projet. Une manière pour la France de montrer quelle refuse le rôle dominant de l’Allemagne sur l’avenir énergétique de l’Europe. Pour la France, les questions énergétiques sont des instruments de la géopolitique, tandis que l’Allemagne met surtout en avant l’enjeu économique (la géopolitique allemande est implicite).  La fuite en avant vers un transfert de pouvoir vers les institutions européennes  pour contrôler l’Allemagne est la doctrine de base des européistes français, depuis Jean Monnet jusqu’à aujourd’hui. En ce qui concerne l’avenir énergétique de l’Europe la France mise encore sur le nucléaire tandis que l’Allemagne est sortie du nucléaire et a besoin du gaz russe. L’Allemagne consomme deux fois plus de gaz que la France, L’Allemagne est aussi sortie unilatéralement du nucléaire, d’où la rancœur de la France, qui n’est pas ravie à l’idée de voir en plus l’Allemagne devenir le hub énergétique de l’UE en matière d’importation er de réexportation de gaz. L’idéologie verte du gouvernement Macron, qui a fait de la lutte contre le changement climatique la priorité de sa politique étrangère, n’est pas étrangère à cette opposition  à l’augmentation des importations de gaz russes à l’avenir. 

L’opposition de la France au projet Nord Stream est aussi un acte de représailles contre l

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’Allemagne à propos des questions de défense. L’Allemagne d’Angela Merkel  a en réalité  torpillé le projet d’autonomie stratégique de l’Europe proposé par Emmanuel Macron, y compris le projet d’Europe de la défense qui a baissé en ambition notamment avec le nouveau  plan de relance européen. On se souvient de la saillie récente de la ministre de la défense Annegret Kramp-Karrenbauer.  En ce qui concerne le projet de coopération en matière de défense, la France souhaitait à l’origine une coalition restreinte des  Etats plus capables en matière de défense tandis que l’Allemagne a exigé d’y associer le plus grand nombre de membres de l’UE, diluant de facto le projet avec les Etats-membres atlantistes. La chancelière Angela  Merkel a aussi publiquement exprimé son désaccord l’idée d’une nouvelle architecture européenne avec la Russie, réduisant à néant la déjà très timide ouverte de la France vis à vis de la Russie. On se souvient enfin des pressions allemandes en 2014 pour l’abandon de la livraison des navires porte-hélicoptères Mistrals construits par la France pour la Russie à la suite de la crise en Ukraine. La France avait lamentablement capitulé au détriment de la relation franco-russe

Le gouvernement Allemand ne conçoit pas l’UE autrement que comme un sous-ensemble de l’espace euro-atlantique et donne priorité à l’OTAN. La France est héritière de la vision gaullienne d’une Europe, mais ne la défend plus que de manière déclamatoire, velléitaire et déformée (la « souveraineté européenne » remplace l’Europe des patries).       

Après les déboires du président Macron et ses projets irréalistes (l’UE est irréformable par la négociation, c’est un choc à la de Gaulle qui conviendrait, la chaise vide, une menace de sortie de l’UE, des coalitions restreintes en dehors de l’UE notamment bilatérales, comme un axe franco-russe, y compris face à l’opposition de toute l’UE et OTAN. Rappelons nous la fermeté du général Gaulle et son veto contre l’élargissement de la CEE au Royaume-Uni).

Pour résumer l’Allemagne a torpillé le projet d’autonomie stratégique de l’Europe en matière de défense proposé par la France qui souhaitait réduire la  dépendance de l’UE vis à vis des Etats-Unis, et en représailles, la France cherche à torpiller l’alliance énergétique germano-russe. La thématique  énergétique est portant l’un des seuls domaines ou l’Allemagne refuse l’hégémonie des Etats-Unis qui cherche à réduire la coopération entre l’UE et  la Russie pour maintenir sa suprématie  er exporter son gaz de schiste.

Au final, ces neutralisations réciproques renforcent la dépendance des Européens  vis à vis des Etats-Unis, non seulement sur les questions géostratégiques mais aussi  énergétiques. De plus, si l’Allemagne reste ferme sur ses positions pour le projet Nord Stream soit mené à son terme,   la posture du gouvernement Macron aura été non seulement inutile mais aussi contreproductive  pour atteindre une plus grande indépendance vis à vis des Etats-Unis mais aussi pour la relation franco-russe qui est pourtant nécessaire à l’équilibre géopolitique européen.  C’est la rivalité  franco-allemande qui est au cœur des crises multiples de l’UE. Cette épisode démontre encore une fois que le préalable à la transformation du projet européen en Europe géopolitique est le rééquilibrage géopolitique franco-allemand.

mercredi, 10 février 2021

Guerre économique sur le gaz russe

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Guerre économique sur le gaz russe

par Pierre-Charles Hirson

Ex: https://www.ege.fr

Rapports de Force

Les Etats-Unis sont en train de mener une guerre économique sans merci contre la Russie sur l’approvisionnent en gaz de l’Europe, avec pour cible le projet Northstream 2 et l’Europe comme champ de bataille. Les américains n’hésitent à piétiner la souveraineté européenne en appliquant l’extraterritorialité de leur droit sur le territoire européen, aux entreprises européennes qui participent à ce projet. C’est un gazoduc reliant la Russie (Vyborg) à l’Allemagne (Greifswald) en passant par la mer Baltique traversant les eaux finlandaises, suédoises et danoises. Projet avoisinant 10 milliard d’euros. Il est financé à 51% par Gazprom et le reste entre ENGIE (France), OMV (Autriche), Shell (anglo-néerlandais), Uniper (groupe E.ON - Allemagne) et Wintershall Dea (groupe BASF - Allemagne) allant de 9% à 15%.

L’enjeu ici porte sur l’influence et l’accroissement de puissance via la dépendance de la relation Client / Fournisseur, avec l’Europe dans le rôle du client. La Russie est un partenaire incontournable car elle fournit la plus grande partie du gaz européen, presque 40% en 2018. L’Europe, entre recherche de dépendance énergétique et sécurité d’approvisionnements va tantôt pousser les américains à exporter leur gaz GNL (Gaz Naturel Liquifié) par méthanier, tantôt financer et autoriser des projets de gazoduc entre la Russie et l’Europe : Yamal-Europe, Northstream 1 et 2, Turkistream. Cependant la politique énergétique européenne est largement tributaire des choix politiques nationaux et individualistes de ses Etats membres. C’est ainsi que l’Europe se trouve divisée entre pays favorables et opposants au projet. Les acteurs européens majeurs sont l’Allemagne, seule grande bénéficiaire de ce projet, la Pologne, l’Ukraine et les Pays Baltes comme principaux opposants. Profitant des dissensions européennes, les Etats-Unis vont trouver des relais intra-européens pour justifier leur ingérence. Ils réclament l’annulation le projet Northstream 2 dans le but de protéger l’Europe et d’empêcher la Russie d’utiliser le gaz comme moyen coercitif. Nous allons voir comment se mets en place le piège américain et comment l’étau va se resserrer progressivement sur les entreprises européennes participant au projet.

Un enjeu de puissance américain

Les raisons de l’acharnement américain pour stopper le projet germano-russe Northstream 2 peut être vu de deux angles. L’un économique et l’autre sous une politique d’influence.

Economique, car rappelons-le, c’est bien L’Europe qui sollicite les Etats-Unis pour diversifier son approvisionnement. En 2015, un « paquet » de la Commission Européen lance les bases d’une « Union de l’Energie »  qui trace un axe de diversification des fournisseurs de gaz via un recourt accru au GNL. La livraison de GNL par méthanier a l’avantage d’être flexible et présente une grande diversité de fournisseur, mais est plus cher que le gaz russe par gazoduc. Le rapport préconise également que la Commission fasse son possible pour « lever les obstacles aux importations de GNL en provenance des Etats-Unis ». Cela sera réalisé en 2015 et les premières exportations de GNL américain vers l’Europe se feront en 2016. Proche de l’autosuffisance grâce la révolution du gaz et pétrole de schiste amorcée en 2007, les Etats-Unis ont détrôné en 2009 la Russie en tant que premier producteur de gaz, et l’Arabie Saoudite depuis 2018 en tant que premier producteur de pétrole. La sécurité énergétique du pays est assurée et les sociétés privées américaines peuvent maintenant se lancer à l’assaut des marchés internationaux, avec la bénédiction de leur gouvernement, quitte à leur donner quelques coups de pouce.

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Politique d’influence, car une Europe dépendante et sous emprise Russe, notamment la première puissance européenne qu’est l’Allemagne et nation cadre de l’OTAN qui plus est, serait une perte d’influence inacceptable pour Washington. La réorientation de la politique énergétique américaine se fait au service de sa politique de puissance, car livrer du gaz à l’Europe permet de réduire le déficit de la balance commerciale américaine vis-à-vis de celle-ci, de desserrer l’étau russe sur le marché du gaz européen, d’augmenter son potentiel d’influence dans la région comme fournisseur d’énergie.

Stratégie et ciblage des lois américaines à porter extraterritoriales

L’enchainement des sanctions américaines suit une gradation étonnante. Les premières datent de 2014, sous la mandature du président Obama suite à la crise de Crimée et elles se poursuivent sous le président Donald Trump notamment en 2017 avec le « Countering America's Adversaries Through Sanctions Act » (CAATSA) (contrer les adversaires de l’Amérique par des sanctions) qui visent l’Iran, la Corée du Nord et la Russie.

Le début des sanctions contre la Russie :

Les différents trains de sanctions entre 2014 et 2018 sont de portés larges en visant des hommes politiques, des hommes d’affaires, des secteurs stratégiques comme l’énergie ou la défense, des restrictions financières et l’exportation de matériel technologique. L’objectif global est de pénaliser le développement de secteurs stratégiques russes. Cependant, le projet Northstream 2 et les sociétés européennes ne sont pas encore visées directement. Comme un pied de nez à l’administration américaine, le consortium signe en avril 2017 l’accord de financement. Washington est de plus en plus critique vis-à-vis du projet et se fait menaçant envers les européens. Lors du sommet de l’OTAN en juillet 2018, le président Trump déclare que « l’Allemagne est prisonnière de la Russie » et lui demande d’abandonner le projet. La pose des premiers tuyaux commence en septembre 2018 et par cet acte les Européens montrent qu’ils n’ont pas l’intention de laisser les Américains s’ingérer dans leurs affaires.

Les contraintes américaines entravent le développement des projets gaziers russes au sens large, mais le Northstream 2 avance et le développement d’usines de liquéfaction de gaz dans l’Arctique russe se font en partie avec des financements chinois. Les sanctions américaines manquent d’efficacité. Ils doivent revoir leur stratégie en visant des objectifs précis pour torpiller le Northsteam 2. Une course contre la montre s’enclenche avant que la pose des canalisations soit complète.

L’arme extraterritoriale niveau 1 : cible européenne – la société « Allsea »

La pièce maitresse du projet Northstream 2 est son bateau de pose de canalisation, le « Pioneering Spirit » de la société Suisse Allsea. Sans bateau d’installation, pas de pose de tuyaux au fond de l’eau et le projet s’arrête. Les Américains vont appliquer l’extraterritorialité de leur droit à une société européenne, dans les eaux européennes. C’est une première et cela va marcher. Le vote en décembre 2019 dans la loi du “Protecting Europe’s Energy Security Act of 2019 (PEESA) (Protéger la sécurité énergétique européenne) vise directement la société Allsea en « imposant des sanctions sur les bâtiments de constructions sur les pipelines d’exportation russe, et pour d’autres utilisations ». La société suisse s’exécute en suspendant son activité en décembre 2019 par crainte de sanctions américianes éventuelles.

L’arme extraterritoriale niveau 2 : cibler les sociétés russes de la pose de tuyaux

Les Etats-Unis anticipent le fait que la pose de canalisation reprendra tout ou tard avec des sociétés russes, hors de portées des lois américaines actuelles. C’est la raison pour laquelle le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompéo annonce en Juillet 2020 un durcissement des sanctions en incluant le projet Northstream 2 dans le « Countering America's Adversaries Through Sanctions Act  (Caatsa) » de 2017. Cela permet de poursuivre les sociétés russes participant à la construction de ce projet. 

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Effectivement, loin de renoncer au projet, les Russes travaillent sur la modification et l’achat de bateau de pose via les sociétés russes KVT-RUS pour le « Fortuna » et Gazprom avec le « Akademik Tscherski » pour reprendre l’activité abandonnée par la société suisse. Le chantier reprendra le 11 décembre 2020, soit après un an d’arrêt, afin de finir la pose des 6% de tuyaux restant soit 120 km dans les eaux danoises et 30 km dans les eaux allemandes.

L’arme extraterritoriale niveau 3 : Cibler les activités de support à la pose de canalisation

C’est une première victoire pour les Américains et leurs alliés européens. Le projet a été retardé d’un an. Ce temps précieux gagné va permettre aux Américains de préparer la suite. En anticipant les activités de pose par des sociétés russes, il faut trouver un autre angle d’attaque pour les empêcher de travailler. La stratégie est de cibler les sociétés en assistances de ces bateaux. Depuis Juin 2020 des sénateurs américains se penchent sur le sujet. Un « Act » est préparé et sera intégré  au  « National Defense Autorization Act »  voté le 1er Janvier 2021. Celui-ci sanctionne toutes sociétés ou individus qui fourniraient des services et assurances à tout bateau de pose, des installations de soudage, des services de test et d’inspection pour les pipes du projet Northstream 2. En d’autres termes, c’est un encerclement juridique de sanction sur toutes activités et services liés aux bateaux russes. Le 13 Janvier 2021, le gouvernement américain avertit officiellement les entreprises européennes concernées en leur enjoignant de se retirer avant qu’il ne soit trop tard…. Le groupe norvégien de certification DNV GL se retire début Janvier 2021, et le groupe Zurich Insurance Group aurait lui aussi jeter l’éponge.

La stratégie américaine est pensée, redoutable, et les sanctions chirurgicales car ciblant des activités critiques à chaque fois. Les entreprises européennes abandonnent les unes après les autres de peur de sanctions, mais aussi peut-être par manque de soutien et de solutions judiciaires européennes les protégeant. Le champ des sanctions américaines s’adapte au fur et à mesure que les Russes et les Européens trouvent des solutions. Preuve pour ceux qui en doutaient de l’extraterritoriale du droit américain comme une arme de guerre économique, au service de la politique de puissance étatsunienne.

Le projet s’enlise mais continue toujours, l’Allemagne et la Russie poursuivant le projet malgré les contraintes. Mais le coup fatal pourrait bien venir d’ailleurs : de l’échiquier politique et sociétal Allemand. La nécessité du projet est de plus en plus critiquée ainsi que les violations répétées des droits de l’hommes du partenaire Russe.

Guerre informationnelle et encerclement cognitif en Allemagne

Depuis Obama en passant par Trump, les Etats-Unis n’ont fait qu’accroitre les sanctions sur la Russie en exploitant les affaires Skripal et Navalny. Il faut se remémorer qu’Alexeï Navalny, opposant au Kremlin, a été transporté de Russie en Allemagne pour y être soigné en août 2020. Cela s’est fait grâce à la médiation d’une petite ONG allemande « Cinema for peace» dont il serait intéressant d’étudier les ramifications. Cette affaire va être utilisée comme biais cognitif pour diviser la société et la classe politique allemande. Lier deux affaires visiblement sans rapport :  le projet Northstream 2 et l’affaire Navalny en y incluant son arrestation dès son retour en Russie en Janvier 2021 et la répression des manifestants qui s’ensuivit. Le biais pourrait être résumé ainsi : l’Allemagne doit-elle et peut-elle faire confiance à la Russie, qui empoissonne ses opposants et réprime avec violence ses manifestants, en lui confiant une large part de sa sécurité énergétique. L’idée fait son chemin dans la classe politique allemande, mais la chancelière refuse de lier les deux affaires pour le moment, mais n’exclut pas des sanctions européennes à l’égard de la Russie. Cependant la question a été posée, et la graine a germé : droit de l’homme contre projet politico-économique.

Un autre relais d’influence puissant en Allemagne est le lobby écologique. C’est un puissant relais d’opinion qui est mobilisé depuis le départ contre le projet, mais au nom de la protection de l’environnement. Si le projet est suffisamment retardé, le sujet sera au menu des prochaines l’élections fédérale allemande de septembre 2021, dont le parti des verts d’Annalena Baerbock, de plus en plus populaire, sera certainement un membre influent du nouveau gouvernement. Il y aura fort à parier que cela se fera au détriment du projet. Annuler le projet pour des raisons écologiques pourrait être une porte de sortie honorable pour l’Allemagne, sans remettre en cause l’autorité américaine et l’extraterritorialité de son droit.

Intérêts divergents et divisions européennes

La Russie souhaite avec ce projet pérenniser ses parts de marché en Europe face à la concurrence du GNL, et ainsi maintenir son modèle économique de rente gazière. Elle souhaite aussi se positionner sur le marché européen du gaz dont les importations sont prévues à la hausse pour faire face à la baisse de la production intra-européenne. La Russie développe également une offre GNL, avec ses champs gaziers arctiques, pour diversifier ses débouchés vers l’Asie, mais aussi pour offrir à l’Europe mode de livraison plus souple et moins contraignant qu’un tuyau physique. Cependant l’Europe, qui capte la majeure partie des exportations russes, reste son premier marché (90% en 2016), tandis que le développement vers l’Asie est très concurrentiel. C’est un projet politique pour le Kremlin, mais aussi économique car c’est une rentrée d’argent importante pour une économie russe toujours fragile.

