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vendredi, 09 juillet 2021

Afghanistan, Pakistan : l’échec américain...

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Afghanistan, Pakistan : l’échec américain...

Général Jean-Bernard Pinatel

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du général Jean-Bernard Pinatel, cueilli sur Geopragma et consacré à l'échec américain en Asie centrale... Officier général en retraite et docteur en sciences politiques, Jean-Bernard Pinatel a déjà publié plusieurs essais dont Russie, alliance vitale (Choiseul, 2011) et Carnet de guerres et de crises 2011-2013 (Lavauzelle, 2014).

Afghanistan, Pakistan : l’échec américain

Le 4 juillet 2021, jour de  l'« independance day », les Etats-Unis achèveront leur retrait d’Afghanistan mettant un terme à 20 ans de guerre, la plus longue de leur histoire au cours de laquelle au 13 avril 2021  ils avaient perdu 2 349 soldats et avaient déploré 20 149 blessés.

Pour effectuer un retrait de leurs troupes d’une façon honorable, le 12 septembre 2020, les Américains ont lancé la nième négociation intra afghane avec les Talibans. Mais pas un seul observateur de bonne foi peut croire que les Talibans voudront les poursuivre après le 4 juillet. Pourquoi ? Parce qu’en Afghanistan les Etats-Unis ont fait face à une guerre révolutionnaire dans laquelle les objectifs religieux des talibans « instaurer un ordre islamique et vertueux pour remplacer l’ordre païen et corrompu » se sont entremêlés avec les objectifs mafieux des trafiquants de pavot. En effet, devant la nécessité de financer leur guerre et de s’attacher la complicité des campagnes, les Talibans ont décidé de faire des producteurs et des trafiquants de pavot, leurs compagnons de route alors qu’avant l’invasion américaine ils les exécutaient. Cette interdépendance nous la retrouvons dans nos banlieues. Elle est la cause des échecs de la politique de réconciliation que le Président Kasaï a tenté plusieurs fois de négocier. Pour les Talibans il n’est pas question de composer avec un pouvoir corrompu, pour les trafiquants, la paix est synonyme de développement économique et donc de fin de leur business alors qu’en temps de guerre, la culture du pavot et leur trafic sont une condition de survie pour la population rurale.

Même la représentante spéciale de l’ONU Mme Lyons n’y croit pas. Tout en saluant diplomatiquement les avancées dans les pourparlers de paix entre l’Afghanistan et les Talibans, puisque les deux parties ont annoncé le 2 décembre 2020 « qu’elles avaient formé un comité de travail chargé de discuter de l’ordre du jour », elle s’est inquiétée d’une violence incessante qui reste « un obstacle sérieux à la paix ». 

En effet, entre le 13 juillet et le 12 novembre 2020, 9600 atteintes à la sécurité attribuées aux Talibans à Al Qaida ou à Daech ont été recensées dans tout le pays. En octobre et novembre 2020, les engins explosifs improvisés ont ainsi causé 60% de victimes civiles de plus qu’à la même période en 2019. Et au dernier trimestre 2020, le nombre d’enfants victimes de violences a augmenté de 25% par rapport au trimestre précédent.  Les attaques contre les écoles ont été multipliées par quatre.

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Même à Kaboul, les Américains et les forces gouvernementales n’arrivent pas à assurer la sécurité.  Le 8 mai 2021, deux mois avant le retrait total des forces américaines, une explosion devant une école pour filles à Kaboul fait au moins 85 morts et des centaines de blessés ; 8 jours plus tard le 15 mai 2021, un attentat revendiqué par Daech dans une mosquée soufi, a occasionné plus de 60 morts et plusieurs centaines de blessés.  

Comment expliquer cet échec de la première puissance militaire et économique du monde.

La première cause de cet échec est l’inadaptation totale de la politique de défense, de la stratégie opérationnelle et de l’armée américaine à la menace.

La première erreur stratégique des conseillers de Bush junior a été de croire que l’on pouvait gagner cette guerre sans modifier la doctrine d’emploi de leurs forces classiques prévue pour des combats de haute intensité. Conformément à la doctrine militaire américaine, ils ont mené comme en Irak jusqu’en 2009 une guerre à distance sans mobiliser et entrainer des troupes locales et en causant des pertes considérables à la population.

L’inadaptation de cette stratégie opérationnelle est résumée par le colonel Michel Goya dans ses « impressions de Kaboul », je cite : « une mission moyenne de deux heures de vol, sans tir, d’un chasseur bombardier américain équivaut presque à la solde mensuelle d’un bataillon Afghan ».

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Bien plus, Michel Goya dans « les armées du chaos » donne un exemple édifiant de l’inefficacité de cette guerre à distance, je cite : « des statistiques montrent qu’il faut aux américains une moyenne de 300 000 cartouches pour tuer un rebelle en Irak ou en Afghanistan ». Le chef de bataillon d’Hassonville du 2ème REP écrivait en écho dans le Figaro du 20 avril 2010 : « L’une des clés du succès du contingent français dans sa zone de responsabilité est d’être parvenu à contrôler nos ripostes et de ne tirer que pour tuer des cibles parfaitement identifiées ».

Ce choix initial a entrainé des pertes considérables dans la population tant en Afghanistan qu’au Pakistan. L’étude « Body count » menée par des médecins légistes anglo-saxons, que l’on peut télécharger sur le web, chiffre entre 2003 et 2011 à au moins de 150 000 civils tués par les frappes américaines en Afghanistan et de l’ordre de 50 000 au Pakistan.

Cette analyse est confirmée par le Général Stanley Cristal qui, prenant le commandement du théâtre d’opérations en juin 2009, déclare dans son premier discours aux troupes américaines « je crois que la perception causée par les pertes civiles est un des plus dangereux ennemis auquel nous devons faire face ».

La seconde raison de cet échec est que Washington a cru qu’il pourrait gagner ce conflit local sans adapter sa stratégie diplomatique et militaire mondiale qui considérait la Chine et la Russie comme les deux menaces principales. C’est une erreur récurrente des Américains, ils croient toujours qu’ils peuvent ménager la chèvre et le chou.

Ainsi depuis le début du XXIème, les Etats-Unis confrontés à la montée en puissance de la Chine, ont initié un partenariat stratégique avec l’Inde. En 2005, les deux pays ont signé un accord-cadre de défense de dix ans, dans le but d’étendre la coopération bilatérale en matière de sécurité. Ils se sont engagés dans de nombreux exercices militaires combinés et l’Inde a acheté d’importantes quantités d’armes américaines ce qui fait des États-Unis l’un des trois principaux fournisseurs d’armement de l’Inde après la Russie et Israël.

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Ce partenariat stratégique avec leur ennemi héréditaire, a inquiété les stratèges pakistanais qui ont revu à la baisse leur engagement aux côtés des Etats-Unis au moment même où les Américains avaient besoin d’une collaboration sans faille du Pakistan pour gagner la guerre en Afghanistan.  En effet, les Talibans sont majoritairement des Pachtounes qui représentent 40% de la population afghane et leur ethnie est présente de part et d’autre de la frontière avec le Pakistan. Ainsi les Américains n’ont jamais pu obtenir une coopération efficace pour éviter que le Pakistan ne constitue une base arrière pour les Talibans. En effet les dirigeants pakistanais, obnubilés par leur conflit avec l’Inde, doivent prendre en compte la possibilité que les Talibans puissent revenir un jour au pouvoir à Kaboul. Or l’Afghanistan est pour eux un allié vital car il leur offre la profondeur stratégique qui leur manque face à l’Inde.

De même, en se rapprochant de l’Inde, les Américains ouvraient la porte à la Chine qui s’est empressée de nouer un partenariat stratégique avec le Pakistan.  Il s’est rapidement concrétisé par une très importante coopération militaire et économique. Le New-York Times du 19 décembre 2018 écrit je cite : « depuis 2013, année de lancement des routes de la Soie le Pakistan est le site phare de ce programme : le corridor industriel actuellement en travaux à travers le Pakistan – environ 3 000 kilomètres de routes, de voies ferrées, d’oléoducs et de gazoducs – représente à lui seul un investissement de quelque 62 milliards de dollars ». 

Pour la partie chinoise, un double impératif stratégique a guidé sa signature : la sécurisation de ses voies d’approvisionnement en pétrole et en gaz en bâtissant une voie terrestre d’acheminement évitant le détroit de Malacca et pouvant à terme aller jusqu’à l’Iran et la lutte « contre les trois fléaux » qui menacent le Xinjiang chinois : terrorisme, extrémisme, séparatisme. Trois mois après cette signature Ben Laden était exécuté par des navy seals américains ; coïncidence troublante quand on sait qu’il était l’instigateur de nombreux attentats islamistes en Chine.

Depuis cette coopération stratégique n’a fait que se renforcer. En mai 2019, le vice-président chinois Monsieur Wang a effectué une visite au Pakistan au cours de laquelle il s’est entretenu avec le président et le Premier ministre pakistanais du renforcement des relations bilatérales. M. Wang a déclaré que la Chine et le Pakistan étaient des “amis de fer”.

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Par ailleurs les Américains ont rejeté avec dédain l’aide des Russes que Poutine a proposée juste après le 9/11. Le 2 octobre Poutine avait rencontré le secrétaire général de l’OTAN à Bruxelles et lui a proposé l’aide de la Russie contre Al-Qaida notamment au Tadjikistan où stationnait la 201 division de fusiliers motorisés russe ; en Ouzbékistan où ils possèdent une base aérienne à Ghissar. Mais pour le complexe militaro-industriel américain l’opposition avec la Russie était à l’époque vitale car elle leur permettait de justifier un budget militaire qui était pourtant dix fois supérieur à celui de la Russie alors que la menace militaire chinoise était alors insignifiante.

20 ans plus tard pour Biden et ses conseillers, il est temps de tourner la page et d’éviter une alliance stratégique de la Russie avec la Chine et je partage l’analyse de Renaud Girard qui dans Figaro vox met la rencontre Biden-Poutine du 16 juin 2021 à Genève sous la raison de leur intérêt commun : freiner l’ascension de la Chine. Certes cela ne se fera pas en un jour mais cela permet d’identifier que l’absence de vision stratégique à long terme des hommes politiques occidentaux et par conséquence l’absence de prise en compte des conséquences des stratégies mondiales des grands acteurs internationaux sur les théâtres d’opération régionaux ne permet pas de gagner les guerres régionales.

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Macron devrait s’en inspirer et, plus que l’appui significatif des européens que nous recherchons désespérément sans succès depuis 10 ans, c’est de celui de la Russie dont nous avons besoin au Sahel. J’ai publié en 2011 un livre intitulé « Russie alliance vitale » où je montrai que ce pays était notre meilleur allié face à l’islamisme et à la montée en puissance de la Chine. Malheureusement Sarkozy, Hollande et Macron, vassaux zélés de Washington, se sont lancés en Libye, Syrie et Sahel dans des opérations extérieures sans mettre en place le contexte diplomatique qui aurait permis de transformer nos victoires militaires en succès politiques.

En conclusion :

Le retrait américain marque la fin de la domination anglo-saxonne sur l’Asie centrale que les britanniques avaient établis depuis le milieu du XIXème siècle et une preuve de plus de la montée en puissance de l’Asie face à l’Occident. La France qui se prépare à modifier sa stratégie dans le Sahel devrait tirer les leçons de cet échec américain en Afghanistan et au Pakistan.

Jean-Bernard Pinatel (Geopragma, 28 juin 2021)

Multilatéralisme américain et capitulation inconditionnelle de l'Europe

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Multilatéralisme américain et capitulation inconditionnelle de l'Europe

par Luigi Tedeschi

Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/multilateralismo-americano-e-resa-europea-senza-condizioni

Le multilatéralisme américain ne débouchera pas sur un nouvel accord entre les deux côtés de l'Atlantique, mais se révélera une reddition inconditionnelle de l'Europe aux États-Unis.

Nouveau multilatéralisme et vieil impérialisme

L'Amérique est-elle de retour ? En réalité, sa présence en Europe, avec ses bases militaires et son leadership politique et culturel, n'a jamais faibli. Biden, avec le G7 et le sommet de l'OTAN à Bruxelles, a voulu redéfinir les relations avec les alliés en fonction des nouveaux équilibres politiques qui se dessinent après la crise de la pandémie. Le retour de l'engagement américain direct, qui constitue un tournant par rapport à la politique d'unilatéralisme de Trump, vise à recomposer le front européen dans le contexte d'un leadership américain renouvelé. La relance des relations atlantiques s'est donc faite dans un climat d'enthousiasme de la part des pays européens, déjà orphelins du protectorat américain en raison de la politique de désengagement de Trump vis-à-vis de l'OTAN.

L'UE a en effet été conçue comme un organe économique et monétaire supranational au sein d'une alliance atlantique, qui s'est étendue à l'Europe de l'Est après la fin de l'URSS. L'UE est une puissance économique qui a délégué sa sécurité à l'OTAN et est donc devenue une entité géopolitique subordonnée et homologuée à la puissance américaine.

Toutefois, l'enthousiasme des alliés européens a vite été déçu, car le tournant géopolitique de Biden, outre un multilatéralisme renouvelé de l'alliance atlantique, prévoit également une redéfinition du rôle de l'OTAN en fonction de l'endiguement de la Chine et de la Russie, ce qui impliquerait également les alliés européens. Biden, en effet, a préfiguré une coopération avec les puissances militaires européennes, qui impliquerait le transfert des flottes européennes vers le Pacifique, dans le but de contenir l'expansion économique, politique et militaire de la Chine.

La politique d'hostilité antagoniste de Biden envers la Chine et la Russie par rapport à Trump reste inchangée. Toutefois, la stratégie a changé, puisque Biden a inauguré une nouvelle politique multilatérale à l'égard des alliés européens, avec une implication directe relative de l'Europe dans la géopolitique américaine. Nous pourrions définir la politique de Biden par un slogan : nouveau multilatéralisme et vieil impérialisme.

Il ne s'agit pas d'une nouvelle guerre froide

En réalité, le multilatéralisme de Biden prend la forme d'une "ligue des démocraties" où le leadership américain s'oppose à la Russie et à la Chine en tant que puissances autoritaires. On peut donc se demander si cette opposition entre les puissances mondiales ne représente pas un renouveau de la "guerre froide", celle née de la bipolarité USA-URSS après la Seconde Guerre mondiale. Cette hypothèse ne semble pas crédible. En effet, après le déclin de l'unilatéralisme américain suite à l'effondrement de l'URSS, avec l'émergence de nouvelles puissances continentales comme la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran et l'Afrique du Sud, un nouveau multilatéralisme géopolitique a vu le jour, caractérisé par une interdépendance économique et financière mondiale et par des conflits et des alliances très précaires et diversifiés.

De plus, avec la guerre froide, un contraste a été établi entre l'Occident libéral et démocratique et les pays du socialisme réel, comme un affrontement entre deux systèmes politiques et idéologiques alternatifs. Aujourd'hui, dans la confrontation des Etats-Unis contre la Russie et la Chine, les motivations idéologiques apparaissent beaucoup plus floues, dans la mesure où le modèle néo-libéral s'est imposé, même si c'est avec des différences marquées, au niveau mondial. L'affrontement est donc essentiellement de nature géopolitique, marqué, s'il en est, par un cadre idéologique entièrement américain : démocraties contre autocraties.

La même rencontre entre Biden et Poutine, prélude à une politique américaine d'endiguement de la Russie beaucoup plus douce que celle envers la Chine. Lors du sommet Biden-Poutine, la volonté de réduire les dépenses d'armement, de conclure une trêve dans la cyberguerre et de s'entendre sur un engagement commun dans la lutte contre le terrorisme a émergé. Il en ressort clairement la volonté américaine d'adopter une politique moins hostile envers la Russie, afin d'éviter la formation d'un bloc unitaire Moscou-Pékin opposé à l'Occident.

L'Amérique est de retour

Il semble évident que la stratégie de Biden ne peut être conciliée avec les intérêts européens. La Russie, à l'exception des pays d'Europe orientale, ne représente pas une menace pour la France, l'Allemagne et l'Italie. Une opposition européenne claire et nette, alignée sur les États-Unis, n'est pas non plus envisageable en ce qui concerne la Chine. La menace chinoise se fait sentir en Europe en termes de sauvegarde des industries stratégiques, de pénétration commerciale et de protection des données sensibles, mais il est impensable que l'Europe se prive de la technologie chinoise, ou qu'elle fasse disparaître les relations d'import-export vers et depuis la Chine. La Grande-Bretagne post-Brexit elle-même, bien qu'alignée sur les stratégies américaines dans le Pacifique, n'a certainement pas l'intention de se priver de l'afflux de capitaux chinois à la Bourse de Londres.

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Mais surtout, cette extension de la présence de l'OTAN à la zone Pacifique, dans une fonction anti-chinoise, conduirait à une nouvelle implication européenne dans de nouveaux conflits potentiels suscités par les Américains. L'histoire récente aurait dû faire prendre conscience aux Européens que les guerres expansionnistes américaines en Irak, en Afghanistan (conclues par le récent retrait unilatéral des États-Unis), en Libye, en Syrie, en Ukraine, en plus de provoquer des dévastations et des massacres aveugles parmi la population et de nouveaux conflits irrémédiables dans diverses régions du monde, se sont toujours terminées par des défaites périodiques de l'Occident sur le plan géopolitique et ont augmenté de façon spectaculaire la propagation du terrorisme islamique, dont l'Europe a été la principale cible.

En outre, les investissements européens ont subi des pertes importantes en raison des sanctions imposées unilatéralement par les États-Unis à la Russie, à l'Iran et au Venezuela. A ce sujet, Massimo Fini s'exprime dans son article "Assez de suivre le maître américain" : "La leçon de l'Afghanistan ne nous a-t-elle pas suffi ? De toute évidence, non. Au G7, on n'a parlé que de multilatéralisme, d'une alliance étroite entre "les deux rives de l'Atlantique". Le "multilatéralisme" n'est rien d'autre que la confirmation de la soumission de l'Europe aux Etats-Unis. Une soumission dont l'OTAN a été un instrument essentiel pour maintenir l'Europe dans un état de minorité, militaire, politique, économique et finalement aussi culturelle".

En ce qui concerne le multilatéralisme américain, que Biden a annoncé au sommet de l'OTAN à Bruxelles avec le slogan "America is back", Lucio Caracciolo a voulu préciser dans "La Stampa" du 16/06/2021, qu'il serait erroné de le traduire pour les Italiens par "Mother America is back", car le sens de ce slogan serait : "Sur les choses qui comptent, nous décidons, vous les appliquez". Pour le reste, vous apprendrez à vous débrouiller seuls. Nous ne faisons pas de la chirurgie ordinaire, seulement de la chirurgie pour sauver des vies". Il existe une continuité sous-jacente entre les politiques de Biden et de Trump: celle de Biden est un "America first" par d'autres moyens.

En effet, les espoirs des vassaux européens quant à un engagement militaire américain renouvelé pour la sécurité de l'Europe ont été déçus.

Pour les États-Unis, la priorité stratégique est l'endiguement de la Chine, mais l'endiguement de la Russie est beaucoup moins important et, par conséquent, il n'est pas prévu de renforcer l'OTAN en Europe. Il faut également noter que l'engagement des pays européens pris sous Trump et jamais démenti par Biden, d'allouer 2% du PIB national aux dépenses militaires a été complètement ignoré. L'Europe n'a jamais été consciente du changement des stratégies américaines et n'a pas non plus considéré que dans la géopolitique mondiale actuelle, cette Europe, militairement et politiquement soumise aux USA, ne représente qu'une plateforme géostratégique américaine pour l'expansion de l'OTAN en Eurasie (un projet actuellement reporté). Ce rôle géopolitique subordonné de l'Europe a été confirmé par les propos de Draghi lors du sommet de l'OTAN à Bruxelles : "Une UE plus forte signifie une OTAN plus forte". L'Union européenne ne serait donc concevable que dans le cadre d'un dispositif atlantique avec un leadership américain.

Alberto Negri déclare à ce propos dans un article du "Manifesto" du 13/06/2021 intitulé "Le menu est seulement américain, l'Europe n'y est pas" : "Ce que l'Europe gagne dans cette "perspective" des relations avec la Russie et la Chine n'est pas du tout clair. Étant donné qu'entre autres choses, l'Alliance atlantique provient du retrait en Afghanistan qui n'a pas été sanctionné par les pays de l'OTAN mais par les négociations des Américains au Qatar avec les Talibans. Les Européens n'ont rien décidé, sauf le jour de la cérémonie de descente du drapeau. Cela signifie que les États-Unis, lorsqu'il y a quelque chose à établir, le font par eux-mêmes et le communiquent ensuite aux autres qui doivent engloutir leur menu, qu'ils le veuillent ou non".

Quelle contrepartie pour l'Europe ?

Dans le contexte de ce multilatéralisme américain renouvelé, qui impliquerait l'implication de l'Europe dans les stratégies globales américaines, il est légitime de s'interroger sur les contreparties que les Etats-Unis entendent payer à l'Europe en échange du partage des objectifs géopolitiques américains.

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En ce qui concerne la suppression souhaitable de la politique protectionniste promue par Trump, Biden a conclu un accord de trêve avec l'Europe concernant le différend Airbus - Boeing, tandis qu'en ce qui concerne la guerre des droits sur les importations d'acier et d'aluminium, la situation reste inchangée. De même, des divergences subsistent entre les États-Unis et l'UE au sujet des brevets sur les vaccins, que les Américains voudraient abolir et que les Européens (principalement l'Allemagne) voudraient maintenir.

En ce qui concerne l'opposition américaine à la construction du gazoduc Nord Stream 2 (qui, selon les Américains, rendrait l'Europe dépendante de la Russie en matière d'énergie), grâce auquel le gaz russe arriverait directement en Europe, les sanctions n'ont été suspendues que pour le moment, mais l'hostilité américaine reste inchangée. L'UE veut imposer des droits sur les produits à forte intensité de carbone, mais l'opposition américaine à cette volonté est bien connue.

Mais les désaccords les plus importants concernent les relations économiques entre l'Europe et la Chine. L'économie européenne est liée à la Chine dans les domaines de l'innovation technologique, des télécommunications, des technologies pour la révolution verte et des puces nécessaires aux produits à haute valeur ajoutée tels que la téléphonie et les voitures. Par conséquent, si les États-Unis poursuivent une stratégie visant à découpler l'Europe de la Chine et de la Russie, ils doivent proposer des alternatives crédibles.

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Toutefois, les États-Unis restent opposés à une intervention au nom de l'Europe dans la crise libyenne afin de contrer les visées expansionnistes d'Erdogan sur la Libye.

Ils devraient également promouvoir les plans d'investissement en Europe.

Cependant, lors du G7, seul un accord a été conclu pour le versement de 40.000 milliards de dollars aux pays les plus en retard. La manière dont cet argent sera collecté n'est toutefois pas claire, car les États américains et européens se sont engagés à utiliser leurs ressources pour la relance économique post-pandémie. M. Biden a également annoncé la possibilité de nouveaux accords commerciaux entre l'Europe et les États-Unis pour remplacer la route de la soie, mais pour l'instant, cela reste entièrement théorique. Ces accords pourraient être une nouvelle proposition du traité transatlantique déjà promu à l'époque d'Obama, qui prévoyait la suppression des barrières commerciales entre les États-Unis et l'Europe, avec l'abrogation relative des lois des États considérées comme incompatibles avec le libre marché, y compris les réglementations en matière de santé et de sécurité alimentaire. Au grand soulagement des Européens, ce traité n'a jamais vu le jour et il est toujours impensable de passer des accords avec les États-Unis qui permettraient l'importation en Europe de produits pharmaceutiques et agro-industriels ne répondant pas aux normes de santé et de sécurité alimentaire fixées par la réglementation européenne.

