lundi, 29 août 2011
Quel "nationalisme" pour les années 90 et le XXIème siècle?
Quel «nationalisme» pour les
années 90 et le XXIème siècle ?
par Robert STEUCKERS
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Dans nos régions, nous avons coutume d'opposer deux formes de nationalisme, le nationalisme de culture (ou nationalisme populaire : volksnationalisme) et le nationalisme d'État (staatsnationalisme). Le nationalisme culturel/populaire tient compte essentiellement de l'ethnicité, en tant que matrice historique de valeurs précises qui ne sont pas transposables dans un autre humus. Le nationalisme d'État met l'ethnicité ou les ethnicités d'un territoire au service d'une machine administrative, bureaucratique ou militaire. Pour cette idéologie, l'ethnicité n'est pas perçue comme une matrice de valeurs mais comme une sorte de carburant que l'on brûlera pour faire avancer la machine. L'État, dans la perspective du staatsnationalisme, n'est pas une instance qui dynamise les forces émanant de la Volkheit mais un moloch qui les consomme et les détruit.
Les nationalismes culturels/populaires partent d'une vision plurielle de l'histoire, du monde et de la politique. Chaque peuple émet des valeurs qui correspondent aux défis que lui lance l'espace sur lequel il vit. Dans les zones intermédiaires, des peuples en contact avec deux grandes aires culturelles combinent les valeurs des uns et des autres en des synthèses tantôt harmonieuses tantôt malheureuses. Les nationalismes d'État arasent généralement les valeurs produites localement, réduisant la diversité du territoire à une logique unique, autoritaire et stérile.
Valoriser l'histoire, relativiser les institutions
Par tradition historique, noua sommes, depuis l'émergence des nationalismes vers l'époque de la révolution française, du côté des nationalismes culturels contre les nationalismes d'État. Mais au-delà des étiquettes désignant les diverses formes de nationalisme, noua adhérons, plus fondamentalement, à des systèmes de valeurs qui privilégient la diversité plutôt qu'à des systèmes d'action qui tentent de la réduire à des modèles simples, homogénéisés et, de ce fait même, stérilisés. Toute approche plurielle des facteurs historiques et politiques implique une relativisation des institutions établies ; celles-ci ne sont pas d'emblée jugées éternelles et indépassables. Elles sont perçues comme exerçant une fonction précise et doivent disparaître dès que cette fonction n'a plus d'utilité. Les approches homogénéisantes imposent un cadre institutionnel que l'on veut intangible. La vitalité populaire, par définition plurielle dans ses manifestations, déborde tôt ou tard ce cadre rigide. Deux scénarios sont alors possibles : a) les mercenaires au service du cadre répriment la vitalité populaire par violence ou b) le peuple met à bas les institutions devenues obsolètes et chasse ou exile les tenants têtus du vieil ordre.
Qu'en est-il de cette opposition entre pluralité et homogénéisation à la veille du XXIème siècle ? Il me semble inopportun de continuer à répéter tel quel les mots d'ordre et les slogans nés lors de l'opposition, au début du XIXème siècle, entre «nationalismes de culture» (Verlooy, Jahn, Arndt, Conscience, Hoffmann von Fallersleben) et «nationalismes d'État» (jacobinisme, bonapartisme). Pour continuer à exprimer notre opposition de principe aux stratégies d'homogénéisation, qui ont été celles du jacobinisme et du bonapartisme, noua devons choisir, aujourd'hui, un vocabulaire moderne, dérivé des sciences récentes (biocybernétique, informatique, physique etc.). En effet, les «nationalismes d'État» ont pour caractéristique d'avoir été forgés sur le modèle des sciences physiques mécanicistes du XVIIIème siècle. Les «nationalismes culturels», eux, ont voulu suggérer un modèle d'organisation politique calqué sur les principes des sciences biologiques émergentes (J.W. Ritter, Carus, Oken, etc.). Malgré les progrès énormes de ces sciences de la vie dans le monde de tous les jours, certains États (Belgique, France, Italie, URSS, Yougoslavie, «démocraties socialistes», Algérie, etc.) fonctionnent toujours selon des critères mécanicistes et demeurent innervés par des valeurs mécanicistes homogénéisantes.
Les leçons d’Alvin Toffler
Le nationalisme, ou tout autre idéologie, qui voudrait mettre un terme à cette anomalie, devra nécessairement être de nature offensive, porté par la volonté de briser définitivement les pouvoirs anciens. Il ne doit pas vouloir les consolider ni remettre en selle des modèles passés de nationalisme statolâtrique. La lecture du dernier livre d'un écrivain américain célèbre, Alvin Toffler, nous apparaît utile pour comprendre les enjeux des décennies à venir, décennies où les mouvements (nationalistes ou non) hostiles aux établissements devront percer sur la scène politique. Entendons-nous bien, ces mouvements, dans la mesure où ils sont hostiles aux formes figées héritées de l'ère mécaniciste/révolutionnaire, sont authentiquement «démocratiques» et «populistes» ; nous savons depuis les thèses de Roberto Michels que le socialisme a basculé dans l'oligarchisation de ses cadres. Nous savons aussi que ce processus d'oligarchisation a affecté le pilier démocrate-chrétien, désormais connecté à la mafia en Italie et partout éloigné du terreau populaire. Si bien que les élus socialistes ou démocrates-chrétiens eux-mêmes se rendent compte que les décisions sont prises, dans leurs partis, en coulisse et non plus dans les assemblées générales (les tripotages de Martens au sein de son propre parti en sont une belle illustration).
Ce phénomène d'oligarchisation, de gigantisme et de pyramidalisation suscite l'apparition de structures pachydermiques et monolithiques, incapables de capter les flux d'informations nouvelles qui émanent de la réalité quotidienne, de la Volkheit en tant que fait de vie. Je crois, avec Alvin Toffler, que ce hiatus prend des proportions de plus en plus grandes depuis le milieu des années 80 : c'est le cas chez nous, où le CVP s'effrite parce qu'il ne répond plus aux besoins des citoyens actifs et innovateurs ; c'est le cas en France, où les partis dits de la «bande des quatre» s'avèrent incapables de résoudre les problèmes réels auxquels la population est confrontée. Toffler nous parle de la nécessité de provoquer un «transfert des pouvoirs». Ceux-ci, à l'instar de ce qui s'est effectivement produit dans les firmes gigantesques d'Outre-Atlantique, devront passer, «des monolithes aux mosaïques». Les entreprises géantes ont constaté que les stratégies de concentration aboutissaient à l'impasse ; il a fallu inverser la vapeur et se décomposer en un grand nombre de petites unités à comptabilité autonome, opérationnellement déconcentrées. Autonomie qui les conduira inévitablement à prendre un envol propre, adapté aux circonstances dans lesquelles elles évoluent réellement. Les mondes politiques, surtout ceux qui participent de la logique homogénéisante jacobine, restent en deçà de cette évolution inéluctable : en d'autres termes, ils sont dépassés et contournés par les énergies qui se déploient au départ des diverses Volkheiten concrètes. Phénomène observable en Italie du Nord, où les régions ont pris l'initiative de dépasser le monolithe étatique romain, et ont créé des réseaux alpin et adriatique de relations interrégionales qui se passent fort bien des immixtions de l'État central. La Vénétie peut régler avec la Slovénie ou la Croatie des problèmes relatifs à la région adriatique et, demain, régler, sans passer par Rome, des problèmes alpins avec la Bavière, le Tyrol autrichien, la Lombardie ou le canton des Grisons. Ces régions se dégagent dès lors de la logique monolithique stato-nationale pour adopter une logique en mosaïque (pour reprendre le vocabulaire de Toffler), outrepassant, par suite, les niveaux hiérarchiques établis qui bloquent, freinent et ralentissent les flux de communications. Niveaux hiérarchiques qui deviennent ipso facto redondants. Par rapport aux monolithes, les mosaïques de Toffler sont toujours provisoires, réorientables tous azimuts et hyper-flexibles.
La «Troisième Vague»
Caractère provisoire, réorientabilité et hyper-flexibilité sont des nécessités postulées par les révolutions technologiques de ces vingt dernières années. L'ordinateur et le fax abolissent bon nombre de distances et autonomisent d'importantes quantités de travailleurs du secteur tertiaire. Or les structures politiques restent en deçà de cette évolution, donc en discordance avec la société. Toffler parle d'une «Troisième Vague» post-moderne qui s'oppose à la fois au traditionalisme des mouvements conservateurs (parfois religieux) et au modernisme homogénéisant. Aujourd'hui, tout nationalisme ou tout autre mouvement visant l'innovation doit être le porte-voix de cette «Troisième Vague» qui réclame une révision totale des institutions politiques établies. Basée sur un savoir à facettes multiples et non plus sur l'argent ou la tradition, la «Troisième Vague» peut trouver à s'alimenter au nationalisme de culture, dans le sens où ce type-là de nationalisme découle d'une logique plurielle, d'une logique qui accepte la pluralité. Les nationalismes d'État, constructeurs de molochs monolithiques, sont résolument, dans l'optique de Toffler, des figures de la «Seconde Vague», de l'«Âge usinier», ère qui a fonctionné par monologique concentrante ; preuve : devant les crises actuelles (écologie, enseignement, organisation du secteur de santé, transports en commun, urbanisme, etc.), produites par des étranglements, des goulots, dus au gigantisme et à l'éléphantiasis des structures datant de l'«âge usinier», les hommes politiques, qui ne sont plus au diapason, réagissent au coup par coup, c'est-à-dire exactement selon les critères de leur monologique homogénéisante, incapable de tenir compte d'un trop grand nombre de paramètres. Les structures mises en place par les nationalismes d'État sont lourdes et inefficaces (songeons à la RTT ou la poste), alors que les structures en mosaïques, créées par les firmes qui se sont déconcentrées ou par les régions nord-italiennes dans la nouvelle synergie adriatique/alpine, sont légères et performantes. Tout nationalisme ou autre mouvement innovateur doit donc savoir s'adresser, dès aujourd’hui, à ceux qui veulent déconcentrer, accélérer les communications et contourner les monolithes désormais inutiles et inefficaces.
Les «lents» et les «rapides»
Toffler nous parle du clivage le plus important actuellement : celui qui distingue les «lents» des «rapides». L'avenir proche appartient évidemment à ceux qui sont rapides, ceux qui peuvent prendre des décisions vite et bien, qui peuvent livrer des marchandises dans les délais les plus brefs. Les pays du Tiers-Monde appartiennent évidemment à la catégorie des «lents». Mais bon nombre de structures su sein même de nos sociétés «industrielles avancées» y appartiennent également. Prenons quelques exemples : l'entêtement de plusieurs strates de l'establishment belge à vouloir commercer avec le Zaïre, pays hyper-lent parce qu'hyper-corrompu (tel maître, tel valet, serait-on tenté de dire...) relève de la pure aberration, d'autant plus qu'il n'y a guère de profits à en tirer ou, uniquement, si le contribuable finance partiellement les transactions ou les «aides annexes». Quand Geene a voulu infléchir vers l'Indonésie, pays plus rapide (dont la balancé commerciale est positive !), les flux d'aides belges au tiers-monde, on a hurlé au flamingantisme, sous prétexte que l'Insulinde avait été colonie néerlandaise. Pour toute perspective nationaliste, les investissements doivent, comme le souligne aussi Toffler, opérer un retour au pays ou, au moins, se relocaliser en Europe. Deuxième exemple : certains rapports de la Commission des Communautés européennes signalent l'effroyable lenteur des télécommunications en Belgique (poste, RTT, chemin de fer, transports en commun urbains, etc.) et concluent que Bruxelles n'est pas la ville adéquate pour devenir la capitale de l'Europe de 1992, en dépit de tout ce que Martens, les banques de l'établissement, la Cour, etc. ont mis en œuvre pour en faire accepter le principe. Hélas pour ces «lents», il y a de fortes chances pour que Bonn ou Strasbourg emportent le morceau !
Partitocratie et apartheid
Des démonstrations qui précédent, il est facile de déduire quelques mots d'ordre pour l'action des mouvements innovateurs :
- lutte contre toutes les formes d'oligarchisation issues de la partitocratie ; ces oligarchisations ou pilarisations (verzuiling) sont des stratégies de monolithisation et d'exclusion de tous ceux qui n'adhérent pas à la philosophie de l'un ou l'autre pilier (zuil). Sachons rappeler à Paula d'Hondt que ce ne sont pas tant les immigrés qui sont des exclus dans notre société, qui seraient victimes d'un «apartheid», mais qu'une quantité impressionnante de fils et de filles de notre peuple ont été ou sont «exclus» ou «mal intégrés» à cause des vices de fonctionnement de la machine étatique belge. Ne pas pouvoir être fonctionnaire si l'on n'est pas membre d'un parti, ou devoir sauter plus d'obstacles pour le devenir, n'est-ce pas de l'«apartheid» ? Conclusion : lutter contre l'apartheid de fait qu'est la pilarisation et rapatrier progressivement les immigrés, après les avoir formés à exercer une fonction utile à leur peuple et pour éviter précisément qu'ils soient, à la longue, victimes d'un réel apartheid, n'est-ce pas plus logique et plus humain que ce qui est pratiqué actuellement à grands renforts de propagande ?
- abattre vite toutes les structures qui ne correspondent plus au niveau actuel des technologies ; un nationalisme de culture, parce qu'il parie sur les énergies inépuisables du peuple, n'est forcément pas passéiste.
- s'inscrire, notamment avec la Lombardie et la Catalogne, dans les stratégies interrégionales en mosaïques ; tout en sachant que l'obstacle demeure la France, dont le conseil constitutionnel vient de décider que le peuple corse n'existait pas ! Ne dialoguer en France qu'avec les régionalistes et renforcer par tous les moyens possibles le dégagement des régions de la tutelle parisienne. Solidarité grande-néerlandaise avec la région Nord-Pas-de-Calais et grande-germanique avec l'Alsace. Pour la Wallonie, si d'aventure elle se dégage de la tutelle socialiste et maçonnique (pro-jacobine), solidarité prioritaire avec les cantons romans de la région Nord-Pas-de-Calais et avec la Lorraine, en tant que régions originairement impériales et romanes à la fois (la Wallonie traditionnelle, fidèle à sa vocation impériale, a un devoir de solidarité avec les régions romanes de l'ancien Reich, la Reichsromanentum, victime des génocides perpétrés par Louis XIV en Lorraine et en Franche-Comté, où 50% de la population a été purement et simplement massacrée ; les énergies de la Wallonie post-socialiste devront se porter le long d'un axe Namur/Arlon/Metz/Nancy/Genève). Appui inconditionnel aux régionalismes corse, breton, occitan et basque, si possible de concert avec les Irlandais, les Catalans, les Lombards et les Piémontais. Forcer les Länder allemands à plus d'audace dans les stratégies de ce type.
- diplomatie orientée vers les «rapides». Ne plus perdre son temps avec le Zaïre ou d'autres États corrompus et inefficaces. Les relations avec ce pays ne sont entretenues que pour défendre des intérêts dépassés, que l'on camoufle souvent derrière un moralisme inepte.
- combattre toutes les lenteurs intérieures, même si nous ne souhaitons pas que Bruxelles devienne la capitale de l'Europe. Si les institutions européennes déménagent ailleurs, les projets de Martens s'effondreront et son régime autoritaire, appuyé notamment sur la Cour et non sanctionné par la base de son propre parti, capotera. L'effondrement du CVP, comme son tassement annoncé, permettra l'envol d'un néo-nationalisme futuriste, tablant sur la longue mémoire et sur la vitesse. Car l'une n'exclut pas l'autre. Un peuple qui garde sa mémoire intacte, sait que l'histoire suit des méandres souvent imprévus et sait aussi quelles réponses ses ancêtres ont apportées aux défis insoupçonnés de l'heure. La mémoire garantit toujours une réponse modulée et rapide aux défis qui se présentent. L'ordinateur n'est-il pas précisément un instrument performant parce qu'il est doté d'une mémoire ? Donc, le nationalisme culturel/populaire, plurilogique, est un bon logiciel. Gardons-le et sachons l'améliorer.
Robert STEUCKERS
Source : Alvin Toffler, Les Nouveaux Pouvoirs : Savoir, richesse et
violence à la veille du XXlème siècle, Fayard, 1991, 658 p., 149 FF.
Ce texte de R. Steuckers a d'abord été publié en langue néerlandaise dans la revue «RevoIte» (été 1991). Il entrait dans le cadre d'un débat sur le nationalisme en Flandre.
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lundi, 22 août 2011
Articles de R. Steuckers sur "centrostudilaruna.it"
Articles de Robert Steuckers sur http://www.centrostudilaruna.it/
00:05 Publié dans Nouvelle Droite, Révolution conservatrice, Synergies européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nouvelle droite, synergies européennes, révolution conservatrice | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 12 juillet 2011
Robert Steuckers sur "Méridien Zéro" - Paris 16juin 2011
Robert Steuckers sur "Méridien Zéro"
Paris, 12 juin 2011
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dimanche, 15 mai 2011
G. Faye: Why we fight
Why We Fight
Guillaume Faye
Why We Fight: Manifesto of the European Resistance
Translated by Michael O’Meara
Arktos Media, 2011
People
An ethnic ensemble — biological, historical, cultural — with a territory, its fatherland, in which it is rooted.
‘The people’ — the very term is suspect to the cosmopolitan Left, which sees it as bordering on the politically incorrect — is not any statistical ‘population’; it’s an organic community embracing a transcendent body made up of ancestors, the living, and their heirs. Though marked with a certain spirituality, a people is diachronically rooted in the past and projects itself into the future — it’s submerged in biological and genetic matter, but at the same time it’s a historical, and spiritual, reality.
It’s belonging to a specific people that distinguishes a man and makes him human. Though modern Western egalitarian doctrines reduce peoples to indifferent socioeconomic aggregates, peoples actually constitute the organic bases of the human race; similarly, such doctrines conceive of the ideal man as an individual ‘emancipated’ from his organic attachments — like an undifferentiated cell in a human magma.
It’s necessary to recall, especially for certain Christians, that a people’s attachment is incompatible with Christianity’s present cosmopolitanism. The claim, for example, that ‘I am closer to an African Catholic than I am to a non-Christian European’ is a universalistic claim that relegates a people’s nation to something of secondary significance. This is, indeed, the great drama of European Christianity, marked as it is by Pauline universalism. A Catholic attached to his people and conscious of the biological and cultural dangers threatening them might instead say, ‘I respect all the Christians of the world, but hic et nunc I fight for my people above all, whatever their religion’.
The Jesuit spirit might resolve the contradiction in reference to the Old Testament’s Hebraic tradition: ‘Babel — the mélange of disparate peoples — is a punishment from God, Who wants His peoples to be separate and diverse — humanity is one in Heaven, but multiple on Earth’.
Arab Islam has no difficulty reconciling the notion of people (the ‘Arab nation’) with that of its universalism. The Jews, on their side, have similarly reconciled a ferocious defence of their ethnicity — their singularity — with their religion, however theoretically monotheistic and universalist it may be. At no moment have Judaism and Islam, unlike the Christian Churches today, engaged in doubting, guiltstroking diatribes against ‘xenophobia’ and ethnocentrism. They are not masochistic . . .
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Like every anthropological notion, ‘people’ lacks mathematical rigour. A people doesn’t define itself as a homogeneous biocultural totality, but as a relationship. It’s the product of an organic alchemy that brings various ‘sub-peoples’ together. The Bretons, Catalans, Scots, etc., can be seen thus as the sub-peoples of a larger people — the Europeans.
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We ought to highlight the ambiguity that touches the notion of the people. The universalist ideology of the French Revolution confused the idea of the people with that of an ‘ensemble of inhabitants who jurisdictionally possess nationality’, whatever their origin. Given the facts of mass immigration and naturalisation, the notion of the French people has been greatly diluted (as have the British or German peoples, for the same reason). This is why (without broaching the unresolvable issue of what constitutes a ‘regional people’ or a ‘national people’), it’s advisable to dialectically transcend semantic problems — and affirm the historic legitimacy of a single, European people, historically bound, whose different national families resemble one another in having, for thousands of years, the same ethnocultural and historical origins. Despite national, linguistic, or tribal differences, haven’t African Blacks, even in Europe, been called on by Nelson Mandela or the Senegalese Mamadou Diop to ‘think like one people’? From Nasser to al-Qadhafi, by way of Arafat, haven’t Arabs been urged to see themselves as an Arab people? Why don’t Europeans have the same right to see themselves as a people?
As for ‘regional peoples’, it’s necessary to oppose Left-wing regionalists, self-professed anti-Jacobins and anti-globalists, who unhesitatingly accept the concept of French or American jus soli — who confuse citizens and residents, and who recognise as Bretons, Alsatians, Corsicans, etc., anyone (even of non-European origin) who lives in these regions and chooses to accept such an identity.
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In belonging to a people, its members are emotionally inclined to define themselves as such, which implies political affiliation. For this reason, we say that a people exists at that point where biological, territorial, cultural, and political imperatives come together. But in no case does mere cultural or linguistic attachment suffice in making a people, if they have no common biological roots. Alien immigrants from people X who are installed on the territory of people Y — even if they adopt cultural elements of their host people — are not a part of Y. As De Gaulle thought, there might be minor exceptions for small numbers of compatible (White) minorities, capable of being assimilated, but this could never be the case for, say, French West Indians.
Similarly, in defining the notion of a people, territorial or geopolitical considerations must also be taken into account. A people is not a diaspora: the Jews felt obliged to reconquer Palestine as their ‘promised land’ because, as Theodor Herzl argued, ‘without a promised land, the Jews are just a religious diaspora, a culture, a union, but not a people’.
There’s a good deal of talk today, on the Left and the Right, about people being ‘deterritorialised’. In reality, there’s nothing of the kind. Every healthy people, even if they possess an important diaspora (Chinese, Arabs, Indians, etc.), maintains close relations with its fatherland.
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Modernist gurus have long claimed that the future belongs not to peoples, but to humanity conceived as a single people. Again, there’ll be nothing of the kind. Despite globalisation and in reaction to it, the Twenty-first century will more than ever be a century of distinct peoples. Only Europeans, submerged in the illusions of their decadence, imagine that blood-based peoples will disappear, to be replaced by a miscegenated ‘world citizen’. In reality what is at risk of disappearing are Europeans. Tomorrow will be no twilight of peoples.
On the other hand, the twilight of several peoples is already possible. One often forgets that Amerindians or Egyptians have disappeared — hollowed out internally and overrun. For history is a cemetery of peoples — of weak peoples — exhausted and resigned.
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A caution is necessary here: Right and Left-wing theoreticians of ‘ethnopluralism’, opposed to humanity’s homogenisation, speak of ‘the cause of peoples [3]’, as if every people must be conserved. In reality, the system that destroys peoples — the title of one of my books that was misunderstood by certain intellectuals — only threatens unfit peoples, i.e., present-day Europeans. It also threatens those residu peoples, whose fate is of interest only to museum-keepers. It seems perfectly stupid and utopian to believe that every people can be conserved in history’s formaldehyde. What a pacifistic egalitarian vision.
The main threat to the identity and existence of great peoples occurs, in contrast, through the conjunction of deculturation and the colonising invasion of alien peoples — which we’re presently experiencing. The Western globalist ‘system’ will never threaten strong peoples. Are Arabs, Chinese, or Indians threatened? On the contrary. It reinforces their identity and their desire to conquer, by provoking their reaction to it.
The people in danger — largely because of its own failings — is our people, for reasons as much biological as cultural and strategic. That’s why it’s necessary to replace the egalitarian ideology of ‘the cause of peoples’ with the ‘cause of our people’.
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There are three possible positions: first, peoples don’t exist, or no longer exist — it’s an obsolete category — only humanity counts (the thesis of universalistic egalitarianism); second, all peoples ought to exist and be conserved (the utopian — also egalitarian — ethnopluralist position — completely inapplicable to our age); and third, only strong, wilful peoples can subsist for long historical periods — periods of selection in which only the most apt survive (the voluntarist, realist, inegalitarian thesis). We obviously support the third position.
What’s essential is reappropriating the term ‘people’ and progressively extending it to the entire Eurosiberian Continent. The present understanding of ‘European’ by the reigning ideology at Brussels is inspired by French Jacobin ideology. This ideology makes no reference to an ethno-historical Great European people, only to a mass of disparate residents inhabiting European territory. This tendency needs to be radically replaced.We propose that European peoples become historical subjects again and cease being historical objects. In the tragic century that’s coming, it’s especially crucial that Europeans become conscious of the common dangers they face and that, henceforth, they form a selfconscious community of destiny. This is well and truly a matter of forging a ‘new alliance’ that — through resurrection, metamorphosis, and historical transfiguration — will lead to a refounding of a Great European people and, in the midst of decline, succeed — not without pain, of course — in giving birth again to the phoenix.
Available from Arktos Media [4]
Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com
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jeudi, 12 mai 2011
Robert Steuckers: Answers given to the Scandinavian Group "Oskorei"
Robert Steuckers:
Answers Given to the Scandinavian Group and Internet Forum “Oskorei / motpol.nu”)
Picture: Walking along Heidegger's path in Todtnauberg, Germany, July 2010 (Photo, copyright: AnaR).
Why did you found « Synergies Européennes » ?
Initially I had no intention to found any group or subgroup in the broad family of New Right clubs and caucuses. But as, for many reasons, cooperation with the French branch around Alain de Benoist seemed to be impossible to resume, I first decided to retire completely and to devote myself to other tasks, such as translations or private teaching. This transition period of disabused withdrawal lasted exactly one month and one week (from December 6th, 1992 to begin January 1993). When friends from Provence phoned me during the first days of 1993 to express their best wishes for the New Year to come and when I told them what kind of decision I had taken, they protested heavily, saying that they preferred to rally under my supervision than under the one of the always mocked “Parisians”. I answered that I had no possibility to rent places or find accommodations in their part of France. One day after, they found a marvellous location to organise a summer course. Other people, such as Gilbert Sincyr, generously supported this initiative, which six months later was a success due to the tireless efforts of Christiane Pigacé, a university teacher in political sciences in Aix-en-Provence, and of a future lawyer in Marseille, Thierry Mudry, who both could obtain the patronage of Prof. Julien Freund. The summer course was a success. But no one had still the idea of founding a new independent think tank. It came only one year later when we had to organise several preparatory meetings in France and Belgium for a next summer course at the same location. Things were decided in April 1994 in Flanders, at least for the Belgians, Italians, Spaniards, Portuguese and French. A German-Austrian team joined in 1995 immediately after a summer course of the German weekly paper “Junge Freiheit”, that organized a short trip to Prague for the participants (including Sunic, the Russian writer Vladimir Wiedemann and myself); people of the initial French team, under the leading of Jean de Bussac, travelled to the Baltic countries, to try to make contacts there. In 1996, Sincyr, de Bussac and Sorel went to Moscow to meet a Russian team lead by Anatoly Ivanov, former Soviet dissident and excellent translator from French and German into Russian, Vladimir Avdeev and Pavel Tulaev. We had also the support of Croatians (Sunic, Martinovic, Vujic) and Serbs (late Dragos Kalajic) despite the war raging in the Balkans between these two peoples. In Latin America we’ve always had the support of Ancient Greek philosophy teacher Alberto Buela, who is also an Argentinian rancher leading a small ranch of 600 cows, and his old fellow Horacio Cagni, an excellent connoisseur of Oswald Spengler, who has been able to translate the heavy German sentences of Spengler himself into a limpid Spanish prose. The meetings and summer courses lasted till 2003 and the magazines were published till 2004. Of course, personal contacts are still held and new friends are starting new initiatives, better adapted to the tastes of younger people. In 2007 we started to blog on the net with “euro-synergies.hautetfort.com” in seven languages with new texts every day and with “vouloir.hautetfort.com” only in French with all the articles in our archives. This latest initiative is due to a rebuilt French section in Paris. These blogging activities bring us more readers and contacts than the old ways of working. Postage costs were in the end too high to let the printed stuff survive. The efforts of our American friend Greg Johnson, excellent translator from French into English, has opened us new horizons in the world, where English is more largely known than other European languages, except Spanish. The translations of Greg can be read on “counter-currents.com”. Tomislav Sunic with all his connections in the New World, in England and Scandinavia has played a key role in this step forward. He will force me to write in English in the next future, just as you do now, and to abandon my habit to write mainly in French and sometimes in German, languages that I master better that English. The next long interview in English will be the one that Pavel Tulaev submitted to me some days ago (January 2011). In fact, when I entered as a full member the New Right groups in September 1980, after having been drilled during a special summer course in Provence in July 1980 in the frame of the so-called “Temistoklès Savas Promotion” (T. Savas was a Greek friend who had just died in a motorbike accident in the Northern Greek mountains), I promised to Prof. Pierre Vial, who was at that time one of the main leaders of the celebrated GRECE-group, to lead a metapolitical battle till my last breath. So things are still going on as they ought to.
The marvellous water bridge of Rocquevafour were formerly the GRECE Summer Courses were given
Now the very purposes of “Synergies Européennes” or “Euro-Synergies” were to enable all people in Europe (and outside Europe) to exchange ideas, books, views, to start personal contacts, to stimulate the necessity of translating a maximum of texts or interviews, in order to accelerate the maturing process leading to the birth of a new European or European-based political think tank. Another purpose was to discover new authors, usually rejected by the dominant thoughts or neglected by old right groups or to interpret them in new perspectives.
“Synergy” means in the Ancient Greek language, “work together” (“syn” = “together” and “ergon” = “to work”); it has a stronger intellectual and political connotation than its Latin equivalent “cooperare” (“co” derived from “cum” = “with”, “together” - and “operare” = “to work”). Translations, meetings and all other ways of cooperating (for conferences, individual speeches or lectures, radio broadcasting or video clips on You Tube, etc.) are the very keys to a successful development of all possible metapolitical initiatives, be they individual, collegial or other. People must be on the move as often as possible, meet each other, eat and drink together, camp under poor soldierly conditions, walk together in beautiful landscapes, taste open-mindedly the local kitchen or liquors, remembering one simple but o so important thing, i. e. that joyfulness must be the core virtue of a good working metapolitical scene. When sometimes things have failed, it was mainly due to humourless, snooty or yellow-bellied guys, who thought they alone could grasp one day the “Truth” and that all others were gannets or cretins. Jean Mabire and Julien Freund, Guillaume Faye and Tomislav Sunic, Alberto Buela and Pavel Tulaev were or are joyful people, who can teach you a lot of very serious things or explain you the most complicated notions without forgetting that joy and gaiety must remain the core virtues of all intellectual work. If there is no joy, you will inevitably be labelled as dull and lose the metapolitical battle. Don’t forget that medieval born initiatives like the German “Burschenschaften” (Students’ Corporations) or the Flemish “Rederijkers Kamers” (“Chambers of Rhetoric”) or the Youth Movements in pre-Nazi Germany were all initiatives where the highest intellectual matters were discussed and, once the seminary closed, followed by joyful songs, drinking parties or dance (Arthur Koestler remembers his time spent at Vienna Jewish Burschenschaft “Unitas” as the best of his youth, despite the fact that the Jewish students of Vienna considered in petto that the habits of the Burschenschaften should be adopted by them as pure mimicking). Humour and irony are also keys to success. A good cartoonist can reach the bull’s eye better than a dry philosopher.
Provence village of Lourmarin where three Summer courses of "Synergies Européennes" were held
How do you view the proper relationship between the national state and the European Community?
Well, it depends which national state you are talking about. Some states have a strong political personality, born out of their own history. Others are remnants of former greater empires, like many states in Central Europe, which once upon a time were parts of the Austrian-Hungarian Habsburgs Empire. France, Britain and Sweden, for instance, have such a well-defined strong personality. Belgium, the country in which I was born, is a more or less artificial state, being a remnant entity of the Austrian-Hungarian Empire and of the medieval German Holy Roman Empire but having been strongly under the influence of France due to the use of French language in the Southern part of the kingdom and among the elites, even in Flemish speaking provinces. Croatia has been part of the Hungarian Crown’s Lands within the Austrian-Hungarian Empire and still desires to have closer links with Austria, Germany and Italy. Bosnia cultivates both the nostalgia of the Austrian-Hungarian Empire and of the Ottoman Empire. The Netherlands has certainly a stronger identity than Belgium or Croatia but this identity has the tendency to develop in two very different directions: a see-oriented direction towards Britain and the United States, or a land-oriented direction towards Germany and Flanders in Belgium. Countries with a weaker identity have the tendency to be more pro-European than the ones that have this strong history born personality I’ve just mentioned. But on the other hand Britain is experimenting nowadays a process of devolution, especially in Scotland and in a lesser extent in Wales. France is still theoretically the embodiment of a strongly centralised state but regional and local identities are flourishing as an alternative to the official universalistic ideology of the “République”, leading to a compelled acceptation of mass immigration imposed to the native populations, that, as a result, instinctively take up local or regional roots, which look more genuine and gentle, being seen as in complete accordance with one’s “deepest heart”.
To theorise the “proper relationship” between the national state and the European Union, you have to look out for a functioning model, in which several types of identities, be they linguistic or confessional, are overlapping and displaying a kind of mosaic patchwork on a smaller scale than Europe, which is obviously such a patchwork, especially in its central continental areas. The only functioning model we have is the Swiss model. This democratic model was born in an intersection area in the middle of the European continent, where three main European languages and one local language meet as well as two different Christian faiths, Protestantism and Catholicism, Swiss Protestantism being once more divided between Lutherans in German speaking Basle and Calvinist in French speaking Geneva, with remnants of Zwingli’s Protestantism around Zurich. Most German speaking Swiss are otherwise Roman Catholics, while most French speaking Swiss are Protestants except in the Canton of Jura. To coordinate optimally all these differences, what could lead to endless conflicts, the Swiss political system invented a form of federalism that allowed people to live in peace while keeping their differences alive. This could be a model for all European states and for regions within these states. The federal level in Switzerland is a “slim” and efficient level. Most matters are left in the hands of local politicians and officials. Moreover the Swiss system foresees the referendum as a decision making instrument at both federal and cantonal levels. The people can introduce a claim at local or national level, leading to the organisation of a referendum for all kind of matters: the building of a bridge, ecological problems, introduction or suppression of a railway or a bus connection, etc. In 2009 and in 2010, two referendums took place at federal level: the first one was introduced by a rightist populist party to forbid the building of minarets in Swiss cities and towns, in accordance to the very old ecological and town-planning laws of the Swiss Confederation, mostly accepted or introduced by leftist “progressive” political forces in former times. In November 2010, also very recently, people voted to expel all criminal foreigners out of the country, avoiding in this way the most painful effects of mass immigration. Such people’s initiatives would be impossible in other European countries, despite the fact that expelling criminals cannot be considered as “racist” (as non criminal foreigners cannot be expelled) or as hostile to particular religious faiths, as no religion tolerates crimes as acceptable patterns of behaviour.
Therefore, the possible adoption of this Swiss model, beyond its latest anti-immigration aspects, would allow other European peoples to vote in order to coin a policy-making decision about actual problems and so to avoid being arrogantly ordained by ukases imagined by the fertile fantasy of Eurocratic eggheads in Brussels. The adoption of the Swiss model implies of course to reduce most of the biggest states in Europe into smaller entities or to adopt a federal system like in Spain, Austria, Belgium or Germany, plus the possibility to organise referendums like in Switzerland, as this is not the case in the otherwise complete federal states I’ve just mentioned. This is a lack of democracy. The main problem would be France, where this kind of federalism and of democracy has never been introduced. Nevertheless, the demand for the referendum system is growing in France, as you can read it on www.polemia.com, where former New Right exponent Yvan Blot is currently resuming all his ideas, suggestions and critics about this topic.
Picture: The Splügenpass at the Italian-Swiss boarder where Synergon's Summer Course 1996 was held (Photo: RS)
The introducing of a general federal system in Europe with broad devolution within the existing states is not accepted everywhere. In Italy, where the federalist Lega Nord is continuously successful in the Northern provinces of the country, partisans of a strong state argue that a balkanization in the disguise of a general federalisation would weaken many state’s instruments that have been firmly settled in former times and enable the present-day state foundations or practices to avoid absorption by globalist American-lead agencies or concerns. This is of course an actual risk. So all the state institutions having been developed in Europe to enhance autarky (self-sufficiency) at whatever level possible must be kept out of any dissolution process implied by any form of devolution.
A policy consisting of introducing a referendum to avoid people being crushed by too centralised states or by eurocrats, of a devolution allowing this genuine form of democracy to be established everywhere and of keeping alive all institutions aiming at self-sufficiency was perhaps the hope of Solzhenitsyn for his dear old Russia. Such a policy ought to be made secure according to historical Russian and Swiss models, but cannot of course be implemented by the current political personnel. Needless to say that such a personnel is corrupt but not only that. It is brainwashed and duped by all kind of silly ready-made ideologies or blueprints, invented mostly in American think tanks, their European counter-parts and the main media agencies. To summarize it, these ideologies aim at weakening the societies by mocking their traditional patterns of behaviour, at generalizing the ideological assets of neo-liberalism in order to let globalization be thoroughly implemented in every corner of the world and at reducing Europe to remain once for ever a disguised colony of the United States.
Therefore, there is the need to replace such a deceiving personnel by new teams in every European country. These new teams cannot be the usual populist alternative parties as they are mostly unaware of the dangers of neo-liberalism, i.e. the new universalistic ideology suggested and imposed by the most dangerous think tanks of the left and of the establishment: from the camouflaged Trotskites within the social-democratic parties to the “new philosophers” in France, who paved the way to a subtle mixture of “political correctness”, apparent libertarianism, an apparently vehement and staunch defence of the human rights, avowed antifascism and anticommunism (communism being the result of a worship of mostly German “thought masters” (“maîtres-à-penser”) like Hegel or Marx). The usual populist parties never managed to develop a discourse about and against this real danger jeopardizing Europe’s future. They were each time trapped by one aspect or another of this subtle mixture, especially all the anticommunist aspects.
A “new team” should give following answer to the now well-established official ideology of the main medias:
- A defence of the social systems in Europe or of an adaptation/modernization of them, erasing the corruptions that deposited during several decades; the model would be of course the partnership existing since the foundation of the Federal Republic of Germany between workers and bosses; the investment model called the “Rhine Model” by the French thinker Michel Albert, where the capital is permanently invested in new technologies, in Research & Development, in academic think tanks, etc. The defence of the so-called socialist social systems in Europe aims essentially at preserving the families’ patrimony (especially modest working-class families because it gives them a safe security net in case of recession), at securing the future of the school and academic networks (now disintegrating under the iron heel of the banksters’ neoliberalism) and at securing a free and good functioning medical system in all European countries. It has often been said that the “non merchant sectors” were suffering due to all kind of imposed shortages (in the name of an alleged economic efficiency) and to the poor salaries earned by teaching or medical personnel. The “anti-shopkeeper” mentality of the so-called “right” or “new right” is an old heritage linking us to the ideals of the Scotsman Thomas Carlyle and the American poet Ezra Pound. If we want to translate these core ideas into a political programme, we’ll have to elaborate in each European country a specific defence of the “non merchant sectors”, as a civilization is measured not by material and transient productions but by the excellence of its medical and academic systems. We always were defenders of the primacy of culture against the iron heel of banks and economics.
The Varese Lake, Lombardia, where Synergon's Seminar 1995 and Synergon's Summer Course 2000 was held
- The notion of human rights, as they are propagated by the mainstream medias and by the official American think tanks, is a would-be universalistic ideology, aiming at replacing all the old messianic faiths, be they a religious bias or a Hegelian or Marxist tinted ideology (“the main narratives” of Jean-François Lyotard). But the mainstream notion of human rights are not merely an ideology, it is an instrument fabricated by strategists at the time of President Jimmy Carter, in order to have a constant opportunity to meddle in the affairs of alien countries, in order to weaken them (a strategy already suggested by Sun Tzu). The Chinese could observe very early that drift from a pious reference to human rights towards manipulation and subversion and reacted in arguing that every civilization should be permitted to adapt the notion of human rights to its own core cultural patterns. If the Chinese have the right to adapt, why wouldn’t we Europeans not be entitled to give our own interpretation of human rights within the frame of our own civilization? And above all to be allowed to make a clear distinction, when human rights are evoked, between what is genuine in the true defence of citizens’ rights and obligations and what is the result of an offensive attack perpetrated by an alien “soft power” in order to destabilize our countries’ policy in whatever matters. We should have the courage to denounce every abuse in the manipulating of the human rights’ topic when they are solemnly summoned up only in order to promote any American imperialist project in Europe, as, for instance, the war against Yugoslavia in 1999 was. The justification put forward to start this war was the so-called breach of human rights committed by the Serbian government against the Albanians composing the majority of Kosovo’s population. But in the end it brought to power an infamous gang in this American-backed secessionist province of Kosovo, currently accused of trafficking human organs, weapons and prostitutes. Where are the rights of the people having been bereft of their organs by force or of the poor girls attracted by seducing work contracts in Western Europe, then beaten, locked up in some dreary cellar and finally forced to be on the game? All the media orchestrated humbug about human rights promoted by Carter, Clinton and Albright ended exactly in the worst breaches in common law, that were deleterious for thousands and thousands of victims. The American discourse about human rights is deceitfulness and cant and nothing else. The real purpose was to establish a gigantic military base in Kosovo, namely “Camp Bondsteel”, in order to replace the abandoned bases in Germany after the Cold War and the German reunification and to occupy the Balkans, an area which, since Alexander the Great, allows every audacious conqueror to control Anatolia and all areas beyond it, namely Iraq and Persia. A “new team” in Europe should ceaselessly stigmatize and vilify these abuses and clearly tell the public opinion of their respective countries what are the real purposes behind each American human rights policy. The “new team” should work a bit like Noam Chomsky in the United States, who indefatigably reveals what is Washington’s hidden agenda in every part of the world.
To adopt a Swiss model with referendum at local and national level, to reject vehemently the anti-autarky policies induced by the neo-liberal ideology and economical theory, to reject also the mainstream bias of “political correctness” and to perceive the real geopolitical and strategic intentions hidden behind each American step are not capabilities that the political personnel in Europe can currently display. Therefore you won’t have a proper relationship between the national states (and the people as an ethnic reality) and the highest institutions of the European Union, as long as a fooled political pseudo-elite is ruling these latest. You need “new teams” to induce a “proper relationship”.
What is your analysis of the current European Union and it’s future and potential?
The answer to the question you ask here could be the stuff of a whole book. Indeed to answer it properly and in a complete way, you need to evoke the all story of the European integration process, starting with the founding act of the CECA/EGKS, i.e. the “European Community of Coal and Steel”, in 1951. After that you had the “Treaty of Rome” in 1957, launching the so-called “Common Market” and, later, the “Treaty of Maastricht” and the “Treaty of Lisbon”. It seems useless to resume now the entire history of the European “Eurocratic” institutions, especially at a present time when they are totally degenerated by liberal and neo-liberal ideas that of course weaken them and make them in a certain way superfluous. The core idea at the very beginning was to create an “autonomous market”, leading to a certain autarky, which was absolutely possible when the six founding countries possessed large parts of Africa and could so exploit the most important industrial and mineral resources. The decolonization and the support that the United States provided to the independence movements in Africa bereft Europe of a direct access to the main resources. The core idea of an autarky within a certain “Eurafrican” commonwealth has no real significance anymore. This new situation could already have been foreseen in October 1956 when the United States tolerated (and indirectly supported) the Soviet invasion of Hungary despite the opinion of their main allies in Europe and condemned the French-British intervention in Egypt. The year 1956 announced the fate of Europe: the European powers had no right to intervene within Europe itself, as Hungary had freed itself from Soviet yoke and as the treaties signed after 1945 foresaw the withdrawal of all Soviet troops out of the country after some months. The European powers, including Britain, had no right anymore to intervene in Africa in order to keep order.
The decolonization process left Europe without a necessary “Ergänzungsraum”, i. e. a “complementary space”, that could be administrated from European capitals and give African people the efficiency of well drilled executives, what they lack since then, precipitating the whole Black continent into a terrible misery. But autarky doesn’t mean the direct access to mineral resources: it means first of all “food autarky”. Few European countries are (or were at the end of the 80s, just before the collapse of the Soviet block) really independent at food level or are now able to produce food excesses. Only Sweden, Hungary, France and Denmark were. For the excellent French demographist Gaston Bouthoul Denmark is the best example of a well-balanced agriculture. This small Scandinavian country is able to produce food excesses that make of it an “agricultural superpower” in Europe: one should simply remember that Danish peasants furnished 75% of the food for the German Wehrmacht during WW2. Without the Danish food excesses, Hitler’s armies wouldn’t have resisted so long in Russia, in Northern Africa and in the West (Italy).
Perugia, Umbria (Italy) where the common "New Right" Conference (with Dr. Marco Tarchi, Dr. Alessandro Campi, Alain de Benoist, Michael Walker and Robert Steuckers) was held in February 1991 and where Synergon's Summer Course 1999 took place
The core idea of autarky survived quite long within the European institutions. We should remember the last plan trying to materialise autarky, the so-called “Plan Delors”, proposing a policy of large scaled public works and of favouring telecommunications and public transports within the EU area. The EU has no future if it remains what American economists called “a penetrated system” at the time of the Weimar Republic in Germany when American big business tried a disguised colonisation of the defeated Reich through the Young and Dawes Plans. The EU is now a penetrated system where not only American multinationals are carving important segments of the inner European market but also the new Chinese State’s companies and where the textile industry is now entirely dependant from delocalized factories settled in Turkey or Pakistan. Unemployment reaches astronomical figures in Europe because of delocalisation.
Recently the German weekly magazine “Der Spiegel” has published figures showing that Europe is experimenting now a real decay. More and more European countries are leaving the hit parade of the 20 most important economies on the world. The results of the PISA inquiry about the levels reached by school systems reveals also a general decay of the European standards. University teacher and former student and translator of Carl Schmitt, Julien Freund, thought us in his important book “La fin de la Renaissance” (1981) that decay comes when you begin to hate yourself, to despise what you are and to abhor your own past. The whole “Vergangenheitsbewältigung” not only in Germany but in all European countries, where children and teenagers are subtly induced to loathe themselves and their fatherlands, has repercussions on the general economics of the entire continent. The EU can only survive when it finds its ideological roots again, i. e. the very notion of autarky. Otherwise the process of decay will amplify tremendously and lead to the complete disappearance of the European peoples and civilisation. In this process the EU area may become, as a kind of new “Eurabia” or Euro-Turkey or Afro-Europe, an appendix of a “Transatlantic Union” under US leadership.
Well, let us now turn to the real question, the question that matters. Are we socialists or not? If we are, what’s the difference between us and the conventional socialists or social democrats? What’s the difference between the synergist anti-liberal with his New Right background and the Marxist or Post-Marxist we find in all the parliaments in Europe and of course in the European Parliament where they constitute the second main group after the Christian Democrats of the EPP? Well, the conventional socialists would say that they get their inspiration from their holy icon Marx and from his followers of the 2nd International, even if a born-again Marx would fiercely mock their liberal and permissive bias with the acidity he always used to lash verbally his foes. The problem is that the socialism of the direct heirs of the 2nd International is a type of socialism without a frame, consisting mainly of irresponsible promises emitted by cynical politicians in order to grasp as many mandates or seats as possible. Long before Marx wrote his well-known communist manifesto, there was an economical genius in Germany called Friedrich List, who opposed the free trade ideology of Britain at that time. Free trade meant in the first half of the 19th Century a generalized colonial system in the entire world, where Britain would have been the world only workshop or factory, while the rest would have remained underdeveloped only producing raw materials for the Sheffield or Manchester mills. Included all European countries of course. List asserted that every country had the genuine right to develop its own territorial assets. As the British fleet was the instrument enabling the British Crown to be ubiquitous and reach the harbours on all shores where it could get the raw materials and sell the products of England’s factories, List suggested an inner development of all countries in the world by inner colonization (fertilization and cultivation of all abandoned lands), building of railways and canals in order to boost communications. List inspired the German government under the leading of Bismarck, the small Belgian kingdom which was an economical power having experimented an actual industrial revolution immediately after Britain, the French positivists for the necessity of starting an inner agricultural colonization of the former Gallic mainland and above all the US government that had to face the huge problem of developing the gigantic land space between the Atlantic and the Pacific. List is the intellectual father of the Transcontinental Railway and of the canals linking the Lakes and the Saint Lawrence River. He is the real intellectual father of the industrial power of the United States. On the other hand he inspired anti-colonialists in the former Third World, especially India and China: Gandhi, who wanted the Indians to cultivate cotton and weave their own clothes with it, and Dr. Sun Ya Tsen, founder of the Chinese Republic in 1911, were more or less inspired by List’s theories and practical suggestions. The Chinese National-Republican economist Kai Sheng Chen, who theorized the very important notion of “armed economy”, was a pupil of List and of Ludendorff, who adapted the peaceful ideas of List in the context of WW1. Taiwan and South Korea have proved that Kai Sheng Chen’s ideas can be successfully realized.
In the present-day United States the caucus around Lyndon LaRouche has produced an excellent analysis of the opposition between the Free Trade system and List’s practical views of a world of free autarkic areas. You can find a long documentary on the Internet about this dual interpretation given by the LaRouche’s group. Many Europeans would of course object that LaRouche’s vision of the economical history of the Western World during these two last centuries is quite over-simplified. Of course it is. But the core of this interpretation is correct and sound, whereas the over-simplification made of the all corpus a good didactical instrument. There is indeed an opposition between Free Trade (neo-liberalism, reaganomics, thatcherite economics, Chicago Boys, Hayek’s theories, etc.) and List’s idea of a harmonious juxtaposition of autarkies on the world map. The LaRouche caucus never quotes List (as far as I know) and says Lincoln and McKinley were opponents to the Free Trade, a position that, according to Lyndon LaRouche, explains their assassinations. Both were killed after a plot aiming at cancelling all political steps towards a North American autarkist system. Teddy Roosevelt and Woodrow Wilson were supporters of the Free Trade system and of a British-American alliance along the lines theorized by an almost forgotten proponent of geopolitics, Homer Lea, author of a key book, “The Day of the Saxons”. Lea, having got a degree in West Point, had been dismissed for medical reasons and turned to pure theory, advocating an eternal alliance of Britain and the United States. We can read in his book today the general principles of a control of the South Asian “rimlands” by both Anglo-Saxon sea powers, especially Afghanistan, and of a control of the Low Countries and Denmark to avoid any push forward of Germany in the direction of the North Sea or any push forward of France in the direction of the harbours of Antwerp and Rotterdam.
The LaRouche caucus aims obviously at emphasizing the role in history of some icon figures of America like Abraham Lincoln of Franklin Delano Roosevelt. Nevertheless Free Trade and Continental Autarky are truly a couple of opposites that you cannot deny, even if the binary antagonism isn’t certainly so sharp as explained by LaRouche’s team. For instance, it is true that F. D. Roosevelt started his career as a US President by launching the huge project of the “Tennessee Valley”, foreseeing the building of a series of colossal dams to tame the violent waters of the Tennessee, Mississippi and Missouri rivers. The New Deal and the “Tennessee Valley Project” were distinctly continental purposes but they were torpedoed by the proponents of Free Trade, who in the end imposed a new Free Trade policy, an alliance with Britain, despite the fact that Chamberlain tried to create an inner Commonwealth autarky. This shift in Roosevelt’s policy lead to war with Japan and Germany because the failure of the New Deal policy implied to choose for exportations and to abandon the project of developing the inner Northern American market. If you have to prevent other areas in the world to develop their own closed markets, you must destroy them, according to the good old colonial logics, and get them as exportation markets. So the United States were doomed to destroy the European system of the Germans and the “Co-Prosperity Sphere of East Asia” under the leadership of Japan.
To summarize our position, let us remember that Russia developed and came out of underdevelopment under the “Continental Project” of Serguei Witte and Arkady Stolypin, who were either dismissed after a gossip campaign or assassinated by a crazy revolutionist. China after its communist isolation under Mao turned to a form of autarkist model under Deng Xiao Ping, leading the country to an unchallenged economical success. Putin in Russia is trying, with less success, to adopt the same guidelines. But the “Continental Autarkists” are assembling nowadays under the direction of the informal Shanghai Group or of the BRIC (Brazil, Russia, India, China). Europe and the United States will have to adapt in order to avoid complete decay. The key idea to successfully perform this adaptation is the good old project of Friedrich List. And the American can refer to one of his most brilliant students: Lawrence Dennis, who coined a project for “continental autarky”, being influenced by the “continentalist” school of South America, where he lived for a quite long time as a diplomat.
The Flemish village of Munkzwalm where many technical meetings and several Spring Courses were held between 1989 and 1995
Q.: Is it important for the pro-European activist to be familiar with geopolitics?
Of course. If you are a pro-European activist, you should perceive Europe as a geopolitical entity, surrounded by possible foes and having to control militarily its periphery, for instance by preventing the North African states to become sea powers again or to prevent any alien power to provide them sea power tools or missiles able to strike the Mediterranean coasts of Europe. The whole history of Europe is the history of a long defence battle against Barbary Coast pirates and their Ottoman rulers. Once this danger eliminated, Europe could develop and prosper. Nowadays mass immigration within the boarders of European countries replace the external danger of Barbary Coast piracy or of Ottoman threat by introducing parallel economical circuits and mafia systems of drug bosses, the so-called “diaspora mafias”, who weaken the whole social system by literally milking money from the well established European social security system and by earning colossal fortunes from drug dealing (Moroccan cannabis which amounts to 70% of the entire European consumption or Central Asian heroin dispatched by Turkish mafias). The type of danger has changed but comes always from the very next periphery of Europe. Racialist as well as so-called anti-racist arguments are preposterous in such matters, as you don’t need to develop a “racialist argumentation” to criticize mass immigration: you simply have to stress the fact that international authorities like the UNESCO or the UNO have urged the EU to finance alternative crops in Morocco, in order to replace the huge fields of cannabis in the Northern parts of the country by useful plantations. But the money given by the EU has been used to triple the area where cannabis crops are cultivated! So Morocco, the Moroccan citizens or the European citizens of Moroccan origin who trust drugs from the Rif area are lawbreakers in front of the EU, UNESCO and UNO policy. Anti-racist arguments, caucuses and legislations, trying to crush all people criticizing mass immigration, are in fact tools in the hand of the secret lobbies and the drug bosses that try to weaken Europe and to maintain our homelands in a permanent state of debility and decrepitude.
For you Swedes, as fellow countrymen of Rudolf Kjellén and Sven Hedin, geopolitics is of course a genuine part of your political and cultural heritage. Moreover the Russian Yuri Semionov, author of a tremendously interesting book on Siberia, was a refugee in Sweden in the Thirties. In Swedish libraries you must find a lot about the first theories on geopolitics (as it was Kjellén who coined the word), about the travelogues of Hedin, explorer of Central Asia and Tibet, and maybe about Semionov’s works. At the very beginning of the so-called New Right project, geopolitics was still taboo. There was certainly an implicit geopolitics among diplomats or generals, which was not genuinely different from the former geopolitical endeavours of the previous decades, but the very word was taboo. You couldn’t talk about geopolitics without being accused of trying to resume Nazi geopolitics, which had been set once for all as “esoteric”. Karl Haushofer, the German pupil of Kjellén, had been depicted as a crazy mystical mage having disguised his belonging to a so-called secret society of the “Green Dragon” behind a weak discourse about history, geography and international affairs. When you read Haushofer and his excellent “Zeitschrift für Geopolitik” (which survived him under the name of “Geopolitik” in the Fifties), you find comments on current affairs, reasonable reflections about frontiers within and outside Europe, interviews of foreign diplomats and excellent analyses about the Pacific area but no pseudo-Chinese or neo-Teutonic esoteric humbug. At the end of the Seventies, things changed. In the United States, Colin S. Gray decided to break definitively the taboo on geopolitics. As an Anglo-Saxon proponent of geopolitics, Gray was of course a pupil of Sir Halford John MacKinder, of Homer Lea and of their pupil Spykman. But he explained that Haushofer’s geopolitics was a continental reaction against MacKinder’s sea power geopolitics. Haushofer was so rehabilitated and could be studied again as a normal proponent of geopolitics and not as a mystical crackpot.
In the group of students, who followed the works of the New Right groups in Brussels at the end of the Seventies and was lead by late Alain Derriks, we had of course purchased a copy of Gray’s book but, at the same time, we discovered the book of an Italian general, Guido Giannettini, “Dietro la Grande Muraglia” (“Beyond the Great (Chinese) Wall”). This book was extremely well written, offered simultaneously a historical approach and present-day analyses, and opened wide perspectives. Giannettini had observed how the whole international chessboard had been turned upside down in 1972, when Kissinger and Nixon had coined a new implicit alliance with communist China. Formerly, the American lead Western world had faced a giant Eurasian communist block, embracing China and the USSR, even when the relationship between Moscow and Beijing wasn’t optimal anymore or could even become sometimes frankly antagonist (with a clash between both armies along the River Amur in Far Eastern Siberia). After the defeat of Germany in 1945, Europe had been divided, according to the rules settled at Teheran and Yalta, into a Western part dominated by NATO and an Eastern part under the direction of the Warsaw Pact. At that time Euro-nationalists around my fellow countryman Jean Thiriart, rejected both systems and pleaded for an alliance with China and the Arab world (Egypt, Syria and Iraq) in order to loose the choking entanglement of both NATO and Warsaw Pact. In Thiriart’s clearly outlined strategy for his Europe-wide but tiny movement, Chinese and Arabs would have had for task to keep Americans and Soviets busy outside Europe, so that the pressure would be lighter to bear in Europe and lead, if possible, to a successful liberation movement, aiming at restoring Europe’s independence and sovereignty. When Americans and Chinese joined their forces to contain and encircle Soviet Russia, the wished Euro-Chinese alliance to disentangle Yalta’s yoke in Europe became a sheer impossibility. On the other side, the Arabs were too weak and not interested in a European revival, as they feared a come back of the colonial powers in their area, as during the Suez affair in October 1956. Giannettini’s option for a Euro-Russian block became the only possible choice. Thiriart agreed. So did we. But our views about a possible future Euro-Russian alliance were confused at the very beginning: we couldn’t accept the occupation of Eastern Europe and even less the partition of Germany that is, geographically speaking, the core of Europe. On the other hand, the American disguised occupation was also for us an unacceptable situation, especially after De Gaulle’s breach with NATO and the new independent course in international affairs that it induced, according to Dr. Armin Mohler. After the Israeli victory of June 1967 with the help of Mirage III fighters and bombers, France’s new world policy lead to the exportation of Dassault jet fighters in Latin America, South Africa, India and Australia. It could have generated a new European based aeronautical industry, as in 1975 the Scandinavian and Low Countries air forces had the choice between the Mirage IV, the Saab Viggen jet, a new model produced by a future common French-Swedish project, or the American F-16. European independence was only possible if Europe could build an independent aeronautical industry, based on merges between already existing aeronautical companies. The fact that after corruption affairs the Scandinavian and Low Countries armies opted for the American F-16 jet ruined the possibility of a jointed independent European aeronautical industry. It was the purchase of the F-16 jets and the subsequent ruin of a possible French-Swedish fighter project that induces our small group to reject definitively all forms of pendency in front of the Western hegemonic power. But what else if the Iron Curtain seemed to be not removable and if the inner European situation was apparently a stalemate, bound to remain as such eternally?
Other readings helped us to improve our views. I’ll quote here two key books that shifted unequivocally our viewpoints: Prof. Louis Dupeux’ doctor paper on German “national bolshevism” at the time of the Weimar Republic in the Twenties and Prof. Alexander Yanov’s UCLA paper on the Russian “New Right” in the last years of Soviet rule, at the end of Brezhnev’s era and just before Gorbachev’s perestroika. Dupeux helped us to understand the relevancy of the Soviet-German tandem in the Twenties, starting with the Rapallo Treaty of 1922 (between Rathenau and Chicherin). This relevancy could explain us the cause of the ephemeral Ribbentrop-Molotov Pact of August 1939. A European-Russian tandem could therefore offer the possibility of independence and Continental-Eurasian strength. But such a tandem was impossible under communist rule. But was communism as monolithic as it was described in the Western press and medias? In his paper Yanov divided Soviet-Russian political thought into two categories and each of these two categories again in two others: the Zapadniki (the Westerners) and the Narodniki (the proponents of Russian identity). You could find dissident Zapadniki in the emigration and pro-regime Zapadniki within the Soviet institutions (i. e. Marxist of the old school as Marxism was a Western importation). You could also find dissident Narodniki in the emigration, such as Solzhenitsyn, and pro-regime Narodniki in the Soviet-Russian academic world, such as the writer Valentin Rasputin, who wrote “rural” novels criticizing the reckless industrialisation and “electrification” of old traditional Russian villages or areas. For Yanov the Russian New Right was incarnated in all the Narodniki, be they dissidents or not, and all Narodniki were of course dangerous compeers and rascals as they challenged dominant Western as well as Soviet principles. So our position, and the one staunchly defended in Germany by former Gulag prisoner Wolfgang Strauss (arrested during the East German riots of June 1953), was to hope for a Narodniki political or metapolitical revolution in Russia and in Eastern Europe, giving the possibility to create an International of Narodniki, from the Atlantic coasts to the Pacific Ocean, challenging the Western hemisphere and its liberal leftist ideology. Meanwhile after Reagan’s election in November 1981 the missile crisis swept all over Europe. The piling up of missiles on both sides of the Iron Curtain risked in case of war to destroy definitively all European countries. The reaction was passionate especially in Germany: more and more puzzled voices required a new neutrality status, to avoid implication in a military system of warmongers, and pleaded for a withdrawal from NATO, as the Treaty’s Organisation was lead by an external hegemonic power, which didn’t care for the safety of Europe and was ready to unleash a horrible nuclear apocalypse upon our countries. A neutrality status, as suggested by General Jochen Löser in Germany (in “Neutralität für Mitteleuropa”), implied also to promote a kind of “Third Way” system, which would have been a synthesis between state socialism and market capitalism. “Wir Selbst” of Siegfried Bublies (Koblenz) was the leading magazine, which backed a policy of NATO withdrawal and Central European neutrality, a “Third Way” (for instance the one theorized by the Slovak economist Ota Sik), a reconciliation with Russia (according to Ernst Niekisch or Karl-Otto Paetel as dissidents both of the Weimar Republic and of the Third Reich), the devolution movements in Western and Eastern Europe, and the new dissidents in the Soviet dominated block. The magazine had been created in 1979 and remained till the very beginning of the 21st Century the main forum for alternative thought with a humanist touch in all Europe. I mean “humanist” in the sense given to this word by the main non Westernized dissidents of Eastern Europe, being no Narodniki in the narrow sense of this expression. The years 1982 and 1983 were determined by the pacifist revolt throughout Europe, especially in Germany around an interesting thinker like air force Lieutenant-Colonel Alfred Mechtersheimer, and in the Low Countries but also in Britain, where huge demonstrations were held to prevent the dispatch of American missiles. Our small group supported the pacifist movement against the conventional positions of many other Rightist or even New Right clubs (including de Benoist at that time, who accused us of being the “Trotskites” of the movement, positioning himself as a kind of Stalin-like Big Brother!). The new pacifism and neutralism ceased to thrive when Gorbachev declared he intended to launch a glasnost and perestroika policy to soften the Soviet rule. Once Gorbachev promised a new policy, we could only wait and see, without abandoning all necessary scepticism.
During the second half of the Eighties, we hoped for a new world, in which the Iron Curtain would one day disappear and the dominant systems would gently evolve towards a “Third Way”. In 1989, when the Berlin Wall was suppressed, we all thought very naively that the liberation of Europe and of Russia was imminent. The Gulf War and the dissolution of Yugoslavia, the invasion of Iraq and of Afghanistan proved that Europe was in fact totally unable to take an original decision in front of the world events, with the slight exception of the short French, German and Russian opposition to the invasion of Iraq in 2003, an opposition naively hailed as the new “Paris-Berlin-Moscow Axe” but an Axe that couldn’t of course prevent the unlawful invasion of Saddam Hussein’s country. So we still are in a desolate state of subjugation despite the fact that Europe now counts 27 states in full membership.
Let us come back to geopolitical theory. In 1979, when we discovered Giannettini’s book, I read General Heinrich Jordis von Lohausen’s book “Mut zur Macht”, which was a very good summary and actualisation of Kjellen’s ideas, as well as of all notions formerly defined by Haushofer and his broad team (Walter Pahl, Gustav Fochler-Hauke, Otto Maull, Walter Wüst, R. W. von Keyserlingk, Erich Obst, etc.). I wrote a small paper for my end examination of “International Affairs”, which was read with interest by the teacher, who found Lohausen’s positions interesting but still “dangerous”. Geopolitics in June 1980, date when I passed the examination with brio (18/20! Thank you, dear General von Lohausen!), was still taboo in “poor little Belgium”. It wouldn’t last a long time before this “dangerousness” would definitively belong to the past. The French intellectual world produced successively many excellent geopolitical studies: I’ll only quote here Yves Lacoste’s journal “Hérodote”, the accurate maps of Michel Foucher, the encyclopaedic studies of Hervé Coutau-Bégarie and the courses of Ayméric Chauprade (who, as a teacher in the French High Military Academy, was recently sacked by Sarközy because he couldn’t accept the coming back of France in the commanding structures of NATO as a full member state). In the Anglo-Saxon world, the best books on the matter are those produced by the British publishing house “I. B. Tauris” (London).