L’Allemagne a fait le choix politique, quoi qu’en disent ses dirigeants, de réaliser ce projet malgré les réticences de ses partenaires, malgré les alternatives possibles, malgré l’intérêt économique discutable et malgré les deux récents gazoducs la reliant à la Russie : Yamal-Europe en 2006 et Northstream1 en 2012. Est-ce une conséquence de l’ « Ostpolitk » allemande, axe politique repris par le chancelier Gerald Schröder qui est à l’origine des deux projets Northstream ou une dérive d’une partie de la classe politique et industrielle allemande ? On peut se poser la question lorsqu’on retrouve à la tête de Nord Stream AG, le "reconverti" Gerald Schröder, à la tête du consortium Nord Stream AG 2 Matthias Warnig ancien de la Stasi et proche du Kremlin, et nos deux compères au comité exécutif de Rosneft. De même pour la finance et l’industrie allemande. On va retrouver la Deutsche Bank, le KfW (Établissement de crédit pour la reconstruction) et la Dresdner Bank. La Dresdner Bank avec Matthias Warnig pour conseiller Gazprom lors des grandes manœuvres de consolidation des entreprises énergétiques russes dans les années 2000. Il serait intéressant d’étudier les liens entre les sociétés allemandes E.ON, RWE, BASF et Gazprom avec le jeu des actions par filiales et les nominations à ces conseils d’administration et voir s’il existe des liens unissant ses acteurs en montrant les intérêts communs pour ces projets. Un jeu d’acteurs et d’intérêts troubles pas forcement au profit de l’Allemagne, ni de l’Europe.

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L’Allemagne a fait un choix individualiste qui pouvait paraitre stratégiquement intéressant sur le long terme. En se positionnant comme hub gazier régional avec un afflux de gaz russe pour accroitre sa puissance. Un hub, c’est une rente sur le transit gazier assurée et c’est avoir la main sur le robinet. De quoi avoir des arguments autour d’une table de négociation en face de ses partenaires européens. Cette stratégie se retourne contre elle par la force des événements, et explique certainement le manque de solidarité de ses autres partenaires.

L’Europe s’indigne, proteste et conteste, vigoureusement certes, de l’ingérence américaine. L’UE avait cru bien trouver un compromis tout technocrate pour calmer le courroux américain en Février 2019 en incluant le projet Northstream 2 dans « la réglementation européenne du gaz ». Cela oblige Gazprom et ses associées de dissocier les activités de fournisseur et producteur, et aussi de partager les installations avec d’autres fournisseurs / producteurs potentiels. C’est une perte de rentabilité énorme pour le consortium. Cependant le texte laisse la porte ouverte à des exemptions, et rien n’a été encore fait pour s’y conformer. Les Américains, ne se laissant pas noyer dans les méandres de la législation européenne, restent cohérents avec leur ligne de départ en exigeant l’arrêt pur et simple du projet. La Pologne aussi utilise son droit comme une arme économique pour infliger une amende de 6,5 milliards d’euro à Gazprom et sanctionne les cinq autres partenaires. De son côté Paris a appelé Berlin, début février à stopper le projet et ce malgré l’implication d’Engie.

Le GNL russe et sa montée en puissance dans l’arctique dans le collimateur américain

La Russie développe ses champs gaziers arctiques de Yamal et Gydan ainsi que des technologies liées au GNL. Les acteurs majeurs de ce développement sont la société privée russe Novatek, et des sociétés européennes (Total, Technip, Saipem, autres), chinoises (CNPC, Silk Road Fund, CNOOC) et japonaises. La Russie ambitionne de devenir un acteur majeur dans le GNL au vu de ses ressources, mais aussi de développer un savoir-faire de ces technologies. Cela lui permettrait de diminuer les risques de sanctions occidentales sur l’importation de technologie, car les sanctions américaines incluent déjà l’entreprise Novatek, ainsi que l’exportation de technologie et service pour des activités offshore dans l’Arctique.

Le réchauffement climatique rend possible l’exploitation de ces ressources et la navigation via la route du nord, malgré les conditions extrêmes. Cette route offre un avantage stratégique car elle est plus courte de 15 jours pour relier l’Atlantique au Pacifique sans passer par le canal de Suez. L’autre avantage stratégique est l’énorme avance russe avec ses 39 brise-glaces. Les Etats-Unis n’en possèdent qu’un en état de fonctionnement. Un volet de la stratégie américaine est de limiter le développement russe en Arctique en déployant des mesures coercitives sur la navigation via les organismes internationaux au nom de la protection de l’environnement. En novembre 2020, « L’International Maritime Organizations » (IMO) interdit la navigation des navires transportant du mazout lourd en Arctique, visant ainsi la flotte russe.

Les Etats-Unis sont devenus le troisième exportateur de GNL derrière l’Australie et le Qatar. La Russie est le quatrième et à de nombreux projets pour augmenter ses capacités, en exploitant les ressources importantes de l’Arctique qui repose sur la navigabilité de la route du nord. Les Etats-Unis essayent de contenir un compétiteur sur le marché du GNL, mais aussi la monté stratégique russe en Arctique, région qui est d’ores et déjà un enjeu géopolitique.

Implications et conséquences 

Au-delà du bien-fondé ou non du projet Northstream 2, ou de l’intérêt américain de fournir du GNL aux européens, l’enjeu s’est maintenant déplacé sur la souveraineté européenne. Les Etats-Unis ont franchi le Rubicon. C’est au cœur de l’Europe, sur le territoire européen, que les Etats-Unis veulent sanctionner les entreprises européennes grâce à l’extraterritorialité supposée de leur droit. Le changement de locataire à la Maison Blanche qui déclare que l’Amérique est de retour et qu’elle est prête à conduire le monde, ne rassure en rien. De plus, faut-il y voir un hasard du destin lorsque Joe Biden choisit Anthony Blinken comme nouveau secrétaire d’Etat, lui qui a écrit « Ally versus ally », dont le sujet est la crise de 1982 entre la France, l’Allemagne, l’URSS et les Etats-Unis au sujet … d’un gazoduc sibérien. Les Etats-Unis avaient alors infligé des mesures de rétorsions aux Européens et à leurs entreprises, mais ils avaient su réagir en prenant des contre-mesures. Les sanctions seront abandonnées et le projet se fera. Preuve que l’Europe est capable de faire plier le géant américain pour défendre ses intérêts. Les ingérences américaines dans la vie européenne ne sont pas nouvelles, y compris dans le domaine de l’énergie, mais en revanche l’utilisation de leur droit sur le territoire européen en est une. C’est une complète violation de la souveraineté européenne qu’il faut voir comme les prémices de l’affrontement Chine / Etats-Unis. Si elle est piétinée par notre allié dans une période encore relativement calme, alors quel traitement nous attendra dans les zones de turbulences à venir... De l’autre côté, la Chine ne sera certainement pas plus enclin à respecter ni la souveraineté et ni les valeurs européennes.

Pierre-Charles HIRSON
Auditeur de la 35ème promotion MSIE

mardi, 09 février 2021

Alexei Navalny: une croisade sans foi et sans idées

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Alexei Navalny: une croisade sans foi et sans idées

Irnerio Seminatore

Navalny n'est ni Lénine ni Kravchenko ni Soljénitsyne. Il ne porte ni la promesse révolutionnaire du premier, ni la dénonciation de la tyrannie et la quête de liberté du deuxième, ni encore la voix du goulag et l'âme profonde de la vieille Russie du troisième. Il ne s'élève pas contre les vices éternels du pouvoir et de leurs occupants éphémères, mais contre la vanité d'un autocrate, Poutine. Il ne combat pour une autre idée du régime, mais contre un Prince, qu'il accuse d'être vindicatif et corrompu.

Faible argumentation d'un opposant, qui n'évoque l'idée du pouvoir et de ses luttes internes et extérieures, ni l'image du pays qu'il veut démolir pour le guider. Sans idées pas d'idéal! Pas de bataille contre le vice sans une complicité avec la corruption d'un système, dont l'opposition est partie. Pas de crise de légitimité du pouvoir établi, sans une volonté de déstabilisation du pouvoir émergent. Jusqu'ici l'autocrate du Kremlin a combattu avec succès le globalisme destructeur des souverainetés nationales et Navalny ne doit ignorer le proverbe ancien: "Les amis de mon ennemi sont mes ennemis". Ils défendent l’État de droit et les droits universels,ouvrant la voie, dans le monde, à la révolte de la tradition et du passé.

Dans sa vocation moderniste et dans son mode de communication, Navalny est le combattant énigmatique de l'élargissement de la démocratie, comme vision utopique et rationalisante de l'Histoire, indifférente, voire contraire à l'évolution des régimes politiques selon leur propre loi et selon leur propre individualité culturelle et historique.

Après une longue période d'utopie totalitaire, issue des idées rationalistes, le réveil du vieux pays, la Russie de l'absolutisme et de l'anarchie, s'est fait sur la base du retour de l'autorité, de la hiérarchie et de l'ordre, sous peine de disparition et d’effondrement définitifs. Navalny n'a pas à cœur son pays, ni sa liberté, mais le vice personnel du Prince. Ceci est il suffisant pour bâtir une opposition effective à Poutine?

L'Occident qui soutient le droit à la liberté d'un contestataire déterminé mais sans programme politique, est-il en droit de pratiquer une politique d'ingérence, aux termes du traité de Westphalie (1648), qui l'interdit? L'Occident ne fait il pas plutôt de la politique "Smart" ou sélective, définie par Joseph Nye et rendue publique par Hillary Clinton les 6-8 février 2009 à Berlin?

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Peut-on comparer le retour de Navalny de Londres au retour de Lénine de Suisse en 1917, pour accélérer la révolution et stopper la guerre des Empires centraux à l'Est?

On est effectivement en droit de se poser des questions sur le soutien politique et financier à Navalny et à son mouvement pour leur campagne de dénigrement et de déstabilisation, orientée au du Chef de l' État? N'y a-t-il pas de doute et d'équivoque dans la conception de la démocratie, invoquée comme référent universel et si mal représentée dans leurs modèles de référence?

Il est bien plus probable que nous soyons à la fin d'un cycle, qui bouleverse les catégorie et les paradigmes de la connaissance, dans lesquels on ne reconnaît plus la réalité et qui, partant de la Realpolitik, vise à créer désordre, chaos et instabilité permanente à l'Est, poussant vers un rapprochement de la Russie à la Chine, dans l'hypothèse d'une confrontation finale sino-américaine.

Du point de vue interne, le crédit accordé par Mme Merkel à la thèse de l'empoisonnement du "patient de Berlin", fait jouer à celle-ci le rôle de la pyromane, car il politise un cas douteux et ne facilite pas les relations euro-russes, ni celles internes entre le pouvoir et la société civile. Au contraire, le soutien occidental à des mouvements de contestation freine l'émergence d'un courant pro-européen crédible et conduit à deux résultats contre-productifs, le durcissement du "pouvoir russe" et l'aliénation de l'opposition du consensus populaire. Par ailleurs "la diabolisation de Poutine ne peut tenir lieu de politique: elle fournit simplement un alibi à l'absence de politique" comme l'écrivait déjà Kissinger dans Spiegel en 2015. Après la visite infructueuse du Haut Représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique sécurité, Mr Josep Borrel, et sa demande, inopportune et refusée, de rencontrer un homme en jugement et "en détention", la Russie a procédé à l'expulsion de trois diplomates européens, ce qui entérine un camouflet pour la tentative d'ingérence dans l'espace politique d'un autre État et une nouvelle tension entre Moscou et l'Europe, décrédibilisée et affaiblie.

Qui aime la liberté dans sa conception inconditionnelle et individuelle, celle de l'Occident, peut il accepter la conception de la liberté dirigée ou spécifique à chaque groupe culturel comme en Russie? Pour Ivan Ylyine, inspirateur de Poutine, la liberté pour la Russie doit être entendue comme l'unité de toutes les composantes culturelles du pays, menacées d'ingérence de la part de nombreux pays euro-atlantiques, qui refusent les principes et l’identité traditionnelle, venant saper l'indépendance de l’État et la cohésion nationale. En effet selon Ylyine "la Russie n'est pas menacée par le trône, mais par la dissolution de la nation, à laquelle travaillent les partis révolutionnaires"..et, nous dirions, ceux qui combattent la "voie russe" et son projet eurasiatique.

Bruxelles, 7 février 2021

lundi, 08 février 2021

La méfiance de Vladimir Poutine à l’égard des réseaux sociaux occidentaux

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La méfiance de Vladimir Poutine à l’égard des réseaux sociaux occidentaux

L’Etat doit protéger la liberté sur l’Internet

Le Président russe Poutine a abordé tout récemment un des thèmes les plus importants de e 21ème siècle : celui de la toute-puissance grandissante des médias sociaux. Dans un discours adressé aux gagnants d’un concours tenu dans l’ensemble du territoire russe, « L’enseignant de l’année », Poutine a souligné que le rôle de l’Etat était de défendre la liberté d’expression sur l’Internet, face aux prétentions de Facebook, WhatsApp, etc. Pour le chef du Kremlin, ces entreprises contrôlent toujours davantage, par le biais de la censure, la conscience des gens

Poutine a mis ses interlocuteurs en garde, en leur rappelant que les consortiums médiatiques décident seuls et arbitrairement en matière de censure des contenus, sans tenir compte des conséquences de leurs décisions. Les plateformes n’étant finalement, a-t-il ajouté, que des « entreprises ».

Il a poursuivi : « Et quel est le souci premier de toute entreprise ? Faire du profit. Cela leur est bien égal que tel ou tel contenu lèse les gens auxquels il s’adresse. Ces entreprises modernes de TI commencent à contrôler de plus en plus la conscience des hommes ».

Poutine, ensuite, a toutefois bien signalé qu’il y a certes de bonnes raisons de limiter l’accès à certains contenus mais, simultanément, il a aussi constaté que les dirigeants de la Russie se devaient de réfléchir à la question et de réagir. Il a précisé qu’aucune décision ne devait être prise qui conduirait à limiter les libertés des gens, surtout la liberté de voter selon sa conscience et la liberté d’expression.

Les paroles de Poutine n’ont pas été prononcée au hasard. Plus récemment encore, il avait abordé la thématique dans son discours du Forum Economique International de cette année 2021. On peut considérer que c’est là une réaction aux véritables orgies d’effacement et de bannissement que venaient de commettre les plateformes médiatiques et les réseaux sociaux américains, visant tout particulièrement le président sortant Donald Trump. Les consortiums justifiaient leurs actions inquisitoriales en prétendant se soucier d’une expansion probable de la violence aux Etats-Unis.

Bon nombre de voix russes avaient manifesté leur inquiétude face à ce précédent commis par ces grands consortiums. La porte-paroles du ministère russe des affaires étrangères, Maria Sakharova avait dit que de telles actions inquisitoriales équivalaient « à une explosion nucléaire dans le cyberspace ». Elle avait ajouté que cette démarche constituait une attaque contre les valeurs démocratiques dont se réclame l’Occident.

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Pavel Durov, le fondateur russe du réseau social VKontakt et du service de messagerie Telegram, avait fait part de son souci quant à l’avenir de la liberté d’expression. Le duopole Apple-Google constitue une menace pour la liberté d’expression car, selon Durov, « il pouvait causer des bannissements complets, peu importe quelles applications on utilise ». Durov faisait évidemment allusion à l’interdiction et au sabordage de « Parler », chassé de l’ « iOS-store » après que les partisans de Trump ont quitté les autres réseaux sociaux pour aller s’exprimer sur « Parler ».

Article paru sur : https://zuerst.de

Poutine, le philosophe Ivan Iline et «L’ascension jusqu’aux sommets des meilleurs»

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Poutine, le philosophe Ivan Iline et «L’ascension jusqu’aux sommets des meilleurs»

https://www.politiquemagazine.fr

Sur quels fondements philosophiques s’appuient la politique nationale et internationale de Vladimir Poutine ? Découvrir et lire Ivan Iline, théoricien de l’unité et de la spécificité russe.

Le 3 octobre 2005, le cinéaste russe Nikita Mikhalkov, ami proche du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, est parvenu, étant à la tête du Fonds pour la culture russe, à faire transférer au monastère Donskoï à Moscou, en même temps que les cendres du général Anton Denikine, celles d’un quasi inconnu en Russie (sauf de quelques intellectuels, en particulier Soljenitsyne) – bien que ses œuvres complètes aient été enfin publiées [1]. On murmure que c’est le fils d’un avocat filleul d’Alexandre II et d’une luthérienne convertie, tous deux inscrits sur la Table des rangs qui, depuis Pierre le Grand, précise le degré des serviteurs de l’État. Son nom ? Ivan Alexandrovitch Iline. Mort en Suisse en 1954.

Le 12 décembre 2013, Vladimir Poutine, dans son adresse à l’Assemblée fédérale, se réfère à Nicolas Berdiaev lorsqu’il veut préciser ce qu’il entend par un conservatisme qui refuse la révision systématique des valeurs, la famille au premier chef : « Le sens du conservatisme n’est pas d’empêcher d’aller de l’avant vers le haut, mais d’empêcher de reculer et de retomber dans le chaos obscur et l’état primitif[2] ». Conserver pour défendre, défendre pour avancer, mais sur une voie propre, les concepteurs de « l’idée russe » au XIXe, au XXe, y voient pour la Russie le salut. Dont Ivan Iline.

Début janvier 2014, quelques semaines avant l’entrée en Crimée de troupes « pro-russes » non identifiées, hauts fonctionnaires, cadres supérieurs, gouverneurs des régions de la Fédération reçoivent en cadeau de Nouvel An La philosophie de l’inégalité de Nicolas Berdiaev (1918), La justification du bien de Vladimir Soloviev (1897) et Nos tâches, d’Ivan Iline (1956), où l’on trouve ceci : « Si le choix de ces nouveaux hommes russes réussit et se réalise rapidement, alors la Russie se relèvera et renaîtra en l’espace de quelques années. Si ce n’est pas le cas, la Russie tombera du chaos révolutionnaire dans une longue période de démoralisation postrévolutionnaire, de déclin et de dépendance envers l’extérieur[3]. »

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Au Forum de la Jeunesse « Tauride » du 10 au 20 août, qui se tient en Crimée six mois après le référendum du 16 mars grâce auquel Moscou a constitué comme nouveaux sujets de la Fédération de Russie la république de Crimée et la ville de Sébastopol, Boris Mejouev, rédacteur aux Izvestia, philosophe, politilogue, insiste sur le fait que la Russie doit « s’édifier comme une civilisation séparée ». Dans quelles conditions ? C’est là qu’il est utile de se remémorer Ivan Iline, hanté par le démembrement de son pays ; pour lui la défense des valeurs traditionnelles ne se sépare pas de l’idée d’un État solide, qui défend son unité par la force si nécessaire ; en quoi il s’opposait à Tolstoï, qui prônait le pacifisme[4]. L’identité nationale est vue comme un rempart contre la standardisation culturelle, déjà à l’œuvre, de fait, dans le libéralisme occidental.