Les réactions européennes et le pro-américanisme de Draghi

Les réactions européennes à la stratégie de multilatéralisme de Biden ne se sont pas fait attendre.

Mme Merkel a exprimé son désaccord, déclarant que les États-Unis et l'Allemagne ont une perception différente du danger de la pénétration chinoise et de l'agressivité de la Russie.

Macron, tout en réitérant la loyauté de la France envers l'OTAN, a déclaré que la Chine n'est pas dans l'Atlantique et s'est donc déclaré opposé à une extension de la zone d'influence de l'OTAN dans le Pacifique.

En ce qui concerne l'Italie, Draghi a plutôt déclaré son assentiment à la politique d'opposition à la Chine suggérée par Biden. Cette prise de position pourrait donc entraîner des changements substantiels dans la politique étrangère italienne, ce qui conduirait à l'abrogation du mémorandum signé par l'Italie avec la Chine, concernant la route de la soie.

La position pro-américaine adoptée par Draghi, pourrait avoir pour but d'obtenir le soutien américain dans la crise libyenne, qui implique de manière décisive les intérêts italiens. La Russie et la Turquie, bien que dans des camps opposés, se sont installées en Libye, suite au désengagement américain en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Mais les États-Unis n'ont pas l'intention de s'engager pour contrer les visées expansionnistes turques en Méditerranée et l'UE ne veut pas et n'est pas en mesure de s'opposer aux visées néo-ottomanes d'Erdogan. Bien qu'il soit prévisible dans un avenir proche une escalade de la pénétration politique, militaire et religieuse de la Turquie en Europe, une Turquie qui pourrait s'élever au rôle de pays leader de l'Islam sunnite, comme l'était l'Empire ottoman.

La Turquie est cependant membre de l'OTAN, dont la position stratégique est essentielle dans la politique d'opposition américaine à la Russie. La construction du "canal d'Istanbul", une infrastructure de liaison entre la mer Noire et la mer de Marmara, a récemment été approuvée par le parlement turc.

Un canal parallèle au Bosphore pour l'accès à la mer Noire

Le transit par le Bosphore est régi par la Convention de Montreux de 1936. Ce traité garantit le libre transit des navires marchands par le Bosphore, mais celui des navires militaires des pays non riverains de la mer Noire est soumis à des restrictions. Il est stipulé que les navires de guerre des pays tiers ne doivent pas dépasser 15.000 tonnes individuellement et 45.000 tonnes en tant que flotte. En outre, ces navires de guerre ne peuvent pas être stationnés en mer Noire pendant plus de 21 jours.

Toutefois, le "canal d'Istanbul" ne serait pas soumis à ce traité.

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Erdogan pourrait donc autoriser le stationnement de la flotte de l'OTAN en mer Noire dans un but anti-russe. Erdogan pourrait alors accorder aux États-Unis l'accès à la mer Noire pour le bénéfice de l'OTAN en échange de l'assentiment américain à une politique turque hégémonique en Méditerranée.

Face à une telle perspective, il est tout à fait absurde d'espérer un soutien américain anti-turc en Libye en faveur de l'Italie.

Le multilatéralisme américain ne débouchera pas sur un nouvel accord entre les deux côtés de l'Atlantique, mais se révélera être une reddition inconditionnelle de l'Europe aux diktats des États-Unis.

L'Occident n'est pas un modèle de valeurs universelles

La confrontation entre les États-Unis et le bloc Russie-Chine revêt également une signification idéologique, en tant que défense des valeurs de l'Occident démocratique face à l'agressivité des autocraties russe et chinoise.

Tout d'abord, il convient de noter que l'Occident n'est pas un bloc unitaire et que le nouveau multilatéralisme de Biden ne fera qu'accroître les fractures au sein des États européens et entre eux. De plus, il existe un déséquilibre macroscopique entre la puissance américaine et ses alliés européens qui a pour conséquence que ce multilatéralisme n'existe que dans la mesure où les alliés se conforment aux diktats du leadership américain, sinon c'est l'unilatéralisme américain qui prévaudrait. Les dirigeants américains sont, par nature, hostiles à l'implication des intérêts des alliés dans la géopolitique américaine.

De plus, les Etats de l'Occident démocratique sont déchirés par des querelles internes irrémédiables (en premier lieu les Etats-Unis) qui pourraient à l'avenir affecter l'unité et la subsistance même de ces Etats.

Par conséquent, l'unité et la continuité de la politique étrangère des États de l'Occident sont devenues incertaines et problématiques. L'imposition du modèle néolibéral a progressivement privé les institutions politiques de leurs prérogatives premières, avec la dévolution dans l'UE de la souveraineté des États à des organes supranationaux technocratiques et oligarchiques non électifs. Les élites financières l'emportent sur les institutions, générant des inégalités sociales et des conflits incurables au sein des États et entre eux. La représentativité démocratique ainsi que la souveraineté populaire ont été perdues, la gouvernabilité des Etats est exercée par des majorités faibles et hétérogènes ou par des gouvernements d'union nationale: le modèle économique et politique de la démocratie libérale occidentale est en crise structurelle irréversible.

La décadence des institutions démocratiques a également provoqué la dissolution progressive des valeurs éthiques et culturelles de l'Occident.

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La démocratie ne peut exister dans une société dominée par des pouvoirs oligarchiques étrangers à la volonté du peuple. Au sujet de la dissolution des valeurs démocratiques de l'Occident, Andrea Zhok s'exprime ainsi dans un article intitulé "La défense de nos valeurs" :

"De quelles "valeurs occidentales" devrions-nous en fait parler ? La démocratie ? L'égalité ? La liberté de pensée ? Revendiquer les valeurs de la démocratie dans des pays où la moitié de la population ne va plus voter, où l'homogénéité indifférente du choix politique ne permet pas d'imaginer d'alternative, et où l'influence directe du capital privé sur la politique est effrontée, semble embarrassant. Revendiquer les valeurs d'égalité dans des pays où des dynasties héréditaires de super-riches passent à la télévision pour expliquer à la plèbe qu'elle doit affronter avec courage les défis du marché ressemble plus à un gag comique qu'à un véritable défi. Revendiquer les valeurs de la liberté de pensée dans des pays où les médias sont militairement occupés par les détenteurs du capital, agissant comme leur porte-parole, et où pour s'exprimer sans censure les gens se déplacent vers les médias sociaux russes (sic !), cela ressemble aussi plus à une blague qu'à un argument sérieux.

La vérité simple est que "nos valeurs", celles que nous serions tous courageusement appelés à défendre, sont en fait les valeurs déposées en banque par les principaux acteurs des pays occidentaux, une élite transnationale, domiciliée dans les paradis fiscaux, prête à mettre en pièces et à vendre au plus offrant n'importe quoi : histoire, culture, affections, dignité, territoires, personnes, santé. Et nous, les plébéiens dépossédés et les petits-bourgeois harassés, sommes préparés à un futur appel aux armes pour les défendre".

L'Occident ne constitue pas un modèle démocratique universel, ni un système crédible de valeurs éthiques. Chacun connaît les conséquences désastreuses de 20 ans d'exportation armée des droits de l'homme et des valeurs de la démocratie libérale occidentale contre les dits "Etats voyous", coupables de ne pas se soumettre à la domination américaine.

Au contraire, une dérive autoritaire de l'Occident est prévisible, comme le laisse présager la planification néolibérale mondiale du "Great Reset". En fait, l'objectif est d'établir en Occident une structure économique et politique autoritaire capable de s'opposer à l'efficacité et à la fonctionnalité du capitalisme autoritaire chinois, qui s'est révélé tellement plus efficace que l'Occident qu'il est en train de saper la primauté de la puissance américaine.

Le néolibéralisme de la quatrième révolution industrielle ne rendra pas démocratique l'Est de la Chine, mais il rendra totalitaire l'Ouest lui-même.

Sergej Lavrov sur l'Occident : "Son ère est terminée"

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Sergej Lavrov sur l'Occident : "Son ère est terminée"

par Rodolfo Casadei

Ex: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/sergej-lavrov-sull-occidente-finita-la-sua-era

Si les Américains pensent, après le sommet Biden-Poutine à Genève, qu'ils ont neutralisé la Russie et peuvent maintenant se consacrer à contenir la Chine afin de préserver leur hégémonie mondiale, ils se trompent. Moscou continuera à agir de concert avec les puissances révisionnistes pour accélérer la transition de l'ordre hégémonique occidental en déclin vers un ordre international multipolaire.

C'est la conclusion la plus importante en termes géopolitiques que l'on tire de la lecture de l'article du ministre russe des Affaires étrangères Sergej Lavrov intitulé "Le droit, les droits et les règles" paru sur le site de son ministère le 28 juin dernier.

Un long texte de près de 30 000 frappes qui repropose les positions traditionnelles de la Russie de Poutine en matière de relations internationales, mais aussi des soulignements relativement nouveaux et au moins une bourde de propagande qui en a fait sourire plus d'un : à un certain moment, Lavrov affirme, on ne sait pas sur la base de quelles informations, que "dans certains pays occidentaux, les élèves apprennent à l'école que Jésus-Christ était bisexuel".

Deux poids, deux mesures

Le fait que Biden ait utilisé le sommet de Genève pour jeter les bases d'une sorte de pacte de non-agression avec Moscou afin de pouvoir concentrer toutes les ressources stratégiques américaines dans le bras de fer avec Pékin, est apparu clairement lorsque lui et Poutine ont publié une déclaration commune axée sur la nécessité d'un "dialogue pour la stabilité stratégique" afin de "réduire le risque de conflits armés et la menace de guerre nucléaire", car "une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée".

M. Lavrov a clairement indiqué que la Russie considère l'attitude de l'Occident comme agressive et qu'elle ne se soumettra pas aux diktats des Américains et des Européens justifiés par les exigences de la "démocratie" et des "droits de l'homme", car l'Occident a l'intention d'imposer à tous ses règles, qui diffèrent de celles établies par les traités internationaux et l'ONU.

    "Ces réunions", a écrit M. Lavrov dans la première partie de son discours, en faisant référence au sommet du G7 en Cornouailles, au sommet de l'OTAN et à la réunion de M. Biden avec les dirigeants de l'UE, "ont été soigneusement préparées de manière à ne laisser aucun doute sur le fait que l'Occident voulait envoyer un message clair : "nous sommes unis comme jamais auparavant et nous ferons ce que nous pensons être juste dans les affaires internationales, en forçant les autres, en premier lieu la Russie et la Chine, à suivre notre exemple". Les documents adoptés lors des sommets de Cornouailles et de Bruxelles ont cimenté le concept d'un ordre mondial fondé sur des règles, par opposition aux principes universels du droit international qui ont pour source première la Charte des Nations unies".

Ce sera le leitmotiv de tout le discours de M. Lavrov : l'Occident promeut un multilatéralisme à son usage et à sa consommation, fondé sur des règles qu'il fixe lui-même de temps à autre, et rejette le multilatéralisme fondé sur la Charte des Nations unies et sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. L'exemple classique du double standard occidental se répète : dans la crise du Kosovo, l'Occident applique le principe d'autodétermination de la population locale parce que cela lui convient, alors que dans le cas du référendum en Crimée, il le rejette parce qu'il ne répond pas à ses intérêts.

La Russie et la Chine dans une même phrase

Lorsque M. Lavrov veut souligner l'arrogance de l'Occident à l'égard des autres pays, il mentionne toujours la Russie et la Chine dans la même phrase :

    "Qualifiées de "puissances autoritaires", la Russie et la Chine ont été désignées comme les principaux obstacles à la mise en œuvre du programme décidé lors des sommets de juin."

    "L'Occident a réservé les termes les plus élevés au fonctionnement interne des pays "non démocratiques" et à ses efforts pour les remodeler afin qu'ils correspondent au cliché occidental. C'est pourquoi on exige que Moscou et Pékin, ainsi que d'autres, suivent les prescriptions occidentales en matière de droits de l'homme, de société civile, de traitement de l'opposition, de médias, de gouvernance et d'interaction entre les pouvoirs de l'État."

    "Les politiciens éclairés d'Europe et d'Amérique reconnaissent que cette politique extrémiste ne mène nulle part, et ils commencent à penser de manière pragmatique, en reconnaissant qu'il n'existe pas de civilisation unique dans le monde. Ils commencent à reconnaître que la Russie, la Chine et les autres puissances régionales ont des milliers d'années d'histoire, leurs propres traditions, leurs propres valeurs et leur propre mode de vie. Les tentatives visant à déterminer quelles valeurs sont meilleures et quelles valeurs sont pires n'ont aucun sens. L'Occident doit simplement reconnaître qu'il existe des façons de gouverner qui peuvent être différentes de l'approche occidentale, et accepter et respecter cela comme un fait."

Contre Macron, pour Orban

Malgré la référence aux politiciens européens éclairés, le texte de Lavrov est plein de ressentiment à l'égard de l'Union européenne, qu'il accuse d'être totalement alignée sur les intérêts de Washington et arrogante dans sa prétention à imposer son idée du multilatéralisme aux autres pays par la force des sanctions économiques contre les récalcitrants. La cible des critiques du ministre russe des Affaires étrangères sont notamment la France en la personne d'Emmanuel Macron, l'Allemagne, la Pologne et les pays baltes.

Alors qu'au moins deux clins d'œil sont réservés à Viktor Orban, qui n'est pas cité nommément. La première est lorsque Lavrov écrit qu'"il est significatif que le terme "démocratie autocratique" ait été évoqué, bien que timidement. Ce sont des considérations utiles, et les politiciens les plus réfléchis qui sont actuellement au pouvoir devraient les prendre en considération."

Dans un autre passage, il déclare : "Les tentatives des politiciens sensés de protéger la jeune génération de la propagande agressive des LGBT se heurtent aux protestations belliqueuses de l'Europe 'éclairée'".

La fin de l'Occident

Le texte prend parfois le ton de l'invective ou celui de la prophétie :

    "En étendant les sanctions et autres mesures coercitives illégitimes à l'encontre d'États souverains, l'Occident promeut un gouvernement totalitaire des affaires mondiales, adoptant une posture impériale et néocoloniale dans ses relations avec les pays tiers."

    "Pris dans son ensemble, historiquement, l'Occident a dominé le monde pendant 500 ans. Or, on assiste aujourd'hui à la fin de cette époque; l'Occident s'accroche au statut dont il jouissait en freinant artificiellement les processus objectifs qui déterminent l'émergence d'un monde polycentrique."

    "Les anciennes puissances coloniales cherchent à effacer cette mémoire en la remplaçant par des rituels conçus à la hâte, tels que l'agenouillement avant une compétition sportive, afin de détourner l'attention de leur responsabilité historique dans les crimes de l'ère coloniale."

    "Avec son attitude méprisante envers les autres membres de la communauté internationale, l'Occident se retrouve du mauvais côté de l'histoire."

Enfin, il annonce les intentions de la Russie à l'ONU :

    "Les efforts visant à apporter plus de démocratie dans les relations internationales et à affirmer un monde polycentrique comprennent une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU qui renforcerait la présence des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, et mettrait fin à l'anomalie de la surreprésentation de l'Occident dans le principal organe de l'ONU."

Le rameau d'olivier dans la dernière phrase de l'article contient une référence moqueuse à ce qui est considéré comme la prétention de l'Occident à dicter les règles :

    "Nous serons toujours ouverts à un dialogue honnête avec toute personne qui démontre une volonté de trouver un équilibre des intérêts mutuels, fermement ancré dans le droit international. Ce sont les règles auxquelles nous adhérons".  

 

jeudi, 08 juillet 2021

La politique iranienne de Biden est déjà dans une impasse

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La politique iranienne de Biden est déjà dans une impasse

Par Moon of Alabama

Très récemment, les États-Unis ont bombardé trois positions de la Force de mobilisation populaire (FMP) irakienne à la frontière syro-irakienne.

Les États-Unis n’avaient aucun droit de le faire. Le raisonnement juridique fourni par l’administration Biden pour justifier cette attaque est absurde. Tout comme le prétendu raisonnement consistant à établir une « dissuasion » contre d’autres attaques contre les troupes américaines par tel ou tel groupe de miliciens irakiens. La dernière frappe dans cette zone en février était censée remplir le même objectif, mais il est évident qu’elle n’a pas eu d’effet dissuasif. La frappe de dimanche a été immédiatement suivie de tirs de missiles contre une position américaine en Syrie. D’autres incidents de ce type suivront.

L’attaque a mis dans l’embarras le Premier ministre irakien Mustafa al-Kadhimi. L’aspect le plus déroutant de cette frappe aérienne est toutefois son timing, puisqu’elle a eu lieu un jour seulement après que le Premier ministre irakien Moustafa al-Kadhimi a assisté à la célébration du septième anniversaire de la création de la FMP, au camp Ashraf, l’ancien quartier général du groupe terroriste anti-iranien Mujahedeen-e-Khalq, situé à environ 100 kilomètres (62 miles) au nord-est de Bagdad. La FMP a fait défiler des milliers de ses combattants, ainsi que des chars, des lance-roquettes et des drones, devant une tribune où se trouvaient, outre Kadhimi, le ministre de la Défense Juma Inad, le ministre de l’Intérieur Othman Ghanmi, le chef d’état-major de l’armée irakienne, le lieutenant-général Abdul Amir Yarallah, et le chef d’état-major du FMP, Abdul Aziz al-Mohammadawi.

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Plus important que la liste des participants, cependant, est ce que Kadhimi a dit à propos de la FMP. Dans un tweet publié pendant le défilé, le Premier ministre a noté que « nous avons assisté au défilé de notre armée héroïque le 6 décembre (2020), ainsi qu’au défilé de la courageuse police, et aujourd’hui nous assistons au défilé de nos fils dans la Force de mobilisation populaire. Nous affirmons que notre travail est sous la bannière de l’Irak, et que protéger sa terre et son peuple est notre devoir. Oui à l’Irak ! Oui à l’Irak, le pays fort et capable ». M. Kadhimi a ensuite souligné le fait que la FMP étaient un service d’État et a fait l’éloge de son rôle dans la lutte actuelle contre État islamique.

Pour rappel, un jour après que le Premier ministre irakien, en compagnie de son équipe militaire et de sécurité nationale, a déclaré que la FMP étaient un élément essentiel de la sécurité de l’État de son pays, les États-Unis bombardaient ces mêmes forces sur des sites en Syrie et en Irak, sites à partir desquelles la FMP mènent les opérations de lutte contre État islamique tant vantées par le Premier ministre irakien, et ce sans en informer le gouvernement irakien au préalable ni lui demander son autorisation. En réponse, M. Kadhimi a convoqué une réunion d’urgence de son état-major de sécurité nationale et a condamné avec force les frappes américaines, les qualifiant de violation manifeste de la souveraineté irakienne, ce qui incitera son gouvernement à étudier toutes les options légales en réponse.

L’attaque a affaibli la position des États-Unis en Irak et a renforcé celle de l’Iran.

Certains analystes affirment que l’attaque était un message adressé à l’Iran dans le contexte des discussions en cours sur l’accord nucléaire. Mais que dit ce message ? Que les États-Unis peuvent bombarder des cibles mineures ? Qu’est-ce que cela apporte de nouveau ?

Revenons à la situation dans son ensemble.

Un objectif primordial de l’administration Biden est de concentrer toutes ses forces dans la compétition avec la Chine. À cette fin, elle a prévu d’abandonner en grande partie le Moyen-Orient – l’endroit où les États-Unis ont gaspillé leurs ressources pendant plus de deux décennies.

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Pour quitter le Moyen-Orient, les États-Unis doivent trouver une forme de paix avec l’Iran. L’administration Biden a donc entrepris de réintégrer l’accord nucléaire. Pour y parvenir, elle doit lever les sanctions que Trump a imposées à l’Iran. Mais la dérive de la mission s’est installée. Au lieu de simplement lever les sanctions en échange de l’adhésion de l’Iran aux limites de l’accord nucléaire, l’administration Biden a cherché à obtenir davantage de concessions de la part de l’Iran tout en offrant moins d’allègement des sanctions.

L’Iran a clairement exprimé sa position. Si les États-Unis lèvent TOUTES les sanctions imposées par Trump, ils soumettront à nouveau leur programme nucléaire aux limites de l’accord. Si les États-Unis ne lèvent pas TOUTES les sanctions, l’Iran continuera à dépasser ces limites avec des marges petit à petit plus importantes.

Le secrétaire d’État Anthony « Pompeo le deuxième » Blinken a l’illusion qu’il peut ramener l’Iran dans le cadre de l’accord nucléaire et maintenir des sanctions importantes. Il veut les utiliser pour faire pression sur l’Iran afin que ce pays limite sa puissance en missiles et qu’il cesse de soutenir ses alliés au Moyen-Orient :

Les hauts responsables de l'administration Biden, de M. Blinken jusqu'au plus bas, 
ont admis qu’il y avait des défauts dans l'ancien accord nucléaire, il fallait
qu'il soit "plus long et plus fort" et qu'il traite du programme de développement
de missiles et du soutien au terrorisme de l'Iran. Aujourd'hui, l'exigence semble s'élargir encore davantage : Il est de plus en
plus évident que tout accord global qui répond aux nombreuses plaintes de l'Amérique
concernant le comportement de l'Iran doit également couvrir un large éventail de
nouvelles armes que les forces iraniennes ne faisaient que bricoler il y a six ans.

L’Iran ne se désarmera pas. Ces objectifs sont impossibles à atteindre :

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Blinken a déjà déclaré que certaines sanctions américaines seraient maintenues 
et qu'elles seraient levées lorsque - et seulement lorsque - Téhéran "changera
de comportement"
. Notez le discret changement. Blinken ne parle pas ici de cadre

nucléaire réglementaire, il devient "manichéen". Ainsi, selon cette mesure
(corriger un comportement malveillant), la question n'est pas de savoir combien
de sanctions individuelles restent en place, mais la nature de celles qui restent.
De toute évidence, la nature de celles qui restent doit impliquer une grande
douleur, si elles doivent vraiment contraindre un Iran irrémédiablement "malfaisant"
à changer de cap stratégique. (C'est un autre exemple de la façon dont le paradigme
bien/mal fige la politique). L'équipe Biden sait, et admet librement, que les pressions maximales de Trump n'ont
pas modifié le comportement iranien. Pourtant, Blinken préconise que les États-Unis
répètent ce qui vient d'échouer. En fait, ce que Trump a fait, c'est persuader

l'Iran de développer sa dissuasion par missiles de précisions et drones, ce qui
a rendu les "armes MAGA" non pertinentes et donné à l'Iran un avantage stratégique.