You cannot concentrate only on geopolitics as a mean strategic way of thinking. To use the tools properly you need an accurate knowledge in history that the shelves in Anglo-Saxon bookshops offer you in abundance. Then to be a good proponent of geopolitics you need to study lots of maps, especially historical maps. I therefore collect historical atlases since I got the first one in my life, the official one you had to buy when you reached the third year in the secondary school. When I was 15, I bought my very first German book, volume two of the “DTV-Atlas zur Weltgeschichte”, at Brussels’ flea market. The book lies now since about forty years on my desk! Indispensable tools are also the atlases of the British University teacher Colin McEvedy, which were translated into Dutch for Holland’s schools. McEvedy sees history as a regular succession of collisions between “core peoples” (Indo-Europeans, Turkish-Mongolic tribes, Semitic nomads of the Arabic peninsula, etc.), which he perceives as balls moving on a kind of huge billiard table, which is Eurasia with all its highways across the steppes. By reading McEvedy’s comments on the maps he draws we can understand history as permanent systolic and diastolic movements of “core peoples” (together with assimilated alien tribes or vanquished former foes) against each other, in order to control land, highways or sea accesses to them. And what is European history if not a long process of resisting more or less successfully Mongolic or Turkish assaults in the East and Hamito-Semitic incursions in the South? Next to McEvedy, the most interesting historical atlas in my collection is the one that a Swiss professor produced, namely Jacques Bertin’s “Atlas historique universel – Panorama de l’histoire du monde”, where you’ll find even more precise maps than the ones of McEvedy. Also, the German DTV-Atlas (which exists in an English version published at Penguin’s publishing house in Britain), McEvedy’s works and Bertin’s panorama are the tools that I use since many years. They have been my paper companions since I was a teenager.
What is your analysis of the actual and ideal relationship of Europe and Russia, Turkey and the United States?
To answer your question here in a complete and satisfying way, I should rather write a couple of thick books instead of babbling some insufficient explanations! Indeed your question asks me in fact to summarize in some short sentences the whole history of mankind. I suppose that, for historical reasons, Swedes don’t perceive Russia and Turkey as citizens of Central or Western Europe would perceive these countries. Swedes must remember the attempt of King Charles XII to restore what was seen as the “Gothic Link” between the Baltic and the Black Sees by becoming the heir of the Polish-Lithuanian State in decay at his time: therefore he had to wage war against Russia and try to obtain the Turkish alliance. During the Soviet-Finnish war of winter 1939-40, Swedes were terribly worried because the move of Stalin’s Red Army to recuperate Finland as a former Tsarist province implied a future Soviet control of the Baltic See reducing simultaneously Swedish sovereignty and room for manoeuvre in these waters. It was also jeopardizing the fragile independence of the Baltic States.
Vlotho, Low Saxony (Germany) where a lot of meetings, conferences and Summer courses took place
Russia still wants to have access to the Atlantic via the Baltic see routes but in a less aggressive way than in Soviet times, when a messianic ideology was running the agenda. After the disappearing of the Iron Curtain, we are back to the situation we had in 1814. Once Napoleon Bonaparte had been eliminated and together with him the tone-downed Bolshevism of his time, i. e. the blood drenched French revolution ideology, Europe was a more or less united block nicknamed in Ancient Greek language the “Pentarchy” (The “Five Powers”), stretching from the Atlantic to the Pacific coasts. We often forget nowadays that Europe was a strategic united block between 1814 and 1830, i. e. only during fifteen years. This unity allowed the pacification of Spain in 1822-23, the Greek independence from the Ottoman Empire in 1828 and later the crushing of Barbary Coast piracy by the landing of French troops in present-day Algeria in 1832. But the “Pentarchy” ceased to be a harmonious symphony of allied traditional powers when Belgium become independent from the King of Holland: indeed, Britain (in order to destroy the sea power of Holland, the industrial capacities in present-day Belgium’s Walloon provinces and the potentialities of the Indonesian colonial realm of the United Low Countries Kingdom) and France (aiming at recuperating Belgium and the harbour of Antwerp as well as a portion of the Mosel Valley in Luxemburg, leading to the very middle of German Rhineland in Koblenz) supported the rather incoherent Belgian independence movement while the other powers (Prussia, Austria and Russia) supported the Dutch King and his United Kingdom of the Low Countries. France, which started in the Thirties of the 19th Century to carve its African Empire not only in Algeria but also in present-day Gabon and Senegal, and Britain, which was already a world empire whose cornerstone was India, became very soon Extra-European realms deriving their power from wealthy colonies and were therefore not more interested in the strategic unity of Europe, as the genuine civilisation area of all the people of our Caucasian kinship. The competition between European powers to get colonies implied that colonial rivalries could perhaps end in inner European conflicts, what happened indeed in 1914. The spirit of 1814 was kept alive by the “Drei Kaisersbund”, the “Alliance of the three Emperors” (United Germany after 1871, Austria-Hungary and Russia), which unfortunately started to disintegrate after Bismarck’s withdrawal in 1891 and due to the French-Russian economical-financial alliance under Tsar Alexander III (cf. the limpid book of Gordon Craig and Alexander L. George, “Zwischen Krieg und Frieden. Konfliktlösung in Geschichte und Gegenwart”, C. H. Beck, Munich, 1984; this book is a history of European diplomacy from the Treaty of Vienna in 1814 to WW1, where the authors describe the gradual disintegration of the “Pentarchy”, leading to the explosion of 1914; both authors remember also that Nixon and Kissinger tried to re-establish a kind of “Pentapolarity”, with China, Japan, the United States, Europe and Soviet Russia, but the attempt failed or was reduced to nought by the new human rights’ diplomacy of Carter. The only possible present-day “Pentapolarity” is represented by the “BRIC”-system, with Brazil, Russia, Iran, India, China and maybe, in a next future, post-Mandela South Africa).
Sababurg Castle, along the "Märchenstrasse" ("Fairy Tales Road"), Hessen (Germany), where the German friends usually held their regular meetings
In the first decade of the 20th Century, the “Entente” was not an obvious option at the very beginning: Russia and Britain were still rivals in Central Asia and on the rimland of South Asia; Britain and France were rivals in Sudan as Britain couldn’t tolerate a French military settlement on the Nile River (the Fashoda incident in 1898), a situation which would have cut the British possessions in the Southern part of Africa from the Egyptian protectorate in the North; we should remember here that Cecil Rhodes’ project was to link Cape Town to Cairo by a British managed Trans-African railway, after the elimination of the German colony of Tanganyka or a possible occupation of Belgian Katanga. Even if already grossly decided in 1904, the French-British-Russian alliance, known as the Entente, was far to be a sure fact before the fatidic year of 1914. The Anglo-Russian dispute in Persia had still to be settled in 1907. Moreover the three Entente powers hadn’t yet shared their part of the pie on the rimlands, as France had to accept first the de facto English protectorate in Egypt. In return for this acceptation, Britain accepted to support France’s interests in Morocco against the will of the German Emperor, who wanted to extend the Reich’s influence to the Sherifan Kingdom in North Africa, threatening to close the Mediterranean and to reduce to nought the key strategic importance of Gibraltar. For all these reasons, it is obviously not sure that Russian efficient ministers as Witte or Stolypin would have waged a war, as Russia was still economically and industrially to weak to sustain a long term war against the so-called Central Powers, i.e. Austria, Germany and the Ottomans, especially as China and Japan could possibly take advantage in the Far East of a debilitated Russia on the European stage.
The problem is that we Europeans cannot escape the necessity of using the Siberian raw materials and the gas and oil of the Caucasian, Central Asian and Russian fields. The weakness of Europe lays in its lack of raw materials (nowadays 90% of the rare earths, indispensable for high tech electronic devices, have to be bought in China). Europe could save itself from the Ottoman entanglement by conquering America and by circumnavigating Africa and arriving in the Indian harbours without having to pass through Islam dominated areas. Europeans aren’t visceral colonialists: they carved colonial empires despite their will, simply to escape an Ottoman-Muslim invasion.
The European-Turkish relationship has always been conflictual and remains today as such. It is not a question of race or even of religion, although both factors ought of course to be taken reasonably into account. Religion played certainly a key role as the Seldjuks had turned Muslim before attacking and beating the Byzantine Empire in 1071 but one forgets too often that at the same time other Turkish tribes, known as the Cumans, attacked Southern Russia and moved in the direction of the Low Danube without having turned Muslim: their faith war still Pagan-Shamanic. They nevertheless coordinated their wide scale action with their Muslim cousins. Muslim and Pagan-Shamanic Turks took the Pontic area (Black Sea as Pontus Euxinus) in a tangle: the Pagan Cumans in the North, the Muslim Seldjuks in the South. It is neither a question of race as present-day Turkey is a mix of all possible neighbouring peoples, tribes and ethnic kinships. It isn’t a joke to say that you have now Turks of all colours, like on an advertisement panel of Benetton! The European Danubian, Balkanic (Bosnians, Greeks, Albanians) and Ukrainian contribution to the ethno-genesis of the present-day Turkish population is really important, as are the parts of converted local Byzantine Greeks or Armenians or as are also the Sunni Indo-European Kurds. The Arab-Syrian influence is also clear in the South. The Turkish danger is that the Turks, whatever their real origin may be, still see themselves as the heirs of all the Hun, Mongolic and Turkish tribes that moved westwards to the Atlantic. Sultan Mehmed, who took Constantinople in 1453, kept in his mind the idea of the general move of Turkish tribes westwards but added to his geopolitical vision the one that moved the Byzantine general Justinian, who wanted at the beginning of the 7th Century to conquer again all the Mediterranean area till the shores of the Atlantic. Mehmed’s vision was also a merge of Turkish and Byzantine geopolitics. In his own eyes, he was the Sultan and the Byzantine Basileus at the same time and wanted to become also Pope and Emperor, once his armies would have taken both Rome (“the Red Apple”) and Vienna (“the Golden Apple”). Mehmed even thought that one day such a shift as a “translatio imperii ad Turcos” could happen, like there had been a “translatio imperii ad Francos” and “ad Germanos”, just after the definitive crumbling down of the Roman Empire.
The idea of moving westwards is still alive among Turks. The strong Turkish desire to become a full member of the EU means the will to pour the Anatolian demographic overpopulation into the demographically declining European states and to transform them in Muslim Turkish dominated countries. This statement of mine is not a mean reflection of an incurable “Turkophobic” obsession but is purely and simply derived from an analysis of Erdogan’s speech in Cologne in February 2008. Erdogan urged the Turkish immigration in Germany and in other European countries not to assimilate, as “assimilation is a crime against mankind” because it would wipe out the “Turkishness” of Turkish people, and urged also to create autonomous Turkish communities within the European states, that would welcome the new immigrants by marriage of by so-called “family gathering”. Later Erdogan and Davutoglu threaten to back the Turkish mafias in Europe, would the authorities of the EU postpone once more the admission of Turkey as a full member state. Every serious political personality in Europe has to reject such a project and to struggle against its possible translation into the everyday European reality. A migration flood of totally uneducated workforces into Europe would lead to high joblessness and let the social security systems collapse definitively. It would mean the end of the European civilisation.
The Turks are plenty aware of the key position their country has on the world map. Would I be a Turk, I would of course staunchly support Erdogan and Davutoglu. But I am not and cannot identify myself to such an alien vision of geopolitics. I wouldn’t care if all the efforts of the new Turkish geopolitics would be directed towards the Near East, as the Near East needs a hegemonic regional power to get rid of the awful chaos in which it is now desperately squiggling. It wouldn’t perhaps not be so easy for the Turks to become again the hegemonic power in an Arab Near East as conflicts were frequent between Ottomans and Arab nationalists, especially since the end of the 19th Century when Sultan Abdulhamid started a centralisation policy, which was achieved by the strongly nationalist Young Turks in power since 1908. Arab liberal nationalists contended this new Young Turkish nationalist rule, which was not more genuinely Islamic, universal and Imperial-Ottoman but strictly Turkish national, stressing the superiority of the Turks within the Ottoman Empire, reducing simultaneously the Arabs to second-class citizens. The challenging Arab nationalists were severely crushed at the eve of WW1 (public hangings of Arab liberal intellectuals were common in Syrian or Lebanese towns at that time). But a renewed Turkish policy in the Near East cannot in principle collide frontally with the vital and paramount European interests, except of course if it would dominate the Suez Canal zone and control this essential portion of the sea route leading from West Europe to the Far East: one should not forget that the Zionist idea, i. e. the idea of settling Jews in the area between Turkish Anatolia and Mehmet Ali’s successful Egypt of the first half of the 19th Century, that was supported by France, was an idea shaped in the late 1830s in the English press and not in the mind of Rabbis in Eastern European ghettos. The idea had already been evoked by Prince Charles de Ligne during the war between the Ottoman Empire and the coalition of Russia and Austria in the 1780s as a means to weaken the Turks and to create a focal point of troubles on another front, far from the Balkans, Crimea and the Caucasus; Napoleon wanted also to settle Jews in Palestine in order to prevent a future Turkish domination in the Suez area, as the French at that time, by supporting the Mameluks of Egypt against their Turkish masters, already had the intention to dig a canal between the Mediterranean and the Red Sea. Zionism is also not a genuine ideology born in Jewish ghettos but an idea forged artificially by the British to use the Jews as mere puppets. This role of Israel as a simple puppet state explains also why the relationship between Turkey and Israel are worsening now as the renewed Ottoman diplomacy of Davutoglu induces the Turkish state to resume his previous influences in the Arab Near East or Fertile Crescent. This could lead to a complete reverse of alliances in the region: voices in the United States are pleading for a new Iranian-American tandem between Mesopotamia and the Indus River which would fade or dim the usual alliance between Ankara, Washington and Tel Aviv. Such a shift would be as important as the Nixon-Kissinger renewed diplomacy of 1971-72, when suddenly China, the former “rogue state”, turned instantaneously to be the best ally of the States. It would also rule out many oversimplifying ideologists who have opted for cartoonlike pro-Zionist, pro-Palestinian (or pro-Hamas or pro-Hizbollah) or pro-Iranian positions in order to support either a Western Alliance or an Anti-Western/Anti-American coalition on the international chessboard. Things might or even may be completely turned upside down within a single decade. The Anti-American pro-Iranian ideologist of today may become a pro-Zionist Anti-American tomorrow if he wants to remain Anti-American and if he is not turned still crazier by the crumbling down of his too schematic worldview as many Western Maoists did in the 1970s, when their former anti-American anti-imperialist perorations coined on the Chinese model of Mao’s cultural revolution became totally outdated and preposterous once Kissinger had forged an alliance with communist China, that wasn’t ready anymore to support Maoist zealots and puppets in the Western world. Indeed, the United States would better than now contain Russia, China and India in case of a renewed alliance with Teheran. And using the quite wide influence sphere of the “Iranian civilization” (as the former Shah used to say), they could extend more easily their preponderance in Central Asia, in the Fertile Crescent, in Lebanon (with the Shiite minority armed by the Hizbollah) and in the Gulf where Shiite minorities are important. But Iran would then become a too powerful ally, exactly like China, the new ally of 1972, does. And before Iran would become a new China and develop naval capacities in the Gulf and in the Oman Sea, i. e. in one of the main areas of the Indian Ocean, like China wants to control entirely the Southern Chinese Sea in the Pacific, Europe would have to unite with Russia and India to contain a pro-American Iran! Stephen Kinzer, former “New York Times” bureau chief in Turkey, celebrated analyst of Iran’s turmoil in 1953 (the Mossadegh case) and International relations teacher at Boston University, pleads in his very recent book “Reset Middle East” for a general alliance on the Near East, Middle East and South Asian rimlands between Turks, Iranians and Americans (which would include also Pakistan and so re-establish the containing bolt that the Bagdad Treaty formerly was). When you are interested in geopolitics you should have fine observing skills and foresee all possible shifts in alliances that could occur in a very near future. It is also obvious that if Washington continues to treat Teheran as a “rogue state”, the Iranians will be compelled to play the game with Russia that remains nevertheless historically a foe of the Persians. Each Russian-Persian tandem would split in its very middle the rimland’s room that was organised by the Bagdad Treaty of the Fifties and give the Russians indirectly a broad “window” on the Indian Ocean, which is a state of things totally contrary to the principles settled by Homer Lea in 1912 and since then cardinal to all the Anglo-Saxon sea powers.
The relationship with the United States is a quite complex one. Two main ideas must be kept in mind if you want to understand our position:
1) Like the British historian Christopher Hill brilliantly demonstrated in his books “The World Turned Upside Down – Radical Ideas During the English Revolution” and “Society and Puritanism in Pre-Revolutionary England”, the core ideas that lead to the foundation of the British Thirteen Colonies in the Northern part of the New World was “dissidence” in front of all the European political systems inherited from the past. Later Clifford Longley in “Chosen People – The Big idea that Shapes England and America” produced an very accurate historical analysis of this Biblical idea of a Chosen People that leads Britons and Americans to perceive themselves not as a particular people of the European Caucasian family but as a “lost tribe of Israel”. Longley explains us that state of affairs by writing that Britons and Americans don’t have an identity, as other European people have, but thinks that they have a particular destiny, i. e. to build an aloof “New Jerusalem” and not a concrete defensive Empire of the European people, that would be born out of the genuine historical traditions of the subcontinent and simultaneously the legitimate, syncretic, Continental and Insular (Britain, Ireland, Sicily, Crete, Cyprus, etc.) heir of the Roman Empire and of the medieval Holy Roman Empire of the German Nation. The very idea of incarnating a “New Jerusalem” leads to despise the “non chosen”, even if they are akin people having importantly contributed to the ethno-genesis of the English or American nation (Dutch, Flemings, Northern Germans as Hanovrian or Low Saxons, Danes and Norwegians). Kevin Phillips, former Republican strategist in the United States and political commentator in leading American papers, in his fascinating book “American Theocracy – The Peril and Politics of Radical Religion, Oil and Borrowed Money in the 21st Century”, criticizes the new political theology induced by the several Bush’s Administrations between 2000 and 2008, that have bereft the Republicans from the last remnants of traditional diplomacy, leading to what he calls an “Erring Republican Majority”. Indeed each chosen people’s theology introduced in the events of the international chessboard destroys all the traditional ways of practising diplomacy, as surely as French Sans-Culottes’ Republicanism or Bolshevism did or Islam Fundamentalism does. Europe, as a continent that has a long memory, cannot admit a scheme that rejects vehemently all the heritages of the past to replace them by mere artificial myths, that were moreover imported from the Near East in Roman times and have received a still faker interpretation in the decades just after Reformation.
2) The second main fact of history to keep in mind in order to understand the complex Euro-American relationship is the effect the Monroe Doctrine had on the international chessboard from the second quarter of the 19th Century onwards. In principle the Monroe Doctrine aimed at preventing European interventions in the New World or the Western Hemisphere as the Spanish “creole” countries had rebelled against Madrid and gained their independence and as the British had burnt Washington in 1812, after having invaded the States from Canada, and the Russians were still formally in California and Alaska. Monroe feared a general intervention of the “Pentarchy” powers everywhere in the new World that would have prevented the former Thirteen Colonies to develop and would synchronously have choked any attempt to rise as a Northern American continental and bi-oceanic power. Indeed the young Northern American Republic faced at that time a huge Eurasian block that seemed definitively indomitable, with British room projections in India and Southern Africa. The American historian Dexter Perkins in his book “Hands off: A History of the Monroe Doctrine” (1955) explains us that President Monroe got the audacity to challenge the European/Eurasian block at a time when the United States couldn’t actually assert any well-grounded power on the international chessboard. Monroe’s bold affirmation created US power in the world, simply because a pure will, expressed in plain words, can really anticipate actual power, be the very first step towards it. It is not a simple matter of chance that Carl Schmitt stressed the uttermost importance of the Monroe Doctrine in the genesis of the geopolitical shape of present-day world. Jordis von Lohausen says in his book “Mut zur Macht” that if Monroe wanted to preserve the New World from any European intervention, he wanted simultaneously to keep this New World for the USA themselves as sole hegemonic power. But if the New World is united under the leadership of Washington, it must control the other banks of the Oceans in a way or another to prevent any concentration of power able to disturb US hegemony or to regain authority in Latin America, be it directly political (like during the attempt of Maximilian of Hapsburg to create a European-dominated Empire in Mexico in 1866-67 with the support of France, Belgium, Spain and Austria) or indirectly by trade and economical means (as Germany did just before the two World Wars). So in the end effect, the Monroe Doctrine implies that the United States have to control the shores of Western Europe and of Morocco and the ones of Japan, China, Indochina and the Philippines in order to survive a the main superpower in the world.
The critical attitude we always have developed in front of the US American fact derives from these two core ideas. We cannot accept a Biblical ideology refusing to take into account our real roots and reducing all the institutions generated by our history to worthless rubbish. We can neither accept an affirmation of power that denies us the right to be ourselves a power on political, military and cultural levels. Would America get rid of the former British dissident ideology and adopt the principles of continental autarky, as Lawrence Dennis taught to do, there wouldn’t be any problem anymore. It would even be of great benefit for the US American population itself.
In your many articles you have exhibited an impressive knowledge of European thinkers from Hamsun and Evola to Spengler and Schmitt. Do you consider some of them more important, and a good starting-point for the pro-European individual?
The study of our “classical” heritage of authors is a must if we want to create a real alternative worldview (“Weltanschauung”). Moreover, Evola, Spengler and Schmitt are more linked to each other than we would imagine at first glance. Evola is not only the celebrated traditional thinker who is worldwide known as such. He was an intrepid alpinist who climbed the Northern wall of the Lyskamm in the Alps. His ashes were buried in the Lyskamm glacier by his follower Renato del Ponte after he had been cremated in Spoleto (a town that remained true to Emperor Frederick Hohenstaufen) after his death in 1974. Evola was a Dadaist at the very beginning of his career as an artist, a thinker and a traditionalist. His was totally involved in the art avant-gardes of his time, as he himself declared during a very interesting television interview in French language that you can watch now on your internet screen via “you tube” or “daily motion”. This position of him was deduced from a thorough rejection of Western values as they had degenerated during the 18th and 19th Centuries. We have to get rid of them in order to be “reborn”: the Futurists thought we ought to perform promptly this rejection project in order to create a complete new world owing absolutely nothing to the past; the Dadaists thought the rejection process should happen by mocking the rationalist and positivist bigotry of the “stupid 19th Century” (as Charles Maurras’ companion Léon Daudet said). Evola after about a decade thought such options, as throwing rotten tomatoes at scandalized bourgeois’ heads or as exhibiting an urinal as if it was a masterwork of sculpture, were a little childish and started to think about an exploration of “the World of Tradition” as it expressed itself in other religions such as Hinduism, the Chinese Tao Te King, the first manifestations of Indian Buddhism (“the Awakening Doctrine”), the Upanishads and Tantric Yoga. For the European tradition, Evola studied the manifestations and developed a cult of Solar Manly Tradition being inspired in this reasoning by Bachofen’s big essay on matriarchal myth (“Mutterrecht”). Thanks to the triumph of the Solar Tradition, a genuine Traditional Europe could awaken on the shores of the Mediterranean and especially in the Romanized part of the Italic peninsula, invaded by Indo-European tribes having crossed the Alps just before the Celts did after them. Besides, he was the translator of Spengler and reviewed a lot of German books written by authors belonging to what Armin Mohler called the “Konservative Revolution”. In Italy Evola is obviously very well known, even in groups or academic work teams that cannot be considered as “conservative-revolutionist”, but the role he played as a conveyer of German ideas into his own country is often neglected outside Italy. But still today people rediscover in Latin countries figures of the German “Konservative Revolution” through the well-balanced reviews Evola once published in a lot of intellectual journals from the 1920s to the 1960s. As his comments on these books and publications were very well displayed on didactical level, he can also be still very helpful to us today.
Evola was also a diplomat trying to link again to Italy the countries having belonged to the Austrian-Hungarian empire. He was active in Prague, in Vienna (a City he loved) and in Budapest. He also had contacts with the Romanian Iron Guard, which he admired as a kind of citizens’ militia controlling severely the bends of petty politics limping towards corruption and “kleptocracy”. Even if he was mobilized when he was still a very young man as an artillery officer in the Italian army during WW1, Evola disapproved the war waged against traditional Austria and didn’t agree with the Futurists, d’Annunzio and Mussolini who were hectic interventionist warmongers. He was aware that the destruction of the Holy Roman Imperial Tradition in the centre of Europe would be a catastrophe for European culture and civilization. And it was indeed a catastrophe that we still can grasp today: a contemporary author like Claudio Magris, born in Trieste, explains it very well in his books, especially in “Danube”, a kind of nostalgic travelogue, written during peregrinations from one place to another in this lost Empire of former times, now torn into many scattered pieces belonging to thirteen different countries.
Carl Schmitt in several books or articles expresses the nostalgia of a kind of “Empire’s secret Chamber” regulating the general policy of a “greater room” (“Grossraum”): for him the members of such a Chamber, if it ever becomes reality, would find inspiration from Bachofen’s ideas and their interpretations, from Spengler pessimistic decay philosophy and from the analyses of all possible teams devoted to geopolitics (Haushofer and others). Carl Schmitt just as Evola was also deeply interested in art avant-gardes.
My interest for Hamsun comes from the implicit anthropology you find in his works: the real man is a peasant running an estate. He is free: what he owns is his own production; he is never defined or bound by others, i. e. by alien capitalists or by State’s servants or by foreign rulers or by the eager members of a ruling and crushing party (Orwell’s pigs in “Animal Farm”). The general urbanization process that started in the historical cities of Europe (especially Paris, London and Berlin) and in the new hectic cities of the United States lead to the emerging of an enslaved mankind, unable to coin its own destiny with the only help of his own inner and physical forces. Spengler and Eliade both say also that true mankind is incarnated in the “eternal peasant”, who is the only type of man that can generate genuine religion. David Herbert Lawrence’s most important book for us is without any doubt “Apocalypse”: this English author laments the disappearing of “cosmic forces” in man’s life, due to the bias inaugurated by Reformation, Deism (mocked by Jonathan Swift), 18th Century Enlightenment and political extremism derived from the blueprints (Burke) of the French Revolution. Man became gradually detached from the cosmic frame in which he was embedded since ever. He’s lost also all his links to the natural communities in which he was born, like the poor immigrant Hamsun was in Chicago or Detroit, limping from one miserable job to another, bereft of all youth friends and family members. The cosmic frame Lawrence was talking about receives a comprehensive and understandable translation for the humble in the aspect of a religious liturgy and calendar (or almanac), expressing symbolically the rhythms of nature in which each man or woman lives. Although Flanders has been urbanized since the Middle Ages and had important industrial cities like Bruges and Ghent, the anthropological ideal of the 19th Century romantic or realist Flemish literature is the one of the independent peasant (“Baas Gansendonck” in Hendrik Conscience’s novel, the unfortunate and stubborn Father figure in Stijn Streuvels’ “Vlaschaard”, the heroes of Ernst Claes’ and Felix Timmermans’ rural novels and short stories, etc.). In Russian literature too, the rural element of the population is perceived as doomed under any communist or Westernized regime but simultaneously perceived as the only force able to redeem Russia from its horrible past. Solzhenitsyn pleaded for a general liberation of the Russian peasantry in order to restore the Ukrainian “Corn Belt” in the “Black Earth” area, giving Russia back the agricultural advantages it potentially had before the total destruction of the “Kulaks” by the Bolsheviks.
But we can talk for hours and hours, write full pages of interpretations of our common literary heritage; I cannot answer your question thoroughly as it would need writing a good pile of books. Let us conclude by saying Tradition or literary “ruralism” (be it Flemish, Scandinavian or Russian) are good things provided you don’t remain glued into it. Futurism is a dynamic necessity also, especially in societies like ours, where the countryside isn’t the only life frame anymore. Marinetti and more recently Guillaume Faye stressed the fact that in order to be able to compete on the international chessboard we have the imperious task to get rid of archaisms. But if Faye is obviously more futurist that “archaist”, I plead for a good balance between immemorial past and audacious future (like Claes did in his marvellously filmed novel “Mira”, in which a backward rural community refuses the building of a bridge that would link the village to the next important town; the young sensual prostitute Mira, treated as a witch by the village bigots, having just come back from Paris, where she was on the game, falls in love with the handsome engineer, the bridge is built and the village dwellers linked to the rest of the people’s community without abandoning their roots – the ideal balance between past and future, between demure morality and forgiven sin, is realised). To put it in realistic arguments: we need both a sound rural population (crushed nowadays by the EU-ukases) and a high tech engineering elite (able to create super-weapons) to become a re-born superpower, which would not be unnecessarily aggressive or feverish “imperialist” (in the bad sense of the word), but calmly civilian (Zaki Laïdi) and simply powerful by its plain presence in the world. Mentally, we, as the forerunners of the needed “new teams” in present-day messy and derelict Europe, should be real and staunch “archeo-futurists”, mastering our roots and planning boldly our future. The rest is only mean and petty trifles.
(Answers given in Forest-Flotzenberg, March 2011).
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samedi, 26 mars 2011
El debate sobre la "Nouvelle Droite"
Declaraciones de Robert Steuckers sobre la Nueva Derecha.
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mercredi, 16 mars 2011
La genèse de la postmodernité
La genèse de la postmodernité
Robert STEUCKERS
Conférence prononcée à l'école des cadres du GRECE ("Cercle Héraclite"), juin 1989
Ex: http://vouloir.hautetfort.com/
La post-modernité. On en parle beaucoup sans trop savoir ce que c'est. Le mot fascine et mobilise quantité de curiosités, tant dans notre microcosme “néo-droitiste/ gréciste” (le néologisme est d'Anne-Marie Duranton-Crabol) (1) que dans d'autres.
Le fait de nous être nommés “Nouvelle Droite” ou d'avoir accepté cette étiquette qu'on nous collait sur le dos, signale au moins une chose : le terme “nouveau” indique une volonté de rénovation, donc un rejet radical du vieux monde, des idéologies dominantes et, partant, des modes de gestion pratiques, économiques et juridiques qu'elles ont produits. Dans ces idéologies dominantes, nous avons répété et dénoncé les linéaments d'universalisme, la prétention à déployer une rationalité qui serait unique et exclusive, ses implications pratiques de facture jacobine et centralisatrice, les stratégies homogénéisantes de tous ordres, les ratés dus aux impossibilités physiques et psychologiques de construire pour l'éternité, pour les siècles des siècles, une cité rationnelle et mécanique, d'asseoir sans heurts et sans violence un droit individualiste, etc.
Les avatars récents de la philosophie universitaire, éloignés — à cause de leur jargon obscur au premier abord — des bricolages idéologiques usuels, du tam-tam médiatique et des équilibrismes politiciens, nous suggèrent précisément des stratégies de défense contre cette essence universaliste des idéologies dominantes, contre le monothéisme des valeurs qui caractérise l'Occident tant dans son illustration conservatrice et religieuse — la New Right fondamentaliste l'a montré aux États-Unis — que dans son illustration illuministe, rationaliste et laïque. L'erreur du mouvement néo-droitiste, dans son ensemble, c'est de ne pas s'être mis plus tôt à l'écoute de ces nouveaux discours, de ne pas en avoir vulgarisé le noyau profond et d'avoir ainsi, dans une certaine mesure, raté une bonne opportunité dans la bataille métapolitique.
“Konservative Revolution” et École de Francfort
Il nous faut confesser cette erreur tactique, sans pour autant sombrer dans l'amertume et le pessimisme et brûler ce que nous avons adoré. En effet, notre recours direct à Nietzsche — sans passer par les interprétations modernes de son œuvre — au monde allemand de la tradition romantique, aux philosophies et sociologies organicistes/vitalistes et à la Konservative Revolution du temps de Weimar, a fait vibrer une corde sensible : celle de l'intérêt pour l'histoire, la narration, l'esthétique, la nostalgie fructueuse des origines et des archétypes (ici, en l'occurrence, les origines immédiates d'une nouvelle tradition philosophique). L'effort n'a pas été vain : en se dégageant du carcan rationaliste/positiviste, l'espace linguistique francophone s'est enrichi d'apports germaniques — organicistes et vitalistes — considérables, tout comme, dans la sphère même des idéologies dominantes, il apprenait à maîtriser simultanément les textes de base de l'École de Francfort (Adorno, Horkheimer) et les démonstrations audacieuses de Habermas, parce qu'il a parfois fallu 40 ou 50 ans pour trouver des traductions françaises sur le marché du livre.
Explorer les univers de Wagner, de Jünger, de Thomas Mann, de Moeller van den Bruck, de Heidegger, de Carl Schmitt (2), a donné, à notre courant de pensée, des assises historiques solidissimes et, à terme, une maîtrise sans a priori des origines philosophiques de toutes les pensées identitaires, maîtrise que ne pourront jamais détenir ceux qui ont amorcé leurs démarches dans le cadre des universalismes/rationalismes occidentaux ou ceux qui restent paralysés par la crainte d'égratigner, d'une façon ou d'une autre, les vaches sacrées de ces universalismes/rationalismes. Une plus ou moins bonne maîtrise des origines, découlant de notre méthode archéologique, nous assure une position de force. Mais cette position est corollaire d'une faiblesse : celle de ne pas être plongé dans la systématique contemporaine, de ne pas être sur la même longueur d'onde que les pionniers de l'exploration philosophique, de ne pas être en même temps qu'eux à l'avant-garde des innovations conceptuelles. D'où notre flanc se prête assez facilement à la critique de nos adversaires qui disent, sans avoir tout à fait tort : “vous êtes des passéistes, germanolâtres de surcroît”.
Comment éviter cette critique et, surtout, comment dépasser les blocages, les facilités, les paresses qui suscitent ce type de critique ? Se référer à la tradition romantique, avec son recours aux identités, opérer une quête du Graal entre les arabesques de la Konservative Revolution (KR), sont des atouts majeurs autant qu'enrichissants dans notre démarche. Si enrichissants qu'on ne peut en faire l'économie. Les prémisses du romantisme/vitalisme philosophique (mis en exergue par Gusdorf) (3), les fulgurances littéraires de leur trajectoire, la carrière inépuisable qu'est la KR, avec son esthétisme et sa radicalité, s'avèrent indispensables — sans pour autant être suffisants — afin de marquer l'étape suivante dans le développement de notre vision du monde. Jettons maintenant un coup d'œil sur le fond-de-monde où s'opèrent ce glissement, cette rénovation du substrat philosophique romantique/vitaliste, cette rénovation de l'héritage de la KR. En Allemagne, matrice initiale de ce substrat, l'après-guerre a imposé un oubli obligatoire de tout romantisme/vitalisme et conforté une vénération officielle, quasiment imposée, de la tradition adverse, celle de l'Aufklärung, revue et corrigée par l'École de Francfort. Hors de cette tradition, toute pensée est désormais suspecte en Allemagne aujourd'hui.
Devant la mise au pas de la philosophie en RFA, la bouée de sauvetage est française
Mais le perpétuel rabâchage des idéologèmes francfortistes et des traditions hégéliennes, marxistes et freudiennes a conduit la pensée allemande à une impasse. On assiste depuis peu à un retour à Nietzsche, à Schopenhauer (notamment à l'occasion du 200ème anniversaire de sa naissance en 1988), aux divers vitalismes. Mais ce simple retour, malgré la bouffée d'air qu'il apporte, demeure intellectuellement insuffisant. Les défis contemporains exigent un aggiornamento, pas seulement un approfondissement. Mais, si tout aggiornamento d'un tel ordre postule une réinterprétation de l'œuvre de Nietzsche et une nouvelle exploration de “l'irrationalisme” prénietzschéen, il postule aussi et surtout un nouveau plongeon dans les eaux tumultueuses de la KR. Or un tel geste rencontrerait des interdits dans la RFA d'aujourd'hui. Les philosophes rénovateurs allemands, pour sortir de l'impasse et contourner ces interdits, ces Denkverbote francfortistes, font le détour par Paris. Ainsi, les animateurs des éditions Merve de Berlin, Gerd Bergfleth, à qui l'on doit de splendides exégèses de Bataille, Bernd Mattheus et Axel Matthes (4) sollicitent les critiques de Baudrillard, la démarche de Lyotard, les audaces de Virilio, le nietzschéisme particulier de Deleuze, etc. La bouée de sauvetage, dans l'océan soft du (post-)francfortisme, dans cette mer de bigoterie rationaliste/illuministe, est de fabrication française. Et l'on rencontre ici un curieux paradoxe : les Français, qui sont fatigués des platitudes néo-illuministes, recherchent des médicaments dans la vieille pharmacie fermée qu'est la KR ; les Allemands, qui ne peuvent plus respirer dans l'atmosphère poussiéreuse de l'Aufklärung revue et corrigée, trouvent leurs potions thérapeutiques dans les officines parisiennes d'avant-garde.
Dès lors, pourquoi ceux qui veulent rénover le débat en France, ne conjugueraient-ils pas Nietzsche, la KR, la “droite révolutionnaire” française (révélée par Sternhell, stigmatisée par Bernard-Henri Lévy dans L'idéologie française, Grasset, 1981), Péguy, l'héritage des non-conformistes des années 30 (5), Heidegger, leurs philosophes contemporains (Foucault, Deleuze, Guattari, Derrida, Baudrillard, Maffesoli, Virilio), pour en faire une synthèse révolutionnaire ?
La présence de ces recherches nouvelles désamorcerait ipso facto les critiques qui mettent en avant le “passéisme” et la “germanolâtrie” de ceux et celles qui refusent d'adorer encore et toujours les vieilles lunes de l'âge des Lumières. De plus, cette présence autorise d'emblée une participation active et directe dans le débat philosophique contemporain, auquel une intervention néo-droitiste, portée par le souci pédagogique qui lui est propre, aurait sans doute conféré un langage moins hermétique. L'hermétisme du langage a été, de toute évidence, l'obstacle à l'incorporation des philosophes français contemporains dans un projet de nature métapolitique.
Dépasser l'humanisme, penser le pluriel
Il conviendrait donc, pour reprendre pleinement pied dans l'arène philosophique contemporaine ; de concilier 2 langages : d'une part, celui, didactique, narratif et historique qu'avait fait sien la ND dans les colonnes du Figaro Magazine, de Magazine-Hebdo ou d'Éléments et, d'autre part, un langage pionnier, prospectif, innovateur, celui des corpus deleuzien, foucaldien, etc. J'entends déjà les objections : Deleuze et Foucault s'inscrivent dans le cadre de la gauche intellectuelle, militent dans les réseaux “anti-racistes”, se font les apologistes des marginalités les plus bizarres, etc. Entre les opinions personnelles amplifiées par les médias, les engouements légitimes pour telle ou telle marginalité, et une épistémologie, exprimée dans un vocabulaire spécialisé et ardu, il faut savoir faire la distinction.
L'idée du dépassement de l'humanisme mécaniciste/rationaliste et la vision du surhumanisme nietzschéen (6) ont pourtant plus d'un point commun, preuve que les intuitions et les aphorismes de Nietzsche, les visions et les proclamations des autres auteurs de la tradition “surhumaniste”, se sont capillarisées dans les circuits intellectuels européens et ne pourront plus jamais en être délogés, en dépit des efforts lancinants de leurs adversaires, accrochés déséspérément à leurs vieilles chimères. Si la ND a ouvertement démasqué les hypocrisies des discours dominants, signalé les simulacres et déchiré les voiles, des philosophes comme Deleuze ont habilement camouflé leur travail de sape, si bien qu'il peut apparaître inattendu d'apprendre que, pour lui, le mouvement des droits de l'homme cherche naïvement à « reconstituer des transcendances ou des universaux ». Mais pour le philosophe de la “polytonalité” et des “multiplicités” — qui a pensé le pluriel de façon radicalement autre que la ND, mais a néanmoins aussi pensé le pluriel — est-ce si étonnant ?
Classer les courants post-modemes
Mais ces réflexions sur le destin de la ND et sur les philosophes français pourraient s'éterniser à l'infini, si l'on ne définit pas clairement un cadre historique et chronologique où elle s'inscriront, si l'on ne panoramise pas les faits post-modernes de philosophie et les virtualités qui en découlent. Il est en effet nécessaire de se doter d'un canevas didactique, afin de ne pas glosser dans le désordre et la confusion. Toutes les introductions à la pensée et aux philosophies postmodernes commencent par en souligner l'hétérogénéité, la diversité, l'absence de dénominateur commun : toutes caractéristiques qui, de prime abord, interdisent la clarté... Une chatte n'y retrouverait pas ses jeunes... Heureusement, un homme quasi providentiel est venu mettre de l'ordre dans ce désordre : Wolfgang Welsch, auteur d'un ouvrage “panoramique” sur la question, d'où ressort, limpide, une vision de l'histoire intellectuelle post-moderne (Unsere postmoderne Moderne, Acta Humaniora, Weinheim, 1987 ; en abrégé pour la suite du présent exposé : UPM).
Car c'est de cela qu'il s'agit : d'abord, montrer comment, progressivement, la philosophie s'est dégagée de la cangue rationaliste/moderniste/universaliste pour aborder le réel de façon moins étriquée, et, ensuite, indiquer à quel stade ce long cheminement est parvenu aujourd'hui, à quelles résistances têtues ce dégagement se heurte encore. Conseillant vivement une lecture de l'ouvrage de Welsch dans un article de Criticón, Armin Mohler, l'auteur de Die Konservative Revolution in Deutschland 1919-1933, explique combien proche de notre anti-universalisme est l'interprétation welschienne de la post-modemité. De plus, la chronologie et la vision “panoramique” de Welsch, dévoilent l'évolution des idées, un peu comme on montre un processus biologique ou chimique en accéléré dans les documentaires scientifiques.
Posthistoire, postmodernité, société postindustrielle, une seule et même chose ?
Premier souci de Welsch : se débarrasser d'une confusion usuelle, celle qui dit que “posthistoire”, postmodernité et société postindustrielle sont une seule et même chose. Pour la posthistoire, décrite par Baudrillard, plus aucune innovation n'est possible et toutes les virtualités historiques ont été déjà jouées ; le diagnostic suggère la passivité, I'amertume, le cynisme et la grisaille.
Le mouvement du monde serait arrivé à un stade final, que Baudrillard nomme “l'hypertélie”, où les possibilités se neutraliseraient mutuellement dans “l'indifférence”, transformant notre civilisation en une gigantesque machinerie (la “mégamachine” de Rudolf Bahro ?) à homogénéiser toutes les “différences” produites par la vie. De ce fait, la texture du monde, qui consiste à produire des “différences”, se mue en un mode de production d'indifférence. En d'autres mots, la dialectique de la différenciation renverse ses potentialités en produisant de l'indifférence. Tout s'est déjà passé : inutile de rêver à une utopie, un monde meilleur, des lendemains qui chantent. Il ne se produit plus qu'une chose : le clonage infini et/ou la prolifération cancériforme du même, sans nouveauté, dans une “obésité obscène”. Notre époque, celle du “transpolitique”, ne travaille plus ses contradictions internes (ne cherche ni ne crée plus de solutions), mais s'engloutit dans l'extase de son propre narcissisme.
Le bilan de Baudrillard est sombre, noir. Son amertume, pense Welsch, est le signe de son hypermodernisme et non celui d'une éventuelle postmodernité. La faillite des utopies désole Baudrillard, alors qu'elle fait sourire les postmodernes. Baudrillard déplore l'évanouissement des utopies et accuse la postmodernité de ne plus avoir de dimension utopique. La postmodernité, elle, est active, optimiste, bigarrée, offensive ; elle n'est pas utopique, mais elle n'est pas non plus résignée et ne se lamente pas. Toute lamentation quant à la disparition des projets utopiques/modernes est la preuve d'un attachement sentimental et désillusionné aux affects qui soustendent la modernité.
Postmodemité et société postindustrielle
Pour réfuter les arguments de ceux qui posent l'équation “postmodernité = société postindustrielle”, Welsch commence par rappeler le moment où, en sociologie, le terme “postmoderne” est apparu pour la première fois. C'était en 1968, dans un ouvrage d'Amitai Etzioni : The Active Society : A Theory of Societal and Political Processes (New York). Pour Etzioni, la postmodernité ne signifie ni résignation devant l'effondrement des grandes utopies sociales, ni répétition du même à l'infini, sur le mode de la “mégamachine”. La postmodernité, au contraire, signifie dynamisme, créativité et action. Sur bon nombre de plans, l'analyse d'Etzioni rejoint les diagnostics de David Riesman (La foule solitaire, Arthaud, 1964 ; l'éd. am. date de 1958), d'Alain Touraine et surtout de Daniel Bell (Les contradictions culturelles du capitalisme, PUF, 1979 ; éd. am.: 1976). Mais, en dernière instance, les conclusions d'Etzioni et de Bell sont foncièrement différentes. Pour Bell, théoricien majeur de la société postindustrielle, le grand projet technocratique — faire le bonheur des masses par quantitativisme — demeure en place, même si l'on observe un passage des technologies machinistes aux technologies intellectuelles (informatique, p.ex.). Pour Etzioni, en revanche, les technologies les plus récentes relativisent le vieux projet technocratique. Pour Bell, nous sommes entrés dans un “stade final”, où il s'agit de mettre de l'ordre dans la société de masse, issue du “grand projet” technocratique. Pour Etzioni, nous glissons hors de la passivité technocratique pour entrer dans un âge “actif”, dans une société qui s'auto-définit et se transforme sans cesse.
Affronter efficacement le monde contemporain, pour Etzioni et Welsch, c'est savoir manier une pluralité de rationalités, de systèmes de valeurs, de projets sociaux et non se contenter d'une rationalité unique, d'un monothéisme des valeurs stérilisant et d'ériger en fétiche un et un seul modèle social. C'est face à cette offensive silencieuse d'un néo-pluralisme que Bell se trouve confronté à un dilemme qu'il ne peut résoudre : il sait que le projet technocratique, monolitihique dans son essence, ne peut satisfaire à long terme les aspirations démocratiques humaines, puisque celles-ci sont diverses ; mais, par ailleurs, on ne peut raisonnablement se débarrasser des acquis de l'ère technocratique, pense Bell, inquiet devant les nouveautés qui s'annoncent. Et face à ce complexe technocratique, composé de linéaments positifs et négatifs, indissociables et totalement imbriqués les uns dans les autres, s'est instaurée une sphère culturelle que Bell qualifie de “subversive”, car elle est hostile au projet technocratique et le sape. Le conflit majeur, qui risque de détruire la société capitaliste selon Bell, est celui qui oppose la sphère technique à la sphère culturelle. Cette opposition est, somme toute, assez manichéenne et ne perçoit pas qu'innovations sicentifiques/techniques et innovations culturelles/artistiques/littéraires surgissent d'un même fond de monde, d'une même révolution qui s'opère dans les mentalités. Arnold Gehlen, lui, avait bien vu que la culture (au sens où l'entend Bell), même hyper-critique à l'endroit de la mégamachine, n'était qu'épiphénomène et créatrice de gadgets, d'opportunités marchandes. La société marchande, la mégamachine bancaire et industrielle, récupèrent les velléités contestatrices et les transforment en marchandises consommables.
La postmodernité n'est ni le schéma catastrophiste de Bell ni le pessimisme de Gehlen et Baudrillard. Elle admet le caractère “radicalement disjonctif” des sociétés contemporaines. Elle admet, en d'autres mots, que les rationalités économiques, industrielles, politiques, culturelles et sociales sont différentes, parfois divergentes, et peuvent, très logiquement, mener à des conflits épineux. Mais la postmodernité, contrairement à la posthistoire ou à la société postindustrielle de Bell, n'évacue pas le conflit ni ne le déplore et accepte sa présence dans le monde, sans moralisme inutile.
Quelle modernité réfute la postmodernité ?
Si la postmodernité (PM) n'est ni la posthistoire ni la société postindustrielle, qu'est-elle et quelle modernité remplace-t-elle ? Les textes aussi nombreux que divers qui tentent de cerner l'essence de la PM, ne sont pas unanimes à désigner et définir cette modernité, qui, en toute logique, est chronologiquement antérieure à la PM. Plusieurs “modernités” sont concernées, nous explique Welsch ; d'abord celle de la Neuzeit (l'âge moderne, les Lumières, la “dialectique de la Raison”, etc.) ; Habermas s'insurge contre la PM, précisément parce qu'elle s'oppose au “grand projet de l'Aufklärung”, dans ses dimensions scientifiques comme dans ses dimensions morales. Karl Heinz Bohrer (7), pour sa part, estime que la PM réagit contre la modernité esthétique du XIXe. Pour Charles Jencks, le grand historien américain des mouvements en architecture (8), la PM (architecturale) est une réaction au rationalisme utilitariste et fonctionnaliste (Mies van der Rohe, École de Chicago) de l'architecture du XXe siècle. Mais Welsch préfère s'en tenir aux définitions de Jean-François Lyotard : la modernité, que dépasse la PM, a commencé avec le programme cartésien visant à soumettre la nature (les faits organiques) à un “projet géométrique”, pour se poursuivre, à un niveau philosophique et moral, dans les “grands récits” du XVIIIe et du XIXe (l'émancipation de l'Homme, la téléologie hégélienne de l'Esprit, etc.).
La définition de Lyotard
Cette perspective de Lyotard, qui enferme dans le concept “moderne” le cartésianisme, le newtonisme, les mécanicismes des XVIIe et XVIIIe siècles, les Lumières, l'hégélianisme et le marxisme, a été fructueuse ; on lui a donné des ancêtres, notamment l'augustinisme politique, cherchant à “construire” une Cité parfaite et attribué un dénominateur commun : le projet d'élaborer une mathesis universalis, de disséquer la nature (Bacon) et d'épouser le “pathos du renouveau radical”. Chez Descartes, la métaphore de la ville illustre parfaitement l'enjeu du projet de mathesis universalis et du pathos du renouveau ; les villes anciennes, dit Descartes, sont des enchevêtrements non coordonnés ; l'architecte moderne doit tout détruire, même les éléments qui, isolés, sont beaux, pour reconstruire tout selon un plan rationnel, afin de créer une cohérence rationnelle parfaite et à biffer les imperfections organiques. Résultat : l'uniformité atone des villes de béton contemporaines. La modernité à évacuer, dans les perspectives de Lyotard, de Welsch et des architectes postmodernes, c'est celle qui a prétendu, jadis, gommer toutes les particularités au bénéfice d'une méthode, d'un projet, d'une histoire (récapitulative de touteS les histoireS locales et particulières).
Une opposition deux fois centenaire au projet de “mathesis universalis”
Le cartésianisme universaliste a eu ses adversaires dès le XVIIIe siècle. Vico rejette l'image mobilisatrice du progrès au profit d'une conception cyclique de l'histoire ; vers 1750, année-clef, Rousseau, dans son Discours sur les Sciences et les Arts, critique le programme scientifique du cartésianisme et Baumgarten, dans son Aesthetica, réclame une « compensation esthétique » à la sécheresse rationaliste. Depuis, les critiques se sont succédé : Schlegel en appelle à une révolution esthétique ; Baudelaire, Nietzsche et Gottfried Benn, chacun à leur manière, célèbrent l'art comme « espace de survie dans des conditions invivables », comme réponse à l'aridité cartésienne/rationaliste/technocratique. Mais, les réponses de la Gegen-Neuzeit, de la contre-modernité qui se déploie de 1750 à nos jours, se veulent également exclusives, radicales et universelles. Le schéma unitaire et monolithique, sous-jacent à la modernité cartésienne n'est pas éliminé. Au contraire, les courants de la Gegen-Neuzeit ne font qu'ajouter un zeste d'esthétique à un monde qui ne cesse d'amplifier, d'accroître et de dynamiser les forces relevant de la Neuzeit cartésienne. Chez Vico et Rousseau, le salut ne peut provenir que d'un et un seul renversement radical de perspective ; ils ne comprennent pas que leur solution de rechange n'est qu'une possibilité parmi plusieurs possibilités et ils affirment détenir la clef de la seule voie de salut.
Le “saut qualitatif” de la physique du XXe siècle
La nécessité qui s'impose est donc de procéder à un “saut qualitatif”, de ne pas répondre au programme de la modernité par un programme aussi global et aussi fermé sur lui-même. Vico, Rousseau, les Romantiques, ont certes deviné intuitivement les pistes qu'il s'agissait d'emprunter pour échapper à l'enfermement de la modernité/Neuzeit, mais ils n'ont pas su exprimer leur volonté par un programme aussi radical et complet, aussi scientifique et concret, aussi clair et pragmatique, que celui de la dite modernité.
Leurs revendications apparaissaient trop littéraires, pas assez scientifiques (malgré l'impact des médecines romantiques, des recherches sur les maladies psychosomatiques, etc.). La réaction contre la Neuzeit semblait n'être qu'une réaction passionnelle et émotive contre les sciences pratiques et physiques, déterminées par les méthodes mécanicistes de Newton et de Descartes. Cela changera dès le début du XXe siècle. Grâce aux travaux des plus éminents phycisiens, les concepts de pluralité et de particularité ne sont plus catalogués comme des manies littéraires mais deviennent, dans le champ scientifique luimême, des valeurs dominantes et incontournables. Partant des domaines des sciences physiques et biologiques, ces concepts glisseront petit à petit dans les domaines des sciences humaines, de la sociologie et de la philosophie.
La Neuzeit s'était prétendue scientifique : or voilà que le domaine scientifique, impulsé au départ par la modernité cartésienne, révise radicalement les a priori de la Neuzeit et adopte d'autres assises épistémologiques. Plus question de raisonner à partir de totalités fermées sur elle-mêmes, homogènes et universelles. Ouvertures, hétérogénéités et particularités expliquent désormais la trame complexe et multiple de l'univers. La théorie restreinte de la relativité chez Einstein induit les philosophes à admettre qu'il n'y a plus aucun concept de totalité qui soit acceptable ; il ne reste plus que des relations entre des systèmes indépendants les uns des autres dans la simultanéité ; l'action du temps, de surcroît, rend ces simultanéités caduques et éphémères. Heisenberg démontre, par sa théorie de la Unschärferelation (relation d'incertitude), que les grandeurs définies dans un même système de relations ne peuvent jamais être déterminées de façon figée et simultanée. Finalement, Gödel, par son axiome d'incomplétude, ruine définitivement le rêve de la modernité et des universalismes, celui de construire une mathesis universalis, puisque toute connaissance est limitée, par définition.
Une pluralité de modèles et de paradigmes
Cette révolution dans les sciences physiques se poursuit toujours actuellement : la théorie des fractales de Mandelbrot (fonctions discontinues en tous points), la théorie des catastrophes chez Thom, la théorie des structures dissipatives chez Prigogine, la théorie du chaos synergétique de Haken, etc., confirment que déterminisme et continuité n'ont de validité que dans des domaines limités, lesquels n'ont entre eux que des rapports de discontinuité et d'antagonisme. D'où le réel n'est pas agencé selon un modèle unique mais selon des modèles différents ; il est structuré de manière conflictuelle et dramatique ; nous dirions “tragique”, parce qu'il ne laisse plus de place désormais aux visions iréniques, bonheurisantes et paradisiaques que nous avaient proposées les sotériologies religieuses et laïques.
Il n'est plus possible de proposer sérieusement un programme valable pour tous les hommes en tous les lieux de la planète, puisque nous nous acheminons, sous l'impulsion de l'épistémologie physique en marche depuis le début du siècle, vers l'acception d'une pluralité de modèles et de paradigmes, en concurrence les uns avec les autres : les solutions simples, univoques, monopolistiques, universalistes, figées et exclusives relèvent dorénavant du rêve, non plus du possible. La philosophie postmoderne prend donc le relais des sciences physiques contemporaines et tente de transposer dans les consciences et dans le quotidien ce pluralisme méthodologique.
Postmodernité anonyme et postmodernité diffuse
Comme les “méta-récits”, critiqués par Lyotard, étaient monopolistiques et universalistes dans leur essence et dans leur projet, la physique du XXe siècle leur ôte le socle sur lequel ils reposaient. Mais, tout comme les réactions du XVIIIe et du XIXe, les réactions contemporaines à l'encontre des reliquats des méta-récits sont diverses et souvent imprécises. Pour Welsch, la stratégie postmoderne qui prend le relais de l'épistémologie scientifique est précise et solide. Face à cette précision et cette solidité, se positionnent d'autres stratégies postmodernes, nous explique Welsch, qui n'en ont ni la rigueur ni la force ; celle de la postmodernité anonyme qui englobe les théories et travaux qui ne se définissent pas proprement comme postmodernes mais se moulent, consciemment ou inconsciemment, sur l'épistémologie pluraliste induite par les sciences physiques ; la palette est large : on peut y inclure Wittgenstein, Kuhn (9), Feyerabend (10), l'herméneutique de Gadamer, le “post-structuralisme” de Derrida et de Deleuze, etc. Ensuite, il y a la postmodernité diffuse ; c'est celle que vulgarisent la grande presse et les “feuilletonistes”, qui profitent de l'effondrement de la modernité rigide pour parler de postmodernité sans avoir trop conscience de ses enjeux épistémologiques réels. C'est la postmodernité du pot-pourri, d'un Disneyland intellectuel ; c'est un irrationalisme contemporain qui ne va pas à l'essentiel comme n'allait pas à l'essentiel une quantité de romantiques réagissant contre le cartésianisme.
Pour Welsch, la postmodernité précise, scientifique, consciente de la rupture signalée par les sciences physiques, s'avérera efficiente, tandis que la PM anonyme demeurera imprécise et la PM diffuse, contre-productive. Seule la PM précise emporte son adhésion, car elle est systématique, cohérente, porteuse d'avenir. Pour Welsch, la “modernité du XXe siècle”, c'est la scientificité qui annonce la postmodernité, qui consomme la rupture avec la rigidité monopolistique et universaliste de la modernité/Neuzeit. La postmodernité qui prend le relais de la “modernité du XXe siècle” est ouverte à l'innovation, n'est pas strictement réactive à la mode rousseauiste ou romantique.
Or, on pourrait formuler une objection : les technologies modernes, phénomènes du XXe siècle, contribuent à uniformiser la planète , restant du coup dans la même logique que celle de la Neuzeit. Face à cet état de choses, il convient d'adopter le langage suivant, dit Welsch : quand les technologies s'avèrent uniformisantes, elles sont au service d'une logique politique issue de la Neuzeit et sont ipso facto contestées par les postmodernes conséquents ; quand, en revanche, elles fonctionnent dans le sens d'une pluralité, elles participent à la dissolution des pesanteurs modernes et sont dès lors acceptées par les postmodernes. Ce n'est pas une technologie en soi qui est bonne ou mauvaise, c'est la logique au service de laquelle elle fonctionne qui est soit obsolète soit grosse d'avenir. Welsch expose cette problématique de sang froid, sans dire — même si c'est implicite — qu'il est grand temps de se débarrasser des logiques politiques issues de la Neuzeit... La logique de la discontinuité, du tragique et de la dissipativité prigoginienne, etc., est passée de la science à la philosophie ; il faut maintenant qu'elle passe de la philosophie à la politique et au quotidien. Pour cela, il y aura bien des résistances à briser.
Un parallèle évident avec la “Nouvelle Droite”
Ce que propose Welsch dans son livre (UPM), et qui enchante Armin Mohler, c'est une chronologie de l'histoire intellectuelle occidentale et européenne, dans laquelle notre mouvement de pensée peut tout entier s'imbriquer. Dans divers articles de Nouvelle École, Giorgio Locchi a suggéré, lui aussi, une chronologie, marquée de « périodes axiales » (Jaspers, Mohler, etc.) (11), où les grandes idées motrices, dont le christianisme, passent par le stade initial du mythe, pour aboutir, via un stade idéologique, à un stade scientifique. L'incapacité du christianisme à accéder à un stade scientifique cohérent annonce l'avènement d'un autre mythe, incarné par de multiples linéaments diffusés et véhiculés par la musique européenne, par le romantisme et par Wagner, mythe qui devra se muer en idéologie et en science.
L'effondrement des fascismes quiritaires, au cœur aventureux, a provoqué, explique Locchi (12), la disparition du stade “idéologique”, tandis que la percée de nature scientifique poursuivait son chemin de Heisenberg à Prigogine, Haken, etc. Le surhumanisme — Locchi utilise ce vocable pour désigner les réactions idéologiques et littéraires contre la modernité — a donc son mythe, wagnérien et nietzschéen, et sa science, la physique contemporaine, mais pas son articulation politique. Si l'on procède à la fusion des chronologies suggérées par Locchi et par Welsch, on obtient un instrument critique d'orientation, qui est de grande valeur pour comprendre la dynamique de notre siècle, sans devoir retomber dans une paraphrase stérile des fascismes.
Or, pour les derniers défenseurs de la modernité, dont Habermas (chez qui Welsch perçoit tout de même d'importantes concessions à la postmodernité, parce que Habermas ne peut renoncer aux acquis de la science physique moderne, née pendant la Neuzeit, et parce que sa théorie de “l'agir communicationnel” implique tout de même un relâchement des rigidités monopolistiques), est “fascisme” ou “fascistoïde” tout ce qui critique la modernité et ses avatars ou s'en distancie. Georg Lukacs, dans Die Zerstörung der Vernunft, stigmatise comme “irrationalismes” toutes les philosophies, sociologies et nouveautés littéraires qui s'opposent au déterminisme rationaliste et matérialiste du grand récit marxiste (né des grands récits hégélien et anglo-libéral).
Notre vision du monde doit s'asseoir dans l'avenir sur 2 chronologies : celle de Locchi et celle de Welsch, tout en maîtrisant correctement celles, adverses, de l'École de Francfort et d'Habermas (cf. Horkheimer et Adorno, La dialectique de la Raison), ainsi que celle du marxisme particulier de Lukacs. Une attention spéciale doit également être réservée aux chronologies néolibérales (cf. Alain Laurent, L'individu et ses ennemis, LP/Pluriel, 1987), hostiles aux dimensions holistes de tous ordres. Le débat idéologique est certes la confrontation d'idées et de thématiques idéologiques différentes ; il est aussi et surtout confrontation entre des chronologies différentes, des visions de l'histoire où sont mises en exergue des valeurs précises, au moment où elles font irruption dans l'histoire : dans le cas de l'historiographie libérale/néo-marxiste, c'est le triomphe des stratégies de mathesis universalis, assorties d'un déterminisme physicaliste ; pour les néo-libéraux, c'est l'avènement de l'individu et des méthodologies individualistes en sociologie et en économie. Pour nous, ce sont les étapes d'une pensée plurielle, où l'ouverture d'esprit est due à la reconnaissance des innombrables possibilités en jachère dans la nature et dans l'histoire ; autant de différences, d'ordre somatique ou d'ordre culturel, autant de virtualités.
De l'épistémologie mécaniciste à l'épistémologie botaniciste
Si nous récapitulons l'histoire intellectuelle de l'Europe occidentale et germanique, nous constatons, entre 1750 et le milieu du XIXe siècle, l'émergence d'une quantité de réactions dans le désordre, contre les projets de mathesis universalis, contre la “volonté géométrique” de la modernité. À la logique mécanique et géométrique, le Sturm und Drang allemand, le romantisme, le Kant de la Critique de la faculté de juger, Schiller, Burke, les doctrinaires allemands de la vision organique de la politique et de l'histoire opposent une autre logique, une logique botaniciste, qui pose une analogie entre l'arbre (ou la plante vivante) et l'État (ou la Nation) au lieu de poser l'analogie cartésienne/newtonienne entre l'État et un système d'horlogerie, entre les lois du politique et les lois régissant les mouvements de la matière morte (13). La rupture épistémologique de la fin du XVIIIe, qui enclenche l'émergence de la pensée organiciste et vitaliste, amorce une pluralité, dans le sens où, désormais, 2 logiques, l'une organiciste/vitaliste, l'autre rationaliste/ mécaniciste, vont se juxtaposer. Mais la physique, perçue comme socle ultime du réel, demeure ancrée dans ses présupposés newtoniens ; aucune alternative sérieuse ne peut encore remplacer, sur le plan scientifique, les assises newtoniennes et cartésiennes de la physique. Georges Gusdorf, dans ses études sur le “savoir romantique”, montre comment le passage à une pensée “glandulaire” après l'impasse d'une pensée “cérébro-spinale”, a suscité un intérêt pour la biologie, la cénesthésie (14), la psychologie et les maladies psycho-somatiques, l'anthropocosmomorphisme de Carus et Oken (15), etc. Dénominateur commun de cette démarche : tout être vivant, homme, animal ou plante, possède un noyau identitaire propre, non interchangeable, unique ; au départ des noyaux identitaires, lieux d'irradiation du monde, un pluriversum, un monde pluriel, surgit, qui ne se laisse plus violenter par des schémas géométriques.