Février 2015, le philosophe et journaliste français Michel Eltchaninoff publie chez Actes Sud Dans la tête de Vladimir Poutine, un essai dont le mérite est aussi de faire le point, à l’occasion des événements de Crimée, sur les influences d’ordre philosophique qui pourraient déterminer ou infléchir la politique du président de la Fédération de Russie. L’ouvrage, récompensé par le Prix de la Revue des deux mondes, apporte éclaircissements et nuances. S’il est vrai que la philosophie inspire davantage nombre de « têtes pensantes » autour de Poutine, dont Vladimir Iakounine, plutôt que Poutine lui-même, dont la passion va au judo – pourtant les références implicites ou explicites à Ivan Iline se multiplient dans ses discours. Elles sont particulièrement saillantes lors de ses interventions au club Valdaï[5]. Qui est Ivan Iline ?

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Une pensée de l’État dans l’exil

Une formation de juriste lui ouvrit un temps une carrière de professeur de droit. Puis une vie décentrée dans l’exil, en Allemagne (Stettin) et en Suisse (Zollicon), et ce après condamnation à mort, commuée en embarquement sur ce « bateau des philosophes » où Berdiaev s’est trouvé aussi, en 1922. Une pensée politique hantée par la dislocation de l’État russe, tentée mais un moment seulement par le national-socialisme[6], finalement plus bienveillante à l’égard de Mussolini. Pensée qui se construit autour de trois notions : le sens de l’État (et non du parti) ; le respect du droit (non comme lettre froide mais disposition intimement incarné) ; le patriotisme (plutôt que le nationalisme). Voilà résumé l’essentiel. L’œuvre d’Ivan Iline compte environ cinquante livres et mille articles, en russe, en allemand, en français. Elle prend sens pour nous si on l’approche sous un angle qui paraîtra à première vue paradoxal : les libertés – l’angle le plus pertinent à en croire l’essayiste Ivan Blot[7].

La plus importante est la souveraineté, entendue au sens de la non-dépendance d’un État à l’égard de quelque autre dans les domaines considérés comme vitaux, où l’unité historique de la nation, sa sécurité présente, son devenir prochain risqueraient d’être engagés. C’est la leçon de la guerre civile qui parle : celle de Russie, de 1917 à 1922. Mais il me souvient aussi comment le président Hollande, qui proposait en 2012 à Poutine une conversation à propos des anti-missiles, s’est vu opposer une fin de non-recevoir immédiate : tant que la France serait sur ce point tributaire des États-Unis, aucune conversation ne serait ouverte avec elle.

Autre liberté majeure aux yeux d’Ivan Iline, celle de cultiver son identité nationale, au sein d’un ensemble où l’unité reste assurée par l’élément ethnique et culturel russe, par opposition au relativisme absolu qui a mené l’Europe à oublier ses origines et à perdre, en même temps que ses traditions, son identité, au bénéfice d’un multiculturalisme qui en outre l’affaiblit. Voici ce que dit Poutine au club Valdaï en septembre 2013 : « La Russie a toujours évolué au sein d’une “complexité florissante” en tant qu’État-civilisation, consolidé par son peuple russe, le langage russe, la culture russe, l’Église orthodoxe russe et les autres religions traditionnelles du pays. C’est précisément le modèle d’État-civilisation qui a formé notre entité étatique. Il a toujours cherché à s’accommoder souplement à la spécificité ethnique et religieuse de territoires particuliers, afin d’assurer la diversité dans l’unité[8] ».

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La réalité d’une inspiration

Même si c’est au moine et diplomate Constantin Leontiev (1831-1891) que Poutine fait explicitement référence – cet autre champion d’une Russie messianique sous réserve qu’elle crée une civilisation slavo-asiatique propre, distincte de l’européenne, et centrée sur Constantinople –, le propos renvoie à toute la hantise d’Ivan Iline de sauvegarder l’unité en respectant les « libertés locales ». La diversité naturelle du monde est « une donnée de Dieu », dit encore Poutine ; mais surtout les émeutes à caractère xénophobe de 2006 (Carélie), 2009 et 2013 (Moscou) sont passées par là.

C’est, avec cette citation, le moment de marquer deux limites à l’influence qu’ont pu avoir tel ou tel philosophe sur le virage que Poutine, au lendemain de son élection de 2012, est censé avoir pris. D’une part il est avant tout un homme d’action, d’autre part, Ivan Iline, on l’a compris, est loin d’avoir l’exclusivité. Outre Léontiev, il faudrait citer le panslaviste Nikolaï Danilevski (1822-1885), qui insiste sur le fait que la Russie et les Slaves composent un ensemble culturel unique ; le philosophe converti Vladimir Soloviev (1853-1900), convaincu que la recherche de la perfection, qui est la fin de notre espèce, s’incarne dans la famille et la patrie ; le naturaliste Lev Goumiliev (1912-1992), pour qui l’énergie vitale qui fait défaut en Occident surabonde en « Eurasie » ; ou le métropolite de Pskov, Tikhon Chevkounov, présumé confesseur de Poutine, pour qui il en est de la Russie d’aujourd’hui comme de Byzance : toutes sortes de dangers la pressent de toutes parts.

Illustration : « Le guide sert au lieu de faire carrière, combat au lieu de faire de la figuration, frappe l’ennemi au lieu de prononcer des mots vides, dirige au lieu de te vendre aux étrangers. » Ivan Iline

[1]. De 1998 à 2003.

[2]. Berdiaev, De l’inégalité, 1918.

[3]. Chapitre La tâche principale de la Russie.

[4]. La résistance au mal par la force, 1925.

[5]. Cercle de réflexion créé en 2004 près du lac Valdaï, région de Novgorod, par l’agence Ria Novosti.

[6]. Auquel il deviendra vite suspect, étant même arrêté par la Gestapo.

[7]. Conférence au cercle de l’Aréopage du 21 juin 2016.

[8]. Discours à Valdaï – 19 septembre 2013, http://en.kremlin.ru/events/president/news/19243.

Joseph de Maistre en Russie

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Joseph de Maistre en Russie

Arkady Minakov

Ex : https://www.geopolitica.ru

Traduction de Juan Gabriel Caro Rivera

La naissance du conservatisme, tant en Europe occidentale qu'en Russie, est inimaginable sans l'influence de Joseph de Maistre (1753-1821), l'un des pères fondateurs du conservatisme européen, qui était aussi un brillant intellectuel, un "ardent réactionnaire" (comme N. A. Berdiaev l'a appelé dans son livre Le nouveau Moyen Age), la "réaction contre Voltaire". Il ne fait aucun doute qu'il était l'un des critiques les plus radicaux de la Révolution et des sociétés démocratiques de son temps.

Joseph de Maistre est né dans la ville de Chambéry, en Savoie, dans une famille aristocratique. Il a fait ses études primaires dans un collège jésuite. Après avoir obtenu son diplôme de l'université de Turin en 1774, où il a étudié le droit, de Maistre est devenu l'un des conseillers du Sénat de Savoie et, en 1788, sénateur. Ce futur catholique ultramontain, dominé par une croyance inébranlable en la priorité du pouvoir papal sur le pouvoir séculier, était à l'époque membre d'une loge maçonnique et catholique libéral. Joseph de Maistre accède au rang de "Chevalier de la Bienfaisance de la Ville Sainte" au sein des loges maçonniques. En 1796, il publie son livre Réflexions sur la Révolution française, qui le rendra célèbre dans toute l'Europe et en fera un classique de la pensée conservatrice.

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Lorsque les troupes révolutionnaires françaises ont occupé sa Savoie natale, de Maistre s'est installé en Sardaigne, où il a été promu chancelier en 1800. Et en mai 1803, il arrive à Saint-Pétersbourg comme ambassadeur du roi de Piémont-Sardaigne. Joseph de Maistre jouit d'une grande influence au sein de la cour impériale et prend une part active à certaines initiatives politiques d'Alexandre Ier. C'est précisément en Russie qu'il a écrit ses deux œuvres les plus importantes : Les Soirées de Pétersbourg et les Lettres de Saint-Pétersbourg.

Les sermons laïques de Joseph de Maistre ont trouvé un large écho dans une partie de la haute société russe. Par exemple, le célèbre auteur et mémorialiste S. P. Zhikharev a écrit dans son journal : « Le comte de Maistre doit certainement être un grand penseur ; quoi qu'il dise, il le fait de manière divertissante, et chacune de ses remarques reste dans la mémoire de l'auditeur, car chacune d'entre elles contient une idée, une idée qui a été parfaitement exprimée par lui ».

De Maistre fréquente les salons de S. S. Uvarov, V. P. Kochubei, le comte A.K . Razumovsky, et est l'ami de l'amiral P. V. Chichagov, connu pour ses remarques, en tant que conservateur orthodoxe, qu'il écrit dans son livre Conversations d'un amoureux du verbe russe, défendues par A. S. Chishkov et G. R. Derzhavin. Dans la vie intellectuelle de la société russe au début du XIXe siècle, Joseph de Maistre a joué un rôle exceptionnel ; dans une certaine mesure, c'est grâce à ses idées que la Russie est devenue une sorte de centre d'où rayonnaient les idées anti-révolutionnaires.

De Maistre a également joué un rôle dans le développement du conservatisme russe. Les premiers conservateurs russes partageaient fondamentalement les mêmes valeurs qui caractérisaient de nombreux conservateurs d'Europe occidentale et avaient des idées très similaires, qui visaient à protéger et à actualiser les traditions et les valeurs positives d'une société traditionnelle idéalisée par eux, principalement basée sur un pouvoir monarchique centralisé et fort et sur la religion.

005709135.jpgLe conservatisme russe était typologiquement très proche du conservatisme d'Europe occidentale, car il possédait les mêmes caractéristiques de base, qui étaient fondées sur l'affirmation de la tradition, la compréhension de l'inégalité et de la hiérarchie comme état naturel de la société, le refus de l'utilisation de méthodes révolutionnaires comme moyen de reconstruction de la société, la lutte contre les idées des "Lumières", la conviction que la société a besoin d'un monopole bien établi sur la discussion et l'interprétation des problèmes sociaux et moraux les plus importants qui doivent être menés par la classe noble et l'Eglise, les classes supérieures étant précisément celles qui sont obligées de soutenir ces principes pour la protection et l'idéalisation de l'Etat.

L'une des principales raisons qui ont donné naissance au conservatisme russe est le fait qu'il est né d'une réaction patriotique contre la gallomanie, qui n'était autre que la passion d'imiter et d'adopter comme siennes tout ce qui avaient une origine française, non seulement en ce qui concerne la langue, mais aussi pour en arriver à imiter les idées, les habitudes, les modes et autres choses qui, comme la poudre à canon, ont fini par s'imposer dans la société seigneuriale russe depuis la fin du 18e et le début du 19e siècle. Pour des conservateurs comme A. S. Chishkov et F. V. Rostopchine, la francité semblait être un mal idéologique qui était responsable de toutes les menaces qui pesaient sur la Russie, pour ainsi dire, face à la Révolution française et plus tard à l'agression napoléonienne qui a suivi les événements de la Révolution.

Il faut noter que les étrangers aux idées conservatrices ont condamné la francisation dans des termes encore plus sévères que leurs homologues russes. De Maistre a écrit ce qui suit : "Je n'ai pas de mots pour vous décrire l'influence française dans ce pays. Le génie de la France a littéralement fini par seller le génie de la Russie de la même manière qu'un homme met une bride sur un cheval".

Ce fait a été considéré par de Maistre sous un jour extrêmement négatif, car "la civilisation russe absorbait à cette époque toutes les idées qui corrompaient complètement l'esprit humain (c'est-à-dire que tout cela était vu comme le résultat de la diffusion des "Lumières" et de la Révolution française - A.M.). Ces circonstances ont fini par toutes converger et, pour ainsi dire, par faire en sorte que l’on confonde totalement le peuple russe avec un peuple qui était à la fois le plus terrible instrument et la plus pitoyable victime de cette corruption... La terrible littérature que le XVIIIe siècle avait produite a pénétré immédiatement et sans retenue en Russie, faisant que les premiers enseignements qui ont été dispensés en langue française devant les oreilles du public russe n'étaient que des paroles chargées de nombreux blasphèmes".

De Maistre reproche aux occidentalistes russes la large diffusion de ces idées, en particulier dès le règne de Pierre Ier. "Je vous reproche, Pierre Ier, d'avoir commis le plus grand péché : le manque de respect que vous avez éprouvé pour votre propre nation".

Cependant, du point de vue de la Sardaigne, Pierre avait commis des péchés encore plus terribles : "En général, ce pays donne trop de libertés aux étrangers et la seule façon de se libérer de leur influence est de déclencher une révolution. La responsabilité de tout cela incombe à Pierre, qu'on appelle le Grand, mais qui était en fait le meurtrier de sa propre nation. Non seulement il la méprise et l'insulte, mais il lui apprend à se haïr en lui enlevant toutes ses coutumes, sa morale, son caractère même et sa religion, après quoi il la met au service des étrangers charlatans et fait de la Russie le jouet de toute cette canaille".

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A coup sûr, de Maistre a très probablement exagéré ses critiques en transposant la haine qu'il ressentait pour l'Europe protestante aux réformes de Pierre, dont beaucoup ont été inspirées par cette même Europe protestante.

De Maistre a passé quatorze ans en Russie, où il a vécu de 1803 à 1817, ce qui a eu un impact important sur la politique du ministère de l'Éducation publique, car il a sévèrement critiqué le système d'éducation et les formes d'enseignement qui existaient en Russie et qui, selon lui, étaient imprégnées du même esprit de gallomanie qu'à la cour et qui n'étaient rien d'autre qu'une imitation très grossière des modèles éducatifs de l'Europe occidentale. Il voyait dans ces réformes un grand danger pour l'avenir de l'État russe, car, d'elles, sortirait une strate de la population qui serait influencée par les idées en vogue en Europe occidentale.

Les nobles semi-alphabétisés et francisés étaient par essence un groupe subversif, ou du moins constituaient une faction guidée par l'esprit d'opposition et soutenant un amoralisme militant : « Leur esprit est complètement perverti et plein d’orgueil, ils détestent tout ce qui existe dans leur pays, ils condamnent toujours tout ce que fait leur gouvernement, ils adorent complètement les choses qui viennent de l'extérieur, ils adoptent les modes et le langage qui est utilisé à l'étranger, et ils sont toujours prêts à subvertir tout ce qu'ils méprisent, c'est-à-dire tout ce qui existe dans ce monde ».

"Une autre des terribles conséquences de tout cela, et qui est le fruit de la manie du gouvernement pour la science occidentale, pour laquelle il est nécessaire de faire venir des professeurs de l'étranger afin de la mettre en œuvre, est que la Russie est constamment obligée de demander l'aide de pays étrangers ; et comme les personnes vraiment éduquées et morales quittent rarement leur pays natal, où elles sont honorées et correctement récompensées, le gouvernement russe recourt à des personnes médiocres, des personnes qui sont non seulement dépravées mais aussi puériles et qui viennent au Nord uniquement parce qu'elles croient qu'on leur offre une fausse bourse qui leur procurera beaucoup d'argent.

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"Jusqu'à ce jour, la Russie est pleine d'une telle racaille venant de l'extérieur, la plupart d'entre eux ayant été expulsés de leur propre pays en raison des luttes politiques qui s'y déroulent. Ces transfuges n'apportent à la Russie que leur impudence et leurs vices. Ils ne ressentent aucun amour ni respect pour ce pays, ils ne nouent aucun lien avec cette terre dans le domaine civil ou religieux, ils se moquent complètement de ces Russes obscènes qui leur confient tout ce qui leur est le plus cher au monde, ils sont pressés de récolter assez d'or pour vivre à leur guise en écrivant des livres où ils déversent des insultes contre la Russie, des livres que le gouvernement achète à ces mêmes sycophantes et qu'il traduit même en utilisant les fonds publics.

"La situation actuelle est de plus en plus alarmante, en raison des préjugés extrêmement regrettables dont souffre ce pays. En Russie, il est tacitement admis que la morale doit être quelque chose de complètement séparée et indépendante de l'enseignement, de sorte que, par exemple, si un professeur de physique ou de langue grecque, dont on sait qu'il est dépravé ou athée, fait des choses immorales, cela amène souvent tout le monde à se demander : qu'est-ce que cela a à voir avec la physique ou la langue grecque ? Ainsi, toutes les intellectuels-voyous de l'Europe finissent en Russie et ce pays paie cher le fait d'avoir à faire face à cette multitude d'étrangers de mauvaise augure qui se consacrent exclusivement à tout gâcher".

De Maistre, en soutenant ces critiques, finit par devenir un allié idéologique des conservateurs russes qui s’étaient engagés dans une lutte contre tout type d'influence étrangère dans leur pays et qui détestent la gallomanie.