Pourtant, Blinken flirte désormais avec l’idée de ne pas revenir à l’accord nucléaire :

"Si cela continue, s'ils continuent à faire tourner des centrifugeuses plus 
sophistiquées à des niveaux de plus en plus élevés, nous arriverons à un point
où il sera très difficile, d'un point de vue pratique"
de revenir aux paramètres

de l'accord nucléaire initial, a-t-il déclaré. "Je ne peux pas donner de date", a déclaré M. Blinken à propos du jour où
l'administration Biden pourrait se retirer des négociations nucléaires, mais
"cela se rapproche".

Et puis quoi ?

Si les États-Unis ne reviennent pas bientôt sur l’accord nucléaire, l’Iran le quittera complètement. A mon avis, d’ici la fin de l’année. Il sera alors libre de faire tout ce qu’il veut en matière de nucléaire. L’Iran augmentera également son soutien aux forces mandataires capables de nuire aux forces américaines et aux alliés des États-Unis au Moyen-Orient. Un certain nombre de piqûres d’aiguilles qui ne cessent de s’intensifier – incendies de pétroliers saoudiens, explosions de raffineries, attaques de drones contre des bases américaines – obligeront les États-Unis à rester engagés.

Les États-Unis ne peuvent pas entrer en guerre contre l’Iran. Le pays ne peut pas être occupé et tout bombardement serait suivi d’attaques de missiles et de drones contre toutes les bases américaines et tous les alliés dans la région, y compris Israël.

Un statu quo ou un conflit de faible intensité pourrait donc se poursuivre pendant longtemps. Il consommerait davantage de ressources américaines et de temps de gestion. Du temps que la Chine peut utiliser, sans être dérangée, pour continuer à développer ses capacités. En ajoutant de plus en plus de demandes de levée des sanctions contre l’Iran, l’administration Biden sabote son objectif stratégique global de concurrence contre la Chine.

C’est une politique à très courte vue. L’Iran ne fléchira pas. Les tentatives de faire pression sur lui en tuant quelques miliciens irakiens sont tout simplement ridicules. Le fait que l’administration Biden tente de le faire montre qu’elle s’est engagée dans une impasse et qu’elle ne veut pas faire marche arrière.

Quelle sera donc son prochain acte ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

Entretien avec le philosophe et politologue argentin Marcelo Gullo Omodeo

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Entretien avec le philosophe et politologue argentin Marcelo Gullo Omodeo

Propos recueillis par Carlos Javier Blanco

(source : La Tribuna del País Vasco)

"La gauche a transformé l'Espagne en une nation autruche qui cache sa tête face aux deux grands problèmes qui menacent son existence."

Docteur Gullo Omodeo, dites-nous : le titre de votre dernier livre, "Madre Patria", de quoi parle-t-il ?

Le titre du livre est en soi une déclaration de principe. C'est-à-dire qu'il s'agit de l'expression des croyances essentielles de Marcelo Gullo Omodeo en tant qu'individu, mais aussi de l'expression des croyances essentielles que le peuple argentin et hispano-américain dans son ensemble avait avant que la falsification de l'histoire n'obscurcisse la conscience du peuple. Tous les grands leaders populaires, de Juan Manuel de Rosas à Juan Domingo Perón en passant par Hipólito Yrigoyen, aimaient l'Espagne et la considéraient comme notre Mère Patrie, tandis que les représentants de l'oligarchie pro-britannique, certains à voix basse, comme Bartolomé Mitre, et d'autres à voix haute, comme Domingo Faustino Sarmiento, détestaient l'Espagne. D'autre part, le titre du livre est inspiré d'un tango de Carlos Gardel où il appelle l'Espagne "Madre Patria querida de mi amor" (Chère patrie de mon amour). C'était le sentiment de la majorité de la population argentine et hispano-américaine avant que le poison de la "légende noire", à travers la propagande culturelle de la "gauche cipaya" - dont l'expression politique la plus importante aujourd'hui en Argentine est le kirchnerisme - ne pénètre l'esprit de la jeunesse.

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L'Espagne est-elle la patrie commune de tous les Hispano-Américains, ou une simple référence aux origines, aux racines ?

Comment ne pas appeler l'Espagne "Patrie" si - comme l'affirmait le triple président constitutionnel de l'Argentine Juan Domingo Perón - son œuvre civilisatrice est sans équivalent dans l'histoire de l'humanité et constitue un chapelet d'héroïsme, de sacrifices et de renoncements. "L'Espagne a érigé des temples, construit des universités, répandu la culture, éduqué les hommes et fait bien plus encore ; elle a fusionné et confondu son sang avec l'Amérique et marqué ses filles d'un sceau qui les rend, bien que différentes de leur mère par la forme et l'apparence, égales à elle par l'essence et la nature". Cette phrase de Perón dit tout.  Notons que Fidel Castro lui-même, lors de sa visite en Galice en 1992, manifestement ému, dans un élan de sincérité qui jaillissait de son cœur, a déclaré "nous faisons partie de l'âme de l'Espagne". Même le mythique commandant Che Guevara considérait l'Espagne comme notre patrie. La légendaire Evita ne se lassait pas de répéter que nous, les Hispano-Américains, indépendamment de la couleur de notre peau, sommes ".... non seulement les enfants légitimes des conquérants, mais les héritiers directs de leurs actes et de la flamme de l'éternité qu'ils ont portée au-delà des mers" et ce, parce que l'Espagne, dit Eva Perón, "...nous a donné son être et nous a légué sa spiritualité".

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Vous parlez souvent des "Espagnols d'Amérique" et des "Espagnols d'Europe". Cependant, il existe une résistance à cette façon de parler. Selon vous, qui résiste le plus et pourquoi?

Le plus grand triomphe politique des ennemis historiques de l'Espagne et de l'Amérique hispanique- comme l'impérialisme français et l'impérialisme anglo-saxon, dirigé d'abord par l'Angleterre et ensuite par les États-Unis - est que nous, Hispano-Américains, ne nous considérons pas comme des Espagnols et que les Espagnols ne considèrent pas les Vénézuéliens, les Équatoriens ou les Argentins comme de véritables Espagnols. Y a-t-il un Égyptien qui ne se considère pas comme un Arabe ? Y a-t-il un Syrien qui ne se considère pas comme un Arabe ? Y a-t-il un Tunisien qui ne se considère pas comme un Arabe ? Du Maroc à l'Irak, en passant par le Soudan et l'Arabie saoudite, indépendamment de la couleur de la peau et des différentes origines ethniques, tous ceux qui parlent arabe se considèrent comme des Arabes et comme les membres d'une grande nation arabe inachevée, artificiellement divisée en différents États. La réunifier était le rêve politique du dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser et du penseur syrien Michel Aflaq. Alors, pourquoi nous, les Argentins, les Chiliens, les Mexicains... ne nous considérons pas comme espagnols ?  Alors, pourquoi les Espagnols de la péninsule ne considèrent-ils pas les Équatoriens, les Uruguayens et les Colombiens, indépendamment de la couleur de leur peau et de leurs différentes origines ethniques, comme des Espagnols ? Tout simplement parce que nous avons cru l'histoire élaborée par les propagateurs rémunérés de la "légende noire" qui a été la première fake news de l'histoire et le plus brillant travail de marketing politique britannique.  Ensuite, pour avoir cru à cette fausse histoire de la conquête espagnole de l'Amérique, les Américains espagnols ont exécré l'Espagne et les Espagnols ont renié l'Amérique espagnole. Eva Perón a crié aux quatre vents que "la légende noire avec laquelle la Réforme s'est ingéniée à dénigrer la plus grande et la plus noble entreprise connue au cours des siècles, comme la découverte et la conquête, n'était valable que sur le marché des imbéciles ou des intéressés" et le problème est que beaucoup de privilèges et beaucoup d'argent ont été distribués pour que beaucoup de professeurs, d'écrivains et de journalistes intéressés stupéfient beaucoup d'étudiants et de lecteurs.

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J'ai récemment pu consulter le professeur J. Barraycoa, président de Unidad Hispanista, au sujet de la continuité entre les processus indépendantistes américains du XIXe siècle et les séparatismes péninsulaires d'aujourd'hui. Croyez-vous qu'il s'agit du même processus étalé sur tant de décennies, ou simplement d'une analogie ? L'unité des Hispaniques a-t-elle encore des ennemis ?

Par sympathie politique, le "séparatisme catalan" promeut aujourd'hui, en Amérique hispanique, avec l'argent de tous les contribuables espagnols et en comptant sur la sympathie de l'impérialisme international, c'est de l'argent pour le "fondamentalisme indigéniste fragmentant."  Les séparatistes catalans - imprégnés de la haine de l'Espagne - aimeraient, par exemple, que dans la jungle équatorienne toute trace d'espagnol soit perdue, qu'au Pérou, dans la région de Cuzco, l'usage de l'espagnol soit abandonné et que seul le quechua soit parlé, qu'à Puno, l'usage exclusif de l'aymara soit imposé et que l'espagnol soit oublié, que dans le sud du Chili et en Patagonie argentine, les Mapuches soient imposés à feu et à sang et que les hispanophones soient persécutés. Le nationalisme séparatiste catalan et l'indigénisme fondamentaliste balkanisant sont des frères jumeaux, car tous deux partagent une volonté d'effacer tout ce qui est espagnol, servant ainsi les intérêts de ceux qui veulent déconstruire l'Espagne et fragmenter les républiques hispano-américaines.

Il me semble que si en Amérique s'est répandu le mythe indigéniste, qui se languit d'un passé de cannibalisme atroce et de l'impérialisme aztèque et inca le plus cruel, nous subissons ici, dans la Péninsule, quelque chose de semblable avec le mythe d'al-Andalus. Les gens ont la nostalgie de l'empire musulman (de l'émirat, du califat) qui a réduit en esclavage, castré, pratiqué la pédérastie et traité les juifs et les chrétiens comme des êtres de seconde zone... La légende noire que vous analysez dans "Madre Patria" est toujours complétée par des "légendes roses" ?

Les chroniques arabes de la conquête de l'ancienne Mésopotamie nous racontent que le bain de sang causé par les envahisseurs musulmans était si important que l'Euphrate et le Tigre étaient teints en rouge. Pour célébrer la conquête de l'Espagne, les musulmans ont emmené à Damas, par la force, trente mille vierges espagnoles pour les garder comme esclaves sexuelles. Pour comprendre l'ampleur d'un tel enlèvement - en gardant à l'esprit qu'il est fort probable qu'au début du VIIIe siècle, à la veille de l'invasion musulmane, la population de la péninsule ibérique n'atteignait même pas le niveau de la population du début de l'ère romaine - il est nécessaire de souligner que prendre trente mille femmes espagnoles pour les soumettre à l'esclavage sexuel en Syrie équivaudrait aujourd'hui à sortir quatre millions de femmes d'Espagne. Il convient de rappeler qu'ils ont également emporté à Damas vingt-six couronnes d'or provenant de la cathédrale de Tolède et plusieurs jarres remplies à ras bord de perles, de rubis et de topazes.

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D'autre part, en Amérique du Nord, les "pieux protestants anglais", pendant l'un des hivers les plus rigoureux de mémoire d'homme, ont distribué "charitablement" des couvertures infectées par la variole aux Indiens d'Amérique du Nord. Lorsque les Anglais ont commencé la colonisation de l'Australie, ils l'ont déclarée "terra nullius", c'est-à-dire sans habitants humains, malgré le fait qu'ils avaient recensé quelque neuf cent mille aborigènes qui vivaient en Australie depuis environ soixante-dix mille ans. Cela vaut la peine de le répéter car cela semble incroyable : pour l'Angleterre "humanitaire", il n'y avait pas d'êtres humains en Australie. Les Aborigènes australiens étaient, pour les "gentlemen" anglais, des animaux rares comme l'ornithorynque ou le kangourou ; des animaux qui marchaient sur deux jambes et semblaient avoir le don de parler comme des perroquets. Cependant, la seule conquête que le monde critique est la conquête espagnole de l'Amérique. Sans doute la légende noire de la conquête espagnole de l'Amérique est-elle toujours complétée par la légende rose de la conquête arabe de l'Espagne et la légende rose de la conquête anglaise de l'Amérique du Nord et de l'Australie. 

Enfin, comment voyez-vous la situation en Espagne ?

J'ose affirmer, sans tourner autour du pot, que l'Espagne est aujourd'hui en danger de mort. Cependant, la grande majorité des Espagnols sont totalement inconscients de ce danger. La plupart des Espagnols dansent nonchalamment sur le pont du bateau qui coule, ignorant que la Nation a heurté un iceberg. La gauche espagnole actuelle, et non la gauche de Felipe González et d'Alfonso Guerra, est la principale responsable de cette situation car elle a transformé l'Espagne en une nation autruche qui se cache la tête face aux deux grands problèmes qui menacent l'existence même de l'Espagne. D'une part, l'émergence de nationalismes périphériques fous qui, prenant le pouvoir, endoctrinent dans les écoles les enfants dans la haine de l'Espagne et de sa langue commune. Ce fait axial fait que l'Espagne roule, presque inexorablement, vers sa fragmentation territoriale. Ils sèment la haine de la nationalité commune et, sans aucun doute, ils sèment la haine, car ils récolteront des tempêtes. D'autre part, l'Espagne, qui possède une pyramide des âges "funéraire", est en passe de cesser d'être l'Espagne car, comme l'affirme le philosophe Alfonso López Quintas, les nouveaux arrivants se promènent dans les rues de Grenade, Cordoue et Séville en pensant et en disant à voix basse : "...ces villes ont été les nôtres et elles le seront à nouveau". Le monde musulman - comme l'affirme Charles Simond dans sa célèbre introduction au livre d'Armand Kahn, L'Arabie sacrée - ne rêve pas de Ceuta, il rêve de Grenade. L'Espagne, après avoir atteint le bien-être économique tant désiré, séparée de sa "foi fondatrice" et endormie par le relativisme, le consumérisme et l'hédonisme, a reçu un coup de poignard métaphysique mortel. Seul un miracle aujourd'hui pourrait fermer la blessure ouverte et profonde et arrêter l'hémorragie.

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L'histoire peut-elle être "redressée" ?

Seule une "immigration massive" d'hispano-américains pourra sauver l'Espagne, qui, je le répète encore une fois, présente déjà une "pyramide funéraire", celle d'une tragique "fin annoncée" et faire en sorte que l'Espagne continue à être l'Espagne. Mais cela nécessite une profonde réconciliation entre les Espagnols d'Amérique et les Espagnols d'Europe. Pour cela, il faut en finir avec le mythe de la Légende noire, avec la "zoncera" [stupidité] du génocide des peuples indigènes, avec la "zoncera" que Cortés a "conquis" le Mexique alors qu'en réalité, il a libéré la majorité de la population - qui habitait alors le Mexique - de l'impérialisme le plus atroce que l'histoire de l'humanité ait jamais connu: l'impérialisme anthropophage des Aztèques. Au Mexique, il y avait une nation oppressive et des centaines de nations opprimées, auxquelles les Aztèques n'ont pas arraché leurs matières premières - comme l'ont fait tous les impérialismes au cours de l'histoire - mais ils ont arraché leurs enfants, leurs frères... pour les sacrifier dans leurs temples et distribuer ensuite les corps démembrés des victimes dans leurs boucheries, comme s'il s'agissait de porcs, pour servir de nourriture substantielle à la population aztèque.  Le miracle est encore possible si les Espagnols européens comprennent qu'aucun hispano-américain, riche ou pauvre, éduqué ou non, blanc ou indien, n'est un étranger sur les terres d'Isabelle et de Ferdinand. Aujourd'hui, la légende noire, c'est-à-dire la fausse histoire de la conquête espagnole de l'Amérique écrite par les ennemis historiques de l'Espagne et de l'Amérique latine, semble avoir gagné la bataille culturelle, déterminant les consciences, les coutumes et les préjugés. Mais les temps sont mûrs pour le rétablissement de la vérité.

Source :

https://latribunadelpaisvasco.com/art/15224/marcelo-gullo...

 

mercredi, 07 juillet 2021

Anatomie du Japon moderne

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Anatomie du Japon moderne

Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolitica.ru/it/article/anatomia-del-giappone-moderno

Les métamorphoses trompeuses de la Grande Mère : l'archétype de Mishima

L'archétype de Mishima dans la culture japonaise d'après-guerre est le plus haut exemple de dialectique subtile, dans laquelle la combinaison particulière du libéralisme moderniste incorporé à un certain nombre d'aspects matriarcaux du shintoïsme est devenue clairement évidente. Ainsi, une nouvelle culture japonaise a été construite, dans laquelle tout ce qui était proprement japonais, lié à l'identité japonaise authentique, était interdit, perverti ou remplacé. Cette culture, qui a donné des noms brillants dans la littérature, le cinéma, la musique, etc., était fondée sur la dégradation rapide de l'esprit traditionnel japonais, sur la désintégration profonde des symboles célestes, dissipant tout de manière entropique en particules infiniment petites. C'était une culture en déclin qui fascinait l'Occident en grande partie pour son exotisme, sa rapidité et son originalité. Les intellectuels japonais de l'après-guerre qui ont décidé d'"attendre un peu plus longtemps..." ont rendu cette situation d'autant plus douloureuse et perverse.

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En ce sens, le célèbre réalisateur japonais Takashi Miike peut être considéré comme un exemple vivant de la culture japonaise moderne, reflétant la structure de son état actuel, quelqu'un qui a réalisé de nombreux films de genres différents, mais qui, dans beaucoup d'entre eux, a réussi à refléter les principales lignes de force qui traversent le Japon moderne. Un européanisme méfiant à l'égard de l'ethnologie et de l'écologie d'Akira Kurasawa, et même le paradoxe tragique de Takeshi Kitano chez Miike est dépassé par les formes les plus extrêmes d'expression de l'absurdité, de la cruauté et de la dégénérescence. La société japonaise de Miike n'est pas seulement une société extrêmement dégénérée, c'est une société qui n'existe pratiquement pas, qui est devenue son propre simulacre, une illustration du postmodernisme japonais. L'Occident a pénétré au cœur de la culture japonaise, a détruit tous ses liens organiques, a coupé toutes ses chaînes sémantiques, et les "déchets de Nipponcity" sont apparus au grand jour sous forme de sadisme, de cruauté, d'effondrement de la famille, de dégénérescence, de mafia, de perversion, de corruption, de pathologie et, en même temps, d'ethnocentrisme, dont tous les films de Miike sont empreints.

Le méchant yakuza

Chacun des films de Miike reflète les deux faces de la morbidité de la société japonaise. Toute la série de films Yakuza est une représentation grotesque de groupes pseudo-samouraïs, militants, extrêmement masculins, qui se distinguent par une cruauté excessive, une indifférence morale absolue et, en même temps, sont profondément engagés dans la décomposition du système social japonais, où la corruption, l'immoralité et la folie sont devenues une norme universellement reconnue.

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Miike dépeint ses héros la plupart du temps dans un contexte surréaliste, où l'absurde atteint son paroxysme, où les yakuzas, la police, les gens ordinaires et les héros aléatoires se confondent dans une continuité de démembrements sanglants, de perversions de toutes sortes, de cruauté injustifiée, complètement dépourvue de motivation, dans le contexte de laquelle la voie du samouraï et l'éthique militaire deviennent une parodie totalement dénuée de sens.

Un exemple impressionnant de la façon dont le genre populaire du film japonais Yakuza de Miike (dans une version beaucoup plus sobre, représentée par une série d'œuvres d'un autre célèbre réalisateur japonais Takashi Kitano) se transforme en une illusion surréaliste peut être le film Yakuza Horror Theatre : Gozu (2003) et le feuilleton Multiple Personality Detective Psycho (2000), où les thèmes classiques de Miike deviennent un mélange de pathologie délirante et de découvertes postmodernes absurdes.

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La cruauté très douloureuse et sanglante, ainsi que l'intrigue intelligible qui peut en rationaliser au moins une partie, deviennent des contenus indépendants dans des films comme Ichi the Murderer (2001) ou Izo (2004). Dans le film Ichi l'assassin, Ichi, un jeune homme souffrant d'un retard mental et dépourvu d'émotions, tue inutilement, par ordre ou par accident, tous ceux qui l'approchent à l'aide de lames tranchantes ; le film Izo offre une version surréaliste d'un personnage historique réel, le samouraï Izo Okada (1832-1865), qui devient un esprit immortel de destruction selon Miike, et qui renaît périodiquement avec un seul objectif : l'extermination totale de tous ceux qui se trouvent sur son chemin. En même temps, la position de Miike dans l'interprétation des personnages dépeints et de ses actions reste strictement neutre : il décrit tout ce qui se passe avec précision et exactitude documentaire, sans se soucier le moins du monde de la façon dont le public l'évaluera. En règle générale, les spectateurs le considèrent comme tout à fait approprié : dans la postmodernité, le sens a été aboli, et la seule forme d'interprétation reste le fait même de la contemplation et du suivi assidu de chaque rebondissement, sans signification, pour tout rejeter de la tête au moment de quitter la salle de cinéma ou du déroulement du générique de fin du spectacle.

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Zebraman : un vol vers nulle part

Avec la même neutralité et la même ponctualité soulignées, Miike interprète d'autres thèmes : en particulier, la désintégration complète de la famille japonaise et la disparition des saisons et des relations sociales classiques, avec le film Visitor Q (2001) ou Le bonheur des Katakuris (2001) ; la criminalisation radicale des écoles japonaises et l'autonomisation de l'archétype de l'adolescent, privé des procédures pour grandir dans les conditions de l'individualisme libéral, avec Crows Zero (2007) et Crows Zero 2 (2009) ; la transformation du Japon en décharge industrielle et des Japonais en ses habitants dans Shangrila (2002), etc.

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Il est particulièrement nécessaire de souligner l'attrait de Miike pour les intrigues mythologiques et archétypales, parfois présentées de manière délibérément enfantine à l'aide d'une stratégie postmoderne réflexive.  Dans la série de films Dead or Alive, il s'agit donc de la réincarnation de deux anges punisseurs qui détruisent le capitalisme corrompu.

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Les films Zebraman (2004) et Zebraman 2 (2010) dépeignent le mythe de Kirin, la version japonaise de Qilin, la licorne jaune, symbole des logos chinois, qui incarne la figure grotesque d'un enseignant pathétique qui croit aux bandes dessinées et tente de voler dans le ciel comme des surhommes et des héros qui sauvent l'humanité.

La Grande Mère

Le très subtil film Audition (1999), qui est devenu l'un des films les plus célèbres de Miike, est consacré à l'horreur primitive associée à l'élément sombre du féminin, où sous le masque d'une jeune fille fragile se cache une essence sadique au sang profond qui recherche la tromperie, le meurtre, la torture, le démembrement et la mort de tout ce qui croise son chemin.

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Ces métamorphoses trompeuses de la Grande Mère, présentées de manière saisissante dans Audition, reflètent le diagnostic le plus précis de l'état moderne de la civilisation japonaise : sous l'innocence et la précision technologique présentées par le type d'adolescent japonais, se cache un abîme de décadence, de vice, de dégénérescence et de destruction, à la contemplation duquel la conscience collective de la société japonaise tente d'échapper par tous les moyens possibles, mais qui la dépasse dans l'art et les instincts psychologiques, les recouvrant également d'une vague d'horreur totale. Dans Audition, vous pouvez lire la version contemporaine postmoderne de l'histoire de la visite d'Izanagi dans le pays de Yomi et de sa rencontre fatale avec Izanami en enfer.