L'irruption de Nietzsche
À la fin du XIXe siècle, la scène philosophique européenne connaît l'irruption de Nietzsche. Celui-ci, se situant à la charnière entre la rupture épistémologique romantique/organiciste/vitaliste, magistralement étudiée par Gusdorf, et la rupture épistémologique provoquée par les découvertes de la physique au début du XXe, rejette les grands récits de l'Aufklärung et se moque, en stigmatisant le wagnérisme, des insuffisances des réponses romantiques. Mais son œuvre ne brise pas encore totalement le semblant d'évidence que revêtent les positivismes/rationalismes, détenteurs de la seule théorie physique qui tienne à l'époque. D'où, de la part des chrétiens et des positivistes, le reproche d'incohérence et de contradiction adressé à l'œuvre de Nietzsche ; pour ces perspectives, Nietzsche est fou ou Nietzsche est un philosophe incomplet ; il nous lègue une logique anarchique qui permet de tout casser (au marteau, pour reprendre son expression). Ce sont notamment les interprétations de Deleuze et de Kaulbach (16). Pour Reinhard Löw, cette interprétation du message nietzschéen est insuffisante, car s'il est vrai que Nietzsche souhaite “casser” au marteau certaines idoles philosophiques, son entreprise de démolition vise essentiellement les «psittacismes», c'est-à-dire les discours qui répètent le schéma eschatologique et providentialiste chrétien, en lui conférant des oripeaux idéalistes (chez Hegel) ou matérialistes (chez les marxistes et quelques darwiniens). L'avènement de l'esprit, du prolétariat, d'un homme moins “singe”, ne sont que des novismes calqués sur un même schéma. Schéma qu'il s'agit de dissoudre, afin qu'il ne puisse plus produire de “récits” aliénants parce que répétitifs et non innovateurs. La positivité de Nietzsche, différente de sa négativité de philosophe au marteau, consiste, écrit Löw (17), à nous éduquer, afin que nous ne continuions pas, à l'infini, à ajouter des psittacismes aux psittacismes qui nous ont précédés.
La logique du XIXe a donc été, dans une première phase, de rompre le psittacisme more geometrico du projet cartésien de mathesis universalis, puis, avec Nietzsche, de signaler le danger permanent du psittacisme pour, enfin, découvrir, avec les physiciens du début du XXe, que la trame la plus profonde du réel n'autorise, en fin de compte, aucune forme de psittacisme et que le mythe de la continuité linéaire est une illusion humaine. La post-modernité (la “précise” selon la classification de Welsch) prend acte de cette évolution et veut en être l'héritière. Mais franchir le cap d'une telle prise de conscience est dur : entre les fulgurances aphoristiques de Nietzsche et la révolution intellectuelle impulsée par la physique du XXe siècle, la littérature et la poésie de la fin du XIXe siècle a effectué un travail de deuil, le deuil des “totalités perdues”, des référentiels évanouis, sur fond d'angoisse et de nostalgie. Chez Musil, représentant emblématique de cette angoisse, on découvre le constat que la modernité, arrivée à terme au moment de la “Belle époque”, n'est pas le paradis escompté ; c'est, au contraire, le règne de la mort froide, de la rigidité cadavérique, laquelle s'abat sur une humanité victime d'une “épidémie géométrique”.
L'apport de Lyotard
Revenons à Welsch, disciple de Lyotard, philosophe français contemporain qui, en 1979, publie aux éditions de Minuit La condition postmoderne. Que pense Welsch de cet ouvrage qui indique clairement la thématique philosophique qu'il entend cerner ? Il en pense du bien, mais non exagérément. Le livre pose les bonnes questions, dit-il, mais ne les explicite guère. Pour Welsch, il faut “savoir faire quelque chose du livre”, en tirer l'essentiel, profiter de la perspective qu'il nous ouvre. Quant au reste de l'œuvre de Lyotard, il abonde dans le sens d'une postmodernité précise, héritière de la physique du XXe siècle. Chez Lyotard, la postmodernité n'apparaît pas comme un irrationalisme mais comme une rupture par rapport à la modernité qui critique la raison de la modernité avec les armes de la raison ; comme une rupture qui ne rejette pas la raison pour la remplacer par des instances diverses, posées arbitrairement comme moteur du monde et des choses. C'est ici que les démarches de Lyotard et de Welsch se distinguent de celle d'un Bergfleth, qui remplace la raison et la rationalité moderne/francfortiste par l'éros, la cruauté, la passion, l'amour, etc. tels que les envisagent Artaud, Bataille, Klages, etc.
Du point de vue plus directement (méta)politique, Lyotard nous enseigne que les totalités, et, partant, les universalismes, sont toujours les produits absoluisés de sentiments ou d'intérêts particuliers ; que ce que le groupe ou l'individu x proclame comme universel est l'absoluisation de ses intérêts particuliers. D'où être démocrate et tolérant, c'est refuser cette logique d'absoluisation, porté par un prosélytisme sourd aux particularités des autres. Refuser les totalités et les universalismes, c'est aller davantage au fond des choses, c'est respecter les particularités des peuples, des classes, des individus. Penser le pluriel, c'est être davantage “démocrate” que ceux qui uniformisent à outrance. Le monde est plurivers ; il est un pluriversum et ne saurait être saisi dans toute son amplitude par une et une seule logique.
L'apport de Gianni Vattimo
Gianni Vattimo, dans La fin de la modernité (Seuil, 1987), nous explique que la modernité, c'est le “novisme”, démarche dont s'était moqué Nietzsche, père de l'ère postmoderne. Le “novisme” est produit de l'historicisme ; il est répétition du même vieux schéma linéaire métaphysique et chrétien sous un travestissement tantôt idéaliste, tantôt matérialiste. À ces novismes d'essence providentialiste. Nietzsche a successivement répondu par 2 stratégies ; d'abord, celle qui consistait à affirmer des valeurs éternelles transcendant l'histoire, transcendant les prétentions des historicismes qui croyaient pouvoir les dépasser ou les contourner ; ensuite, en affirmant l'éternel retour, démenti définitif aux providentialismes. La postmodernité est donc l'absence de providentialisme, la disparition des réflexes mentaux et idéologiques dérivés des providentialismes métaphysiques et chrétiens. Après Nietzsche, Heidegger prend le relais, explique Vattimo, et nous enseigne de ne pas dépasser (überwinden) la modernité laïque/ métaphysique/providentialiste, mais de la contourner (verwinden) ; en effet, l'idée d'un dépassement garde quelque chose d'eschatologique, donc de métaphysique/chrétien/moderne. L'idée d'un contournement suggère au contraire le passage tranquille à une autre perspective, qui est plurielle et non plus monolithique, herméneutique (dans le sens où elle “interprète” le réel au départ de données diverses, dont les logiques intrinsèques sont hétérogènes sinon contradictoires) et non plus dogmatique. Le futurisme, en dépit de ses apparences “novistes”, est un phénomène postmoderne, affirme Vattimo, parce qu'il entremêle différents langages et codes, permettant ainsi une ouverture sur plusieurs univers culturels, développe une multiplicité de perspectives sans chercher à les synthétiser, à les soumettre à un idéal (violent ?) de conciliation. La modernité, chez Vattimo, n'est pas rejetée, elle est absorbée comme composante d'une postmodemité marquée du signe du pluriel.
L'apport de Michel Foucault
L'apport de Foucault à la pensée contemporaine, c'est surtout la suggestion d'une histoire intellectuelle nouvelle, d'une chronologie de la pensée qui bouleverse les conformismes. Foucault voit la succession de diverses ruptures dans l'histoire intellectuelle européenne depuis la Renaissance ; au XVIIe, l'Europe passe de la tradition au classicisme ; au XIXe, du classicisme au modernisme (et ici le terme “moderne” prend une autre acception que chez Welsch et Lyotard, où la notion de “modernité” recouvre plus ou moins la notion foucaldienne de “classicisme”). Il est très intéressant de noter, dit Welsch, que Foucault oppose la “doctrine des ordres” de Pascal au projet de mathesis universalis de Descartes. Chez Pascal, en effet, l'ordre de l'Amour, l'ordre de l'Esprit et l'ordre de la Chair ont chacun leur propre “rationalité” ; la logique de la foi n'est pas la logique de la raison ni la logique de l'action. D'où la pensée de Pascal postule des “différences” et non une unique mathesis universalis ; elle est donc foncièrement différente de la tradition monolithique de Descartes qui a eu le dessus en France. Foucault nous indique que Pascal représente une potentialité de la pensée française qui est demeurée inexploitée.
Outre Pascal, Gaston Bachelard influence Foucault dans son élaboration d'une histoire intellectuelle de l'Occident. Pour Bachelard, l'évolution des sciences et du savoir ne procède pas de façon continue (linéaire), mais plutôt par crises et par “coupures épistémologiques”, par fulgurances. Chacune de ces coupures ou fulgurances provoque un renversement du système du savoir ; elles induisent de brèves “périodes axiales”, où les institutions, les coutumes, les pratiques politiques doivent (ou devraient) s'adapter aux innovations scientifiques. Foucault a retenu cette vision rupturaliste de Bachelard, où des “différences” fulgurent dans l'histoire, et sa pensée est ainsi passée d'une phase structuraliste à une phase potentialiste (18). Le structural structuralisme, avec Lévy-Strauss, avait tenté de trouver Le Code universel, l'invariant immuable (lui se cachait quelque part derrière la prolixité des faits et des phénomènes. En cela, le structuralisme était en quelque sorte le couronnement de la modernité. Foucault, dans la première partie de son œuvre, a souscrit à ce projet structuraliste, pour découvrir, finalement, que rien ne peut biffer, supplanter, régir ou surplomber l'hétérogénéité fondamentale des choses. Aucune “différence” ne se laisse reconduire à une unité quelconque qui serait LA dernière instance. Une telle unité, hypothétique, baptisée tantôt mathesis universalis, tantôt “Code”, participe d'une logique de l'en l'enfermement, refus têtu et obstiné du divers et du pluriel.
L'apport de Gilles Deleuze
[Ci-contre : dessin de Béatrice Cleeve, montrant bien la complicité qui unit les co-auteurs de L'Anti-Œdipe et de Mille plateaux]
Gilles Deleuze entend affirmer une philosophie de la “libre différence”. Son interprétation de Nietzsche (19) révèle clairement cette intention : « ... car il appartient essentiellement à l'affirmation d'être elle-même multiple, pluraliste, et à la négation d'être une, ou lourdement moniste » (p. 21). « Et dans l'affirmation du multiple, il y a la joie pratique du divers. La joie surgit, comme le seul mobile à philosopher. La valorisation des sentiments négatifs ou des passions tristes, voilà la mystification sur laquelle le nihilisme fonde son pouvoir » (p. 30). Affirmer, c'est donc démolir gaillardement les rigidités lourdement monistes au marteau, c'est briser à jamais la prétention des unités, des totalités, des instances décrétées immuables par les “faibles”. Une “différence” n'indique pas une unité sous-jacente mais au contraire des autres différences. D'où, pour Deleuze comme pour Foucault, il n'y a pas de Code mais bien un chaos informel, qu'il s'agit d'accepter joyeusement. Ce chaos prend, chez Deleuze, le visage du rhizome. Métaphore organiciste, le rhizome [filament racinaire en réseau] se distingue de l'arbre des traditions romantiques, dans le sens où il ne constitue pas une sorte d'unité séparée d'autres unités semblables ; le rhizome est un grouillement en croissance ou en décroissance perpétuelle, qui s'empare des chaînes évolutives étrangères et suscite des liaisons transversales entre des lignes de développement divergentes ; c'est un fondu enchaîné, un dégradé de couleur qui se mixe à un autre dégradé. Deleuze, bon connaisseur de Leibniz, prend congé ici de la philosophie des monades pour affirmer une philosophie nomade ; une philosophie des rhizomes nomades qui produisent des différences non systématiques et inattendues, qui fragmentent et ouvrent, abandonnent et relient, différencient et synthétisent simultanément (UPM, p. 142).
L'apport de Jacques Derrida
L'apport de Derrida démarre avec un texte de 1968, « La fin de l'Homme », repris dans une anthologie intitulée Marges de la philosophie. Derrida y explique que la pluralité est la clef de l'au-delà de la métaphysique. La pluralité, c'est savoir parler plusieurs langages à la fois, solliciter conjointement plusieurs textes. Le parallèle est aisé à tracer avec la “physiologie” de Nietzsche, qui prend acte des multiplicités du monde sans vouloir les réduire à un dénominateur commun mutilant (20). Le réel, ce sont des pistes qui traversent des champs différents, ce sont des enchevêtrements. Différentiste et non rupturaliste, Derrida voit la trame du monde comme un processus de différAnce, de dissémination, producteur de différEnces. Derrida nous impose cette subtilité lexicographique (le A et le E) non sans raison. La différAnce implique un principe actif de différentiation par dissémination, tandis que parler de différEnce(s) peut laisser suggérer que le monde, le réel, soit une juxtaposition sans dynamisme et sans interaction de différEnces non enchevêtrées. Derrida veut ainsi échapper à une pensée musa musaïque où les différEnces seraient exposées les unes à côté des autres comme des pièces dans une vitrine de musée. Mais le souci de montrer l'enchevêtrement de toutes choses — avec, pour corollaire leur non-réductibilité à quelqu'unum que ce soit — conduit Derrida à affirmer que la différAnce productrice de différEnces finit par produire une panade d'indifférEnce, comparable à l'hypertélie obèse de Baudrillard. Dans cette panade peuvent s'engouffrer les vulgarisateurs de la “PM diffuse”, critiquée par Welsch (cf. supra).
Mais même si Derrida se rétracte quelque peu avec sa théorie de la « panade d'indifférEnce » (qui a forcément des relents d'universalisme, puisque les différEnces y sont malaxées), même si, par ailleurs, il évoque la “mystique juive” pour se mettre au diapason de la farce qu'est le “réarmement théologique” du “nouveau philosophe” BHL, nous n'oublions pas qu'il a dit un jour qu'« est chimère tout projet de langage universel ». Mieux : il a posé l'équation Apocalypse = mort = vérité. L'Apocalypse, prélude à un monde meilleur, est la mort parce qu'elle prétend être la vérité et que la vérité n'est qu'un euphémisme pour désigner la mort. La vérité, c'est le vœu, l'utopie, de la présence accomplie, du présentisme où tout devenir est enrayé, stoppé, où la différAnce cesse d'être productrice de différEnces. Pour Derrida, comme pour Pierre Chassard, analyste néo-droitiste de la pensée nietzschéenne (21), il faut déconstruire le complexe “apocalypse”, le providentialisme producteur de psittacismes, dérivé des vulgates platonicienne et chrétienne.
Postmodernité “soft” et postmodernité “hard”
On peut dire que Lyotard et Derrida partagent une conception commune : pour l'un comme pour l'autre, la postmodernité n'est pas une époque nouvelle, ce n'est pas l'avènement d'une espèce de parousie de nouvelle mouture, survenue après une rupture/catastrophe, mais le passage, le contournement (Heidegger/Vattimo) inéluctable qui nous mène vers une attitude de l'esprit et des sentiments, qui a toujours déjà été là, qui a toujours été virtualité, mais qui, aujourd'hui, se généralise, malgré les tentatives “réactionnaires” que sont le “réarmement théologique”, assorti de son culte de la “Loi” et corroboré par les démarches anti-68 de Ferry et Renaut. La postmodernité, ce sont des ouvertures aux pluralités, aux diversifications.
Peut-on parler de postmodernité soft et de postmodernité hard ? La distinction peut paraître oiseuse voire mutilante mais, par commodité, on pourrait qualifier de soft la PM différentiste de Deleuze et de Derrida, avec sa pensée nomade et son indifférence finale, et de hard la PM rupturiste de Lyotard. Dans ce cas, cette double qualification désignerait, d'une part, un différentialisme qui s'enliserait dans l'indifférence, dans la purée, la panade du “tout vaut tout” et retournerait subrepticement au Code, un Code non plus intégrateur, rassembleur et totalisant, mais un Code négatif, discret, non intégrant et non agonal. Pour un Lyotard, une rupture signale toujours l'incommensurabilité d'une différEnce, même si cette différEnce n'est pas éternelle, immuable. Les ruptures signalent toujours une densité particulière, laquelle se recompose sans cesse par télescopage avec des faits nouveaux. L'hypertélie de Baudrillard n'estelle pas analogue, sur certains points, avec la chute dans l'indifférence (Derrida) et la nomadisation deleuzienne ? La fin est là, nous explique Baudrillard dans Amérique (Grasset, 1986), comme quand la différAnce, à être trop féconde, ne produit plus que de l'indifférEnce, de la métastabilité.
Une dynamique de la transgression
[Leibniz, philosophe des monades, a été réinterprété récemment par G. Deleuze. Celui-ci voit en lui le philosophe des “plis” et des “replis”, lesquels recèleraient des potentialités en jachère, prêtes à intervenir sur la trame du réel puis à se retirer ou se disperser]
Contre l'ennui sécrété par la juxtaposition de métastabilités ou par le règne d'une grande et unique métastabilité, il faut instrumentaliser une logique transversale, qui brise les homogénéités fermées et force leurs séquelles à se recomposer de manières diverses et infinies. Sur le plan idéologique et politique, c'est pour une logique de la transgression qu'il faut opter, une logique qui refuse de tenir compte des enfermements imposés par les idéologies dominantes et par les pratiques politiciennes ; Marco Tarchi, leader de la ND italienne, a théorisé la « dynamique de la transgression » (22), laquelle part du constat de l'hétérogénéité fondamentale des discours politiques ; en effet, existe-t-il une gauche et une droite ou des gauches et des droites ? Toutes ces strates ne se combinent-elles pas à l'infini et n'est-on pas alors en droit de constater que la seule réalité qui soit en dernière instance, c'est un magma de desiderata complexes. La logique de la transgression va droit à ce magma et contourne les facilités dogmatiques, les totems idéologiques et partisans qui résument quelques bribes de ce magma et érigent leurs résumés en vérités intangibles et pérennes. La logique et la dynamique de la transgression postulent de ne rejeter aucun fait de monde, de combiner sans cesse des logiques décrétées antagonistes, d'agir en conciliant des desiderata divergents, sans pour autant mutiler et déforcer ces desiderata. La dynamique de la transgression prend le relais de la vision de la coincidentia oppositorum de Maître Eckhardt et de Nicolas de Cues.
Des traductions politiques du défi postmodeme sont-elles possibles ?
Notre mouvement de pensée, en constatant que le chaos synergétique des physiciens modernes s'est transposé du domaine des sciences naturelles au domaine de la philosophie, doit se donner pour tâche de faire passer le message de la physique moderne dans l'opinion puis dans la sphère du politique. Ce serait répondre à sa vocation métapolitique. Passer dans le domaine du politique et de la politique, c'est travailler à substituer au droit individualiste moderne un droit adapté aux différences humaines, que celles-ci soient d'ordre social, ethnique, régional, etc. ; c'est travailler à ruiner les idéologies économiques modernes et à leur substituer une économie basée sur la « dynamique des structures » (François Perroux) ; c'est travailler à l'avènement de nouvelles formes de représentation politique, où les multiples facettes de l'agir humain seront mieux représentées (modèles : le Sénat des régions et des professions de De Gaulle ; les projets analogues du Professeur Willms, etc.).
Le travail à accomplir est énorme, mais lorsque l'on constate que les linéaments de notre vision tragique du monde et de l'univers sont présents partout, il n'y a nulle raison de désespérer...
♦ Wolfgang Welsch, Unsere postmoderne Moderne, VCH – Acta Humantora, Weinheim, 1987, 344 p.
► Robert Steuckeurs, Vouloir n°54/55, 1989.
◘ Notes :
- (1) Anne-Marie Duranton-Crabol, Visages de la Nouvelle Droite : Le G.R.E.C.E. et son histoire, Presses de la Fondation Nationale des sciences politiques, Paris, 1988.
- (2) Cf. Nouvelle École n°30, 31-32 (Wagner), n°40 (Jünger), n°41 (Thomas Mann), n°35 (Moeller van den Bruck), n°37 (Heidegger), n°44 (Carl Schmitt). Cf. Éléments n°40 (Jünger).
- (3) Georges Gusdorf, Fondements du savoir romantique, Payot, 1982. G.G., L'homme romantique, Payot, 1984. G.G., Le savoir romantique de la nature, Payot 1985.
- (4) Éditions Mme, Crellestrasse 22, Postfach 327, D1000 Berlin 62.
- Parmi les livres du trio non-conformiste Matthes, Mattheus et Berglleth, citons : Gerd Bergfleth et alii, Zur Kritik der palavernden Aufklärung, 1984 (cf. recension in Vouloir n°27) ; Gerd Bergfleth, Theorie der Verschwendung : Einführung in Georges Batailles Antiökonomie, 1985, 2ème éd. Bernd Mattheus & Axel Matthes (Hrsg.), Ich gestatte mir die Revolte, 1985. Bernd Mattheus, heftige stille, andere notizen, 1986. La somme de Mattheus sur Bataille est en 2 volumes : 1) Georges Bataille : Eine Thanatographie, Band I : Chronik 1897-1939 ; 2) Band II : Chronik 1940-1951. Tous ces volumes sont disponibles chez Matthes u. Seitz Verlag, Mauerkircher Strasse 10, Postfach 860528, D-8000 München 86.
- (5) J.-L. Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30 : Une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Seuil, 1969.
- (6) Pour Nietzsche, il faut aller au-delà de l'homme (moyen) ; cette quête, cette transgression de la moyenne, c'est le propre du “surhomme” et, partant, de ce que l'on pourrait appeler le “surhumanisme”. Dans les circuits néo-droitistes, chez Giorgio Locchi et Guillaume Faye, le terme “surhumanisme” a été utilisé dans ce sens, dans cette volonté de dégager l'homme de sa définition rationaliste/illuministe trop étriquée eu égard à l'abondante diversité du réel.
- (7) Kart Heinz Bohrer, Die Ästhetik des Schreckens : Die pessimistische Romantik und Ernst Jüngers Frühwerk, Ullstein, Frankfurt a.M., 1983 (2° éd.). Les linéaments de la PM se dessinent déjà, pour l’auteur, dans les visions littéraires de Jünger et dans son refus de l'anthropologie modeme/bourgeoise.
- (8) Pour saisir toute la diversité de la PM architecturale, on se référera au livre de Charles Jencks, Die Postmoderne : Der nette Klassizismus in Kunst und Architektur, Klett-Cotta, 1987. La version anglaise de cette ouvrage est parue simultanément : Post-Modernism, Academy Editions, London, 1987 (adresse : ACADEMY GROUP Ltd, 7/8 Holland Street, London W8 4NA).
- (9) Pour comprendre l'importance de Thomas S. Kuhn sur le plan de l'épistémologie scientifique et de la problématique qui nous intéresse ici, on se référera utilement aux explications que nous donne le philosophe Walter Falk dans 2 de ses livres : 1) Vom Strukturalismus zum Potentialismus : Ein Versuch zur Geschichts- und Literaturtheorie (Alber, Freiburg i.B., 1976, pp. 111 à 120 ; recension dans Vouloir, n°15/16, 1985) et 2) Die Ordnung in der Geschichte : Eine alternative Deutung des Fortschritts (Burg Verlag, Sachsenheim, 1985 ; pp. 111 à 114).
- (10) Outre les ouvrages de Feyerabend lui-même, on consultera Angelo Capecci, La scienza tra fede e anarchia : L'epistemologia di P. Feyerabend, La goliardica editrice, Roma, 1977.
- (11) Pour Mohler, la Konservative Revolution fonde de nouvelles valeurs, qui transcendent les frayeurs et les déceptions du nihilisme occidental ; l'Umschlag de la KR n'affronte plus la décadence avec une volonté de la stopper mais, au contraire, en accélérant au maximum ces tendances de façon à ce qu'elles puissent atteindre le plus rapidement possible leur phase terminale. La KR est en ce sens fondatrice de valeurs nouvelles, tout comme la période autour de – 500 l'était pour les Grecs selon Jaspers qui utilise, lui, le terme Achsenzeit, période axiale (cf. Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, UGE/10-18, 1965 ; cf. aussi l'interprétation pertinente qu'en donne John Macquarrie, in Existentialism, Penguin, Harmondsworth, 1973).
- (12) cf. Giorgio Locchi, L'Essenza del Fascismo : Un saggio e un intervista a cura di Marco Tarchi, Edizioni del Tridente, s.l., 1981.
- (13) cf. Barbara Stolberg-Rilinger, Der Staat als Maschine : Zur politischen Metaphorik des absoluten Fürstenstaats, Duncker & Humblot, Berlin, 1986 (recension in Vouloir n°37-38-39, 1987).
- (14) Cf. George Gusdorf, L'homme romantique, op. cit., pp. 243 à 245.
- (15) Georges Gusdorf, lbid., pp. 159 à 173.
- Pour davantage de précision quant à la personnalité de Carus, lire : Ekkchard Meffert, Carl Gustav Carus, Sein Leben - seine Anschauung von der Ende, Verlag Freies Geistesleben, Stuttgart, 1986 ; Carl Gustav Carus, Zwölf Briefe über das Erdleben, Verlag Freies Geistesleben, Stuttgart, 1986.
- (16) Friedrich Kaulbach, Sprachen der ewigen Wiederkunft : Die Denksituation des Philosophen Nietzsche und ihre Sprachstile, Königshausen & Neumann, Würzburg, 1985. À propos de ce livre, cf. R. Steuckers, « Regards nouveaux sur Nietzsche », in Orientations n°9, 1987.
- (17) Reinhard Löw, Nietzsche, Sophist und Erzieher : Philosophische Untersuchungen zum systematischen Ort von Friedrich Nietzsches Denken, Acta Humaniora, Weinheim, 1984. À propos de ce livre, cf. R. Steuckers, art. cit. in nota (16).
- (18) À propos du potentialisme de Foucault, cf. Walter Falk, Vom Strukruralismus zum..., op. cit. in nota (9), pp. 120 à 130 ; cf. aussi Walter Falk, Die Ordnung..., op. cit. in nota (9), pp. 114 à 116.
- (19) Gilles Deleuze, Nietzsche, PUF, 1968.
- (20) Helmut Pfotenhauer, Die Kunst als Physiologie : Nietzsches ästhetische Theorie und literarische Produktion, J.B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung, Stuttgart, 1985. À propos de ce livre, cf. R. Steuckers, art. cit. in nota (16).
- (21) Pierre Chassard, La philosophie de l'histoire dans la philosophie de Nietzsche, GRECE, Paris, 1975.
- (22) cf. Marco Tarchi, « Dinamica della trasgressione : dal "Né destra né sinistra" all "Se destra e sinistra" », in Trasgressioni n°1, 1986.
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vendredi, 21 janvier 2011
Guillaume Faye's Archeofuturism: Two Reviews
And yet one more review of . . .
Guillaume Faye’s Archeofuturism
Brett STEVENS
Ex: http://www.counter-currents.com/
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Click here for writings by Guillaume Faye, including an excerpt from Archeofuturism
Guillaume Faye
Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age
Arktos Media Ltd., 2010
As humans, we study our world to estimate the best responses to its demands. We then make a choice, and act on it, then observe the results to see if our estimations were correct. If they were not, we correct while trying to learn from the error. That is well and good, when buying a cement mixer — but what about a whole civilization?
Sometime 400 years ago, as our civilization prospered, the decision was made to modernize. This came about through a belief in the equality of all human beings and a drive toward external mechanisms, namely technology and political control systems. Guillaume Faye, the seasoned rising star of the New Right movement in Europe, explores our correction of this mistake in his landmark book Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age.
One of the more important things I’ve read this year, this book upholds an offhand feel throughout; an honest, end-of-the-night, when the wine and cigarettes are low and people are too tired to do anything but blurt out the big ideas that haunt them in their dreams feel. The content is dynamic, especially the first half, but the real force of power here is the style, an excitedly taboo-breaking, honest and hopeful look at re-creating ourselves so we have a future. This is not a book of resentment, but of joyful charging ahead.
A large influence on this stylistic breathlessness is the composition of the book, which is a collection of essays and a short sci-fi story to show us these ideas in practice. The second section, a thorough and high-energy explication of where Nouvelle Droite beliefs lead, the reasons for them and finally, how they can be better applied toward a theory of the future, will interest new right and deep ecologists the most as it joins the ideas of both into not a resistant/revolutionary culture but a remaking/revolutionary one.
Archeofuturism, Faye writes, escapes the boutique right-wing airy intellectualism of GRECE, which he critiques in the first book. Pointing out the failure of “ambiguous and incomprehensible ideological axes,” he proposes instead a transition from the rearward-looking “conservative” outlook to one that acknowledges what was lost, and the current state of disaster in the West, and plans for rebuilding afterward.
In his new theory of Archeofuturism, Faye proposes a “vitalist constructivism” that implements a quasi-feudal, national but not jingoistic, united Europe that applies the traditional spirit and learning to a future in which technology plays a central role. His unstated point is that the tool must again serve the man, after centuries of the reverse; he appeals to a sense of both the pragmatic in finding historically valid solutions through tradition, and the spirit of tradition, which is one of a constructive, upward society.
He proposes that we adopt this new outlook through a voluntaristic method, first changing our values, then our art, and then finally our political expectations at about the same time a “convergence of catastrophes” (environmental, political, economic) devastate Europe. Faye’s call is for Europeans to return to being “soldiers of the Idea” again, and for them to take up not a corrective action, but a constructive desire to rebuild and build it bigger, better and more exciting than before.
This fusion of both conservative and revolutionary thought takes the best of liberalism and the best of conservatism and takes them out of their handily domesticated roles as token opponents. He points out that our current ideological menu is carved from “soft ideology,” or that which passively deals with splitting up the wealth of an industrialization binge. He emphasizes a number of points all conservatives and pro-Europid readers can enjoy:
- Modernism is an attachment to the past. According to Faye, modernism is backward-looking as it tries to un-do conditions of nature that offend our egalitarian sentiment. What defines modernity is egalitarianism, or the idea that we’re all equal (in political power, in ability, in right to property). As a result, we’re constantly trying to force equality on nature while it resists us.
- Extreme leftism is a token act which reinforces the power of the modern nation-state. This point struck me as the most controversial, yet most sensible. If you are in power, and want to stay there, you need to give your citizens petty acts of rebellion that feel extreme but are in fact a repetition of the dominant philosophy. The state and its corruptors benefit from equality because it keeps smarter voices from rising above the herd.
- The modern world exists in a state of “soft totalitarianism” where those with unpopular opinions are simply ostracized, which in a liberal capitalist democracy effectively starves them into submission. He praises the American method of “soft imperialism” and shows how this is the future: indirect rule, with a reward/threat complex administered by social and business factors; the “1984″ vision is obsolete.
- Romanticism. Faye writes convincingly of his efforts to join “Cartesian classicism,” or a sense of space as being equal in all directions, with “Romanticism” which he expresses here as the idea that will or will to power can change the world radically even if small in stature. The joining of these two represents the expression of both ancient philosophy and a new type of “freedom” for humanity.
- Roots and method of modernity. Modern society consists of secularized evangelism, Anglo-Saxon mercantilism, and Enlightenment individualism, its methods are economic individualism, allegory of Progress, cult of quantitative development and abstract “human rights.” It is amazingly refreshing to see this spelled out so clearly and simply.
- Multiple factors doom modernism which was always unrealistic. “Europe is turning into a third world country,” he writes, summing up the disasters. If you see this book in a store, pick it up to read page 59 for an insightful list of modernity’s failings.
- Heterotelia. Following Nietzsche’s example, Faye needed a concept that explains how what we intend does not always result in a perpetuation of that state when put into practice. For example, political equality ends in inequality through social instability; multiculturalism ends in race war; letting economy lead ends in poverty because speculative finance is easier than generating real wealth. He explains our past failings and the need to be alert in the future through heterotelia, which means that “ideas do not necessarily yield the expected results.”
- Ethno-masochism. Faye illustrates how the West, in a suicidal bid to become morally/socially impressed with itself, has inflicted upon itself the unworkable scheme of multiculturalism and in doing so, has imported Islam, an “imperial theocratic totalitarianism.” Unlike many new right writers, he endorses the idea of European culture as superior in addition to being worth saving for its unique virtues.
- North versus South. History begins with anthropology, Faye writes, so we must see the conflict in humanity as one between Northern peoples who are prosperous, and the “third world” Southerners who are attempting to colonize the North on the back of its technology and liberal egalitarianism. He suggests a Eurosiberia stretching from the UK to the borders of China, and claims East-West conflict is less likely as a source of conflict.
Against this cataclysm Faye posits Archeofuturism, or a futurism equally balanced by the spirit of traditionalism, which is (a) learning from the past and (b) a type of reverence for life that emphasizes family, punishment being more important than prevention, duties coming before rights, solemn social rites, the aristocratic principle and a “freedom” defined not as the ability to act randomly, but as a sense of having a place and being freed from a chaotic society with excessive pointless competition. This synthesis of the best of capitalism, socialism and our monarchic past fully lives up to the title of this book.
Good luck finding a short review of this book. The first half of it is packed chock-full of interesting ideas that like new melodies can infect the head for days as it dissects them and their context. The second half both addresses common objections and provides background, and takes the form of a short science fiction story in the tradition of Asimov and Heinlein that explains how technology will help humans evolve. The concepts are mind-blowing and more daring than anything sci-fi has attempted since The Shockwave Rider, and this icing on the cake makes reading this book have a natural rhythm from the extreme, to the professorial, to the radical yet calming.
History is like a supertanker ship; it takes miles to begin to turn around and there are no brakes. The egalitarian experiment in Europe is only a few centuries old yet has wreaked utter havoc on all the subtler parts of existence, things that most people don’t notice because they are easily distracted by shiny objects. Faye brings these alive, shows us exactly why they are endangered, and then shows us a plausible and gradual (e.g. non apocalyptic, non-Utopian) solution toward which we can move if we believe life is worth saving. Clearly he does, and it infuses this book with a fervor and wisdom that few attain.
Source: http://www.amerika.org/books/archeofuturism-european-visi...
Another review of . . .
Guillaume Faye’s Archeofuturism
Ex: http://www.counter-currents.com/
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Guillaume Faye
Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age
Arktos Media Ltd., 2010
In the 1980s Guillaume Faye was one of the best known member of GRECE and by far their most popular speaker. With humour, panache, invective and contempt thrown in at just the right moment-the dismissive “l’acteur Reagan” the contemptuous and venomous “monsieur Henri Levi surnommé le grand”, he had his audiences rolling in the aisles with delight. Every time I heard him speak at a GRECE conference he received a standing ovation.
GRECE was not only a school of thought, it was also a sort of social club, linking like-minded persons on a cultural, political and social level. However, its concentration on theory made the temptation in hard times great indeed to retreat from direct confrontation and reduce all issues to the level of academic debate. Faye explicates these and other criticisms in Archeofuturism (now available for the first time in English from the Arktos Press at the same time as it has become hard to obtain in the original French).
Structure
Archeofuturism suffers from coming from the pen of a man more at home before a gathering than a keyboard. It is unbalanced and paradoxically, given the content, in some respects extremely provincial and theoretical in its approach and design. At the same time, it owes nothing to the respectability and detachment from reality which can make cowards of many writers.
This is not to say that the book lacks structure. It has a very definite if unorthodox structure. It consists of three theses as Faye calls them: (1) the end of civilization as we know it owing to what Faye calls a “convergence of catastrophes”; (2) the necessity for revolution, notably in the European mindset, (3) propositions for the post-catastrophic world (and the title of his book expresses the essence of Faye’s solution).
The last chapter is a piece of science fiction, a story of a world in which the conflict of technics and tradition has been resolved by reconciling the two, and this is the underlying thread of Faye’s entire argumentation, that we must learn to reach back to our furthest yesterday and to the longest future.
Positions
One issue is the conflict between tradition and progress. On the one hand, technology is necessary as a tool of our will to power, something which Faye believes essential to the survival of the European. On the other hand, scientific and technical progress may prove and often does prove, destructive of tradition. Are religions just fables? It is hard to die for a fable. How is such belief possible in a world of scientific rationalism and progress?
Faye believes strongly that the world is hurtling towards multi-faceted disaster, less a clash of civilizations, although he seems to write at times in a similar vein to Huntington, with his view of Islam especially as a challenge in itself to the hegemony of European civilization, than what he terms a “convergence of catastrophes.” Like Huntington, Faye regards Islam as a single cultural, religious, political bloc with a an expansionist will.
On homosexuality :
. . . it is not a matter of advocating any repression of homosexuality, of banning homosexual couples or socially penalizing gay people; simply, the prospect of legalizing of a form of marriage for homosexuals would have a highly destructive symbolic value. Marriage and legal heterosexual unions enjoy forms of protection and public benefits that are accorded to couples capable of having children and hence of renewing the generations and thus of being of objective service to society. Legalising homosexual unions and awarding them financial privileges means protecting sterile unions. (pp. 106–107)
On demographics:
It is necessary to reflect on the issue of immigration, which represents a form of demographic colonization of Europe at the hands of mostly Afro-Asiatic peoples. . . . Three generations later, the colonization of Europe represents a form of revenge against European colonization . . . are we to accept or reject a substantial alteration oif the ethno-cultural substrate of Europe? The basis of intellectual honesty and the key to ideological success lie in the ability and courage to address the real problems, instead of attempting to avoid them. (p. 49)
On distraction:
The system only makes use of brutal censorship in very limited areas: it generally resorts to intellectual diversion, i.e. distraction, by constantly focusing people’s attention on side issues. What we are dealing with here is not simply the usual brutalization of the population via the increasingly specific mass-media apparatus of the society of spectacle — a veritable audiovisual Prozac-but rather a concealment of essential political problems (immigration, pollution, transportation policies, the aging of the population, the financial crisis of the social budgets expected to occur by 2010 etc. (p. 92)
Archeofuturism
It is a sad paradox, and one about which Faye is acutely aware in his book, that the European New Right in general has failed to make an impact at the very time that the march of events might have been expected to play into its hands: the end of the cold war, the decline of political Manicheanism (East versus West) , the decline of nationalism as a relevant political alternative to liberalism. Faye offers a number of explications for this failure. They can be summarized as a lack of media “savvy”, romantic isolationism, minimization of catastrophe, cultural relativism and a lack of understanding of and worse, interest in, economics (Faye alone among spokesmen of GRECE had written a treatise on economics).
Faye’s response is to deviate from the consensus among the new right and to insist on European exceptionalism. He returns to what might be called a traditional belief of the radical right when he claims, as he does here, that European civilization is superior to others and that as a superior civilization it has a duty to resist the challenge of immigration in general and Islam in particular. Cultural and racial superiority was the premise (sometimes asserted, sometimes unspoken) of all movements of the twentieth and nineteenth centuries which sought to preserve or halt a decline in the domination of the white man over the political destiny of the globe.
European radical right movements after the Second World War focused their propaganda very much on the restoration of national prestige and glory and a rejection of immigrants and outsiders. GRECE stressed from the beginning the importance of what it called “the right to be different” arguing less in terms of European superiority than in terms of European uniqueness, Europe’s right to the nurture of its own identity and destiny. The great enemy was seen not so much as military or political threats as such, as the forces which sought to attenuate, reduce, trivialize and ultimately abolish differences. The great enemy in this respect was neither Islam nor communism but “the American way of Life,” the manifest destiny to reduce all peoples to consumers, whose sole struggles were ones of economic competition.
This developed in the course of time within GRECE into a position of ethnopluralism, which Faye and others subsequently denounced as cultural relativism. Simply put, it is the argument that all cultures are worthy of respect within their own terms and no culture is inherently superior to another. The obvious critique of such a position is that it ultimately disarms all willingness to disallow, challenge or oppose other cultures. Opposition even in its politest non-military form, can only be conducted on the premise that in some way one is superior or equipped with superior arguments or in the area of culture and religion, possesses a truer, superior culture and religion and one thereby and therewith seeks an opponent’s defeat.
There is another aspect — that of economic survival. A major criticism which Faye has of GRECE is that it ignores or glosses over demographic and economic warfare against the European. Faye argues that at a time of emergency, when Europe is threatened with being overwhelmed by non-Europeans whose demographics are reducing the significance of the European by the hour, it is a form of suicide to indulge in culturally relativist reflections and debate.
Faye spends no time in fleshing out his arguments about superiority and in what respects the European is “superior.” This is a pity because it would provide the book with a stabilizing effect. As it is, Faye assures us that he believes the European is superior and rushes on the next point. What Faye implies although I did not find it in this book explicitly stated, is that when we talk about the right of a people not only to an identity but to a destiny, there is likely to be a conflict between the destiny of a people compelled to expand and conquer and the right of another (conquered) people to an identity.
The notion of a “right” be it to identity or destiny is problematic: where does our “right” come from? A Nietzschean, as Faye claims to be, can answer this question. It could be baldly stated as the right to survival — the impulse of nature which all beings have the “right” to practice. Rights to be different are likely to conflict with the rights of others to be different. The right to conflict is therefore the right to survival of identity and it is Faye’s point that such a right can only be preserved by those who actively engage in the politics (as all politics in Faye’s view must be) of conflict. A defense of the identity of the European necessitates entering into a state of conflict with the prevailing hegemony.
Faye candidly states that he made the same mistake as other GRECE members in the expression of cultural relativism and an accompanying primary and fundamental anti-Americanism which took precedence over the ethnic question and the challenge of non-white immigration to Europe, (and presumably, the decline in relative numbers and influence of the Caucasian in North America). The “ethnopluralist” approach is exemplified by Alain de Benoist’s Europe-Tiers Monde: Même Combat where de Benoist argues that Europe and the Third World (even the term seems a little outdated today) are natural allies against the American and Soviet ways of life. Faye stresses that GRECE (and he willingly includes himself here) ignored the reality of the Islamic threat and that ethnopluralism paved the way for an inactive, “head in the sand” response to the long term significance of massive Mohammedan immigration into Europe.
Faye’s stress on the superiority of Europe in place of the right of Europeans to be different indeed avoids the danger of degenerating into an ineffective and compromising inactive pluralism. On the other hand, it shifts the focus of intent significantly towards a provocative, inevitably conflict laden project which is dear to Faye: the Eurasian Imperium. Faye is for better or for worse an imperialist. His vision of the future as outlined in this book is one of a vast Eurasian bloc, stretching from Lisbon to Vladivostok.
The implied direction, never explicitly stated of the archeofuturist project, is combat and conquest in a world divided into major power blocs jockeying for position. “Like in the Middle Ages or Antiquity, the future requires us to envisage the Earth as structured in vast, quasi-imperial unity in mutual conflict or cooperation.” (p. 77). Seen in this light, Faye’s admiration for atomic power implied in this work (and more explicitly indicated elsewhere, dramatically in his comic book Notre avant guerre, where he gleefully depicts a degenerate Europe being destroyed in mushroom clouds ) and futuristic technology in general is the ghost in the machine of Faye’s project.
However, unlike most modernizers, Faye does not duck the dilemma of reconciling a world of modern technology with a world of tradition, be it racial, political or other. How does one reconcile advanced technology and its implications with the preservation of continuity with the past? Faye faces this problem head on and if his solution is seems questionable and Utopian, he deserves the credit of highlighting the dilemma. Practically all radical rightists of whatever hue, fail to address the issue at all. Faye’s solution is what he calls “archeofuturism” the title of his book and the project to which he believes European revolutionaries (and Faye believes we must be revolutionaries to save European civilization and not conservatives) the assimilation of the future with the past, building a future not as modern or post modern but archeo-modern, a modernism acutely aware of and with its roots in a deep and profound past.
There will be a small elite of rulers with access to the highest forms of modern technology while the majority of less gifted will make do with crude forms of technical accomplishment-a completely two tier society in fact. This may sound familiar and not perhaps pleasantly so. It is this reviewer’s belief, one shared by many, that the ultimate aim of the ruling elite is the same: the division of mankind into two groups-the elite and the great majority of outsiders who no longer have a say in how public affairs are administered. This seems difficult to reconcile with Faye’s expressed support for populist initiatives. Be that as it may, this writer’s strength is his ability to fire the right questions rather than provide well prepared answers.
The “post catastrophic” world will be one, Faye believes, divided between the futuristic achievements of an elite and the archaic conditions and status of the majority, it will be archeofuturistic. Before we examine this idea more closely, it is worth taking a moment to consider the notions of growth and progress which Faye dismisses as overhauled. His chapter revealingly entitled “For a Two-Tier World Economy” opens with the bald assertion: “Progress” is clearly a dying idea, even if economic growth may be continuing”.
Anti-Growth
Faye’s rejection of what he calls “the paradigm of economic development” is simple:
An intellectual revolution is taking place: people are starting to perceive, without daring to openly state it, that the old paradigm according to which the life of humanity on both an individual and collective level is getting better and better every day thanks to science, the spread of democracy and egalitarian emancipation is quite simply false. . . . Today, the perverse effects of mass technology are starting to make themselves felt: new resistant viruses, the contamination of industrially produced food, shortage of land and a downturn in world agricultural production, rapid and widespread environmental degradation, the development of weapons of mass destruction in addition to the atomic bomb-not to mention that technology is entering its Baroque age. (pp. 162–63).
The last comment excepted (which is pure Spengler), this writing must strike the impartial reader as familiar. It is a fairly good example of the pessimism of environmentalist writers in general and it has been said many times before. Faye knows or should know, that there are very many people who are deeply aware of the heavy price which we are paying for making Progress our Baal. Faye is entirely right in my opinion, as thousands of others before him have been right, to question the cost but anyone expecting Faye to so much as nod with respect in the direction of the many organizations, groups, campaigns and initiatives to reverse this trend, will be disappointed.
On the contrary, Faye contemptuously dismisses the French Green movement in these words, “the political platform of the Green movement contain no real environmentalist suggestions, such as the transport of lorries by train instead of on highways, the creation of non-polluting cars (electric cars, LPG, etc.) or the fight against urban sprawl into natural habitats, liquid manure leaks, ground water contamination, the depletion of European fish stocks, chemical food additives, the overuse of insecticides and pesticides, etc. Each time I have tried to bring these specific and concrete issues up with a representative of the Greens, I got the impression that he was not really interested in them or that he had not really studied them” (p. 145). It is not clear (possibly a fault of the translator’s) whether Faye is referring to one or several spokesmen. Be that as it may, it is not my experience at all that environmentalists are not interested in these issues.
Futurism
Faye gives the impression throughout the book less of someone proposing ideas in a book for a wide readership as enjoying a discussion with someone who was with him in the days of GRECE over a “ballon de rouge” in a Paris café. Despite his provincialism, Faye has a sound instinct for homing in on some of the genuinely important issues of our time and viewing them in a global perspective, even when (and this is often the case here) his global perspective is obscured by the incidental historical luggage which weighs his book down. The reader should not be deterred by the book’s incidental references from letting Faye lead to key issues of our time and demanding our response to core questions.
The greatest quality of this book is that it gives a voice to the growing sense of frustration that is felt among persons form all walks of life that we are living in a transitory period, that the “end of history” is an utter illusion and that old structures are insufficient to contain the force of history. Faye cites the unlikely figure of Peter Mandelson as an “archeofuturist without knowing it” as someone who has recognized that democracy as we know it from the Mother of Parliaments is tired and no longer able to cope with the challenges which European man and indeed humankind is facing.
Faye’s examination of the real issues behind the palaver of most contemporary politicians is refreshing. Here is a taste:
The new societies of the future will finally abolish the aberrant egalitarian mechanism we have now, whereby everyone aspires to become an officer or a cadre or a diplomat, even though all evidence suggests that most people do not have the skills to fulfill those roles. This model engenders widespread frustration, failure and resentment. The societies that will be vivified by increasingly sophisticated technologies, in contrast, will ask for a return to the archaic and inegalitarian and hierarchical norms, whereby a competent and meritocratic minority is rigorously selected to take on leading assignments.
Those who perform subordinate functions in these inegalitarian societies will not feel frustrated: their dignity will not be called into question, for they will accept their own condition as something useful within the organic community-finally freed from the individualistic hubris of modernity, which implicitly and deceptively states that each person can become a scientist or a price.
“Individualistic hubris” indeed sums up for this reviewer one of the great malaises of our time: the exaggerated importance which mediocre individuals attach to their own boring lives. Faye at his best is very good indeed.
For all its failings this book is a valuable contribution to the growing awareness of persons of European descent of their time of crisis. It provides a highly readable and often acute observations about what Faye stresses are the real issues of our time but the question nags steadily: to what extent has Faye provided a strategy for Europeans in the face of those issues? The answer is that there is no strategy, unless by “strategy” we mean a positioning (for example in favor of European federalism vis-à-vis reactionary nationalism or friendly competitiveness with the United States rather than blanket hostility to the American way of life).
Perhaps someone much younger than either Faye or this reviewer will read this book and know that they are able to provide that response. In that case, this book will have shown itself to be of the past and the future, in a word archeofuturistic.
Source: http://www.amerika.org/texts/archeofuturism-by-guillaume-...
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mercredi, 12 janvier 2011
Postmodern Challenges: Between Faust & Narcissus
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samedi, 18 décembre 2010
A Serious Case: Guillaume Faye's Archeofuturism
A Serious Case:
Guillaume Faye’s Archeofuturism
F. Roger Devlin
Ex: http://www.counter-currents.com/
Guillaume Faye,
Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age
Arktos Media Ltd., 2010
“The modern world is like a train full
of ammunition running in the fog.”
—Robert Ardrey
Most thought described as “conservative” is a kind of political hygienics: it takes its bearings by what is natural, normal, or best in the social order. One hazard of its focus on right order is to leave us unprepared in extraordinary situations. Thus, we all know otherwise intelligent conservatives who would continue, even as blood was running in the streets, to talk of the need for electing fiscally responsible Republicans to office. The best treatment for this sort of blindness is a crash course in political pathology such as the book under review.
Author Guillaume Faye was for many years a luminary of Alain de Benoist’s Group for the Research and Study of European Civilization. Beginning from the principle “no Lenin without Marx,” Benoist conceived his activities as part of a Gramscian (or Cochinian) strategy to undermine the hegemony of liberalism. In the early 1980s, remembers Faye, each issue of his journal Eléments was “an ideological barrage that sparked outraged reviews from the mainstream press,” and people sat up and took notice of the Colloques parisiens his organization sponsored. The well-educated men of this “New Right,” as it came to be called, looked down on the young Front National as a “microscopic group of good-for-nothings,” and even barred “that pirate-faced old soldier” Jean-Marie Le Pen from their meetings.
Yet within a few years the tables were turned, as dissatisfied New Rightists flocked to the Front. Any misgivings they had about Le Pen’s vulgarity were outweighed by the impression that his organization was where something was happening. Faye, too, eventually concluded that the New Right had become a mere literary salon: “from 1986 I began to feel that a clique spirit and literary pagan romanticism were prevailing over historical will. . . . In order to prove effective, ideological and cultural action must be supported by concrete political forces which it integrates and extends.”
Archeofuturism marks the author’s return to the political arena after an absence of twelve years. Its first chapter is devoted to a friendly critique of his former colleagues. For example, he finds in New Right publications an overemphasis upon folkloric aspects of European heritage such as “Breton bonnets” and “Scandinavian woodcarvings.” Such charming but innocuous traditions have their equivalents among all peoples on earth. Faye would rather maintain “the creative primacy of Western civilization” represented by our tradition of scientific research, philosophy and engineering, as well as our unparalleled artistic and literary “high” culture.
Faye also considers the New Right wedded to a faulty political paradigm in which “America”—conceived narrowly as the Hollywood/Wall Street/Foggy Bottom axis—is the enemy. This way of thinking is well-expressed in the title of Benoist’s book Europe-Third World: the Same Struggle. Benoist invites the entire non-American world (even Muslims!) to “a fruitful exchange of dialogue among parties clearly situated in relation to one another.” In other words: multiculturalism with one place at the table reserved for White Europeans. Faye rightly dismisses this as “a Disneyland dream.”
Starting from what Faye considers a correct Nietzschean assessment of primitive Christianity as an egalitarian, leveling and ethno-masochistic movement, the New Right launched an ill-considered attack on the folk Catholicism of ordinary Frenchmen. Meanwhile, they ignored their proper target: a return to the “bolshevism of antiquity” among the high clergy, marked by immigrationism and self-ethnophobia. This is the tendency some have called the “degermanization of Christianity.” The New Right would have done better to ally itself with Catholic traditionalists in combating it rather than alienating its natural allies.
Lastly, while the New Right professed admiration for the German jurist Carl Schmitt, it never made any practical application of his Ernstfall concept: the “serious case” which cannot be met within the normal framework of constitutional law. When Hannibal is at the gates of Rome, when the Royal Guards mutiny—no appeal can be made to law. Such contingencies can only be met with the virtue of prudence, i.e., the ability to make sound judgments about what to do in particular cases.
This blind spot may be fatal, for Faye is convinced that the liberal regime is driving Western civilization toward an Ernstfall the like of which the world has never seen. He describes it as a “convergence of catastrophes.” Elements include: the failure of multiracialism, the disintegration of family structures, disruption in the transmission of cultural knowledge and social disciplines, the replacement of folk culture by the passive consumption of industrially produced “mass culture,” increasing crime and drug use, the decay of community, anti-natalism, nuclear proliferation and the re-emergence of viral and microbial diseases resistant to antibiotics, public debt, and the privileging of speculative profits, i.e., the construction of our economy atop the stilts of investor confidence rather than upon the solid ground of production.
Furthermore, liberal ideology has propounded a utopian ideal of universal “development,” whereby every last African hellhole is supposed to become an affluent, tolerant, democratic, and efficient consumerist society. The nations of the South were won over to this project, dazzled by the deceptive prospect of economic growth. They set in motion a process of industrialization that has devastated the natural environment, undermined their traditional cultures, and created social chaos, including urban jungles like Calcutta and Lagos. Resentment at the broken promise of “development” runs deep; the resurgence of religious fanaticism is one of its expressions.
Under the banner of “inclusion,” the liberal regime is now importing legions of immigrants who will function as the “fifth column” of an aggressive South. “The ethnic war in France has already started,” writes Faye in 1998, seven years before les émeutes des banlieues.
These are the lines of catastrophe which Faye expects to converge in about the second decade of this century. His prophecy is reminiscent of Andrei Amalrik’s 1969 essay Will the Soviet Union Survive Until 1984?—which, of course, proved uncannily accurate. Still, the wise reader will not want to overstress Faye’s time frame; much is clear about the crisis we face, but not even the angels in heaven know the day or the hour.
The author emphasizes that the impending meltdown presents us with opportunities: “When people have their backs against the wall and are suffering piercing pains, they easily change their opinions.” The stormy century of iron and fire that awaits us will make people accept what is currently unacceptable. The right today must position itself to be perceived as “the alternative” when the inevitable crisis hits. This means discrediting leftist pseudo-dissent, which is merely a demand for the intensification of official ideology and praxis. It also means acquiring the monopoly over alternative thought: not by imposing a party-line, but by uniting all healthy forces on a European level and abandoning provincial disputes and narrow doctrines.
Faye’s book is intended as “a sort of mental training for the post-catastrophic world.” The title Archeofuturism refers to the principles appropriate to reconstructing our civilization. “Archaic” must be understood according to the root sense of the Greek noun archè: both “foundation” and “beginning.” The archai are anthropological values which “create and are unchangeable;” they refer to the central notion of “order.”
Such foundational values include:
the distinction of sex roles; the transmission of ethnic and folk traditions; spirituality and priestly organization; visible and structuring social hierarchies; the worship of ancestors; rites and tests of initiation; the re-establishment of organic communities (from the family to the folk); the de-individualization of marriage [and] an end to the confusion between eroticism and conjugality; the prestige of the warrior caste; inequality of social status—not the unjust and frustrating implicit inequality we find today in egalitarian utopias, but explicit and legitimated inequalities; duties that match rights, hence a rigorous justice that gives people a sense of responsibility; a definition of peoples—and of all established groups or social bodies—as diachronic communities of destiny rather than synchronic masses of individual atoms.
Faye calls these “the values of justice.” We need not doubt they will return once the hallucinations of equality and individual emancipation have dissipated, for they follow from human nature itself.
The real danger is that we may end up having them imposed on us by Islam rather than reasserting them ourselves from our own historical memory. For Islam is the symbolic banner of Southern revanchisme, and the mindset of the South remains archaic. It takes for granted the primacy of force, the legitimacy of conquest, ethnic exclusivity, aggressive religiosity, machismo, and a worship of leaders and hierarchic order. Muslim employment of liberal cant—complaints of “discrimination” and “intolerance”—are the merest fig leaf for a Machiavellian “strategy of the fox” against Europe. In order to oppose the invaders, we must revert to an archaic mindset ourselves, abandoning the demobilizing handicap of “modern” humanitarianism.
Faye is perhaps at his best explaining the behavior and motivations of the “petty, inglorious princes who pretend to be governing us.” For example, he notes the increasing importance of “consultation” in French political life; authorities “consult” representatives of various approved interest groups, such as labor unions and non-White ethnic blocs, and then formulate policy on the basis of the lowest common denominator of agreement between them. The real point of this, of course, is to avoid the risks and responsibilities of actual leadership. (Try to imagine De Gaulle behaving this way.) But it is presented to the public as a wonderful new way of “modernizing democracy.”
A related symptom is the rise of negative legitimization, or what the author calls the “big bad wolf tactic”:
Politicians no longer say, “Vote for us, because we’ve got the right solutions and we’ll improve your living conditions.” That is positive legitimization. Instead they say (implicitly) “Vote for us, since even though we’re a bunch of good-for-nothings, bunglers and bullies, at least we will protect you from fascism.”
Four years after these words were written Le Pen made the presidential run-offs and, sure enough, all the bien pensants showed up at the polls with clothespins on their noses to support the crook Chirac!
Egalitarian reform serves as a convenient pretext for the elites to enact measures whose practical effect is to entrench their own position. Thus, they have sabotaged the French educational system by eliminating selectivity and discipline. But it is only these which give the talented outsider an honest chance against the untalented insider. As Pareto put it: the more rigorous the (rationally planned) selection in a social system, the greater the turnover in the elite. Without objective standards, on what grounds can one argue against elite self-perpetuation?
But the regime’s most breathtaking hypocrisy is found in its demonization of the National Front. The Front has broken the tacit ground-rules of the managerial regime by “engaging in politics where it has been agreed that one should only engage in business”; it has sought popular trust with a view to implementing a program, where the established parties “communicate” and maneuver with a view to re-election. Timid careerists denounce the Front as a threat to the Republic because they fear it as a threat to themselves.
Faye considers the National Front a genuinely revolutionary party. Yet he apparently has never been a member, and is not really a French nationalist. In his view, Le Pen’s romantic and backward-looking devotion to the French state embodies a great deal of latent Jacobinism. It is this state, after all, which has “naturalized” millions of Afro-Asiatic “youths” who do not see themselves as French at all. Moreover, a nation state, even run on patriotic principles, would be an entity too small to defend the French ethnos effectively in the contemporary world. Would a federal European state be any more capable of doing so? “I believe it would,” says Faye, “provided it is exactly the opposite of the European state currently being built.”
Those who believe that an imperial and federal European state would “kill France” are confusing the political sphere with the ethno-cultural one. The disappearance of the Parisian regime would in no way threaten the vigor and identity of the people of France. Moreover, a European federal state would breathe new life into autonomous regions: Brittany, Normandy, Provence, etc.
The European Union is a ghastly bureaucratic mess, but it is also one of the “forces in being.” Why turn our backs on it or work to destroy it when we can instead hijack it and turn it to our own purposes? Faye calls for the transformation of the EU into “a genuinely democratic and no longer bureaucratic European government with a real parliament and a strong and decisive central power.” He describes this position as European Nationalism, and dreams of a Eurosiberian Federation extending from Brest to the Bering Strait.
While Faye disagrees with Benoist’s interpretation of America as an enemy (hostes), he continues to view her as a rival and opponent (inimicus). This American reviewer does not grasp why the case for including a chastened post-imperial United States in a Northern Federation would be any weaker than the case for including Russia.
The Eurosiberian Federation is to be characterized by a two-tier economy. The elite (20% of the population) will continue to live according to the techno-scientific economic model based on ongoing innovation. They would form part of a global exchange network of about one billion people, including the elites of other civilizational blocs. As Faye notes, “the essence of technological science is not connected to egalitarian modernity, but has its roots in the ethno-cultural heritage of Europe, and particularly ancient Greece.”
Among the first exploits of this new elite shall be exploring the “explosive possibilities of genetic engineering.” These include inter-species hybrids, man-animal chimeras, semi-artificial “biolithic” creatures, and decerebrated human clones. Faye is utterly contemptuous of moral or religious scruples in this domain, which he oddly attributes to the ideology of liberal modernity more than to Christianity.
The remainder of humanity would live in archaic, neo-traditional communities. The techno-scientific portion of humanity would be under no obligation to help (i.e., “develop”) everybody else. Nor would they have any right to interfere in their affairs.
In sum, for the elite: promethean achievement, linear time and futuristic technology; for the rest: neo-feudalism, cyclic time and timeless, “archaic” values.
But it is not clear how the elite could avoid “interfering” in the affairs of people they are supposed to govern. Moreover, how would the elite perpetuate itself? It seems clear that Faye does not intend a hereditary aristocracy. Perhaps there is some sort of test or initiatory ordeal for prospective members. But then families would be divided between the classes, which would involve many difficulties. In the fictional portrayal of his ideal future society which closes the book, Faye refers in passing to something called “the Party.” This reviewer would need to hear a lot more about this shadowy organization before signing on to Faye’s proposals. The two-tiered economy is altogether the least satisfactorily worked out part of the book.
Yet the author is aware that men never get what they plan for: somewhat grandiloquently, he calls this heterotelia. And he distinguishes “worldview” (an idea of civilization as a goal and some values) from “ideology” and “doctrine” (applications to society and what tactics to use). So we can follow him for the first mile.
Archeofuturism should have a bracing effect on anyone more accustomed to reading the despondent Cassandras of paleoconservatism. “Realism,” he reminds us, “is often disheartened fatalism.”
Those who blame others, enemies and the political climate for their own failures do not deserve to win. For it is in the logic of things for enemies to oppress you and circumstances to prove hostile. The mistake lies in exorcising reality by adopting the morals of intention as opposed to those of consequences.
We must reject the pretext that radical thought would be “persecuted” by the system. The system is foolish. Its censorship is as far from stringent as it is clumsy, striking only at mythic acts of provocation and ideological tactlessness. Talent always prevails over censorship, when it is accompanied by daring and intelligence. A right wing movement can only prove successful through the virtue of courage.
There is no excuse for being taken by surprise when the liberal regime disregards its own principals in order to fight us (as the British establishment is doing with the BNP). Of course we should publicize and ridicule their inconsistencies, but it is silly to be indignant over them: repression simply means that the regime recognizes us as an Ernstfall, a mortal threat, and that is precisely what a serious right ought to be. Attempts to shut us down are symptoms of growing success and should strengthen our resolve.
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jeudi, 25 novembre 2010
Entrevista com Guillaume Faye
Entrevista com Guillaume Faye
Jornalista, escritor, polemista, produtor de rádio, roteirista, Guillaume Faye foi um dos principais entusiastas da corrente conhecida como Nova Direita, movimento que abandonou em meados dos anos 80. Depois dirigiu a publicação mensal J'ai tout compris.
Na atualidade, enquanto continua sua carreira jornalística, analisa a situação e lança novos dardos ideológicos que correm o risco de acertar no alvo em todos os instantes.
- Français d'abord: Poderias dar-nos uma definição do "politicamente correto" e explicar como funciona?
- Guillaume Faye: O "politicamente correto" é, antes de nada, uma censura social do pensamento e da inguagem imposto nos Estados Unidos pelos meios liberais-radicais, os grupos feministas, homossexuais, e por certas minorias étnicas, com o fim de paralizar a expressão da direita republicana. Porém na França, o "politicamente correto", adquire um perfil mais severo que nos Estados Unidos, é uma velha história. Leva ao ostracismo aos que não seguem a linha e os discursos oficiais da ideologia hegemônica. Na universidade dos anos 60 e 70, o antimarxismo era politicamente incorreto e seus detratos diabolizados como "fascistas".
O "politicamente correto" é a condição sine qua non para ter acesso aos grandes meios de comunicação e não ser socialmente satanizado. É o "politicamente chip". Dizer "jovens rebeldes" ao invés de marroquinos amotinados. Falar de "incidentes" e não de saques. Evocar os "efeitos colaterais" das Forças Aéreas estadunidenses na Sérvia, porém evitar a todo custo o tema incorreto dos bombardeios dos bairros civis do norte de Belgrado. Dizer "fratura social", ao invés de pauperização e, acima de tudo, esforçar-se, se quer ser admitido para jantar no andar térreo da Casa Lipp, Boulevard Saint Germain, para deixar entender que detesta os "franchutes" (*gíria depreciativa para fazer referência aos franceses étnicos). Para ser politicamente correto, é necessário ser etnomasoquista, é indispensável.
- Qual é, então, o lugar dos que têm coisas para dizer e verdadeiras perguntas para fazer?
- Acima de tudo não é necessário que se auto-censurem e adociquem seus discursos. Para forçar a barreira do politicamente correto eu prego o pensamento radical; quer dizer, o pensamento verdadeiro e afirmativo, do qual falava Nietzsche em seu "Crepúsculo dos Ídolos". Frente ao sistema é necessário aparecer como um verdadeiro inimigo, e não como um falso amigo. Como escreveu Solzhenitsyn, somente sendo radical o discurso poderá desafiar a censura e alcançar o ouvido do povo.
- Por quê a extrema esquerda não representa uma alternativa?
- Porque suas idéias e seus homens, os do trotskismo internacionalista e cosmopolita, já estão no poder. Porque seu discurso social está obsoleto e centrado na imigração e na xenofobia, sem ter em conta a defesa e a proteção do verdadeiro povo francês.
- O que é que lhe permite afirmar que o livre-comércio cairá em breve?