De Maistre, tout comme A. S. Shishkov et F. V. Rostopchin, a appelé à "un examen plus minutieux des étrangers (en particulier les Allemands et les protestants) qui viennent dans ce pays pour éduquer les jeunes, indépendamment de ce qu'ils vont enseigner, car nous devons considérer qu'il est presque certain que sur cent personnes qui viennent enseigner, au moins 99% d’entre eux appartiennent à cette catégorie, de sorte que l'État finit par s'impliquer avec les personnages qui le mènent au désastre, puisque personne qui a une famille, des biens, une moralité avérée et une certaine réputation n'ira jamais dans un pays étranger par nécessité, mais restera vivre dans sa terre natale".

md22704552794.jpgLes conservateurs russes ont réussi à mettre partiellement en œuvre un grand nombre des exigences qu'il demandait. C'est ainsi que le 25 mai 1811, un décret est publié "sur les pensions privées", qui stipule que "la noblesse, soutenue par l'État, estime nécessaire de placer sous surveillance les personnes qui viennent de l'étranger en cherchant leurs propres intérêts et en négligeant toutes les affaires intérieures, puisqu'elles n'ont aucune règle pure en matière de moralité ou de connaissance de celle-ci" et "après avoir ruiné la noblesse et les autres classes, ces étrangers préparent lentement la ruine de la société en général car on leur permet d'éduquer les enfants du pays".

Le décret ordonnait aux directeurs d'école de tester les qualités morales des propriétaires de pensionnats et d'exiger d'eux et des enseignants travaillant en Russie une connaissance de la langue russe. L'enseignement devait être dispensé exclusivement en russe. Au début de 1812, l'"Avis du ministre de l'éducation publique sur les enseignants étrangers dans le pays" a été publié, c'est-à-dire un ordre par lequel les enseignants étrangers devaient désormais certifier par écrit les compétences et les connaissances qu'ils enseignaient dans les écoles primaires russes.

L'existence de nombreux points de vue partagés par les conservateurs orthodoxes et de Maistre a conduit à des tentatives délibérées de ce dernier d'entrer en contact avec des représentants du "parti russe" conservateur. On sait que de Maistre a assisté aux rencontres Chichkov-Derzhavin, ce que l'on retrouve dans les Conversations d'un amoureux de la parole russe, et qu'il a également visité le célèbre salon de Tver de la Grande-Duchesse Ekaterina Pavlovna, chef officiel des représentants conservateurs du "parti russe" à la cour du Tsar. Tous ces contacts ont très probablement eu lieu parce qu'ils ont tous lutté ensemble contre l'influent "parti français", dont le chef de file était le célèbre réformateur libéral M. M. Speransky.

De Maistre porte son propre jugement sur Speransky dans une lettre qu'il envoie au roi de Sardaigne, Victor Emmanuel Ier, le 28 août (9 septembre) 1811. Les principales accusations portées contre Speransky étaient une attaque contre son milieu social "inférieur", le fait qu'il se livrait à l'espionnage au nom de la France, son adhésion aux idées constitutionnalistes et son appartenance à la franc-maçonnerie :

"C'est un homme intelligent, très diligent et qui a une excellente plume ; toutes ces qualités sont absolument indiscutables. Mais il est le fils d'un prêtre, ce qui signifie qu'ici en Russie, il appartient aux couches les plus basses du peuple libre, et de là, comme il est naturel, viennent ceux qui sont les grands promoteurs de réformes radicales. Il accompagne l'empereur à Erfurt et y rencontre Talleyrand ; certains pensent qu'il entretient une correspondance importante avec lui. Toutes les questions qui concernent son administration sont imprégnées de toutes sortes d'idées nouvelles et, surtout, il est enclin à l'établissement de lois constitutionnelles... Je dois avouer mon extrême méfiance à l'égard du secrétaire d'État... Sa Majesté ne doit pas douter un seul instant de l'existence d'une secte très influente qui a depuis longtemps juré de renverser tous les trônes d'Europe et qui utilise les souverains eux-mêmes pour accomplir cette tâche par l'utilisation d'un savoir-faire infernal".

002187016.jpgFinalement, à la suite d'une lutte en coulisses impliquant toutes ces "factions", Speransky finit par tomber en disgrâce en mars 1812, ce qui renforce considérablement les positions du "parti russe" et de Joseph de Maistre. En février 1812, ce dernier se voit proposer d'éditer tous les documents officiels publiés au nom du tsar ; 20 000 roubles lui sont transférés au nom de l'empereur afin d'assurer toutes les dépenses nécessaires "à la préparation et à l'exécution de l'un de ses plans".

Le 5 mars, le chancelier N.P. Rumiantsev annonce à Joseph de Maistre que l'Empereur a des projets pour lui en ce qui concerne la guerre à venir et qu'il souhaite l'inviter au service de la Russie. Il accepte avec lui d'envoyer un messager pour faire venir la famille de Joseph de Maistre en Russie. Dans la soirée du même jour, de Maistre se trouvait dans l'appartement de N. A. Tolstoï, maréchal en chef et président du bureau de la cour. En outre, Tolstoï était celui qui dirigeait la vie et les cérémonies qui se déroulaient à la cour à l'époque d'Alexandre Ier, et avait une conversation avec Tolstoï sur la guerre à venir et les questions liées au commandement militaire.

Au cours de cette conversation, le tsar est entré secrètement dans l'appartement de Tolstoï. À la fin de la conversation, il échangea avec Tolstoï et parla directement à Joseph de Maistre de son nouveau travail d'éditeur. Malgré toutes les offres qui lui sont faites, de Maistre décide cependant qu'il ne renoncera pas à servir le roi de Sardaigne. Il l'a annoncé à Roumiantsev, sans pour autant refuser d'exécuter les ordres que lui avait donnés le tsar Alexandre. Le même jour, après l'exil de Speransky, qui s'est avéré être le moment où la politique russe a radicalement changé, l'État russe a rejeté tout type de réformes libérales et a repris certaines des idées des représentants conservateurs du "parti russe".

Depuis que Joseph de Maistre a refusé de faire partie de la cour de Russie, en disant à Alexandre Ier que son devoir était d'abord d'être au service du roi de Sardaigne, qui ne lui permettrait pas de rompre un "accord de non-divulgation" des informations secrètes qu'un éventuel nouveau poste pourrait lui apporter. Un tel incident a finalement conduit à la rupture des relations entre Alexandre et l'ambassadeur de Sardaigne. La faveur qui lui a été accordée en tant que secrétaire personnel du souverain n'a même pas duré quatre mois.

Le rôle politique de Joseph de Maistre en Russie était alors très important. Le 9 avril 1812, A. S. Chishkov est nommé secrétaire d'État et le 29 mai 1812, un autre dirigeant du "parti russe", F. V. Rostopchine, est promu général d'infanterie puis nommé gouverneur général de Moscou. Il a également reçu le titre de commandant en chef de la place de Moscou. En fait, il est devenu dictateur à Moscou à la veille de la plus grande guerre qui allait avoir lieu dans l'histoire de la Russie.

Les innovations politiques et idéologiques introduites dans l'Empire russe après la guerre patriotique de 1812 et les campagnes militaires de l'armée russe en Occident, et en particulier l'expérience religieuse d'Alexandre Ier et d'A. N. Golitsyn visant à créer un "État chrétien commun" avec l'Occident, sur la base des idées européennes tirées des traités écrits par les mystiques et les francs-maçons protestants, ont conduit à la conclusion que la version catholique du conservatisme développée et défendue par Joseph de Maistre était tout simplement inacceptable pour le gouvernement autocratique russe.

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Les ultramontains, en principe, ne pouvaient pas accepter l'œcuménisme et le mysticisme. Comme l'a écrit l'historien A. N. Shebunin : "les idéologues de la réaction (Joseph de Maistre, Bonald, Lamennais) avaient une attitude nettement négative envers les mystiques et l'idéologie de la Sainte-Alliance, et dans la société biblique, ils ne voyaient que les commanditaires de sectes dangereuses et de divergences religieuses en ce qui concerne nombre de leurs pensées, etc.

Sous prétexte que le prosélytisme de Joseph de Maistre était allé trop loin et qu'une grande partie de l'aristocratie de Saint-Pétersbourg s'était convertie au catholicisme (y compris le jeune prince A. F. Golitsyn, neveu du procureur général du Saint-Synode), les jésuites reçurent l'ordre de quitter les deux capitales et de Maistre fut exilé de Saint-Pétersbourg en mai 1817, pour ensuite partir à l'étranger. En 1820, les jésuites sont finalement expulsés de Russie et en 1821, Joseph de Maistre meurt à Turin.

Ainsi, l'influence directe de l'un des fondateurs de la pensée conservatrice européenne sur la formation du conservatisme russe prit fin en 1817. Le rejet de l'expérience religieuse œcuménique qui a suivi dans les années 1822 à 1824 a été une conséquence de la victoire du "parti russe", orthodoxe et conservateur, qui a longtemps bloqué le processus de réception des doctrines occidentales conservatrices non confessionnelles. Depuis 1824, la monarchie ne remet plus en question le statut de l'orthodoxie en tant que religion dominante, et le conservatisme russe est désormais exclusivement basé sur l'orthodoxie.

Joseph de Maistre a sans aucun doute influencé la formation du conservatisme russe. Le conservatisme russe à l'époque de son émergence et de sa formation était typologiquement très proche du conservatisme d'Europe occidentale, puisque ce dernier possédait les mêmes caractéristiques fondamentales, telles que le traditionalisme, l'inégalité en tant qu'état naturel de la société, l'identité, le patriotisme, etc. En même temps, cette idéologie a influencé les penseurs conservateurs d'Europe occidentale dans leurs propres pays. Il y avait relativement peu de Russes partageant les mêmes idées ; il faut plutôt dire que le conservatisme russe est apparu parallèlement au conservatisme d'Europe occidentale et sous l'influence de facteurs très similaires.

Bibliographie :

Местр Ж. де. Петербургские письма. 1803–1817 / Ж. де Местр. - СПб. : Инапрапрессс, 1995. - – 336 с.

Местр Ж. де. Санкт-Петербургские вечера / Ж. де Местр. - СПб. : Алетейя, 1998. - – 731 с.

Дегтярева М. И. Жозеф де Местр и его руссские собеседники. Опыт философской биографии и нтеллектуальные связи в Росссиии / М. И. Дегярева. - Пермь : Астер, 2007. - – 403 с.

Минаков А. Ю. Руссский консерватизм в первой четверти XIX в. / А. Ю. Минаков. - Воронеж : Изд-во Воронежского гос. ун-та, 2011. - – 560 с.

dimanche, 07 février 2021

Alternatives concrètes au cliché «de l’ennemi russe»

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Alternatives concrètes au cliché «de l’ennemi russe»

par Karl-Jürgen Müller

Ex: https://www.zeit-fragen.ch/fr

Le gazoduc Nord Stream 2 de la mer Baltique reliant directement la Russie à l’Allemagne, se trouve au cœur de la nouvelle guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie. Le débat équilibré et objectif sur les avantages et les inconvénients de ce pipeline semble impossible face aux multiples manœuvres américaines et européennes de déstabilisation contre la construction du pipeline. Ces dernières années, la construction du gazoduc a connu des retards répétés. Actuellement, les choses ont pris un nouvel essor. 

Le 15 janvier 2021, l’office fédéral maritime et hydrographique allemande (BSH) a accordé à Nord Stream 2 l’autorisation de poursuivre la construction dans la partie allemande du chantier. Le renouvellement de l’approbation était devenu nécessaire parce que la société suisse Allseas avait retiré ses navires spéciaux pour la construction de pipelines, suite aux menaces de sanction américaine de la fin de l’année passée et à la contrainte d’une demande d’un navire russe dont la technologie différente est approuvée actuellement. Il s’agit du navire-pose russe «Fortuna», qui se trouve maintenant en mer Baltique. Seuls 150 kilomètres de la ligne double (2 fois 75 kilomètres) – sur une longueur totale de plus de 2448 (2 fois 1224) kilomètres – sont encore à poser.

La Fondation pour la protection du climat 

Le 7 janvier 2021 déjà, le Parlement du Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale avait décidé de créer une fondation pour la protection du climat et de l’environnement à extension du Land, avec les votes du PS et de l’UCD au pouvoir et du parti d’opposition «Die Linke» (La Gauche), l’autre parti d’opposition, l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), s’abstenant du vote. Le but de la fondation d’Etat n’est pas seulement de promouvoir la protection du climat et de l’environnement dans le Mecklembourg occidentale, il lui sera également possible de soutenir la construction du gazoduc Nord Stream 2 de la mer Baltique, selon les déclarations publiques des responsables dès le début. Le Land de Mecklembourg occidentale contribue à hauteur de 200 000 euros au patrimoine de la fondation tandis que la société anonyme Nord Stream 2, basée à Zoug, en Suisse,1 met 20 millions d’euros à la disposition de la fondation – initiative qui est en concert avec le gouvernement du Land. «Je suis heureux que nous ayons pu gagner Nord Stream 2 SA comme partenaire pour ce projet», a déclaré Christian Pegel, ministre de l’énergie (PS), des infrastructures et de la numérisation.2 Le conseil d’administration de la fondation se compose de trois membres: l’ancien premier ministre Erwin Sellering (PS), l’ancien député européen Werner Kuhn (UCD) et l’entrepreneuse Katja Enderlein.

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Soutenir la construction du Nord Stream 2

L’intention ouvertement déclarée de soutenir la construction du Nord Stream 2 avec la fondation est une réaction du Land face à l’intensification des menaces de sanctions du gouvernement et du Congrès américains dirigées contre toute entreprise directement ou indirectement impliquées dans la construction du gazoduc. L’hebdomadaire Die Zeit,dans son édition numérique du 7 janvier 2021, cite le premier ministre de l’Etat, Mme Manuela Schwesig (PS), en ces termes: «Cela n’entre pas dans nos intentions que cette fondation construise ou exploite le gazoduc.» Elle y ajoute qu’il entre dans ses compétences de contribuer à son achèvement. Recourir à cette possibilité dépendait, dit la ministre, «de la question de savoir si les Etats-Unis continuent de recourir à des sanctions contre les entreprises allemandes et européennes». Selon les statuts, la fondation aurait le droit, continue-t-elle, d’acheter par exemple des composants ou des machines essentielles à l’achèvement du gazoduc. Ainsi les entreprises fournissant ces éléments à la fondation ne seraient plus menacées par les sanctions américaines. Or dans sa qualité d’un organisme publique, la fondation éviterait toute sanction dirigée contre elle puisque la législation américaine actuelle exempte les organismes publics de ceux susceptibles de sanctions américaines.

Interview avec Manuela Schwesig

Dans une interview accordée au Redaktionsnetzwerk Deutschland (RND), le 14 janvier 2021,3 la ministre-présidente du Land a commenté en détail le projet de fondation ainsi que les questions politiques plus générales liées au projet.

Au début, Mme Manuela Schwesig s’est vu confrontée au fait de savoir si le petit Land cherchait à tromper les grands Etats-Unis en contournant les sanctions contre Nord Stream 2 au travers d’une fondation. Son gouvernement réagit ainsi «au fait que les Américains menacent un pipeline ayant été légitimement approuvé et se trouvant en phase terminale par des sanctions, action qui a comme but d’améliorer les possibilités de marché en faveur de leur propre gaz de fracturation. Je trouve cela scandaleux, et cela m’agace que tous les critiques de la fondation ne soufflent aucun mot sur leur propre position quant aux sanctions américaines émises à l’égard des entreprises allemandes». Elle réfute également l’accusation reprochant à la nouvelle fondation de n’avoir qu’un rapport superficiel avec la protection du climat et de l’environnement et qu’elle serait un emballage trompeur. «L’accusation ne tient pas», dit-elle. «Nous avons communiqué notre procédé, dès le début, de manière très transparente et le parlement du Land a approuvé la création de la fondation à une très large majorité. Au fil des ans, cette nouvelle fondation développera une activité salutaire diversifiée en faveur de la protection de l’environnement du Land. Elle ne construira pas le pipeline ni ne l’exploitera. Mais elle pourra aider à la construction du pipeline si cela s’avère nécessaire en raison des sanctions américaines. Cela aussi, nous l’avons signalé de manière complètement transparente. D’ailleurs, dans le cadre de la construction du premier gazoduc Nord Stream, deux fondations pour la protection de la nature ont déjà été établies et Nord Stream y a mis à disposition de l’argent, dans les deux cas. Des organisations environnementales de renom y sont représentées. Pourquoi ce qui était juste à l’époque doit-ilsoudainement être faux aujourd’hui? [...] Il reste à voir si la nouvelle fondation devra contribuer à la construction finale du pipeline. Cela dépend de la façon dont les Etats-Unis procèderont. Ce qui est sûr c’est que la fondation apportera certainement une contribution à la protection de l’environnement. Nord Stream va sans doute soutenir financièrement des projets de protection de la nature et du climat sur tout le territoire du Land.»

A la question si elle ne voit pas un problème à mélanger la protection du climat et l’achèvement d’un gazoduc pour le transport du gaz naturel, la cheffe du gouvernement du Land répond: «Pas du tout, parce que je crois fermement que le gaz naturel est un élément important pour la transition énergétique. L’Allemagne abandonne progressivement l’énergie nucléaire à partir de l’année prochaine et la production d’électricité à base de charbon d’ici 2038 au plus tard. Dans cette période de transition, nous avons besoin du gaz comme source d’énergie de transition, au moins pour une période transitoire, car nous ne disposons pas encore de suffisamment d’énergie éolienne et solaire, en raison de la nécessité d’un développement des technologies de stockage. Une transition énergétique réussie qui fonctionne, sur le plan écologique ainsi qu’économique, est lameilleure protection du climat.»

Retrait des sanctions 

Interrogée sur ce qu’elle attend du gouvernement allemand, Mme Schwesigrépond: «Nous exigeons le retrait des sanctions contre nos entreprises. J’attends donc de la part du gouvernement allemand qu’il le fasse savoir clairement lors de ses premiers entretiens avec la nouvelle administration américaine, peu importe que vous pensiez que le pipeline soit quelque chose de bien ou non. Des pays amis ne peuvent et ne doivent pas se comporter les uns envers les autres de cette manière.»