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Les Chinois volants

L'attitude de Takashi Miike à l'égard du monde qu'il représente est assez difficile à comprendre, car il a réalisé de nombreux films, parfois très différents et avec des attitudes idéologiques différentes, unis uniquement par l'indéniable postmodernisme stylistique du réalisateur ; mais la clé de sa position se trouve dans le film Le peuple oiseau en Chine (1998) (Tugoku no tojin - 中人 のコ), dans lequel, plus franchement que dans d'autres films, il révèle une idéologie personnelle soigneusement cachée. Dans ce film, deux mondes, le Japon et la Chine, s'opposent de manière très transparente, mais pas en tant que phénomènes sociaux, mais en tant que deux espaces symboliques. Le Japon est représenté par le fonctionnaire naïf et impuissant Wada et un Yakuza d'âge mûr envoyé à la recherche d'un trésor dans les montagnes abandonnées de Chine. Tous deux sont présentés comme les représentants d'une civilisation complètement décadente, sans valeurs morales ou religieuses, sans vision du monde, sans identité personnelle positive, agissant en vertu de l'individualisme et de l'inertie dictés par l'influence des circonstances matérielles. C'est le Japon typique de Miike, une sorte d'anti-Japon, son double-noir moderne d'après-guerre.

Une fois en Chine, les héros n'arrivent pas dans une société socialiste, mais se retrouvent dans un environnement naturel habité par un groupe ethnique totalement épargné par la modernité et vivant dans des conditions de valeurs simples, claires et transparentes, de mythes, de tradition céleste et de sincérité. Le noyau principal des mythes de ces habitants d'un petit village perdu, où les Japonais arrivent avec beaucoup de difficultés sur les tortues d'eau, se trouve dans la légende du "peuple volant".

Miike donne une explication rationnelle dans l'esprit du matérialisme sceptique : il s'agit des souvenirs des événements de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'un pilote américain s'est écrasé près du village ; les villageois, après avoir vu l'avion pour la première fois, ont décidé qu'il s'agissait d'un homme volant, d'autant plus que le pilote tombé a survécu et a laissé des descendants parmi les habitants, une fille d'apparence européenne qui est considérée, néanmoins, comme une parfaite femme chinoise. Peu à peu, les Japonais tombent sous le charme direct des habitants, oublient les objectifs pragmatiques pour lesquels ils ont été envoyés et commencent à croire aux "Chinois volants". Les habitants eux-mêmes n'abandonnent pas leurs tentatives de décoller du sol, portant toujours des ailes artificielles et sautant depuis les pentes des montagnes. À un moment donné, les Japonais se joignent à eux : d'abord le directeur Wada, puis les yakuzas, plus sceptiques, mais naïfs et animés. Le film culmine dans des scènes de sauts désespérés par les Japonais eux-mêmes, et dans les dernières scènes, nous voyons une figure humaine volant haut dans le ciel avec des ailes artificielles.

L'ontologie chinoise est un être flottant fondé sur la "magie du souffle" (M. Granet).  Le film de Miike représente cela littéralement et visuellement. Dans le contexte de l'après-guerre, le Japon est perçu comme un royaume de la mort et de la terre, de la gravité et de la décadence. Une telle topologie comparative s'inscrit parfaitement dans notre cadre noologique : le logos chinois, avec le Tao et le bouddhisme Mahayana, surtout dans la tradition Ch'an, est devenu la composante la plus importante de la culture japonaise à travers la " fascination pour la Chine ", qui est le début le plus important de toute l'histoire du Japon (selon L. Frobenius, la culture/pideuma commence par " l'obsession ", la " fascination ", l'Ergriffenheit).

L'émergence de la synthèse nippo-chinoise, correspondant au dialogue actif et significatif du bouddhisme et du confucianisme avec le shintoïsme, les traditions locales et la dynastie impériale japonaise qui a conduit à l'incarnation finale du logos japonais, où dans la structure de l'ellipse japonaise l'attention zen a activement soutenu et renforcé l'approche shintoïste, tandis que tout ce qui est chinois a fondé et éclairé tout ce qui est japonais. C'est la deuxième phase du paideuma japonais, toujours selon L. Frobenius, la phase d'"expression" (Ausdruck). La troisième phase a été la division des Japonais et des Chinois pendant l'ère Meiji, et après la dernière tentative de renaissance et la révolution conservatrice pendant le "zen impérial" (l'école de Kyoto, certaines formes de nationalisme japonais dans la première moitié du 20e siècle), la défaite dans la Seconde Guerre mondiale, l'effondrement du Logos, dont seuls les moments techniques appliqués et restés (Anwendung).

Par conséquent, le voyage des Japonais en Chine chez Miike devient un moyen de retourner à leur patrie spirituelle, aux origines de la fascination. Le Chinois volant pour le Japon est une indication clé de l'époque où existait le Japonais volant, dont l'écho tragiquement douloureux et ironique, son double/simulacre, est le héros zebraman ; mais cette idéologie, qui est le code principal de Miike, contraste trop avec la réalité - métaphysique, sociale, politique, culturelle et stylistique, c'est pourquoi, apparemment, le réalisateur n'a pas osé développer ce thème tragique et dangereux, qui a le potentiel de répéter le chemin de Yukio Mishima - avec la même fin, prévisiblement triste et, pire, simulée. L'ombre de Mishima plane sur tous les vrais artistes japonais, et même les meilleurs ne peuvent pas dépasser les limites de cet archétype, et les libéraux conformistes ne veulent même pas essayer.

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Cela prédétermine le postmodernisme amer et ironique de Miike et d'autres réalisateurs proches de lui, comme Shinya Tsukamoto, auteur de films extrêmement absurdes sur la fusion d'un homme avec une machine (développement postmoderne du thème de Mishima - "le corps et l'acier") Tetsuo - L'homme de fer (1989) et même Les aventures de Electric Rod Boy (1987), Tokyo Fist (1995) ou Takashi Shimitsu, qui a réalisé Marebito (2004) et Ju-On (2002) avec plusieurs suites. Le Japon se déplace progressivement dans l'espace d'un autre monde, où la frontière entre le mécanisme et l'homme, entre les vivants et les fantômes, entre la raison et la chute en cascade dans l'irrationnel, s'éloigne.

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Le port du shintoïsme

Toutes ces peintures dépeignent les plans inférieurs du cosmos shinto, où la saturation du sacré est encore clairement ressentie (et c'est là la différence fondamentale avec le postmodernisme américain ou européen, dont le sacré a été expulsé au début de l'euro-modernisme), mais toute cohérence, aisance, ordre, contrainte et spiritualité sont irrémédiablement perdus. C'est la double ombre du Japon, de son peuple et de sa civilisation, immergés dans le pays des racines, Yomi, jusqu'au fond de l'univers shintoïste au stade de son dernier refroidissement. Le surréalisme postmoderne japonais n'est donc rien d'autre qu'un réalisme "photographique" fiable, une réplique exacte de l'état du logos japonais, qui se trouve au stade final de sa décomposition et de son naufrage.

Napoléon, entre opportunisme et messianisme républicain

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Napoléon, entre opportunisme et messianisme républicain

par Frédéric Andreu-Véricel

La commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon ne nous apprend rien ou presque sur Napoléon que nous ne sachions déjà. Bonaparte est avant tout un général de la Révolution, despotique, opportuniste et peu soucieux de la vie des hommes.
En revanche, cette commémoration en demi-teinte nous en dit beaucoup sur notre époque. Devons-nous commémorer ou non le «grand homme»? Lui faire un procès pour racisme? Raser les Invalides? Déboulonner ses statues?

L'Histoire nous apprend qu'une période de chaos dressé contre la Loi Naturelle est presque toujours accompagnée d'un messianisme. Minés par la corruption et totalement dépassés par les événements, le clan Sieyes et les politiciens du « centre droit » de l’époque qui forment le gouvernement du Directoire cherchent un homme à poigne pour sauver leur sacro-sainte République. Le consensus de l’époque est pour l’idée de Mirabeau, une monarchie républicaine.

Le plan est de se servir de Bonaparte puis de l’écarter du pouvoir. Cela aurait dû être Joubert mais celui-ci trouva la mort en Italie; Lafayette est pour sa part discrédité. Il ne reste que Napoléon devenu célèbre depuis la campagne d’Italie. Plutôt que de parler de destin, parlons plutôt de contexte.

Retenons que le règne de idées finit en général très mal et la Révolution Française n'a d'ailleurs même pas bien commencé. Une décennie de guerre civile quasi-permanente, de nuit sociale laisse place à la banqueroute économique et la corruption généralisée. Le régime ne pouvait conduire qu'à un régime militaire. La situation que nous connaissons aujourd'hui, malmenée par des idéologues ultra libéraux, pourrait nous conduire, elle aussi, à un coup d'Etat militaire. L'Histoire ne se répète pas mais recycle en revanche ses scénarios.

En deux années, Bonaparte redresse un pays ruiné. Nous pouvons lui rendre grâce d'avoir mis un terme à la Révolution, même si ses réformes serviront de marche-pieds à l’invasion de l'Europe. Le logiciel de Napoléon n’est pas l’ordre organiciste mais messianiste, le soft power des droits de l'Homme.

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Mais comparaison n’est pas raison. En ce début de XIXème siècle, l'heure de la France avait sonné grâce à la convergence de plusieurs paramètres. Tout d'abord, elle était, avec 27 millions d'habitants (contre à peine 9 pour le Royaume-Uni), la Chine de l'Europe. En outre, la langue diplomatique de l'Europe était le Français. Cependant, il manquait à la France un atout essentiel pour assoir son hégémonie, la maîtrise des routes maritimes. La flotte d'Ancien Régime était loin d'être négligeable, mais c'est la Révolution Française qui a entrainé la chute de la Marine car les amiraux français, en majorité nobles, refusèrent de servir la Révolution et l'Empire.

La juxtaposition de ces atouts et faiblesses françaises forme une solution explosive qui n'attendait qu'une étincelle. Cette explosion s'appelle Bonaparte, un militaire corse promu général à 24 ans. Il mit son talent militaire à lutter contre l'hégémonie anglaise mais sans marine, il n'eut d'autre choix que de livrer bataille indéfiniment sur terre contre des coalitions financées en sous main par la Couronne anglaise. Cela fit les affaires de la Perfide Albion qui pu annexer les îles hollandaises et françaises (dont la Martinique) pendant que les Européens étaient occupés à se faire la guerre. Pour financer les armées de toute l'Europe contre Napoléon, les Britanniques empruntent l'équivalent de 7 fois la masse monétaire du monde qu'ils rembourseront dès les années 1830.

Se faisant, Napoléon est aussi un héritier. Il poursuit à bien des égards la politique d'expansion de la France de ses prédécesseurs. Louis XIV avait annexé l'Alsace, Louis XV la Corse, mais les Bourbons se limitaient à repousser les frontières du domaine royal et non à annexer tout le continent. Les ardeurs des Bourbons étaient par ailleurs tempérées et encadrées par une politique d'alliance. Ce sont les diplomates qui étaient souvent issus du clergé qui dirigeaient en fait. Le régime napoléonien, autocratique, ne connaissait pour sa part pas la tempérance; il ne cessa jamais son expansion parfois en dépit du bon sens.

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Il fit passer la conquête de l'Europe sous couvert de messianisme révolutionnaire. Bien sûr, la personnalité de Napoléon compte mais compte aussi la dynamique de la Révolution et son logiciel universaliste. Napoléon dira : " je suis le messie de la Révolution". On a retrouvé des médailles « miraculeuses » de la Campagne d’Italie en plusieurs régions d’Europe. C’est dire le sentiment religieux que l’on prête à Napoléon.

La personnalité de Napoléon est complexe. Je situerais la personnalité de Napoléon quelque part entre celle de Robespierre et celle de Talleyrand.  Robespierre fut un idéologue incorruptible (Napoléon fut d'ailleurs un proche du frère de Robespierre) et Talleyrand était tout le contraire. Napoléon agit guidé moins par principe que par pragmatisme servit d'un génie militaire hors du commun.

I : Napoléon, grand stratège en communication

Afin d'implanter son pouvoir, Napoléon ne peut s'appuyer sur aucune légitimité du pouvoir. Il n'est pas un Bourbon, ni un Romanov, mais est issu d'une petite aristocratie foncière d'Ajaccio, grande rivale des Paoli. Depuis son mariage avec Marie-Louise, il ne cesse de rappeler qu'il.est le "neveu" de Louis XVI. Le sacre va lui permette d'asseoir sa légitimité; les prouesses militaires vont faire le reste.

Je parlerais moins de "propagande" à son endroit que du "mentir vrai" de son roman politique. Quelques exemples. Après la bataille d'Eylau, Il organise un concours de peinture afin de montrer qu'il en est le vainqueur. Les toiles devaient le montrer en monture de cheval, magnanime envers les vaincus.

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En fait, le jour de la bataille, la tempête de neige empêcha toute visibilité. Le lendemain, personne ne savait qui était vraiment le vainqueur de ce qui apparu comme un carnage. La propagande picturale permit de compter Eylau au nombre des 77 victoires gravées sur l'Arc de Triomphe. Les Russes qui revendiquent eux aussi la victoire, ne font point allusion aux charges de cavalerie de Murat, pourtant légendaires côté français.

On pourrait multiplier les exemples de récupération idéologique. À Sainte Hélène, Napoléon fait vendre son argenterie afin de répandre dans l'opinion l'idée que les Anglais le maltraitent…

N'oublions pas que Napoléon a été toujours obsédé par la légitimité comme celle des révolutionnaires sans cesse divisés en factions. Comme eux, il était perçu comme un usurpateur par l'ensemble des cours d'Europe et par les royalistes français. C'est en jouant un double jeu que la maison d'Autriche accepte le mariage de Napoléon et de Marie-Louise.

S'il nous apparaît aujourd'hui comme un "héros" c'est parce qu'il a sut jouer sur les schèmes de l'imagerie chrétienne, revêtir les habits de la gloire ou ceux du martyr. Il vécu par ailleurs avant l'invention de la photographie. Il se fit le journaliste de sa propre légende et utilisant la peinture et l'architecture à son profit.

II : Napoléon est aussi un héritier…

Il faudra un jour appréhender les événements de la Révolution moins comme une simple révolte spontanée que comme une sorte de messianisme politique importé des Etats-Unis.

Napoléon hérite de ce contexte historique et de ce principe, de l'idéologie de l'Homme Nouveau et des méthodes brutales des premiers évangélisateurs (ces "Bolcheviques de l'Antiquité"). Napoléon, héritier de la Révolution, est pour une part un messianiste. Les exactions de Napoléon (comme en Palestine où il fait égorger 5000 prisonniers albanais) ressemblent d'ailleurs à celles des croisés en Terres Saintes; toujours le même prétexte de la foi et du messianisme pour justifier des conquêtes matérielles. Il fallait envahir l'Europe pour la libérer de l'"obscurantisme".

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Mais toutes les hagiographies réécrites a posteriori ne sauraient effacer la loi d'airain de la politique qui est la géopolitique. Sous cet angle, on s'aperçoit que Napoléon ne fait que poursuivre -  en l'accélérant jusqu'à son paroxysme - la politique de la France depuis plusieurs siècles: assurer la prééminence française en Europe et lutter contre sa grande rivale des mers, l'Angleterre.

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La vente de la Louisiane par Napoléon (illégale car faite sans l'accord de l'Espagne et sans l'aval du Sénat) est a mettre au profit de cette politique. En effet, Napoléon ayant échoué à déloger les Anglais par la campagne d'Égypte, a cherché à affaiblir l'Angleterre par la vente de la Louisiane aux États-Unis, après l'aide aux indépendantistes fourni par Louis XVI.

Rétrospectivement, ce fut finalement une bonne affaire car la France n'aurait de toute façon pas pu développer ce vaste territoire situé à 8000 km que les États-Unis auraient de toute façon absorber un jour ou l'autre.

En Europe, Napoléon n'a fait que poursuivre la politique des Bourbons notamment par son mariage avec une princesse Habsbourg d'Autriche et la recherche d'une alliance avec la Russie, axes de la politique ingénieuse de Louis XVI. Mais, après la défaite de la flotte à Trafalgar, il réalise cette politique sur le champs de bataille terrestre et non sur les mers. Napoléon est avant tout un militaire de culture antique, un nouveau César et non un diplomate d'Ancien Régime.

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Talleyrand, un esprit de l'Ancien Régime,  surnommé le "prince des diplomates", a en réalité instrumentalisé Napoléon tout d'abord dans le but de mettre un terme à dix années de guerre civile engendrée par la Révolution mais cherchera à le destituer lorsque celui-ci se révéla incontrôlable. Galvanisé par ses conquêtes militaires, il mis à mal le principe d'Equilibre Européen. Bien que tout puissant sur les champs de bataille, Napoléon ne fut pas entièrement maître de son destin sur le terrain politique et fut plus utilisé par Talleyrand que le contraire. Ce point n'est guère mis en exergue par les historiens subjugués par la légende napoléonienne, mais c'est pourtant un fait objectif. À Erfurt, Talleyrand va déclarer au Tsar que Napoléon est "fou" et qu'il ne faut pas l'écouter. En 1808, lorsque Napoléon s'embourbe en Espagne, Talleyrand et Fouchet tentent de la remplacer par Murat. Enfin, Talleyrand pousse Napoléon à abdiquer après ses échecs militaires de Leipzig. Alors que les troupes russes défilent dans Paris, le Tsar réside dans l'hôtel particulier de Talleyrand. C'est Talleyrand en conversation  avec le Tsar qui décide du retour de Louis XVIII.

Les revenus de Talleyrand équivalent à 10 % du budget de l'Etat. On a dit en outre qu'il aurait détourné 20 % de la vente de la Louisiane, ce qui fait du "diable boiteux", en plus du diplomate le plus prestigieux de l'Empire, une banque de France à lui tout seul.

III : Le Congrès de Vienne dans l'ombre de Napoléon.

Lorsque Napoléon revient de l'île d'Elbe, les puissances européennes sont déjà réunies à Vienne pour tourner la page napoléonienne. Il s'agit de réorganiser le continent selon le principe britannique de l'"Equilibre Européen".

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Pour se faire, le Congrès va se muer en un gigantesque salon où toutes les questions de droits nationales, régionales et même locales, vont être mis sur la table. Le Congrès invente les bases du droit international. Mais bien peu d'historiens ne voient que les grandes avancées du Congrès recyclent en réalité une grande partie du droit napoléonien. Un exemple emblématique : la liberté de circulation des fleuves et rivières de toute l'Europe reprend les lois de circulation sur le Rhin signées par Napoléon. (Même le fleuve Congo établira la même législation). Napoléon abolit la Traite des noirs pendant les Cent Jours. Les congressistes le font aussi. Les constitutions des pays s'inspirent de la législation napoléonienne et de la centralisation pyramidale de l'administration.
Par conséquent, la coalition reprend l'essentiel des visées napoléoniennes mais sans Napoleon. Quant au royaume de Pologne, le Congrès impose un compromis entre l'annexion totale par la Russie et l'indépendance. C'est Talleyrand qui impose un vice-roi à la Pologne sous tutelle du Tsar Alexandre premier. Ce vice-roi est un frère du Tsar marié à une princesse polonaise. Finalement, le Congrès parvient à une solution qui n'est pas loin du "Duché de Varsovie" instauré par Napoléon. Quant aux délégations juives, toutes revendiquent le Consistoire de Napoléon, gage de citoyenneté.

Bref, le Congrès de Vienne, sensé liquider l'héritage napoléonien en reprends les bases tout en encerclant le territoire français par des États tampons, Pays-Bas, Suisse neutre, Rhénanie rattachée à la Prusse par un corridor. Le vainqueur continental du Congrès est sans doute la Russie mais la France, vaincue, limite les pots cassés grâce aux habiles manœuvres de Talleyrand.

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En France, Louis XVIII entérine toutes les avancées de Napoléon et y ajoute la liberté de la presse. Bref, Napoléon n'est plus utile à la France. Contraint à l'exil, il parviendra a gagner la bataille de l'image.

D'un certain point de vue, c'est Napoléon qui a sauvé le Congrès de Vienne en 1815 car son retour à électriser le Congrès alors en proie à la sécession. Une guerre contre la Russie aurait pu éclater quand survint le retour rocambolesque de l'Empereur. Ce retour a entraîné un consensus salvateur contre Napoléon, déclaré hors la loi. Les lettres qu'ils fient parvenir à Vienne ne seront même pas ouvertes. Il ne restait plus à Napoléon, proscrit par tout le monde y compris par certains de ses maréchaux, de s'imposer par la guerre.

IV: Napoléon est le miroir de notre présent :

Napoléon - figure française la plus connue dans le monde - qui aurait inspiré plus de 110.000 livres ! - est aujourd'hui l'objet d'attaque en règle de la Cancel Culture importée des campus universitaires américains. Stratégie folle mais efficace qui impose des stratégies de pouvoir pour commémorer a minima le grand homme.

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Un projet de film sur Bonaparte est en cours, émanant d'un réalisateur heureusement pas Français mais britannique. Ridlley Scott aurait choisi Joachim Phoenix, connu pour son interprétation magistrale d'empereur romain, pour incarner Napoléon. Un réalisateur français aurait sans doute choisi Omar Sy pour incarner l'Empereur. Problème, il aurait aussi fallu montrer Napoléon en despote assoiffé de sang, un fouet d'esclavagiste à la main.

Bref, Napoléon rend difficile son appropriation idéologique. Mais les culpabilisateurs professionnels ne cesseront de voir en lui un despote tandis que les patriotes voient en lui un "professeur d'énergie" (Maurice Barrès). 

Ce qui insupporte la gauche sociétale, c'est que Napoléon représente, au-delà de sa personne, une décennie où la France fut, par sa démographie et ses conquêtes, la maîtresse de l'Europe et donc du monde, n'en déplaise aux gagne-petits et aux médiocres. Il représente la "fenêtre d'opportunité française" de l'Histoire, une partie de poker historique où la France pouvait tout gagner ou tout perdre. Face à une époque sous anesthésie idéologique, il reste un modèle de dépassement : face aux soldats de Louis XVIII le tenant en joue, il s'avance, seul, sans arme, s'écriant :  "Soldats, ne reconnaissez-vous pas votre empereur. Si quelqu'un veut tuer son empereur, qu'il tire"" ? Croyez-vous qu'un François Hollande ou un Macron aurait été capable d'une telle geste?

Il est permis d'imaginer quel serait aujourd'hui le monde si Napoléon n'avait pas lancé son armée supersonique en Russie ? Instruit par Caulaincourt, il savait que le Tsar n'attaquerait jamais l'armée française. Ensuite, Napoléon refuse de passer l'hiver en Russie.  Bref, si Napoléon avait recherché un compromis avec l'Angleterre et envisager la création d'un empire bicéphale avec le Tsar Alexandre, le monde serait aujourd'hui tout autre. Il aurait ainsi crée les bases d'une confédération eurasienne.