- Minhas posições são as de Maurice Allais, prêmio Nobem de economia. O mundialismo livrecambista não é viável a médio prazo pois descuida das diferenças de fatores de produção entre as distintas zonas e suprime as regulações econômicas. É um semi-reboque com o motoristo adormecido. Agora bem, em uma auto-estrada, uma coisa é certa: sempre há uma curva em alguma parte.
Para ser breve, eu sou favorável à teoria da autarquia dos grandes espaços: um espaço europeu de economia de mercado, sem fiscalismo nem estatismo, porém operando contingentemente sobre as importações exteriores, sobre todos os fluxos, quer sejam financeiros, materiais ou humanos.
- Você pôs em evidência os perigos da ascenção do integrismo religioso, não crês que possa existir uma forma moderada de Islã?
- Não, o Islã laico e moderado não existe. O Islã é uma civilização teocrática em que a fé se confunde com a lei. Quando o Islã é majoritário sobre um território, os cristãos e os judeus passam a ter um status de inferioridade. O Islã não conhece nem a tolerância, nem a reciprocidade, nem a caridade para com o não-muçulmano, excluída a umma (comunidade dos crentes do Islã). A esse respeito a ingenuidade dos políticos e dos sacerdotes é anestesiante.
- Para você, a imigração não é uma invasão, mas sim uma colonização populacional. Não estamos diante de uma diferença puramente semântica?
- França, em sua história, sofreu invasões totais ou parciais por parte de alemães, ingleses, russos, etc. Ainda assim, continuou sendo ela mesma. Uma invasão tem caráter militar e a sorte das armas pode mudar. A imigração atual é uma colonização populacional, com frequência consciente e vivida como um revanche contra a civilização européia. Pretende-se ademais, definitiva. A colonização das maternidades, como assinalava o general Bibeard, é muito mais importante que a das fronteiras porosas.
- Regressemos, se quiseres, à política. Como explica os ataques que a Frente Nacional vem sofrendo desde quinze anos?
- Como dizia Jean Baudrillard em 1997, em Libération, se minha memória não me engana (o que serviu para ser satanizado pelo terrorismo intelectual de seus colegas), "a Frente Nacional é o único partido que faz política, ali onde outros fazem marketing eleitoral". Agora bem, o sistema detesta os que fazem política, e os que têm idéias ou projetos alternativos de sociedade. Por outro lado, a Frente Nacional parece-se a um médico que ousa dizer a seu paciente que este em câncer e que deveria ser operado. É sempre desagradável de ouvir e entender.
A acusação neutralizadora de "racismo" e "fascismo" (em outro momento lançada contra Raymond Aron, lá por 1968, porque não era nem stalinista, nem marxista) não é nem se quer postura séria para os que a proferem. São anátemas para-religiosos, excomunhões lançadas contra todo grupo constituído que conteste os dogmas oficiais da classe político-midiática-intelectual no poder.
- Se o entendo bem, os partidos do governo formariam uma sorte de partido único ao que poderíamos chamar também Frente republicana?
- Vivemos dentro de um regime totalitário ao estilo ocidental, mais sutil, porém aparentado com os regimes soviético ou iraniano. A maioria e a oposição oficiais não discutem mais do que pontos de doutrina secundários, porém seguem pertencendo à mesma ideologia, a única autorizada. Diferem um pouco sobre os meios, porém não sobre os fins. Dita "Frente republicana" (que na realidade usurpou escandalosamente este belo vocábulo romano de res publica, assim como o conceito grego de demokratia) inclui várias frentes. Sobre as opções gerais, estão todos de acordo. Na atualidade, e emprego para isso personagens de Hergé, o senhor Chirac se assemelha ao capitán Haddock, o comandante bêbado e sem poder à cargo do Karaboudjian que transporta o ópio, e o senhor Jospin ao teniente Allen, que é o verdadeiro chefe a bordo. Que chege logo Tintin!
- A Frente Nacional seria então a única novidade política depois de 50 anos...
- Isso são os historiadores do ano 2050 que dirão. Nós chegamos a um ponto em que, como tratei de explicar em meu ensaio L'archéofuturisme, vivemos uma convergência de catástrofes. Pela primeira vez desde a queda do Império Romano, nossa civilização está globalmente ameaçada (étnica, demográfica, cultural, ecológica, economicamente...). É o "caso de urgência", a Ernstfall da qual falava Carl Schmitt. Vivemos tempos e apostas mais cruciais, por exemplo, que a derrota de 1940. Trata-se de salvar um povo e uma civilização. Nesse sentido, a missão e a ambição de movimentos como este devem ser de ordem histórica mais do que política. Trata-se de "Grande Política" no sentido nietzscheano. Nesses tempos crepusculares, um movimento político não pode ter futuro se não se afirma como o único defensor de um projeto revolucionário, que se reivindica (como foi a genial tática de Charles de Gaulle em 1940) como o último recurso.
O essencial não está em ser uma "novidade política", o essencial é, em verdade, impôr-se como uma novidade "histórica".
Tradução por Raphael Machado
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samedi, 20 novembre 2010
Interview with Tomislav Sunic
Interview with Tomislav Sunić
Ex: http://www.counter-currents.com/
Tomislav (Tom) Sunić is a former US professor, author, translator and a former Croat diplomat. He did his undergraduate work in literature and languages in Europe. He obtained his doctoral degree in political science at the University of California. Dr. Sunić has published books and articles in French, German, English, and Croatian on subjects of cultural pessimism, the psychology of communism and liberalism, and the use and abuse of modern languages in modern political discourse. The present interview explores a little the man behind the ideas; we learn a few things never previously told by Dr. Sunic about his past and personality. Of course, Dr. Sunic tells us about his new book in French, his early years in Communist Yugoslavia, the art of translating, and more.
Not from a socio-political perspective, but rather from an everyday man-in-the-street perspective, how does the Yugoslavia of the 1950s and 1960s differ from Croatia in 2010?
The Yugoslav times were less crowded, although the Yugoslav space was more condensed and bleak—literally speaking—a black and white environment. Vulgar and disciplinary were the daily discourse and the surrounding communist insignia. By contrast, despite the aura of decadence today, especially as far as the incoming liberal mores are concerned, the flow of time in Croatia is far more dispersed. Time flies faster now. People are beginning to learn the liberal mores of fake mercantile politeness—with its obvious downturn in the loss of identity.
You have stated in previous interviews that in 1971 you hitchhiked to Kashmir. You must have found yourself in at least one or two tricky situations during that adventure… What was it like to travel across Eastern Europe and Asia in the midst of the Cold War? What motivated your departure? Surely, there are less radical ways of escaping than hitchhiking to India. And why India and not, say, Italy or Greece?
I could not put myself into the wider socio-historical perspective back then. I was to a large degree blessed by willful ignorance and a solid degree of adolescent romanticism. Hence the reason that it never crossed my mind that I could get killed, stabbed, or kidnapped during my hippie days. I never thought about my tomorrows. I actually hitchhiked from Copenhagen across Italy, took the ferry from Brindisi to Corfu in Greece and continued then my odyssey, literally without a penny, by train across Turkey to Teheran. Greece was a dictatorship back then, in 1972. Shah Reza Pahlavi was the boss of Persia. The war between Pakistan and India had just ended. But I lived my magic double life; India was a location of initiation for all hippies world-wide.
A man who loves literature lives partly through it. What would you say are the key texts that defined you as a person and as a thinker? And why?
Well, I define the choice of my prose by my character. I read Herman Hesse, not because he was a standard hippie literature in my adolescence; he was also a great author who managed to combine, without resorting to a violent narrative or pornography, the world of illusions and of magic realism which I craved. It was me. Hesse was a good Bildungsroman for a 19 year boy like me. In fact, I do not rule out now that I may have been a reincarnated Byron, or Céline, or Kerouac, thrown on a voyage through Asia. When walking down the street of Kabul in my torn pants, t-shirt, and my earrings, a sense of déjà vu was creeping through my head; I must have been, long time ago, a courtier, or some important emissary during the military campaigns of Alexander the Great. This image still haunts me.
Later on, as I matured, I again just followed my instincts and not any political fashion or agenda. I must have been a reincarnated Louis Ferdinand Céline—so I started learning every nook and cranny of the French language and spirit. Later on, when I embraced political scientist Carl Schmitt and sociologist Vilfredo Pareto, or Alain de Benoist, the answer was quite simple. Their style reminded me of my own hidden sense of beauty—in a broader sense.
We know that during the 1980s you immigrated to the United States. What were your first impressions of the Americans, versus what you knew about them previously as a distant observer? What did you like, and what did perplex you the most, about them? No doubt perception and reality differed greatly in some important respects.
Crowds and noise. This was my first impression after landing in America. I can tell by the level of noise how civilized or barbaric a country is. In public spaces or on public premises I like silence. These vicarious prosthetic (or better yet: pathetic) devices, like the early walkie talkies or the walkman, radios, and, later on, all these anthropomorphic extensions, like cell phones and iPods, became symbols of spiritual rootlessness and the sign of physical superfluity, of being at the wrong place and in wrong time. I do not like fifth gear; an America shifted to neutral would have been an ideal place for me. I regret not being born two hundred years earlier, in the antebellum South. On the communicational level, I could not put up with the endless moralizing and formalistic pep talks in America. Let alone the fact that I could not grasp, and still can’t, coming from the communist universe, why a White nation of such an impressive size, loves to indulge in self-hatred, in feelings of guilt, while catering to the lowest dregs of its society. This was not America I had dreamt of.
You qualified as a political scientist in the United States and held academic positions for a time in American universities. You and I have both written about the latter, as well as their counterparts in Europe, being in the grip of Freudo-Marxist scholasticism. This implies that Freudo-Marxist scholastics constitute a species. I suggest that the species is not homo americanus, because homo americanus is a result, not an agent. Am I wrong? Maybe you could describe the zoology of Freudo-Marxist scholasticism—its habitat, its social organization, its archetypical personality, its feeding habits…
Is my social behavior inborn or is it acquired? This is the timeless question regarding the mystery of life. Just as there must be a Catholic or a liberal gene, there must have also been a special genetic proclivity among countless Europeans to travel into the unknown, overseas, all the way across the Ocean, all the way across continental America. There must have been a primeval will to power unprecedented in the history of the White man. But, on the other hand, this Promethean spirit morphed into a homo œconomicus, a peculiar non- European species who soon found his Double in what I call homo americanus—a biped solely interested in how to make a quick buck, regardless of his geographic latitude. I am sure that the vast majority of people who have come to America over the last three hundred years must have had money as their prime motive, and not some idea of spiritual freedom or genetic betterment. As far as Freudo-Marxian scholasticism is concerned, let me remind you that psychoanalysis and Marx’ teachings have always had more disciples in the US academia than in Europe. In its ideal-typical manner, “true” Marxism took roots in America faster and better than in communist Eastern Europe. Hence the reason that this postmodern egalitarian drivel, the multiracial, promiscuous, Obamanesque “multiethnic sensitive training” and engineering, has more momentum now in America than anywhere else in Europe, let alone former communist Europe.
The 1990s were a tumultuous decade for the former Yugoslavia. We saw its dismemberment during the first half and in 1999 we saw Clinton bomb Serbia for three months—for reasons that, viewed from 2010, now seem rather nebulous. Against this backdrop, how would you summarize this decade for you personally?
In 1993, upon my return from the USA, I became a diplomat in charge of cultural promotion in the early Tudjman government. I gave hundreds of speeches all over America and Europe regarding Croatia’s place in the world, the fallacy of multiculturalism, the fraud of modern historiography, etc. Disillusion and feelings of betrayal s00n followed. I had seriously thought that the legacy of communism was going to be removed, along with is former architects. Instead, the war in ex-Yugoslavia turned into an ugly war between similar ethnic groups. One thing I learned though: never get carried away too much even with your own political or philosophical ideas—they can backfire. Now, 15 years later, it seems to me that the whole Balkan chaos was cooked up by former Yugoslav communist elites—who in a twinkle of an eye decided to become either good liberals or petty nationalist rabble-rousers.
Since 2007 you have been very active and much more visible that I remembered in the earlier part of the decade. You published Homo Americanus, in English, and La Croatie: un pays par défaut? in French. What motivated this increase in activity?
Well, it is in my genes. I am afraid of being swallowed up by the merciless flow of time. Feelings of shame and despair envelope me every time I remain idle. I will lecture and write as long as I breathe.
Tell us about your latest book. What are its main theses? And why did you chose to write it in French?
The book deals with the meaning of identity in the age of globalism. As a case study I use Croatia and Croats and their troubles in defining themselves in postmodern world. It is a fairly good academic work, providing a solid bibliography. The book discusses the danger of conflictual victimologies and why the sense of victimhood leads inevitably to friction and war and never to interethnic or interracial understanding. My book is a good read for somebody who wishes to find out more about multicultural artificial states and modern historiography —which has been to a large extent monopolized by modern hagiographers. The reason I wrote it in French is simple: I owed it to myself and to my good sense of the French language—which is a very rich language on both the conceptual and aesthetic levels. I also owed something to French-speaking friends of mine.
Besides English, French, and of course Croatian, you are also fluent in German, and in your philosophical works have drawn from many suppressed German sources. German is a contextual language and one that allows the formation of seemingly endless compounds. Individual words (Volk is a well-known example) may also package shades of meaning, implications, not known in English. Tell us about the difficulties in translating, and accurately conveying the style and meaning of the original in our modern lingua franca, English.
Any translation is a separate work of art. Not just translating poetry, but translating even the smallest essay in the field of humanities presents a huge challenge. I have always admired a good translator—more so than the author of the original work himself. Language does not have just the functional role. It is a treasure trove of spirituality, especially for people with a strong sense of the metaphor and poetry. The German language, the richest European language, with a very precise normative grammar, has been thrown aside since WWII. Students in the West no longer study it. It could have become, like Latin, the major force for uniting Europe or for that matter the main communication vehicle for the White man.
The advent of the internet now makes it very difficult for one to hide. What do you think former classmates and friends—people you lost touch with many years ago—think when they look you up? (I am not implying you ought to care.)
Even if many actually look me up on the internet, I doubt they understand all the sociological or political nuances of my prose or the prose about me. Some do, of course—at least, some professors or students I worked with in the USA. However, the internet image does not reflect the real object itself—in this case myself. But those who used to know me—given that the internet is more or a less a solitary game—must think of me, even if they do not like my stance; “What a heck of a guy, Tom is!”
What would you say if someone, maybe someone you know, maybe even someone whose opinion matters to you, who is well meaning, but who is also little naive or misinformed, asks, with some concern over a cup of coffee, ’Hey, Tom. What made you go all Nazi? You have a PhD in political science, come from a respectable family, your father was a lawyer—and you… you turned out racist. What happened?’
The usage of this type of negative epithet is pretty current in Western media and to some extent in the Western judiciary. The advantage of living in post-communist countries is that words such as “Nazis,” “fascists,” “racists,” no longer have such a bad resonance, despite the fact the new political class all over Eastern Europe is trying again legally to resurrect them with its original criminogenic meaning. Of course, this all happens under pressure from the West, where these qualifiers are in constant usage today. Where communism left off, modern liberalism continued… I need to remind you that the usage of these value-loaded qualifiers was standard practice in the communist vernacular and the media against any dissident, aired on all wavelengths 24 hours a day. Towards the end of the communist rule there was an enormous amount of psycholinguistic saturation amidst the populace, so that everybody got sick of that language—even the communist scribes who had made these words ‘fashionable’ in the first place. Distorted political verbiage was the main cause of the collapse of communism. Hence, the paradox that these words—used today as shut-up words in the West— no longer have such an oppressive weight in Eastern Europe. In fact, they often serve as a badge of honor for some people!
I have expressed my own opinion on the subject, but, as a director of the American Third Position political party, perhaps your have a different one—What are the failed strategies of the Right? And, What do you propose should be done to turn the tide? What is, as you see it, your contribution to this very difficult enterprise?
First and foremost, all Right-wingers, all nationalists, all patriots, or—let us call them rather nicely—“all racially and culturally conscious Whites,” must cease blaming the Other for their own patent failures to organize intellectual or political counter-power. Blaming the Other automatically and subconsciously implies that the Other is better than oneself. Well, he is not. It is not the Other, be he a Jew, a Liberal, a Black man, or an Immigrant, who is responsible for the current predicament of White man. Those who are to be blamed are White activists or thinkers themselves, who in most cases do not distinguish between cause and effect. They first need to exercise some conceptual gymnastics. The monolithic linear black and white mindset, inherited from Judeo-Christianity needs to be removed along with its secular offshoots, such as egalitarianism, with all its modalities, e.g. liberalism, globalism, communism. If white nationalists do not start thinking and conceptualizing the world in a more polymorphous and cyclical fashion, with millions of shadings between the “good” and the “evil,” they will be wasting yet more of their time. Once the objective real world is conceptualized as a multifarious phenomenon, things will start falling into their place. Including the need to establish a new cultural hegemony.
What would you like to accomplish in the next 10 years?
I would like to publish at lest several more books, in German, English, and French. I hope I can be of some service to the rise and spread of the American Third Position.
How would you like to be remembered in a hundred years? And how do you think you will be remembered?
Well, I want to be remembered as somebody who placed the interests of his community above his own and above the interests of his own family. As somebody who absolutely rejects money as a means of communication, I would expect this will be accepted without caveats from my present or future colleagues and friends. I’d like to be remembered as somebody who left timeless traces in our Western heritage.
I’d like to be remembered as an author and innovator, as a path-breaker whose words will resonate through yet another set of incoming crowded times.
Thank you, Tom, for granting this interview.
Source: http://www.wermodandwermod.com/newsitems/news041120102141...
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jeudi, 04 novembre 2010
Visages de l'archéofuturisme
Après la « Grande Catastrophe » qui a vu sombrer dans le chaos l’ancien système politico-économique du fait de la convergence de désastres de toutes natures, ont subsisté des bulles de survie, sortes de baronnies qui se sont ensuite rapprochées les unes des autres. La nouvelle structure regroupait dans une Communauté des Etats Européens, les anciennes régions de l’Europe Occidentale dotées d’une très large autonomie. Mais de graves problèmes internationaux resurgirent avec de nouvelles menaces. La Russie et ses pays satellites proposèrent alors à la Communauté des Etats européens de fusionner pour assurer l’unité et la défense des « peuples apparentés »: la Fédération Eurosibérienne était née.
La Fédération comporte 125 états autonomes comme les Etats autonomes de Bretagne ou d’Ile de France, la République Romaine et le Royaume d’Albanie, etc. qui s’entendent sur les « questions principales »: quel est l’ennemi commun ? Quel est l’ami commun ? Ils sont représentés face au Gouvernorat impérial installé à Bruxelles, par le Directorat central de la Fédération.
Les litiges internes entre les États de la Fédération sont résolus par un Conseiller plénipotentiaire auprès du Tribunal-Inter-États de Saint Petersbourg et son Prévôt auquel il doit rendre compte, et qui dépend aussi du Gouvernorat impérial de Bruxelles où sont ses bureaux.
Dans la Fédération, on tente de concilier deux principes: l’autorité absolue et la rapidité de décision de l’autorité politique centrale, le Gouvernorat élu par le Sénat Impérial; et une grande liberté d’organisation laissée aux Régions-Etats.
Chacune des Régions-Etats autonomes est libre dans les domaines où elle n’est pas soumise aux compétences du Gouvernorat Impérial, d’organiser ses institutions comme elle l’entend. Elle doit simplement, par les moyens qu’elle désire, désigner un nombre de députés fixé en proportion de sa population au Sénat Fédéral d’Empire.
L’ idéologie officielle de la Fédération est le « constructivisme vitaliste ».
La nouvelle économie techno-scientifique n’est plus, comme autrefois au XXe siècle, destinée à toutes les zones de la Terre ni à tous les humains. Seulement 10 % de l’ humanité en bénéficient, en général regroupés dans les villes, beaucoup moins étendues et peuplées qu’autrefois. Dans la fédération, 20% de la population vit dans une économie industrielle techno-scientifique; ce qui a permis de repeupler les zones rurales désertées et résolu les problèmes de pollution et de gaspillage énergétique.
L’innovation scientifique est très dynamique bien qu’elle ne repose plus sur un énorme marché mondial et ne concerne donc qu’une minorité de la population, les autres étant revenus à une économie rurale, artisanale et pastorale de type médiéval. L’explication de ce dynamisme est simple: le volume global de l’investissement et des budgets publics et privés n’ont plus à se préoccuper des besoins de toutes natures de 80% de la population vivant dans des communautés néo-traditionnelles, selon un système socio-économique archaïque, qui se débrouillent seules et librement pour leur production et leurs échanges, et pour nombre desquelles le solstice d’été est un moment fort
La Fédération Eurosibérienne pratique le libre-échange intérieur, mais ses frontières extérieures sont protégées par des barrières douanières très élevées. Les flux financiers et spéculatifs internationaux n’existent plus.
Dans l’élite, 18% des naissances sont assurées par l’ingénierie génétique: gestations en incubateurs, sans grossesse pour les femmes, avec « amélioration programmée du génome ». Mais cette technique est rigoureusement prohibée dans les communautés néo-traditionnelles et, ailleurs, soumise à l’approbation du Comité Eugénique Impérial. Les enfants issus de cette procréation artificielle sont souvent consacrés « pupilles d’Empire » et placés dans des centres d’éducation qui les transforment en cadres ultra-performants. Seuls les dirigeants et les cadres de la Fédération ont accès au réseau d’informations, l’ EKIS « Euro Kontinent Information Service ». Le système des médias, ouvert à tous, en cours au XXe siècle, a entièrement disparu car, pense-t-on, il aboutissait paradoxalement à la désinformation, à la désagrégation de l’esprit public et créait des paniques.
Les véhicules électriques sont généralisés, les automobiles interdites aux particuliers avec retour aux tractions hippomobiles, prohibition des véhicules à moteur dans les communautés rurales néo-traditionnelles, abandon des autoroutes sur le tracé desquelles ont été construites des lignes de chemin de fer classiques rapides pour le transport des camions et des containers (« ferroutage »), limitation progressive des transports aériens au profit des planétrains, introduction de dirigeables-cargos pour le fret et les transports civils, restauration du réseau des canaux, utilisation mixte des énergies nucléaires et éoliennes pour les transporteurs maritimes, etc.
(dessins de Schuiten)
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lundi, 04 octobre 2010
La réponse de Danilo Zolo à l'émergence de Cosmopolis
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
III. Encuentro Iberoamericano de Metapolitica
Intervention de Robert STEUCKERS
La réponse de Danilo Zolo à l'émergence de Cosmopolis
ANALYSE: Danilo ZOLO, Cosmopolis. La prospettiva del governo mondiale, Feltrinelli/Campi del sapere, Milano, 1995, 218 p., Lire 35.000, ISBN 88-07-10189-0.
Le philosophe Danilo Zolo (photo), né à Rijeka/Fiume en 1936, aujourd'hui enseignant à Florence (Firenze), membre de l'Academia Europæa, constate avec amertume que l'idéologie cosmopolite, mondialiste, prétendant généraliser un “nouvel ordre mondial”, s'est imposée avec la violence d'une idole au monde entier depuis l'effondrement de l'URSS et la Guerre du Golfe. Dans un tel contexte, les Etats-Unis dirigent une sorte de “Nouvelle Sainte Alliance”, qui n'est qu'un modèle hiérarchique rigide. Zolo oppose à cette logique de la coercition l'idée d'un “pacifisme faible”, c'est-à-dire d'un pacifisme non utopique et de basse intensité, qui ne nie pas les compétitions inéluctables entre les hommes ou les entités politiques et qui respecte les diversités culturelles qui animent la planète.
Aujourd'hui, le constat est clair: les Nations-Unies en dépit de leurs vœux et de leur puissance militaire, démontrée lors de la Guerre du Golfe, ne sont pas à même de garantir une paix véritable dans le monde. Au contraire, nous voyons se dessiner à l'horizon une aggravation des conflits (mort de centaines de milliers de civils innocents en Irak, en Somalie et au Rwanda) et l'émergence d'un système de police internationale imposant le respect obligatoire d'une juridiction planétaire, en dépit des circonstances particulières dans lesquelles certains peuples peuvent se débattre. Zolo entend faire œuvre d'iconoclaste à l'encontre de cette situation. Il entend détruire l'image que se donnent les Nations Unies, celle de détenir seules la rationalité morale, juridique et politique dans le monde. A ce monisme onusien, il s'agit d'opposer une conception “complexe” des relations internationales, c'est-à-dire une conception tout à la fois pluraliste, dynamique et conflictuelle, reposant sur d'autres présupposés philosophiques, tenant compte des travaux en éthologie humaine (Eibl-Eibesfeldt). Zolo réfute les arguments de Hans Kelsen (adversaire en son temps de Carl Schmitt) qui sous-tendent encore et toujours les raisonnements des juristes internationaux. Contrairement à Kelsen qui est moniste et ne prévoit à terme qu'un seul sujet du droit international, c'est-à-dire l'humanité unifiée, Zolo veut un droit international foncièrement différent, tenant compte de la diversité (donc d'une pluralité de systèmes de droit et de sujets de droit), du changement (où le changement n'est plus automatiquement ni une entorse au droit international ni une agression du mal absolu) et de la différenciation (où le processus naturel de différenciation est considéré comme la règle usuelle et non comme une exception dangereuse). Dans une telle perspective réaliste, la guerre n'est plus bannie totalement, mais on tente de la canaliser et d'en diminuer ses effets destructeurs par la négociation.
Les effets pervers de l'idéologie kelsenienne des Nations-Unies sont, pour Zolo:
a) Un centralisme outrancier du pouvoir politique réel sur la planète.
b) Une hiérarchie beaucoup trop asymétrique, où une poignée de pays riches et privilégiés domine une immense majorité de pays à la souveraineté écornée ou trop pauvres pour faire valoir leurs droits.
c) Les pays dominants ont le loisir d'intervenir à leur gré dans les affaires des pays dominés et ne reconnaissent pas d'emblée la capacité des gouvernements locaux à exprimer sans détours les volontés de leurs citoyens.
d) L'idéologie kelsenienne, par son refus des changements et du processus naturel de différenciation, gèle la carte géopolitique, économique et militaire de la planète, parce que sa conception de la paix s'oppose non seulement au fait de monde qu'est la guerre mais, implicitement, à toutes les formes de changement social, de développement et de conflit qui se manifestent dans les pays du monde.
Plus sévère encore, Zolo dénonce les avatars du kelsenisme, y compris les principes du Président américain Woodrow Wilson, en les décrivant comme une “aspiration utopique commune chez les adolescents, les visionnaires et les mystiques”. Il est aberrant que cet utopisme sans consistance soit justement l'idéologie manipulée par les forces politiques dominantes d'aujourd'hui.
Les principaux arguments critiques que l'on peut adresser à cet utopisme sont, toujours d'après Zolo:
a) L'idéologie moderne, occidentale et kelsenienne, part de critères moraux, décrits comme “communément acceptés” et dont le caractère serait soi-disant “universel” et “rationnel”. C'est placer la complexité du monde sub specie aeternitatis, c'est-à-dire refuser de voir au sein de cette complexité une myriade de déterminations psychologiques, sociologiques et historiques, lesquelles sont évidemment changeantes, se combinent et se recombinent à l'infini. Les critères moraux occidentaux et kelseniens ne sont pas universels, car aucun jeu de critères moraux n'est universel: le monde est traversé et travaillé par un “polythéisme moral”. En dépit des professions de foi, type Kelsen, la subjectivité des valeurs et leur contingences semblent caractériser concrètement le plurivers moderne, nonobstant un discours idéal affirmant le contraire. La pluralité des codes éthiques et des civilisations qui en dérivent ne sont pas les “survivances larvaires” des vieux mécanismes de légitimation des ordres sociaux (nationaux) (p. 87). “En somme, conclut Zolo, l'ordinary morality, à laquelle les moralistes internationalistes font référence, semble n'être rien de plus qu'une hypothèse académique, plutôt qu'un fait sociologique à accepter sans discussion” (p. 87).
b) Les Etats décident encore et toujours, en dépit de la vulgate kelsenienne dominante, sur base de critères “politiques”, c'est-à-dire de critères dépourvus d'impartialité et de justifications éthiques universelles. Donc, toute application du droit international est arbitraire et relève de la pure casuistique (p. 93). Tel gouvernement est bon, tel autre est mauvais, même s'ils appliquent tous deux la même politique.
Si l'on tient compte de ce polythéisme des valeurs et du caractère casuistique du droit internationaliste, on est bien forcé de conclure que l'éthique internationaliste-kelsenienne finira un jour par perdre tout sens, parce qu'incompatible avec les exigences fonctionnelles de la politique internationale. Dégager l'éthique internationale des contingences historiques, politiques, économiques et culturelles constitue un refus de l'éthique de la responsabilité, au sens où l'entendait Max Weber. “L'école réaliste”, souligne Zolo, “de Machiavel à Pareto, de Weber à Schumpeter et à Luhmann, fait de la politique un art, une discipline et un sous-système spécifique, régulé par un code fonctionnel différencié, garantissant l'exercice du pouvoir et la sécurité” (p. 105). Le reniement de ces spécificités et de ces différenciations constitue un déficit théorique majeur pour l'éthique internationaliste (kelsenienne): elle s'interdit et, même, juge immoral, de procéder à une archéologie de la violence politique, à scruter l'histoire des peuples pour comprendre les conflictualités qui se déchaînent à intervalles réguliers. Sans une telle archéologie, l'éthique internationale-kelsenienne-onusienne se met dans l'incapacité d'apporter des réponses adéquates aux problèmes et de limiter les effets destructeurs d'un conflit. Le refus de prendre en compte les racines profondes des conflits relève d'une option “statique” rigide.
De plus, l'apologie médiatique de cette idéologie kelsenienne est une manipulation orchestrée par les nations ou les groupes de nations dominants, en vue de perpétuer leur suprématie (p. 107).
Zolo constate que dans le plurivers actuel deux modèles normatifs s'affrontent (pp. 117-121): le “modèle de Westphalie” et le “modèle de la Charte des Nations-Unies”. Cette distinction entre les deux modèles avait déjà été théorisée par Leo Gross, Richard Falk et Antonio Cassese. Pour Falk et Cassese, le “modèle de Westphalie” implique:
a) les Etats sont les seuls sujets du droit international (et non les ethnies, les organisations économiques, les associations volontaires, etc.).
b) il n'y a pas de “législateur international”.
c) le système ne prévoit aucune juridiction obligatoire, ni aucune police habilitée à réprimer préventivement ou consécutivement les contrevenants.
d) le droit international n'énonce aucune norme à appliquer impérativement dans l'élaboration du droit interne aux Etats.
e) Tout Etat a le droit de recourir à la guerre.
Toujours pour Falk et Cassese, le “modèle de la Charte des Nations-Unies” implique:
a) Les Etats ne sont plus les seuls sujets du droit international. Les organisations internationales le sont tout autant, ainsi que les groupes sociaux et les peuples dotés d'une organisation représentative. Ce modèle amorce une érosion partielle des juridictions domestiques (p. 119).
b) Les Etats ne peuvent plus recourir à la guerre qu'en cas de légitime défense. Ce principe conduit à “geler” la carte du monde.
Falk et Cassese concluent à l'évolution du monde vers ce second modèle et annoncent la caducité du “modèle de Westphalie”. Sa disparition inaugurera l'ère du cosmopolitisme juridique, impliquant le primat du droit international, la réduction effective des souverainetés étatiques, considérées comme des obstacles sur le chemin de l'ordre juridique mondial, de l'avènement d'un centralisme juridictionnel, d'un pacifisme juridique (qui interdit à la guerre de se manifester en dépit de sa nature humaine incontournable), de l'avènement, enfin, d'un “constitutionalisme global” reposant sur l'idéologie des droits de l'homme.
Cette vision messianique se heurte à un fait de monde pourtant patent, souligne Zolo (p. 120): le monde est marqué par une césure de plus en plus profonde entre un nombre de plus en plus restreint de pays riches et un nombre de plus en plus important de pays pauvres ou en voie de sous-développement. Le centralisme juridictionnel est dès lors une entorse au principe de l'égalité de tous les peuples et induit une hiérarchie rigide, où, statisme oblige, les dominants sont appelés à rester les dominants ad vitam aeternam. La globalisation, rêvée à New York, est en réalité une “occidentalisation du monde”. Zolo: «Ce processus d'homologation des modèles d'existence, des styles de pensée et des pratiques de production peut-il être interprété comme un trend en direction de l'intégration culturelle de la société mondiale, qui prélude à la formation d'une “société civile globale” et rend possible l'avènement d'un “constitutionalisme mondial” et d'une “démocratie transnationale”?» (p. 161). La réponse des partisans du cosmopolitisme est évidemment “oui”, constate Zolo. D'autres auteurs sont plus circonspects: ils parlent plutôt de “créolisation du monde”, où les populations indigènes adoptent une culture technique, industrielle et scientifique qui n'est pas la leur et ne leur fournit pas de patrons (patterns, frames) valables pour favoriser et accélerer l'intégration de leurs propres communautés. Au contraire, l'adoption irréfléchie du modèle techno-scientifique occidental provoque, comme au départ en Occident, des désordres, des dislocations et des crises difficilement gérables. Zolo se met à la remorque de trois auteurs pour montrer les effets pervers de cette occidentalisation: Hedley Bull, Serge Latouche et Pier Paolo Portinaro. Bull souligne que l'adoption du modèle occidental crée un divorce entre les élites des pays pauvres et les autres citoyens. Latouche, dans son livre La planète des naufragés, attire l'attention sur les phénomènes calamiteux de déculturation et de déracinement. Portinaro démontre que la globalisation n'effacera pas du tout la conflictualité, mais que celle-ci reprendra vigueur sur base des dyssimétries de pouvoir, des asynchronies dans le développement et de l'hétérogénéité des intérêts et des valeurs. Avec le risque ultime d'une catastrophe écologique planétaire...
A cette globalisation, grosse de risques incalculables, il faut opposer un “réalisme”, tiré de l'anthropologie d'Arnold Gehlen et de son disciple Niklas Luhmann, explique Zolo (p. 177). Gehlen et Luhmann ont constaté que l'homo sapiens est caractérisé par une “pauvreté instinctuelle”, par une “fragilité ontologique”, par des “lacunes organiques”. Pour y pallier, l'homme a besoin de “béquilles institutionnelles” et de “structures sociales”, qui lui évitent, face à chaque défi, de repenser entièrement la stratégie à suivre. L'homme se réfère alors à un cadre institutionnel préétabli, qui facilite son action dans le monde et oriente ses choix existentiels. L'absence de cadres institutionnels,dans le sens où l'entendent Gehlen et Luhmann, suscite l'angoisse et l'agressivité. La disparition des cadres étatiques, qui sont à leur manière des macro-cadres institutionnels, génère une angoisse et de l'agressivité, problème auquel l'idéologie kelsenienne est incapable de répondre. Les cadres institutionnels sont autant de mécanismes qui inhibent automatiquement l'agressivité, née de l'angoisse et du désorientement.
Le processus de différenciation continu contraint, par une loi de l'anthropologie, les hommes à se donner des institutions taillées à la mesure des circonstances de leur vie politique et communautaire: circonstances et institutions variables à l'infini dans leurs formes et leurs manifestations, déterminées par des paramètres historiques, économiques et sociologiques chaque fois spécifiques. Par conséquent, l'usage d'un instrument militaire répressif pour mater les forces politiques émergentes, transformatrices du statu quo et effervescentes à moyen ou long terme est une aberration théorique et pratique. La Guerre du Golfe, définie par Zolo comme “la première guerre cosmopolite”, a été une guerre purement destructrice, une opération qui n'a pas du tout inauguré l'application de principes pacifiants et satisfaisants pour toutes les parties: elle s'est contenté de bloquer un processus de réaménagement régional, sans apporter d'alternative acceptable. Elle semble avoir eu pour objet premier de rendre définitivement caduc le principe de “non ingérence”, cardinal dans le “modèle de Westphalie”. Si la “non ingérence” est abolie, mais que, par ailleurs, les contradictions irrésolues s'accumulent dans les pays les plus pauvres ou en voie d'apprauvrissement (y compris en Europe!), les conflits internes vont forcément se multiplier et les Nations-Unies vont devoir s'immiscer toujours plus dans les affaires intérieures des Etats en proie aux guerres civiles ou aux conflits inter-ethniques. L'idéologie kelsenienne dominante s'avère dès lors trop simpliste pour le monde d'aujourd'hui: elle entend répliquer aux désordres par une violence élémentaire, par une coercition brutale. Elle révèle son incapacité à penser la requisite variety, indispensable pour ouvrir la voie d'une paix réelle dans un monde qui devient chaque jour plus complexe. Cette complexité donnera lieu à des rapprochements, certes, mais aussi à des nouveaux conflits. L'idée d'abolir la guerre, propre du “pacifisme juridique” kelsenien, rencontre là ses limites. C'est pourquoi Zolo oppose à ce “pacifisme juridique” inopérant, reposant sur l'éthique de la conviction, l'idée d'un “pacifisme faible” (pacifismo debole) ou de “basse intensité”, reposant sur le réalisme politique européen classique et sur l'éthique de la responsabilité. Répondre aux guerres locales, déclenchées par des nécessités diverses, par une guerre totale et répressive, comme celle qui a été menée naguère contre l'Irak de Saddam Hussein, s'avère inadéquat. Le “pacifisme faible” entend remplacer la répression par la diplomatie préventive et la négociation.
A cause des principes qu'elles ont voulu généraliser, les Nations-Unies se sont engagées dans une impasse. Cette instance internationale n'est plus réformable. Si les Etats nationaux sont souvent trop petits pour faire face à l'accroissement d'échelle, la globalisation, elle, est trop schématique pour tenir compte des circonstances locales incontournables. Pour dépasser le statu quo, les regroupements régionaux comme le Mercosur ou l'unification européenne sont des réponses adéquates, accentuant le polycentrisme dans le monde, ce polycentrisme indispensable pour deux motifs: a) la nécessité anthropologique d'avoir des institutions pour pallier aux déficits de l'homme; b) la nécessité de conserver les acquis culturels pour éviter la dispersion, le désorientement et l'anomie.
Robert Steuckers, Forest, 25 & 26 août 1997.
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mercredi, 14 juillet 2010
Cosmopolis: The West as Nowhere
Cosmopolis: The West as Nowhere
From Guillaume Faye, L’Occident comme déclin [The West as Decline] (Agir pour l’Europe, 1985).
Translated by Greg Johnson
The old tradition is mistaken: the West is no longer European, and Europe is no longer the West. In its course toward the West, the sun of our civilization has dimmed. Starting from Greece, settling in Italy, then in Western Europe, then in England, and finally, having crossed the seas, installing itself in America, the center of the “West” has been slowly disfigured.
Indeed, today, according to Raymond Abellio, California has been established as the epicenter and essence of the West.[1] Pacified at the edge of the Pacific, it is the symbol of the happiness where our civilization dies; land of the end of history, land of Hollywood’s simulacrum, it is the asymptotic approach to madness, to commercial society, to the society of the spectacle, and to cosmopolitanism.
The West as a planetary movement which is always-already underway will thus continue its course towards the West by establishing its center where it has already been prepared, in the Far East, in the archipelagos of the Pacific Ocean, from Japan to the East Indies. It is the absolute reverse of the movement across the seas departing from Europe in the 16th century . . .
The West thus becomes “something” global. It appears in the form of a vague whole composed of networks of decisions, dispersed territorial zones, cultural and human blocs distributed in all countries. If the United States still dominates it, the West will increasingly take on the countenance of a “qualification”—and no longer as a membership—which crosses national boundaries.
The West, or Western civilization, indicates those places where the “Western system” prevails. These places are less and less describable in political, geographical, and ethnic terms. If the epicenter remains localized in the United States, the foreseeable future leads us to forecast a dispersion of the West, of its transformation into a polycentric ensemble of quite Western nations (Germany), fairly Western nations (the Ivory Coast), partially Western nations (Czechoslovakia), and not very Western nations (Afghanistan). But few places will be able to “escape the West.”
In parallel, if the center is everywhere and that “everywhere” is at bottom nowhere, the West has to lose any specific virtue; to be Western is to be nothing rather than something. In this process, Europeans—and Europeans alone—lose the very possibility of designating themselves validly as anything but Western. The Indian, for example, can remain “Indian” and Western, but the German or the Dutchman has to be nothing but Western, i.e., at bottom, nothing.
Neglecting borders, states, religions, the West covers much more than a geopolitical reality or a diplomatic solidarity with the “free world.” It goes far beyond this framework. It is, in its essence, the global establishment of a form of society, that of the “Americanosphere.”
Not all people feel that they are founding members of the club called Western civilization. France, Italy, Spain, or Greece will never be as integrated into Western capitalist society as, for example, New Zealand which belongs culturally to the source from which capitalism drew its impulse, namely the Anglo-Saxon hegemony founded by England and continued by the United States.
The smallest deviation of identification from the primary source of ideas and the current seat of power inexorably causes national anxiety and dissatisfaction. Thus the whole planet experiences an identity crisis in relation to a global cultural standard that few participate in completely. The schizophrenic shame that results from this is, perhaps, from a psycho-political point of view, a powerful engine of Westernization.
Organized in concentric membership circles, the West has its center, its club house, in the so-called developed countries where English is the native tongue or at least the second language, as in Northern Europe, where the mentality has been shaped by Protestantism.
The “second circle” of club membership includes, for example, France, a moral member because of its democratic universalism and the memory of Lafayette; Israel, an honorary member; Germany and Italy, associate members due to military reverses, etc. As for Japan, it has made itself a member, and American industrialists are surely beginning to regret it.
In the countries known as the “Third World,” a Westernized class, often cut off from its culture, serves as the model of emulation for the population, whose identity crisis vis-à-vis the cultural standard of its “elites” makes their deculturation that much easier. Many Southern countries are thus internally divided by a cultural and economic abyss separating those who have hastily Westernized to the point of parody from the disadvantaged bearers of the wreckage of the traditional culture.
Delirious Americanism and traditional culture in decay—which appears in this regard as backwards and inferior—are violently opposed through the logic of ethnocide. Town planning, daily manners, arts, family and social structures are the places where the Western standards of “evolution” and “development” collide with traditional cultures that, as in Africa, end up thinking of themselves as backwards.
One can wonder if “Western civilization,” in particular its American aspect, is not also constructed on a rejection of Europe, although European culture is in part the starting point of Occidentalism.
Consider, for example, Greece, which with some justice is presented as one of the fundamental matrices of European civilization: Occidentalism of the Anglo-Saxon variety violently conflicts with the original Greek culture as if it were a cancer. Thus Greek culture, by an incredible reversal, appears—and not only, alas, in the eyes of tourists—“Oriental” to Westerners, whereas in Europe it remains an almost unique example of authenticity and ancestral rootedness, and for the historians and the sociologists its linguistic, musical, religious, economic, and family forms are deeply European. In Greece, and to a lesser degree in all the other European countries, the Western standard makes the people “foreign to itself,” foreign to its own culture, which becomes an object of ethnology or is classified and neutralized as “folklore.”
The essential difference between traditional cultural standards and the Western standard is that the former are defined in relation to the cultural standards of other ethnic groups, according to a logic of differentiation (relative standards), whereas the latter claims to be the standard, having universal value and indeed regarding all other cultures as atypical—“backwards”—or morally abnormal, as “savages” who need to be civilized., i.e., domesticated.
This “domestication” described, inter alia, as a mass global culture, is well analyzed in the artistic field by Theodor Adorno. In this mass global culture, anthropologist Arnold Gehlen saw signs of the appearance of a “neo-primitive” era.
In this respect three types of “standardized” cultures seem to coexist: (1) global mass culture, which imposes in music, cinema, furniture, clothing, food, etc., ever more uniform styles, and which is presented in the form of a distractive culture; (2) an abstruse and elitist culture, both abstract and universalist, whose function is social and discriminatory (to substitute for ethno-cultural divisions a vertical separation between two cultural spheres on the scale of the entire West); and finally (3) a “museum” culture that codifies the “ancient,” rationalizes collective memory, with the aim of transforming the cultural past unique to each population into a standardized folkloric stock described as the “inheritance of humanity,” etc.
The image of the Westerner (a socio-mental system common to all who are Westernized) has reigned since the 1950s. It is generally organized around a simplified American culture and sanctions the domination of the Anglo-American language even in the arts and sciences.
In this regard, the ideology of “communication” plays a central role. For example, Gaston Dommergues, a specialist on the United States, showed that the American doctrines of transparency of information, world freedom of communications, established in particular on the construction of television networks, planetary data communication, and data processing, are not free of hegemonic inclinations.
The universalization of a language, especially when it passes though the computer, means the generalization of an international mode of thinking, acting, and feeling “American style.” Even if “liberty” reigns as the supreme value, with this enterprise, one must wonder if this planetary standardization of culture, supported by communications technology, really encourages dialogue between men and peoples. Can one communicate through a code that is in itself deculturized?
The most striking example of planetary cultural standardization appears to be the international youth culture of the generations since World War II. This culture, presented as an anti-bourgeois ideology of “liberation” and protest, has in reality functioned in scores of countries to create the first Westernized middle class in history. The generation born just after the war first bought in. Today, a large part of Western youth—including those in non-industrialized countries—share the same music, manners, and “practical culture.” One can say, according to the expression of Robert Jaulin, that the West is no longer a place, a zone, but a form of life that “crosses” all boundaries, that is interiorized in each ego.
As much as the West is a cultural and geopolitical reality, it is also a coherent and structured ideology whose totalitarian aim is all the more present as it is generally not immediately apparent to those lovers of freedom who claim to be our intellectuals.
[1] Raymond Abellio, La structure absolue [The Absolute Structure] (Paris : Gallimard, 1965).
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vendredi, 25 juin 2010
Culture et nature: un même combat pour "Synergies"
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994
Culture et nature: un même combat pour «Synergies»
En 1971, j'adhérais, sous le numéro 1063, à la SEPANSO (Société pour la Protection de la nature dans le Sud-Ouest). A cette époque, nous étions encore peu nombreux à nous préoccuper d'écologie et ce sont nos actions qui ont contribué à la prise de conscience actuelle en faveur de l'environnement. C'est dire que le combat des responsables de SYNERGIES pour défendre la nature n'a rien de nouveau ni d'un intérêt de mode.
L'homme, le plus grand prédateur que la Terre ait jamais connu, dévaste à son profit immédiat, et sans mesure, une nature qui a construit son équilibre au cours de millions d'années. En se multipliant sans limite, en se donnant une puissance et une audace toujours plus grandes, avec ses besoins insatiables, l'homme consomme, détruit, envahit et pollue tout ce qui a le malheur de présenter le moindre intérêt pour notre appétit physiologique, technique ou financier. Ce comportement ressemble un peu à celui des termites. Nous avons transformé la Terre en gruyère, l'atmosphère en étuve et l'eau en cloaque: nous sommes donc une termitière frénétique qui crée des objet artificiels en détruisant le donné naturel.
Lorsque l'on prend conscience de la folie que représente le “progrès”, on devient un combattant mobilisant ses énergies pour obliger sa propre espèce à se contrôler, à maîtriser cette pulsion frénétique, acquisitive et destructrice, à limiter ses besoins, à se contraindre à respecter la vie végétale et animale, à respecter les millions et les millions d'années de maturation qui résident au sein de tous ces êtres vivants. Ce respect est la condition première à tout équilibre.
A l'opposé d'un certain message de la Genèse, où Yahvé dit à Adam de soumettre la Terre à son bon vouloir et à ses convenances, nous affirmons que la Terre et la Vie ne sont la propriété de personne; rien sur cette Terre ne peut être arraisonné définitivement et enclos, soustrait au Tout et régi selon des lois différentes de la loi globale, tellurique ou “gaïenne” (de “Gaia”, la Terre). La Terre est un perpétuel chantier, où les transformations s'effectuent lentement, où êtres et formes évoluent ou involuent, subissent la loi de l'entropie. Or, ayant remplacé l'unité des religions cosmiques par une dualité créationniste, les religions récentes ont dégagé dangereusement l'homme de sa filiation avec la Nature, l'ont soustrait à ses responsabilités et l'ont conduit à la catastrophe imminente qui nous guette.
SYNERGIES a donc décidé de participer à la lutte planétaire pour la sauvegarde de la nature, sans laquelle nous ne pourrions vivre biologiquement, poétiquement et spirituellement. Après avois aidé une revue écologique (Le Recours aux forêts) à se développer et à prendre un créneau, à monter sur la brèche pour ce combat nécessaire, le Directoire de Synergies a décidé d'aller plus loin et de créer une «AMICALE ÉCOLOGIQUE EUROPÉENNE». Cette amicale n'aura pas vocation à se lancer dans des opérations spectaculaires, à imiter Greenpeace, mais devra simplement relier et informer les membres de SYNERGIES qui s'intéressent aux problèmes écologiques ou qui militent dans des organisations ou des partis écologiques partout en Europe. Nous ne souhaitons pas créer un parti vert de plus, mais former une agence d'information pour soutenir l'action au quotidien de ces militants persévérants, qui trouverons dans les travaux que nous publierons ou traduirons des argumentaires pour étayer leur combat et leurs discours. Nous croyons que l'écologie ne doit pas s'enfermer dans des approches politiciennes car l'écologie concerne tout le monde, indistinctement: il s'agit de sauver notre biosphère en danger de mort.
Ainsi donc, que ceux d'entre nous qui soutiennent notre démarche nous le fassent savoir afin que nous les tenions au courant des progrès de cette «AMICALE ÉCOLOGIQUE EUROPÉENNE».
Gilbert SINCYR.
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jeudi, 25 mars 2010
Questions to Robert Steuckers: In order to precise the positions of SYNERGIES EUROPEENNES
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004
Questions to Robert Steuckers:
In order to precise the positions of Synergies Européennes
Interview by Pieter Van Damme, for an end of course dissertation
The following is a translation of an interview with Robert Steuckers founder of Synergies Européennes. S.E. is an excellent pan European organization with a very fine history of activism that was born as a result of a split from Alain DeBenoist's GRECE quite some time back.
***
Q: To what extent can "national-bolshevism" be included in the "third way", between liberalism and Marxism?
RS : National-bolshevism does not refer to any economic theory or project of society: this is too often forgotten. This composed term has been used to denominate the (temporary, indeed) alliance between the traditional cadres of German diplomacy, eager to release the Reich defeated in 1918 from the Western enterprise, and the leading elements of German communism, eager to find a weight ally in the West for the new-born USSR. With Niekisch – ancient cadre of the Council Republic of Monaco, crushed by the nationalist Freikorps [Franc Corps] under the mandate of Noske's social-democrat power – national-bolshevism assumes a more political shade, but in the majority of cases its self-denomination chooses the "national-revolutionary" label. The concept of national-bolshevism becomes a polemical concept, used by journalists to indicate the alliance between the extreme wings on the political chessboard. Niekisch, in the times when he was considered as a leading figure of national-bolshevism, was no more politically active, strictly speaking; he was the editor of newspapers appealing to the fusion of the national and communist extreme wings (the extremities of the political "horse-shoe", said Jean-Pierre Faye, author of the book Les langages totalitaires [Totalitarian languages]. The notion of "Third Way" made its appearance within this literature. It had different avatars, as a matter of fact mixing nationalism to communism, or some libertarian elements in the nationalism of the young people of Wandervogel to some communitarian options elaborated by the left, as it is the case, for instance, of Gustav Landauer. [1]
These ideological mixes were initially elaborated within the internal debate of then existing national-revolutionary factions; then after 1945, when there was hope that that some third way would become the way of Germany, torn between East and West, and when such Germany would be no more the place of the European divide, as on the contrary the bridge between the two worlds, managed by a political model combining the best qualities of the two systems, ensuring both freedom and social justice at a time. On a different level, the name of "third way" was sometimes used to called the German techniques of economic management which differed from Anglo-saxon techniques, although from within the same market liberalism. The latter techniques are considered to bee to much speculative in their progress, too little careful of the social continuum structured by non-market sectors (health and social welfare, teaching and university). In this German view of the 1950s and 1960s, market liberalism must be consolidated by respect and support to the "concrete orders" of the society, as to become an "order-liberalism". Its functioning will be optimal once the sectors of welfare and education do not limp, do not engender social misguidance due to the negligence of the non-market sectors by a political power too much subdued to banking and financial circuits.
The French economist Michel Albert, in his famous work Capitalisme contre capitalisme [Capitalism against capitalism], translated in many languages, opposes indeed such order-liberalism to the neo-liberalism en vogue after the coming to power of Thatcher in the United Kingdom and Reagan in the United States. Albert calls order-liberalism as the "Rhenish-model", defining it as a model loath to stock market speculation as a way to maximise profits without structural investments, and as a model attentive to the preservation of education "structures" and a social welfare apparatus, sustained by a solid hospitalising network. Albert, order-liberal follower of the German way, re-evaluates non-market sectors under attack after the coming of neo-liberalism. The French "nouvelle droite" [ND, new right], preferably working within a dream-like framework, though masked by the adjective "cultural", did not take into account this fundamental distinction made by Albert in a book nevertheless hugely diffused through all European countries. If the ND had to opt for an economic strategy, it should have started with the defence of existing structures (that are also cultural achievements), in concert with gaullists, socialists and ecologists struggling to defend them, and should have criticised those politicians who – following the neo-liberal and Anglo-Saxon fashion – give speculative trends a free rein. Neo-liberalism dislocates non-market achievements (that is cultural practical achievements) and any ND, claiming the supremacy of culture, should act in defence of such non-market structures. Due to the mediocrity of the leading personnel of the Parisian ND, this work was not undertaken. [2]
Perroux, Veblen, Schumpeter and the heterodoxes
Anyway, economics in France operates – with Albertini, Silem and Perroux – a distinction between "orthodoxy" and "heterodoxy". As "orthodoxies" (plural) it means the economic techniques applied by European powers: 1) Marxist Soviet-style planned economy, 2) free, unrestrained market economy, the Anglo-Saxon fashion (pure liberalism or classic liberalism, deriving from Adam Smith, present neo-liberalism being but an avatar of the former), 3) economics offering some mix between the two former techniques, such as it was theoretically expressed by Keynes at the beginning of the XX century and adopted by most social-democrat governments (British labourites, the German SPD, the Austrian SPÖ, Scandinavian socialists). As heterodoxy the French political science means every economic theory not deriving from pure principles, that is from disembodied rationality, as on the contrary from peculiar, real and concrete political histories. In this perspective, heterodoxes are the heirs of the famous German "historical school" of the XIX century, of Thorstein Veblen's institutionalism and of Schumpeter's doctrines. Heterodoxes do not believe in universal models, as against the three dominating forms of orthodoxy. They think that there exist as many economics and economic systems as national and localhistories. Together with Perroux and beyond their particular differences and divergences, the heterodoxes think that the historical character of structures is in itself worth being given due respect, and that economic problems must be solved respecting such structures' own dynamics.
More recently, the notion of "Third Way" was brought again to the fore with the coming to power of Tony Blair in the United Kingdom, after about twenty years of thatcherian neo-liberalism. Apparently, as a principle, Blair comes closer to the German third way; as a matter of fact, he is but trying to make the British working class accept the achievements of liberalism. His "third way" is a placebo, a set of buffer measures and devices against the unpleasant social effects of neo-liberalism, but it does not reach the core of the matter: it is only a timid shift towards some keynesian position, that is towards one more orthodoxy, already practised by labourites but presented to the voters through a much more "workerist" and muscular language. Blair would have really launched a third way had he centred his policies on a deeper defence of the non-market sectors of the British society and on some forms of protectionism (once already favoured by a more muscular keynesism, a keynesism oriented to order-liberal - or order-socialist, order-labourite – trends). [3]
Q: What is the role of Marxism, or bolshevism, in this framework?
RS : Soviet-style Marxism failed everywhere, its role is finally brought to nothing, even in the countries that experienced the market economy. The sole nostalgia left, that comes to the light in every discussion with people emigrated from those countries, goes to the excellence of the educational system, able to communicate a classical corpus, and to the schools of music and dance, local expressions of the Bolshoy; this nostalgia can be found even in the smallest villages. The ideal thing would be to couple such education network, impermeable to the spirit of 1968, to an heterodox economic system, clearing the way to cultural variety, without the control of a rigid ideology preventing the blossoming of the new, both on the cultural and economic plan.
Q : Did Synergy then quit organic solidarism or not?
RS : No, it did not. Since it is just heterodoxies – plural, so that they can answer to the imperatives of the autonomous contexts – that represent ipso facto organic reflexes. Heterodox theories and practices stem from an organic humus, as against orthodoxies elaborated in the test-tube, indoor, outside of any concrete context. Because of their defence of dynamic structures engendered by the peoples and their own institutions, and of the non-market and welfare sectors, heterodoxies immediately imply solidarity among the members of a political community. The third way brought forward by heterodox doctrines is forcedly an organic and solidarist third way. The problem you seem to rise here is that a good number of right-wing groups and small couches wrongly used and equivocated the terms "organic" and "solidarist", or "community", never making reference to the complex corpus of heterodox economic science. It was easy then for Marxist critics, for instance, to label the militants of those movements as jokers or cheaters, manipulating empty words without any real and concrete meaning.
Participation et interest in the times of De Gaulle
The concrete and actual example to which the ND could have made reference was the set of reform attempts in De Gaulle's France during the 1960s, with the "participation" of the workers in the enterprises and their "interest" to the reaped benefits. Participation and interest are the two pillars of the gaullian reform of the market liberal economy. Such reform does not go in the direction of Soviet-style rigid planning, although a Planning Office was forecast, as in the direction of the anchorage of the economy within a given population, in this case the French population. In parallel, this orientation of the French economy towards participation and interest is coupled with the reform of the representative system, where the national assembly (i.e. the French parliament) should be sided until the end of its term by a Senate where would sit not only the elected representatives of the political parties, but also the representatives of the professional associations and the regions, directly chosen by the people without the parties acting as a go-between. In this sense De Gaulle spoke about a "Senate of the professions and the regions".
For minute history, this reform by De Gaulle was by no means taken into account by the French right-wing and by the ND, partly coming from them, since those right-wings found themselves in the camp of the partisans of a French Algeria and therefore rejected, altogether irrationally, every manifestation of the gaullian power. This undoubtedly explains the total absence of any reflection upon these gaullian social projects in the ND literature. [4]
Q : The economic visions of the conservative revolutionaries seem to me to be rather confused, and apparently have but one common denominator, the rejection of classical liberalism!
RS : Economic ideas in general, and introductory manuals to the history of economic doctrines give a very small room to heterodox currents. These manuals – that are imposed to the students in their first years, and that are destined to give them a sort of Ariadne's thread to keep their way through the succession of economic ideas – almost do not include anymore the theories of the German historical school and their many avatars in Germany and elsewhere (in Belgium at the end of the XIX century Emile de Laveleye, genial scholar and vulgariser of the theses of the German historical school). The only notable exception are the manuals of Albertini and Silem, quoted above. From Sismondi to List, from Rodbertus to Schumpeter, a different vision of economics is developed, focusing on the context and accepting the infinite variety of the ways of realising the political economy. These doctrines do not reject so much liberalism, since some of their bearers qualify themselves as "liberals", as the refusal of acknowledging the contextual and circumstantial differences in which economic policy must concretise. Pure "liberalism", rejected by the conservative revolutionaries, because is a kind of universalism. It believes that it can find application everywhere in the world without taking into account the variable factors of the climate, the population, its history, the kinds of cultivation that are traditionally practised, etc. This universalist illusion is shared by the other two pillars (Soviet-Marxist and Keynesian-socialdemocratic) of economic orthodoxy. The universalist illusions of orthodoxy notably led to neglecting food cultivation in the Third World, to the spreading of monocultures (which exhaust the soil and do not cover the whole of food and vital requirements of a single population) and, ipso facto, to famines, among which those of Sahel and Ethiopia stay printed in memory. In the corpus of the ND, the interest to the context in economics produced a series of studies on the works of the MAUSS (Anti-Utilitarian Movement in Social Sciences), whose leading figures, labelled as "leftists", explored a range of interesting problematics and analysed in deep the notion of "gift" (that is, the forms of traditional economy not based on the axioms of interest and profit). Promoters of this institute were notably Serge Latouche and Alain Caillé. Within the framework of the ND, it was especially Charles Champetier who dealt with such themes. And with an incontestable vivacity. Anyway, despite the congratulations he deserved for his exploratory work, it must be said that the simple transplant of the corpus of the MAUSS into that of the ND was impossible, and rightly so, since the ND did not prepare any clear-cut study about the contextualist approaches in economics, both from right-wing and left-wing labelled doctrines. Notably no documentary search, aimed at reinserting into the debate the historical (hence contextualist) process, had been realised upon the German historical schools and their avatars, true economic valve of a conservative revolution that is not limited, obviously, to the time-space running from 1918 to 1932 (to which Armin Mohler had confined himself, in order not to sink into some unmastered exhaustiveness).
The roots of the conservative revolution trace back to German romanticism, to the extent that it was a reaction against the universalist "geometricism" of Enlightment and the French Revolution: they nevertheless encompassed all the works of the XIX century philologists who widened our knowledge about antiquity and the so-called «barbarian» worlds (as the Persian, German, Dacian and Maurian peripheries of the Roman Empire by Franz Altheim), the historical school in economics and the sociologists related to it, the aesthetic revolution started by the English pre-Raphaelites, by John Ruskin, by the Arts & Crafts movement in England, by Pernstorfer in Austria, by Horta's architecture and the Van de Velde furniture-makers in Belgium, etc. The mistake of the Parisian journalists, who spoke at random about the "conservative revolution" without possessing a true German culture, without really sharing the competence of the Northern European soul (and neither those of the Iberian or Italian soul), was to reduce this revolution to its sole German expressions during the tragic, hard and exhausting years after 1918. In this sense the ND lacked cultural and temporal depth, it did not have enough reach in order to magisterially impose itself upon the dominant non-culture. [5]
Coming straight back to economic issues, let us say that a conservative revolution is revolutionary to the extent that it aims at defeating the universalist models copied from revolutionary geometricism (according to Gusdorf's expression); and it is conservative to the extent that it aims at returning to the contexts, to the history that let them emerge and made them dynamic. In the domain of urbanism as well, every conservative revolution aims at erasing the filth of industrialism (the project of the English pre-Raphaelites and of their Austrian disciples around Pernerstorfer) or geometrical modernism, in order to rejoin the traditions of the past (Arts & Crafts) to make new unheard-of forms blossom (MacIntosh, Horta, Van de Velde).
The context in which an economy develops is not exclusively determined by the economy itself, as by a lot of different factors. Hence the new-right criticism to economicism, or to "all-economism". Unfortunately this criticism did not remark the philosophical relationship of the non-economic (artistic, cultural, literary) process with the economic process of the historical school.
Q : Is it correct to say that Synergon, as against the GRECE, gives less attention to purely cultural activity, to the benefit of concrete political events?
RS : We do not give less attention to cultural activity. We give as much. But as you remarked, we do give a heightened attention to the events of the world. Two weeks before his death, the spiritual leader of Briton independentist, Olier Mordrel, who followed our work, called me on the phone, knowing his death was near, in order to sum up things, to hear one last time the voice of someone whom he felt intellectually close to – though never mentioning at all his state of health, because it was not the case either to pity himself or let himself be pitied. He told me: «What makes your reviews indispensable is your constant reference to real life». I was much enticed by this homage from an elder man, who had been anyway very niggard of praises and regards. Your question indicates that you undoubtedly felt – sixteen years later and through the readings concerning the themes of your dissertation – the same state of things as Olier Mordrel did at the eve of his passing. The judgement of Olier Mordrel seemed to me to be all the more interesting, in retrospect, since he is a privileged witness: having returned from his long exile in Argentine and Spain, he became rather soon accustomed to the ND, just before this came under the lights of the media. Then he saw its apogee and the beginning of its decline. And he attributed this decline to its incapacity of learning the real, the living, and the dynamics operating in our societies and in history.
Resorting to Heidegger
This will of learning or, in Heidegger's words, to reason in order to operate the unveiling of the Being and thus get out of nihilism (of the oblivion of Being), immediately implies to indefatigably review the facts of the present and past worlds (the latter being always able to come back again on the front, potentially, despite their temporary sleep), but also to encourage them in a thousand new ways in order to arouse new ideological and political constellations, to mobilise and strumentalise them in order to destroy and erase the heaviness stemming from institutionalised geometricism. Our path clearly proceeds from the will to add concreteness to the philosophical visions of Heidegger, whose language, too complex, has not yet engendered any revolutionary (and conservative!) ideology or praxis. [6]
Q : Is it correct to affirm that Synergies Européennes represents the actual avatar of the national-revolutionary doctrinal corpus (of which national-bolshevism is a form)?
RS : I feel there is in your question, in some way, too mechanic a vision of the ideological path leading from the conservative revolution and its national-revolutionary currents (since the Weimar epoch) and the present action of European Synergies. You seem to perceive in our movement a simple transposition of Weimar national-revolutionary corpus in our times. Such transposition would be anachronistic, and stupid as such. Anyway, within this corpus, Niekisch ideas are interesting to analyse, as well as his personal path and memories.