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A la fin de l’interview, Manuela Schwesig est interrogée sur son attitude souvent perçue par le public comme un alignement sur le président russe Vladimir Poutine. Elle y répond dans les termes suivants: «De telles attaques montrent que pour de nombreuses personnes il ne s’agit pas de la critique objective d’un projet d’infrastructure, mais de leurs réserves à l’égard de la Russie. Si le gazoduc venait de Scandinavie plutôt que de Russie, il se heurterait à beaucoup moins de critiques. Dans le Land, 80% de la population souhaitent entretenir de bonnes relations avec la Russie. Il ne faut pas oublier que nous nous trouvons, depuis des années, dans un partenariat étroit avec la région de Leningrad, se trouvant quasiment à nos portes. Nous soutenons la coopération germano-russe. Cela ne signifie pas que nous ne soyons pas critiques, mais la critique et le dialogue vont de pair.»

Si les problèmes de l’humanité exigent la coopération de tous les Etats et de tous les peuples, la réalité est différente. Cette réalité inclut le simulacre entretenu par l’Occident au sujet de la Russie comme un cliché «d’ennemi»4 Cette image d’ennemi manifeste ses répercussions dans nos sociétés presque quotidiennement. A quoi cela sert-il, par exemple, lorsque, le dimanche soir, 17 janvier 2021, le premier «bulletin d’information» de la «Tagesschau» (Actualités) de l’ARD (première chaîne de la télévision allemande, de droit public) à 20 heures – autrefois lemodèle du bien-fondé et de l’objectivité inébranlable de l’information allemande – présente «le rapport» du retour d’Alexei Nawalny en Russie et son arrestation dans ce pays de manière totalement partisane, et que la vue unilatérale qui l’engendre se répande dans la totalité des émissions d’information du réseau allemand, en une sorte de film synchronisé? 

Les Verts contre Nord Stream 2

La lutte contre Nord Stream 2 s’inscrit entièrement dans ce cadre. Il est frappant de voir qui se trouve, dans cette bataille idéologique, du côté américain du front. En Allemagne, deux représentatntes du parti Les Verts se trouvent au premier rang, comme Mme Katrin Göring-Eckardt (chef du groupe parlementaire du parti au Bundestag allemand) et Mme Annalena Baerbock. Celle-ci, l’une des deux dirigeants du parti, a été largement citée par le journal allemand «Bild», sous les gros titres suivants: «Baerbock sur Nord Stream 2: GroKo (la Grande coalition entre socialistes et chrétiens-démocrates, ndt) fait le larbin du projet du Kremlin»5 et par la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» titrant: «Baerbock exige l’arrêt de la fondation de Nord Stream 2»).6 L’autre chef du parti des verts, M. Robert Habeck, s’est même adressé au nouveau chef de l’UCD, M. Armin Laschet, en disant: «M. Laschet doit corriger la position de son parti, l’UCD, et prendre clairement position contre Nord Stream 2».7 Il n’est donc pas étonnant que le mouvement des jeunes écologistes, «Fridays for Future», a manifesté contre la nouvelle fondation dans plusieurs villes d’Allemagne de l’Est.8 De grandes associations «environnementales» allemandes telles que le BUND, la «Deutsche Umwelthilfe», la «Naturschutzbund Deutschland»ou le WWF-Allemagne veulent également empêcher la réalisation finale de Nord Stream 2. Le 18 janvier, elles ont arrêté la construction pour le moment en engageant une procédure d’objection contre le permis de construire signé de l’office fédéral maritime et hydrographique allemand. 

Au grand plaisir des Etats-Unis

Les responsables d’Outre-atlantique s’en réjouiront. Le 20 novembre 2020, le Redaktionsnetzwerk Deutschland dépêcha:9 «Les Etats-Unis augmentent leur pression sur les entreprises Nord Stream 2. Le gouvernement américain conçoit le gazoduc germano-russe Nord Stream 2 de la mer Baltique se trouvant sur les derniers mètres avant sa disparition et augmente la pression des sanctions sur les entreprises européennes participantes. ‹Ce gazoduc n’existe pas›, a déclaré un haut fonctionnaire du gouvernement américain à l’agence de presse dpaà Washington. ‹Voici à quoi ressemble un pipeline mourant›.» La base des sanctions américaines est une loi adoptée par le Congrès américain en décembre 2019 avec le titre révélateur de «Protecting Europe’s Energy Security Act» (Peesa), le gouvernement américain justifiant officiellement son rejet du Nord Stream 2 par «une trop grande dépendance des partenaires européens vis-à-vis du gaz russe». 
    En quoi la sécurité énergétique européenne et les (supposées) dépendances de l’Europe intéressent-elles les Etats-Unis? Le langage des fonctionnaires américains correspond à celui tenu par les maîtres coloniaux européens d’antan.
    
L’article cité continue en déclarant «dans le cadre du paquet de la loi sur les crédits de défense 2021 (NDAA), un projet de loi devra être adopté pour renforcer les sanctions.» Et de poursuivre avec le constat «M. Biden est également critique à l’égard du projet [de pipeline]. Même dans son précédent rôle de vice-président des Etats-Unis sous Barack Obama, M. Biden avait qualifié le gazoduc de ‹fondamentalement mauvais pour l’Europe›.» 

Un jour avant de prendre ses fonctions, l’ancienne administration américaine a pris des sanctions contre la société russe KVT-RUS en déclarant le navire de pose «Fortuna» comme «propriété en blocage» – quel qu’en soit son sens concret. Officiellement, les Etats-Unis ont déclaré que le gazoduc permettrait à la Russie «de faire usage des ressources naturelles comme un outil de pression politique et d’influence malveillante contre l’Europe occidentale».10 [mise en relief par l’auteur]. Et le nouveau secrétaire d’Etat américain désigné, M. Antony Blinken, veut maintenant employer «tout l’éventail des outils de persuasion» pour couper court au Nord Stream 2.11 
    Est-ce là donc, le nouveau «partenaire» et «ami» de l’Europe que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a évoqué lors de son hymne de louange, le 20 janvier?12 
    
Cependant, des responsables allemands et européens ont également protesté à plusieurs reprises contre les prétentions américaines. Le fait que le Land riposte à cette initiative de blocage par des actions concrètes est un pas autant primordial que courageux.•


Notes:
L’entreprise russe Gazprom tient les 100% des actions de Nord Stream 2. Le président du conseil d’administration est l’ancien Chancelier fédéral allemand, M. Gerhard Schröder. Participent aux coûts d’investissement les entreprises européennes E.ON. (aujourd’hui Uniper), Wintershall, Royal Dutch Shell, OMV et Engie.
https://www.regierung-mv.de/Aktuell/?id=166889&proces... du 06/01/21
https://www.rnd.de/politik/schwesig-rechnet-mit-nord-stream-gegne...
Voir à ce sujet le livre très informatif de Hannes Hofbauer: Feindbild Russland. Geschichte einer Dämonisierung, Promedia-Verlag, ISBN 978-3-85371-401-0
https://​​​​​​​www.bild.de/politik/inland/politik-inland/baerbock-zu-nor...du 14/01/2021
https://​​​​​​​www.faz.net/agenturmeldungen/dpa/baerbock-fordert-stopp-v... du 13/01/21
https://www.focus.de/finanzen/boerse/ostsee-pipeline-mosk... du 20/01/21
https://www.nau.ch/news/wirtschaft/fridays-for-future-dem... du 12/01/21
https://www.rnd.de/politik/nord-stream-2-usa-erhohen-druc... du 21/11/20
10 https://www.zeit.de/wirtschaft/2021-01/nord-stream-2-russ... du 19/01/21
11 https://www.focus.de/finanzen/boerse/ostsee-pipeline-mosk... du 20/01/21
12 Voilà comment le magazine allemand Sterncite Mme von der Leyen,dans son édition numérique du 20/01/20: «‹Après quatre longues années, l’Europe aura, à la Maison blanche, à nouveau un ami!›, dit Mme von der Leyen, mercredi, devant le Parlement européen. ‹Le monde entier, continua-t-elle, avait attendu ce jour lui permettant d’accueillir les Etats-Unis à nouveau dans le cercle d’états d’entendement. Ce jour nous rend, continua-t-elle, les Etats-Unis›, en ajoutant:‹L’Europe est prête de renouer avec son ancien et familier partenaire pour raviver notre alliance précieuse.›»; v. Stern, https://www.stern.de/news/von-der-leyen--mit-biden-hat-eu...​​​​​​​)

samedi, 06 février 2021

Poutine et la guerre entre différents projets mondiaux

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Poutine et la guerre entre différents projets mondiaux

Mikhail Khazin

Traduction de Juan Gabriel Caro Rivera

Ex: https://www.geopolitica.ru

A propos du capitalisme « inclusif »

Je dois dire à tous ceux qui défendent les théories du complot qu'ils ne devraient pas lire ce texte : je n'écrirai rien qui ait un rapport avec la création du capitalisme inclusif qui est promu par le pape, les Rothschild et les Rockefeller (1). Pour cela, il vaut mieux lire la presse officielle.

Mais, et il est très important de le souligner, l'existence même d'un tel projet ne nous dit rien sur son propre contenu : les déclarations officielles sont souvent faites pour ne pas révéler la vérité et visent plutôt à cacher le contenu réel du projet.

Mais les gens sont très intéressés par ce sujet et écrivent beaucoup. Nous allons donc essayer de comprendre le problème en nous basant sur la façon dont nous comprenons nous-mêmes ce problème. Mais ce que nous écrivons ici est précisément une tentative et non une réponse à la question de savoir ce qui se passe. Notre perspective est donc la suivante : il existe un système de projets mondiaux, qui sont décrits de manière très détaillée dans notre livre Bridge to the Future. Nous avons fait valoir que face à ces projets mondiaux, il existe un certain nombre de projets civilisationnels qui n'ont pas encore atteint un niveau mondial, bien qu'ils tentent parfois de devenir une alternative.

Nous avons décrit ces six projets dans notre livre. Trois de ces projets sont mondiaux :

  • Le projet juif global (le "Plan Salomon", le "Nouveau Londres") ;
  • Le projet mondial "occidental" (également connu sous le nom de Finintern, dont le centre est à New York et dont le point focal est le FMI et Wall Street) ;
  • Le projet islamique mondial (aujourd'hui défendu par la Turquie).

Et les trois autres projets sont de nature civilisationnelle et visent à prendre le pouvoir ou à devenir des projets au niveau mondial. C'est le cas :

  • L'une d'elles est la relance du projet capitaliste classique qui est coordonné par le Vatican ("L'Internationale noire", l'aristocratie européenne, les francs-maçons, etc ;)
  • Le projet chinois qui a abandonné (peut-être temporairement) le projet global "Rouge" et qui est mené par une série de clans militaires ;
  • La Russie en tant que projet de civilisation qui hésite entre plusieurs options telles que l'"Internationale noire" (suivant l'idée que "Moscou est la troisième Rome"), le retour au projet global "Rouge" ou la création d'un centre de civilisation régional avec la Chine et est connu sous le nom de "Nouvelle Horde".

Par exemple, qu'est-ce que Brexit ? C'est une alternative à 1936 (lorsque le projet global "occidental" a réussi à remplacer le roi Edward VIII par le père de l'actuelle Reine et a ainsi vaincu les groupes qui appartenaient à l'élite dirigeante de l'Angleterre), c'est-à-dire au coup d'État que les banquiers ont fini par perdre.

Très probablement, jusqu'en 1936, Londres était dirigée par des représentants du projet juif (des représentants de "l'aristocratie noire" de Venise, qui, par l'intermédiaire de la Hollande, ont réussi à prendre le pouvoir en Grande-Bretagne pendant la "Glorieuse Révolution" de 1688). Cela explique le fait que tous les empires d'Europe continentale se sont effondrés à la suite de la Première Guerre mondiale et que les Britanniques sont les seuls à être restés intacts. Eh bien, Londres a toujours eu une relation difficile avec le Vatican.

Gardons à l'esprit que la "vieille" aristocratie (c'est-à-dire l’aristocratie continentale) d'Europe occidentale a tenté de se venger après la défaite de 1918 et pour cela, elle a soutenu Hitler, car elle considérait l'Angleterre comme son principal ennemi. Mais ils ont échoué et ont été contraints de se tourner vers l'Est et nous en connaissons les résultats. Soit dit en passant, toute la campagne antisémite que le NSDAP a encouragée à ses débuts visait à chasser les Juifs de Palestine, c'est-à-dire qu'elle était dirigée contre l'Angleterre elle-même.

Signalons quelque chose d'important. Depuis les années 1920, le projet juif se sent menacé par les banquiers, c'est-à-dire par l'élite du projet "occidental" qui, après la création du système de la Réserve fédérale aux États-Unis, a fini par s'installer dans ce pays. Et c'est pourquoi, depuis la fin des années 1920, ce projet a cherché à se connecter avec la NSDAP. Eh bien, à la suite de l'Holocauste, les principales victimes ont été les Juifs d'Europe de l'Est, dont une partie importante s’était installée sur ce territoire en provenance de l'ancienne Babylone et de la Khazarie. En d'autres termes, ils n'avaient rien à voir avec l'histoire de l'Empire romain et de l'Europe médiévale et, en général, étaient porteurs d'une notion du sacré complètement différente.

Au fait, le gendre de Trump représente les Hassidim, il a des ancêtres qui viennent de Khazarie. Cela nous permettrait d'approfondir l'histoire très complexe des relations que les Juifs du monde ont avec toutes les distinctions de la judaïté, et c'est un sujet que nous n'aborderons pas ici. Je ne tirerai qu'une seule conclusion de tout cela: en général, Trump, malgré son alliance avec le Vatican contre le projet global "occidental", ne constitue pas un tout en soi, lié au seul projet juif. Il est possible que si le projet de "Nouvelle Horde" (également connu sous le nom de "Grande Eurasie") réussit, Trump se joigne à ce projet, puisque la Khazaria fait partie de la zone des Grandes Steppes.

En ce moment, l'"Internationale noire" tente de mener sa deuxième revanche (elle a sa base d'opérations en Allemagne et a également un accord avec le Vatican), mais cette deuxième offensive a une faiblesse : il lui manque un modèle économique complet et cohérent qui lui donnerait les moyens nécessaires pour un projet de grande envergure. L'Allemagne et l'UE "vivent" aujourd'hui exclusivement sur le potentiel d'émission du dollar, qui est contrôlé par l'élite qui est à la tête du projet "occidental". Et comment agir dans une telle situation ? Les modèles économiques du projet capitaliste mondial sont désespérément dépassés et personne n'est capable de les adapter à la modernité : tous les experts sur lesquels ils comptent ont été formés selon les modèles du libéralisme. Le projet capitaliste est donc entré dans la phase de création d'un réseau et est principalement soutenu par les nationalistes. Et en Europe continentale, les nationalistes ne sont au pouvoir que dans quelques très petits pays.

Gardons à l'esprit que nous, les Russes, comprenons que ces ressources existent, mais que, de leur point de vue, nous devrions, au mieux, devenir un partenaire junior (et tout cela nous a été démontré de manière très dure par la Grande guerre patriotique). En Russie, la "cinquième" colonne se développe, mais pas la libérale, mais la "troisième colonne" comme le Tsarevich Hosha, toutes sortes de princes et autres marginaux que même pas 3% de la population soutient. Mais à mesure que la situation en Russie s'aggrave et, si aucune alternative n'est créée, ils finiront par accroître leur influence.

La situation à Londres s'est améliorée ! En fait, ils ont pu placer leur candidat aux Etats-Unis en 2016 (dans le cadre de la même logique nostalgique du "vieux" capitalisme), mais, l'important, c'est que maintenant il a perdu ! Le projet "occidental" a pris sa revanche sur les États-Unis et toutes les autres forces en présence doivent d'une manière ou d'une autre décider de ce qu'elles vont faire maintenant ! Gardons à l'esprit que le projet "occidental" a ses propres problèmes, tout d'abord : son principal outil, celui avec lequel ils ont pris le contrôle du monde entier à la fin des années 80, l'émission de dollars, a complètement épuisé son utilité. Mais, pour l'instant, les dollars peuvent être imprimés en n'importe quelle quantité et Trump n'est plus en mesure de l'empêcher.

Londres a donc recommencé à jouer. Ils ont un problème : le projet "occidental" domine dans l'UE, aux États-Unis et, de plus, on ne sait pas exactement quel rôle la Russie joue dans tout cela (car la Russie est sous le contrôle du projet "occidental" sur le plan financier et économique). La Russie a besoin de ressources propres (sa propre zone monétaire) dont elle ne dispose pas encore. Et Londres (sous le contrôle du projet juif) a commencé à promouvoir l'une des nombreuses factions qui existent dans le réseau du projet islamique mondial. Non pas Daesh, qui était auparavant promu par le projet "occidental", mais un autre, que l'on peut conditionnellement appeler le "califat rouge" dont le centre se trouve en Turquie (à Istanbul). L'objectif est de créer sur la base du monde arabe une zone monétaire avec Londres comme centre.

D'où, soit dit en passant, le conflit avec Israël. Londres n'a pas besoin d'Israël dans la nouvelle version du Moyen-Orient qu'elle crée (car Israël interfère avec son projet de califat rouge). Le projet "occidental" n'a pas non plus besoin d'Israël, car dans le cadre de cette confrontation interne entre Juifs, les sionistes ne sont pas en bons termes avec le secteur financier. Mais l'aristocratie européenne et le Vatican ont réellement besoin des Juifs (tant qu'Israël existera, les intérêts séculiers de l'État juif prévaudront sur les intérêts sacrés du projet  juif). À l'époque, Clinton était prêt à capituler devant Israël et Trump y était prêt aussi.

Eh bien, maintenant, comme promis, je vais parler un peu du capitalisme "inclusif". Le pape, comme on peut le constater, fait partie de l'"Internationale noire" et est l'un des éléments moteurs de ce projet de réseau capitaliste. Les Rothschild font partie du projet juif qui a pris le pouvoir à Londres, mais ils se trouvent dans une situation extrêmement précaire : la menace d'un nouveau Trump se profile à l'horizon.