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A minima, si Napoléon n'avait pas perdu à Waterloo, pas de Congrès de Vienne, pas d'exil à Sainte Hélène. Conséquence : l'Allemagne n'aurait sans doute jamais été unifiée par la Prusse. Les États du nord allemands auraient sans doute rejoint un.jour ou l'autre la Prusse pour former un Etat protestant tandis que la Bavière alliée au Duché de Bade, aurait fini par former un État catholique. Deux Allemagne de confessions différentes n'auraient jamais pu devenir la grande rivale de la France, surtout si Napoléon avait choisi une princesse bavaroise à lieu d'une Habsbourg d'Autriche.

On peut considérer Waterloo comme la première guerre franco-allemande dans la mesure où c'est Blücher (le vieux général prussien farouchement anti-français) et non l'anglais Wellington, le grand vainqueur de Waterloo.

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Soyons réaliste même ds l'uchronie : l'Empire n'aurait sans doute pas survécu à Napoléon, mort des suites de son cancer à l'estomac, mais la France aurait conservé ses 134 départements une décennie de plus et aurait sans doute consolider sa politique d'alliance avec l'Autriche et la Russie, créant une confédération eurasienne puissante qui aurait maintenu les États-Unis à l'écart de l'échiquier politique mondial. Au lieu de cela, c'est l'Europe, exsangue par les conflits franco-allemands et deux guerres mondiales, qui est aujourd'hui le nain politique du monde au profit des États-Unis…

C'est bien la division entre l'Europe et la Russie (puissances de la terre) qui permet l'hégémonie de l'Amérique (puissance de la mer).

Au lieu de cela, la France ne cesse de décliner depuis 1815, reléguée au niveau d'une puissance subalterne jusqu'à voir aujourd'hui sa population régresser sur son propre sol et transformée en consommateurs. Pire, le bradage de son talent et de son âme se fait avec la complicité de ses propres élites ; le dénigrement de son Histoire est conduite par eux. Récemment une ministricule du gouvernement Macron a qualifié Napoléon de "misogyne" ;  un autre d'"esclavagiste", un autre encore d'antisémite. On a peine à croire que des personnages aussi traitres à leur patrie, ignares et cupides, puissent occuper des places de ministres ! Malgré tous ses défauts, Napoléon incarna le primas de la politique, du volontarisme, sur la logique froide du commerce. Son ennemi, l'Angleterre, incarnait l'exacte contraire. Le peuple anglais à toujours conserver une affection particulière pour Napoléon puisque le bateau de Napoléon, en escale en Angleterre précédent l'exil à Sainte Hélène, fut entouré par des petites embarcations et des admirateurs anglais de Napoléon. Il faut dire que le peuple anglais était considéré par les Lords comme des serfs. Accablé d'impôt, surexploité, il aurait sûrement aimé connaître le Code Civil et la propriété privée comme les paysans français.

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L'esclavagisme, voici une autre accusation de cour d'école. Quelle piteuse image, ces ministricules traîtres à leur patrie et autres journalistes miteux qui se vautrent aujourd' hui dans le politiquement correct ! Ces derniers reprochent à Napoléon de ne pas avoir promu l'antiracisme comme religion d'Etat et l'équipe Black Blanc Beur comme Garde Impériale ? En réalité, Napoléon s'est battu toute sa vie contre une empire qui a répandu l'exploitation commercial des peuples du monde entier. L'Angleterre, par l'intermédiaire de Pitt, n'a cessé de financer tous les rivaux de la France avec l'or extorqué aux Indes. Il faut donc toute la haine et l'imbécilité d'un Jean-Michel Appatie, véritable Louis de Funès sans humour du PAF, pour reprocher à Napoléon son esclavagisme, alors que celui-ci n'a jamais manifesté un quelconque racisme à titre personnel, bien au contraire.

Simplement, l'antiracisme institutionnel de notre époque voile la raison. La promotion du métissage ne faisait pas partie du logiciel de cette époque. Et le rétablissement de l'esclavage à Saint Domingue fut motivé par opportunisme économique. Napoléon avait pour projet de faire des Caraïbes une mer française pour contrecarrer la domination anglaise. Saint Domingue en était l'île centrale, riche en sucre et en café, il fallait pour cela ne pas se mettre à dos le lobby sucrier très puissant. Il envoya l'époux de sa sœur Pauline afin de réprimer l'insurrection du gouverneur Désaline qui fit égorger tous les blancs de l'île et instaura le travail forcé à la place de l'esclavage. Voici pour les faits bruts curieusement laissés sous silence. Comme est l'abolition de la traite signée par Napoléon en 1815 et qui sera élargi pendant le Congrès de Vienne. En réalité, le cas de Saint Domingue démontre que l'on ne pouvait pas passer de l'esclavage à l'abolition du jour au lendemain sauf à vivre dans les abstractions idéologiques, mais par graduations. Saint Domingue, devenue indépendante (aujourd'hui Haïti), est l'un des pays le plus pauvre au monde…

Bref, Napoléon est aujourd'hui conspué, caricaturé par des cerveaux hors sol qui ne voient en lui que le miroir de leur propre lubie, mais vénèrent par ailleurs la Révolution Française, c'est-à-dire les colonnes infernales de Turreau et le règne de l'abstraction. Nous mesurons la contradiction dans les termes ! Il semble que le pays légal (que l'on pourrait appeler aujourd'hui la "technocratie parvenue au pouvoir") à besoin de serviles commissaires pour détruire ce qui reste du pays réel, tel l'agent médiatique Aphatie, ou l'agent politique Macron. Les idéologues qui conspuent aujourd' hui Napoléon ne voit pas que ce que l'on peut en effet lui reprocher provient précisément de la Révolution qu'ils vénèrent. Ils conspuent en revanche Napoléon pour tout ce qui, en lui, relève du génie français et européen.

Frédéric Andreu-Véricel.

Contact : fredericandreu@yahoo.fr

 

 

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Comprendre la Magie Sociale - Entretien avec Lucien Cerise

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Comprendre la Magie Sociale

Entretien avec Lucien Cerise

Alors que la planète est en hypnose, empêchant ses habitants de réagir face à l’évidente supercherie, nous avons demandé à Lucien Cerise, spécialiste de l’ingénierie sociale, si et comment celle-ci pouvait intégrer une dimension occulte.

1. Bonjour Lucien Cerise, un an et demi après le premier COVID, comment s’annonce le prochain ?

Il faudrait dire « Comment s’annonce l’avenir ? » En effet, comme nous l’a annoncé Klaus Schwab, nous ne sommes pas censés sortir un jour de la crise dite sanitaire, qui est en fait purement politique. D’un point de vue sanitaire, la covid-19 n’est pas un problème, mais elle sert de prétexte à faire entrer le monde entier dans une « nouvelle normalité » – du moins, c’est ce que veut le biopouvoir transhumaniste. Son projet est la société « sans contact », c’est-à-dire sans contacts humains, programme soutenu entre autres par le gouvernement sud-coréen, où les interactions sociales directes disparaîtront et seront encadrées, médiatisées et si possible remplacées par la techno-science, l’informatique et les écrans 1. Pour y parvenir par étapes, le pouvoir accumule les mesures de contrôle social sans qu’aucune n’annule les autres et en espérant les rendre irréversibles. Le confinement et le couvre-feu doivent devenir perpétuels, le port du masque doit être permanent, la distanciation physique aussi, il faudra nous revacciner tous les six mois pour mettre à jour notre « passe sanitaire », nouvelle mouture du passeport intérieur des régimes totalitaires, etc. J’ai pris le train et l’avion récemment : il y a des annonces écrites et vocales qui nous parlent de biosécurité, de port du masque obligatoire et de distanciation sociale même pour les personnes déjà vaccinées ou testées négatives au coronavirus. Pour éviter de tomber malade, nous devons donc tous vivre désormais comme des malades. Tout le monde – y compris les bien-portants – doit régler son comportement sur les malades et adopter un style de vie calqué sur celui des malades en acceptant de se soumettre quotidiennement à des mesures destinées en temps normal seulement aux malades.

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La frontière entre maladie et santé s’efface : nous sommes tous potentiellement malades, comme chez le Docteur Knock, et nous devons donc tous accepter d’être tous traités comme des malades. Cette « nouvelle réalité » de la maladie permanente et omniprésente doit permettre de remettre votre santé entre les mains du biopouvoir cybernétique. Comment ? En implantant dans les esprits un parallèle entre les risques encourus par nos ordinateurs et par nos corps. La cybernétique ne distingue pas le vivant et la machine. Ainsi, le biopouvoir pose plusieurs équations : homme = ordinateur ; virus biologique = virus informatique ; anti-virus biologique = anti-virus informatique. Bill Gates est l’homme qui incarne cette fusion de l’informatique et de la santé publique. D’où vient l’intérêt du fondateur de Microsoft pour les virus biologiques et les vaccins, au travers notamment de sa fondation GAVI – Global Alliance for Vaccines and Immunization ? Cela pose question. Lui et d’autres transhumanistes essayent de nous transformer en névrosés hypocondriaques volontairement intégrés dans un système fusionnant le corps humain et les machines par la transposition dans le biologique de ce qui existe en informatique : la peur permanente des virus – phénomène purement psychologique car, en réalité, il y a très peu de virus dangereux – et l’obligation de vivre avec un antivirus fabriqué, un pare-feu dans le langage informatique, équivalent du masque et du vaccin. Pourtant, l’antivirus biologique naturel existe déjà – il s’appelle le système immunitaire – mais justement, le projet est de remplacer l’immunité naturelle, gratuite et universelle, par une immunité artificielle, qui sera facturée et dépendante d’un fabricant d’antivirus. Comme disait quelqu’un sur Twitter 2 :

« Privatisation du système immunitaire des êtres humains en cours : là où avant ton corps faisait le job tout seul pour chaque infection, la réponse immunitaire perdurait à vie, tu auras désormais besoin d’injections à répétition pour chaque variant de chaque virus. » (Anonyme, Twitter)

2. Alan Moore, auteur des BD V for Vendetta et Watchmen – accessoirement sorcier – déclarait que les publicitaires sont les nouveaux chamans…

Ce type est un génie. Il a compris les constantes universelles de l’occultisme, qui en montrent la brûlante actualité, au-delà des variables culturelles et folkloriques, qui peuvent produire un sentiment d’éloignement ou d’exotisme. L’occultisme est un rapport proactif et interventionniste à la perception de la réalité pour modifier la réalité. On ne touche pas directement la réalité matérielle, on touche sa perception, et surtout sa perception narrée, inscrite dans un récit. On peut donc transformer indirectement la réalité en agissant sur l’esprit des gens qui la perçoivent. Et agir sur l’esprit signifie agir sur la narration qui raconte la réalité, principe du Storytelling. Il n’y a pas d’esprit en dehors d’une narration, d’un langage, d’un code. L’esprit humain est langagier, structuré par une grammaire et une syntaxe – les phénomènes psychiques n’arrivent pas au hasard – et constitué physiquement de signes linguistiques, qui sont les « unités discrètes », les briques élémentaires, les atomes de l’esprit. Pour agir sur l’esprit d’autrui comme un occultiste, il faut donc agir sur la narration qui structure son esprit, devenir un maître linguiste, un maître du langage – plus simplement, un bon écrivain, un bon scénariste – ce qui explique le rôle des « formules magiques », ce que l’on appelle aujourd’hui des slogans, et qui sont omniprésents dans l’espace médiatique et publicitaire.

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« À l’origine toutes les facettes de notre culture, que ce soit des arts ou des sciences, appartenaient aux shamans. Le fait qu’à notre époque ce pouvoir magique ait dégénéré et soit devenu un simple divertissement et une manipulation est à mon avis une tragédie. En ce moment les gens qui utilisent le shamanisme et la magie pour influencer notre culture sont des publicitaires. Plutôt que d’essayer d’éveiller la conscience des gens, leur shamanisme est utilisé comme opium pour les tranquilliser et les rendre plus malléables. Avec leur boîte magique, la télévision, et leurs mots magiques, leurs slogans, ils arrivent à ce que tout le pays pense aux mêmes mots et aux mêmes choses banales, exactement au même moment. » – Alan Moore 3

Un bon slogan transforme votre perception de la réalité et déclenche un comportement, ou du moins pèse sur votre comportement en reformulant votre description de la réalité, ou narration de la réalité, donc votre perception de la réalité. Il y a deux façons de peser sur le comportement d’autrui : directement par la pression physique, ou indirectement par la magie, ce qu’on appelle aujourd’hui la psychologie, c’est-à-dire en passant par le système de représentation et de perception d’autrui, ce qu’il a dans la tête, la manière dont il se raconte le monde, et dont il se raconte à lui-même. Le rapport du langage et de l’esprit est encore plus étroit qu’un filtre au travers duquel on percevrait la réalité depuis un esprit possédant son intégrité. En effet, l’esprit est intrinsèquement une structure langagière et linguistique, dépendante d’un récit. On entre dans l’esprit, c’est-à-dire dans l’intériorité, depuis l’extérieur du langage et des signifiants, entendus phonétiquement ou lus sur un support. Si l’on retire le langage, il n’y a plus d’esprit au sens humain du terme. Il y a du vécu hors langage, c’est-à-dire du vécu en dehors du sens, mais pas d’esprit au sens humain. Faites l’expérience : essayez de penser quelque chose en dehors du langage, et vous allez comprendre rapidement à quel point votre esprit est – et à quel point vous êtes – totalement dépendant du langage, et en particulier de votre langue maternelle. Il n’y a pas de langage privé, ou intérieur. Le solipsisme est une fiction théorique.

«  Il n’y a pas de science occulte, il n’y a que des sciences occultées. »  – Alexandre de Saint-Yves d’Alveydre

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Dans Le mythe de l’intériorité, Jacques Bouveresse s’appuie sur Wittgenstein et ses jeux de langage publics pour montrer que nous sommes des êtres intrinsèquement communicants, traversés par du code appris et reçu de l’extérieur. Même les gens qui croient à une intériorité pré-langagière (antéprédicative) sont obligés de passer par le langage, donc par l’extérieur, pour la penser et en parler. La structure de l’esprit est la structure du signe linguistique. L’esprit a donc une partie extérieure, constituée par le signifiant, et une partie intérieure, constituée par le signifié. Les deux parties sont dans un continuum, on passe de l’une à l’autre sans s’en rendre compte la plupart du temps. L’occultisme n’est rien d’autre que l’exploration de ce ruban de Möbius – pour reprendre une figure de topologie lacanienne – qui définit la continuité sémantique entre l’extériorité environnementale et l’intériorité mentale, et dont il faut prendre le contrôle si l’on souhaite peser sur le comportement d’autrui. C’est de la Programmation neuro-linguistique avant l’heure, tout le monde en fait sans le savoir et intuitivement quand on essaye d’influencer autrui, c’est-à-dire quand on essaye de pénétrer discrètement dans l’intériorité d’autrui pour le retourner en notre faveur, consciemment ou non. La psychologie du conditionnement, en particulier du conditionnement furtif, c’est-à-dire du piratage mental, autre nom de l’ingénierie sociale, c’est-à-dire le passage furtif de l’extérieur à l’intérieur de l’esprit, est la forme scientifique de l’occultisme, en tant qu’effort pour influencer autrui.

3. Dès lors, au-delà de la PsyOp, est-il possible de considérer le « covidisme » comme un rituel surdimensionné via une amplification médiatique sans précédent ?

Techniquement, le « covidisme » – la croyance en la narration politico-médiatique sur la covid-19 – est effectivement un égrégore, un facteur de convergence et d’uniformisation des comportements, qui doit synchroniser un maximum d’individus pour les faire agir comme un seul homme. Les médias de masse procèdent à une séance d’hypnose collective en continu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, que l’on peut décrire à la suite de Tchakhotine comme un « viol des foules », mais un viol consenti, une pénétration furtive de l’intériorité d’autrui, pour téléguider autrui, agir sur lui depuis son extériorité sans qu’il en soit pleinement conscient. Tout ceci évoque le concept d’Inception, comme dans le film de Christopher Nolan, consistant à pénétrer dans l’inconscient d’autrui pour y déposer une idée, un mot-clé, un signifiant déclencheur (trigger) qui sera activé à un moment donné, pas toujours immédiatement, comme une bombe à retardement. Tel est le rôle du symbole de l’arc-en-ciel et de tous les signes de ralliement, hashtags, graffitis, slogans, et de la pratique d’ingénierie sociale d’hameçonnage (phishing), fondée sur le double sens, l’ambivalence sémantique, qui fait passer une signification sous couvert d’une autre signification, avec un sens caché dans un autre sens, principe de la stéganographie.

Autrefois utilisé par les causes mondialistes écologique et LGBT, l’arc-en-ciel du slogan #ToutIraBien a inondé les fenêtres du monde entier au premier confinement. PsyOp ou égrégore noachide ?

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En fait, nous baignons tous dans un environnement sémantique partagé et nous pratiquons tous naturellement cette influence subliminale sur autrui, pour le programmer, le déprogrammer ou nous déprogrammer et reprogrammer nous-mêmes quand nous sommes mal à l’aise avec une influence psycho-sociale que nous ressentons comme nuisible. L’occultisme et ses versions scientifiques comme l’ingénierie sociale consistent donc à faire consciemment et de manière rationnelle, méthodique et planifiée ce que l’on fait déjà spontanément, comme Monsieur Jourdain prenant conscience qu’il parle en prose depuis toujours. La méthode des Nudges, qui consiste à envelopper autrui en tapissant son environnement d’incitations douces ou indirectes, commence à être bien connue du grand public. Poussé à son terme, cet effort pour influencer autrui culmine dans la « zombification », c’est-à-dire l’abolition de la conscience réflexive pour réduire autrui à devenir un esclave mental, une marionnette qui obéit au doigt et à l’œil. Pour revenir au coronavirus, le résultat concret de cette opération de Mind Control de masse est ce bal des zombies que nous voyons se déployer autour de nous quotidiennement. Tous ces êtres qui portent des masques dans la rue ou qui vont se faire inoculer avec des produits génétiques expérimentaux sont sous l’effet d’un envoûtement, véritable opération psychologique d’ingénierie sociale, c’est-à-dire de piratage mental ou de rituel occultiste de masse, au sens d’Alan Moore.

4. Si le lien entre ingénierie et magie se résume à la furtivité, la Kabbale, adepte des petits calculs et grands secrets, en est-elle la quintessence ?

Les magiciens, les illusionnistes, prestidigitateurs et autres mentalistes exploitent les angles morts de la perception et de l’attention du public, ces zones écrans derrière lesquelles on peut se cacher et qui sont générées par les biais psychologiques et cognitifs du fonctionnement normal du cerveau. Il en va de même pour l’ingénierie sociale dans son volet du piratage informatique, qui n’est autre que du piratage psychologique et cognitif car on s’attaque non pas à la machine mais à son utilisateur selon deux axes, l’usurpation d’identité et l’abus de confiance – en jouant avec la sensibilité d’autrui selon la trilogie de Karpman sauveur/bourreau/victime. Dans tous les cas, une dose de furtivité est nécessaire pour agir. Le réel, c’est-à-dire le geste réel de l’ingénierie magique, c’est-à-dire la modification intentionnelle du lien social, doit devenir invisible et être remplacé par une illusion de transformation spontanée. Par exemple : si les médias ne parlaient pas de la covid-19, les gens ne sauraient même pas que ça existe. La réalité serait différente : les symptômes de la covid-19 seraient interprétés comme une grippe ou une pneumonie banale, et personne n’accepterait les mesures totalitaires dites sanitaires. La nomination, le fait de nommer une chose, la fait exister, soit en la soulignant et en l’extrayant du bruit de fond, soit en la faisant être à partir de rien, création ex nihilo. Dans la controverse entre Réalisme et Nominalisme, le langage a choisi : il est nominaliste. La magie kabbalistique exploite les ressources nominalistes du langage mais a besoin de vous faire croire au Réalisme pour produire une illusion d’objectivité incontestable en dissimulant le geste subjectif de construction langagière de la réalité. Je me suis amusé à angliciser ce constructivisme en inventant le concept de « reality-building ». L’ingénierie sociale, comme la kabbale, consiste à nommer les choses pour les faire exister, en effaçant le geste de la nomination créatrice, le geste de la fonction performative du langage, pour donner l’illusion que cela arrive tout seul. Le pouvoir politique en général consiste à appliquer toutes les ressources de ce nominalisme furtif, pour laisser entendre que les choses nommées par le pouvoir ne dépendent pas de sa volonté mais existent objectivement, ce qui permet d’asseoir la domination symbolique du récit du pouvoir dans les esprits.

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5. Dans cette perspective, le panopticon de Jeremy Bentham n’est que l’application de l’En To Pan cher à la Gnose…

On doit à Michel Foucault d’avoir montré l’actualité du concept de panoptique de Bentham, ce modèle de prison où les prisonniers ne savent pas s’ils sont surveillés ou non par les gardiens, ce qui les conduit à intérioriser la surveillance comme un risque permanent et à auto-discipliner leur comportement. On trouve ici le point de départ d’une réflexion sur l’exercice du pouvoir dans le champ subtil. Les corps n’ont plus besoin d’être disciplinés par d’autres corps ou par de la matière. La domination des corps est psychologique et intériorisée, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une auto-soumission des corps par l’esprit, sous la forme d’une parole venant de l’extérieur et assimilée, à laquelle on s’identifie. La noosphère, la « sphère de la pensée humaine » 4 chez Teilhard de Chardin, notion proche du grand Autre de Lacan ou de l’inconscient collectif jungien, exerce une force de contrainte sur les individus et de façonnage du réel. On en voit les résultats avec ces gens qui portent encore le masque même quand ce n’est plus obligatoire. L’esprit, c’est-à-dire l’information diffusée par le pouvoir, surveille et discipline les corps sans besoin d’un policier ou d’un gardien de prison.

Chez l’être humain, l’information est plus forte que la matière brute, plus forte que l’instinct de conservation, et peut façonner le comportement jusqu’au suicide collectif. C’est ce que la psychologie appelle les pulsions de mort, qui sont un effet du langage humain, absent chez les animaux. Essayez de faire porter volontairement des masques qui empêchent de respirer à des animaux. Leur instinct vital se révoltera rapidement, sauf s’ils sont en voie d’hominisation, sensibilisés au langage humain et à ses effets de déréalisation, c’est-à-dire dressés comme des chiens sous influence de la parole d’un maître. Tout le domaine du sens, de la sémantique, de l’information langagière est lui-même de la matière, mais organisé de manière néguentropique pour réduire l’incertitude. Son caractère morbide et entropique advient quand il essaye d’encadrer totalement le réel et son caractère toujours imprévisible. L’utopie d’en finir totalement avec l’incertitude est d’ailleurs le fil conducteur du biopouvoir, autre concept tiré de l’œuvre de Foucault et retravaillé par Giorgio Agamben. Le sommet du pouvoir est le contrôle scientifique de la vie dans ses moindres aspects, et l’artificialisation du monde naturel dans la mesure du possible. La recherche sur les interfaces cerveau/machine ou corps/machine, c’est-à-dire le couplage direct du cerveau ou du corps sur un dispositif informatique fermé ou ouvert comme internet, est déjà ancienne. Un exemple bien connu est le développement des implants électroniques sous-cutanés, puces RFID ou autres, ainsi que la recherche sur les moyens de les faire accepter à la population de manière souriante et détendue. On se souvient des Implant Parties qui ont eu lieu dans divers pays, dont la France 5.