Nevertheless, the most interesting text of this movement stays that co-signed by the Jünger brothers, Ernst and most of all Friedrich-Georg, titled Aufstieg des Nationalismus [The Rise of Nationalism]. For the Jünger brothers, in this work as in other important articles or letters of that time, "nationalism" is a synonymous of "peculiarity" or "originality" – peculiarity and originality which must stay as such, never allowing to be obliterated by some universalist scheme or by some empty phraseology which its users pretend to be progressive or superior, valid for every time and place, a discourse destined to replace all languages and poetries, all epopees and histories. Being a poet himself, Friedrich-Georg Jünger, in this text-manifesto of the national-revolutionaries of the Weimar years, opposes the straight lines, the rigid geometries typical of the liberal-positivist phraseology, to the windings, meanders, labyrinths and serpent-like layouts of the natural, organic data. In this sense, this a sort of prefiguration of the thinking of Gilles Deleuze, with his rhizome creeping everywhere in the territorial plan, in the space, which is the Earth. Similarly, the hostility of nationalism, as it was conceived by the Jünger brothers, to the dead and petrified forms of liberal and industrial societies can be understood only in parallel to the analogous criticism by Heidegger and Simmel.
In the majority of cases, the present so-called national-revolutionary circles – often led by false wise men (very conceited), big tasteless faces or frustrated people who seek an uncommon way to emerge – as a matter of fact limited themselves to reproduce, like xerographers, the phraseology of the Weimar era. This is at the same time insufficient and clownish. This discourse must be used as an instrument, as a material - but together with more scientific philosophical or sociological materials, more generally admitted into scientific institutions - and obviously compared to moving reality, to marching actuality. The small couches of false sages and frustrated people, ill with acute "fuehreritis", were clearly unable to perform such task.
Beyond Aufstieg des Nationalismus
As a consequence, it seems to me impossible today to uncritically reconnect to the ideas of Aufstieg des Nationalismus and to the many reviews of the times of the Weimar Republic (Die Kommenden, Widerstand d'Ernst Niekisch, Der Aufbruch, Die Standarte, Arminius, Der Vormarsch, Der Anmarsch, Die deutsche Freiheit, Der deutsche Sozialist, Entscheidung by Niekisch, Der Firn, also by Niekisch, Junge Politik, Politische Post, Das Reich by Friedrich Hielscher, Die sozialistische Nation by Karl Otto Paetel, Der Vorkämpfer, Der Wehrwolf, etc.).
When I say "uncritically" I do not mean that this doctrinal corpus should be treated by a dissolving criticism, that it should be rejected as immoral or anachronistic, as it is done by those who try to change the colour of their skin or "bypass the customs". I mean that we must attentively read them again, but carefully taking into account the further evolution of their authors and the dynamics they aroused in other camps than that of close revolutionary nationalism. An example: Friedrich Georg Jünger publishes in 1942 the final version of his Die Perfektion der Technik [The perfection of Technique], which lays the foundations of the whole post-war German ecological thinking, at least in its non-political aspects – being as such depreciated and stupidly caricature-like. Later Friedrich Georg launches the review of ecological reflection Scheidewege, which continues to be published after his death in 1977. Aufstieg des Nationalismus must be therefore read again in the light of those later publications, and the national-revolutionary and soldiery message of the 1929s (already containing some ecological intuitions) must be coupled to the biologizing, ecological and organic corpus extensively commented on the pages of Scheidewege. In 1958 Ernst Jünger – together with Mircea Eliade and with the collaboration of Julius Evola and the German traditionalist Leopold Ziegler - founds the review Antaios, whose aim is to dive the readers into the great religious traditions of the world. Later, Martin Mayer studied Jünger's works in all these aspects and clearly showed the links connecting this thinking – covering a whole century – to a quantity of different intellectual worlds, such as surrealism – always forgotten by the national-revolutionaries of Nantes and elsewhere and by the Parisian ND, who consider themselves as infallible oracles but do not seem to know very much, once one takes the trouble to scratch a little the surface of things! Because of their Parisian coquetry, they try to have a German look, a "prussianhelmet" look, that suits all those "zigomars" as a London bowler-hat to an orang-outang! Meyer thus recalls the painting work of Kubin, the close relation between Jünger and Walter Benjamin, the esthetical distance and nonchalance connecting Jünger to the dandies, to the aesthetes and to a great number of romantics, the influence of Léon Bloy upon that German writer who died at the age of 102, the contribution of Carl Schmitt to his progress, the capital dialogue with Heidegger started in the second post-war period, the impact of Gustav Theodor Fechner's philosophy of nature, etc.
In France the national-revolutionaries and the anachronistic and caricature-like NDs should equally remember the closeness of Drieu La Rochelle to Breton's surrealists, notably when Drieu took part into the famous "Barrès trial" staged in Paris during the first world war. The uncritical transfer of the German national-revolutionary discourse of the 1920a in nowadays reality is misguided , often ridiculous device, deliberately ignoring the immeasurable extent of the post-national-revolutionary path of the Jünger brothers, of the worlds they explored, elaborated, interiorised. The same remark is valid notably for the ill reception of Julius Evola, solicited in the same misguided and caricature-like way by those neurotic pseudo-activists, those sectarian of the satano-sodomistic saturnalias based in the mouths of the Loire, or those pataphysical and porno-videomaniac metapolitologists, generally coming to nothing else but jest or parody. [7]
Q : Why does Synergies give so much attention to Russia, apart from the fact that this country belongs to the Eurasian ensemble?
RS : The attention we give to Russia proceeds from the geopolitical analysis of European history. The first intuition that moved our efforts for about a quarter of century was that the Europe where we were born, the Europe of the division sanctioned by the conferences of Teheran, Yalta and Postdam, was no place to live; it condemned our peoples to exit from history, to live into an historical, economic and political stagnation, which in time means death. Blocking Europe at the height of the Austrian-Hungarian border, cutting the Elba at the height of Wittenberg, depriving Hamburg of its Brandenburger, Saxon and Bohemian hinterland – all these are strangling strategies. The Iron Curtain divided industrial Europe from complementary territories and from that Russia which, at the end of the XIX had become the supplier of commodities to Europe, the extension of its territories towards the Pacific Ocean, the indispensable fortress locking up the European territory from the assaults it had to suffer until the XVI century from the peoples of the steppe. The English propaganda painted the Tsar as a monster in 1905 at the time of the Russian-Japanese war, it encouraged sedition in Russia in order to put the brake to this pre-communism European-Russian synergy.
Communism, financed by New York bankers as it had been the case of the Japanese fleet in 1905, served to build chaos in Russia and to hinder optimal economic relations between Europe and the Russian-Siberian space. Exactly as the French revolution, supported by London (see Olivier Blanc, Les hommes de Londres [London's Men], Albin Michel), ruined France, annihilated all its efforts to create its own Atlantic fleet and turn outwards instead of turning to our own territories, made of the mass of French (and Northern African) recruits cannon fodder for the City during the Crimean war, in 1914-1918 and in 1940-45. An outward-oriented France, as Louis XVI wished indeed, would have reaped immense benefits, would have ensured itself a solid presence in the New World and Africa since the XVIII century, and probably would not have lost its Indian agencies. A France turned towards the blue line of he Vosges provoked its own demographic implosion, committed a biological suicide. The worm was in the fruit: after the loss of Canada in 1763, a mistress elevated to the rank of marquise said: «Phoow! Why care about some square miles of snow!» and «After us, the Flood». Great political foresight! It could be compared to that of a meta-politiologist of the 11th arrondissement, who looks down on the few reflections by Guillaume Faye about "Eurosiberia"! At the same time, this declining French monarchy clang to our imperial Lorraine, snatched it from its natural imperial family, a scandal to which the governor of the Austrian Netherlands, Charles de Lorraine, had no time to find remedies; Grand Master of the Teutonic Order, he wanted to finance its re-conquest paying on his own money a well-trained and equipped army of 70,000 men, accurately chosen. His death put an end to this project. This prevented the European armies from disposing of the Lorraine fortress to put an end, some years later, to the revolutionary comedy that blooded Paris and was about to commit the Vendean genocide. Everything to the great benefit of Pitt's services!
At the present stage of our researches, we realise in the first place that the project of recasting and indefectible Euro-Russian alliance is not an anomaly, a whim or an original idea. On the contrary! It is a recurring imperial care since Charles the Great and Otto I! Forty years of Cold War, European division and mediatic dejection tele-guided by the United States made two or three generations of Europeans forget about the achievements of their history.
The roman limes on the Danube
Afterwards, our readings led us to realise that Europe, since the Carolingian era, wanted itself as the heir of the Roman empire and aspired to reconstruct the latter all along the ancient Danubian limes. Rome had the Danube under check from its source to its mouth in the Black Sea by deploying a major and strictly organised river fleet, by building works of art (among which bridges of colossal dimension in those times, with pillars 45 meters high above the bed of the river), improving the technique of boat-bridges for its assaulting legions to cross, by concentrating to the Pannonian pass many well trained legions armed with advanced materials, as well as in the province of Scythia, corresponding to Doubroudja south of the Danube. The aim was to contain the invasions coming from the steppes mostly at the level of the two passage points with no important relieves, that is the Hungarian plain (the "puszta") and the mentioned Doubroudja, at the junction between present Romania and Bulgaria. No empire could blossom in Europe, in the ancient times and in the high Middle Ages, if those passage points were not locked for the non-European peoples of the steppe. Consequently, within the framework of the Holy Alliance of Prince Eugene (see below), it was necessary to get rid of the Turkish Ottoman enterprise, an irruption alien to Europeanness come from the South-East. After the studies of the American Edward Luttwak on the military strategy of the Roman Empire, we realise this one was not simply a circum-Mediterranean empire, centred around the Mare Nostrum, as also a Danubian, or Rhenish-Danubian empire, with a river crossing the whole Europe, where not only a military fleet but also a civilian and commercial fleet cruised, allowing exchanges with the German, Dacian or Slavic tribes of Northern Europe. The coming of the Huns to the Pannonian pass upsets this order in the ancient world. The alien character of the Huns does not allow to turn them into Foederati, as it was the case of the German and Dacian peoples.
The Carolingians wanted to restore the free circulation on the Danube by advancing their pawns in the direction of Pannonia, occupied first by the Avars, then by the Magiars. Charles the Great starts the excavation of the Rhine-Danube channel later called as Fossa Carolina. It is thought that it was used, for a very short time, to envoy troops and materials towards the Noricum and the Pannonia. Charles the Great, in spite of its privileged links with the Roman Pope, ardently looked for being recognised by the Byzantine Basileus and even thought about giving him one of his daughters as a wife. Aix-la-Chapelle, the capital of the German Empire, is built as a cast of Byzantium. His marriage project failed, with no other apparent reason than the personal attachment of Charles to his daughters, whom he wanted to keep with himself by making them abbesses of the great Carolingian abbeys, without the least demureness. This fatherly attachment, then, did not allow to seal a dynastic alliance between the Western German Empire and the Eastern Roman Empire. The Carolingian era finally closed with a check, because of an ill-omened constellation of powers: the French kings, then the Carolingians (and the Pipinides before them) became allied (sometimes unconditionally) to the Roman Pope, enemy of the Irish-Scottish Christianism that sends missions in Danubian southern Germany, and to Byzantium, legal heir of the Roman imperiality. The Papacy would later use the energies of Germany and France against Byzantium, having no other goal than to assert his own supremacy. On the contrary, it should have persisted in the work of peaceful penetration of the Irish-Scottish into the Danubian east, from Bregenz and Salzburg, favouring the peaceful transition from paganism to Irish Christianism instead of giving free hand to zealots payed by Rome like Boniface, since the Irish-Scottish variant of Christianism was not opposed to Byzantine orthodoxy and thus a modus vivendi could be arranged from Ireland to Caucasus. This synthesis would have allowed an optimal setting of the European continent, which would make impossible the return of the Mongolian peoples and the Turkish invasions of the X and XI centuries. Then the Spanish reconquista would have been advanced by six centuries! [8]
After Lechfeld in 955, the organisation of the Pannonian pass
These reflections upon the check of the Carolingians, exemplified by the sterile and criminal bigotry of his descendent Lois the Pious, show that there can be no consistent European civilisation bloc without mastering and organising the territory at the mouths of the Rhine in the Black Sea. Besides, what is absolutely significant, Otto I rises to imperial dignity after the battle of Lechfeld in 955, that allows to regain access to Pannonia after the elimination of the partisans of the Magyar kahn Horka Bulcsu and the rise of the Arpads, who promise to lock up the Pannonian pass as it was done by the Roman legions in the time of the glorious Urbs. Thanks to the German army of emperor Otto I and to the loyalty of the Hungarians to the Arpads' promise, the Danube becomes again either German-Roman or Byzantine (eastward of the "cataracts" of the Iron Door). If Pannonia is no more a passage for the Asian nomads who can dislocate the whole continental political organisation in Europe, ipso facto, imperiality is geographically restored.
Otto I, married to Adelaide, the heiress of the Lombard kingdom in Italy, means to reorganise the Empire by ensuring his check upon the Italian peninsula and negotiating with the Byzantines, despite all the reticence of the Papacy. In 967, twelve years after Lechfeld, five years after his crowning, Otto receives a message from the Byzantine Basileus, Nicephore Phocas, and proposes a joint alliance against the Saracens. This will be tacitly realised with Nicephore's successor, more pliant and far-sighted, Ioannes Tzimisces, who authorises the Byzantine Princess Theophana to marry the son of Otto I, the future Otto II, in 972. Otto II will not be up the task, undergoing a terrible defeat by the Saracens in Calabria in 983. Otto III, son of Theophana who becomes regent awaiting for his majority, will not get to consolidate his double German and Byzantine heritage
The forthcoming reign of Konrad II will be exemplar under this perspective. This salic emperor lives in good relations with Byzantium, whose lands east of Anatolia begin to be dangerously harassed by the Seljuchides raids and the Arabs inroads. The Ottonian heritage in Pannonia and Italy, together with peace with Byzantium, allowed a veritable renaissance in Europe, accompanied by a remarkable economic expansion. Thanks to the victory of Otto I and the inclusion of Arpads' Pannonia in the European imperial dynamics, our continent's economy knew a phase of expansion, demographic growth continued (population increased by 40% between the year 1000 and 1150), the tillage of forests goes at full speed ahead, Europe progressively gains weight on the northern Mediterranean shores and the Italian cities start their formidable process of expansions, while the Rhenish towns become important metropolis (Cologne, Magonza, Worms with its superb roman cathedral).
This expansion and the quiet yet strong reign of Konrad II show that Europe cannot know economic prosperity and cultural expansion unless the space between Moravia and the Adriatic is secured. Otherwise, it is decline and marasmus. Such is the capital historical lesson learnt by Europe's gravediggers: in 1919 at Versailles they want to segment the course of the Danube into as many antagonist states as possible; in 1945, they want to establish a divide on the Danube at the height of the ancient border between Noricum and Pannonia; between 1989 and 2000 they want to set a zone of permanent troubles in the European south-east in order to prevent the East-West suture and they invent the notion of an insuperable civilisation gap between the Protestant-Catholic West and the Orthodox-Byzantine East (see the theses of Samuel Huntington).
In the Middle Ages it is the Rome of Papacy which sinks this expansion by contesting the temporal power of the German Emperors and by weakening thus the European building altogether, deprived of a powerful and well articulated secular arm. The care of the Emperors is to co-operate in harmony and reciprocity with Byzantium, in order to restore the strategic unity of the Roman Empire before the East-West divide. But Rome is the enemy of Byzantium, even before being the enemy of the Muslims. To the tacit but very badly articulated alliance between the German Emperor and the Byzantine Basileus, the Papacy will oppose the alliance between the Holy Siege, the Norman kingdom of Sicily and the kings of France, an alliance which also supports all the seditious movements and the particular and lowly material interests in Europe, once they sabotage the imperial projects.
The imperial dream of the German Emperors
The Italian dream of the Emperors, from Otto III to Frederick II Hohenstaufen, aims at uniting under the same supreme authority the two great communication waterways in Europe: the Danube at the centre of the lands and the Mediterranean at the junction of three continents. Against the national-socialist or folkist ("völkisch") interpretations of Kurt Breysig and Adolf Hitler himself, who never ceased to criticise the Italian orientation of the Middle Age German Emperors, one is forced to realise that the space between Budapest (the ancient Aquincum of the Romans) and Trieste on the Adriatic, having the Italian peninsula and Sicily as their extension, allows – if these territories are united by the same political will – to master the continent and face any external invasion: those of the nomads from the steppe and from the Arabian desert. The Popes contested the Emperors the right to manage for the sake of the continent the Italian and Sicilian affairs, which they deemed to be their own personal apanages, subtracted from any continental, political and strategic logic: by acting this way, and with the complicity of the Normans of Sicily, they weakened their enemy, Byzantium, but at the same time Europe altogether, which could neither gain its foothold in Africa nor sooner free the Iberian peninsula, nor defend Anatolia against the Seljukides, nor help Russia facing the Mongolian invasions. The situation demanded the federation of all forces into a common project.
Because of the seditious plots of the Popes, French kings, Lombard rioters, scrupleless feudals, our continent could not be "membered" from the Baltic to the Adriatic, from Denmark to Sicily (as it was equally wished by another far-sighted spirit of the XIII century, The King of Bohemia Ottokar II Premysl). Since then Europe has not been able to finish any great design in the Mediterranean (hence the slowness of the reconquista, left to the sole Hispanic peoples, and the failure of the Crusades). Europe was so frail on its eastern side that it has been in danger, after the disasters of Liegnitz and Mohi in 1241, to be completely conquered by the Mongols. This fragility – that could have been fatal – was the result of the weakening of the imperial institute due to the intrigues of the Papacy.
About the necessary alliance of the two European imperialities
In 1389 the Serbs are crushed by the Turks in the famous battle of Blackbirds Field [Kosovo Polje], dramatic prelude to the definitive fall of Constantinople in 1453. Europe then gets repelled, its back against the Atlantic and the Arctic. The sole reaction of the continent comes from Russia, a country thus inheriting ipso facto the Byzantine imperiality since the very moment the latter ceases to exist. Moscow becomes then the "Third Rome"; it inherits from Byzantium the title of the Eastern imperiality. There were two empires in Europe, the Western Roman Empire and the Eastern Roman Empire; and again there are two, despite the fall of Constantinople: the Sacred Roman-German Empire and the Russian Empire. The latter goes directly to the offensive, bite the lands conquered by the Mongols, destroys the Tatar kingdoms of the Volga, pushing ahead towards the Caspian. As a consequence, tradition and geopolitics are compelling: the alliance wanted by the German Emperors after Charles the Great between Aix-la-Chapelle and Byzantium must be pursued – but from now on by an imperial German-Russian alliance. The Western (German) Emperor and the Eastern (Russian) Emperor must act de concert in order to push back the enemies of Europe (the two-headed strategic space, as the bicephalous eagle is) and free our lands from the Ottoman and Muslim encircling, with the support of the local kings: kings of Spain, Hungary, etc. Here is the historical, metaphysical and geopolitical reason of every German-Russian alliance.
This alliance will work, despite the French betrayal. France was hostile to Byzantium on behalf of the anti-imperial Popes of Rome. It will take part to the destruction of the fortresses of the Empire in the West and will ally with the Turks against the rest of Europe. Hence the irresolvable contradictions of the French "nationalists": they simultaneously appeal to Charles Martel (an Austrasian of our countries between the Mose and the Rhein, invoked to save ill-organised Neustria and Aquitaine, which – decaying and prey to any kind of dissent – could not withstand the Arab invasion); and those same French nationalists validate the crimes of betrayal of felon kings, cardinals and ministers: Francis I, Henry II, Richelieu, Louis XIV, Turenne – that is, zealots of the Revolution, as if the Austrasian Charles Martel had never existed!
The Austrian-Russian alliance works with the Holy Alliance erected at the end of the XVII century by Eugene of Savoy, who pushes back the Ottomans on all borders, from Bosnia to the Caucasus. The geopolitical intent is to consolidate the Pannonian pass, to activate a Danubian river fleet, to organise a deep defence of the border by units of Croatian, Serbian and Rumanian peasant-soldiers supported by German and Lorrainian colons, to free the Balkans and, in Russia, to take back Crimea and put under check the northern shores of the Black Sea, in order to enlarge the European space to its full Pontian territory. In the XVIII century Leibniz will reiterate this necessity to include Russia into a great European alliance against the Ottoman push. Later, the Holy Alliance of 1815 and the Pentarchy of the beginning of the XIX century will be an extension of the same logic. Bismarck's alliance of the three emperors and his concerted policy with Saint Petersburg, which he never abandoned, are but modern applications of the views of Charles the Great (never realised) and of Otto I, the veritable founder of Europe. Since these alliances ceased to operate, Europe entered a new phase of decline, notably to the benefit of the United States. The Versailles Treaty in 1919 aims at the neutralisation of Germany, while its pendant, the Trianon Treaty, sanctions the partition of Hungary, deprived of its extension in the Tatra mountains (Slovakia) and of its union with Croatia created by king Tomislav, a union later established by the Pacta Conventa in 1102, under the leadership of the Hungarian king Koloman Könyves ("The one who had a crazy love for books"). Versailles destroyed what the Romans had united, restores what the troubles of the dark centuries had imposed on the continent, destroys the work of the Crown of Saint-Etienne who had harmoniously restored the Roman order while respecting the Croatian and Dalmatian peculiarities.
Versailles was above all a crime against Europe since that necessary Hungarian-Croatian harmony in this key geographical zone was destroyed, thus precipitating Europe into a new era of idle troubles to which a new emperor, one day, must necessarily put an end. Wilson, Clemenceau and Poincaré, France and the United States bear the responsibility of this crime in the face of history, as well as the brainless bearers of this ethics of conviction (and consequently of irresponsibility) brought by this laicism of French-revolutionary rehash. Beyond its professed exterior hostility to the Catholic religion, this pernicious ideology acted exactly in the same way as the simoniac Popes of the Middle Ages: it destroyed the optimal organising principle of our Europe, its adepts being blinded by smoky principles and filthy interests, deprived of any historical and temporal depth. Their principles and interest were completely unfit for providing the assizes of a political organisation, let alone an empire.
In the face of this disaster, Arthur Moeller van den Bruck, leading figure of the conservative revolution, launches the idea of a new alliance with Russia, despite the establishment in power of Leninist bolshevism, since the principle of the alliance between the two emperors must stand up and against the desacralisation, horizontalisation and profanation of politics. Count von Brockdorff-Rantzau will apply this diplomacy, what shall lead to the German-Soviet anti-Versailles: the Rapallo agreement signed by Rathenau and Chicherin in 1922. From there we come back to the problematic of "national-bolshevism", that I already evoked in the course of this interview.
In the 1980s, when the development of military strategies, armaments and most of all inter-continental ballistic missiles leads to the acknowledgement that no nuclear war is possible in Europe without the total destruction of the conflicting countries, there appeared the necessity to get out of the impasse and to negotiate in order to bring Russia back into European concerted policy. After perestroika, started in 1985 by Gorbachev, the thaw is announced, hope revives: but it will be soon followed by delusion. The succession of inter-Yugoslav conflicts will block Europe again between the Pannonian pass and the Adriatic, while the mediatic propaganda offices, led by CNN, invent a thousand reasons to deepen the gap between Europeans and Russians.
Block of the European dynamics between Bratislav and Trieste
These historical explanations must lead us to understand who the self-nominated defenders of an Europe without Russia (or against Russia) really are – the papist or masonic gravediggers of Europe, and that their action condemns our continent to stagnation, decline and death, as it did stagnate, decline and waste away from the Huns invasions to the restauratio imperii by Otto I, after the battle of Lechfeld in 955. After the reorganisation of the Hungarian plain and its inclusion in the European orbit, the economic and demographic growth of Europe followed soon. A similar renaissance is whatthey wanted to prevent after the thaw which followed Gorbachev's perestroika, since this geopolitical rule granting prosperity is always valid (for instance, the Austrian economy tripled its commercial turnover in a few years after the dismantling of the Iron Curtain along the Austrian-Hungarian border in 1989). Our enemies know very well the ways of European history. Much better than our own coward and decaying political personnel. They know the point to strike us, block us, strangle us is always there – between Bratislava and Trieste. In order to prevent the reunion of the two Empires and a new period of peace and prosperity, which would make Europe shine from thousands lights and would condemn our competitors to a second-rank role, simply because they do not possess the wide rage of our potentialities, the fruit of our differences and our peculiarities.
Q : What are the concrete positions of European Synergies concerning institutions like the parliament, people's representation, etc. ?
RS : The vision of European Synergies is democratic albeit hostile to all forms of partitocracy – since partitocracy, supposedly "democratic" is in fact the perfect denial of democracy. At the theoretical level European Synergies makes reference to a Russian liberal of the beginning of the century, militant of the Cadet party: Moshe Ostrogovsky. The analysis left by this Russian liberal in the face of the bolshevist revolution lays on an obvious acknowledgement: every democracy should be a system imitating the movement of things in the City. Electoral mechanisms logically aim at giving representation to the effervescences acting within the society, day by day, without subverting anyway the immutable order of politics. As a consequence, the instruments of representations, that is the political parties, must too represent the passing effervescences and never aim to eternity. The malfunctioning of parliamentary democracy stems from the fact that political parties become a rigidly permanent presence within the society, enrolling more and more mediocre people in their ranks. In order to put a remedy to this inconvenient, Ostrogovski suggest that democracy laid on "ad hoc" parties, timely requesting urgent reforms or precise amendments, then proclaiming their dissolution in order to free their personnel, which could the forge new petitioner movements – thus allowing to redistribute the cards and to share the militants into new (similarly provisional) formations. Parliaments would then gather citizens who never would get encrusted in political professionalism. Legislative periods would be shorter, or – as in the beginning of Belgian History or in the United Kingdom of Netherlands from 1815 to 1830 – a third of the assembly would be changed every third part of the legislative period, thus allowing an accelerated circulation of political personnel and the elimination (sanctioned by the urns) of those who proved incompetent; this circulation today exists no more, which – apart from the issue of census vote – gives us a less perfect democracy than in those times. The problem is to prevent the political careers of individuals who would end by knowing no more of real public life.
Weber & Minghetti: for maintaining the separation of the three powers
Max Weber too made some pertinent observations: he noted that the socialist and christian-democrat parties (the German Zentrum) install incompetent figures into the key positions; those take their decision in spite of any good sense, are animated by the ethics of conviction instead of responsibility, and demand the division of political or civil servant posts according to the simple pro-rata of votes, without having to prove their real competence in exercising their functions. The Italian XIX century liberal minister Minghetti very soon perceived how this system would put an end to the separation of the three powers, since the parties and their militants, armed by the ethics of conviction, source of all demagogies, wanted to control and manipulate justice and destroyed every compartimentation between the legislative and the executive powers. The democratic equilibrium among the three powers – originally put as water-tight compartments in order to warrant the citizens' freedom, as devised by Montesquieu – can neither work nor exist anymore, in such a context of hysteria and demagogy. Here we stand today.
European Synergies does not therefore criticise the parliamentary institution in itself, but clearly displays its aversion to any malfunctioning, to any private intervention (parties are private associations, as a matter of facts and as Ostrogovsky recalls) in the recruitment of political personnel, civil servants, etc., to any kind of nepotism (co-optations of the members of the family of a political man or civil servant to a political or administrative post). Only the examination by a totally neutral jury should allow the access to a charge. Any other means of recruitment should be treated as a grave offence.
We also believe that parliaments should not be the simple representative chambers where would sit the chosen members of political parties (that is, of private associations, demanding discipline without authorising any right to tendencies or any personal initiatives by the deputy). Not very citizen is the member of a party, as a matter of fact the majority of them does not own any affiliation card. As a consequence, parties generally represent no more than 8-10% of the people, and 100% of the parliament! The excessive weight of the parties should be corrected by the representation of professional associations and unions, as it was envisaged by De Gaulle and his team when they spoke about the "senate of professions and regions".
The constitutional pattern that Professor Bernard Willms (1931-1991) favoured lays on a three chambers assembly (Parliament, Senate, Economic Chamber). Half the Parliament would be recruited among candidates chosen by the parties and personally elected (no votes for the lists); the other half would be formed by the representatives of the corporative and professional councils. The Senate would be essentially a regional representative organ (like the German or Austrian Bundesrat). The Economic Chamber, similarly organised on a regional basis, would represent the social bodies, including the unions.
The problem is to consolidate a democracy leaning upon the "concrete bodies" of society, and not only upon private associations of ideological and arbitrary nature, as the parties. This idea is close to the definition of "concrete bodies" given by Carl Schmitt. However, every political entity lays on a cultural heritage, which must be taken into account, according to the analysis of Ernst Rudolf Huber, disciple of Carl Schmitt. For Huber a consistent State is always a Kulturstaat, and the state apparatus has the duty to preserve this culture, expression of a Sittlichkeit [ethicity] exceeding the simple limits of ethics to include a wide range of artistic, cultural, structural, agricultural and industrial productions, whose fecundity must be preserved. A more diversified representation, going beyond that 8-10% of party members, allows indeed to better guarantee this fecundity, spread through the whole social body of the nation. The defence of the "concrete bodies" implies the trilogy "community, solidarity, subsidiarity" – the conservative answer, in the XVIII century, to the project of Bodin, aimed at destroying the "intermediate bodies" of the society, i.e. the "concrete bodies" leaving but the individual-citizen alone against the state Leviathan. The ideas of Bodin have been realised by the French revolution and its ghost of the geometrical society – a realisation that started just from the uprooting of professional associations by the Le Chapelier law of 1791. Nowadays the updated resort to the trilogy "community, solidarity, subsidiarity implies giving the maximum of representativity to the professional associations, to the real masses, and to reduce the absolute power of parties and functionaries. In the same way, Professor Erwin Scheuch (Cologne) proposes today a set of concrete measures in order to free the parliamentary democracy from all misguidings and corruption that suffocate it. [9]
Bibliographical notes
[1] More on this subject: see 1) Thierry MUDRY, Le ‘socialisme allemand': analyse du télescopage entre nationalisme et socialisme de 1900 à 1933 en Allemagne, in: Orientations, n 7, 1986; 2) Thierry MUDRY, L'itinéraire d'Ernst Niekisch, in: Orientations, n 7, 1986.
[2] More on this subject: 1) Robert STEUCKERS, "Repères pour une histoire alternative de l'économie", in: Orientations, n 5, 1984; 2) Thierry MUDRY, "Friedrich List: une alternative au libéralisme", in: Orientations, n 5, 1984; 3) Robert STEUCKERS, "Orientations générales pour une histoire alternative de la pensée économique", in: Vouloir, n 83/86, 1991; 4) Guillaume d'EREBE, "L'Ecole de la Régulation: une hétérodoxie féconde?", in: Vouloir, n 83/86, 1991; 5) Robert STEUCKERS, L'ennemi américain, Synergies, Forest, 1996/2ième éd. (. (contains some reflections on the ideas of Michel Albert); 6) Robert STEUCKERS, "Tony Blair et sa ‘Troisième Voie' répressive et thérapeutique", in: Nouvelles de Synergies européennes, n 44, 2000; 7) Aldo DI LELLO, "La ‘Troisième Voie' de Tony Blair: une impasse idéologique. Ou de l'impossibilité de repenser le ‘Welfare State' tout en revenant au libéralisme", in: Nouvelles de Synergies eruopéennes, n 44, 2000.
[3] More on this subject: Guillaume FAYE, "A la découverte de Thorstein Veblen", in: Orientations, n 6, 1985.
[4] More on this subject: Ange SAMPIERU, "La participation: une idée neuve?", in: Orientations, n 12, 1990-91.
[5] More on this subject: Charles CHAMPETIER, "Alain Caillé et le MAUSS: critique de la raison utilitaire", in: Vouloir, n 65/67, 1990.
[6] More on this subject: Robert STEUCKERS, "La philosophie de l'argent et la philosophie de la Vie chez Georg Simmel (1858-1918)", in: Vouloir, n 11, 1999.
[7] More on this subject: 1) Robert STEUCKERS, "L'itinéraire philosophique et poétique de Friedrich-Georg Jünger", in: Vouloir, n 45/46, 1988; 2) Robert STEUCKERS, Friedrich-Georg Jünger, Synergies, Forest, 1996.
[8] More on this subject: Robert STEUCKERS, "Mystères pontiques et panthéisme celtique à la source de la spiritualité européenne", in: Nouvelles de Synergies européennes, n 39, 1999.
[9] More on this subject: 1) Ange SAMPIERU, "Démocratie et représentation", in: Orientations, n 10, 1988; 2) Robert STEUCKERS, "Fondements de la démocratie organique", in: Orientations, n 10, 1988; 3) Robert STEUCKERS, Bernard Willms (1931-1991): Hobbes, la nation allemande, l'idéalisme, la critique politique des ‘Lumières', Synergies, Forest, 1996; 4) Robert STEUCKERS, "Du déclin des ours politiques", in: Nouvelles de Synergies européennes, n 25, 1997 (on the theses of Prof. Erwin Scheuch); 5) Robert STEUCKERS, "Propositions pour un renouveau politique", in: Nouvelles de Synergies européennes, n 33, 1998 (at the end of the article, about the theses of Ernst Rudolf Huber); 6) Robert STEUCKERS, "Des effets pervers de la partitocratie", in: Nouvelles de Synergies européennes, n 41, 1999.
Bibliography:
Jean-Pierre CUVILLIER, L'Allemagne médiévale, deux tomes, Payot, tome 1, 1979, tome 2, 1984.
Karin FEUERSTEIN-PRASSER, Europas Urahnen. Vom Untergang des Weströmischen Reiches bis zu Karl dem Grossen, F. Pustet, Regensburg, 1993.
Karl Richard GANZER, Het Rijk als Europeesche Ordeningsmacht, Die Poorten, Antwerpen, 1942.
Wilhelm von GIESEBRECHT, Deutsches Kaisertum im Mittelalter, Verlag Reimar Hobbing, Berlin, s.d.
Eberhard HORST, Friedrich II. Der Staufer. Kaiser - Feldherr - Dichter, W. Heyne, München, 1975-77.
Ricarda HUCH, Römischer Reich Deutscher Nation, Siebenstern, München/Hamburg, 1964.
Edward LUTTWAK, La grande stratégie de l'Empire romain, Economica, 1987.
Michael W. WEITHMANN, Die Donau. Ein europäischer Fluss und seine 3000-jährige Geschichte, F. Pustet/Styria, Regensburg, 2000.
Philippe WOLFF, The Awakening of Europe, Penguin, Harmondsworth, 1968.
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lundi, 22 mars 2010
R. Steuckers: itinéraire métapolitique et idiosyncratique
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004
Itinéraire métapolitique et idiosyncratique
Réponses de Robert Steuckers
au questionnaire d’un étudiant, dont le mémoire de fin d’études porte sur l’anti-américanisme dans les milieux néo-droitistes, nationaux-révolutionnaires et extrême-droitistes en Belgique
[Fait à Forest/Flotzenberg, août 2004].
Photo: Beloeil, Parc du Chäteau du Prince de Ligne, 20 août 2007 / Copyright: AnaR
1. Comment vous définissez-vous au niveau idéologique?
Première remarque : la notion d’idéologie n’est pas adéquate en ce qui me concerne. L’idéologie fonctionne selon un mode constructiviste, elle procède de ce que Joseph de Maistre nommait l’“esprit de fabrication”, elle tente de plaquer des concepts flous, soi-disant universellement valables, relevant du « wishful thinking », sur un réalité effervescente, qui procède, elle, qu’on le veuille ou non, d’une histoire, d’une réalité vivante, d’un flux vivant, souvent violent, rude, âpre. D’emblée, nous avons voulu une immersion dans ce flux, certes cruel, où le moralisme des systèmes idéologiques dominants n’a pas sa place, et non pas le repli frileux dans les espaces idéologisés, strictement contrôlés, qui ronronnent des ritournelles et qui ânonnent des poncifs dans le triste espace politico-intellectuel belge (français, allemand, etc.). Cette option implique un ascétisme rigoureux : celui qui refuse sinécures et prébendes, celui qui s’astreint à lire et à archiver sans état d’âme, sans désir vénal de voir ses efforts rémunérés d’une façon ou d’une autre. Un ascétisme aussi qui n’est jamais qu’une transposition particulière, et peut-être plus rigoureuse, de l’option de Raymond Aron qui se déclarait « spectateur désengagé ». Aprés plus de trente ans de combat métapolitique assidu, je ne regrette pas mon option première, celle de l’adolescent, celle de l’étudiant. Je n’ai tué ni l’enfant, ni l’adolescent, ni l’étudiant qui est en moi. Je garde les mêmes sentiments, la même moquerie, le même mépris pour le monde politique et intellectuel de ce pays qui crève sous la sottise des politicards véreux, qui se prétendent « démocrates ». « L’enfant qui joue aux dés », disait Nietzsche, grand poète. Et je ris. Tout à la fois de bon coeur et méchamment. Mélange des deux. Comme les enfants.
Pour revenir au terme « idéologie », je vous rappelle que l’objet de mon mémoire à l’institut de traducteurs-interprètes portait justement sur l’ « idéologie », comme articulation de la domination des préjugés. Ce petit ouvrage d’Ernst Topitsch et de Kurt Salamun (« Ideologie als Herrschaft des Vorurteils ») —dont j’ai fait une traduction raisonnée et commentée— démontrait comment tout discours idéologique masquait le réel, travestissait les réalités historiques, camouflait derrière des discours ronflants ou moralisants des réalités bien plus prosaïques et vénales. Topitsch, Salamun et Hans Albert, leur maître à penser, s’inscrivaient dans une tradition philosophique mettant l’accent sur le pragmatisme et la raison. Par conséquent, j’ai toujours estimé qu’il ne fallait jamais raisonner et analyser les faits de monde au travers du prisme d’une doctrine idéologique, quelle qu’elle soit. Au contraire l’attitude politique et intellectuelle qu’il convient de recommander est celle de Tite-Live, de Tacite et des « tacitistes » espagnols, dont faisait partie notre compatriote Juste-Lipse : recenser les faits, comparer, retenir des points récurrents, écrire des « annales d’empire », afin de pouvoir trancher vite en cas d’urgence, de décider sur base de faits d’histoire et de géographie, qui sont toujours récurrents. En effet, l’homme politique ne peut raisonner qu’en termes de temps et d’espace, puisqu’il est jeté, comme tous ses semblables, dans ce monde troublé, en perpétuelle effervescence, hic et nunc. L’idéologue est celui qui croit trouver des recettes soustraites aux affres du temps et de l’espace. Impossible. Il est donc un escroc intellectuel. Et un piètre politique. Il inaugure des ères de ressac, de déclin, de décadence, de déchéance.
A cette option « tacitiste », j’ajouterai la marque de Johann Gottfried Herder, théoricien au 18ième siècle d’une vision « culturaliste » de l’histoire, opposée aux schématismes de l’idéologie des « Lumières ». La vision herdérienne de l’histoire a eu un impact politique considérable en Flandre, en Allemagne, dans tous les pays slaves et scandinaves, en Irlande. Elle estime que le patrimoine culturel d’un peuple est un éventail de valeurs impassables, que l’homme politique ne peut négliger, ni mettre « à disposition », comme le dit Tilman Meyer, pour satisfaire une lubie passagère, une mode, un schéma idéologique boiteux, qui n’aura aucun lendemain ou, pire, inaugurera une ère de sang et d’horreur, comme à partir de Robespierre.
Ma position, face à la question qui interpelle tout publiciste quant à ses options idéologiques, est donc la suivante : je ne m’inscris nullement dans le cadre étroit, artificiel et fabriqué d’une « idéologie », mais dans le cadre d’une histoire européenne, qu’il faut connaître et qu’il faut aimer.
2. Quels sont les penseurs les plus importants pour vous?
J’estime que tous les penseurs politiques sont importants et que l’homme engagé, sur le plan métapolitique comme sur le plan politique, doit avoir une solide culture générale. On mesure pleinement le désastre aujourd’hui, quand on voit des huitièmes de savant se pavaner grossièrement sur la scène de la politique belge et européenne. Des huitièmes de savant passés maîtres évidemment dans l’art de hurler des slogans idéologisés, qui valent ce qu’ils valent, c’est-à-dire rien du tout. S’il est un penseur important à approfondir ou à redécouvrir aujourd’hui, c’est sans nul doute Carl Schmitt. Que des dizaines de politologues, dans le monde entier, et surtout près de chez nous aux Pays-Bas, sont en train de faire revivre. Mais Carl Schmitt a commencé à écrire à seize ans, a produit son dernier article à l’âge de 91 ans. Sa culture classique et sa connaissance des avant-gardes du 20ième siècle étaient immenses. Au-delà de son oeuvre qui insiste, comme vous le savez, sur l’esprit de décision, sur les constitutions, sur la notion de « grand espace », etc., nous découvrons au fil des pages, et surtout de son journal, Glossarium, —paru seulement après sa mort, à sa demande—, une connaissance très vaste de la culture européenne, non seulement politique, mais aussi littéraire et artistique. Ce constat, après lecture du Glossarium de Schmitt ou des Journaux de Jünger, m’induit à refuser cette facilité, très courante chez bon nombre de publicistes, qui consiste à sélectionner quelques figures, à les isoler du vaste contexte dans lequel elles ont émergé, à les simplifier, à en faire de vulgaires sources de slogans à bon marché, à les couper de leurs sources, souvent innombrables. Ce vain exercice de sélection et de simplification conduit trop souvent à des discours creux, tout comme l’exaltation des schémas idéologiques.
Je plaide par conséquent pour une connaissance réelle de toute la trajectoire de la pensée européenne, pour une connaissance des trajectoires arabo-musulmanes ou asiatiques, comme l’ont fait des auteurs comme Henry Corbin pour le monde iranien ou la mystique islamique, Thierry Zarcone pour cet étonnant mélange de soufisme et de chamanisme qui structure le monde turc, comme Giuseppe Tucci pour les mondes chamaniques et bouddhistes d’Asie centrale, etc. Aucune personnalité du monde intellectuel, aussi pertinente soit-elle, aucune époque, aussi riche soit-elle, ne sauraient être isolées des autres. L’Europe et le reste du monde ont besoin de retrouver le sens de la chronologie, le sens du passé: c’est la réponse nécessaire aux épouvantables ravages qu’a fait le progressisme en jugeant, de cette manière si impavide qui est la sienne, tout le passé comme un ensemble hétéroclite de méprisables reliquats, juste bons à être oubliés. La leçon du Prix Nobel de littérature V. S. Naipaul est à ce titre fort intéressante : on ne peut gommer le passé d’un peuple; toute conversion, aussi complète puisse-t-elle paraître, ne saurait oblitérer définitivement ce qu’il y avait « avant ». Naipaul nous enseigne à respecter le passé, à nous méfier des « convertis » aux discours tapageurs, tissés de haine. Pour moi, cette haine est certes le propre des talibans, que l’on a vu à l’oeuvre à Bamiyan en Afghanistan, est le propre des tueurs musulmans d’Indonésie, bien évidemment, mais aussi, chez nous, le propre du mental des tristes avataras de l’idéologie des Lumières: les ruines de l’abbaye de Villers-la-Ville et le trou béant de la Place Saint Lambert à Liège l’attestent, pour ne pas mentionner les autres sites en ruines depuis la révolution française, dont l’historien René Sédillot a dressé le bilan affligeant. La rage d’éradiquer, la frénésie de détruire sont bel et bien le propre de certaines conversions, de certaines idéologies, notamment de celles qui tiennent, ici chez nous, aujourd’hui, le haut du pavé.
Il nous faut donc retrouver le sens des humanités, comme on disait à la Renaissance, c’est-à-dire renouer avec nos antiquités et dire, avec Goethe, que « rien d’humain ne doit nous demeurer étranger ». Les faux « humanistes » professionnels, qui écervèlent les jeunes générations depuis mai 1968, et tiennent le pouvoir aujourd’hui, trahissent cet humanisme en usurpant justement le terme « humanisme », pour en faire, avec la complicité des médias, le synonyme de leurs forfaitures. Nos faux « humanistes », parlementaires ou « chiens de garde » du système dans les médias, vont à contre-sens de ceux qui ont donné à V. S. Naipaul un Prix Nobel que cet écrivain indo-britannique a très largement mérité. Quand, comme ces politiciens et ces médiacrates incultes, on pense que le discours, que l’on développe, est une panacée universelle indépassable, qu’elle incarne le « multiculturalisme », l’imposture éclate au grand jour: pour ces gens « tout ce qui est humain, c’est-à-dire tous les héritages situés » leur est étranger; leur « multiculturalisme » n’est ni multiple, puisqu’il vise l’homologation universelle, ni culturel, car toute culture est située, animée d’une logique propre, que le respect des choses humaines nous induit à préserver, à maintenir et à cultiver, comme nous l’enseigne Naipaul.
Donc il faut tout lire, tout découvrir et re-découvrir. Chacun selon ses choix (Goethe: « Ein jeder sieht, was er im Herzen trägt »), chacun selon ses rythmes.
3. Ce qui est frappant dans votre anti-américanisme de « droite », c’est qu’il est le pendant négatif de votre européanisme radical et qu’il est aussi multiforme : puisqu’il critique les aspects sociaux, culturels, économiques, géopolitiques et législatifs (questions de droit international) des Etats-Unis?
D’abord, je perçois dans votre question une anomalie fondamentale due sans doute aux mauvaises habitudes lexicales et sémantiques nées de la Guerre Froide. L’anti-américanisme n’est pas le propre des gauches. Historiquement parlant, c’est faux. L’anti-américanisme est une très vieille idée « conservatrice ». Petit rappel: l’inquiétude face à la proclamation de la doctrine de Monroe dans l’Europe de la Restauration était réelle. Ainsi, Johann Georg Hülsemann, le ministre autrichien des affaires étrangères en 1823, au moment où le Président américain Monroe proclame sa célèbre doctrine, avertit l’Europe du danger que représentent les principes dissolvants de l’américanisme. Tocqueville voit émerger une « démocratie », atténuée, jugulée ou contrôlée par des lobbies, forte de sa pure brutalité et de ses discours simplistes, dépourvus de toutes nuances et subtilités. L’aventure mexicaine de Maximilien a l’appui d’une Europe conservatrice qui veut remplacer outre Atlantique une Espagne qui n’est plus capable, seule, d’assurer là-bas sa mission. En 1898, les forces conservatrices européennes sont du côté de l’Espagne agressée et scandaleusement calomniée par les médias imprimés (déjà les mêmes tactiques de diabolisation outrancière!). Quand Sandino et ses partisans se dressent au Nicaragua contre l’emprise économique américaine, les forces conservatrices catholiques sont à ses côtés. La littérature française d’inspiration conservatrice fourmille de thématiques anti-américaines et dénonce le quantitativisme, la frénésie et l’économisme de l’American Way of Life.
Hülsemann décrit l’opposition de principe entre l’Amérique et l’Autriche-Hongrie comme un choc imminent, opposant des « antipodes ». Il avait vu clair. En effet, les politiques menées au nom d’une continuité millénaire, comme celle qu’incarnait l’Empire austro-hongrois, héritier de l’impérialité romaine-germanique, et celles menées au nom de la nouveauté intégrale, qui entend rompre avec tous les passés, comme l’incarnent les Etats-Unis, sont irréconciliables dans leurs principes, surtout si l’on veut transposer la nouveauté américaine dans le contexte européen et danubien. Dans cette lutte duale, et métaphysique, je suis évidemment du côté des continuités, quelles qu’elles soient et où qu’elles s’incarnent sur la planète.
Pour ce qui concerne la Russie, elle a été, dès la fin de l’ère napoléonienne, le bouclier de la Tradition dans le concert des puissances européennes, avec le dessein de ne plus laisser se déchaîner l’hydre révolutionnaire, qui, à cause de ses obsessions idéologiques et de sa volonté de transformer le réel de fond en comble, met fin aux guerres de « forme », idéologise les conflits et entraîne la disparition de la distinction entre civils et militaires, comme le montre les horreurs commises en Vendée. Dostoïevski, pourtant révolutionnaire décembriste au début de sa carrière, s’est, avec la maturité, parfaitement rendu compte de la mission « katéchonique » de son pays. Son Journal d’un écrivain explicite les grandes lignes de sa vision politique et géopolitique. Le traducteur allemand de ce Journal d’un écrivain n’est autre que la figure de proue de la « révolution conservatrice », Arthur Moeller van den Bruck. Ce dernier, sur base d’une connaissance très profonde de l’oeuvre de Dostoïevski, énonce la théorie russophile de la « révolution conservatrice » : la Russie est éternelle dans son refus des mécanismes révolutionnaires et du rationalisme étriqué qui en découle. Même si, en surface, elle devient « révolutionnaire », elle ne le sera jamais dans ses tréfonds. Donc l’Allemagne conservatrice doit s’allier à la nouvelle Russie soviétique pour se dégager de la cangue politique et économique que lui impose l’Occident libéral. Pour Moeller van den Bruck, le soviétisme n’est qu’un « habit », qui revêt, momentanément, une Russie « illibérale » qui ne peut se trahir. Cette idée revient à l’avant-plan dans le sillage de mai 68: en Occident, les derniers restes de bienséance traditionnelle, les institutions qui reflètent le fond ontologique de l’homme, sont battus en brèche par la nouvelle idéologie, alors qu’au même moment, en Union Soviétique, on assiste à un retour à de nouvelles formes de slavophilie traditionnelle.
Dans l’espace néo-droitiste allemand, cette renaissance slavophile faisait germer l’espoir d’une nouvelle alliance russe, pour secouer le joug américain, faire quitter le territoire allemand par les Britanniques et voir les Français retraverser le Rhin.
Dans l’espace néo-droitiste français, surtout sous l’impulsion indirecte du créateur de bandes dessinées Dimitri, l’image d’une humanité russe fruste mais honnête, intacte en son fond ontologique, agitait aussi les esprits. Pour certains, qui allaient évoluer vers un néo-national-bolchevisme, et redécouvrir, à la suite de la thèse de doctorat du Prof. Louis Dupeux, l’oeuvre d’Ernst Niekisch —le national-bolchevique du temps de la révolution spartakiste et de la République de Weimar—, la société soviétique était un modèle de décense face à un Occident perverti par l’idéologie soixante-huitarde, la permissivité générale et la déliquescence des moeurs.
Pour d’autres, mieux ancrés dans les rouages étatiques en Occident, l’affaire des missiles, le retour à l’idéologie d’un occidentalisme missionnaire des droits de l’homme, d’une idéologie de l’Apocalypse (l’Armaggedon, disait-on), l’évolution de la praxis politique internationale des Etats-Unis était inadmissible. Elle signifiait une immixtion totale. Elle assimilait l’ennemi au Mal absolu, ravivait en quelque sorte les guerres de religion, toujours horribles dans leur déroulement. Elle n’admettait plus la neutralité librement choisie d’Etats, pourtant en théorie libres et souverains, et assimilait la modération à de la tiédeur, de la lâcheté ou de la trahison. On a revu le même scénario pendant la guerre d’Irak: la diplomatie appartenait au passé, annonçaient les nouveaux bellicistes anti-européens à la Kagan; le monde devait suivre l’ « Empire » et punir tous les récalcitrants, posés d’office comme « immoraux ». Finalement, Staline et sa diplomatie des rapports bilatéraux entre Etats apparaissait comme un modéré, qui avait arrondi les angles d’une praxis internationale révolutionnaire et bolchevique, également apocalyptique, binaire et manichéenne.
Cette pratique des rapports bilatéraux permettait aux petites puissances des deux blocs en Europe d’amorcer, du moins en théorie et au nom de la liberté des peuples et des Etats de disposer d’eux-mêmes, des relations bilatérales sans l’intervention des deux superpuissances. Ce créneau théorique, notre ministre des affaires étrangères de l’époque, Pierre Harmel, a tenté de l’occuper. Il a voulu dégager les pays européens, au nom d’une idée d’ « Europe Totale », de l’étreinte mortelle du duopole américano-soviétique. Cette oeuvre de paix lui a valu d’être traité de « crypto-communiste ». Les atlantistes, comme le remarque Rik Coolsaet, qui entend s’inscrire dans la tradition harmélienne de notre diplomatie, ont torpillé cette initiative belge et ramené notre pays dans l’ordre atlantique. Cette immixtion intolérable dans notre liberté d’action postule, bien évidemment, pour tous les patriotes, de considérer l’atlantisme comme l’ennemi numéro un et les atlantistes comme des traitres, non seulement à la patrie belge, mais aussi aux patries flamande et wallonne et à la Grande Patrie européenne. La caballe contre Harmel, menée avec des complicités intérieures, surtout socialistes, constitue une intolérable ingérence dans les affaires européennes.
L’affaire Harmel a rebondi vers 1984, quand éclate à l’OTAN le scandale Kiessling. Le général allemand Kiessling voulait raviver la « Doctrine Harmel », qu’il défendait avec brio dans les colonnes de la presse ouest-allemande. Il souhaitait un partage des tâches plus équitable au sein de l’OTAN et l’accès d’officiers européens aux commandements réels. Les services américains ont considéré que cette exigence de justice et d’équité constituait une révolte inacceptable de la part d’un minable « foederatus » du nouvel empire thalassocratique. De toutes pièces, on a monté une caballe contre le Général Kiessling, en poste au SHAPE à Mons, arguant qu’il avait des rapports homosexuels avec son chauffeur. Au même moment, avec beaucoup de courage, Rik Coolsaet, haut fonctionnaire au ministère des affaires étrangères, ose, à son tour, réhabiliter la Doctrine Harmel, dans un livre qui comptera plusieurs rééditions. La tradition européiste reste donc malgré tout bien présente dans notre pays. Dans le cadre de votre travail, ou dans tout développement ultérieur de celui-ci, il serait bon que vous procédiez à une étude parallèle de l’européisme officiel de Harmel et de l’européisme « marginal » de Thiriart.
Le cadre de l’anti-américanisme de mes publications s’inscrit donc dans cette critique conservatrice de l’américanisme, bien étayée depuis les écrits de Hülsemann. Pour Hülsemann, qui écrit juste après la proclamation de la Doctrine de Monroe, l’américanisme peut tranquillement se développer derrière la barrière océanique que constitue l’Atlantique. Mon objectif n’est donc pas de critiquer tel ou tel aspect de la vie politique, sociale ou économique des Etats-Unis, car ils sont libres de développer les formes sociales qu’ils souhaitent voir advenir dans leur réalité quotidienne. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je dirais que si nous avons quelques fois critiqué certains aspects de la société américaine, c’est dans la mesure où ces aspects peuvent s’exporter en d’autres espaces de la planète, comme le craignait Hülsemann. Dans L’ennemi américain, j’ai surtout choisi de développer et de solliciter les arguments de Michel Albert dans son célèbre ouvrage Capitalisme contre capitalisme. Michel Albert, dont l’inspiration est essentiellement « saint-simonienne », défend le capitalisme ancré dans un espace donné, patrimonial et investisseur, soucieux de la survie des secteurs non marchands et démontre la nocivité des doctrines importées depuis le monde anglo-saxon, qui privilégient la spéculation boursière et ne se soucient nullement des dimensions non marchandes, nécessaires à la survie de toute société. Par conséquent, toute critique de tel ou tel aspect de la société américaine doit porter uniquement sur leurs aspects exportables et dissolvants. S’ils sont dissolvants, ils ne faut pas qu’ils soient importés chez nous. S’ils ne le sont pas et permettent au contraire de fortifier notre société, il faut les adopter et les adapter. Au cas par cas.
La géopolitique américaine a entièrement pour vocation de contrôler les rives européenne et africaine de l’Atlantique et les rives asiatiques du Pacifique, afin qu’aucune concentration de puissance économique ou impériale ne puisse s’y consolider. En réponse à ce défi, nous devons, malgré les innombrables difficultés, oeuvrer pour qu’un jour l’émergence de blocs soudés par l’histoire, en Europe et en Asie, redevienne possible. Autre nécessité, pour y parvenir: manifester une solidarité pour les continentalistes latino-américains, qui entendent se dégager de l’emprise nord-américaine. Le panaméricanisme n’est jamais que le camouflage du colonialisme de Washington, dans une vaste région du monde aux réflexes catholiques et traditionnels, qui respectent le passé européen. Dans le cadre de l’église catholique, il y a eu assez de voix pour plaider pour l’indépendance ibéro-américaine, des voix qui ont pris tantôt une coloration idéologique de droite, tantôt une coloration idéologique de gauche, notamment au temps de la « théologie de la libération ». Ces colorations n’ont pas d’importance de fond: ce qui importe, c’est l’indépendance continentale ibéro-américaine. Car si cette indépendance advient, ou si les Etats-Unis éprouvent de manière constante des difficultés à maintenir leur leadership, la cohésion du « nouveau monde » face à l’Europe et à l’Asie recule, à notre bénéfice commun.
Quand vous évoquez les aspects « législatifs » de notre critique de l’américanisme, vous voulez sûrement mentionner notre critique des principes non traditionnels de droit international que les Etats-Unis ont imposés à la planète depuis Wilson. Depuis le Président Wilson, sous l’impulsion des Etats-Unis, le droit international devient un mixte biscornu de théologie à bon marché, de principes moraux artificieux et d’éléments réellement juridiques qui ne servent que de decorum. Théologie, principes moraux et éléments de droit que l’on va modifier sans cesse au gré des circonstances et des intérêts momentanés de Washington. Les bricolages juridico-idéologiques des Kellogg et Stimson, manipulés contre les intérêts vitaux du Japon dans les années 20 et 30, les manigances de l’Administration Clinton dans l’affaire yougoslave en 1998-1999, les appels à détruire définitivement les principes de la diplomatie traditionnelle avant l’invasion de l’Irak au printemps 2003, attestent d’une volonté d’ensauvager définitivement les moeurs politiques internationales. Position évidemment inacceptable. L’oeuvre de Carl Schmitt nous apprend à critiquer cette pratique barbare de Washington, véritable négation des principes policés de la civilisation européenne, établis au cours du 18ième siècle, après les horreurs des guerres de religion. Dans l’idéologie américaine, les théologies violentes et intolérantes du puritanisme religieux s’allient aux folies hystériques de l’idéologie révolutionnaire française. Cette combinaison calamiteuse a contribué à ruiner la culture européenne et son avatar moderne, la civilisation occidentale. Sur base de leur excellente connaissance de l’oeuvre de Carl Schmitt, Günter Maschke, en Allemagne, et Nikolaï von Kreitor, en Russie, travaillent actuellement à élaborer une critique systématique de la pratique bellogène qui découle de ce « mixtum compositum » théologico-juridique.
4. Il y a chez vous, et c’est lié à vos études je suppose, un grand intérêt pour le monde germanique, à la fois au niveau historique et géopolitique, mais aussi au niveau de l’histoire des idées politiques et notamment au travers de la révolution conservatrice. Qu’en est-il?
Certes, mais, quantitativement, le « monde germanique », comme vous dites, est celui qui, au cours de l’histoire européenne, a produit le plus de textes politiques, philosophiques et idéologiques, tout simplement parce que la langue allemande est la langue européenne la plus parlée entre l’Atlantique et la frontière russe. Peut-on comprendre réellement les grands courants idéologiques contemporains en Europe et dans le monde, tels le marxisme, le freudisme, l’existentialisme, etc., sans se référer aux textes originaux allemands et sans connaître le contexte, forcément germanique, dans lequel ils ont d’abord émergé. J’ai toujours été frappé de constater combien étaient lacunaires les productions soi-disant marxistes ou freudiennes d’individus ne maîtrisant pas l’allemand. La même remarque vaut pour les conservateurs ou néo-droitistes ou nationaux-révolutionnaires qui se piquent de connaître les protagonistes allemands de « leur » idéologie, tout en ne sachant pas un traître mot de la langue tudesque. Le premier résultat de cette ignorance, c’est qu’ils transforment cet univers mental en une panoplie hétéroclite de slogans décousus, d’imageries naïves, de transpositions plus ou moins malsaines, panoplie évidemment détachée de son contexte historique, essentiellement celui qui s’étend de 1815 à 1914. La « révolution conservatrice », que vous évoquez dans votre question, est certes importante, dans le sens où elle exprime cette sorte de « néo-nationalisme » des années 20, sous la République de Weimar, soit un ensemble de courants idéologiques non universalistes, opposés au marxisme de la social-démocratie ou au libéralisme économique, ensemble assez diversifié qu’ont défini des auteurs comme Armin Mohler ou Louis Dupeux (Zeev Sternhell préférant parler, pour la France, de « droite révolutionnaire »). Cependant, si Mohler, par exemple, a dû opérer une coupure temporelle et limiter sa recherche aux années qui vont de la défaite allemande de 1918 à l’avènement de Hitler au pouvoir en janvier 1933, cet ensemble de courants idéologiques n’est évidemment pas hermétiquement fermé aux époques qui l’ont précédé et à celles qui l’ont suivi. Cette « révolution conservatrice » de 1918-1932 a des racines qui plongent profondément dans le 19ième siécle : notamment via la lente réception de Nietzsche dans les milieux parapolitiques, via les mouvements sociaux non politiques de « réforme de la vie », dont les plus connus restent le mouvement de jeunesse « Wandervogel » et le mouvement de l’architecture nouvelle, Art Nouveau ou Jugendstil, notamment l’école de Darmstadt et, chez nous, celles de Horta et de Henry Vandevelde (tous deux également très actifs en Allemagne). Ces mouvements sociaux étaient plutôt socialistes, voyaient l’avènement du socialisme d’un oeil bienveillant, mais, simultanément, offraient à ce socialisme naissant, une culture que l’on pourrait parfaitement qualifier d’ « archétypale », offraient des référents germanisants, celtisants ou néo-médiévaux, mettaient l’accent sur l’organique plutôt que sur le mécanique. La social-démocratie autrichienne de la fin du 19ième siècle présente ainsi des références qui sont davantage schopenhaueriennes, wagnériennes et nietzschéennes que marxistes. Sous le national-socialisme, certaines trajectoires intellectuelles se poursuivent sans être censurées. Et ces mêmes trajectoires se prolongent dans les années fondatrices de la République Fédérale, jusque très loin dans les années 60 et sous des étiquettes non nationalistes et non politiques.
Par ailleurs, la « révolution conservatrice » n’est pas un monde exclusivement allemand. Les passerelles sont très nombreuses : l’influence de Maeterlinck, par exemple, est prépondérante dans la genèse d’une nouvelle pensée organique en Allemagne avant 1914. J’ai déjà évoqué brièvement l’influence de l’école belge de Horta en Allemagne, et vice-versa, l’influence des écoles de Vienne et de Darmstadt, voire de Munich, sur l’Art Nouveau en Belgique, à Nancy et à Paris. La philosophie de Henri Bergson joue également un rôle capital dans la genèse de la révolution conservatrice. Un homme comme Henri De Man se situe lui aussi dans cette zone-charnière entre le socialisme vitaliste et populaire de la sociale-démocratie d’avant 1914 et les théories économiques non libérales du « Tat-Kreis » révolutionnaire-conservateur. Les influences des Pré-Raphaëlites anglais, de l’architecture théorisée par Ruskin, du mouvement « Arts & Crafts » en Grande-Bretagne ont influencé considérablement les théoriciens allemands du Jugendstil, d’une part, et l’architecture organique d’un Paul Schulze-Naumburg avant, pendant et après le national-socialisme, d’autre part. L’expressionnisme, mouvement complexe, diversifié, influence l’époque toute entière, une influence qui retombe forcément aussi sur l’espace intellectuel « révolutionnaire conservateur ». On ne saurait négliger l’influence des grands courants ou des grandes personnalités scandinaves telles Kierkegaard, Hamsun, Strindberg, Ibsen, Munch, Sibelius, Nielsen, etc. L’Espagne est présente aussi, par l’intermédiaire d’Ortega y Gasset, très apprécié en Allemagne, surtout chez les protagonistes catholiques de la « révolution conservatrice », dont Reinhold Schneider, qui a atteint le sommet de sa célébrité dans les années 50. Entre l’oeuvre de l’Anglais D. H. Lawrence et cet ensemble « révolutionnaire conservateur », d’une part, et le monde artistique contestataire et organique de l’époque, d’autre part, est-il possible d’établir une césure hermétique? Non, évidemment. La Russie, avec ses penseurs slavophiles, avec Leontiev et Dostoïevski, ensuite via l’émigration blanche à Berlin, pèse, à son tour, d’un poids prépondérant sur l’évolution des penseurs « révolutionnaires conservateurs ». La France, outre Bergson, influence les jeunes néo-nationalistes, dont Ernst Jünger, qui sont de grands lecteurs de Léon Bloy, de Maurice Barrès, de Charles Péguy, de Charles Maurras (en dépit de l’anti-germanisme outrancier de celui-ci).
La « révolution conservatrice » n’est donc pas vraiment une spécialité germanique, mais l’expression allemande, localisée dans le temps de la République de Weimar, d’un vaste mouvement européen. Il convient donc d’étudier les passerelles, de mettre en exergue les influences réciproques des uns sur les autres, de ne pas isoler cette « révolution conservatrice » de ses multiples contextes, y compris celui de la social démocratie d’avant 1914.