Les Rockefeller sont la partie américaine du projet qui anime ce réseau capitaliste. Et qui est l'ennemi commun de tous ? L'élite à la tête du projet "occidental". Et pourquoi ont-ils besoin d'une alliance ? Selon la logique que nous avons exposée, la réponse est évidente : ils ont besoin d'un nouveau modèle de croissance économique qui soit différent de la question du dollar ! Ils doivent d'abord détruire le projet "occidental", puis s'occuper des autres projets. Et le projet "occidental" n'a pas encore été battu.

Notons que le Pape a longtemps essayé d'aller dans cette direction, il y a quelques années un fonds spécial d'environ 100 millions a été créé qui était censé financer un certain nombre de recherches pertinentes (j'ai même publié un document sur la création de ce fonds qui existe quelque part et était ouvert aux investissements) ... Mais l'astuce n'a pas fonctionné, ils n'ont pas trouvé de spécialistes capables de mettre en œuvre un tel programme. Et maintenant, ils font la deuxième tentative. La tâche principale de cette coopération est de trouver un mécanisme de développement qui permettra de vaincre enfin le projet global "occidental".

Et tous les autres projets, où en sont-ils ? La Chine s'attend à une crise inévitable, l'arrivée de Biden lui permet de retarder cet effondrement pour un certain temps, c'est-à-dire d'accumuler toutes sortes de réserves. Xi a déjà annoncé une transition pour lancer une série d'activités étatiques (sinon la Chine ne survivra pas du tout car elle ne pourra pas s'orienter vers le marché intérieur), mais il manque à la Chine un projet global ! La Chine est mal comprise au-delà de ses propres frontières, elle ne dispose pas de ce que l'on a récemment appelé le "soft power". Elle peut essayer de revenir au projet "Rouge", mais elle doit encore former un personnel important pour pouvoir le développer et la crise n'a pas encore commencé. Dans l'ensemble, ils ont encore des options, mais ils se trouvent dans un moment assez difficile.

Le projet juif a également été réactivé après le "Brexit", mais ils ont peu de ressources et sont confrontés à une inévitable guerre éclair. Soit ils remporteront une victoire rapide, soit ils subiront une défaite inévitable. Cela explique l'activité que Londres développe en Transcaucasie : elle a choisi la Turquie comme bélier et comme instrument, j'ai déjà écrit à ce sujet. Et ils doivent remporter une victoire rapide (c'est-à-dire qu'ils pourront former leur propre zone monétaire) ou la Grande-Bretagne, dans le cadre de l'histoire mondiale, cessera d'être considérée comme une grande puissance. Certes, le projet juif peut être relancé, mais la Grande-Bretagne va disparaître.

Le projet capitaliste a déjà perdu une de ses Blitzkriege et il lui est maintenant très difficile de manœuvrer politiquement, aussi espère-t-il, par ses récentes démarches politiques, s'allier à la Russie. Le seul obstacle sur son chemin est Poutine. C'est pourquoi une attaque très agressive contre Poutine se développe, qui est non seulement soutenue par le projet "occidental" (on comprend bien pourquoi l'élite de ce projet craint tant que Poutine n'entame une purge illibérale dans leur pays), mais qui trouve également un écho auprès de toute l'élite européenne. La seule différence est que les premiers détestent totalement la Russie (avec Poutine), tandis que les seconds sont tout à fait disposés à accepter la Russie, même en tant que partenaire junior, mais sans Poutine.

En fait, j'ai presque entièrement décrit le rapport de force. Seule la Russie a été exclue de ce scénario. Mais ici, je ne dirai rien pour l'instant, puisque Poutine n'a pas encore fait son choix. Plus précisément, je veux dire que la Russie manœuvre dans un scénario très difficile sans montrer à personne son véritable plan. Ici, comme lorsque l'on fait du vélo, il est beaucoup plus facile de rouler que d'être surpris par la façon dont on le fait. On ne peut donc qu'admirer le talent de Poutine, ce sera une autre affaire quand il prendra sa décision et il ne fait aucun doute qu'à ce moment-là, les partisans des autres projets finiront par détester cette décision.

Note :

  1. https://katehon.com/ru/article/zakulisa-snimaet-maski

vendredi, 05 février 2021

Europe et Russie, Schröder parle

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Europe et Russie, Schröder parle

Par Emanuel Pietrobon

Ex : https://it.insiderover.come

Gerhard Schröder, titulaire de la chancellerie allemande de 1998 à 2005, restera dans les mémoires comme le dernier porte-drapeau de l’Ostpolitik. Architecte de Nord Stream, adepte de la thèse sur la soi-disant "Gerussia", intolérant à l’endroit de l'hégémonie américaine et l'un des plus grands critiques de la politique étrangère d'Angela Merkel, Schröder peut vraiment être considéré comme le dernier penseur politique eurasiatique résidant à Berlin.

Bien qu'il soit sorti de la politique depuis plus de quinze ans, l'ancien chancelier continue à être actif en coulisses de la scène internationale et à défendre ardemment ce qui était, et est toujours, sa Weltanschauung. Interviewé récemment par un journal allemand, le Rheinischer Post, M. Schröder a parlé de l'état actuel des relations russo-allemandes, de Nord Stream 2 et d'Aleksei Navalny, et a expliqué pourquoi il est dans l'intérêt de l'Allemagne (et de l'Europe) de traiter la Russie à l'amiable et de s'efforcer de comprendre ses aspirations et ses revendications.

Des partenaires, pas des adversaires

L'interview de l'ancien chancelier allemand a été publiée par le Rheinischer Post le 30 janvier et mérite d'être révélée au public italophone du moins dans ses parties essentielles. Schröder est catégorique et sa position intransigeante: la Russie "ne doit pas être traitée comme un adversaire, mais comme un collaborateur potentiel", et l'Allemagne doit la laisser se développer et mûrir véritablement, sans contraintes et/ou pression extérieure, "sa propre identité et sa propre force économique".

Une Russie forte suscite la crainte à première vue, en raison également de son passé historique vis-à-vis des puissances européennes et de ses immenses dimensions géographiques, mais Schröder croit fermement à la nécessité historique de transformer en réalité l’axe symbiotique entre Berlin et Moscou, un lien basé sur la parfaite complémentarité entre le complexe technologico-industriel allemand et les richesses infinies du sous-sol russe et qui aurait le potentiel de recentrer les relations internationales en faveur de l'Europe.

Les Allemands, selon l'ancien chancelier, seraient conscients de l'erreur politique et historique de Merkel d'amalgamer l'agenda étranger européen à l’égard Moscou avec celui des Etats-Unis : "Les attaques contre la Russie ne reflètent pas l'opinion de la majorité".

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Achever le Nord Stream 2

L'achèvement du Nord Stream 2 fait partie de la construction de la Gerussie, une union entre l'Allemagne et la Russie. La modernisation du gazoduc, affirme M. Schröder, doit être réalisée à tout prix, au-delà de la pression des États-Unis et d'une partie de l'Union européenne elle-même, car "elle garantira l'approvisionnement énergétique des prochaines générations" et facilitera la transition verte.

L'Allemagne "couperait la branche sur laquelle elle est assise" en se soumettant à la campagne de lobbying lancée par l'administration Trump, qui est toujours en cours ; de plus, poursuit l'ancien chancelier, l’Allemagne ferait une très mauvaise affaire si elle acceptait de remplacer le gaz russe par du gaz liquéfié américain. Ce dernier, selon M. Schröder, serait "nuisible à l'environnement, plus cher et de mauvaise qualité’’.

N'intervenez pas

L'interview s'est concentrée sur des questions d'actualité. L'ancien chancelier a donc également été interrogé sur Aleksei Navalny. Schröder se montre totalement indifférent au sujet et au personnage, se disant plus intéressé par "les questions fondamentales que par les discussions éphémères". Contournant l'obstacle, ou plutôt le traitant à sa manière, l'ancien chancelier a rappelé au public l'une des règles de base des relations internationales: le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres.

La leçon de Schröder, résumée dans cette réponse brève mais éloquente, est d'une importance fondamentale: c'est précisément à cause de ce que le politologue Samuel Huntington a appelé "l'arrogance occidentale", c'est-à-dire la propension innée du bloc euro-américain à s'immiscer dans les sphères d'influence des autres, que les relations entre l'Occident et la Russie sont au plus bas, et l'affaire Navalny en est une des nombreuses manifestations.

Si l'Allemagne et l'Europe acceptaient le caractère naturel et inévitable des différences, un redémarrage concret et durable avec la Russie serait possible. L'alternative à la reconnaissance (et à la valorisation) des différences mutuelles - c'est une évidence - est une relation articulée sur un antagonisme anti-économique, sur un endiguement éternel intrinsèquement dangereux pour la paix mondiale et, enfin, sur la perpétuation de la condition de dépendance du système européen vis-à-vis des États-Unis.

 

vendredi, 29 janvier 2021

Comment la Russie et la Chine remodèlent le Caucase du Sud

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Salman Rafi Sheikh

Comment la Russie et la Chine remodèlent le Caucase du Sud

Ex : https://journal-neo.org

La fin du conflit du Haut-Karabakh, négociée avec l'aide de la Russie, a jeté les bases d'une transformation géopolitique majeure du Caucase du Sud. Si le rôle joué par la Russie pour mettre fin au conflit militaire et maintenir le cessez-le-feu lui a permis de prendre en charge le Caucase du Sud, les développements ultérieurs montrent comment la Russie a élargi son rôle et consolidé sa position dans son arrière-cour. Son importance première réside dans le fait qu'aucune puissance extra-régionale et occidentale n'était ou n'est encore impliquée dans cette partie du monde, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles le cessez-le-feu n'a pas été violé. Bien que la Turquie et l'Iran aient été impliqués dans la négociation du cessez-le-feu, la question a toujours été globalement une affaire russe. En outre, la Russie a négocié la paix et le cessez-le-feu aux dépens du Groupe de Minsk. Il a permis à la Russie d'éroder massivement la capacité des États-Unis à utiliser cette région pour allumer des feux à sa périphérie afin de créer les conditions nécessaires à l'expansion de l'OTAN vers l'Est.

Le contrôle de la région est important pour les États-Unis également parce qu'elle est apparue comme l'une des voies les plus appropriées pour l'extension de l'initiative chinoise "Belt & Road" (IRB) en Europe. Les États-Unis, en tentant de s’arcbouter au Sud du Caucase, voudraient contrôler une artère importante de l'IRB. Mais le Caucase du Sud, sous l'influence politique russe et les investissements économiques chinois, se transforme rapidement en un territoire très éloigné de la portée des tentacules américains.

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Comme le montrent les dernières données de la Banque mondiale, l'empreinte économique de la Chine a massivement augmenté ces dernières années. L'Azerbaïdjan est largement considéré comme un maillon important des nouvelles routes de la soie reliant la Chine à l'Europe. Depuis 2005, le chiffre d'affaires du commerce chinois avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie a augmenté d'environ 2070 %, 380 % et 1885 %, respectivement.

L'Azerbaïdjan revêt une importance particulière pour le corridor économique Chine - Asie centrale - Asie occidentale, principalement le corridor de transit transcaucasien (TCTC), qui relie la Chine à l'Europe par un réseau de chemins de fer, de ports maritimes, de routes et éventuellement de pipelines.

Si le volume actuel des échanges commerciaux entre la Chine et l'Azerbaïdjan n'est pas élevé, les tendances récentes montrent un important bond en avant. Selon les données de la Banque mondiale, "le volume des échanges commerciaux entre les deux pays était de 1,3 milliard de dollars US en 2018, soit environ 6 % du total des échanges commerciaux de l'Azerbaïdjan, et la moitié de ce montant en 2013". La Banque mondiale estime que le parachèvement de l'IRB dans la région est susceptible de transformer la capacité géoéconomique de l'Azerbaïdjan et que le PIB du pays pourrait augmenter de 21 % à long terme. La participation de l'Azerbaïdjan à la BRI pourrait lui permettre d'exploiter les chaînes de valeur mondiales et de diversifier son économie.

Le Haut-Karabakh étant désormais effectivement sous contrôle azéri et géré sous supervision russe, et la Chine ayant récemment signé un accord d'investissement avec l'UE, on doit s’attendre à ce que la Chine accorde une attention toute particulière à la construction d'une route de transit à travers cette région. La Chine développe une route commerciale via le Kazakhstan qui traverse la Caspienne depuis le port kazakh d'Aktau pour aboutir à Bakou. Les universitaires chinois ont décrit cette route comme étant la plaque tournante de l'IRB donc elle est absolument essentielle au succès de l'accord que Pékin vient de signer avec l'UE.

Les possibilités de connectivité et de création d'entreprises qu'offre la Chine sont également liées aux projets de la Russie visant à établir une nouvelle géographie du commerce entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. C'est ce qui est apparu clairement lors de la dernière réunion entre les dirigeants russe, azéri et arménien à Moscou. La réunion a été suivie par l'annonce de la mise en œuvre de "mesures impliquant la restauration et la construction de nouvelles infrastructures de transport nécessaires à l'organisation, la mise en œuvre et la sécurité du trafic international effectué à travers la République d'Azerbaïdjan et la République d'Arménie, ainsi que des transports effectués par la République d'Azerbaïdjan et la République d'Arménie, qui nécessitent de traverser les territoires de la République d'Azerbaïdjan et de la République d'Arménie".

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Le plan, tel qu'il se présente, est de réactiver les anciennes "Routes de la soie du Caucase" qui permettraient aux principaux pays de la région de se connecter avec la Russie et d'ouvrir ainsi des voies pour stimuler le commerce, ne laissant ainsi aucune marge de manœuvre, même minimale, aux puissances extrarégionales comme les États-Unis et la France pour jouer leur vieille politique du "diviser pour régner".

Tous ces développements indiquent également un recul de la présence et du rôle des États-Unis dans la région. Mais les États-Unis, sous l'administration Biden, dominée par les interventionnistes libéraux, vont probablement mettre de l'ordre dans leurs affaires intérieures d’abord et, ensuite, tenter un retour sous une forme ou une autre. En fait, les États-Unis sont déjà en train de faire leurs calculs de retour.

Le Congrès américain a récemment autorisé le directeur du renseignement national à présenter un rapport identifiant les principaux intérêts stratégiques des États-Unis dans la région, y compris l'assistance militaire américaine à l'Azerbaïdjan et à l'Arménie et la manière dont celle-ci pourrait être utilisée efficacement pour servir les intérêts américains.

En l'état actuel des choses, Washington se prépare déjà à une lutte géopolitique dans la région du Haut-Karabakh. En octobre 2020, le chef de la commission du renseignement de la Chambre des représentants à Washington, Adam Schiff, a "exhorté" les États-Unis à reconnaître le Haut-Karabakh ou la "République de l'Artsakh" comme un État indépendant. L'appel à la reconnaissance d'un "État indépendant" reflète la manière dont les États-Unis entendent s'insérer dans la région pour jouer leur politique habituelle de division.

Cependant, comme le montrent les détails donnés ci-dessus, de nombreuses politiques de connectivité sont planifiées et mises en œuvre pour contrer la politique de division que les États-Unis se préparent à mener.

Par conséquent, en l'état actuel des choses, les accords politiques et économiques qui sont conclus et mis en œuvre réduiront massivement la possibilité qu'un conflit réapparaisse et déstabilise la région. Ce n'est qu'à ce moment-là que les États-Unis pourront intervenir et faire pression pour réactiver le groupe de Minsk.

Salman Rafi Sheikh

Salman Rafi Sheikh, est analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan ; en exclusivité pour le magazine en ligne "New Eastern Outlook".

Le courage face au mensonge (Alexandre Soljénitsyne)

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Le courage face au mensonge (Alexandre Soljénitsyne)

Dans cette vidéo, nous nous pencherons sur deux petits textes politiques du grand écrivain Alexandre Soljénitsyne à partir desquels il nous encourage à ne plus nous soumettre au mensonge. Le refus du mensonge est en effet, selon lui, la clef de toute libération spirituelle et morale.
 
Textes présentés : "le Déclin du courage" et "Vivre sans mentir" (жить не по лжи), qu'on retrouve dans le livre "Révolution et Mensonge".
 
Musique du début : "La danse des chevaliers" de Sergueï Prokofiev
Musique de fin : "Душа моя прегрешная", un chant orthodoxe russe
 
L'extrait dans lequel on voit Soljénitsyne parler provient du film "Conversations avec Soljénitsyne" (Беседы с Солженицыным), réalisé par Alexandre Sokourov. On peut voir la troisième partie de ces entretiens avec des sous-titres français ici : https://www.youtube.com/watch?v=MQrL7...
 

jeudi, 28 janvier 2021

Vladimir Poutine lève les restrictions Covid : la Russie revient à la normale

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Vladimir Poutine lève les restrictions Covid : la Russie revient à la normale

Par Boris Guenadevitch Karpov

Source : https://www.maurizioblondet.it

Allant à l'encontre de la paranoïa des gouvernements occidentaux, Vladimir Poutine a annoncé aujourd'hui le retour à la normale en Russie : "En Russie, la situation due aucoronavirus se stabilise ; les restrictions imposées en rapport avec la pandémie peuvent être progressivement levées. En général, la situation épidémiologique dans le pays se stabilise progressivement. Ce matin, j'ai écouté les rapports : nous avons déjà plus de personnes guéries que de personnes malades. Le nombre de personnes infectées est en baisse ; il est inférieur à 20 pour mille. Cela permet de supprimer tranquillement les restrictions imposées”.

Actuellement, dans la plupart des régions de la Fédération de Russie, il y a déjà très peu de restrictions depuis l'été dernier, par rapport aux pays occidentaux : tous les services et les magasins fonctionnent (les bars et les restaurants de plusieurs régions doivent fermer à 23h00 ... en théorie. En pratique, beaucoup ne ferment qu'à l'aube...). Les seules limitations sont l'obligation (là encore très théorique) de porter un masque dans les transports et les magasins, et la limitation du taux d'occupation à 50 % dans les cinémas, les musées, etc. De plus, la population suit pour la plupart très peu d'instructions stupides : le masque est rarement porté, ou sous le menton. Quant aux "distances sociales"... Regardez une photo prise il y a quelques jours dans le métro de Moscou.