6. Selon les gnostiques, le diable serait sans limite 6. Toute spéculation est-elle donc d’essence diabolique ? Cela évoque la dialectique de la carte et du territoire, et la tentative du symbole, ou de la pensée, de modéliser le réel. Hystérie, paranoïa, schizophrénie sont des noms savants aux symptômes identifiés en démonologie. Seuls les signifiants changent-ils ?

Pour l’occultisme, la pensée ne doit pas se contenter de modéliser le réel, la carte ne doit pas se limiter à représenter le territoire : la pensée doit être le réel, la carte doit remplacer complètement le territoire. Pour qualifier ce moment où l’image du réel supplante le réel, Jean Baudrillard parlait d’hyper-réalité. Pour y parvenir, il faut reléguer définitivement le réel dans les oubliettes, de sorte que le réel ne soit plus la référence de la pensée, afin qu’il ne pose plus de limite au libre jeu de la pensée spéculative. Il faut parvenir à reconnaître sans sourciller et sans dissonance cognitive que 2 + 2 = 5, ou qu’une femme qui dit être un homme est un homme.

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Pour l’occultiste, la pensée, la représentation du réel, doit être libre par rapport au réel : libre de le déformer, mais surtout libre de ne plus être indexée sur du réel extérieur à elle-même, donc libre d’être autoréférentielle. En économie, la spéculation infinie, sans limite, apparaît quand la valeur d’usage disparaît au profit de la valeur d’échange, quand la monnaie se réduit à un signe. La perte de contact avec un référent réel et la préférence accordée aux signes, c’est-à-dire aux idées, est symptomatique de l’entrée dans la folie, qui est une sorte d’ivresse du langage, une ivresse des idées, une ivresse sémantique, car la pensée ne veut plus tenir compte des limites du sens, limites matérielles, objectives qui viennent dégriser la dérive interprétative. Pour le paranoïaque, tout fait sens, tout est interprétable, il n’y a pas de limites à son interprétation du réel et à son système d’idées. La transgression de toutes les limites, la démesure, l’hubris, le déni de réalité et le délire de toute-puissance caractérisent de nombreuses pathologies mentales et comportementales que l’on décrivait jadis comme des états de possession démoniaque. Les signifiants ont changé, ce qui a eu aussi un impact sur la formulation des symptômes et leur signifié. Aujourd’hui, une hystérique ne dira pas qu’elle est possédée par le diable mais qu’elle a envie de s’amuser et de s’éclater, ou qu’elle mène une lutte féministe contre le patriarcat.

7. L’harmonie jacobine égalisant, tout y est pesé, voire aseptisé, et qui après avoir tenté de mettre la France en damiers, fait maintenant fleurir les cubes à travers un monde digne de l’ordinateur de 2001, l’Odyssée de l’espace. Programmation génocidaire en vue ?

L’esprit jacobin de la révolution française, c’est l’esprit du progressisme maçonnique, c’est-à-dire l’esprit scientiste, mathématique, géométrique. Bien sûr, cette approche entièrement quantitative du monde, qui réduit tout aux nombres, est assez répandue au-delà de la pensée maçonnique et se rencontre à diverses époques et en divers lieux. Les cultures juive et arabo-musulmane attribuent une valeur numérique aux lettres de leurs alphabets, ce qui a donné la numérologie mystique, ou guématrie, qui se développe aussi en Grèce antique à l’époque de Pythagore, se poursuit avec Platon et la fameuse phrase gravée à l’entrée de son école – « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre » – et s’épanouit dans la techno-science occidentale. On en trouve une expression politique dans le projet de quadrillage administratif de la France en départements dessinés en carrés, enfermant la vie dans des formes à angles droits, programme élaboré sous l’Ancien régime et qui sera repris par les premiers révolutionnaires en 1790 avant de l’abandonner sous la pression du réel. Le cube est la projection tridimensionnelle du carré, c’est-à-dire de l’angle droit, qui n’existe pas dans la nature. Trouver une forme à angles droits dans la nature signifie qu’une intelligence est forcément passée par là pour la fabriquer.

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C’est toute la signification du monolithe noir, en tant que cube allongé, dans le célèbre film de Stanley Kubrick que vous mentionnez. Il est totalement noir et vide de sens, ce qui signifie qu’il peut recevoir toutes les significations car il n’en porte aucune par lui-même. Pourquoi ? Parce que, comme dirait Marshall McLuan : « Le média est le message ». Parce que c’est la forme matérielle à angles droits qui compte, qui est significative, en ce sens qu’elle tranche avec tout ce que la nature peut produire naturellement, et qu’elle se signale ainsi comme étant nécessairement un produit culturel, un artefact, donc la trace d’une intelligence. Le monolithe noir de 2001 symbolise l’émergence de l’intellect et de la culture supranaturelle à l’état pur : il apparaît chez les primates quand ils inventent le premier outil, la première prothèse ; il apparaît sur la Lune en tant que symbole du passage d’une intelligence extra-terrestre, que l’équipe d’astronautes humains découvre avec stupeur ; il réapparaît à la fin, en miroir de l’intelligence artificielle Hal, l’ordinateur tueur d’humains, pour suggérer au spectateur quel est le sens de l’Histoire, qui tient en quelques mots : « La culture doit remplacer la nature. » Remplacer veut dire tuer. La culture doit tuer la nature, l’esprit doit tuer le corps, tel est le cœur conceptuel de la pensée gnostique, progressiste, utopiste, prométhéenne, transhumaniste et maçonnique. Ce qui était impossible naturellement deviendra possible culturellement, par la techno-science, et rendra la nature obsolète. L’esprit vaincra la matière. L’âme vaincra le corps. L’utopie vaincra le réel.

8. La franc-maçonnerie bâtissant la cité tel un tableau de loge pour acclimater la population, sortir de cette idéologie n’implique t’il pas de détruire ses landmarks 7 urbains rythmant la vie et donc la pensée ?

Le principe progressiste « La culture doit tuer la nature » transposé dans le domaine esthétique signifie que l’angle droit doit remplacer, ou tuer, la forme naturelle, plutôt arrondie. L’architecture contemporaine diffuse ce nouvel ordre visuel maçonnique dans le monde entier avec l’émergence de ce qu’on appelle le « style international » au XXe siècle, c’est-à-dire la généralisation des tours rectangulaires, froides et sans âme. Ces formes géométriques pures et impersonnelles s’opposent à toutes les architectures traditionnelles et ancestrales, qui imitent la nature et sont souvent anthropomorphiques, conçues à l’image du corps humain, ou en cercles concentriques, en voutes, en ogives, parfois ornées de statues, ce qui explique pourquoi on s’y reconnaît. En revanche, l’architecture moderne, de même que la peinture abstraite, ne ressemble à rien de ce qu’il y a dans la nature et n’est pas faite pour les humains.

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Le bâtiment de la nouvelle Bibliothèque nationale de France radicalise l’anti-naturalisme avec sa végétation totalement encadrée, littéralement cernée et encerclée par une construction minérale entièrement à angles droits, et où les arbres du jardin intérieur ont besoin d’être soutenus par des câbles métalliques pour ne pas tomber. Le message est fort : la nature ne doit plus être auto-suffisante, indépendante, autonome, elle doit être réécrite, redessinée, recomposée, restructurée, placée sous la dépendance de la culture. L’esprit maçonnique, c’est la haine de la nature et le projet de la rééduquer, de la transformer, de la tuer en la plaçant sous tutelle de la culture. Appliqué à la nature humaine, c’est le programme transhumaniste, le Great Reset, etc. Pour faire accepter ce projet global, on utilisera des termes aux connotations positives et on parlera de civiliser la nature, comme on parle aussi d’augmenter l’humain avec de nouvelles capacités et de nouvelles prothèses. Mais il ne faut pas se leurrer : au prétexte de civiliser, d’augmenter ou de réparer le monde naturel, le but est bien de le détruire, comme le veut la kabbale avec la notion de Tikkoun Olam. Pour détruire la nature et la remplacer entièrement par de la culture, il faut commencer par stériliser la nature. Le remplacement de fruits et légumes fertiles, avec des pépins et noyaux, par des fruits et légumes stériles, sans pépins ni noyaux, est l’objectif du développement des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), introduits également dans les thérapies génétiques inoculées au prétexte de la covid-19, et qui vont stériliser l’espèce humaine. Les semences végétales et animales doivent devenir l’objet d’un marché, mais surtout d’un contrôle. Transposé aux êtres humains, la procréation doit devenir entièrement assistée – médicalement et scientifiquement – au moyen d’utérus artificiels ou d’autres artifices de laboratoires. Si l’on pousse cette logique à son terme, le monde réel est réduit à un désert stérile, et entièrement reproduit dans un simulacre virtuel sous contrôle total, comme dans le film Matrix. La stérilisation du vivant est le fil conducteur du capitalisme mondialiste. C’est aussi, malheureusement, ce qui définit notre environnement socio-économique global, attaquant notre espèce avec le LGBT, vaste opération de normalisation et de promotion d’une sexualité stérile, et qui est passé à la vitesse encore supérieure depuis 2020 avec la dictature sanitaire. Face à ce désastre, les penseurs naturalistes et écologistes sont effectivement des sources d’inspiration.

9. Pour y parvenir, ne faut-il pas viser ces landmarks, car même plus nombreux, il n’existe aucune chance d’en réchapper, la domination bi-séculaire l’atteste?

Il faut viser qualitativement pour ce qui concerne la métapolitique, mais pour ce qui concerne la politique concrète de terrain, il faut viser la quantité, c’est-à-dire la moyenne, et ne pas craindre une forme de nivellement par le bas car c’est ainsi que fonctionnent les sociétés humaines. On dit que la démocratie commence en Grèce antique mais en fait elle est consubstantielle à toute forme d’organisation humaine puisque c’est le règne de la moyenne et du consensus. Même les dictateurs se préoccupent de ce pensent les masses, au moins pour façonner ce qu’elles pensent et essayer de tuer dans l’œuf toute contestation émergente. N’importe quelle tribu préhistorique ou isolée au fond de la forêt amazonienne doit élaborer un consensus entre ses membres, avec des négociations, des compromis, des compromissions et des stratégies de persuasion, qui tirent l’intelligence collective vers une moyenne. C’est d’ailleurs ce qui embête le pouvoir mondialiste actuel, qui a décidé de remplacer le peuple par des machines pour ne plus avoir à travailler sur la construction de ce consensus en permanence. La fabrique du consentement et de l’opinion publique présente un coût, et le pouvoir en a marre. Ça tombe bien pour lui, on peut pratiquement tout automatiser de nos jours. Ensuite, pour s’en sortir quand on fait partie du petit peuple, c’est-à-dire pour échapper à la stérilisation, à la dépopulation, au génocide, il faut comprendre que le problème n’est pas réductible à la kabbale ou à la franc-maçonnerie. La déconstruction intégrale de tous leurs symboles architecturaux permettrait, certes, de purger l’environnement visuel, mais ne mettrait pas fin à la dialectique de la nature et de la culture, qui est universelle. À titre personnel, je considère même que c’est le sens problématique de l’Histoire. Comment gérer le progrès technique pour qu’il ne devienne pas une menace contre la vie ? La première réponse est anti-progressiste, ou « luddite » : refuser le progrès technique. La deuxième réponse est maçonnique : la culture tuera la nature inévitablement, donc autant y aller à fond. Guillaume Faye a proposé une solution intermédiaire avec l’archéo-futurisme, mais elle pose un problème de cohérence interne. Aucune de ces trois réponses n’est satisfaisante. En tant que cette problématique est universelle, elle est aussi présente dans la kabbale et la franc-maçonnerie, évidemment. Mais si l’on fait le compte du nombre de gens qui sont d’accord pour tuer la nature – pour tuer leur nature – au nom du progrès culturel, il faut admettre que cela dépasse largement les effectifs de la kabbale et de la franc-maçonnerie. Ces forces occultes et occultistes disposent de nombreux relais complaisants dans le peuple. Leur domination bi-séculaire se réalise avec une vraie complicité populaire, il suffit de sortir dans la rue et de compter les masques pour s’en rendre compte. Aujourd’hui, pour ma part, je pense qu’il faut arrêter de tout mettre sur le compte des minorités actives et se demander si, finalement, la majorité silencieuse n’a pas plus de responsabilités dans ce qui se passe. Ce discours qui consiste à exonérer de la situation le bon peuple, ou les individus qui en sont issus dans les « forces de l’ordre », pour n’accuser que les oligarques, ce discours est contre-productif. J’affirme que l’agent de police ordinaire, venant des classes moyennes comme moi mais qui me colle malgré tout une amende pour non-port du masque dans la rue, a plus de responsabilité dans la situation que Jacques Attali, Bill Gates ou Klaus Schwab. Ces trois figures du Great Reset estiment avoir un intérêt à tout détruire, et elles font leur job avec beaucoup d’application et de conscience professionnelle, mais où est l’intérêt du flic de base, qui sera lui-même sacrifié à la fin, et remplacé par un drone de surveillance ? Quel sera l’intérêt des agents de police qui viendront nous chercher chez nous pour nous emmener au centre de vaccination obligatoire ? Ce fossé entre l’intérêt bien compris de l’individu et son comportement rend ce comportement encore plus inexcusable quand l’individu n’en bénéficie pas. 

10. Merci pour vos réponses, à noter la parution de votre dernier ouvrage sur le suprémacisme blanc et ses origines – occultes aussi – et le Great Reset

Depuis quelques années, le discours politico-médiatique s’est emparé de la question du suprémacisme blanc et le présente comme une menace universelle…

Qu’en est-il réellement ? Le suprémacisme racial en général est la doctrine qui affirme l’existence d’une hiérarchie entre les races et la supériorité de certaines races sur d’autres. Son expression la mieux documentée est le suprémacisme blanc, qui a connu quatre tentatives historiques de trouver une forme institutionnelle dans des régimes politiques : la Confédération sudiste, prolongée dans le Ku Klux Klan ; l’apartheid en Afrique du Sud ; le Troisième Reich ; l’Ukraine post-soviétique. Quatre tentatives, mais aussi quatre échecs.

Avant de porter un jugement sur le suprémacisme blanc en tant que tel, cette étude vise surtout à répondre à la question : « Pourquoi ces échecs ? » S’agit-il de causes internes ou externes ? De facteurs endogènes ou exogènes ? Ces échecs répétés viennent-ils d’un défaut de conception ou d’ennemis trop puissants ? Peut-être les deux à la fois dans la mesure où le suprémacisme blanc pourrait bien être en fait son meilleur ennemi.

Il est pourtant bien vrai que les « Blancs » sont menacés de disparition à moyen terme par la globalisation des échanges et des techniques, mais ils ne sont pas les seuls. Les nationalismes autochtones de tous horizons peuvent et doivent s’allier pour revendiquer leurs droits et lutter ensemble contre leurs ennemis communs en s’appuyant juridiquement sur la Déclaration de l’Organisation des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

81A+B+6GANS._AC_UL320_.jpgLes nationalistes blancs, enfin débarrassés de la tentation du suprémacisme, et leurs homologues – nationalistes arabes, nationalistes africains, etc. – ont donc du travail car la tâche est immense. Elle déterminera si l’espèce humaine survivra ou non à la biopolitique mondialiste et à la Grande réinitialisation (Great Reset), c’est-à-dire au Grand remplacement par l’intelligence artificielle, la robotisation et les chimères génétiques homme/animal.

Dans ce dernier livre, Lucien Cerise nous fait part de sa réflexion sur les dangers mortels qui menacent les peuples indigènes de la planète, et plus particulièrement les peuples indigènes d’Europe. Pris en tenaille par la Grande réinitialisation mondialiste, d’une part, et la tentation suprémaciste, d’autre part, et sachant que ces options apparemment antagonistes se rejoignent finalement sur le transhumanisme, les peuples autochtones n’ont d’autre choix que de renvoyer les deux dos à dos. Alors, quelle solution pour en sortir vivants ? Le nationalisme autochtone.

Notes:

1 – Cf. « Connaissez-vous la stratégie « untact »? Le projet de la Corée du Sud pour une vie sans contact » https://www.rtbf.be/info/monde/detail_connaissez-vous-la-...

2 – Cf. https://twitter.com/Justindoigt2/status/1403282243427131398

3 – Cf. The Mindscape of Alan Moore, 2003. https://www.youtube.com/watch?v=MFHn-HzacxY

4 – Cf. https://noach.es/category/ordo-ab-chao/ordo-ab-chao-tome-...

5 – Cf. « Première « Implant Party » en France : les images d’ERTV ». https://www.egaliteetreconciliation.fr/Premiere-Implant-P...

6« Nous venons de dire que le mot « exister » ne peut pas s’appliquer proprement
au non-manifesté, c’est-à-dire en somme à l’état principiel ; en effet, pris dans son
sens strictement étymologique (du latin ex-stare), ce mot indique l’être dépendant à
l’égard d’un principe autre que lui-même, ou, en d’autres termes, celui qui n’a pas en
lui-même sa raison suffisante, c’est-à-dire l’être contingent, qui est la même chose
que l’être manifesté. »
(Chapitre I – Le symbolisme de la Croix – René Guénon)

7 – Repères utilisés en maçonnerie pour désigner les points inaltérables. Bien que les maçons parlent souvent de Parole créatrice, les landmarks concernent autant le posisme (magie gestuelle).

 

Tyrannie sanitaire et persécutions en Grèce : un test de 20 euros pour boire un café en terrasse

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Tyrannie sanitaire et persécutions en Grèce : un test de 20 euros pour boire un café en terrasse

par Nicolas Bonnal

Certains jouent aux optimistes (on va gagner…) alors que nous allons vers l’horreur totale. On sait que la Grèce fut un pays martyr en Europe ; la fondatrice de la démocratie devient un bon élève de la tyrannie-système autrement nommée société ouverte.

Mon ami Panagiotis Grigoriou qui publia un livre sur la condition de la Grèce il y a quelques années (aux éditions Fayard) décrit dans son blog les horreurs de son gouvernement.

Je vais citer plusieurs de ces récents posts :

« Cet été, c’est sans doute le dernier vécu dans l’illusion déjà gâchée de l’ancien monde. Le Régime impose progressivement son Apartheid nouveau revisité, cette fois-ci, entre les sujets vaccinés et les sujets qui ne le sont pas. Surtout quand ils ne souhaitent pas le devenir. La Constitution est une lettre morte d’abord violée et abattue, car les démons élitomorphes savent que les “subalternes” ne s’intéressent plus aux... lettres, vivantes ou mortes. Le bouton est en train de tourner... rendez-vous en octobre ! »

Panagiotis ajoute :

« Lundi 28 juin, et des nouvelles déclarations depuis le sommet visible du Régime. Mitsotákis, l'ami des pédophiles, annonce la couleur. Son gouvernement propose 150€ sous forme de coupon numérique aux jeunes du vieux pays, âgés entre 18 et 25 ans... pour qu’ils se fassent vacciner.

Précision: la nouvelle combine est alors baptisée “Freedom pass”; les jeunes pourront essentiellement l'utiliser pour s'acheter: billets d'avion, de bateau, nuits d’hôtel et de camping ainsi que des places de spectacle. »

C’est que le pouvoir s’inquiète :

« 150€ pour la première injection... sans autre versement par la suite. D’après une première lecture des faits, le gouvernement est en train de paniquer étant donné que seulement 35% de la population est entièrement vaccinée fin juin 2021, “ce qui mettrait déjà en cause les gains que le clan des Mitsotákis pourrait encaisser d’après son rôle avéré de VRP de Big Pharma”, me dit-il souriant un ami journaliste.

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Ensuite, la marionnette d’Athènes veut gagner du temps, “offrant” 150 euros aux jeunes, avec l'argent de leurs parents, c’est-à-dire, celui des impôts, en échange de leur vaccination. Déjà c’est peu cher payé, mais toujours par les autres, sachant qu’en Grèce, le non port du masque dans les lieux où il est obligatoire, est sanctionné par une amende de 300 euros. Le Régime ne rase jamais gratis, c’est bien connu. »

Notre ami résume les propositions du pouvoir :

« Déclarations tenues dans une novlangue stalinienne ou nazie, le tout afin de déguiser une intention bien vulgaire: Le pouvoir politique, dans le rôle d'un empereur romain dégénéré et dépravé, offre des spectacles d’ailleurs sans pain, aux jeunes, en échange de la mise en disposition de leur corps, pour effectuer un acte médical, lequel théoriquement, ils ne sont pas obligés d’accepter, d’après la médecine d’Hippocrate, les Conventions internationales, voire enfin, d’après la Constitution morte. »

Panagiotis médite comme nous un film célèbre :

« En 1988 dans le film culte “They Live” ou “Invasion Los Angeles”, que certains à l’époque avaient jugé indifférent et léger, réalisé par John Carpenter et inspiré de la nouvelle “Les Fascinateurs” de Ray Faraday Nelson, le protagoniste du film va y découvrir une paire de lunettes de soleil hors du commun.

Celle-ci permet de voir le monde tel qu'il est réellement, à savoir gouverné par des extraterrestres à l'apparence humaine et maintenant la population dans un état apathique au moyen d'une propagande subliminale omniprésente ; ces lunettes permettaient donc la distinction entre les humaines et les hybrides. »

Le pouvoir prépare une autre guerre civile :

« Après les 150€ de prime à destination des jeunes annoncée lundi, “prime... à la casse” prétendent-elles certaines mauvaises langues sur Internet ; voilà que le lendemain, la gouvernance du pion Mitsotákis entend consolider la nouvelle grande division, annonçant un statut inédit... pour les non-vaccinés, obligeant par exemple les entrepreneurs de la restauration qui rouvriront leurs salles en juillet, à faire le tri entre les clients qui entreront dans leurs établissements.

Mitsotákis tente maintenant de fractionner les citoyens du pays en deux catégories, provoquant la division nationale et le chaos à travers les activités, quand autrefois il n’y avait que de simples habitudes quotidiennes. Mais alors, ni habitudes, ni simplicité et encore moins de quotidien. »

L’apartheid sera établi :

« Comme annoncé par le ministrion sadique au Développement et à l'Investissement, Adonis Georgiádis, la restauration, les lieux de divertissement en plein air et les stades fonctionneront sous de nouveaux critères et ceci, à deux vitesses. À partir du 15 juillet, ces lieux seront divisés en “lieux purs”, où seuls les gens entièrement vaccinés auront accès, et “mixtes”, où les non vaccinés pourront aussi s’y montrer, présentant toutefois un test négatif. »

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Comme on voit les « bourreaux volontaires » ne manquent pas en Hellade non plus pour servir les intérêts de MM. Soros, Bancel et Bourla.

Et dans son dernier texte, Panagiotis ajoute cette incroyable cerise sur le gâteau. Test obligatoire pour boire un café en terrasse :

« Juillet surréaliste, diraient d’emblée certains. Le Régime renforce ses mesures d’Apartheid et de ségrégation vaccinale sachant que rien de ce qui est mis en place, n’a le moindre rapport avec la santé publique et encore moins avec la logique. En Grèce, les non-vaccinés devront dans quelques jours payer un test rapide de 20€ de leur poche, à chaque fois qu’ils voudront fréquenter une terrasse de café ou d’un restaurant, de même que pour prendre un train, un bus interrégional ou un bateau depuis le Pirée. Vogue la galère !