Connaissant la langue allemande, j’ai pris cet ensemble « révolutionnaire conservateur » comme tremplin, pour entamer une quête dans toute la culture européenne des 19ième et 20ième siècles. J’ai également utilisé les travaux de Zeev Sternhell (La droite révolutionnaire et Ni gauche ni droite) ainsi que les classifications du Professeur français René-Marill Albérès, spécialiste de l’histoire littéraire européenne. Albérès est justement l’homme qui m’a aidé à bien percevoir les innombrables passerelles entre courants littéraires provenant de toutes les nations européennes. Partant, la maîtrise des classifications d’Albérès, ajoutées à celle de Mohler, de Sternhell et de Dupeux (et du national-révolutionnaire historique Paetel), me permettait d’opérer une transposition vers la sphère des idéologies politiques.
Pour terminer ma réponse, je dirais que cet ensemble de courants idéologiques ne relève nullement du passé: le retour « postmoderne » à une architecture moins fonctionnelle, la nécessité ressentie de voir triompher un urbanisme de qualité à l’échelle humaine (comme le voulaient Horta et l’école de Darmstadt), la sensibilité écologique qui doit davantage à Bergson, Klages, Friedrich-Georg Jünger, D. H. Lawrence, Jean Giono et tant d’autres qu’aux soixante-huitards et marxistes recyclés dans la défense d’une nature à laquelle ils ne comprennent généralement rien, le mouvement altermondialiste qui cherche à jeter les bases d’une économie nouvelle, la guerre en Irak qui a fait prendre conscience de l’inanité de l’interventionnisme systématique des Etats-Unis (à l’instar de Carl Schmitt), l’engouement généralisé pour les grands courants religieux et mystiques, le goût du public pour l’aventure et les épopées, notamment sur les écrans de cinéma, montrent tous que les filons philosophiques, qui ont donné naissance à la « révolution conservatrice », qui l’ont irriguée et ont suscité de nouvelles veines, qui sont ses héritières, demeurent vivants.
5. Dans vos revues, il y a beaucoup de traductions d’articles provenant du monde germanophone, mais aussi latin (hispanique et italien) et, plus original encore, de l’Europe slave, en particulier de la Russie. D’une certaine façon, ne peut-on pas considérer votre revue comme une sorte de « Courrier International » de la pensée européiste?
En effet, le poids prépondérant de thématiques germanisantes au début de l’histoire de Vouloir, faisait dire, à quelques néo-droitistes parisiens jaloux, qui n’ont pas digéré entièrement l’anti-germanisme maurrassien en dépit de leurs dénégations et de leur germanomanie de pacotille, que mes publications étaient des « revues allemandes en langue française ». J’ai donc suivi des cours accélérés en langues espagnole, italienne et portugaise, de façon à acquérir une connaissance passive de ces langues et de traduire, avec l’aide d’amis et de mon ex-épouse, les articles de nos innombrables amis hispaniques et italiens. D’autres, que je remercie, m’ont aidé à traduire des articles du polonais et du russe. L’objectif a donc toujours été de dire « non » aux enfermements; « non » à un enfermement dans le carcan très étroit du belgicanisme institutionnel (ce qui n’est évidemment pas le cas de notre culture, qui a un message serein à offrir à tous), « non » à un enfermement dans le carcan de la francophonie officielle, « non » au carcan de l’eurocratisme, « non » au carcan de l’atlantisme. Par ailleurs, « non » aux carcans idéologiques et politiques, « non » aux deux carcans du « démocratisme chrétien » et du « laïcisme libre(!!!!!)-penseur » à la belge. La masse de textes, de thématiques diverses et variées, qu’offraient les éditeurs et les revues allemandes permettait de rebondir dans tous les domaines et dans tous les espaces culturels européens et d’éviter toute forme d’enclavement idéologique.
Au fond, je vais confesser ici pour la première fois que cette idée est très ancienne chez moi: elle vient de la victoire électorale du FDF aux élections communales de 1970. Flamand de Bruxelles, littéralement assis sur deux cultures, cette victoire électorale a fait pâlir mon père, l’angoisse se lisait sur le visage de cet homme de 57 ans, qui craignait la minorisation des Flamands de Bruxelles, un homme simple qui n’avait pas envie de subir l’arrogance d’une bourgeoisie et d’une petite bourgeoisie qui se piquait d’une culture française (qu’elle ne connaissait évidemment pas en ses réels tréfonds), un pauvre petit homme qui devinait aussi, instinctivement, que ce francophonisme de brics et de brocs, plus braillard que créateur de valeurs culturelles véritables, barrait la route de beaucoup aux cultures néerlandaise, allemande et anglaise, auxquelles les Flamands ont un accès plus aisé. Ensuite, ce qui le rendait malade, c’était les rodomontades des « traitres » : les Flamands de souche, installés à Bruxelles, qui croyaient s’émanciper, échapper à la culture, souvent rurale, qu’avaient abandonnée leurs parents en venant travailler dans la grande ville. Tout cela était confus dans la tête de mon père, qui aimait les Wallons, quand ils étaient authentiques. Il avait travaillé à Liège, comme beaucoup de Limbourgeois. Il aimait les Ardennais et surtout les Hesbignons, dont les Limbourgeois du Sud sont si proches et auxquels ils sont si souvent liés par des liens matrimoniaux. Et les Wallons du quartier, où nous vivions, n’avaient cure du bête « francophonisme » des nouveaux francophonissimes originaires de Flandre ou de Campine, qui n’avaient rien de wallon, qui agaçaient les vrais Wallons. Et les Ardennais de Bruxelles, comme mon père du Limbourg, ne reniaient pas leur culture catholique et rurale, qu’ils ne retrouvaient évidemment pas dans les rodomontades émancipatrices des zélotes du nouveau parti de Lagasse et de « Spaakerette ». Dans ma tête d’adolescent, tous ces affects paternels s’entrechoquaient, provoquaient des réflexions, sans doute fort confuses, mais qui allait être à la base de toutes mes entreprises ultérieures et surtout de ma décision d’étudier les langues germaniques. Car que proposaient les braillards du FDF, dont l’insupportable Olivier Maingain perpétue la triste tradition? Rien d’autre qu’un réductionnisme intellectuel, inacceptable en notre pays, carrefour entre quatre grandes langues européennes. Le multilinguisme est une nécessité et un devoir: à quatorze ans, j’en étais bien conscient. Mon père aussi. J’allais donc devoir, adulte, me battre contre l’ineptie qui venait de triompher, par la grâce des dernières élections. Il fallait commencer la bataille tout de suite. A cette heure, je n’ai pas encore déposé les armes.
Mais, il fallait que je me batte en français car le vin avait été tiré, j’étudiais dans cette langue, depuis ma première primaire, sans renier mes racines; il me fallait donc utiliser la langue de Voltaire pour commencer le travail de reconquista qu’il s’agissait d’entreprendre, non pas tant contre le FDF, manifestation éphémère, politicienne et périphérique d’un « francophonisme » bizarre, mixte monstrueux d’ « illuminisme » révolutionnaire et de « postmaurrasisme panlatiniste » (qui ne voulait pas s’avouer tel), mais contre tous les simplismes et réductionnismes que le (petit) esprit, se profilant derrière sa victoire, amenait dans son sillage. Toute cette bimbeloterie francophonisante finissait par m’apparaître comme des « plaquages » artificiels, des agitations superficielles sans fondements. La culture rurale matricielle me paraissait seule authentique (quelques mois plus tard, Mobutu évoquait l’authenticité zaïroise, banalisait le terme d’ « authenticité » et je ne pouvais m’empêcher de lui donner raison...). Cette notion d’authenticité était valable pour la Flandre et le Brabant thiois, pour la Wallonie et les Ardennes. Elle était valable aussi pour la seule région d’Europe que je connaissais à l’époque: le haut plateau franc-comtois dans le département du Doubs, les Franches Montagnes, fidèles à la tradition burgonde, fidèles à l’Espagne et à l’Autriche contre le Roi-Soleil, comme l’écrivait, dans un opuscule anti-jacobin, un certain Abbé Mariotte, auteur d’une petite histoire de la Franche-Comté, que je lisais avidement, avec amour, chaque été, quand nous étions là-bas, à l’ombre du clocher de Maîche. Une authenticité que m’avait fait découvrir un cadeau du concierge permanent du formidable manoir qui nous hébergeait à Maîche: Le loup blanc de Paul Féval, roman chouan et bretonnant, qui accentuait encore plus cette volonté d’aller aux racines les plus profondes, ici les racines celtiques d’Armorique, comme là le « saxonnisme » de Walter Scott, avec Ivanhoe et Robin des Bois. L’homme était donc tributaire de (et non déterminé par) l’appartenance au terroir de ses ancêtres et le nier ou l’oublier équivalait à basculer dans une sorte de folie, de démence maniaque, qui s’acharnait à éradiquer passé, souvenirs, liens, traces... jusqu’à rendre l’homme totalement anémié, vidé de tout ce qui fait son épaisseur, son charme, sa personnalité. Un tel homme est incapable de créer de nouvelles formes culturelles, de puiser dans son fonds archétypal: les portes sont ouvertes alors pour faire advenir une « barbarie technomorphe ».
1970, l’année de mes quatorze ans et l’année du triomphe du FDF, a déterminé mon itinéraire de façon radicale: au-delà des agitations politiciennes, jacobines, modernistes, toujours aller à l’authentique, avoir une démarche « archéologique » et « généalogique », sortir du « francophonisme » d’enfermement, s’ouvrir au monde et d’abord au monde proche, tout proche, qui commence à Aix-la-Chapelle, qui nous ouvre à l’Est, comme la langue française, non reniée et cultivée, ouvre au Midi. Quelques semaines après la victoire électorale du FDF, je m’en vais d’ailleurs, muni d’un catalogue du « Livre de Poche », quémander au Frère Marcel, une liste de bons livres à lire: il m’a fait découvrir Greene et surtout Koestler, sources de mon engouement pour la littérature anglaise. Mais aussi tous les classiques de la littérature française à l’époque: Cesbron, Mauriac, Bazin, Troyat...
Le « germanisme » était présent, comme la matrice culturelle du Flamand de Bruxelles, du fils d’immigré limbourgeois. Mais le germanisme était ouvert, tant au français (qui n’est pas le « francophonisme ») qu’à la latinité, que nous faisait aimer notre professeur de latin, l’inoubliable Abbé Simon Hauwaert. Balzac, Stendhal, Baudelaire et Flaubert sont d’ailleurs des exposants ante litteram de la « révolution conservatrice », en sont la matrice à bien des égards, dans leur critique incisive du « bourgeoisisme »: donc, une fois de plus, pas de frontière entre un espace français, qui serait hermétique, et un espace germanique, qui serait tout aussi hermétique. Par ailleurs, ce sont le baron Caspar von Schrenck-Notzing, directeur de Criticón (Munich), qui me fait découvrir l’Espagne de Balthazar Gracian, puis Günther Maschke (et Arnaud Imatz), qui me font découvrir Donoso Cortès. C’est par des études allemandes, ou traduites en allemand, que je découvre d’Annunzio et Pessoã. Plus tard, j’allais constater que la culture italienne est très ouverte à l’Allemagne et à l’Autriche, qu’elle traduit bien plus que l’édition parisienne, sans perdre la moindre once de sa latinité. Un exemple à suivre...
La lecture conjointe de Herder et de Heidegger allait donner des assises philosophiques à ce magma informel de l’adolescent.
6. Justement, une spécificité importante de votre démarche réside dans votre philo-slavisme et votre anti-soviétisme modéré qui s’est manifesté dès le début de votre itinéraire (à l’époque, où, sous l’impulsion de Ronald Reagan, on renoue avec la Guerre Froide la plus glaciale) et que vous partagez, quoique dans une autre optique, avec le PCN. Qu’en dites-vous aujourd’hui?
Entre 1970, que je viens de vous évoquer, et le début de l’aventure de Vouloir, treize années se sont écoulées. La Guerre Froide s’enlise. Le duopole n’a rien d’autre à proposer qu’une partition définitive du monde entre deux camps, animés chacun par une idéologie hostile aux matrices culturelles et aux authenticités fécondes, décrétées « archaïsmes » ou « fascismes » (à la suite notamment des hypersimplifications d’un Georges Lukacs). Derrière cette partition du monde, se profile une histoire européenne pluri-millénaire, où les horizons sont toujours vastes, où l’on ne bute pas sur un « Rideau de fer », à 350 km à vol d’oiseau de Bruxelles. Où l’on pouvait aller à Prague, à Varsovie et à Budapest, sans passer à travers un champ de mines, surveillé par des miradors. Le dégel avait fait espérer un assouplissement et voilà, soudain, que le reaganisme réactive la Guerre Froide, éloignant la possibilité d’une réconciliation européenne. La déception est immense, surtout, j’imagine, pour ceux qui avaient espéré que la « Doctrine Harmel », voire l’Ostpolitik de Brandt, allaient porter des fruits. La division européenne apparaît dès lors comme l’oeuvre d’un « talon d’acier », une anomalie scandaleuse, qu’il fallait combattre, à la suite de Thiriart et de son mouvement « Jeune Europe », afin de retrouver le dynamisme européen en direction du Sud-Est et des profondeurs du continent asiatique, conquis vers 1600 avant JC par les cavaliers iraniens, puis, à partir du 16ième siècle, par les Cosaques des Tsars. C’était un idéal d’ « Europe Totale », mixte de Harmel et de Thiriart. Et, derrière eux, se profilaient tout à la fois 1) un projet « démocrate-chrétien » (en réalité « conservateur » au sens metternichien du terme) de rééditer, cette fois sous le signe d’une pensée inspirée de « Rerum Novarum », la « Sainte-Alliance » conservatrice de 1814, Europe de l’Est voire Russie comprises, ou 2) une vision plus pragmatique, géopolitique et technique, comme celle d’Anton Zischka, inspirateur majeur du jeune Thiriart. Elle impliquait d’étudier les dynamiques à l’oeuvre dans ces espaces immenses. Une telle étude postule non seulement de connaître les atouts économiques de l’espace euro-sibérien, dans le sillage de Youri Semionov, mais aussi, à la suite de l’historien italien des religions, Giuseppe Tucci, l’héritage spirituel de ces peuples à la charnière de l’Europe et de l’Asie. Parmi les multiples aspects de cet héritage spirituel, la slavophilie et l’oeuvre de Leontiev, partisan d’une alliance avec les forces asiatiques contre un Occident « libéral-manchesterien » qui a trahi la Russie lors de la Guerre de Crimée. Raison pour laquelle mes amis et moi, nous n’avons cessé de nous intéresser à ces thématiques.
Le PCN, dans ses démarches, ne semble pas fort s’intéresser à la pensée organique russe. Or peu avant que la Guerre Froide ne reprenne sous Reagan, le dissident Yanov, établi en Californie, sort un ouvrage universitaire intitulé The Russian New Right, où il démontre que la pensée slavophile et néo-orthodoxe, fondamentalement anti-occidentale, et l’oeuvre de Soljénitsyne, impulsent, tant chez les établis que chez les dissidents de l’ex-URSS, une nouvelle révolution conservatrice, ou « nouvelle droite », avec des écrivains comme Valentin Raspoutine ou Youri Belov. Quant aux tenants de l’idéologie occidentaliste, on les retrouvait aussi, d’après Yanov, dans les deux camps. A Moscou, Alexandre Prokhanov, que j’allais rencontrer en 1992, était à l’époque directeur de la revue Lettres soviétiques. Il avait publié, pour la première fois dans une publication soviétique officielle, un numéro consacré à Dostoïevski, qui avait été mis à l’écart à l’ère soviétique la plus sourcilleuse. Prokhanov innovait. Je me suis procuré un exemplaire de cette revue à la « Librairie de Rome » à Bruxelles. Au même moment, Etudes sociales, autre publication émanant de l’Académie soviétique des sciences, réhabilitait le passé païen russe, dans un optique très semblable à celle de la « nouvelle droite ». Ces textes attestaient d’un changement et d’un abandon graduel des vieilles lunes progressistes du marxisme institutionnalisé, abandon qu’aucune officine « marxiste » belge ou française ne jugeait bon de faire. Les archaïsmes étaient toujours de mise chez nos communistes locaux. Leur déphasage par rapport aux legs de l’histoire et au réel ne faisait que s’accentuer. Rien n’a changé sur ce chapitre.
Ce chassé-croisé d’occidentalisme et de slavophilie chez les dissidents comme chez les établis, et le succès des néo-slavophiles, notamment dans l’orbite cinématographique, laissaient espérer une transformation lente de l’URSS en une nouvelle Russie conservatrice, capable de damer le pion à la superpuissance libérale, vectrice de toutes les déliquescences morales et spirituelles, fautrice du déclin intellectuel généralisé de l’Occident et matrice de la vulgarité marchande. Ce que nous haïssions dans le communisme s’estompait et ce que nous n’avons cessé de haïr, du plus profond de nos tripes, dans le libéralisme ne cessait de s’amplifier, jusqu’à atteindre l’effroyable monstruosité qu’il a acquise aujourd’hui, un monde où le banquier, être infect et infécond, inculte et vulgaire, accumulateur et comptable, vaut plus que le joueur d’accordéon du coin de la rue, être touchant de sincérité et de spontanéité. Chez nous, les acteurs de théâtre sont sûrs de crever de misère quand ils ne pourront plus monter sur les planches. En Italie, les professeurs d’université s’étaient mobilisés à l’époque contre les MacDo, qui finançaient Reagan et recevaient en échange le droit de s’établir dans tous les coins et recoins de l’américanosphère. Ces professeurs voulaient organiser un boycott général de la chaîne de « fast food »; chez nous, quand les étudiants de Gand ont voulu faire de même, par solidarité avec le corps académique italien, la minable crapule assurant la gérance d’une de ces auges de la mal-bouffe a eu le culot d’appeler les flics, qui ont verbalisé, et le corps académique, veule et lâche, n’a rien dit. On mesure aujourd’hui l’étendue du désastre. L’empoisonneur avait la « liberté » de commercer... et on ne pouvait y porter atteinte. La chaîne de ces fast-foods avait acquis le droit, grâce à Reagan, qu’elle avait financé, d’abaisser l’âge requis pour travailler dans le secteur de la restauration: depuis lors, les lycéens travaillent pour gagner l’argent de leurs cartes de GSM et le niveau d’instruction et d’éducation ne cesse de baisser; le monde sans relief des « petits jobs et boulots », stigmatisé par Hannah Arendt, est devenu la référence suprême.
Face à cette involution, perceptible dès le début des années 80, la société soviétique, malgré son caporalisme, sa froide rigueur idéologique, sa langue de bois, laissait entrevoir une renaissance, un dépassement de l’horreur économique par un retour aux valeurs qui avaient enthousiasmé les premiers slavophiles du 19ième siècle, ces disciples russes de Herder. Ensuite, sous les coups du néo-libéralisme triomphant, l’Europe perdait et le sens de l’Etat et le respect de ses héritages culturels. Face au « Dieu Argent », désormais honoré sans plus aucune retenue morale ou éthique en Occident, dans l’ « américanosphère » (Faye), Moscou semblait conserver un sens de l’Etat, avec une armée qui respectait des traditions russes (donc européennes), et un appareil culturel et académique, dont le Bolchoï, par exemple, était un fleuron. Les titres académiques semblaient mieux respectés qu’en Europe ou en Amérique. Le « fast food » est la manifestation sociale la plus tangible de cet avènement du « tout-économique », qui nous a tant scandalisé à l’époque, jusqu’à en devenir, je le concède, une véritable obsession récurrente, qu’atteste la littérature néo-droitiste et nationale-révolutionnaire.
Ensuite, Reagan et ses conseillers étaient bien conscients du fait qu’un discours exclusivement néo-libéral ne pouvait consolider leur pouvoir ni constituer une propagande efficace. Ils ont alors puisé dans le registre de l’idéologie religieuse puritaine, l’héritage américain des « Founding Fathers » et des « Pèlerins du Mayflower », où l’accent est souvent mis sur l’Apocalypse, jugée imminente, portée par le « Mal absolu », qu’il s’agit de combattre et d’éradiquer. Ce langage réactive les affects qui préfigurent les guerres de religion, alors que la pensée d’un Hobbes et toute l’évolution de la pensée politique européenne après les horreurs de la guerre de Trente Ans visaient justement à éviter de tels débordements. Le reaganisme met un terme définitif aux « formes » de la guerre et de la diplomatie traditionnelles. Cet infléchissement était inacceptable, même dans une optique conservatrice traditionnelle. Il ne faut pas se leurrer: si Reagan a été décrit par les gauches comme un « néo-conservateur », cette manière de percevoir les choses est fondamentalement erronée. Le puritanisme apocalyptique des « Pères Fondateurs » et des Puritains du 17ième siècle est le contraire diamétral des options « tacitistes » et « machiavéliennes », de la tradition régalienne européenne en général. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le retour, après Cromwell, du Roi en Angleterre ait contraint ces zélotes, à l’idéologie bibliste, à franchir l’Atlantique, où, espérait-on en Europe, ils allaient pouvoir vivre leurs utopies irréalistes et anti-historiques en vase clos.
Les Etats-Unis sont spécialisés dans le bricolage idéologico-théologique quand il s’agit de créer des vulgates médiatisables pour faire passer leur volonté dans les faits. Avec Reagan, nous avions, outre le néo-libéralisme, qui dissout toutes les formes politiques et culturelles, l’idéologie de l’Apocalypse, qui entend faire table rase des legs de l’histoire, et, surtout, une interprétation messianique des « droits de l’homme », impliquant un interventionnisme tous azimuts, qui flanquait tous les principes de la diplomatie traditionnelle par terre! Le Général Jochen Löser s’est dressé, à l’époque, et avec vigueur, contre ce mixte idéologico-théologico-économique, qui revient aujourd’hui à l’avant-plan avec Bush junior; avec l’armement moderne, cette nouvelle idéologie agressive risquait de déclencher une guerre d’annihilation totale en Europe centrale. Si les Etats-Unis maniaient une telle idéologie, la fidélité à l’alliance atlantique pouvait être remise en question. Harmel s’était proposé d’assouplir la « Doctrine Hallstein », rigide et pérennisant par son intransigeance la césure européenne, afin de mettre lentement fin à la chape pesante qu’était le duopole né à Yalta. La « Doctrine Harmel » était aussi un retour à la diplomatie traditionnelle, laquelle devait recevoir à nouveau la préséance. Löser et Kiessling entendaient y revenir au début des années 80, juste avant la perestroïka de Gorbatchev. Ce débat n’est pas clos: au printemps 2003, quand les troupes anglo-américaines entrent pour la deuxième fois en Irak, et que les Européens s’insurgent en arguant que toutes les voies diplomatiques n’avaient pas été exploitées, Robert Kagan, idéologue au service de la politique de Bush junior, annonce clairement, sans circonlocutions inutiles, que la diplomatie, « c’est du passé » et que l’avenir appartient à ceux qui ne s’en soucient nullement. La « Vieille Europe » est donc celle de la diplomatie, à l’idéologie « machiavello-tocquevillienne » et « tacitiste ». La « Nouvelle Europe » est celle qui va renier cet héritage pour suivre aveuglément le nouvel « Empire » qui agit arbitrairement selon ses intérêts immédiats.
Je ne crois pas que le PCN ait vraiment mis tous ces éléments dans la balance: il m’a donné la triste impression de se muer en un calque maladroit du stalinisme (revu par la propagande américaine du temps de la Guerre Froide), attitude typique des mouvements politiques marginaux qui cherchent à attirer l’attention sur eux par des prises de position qui font bêtement scandale.
7. Autre point commun avec le PCN et, par-delà cette formation, avec Jean Thiriart, vous avez fait, vous aussi, votre pèlerinage à Moscou. Quelles sont les perspectives avec les Russes et notamment avec Alexandre Douguine et l’actuel président russe Vladimir Poutine, de créer cet empire européen que vous appelez de vos voeux?
Je n’ai pas souvenir que le PCN, ou l’un de ces dirigeants, ait fait le « voyage à Moscou ». Fin mars, début avril 1992, je m’y suis effectivement rendu avec Alain de Benoist et Jean Laloux (secrétaire de rédaction de la revue Krisis). Les activités principales de ce voyage ont été 1) une conférence de presse où nous avons présenté les grandes lignes de la « nouvelle droite »; 2) un débat, dans les locaux de la revue moscovite Dyeïnn (« Le Jour ») avec Ziouganov et Volodine, exposants du parti communiste russe. Le dialogue a tourné autour de la notion de « Troisième Voie » en économie, c’est-à-dire, pour moi, ce que Perroux, Albertini et Silem ont nommé les « voies hétérodoxes », héritières de l’école historique allemande de Schmoller, Rodbertus, etc. Douguine et Prokhanov étaient les deux organisateurs de ces rencontres. Douguine a fait du chemin depuis lors. Il appuie aujourd’hui Vladimir Poutine, qui, à ses yeux, tente de redresser une Russie ruinée par le clan Eltsine et les oligarques.
Quelques mois plus tard, Thiriart, Schneider, Battarra et Terracciano se retrouvaient à leur tour à Moscou. En 1996, une équipe de « Synergies européennes », composée de Sincyr, Sorel et de Bussac, visite à son tour Moscou et rencontre d’autres personnalités, dont l’ex-dissident, le sorélien Ivanov, l’anthropologue Avdeev, et d’autres. Ces hommes oeuvrent dans d’autres perspectives. L’hispaniste Toulaev s’est joint à eux. Notre ami autrichien Gerhoch Reisegger s’est également rendu à plusieurs reprises à Moscou, ramenant de ses voyages des informations d’ordres économique et factuel très intéressantes. Wolfgang Strauss continue à publier une chronique permanente sur cet espace idéologique russe, dans les colonnes de la revue Staatsbriefe, qui paraît à Munich sous la direction du Dr. Sander. Tous les aspects de la pensée non conformiste —hétérodoxe— russe nous intéressent.
Quant à savoir si Poutine emportera le morceau, il me semble que la réponse se situe dans les extraits du dernier ouvrage de Reisegger que nous avons traduits. La consolidation du poutinisme dépend de l’organisation des transports (routes et chemins de fer), des gazoducs et oléoducs de l’Asie centrale, de la Sibérie, de concert avec l’Inde, le Japon et la Chine. Si une synergie parvient à s’établir, l’Eurasie demeurera eurasiatique. Sinon, les Américains préparent d’ores et déjà la riposte: le stratège Thomas Barnett propose aujourd’hui à l’établissement américain d’abandonner l’alliance européenne, de laisser l’Europe périr dans ses contradictions et de miser sur l’Inde et la Chine, voire sur une Russie détachée de l’Europe, afin de conserver les atouts américains en Asie centrale, acquis par la conquête de l’Afghanistan et la satellisation de l’Ouzbékistan. Barnett apporte la réponse américaine au projet de Henri de Grossouvre, soit le projet de créer un Axe Paris-Berlin-Moscou.
8.Après plus de vingt ans d’activités politiques et intellectuelles, quel est le bilan que vous tirez? Notamment sur les Etats-Unis et l’Europe?
Premier bilan, évidemment, comme Thiriart et de Benoist, et même comme Faye, c’est d’avoir constaté l’immense, l’incommensurable bêtise du « milieu identitaire ». En hissant la préoccupation au niveau européen, Thiriart avait voulu dépasser l’étroitesse des « petits nationalismes ». Avec son option « métapolitique », de Benoist avait voulu briser le cercle infernal des répétitions et des rengaines. Ils se sont tous deux heurtés à une incompréhension générale, hormis quelques notables exceptions qui ont tenté de poursuivre le combat. Thiriart n’a pas trop bien su emballer sa marchandise.Ses textes, denses, toujours au moins partiellement actuels, figuraient certes au milieu de dessins satiriques de toute première qualité, mais les écrits des autres « journalistes », dans la feuille du mouvement, laissaient vraiment à désirer et étalaient les fantasmes habituels du « petit nationalisme » ou de l’« extrême droite » au mauvais sens du terme. Thiriart a vraiment tout essayé pour gommer définitivement ces dérives: il avouait, dans un entretien accordé à l’avocat espagnol Gil Mugarza, n’avoir pas pu enrayer les multiples expressions de cette « psychopathologie » politique. Les hommes de notre temps ne raisonnent plus en termes de temps et d’espace, mais se laissent aveugler par les idéologies, les « blueprints » de Burke, déviance encore accentuée par la propagande médiatique, qui atteint désormais des proportions incroyables. Ignorant tout de la géographie, nos contemporains ne comprennent pas les enjeux spatiaux, seuls enjeux réels des conflits qui ensanglantent la planète. Leurs horizons sont vraiment limités, alors que l’on n’a jamais autant parlé de « mondialisme » ou d’« universalisme ».
Alain de Benoist, pour sa part, a tenté d’élargir et d’européaniser l’horizon culturel du milieu nationaliste français, dans lequel, dès l’adolescence, il avait fait ses premiers pas. Il lui a présenté des thématiques inhabituelles, fort intéressantes au départ, mais, en bout de course, force est de constater qu’il en a trop fait, qu’il a jonglé avec une quantité de choses diverses que ce public ne pouvait pas assimiler à la vitesse voulue. Alain de Benoist changeait trop souvent de sujet et son propre public, au sein du GRECE, ne suivait pas la cadence. Il s’en désolait, tempètait, rouspétait; on l’écoutait poliment, mais, au fond, on semblait lui dire, par le regard: « Cause toujours, tu m’intéresses! ». D’où, ce que j’appelle le « mouvement brownien » des brics et brocs culturels et cultureux agités par de Benoist. Henry de Lesquen parlait, à son propos, de prurit « noviste ». Deux handicaps marquaient la démarche du « Pape de la nouvelle droite »: une incapacité —en fin de course, et non pas, curieusement, au début de sa trajectoire— à opérer une synthèse et à se concentrer sur l’essentiel; bref, la dispersion et la confusion; ensuite, un désintérêt pour l’histoire et ses dynamiques, au profit d’une sorte d’idolâtrie pour les idées toutes faites, pour les corpus moraux plus ou moins bien échafaudés, pour le clinquant de concepts immédiatement médiatisables (dans l’espoir d’être enfin accepté, comme figurant ou comme acteur, dans le « PIF » ou « paysage intellectuel français »). Enfin, l’homme est tenaillé par l’inquiétude, par d’inexplicables angoisses, par un doute incapacitant, aux dimensions qui laissent pantois. Si Thiriart a été une cohérence au milieu des incohérences de l’extrême droite belge et italienne de son époque, de Benoist, lui, a démarré dans la cohérence pour se disperser dans un fatras de thématiques différentes et divergentes, dans un capharnaüm conceptuel qu’il est désormais incapable de maîtriser. Il m’apparaît aujourd’hui comme une sorte d’âne de Buridan, qui n’a pas à choisir entre deux picotins d’avoine, mais est perdu au milieu d’une foultitude de picotins, tous aussi alléchants, et ne sait plus où donner de la tête.
Ne cédons pas à cette aigreur, que l’on retrouve aussi chez un Guillaume Faye, qui la tourne en cynisme avec son sens du canular qui est inégalable, ou chez un Christian Bouchet, qui ne mâche pas ses mots pour fustiger l’inculture du « milieu identitaire ». Cette inculture n’est pourtant pas le propre de ce milieu mais bien le lot général de notre temps. La gauche n’est plus aussi « intellectuelle » qu’elle ne l’a été. Sachons que l’OSS visait, dès l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1941-42, à faire perdre à l’Europe son leadership intellectuel. L’effervescence de mai 68 et les pédagogies démissionnaires qui en découlent, en dépit de l’excellence de ce que Luc Ferry appelle la « pensée 68 » (avec Deleuze, Guattari, Foucault, Lévi-Strauss, etc.), a donné le coup de grâce aux établissements d’enseignement en Europe. La vague néo-libérale a simplement parachevé l’horreur. La méditation, la lecture, l’étude, la recherche sont des activités qui prennent du temps, qui empêchent de gagner vite beaucoup d’argent, pour pouvoir consommer tout aussi rapidement. Et empêcher l’adolescent ou l’étudiant de gagner de l’argent, même au détriment de ses études, relève, au regard du mental contemporain, d’un « archaïsme », méchant et pernicieux, d’un « fascisme » rétrograde. Au bout d’une décennie à peine, on a des instituteurs, des régents et des licenciés mal formés, qui ont moins lu, qui n’ont pas de passions littéraires bien étayées, qui ont butiné bêtement autour de toutes les loupiotes médiatiques faites de variétés de plus en plus vulgaires (Loft, Star Academy, etc.), qui ont gagné des sous pour se payer de la bimbeloterie high tech ou des fringues ridicules et, partant, ne se sont pas constitué de bibliothèques personnelles. L’influence des sous-cultures et des modes est de plus en plus désastreuse. A cela s’ajoute que le milieu identitaire est tout aussi indiscipliné que le reste de la société, que les « egos » y sont encore plus surdimensionnés, générant à la pelle des personnalités caractérielles. Très difficile dès lors de faire éclore dans un tel milieu une conscience historique prospective et volontariste, comme le voulait Thiriart, ou d’entamer une longue bataille métapolitique, comme le voulait de Benoist.
Pourtant, de nouvelles initiatives voient le jour. Elles sont au moins portées par des hommes au caractère plus trempé. De vrais travailleurs. Qui multiplient les initiatives et sont très présents sur internet. Cette nouvelle génération semble ouverte sur le monde. Elle est européiste, même en France, car la France contemporaine, qui se veut championne des abstractions universalistes les plus délirantes, l’a déçue. L’avenir nous dira ce que ce travail parviendra à réaliser. Deux éceuils à éviter: se méfier des modes, ne pas y succomber (comme Ulysse face au chant des sirènes); ne pas tomber dans la dispersion.
Ensuite, force est de constater que les Etats-Unis ont gagné la guerre: en Europe en 1945 (mais ça, tout le monde le sait déjà), dans les Balkans en 1999, ce qui leur permet de contrôler l’espace-tremplin de l’Europe vers le Moyen-Orient, utilisé par Alexandre le Grand puis par les Ottomans, en Afghanistan en 2001, ce qui leur permet de contrôler l’Asie centrale, en Irak en 2003, où ils se sont emparé des principales réserves énergétiques du monde, en Afrique centrale et occidentale, ce qui leur permettra de contrôler les ressources pétrolières inexploitées du continent noir. Cette série de victoires est due à leur avance technologique, notamment sur le plan satellitaire. Pire: la riposte européenne ne sera guère possible car en s’emparant d’Avio en Italie, de Santa Barbara Blindados en Espagne, de l’usine de sous-marins allemand, bientôt de Rheinmetall, les consortiums américains, dont le fameux Groupe Carlyle, ont mis la main, par des coups en bourse, sur les entreprises qui forgent les armes européennes. Le Général allemand Franz Ferdinand Lanz a déclaré à ce propos: « Toute armée dépendant d’une industrie militaire étrangère est une armée de deuxième classe ». « Dans tous les cas de figure, l’armée est l’expression et la garante de la souverainté d’un Etat ». « Seules les puissances qui disposent d’un potentiel stratégique produit par une industrie militaire indépendante, sont en mesure de s’affirmer, même modestement, sur la scène internationale ». Cette fois, il n’y a pas lieu de parler de la simple souveraineté d’un Etat, mais de celle de tout un continent, de toute une matrice de civilisation. L’Europe est donc aujourd’hui une « impuissance » édentée.
9. Dans vos revues, au cours des années 80, vous avez défendu des positions neutralistes; est-ce la même logique qui vous fait défendre un monde multipolaire ou constitués de grands blocs qui ne pratiqueraient pas entre eux la politique d’ingérence et d’immixtion, qui semble dominante aujourd’hui?
Entendons-nous d’abord sur le terme « neutralisme ». Le neutralisme n’est pas une idéologie démissionnaire, un pacifisme bêlant comme celui des gauches qui manifestaient contre l’installation des missiles américains, au début des années 80. Le neutralisme, pour moi, est armé et même surarmé. L’exemple est helvétique et suédois, autrichien et yougoslave. Il s’agissait d’organiser une armée de citoyens, capable de mailler totalement le territoire. Il impliquait la fusion armée/nation. Sur le plan diplomatique, il s’interdisait de participer à des alliances, comme l’OTAN, par exemple, et mettait l’accent sur l’indépendance et la souveraineté nationales. Parallèlement à ce neutralisme classique, de type suisse, il y avait aussi le gaullisme, ou la sanctuarisation nucléaire du territoire national. Cette option neutraliste ou gaullienne impliquait aussi de conserver des usines d’armement nationales et de créer les conditions d’une autarcie militaire. La Suède y parvenait. L’Europe, à plus grande échelle, aurait parfaitement pu réussir sa déconnexion, par rapport aux blocs atlantique et soviétique. C’est aussi ce que réclamait les Tchèques lors du printemps de Prague: rappelez-vous le Paris-Match de l’époque, avec cette jeune fille pragoise, blonde et fort maigre, qui, devant les chars soviétiques qui entraient dans la ville, portait sur la poitrine un écriteau, avec ce seul mot: « Neutralitu ». Elle exprimait le désir de la population tchèque et slovaque de se dégager du bloc soviétique sans pour autant vouloir se noyer dans le bloc capitaliste. Un mouvement neutraliste, de part et d’autre du Rideau de Fer, suite logique d’une application graduelle de la « Doctrine Harmel », aurait rendu à l’Europe son indépendance et sa puissance.
En 1984, quand j’ai rencontré le Général Löser, lors de la Foire du Livre de Francfort, il venait de sortir un livre programmatique, appelant ses compatriotes, les ressortissants des trois Etats du Bénélux, les Hongrois, les Tchèques, les Slovaques et les Polonais à se dégager des blocs. Ce livre s’intitulait justement Neutralität für Mitteleuropa. Löser, ancien Commandeur de la 24ième Panzerdivision de la Bundeswehr et rescapé de Stalingrad, était aussi un théoricien militaire qui s’alignait sur les stratèges Spannocchi (Autriche), Brossolet (France gaullienne), sur leurs homologues yougoslaves, suisses et suédois. Sa neutralité n’était pas une neutralité désarmée, mais, au contraire, une neutralité vigilante et citoyenne, centrée sur elle-même et non aliénée par l’appartenance à un bloc, dominé par une superpuissance, qui oblitérait les spécificités nationales et tenait sa part d’Europe sous tutelle.
Le monde est effectivement multipolaire. On ne peut réduire l’inépuisable diversité humaine à deux blocs ou à un monde global unifié,comme le voudrait le « nouvel ordre mondial » de Bush-le-Père et de son théoricien Francis Fukuyama (qui a révisé ses positions depuis ses euphories du début des années 90). Les Etats-Unis veulent imposer leur modèle et utilisent, pour y parvenir, l’idéologie des « droits de l’homme », indéfinie, mise à toutes les sauces, manipulable à l’envi (on l’a vu au Kosovo, où elle a servi à mettre en place un régime de mafieux et de maquereaux). L’idée d’un « nouvel ordre mondial », outre ses aspects missionnaires, part du principe d’un genre humain indifférencié ou de l’idée d’un genre humain amnésique, épuré de tous les legs de l’histoire, dévalorisés a priori comme s’ils n’étaient que de vulgaires scories. Or les hommes ont été appelés à créer des formes, variées et différentes, sur la Terre. Ce sont ces formes qui font l’humanité, qui permettent de dépasser le stade purement animal et générique de l’espèce. Par conséquent, l’espace politique de la Terre n’est pas un « uni-versum », mais un « pluri-versum ». Le respect du passé, des formes, des continuités, comme nous l’enseigne Naipaul, postule de respecter ces acquis, de ne pas vouloir revenir à un stade purement générique et de ne pas vouloir éradiquer purement et simplement, avec une rage frénétique, ce qui a été, est et demeurera. L’acceptation de la nature « pluri-verselle » de l’échiquier mondial implique de reconnaître la multiplicité des pôles politiques dans le monde. C’est donc bien une option « multipolaire ».
Face à la volonté américaine d’établir un « nouvel ordre mondial », la Chine, notamment, a suggéré des « amendements ».D’abord, elle a souhaité une adaptation de la notion de « droits de l’homme » à chaque aire civilisationnelle de la planète. Chaque aire de civilisation adapterait ainsi la déclaration universelle des droits de l’homme à ses propres spécificités culturelles, et la Chine, par exemple, lui donnerait une connotation « confucéenne ». La Chine a demandé à l’Occident de « respecter l’étonnante pluralité des valeurs et des systèmes sociaux, économiques et politiques », de « renoncer à toutes manoeuvres coercitives d’unification ou d’uniformisation ». Les Chinois estiment, à juste titre, que: « ces dix mille choses peuvrent croître de concert, sans se géner mutuellement, et les taos peuvent se déployer parallèlement sans se heurter ». C’est l’esprit de la « Déclaration des Droits de l’Homme de Bangkok », proclamée le 2 avril 1993. La Chine a tenté de faire front, de s’opposer à la volonté américaine d’homogénéisation de la planète. Elle s’est expressément référée à la notion de « pluralité ». Sa volonté était aussi d’imposer un modèle des relations internationales, reposant sur les « cinq principes de la coexistence pacifique »: 1) le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats; 2) le principe de non-agression; 3) le refus de toute immixtion dans les affaires intérieures d’Etats tiers; 4) l’égalité des partenaires sur l’échiquier international; 5) le respect des besoins vitaux de chacun (auxquels il est illicite de porter atteinte). Ces cinq principes, me semble-t-il, résument parfaitement nos propres positions « multipolaristes ». Ils sont l’expression d’une antique sagesse, qu’il serait sot de ne pas écouter.
10. Votre vision d’une Europe impériale est donc tout-à-fait antinomique de tout impérialisme à l’intérieur ou à l’extérieur de celle-ci. Qu’en est-il?
Le débat qui porte sur l’Europe impériale, sur les impérialismes intérieur et extérieur est sans fin. La notion d’Empire en Europe remonte aux Romains. La personnalité collective, porteuse de cet Empire, est le « Senatus Populusque Romanus », soit le Sénat et le Peuple romains. Par la « Translatio Imperii », elle passe aux Francs de Charlemagne (« Translatio Imperii ad Francos »), puis, avec Othon Ier, à l’ensemble des peuples germaniques (« Translation Imperii ad Germanos »). Ou plus exactement, aux ressortissants des territoires relevant du « Saint Empire Romain de la Nation Germanique ». Cela a été tout théorique, surtout après l’élimination de la descendance de Frédéric II de Hohenstaufen. Outre les vicissitudes dynastiques du Saint Empire, le noyau territorial concret de cet ensemble, forgé depuis César (Caesar / Kaiser), implique d’unir le continent européen autour de trois bassins fluviaux, le Rhône (conquis depuis Marius), le Rhin et le Danube, plus le Pô en Italie du Nord. C’est à partir de ces trois bassins, et des territoires qui se situent entre eux, et à partir de la plaine nord-européenne aux fleuves parallèles, de l’Yser au Niémen, que l’Europe doit se former. C’est, disait le géopolitologue autrichien, le Général-Baron Jordis von Lohausen, la paume de la main « Europe », dont les doigts sont les espaces périphériques: scandinave, ibérique, italique, balkanique, britannique. Sans une cohésion solide de cette paume, pas d’unification européenne possible. Et sans cette unification, c’est l’anarchie et la dissolution. Or c’est ce désordre et cette dispersion qui ont été le lot de l’Europe au cours de l’histoire post-romaine. Napoléon a voulu l’unifier à partir de la frange occidentale de la paume, l’espace gaulois, dont les bassins fluviaux portent vers l’Atlantique et non pas vers le cœur du continent, dont l’artère majeure est le Danube, symbole fluvial de l’Europe comme forme de vie. La tentative napoléonienne est donc grevée d’une impossibilité physique et géographique. L’ « hegemon » ne pouvait être français, à cause des faits géographiques et hydrographiques, qui sont évidemment incontournables. Hitler est prisonnier de la vision « ethniste », qui domine en Allemagne à son époque. Il se vaut libérateur et émancipateur, fondateur d’un nouvel ordre social, plus juste et plus efficace pour les ouvriers et les paysans. Il séduit. Incontestablement. Mais quand ses troupes entrent en Bohème tchèque, à Prague, elles réduisent ipso facto à néant le principe cardinal de la politique allemande, depuis la « prussianisation » protestante du « Reich ». En entrant dans l’espace linguistique tchèque, les armées de Hitler remettaient en question le fondement même du Reich protestantisé, et donc particulariste, et la propre propagande ethniste du national-socialisme. Une contradiction qui n’a jamais pu être surmontée, avant la fin du deuxième conflit mondial. De Gaulle, après 1945, et surtout dans les années 60, veut assumer une sorte de leadership, mais sa France, bien que souveraine et membre du Conseil de sécurité de l’ONU, n’est plus prise au sérieux: la défaite de 1940 est toujours dans les têtes, le pays paraît pauvre et archaïque (cf. les études d’Eugen Weber sur la France rurale), ne séduit pas les Nord-Européens qui le regardent avec commisération, les défaites coloniales d’Indochine et d’Algérie écornent son prestige. La France gaullienne, en dépit de ses efforts, ne sera pas le « Piémont » d’une Europe dégagée des blocs. Le retour à une Europe impériale ne sera possible que s’il y a unanimité des Européens, sans autre « hegemon » que la volonté organisée et structurée des européistes de toutes nationalités.
Il est évident que le colonialisme de papa, essentiellement capitaliste dans son essence, est inacceptable dans la situation actuelle. En Indochine, par exemple, l’imbroglio de 1940 à 1946, entre Japonais, Français de Vichy et de Londres, Britanniques, Américains, Indochinois de droite et Vietminh, semblait insoluble. Les Japonais avaient appuyé les mouvements d’émancipation anticolonialistes; les Américains avaient pris le relais. Il était évident que la seule solution raisonnable, pour la France de Londres, qui appartenait au camp des vainqueurs, aurait été de négocier directement avec le Vietminh, plus nationaliste que communiste au lendemain de l’occupation japonaise. Un accès graduel mais rapide à l’indépendance des territoires indochinois aurait permis de sauver une certaine présence française, donc européenne, de se faire le champiuon de l’émancipation coordonnée des peuples extra-européens, dans ce territoire hautement stratégique, où se situent les embouchures des grands fleuves asiatiques, qui prennent leurs sources sur les flancs de l’Himalaya (Fleuve Rouge, Mékong, ...). Les hésitations, l’illusion de vouloir perpétuer un empire colonial du 19ième siècle dans les conditions très différentes d’après 1945 a empêché les uns et les autres de trouver une solution rapide et harmonieuse.
La défaite de Dien Bien Phu encourage ensuite la rébellion algérienne, qui couvait depuis les événements sanglants de Sétif en 1945. Mais, l’Algérie se trouvant aux portes de l’Europe, l’histoire de sa conquête et de sa colonisation est fort différente de celle de l’Indochine. Si la présence française en Extrême-Orient est due à la course effrénée de toutes les puissances européennes pour se tailler une fenêtre sur le Pacifique, la conquête de l’Algérie, après 1830, provient d’une volonté européenne d’imposer à la France une tâche « réparatrice », après les guerres révolutionnaires et napoléoniennes. La France avait été l’alliée des Ottomans et des Barbaresques contre la légitimité impériale; elle s’était mise ainsi au ban des nations européennes. Comme la piraterie barbaresque ne cessait de sévir au début du 19ième siècle, l’Europe de la Sainte-Alliance a décidé d’y mettre un terme et de charger la France de cette mission. La présence d’une puissance européenne en Afrique du Nord se justifiait par la nécessité de sécuriser la Méditerranée, de garantir la libre circulation des navires européens et d’éviter les rafles d’esclaves sur les côtes chrétiennes de la Méditerranée. Si la France n’avait pas imposé son système jacobin aberrant en Algérie, la révolte n’aurait pas été aussi sauvage et la décolonisation aurait sans doute pu s’opérer dans l’harmonie. En dépit de cela, l’Europe aurait dû se montrer solidaire des Européens d’Algérie, appuyer la France et les colons espagnols et italiens d’Algérie. L’Espagne avait un droit d’intervenir en Oranie, où la population européenne de souche espagnole était majoritaire. L’Europe, et surtout l’Espagne (avant même la France), a le droit d’entretenir des troupes en Afrique du Nord en représailles des agressions sarazines et barbaresques, qui ont duré plus d’un millénaire. On ne peut transposer l’idée d’une libération nationale et anticoloniale, comme elle s’est exprimée en Indochine, en Afrique du Nord, puisque l’intervention française est la réponse européenne à des agressions répétées et particulièrement horribles. Au nom du Testament de Charles-Quint, qui doit constituer le bréviaire de tout homme politique qui se respecte en Belgique, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Croatie, en Italie et en Espagne, les zones d’Afrique du Nord doivent être tenues constamment sous surveillance. La présence espagnole à Ceuta et Melilla est ainsi entièrement justifiée, ne peut être soumise à révision, même si nos concitoyens de souche marocaine ne le comprennent pas.
Toute démarche impériale offensive, en dehors de la zone initiale d’un Empire, est justifiable si elle est dictée par des motifs stratégiques et géopolitiques. En revanche, elle est injustifiable si elle est dictée par des motifs économiques. De même, autre facteur dont il faut tenir compte: la proximité spatiale. En Indochine, la France est une « raumfremde Macht » (une puissance étrangère à l’espace), exactement comme l’Allemagne avait été une « raumfremde Macht » en Micronésie avant 1918, ce que reconnaissait pleinement le géopolitologue Haushofer. En Afrique du Nord, aucune puissance européenne riveraine de l’Atlantique et de la Méditerranée n’est une « raumfremde Macht », puisque toutes ont subi les agressions sarazines ou barbaresques pendant près d’un millénaire. L’Europe a le droit inaliénable de protéger ses abords, même en constituant des glacis hors de son espace propre. En Europe même, aucun colonialisme intérieur n’est acceptable.
Les Etats-Unis sont en train de créer un OTAN-Sud comprenant tous les pays arabes d’Afrique du Nord, du Maroc jusqu’à l’Egypte, Libye comprise, afin de pénétrer l’Afrique subsaharienne et d’y puiser les richesses du sous-sol, non encore pleinement exploitées. L’OTAN-Sud arabophone a donc deux fonctions: 1) parachever l’encerclement de l’Europe; 2) contrôler l’Afrique subsaharienne et servir de verrou entre l’Europe et celle-ci. Ce projet n’est possible que sans présence européenne en Afrique du Nord, d’où la bienveillance américaine à l’égard des terroristes algériens en lutte contre la France jadis, à l’égard du Maroc contre l’Espagne à la fin des années 50, enfin, à l’égard de l’agression marocaine contre Perejil et l’Espagne en juillet 2002. Les Etats-Unis misent sur le trop-plein démographique nord-africain, sur le « Youth Bulge » comme disent leurs stratèges, afin d’y recruter des mercenaires pour bloquer l’Europe par le Sud et engager des troupes le long des nouveaux oléoducs qui achemineront le brut africain vers les côtes de l’Atlantique, si des troubles ou des rébellions enflamment la région. L’émergence imminente d’un OTAN-Sud aurait dû inciter les autorités européennes à la vigilance. L’Europe perd toutes ses cartes en Afrique.
La question de l’impérialisme extérieur est donc bien trop complexe pour la réduire à ces schémas binaires dont se gargarisent les belles âmes de gauche.
11. Actuellement, il semble que l’anti-américanisme soit à la mode. Quelles sont vos critiques à l’égard de celui-ci et de l’anti-Bushisme médiatique?
Si l’anti-américanisme a le vent en poupe actuellement, c’est dû essentiellement à une décennie et demie d’interventions américaines dans le monde. La disparition de la « Soviétie », et donc la fin de la Guerre Froide, avait fait espérer, surtout en Europe, l’avènement d’une longue ère de paix, de reconstruction, de fraternité, où les deux parties de l’Europe se seraient lentement mais sûrement resoudées. Les Etats-Unis ont déçu cet espoir. C’est la raison majeure de l’anti-américanisme réel et sincère qui déferle sur la planète et surtout sur l’Europe. Mais il existe aussi un « anti-américanisme » fabriqué, notamment dans les milieux « altermondialistes ». Christian Harbulot, officier et stratége français, spécialiste de la « guerre cognitive », constate que l’ouvrage théorique majeur, censé exprimer la sensibilité altermondialiste, Empire de Hardt et Negri, évoque lourdement la nécessité d’organiser une « résistance » en « réseaux », dont la caractéristique majeure serait d’être non territorialisée. Cette idée est devenu le « joujou » de la nouvelle gauche actuelle. Or, on ne peut résister sans avoir de base territoriale, sans restructurer des souverainetés territorialisées, de préférence à l’échelle continentale. Par conséquence, une « résistance » déterritorialisée ne débouche sur rien, comme le constate très justement Harbulot. La gauche est aussi très excitée parce que Bush est républicain. Or les démocrates, que cette gauche juge plus pacifiques, sont tout aussi bellicistes, comme l’a prouvé l’Administration Clinton, en déclenchant la guerre dans les Balkans. Kerry, nouvelle figure de proue démocrate, accepte le fait de la guerre en Irak et appartient vraisemblablement au même groupe étudiant de Yale, la fameuse société « Skull & Bones », dont les Bush ont fait partie et qui semble être le noyau dur, dont sont issus les dirigeants américains actuels. La gauche ne tient pas un raisonnement géopolitique mais « moraliste ». Or on ne riposte pas à une agression militaire, permanente et planétaire, par des déclarations moralisantes. Elles ont toujours eu, ont et auront un effet nul.
L’anti-bushisme se borne à ridiculiser le Président américain, à dire qu’il est un « idiot », alors que la démarche impériale qu’il poursuit a été jusqu’ici couronnée de succès. Certes, c’est au détriment de l’Europe, de la Russie et du nationalisme arabe laïc, mais, objectivement, cette stratégie, assortie de culot et d’audace, foulant aux pieds le droit international, paie. Les lamentations ne servent donc à rien et l’anti-bushisme à la Michael Moore n’est finalement qu’une dérivation, qui sert à dire : « Voyez, nous sommes réellement démocrates, nous tolérons la critique, nous admettons que l’on soit outrancièrement irrévérencieux à l’égard du Président ». Pendant ce temps, les chars tirent sur Bagdad, les grandes entreprises logistiques comme Halliburton entrent en action, les satellites espions ne cessent pas de fonctionner.
12. Les mouvements d’extrême-gauche sont aussi souvent très anti-américains. Que pensez-vous de leurs thèses?
Les mouvements d’extrême-gauche devraient se livrer à un petit travail d’anamnèse. La gauche extrême, qui existe aujourd’hui, est l’héritière de ceux qui scandaient, en Allemagne et à Paris entre 1967 et 1969: « Ho Ho Ho Chi Minh!». Or cet homme politique vietnamien, qui a dégagé son pays des tutelles japonaise, française et américaine, a d’abord négocié avec Washington dans le dos des Français, immédiatement après la seconde guerre mondiale. Ho Chi Minh a d’abord été un agent américain, avant de devenir un ennemi de Washington dans le Sud-Est asiatique. Après le départ des troupes américaines en 1975, les relations américano-vietnamiennes se sont rapidement « normalisées », prouvant que, malgré l’horreur de la guerre du Vietnam (bombardements sur Hanoï, défoliation des forêts tropicales indochinoises par l’agent orange, etc.), des passerelles entre les deux pays existaient, tout comme d’ailleurs, entre la Chine de Mao et les Etats-Unis, notamment par l’intermédiaire de brillants journalistes sinologues.
Ce qui caractérise les diverses extrêmes gauches, c’est l’absence de rétrospective historique, c’est l’amnésie, c’est une propension agaçante à raisonner en termes figés, à ériger des mythologies propagandistes au rang de vérités historiques. J’ai toujours trouvé de bonnes analyses factuelles dans les publications et chez les auteurs dits d’« extrême gauche », mais les conclusions étaient trop souvent erronées, car elles partaient de raisonnements détachés du flux de l’histoire, lequel ne s’arrête pas. On a assisté plus d’une fois à des débats stériles pour tenter d’interpréter les nouvelles donnes qui surgissaient sur l’échiquier international. Je me rappelle surtout des discussions sans fin (et sans objet) au moment du rapprochement sino-soviétique en 1972, puis, dans la foulée, entre partisans du Vietnam devenu entièrement communiste et partisans du Cambodge de Pol Pot. Tout cela a fini par lasser le public. L’extrême gauche relève donc, le plus souvent, d’un rituel sans impact politique réel. Tout comme l’extrême droite d’ailleurs, qui cultive d’autres fantasmes.
Aujourd’hui, les thèses les plus intéressantes débattues dans le petit espace de l’extrême gauche internationale sont indubitablement celles de Noam Chomsky. L’analyse géopolitique n’y est pas clairement énoncée. L’option moraliste et internationaliste de ce corpus ne permet pas d’incarnation politique réelle, puisqu’elle entend se situer au-delà des Etats nationaux, tout en admettant que les nations du tiers-monde, mais elles seules, ont un droit à l’auto-détermination. L’Europe est généralement assimilée, ni plus ni moins, au camp « impérialiste », alors qu’elle est sous tutelle et ne dispose d’aucune marge de manœuvre réelle! Tous les faits énoncés par Chomsky, Chossudovsky, etc. doivent être inclus et assimilés dans les analyses géopolitiques classiques, qui se hissent bien évidemment au-dessus des étiquettes et clivages idéologiques. La fusion des deux corpus pourrait donner à terme un outil politique efficace. Quant à l’altermondialisme, je le répète, il ne peut se laisser piéger par le leurre qu’on lui agite sous le nez, à savoir cette idée de « réseaux » sans ancrage territorial.
13. Quelle est votre opinion sur la Guerre Froide? A-t-elle été une mascarade et, si oui, pourquoi les Etats-Unis ont-ils poussé à la chute de l’URSS?
La Guerre Froide est un répit. Il s’agissait d’assiéger, de « contenir » l’URSS, soit, dans le langage du géopolitologue britannique Mackinder, de coincer la puissance maîtresse du « Heartland » continental, de l’enserrer dans un jeu d’alliances, dont les maillons se situent sur l’ « anneau extérieur littoral », afin qu’elle ne puisse conquérir cette frange périphérique et maritime du vaste continent eurasien. Auparavant, il s’était agi d’utiliser les forces du « Heartland » pour harceler les puissances organisatrices de la « Forteresse Europe », dont l’Allemagne, pièce géographique centrale de la « Zwischeneuropa », et du Japon, organisateur de la « sphère de coprospérité est-asiatique ». Les Etats-Unis, ont bien assimilé la dialectique théorisée par Mackinder pour affaiblir toutes les puissances d’Eurasie. Après les ennemis principaux, Allemands et Japonais, il fallait mettre hors jeu l’allié principal, le « spadassin continental » soviétique (« kontinentaler Haudegen », dixit Ernst von Reventlow). Pour y parvenir, il fallait organiser le « containment », l’encerclement de l’ancien allié, maître de la « Terre du Milieu », en organisant sur les « franges continentales » (ou « rimlands »), des systèmes d’alliance, tels l’OTAN, l’OTASE, le CENTO, etc. L’objectif était évidemment d’éviter tout rapprochement germano-soviétique, ou euro-soviétique, après 1945. Le terme « mascarade » ne me paraît dès lors pas adéquat. La Guerre Froide est la suite logique des deux premières guerres mondiales. L’intention des puissances thalassocratiques anglo-saxonnes a toujours été, depuis les préludes de la Guerre de Crimée au 19ième siècle, de détruire la puissance russe, de la faire imploser. En 1941, après la défaite de la France, l’Allemagne est le danger primordial. Il faut dès lors la détruire en utilisant le potentiel militaire et démographique de la seconde puissance du continent: en l’occurrence, l’URSS de Staline. Une fois le danger allemand écarté, on passe à l’étape suivante: détruire la Russie. Le même scénario s’observe au Moyen-Orient, où les Etats-Unis ont armé Saddam Hussein contre l’Iran, puis désigné l’Irak comme ennemi du genre humain, pour qu’il ne puisse exercer aucun contrôle de type hégémonique dans la région. Après 1945, la France, alliée, est évincée de ses positions extra-européennes en Indochine, avec la complicité des Etats-Unis, qui se retournent ensuite contre leurs alliés communistes vietnamiens du départ. La dernière phase consiste à organiser des « abcès de fixation » sur les franges extérieures de la Fédération de Russie, aux frontières déjà complètement démembrées depuis la chute de l’Union Soviétique. L’imbroglio tchétchène, qui s’étend à l’Ingouchie, à l’Ossétie et au Daghestan, en est un exemple d’école. Ces processus n’étonnent que ceux qui prennent les vérités de propagande anti-hitlériennes, anti-staliniennes, anti-nasseriennes, anti-irakiennes pour des faits objectifs et imaginent que les services américains croient à leur propre propagande: en fait, ils ne font que manipuler un discours, qu’ils savent parfaitement construit et amplifié par les grands médias internationaux, undiscours qui sert à réaliser des buts géopolitiques, définis depuis des décennies sinon des siècles.
14. Comment voyez-vous l’évolution des Etats-Unis au cours de ces prochaines années?
Je ne possède pas de boule de cristal, me permettant de voir l’avenir. La seule chose que l’on puisse dire avec suffisamment de certitude, au vu de l’évolution actuelle de la situation internationale, c’est que les Etats-Unis cherchent, au Moyen-Orient et en Afrique Noire, à s’emparer du maximum de ressources pétrolières, de gagner la bataille des énergies pour conserver les rentes que leur offre le pétrole, afin de les investir dans les recherches de haute technologie. Ainsi, les Etats-Unis pourront forger les armes et les technologies satellitaires qui leur permettront de conserver leur leadership pendant un siècle ou deux. Ils s’assureront une domination très confortable sur les autres et pérenniseront leur puissance. Je me méfie des discours récurrents, qui apparaissent dans les médias et qui prévoient le déclin imminent des Etats-Unis.
15. Pourquoi les atlantistes en Europe, mais aussi aux Etats-Unis ne militent-ils pas pour la création des Etats-Unis d’Occident, comme le suggère « Xavier de C*** » dans son livre « L’Edit de Caracalla ou plaidoyer pour des Etats-Unis d’Occident », paru chez Fayard en 2002?
Les atlantistes européens sont des internationalistes qui croient à la propagande de Washington. Mais les vrais détenteurs du pouvoir américain, qui orchestrent cette propagande « mondialiste » ne le sont que d’une certaine façon. Ils croient à l’ancrage américain. Imaginez la situation qui émergerait, si l’Europe votait toujours pour des pacifistes ou si son poids démographique contribuait à faire élire exclusivement des présidents européens, qui feraient une géopolitique européenne et non plus américaine. Les programmes géopolitiques américains, définis depuis si longtemps, ne pourraient plus être mis en œuvre. L’écoumène atlantiste ne serait plus américanocentré. Le protestantisme puritain deviendrait minoritaire, sous le poids du catholicisme européen et latino-américain. Ce « Xavier de C***» ignore que le moteur religieux de l’américanisme est ce protestantisme dissident, puritain et fanatique des « Founding Fathers ». Son projet « caracallien » minorise ipso facto ce puritanisme, donc fait perdre à l’Amérique sa spécificité fondatrice. C’est un projet d’atlantiste européen naïf et non pas un projet puritain-américain réaliste, car un tel projet n’imaginerait pas une fusion globale où il ne serait plus qu’un facteur périphérique et marginalisé.
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dimanche, 14 mars 2010
Le déclin comme destin
Le déclin comme destin
par Guillaume Faye
En apparence l’erreur d’Oswald Spengler fut immense : il annonçait pour le XXe siècle le déclin de l’Occident, alors que nous assistons tout au contraire à l’assomption de la civilisation occidentale, à l’occidentalisation de la Terre, à la généralisation de cet « Occident » auto-instauré comme culture du genre humain, dont, suprême paradoxe, les nations néo-industrielles de l’Orient constitueront peut-être d’ici peu l’avant-garde. En apparence toujours, c’est au déclin de l’Europe que nous sommes conviés. Montée en puissance de l’Occident et perte de substance de l’Europe : les deux phénomènes sont sans doute liés, l’un entraînant l’autre. Tout se passe comme si, après avoir accouché de l’Occident, répandu aujourd’hui sur toute la planète, l’Europe épuisée entrait dans un nouvel âge sombre.
La thèse ici présentée sera simple : l’Occident n’est pas « en » déclin – il est au contraire en expansion – mais il est le déclin. Et il l’est depuis ses fondements, depuis son décollage idéologique au XVIIIe siècle. L’Europe, quant à elle, n’est qu’en décadence.
Déjà, parle l’étymologie : l’« Occident » est le lieu où le soleil se couche. Et, dans son essence, la civilisation occidentale, apparent mouvement ascendant, se confond en réalité avec une métaphysique du déclin, un dépérissement du principe solaire qui, superficiellement, semble la fonder. Ce déclin intrinsèque qui est la loi de l’Occident n’est pourtant pas facile à déceler tant il est empreint de paradoxes.
Premier paradoxe : alors que l’idéologie occidentale entre dans son déclin – déclin des théories progressistes, révolutionnaires, démocratistes, etc. – la civilisation occidentale connaît, même sur le plan politique, une expansion irrésistible de ses régimes économiques et politiques, qu’ils soient socialistes ou capitalistes, au détriment des traditions locales de souveraineté et de culture. Deuxième paradoxe : alors que l’Europe semble entamer, hélas, en tant qu’ensemble continental, un dépérissement dans un nombre impressionnant de domaines, l’Occident qui constitue, pour Abellio comme pour Heidegger, le fils métaphysique et géopolitique de cette Europe, explose à l’échelle de la planète entière. Troisième paradoxe : alors qu’au sein même de notre culture, nous vivons l’implosion du sens, le déclin des grandes valeurs constituantes, l’effondrement des ressorts spirituels, nous assistons en même temps à la montée en puissance de la partie matérielle de notre culture, de sa « forme », c’est-à-dire de ses manifestations technologiques et scientifiques qui sont en passe de détenir le règne absolu de la Terre.