Le sens de la déclaration de Vladimir Poutine est très politique : elle montre au clan des mondialistes en Russie, dirigé par le maire de Moscou qui veut renforcer les mesures d'alignement sur les pays occidentaux, que son jeu est terminé. En août, c'était déjà Vladimir Poutine qui avait ordonné au maire de Moscou de lever la quarantaine (le maire avait reçu un appel téléphonique en pleine réunion pour préparer l'annonce de la poursuite de la quarantaine et avait déjà commencé à envoyer des SMS pour informer la population. Selon un témoin, le maire n'a rien dit pendant 2 à 3 minutes, et à la fin de la communication, il a déclaré que la quarantaine avait été levée).

La semaine dernière, c'est encore le président qui a ordonné au maire de Moscou de suspendre l'enseignement "à distance" qu'il avait introduit en octobre pour la plupart des étudiants. Aujourd'hui, donc, le président Poutine déclare au niveau national que les choses ont assez duré. Qu'il y ait là une justification électorale à cette décision, vu le déclin de la popularité du maire de Moscou à 80% d'insatisfaits, et le déclin de la popularité de Poutine avec un énorme 40% d'insatisfaits, cela semble clair.

Alors qu'à l'Ouest, les pays rivalisent de paranoïa pour savoir qui enfermera sa population le plus longtemps et le plus durement, Vladimir Poutine met la Russie hors du plan mondialiste.

On retiendra également les nouvelles mesures que la Russie a inscrites dans sa Constitution (par exemple le mariage = exclusivement Homme plus Femme, la réaffirmation de la foi en Dieu, la prédominance des lois russes sur les lois internationales, etc.) qui montrent clairement la voie choisie, aux antipodes du projet de société mondialiste.

Le vol électoral perpétré par Biden et ses complices aux États-Unis va rapidement entraîner l'Europe occidentale dans une mondialisation forcée. Hier, Macron a prêté allégeance à Biden lors de leur premier entretien téléphonique.

La Russie s'établira alors comme une oasis souveraine dans un monde devenu fou. C'est d'ailleurs pour éviter cette dualité que les mondialistes se forcent à des tentatives de révolte fomentées par la "5e colonne" dirigée par Navalny et quelques oligarques. Mais’’la Russie dispose des ressources humaines, financières et militaires nécessaires pour tracer sa propre voie’’, quelles que soient les réactions des mondialistes.

La déclaration faite aujourd'hui par Vladimir Poutine sur la fin de la folie pandémico-répressive montre qu'il y a un retour de bâton, qui devrait être suivi par d'autres dans les semaines à venir.

dimanche, 24 janvier 2021

Comment Nord Stream 2 pourrait "libérer" l'Europe

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Salman Rafi Sheikh

Comment Nord Stream 2 pourrait "libérer" l'Europe

Ex : https://journal-neo.org

Plus que toute autre chose, les émeutes à Washington D.C. ont montré que la politique américaine, tout en passant apparemment le pouvoir des Républicains "fous" aux Démocrates "sages", risque de rester sous l'emprise d'une intense lutte de pouvoir interne entre des groupes "pro" et "anti" Trump. L'administration Biden restera très probablement, au moins pendant un certain temps, concentrée sur la diffusion des tensions internes et la consolidation du pouvoir. Alors que les États-Unis semblent avoir incroyablement perdu leurs lettres de noblesse démocratiques, ailleurs en Europe, ils perdent également leur primauté en tant que gestionnaires hégémoniques de la politique étrangère, une position qu'ils avaient acquise à la suite des dévastations militaires et économiques subies par l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. La décision récente de l'Allemagne d'aller de l'avant en achevant le gazoduc Nord Stream 2 indique la direction nouvelle dans laquelle souffle le vent, éloignant ipso facto l'Europe des États-Unis

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Si l'éventuel achèvement de Nord Stream 2 n'indique pas et ne voudrait pas indiquer l'émergence d’une alliance stratégique de l'Europe avec la Russie, il montre cependant l'affirmation croissante de l’autonomie européenne vis-à-vis des États-Unis. En l'état actuel des choses, l'Allemagne et l'Europe poursuivent le parachèvement de Nord Stream 2, la construction de la dernière portion du gazoduc devant commencer à partir du 15 janvier au Danemark.

Les États-Unis y voient naturellement un revers stratégique et ils "avertissent" déjà les entreprises européennes qu’ils leur infligeront des sanctions. L'annonce du parachèvement de Nord Stream 2 a été faite quelques jours après la signature de l'accord UE-Chine sur les investissements : cela illustre bien la manière dont l'Europe snobe de plus en plus les États-Unis dans ses relations avec les pays que les États-Unis considèrent comme "voyous" et/ou "révisionnistes".

Le département d'État américain a récemment "informé" les entreprises européennes impliquées dans le projet du gazoduc qu'elles risquaient de faire l'objet de sanctions. "Nous essayons d'informer les entreprises du risque et de les inciter à se retirer avant qu'il ne soit trop tard", a déclaré un responsable américain.

Alors que l'administration Trump poursuivait depuis un certain temps les entreprises européennes impliquées dans le projet, l'administration Biden devrait maintenir ce cap. Joe Biden, lorsqu'il était vice-président, s'était déjà opposé au projet.

Dans le même temps, l'Europe n'a pas envie que la nouvelle administration américaine vienne sanctionner les entreprises commerciales européennes. Le message aux États-Unis était clair lorsque le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, a récemment déclaré à l'agence de presse Deutsche Presse-Agentur DPA que Berlin ne céderait pas aux pressions de Washington. Pour le citer : « l'Allemagne n'a pas besoin de parler de souveraineté européenne si l'on entend par là que nous (l'Allemagne) ferons tout à l'avenir comme le veut Washington ». Il a ajouté que si l'Allemagne voit une opportunité de resserrer ses liens avec les Etats-Unis sous l'administration Biden, sa position sur Nord Stream 2 restera inchangée.

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Il est évident que l'Allemagne, comme le reste de l'Europe, en a absolument assez de l'ingérence et des diktats répétés des États-Unis. Par conséquent, alors que Nord Stream 2 satisfera économiquement les besoins commerciaux allemands, géopolitiquement, il aidera l'Allemagne et les autres pays européens à exercer à nouveau leur autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis, autonomie qu'ils avaient avant que le système dominé par les États-Unis ne soit imposé après la Seconde Guerre mondiale. Le Nord Stream 2 est donc déjà devenu un symbole de la rédemption européenne, indiquant fortement qu'il n'y a pas de retour à la pleine normalisation.

C'est d'ailleurs exactement ce que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré en novembre dernier dans une interview à la radio Europe1. Pour lui, il n'y aura pas de retour à la situation précédente, au bon vieux temps des relations transatlantiques, ajoutant également que "nous devrons construire une nouvelle relation transatlantique" à la lumière des changements que le monde a connus au cours de ces quatre dernières années. L'un des changements les plus significatifs, selon le ministre, est la manière dont "l'Europe a affirmé sa souveraineté au cours des quatre dernières années, dans les domaines de la sécurité, de la défense et de l'autonomie stratégique", ajoutant également que "l'Europe a renoncé à sa naïveté au cours des quatre dernières années et a commencé à s'affirmer en tant que puissance".

La décision de l'Allemagne et d'autres pays bénéficiaires européens d'achever le programme Nord Stream 2 montre que la marche inébranlable de l'Europe vers la reconquête de son autonomie stratégique se poursuit et permet de vaincre les États-Unis et leur menace de sanctions.

C'est ce qui ressort de la manière dont l'Allemagne prend déjà des mesures pour créer un fonds destiné à parer aux sanctions américaines et à permettre aux entreprises d'acquérir un bouclier contre les mesures coeercitives que les États-Unis ont l'intention de prendre pour punir l'Europe de son autonomie et de sa décision de ne pas acheter tout le gaz dont elle a besoin aux seuls États-Unis. De toute évidence, la décision de l'Allemagne de soutenir envers et contre tout Nord Stream 2 s'est faite au détriment de programmes américains tels que le ‘’troisième paquet énergétique’’ et l'initiative dite des ‘’trois mers’’ financée et soutenue par les États-Unis.

Nord Stream 2 est donc déjà devenu un test décisif pour les ministres européens qui affirment que le continent a subi des "changements" au cours de ces quatre dernières années. Son achèvement marquera les lettres de créance de l'Europe en tant qu'acteur indépendant dans un monde de plus en plus multipolaire. La distance croissante de l'Europe par rapport aux États-Unis affaiblira également la capacité des États-Unis à manipuler et à dicter unilatéralement les questions politiques et économiques mondiales, notamment le changement climatique, l'Iran, la Russie ("Etat-voyou") et la Chine "révisionniste". Dans l'état actuel des choses, l'Europe a déjà tracé la voie à suivre.

Salman Rafi Sheikh.

Salman Rafi Sheikh, chercheur et analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan, en exclusivité pour le magazine en ligne "New Eastern Outlook".

vendredi, 22 janvier 2021

L'administration Biden : ses projets pour le Groenland et le gazoduc Nord Stream 2

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L'administration Biden : ses projets pour le Groenland et le gazoduc Nord Stream 2

par Giuseppe Gagliano

Ex : https://www.startmag.it

Comment Biden va-t-il agir à la fois sur la question de l'Arctique (l'intérêt américain pour le Groenland) et sur celle, non moins complexe, du Nord Stream 2. Des différences vraiment pertinentes par rapport à Trump ? L'analyse de Giuseppe Gagliano.

Au-delà de la rhétorique évidente - et prévisible - liée à l'investiture du nouveau président américain Biden, considéré comme le nouveau messie par l'intelligentsia des gauches européennes, il est légitime de se demander comment le nouvel occupant de la Maison Blanche va évoluer par rapport à la fois à la question de l'Arctique (que nous avons abordée à plusieurs reprises dans ces pages) et à celle non moins complexe du Nord Stream 2.

Commençons par la première question et les positions prises jusqu'à présent par l'administration Trump.

À la mi-2019, le président américain Donald Trump et Mike Pompeo devaient se rendre au Danemark pour discuter de questions principalement liées aux investissements militaires et commerciaux américains au Groenland et à la présence croissante des États-Unis, de la Russie et de la Chine dans la région.

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La base américaine de Thulé au Groenland.

Les États-Unis ont l'intention d'acheter le Groenland et de concrétiser ainsi leur revendication sur cette région et ses ressources. Le Danemark a rejeté toute proposition de vente du Groenland et le gouvernement américain a annulé toutes les réunions prévues. La visite de Pompeo au Groenland a été annulée après que la Chine ait fait des efforts pour investir dans une série d'aéroports et une base militaire abandonnée sur l'île. L'objectif des États-Unis est de contrer l'influence de Pékin, qui a proposé en 2018 d'établir une "route de la soie polaire". L'objectif est d’empêcher les Chinois de prendre pied sur l'île en leur réservant toutefois la possibilité de faire de lourds investissements pour militariser le Groenland.

Outre la coopération économique entre la Chine et la Russie dans l'Arctique, Mike Pompeo a déclaré que le Pentagone avait averti que la Chine pourrait utiliser sa présence civile en matière de recherche dans l'Arctique pour renforcer sa présence militaire, notamment en déployant des sous-marins dans la région comme moyen de dissuasion contre les attaques nucléaires. "Nous devons examiner attentivement ces activités et garder à l'esprit l'expérience des autres nations. Le comportement agressif de la Chine dans d'autres régions influencera la manière dont elle traitera l'Arctique". Ces commentaires sur les éventuelles capacités militaires stratégiques de la Chine dans l'Arctique soulèvent légitimement la question des plans américains pour le Groenland.

Malgré le différend diplomatique de l'année dernière, l'administration Trump semble avoir fait marche arrière par rapport à son projet d'achat du Groenland. Le 22 juillet 2020, Mike Pompeo et Jeppe Kofod ont organisé une conférence commune à Copenhague. L'actuel ministre des affaires étrangères a déclaré que les États-Unis sont "l'allié le plus proche" du Danemark et qu'ils travaillent ensemble pour assurer une "société internationale fondée sur des règles". Par conséquent, tous les pays que les États-Unis considéreraient comme des adversaires se présentent comme des menaces pour l'économie mondiale (comme la Chine) ou comme nuisibles à l'environnement, comme le montre la tentative de régulation du trafic maritime dans l'Arctique par des navires battant pavillon russe. Pompeo a souligné : "Je suis venu ici parce que le Danemark est un partenaire solide. Il ne s'agit pas seulement de nous unir contre la Chine qui sape et menace notre sécurité nationale". Pompeo et Kofod se sont mis d'accord sur un front commun contre la Chine au Groenland et les États-Unis ont promis que le Groenland serait financièrement récompensé pour la présence, là-bas, de la base aérienne américaine de Thulé. Le secrétaire d'État américain a déclaré que le Danemark se verrait offrir de nouveaux liens commerciaux plus solides en échange de l'opposition aux investissements chinois et russes sur leur territoire.

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L'intention des États-Unis d'accroître leur influence dans les régions de l'Atlantique Nord et de l'Arctique par des moyens financiers a été clairement exprimée par Pompeo. Une approche économique de soft power est utilisée par les États-Unis pour assurer le contrôle du Groenland et des îles Féroé. Entre-temps, l'influence américaine sur le Groenland s'accroît déjà depuis qu'elle a ouvert un consulat sur l'île en juin avec l'approbation du gouvernement danois, fournissant une aide de 12,1 millions de dollars en avril.

Outre les facteurs économiques, il y a aussi un aspect stratégico-militaire puisque l'ambassadrice américaine au Danemark, Carla Sands, s'est rendue dans les îles Féroé pour demander la possibilité d'ouvrir un consulat diplomatique et de permettre à la marine américaine d'utiliser ses ports pour des opérations dans l'Arctique.

Un tel accord permettrait aux États-Unis de créer un corridor d'importance militaire s'étendant du Groenland, de l'Islande et des îles Féroé à la Norvège, qui pourrait servir d'outil géopolitique puissant contre les activités chinoises et russes dans la région.

Lors de sa visite au Danemark, Pompeo avait également réussi à organiser une rencontre avec Anders Fogh Rasmussen à l'ambassade des États-Unis à Copenhague. Rasmussen est membre du parti politique libéral "Venstre". Il dirige actuellement sa propre société de conseil politique appelée "Rasmussen Global" et est conseiller principal à la banque américaine Citigroup. Il est important de noter que Rasmussen est un fervent défenseur de l'hégémonie américaine dans le monde et qu'il a été personnellement responsable de la participation du Danemark à la guerre en Irak en 2003.

Après leur rencontre, M. Rasmussen a révélé que le sujet de son entretien avec Pompeo portait sur la manière d'empêcher "des régimes autocratiques comme la Russie et la Chine" d'investir au Groenland et dans les îles Féroé. Rasmussen a conseillé à Pompeo que "si nous voulons empêcher les nombreux investissements chinois au Groenland et dans les îles Féroé, nous avons besoin d'une plus grande participation américaine en termes d'argent. [...] C'est pourquoi j'ai proposé d'aider à soutenir les investissements américains au Groenland et dans les îles Féroé".

L'implication est claire : les États-Unis utilisent également des groupes de pression locaux pour faire avancer leur programme dans les régions de l'Atlantique Nord et de l'Arctique. La prochaine étape est la poursuite de la militarisation de la région, qui pourrait devenir, avec le temps, un futur champ de bataille entre les États-Unis, la Chine et la Russie.

Il semble que les États-Unis, en établissant des consulats au Groenland et dans les îles Féroé, tentent d'influencer directement les acteurs locaux de la région, notamment par des incitations financières telles qu'une subvention de 11 millions d'euros.

Le fait que des acteurs politiques appellent à la sécession du Groenland et des îles Féroé, qui abandonneraient ainsi leurs liens anciens avec le Danemark, est certainement quelque chose que Washington utilisera à son avantage.

Si le Danemark exprime son refus, les États-Unis pourraient commencer à soutenir activement ces mouvements sécessionnistes afin de "diviser pour régner". Les États-Unis n'hésiteront pas à recourir à de telles actions s'ils estiment que leur propre hégémonie est ainsi préservée au détriment de la Chine et de la Russie. Nous doutons que la nouvelle administration américaine modifie ce choix, d'autant plus que la Chine et la Russie sont et restent les principaux antagonistes des États-Unis.

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Passons maintenant à la question complexe du Nord Stream.

Bien que le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, ait espéré pouvoir résoudre la question des sanctions mises en place par Trump, la coopération sino-allemande a été consolidée avec la signature d'un nouvel accord sur les investissements réciproques, accord signé avec la Chine pendant la présidence allemande du Conseil européen. Cet accord a été lu comme une posture offensive anti-américaine par Washington.

Ce n'est pas une coïncidence si Antony Blinken, le nouveau secrétaire d'État, a clairement indiqué que non seulement l'Amérique n'a pas l'intention de permettre l'achèvement du Nord Stream 2, mais que la Chine reste le principal adversaire. Ces menaces discrètes ne rappellent-elles pas les positions de Mike Pompeo ?

En dernière analyse - au-delà des discours tonitruants et creux de la gauche italienne en faveur de la nomination de Biden - nous sommes persuadés - comme l'ont fait valoir Arduino Paniccia et Alberto Negri - que les lignes de force mises en place par l'administration Trump ne différeront pas en substance de celles qui seront appliquées par la nouvelle administration américaine. Si une différence devait apparaître, nous pensons qu'elle se situerait uniquement au niveau des accents et non au niveau de la substance des choix de politique étrangère.

mercredi, 20 janvier 2021

Solzhenitsyn from Under the Rubble

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Solzhenitsyn from Under the Rubble

Aleksandr Solzhenitsyn et al.
From Under the Rubble
Boston: Little, Brown & Company (1975)

futr-194x300.jpgShortly before being deported from the Soviet Union in 1974, Aleksandr Solzhenitsyn contributed three essays to a volume that was later published in the West as From Under the Rubble. The title was a clear metaphor for dissident voices speaking out from beneath the rubble left by communism. The rubble itself represents the remains of the traditional and spiritual life of Solzhenitsyn’s Russia which had been destroyed by the October Revolution and its bloody aftermath. In this volume, Solzhenitsyn lays out what it means to be a nationalist and a dissident against the totalitarian Left. Remarkably little has changed. 