Café donc amer. Il coutera alors 3€ aux vaccinés et 23€ aux non-vaccinés, souvent amis ou issus de la même famille. Les enfants non-vaccinés de parents vaccinés seront exemptés de test, ou sinon pour les adolescents, un simple self-test suffira ; le même type de test est jugé inapproprié pour les adultes non-vaccinés, ces derniers doivent utiliser un test dit rapide ou un test PCR. »

Il faudrait une révolte totale ; mais les peuples abrutis par le vaccin et la télé en semblent incapables. Pendant ce temps Mike Adams explique comment on dépeuple les Etats-Unis en faisant s’effondrer la natalité et se multiplier les fausses couches.

C’est les vacances…

Sources :

http://www.greekcrisis.fr/2021/07/Fr0898.html#db

http://www.greekcrisis.fr/2021/06/Fr0897.html#db

https://www.naturalnews.com/2021-07-01-depopulation-alert...

https://www.amazon.fr/Gr%C3%A8ce-fant%C3%B4me-voyage-cris...

lundi, 05 juillet 2021

L'opposition continue de la philosophie japonaise à la mondialisation

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L'opposition continue de la philosophie japonaise à la mondialisation

Par Troy Southgate

Ex: https://grupominerva.com.ar/2021/07/la-continua-oposicion-de-la-filosofia-japonesa-a-la-globalizacion/

Certains utilisent les efforts de l'école de Kyoto pour faciliter les échanges intellectuels entre l'Est et l'Ouest comme une excuse commode pour promouvoir le soi-disant multiculturalisme. Cependant, bien que l'attitude plus ouverte du Japon à l'égard de l'Occident à partir de la fin du XIXe siècle ait conduit nombre de ses principaux penseurs à explorer en profondeur la philosophie et la métaphysique de Kant, Schelling, Hegel, Nietzsche, Heidegger et d'autres, l'école de Kyoto était une réaction à l'empiètement du monde moderne et reste donc fermement opposée aux valeurs pernicieuses du mondialisme. Comme l'explique le philosophe de la troisième génération du mouvement, Ueda Shizuteru (photo) :

    "Il faut dire que la sinistre réalité mondiale d'aujourd'hui est la formation d'un monde unique qui vide de leur sens les différences entre l'Est et l'Ouest, et invalide ainsi l'entreprise historique de Nishida comme de Nishitani. L'hyper-systématisation du monde entraîne un processus rapide et puissant d'homogénéisation, superficielle mais profonde, qui génère à son tour des frictions et même des confrontations entre les groupes ethniques et leurs cultures ; la destruction accélérée de la nature ; des irrégularités et des troubles physiologiques humains, ainsi que l'approfondissement des fissures psychologiques intérieures ; la propagation d'un sentiment de vide ; et une frénésie folle et sans fin d'activités vides de sens. Malgré les efforts déployés pour parvenir à un monde plein de diversité, mais encore unifié par le contact entre les différentes traditions, il ne semble pas que ces efforts soient aujourd'hui capables de dégager la voie d'un mouvement contre-culturel mondial qui s'opposerait à l'hyper-systématisation contemporaine du monde et à son homogénéisation concomitante".

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Il n'y a pas grand-chose ici avec lequel le libéral de gauche moyen puisse se sentir à l'aise, malgré le fait que les travaux contemporains sur l'école de Kyoto sont invariablement imprégnés d'efforts visant à combiner les idées traditionnelles de ses principaux protagonistes avec des notions de multiculturalisme, de féminisme et d'autres formes de politiquement correct qui servent finalement l'agenda capitaliste mondial.

L'exposition soudaine du Japon il y a un siècle et demi, après des siècles d'isolement, ne signifie pas que les figures de proue de l'école de Kyoto se soient mises à la recherche de concepts philosophiques qui les éloigneraient du passé de leur pays pour les conduire vers un nouvel avenir occidentalisé. Au contraire, l'école de Kyoto était une réaction à la mondialisation et cherchait à défendre les valeurs traditionnelles du Japon en examinant la pensée occidentale avec un regard oriental. Comme le poursuit Ueda :

    "Le système mondial uniforme couvre de plus en plus une variété de zones et de scénarios, de sorte que cette variété elle-même devient insignifiante. Tout comme l'asphalte dans une métropole, le béton du système mondial uniforme recouvre progressivement mais densément le monde entier, même ce qu'on appelle l'espace extra-atmosphérique, et l'épaisseur de ce recouvrement correspond à l'écart du vide qui se répand. C'est comme si, indépendamment de ce moment historiquement vital de poser et de répondre à la question du néant, ce néant - situé au point de contact entre les versos de la question et de la réponse - s'était vidé, et que le béton du système mondial uniforme s'était déversé pour remplir ce vide du néant. Et maintenant, étouffant les voix de ceux qui posent les questions et de ceux qui y répondent, si ce n'est en leur bouchant la bouche et en les balayant, ce béton se répand sans fin."

La nouvelle selon laquelle les environs de la célèbre Acropole d'Athènes viennent d'être recouverts de béton, à la consternation des défenseurs de l'environnement, est peut-être une bonne analogie pour cette déclaration très pertinente. En attendant, il devrait être clair qu'il reste un énorme fossé entre ceux qui souhaitent créer un processus d'amélioration mutuelle entre les philosophies de l'Est et de l'Ouest et ceux qui, au contraire, cherchent à imposer le monotone terne de l'uniformité mondialiste.

Nouvelles de Suède

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Nouvelles de Suède

Par Enric Ravello Barber

Rinkeby ou le paradigme de l’échec du multiculturalisme en Suède

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Pour les Suédois, Rinkeby est aujourd'hui synonyme de criminalité, d'insécurité, d'immigration, de fondamentalisme islamique, alors qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Rinkeby fut fondée en 1347 comme une petite ville dans la banlieue de Stockholm. Elle a connu son apogée aux XVIe et XVIIe siècles, mais sa dépendance à l'égard de la capitale s'est accrue. En 1965, elle est devenue un quartier de Stockholm, avec la particularité que, depuis 1971, c'est le lieu où s'installe un nombre croissant d'immigrants qui ont alors commencé à arriver en Suède.

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Pour faciliter les déplacements et le confort de ces nouveaux hôtes, une station de métro a été inaugurée en 1975. Aujourd'hui, 89,1 % de la population de Rinkeby est d'origine étrangère ; de jour comme de nuit, il est impossible d’apercevoir des citoyens suédois dans cette station de métro: leur vie y vaut très peu.

Le nom du quartier a donné naissance à l'expression "Rinkebysvenska" (Suédois de Rinkeby). Ce terme est utilisé pour décrire la variété appauvrie de "suédois" parlée dans les banlieues.

Toutefois, Rinkeby ne peut être qualifié de "pauvre". Les bibliothèques publiques, les mosquées et les centres culturels islamiques - payés par le contribuable suédois qui, ainsi, se sacrifie - font partie du paysage normal de cette banlieue. La proportion d'antennes paraboliques y est la plus élevée de toute la Scandinavie, tout comme le taux de chômage - plus de 70 % - mais cela ne préoccupe pas ses habitants, l'État-providence créé par les Suédois de souche s'occupant également d'eux.

Pratiquement 100 % d'entre eux reçoivent une subvention officielle d'un type ou d'un autre. Comme nous l'a dit un jeune citoyen suédois, le pire est que la plupart d'entre eux falsifient des papiers et des certificats - la bureaucratie suédoise fait excessivement confiance à la "sincérité" des déclarants - pour pouvoir bénéficier de trois ou quatre allocations ou subsides en même temps, généralement pour des raisons exclusives ou incompatibles. Le bien-être de l’Etat-Providence à la mode scandinave n'a absolument pas été conçu pour d'autres types de "mentalités". La multiculturalisation de l'État-Providence conduira à son effondrement inévitable.

Le "programme-million" ou l'absurdité sociale-démocrate

Rinkeby n'est pas un cas isolé. L'exemple de Rosengard à Malmö - dont la population est à 84% étrangère - est très significatif. Également connu sous le nom de ghetto, l'une des plus grandes mosquées de Suède y a été construite, à quelques mètres seulement d'une église vide en permanence qui contraste avec le zèle religieux des nombreux musulmans en croissance exponentielle. La zone de la mosquée est complétée par des écoles et des centres pour enfants où, inévitablement, le vêtement féminin le plus porté est le foulard islamique.

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Rinkeby et Rosengard font partie du Mijonprogrammet ou "Programme Million". C’est un plan élaboré par le gouvernement social-démocrate entre 1965 et 1974, qui prévoyait la construction d'une série de quartiers modernes, en détruisant les maisons traditionnelles et en les remplaçant par des bâtiments modernes d'un goût urbanistique douteux, inspirés du modèle de la défunte République démocratique allemande. L'objectif était de créer un million de logements neufs et abordables pour loger les "bons citoyens démocratiques".

L'utopie sociale-démocrate infantile s'est rapidement heurtée à la réalité. Au lieu de "bons citoyens démocratiques", ce sont les chômeurs, les islamistes et les immigrés qui ont majoritairement peuplé ces banlieues, ce qui n'a pas inquiété les dirigeants sociaux-démocrates, convaincus qu'ils feraient de ces immigrés de bons citoyens "occidentalisés".

C'est ce même "bonisme" absurde qui est à l'origine de l'avertissement de l'Agence suédoise de sécurité (la SAPO) selon lequel la Suède pourrait devenir une base de recrutement pour les groupes islamistes. Ces dernières années, des centaines de personnes ont été arrêtées dans ce pays en tant que suspects de terrorisme, selon le Svenska Dagbladet. Toutes avaient un "passeport" suédois et étaient nées dans l'une de ces banlieues.

Le nouveau parti musulman de Suède fait appel au vote de la communauté turque

Le vote ethno-religieux sera la clé politique des années à venir. Les communautés d'immigrés musulmans voteront de plus en plus pour des partis islamiques qui gagneront progressivement du pouvoir aux niveaux local et régional, où les immigrés constituent la majorité démographique.

Cette semaine, le nouveau parti musulman Nyanset a été présenté à Stockholm, annonçant comme objectif d'entrer au Parlement suédois lors des prochaines élections en 2022 ; pour cela, il a besoin de 4% des voix, ce qui peut être facilement atteint en mobilisant le vote de la communauté turque installée en Suède. Nyanset est le deuxième parti musulman en Europe occidentale, créé avec le soutien du président turc Erdogan, après sa première création politico-religieuse Denk. Cette formation islamiste a réussi à entrer au Parlement néerlandais avec trois députés en 2017 et les revalidera aux élections de cette année.

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Très bientôt, tous ces partis seront présents dans les parlements d'Europe occidentale et au Parlement européen de Strasbourg, l'islamisation de l'Europe disposera d'un soutien politique institutionnel très fort, qui, associé à la croissance impressionnante de sa population par l'immigration et la natalité, la rendra inarrêtable.

Nous, Européens autochtones, sommes encore la majorité démographique, nous pouvons encore l'empêcher. Ce ne sera pas pour longtemps.

Source: https://www.enricravellobarber.eu/2021/06/

dimanche, 04 juillet 2021

La revue de presse de CD - 04 juillet 2021

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La revue de presse de CD

04 juillet 2021

ETATS-UNIS

Afghanistan, Pakistan : l’échec américain

Le 4 juillet 2021, jour de « l’independance day », les Etats-Unis achèveront leur retrait d’Afghanistan mettant un terme à 20 ans de guerre, la plus longue de leur histoire au cours de laquelle au 13 avril 2021 ils avaient perdu 2 349 soldats et avaient déploré 20 149 blessés.

Geopragma

https://geopragma.fr/afghanistan-pakistan-lechec-americain/

Aveuglement : la Syrie, cette grande oubliée de la politique étrangère américaine

Alors que les Américains se désengagent d’Afghanistan, l’administration américaine estime que la situation en Syrie constitue un danger direct pour les Etats-Unis, notamment à cause de la menace terroriste et de la présence de deux de ses principaux adversaires : l’Iran et la Russie.

Atlantico

https://www.atlantico.fr/article/decryptage/aveuglement--...

FRANCE

France : feue la démocratie représentative

Le désastre démocratique des élections régionales et départementales succédant au désastre démocratique des élections municipales impose de regarder les choses en face. Alors que le parti d’Emmanuel Macron a réuni moins de 3 % des électeurs inscrits, il a fallu attendre trois jours pour obtenir un commentaire répété par Gabriel Attal, perroquet attitré. Et assister à une pantalonnade musicale obscène dans la cour de l’Élysée pendant que sa police coursait par les villes et par les champs une jeunesse qui avait l’outrecuidance, après un an d’enfermement de vouloir s’amuser un peu.

Vu du Droit

https://www.vududroit.com/2021/06/france-feue-la-democrat...

Jusqu’à quand l’État doit-il garder ses « secrets » ?

Pour l’État français, en matière de sécurité nationale, historiens, citoyens et générations futures n’auront bientôt plus « le droit d’en connaître ». Une importante réforme du secret d’État se prépare, au cœur d’un projet de loi adopté le 2 juin par l’Assemblée nationale.

The Conversation

https://theconversation.com/jusqua-quand-letat-doit-il-ga...

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GEOPOLITIQUE

Chine-Égypte : un partenariat stratégique global ?

Chine et Égypte : c’est d’abord l’histoire de deux très anciennes civilisations et, depuis la guerre froide, un rapprochement inédit, né du constat que la bipolarisation de la planète était étrangère à la trajectoire historique des pays du Tiers-Monde.

Conflits

https://www.revueconflits.com/chine-egypte-un-partenariat...  

L’assourdissant silence occidental face à la poursuite de l’agression azerbaïdjanaise contre l’Arménie

Alors que l’OTAN ne cesse de dénoncer ce qu’elle appelle « l’attitude agressive » de la Russie aux marges de l’Ukraine – sans daigner reconnaître aux habitants du Donbass le droit à l’autodétermination que les Occidentaux ont accordé aux Kosovars au détriment de la Serbie –, que l’Europe crie au scandale au sujet du « détournement » d’un avion de ligne par les autorités biélorusses afin d’arrêter un journaliste opposant au régime – sans avoir jamais dénoncé le « détournement » de l’avion du président bolivien Evo Morales afin d’intercepter Snowden – , force est d’être frappé par l’assourdissant silence des Occidentaux concernant la poursuite de l’agression turco-azérie contre l’Arménie… et l’étonnante passivité de Moscou.

Centre français de Recherche sur le Renseignement

https://cf2r.org/editorial/lassourdissant-silence-occiden...  

MEDIAS

Les élus américains attaquent de front les géants de la tech

Une commission parlementaire américaine a approuvé mercredi 23 et jeudi 24 juin une série de projets de lois visant directement Google, Apple, Facebook et Amazon, et serait susceptible de transformer l’internet façonné par ces grandes entreprises si elle entrait en vigueur.

Le Matin

https://www.lematin.ch/story/les-elus-americains-attaquen...

 

Macron découvre la lune

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Macron découvre la lune

Pierre Vial

Macron est inquiet. Dans une interview donnée au magazine Elle il déclare : « Je vois la société se racialiser progressivement (…) La logique insurrectionnelle fracture tout » car elle « renvoie chacun à son identité ». Il ajoute, au cas où on n’aurait pas compris : « Je suis du côté universaliste. Je ne me reconnais pas dans un combat qui renvoie chacun à son identité ». Il avoue ainsi, assez naïvement, qu’il refuse de prendre en compte les réalités. Mais c’est une habitude chez lui, comme chez les gens de son espèce, adeptes de la méthode du docteur Coué : l’identité, c’est le mal, donc faisons comme si elle n’existait pas et du coup elle disparaitra. Il est pathétique de constater que ce vieux pays qu’est la France est tenu en mains par des gens incompétents, malfaisants, nuisibles.

Alors, au-delà des déconvenues, des rancœurs, des fantasmes, il faut tout faire - je dis bien TOUT – pour empêcher Macron et sa bande de continuer à nuire. Je suis tenté, comme beaucoup, de me croiser les bras et de regarder avec sérénité, du haut de ma montagne, la montée du déluge. Mais il faut penser à tous ces braves gens, encore largement inconscients de la noyade qui les guette, et leur lancer ces bouées de sauvetage qui s’appellent résistance, volonté de survie, combat multiforme contre ceux qui veulent la mort des peuples et le règne de Mammon.

Pierre VIAL  

vendredi, 02 juillet 2021

Confinement et crétinisation systémique des enfants (et des parents)

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Confinement et crétinisation systémique des enfants (et des parents)

par Nicolas Bonnal

On connaît les conséquences sur les sportifs français (Lemaître, Mbappé, cyclistes du Tour de France…)  des décisions de nos génies de la politique et de la médecine des labos. Voyons pour les enfants. On se doute que ces derniers allaient sortir particulièrement esquintés et déglingués des décisions gouvernementales.  Pour une fois, on ne va pas crier au complotisme, car ces données viennent du Monde. On cite donc sans commenter cet extrait qui vient du quotidien de la pensée inique (« dans le monde renversé le vrai est un moment du faux », a dit excellemment Guy Debord):

« Une baisse sensible des capacités physiques, mais aussi intellectuelles, des enfants… Les effets des confinements successifs liés à la pandémie de Covid-19 sont préoccupants, selon une étude menée auprès de 90 élèves de CE1 et CE2 d’écoles de Vichy, dans l’Allier, et de Riom, dans le Puy-de-Dôme, en septembre 2019 et en septembre 2020. »

Et puis, zut alors, on se met même à parler de catastrophe :

« Les chiffres sont catastrophiques », résume Martine Duclos, chef du service de médecine du sport au CHU Clermont-Ferrand, qui dirige l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), et coordonne ce travail dont les résultats, préliminaires, ont été soumis à publication. En un an, l’indice de masse corporelle (IMC, poids divisé par la taille au carré), reflet de la corpulence, a augmenté de 2 à 3 points en moyenne. « Nous n’avons jamais vu ça, s’alarme la spécialiste. Des enfants sportifs, sans aucun problème de santé, aucun problème de poids, ont grossi de 5 à 10 kg, du fait de l’arrêt de la pratique sportive. Et tous n’ont pas repris l’activité physique. »

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On découvre aussi qu’ils ne peuvent plus courir ni réfléchir (remarquez, c’était presque déjà le cas, car le capitalisme de catastrophe a fait tout ce qu’il a pu) :

« Essoufflés au bout de dix mètres

La condition physique de ces jeunes de 7-8 ans s’est fortement dégradée. Lors du test navette, épreuve classique qui consiste à courir de plus en plus vite d’un plot à un autre (éloignés de 10 m), « des enfants, déjà très essoufflés, n’arrivaient pas à atteindre le premier plot avant le premier bip », décrit la professeure Duclos. Un constat également inédit, selon elle. Certains étaient incapables de faire le parcours d’habiletés motrices (parcours chronométré comprenant différents obstacles). »

Ici chez moi je vois des crétins pousser des chariots à 500 euros avec des gosses de cinq à sept ans dedans. Ces enfants sont condamnés à ne pas courir en attendant de ne pas savoir marcher (voyez le film Wall E). Mais restons-en à l’article du Monde qui évoque l’abrutissement massif des petits d’homme (que ne les confie-t-on aux loups, comme Romulus ou Mowgli ?) :

« Parallèlement, leurs capacités cognitives auraient baissé d’environ 40 %. Pour les mesurer, l’équipe du CHU de Clermont-Ferrand a notamment eu recours à un test consistant à relier les lettres aux chiffres correspondant dans l’ordre alphabétique, dans un temps imparti. Tous les écoliers l’ont fait dans le temps limite en septembre 2019. Un an plus tard, un grand nombre n’a pas terminé. « Un an de confinement a été catastrophique, à un moment essentiel de plasticité neuronale », constate Martine Duclos. »

Pas si sottes, les deux journalistes du Monde rappellent qu’on était déjà mal partis :

« Ces résultats sont d’autant plus inquiétants que la situation antérieure était déjà peu brillante. Ainsi, avant la pandémie, en France, 87 % des adolescents de 11 à 17 ans ne respectaient pas l’heure quotidienne d’activité physique préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Et pendant le premier confinement, seulement 0,6 % d’entre eux ont atteint ce seuil, la proportion étant de 4,8 % chez les 5-11 ans (2,8 % des filles et 6,5 % des garçons), selon le Report Card de l’Onaps, l’état des lieux de l’activité physique et de la sédentarité des enfants et adolescents publié en janvier. »

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Le reste est réservé aux abonnés du Monde ! Donc…

Comme on l’a dit la situation était déjà grave. Les enfants sont rendus tarés par la technologie, la malbouffe et la prostration physique (voyez mon article sur l’idiocratie, et les références au cinéma de Jarmusch ou Payne). Je vais donc republier une lettre de lecteur, PHD en linguistique (ce n’est pas pour faire chic), père de trois enfants, expatrié et qui m’écrivait il y a trois ans déjà sur ce sujet :

« Pour le dire rapidement, ma belle-mère, instit donc depuis presque quarante ans, est terrifiée par ce qu’elle voit depuis peu. Les parents perçoivent majoritairement leurs enfants comme des nuisances. Du coup au moindre bruit, à la moindre agitation, ils leur mettent la tablette dans les mains, ils ne parlent jamais avec eux, ne s’intéressent pas à ce qu’ils font, ne jouent pas avec eux… Ils cherchent seulement à les figer (poussette, tétine, tablette, nourriture sucrée à volonté). »

Mon lecteur poursuit :

Dans sa classe de 4/5 ans, elle observe:

  • les mains complètement molles (elle appelle ça les “mains tabléteuses”): ils ne savent pas tenir un plateau droit, ont du mal à utiliser des crayons de couleur.
  • ils ne savent pas jouer avec des cubes. Quand on leur donne un bac de cubes, ils se contentent de brasser les cubes, il ne leur vient pas à l’esprit qu’on peut faire quelque chose avec.
  • un élève fait son activité en étant debout sur sa chaise : “Aydan assied toi”. Le gamin va ranger son activité, il n’a pas compris.
  • à un autre élève : “Louan, va prendre une activité”, l’élève va s’asseoir.
  • les mômes connaissent tous leurs couleurs en anglais, mais aucun ne les connaît en français (parce que l’appli de jeu gratuite sur les tablettes est en anglais)
  • premières tentatives de fellation dans les toilettes. Les garçons regardent du porno dans le bus qui les conduit aux matchs de foot/rugby avec papa.
  • la plupart des élèves pourraient être diagnostiqués comme ayant des TED (troubles envahissants du développement, incluant l’autisme), pourtant c’est juste l’effet des tablettes et du comportement des parents qui se débarrassent de leurs enfants.
  • Elle a dû abandonner la lecture de livres pour enfants de ce niveau, pour des livres habituellement réservés à un public d’enfants de 18 mois/2 ans parce que les élèves ne comprennent rien. Ils n’ont pas de vocabulaire, leurs phrases ne sont pas structurées. Les instits commencent traditionnellement l’apprentissage des gestes d’écritures dès la fin de la grande section. Il s’agit de travailler la motricité fine, de comprendre ce que c’est “en dessous”, “sur”, “entre” ou “au-dessus” par rapport à une ligne. Elle ne peut plus le faire, car les élèves de 4 ans ont la motricité d’un enfant de 12 mois. Ils vont devoir reculer l’âge d’apprentissage de l’écriture, et donc de la lecture. »

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La démission des parents est bien entendu totale, pardon, globale :

Mon lecteur :

« Les parents ne sont donc plus violents avec leurs enfants (on a beau jeu de légiférer sur la fessée quand presque tout le monde assomme son môme à coups de tablettes, de tétines, de poussettes et de sucreries), mais le deviennent de plus en plus avec le personnel enseignant. Ils mentent aussi sans vergogne, pour des motifs futiles. Ils se plaignent qu’on mette leurs mômes à la sieste. “Vous comprenez, quand ils dorment l’après-midi, à la maison, ils sont plein d’énergie”. Avoir autre chose que des zombies, quelle horreur en effet… »

Et de comparer la situation avec d’autres endroits :

« On parle ici d’école de campagne, entendez-moi bien. Tout cela est confirmé par une autre connaissance, instit en Lozère.