La civilisation technique et économique qui, partie d’Europe et d’Amérique du Nord, gagne la planète entière, ne peut pas sérieusement être confondue avec un fait de « décadence ». Les historiens nous ont montré, par exemple, que la fameuse « décadence de l’Empire Romain », trop souvent et à tort comparée avec notre situation, s’accompagnait d’une régression des « formes » de civilisation : techniques, institutions, villes, infrastructures, échanges, etc.
Toujours de plus en plus de routes, d’usines, d’avions, d’écoles, d’hôpitaux, de livres, de pollution et d’êtres humains. Troisième paradoxe : plus la « structure » explose, moins ses assises idéologiques et morales semblent assurées. On assiste en parallèle à une explosion des formes de civilisation, et à une implosion des valeurs, des idéologies et surtout de tous les fondements moraux et spirituels qui confèrent un « sens » englobant aux sociétés.
Quatrième paradoxe : si l’on se contente même de considérer le secteur de la pure économie, on observe une crise des mécanismes mondiaux de libre-échange commerciaux et monétaires, mais en même temps une irrésistible progression des technologies et de l’organisation commerciale et scientifique de l’humanité. Cinquième paradoxe : à l’heure où l’effondrement des taux de fécondité partout dans le monde (commencé en France au XVIIIe siècle et dans le Tiers-monde ces dernières années) n’a encore donné lieu à la dénatalité que dans les seuls pays industriels, la population mondiale, du fait d’une loi arithmétique simple à saisir, continue de croître à un rythme exponentiel [1].
Ces cinq paradoxes sont inquiétants. Au lieu de vivre des déclins globaux et linéaires comme les autres civilisations qui nous ont précédés, nous subissons ce que l’on pourrait nommer un « déclin emboîté dans une expansion ». Comme si la civilisation occidentale était une machine devenue folle, son centre implose tandis que sa périphérie explose. L’Europe régresse, l’Occident se répand. Le sens disparaît, les formes croissent. Le « sang » s’évapore, mais les veines se ramifient en réseaux de plus en plus vides. De moins en moins de cerveau, mais de plus en plus de corps et de muscles. De moins en moins d’humanité, mais de plus en plus d’hommes. De moins en moins de cultures, mais de plus en plus de civilisation. Tout cela ressemble étrangement à une prolifération cancéreuse. Un cancer, en effet, c’est le déclin de la différenciation qualitative des cellules au profit du triomphe de la reproduction quantitative.
La logique profonde de l’Occident, à travers l’égalitarisme social, la conversion de toutes les cultures aux mêmes modèles politiques et économiques, à travers la rationalisation de l’existence que ne peuvent même pas éviter les régimes qui, dans leurs doctrines, la combattent, c’est depuis ses fondements la réduction de l’organique au mécanique.
Le suprême paradoxe de l’Occident, c’est que son assomption est, sous l’apparence de la croissance et de la juvénilité, une entropie, c’est-à-dire une homogénéisation croissante des formes de vie et de civilisation. Or, la seule forme véritable du déclin, comme nous l’enseignent l’astrophysique et la biologie, c’est précisément l’entropie : croissance cancéreuse des cellules indifférenciées ou, selon le deuxième principe de la thermodynamique, déperdition d’énergie par homogénéisation. De ce point de vue, l’essence de l’Occident, c’est le déclin, puisque sa raison d’être est l’uniformisation des formes-de-vie humaines. Et l’essence du « progrès », c’est l’entropie. La multiplication explosive des technologies vient masquer ce déclin à ses propres protagonistes, exactement comme, dans le processus tragique de rémission des cancéreux, la prolifération des cellules indifférenciées donne, pour quelque temps, l’illusion de la santé et de la croissance organique. L’Occident est un vieillard qui se prend pour un adolescent.
Mais, dans la mesure où cette civilisation occidentale entre dans son « troisième âge », connaît à la fois un triomphe de ses formes, de ses quantités, de son expansion statistique et géographique mais un épuisement de son sens, de son idéologie, de ses valeurs, on peut se demander si elle n’est pas au bord de la résolution de ce déclin qu’elle porte en elle. Hypothèse : ce serait toute la Terre alors qui entrerait dans le temps du déclin, puisque, pour la première fois, toute une civilisation l’unifie, une civilisation minée de l’intérieur. La civilisation occidentale ressemble aux arbres de Paris : ils continuent à pousser alors même qu’ils sont rongés.
On peut considérer que l’uniformisation de la Terre entière sous la loi d’une seule civilisation – politique, économique et culturelle – est un processus bio-cybernétique, puisqu’il s’agit, comme le montrèrent Lupasco et Nicolescu, d’une homogénéisation d’énergies. Pour l’instant cette entropie est « expansive » ; elle sera un jour, comme toute entropie dans sa phase n° 2, implosive. Et n’allons pas croire, comme l’imagine Lévi-Strauss, que de « nouvelles différences » et de nouvelles hétérogénéités puissent surgir au sein d’une civilisation mondiale devenue occidentale [2]. Il ne s’agirait que de spécificités superficielles, des folklores ou des « variantes ». Et, dans la mesure où cette accession historique de l’humanité à une seule et même civilisation occidentale, démocratique, prospère, individualiste et égalitaire constitue le projet des idéologies du Progrès depuis plus d’un siècle, qu’elles soient socialistes ou libérales, ne doit-on pas se demander si l’idée même de Progrès ne serait pas la figure centrale du Déclin ? La matière et l’essence du Progrès, c’est l’accès de tous les hommes à la même condition et à la même morale sociale, réputée universelle. En ce sens, les doctrines progressistes, sécularisant les religions monothéistes de la vérité révélée, entament un processus de fin de l’histoire, de fin des histoires de chaque peuple.
Nous entrevoyons cette fin de l’histoire aujourd’hui : statu quo planétaire par la menace thermonucléaire, condominium soviéto-américain sur le monde qui gèle les indépendances nationales, « gestion » techno-économique et financière d’une économie mondiale qui uniformise les modes de production et de consommation, etc. On ne cesse de dire, après Alvin Toffler, que nous entrons dans la « troisième révolution industrielle » ; c’est vrai, mais ne perdons pas de vue néanmoins cet étonnant paradoxe : au fantastique bouleversement des formes socio-économiques correspond la glaciation des formes politiques et « historiques ». Nous vivons une « mutation immobile ». Tout vibre (technologies, rapports sociaux et économiques) mais rien ne « bouge » (géopolitique) ; ou plutôt rien ne bouge encore. Et, comme la conscience historique, les idées et les valeurs, elles aussi, congèlent.
Derrière son triomphe, la civilisation occidentale voit aujourd’hui son ressort brisé : ses mythes fondateurs et ses idéologies dépérissent et se sclérosent. Le progressisme, l’égalitarisme, le scientisme, le socialisme ont désenchanté leurs partisans et ne mobilisent plus les énergies. Les modèles politiques d’une civilisation quantitative, tout entière fondée sur l’économie, ont produit à l’Est le totalitarisme tyrannique, à l’Ouest le totalitarisme doux et despotique de la société de consommation prévu par Tocqueville, et dans le Tiers-monde, l’ethnocide et le paupérisme de masse, ce dernier masqué par la triste mystique du « développement ». Devenues anti-révolutionnaires, les idéologies occidentales, à l’image de cette civilisation néo-primitive qu’elles représentent, convergent aujourd’hui dans un social-libéralisme tiède, cynique, sans projet, gestionnaire, inessentiel, rassemblé autour de la vulgate académique des « Droits de l’Homme », dont Claude Polin a bien montré l’inanité et l’inefficacité [3]. Privée de toute transcendance, organisée dans son principe autour du rejet de toute référence au spirituel, la civilisation occidentale est l’organisation technico-rationnelle de l’athéisme. Or, mutilée de ses dieux, quels qu’ils soient, une culture humaine se condamne à terme, même si par ailleurs brille l’éclat de Mammon, même si l’accumulation technologique, la progression nominale des revenus ou les « progrès de la justice sociale » donnent l’illusion de la vitalité.
Mais cette ascension de l’économie et de la technique, au nom de quoi la prendre pour une amélioration ? Il est facile de démontrer, par exemple, que les processus mentaux de la société de consommation, même du point de vue de l’intelligence gnoso-praxique et technicienne, ne sont pas nécessairement plus élaborés que ceux des sociétés traditionnelles. La société technicienne voit, concrètement, décliner l’incorporation de « spirituel » (Evola) ou d’« être » (Heidegger), et même peut-être aussi d’intelligence dans ses formes de vie [4]. Et, paradoxalement, puisque le monde, contrairement aux vues chrétiennes n’est pas dualiste mais associe dans une apparente contradiction ce qu’il y a de plus immatériel et ce qu’il y a de plus biologique dans la même unité organique et vitaliste, il n’est pas étonnant qu’au déclin spirituel corresponde aussi le déclin de l’esprit de lignage, le déclin démographique. Conscience biologique et conscience spirituelle sont liées.
La séparation opérée par le dualisme chrétien entre Dieu et le monde a profondément marqué la civilisation occidentale, rompant avec l’unité du transcendant et de l’immanent de la tradition hellénique. Pénétrant l’inconscient collectif et les formes de civilisation, ce dualisme a progressivement donné lieu à un désenchantement et à une désacralisation du monde, à une civilisation schizophrène : d’où les séparations mutilantes entre l’Etat-Père-et-Juge et la société, entre la Loi et le peuple, entre les rationalités du libéralisme et du socialisme et l’élan vital « aveugle » (mais donc clairvoyant parce qu’« obscur ») des civilisations, entre l’individu érigé en monade et ses communautés, entre la légitimité apparente de l’Occident, c’est-à-dire cette « démocratie » dont tous (tyrans compris) se réclament sans en percevoir le sens, et les aspirations réelles des populations, entre la Technique figure dominante du temps, et l’idéologie.
Ces deux derniers points méritent des précisions. Le divorce entre la Technique, aujourd’hui prosaïque et désenchantée et l’idéologie fut souvent mal compris, notamment par Spengler et Jünger. Ce n’est pas, selon nous, la Technique qui constitue la cause du matérialisme, de l’uniformisme et de la déspiritualisation de l’Occident ; mais c’est l’idéologie occidentale elle-même qui a fait de cette Technique le moteur de sa logique mortifère. La Technique est désenchantée et non désenchantement dans son essence. La raison en est ce divorce entre l’essence de la Technique qui est, comme le vit Heidegger, poétique, lyrique, faustienne, donc spirituelle et « artistique », et les idéologies dominantes en Occident qui n’assignent à cette Technique que le prosaïsme mécanique de la domestication par le bien-être et la finalisent comme « technologie du bonheur individuel ». Si la fusée Ariane ne fait pas rêver alors qu’elle le devrait, qu’elle devrait représenter pour notre imaginaire la « transfiguration des dieux », c’est parce que sa finalité est la retransmission des émissions de télévision, c’est-à-dire l’expression du « banal » le plus plat.
Et lorsque Gilbert Durand en appelle à la renaissance des ombres de l’imaginaire, seules capables peut-être d’affronter le désenchantement de la techno-société de consommation, ce n’est pas dans la consommation du passé, dans les musées, dans les études, dans les nostalgies, dans les mythes mis en fiches informatiques qu’elles pourront être retrouvées. C’est paradoxalement dans la contemplation brute des ordinateurs eux-mêmes, dans les fusées et les centrales, bref dans une Technique qui porte en elle le plus grand potentiel de rêve que l’humanité ait pu trouver et qui est aujourd’hui neutralisée, déconnectée, par des idéologies et des modèles sociaux tout entiers dominés par la petitesse domestique et la froide logique comptable des bureaucraties.
La deuxième conséquence grave du dualisme occidental porte sur le divorce entre le régime politique officiel (la fameuse « démocratie ») et la manière dont ce régime est concrètement ressenti, est socialement vécu par les prétendus « citoyens ». Nous ne pouvons ici qu’énumérer sans les développer les effets de ce divorce : non-représentativité radicale de la classe politique, toute-puissance des féodalités minoritaires (corporations syndicales, médias, réseaux bancaires, corps technocratiques), simulacre de participation électorale des citoyens au pouvoir par le caractère inessentiel des enjeux des scrutins, volonté constante des partis politiques de détourner à leur profit l’opinion réelle du peuple, etc. Plus que jamais, l’opposition entre pays réel et pays légal demeure la règle. Fondé sur la souveraineté du peuple, l’Occident l’établit moins encore que les sociétés traditionnelles tant décriées comme tyranniques. Dans cette affaire, le plus grave n’est pas l’absence de « démocratie » (mieux vaudrait à tout prendre un pouvoir qui reconnaisse officiellement l’impossibilité de la démocratie et qui fonde la souveraineté sur – par exemple – une autocratie sacralisée) mais la schizophrénie endémique, le mensonge permanent d’un système de pouvoir qui, à l’Est comme en Occident, tire sa légitimité d’un principe (le Peuple souverain) qui non seulement n’est pas appliqué, mais dont la principale préoccupation des classes dirigeantes est d’en interdire l’application.
En effet, que craignent et que combattent le plus les partis, les syndicats, les grands corps, les médias progressistes (et en URSS le PCUS) sinon la démocratie directe, sinon le césarisme référendaire où l’avis brutal du peuple s’exprime sans ambages ? Et pourquoi redoutent-ils tant ce peuple ? Parce qu’ils savent bien que dans ses profondeurs l’humanisme, l’égalitarisme éclairé, le cosmopolitisme déraciné n’ont pas de prise. Ils savent qu’au sein du peuple « ignorant », livré à lui-même sans l’encadrement des « élites » syndicales, partitocratiques et journalistiques, vivent toujours des valeurs et des aspirations qui ne correspondent pas à ce que les scribes, les technocrates, les politiciens et les prêtres attendent.
Ceux-là, qui tiennent la position d’« élites européennes » mais qui n’en ont pas la carrure, en proie au vide intellectuel et idéologique, se rallient comme à une bouée de sauvetage à la vulgate occidentale. La « droite » et la « gauche » politique font converger leurs discours appauvris dans le même atlantisme socio-libéral. Avec impudence, la gauche française, après l’échec prévisible de son « socialisme », accomplit les funérailles discrètes de celui-ci et se nomme porte-parole du capitalisme et de l’individualisme, abandonnant définitivement tout discours révolutionnaire. Ainsi naît, sur le plan idéologique comme sur le terrain politicien, une « gauche-droite », nouveau parti unique des démocraties occidentales, qui communie dans l’atlantisme, la défense de l’Occident (thème jadis des crypto-fascistes), le reaganisme, la philosophie sommaire des Droits de l’Homme et le conservatisme.
Cette « gauche-droite » idéologique et politique ne se caractérise pas seulement par son occidentalisme mais par sa dérive anti-européenne masquée par un anti-soviétisme primaire et un discours apparemment pro-européen. Il s’agit de nier toute spécificité et toute indépendance à l’Europe en la désignant comme simple zone (et comme bouclier) de l’Occident atlantique [5].
Or il se trouve que, pour la première fois sans doute dans son histoire, l’Europe n’a plus les intérêts de l’Occident (culturels, géopolitiques et économiques) et qu’un découplage de l’Europe et de l’Occident américanomorphe est devenu nécessaire. C’est précisément parce qu’elle participe exclusivement de la civilisation occidentale – qui fut jadis européenne mais qui ne l’est plus – que l’Europe est entrée en décadence.
Les figures de la décadence européenne sont connues. Rappelons-les pour mémoire : cette civilisation qui est toujours virtuellement la plus dense et la plus puissante de la Terre, gît, comme Gulliver enchaîné, démembrée par le condominium soviéto-américain. Privée d’indépendance politique, futur champ clos d’un affrontement entre les deux Super-Gros, l’Europe vit avec la perspective de son génocide nucléaire. Le « jour d’après » ne concerne pas, en réalité, nos deux protecteurs. Victime d’une guerre économique qui la désindustrialise, en proie au centre à la colonisation et à l’occupation et, à l’ouest, à la déculturation et à l’exploitation, l’Europe est également en chute démographique. Dans tous les domaines, après avoir explosé, l’Europe, comme un trou noir, implose. Elle entre, comme après la chute de Rome, dans un nouvel âge sombre.
Mais la décadence européenne est moins grave et n’apparaît pas de même nature que le « déclin explosif » qui porte l’Occident. Ce dernier, répétons-le, est le déclin ; il porte en lui le dépérissement de toutes choses. Le déclin d’un organisme est sans rémission, parce qu’il touche ses fondements et son principe. L’Occident a un principe, abstrait, c’est l’idéologie (américanisme ou soviétisme, tous deux sécularisations du christianisme). Or l’Europe n’est pas un principe, mais un peuple, une civilisation, une histoire, de nature vivante et organique et non pas mécanique. En ce sens l’Europe n’est qu’en décadence. Elle traverse un âge sombre dont elle peut se remettre. Elle est malade et peut se guérir par auto-métamorphose, alors que l’Occident est inguérissable parce qu’il ne peut pas se métamorphoser, parce qu’il obéit à une logique linéaire, ignorant tout polymorphisme. Comme le formule l’historien Robert Steuckers, l’Occident américain est l’alliance de l’Ingénieur et du Prédicateur ; l’Occident soviétique est l’alliance de l’Ingénieur et de l’Idéologue. Or l’Idéologue et le Prédicateur perdent, en ce moment même, leur légitimité, leur mystique, leur enchantement. Le travail de l’Ingénieur, qui n’était fondé que sur la corde raide de leurs discours et qui continue, pour un temps encore, par effet inertiel, son processus, est condamné à terme parce qu’il n’est plus alimenté. L’Europe, en revanche, est l’alliance de l’Ingénieur et de l’Historien. Le discours de ce dernier, irrationnel, fondé sur les profondeurs de l’imaginaire, peut sans doute entrer en crise comme aujourd’hui, mais il est inépuisable parce qu’il peut se régénérer selon le principe dionysiaque de perpétuelle efflorescence.
L’Europe n’est que provisoirement liée au discours occidental. Ses « principes de vie » sont multiples : un peuple ne doit pas son existence, à l’inverse de l’Occident américain ou soviétique, à un mécanisme idéologique, à une légitimité « politique » qu’il faut sans cesse justifier, ou, pire encore, à la logique quantitative de l’économie. Pour survivre, un vrai peuple – cas de l’Europe et de nombreuses civilisations du « Tiers-monde » – n’a rien « à prouver ». L’Occident, lui, doit sans cesse « prouver » ; or, c’est précisément ce qu’il ne peut plus faire…
La décadence de l’Europe est liée aux effets de la civilisation occidentale, qu’il s’agisse de l’américanisme et du soviétisme. Mais, paradoxalement, le déclin déjà commencé de cette civilisation, même si dans un premier temps paraît être la cause de la décadence européenne, sera, dans un second mouvement, la condition d’une régénération de la culture européenne.
La condition d’une renaissance européenne doit être trouvée dans une auto-métamorphose comme notre histoire en connut plusieurs : abandon des idéologies occidentales et naissance de nouveaux fondements que nous ne connaissons pas encore, qui ne peuvent être qu’irrationnels et spirituels, et qui, eux aussi, n’auront qu’un temps.
Mais la civilisation normalisée, ayant transformé en morale prosaïque et réglementaire ses propres principes spirituels fondateurs, ne laisse plus d’espace à la création de valeurs mobilisatrices. Le narcissisme devient la destinée d’individus qui s’isolent dans le présentisme face à une société devenue autonome, dont les normes n’ont d’autres fins qu’elles-mêmes. Dans ces conditions, peut-on considérer comme un « retour du sens », comme une réponse spontanée de la société aux structures normalisatrices, les multiples manifestations contemporaines qui, dans leurs « explosions », font apparemment échec à la transparence rationnelle des discours et à la froideur des mécanismes techno-économiques ? Les phénomènes récents de libéralisation des mœurs, l’inventivité des groupes qui viennent en « décalage » où la sociologie pense découvrir de nouveaux types de rapports humains, le mouvement diffus de réenracinement culturel qui semble annoncer un réveil des cultures populaires contre la culture marchande de masse, etc., tout cela augure-t-il un renouveau d’un « paganisme social » contre la normalisation des Etats-Providence ? Ou bien n’assistons-nous pas à la naissance de « soupapes de sécurité », comme des porosités dans le corps de la norme par où s’échapperaient, en quantités programmées, des énergies virtuellement dangereuses qui se verraient récupérées et neutralisées, transformées en « distractions », reproduites comme « loisirs » ? Il est difficile de répondre. Cependant on ne peut s’empêcher de noter que notre époque voit coexister deux phénomènes inverses, l’un de renforcement des normes techno-économiques, l’autre de libération des morales privées. L’hétéronomie sociale répond à l’autonomisation des règles non-économiques d’existence. Ce parallélisme, qui n’est pas forcément un hasard, nous incite à considérer très attentivement la fonction des mouvements de libération et d’innovation des mœurs, sans cependant négliger les espoirs qu’ils peuvent aussi susciter. Quoiqu’il en soit, pour répondre à ce désir de normalité, devenue normalisation effective, où nous enferme l’idéologie occidentale, je suis enclin à fonder plus d’espoir sur les peuples que sur les sociétés, ces peuples que mettent en branle non pas des « vibrations » de mœurs mais des mouvements de l’histoire. Or l’Europe, avant d’être une société, n’est-elle pas d’abord un peuple ?
Paradoxalement, la chance de l’Europe réside peut-être dans sa vieillesse qui peut se transformer en jeunesse : l’Europe touchée la première par la civilisation occidentale, réagira peut-être la première contre elle. En ce cas, la décadence serait un facteur d’anti-déclin, et la sénescence, un facteur d’expérience et de rajeunissement : revenus de tout, désenchantés, les néo-européens des jeunes générations qui, dans leur « docte ignorance », ne veulent même plus savoir ce que politique, démocratie, égalité, Droits de l’Homme, développement, etc. signifient, qui ne croient plus dans le prométhéisme vulgaire des mystiques socialistes ou capitalistes, reviennent, du fait de cette apparente dépolitisation, aux choses essentielles : « nous ne voulons pas mourir, avec notre peuple, écrasés par une guerre atomique en Europe dont les enjeux ne sont pas les nôtres ; nous ne voulons pas nous « engager » auprès d’une droite ou d’une gauche, d’un occidentalisme ou d’un soviétisme qui ne sont que les visages faussement antagonistes du même totalitarisme ». Ce discours est fréquent dans la jeunesse. Tant mieux ; c’est celui de l’« Anarque » d’Ernst Jünger. C’est un discours révolutionnaire et engagé sous des apparences de désengagement et d’incivisme. C’est l’attitude des neutralistes allemands qui n’expriment nullement une démission, mais une prodigieuse énergie, l’éternelle ruse du peuple qui sait qu’on peut se relever d’un « régime politique » mais pas d’un holocauste.
La renaissance arborescente, rusée ou inconsciente, des vitalités populaires de toutes natures contre l’ordre froid des planificateurs ou des libéraux, des centralisateurs ou des décentralisateurs, des politiciens, des « humanistes », des prêtres, des professeurs, des socialismes, des libéralismes, des fascismes – et même des « anarchismes »… – contre les règlements, les réseaux, les programmes et les circuits, contre l’égalité et l’inégalité, la justice et la tyrannie, la liberté et l’oppression, la démocratie et le despotisme, la société permissive ou le totalitarisme, bref contre tous ces faux contraires, ces fausses fenêtres des idéologies occidentales dont le dessein commun est, comme jadis Moïse, d’imposer leur Loi contre la vie et le réel, cette renaissance donc, constitue aujourd’hui, notamment dans les jeunes générations, la principale force de l’anti-déclin. En-dehors des Etats et des institutions officielles des pays occidentaux qui sont devenus aujourd’hui des forces de dépérissement, il faut parler d’une résistance populaire. Résistance aux décadences, au social-étatisme, aux plats pré-cuisinés des angélismes humanitaires et des croyances progressistes, résistance de la sagesse dionysienne face à la folie prométhéenne des niveleurs, résistance multiforme dont l’indifférence croissante envers la politique n’est qu’un aspect.
Ce vitalisme social n’est pas un désengagement, mais un engagement. Dans un monde où tout ce qui se veut légitime et institué en appelle au narcissisme de masse, au travail aliéné, au présentisme, au machinisme, au déracinement, de nouvelles énergies apparaissent spontanément et, malgré les pressions des pouvoirs et des pédagogies, osent « faire de la musique sans solfège ».
Fils de la décadence, les néo-européens, nouveaux barbares, ne connaissent même plus la vulgate du moralisme humanitaire occidental. C’est là l’effet pervers – et de notre point de vue positif – du déclin de l’éducation culturelle en Europe : sous prétexte d’égalité et d’universalisme, l’idéologie dominante a négligé l’enseignement de la culture élitaire. Mais elle a jeté le bébé avec l’eau du bain. Les jeunes générations se retrouvent peut-être déculturées, privées de mémoire, ce qui était le but recherché par les professeurs de déracinement, mais également – ce qui est sans doute un événement considérable – libérées de la scholastique et des tabous des idéologies mortifères de l’Occident. Les grands concepts sacrés (Egalité, Démocratie, Politique, Liberté, Economie, Développement, etc.), responsables du déclin, flottent désormais comme des corps morts dans le panthéon mental des jeunes générations.
De deux choses l’une alors : ou bien cette fin radicale de la « culture classique » (à laquelle appartiennent malgré tout toutes les catégories politiques actuelles et toute la mystique égalitaire de l’Occident) ne donnera lieu qu’au vide et à l’immersion dans le néo-primitivisme, ou bien elle laissera surgir le fond assaini du psychisme européen, le fond issu de notre « instinct grec ». Au diagnostic apparemment pessimiste de « fin de l’histoire » qui semble toucher les Européens, on peut objecter sans doute qu’à l’étage du quotidien, de l’intensité de la vie des sociétés, les « histoires » continuent de dérouler leurs stratégies et qu’il ne faut pas jouer les Cassandre. Mais, privées de la dimension « historiale » (et non pas « politique » puisque « politique », « individualisme » et « fin de l’histoire » vont ensemble) de leur existence, démunies de perspective souveraine, les sociétés européennes pourraient-elles mêmes encore connaître dans leurs dynamiques privées et quotidiennes, dans l’énergie secrète du peuple, « des » histoires, des aventures, des pulsions créatrices ?
Nul ne peut répondre. Deux repères positifs, deux puissants facteurs de régénération peuvent néanmoins être définis au sein même de la décadence. Premier repère : le foisonnement dionysiaque de nouveaux comportements sociaux parallèles, sécessionnistes, sensuels, liés à une renaissance contemporaine de l’esthétique européenne, qui biaisent les institutions, les savoirs institués, les réseaux technocratiques, et que la sociologie de Maffelosi met en lumière, constituent à la fois le signe que la moralité réglementée, que le bourgeoisisme technomorphe de la civilisation occidentale (c’est-à-dire du déclin) butent sur l’inertie du peuple, mais aussi qu’on assiste à un regain de l’imaginaire, de l’irrationnel, de forces quotidiennes inconscientes de leur puissance. Ces forces sont celles qui donnent aux nations de grands artistes, de grands entrepreneurs. Comme la graine pendant l’hiver, nous devons coûte que coûte espérer que germent les énergies de la société civile. Demain, elles peuvent être fécondées par une souveraineté à venir, si le Destin qui ne reste jamais longtemps muet le décide.
Deuxième repère. A ce facteur de régénération intérieure, vient s’ajouter un motif possible de régénération extérieure. Il s’agit paradoxalement du grand « risque » de voir la civilisation progressiste et mondiale de l’Occident sombrer dans la crise géante. Le déclin latent deviendrait, au sens de Thom, catastrophe. En effet, à la période actuelle d’auto-résolution des crises par une fuite technologique en avant, à la macro-stabilité du système occidental, peut fort bien succéder une déstabilisation assez brutale. Nous nous dirigeons de fait vers une fin de siècle où vont converger des évolutions dont le parallélisme est pour l’instant facteur de « croissance » (cancéreuse) mais dont la rencontre, et la fusion, risquent d’être la cause d’un déséquilibre géant et planétaire. Ces « lignes évolutives » sont : les déséquilibres économiques croissants provoqués par le « développement » néo-colonial du Tiers-Monde, les effets cumulés du gel géostratégique (statu quo) imposé par les superpuissances combiné avec la sophistication et la densification des armements hyperdestructifs, la continuation de la déchéance de la démocratie à l’Ouest comme à l’Est, l’écart démographique Nord-Sud qui se creuse, l’écart population-ressources dans les pays pauvres, la montée des forces d’auto-affirmation nationales et religieuses dans le Tiers-monde parallèle au renforcement d’une technostructure mondiale, etc.
Notre temps est dominé par la menace d’un « point de rupture » qui se profile à l’horizon de la fin du XXe siècle, où l’humanité pléthorique se heurtera à des défis convergents à la fois alimentaires, écologiques, géopolitiques, etc. Or, aucune société traditionnelle ne peut les résoudre. Le retour à un modèle « holiste » et anti-technique de civilisation est impossible. Sommes-nous condamnés à la normalité occidentale ? L’ambiguïté de la modernité se reconnaît à ce qu’elle s’instaure comme seul remède des maux qu’elle a suscités. Pourtant, et pour ne donner que l’exemple de l’économie, il serait intéressant de prêter l’oreille à des nouvelles doctrines qui tentent de résoudre cette contradiction ; elles nous semblent bien plus originales que l’imposture intellectuelle du retour d’Adam Smith sous le visage publicitaire des « nouveaux économistes ». Ces nouvelles doctrines auxquelles je fais allusion, défendues en France par François Perroux, André Grjebine, François Partant, etc., préconisent l’abandon, non pas de l’industrie et de la technologie, mais de la norme universelle d’un marché et d’un système d’échange et de production planétaires. Elles se prononcent pour la construction progressive de zones « autocentrées », où les unités culturelles, politiques, économiques et géopolitiques se recouvriraient, où le productivisme marchand, le contenu des « besoins » humains, et la place de l’économique dans la société seraient repensés de fond en comble. Il s’agit, en quelque sorte, de penser une modernité qui ne soit plus mondialement normative.
Brutale ou progressive, la vraie crise est devant nous. Ou bien elle débouche sur le déclin définitif, le baiser des mégatonnes, le grand soleil nucléaire qui peut fort bien illuminer la fin de ce siècle du feu de l’holocauste des vertébrés supérieurs, ou bien, en-dehors de cette perspective à la fois terrifiante et très esthétique, la civilisation occidentale, butant sur cette « convergence des évolutions », ne pourra plus physiquement continuer à fonctionner. Faute de l’avoir envisagé sereinement, nous serions alors contraints d’organiser, au bord du tombeau, l’autarcie économique, la post-démocratie, bref de nouveaux principes politiques de vie en société. Ces principes ne seraient certainement plus ceux du progressisme occidental. Chaque région du monde improviserait sa solution…
Alors, pour éviter une telle improvisation, il appartient peut-être aux intellectuels éclairés, ceux qui aujourd’hui échappent aux grandes dogmatiques ridées de l’humanisme, du libéralisme, du socialisme, etc., de réfléchir à ces nouveaux principes, à des valeurs post-modernes capables de prendre le relais de cette longue procession d’illusions qui se confondent aujourd’hui avec le déclin et qui forment encore, hélas, le corps de cette vulgate occidentale qui tient lieu de savoir aux élites européennes.
notes
[1] Cf. sur ce point, Alain Girard, L’homme et le nombre des hommes, PUF, 1984.
[2] Claude Lévi-Strauss, Paroles données, Calmann-Lévy, 1984.
[3] Claude Polin, L’esprit totalitaire, Sirey.
[4] Julius Evola, Les hommes au milieu des ruines, Trédaniel, 1984.
[5] Cf. à ce propos, Laurent Joffrin, La gauche en voie de disparition, Seuil, 1984.
Ce texte est extrait de la brochure de Guillaume Faye, L’Occident comme déclin, 1985. Les caractères gras ont été ajoutés par le compilateur.
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mercredi, 10 mars 2010
Nouveautés sur le site "Vouloir"
Nouveautés sur le site
http://vouloir.hautetfort.com/
Dossier “Géopolitique”:
Robert STEUCKERS:
Rudolf Kjellen (1864-1922)
Louis PALLENBORN:
Introduction à la géopolitique (entretien)
René-Eric DAGORN:
La géopolitique en mutation
Hervé COUTAU-BEGARIE:
Critique de la géopolitique
Dossier “Guerillas”:
Christian NEKVEDAVICIUS:
Guerilla dans les forêts de Lituanie
Arnaud LUTIN:
La longue nuit d’un “Frère de la Forêt”
Dag KRIENEN:
Nouvelles études sur la guerre des partisans en Biélorussie (1941-1944)
Dossier “Participation”:
Robert STEUCKERS:
Participation gaullienne et “ergonisme”: deux corpus d’idées pour la société de demain
Ange SAMPIERU:
La participation: une idée neuve?
Pascal SIGODA:
Charles De Gaulle, la “révolution conservatrice” et le personnalisme du mouvement l’Ordre Nouveau
Jean-Jacques MOURREAU:
De Gaulle, visionnaire de l’Europe
Dossier “Synergies Européennes”:
Robert STEUCKERS:
Discours pour l’Europe
(Paris, 9 novembre 1988)
Robert STEUCKERS:
Réflexions sur le destin et l’actualité de l’Europe
(Paris, mai 1985, colloque “Troisième Voie”)
Robert STEUCKERS:
Pour préciser les positions de SYNERGIES EUROPEENNES
(Questions de Pieter Vandamme)
Hors dossiers:
Thierry MUDRY:
L’itinéraire d’Ernst Niekisch
Alois PRESSLER:
Réflexions sur le voyage de Guillaume II en Palestine
Robert STEUCKERS:
Herman Wirth (1885-1981)
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mardi, 23 février 2010
Soyons différentialistes!
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Soyons différentialistes!
Un professionnel du marketing me disait, il y a quelques semaines, la nécessité, dans notre monde moderne régi par la publicité, d'être identifié rapidement. Ainsi, on a accès aux médias parce que l'on est catalogué socialiste, gaulliste, nationaliste, écologiste, etc. Ce sont là des étiquettes commodes mais somme toute très réductrices. Cette règle actuelle, qui consiste à passer sous les fourches caudines de la “réduction”, nous sera appliquée que nous le voulions ou non. Dès lors, ce professionnel du marketing m'a demandé: vous, les synergétistes, comment vous définiriez-vous en un seul mot? C'est le terme “différentialiste” qui n'est apparu comme le plus proche de notre démarche.
Etre différentialiste, en effet, c'est être pour le respect des différences, des variétés, des couleurs, des traditions et donc hostile à toutes les tentatives d'uniformiser le globe, de peindre le monde en gris, de sérialiser outrancièrement les gestes de la vie quotidienne et les réflexes de la pensée.
Etre différentialiste, c'est être fondamentalement tolérant et non pas superficiellement tolérant comme se piquent de l'être beaucoup de vedettes du prêt-à-penser. Etre différentialiste, c'est respecter les forces numinales qui vivent en l'autre, de respecter les valeurs qui l'animent et s'incarnent en lui selon des modalités différentes des nôtres.
Etre différentialiste, c'est donc être hostile à cette sérialisation planétaire à l'œuvre depuis plus d'un siècle, c'est refuser que tous les peuples soient soumis indistinctement aux mêmes règles dites universelles. C'est reconnaître à chaque communauté le droit de se développer selon ses rythmes propres. C'est être du côté de la loi de la différAnce, du processus de différAnce générateur de différEnces provisoires, pour reprendre le vocabulaire de Derrida, c'est-à-dire du côté de la créativité, des mutations permanentes et constructives, qui suscitent à chaque seconde des formes durables mais mortelles, marquées de cette finitude qui oblige à l'action et sans laquelle nos nerfs et nos neurones s'étioleraient, se laisseraient sans cesse aller aux délices de la mythique Capoue.
Le différentialisme est en fait une rébellion constante pour préserver ce travail permanent de différAnce à l'œuvre dans le monde, pour empêcher que de terribles simplificateurs ne le bétonnent, ne l'oblitèrent. Mais pour que différAnce il y ait, il faut que soient préservées les différEnces car c'est sur le socle de différEnces en expansion ou en déclin que les hommes dynamiques ou réactifs créeront par différAnce les formes nouvelles, qui dureront le temps d'une splendide ou d'une discrète différEnce. Le différentialisme est donc une rébellion pour garder la liberté de se plonger dans le processus universel de différAnce, armé des vitalités ou des résidus d'une différEnce particulière, qui est nôtre, à laquelle le destin nous a liés.
Pour nous l'Europe sera différentialiste ou ne sera plus! Une Europe soustraite par les terribles simplificateurs au processus universel de différAnce, privée de ses différEnces vivaces ou abîmées, ne sera plus qu'une Europe étouffée par l'asphalte des idéologies-toutes-faites, une Europe qui n'aura plus la souplesse intellectuelle pour faire face adéquatement aux défis planétaires qui nous attendent. Nous ne voulons pas d'un modèle américain, de plaisirs sérialisés, nous voulons sans cesse de l'originalité, nos critères nous portent à aimer le cinéma ou la littérature d'un Chinois inconnu des pontifes médiatiques, d'un Latino-Américain brimé par sa bourgeoisie ou ses militaires aux ordres de Washington, d'un Africain qui n'a pas accès aux plateaux de Paris ou de New York, d'un Indien qui refuse les modes pour faire revivre en lui, à chaque instant, la gloire de l'univers védique! Notre différentialisme est donc ouverture permanente au monde, combat inlassable contre les fermetures que veulent nous imposer la “political correctness” et le “nouvel ordre mondial”.
Mais cette propension à tout bétonner est aujourd'hui au pouvoir. Comme l'écrivait Pierre Drieu la Rochelle dans son Journal: «J'ai mesuré l'effroyable décadence des esprits et des cœurs en Europe». Or depuis la rédaction de ce texte, la chute n'a fait que s'accélérer. C'est contre elle que nous avons voulu réagir en nous implantant partout en Europe: pour dialoguer, comparer nos héritages à ceux des autres, pour opposer nos différEnces et participer ainsi au processus de différAnce, pour épauler ceux qui agissent en dehors des grands circuits commerciaux d'une culture homogénéisée, mise au pas, stérilisée.
Notre mouvement s'accroît, bon nombre d'initiatives s'adressent à nous pour œuvrer en commun: j'en veux pour preuve les associations allemandes ou italiennes qui vont participer conjointement à nos universités d'été, qui nous fournissent des orateurs, qui travaillent chacune sur leur créneau, j'en veux pour preuve les journaux, grands et petits, qui s'adressent à nos cadres pour remplir leurs colonnes, j'en veux pour preuve ce théâtre de rue lombard qui pratique, de concert avec “Synergies”, le gramscisme dans sa version la plus pure. En effet, Antonio Gramsci pariait justement sur ce théâtre spontané des rues et des masses, animé par des “intellectuels organiques”, pour jeter bas le cléricalisme dominant à son époque. Berthold Brecht ne disait pas autre chose. La contestation radicale de cette fin de siècle est notre camp, notre seul camp. Nous ne luttons pas pour faire advenir en Europe une grande idéologie verrouillée, un iron heel de nouvelle mouture, mais justement pour préserver ces spontanéités culturelles qui corrodent les raides certitudes des bigots de toutes espèces.
Gilbert SINCYR.
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lundi, 15 février 2010
Guillaume Faye et la "convergence des catastrophes"
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2006
Guillaume Faye et la “Convergence des catastrophes”
par Robert STEUCKERS
Introduction à la présentation par Guillaume Faye du livre “La convergence des catastrophes”, signé Guillaume Corvus, Bruxelles, Ravensteinhof, 21 janvier 2006
Dans l’introduction à l’une des versions italiennes du premier livre de Guillaume Faye, “Le système à tuer les peuples”, j’avais tenté de brosser succinctement son itinéraire politique, depuis ses années d’étudiant à l’IEP et à la Sorbonne. J’avais rappelé l’influence d’un Julien Freund, des thèses de Pareto, de Bertrand de Jouvenel sur ce jeune étudiant dont la vocation allait être de mener un combat métapolitique, via le “Cercle Spengler” d’abord, via le GRECE (Groupe de Recherche et d’Etudes sur la Civilisation Européenne) ensuite. J’avais insisté aussi sur son interprétation de Nietzsche, où, comme Alexis Philonenko, il pariait sur un rire sonore et somme toute rabelaisien, un rire déconstructeur et reconstructeur tout à la fois, sur la moquerie qui dissout les certitudes des médiocres et des conformistes. Je ne vais pas répéter aujourd’hui tout cet exposé, qu’on peut lire sur internet, mais je me concentrerai surtout sur une notion omniprésente dans les travaux de Faye, la notion cardinale de “politique”, oui, sur cette “notion du politique”, si chère au Professeur Julien Freund. L’espace du politique, et non pas de la politique (politicienne), est l’espace des enjeux réels, ceux qui décident de la vie ou de la survie d’une entité politique. Cette vie et cette survie postulent en permanence une bonne gestion, un bon “nomos de l’oikos” —pour reprendre la terminologie grecque de Carl Schmitt— une pensée permanente du long terme et non pas une focalisation sur le seul court terme, l’immédiat sans profondeur temporelle et le présentisme répétitif dépourvu de toute prospective.
Le bon “nomos” est celui qui assure donc la survie d’une communauté politique, d’un Etat ou d’un empire, qui, par la clairvoyance et la prévoyance quotidiennes qu’il implique, génère une large plus-value, en tous domaines, qui conduit à la puissance, au bon sens du terme. La puissance n’est rien d’autre qu’un solide capital de ressources matérielles et immatérielles, accumulées en prévision de coups durs, de ressacs ou de catastrophes. C’est le projet essentiel de Clausewitz, dont on fait un peu trop rapidement un belliciste à tous crins. Clausewitz insiste surtout sur l’accumulation de ressources qui rendront la guerre inutile, parce que l’ennemi n’osera pas affronter une politie bien charpentée, ou qui, si elle se déclenche quand même, fera de mon entité politique un morceau dur ou impossible à avaler, à mettre hors jeu. Ce n’est rien d’autre qu’une application du vieil adage romain: “Si vis pacem, para bellum”.
L’oeuvre immortelle de Carl Schmitt et de Julien Freund
D’où nous vient cette notion du “politique”?
Elle nous vient d’abord de Carl Schmitt. Pour qui elle s’articule autour de deux vérités observés au fil de l’histoire :
1) Le politique est porté par une personne de chair et de sang, qui décide en toute responsabilité (Weber). Le modèle de Schmitt, catholique rhénan, est l’institution papale, qui décide souverainement et en ultime instance, sans avoir de comptes à rendre à des organismes partiels et partisans, séditieux et centrifuges, mus par des affects et des intérêts particuliers et non généraux.
2) La sphère du politique est solide si le principe énoncé au 17ième siècle par Thomas Hobbes est honoré : “Auctoritas non veritas facit legem” (C’est l’autorité et non la vérité qui fait la loi/la norme). Nous pourrions, au seuil de ce 21ième siècle, qui s’annonce comme un siècle de catastrophes, tout comme le 20ième, étendre cette réflexion de Hobbes et dire : “Auctoritas non lex facit imperium”, soit “C’est l’autorité et non la loi/la norme qui fait l’empire”. Schmitt voulait dénoncer, en rappelant la science politique de Hobbes, le danger qu’il y a à gouverner les états selon des normes abstraites, des principes irréels et paralysants, parfois vecteurs de dissensions calamiteuses pouvant conduire à la guerre civile. Quelques décennies d’une telle gouvernance et les “noeuds gordiens” s’accumulent et figent dangereusement les polities qui s’en sont délectée. Il faut donc des autorités (personnelles ou collégiales) qui parviennent à dénouer ou à trancher ces “noeuds gordiens”.
Cette notion du politique nous vient ensuite du professeur strasbourgeois Julien Freund, qui était, il est vrai, l’un des meilleurs disciples de Carl Schmitt. Il a repris à son compte cette notion, l’a appliquée dans un contexte fort différent de celui de l’Allemagne de Weimar ou du nazisme, soit celui de la France gaullienne et post-gaullienne, également produit de la pensée de Carl Schmitt. En effet, il convient de rappeler ici que René Capitant, auteur de la constitution présidentialiste de la 5ième République, est le premier et fidèle disciple français de Schmitt. Le Président de la 5ième République est effectivement une “auctoritas”, au sens de Hobbes et de Schmitt, qui tire sa légitimité du suffrage direct de l’ensemble de la population. Il doit être un homme charismatique de chair et de sang, que tous estiment apte à prendre les bonnes décisions au bon moment. Julien Freund, disciple de Schmitt et de Capitant, a coulé ses réflexions sur cette notion cardinale du politique dans un petit ouvrage qu’on nous faisait encore lire aux Facultés Universitaires Saint-Louis à Bruxelles il y a une trentaine d’années: “Qu’est-ce que le politique?” (Ed. du Seuil). Cet ouvrage n’a pas pris une ride. Il reste une lecture obligatoire pour qui veut encore, dans l’espace politique, penser clair et droit en notre période de turbulences, de déliquescences et de déclin.
René Thom et la théorie des catastrophes
Comment cette notion du politique s’articule-t-elle autour de la thématique qui nous préoccupe aujourd’hui, soit la “convergences des catstrophes”? Faye est le benjamin d’une chaine qui relie Clausewitz à Schmitt, Schmitt à Capitant, Capitant à Freund et Freund à lui-même et ses amis. Ses aînés nous ont quittés : ils ne vivent donc pas l’ère que nous vivons aujourd’hui. D’autres questions cruciales se posent, notamment celle-ci, à laquelle répond l’ouvrage de Guillaume Corvus: “Le système (à tuer les peuples) est-il capable de faire face à une catastrophe de grande ampleur, à plusieurs catastrophes simultanées ou consécutives dans un laps de temps bref, ou, pire à une convergences de plusieurs catastrophes simultanées?”. Au corpus doctrinal de Schmitt et Freund, Corvus ajoute celui du mathématicien et philosophe français René Thom, qui constate que tout système complexe est par essence fragile et même d’autant plus fragile que sa complexité est grande. Corvus exploite l’oeuvre de Thom, dans la mesure où il rappelle qu’un événement anodin peut créer, le cas échéant, des réactions en chaîne qui conduisent à la catastrophe par implosion ou par explosion. On connait ce modèle posé maintes fois par certains climatologues, observateurs de catastrophes naturelles: le battement d’aile d’un papillon à Hawai peut provoquer un tsunami au Japon ou aux Philippines. Les théories de Thom trouvent surtout une application pratique pour observer et prévenir les effondrements boursiers : en effet, de petites variations peuvent déboucher sur une crise ou un krach de grande ampleur.
Corvus soulève donc la question sur le plan de la gestion des Etats voire du village-monde à l’heure de la globalisation: l’exemple de l’ouragan qui a provoqué fin août les inondations de la Nouvelle-Orléans prouve d’ores et déjà que le système américain ne peut gérer, de manière optimale, deux situations d’urgence à la fois : la guerre en Irak, qui mobilise fonds et énergies, et les inondations à l’embouchure du Mississippi (dont la domestication du bassin a été le projet premier de Franklin Delano Roosevelt, pour lequel il a mobilisé toutes les énergies de l’Amérique à l’ “ère des directeurs” —ces termes sont de James Burnham— et pour lequel il a déclenché les deux guerres mondiales afin de glaner les fonds suffisants, après élimination de ses concurrents commerciaux allemands et japonais, et de réaliser son objectif: celui d’organiser d’Est en Ouest le territoire encore hétéroclite des Etats-Unis). La catastrophe naturelle qui a frappé la Nouvelle-Orléans est, en ce sens, l’indice d’un ressac américain en Amérique du Nord même et, plus encore, la preuve d’une fragilité extrême des systèmes hyper-complexes quand ils sont soumis à des sollicitations multiples et simultanées. Nous allons voir que ce débat est bien présent aujourd’hui aux Etats-Unis.
Qu’adviendrait-il d’une France frappée au même moment par quatre ou cinq catastrophes ?
En France, en novembre 2005, les émeutes des banlieues ont démontré que le système-France pouvait gérer dans des délais convenables des émeutes dans une seule ville, mais non dans plusieurs villes à la fois. La France est donc fragile sur ce plan. Il suffit, pour lui faire une guerre indirecte, selon les nouvelles stratégies élaborées dans les états-majors américains, de provoquer des troubles dans quelques villes simultanément. L’objectif d’une telle opération pourrait être de paralyser le pays pendant un certain temps, de lui faire perdre quelques milliards d’euros dans la gestion de ces émeutes, milliards qui ne pourront plus être utilisés pour les projets spatiaux concurrents et européens, pour la modernisation de son armée et de son industrie militaire (la construction d’un porte-avions par exemple). Imaginons alors une France frappée simultanément par une épidémie de grippe (aviaire ou non) qui mobiliserait outrancièrement ses infrastructures hospitalières, par quelques explosions de banlieues comme en novembre 2005 qui mobiliserait toutes ses forces de police, par des tornades sur sa côte atlantique comme il y a quelques années et par une crise politique soudaine due au décès inopiné d’un grand personnage politique. Inutile d’épiloguer davantage : la France, dans sa configuration actuelle, est incapable de faire face, de manière cohérente et efficace, à une telle convergence de catastrophes.
L’histoire prouve également que l’Europe du 14ième siècle a subi justement une convergence de catastrophes semblable. La peste l’a ravagée et fait perdre un tiers de ses habitants de l’époque. Cette épidémie a été suivie d’une crise socio-religieuse endémique, avec révoltes et jacqueries successives en plusieurs points du continent. A cet effondrement démographique et social, s’est ajoutée l’invasion ottomane, partie du petit territoire contrôlé par le chef turc Othman, en face de Byzance, sur la rive orientale de la Mer de Marmara. Il a fallu un siècle —et peut-être davantage— pour que l’Europe s’en remette (et mal). Plus d’un siècle après la grande peste de 1348, l’Europe perd encore Constantinople en 1453, après avoir perdu la bataille de Varna en 1444. En 1477, les hordes ottomanes ravagent l’arrière-pays de Venise. Il faudra encore deux siècles pour arrêter la progression ottomane, après le siège raté de Vienne en 1683, et presque deux siècles supplémentaires pour voir le dernier soldat turc quitter l’Europe. L’Europe risque bel et bien de connaître une “période de troubles”, comme la Russie après Ivan le Terrible, de longueur imprévisible, aux effets dévastateurs tout aussi imprévisibles, avant l’arrivée d’un nouvel “empereur”, avant le retour du politique.
“Guerre longue” et “longue catastrophe”: le débat anglo-saxon
Replaçons maintenant la parution de “La convergence des catastrophes” de Guillaume Corvus dans le contexte général de la pensée stratégique actuelle, surtout celle qui anime les débats dans le monde anglo-saxon. Premier ouvrage intéressant à mentionner dans cette introduction est celui de Philip Bobbitt, “The Shield of Achilles. War, Peace and the Course of History” (Penguin, Harmondsworth, 2002-2003) où l’auteur explicite surtout la notion de “guerre longue”. Pour lui, elle s’étend de 1914 à la première offensive américaine contre l’Irak en 1990-91. L’actualité nous montre qu’il a trop limité son champ d’observation et d’investigation : la seconde attaque américaine contre l’Irak en 2003 montre que la première offensive n’était qu’une étape; ensuite, l’invasion de l’Afghanistan avait démontré, deux ans auparavant, que la “guerre longue” n’était pas limitée aux deux guerres mondiales et à la guerre froide, mais englobait aussi des conflits antérieurs comme les guerres anglo-russes par tribus afghanes interposées de 1839-1842, la guerre de Crimée, etc. Finalement, la notion de “guerre longue” finit par nous faire découvrir qu’aucune guerre ne se termine définitivement et que tous les conflits actuels sont in fine tributaires de guerres anciennes, remontant même à la protohistoire (Jared Diamonds, aux Etats-Unis, l’évoque dans ses travaux, citant notamment que la colonisation indonésienne des la Papouasie occidentale et la continuation d’une invasion austronésienne proto-historique; ce type de continuité ne s’observa pas seulement dans l’espace austral-asiatique).
Si l’on limite le champ d’observation aux guerres pour le pétrole, qui font rage plus que jamais aujourd’hui, la période étudiée par Bobbitt ne l’englobe pas tout à fait: en effet, les premières troupes britanniques débarquent à Koweit dès 1910; il conviendrait donc d’explorer plus attentivement le contexte international, immédiatement avant la première guerre mondiale. Comme l’actualité de ce mois de janvier 2006 le prouve : ce conflit pour le pétrole du Croissant Fertile n’est pas terminé. Anton Zischka, qui vivra centenaire, sera actif jusqu’au bout et fut l’une des sources d’inspiration majeures de Jean Thiriart, avait commencé sa très longue carrière d’écrivain journaliste en 1925, quand il avait 25 ans, en publiant un ouvrage, traduit en français chez Payot, sur “La guerre du pétrole”, une guerre qui se déroule sur plusieurs continents, car Zischka n’oubliait pas la Guerre du Chaco en Amérique du Sud (les tintinophiles se rappelleront de “L’oreille cassée”, où la guerre entre le San Theodoros fictif et son voisin, tout aussi fictif, est provoquée par le désir de pétroliers américains de s’emparer des nappes pétrolifières).
Aujourd’hui, à la suite du constat d’une “longue guerre”, posé par Bobbitt et, avant lui, par Zischka, l’auteur américain James Howard Kunstler, dans “La fin du pétrole. Le vrai défi du XXI° siècle” (Plon, 2005) reprend et réactualise une autre thématique, qui avait été chère à Zischka, celle du défi scientifique et énergétique que lancera immanquablement la raréfaction du pétrole dans les toutes prochaines décennies. Pour Zischka, les appareils scientifiques privés et étatiques auraient dû depuis longtemps se mobiliser pour répondre aux monopoles de tous ordres. Les savants, pour Zischka, devaient se mobiliser pour donner à leurs patries, à leurs aires civilisationnelles (Zischka est un européiste et non un nationaliste étroit), les outils nécessaires à assurer leurs autonomies technologique, alimentaire, énergétique, etc. C’est là une autre réponse à la question de Clausewitz et à la nécessité d’une bonne gestion du patrimoine naturel et culturel des peuples. Faye n’a jamais hésité à plaider pour la diversification énergétique ou pour une réhabilitation du nucléaire. Pour lui comme pour d’autres, bon nombre d’écologistes sont des agents des pétroliers US, qui entendent garder les états inclus dans l’américanosphère sous leur coupe exclusive. L’argument ne manque nullement de pertinence, d’autant plus que le pétrole est souvent plus polluant que le nucléaire. Pour Corvus, l’une des catastrophes majeures qui risque bel et bien de nous frapper bientôt, est une crise pétrolière d’une envergure inédite.
La fin du modèle urbanistique américain
Les arguments de Corvus, nous les retrouvons chez Kunstler, preuve une nouvelle fois que ce livre sur la convergence des catstrophes n’a rien de marginal comme tentent de le faire accroire certains “aggiornamentés” du canal historique de la vieille “nouvelle droite” (un petit coup de patte en passant, pour tenter de remettre les pendules à l’heure, même chez certains cas désespérés… ou pour réveiller les naïfs qui croient encore —ou seraient tentés de croire— à ces stratégies louvoyantes et infructueuses…). Kunstler prévoit après la “longue guerre”, théorisée par Bobbitt, ou après la longue guerre du pétrole, décrite dans ses premiers balbutiements par Zischka, une “longue catastrophe”. Notamment, il décrit, de manière fort imagée, en prévoyant des situations concrètes possibles, l’effondrement de l’urbanisme à l’américaine. Ces villes trop étendues ne survivraient pas en cas de disparition des approvisionnements de pétrole et, partant, de l’automobile individuelle. 80% des bâtiments modernes, explique Kunstler, ne peuvent survivre plus de vingt ans en bon état de fonctionnement. Les toitures planes sont recouvertes de revêtements éphémères à base de pétrole, qu’il faut sans cesse renouveler. Il est en outre impossible de chauffer et d’entretenir des super-marchés sans une abondance de pétrole. La disparition rapide ou graduelle du pétrole postule un réaménagement complet des villes, pour lequel rien n’a jamais été prévu, vu le mythe dominant du progrès éternel qui interdit de penser un ressac, un recul ou un effondrement. Les villes ne pourront plus être horizontales comme le veut l’urbanisme américain actuel. Elle devront à nouveau se verticaliser, mais avec des immeubles qui ne dépasseront jamais sept étages. Il faudra revenir à la maçonnerie traditionnelle et au bois de charpente. On imagine quels bouleversements cruels ce réaménagement apportera à des millions d’individus, qui risquent même de ne pas survivre à cette rude épreuve, comme le craint Corvus. Kunstler, comme Corvus, prévoit également l’effondrement de l’école obligatoire pour tous : l’école ne sera plus “pléthorique” comme elle l’est aujourd’hui, mais s’adressera à un nombre limité de jeunes, ce qui conduira à une amélioration de sa qualité, seul point positif dans la catastrophe imminente qui va nous frapper.
La “quatrième guerre mondiale” de Thierry Wolton
Pour ce qui concerne le défi islamique, que Faye a commenté dans le sens que vous savez, ce qui lui a valu quelques ennuis, un autre auteur, Thierry Wolton, bcbg, considéré comme “politiquement correct”, tire à son tour la sonnette d’alarme, mais en prenant des options pro-américaines à nos yeux inutiles et, pire, dépourvues de pertinence. Dans l’ouvrage de Wolton, intitulé “La quatrième guerre mondiale” (Grasset, 2005), l’auteur évoque l’atout premier du monde islamique, son “youth bulge”, sa “réserve démographique”. Ce trop-plein d’hommes jeunes et désoeuvrés, mal formés, prompts à adopter les pires poncifs religieux, est une réserve de soldats ou de kamikazes. Mais qui profiteront à qui? Aucune puissance islamique autonome n’existe vraiment. Les inimitiés traversent le monde musulman. Aucun Etat musulman ne peut à terme servir de fédérateur à une umma offensive, malgré les rodomontades et les vociférations. Seuls les Etats-Unis sont en mesure de se servir de cette masse démographique disponible pour avancer leurs pions dans cet espace qui va de l’Egypte à l’Inde et de l’Océan Indien à la limite de la taïga sibérienne. Certes, l’opération de fédérer cette masse territoriale et démographique sera ardue, connaîtra des ressacs, mais les Etats-Unis auront toujours, quelque part, dans ce vaste “Grand Moyen Orient”, les dizaines de milliers de soldats disponibles à armer pour des opérations dans le sens de leurs intérêts, au détriment de la Russie, de l’Europe, de la Chine ou de l’Inde. Avec la Turquie, jadis fournisseur principal de piétaille potentielle pour l’OTAN ou l’éphémère Pacte de Bagdad du temps de la Guerre froide dans les années 50, branle dans le manche actuellement. Les romans d’un jeune écrivain, Burak Turna, fascinent le public turc. Ils évoquent une guerre turque contre les Etats-Unis et contre l’UE (la pauvre….), suivie d’une alliance russo-turque qui écrasera les armées de l’UE et plantera le drapeau de cette alliance sur les grands édifices de Vienne, Berlin et Bruxelles. Ce remaniement est intéressant à observer : le puissant mouvement des loups gris, hostiles à l’adhésion turque à l’UE et en ce sens intéressant à suivre, semble opter pour les visions de Turna.
Dans ce contexte, mais sans mentionner Turna, Wolton montre que la présence factuelle du “youth bulge” conduit à la possibilité d’une “guerre perpétuelle”, donc “longue”, conforme à la notion de “jihad”. Nouvelle indice, après Bobbitt et Kunstler, que le pessimisme est tendance aujourd’hui, chez qui veut encore penser. La “guerre perpétuelle” n’est pas un problème en soi, nous l’affrontons depuis que les successeurs du Prophète Mohamet sont sortis de la péninsule arabique pour affronter les armées moribondes des empires byzantins et perses. Mais pour y faire face, il faut une autre idéologie, un autre mode de pensée, celui que l’essayiste et historien américain Robert Kaplan suggère à Washington de nos jours : une éthique païenne de la guerre, qu’il ne tire pas d’une sorte de new age à la sauce Tolkien, mais notamment d’une lecture attentive de l’historien grec antique Thucydide, premier observateur d’une “guerre longue” dans l’archipel hellénique et ses alentours. Kaplan nous exhorte également à relire Machiavel et Churchill. Pour Schmitt hier, comme pour Kaplan aujourd’hui, les discours normatifs et moralisants, figés et soustraits aux effervescences du réel, camouflent des intérêts bornés ou des affaiblissements qu’il faut soigner, guérir, de toute urgence.
L’infanticide différé
Revenons à la notion de “youth bulge”, condition démographique pour mener des guerres longues. Utiliser le sang des jeunes hommes apparait abominable, les sacrifier sur l’autel du dieu Mars semble une horreur sans nom à nos contemporains bercés par les illusions irénistes qu’on leur a serinées depuis deux ou trois décennies. En Europe, le sacrifice des jeunes générations masculines a été une pratique courante jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ne nous voilons pas la face. Nous n’avons pas été plus “moraux” que les excités islamiques d’aujourd’hui et que ceux qui veulent profiter de leur fougue. La bataille de Waterloo, à quinze kilomètres d’ici, est une bataille d’adolescents fort jeunes, où l’on avait notamment fourré dans les uniformes d’une “Landwehr du Lünebourg” tous les pensionnaires des orphelinats du Hanovre, à partir de douze ans. La lecture des ouvrages remarquables du démographe français Gaston Bouthoul, autre maître à penser de Faye, nous renseigne sur la pratique romaine de l’”infanticide différé”. Rome, en armant ces légions, supprimait son excédent de garçons, non pas en les exposant sur les marges d’un temple ou en les abandonnant sur une colline, mais en différant dans le temps cette pratique courante dans les sociétés proto-historiques et antiques. Le jeune homme avait le droit à une enfance, à être nourri avant l’âge adulte, à condition de devenir plus tard soldat de dix-sept à trente-sept ans. Les survivants se mariaient et s’installaient sur les terres conquises par leurs camarades morts. L’empire ottoman reprendra cette pratique en armant le trop-plein démographique des peuples turcs d’Asie centrale et les garçons des territoires conquis dans les Balkans (les janissaires). La raison économique de cette pratique est la conquête de terres, l’élargissement de l’ager romanus et l’élimination des bouches inutiles. Le ressac démographique de l’Europe, où l’avortement remboursé a remplacé l’infanticide différé de Bouthoul, rend cette pratique impossible, mais au détriment de l’expansion territoriale. Le “youth bulge” islamique servira un nouveau janissariat turc, si les voeux de Turna s’exaucent, la jihad saoudienne ou un janissariat inversé au service de l’Amérique.
Que faire ?
L’énoncé de tous ces faits effrayants qui sont ante portas ne doit nullement conduire au pessimisme de l’action. Les réponses que peut encore apporter l’Europe dans un sursaut in extremis (dont elle a souvent été capable : les quelques escouades de paysans visigothiques des Cantabriques qui battent les Maures vainqueurs et arrêtent définitivement leur progression, amorçant par là la reconquista; les Spartiates des Thermopyles; les défenseurs de Vienne autour du Comte Starhemberg; les cent trente-cinq soldats anglais et gallois de Rorke’s Drift; etc.) sont les suivantes :
- Face au “youth bulge”, se doter une supériorité technologique comme aux temps de la proto-histoire avec la domestication du cheval et l’invention du char tracté; mais pour renouer avec cette tradition des “maîtres des chevaux”, il faut réhabiliter la discipline scolaire, surtout aux niveaux scientifiques et techniques.
- Se remémorer l’audace stratégique des Européens, mise en exergue par l’historien militaire américain Hanson dans “Why the West has always won”. Cela implique la connaissance des modèles anciens et modernes de cette audace impavide et la création d’une mythologie guerrière, “quiritaire”, basée sur des faits réels comme l’Illiade en était une.
- Rejeter l’idéologie dominante actuelle, créer un “soft power” européen voire euro-sibérien (Nye), brocarder l’ “émotionalisme” médiatique, combattre l’amnésie historique, mettre un terme à ce qu’a dénoncé Philippe Muray dans “Festivus festivus” (Fayard, 2005), et, antérieurement, dans “Désaccord parfait” (coll. “Tel”, Gallimard), soit l’idéologie festive, sous toutes ses formes, dans toute sa nocivité, cette idéologie festive qui domine nos médias, se campe comme l’idéal définitif de l’humanité, se crispe sur ses positions et déchaîne une nouvelle inquisition (dont Faye et Brigitte Bardot ont été les victimes).
C’est un travail énorme. C’est le travail métapolitique. C’est le travail que nous avons choisi de faire. C’est le travail pour lequel Guillaume Faye, qui va maintenant prendre la parole, a consacré toute sa vie. A vous de reprendre le flambeau. Nous ne serons écrasés par les catastrophes et par nos ennemis que si nous laissons tomber les bras, si nous laissons s’assoupir nos cerveaux.