Today’s Dissident Right will find a mirror image of its struggles in these essays — only needing to make a trivial adjustment of application. One would only need to exchange Solzhenitsyn’s references to Russia or Russians for today’s whites to find a near-perfect fit. Aside from the usual clarity, insight, and depth found in Solzhenitsyn’s work, it’s this familiarity which perhaps gives us the most comfort and inspiration when reading him. We think we have it bad today — Solzhenitsyn had it worse, and he persevered. And if he could persevere, so can we.

*  *  *

“As Breathing and Consciousness Return,” the first essay in the collection, begins by addressing Solzhenitsyn’s differences with fellow dissident Andrei Sakharov. It’s an illuminating contrast. Although both publicly opposed the repressive Soviets, it was Sakharov who ultimately championed the humanism and individualism of the West which so revolted Solzhenitsyn. Despite being abused and repressed by communism, Sakharov could not bring himself to condemn its socialist underpinnings. In this sense, Sakharov had much in common with the modern liberal. In a famous essay — to which Solzhenitsyn responded in this one — Sakharov had condemned “extremist ideologies” such as fascism, racism, and, most disingenuously, Stalinism. But Solzhenitsyn saw through this prestidigitation as simply a way to deflect blame away from Lenin and the other, supposedly purer, communists of the revolutionary period.

In response, Solzhenitsyn denies that Stalinism even existed. He points to the fact that there is no written Stalinist doctrine, not that Stalin himself had the intellectual horsepower to develop one. He then itemizes all the atrocities committed by Lenin and his cohorts that had little to do with Stalin (“What of the concentration camps (1918-1921)? The summary executions by the Cheka? The savage destruction and plundering of the Church (1922)? The bestial cruelties at Solovki (1922)? None of this was Stalin. . .”) He notes that Stalin’s main departure from Lenin was to inflict the same ruthless repression against his own party, as he did during the Great Terror of the mid-1930s. It’s almost as if Sakharov, who waxed about the “high moral ideals of socialism,” would approve of communism if only it did not devour its own.

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Solzhenitsyn uncovers not only the moral shabbiness of liberalism, but the pie-in-the-sky ignorance which fuels it. Basically, we have intellectuals like Sakharov, who were not laborers, trying to convince their readers that “only socialism has raised labor to the peak of moral heroism.” Solzhenitsyn’s response is typically trenchant:

But in the great expanse of our collectivized countryside, where people always and only lived by labor and had no other interest in life but labor, it is only under “socialism” that labor has become an accursed burden from which men flee.

In peering beyond the strife of his age, Solzhenitsyn then distills Sakharov’s enlightened humanism down to what matters most to today’s dissidents: globalist anti-nationalism. It’s the inheritors of Andrei Sakharov who are dogging white ethnonationalists today, and Aleksandr Solzhenitsyn saw this in clear relief as far back as 1974. Note the striking similarity between his assertion of nationalism and Greg Johnson’s, from chapter seven of Johnson’s White Nationalist Manifesto:

Solzhenitsyn:

Ah, but what a tough nut it has proved for the millstones of internationalism to crack. In spite of Marxism, the twentieth century has revealed to us the inexhaustible strength and vitality of national feelings and impels us to think more deeply about this riddle: why is the nation a no less sharply defined and irreducible human entity than the individual? Does not national variety enrich mankind as faceting increases the value of a jewel?

Johnson:

The ethnonationalist vision is of a Europe — and a worldwide European diaspora — of a hundred flags, in which every self-conscious nation has at least one sovereign homeland, each of which will strive for the highest degree of homogeneity, allowing the greatest diversity of cultures, languages, dialects, and institutions to flourish.

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Solzhenitsyn also points out the double standard of progressives such as Sakharov who aim for greater freedom through greater state control. As a victim of state control himself, Solzhenitsyn argues that this can only lead to “hell on earth.” Sakharov wishes for the state to administer not only scientific and technological progress, but the psychological progress of its citizens as well. Solzhenitsyn finds this questionable, since such “moral exhortations” would be futile without coercive force. 

And what would this freedom achieve for us anyway? Like many modern dissidents, Solzhenitsyn doesn’t disparage freedom, but realizes the danger when you have too much of it. Of course, being a devout Christian, he insists that freedom must serve a higher purpose. He pines for Tsarist autocracy in which autocrats were subservient to God. In such systems, the people are indeed freer. When leaders recognize no higher power, the likely outcome becomes totalitarianism, with nothing inhibiting governments from gross atrocity. Even in the so-called liberal democracies in the West, the corruption that must necessarily be birthed by two-party or parliamentary systems crushes the freedoms of the people:

Every party known to history has always defended the interests of this one part against — whom?  Against the rest of the people. And in the struggle with other parties it disregards justice for its own advantage: the leader of the opposition . . . will never praise the government for any good it does — that would undermine the interests of the opposition; and the prime minister will never publicly and honestly admit his mistakes — that would undermine the position of the ruling party. If in an electoral campaign dishonest methods can be used secretly — why would they not be? And every party, to a greater or less degree, levels and crushes its members. As a result of all this a society in which political parties are active never rises in the moral scale. In the world today, we doubtfully advance toward a dimly glimpsed goal: can we not, we wonder, rise above the two-party or multiparty parliamentary system? Are there no extraparty or strictly nonparty paths of national development?

What Solzhenitsyn maintains — and what many dissidents today understand — is that land trumps political freedom. People and peoples require land for true freedom. With land they own, people have obligations, self-worth, stability, and a chance at prosperity. And this leads to the most important freedom of all: freedom to think, the freedom to call a lie a lie — lies which require the surrender of our souls to swallow and then repeat. While land ownership helps preserve the physical health of a nation, this inner freedom to resist lies helps preserve its moral health.

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Referring to the pre-moderns. . .

[T]hey preserved the physical health of the nation (obviously they did, since the nation did not die out). They preserved its moral health, too, which has left its imprint at least on folklore and proverbs — a level of moral health incomparably higher than that expressed today in simian radio music, pop songs, and insulting advertisements: could a listener from outer space imagine that our planet had already known and left behind it Bach, Rembrandt, and Dante?

Solzhenitsyn’s connection to today’s Dissident Right can be seen in how he places an almost mystical imperative upon the nation and one’s obligation to it through work and honest living. Human beings are weak, and when tempted with freedom, they will often give in to corruption or corrupt others. This can lead to either the decay of society (as Solzhenitsyn witnessed in the West) or its demise through totalitarianism (as he so famously experienced in the Soviet Union). Both outcomes threaten the health and future of nations. Andrei Sakharov recognized the danger of the latter, but not the former — indeed it was his globalist progressivism that has led the West even further into decadence and corruption in the years since From Under the Rubble was published. 

To speak out against this makes one a dissident. Solzhenitsyn was not only a dissident against totalitarianism, he was also a dissident against Western decadence, the same Western decadence that has led to non-white immigration and the ongoing destruction of the civilizations that white people created millennia ago. Beneath this is the lie of racial egalitarianism, and modern whites are being fed this lie in nearly the same manner as which the Soviet people were fed the lie of class egalitarianism.

Solzhenitsyn teaches us to never give in to this lie. 

And no one who voluntarily runs with the hounds of falsehood, or props it up, will ever be able to justify himself to the living, or to posterity, or to his friends, or to his children.

*  *  *

“Repentance and Self-Limitation in the Life of Nations” bears a much more obvious and direct connection to modern white dissidents than the previous essay. In it, Solzhenitsyn exhorts his fellow Russians to seek absolution and redemption for the sins of the Russian past. He is quite sincere about this, and believes that, to an extent, his people cannot move forward in friendship with other peoples (or with themselves) without contrite acknowledgment of past atrocities. “Repentance is the only starting point for spiritual growth,” he tells us. Since, as we discussed above, Solzhenitsyn believed in the distinct character of individual nations, he also believed that nations “. . . are very vital formations, susceptible to all moral feelings, including — however painful a step it may be — repentance.”

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So far, so bad, today’s dissident might tell us. Is this not how whites are expected to behave in the face of endless waves of non-white immigration into their homelands? Such people, as well as blacks and Jews in the United States, demand repentance for colonialism, imperialism, slavery, the Jewish Holocaust, the list goes on. Aren’t these demands the weapons non-whites use against whites to usurp their very civilization?

Certainly, they are. Solzhenitsyn understood the abusive and one-sided nature of this relationship and concludes his essay with two points that redeem it entirely. One, that Russians have no obligations to repent unless those nations attempting to extract repentance also repent. For example, Solzhenitsyn readily accepts Russia’s guilt for past behavior, some of which he witnessed personally during World War II:

. . . but we all remember, and there will yet be occasion to say it out loud: the noble stab in the back for dying Poland on 17 September 1939; the destruction of the flower of the Polish people in our camps, Katyn in particular; and our gloating, heartless immobility on the bank of the Vistula in August 1944, whence we gazed through our binoculars at Hitler crushing the rising of the nationalist forces in Warsaw — no need for them to get big ideas, we will find the right people to put in the government. (I was nearby, and I speak with certainty: the impetus of our advance was such that the forcing of the Vistula would have been no problem, and it would have changed the fate of Warsaw.)

After this, however, he then offers up a prodigious list of atrocities that the Poles themselves committed in the past and explains that the Polish lack of repentance for them (both historical and contemporary) makes it difficult for him to unburden his heart to them.

Well then, has any wave of regret rolled over educated Polish society, any wave of repentance surged through Polish literature? Never. Even the Arians, who were opposed to war in general, had nothing special to say about the subjugation of the Ukraine and Byelorussia. During our Time of Troubles, the eastward expansion of Poland was accepted by Polish society as a normal and even praiseworthy policy. The Poles thought themselves as God’s chosen people, the bastion of Christianity, whose mission was to carry true Christianity to the “semipagan” Orthodox of savage Muscovy, and to be the propagators of Renaissance university culture.

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In the face of this, Solzhenitsyn expects nothing less than “mutual repentance” for his ideas to become applicable. This is exactly the attitude white people should take in the face of non-whites living in their homelands. If American blacks demand whites repent over slavery, then they themselves must repent over the horrific surge of crime, corruption, rape, and murder that they have presided over since the abolition of slavery. If Jews demand whites to repent over the Jewish Holocaust then they themselves must repent over their leading role in the October Revolution, the Holodomor, the Great Terror, and the Gulag Archipelago, all of which resulted in tens of millions killed. All groups of people have atrocities in their past which were committed both against themselves and others (and, in many cases, against white people).

So if non-whites wish to make white people repent for the past, whites should follow Aleksandr Solzhenitsyn’s lead by saying two words:

“You first.”

Second, Solzhenitsyn underscores Russian suffering in the past. If a nation has been both victimizer and victim throughout history, then abject mea culpas simply become inappropriate. Solzhenitsyn understood historical Russian suffering well (and experienced its contemporary suffering firsthand as a Gulag zek in the 1940s and 1950s). There is no pulling the wool over his eyes. Quotes such as these say it all:

The memory of the Tartar yoke in Russia must always dull our possible sense of guilt toward the remnant of the Golden Horde.

And

Did not the revolution throughout its early years have some of the characteristics of a foreign invasion? When in a foraging party, or the punitive detachment which came down to destroy a rural district, there would be Finns, there would be Austrians, but hardly anyone who spoke Russian? When the organs of the Cheka teemed with Latvians, Poles, Jews, Hungarians, Chinese?

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It may seem weak or effeminate for whites to play the victim card, but as the non-whites have shown, it is a powerful card. All whites must play it in order to counter it when played against them. As discussed above, tens of millions of whites were murdered, starved to death, or incarcerated by the Soviet system between the world wars. Whites must follow Solzhenitsyn’s logic and own this. For example, when American blacks demand repentance over slavery, whites need to point out that whites were brought to North America as slaves in similar numbers, under equally hazardous circumstances, and were in many cases treated worse than the blacks were. And if blacks wish to complain about contemporary racism or segregation, whites must counter with crime statistics and the undeniable fact that blacks victimize whites in these crimes many more times than the reverse.

Fortunately, Solzhenitsyn sees beyond all this and wants the endless finger-pointing to end. 

Who has no guilt? We are all guilty. But at some point the endless account must be closed, we must stop discussing whose crimes are more recent, more serious and affect most victims. It is useless for even the closest neighbors to compare the duration and gravity of their grievances against each other. But feelings of penitence can be compared.

And compare we must. This is may not change the minds of the enemies of whites, but it will stiffen the resolve of white people. And what do a people need more than resolve in order to survive and thrive?

*  *  *

In “The Smatterers,” Solzhenitsyn’s final contribution to From Under the Rubble, our author outlines the defining characteristics of the Soviet intelligentsia to the point of creating a universal type. Thanks to Solzhenitsyn’s ruthless insight into human nature, all dissidents on the Right now have a reliable blueprint for their Left-wing, humanist oppressors. Several decades and thousands of miles may separate many of us from Solzhenitsyn’s Soviet dystopia, but in “The Smatterers,” one of his most prescient works, Solzhenitsyn shows us that his enemies are indeed our enemies. Nothing fundamental has changed with the Left. Its adherents today follow the same psychological pattern and ape the same grotesque behaviors of the Soviet and pre-Soviet elite which beleaguered dissidents throughout the twentieth century.

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Some of these characteristics are itemized below:

Anti-Racism: “Love of egalitarian justice, the social good and the material well-being of the people, which paralyzed its love and interest in the truth. . .”

Passionate Intolerance: “Infatuation with the intelligentsia’s general credo; ideological intolerance; hatred as a passionate ethical impulse.”

Atheism: “A strenuous, unanimous atheism which uncritically accepted the competence of science to decide even matters of religion — once and for all and of course negatively; dogmatic idolatry of man and mankind; the replacement of religion by a faith in scientific progress.”

Anti-Nationalism: “Lack of sympathetic interest in the history of our homeland, no feeling of blood relationship with its history.”

Hypocrisy: “Perfectly well aware of the shabbiness and flabbiness of the party lie and ridiculing among themselves, they yet cynically repeat the lie with their very next breath, issuing ‘wrathful’ protests and newspaper articles in ringing, rhetorical tones. . .”

Materialism: “. . . it is disgusting to see all ideas and convictions subordinated to the mercenary pursuit of bigger and better salaries, titles, positions, apartments, villas, cars. . .”

Ideological Submission: “For all this, people are not ashamed to toe the line punctiliously, break off all unapproved friendships, carry out all the wishes of their superiors and condemn any of their colleagues either in writing or from a public platform, or simply by refusing to shake his hand, if the party committee orders them to.”

Arrogance: “An overweening insistence on the opposition between themselves and the “philistines.” Spiritual arrogance. The religion of self-deification — the intelligentsia sees its existence as providential for the country.” (Solzhenitsyn also points out how the Soviet intelligentsia of his day would give their dogs peasant names, such as Foma, Kuzma, Potap, Makar, and Timofei.)

With his typical wry sense of humor, Solzhenitsyn asks, “If all these are the qualities of the intelligentsia, who are the philistines?” 

Seriously, however, could anyone have turned in a more accurate depiction of today’s Leftist avengers who use government and big tech corporations as weapons against the people? Yes, some of the above characteristics are shared by all decadent elites. And yes, today’s milieu has become far more degenerate than Solzhenitsyn’s (racial diversity, non-white immigration, feminism, gay rights, and transgenderism will do that). But the source of power behind both elites remains the same: “the maintenance of the obligatory ideological lie.” 

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As discussed above, in Solzhenitsyn’s day, the lie was class egalitarianism; today it is racial and gender egalitarianism. One must enthusiastically support and propagate such lies to become part of the country’s elite. There is no second path. In fact, for these elites, these smatterers, as Solzhenitsyn calls them, following any second path becomes anathema and must be swiftly punished. He draws a straight line from the “atheistic humanism” of the smatterers to the “hastily constituted revolutionary tribunals and the rough justice meted out in the cellars of the Cheka.”

This is how nations lose their souls. Forcing lies onto a nation’s elite warps them — it makes their minds inconsequential but their actions highly consequential. 

Then millions of cottages — as well-designed and comfortable as one could wish — were completely ravaged, pulled down or put into the wrong hands and five million hardworking, healthy families, together with infants still at the breast, were dispatched to their death on long winter journeys or on their arrival in the tundra. (And our intelligentsia did not waver or cry out, and its progressive part even assisted in driving them out. That was when the intelligentsia ceased to be, in 1930. . .)

And not just in the Soviet Union. Smatterers in the West are equally consequential. Back in the early 1970s, Solzhenitsyn predicted the immigration crisis which is now ravaging Europe, and correctly blamed it on the “spirit of internationalism and cosmopolitanism” of these smatterers. The following passage is uncannily prescient:

In Great Britain, which still clings to the illusion of a mythical British Commonwealth and where society is keenly indignant over the slightest racial discrimination, it has led to the country’s being inundated with Asians and West Indians who are totally indifferent to the English land, its culture and traditions, and are simply seeking to latch onto a ready-made high standard of living. Is this such a good thing?

Solzhenitsyn’s answer to all of this, and the action he prescribes, is to simply reject the lie. This, to him, is more important than “our salaries, our families, and our leisure.” Even our very lives. This is what makes a dissident a dissident. Many in his day and ours justify accepting the ideological lie for the sake of their children. Solzhenitsyn responds by asking what kind of degenerate society will we bequeath to our children and grandchildren if we don’t stand up to these lies? Because Solzhenitsyn bears a blood identification with the Russian nation (as the Dissident Right today does with the white European diaspora), he believes that no personal gain or loss can outweigh the importance of rejecting ideological lies. This, as much as anything, preserves the spiritual and ultimately the physical health of a nation and a people.

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