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jeudi, 11 février 2010
R. Steuckers: Referate und Seminare / Jahr 2009
Wien - Oktober 2007 - Foto: AnaR
Robert Steuckers: Referate und Seminare / Jahr 2009
- 24. Januar 2009 : Vortrag des Prof. Dr. Koen Elst im Kulturzentrum der Stadt Izegem (West-Flandern). Das Ereignis wurde von der Redaktion der Zeitschrift „Identiteit“ veranstaltet. Prof. Dr. Koen Elst ist Indien- und China-Spezialist der Universität Löwen (Flandern). In seinem Vortrag hat er über seine regelmäßigen Aufenthalte in Indien referiert und bewiesen das die Verteidigung der indisch-vedischen Identität, wie auch der Nobelpreisträger Naipaul es empfiehlt, eine Notwendigkeit ist und ein Beispiel für Europa dem Islamfundamentalismus gegenüber.
- 07. Februar 2009 : Pariser Kolloquium des Vereins „Mémorial des Rois“ unter Leitung des iranischen Ingenieurs Chahpour Sadler. Unter den Referenten, Prof. Dr. Jean Haudry, der über den Begriff des Königstums bei den Indogermanen gesprochen hat; Prof. Charles-Henry de Fouchecour, der über das „Buch der Könige“ („Schahnameh“) des persischen Dichters Firdaussi referiert hat; Firdaussi hatte diesen Epos von mehr als 55.000 Versen geschrieben, damit das vorislamische Gedächtnis des Irans nicht durch den aus dem arabischen Halbinsel importierten Glauben definitiv zerstört wurde; und Robert Steuckers, der über die Ereignisse der iranischen Geschichte im Laufe der letzten dreißig Jahre; Steuckers hat auch erklärt warum er sich so sehr für die iranische Geschichte interessiert: weil er dem Gedächtnis des surrealistischen Malers, flämischen Dichters und Kunsthistorikers Marc Eemans treu bleiben wollte. Vor dem zweiten Weltkrieg, hatte Eemans die künstlerischen Werten, die der persische Dichter Sohrawardi in seinem Werk entstehen liess, in seiner philosophisch-religionsgeschichtlichen Zeitschrift „Hermès“ (Brüssel, 1933-1940) wieder entdeckt. Sohrawardi führte im damaligen Iran einen erneuten indogermanischen Lichtkultus ein, den der französische Iranolog Henri Corbin, ehemaliger Mitarbeiter von „Hermès“, nach 1945 wissenschaftlich erforschen wird.
- 05. März 2009 : Für die deutsch-flämische Burschenschaft der Universitätsstadt Löwen, referierte Robert Steuckers über Geopolitik. In dieser Einleitung in das Fach Geopolitik, ging es hauptsächlich über die angelsächsischen Lehren McKinders und Leas, die heutzutage noch die Grundlage des US-Imperialismus darstellen.
- 26. März 2009 : Für die Abteilung der „Terre & Peuple“-Bewegung in der Region Lille, referiert Robert Steuckers über die verschiedenen Strömungen innerhalb des Islamfundamentalismus. Sein Vortrag war eine Aktualisierung seiner Äußerungen zur Gelegenheit des Kolloquiums der „Gesellschaft für Freie Publizistik“ in Bayreuth (April 2006).
- 16. April 2009: Für das Kulturinstitut der welschschweizerischen Stadt Genf, referiert Robert Steuckers über den russischen Dichter Alexander Solschenitsyn und legt dabei den Akzent über seine Erinnerung aus der Zeit unmittelbar nach dem zweiten Weltkrieg, wenn er zusammen mit Lew Kopelew in einer Moskauer Gefängnis eingesperrt war. In diesen Gesprächen zwischen Gefangenen findet man die ursprüngliche Quelle seiner scharfen Kritik am Kommunismus sowjetischer Prägung und auch seiner Kritik am westlichen System, die er besonders während seines langen Aufenthaltes in den Vereinigten Staaten entwickelt hat. Steuckers analysierte auch gründlich die Themen aller kritischen Bücher Solschenitsyn, u. a. diejenigen, die uns heute erlauben, eine scharfe Kritik der Mediendiktatur ermöglichen.
- 17. April 2009: Für den Proudhon-Kreis unter Leitung des Genfer Anwaltes Pascal Junod, wiederholte Steuckers seinen in Lille gehalten Vortrag (26. März 2009) über den zahlreichen Schattierungen des Islamfundamentalismus.
- 25. April 2009: Für den Hermès-Kreis der lothringischen Stadt Metz, referierte Robert Steuckers über die eurasische Idee. Der Text, der dieses Referat als Quelle diente, war ein Vorwort für Dr. Jure Vujics Buch über „Geopolitik und Eurasische Idee“, das in Kroatien erschienen sollte. Steuckers entwickelte in diesem Vorwort die Idee eines indogermanischen Eurasismus, indem man sich davon bewusst sein muss, das Mittelasien ursprünglich indogermanisch war. Turkisch-mongolische Stämme sind nur ab ungefähr 200 vor unserer Zeitrechnung ein Machtfaktor im Norden der heutigen Mandschurei geworden und haben nur sehr langsam ihre Macht im asiatischen Raum ausgedehnt.
- 27. Mai 2009: Für den „Brüsseler Kreis“ („Cercle de Bruxelles“), wiederholte Robert Steuckers seinen in Genf gehaltenen Vortrag über Solschenitsyn.
- 30. September 2009: Für den „Brüsseler Kreis“ („Cercle de Bruxelles“), wiederholte Robert Steuckers einen Vortrag, den er in Genf in Februar 2008 gehalten hatte. Thema war diesmal die belgische Galionsfigur überhaupt, d. h. diejenige des Zeichners Hergé (alias Georges Rémy), der „Tim und Struppi“ („Tintin et Milou“) ausgefunden hat. Zur Gelegenheit seiner 100. Geburtstag wurde Hergé scharf von einem französischen Polemisten angegriffen, der ihn als „Faschist“ verunglimpfte. Um Hergé zu verteidigen, war es notwendig, zwei Figuren aus seiner Umgebung wieder zu entdecken: der Abt Norbert Wallez, der sich einsetzte für eine flämisch-wallonisch-elsässiche-rheinländische Symbiose, und der „Personnaliste“, Dritter-Weg-Sucher und Journalist Raymond de Becker.
- 05 Dezember 2009: Robert Steuckers wiederholt sein Referat über die Grundlage der angelsächsischen Geopolitik, das er in Löwen Anfang März gehalten hatte, diesmal in der ostflämischen Stadt Gent, für eine Gruppe interessierter Studenten, Neo-Solidaristen und Anderen.
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lundi, 08 février 2010
Nouveautés sur le site "Vouloir"
Nouveautés sur le site
http://vouloir.hautetfort.com/
Pierre-Jean BERNARD :
Les néo-socialistes au-delà de la gauche et de la droite
Carl PEPIN :
Sur Georges Valois
Paul SERANT :
Sur Georges Valois
◊ ◊ ◊
Robert STEUCKERS :
Préface à « Religiosité indo-européenne » de H. F. K. Günther
Robert STEUCKERS :
La lecture évolienne des thèses de H. F. K . Günther
◊ ◊ ◊
Ralf VAN DEN HAUTE :
1984, 1984,5, 1985 ou... d’Orwell à Burgess
R. DUMAS :
« 1984 » : roman du pouvoir, pouvoir du roman
Takeo DOI :
« 1984 » d’Orwell et la schizophrénie
◊ ◊ ◊
Bruno FAVRIT :
Hypathie, vierge martyre des païens
John THORP :
A la recherche d’Hypathie
Jean-Yves DANIEL :
L’astronomie des Grecs ou comment « sauver les phénomènes » ?
◊ ◊ ◊
Frank GOOVAERTS :
Sur l’itinéraire d’Erich Wichman (1890-1929)
Robert STEUCKERS :
Adieu à Frank Goovaerts
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vendredi, 29 janvier 2010
Nation et nationalisme, Empire et impérialisme, dévolution et grand espace
Communication de Robert Steuckers
au XXIVième Colloque du GRECE, Paris, le 24 mars 1991
Nation et nationalisme, Empire et impérialisme, dévolution et grand espace
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,
Le thème de notre colloque d'aujourd'hui est à la fois intemporel et actuel.
Actuel parce que le monde est toujours, envers et contre les espoirs des utopistes cosmopolites, un pluriversum de nations, et parce que nous replongerons tout à l'heure à pieds joints dans l'actualité internationale, marquée par le conflit, donc par la pluralité antagonistes des valeurs et des faits nationaux.
Intemporel parce que nous abordons des questions que toutes les générations, les unes après les autres, remettent inlassablement sur le tapis. En traitant de la nation et du nationalisme, de l'Empire et de l'impérialisme, nous touchons aux questions essentielles du politique, donc aux questions essentielles de l'être-homme, puisqu'Aristote déjà définissait l'homme comme un zoon politikon, comme un être ancré dans une polis, dans une cité, dans une nation. Ancrage nécessaire, ancrage incontournable mais ancrage risqué car précisément il accorde tout à la fois profondeur, sens de la durée et équilibre mais provoque aussi l'enfermement, l'auto-satisfaction, l'installation, la stérilité.
Devant le retour en Europe de l'Est et de l'Ouest d'un discours se proclamant nationaliste, il est impératif de comprendre ce double visage que peut prendre le nationalisme, de voir en lui cet avantage et ce risque, cette assurance que procure l'enracinement et ce dérapage qui le fait chavirer dans l'enfermement. Quant à la notion d'empire, elle a désigné au Moyen Age le Reich centre-européen, sorte d'agence qui apaisait les conflits entre les diverses ethnies et les multiples corps qui le composait; puis elle a désigné, sous Bonaparte, le militarisme qui tentait d'imposer partout en Europe des modèles constitutionnels marqués par l'individualisme bourgeois, qui méconnaissaient les logiques agrégatrices et communautaires des corps de métier, des «républiques villageoises» et des pays charnels; ensuite, elle a désigné l'impérialisme marchand et thalassocratique de l'Angleterre, qui visait l'exploitation de colonies par des groupes d'actionnaires, refusant le travail parce que, lecteurs de la Bible, ils voyaient en lui une malédiction divine; leur aisance, leur oisivité, ils la tiraient des spéculations boursières.
Cette confusion sémantique, qui vaut pour le terme «nation» comme pour le terme «empire», il importe que nous la dissipions. Que nous clarifions le débat. C'est notre tâche car, volontairement, nous parions pour le long terme et nous refusons de descendre directement dans l'arène politicienne qui nous force toujours aux pires compromis. Si nous ne redéfinissons pas nous-mêmes les concepts, si nous ne diffusons pas nos redéfinitions par le biais de nos stratégies éditoriales, personne ne le fera à notre place. Et la confusion qui règne aujourd'hui persistera. Elle persistera dans le chaos et de ce chaos rien de cohérent ne sortira.
Commençons par définir la nation, en nous rappelant ce qu'Aristote nous enseignait à propos du zoon politikon ancré dans sa cité. Le politique, qui est l'activité théorique surplombant toutes les autres activités de l'homme en leur conférant un sens, prend toujours et partout son envol au départ d'un lieu qui est destin. A partir de ce lieu se crée une socialité particulière, étayée par des institutions bien adaptées à ce paysage précis, forcément différentes des institutions en vigueur dans d'autres lieux. Nous avons donc affaire à une socialité institutionnalisée qui procure à sa communauté porteuse autonomie et équilibre, lui assure un fonctionnement optimal et un rayonnement maximal dans son environnement. Le rayonnement élargit l'assise de la socialité, crée le peuple, puis la nation. Mais cette nation, produit d'une évolution partie de l'ethnos originel, se diversifie à outrance au cours de l'évolution historique. En bout de course, nous avons toujours affaire à des nations à dimensions multiples, qui se déploient sur un fond historique soumis à tous les aléas du temps. Toute conception valide de la nation passe par une prise en compte de cette multidimensionalité et de ce devenir. Le peuple est donc une diversité sociologique qu'il faut organiser, notamment par le truchement de l'Etat.
L'Etat organise un peuple et le hisse au rang de nation. L'Etat est projet, plan: il est, vis-à-vis de la concrétude nation, comme l'ébauche de l'architecte par rapport au bâtiment construit, comme la forme par rapport à la matière travaillée. Ce qui implique que l'Etat n'a pas d'objet s'il n'y a pas, au préalable, la concrétude nation. Toutes les idéologies statolâtriques qui prétendent exclure, amoindrir, juguler, réduire la concrétude, la matière qu'est la nation, sont des sottises théoriques. Le peuple précède l'Etat mais sans la forme Etat, il ne devient pas nation, il n'est pas organisé et sombre rapidement dans l'inexistence historique, avant de disparaître de la scène de l'histoire. L'Etat au service de la concrétude peuple, de la populité génératrice d'institutions spécifiques, n'est pas un concept abstrait mais un concept nécessaire, un concept qui est projet et plan, un projet grâce auquel les élites du peuple affrontent les nécessités vitales. L'Etat —avec majuscule— organise la totalité du peuple comme l'état —sans majuscule— organise telle ou telle strate de la société et lui confère du sens.
Mais il est des Etats qui ne sont pas a priori au service du peuple: Dans son célèbre ouvrage sur la définition du peuple (Das eigentliche Volk, 1932), Max Hildebert Boehm nous a parlé des approches monistes du concept Etat, des approches monistes qui refusent de tenir compte de l'autonomie nécessaires des sphères sociales. Ces Etats capotent rapidement dans l'abstraction et la coercition stérile parce qu'ils refusent de se ressourcer en permanence dans la socialité populaire, dans la «populité» (= Volkheit), de se moduler sur les nécessités rencontrées par les corps sociaux. Cette forme d'Etat coupée du peuple apparaît vers la fin du Moyen Age. Elle provoque une rupture catastrophique. L'Etat se renforce et la socialité se recroqueville. L'Etat veut se hisser au-dessus du temps et de l'espace. Le projet d'Etat absolu s'accompagne d'une contestation qui ébauche des utopies, situées généralement sur des îles, elles aussi en dehors du temps et de l'espace. Dès que l'Etat s'isole de la socialité, il ne l'organise plus, il ne la met plus en forme. Il réprime des autonomies et s'appauvrit du même coup. Quand éclate la révolution, comme en France en 1789, nous n'assistons pas à un retour aux autonomies sociales dynamisantes mais à un simple changement de personnel à la direction de la machine Etat. Les parvenus remplacent les faisandés au gouvernail du bateau.
C'est à ce moment historique-là, quand la nation concrète a périclité, que nous voyons émerger le nationalisme pervers que nous dénonçons. Le discours des parvenus est nationaliste mais leur but n'est pas la sauvegarde ou la restauration de la nation et de ses autonomies nécessaires, de ses autonomies qui lui permettent de rayonner et de briller de mille feux, de ses autonomies qui ont une dynamique propre qu'aucun décret ne peut régenter sans la meurtrir dangereusement. L'objectif du pouvoir est désormais de faire triompher une idéologie qui refuse de reconnaître les limites spatio-temporelles inhérentes à tout fait de monde, donc à toute nation. Une nation est par définition limitée à un cadre précis. Vouloir agir en dehors de ce cadre est une prétention vouée à l'échec ou génératrice de chaos et d'horreurs, de guerres interminables, de guerre civile universelle. Les révolutionnaires français se sont servis de la nation française pour faire triompher les préceptes de l'idéologie des Lumières. Ce fut l'échec. Les nationaux-socialistes allemands se sont servis de la nation allemande pour faire triompher l'idéal racial nordiciste, alors que les individus de race nordique sont éparpillés sur l'ensemble de la planète et ne constituent donc pas une concrétude pratique car toute concrétude pratique, organisable, est concentrée sur un espace restreint. Les ultramontains espagnols se sont servis des peuples ibériques pour faire triompher les actions du Vatican sur la planète. Les banquiers britanniques se sont servis des énergies des peuples anglais, écossais, gallois et irlandais pour faire triompher le libre-échangisme et permettre aux boursicotiers de vivre sans travailler et sans agir concrètement en s'abstrayant de toutes les limites propres aux choses de ce monde. Les jésuites polonais ont utilisé les énergies de leur peuple pour faire triompher un messianisme qui servait les desseins de l'Eglise.
Ce dérapage de l'étatisme, puis du nationalisme qui est un étatisme au service d'une abstraction philosophique, d'une philosophade désincarnée, a conduit aux affrontements et aux horreurs de la guerre de Crimée, de la guerre de 1870, de la guerre des Boers, des guerres balkaniques et de la guerre de 1914. Résultat qui condamne les nationalismes qui n'ont pas organisé leur peuple au plein sens du terme et n'ont fait que les mobiliser pour des chimères idéologiques ou des aventures colonialistes. Inversément, cet échec des nationalismes du discours et non de l'action concrète réhabilite les idéaux nationaux qui ont choisi l'auto-centrage, qui ont choisi de peaufiner une socialité adaptée à son cadre spatio-temporel, qui ont privilégié la rentabilisation de ce cadre en refusant le recours facile au lointain qu'était le colonialisme.
Pour sortir de l'impasse où nous ont conduit les folies nationalistes bellogènes, il faut opérer à la fois un retour aux socialités spatio-temporellement déterminées et il faut penser un englobant plus vaste, un conteneur plus spacieux de socialités diverses.
Le Saint-Empire du Moyen Age a été un conteneur de ce type. En langage moderne, on peut dire qu'il a été, avant son déclin, fédératif et agrégateur, qu'il a empêché que des corps étatiques fermés ne s'installent au cœur de notre continent. La disparition de cette instance politique et sacrée à la suite de la fatale calamité des guerres de religion a provoqué le chaos en Europe, a éclaté l'œkoumène européen médiéval. Sa restauration est donc un postulat de la raison pratique. A la suite des discours nationalistes fallacieux, il faut réorganiser le système des Etats européens en évitant justement que les peuples soient mobilisés pour des projets utopiques irréalisables, qu'ils soient isolés du contexte continental pour être mieux préparés par leurs fausses élites aux affrontements avec leurs voisins. Il faut donc réorganiser le continent en ramenant les peuples à leurs justes mesures. Ce retour des limites incontournables doit s'accompagner d'une déconstruction des enfermements stato-nationaux, où les peuples ont été précisément enfermés pour y être éduqués selon les principes de telle ou telle chimère universaliste.
Le retour d'une instance comparable au Saint-Empire mais répondant aux impératifs de notre siècle est un vieux souhait. Constantin Frantz, le célèbre philosophe et politologue allemand du XIXième siècle, parlait d'une «communauté des peuples du couchant», organisée selon un fédéralisme agrégateur, reposant sur des principes diamétralement différent de ceux de la révolution française, destructrice des tissus sociaux concrets par excès de libéralisme économique et de militarisme bonapartiste.
Guillaume de Molinari, économiste français, réclamait à la fin du XIXième siècle la construction d'un «marché commun» incluant l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la France, la Hollande, la Belgique, le Danemark et la Suisse. Il a soumis ses projets aux autorités françaises et à Bismarck. Lujo Brentano envisage à la même époque une union économique entre l'Autriche-Hongrie et les nouveaux Etats balkaniques. L'industriel autrichien Alexander von Peez, par un projet d'unification organique de l'Europe, entend répondre aux projets américains de construire l'Union panaméricaine, qui évincera l'Europe d'Amérique latine et amorcera un processus d'«américanisation universelle». Gustav Schmoller affirme que toute politique économique européenne sainement comprise ne peut en aucun cas s'enliser dans les aventures coloniales, qui dispersent les énergies, mais doit se replier sur sa base continentale et procéder à grande échelle à une «colonisation intérieure». Jäckh et Rohrbach théorisent enfin un projet de grande envergure: l'organisation économique de l'Europe selon un axe diagonal Mer du Nord/Golfe Persique. L'objectif de la théorie et de la pratique économiques devait être, pour ces deux économistes des vingt premières années de notre siècle, d'organiser cette ligne, partant de l'embouchure du Rhin à Rotterdam pour s'élancer, via le Main et le Danube, vers la Mer Noire et le Bosphore, puis, par chemin de fer, à travers l'Anatolie et la Syrie, la Mésopotamie et le villayat de Bassorah, aboutir au Golfe Persique. Vous le constatez, on retombe à pieds joints dans l'actualité. Mais, ce projet de Jäckh et de Rohrbach, qu'a-t-il à voir avec le thème de notre colloque? Que nous enseigne-t-il quant au nationalisme ou à l'impérialisme?
Beaucoup de choses. En élaborant leurs projets d'organisation continentale en zones germanique, balkanique et turque, les puissances centrales de 1914 réévaluaient le rôle de l'Etat agrégateur et annonçaient, par la voix du philosophe Meinecke, que l'ère des spéculations politiques racisantes était terminée et qu'il convenait désormais de faire la synthèse entre le cosmopolitisme du XVIIIième siècle et le nationalisme du XIXième siècle dans une nouvelle forme d'Etat qui serait simultanément supranationale et attentive aux ethnies qu'elle englobe. L'Entente, porteuse des idéaux progressistes de l'ère des Lumières, veut, elle, refaire la carte de l'Europe sur base des nationalités, ce qui a fait surgir, après Versailles, une «zone critique» entre les frontières linguistiques allemande et russe. Nous découvrons là la clef du problème qui nous préoccupe aujourd'hui: les puissances porteuses des idéaux des Lumières sont précisément celles qui ont encouragé l'apparition de petits Etats nationaux fermés sur eux-mêmes, agressifs et jaloux de leurs prérogatives. Universalisme et petit-nationalisme marchent la main dans la main. Pourquoi? Parce que l'entité politique impérialiste par excellence, l'Angleterre, a intérêt à fragmenter la diagonale qui s'élance de Rotterdam aux plages du Koweit. En fragmentant cette diagonale, l'Angleterre et les Etats-Unis de Wilson brisent la synergie grande-continentale européenne et ottomane de Vienne au Bosphore et de la frontière turque aux rives du Golfe Persique.
Or depuis la chute de Ceaucescu en décembre 1989, tout le cours du Danube est libre, déverrouillé. En 1992, les autorités allemandes inaugureront enfin le canal Main-Danube, permettant aux pousseurs d'emmener leurs cargaisons lourdes de Constantza, port roumain de la Mer Noire, à Rotterdam. Un oléoduc suivant le même tracé va permettre d'acheminer du pétrole irakien jusqu'au cœur industriel de la vieille Europe. Voilà les raisons géopolitiques réelles de la guerre déclenchée par Bush en janvier dernier. Car voici ce que se sont très probablement dit les stratèges des hautes sphères de Washington: «Si l'Europe est reconstituée dans son axe central Rhin-Main-Danube, elle aura très bientôt la possibilité de reprendre pied en Turquie, où la présence américaine s'avèrera de moins en moins nécessaire vu la déliquescence du bloc soviétique et les troubles qui secouent le Caucase; si l'Europe reprend pied en Turquie, elle reprendra pied en Mésopotamie. Elle organisera l'Irak laïque et bénéficiera de son pétrole. Si l'Irak s'empare du Koweit et le garde, c'est l'Europe qui finira par en tirer profit. La diagonale sera reconstituée non plus seulement de Rotterdam à Constantza mais du Bosphore à Koweit-City. La Turquie, avec l'appui européen, redeviendra avec l'Irak, pôle arabe, la gardienne du bon ordre au Proche-Orient. Les Etats-Unis, en phase de récession, seront exclus de cette synergie, qui débordera rapidement en URSS, surtout en Ukraine, pays capable de redevenir, avec un petit coup de pouce, un grenier à blé européen auto-suffisant. Alors, adieu les achats massifs de blé et de céréales aux Etats-Unis! Cette synergie débordera jusqu'en Inde et en Indonésie, marchés de 800 millions et de 120 millions d'âmes, pour aboutir en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un grand mouvement d'unification eurasienne verrait le jour, faisant du même coup déchoir les Etats-Unis, en mauvaise posture financière, au rang d'une puissance de second rang, condamnée au déclin. Les Etats-Unis ne seraient plus un pôle d'attraction pour les cerveaux du monde et on risquerait bien de voir s'effectuer une migration en sens inverse: les Asiatiques d'Amérique, qui sont les meilleurs étudiants d'Outre-Atlantique, retourneraient au Japon ou en Chine; les Euro-Américains s'en iraient faire carrière en Allemagne ou en Italie du Nord ou en Suède. Comment éviter cela? En reprenant à notre compte la vieille stratégie britannique de fragmentation de la diagonale! Et où faut-il la fragmenter à moindres frais? En Irak, pays affaibli par sa longue guerre contre l'Iran, pays détenteur de réserves pétrolières utiles à l'Europe».
La stratégie anglo-américaine de 1919, visant la fragmentation des Balkans et du Proche-Orient arabe et projetant la partition de la Turquie en plusieurs lambeaux, et la stratégie de Bush qui entend diviser l'Irak en trois républiques distinctes et antagonistes, sont rigoureusement de même essence. L'universalisme libéral-capitaliste, avatar des Lumières, instrumentalise le petit-nationalisme de fermeture pour arriver à asseoir son hégémonie.
Au seuil du XXième siècle comme au seuil du XXIième, la necessité d'élargir les horizons politiques aux dimensions continentales ont été et demeurent nécessaires. Au début de notre siècle, l'impératif d'élargissement était dicté par l'économie. Il était quantitatif. Aujourd'hui, il est encore dicté par l'économie et par les techniques de communications mais il est dicté aussi par l'écologie, par la nécessité d'un mieux-vivre. Il est donc aussi qualitatif. L'irruption au cours de la dernière décennie des coopérations interrégionales non seulement dans le cadre de la CEE mais entre des Etats appartenant à des regroupements différents ou régis par des systèmes socio-économiques antagonistes, ont signifié l'obsolescence des frontières stato-nationales actuelles. Les énergies irradiées à partir de diverses régions débordent le cadre désormais exigu des Etats-Nations. Les pays riverains de l'Adriatique et ceux qui forment, derrière la belle ville de Trieste, leur hinterland traditionnel, ont organisé de concert les synergies qu'ils suscitent. En effet, l'Italie, au nom de la structure stato-nationale née par la double action de Cavour et de Garibaldi, doit-elle renoncé aux possibles qu'avaient jadis concrétisé l'élan vénitien vers la Méditerranée orientale? La Sarre, la Lorraine et le Luxembourg coopèrent à l'échelon régional. Demain, l'axe Barcelone-Marseille-Turin-Milan fédèrera les énergies des Catalans, des Languedociens, des Provençaux, des Piémontais et des Lombards, en dépit des derniers nostalgiques qui veulent tout régenter au départ de Madrid, Paris ou Rome. Ces coopérations interrégionales sont inéluctables. Sur le plan de la politologie, Carl Schmitt nous a expliqué que le Grand Espace, la dimension continentale, allait devenir l'instance qui remplacera l'«ordre concret» établi par l'Etat depuis Philippe le Bel, Philippe II d'Espagne, François I, Richelieu ou Louis XIV. Ce remplacement est inévitable après les gigantesques mutations de l'ère techno-industrielle. Schmitt constate que l'économie a changé d'échelle et que dans le cadre de l'Etat, figure politique de la modernité, les explosions synergétiques vers la puissance ou la créativité ne sont plus possibles. Le maintien de l'Etat, de l'Etat-Nation replié sur lui-même, vidé de l'intérieur par tout un éventail de tiraillements de nature polycratique, ne permet plus une mobilisation holarchique du peuple qu'il n'administre plus que comme un appareil purement instrumental. Sa décadence et son exigüité appellent une autre dimension, non obsolète celle-là: celle du Grand Espace.
Si le Grand Espace est la seule figure viable de la post-modernité, c'est parce qu'on ne peut plus se contenter de l'horizon régional de la patrie charnelle ou de l'horizon supra-régional de l'Etat-Nation moderne. L'horizon de l'avenir est continental mais diversifié. Pour pouvoir survivre, le Grand Espace doit être innervé par plusieurs logiques de fonctionnement, pensées simultanément, et être animé par plusieurs stratégies vitales concomitantes. Cette pluralité, qui n'exclut nullement la conflictualité, l'agonalité, est précisément ce que veulent mettre en exergue les différentes écoles de la post-modernité.
Cette post-modernité du Grand Espace, animé par une pluralité de logiques de fonctionnement, condamne du même coup les monologiques du passé moderne, les monologiques de ce passatisme qu'est devenue la modernité. Mais elle condamne aussi la logique homogénéisante de l'impérialisme commercial et gangstériste des Etats-Unis et la monologique frileuse des gardiens du vieil ordre stato-national.
Pour organiser le Grand Espace, de Rotterdam à Constantza ou le long de toute la diagonale qui traverse l'Europe et le Proche-Orient de la Mer du Nord au Koweit, il faut au moins une double logique. D'abord une logique dont un volet réclame la dévolution, le recentrage des énergies populaires européennes sur des territoires plus réduits, parce que ces territoires ne seront alors plus contraints de ne dialoguer qu'avec une seule capitale mais auront la possibilité de multiplier leurs relations interrégionales. Ensuite une logique qui vise l'addition maximale d'énergies en Europe, sur le pourtour de la Méditerranée et au Proche-Orient.
L'adhésion à la nation, en tant qu'ethnie, demeure possible. Le dépassement de cet horizon restreint aussi, dans des limites élargies, celles du Grand Espace. L'ennemi est désigné: il a deux visages selon les circonstances; il est tantôt universaliste/mondialiste, tantôt petit-nationaliste. Il est toujours l'ennemi de l'instance que Carl Schmitt appelait de ses vœux.
Que faire? Eh bien, il faut 1) Encourager les logiques de dévolution au sein des Etats-Nations; 2) Accepter la pluralité des modes d'organisation sociale en Europe et refuser la mise au pas généralisée que veut nous imposer l'Europe de 1993; 3) Recomposer la diagonale brisée par les Américains; 4) Organiser nos sociétés de façons à ce que nos énergies et nos capitaux soient toujours auto-centrés, à quelqu'échelon du territoire que ce soit; 5) Poursuivre la lutte sur le terrain métapolitique en s'attaquant aux logiques de la désincarnation, avatars de l'idéologie des Lumières.
Pour conclure, je lance mon appel traditionnel aux cerveaux hardis et audacieux, à ceux qui se sentent capables de s'arracher aux torpeurs de la soft-idéologie, aux séductions des pensées abstraites qui méconnaissent limites et enracinements. A tous ceux-là, notre mouvement de pensée ne demande qu'une chose: travailler à la diffusion de toutes les idées qui transgressent les enfermements intellectuels, le prêt-à-penser.
Je vous remercie.
Robert Steuckers.
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Robert STEUCKERS (1987):
Postmodern Challenges:
Between Faust & Narcissus, Part 1
In Oswald Spengler’s terms, our European culture is the product of a “pseudomorphosis,” i.e., of the grafting of an alien mentality upon our indigenous, original, and innate mentality. Spengler calls the innate mentality “the Faustian.”
The Confrontation of the Innate and the Acquired
The alien mentality is the theocentric, “magical” outlook born in the Near East. For the magical mind, the ego bows respectfully before the divine substance like a slave before his master. Within the framework of this religiosity, the individual lets himself be guided by the divine force that he absorbs through baptism or initiation.
There is nothing comparable for the old-European Faustian spirit, says Spengler. Homo europeanus, in spite of the magic/Christian varnish covering our thinking, has a voluntarist and anthropocentric religiosity. For us, the good is not to allow oneself to be guided passively by God, but rather to affirm and carry out our own will. “To be able to choose,” this is the ultimate basis of the indigenous European religiosity. In medieval Christianity, this voluntarist religiosity shows through, piercing the crust of the imported “magism” of the Middle East.
Around the year 1000, this dynamic voluntarism appears gradually in art and literary epics, coupled with a sense of infinite space within which the Faustian self would, and can, expand. Thus to the concept of a closed space, in which the self finds itself locked, is opposed the concept of an infinite space, into which an adventurous self sallies forth.
From the “Closed” World to the Infinite Universe
According to the American philosopher Benjamin Nelson,[1] the old Hellenic sense of physis (nature), with all the dynamism this implies, triumphed at the end of the 13th century, thanks to Averroism, which transmitted the empirical wisdom of the Greeks (and of Aristotle in particular) to the West. Gradually, Europe passed from the “closed world” to the infinite universe. Empiricism and nominalism supplanted a Scholasticism that had been entirely discursive, self-referential, and self-enclosed. The Renaissance, following Copernicus and Bruno (the tragic martyr of Campo dei Fiori), renounced geocentrism, making it safe to proclaim that the universe is infinite, an essentially Faustian intuition according to Spengler’s criteria.
In the second volume of his History of Western Thought, Jean-François Revel, who formerly officiated at Point and unfortunately illustrated the Americanocentric occidentalist ideology, writes quite pertinently: “It is easy to understand that the eternity and infinity of the universe announced by Bruno could have had, on the cultivated men of the time, the traumatizing effect of passing from life in the womb into the vast and cruel draft of an icy and unbounded vortex.”[2]
The “magic” fear, the anguish caused by the collapse of the comforting certitude of geocentrism, caused the cruel death of Bruno, that would become, all told, a terrifying apotheosis . . . Nothing could ever refute heliocentrism, or the theory of the infinitude of sidereal spaces. Pascal would say, in resignation, with the accent of regret: “The eternal silence of these infinite spaces frightens me.”
From Theocratic Logos to Fixed Reason
To replace magical thought’s “theocratic logos,” the growing and triumphant bourgeois thought would elaborate a thought centered on reason, an abstract reason before which it is necessary to bow, like the Near Easterner bows before his god. The “bourgeois” student of this “petty little reason,” virtuous and calculating, anxious to suppress the impulses of his soul or his spirit, thus finds a comfortable finitude, a closed off and secured space. The rationalism of this virtuous human type is not the adventurous, audacious, ascetic, and creative rationalism described by Max Weber[3] which educates the inner man precisely to face the infinitude affirmed by Giordano Bruno.[4]
From the end of the Renaissance, Two Modernities are Juxtaposed
The petty rationalism denounced by Sombart[5] dominates the cities by rigidifying political thought, by restricting constructive activist impulses. The genuinely Faustian and conquering rationalism described by Max Weber would propel European humanity outside its initial territorial limits, giving the main impulse to all sciences of the concrete.
From the end of the Renaissance, we thus discover, on the one hand, a rigid and moralistic modernity, without vitality, and, on the other hand, an adventurous, conquering, creative modernity, just as we are today on the threshold of a soft post-modernity or of a vibrant post-modernity, self-assured and potentially innovative. By recognizing the ambiguity of the terms “rationalism,” “rationality,” “modernity,” and “post-modernity,” we enter one level of the domain of political ideologies, even militant Weltanschauungen.
The rationalization glutted with moral arrogance described by Sombart in his famous portrait of the “bourgeois” generates the soft and sentimental messianisms, the great tranquillizing narratives of contemporary ideologies. The conquering rationalization described by Max Weber causes the great scientific discoveries and the methodical spirit, the ingenious refinement of the conduct of life and increasing mastery of the external world.
This conquering rationalization also has its dark side: It disenchants the world, drains it, excessively schematizes it. While specializing in one or another domain of technology, science, or the spirit, while being totally invested there, the “Faustians” of Europe and North America often lead to a leveling of values, a relativism that tends to mediocrity because it makes us lose the feeling of the sublime, of the telluric mystique, and increasingly isolates individuals. In our century, the rationality lauded by Weber, if positive at the beginning, collapsed into quantitativist and mechanized Americanism that instinctively led by way of compensation, to the spiritual supplement of religious charlatanism combining the most delirious proselytism and sniveling religiosity.
Such is the fate of “Faustianism” when severed from its mythic foundations, of its memory of the most ancient, of its deepest and most fertile soil. This caesura is unquestionably the result of pseudomorphosis, the “magian” graft on the Faustian/European trunk, a graft that failed. “Magianism” could not immobilize the perpetual Faustian drive; it has—and this is more dangerous—cut it off from its myths and memory, condemned it to sterility and dessication, as noted by Valéry, Rilke, Duhamel, Céline, Drieu, Morand, Maurois, Heidegger, or Abellio.
Conquering Rationality, Moralizing Rationality, the Dialectic of Enlightenment, the “Grand Narratives” of Lyotard
Conquering rationality, if it is torn away from its founding myths, from its ethno-identitarian ground, its Indo-European matrix, falls—even after assaults that are impetuous, inert, emptied of substance—into the snares of calculating petty rationalism and into the callow ideology of the “Grand Narratives” of rationalism and the end of ideology. For Jean-François Lyotard, “modernity” in Europe is essentially the “Grand Narrative” of the Enlightenment, in which the heroes of knowledge work peacefully and morally toward an ethico-political happy ending: universal peace, where no antagonism will remain.[6] The “modernity” of Lyotard corresponds to the famous “Dialectic of the Enlightenment” of Horkheimer and Adorno, leaders of famous “Frankfurt School.”[7] In their optic, the work of the man of science or the action of the politician, must be submitted to a rational reason, an ethical corpus, a fixed and immutable moral authority, to a catechism that slows down their drive, that limits their Faustian ardor. For Lyotard, the end of modernity, thus the advent of “post-modernity,” is incredulity—progressive, cunning, fatalistic, ironic, mocking—with regard to this metanarrative.
Incredulity also means a possible return of the Dionysian, the irrational, the carnal, the turbid, and disconcerting areas of the human soul revealed by Bataille or Caillois, as envisaged and hoped by professor Maffesoli,[8] of the University of Strasbourg, and the German Bergfleth,[9] a young nonconformist philosopher; that is to say, it is equally possible that we will see a return of the Faustian spirit, a spirit comparable with that which bequeathed us the blazing Gothic, of a conquering rationality which has reconnected with its old European dynamic mythology, as Guillaume Faye explains in Europe and Modernity.[10]
Notes
1. Benjamin Nelson, Der Ursprung der Moderne, Vergleichende Studien zum Zivilisationsprozess [The Origin of Modernity: Comparative Studies of the Civilization Process] (Frankfurt am Main: Suhrkamp, 1986).
2. Jean-François Revel, Histoire de la pensée occidentale [History of Western Thought], vol. 2, La philosophie pendant la science (XVe, XVIe et XVIIe siècles) [Philosophy and Science (Fifteenth-, Sixteenth-, and Seventeenth-Centuries)] (Paris: Stock, 1970). Cf. also the masterwork of Alexandre Koyré, From the Closed World to the Infinite Universe (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 1957).
3. Cf. Julien Freund, Max Weber (Paris: P.U.F., 1969).
4. Paul-Henri Michel, La cosmologie de Giordano Bruno [The Cosmology of Giordano Bruno] (Paris: Hermann, 1962).
5. Cf. essentially: Werner Sombart, Le Bourgeois. Contribution à l’histoire morale et intellectuelle de l’homme économique moderne [The Bourgeois: Contribution to the Moral and Intellectual History of Modern Economic Man] (Paris: Payot, 1966).
6. Jean-François Lyotard, The Postmodern Condition: A Report on Knowledge, trans. Geoff Bennington and Brian Massumi. (Minneapolis: University of Minnesota Press, 1984).
7. Max Horkheimer and Theodor Adomo, The Dialectic of Enlightenment, trans. Edmund Jephcott (Stanford: Stanford University Press, 2002). Cf. also Pierre Zima, L’École de Francfort. Dialectique de la particularité [The Frankfurt School: Dialectic of Particularity] (Paris: Éditions Universitaires, 1974). Michel Crozon, “Interroger Horkheimer” [“Interrogating Horkheimer”] and Arno Victor Nielsen, “Adorno, le travail artistique de la raison” [“Adorno: The Artistic Work of Reason”], Esprit, May 1978.
8. Cf. chiefly Michel Maffesoli, L’ombre de Dionysos: Contribution à une sociologie de l’orgie [The Shadow of Dionysus: Contribution to a Sociology of the Orgy] (Méridiens, 1982). Pierre Brader, “Michel Maffesoli: saluons le grand retour de Dionysos” [Michel Maffesoli: Let us Greet the Great return of Dionysos], Magazine-Hebdo no. 54 (September 21, 1984).
9. Cf. Gerd Bergfleth et al., Zur Kritik der Palavernden Aufklärung [Toward a Critique of Palavering Reason] (Munich: Matthes & Seitz, 1984). In this remarkable little anthology, Bergfleth published four texts deadly to the “moderno-Frankfurtist” routine: (1) “Zehn Thesen zur Vernunftkritik” [“Ten Theses on the Critique of Reason”]; (2) “Der geschundene Marsyas” [“The Abuse of Marsyas”]; (3) “Über linke Ironie” [“On Leftist Irony”]; (4) “Die zynische Aufklärung” [“The Cynical Enlightnement”]. Cf. also R. Steuckers, “G. Bergfleth: enfant terrible de la scène philosophique allemande” [“G. Bergfleth: enfant terrible of the German philosophical scene”], Vouloir no. 27 (March 1986). In the same issue, see also M. Kamp, “Bergfleth: critique de la raison palabrante” [“Bergfleth: Critique of Palavering Reason”] and “Une apologie de la révolte contre les programmes insipides de la révolution conformiste” [“An Apology for the Revolt against the Insipid Programs of the Conformist Revolution”]. See also M. Froissard, “Révolte, irrationnel, cosmicité et . . . pseudo-antisémitisme,” [“Revolt, irrationality, cosmicity and . . . pseudo-anti-semitism”], Vouloir nos. 40–42 (July–August 1987).
10. Guillaume Faye, Europe et Modernité [Europe and Modernity] (Méry/Liège: Eurograf, 1985).
Postmodern Challenges:
Between Faust & Narcissus, Part 2
Once the Enlightenment metanarrative was established—“encysted”—in the Western mind, the great secular ideologies progressively appeared: liberalism, with its idolatry of the “invisible hand,”[1] and Marxism, with its strong determinism and metaphysics of history, contested at the dawn of the 20th century by Georges Sorel, the most sublime figure of European militant socialism.[2] Following Giorgio Locchi[3]—who occasionally calls the metanarrative “ideology” or “science”—we think that this complex “metanarrative/ideology/science” no longer rules by consensus but by constraint, inasmuch as there is muted resistance (especially in art and music[4]) or a general disuse of the metanarrative as one of the tools of legitimation.
The liberal-Enlightenment metanarrative persists by dint of force and propaganda. But in the sphere of thought, poetry, music, art, or letters, this metanarrative says and inspires nothing. It has not moved a great mind for 100 or 150 years. Already at the end of the 19th century, literary modernism expressed a diversity of languages, a heterogeneity of elements, a kind of disordered chaos that the “physiologist” Nietzsche analyzed[5] and that Hugo von Hoffmannstahl called die Welt der Bezuge (the world of relations).
These omnipresent interrelations and overdeterminations show us that the world is not explained by a simple, neat and tidy story, nor does it submit itself to the rule of a disincarnated moral authority. Better: they show us that our cities, our people, cannot express all their vital potentialities within the framework of an ideology given and instituted once and for all for everyone, nor can we indefinitely preserve the resulting institutions (the doctrinal body derived from the “metanarrative of the Enlightenment”).
The anachronistic presence of the metanarrative constitutes a brake on the development of our continent in all fields: science (data-processing and biotechnology[6]), economics (the support of liberal dogmas within the EEC), military (the fetishism of a bipolar world and servility toward the United States, paradoxically an economic enemy), cultural (media bludgeoning in favor of a cosmopolitanism that eliminates Faustian specificity and aims at the advent of a large convivial global village, run on the principles of the “cold society” in the manner of the Bororos dear to Lévi-Strauss[7]).
The Rejection of Neo-Ruralism, Neo-Pastoralism . . .
The confused disorder of literary modernism at the end of the 19th century had a positive aspect: its role was to be the magma that, gradually, becomes the creator of a new Faustian assault.[8] It is Weimar—specifically, the Weimar-arena of the creative and fertile confrontation of expressionism,[9] neo-Marxism, and the “conservative revolution”[10]—that bequeathed us, with Ernst Jünger, an idea of “post-metanarrative” modernity (or post-modernity, if one calls “modernity” the Dialectic of the Enlightenment, subsequently theorized by the Frankfurt School). Modernism, with the confusion it inaugurates, due to the progressive abandonment the pseudo-science of the Enlightenment, corresponds somewhat to the nihilism observed by Nietzsche. Nihilism must be surmounted, exceeded, but not by a sentimental return, however denied, to a completed past. Nihilism is not surpassed by theatrical Wagnerism, Nietzsche fulminated, just as today the foundering of the Marxist “Grand Narrative” is not surpassed by a pseudo-rustic neoprimitivism.[11]
In Jünger—the Jünger of In Storms of Steel, The Worker, and Eumeswil—one finds no reference to the mysticism of the soil: only a sober admiration for the perennialness of the peasant, indifferent to historical upheavals. Jünger tells us of the need for balance: if there is a total refusal of the rural, of the soil, of the stabilizing dimension of Heimat, constructivist Faustian futurism will no longer have a base, a point of departure, a fallback option. On the other hand, if the accent is placed too much on the initial base, the launching point, on the ecological niche that gives rise to the Faustian people, then they are wrapped in a cocoon and deprived of universal influence, rendered blind to the call of the world, prevented from springing towards reality in all its plenitude, the “exotic” included. The timid return to the homeland robs Faustianism of its force of diffusion and relegates its “human vessels” to the level of the “eternal ahistoric peasants” described by Spengler and Eliade.[12] Balance consists in drawing in (from the depths of the original soil) and diffusing out (towards the outside world).
In spite of all nostalgia for the “organic,” rural, or pastoral—in spite of the serene, idyllic, aesthetic beauty that recommend Horace or Virgil—Technology and Work are from now on the essences of our post-nihilist world. Nothing escapes any longer from technology, technicality, mechanics, or the machine: neither the peasant who plows with his tractor nor the priest who plugs in a microphone to give more impact to his homily.
The era of “Technology”
Technology mobilizes totally (Total Mobilmachung) and thrusts the individual into an unsettling infinitude where we are nothing more than interchangeable cogs. The machine gun, notes the warrior Jünger, mows down the brave and the cowardly with perfect equality, as in the total material war inaugurated in 1917 in the tank battles of the French front. The Faustian “Ego” loses its intraversion and drowns in a ceaseless vortex of activity. This Ego, having fashioned the stone lacework and spires of the flamboyant Gothic, has fallen into American quantitativism or, confused and hesitant, has embraced the 20th century’s flood of information, its avalanche of concrete facts. It was our nihilism, our frozen indecision due to an exacerbated subjectivism, that mired us in the messy mud of facts.
By crossing the “line,” as Heidegger and Jünger say,[13] the Faustian monad (about which Leibniz[14] spoke) cancels its subjectivism and finds pure power, pure dynamism, in the universe of Technology. With the Jüngerian approach, the circle is closed again: as the closed universe of “magism” was replaced by the inauthentic little world of the bourgeois—sedentary, timid, embalmed in his utilitarian sphere—so the dynamic “Faustian” universe is replaced with a Technological arena, stripped this time of all subjectivism.
Jüngerian Technology sweeps away the false modernity of the Enlightenment metanarrative, the hesitation of late 19th century literary modernism, and the trompe-l’oeil of Wagnerism and neo-pastoralism. But this Jüngerian modernity, perpetually misunderstood since the publication of Der Arbeiter [The Worker] in 1932, remains a dead letter.
Notes
1. On the theological foundation of the doctrine of the “invisible hand” see Hans Albert, “Modell-Platonismus. Der neoklassische Stil des ökonomischen Denkens in kritischer Beleuchtung” [“Model Platonism: The Neoclassical Style of Economic Thought in Critical Elucidation”], in Ernst Topitsch, ed., Logik der Sozialwissenschaften [Logic of Social Science] (Köln/Berlin: Kiepenheuer & Witsch, 1971).
2. There is abundant French literature on Georges Sorel. Nevertheless, it is deplorable that a biography and analysis as valuable as Michael Freund’s has not been translated: Michael Freund, Georges Sorel, Der revolutionäre Konservatismus [Georges Sorel: Revolutionary Conservatism] (Frankfurt a.M.: Vittorio Klostermann, 1972).
3. Cf. G. Locchi, “Histoire et société: critique de Lévi-Strauss” [“History and Society: Critique of Lévi-Strauss”], Nouvelle Ecole, no. 17 (March 1972) and “L’histoire” [“History”], Nouvelle Ecole, nos. 27–28 (January 1976).
4. Cf. G. Locchi, “L’idée de la musique’ et le temps de l’histoire” [“The ‘Idea of Music’ and the Times of History”], Nouvelle Ecole, no. 30 (November 1978) and Vincent Samson, “Musique, métaphysique et destin” [“Music, Metaphysics, and Destiny”], Orientations, no. 9 (September 1987).
5. Cf. Helmut Pfotenhauer, Die Kunst als Physiologie: Nietzsches äesthetische Theorie und literarische Produktion [Art as Physiology: Nietzsche’s Aesthetic Theory and Literary Production] (Stuttgart: J. B. Metzler, 1985). Cf. on Pfotenhauer’s book: Robert Steuckers, “Regards nouveaux sur Nietzsche” [“New Views of Nietzsche”], Orientations, no. 9.
6. Biotechnology and the most recent biocybernetic innovations, when applied to the operation of human society, fundamentally call into question the mechanistic theoretical foundations of the “Grand Narrative” of the Enlightenment. Less rigid, more flexible laws, because adapted to the deep drives of human psychology and physiology, would restore a dynamism to our societies and put them in tune with technological innovations. The Grand Narrative—which is always around, in spite of its anachronism—blocks the evolution of our societies; Habermas’ thought, which categorically refuses to fall in step with the epistemological discoveries of Konrad Lorenz, for example, illustrates perfectly the genuinely reactionary rigidity of the neo-Enlightenment in its Frankfurtist and current neo-liberal derivations. To understand the shift that is taking place regardless of the liberal-Frankfurtist reaction, see the work of the German bio-cybernetician Frederic Vester: (1) Unsere Welt—ein vernetztes System, dtv, no. l0,118, 2nd ed. (München, 1983) and (2) Neuland des Denkens. Vom technokratischen zum kybernetischen Zeitalter (Stuttgart: DVA, 1980). The restoration of holist (ganzheitlich) social thought by modern biology is discussed, most notably, in Gilbert Probst, Selbst-Organisation, Ordnungsprozesse in sozialen Systemen aus ganzheitlicher Sicht (Berlin: Paul Parey, 1987).
7. G. Locchi, “L’idée de la musique’ et le temps de l’histoire.”
8. To tackle the question of the literary modernism in the 19th century, see: M. Bradbury, J. McFarlane, eds., Modernism 1890–1930 (Harmondsworth: Penguin, 1976).
9. Cf. Paul Raabe, ed., Expressionismus. Der Kampf um eine literarische Bewegung (Zürich: Arche, 1987)—A useful anthology of the principal expressionist manifestos.
10. Armin Mohler, La Révolution Conservatrice en Allemagne, 1918–1932 (Puiseaux: Pardès, 1993). See mainly text A3 entitled “Leitbilder” (“Guiding Ideas”).
11. Cf. Gérard Raulet, “Mantism and the Post-Modern Conditions” and Claude Karnoouh, “The Lost Paradise of Regionalism: The Crisis of Post-Modernity in France,” Telos, no. 67 (March 1986).
12. Cf. Oswald Spengler, The Decline of the West, 2 vols., trans. Charles Francis Atkinson (New York: Knopf, 1926) for the definition of the “ahistorical peasant” see vol. 2. Cf. Mircea Eliade, The Sacred and the Profane: The Nature of Religion, trans. Willard R. Trask (San Diego: Harcourt, 1959). For the place of this vision of the “peasant” in the contemporary controversy regarding neo-paganism, see: Richard Faber, “Einleitung: ‘Pagan’ und Neo-Paganismus. Versuch einer Begriffsklärung,” in Richard Faber and Renate Schlesier, Die Restauration der Götter: Antike Religion und Neo-Paganismus [The Restoration of the Gods: Ancient Religion and Neo-Paganism] (Würzburg: Königshausen & Neumann, 1986), 10–25. This text was reviewed in French by Robert Steuckers, “Le paganisme vu de Berlin” [“Paganism as Seen in Berlin”], Vouloir no. 28–29, April 1986, pp. 5–7.
13. On the question of the “line” in Jünger and Heidegger, cf. W. Kaempfer, Ernst Jünger, Sammlung Metzler, Band 20l (Stuttgart, Metzler, 1981), pp. 119–29. Cf also J. Evola, “Devant le ‘mur du temps’” [“Before the ‘Wall of Time’”] in Explorations: Hommes et problems [Explorations: Men and Problems], trans. Philippe Baillet (Puiseaux: Pardès, 1989), pp. 183–94. Let us take this opportunity to recall that, contrary to the generally accepted idea, Heidegger does not reject technology in a reactionary manner, nor does he regard it as dangerous in itself. The danger is due to the failure to think of the mystery of its essence, preventing man from returning to a more originary unconcealment and from hearing the call of a more primordial truth. If the age of technology seems to be the final form of the Oblivion of Being, where the anxiety suitable to thought appears as an absence of anxiety in the securing and the objectification of being, it is also from this extreme danger that the possibility of another beginning is thinkable once the metaphysics of subjectivity is completed.
14. To assess the importance of Leibniz in the development of German organic thought, cf. F. M. Barnard, Herder’s Social and Political Thought: From Enlightenment to Nationalism (Oxford: Clarendon Press, 1965), 10–12.
Postmodern Challenges:
Between Faust & Narcissus, Part 3
In 1945, the tone of ideological debate was set by the victorious ideologies. We could choose American liberalism (the ideology of Mr. Babbitt) or Marxism, an allegedly de-bourgeoisfied version of the metanarrative. The Grand Narrative took charge, hunted down any “irrationalist” philosophy or movement,[1] set up a thought police, and finally, by brandishing the bogeyman of rampant barbarism, inaugurated an utterly vacuous era.
Sartre and his fashionable Parisian existentialism must be analyzed in the light of this restoration. Sartre, faithful to his “atheism,” his refusal to privilege one value, did not believe in the foundations of liberalism or Marxism. Ultimately, he did not set up the metanarrative (in its most recent version, the vulgar Marxism of the Communist parties[2]) as a truth but as an “inescapable”categorical imperative for which one must militate if one does not want to be a “bastard,” i.e., one of these contemptible beings who venerate “petrified orders.”[3] It is the whole paradox of Sartreanism: on the one hand, it exhorts us not to adore “petrified orders,” which is properly Faustian, and, on another side, it orders us to “magically” adore a “petrified order” of vulgar Marxism, already unhorsed by Sombart or De Man. Thus in the Fifties, the golden age of Sartreanism, the consensus is indeed a moral constraint, an obligation dictated by increasingly mediatized thought. But a consensus achieved by constraint, by an obligation to believe without discussion, is not an eternal consensus. Hence the contemporary oblivion of Sartreanism, with its excesses and its exaggerations.
The Revolutionary Anti-Humanism of May 1968
With May ’68, the phenomenon of a generation, “humanism,” the current label of the metanarrative, was battered and broken by French interpretations of Nietzsche, Marx, and Heidegger.[4] In the wake of the student revolt, academics and popularizers alike proclaimed humanism a “petite-bourgeois” illusion. Against the West, the geopolitical vessel of the Enlightenment metanarrative, the rebels of ’68 played at mounting the barricades, taking sides, sometimes with a naive romanticism, in all the fights of the 1970s: Spartan Vietnam against American imperialism, Latin-American guerillas (“Ché”), the Basque separatists, the patriotic Irish, or the Palestinians.
Their Faustian feistiness, unable to be expressed though autochthonous models, was transposed toward the exotic: Asia, Arabia, Africa, or India. May ’68, in itself, by its resolute anchorage in Grand Politics, by its guerilla ethos, by its fighting option, in spite of everything took on a far more important dimension than the strained blockage of Sartreanism or the great regression of contemporary neo-liberalism. On the right, Jean Cau, in writing his beautiful book on Che Guevara[5] understood this issue perfectly, whereas the right, which is as fixated on its dogmas and memories as the left, had not wanted to see.
With the generation of ’68—combative and politicized, conscious of the planet’s great economic geopolitical issues—the last historical fires burned in the French public spirit before the great rise of post-history and post-politics represented by the narcissism of contemporary neoliberalism.
The Translation of the Writings of the “Frankfurt School” announces the Advent of Neo-Liberal Narcissism
The first phase of the neo-liberal attack against the political anti-humanism of May ’68 was the rediscovery of the writings of the Frankfurt School: born in Germany before the advent of National Socialism, matured during the California exile of Adorno, Horkheimer, and Marcuse, and set up as an object of veneration in post-war West Germany. In Dialektik der Aufklärung, a small and concise book that is fundamental to understanding the dynamics of our time, Horkheimer and Adorno claim that there are two “reasons” in Western thought that, in the wake of Spengler and Sombart, we are tempted to name “Faustian reason” and “magical reason.” The former, for the two old exiles in California, is the negative pole of the “reason complex” in Western civilization: this reason is purely “instrumental”; it is used to increase the personal power of those who use it. It is scientific reason, the reason that tames the forces of the universe and puts them in the service of a leader or a people, a party or state. Thus, according to Herbert Marcuse, it is Promethean, not Narcissistic/Orphic.[6] For Horkheimer, Adorno, and Marcuse, this is the kind of rationality that Max Weber theorized.
On the other hand, “magical reason,” according to our Spenglerian genealogical terminology, is, broadly speaking, the reason of Lyotard’s metanarrative. It is a moral authority that dictates ethical conduct, allergic to any expression of power, and thus to any manifestation of the essence of politics.[7] In France, the rediscovery of the Horkheimer-Adorno theory of reason near the end of the 1970s inaugurated the era of depoliticization, which, by substituting generalized disconnection for concrete and tangible history, led to the “era of the vacuum” described so well by Grenoble Professor Gilles Lipovetsky.[8] Following the militant effervescence of May ’68 came a generation whose mental attitudes are characterized quite justly by Lipovetsky as apathy, indifference (also to the metanarrative in its crude form), desertion (of the political parties, especially of the Communist Party), desyndicalisation, narcissism, etc. For Lipovetsky, this generalized resignation and abdication constitutes a golden opportunity. It is the guarantee, he says, that violence will recede, and thus no “totalitarianism,” red, black, or brown, will be able to seize power. This psychological easy-goingness, together with a narcissistic indifference to others, constitutes the true “post-modern” age.
There are Various Possible Definitions of “Post-Modernity”
On the other hand, if we perceive—contrary to Lipovetsky’s usage—“modernity” or “modernism” as expressions of the metanarrative, thus as brakes on Faustian energy, post-modernity will necessarily be a return to the political, a rejection of para-magical creationism and anti-political suspicion that emerged after May 68, in the wake of speculations on “instrumental reason” and “objective reason” described by Horkheimer and Adorno.
The complexity of the “post-modern” situation makes it impossible to give one and only one definition of “post-modernity.” There is not one post-modernity that can lay claim to exclusivity. On the threshold of the 21st century, various post-modernities lie fallow, side by side, diverse potential post-modern social models, each based on fundamentally antagonistic values fundamentally antagonistic, primed to clash. These post-modernities differ—in their language or their “look”—from the ideologies that preceded them; they are nevertheless united with the eternal, immemorial, values that lie beneath them. As politics enters the historical sphere through binary confrontations, clashes of opposing clans and the exclusion of minorities, dare to evoke the possible dichotomy of the future: a neo-liberal, Western, American and American-like post-modernity versus a shining Faustian and Nietzschean post-modernity.
The “Moral Generation” & the “Era of the Vacuum”
This neo-liberal post-modernity was proclaimed triumphantly, with Messianic delirium, by Laurent Joffrin in his assessment of the student revolt of December 1986 (Un coup de jeune [A Coup of Youth], Arlea, 1987). For Joffrin, who predicted[9] the death of the hard left, of militant proletarianism, December ’86 is the harbinger of a “moral generation,” combining in one mentality soft leftism, lazy-minded collectivism, and neo-liberal, narcissistic, and post-political selfishness: the social model of this hedonistic society centered on commercial praxis, that Lipovetsky described as the era of the vacuum. A political vacuum, an intellectual vacuum, and a post-historical desert: these are the characteristics of the blocked space, the closed horizon characteristic of contemporary neo-liberalism. This post-modernity constitutes a troubling impediment to the greater Europe that must emerge so that we have a viable future and arrest the slow decay announced by massive unemployment and declining demographics spreading devastation under the wan light of consumerist illusions, the big lies of advertisers, and the neon signs praising the merits of a Japanese photocopier or an American airline.
On the other hand, the post-modernity that rejects the old anti-political metanarrative of the Enlightenment, with its metamorphoses and metastases; that affirms the insolence of a Nietzsche or the metallic ideal of a Jünger; that crosses the “line,” as Heidegger exhorts, leaving behind the sterile dandyism of nihilistic times; the post-modernity that rallies the adventurous to a daring political program concretely implying the rejection of the existing power blocs, the construction of an autarkic Eurocentric economy, while fighting savagely and without concessions against all old-fashioned religions and ideologies, by developing the main axis of a diplomacy independent of Washington; the post-modernity that will carry out this voluntary program and negate the negations of post-history—this post-modernity will have our full adherence.
In this brief essay, I wanted to prove that there is a continuity in the confrontation of the “Faustian” and “magian” mentalities, and that this antagonistic continuity is reflected in the current debate on post-modernities. The American-centered West is the realm of “magianisms,” with its cosmopolitanism and authoritarian sects.[10] Europe, the heiress of a Faustianism much abused by “magian” thought, will reassert herself with a post-modernity that will recapitulate the inexpressible themes, recurring but always new, of the Faustianness intrinsic to the European soul.
Notes
1. The classic among classics in the condemnation of “irrationalism” is the summa of György Lukács, The Destruction of Reason, 2 vols. (1954). This book aims to be a kind of Discourse on Method for the dialectic of Enlightenment-Counter-Enlightenment, rationalism-irrationalism. Through a technique of amalgamation that bears a passing resemblance to a Stalinist pamphlet, broad sectors of German and European culture, from Schelling to neo-Thomism, are blamed for having prepared and supported the Nazi phenomenon. It is a paranoiac vision of culture.
2. To understand the fundamental irrationality of Sartre’s Communism, one should read Thomas Molnar, Sartre, philosophie de la contestation (Paris: La Table Ronde, 1969). In English: Sartre: Ideologue of Our Time (New York : Funk & Wagnalls, 1968).
3. Cf. R.-M. Alberes, Jean-Paul Sartre (Paris: Éditions Universitaires, 1964), 54–71.
4. In France, the polemic aiming at a final rejection of the anti-humanism of ’68 and its Nietzschean, Marxist, and Heideggerian philosophical foundations is found in Luc Ferry and Alain Renaut, French Philosophy of the Sixties: An Essay on Anti-Humanism, trans. Mary H. S. Cattani (Amherst: University of Massachusetts Press, 1990) and its appendix ’68–’86. Itinéraires de l’individu [’68-’86: Routes of the Individual] (Paris: Gallimard, 1987). Contrary to the theses defended in first of these two works, Guy Hocquenghem in Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary Club [Open Letter to those Went from Mao Jackets to the Rotary Club] (Paris: Albin Michel, 1986) deplored the assimilation of the hyper-politicism of the generation of 1968 into the contemporary neo-liberal wave. From a definitely polemical point of view and with the aim of restoring debate, such as it is, in the field of philosophical abstraction, one should read Eddy Borms, Humanisme—kritiek in het hedendaagse Franse denken [Humanism: Critique in Contemporary French Thought (Nijmegen: SUN, 1986).
5. Jean Cau, the former secretary of Jean-Paul Sartre, now classified as a polemist of the “right,” who delights in challenging the manias and obsessions of intellectual conformists, did not hesitate to pay homage to Che Guevara and to devote a book to him. The “radicals” of the bourgeois accused him of “body snatching”! Cau’s rigid right-wing admirers did not appreciate his message either. For them, the Nicaraguan Sandinistas, who nevertheless admired Abel Bonnard and the American “fascist” Lawrence Dennis, are emanations of the Evil One.
6. Cf. A. Vergez, Marcuse (Paris: P.U.F., 1970).
7. Julien Freund, Qu’est-ce que la politique? [What is Politics?] (Paris: Seuil, 1967). Cf Guillaume Faye, “La problématique moderne de la raison ou la querelle de la rationalité” [“The Modern Problem of Reason or the Quarrel of Rationality”] Nouvelle Ecole no. 41, November 1984.
8. G. Lipovetsky, L’ère du vide: Essais sur l’individualisme contemporain [The Era of the Vacuum: Essays on contemporary individualism] (Paris: Gallimard, 1983). Shortly after this essay was written, Gilles Lipovetsky published a second book that reinforced its viewpoint: L’Empire de l’éphémère: La mode et son destin dans les sociétés modernes [Empire of the Ephemeral: Fashion and its Destiny in Modern Societies] (Paris: Gallimard, 1987). Almost simultaneously François-Bernard Huyghe and Pierre Barbès protested against this “narcissistic” option in La soft-idéologie [The Soft Ideology] (Paris: Laffont, 1987). Needless to say, my views are close to those of the last two writers.
9. Cf. Laurent Joffrin, La gauche en voie de disparition: Comment changer sans trahir? [The Left in the Process of Disappearance: How to Change without Betrayal?] (Paris: Seuil, 1984).
10. Cf. Furio Colombo, Il dio d’America: Religione, ribellione e nuova destra [The God of America: Religion, Rebellion, and the New Right] (Milano: Arnoldo Mondadori, 1983).