Une amie institutrice en Australie reconnaît parfaitement ces descriptions, et ajoute que le manque d’empathie, et le manque de patience, sont absolument effarants. Un gamin de 5 ans est maintenant incapable d’attendre quelques minutes, ou se mettra à hurler comme un autiste à la moindre frustration.

Moi je veux bien qu’on m’explique que la baisse du QI c’est le grand remplacement, et que le grand remplacement ça doit nous inquiéter. Mais c’est le grand remplacement de l’humain par le zombie, par le golem, par le robot qu’on observe. Car face à la destruction du monde par la tablette, toutes les races et toutes les classes semblent également atteintes dans les témoignages qui nous sont faits.

Vous imaginez ces mômes dans quarante ans ? »

Non on ne les imagine pas. Ceux qui parlent de l’an 2100 se foutent de nous comme ceux qui parlent de reprise économique, de victoire contre la Russie, d’immunité à partir du vaccin. 

Sources principales :

https://voxnr.com/49225/un-lecteur-met-en-garde-parents-e...

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/06/28/les-co...

jeudi, 01 juillet 2021

De Platon à Packard: de la gestion du troupeau humain par les élites

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De Platon à Packard: de la gestion du troupeau humain par les élites

par Nicolas Bonnal

Hannibal a traduit Dean Arnold, auteur qui évoque la conspiration des élites à travers les âges ; en vérité nous en sommes toujours au même point. Il y a un troupeau et un berger qui veut en réduire le nombre ou en corriger le comportement. Ce berger ou philosophe-roi s’entoure de gardiens (les phulakes de Platon). Il est aujourd’hui aidé par l’ingénierie sociale massifiée et industrialisée. Le grand Vance Packard, auteur des Hidden persuaders (alias la persuasion clandestine), termine son livre effarant (encore plus effrayant que la Propagande de Bernays) par l’évocation du bio-contrôle. Et cela donne :

« Finalement - disons vers l’an 2000 — peut-être toute cette profondeur la manipulation de la variété psychologique semblera d'une manière amusante démodée. D'ici là, peut-être que les biophysiciens prendront le relais avec « bio-contrôle », qui est la persuasion en profondeur poussée à son paroxysme. Le bio-contrôle est la nouvelle science du contrôle des processus mentaux, réactions émotionnelles et perceptions sensorielles par des signaux bioélectriques. »

Packard enfonce le knout :

« La réunion de la National Electronics Conference à Chicago en 1956 a entendu l'ingénieur électricien Curtiss R. Schafer, du Norden- Ketay Corporation, explorer les possibilités surprenantes du biocontrôle. Comme il l'envisageait, l'électronique pourrait prendre le contrôle des indisciplinés humains. Cela pourrait épargner aux endoctrineurs et aux contrôleurs de la pensée beaucoup d'agitation et d'ennui. Il l'a fait paraître relativement simple. »

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Le cerveau humain est un outil :

« Les avions, les missiles et les machines-outils sont déjà guidés par l'électronique et le cerveau humain - étant essentiellement un ordinateur - peut l'être aussi. Déjà, grâce au bio-contrôle, les scientifiques ont changé le sens de l'équilibre des gens. Et ils ont fait des animaux avec le ventre plein, ils ont faim et ils ont peur quand ils n'ont rien à craindre. »

Et les conclusions sont terribles (je rappelle qu’on est en 1956) :

« Le magazine Time l'a cité comme expliquant : La réalisation ultime du bio-contrôle peut être le contrôle de l'homme lui-même…Les sujets contrôlés ne seraient jamais autorisés à penser comme personnes. Quelques mois après la naissance, un chirurgien équiperait chaque enfant avec une douille montée sous le cuir chevelu et des électrodes atteignant les zones du tissu cérébral. ... ... ... Les perceptions sensorielles et musculaires de l'enfant, son activité pourrait être modifiée ou complètement contrôlée par des signaux émis par des émetteurs contrôlés par l'État. »

Le Monde a évoqué le déclin cognitif des enfants avec le confinement ; ils sont aussi épuisés sur le plan physique après dx mètres de course. Bref l’Etat les tient et les parents déjà soumis vont les faire vacciner. Mais au point où nous en sommes…

Passons à Dean Arnold, ensuite, qui cite Platon et le livre V, monstrueux et totalitaire, de sa République si peu vilipendée par nos profs de philo (vous attendiez quoi de ces fonctionnaires ?) :

 « Encore une fois, il est difficile pour nous tous d'imaginer des gens « sympas » pensant de cette façon, ou agissant en conséquence. Cependant, la mentalité d'élite a toujours été avec nous, depuis que Platon a écrit sa République il y a 2300 ans. Chaque enfant étudie ce livre dans des écoles préparatoires comme celle où les Gates ont été formés.

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Le plus célèbre des philosophes grecs nous a dit que la classe dirigeante est celle « dont le but sera de préserver la moyenne de la population ». Il a en outre déclaré: «Il y a beaucoup d'autres choses qu'ils devront considérer, telles que les effets des guerres et des maladies et de tout autre organisme similaire, afin d'éviter autant que possible que l'État devienne trop grand ou trop petit. "

Platon ajoute que le contrôle de la population doit se faire en secret, ce que l'on pourrait appeler une conspiration. « Maintenant, ces événements doivent être un secret que seuls les dirigeants connaissent, ou il y aura un autre danger que notre troupeau… éclate dans la rébellion. »

Citons un peu de Platon alors pour compléter (livre V, traduction Chambry, 459-461 pour les amateurs). Mariage d’amour et famille interdits, reproduction garantie par et pour l’Etat totalitaire, comme chez le vieil Huxley :

« Toi donc, qui es législateur, en choisissant parmi les femmes, comme tu as fait parmi les hommes, tu assortiras les caractères, autant que possible. Or, toute cette jeunesse, ayant la même demeure et la même table et ne possédant rien en propre, sera toujours ensemble; et vivant ainsi mêlée dans les gymnases et dans tous les autres exercices, je pense bien qu'une nécessité naturelle la portera à former des unions…Mais, mon cher Glaucon, dans un État où les citoyens doivent être heureux, il ne peut pas être permis de former des unions au hasard ou de commettre des fautes du même genre, et les magistrats ne devront pas le souffrir. »

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Ensuite on pratique l’eugénisme :

« C'est à toi, Glaucon, de me le dire. Je vois que tu élèves dans ta maison des chiens de chasse et des oiseaux de proie en grand nombre. As-tu pris garde à ce qu'on fait pour les accoupler et en avoir des petits?

Que fait-on?

Parmi ces animaux, quoique tous de bonne race, n'en est-il pas quelques-uns qui l'emportent sur les autres?

Sans toutes ces précautions dans l'accouplement, n'es-tu pas persuadé que la race de tes chiens et de tes oiseaux dégénérerait beaucoup?

Oui.

Crois-tu qu'il n'en soit pas de même des chevaux et des autres animaux?

Il serait absurde de ne pas le croire.

Grands dieux! mon cher ami, quels hommes supérieurs nous faudra-t-il pour magistrats, s'il en est de même à l'égard de l'espèce humaine! »

L’homme est un animal ici comme chez Darwin. Kojève a parlé de notre futur d’abeilles. Comme nos politiques les magistrats de la cité platonicienne (influence sur More, Campanella, Cyrano, etc.) ont tous les pouvoirs :

« Il me semble que les magistrats seront obligés de recourir souvent au mensonge et à la tromperie pour le bien des citoyens; et nous avons dit quelque part que de semblables moyens sont utiles, lorsqu'on s'en sert en guise de remède. »

Les membres des familles ne se connaissent pas, seuls les magistrats savent le tout (on est dans de la science-fiction, vous ne voyez pas ?) :

« Il faut, selon nos principes, rendre les rapports très fréquents entre les hommes et les femmes d'élite, et très rares entre les sujets les moins estimables de l'un et de l'autre sexe; de plus, il faut élever les enfants des premiers et non ceux des seconds, si l'on veut avoir un troupeau toujours choisi; enfin, il faut que les magistrats seuls connaissent toutes ces mesures, pour qu'il y ait le moins de discorde possible dans le troupeau. »

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Les magistrats régulent (c’est la gouvernance !) :

« Ainsi il sera à propos d'instituer des fêtes où nous rassemblerons les époux futurs, avec des sacrifices et des hymnes appropriés à ces solennités. Nous remettons aux magistrats le soin de régler le nombre des mariages, afin qu'ils maintiennent le même nombre d'hommes, en réparant les vides de la guerre, des maladies et des autres accidents, et que l'État, autant qu'il se pourra, ne s'agrandisse ni ne diminue. »

C’est le bon vieux contrôle des populations et des copulations utiles qui comme chez les SS doivent produire une élite guerrière ; ce n’est pas un hasard si le film 300, anti-iranien à souhait, faisait son éloge de Sparte et de sa constitution particulière (lisez le livre universitaire et très précis de mon ami d’enfance Nicolas Richer, qui devient un bestseller) :

Quant aux enfants :

« Les enfants, à mesure qu'ils naîtront, seront remis entre les mains d'hommes ou de femmes, ou d'hommes et de femmes réunis et qui auront été préposés au soin de leur éducation; car les charges publiques doivent être communes à l'un et à l'autre sexe.

Oui.

Ils porteront au bercail commun les enfants des citoyens d'élite, et les confieront à des gouvernantes, qui auront leur demeure à part dans un quartier de la ville. Pour les enfants des citoyens moins estimables, et même pour ceux des autres qui auraient quelque difformité, ils les cacheront, comme il convient, dans quelque endroit secret et qu'il sera interdit de révéler. »

Les femmes qui servent de cadres aussi dans cette société LGBTQ (tout le monde vit nu une partie du temps et en commun) sont des reproductrices étatiques avant de devenir des fonctionnaires préposées à la garde du troupeau :

« Les femmes donneront des enfants à l'État depuis vingt ans jusqu'à quarante; et les hommes, après avoir laissé passer la première fougue de l'âge, jusqu'à cinquante-cinq. » 

Le monde de Platon fait penser à l’âge de cristal, film dystopique des années 70. Persécution pour le contrevenant :

« Si donc il arrive qu'un citoyen, soit au-dessous, soit au-dessus de cet âge, s'avise de prendre part à cette œuvre de génération qui ne doit avoir d'autre objet que l'intérêt général, nous le déclarerons coupable et d'injustice et de sacrilège, pour avoir donné la vie à un enfant dont la naissance est une œuvre de ténèbres et de libertinage et l'enfant sera considéré dans l'Etat comme illégitime, né d'un concubinage et sans les auspices religieux. »

Platon a servi de modèle à la Renaissance (pensez à la sinistre abbaye de Thélème de Rabelais qui inspirera le sataniste britannique Alastair Crowley). La régulation et le contrôle du troupeau sont revenus au goût du jour : le contrôle étatique et médiatique est total (prison ferme pour les parents qui refusent l’éducation du genre en Allemagne), le troupeau est anesthésié et quoiqu’en pense Maffesoli il ne se révolte pas du tout. Il est prêt.

Dernier rappel : dans sa Persuasion clandestine, Packard évoque les mêmes problèmes de pénurie que mon ami Alexandre, et donc à terme la même nécessité d’en finir avec un troupeau qui consomme trop, et qui sera conduit à l’abattoir via le bio-contrôle. Les masques, confinements et vaccins ont bien préparé aussi cette soumission du troupeau, qui rime avec abstention.

Sources :

https://numidia-liberum.blogspot.com/2021/06/en-2009-proj...

https://fr.wikisource.org/wiki/La_R%C3%A9publique_(trad._...

https://www.amazon.fr/Sparte-Nicolas-RICHER/dp/2262039356...

https://www.algora.com/Algora_blog/2021/06/27/2009-projec...

https://archive.org/download/the-hidden-persuaders-vance-...

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/06/28/les-co...

 

 

Les mots comme victoire

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Les mots comme victoire

Par Franck BULEUX

Ex: https://metainfos.com/2021/06/30/les-mots-comme-victoire/

On présente souvent l’époque comme l’expression d’une victoire culturelle de la droite, qui aurait réussi à imposer les 3 « I » dans la campagne présidentielle incessante que nous vaut le « quinquennat à la française » (je n’y reviendrai pas dans ce billet) : insécurité, immigration et identité.

Pourtant, nous sommes encore bien loin de ce « gramscisme de droite » tant réclamé par les hérauts de la Nouvelle Droite dès la fin des années 1970.

Cette difficulté provient, selon moi, de la tendance journalistique à privilégier le « mainstream », c’est-à-dire « le prêt-à-penser », le conformisme visant à la préservation du système politico-idéologique. Le journaliste doit s’émouvoir à l’évocation des migrants, il doit pouffer au programme du Rassemblement national (RN), il doit s’émerveiller à la deuxième dose vaccinale pour tous, il doit clamer l’héroïsme gouvernemental à rouvrir les terrasses. Si vous n’allumez plus votre lucarne, le son suffit : écoutez-les ! Le son vaut l’image : les chuintements, les soufflements ou l’air enjoué, tout s’entend. La voix est l’expression de l’humeur, du tempérament, de l’appétence ou de l’aversion à l’égard d’une situation : on l’apprend dans les écoles, de commerce comme de journalisme. Le journalisme est devenu l’emblème de ce commerce de la pensée « normalisée », « normative ». Je parle, j’appuie sur le début d’un mot important donc je pense et surtout, j’apprends à penser ceux et celles qui m’écoutent.

Quelques exemples : « l’extrême droite » ou pire (si j’ai bien compris), l’ultra droite évoque des personnes (enfin, pas tout à fait) monstrueuses, dignes du « trou noir » de l’histoire ; être « ancien militaire » ou « ancien policier » est la marque d’une identité extrémiste par nature, un « policier », « gendarme » ou « militaire » représente l’identité d’une personne qui n’a pas eu d’autre opportunité professionnelle, est payé pour « ça » et vote à l’extrême droite, forcément. D’ailleurs, le journaliste politique, celui qui émarge à Science-Po Paris, adore cibler les bureaux de vote où il y a des casernes de gendarmes ou de policiers pour prouver qu’ils sont presque tous électeurs du RN. Presque tous, car il y en a « d’origine étrangère ». Là, on passe dans l’expression positive car il a choisi la France (lui ou ses parents), il représente la France qui évolue, qui bouge, pas la France rance (slogan longtemps porté par la gauche contre le FN).

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En cas de présence d’un meurtrier, l’affaire est entendue : « schizophrène » pour un tueur étranger ou d’origine étrangère, parfois victime de « bouffées délirantes ». En revanche, un Français de souche (un « souchien » comme le proclame les indigénistes et autres islamo-gauchistes militants pour souligner la hiérarchie raciale naturelle qui doit s’appliquer entre « remplacés » et « remplaçants »), « ancien militaire » ou « solitaire qui détestait la société », mieux encore « survivaliste » (sous-entendu, d’extrême droite).

En écoutant les médias, comment peut-on croire que la droite a gagné « la bataille des idées » ? Vaste chimère de ceux qui pensent que Xavier Bertrand et Valérie Pécresse est le futur leader incontesté des « territoires oubliés ».

Leurre et illusion qui ne prend pas en compte la vision du Pays réel, celui qui ne sent plus représenté.

Comment dans les albums d’ « Astérix et Obélix », un village médiatique résiste face à la mainmise culturelle des journalistes mainstream. La chaîne d’informations CNews est ce « village » non mondialiste qui permet d’écouter un son différent, un « ton français » qui ne rejette pas les « traditions ancestrales ». Déjà, les « bien-pensants » sont horrifiés à l’idée de l’achat par Bolloré, le patron de Canal, d’Europe 1. On est pourtant encore loin d’un rééquilibrage…

Effectivement, l’habitude veut que d’entendre les propos soutenus par Éric Zemmour (et d’autres) ne paraît pas habituel : où est la société cosmopolite dont tous les autres médias se doivent d’honorer ?

La victoire politique passe par le combat culturel mais cela ne sera pas possible tant que la diversité intellectuelle n’est pas de mise. Ce n’est pas parce qu’un journaliste parle d’ « insécurité » que la culture de droite progresse car ce mot est aussitôt battu en brèche par l’obligation d’indiquer l’absence d’amalgame, la limite de l’augmentation de la criminalité…

Alors, tous sur CNews tant que le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) ne réclame pas la limitation du temps de parole de Zemmour, pour cause de candidature à la présidentielle…

Qui sait ?

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Iran: perspectives post-électorales

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Iran: perspectives post-électorales

Par Ali Reza Jalali

Ex : https://www.eurasia-rivista.com/

Le treizième tour des élections présidentielles en République islamique d'Iran a eu lieu le vendredi 18 juin. Le candidat de l'aile révolutionnaire ("ultra-conservatrice" selon les schémas occidentaux), Ebrahim Reisi, qui était jusqu'à présent à la tête du pouvoir judiciaire, a triomphé avec plus de 60 % des voix ; derrière lui, à une distance infranchissable, le conservateur modéré Rezai et le réformateur modéré Hemmati.

Sur le plan intérieur, le gouvernement dirigé par Ebrahim Reisi devra faire face à la grave crise économique qui frappe le pays (avec une inflation officielle en permanence à deux chiffres, avec des pics à plus de 50% ces dernières années). Fondamentalement, le nouveau gouvernement devra essayer de ramener l'inflation en dessous du seuil de 20 %, un chiffre qui, bien qu'élevé, représente la normalité pour une nation qui, depuis plusieurs décennies, est aux prises avec les sanctions de la soi-disant "communauté internationale" et qui, ces derniers temps, a vu la situation s'aggraver davantage en raison de l'affrontement avec les États-Unis, qui s'est radicalisé avec l'administration Trump. Le rial, la monnaie nationale, a tellement perdu par rapport aux devises étrangères ; par exemple, si en 2016 un euro valait 50.000 rials, il en vaut aujourd'hui au moins 280.000.

Le deuxième problème auquel le nouvel exécutif devra faire face sur le front intérieur est l'éloignement progressif des Iraniens de la politique. Depuis le milieu des années 1990 du siècle dernier, les élections présidentielles avaient toujours enregistré un taux de participation supérieur à 60 %, avec des pics à 85 % en 2009; entre 2013 et 2017, elles avaient enregistré un taux de participation supérieur à 70 %. Depuis l'année dernière, avec les élections législatives de 2020, le taux de participation a soudainement chuté à 50 %; selon les données du ministère de l'Intérieur, ce tour-ci, le pourcentage était juste au-dessus de 48 %.

Pourquoi cette soudaine désaffection des Iraniens pour les élections ? Certains pointent la situation économique comme cause, d'autres accusent le coronavirus, qui n'incite certainement pas à participer à des événements publics, surtout s'ils sont bondés. Selon une autre analyse, il s'agirait d'un symptôme de refroidissement qui obligerait le nouveau président à prendre des mesures décisives. En d'autres termes, la tâche d'Ebrahim Reisi consistera à renforcer la confiance des Iraniens dans les institutions de la République islamique, afin d'éviter que cette forme de gouvernement ne risque de se dégrader - à Dieu ne plaise - au niveau d'une vulgaire autocratie du Moyen-Orient. Dans un système où la participation au vote est considérée par certains comme un devoir religieux et par d'autres comme une sorte de référendum permanent sur la forme du gouvernement (les prêcheurs du vendredi disent souvent que la participation aux élections est une manifestation de consentement envers la République islamique), un taux de participation inférieur à 50% des personnes éligibles n'est pas un bon signe.

En améliorant les conditions de vie des Iraniens, Reisi pourra se présenter aux électeurs dans quatre ans comme une sorte de sauveur du pays et de la République islamique, également parce que dans cette mission il pourra se prévaloir du soutien du chef de l'Etat, Ali Khamenei, de celui du Parlement, qui est dirigé par le conservateur Ghalibaf, et de la solidarité des Pasdarans. En bref, Reisi a toutes les cartes en main pour remettre les choses en ordre, compte tenu également de la disparition de Trump de l'administration américaine.

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A cet égard, il faut rappeler que les orientations de la politique étrangère iranienne relèvent de la responsabilité du Guide et non de l'exécutif au sens strict. Mais il y a une différence décisive entre le mandat de quatre ans pendant lequel M. Raisi siégera en tant que président de la République islamique et le mandat de quatre ans du modéré Rohani, qui a maintenant expiré: dorénavant, le Guide et le président sont en harmonie, dans la mesure où ils partagent la même orientation; par conséquent, les politiques générales seront appliquées à la lettre par le gouvernement, alors qu'auparavant, en raison des divergences entre Khamenei et Rohani, la ligne du chef de l'État était, pour ainsi dire, freinée par le gouvernement. Aujourd'hui, cependant, tout semble indiquer un tournant eurasiste décisif, qui pourrait peut-être inclure une certaine détente également en Occident, puisque ce dernier ne semble pas dédaigner un rééquilibrage par rapport à la politique ouvertement pro-saoudienne de ces dernières années.

C'est peut-être un paradoxe, mais le gouvernement révolutionnaire, en raison de l'uniformité idéologique qui s'est installée au sein des institutions, a plus de chances de parvenir à un bon accord avec les acteurs internationaux que le gouvernement de Rohani.

Quoi qu'il en soit, le front interieur est désormais le plus délicat. Malgré la crise économique, la puissance régionale de l'Iran n'a nullement été entamée par les huit années de présidence de Rohani, également parce que les acteurs incisifs de la politique de force de la République islamique dépendent du Guide, qui a désormais un homme de confiance à la tête du gouvernement. Cependant, il est bon de rappeler qu'un État puissant n'est pas seulement celui qui dispose d'une armée forte et de missiles précis, mais c'est aussi celui qui sait répondre aux besoins populaires dans chaque situation et qui sait s'adapter aux différents contextes sociaux.

Ali Reza Jalali

Ali Reza Jalali, diplômé en droit à l'université de Brescia, a obtenu son doctorat en droit constitutionnel à l'université de Vérone. Il enseigne actuellement le droit constitutionnel et international au département de jurisprudence de la faculté des sciences humaines de l'université islamique de Shahrud (Iran). Il préside le Centre d'études international Dimore della Sapienza, dont il est également responsable de la section consacrée aux études juridiques et politiques. Il a publié de nombreux essais dans Eurasia. Rivista di studi geopolitici et dans le site web correspondant. Dans ses recherches, il traite principalement de sujets liés au droit public, au droit international, aux relations entre l'Islam et les sciences politiques et aux relations internationales, en particulier en ce qui concerne l'espace islamique.

 

mercredi, 30 juin 2021

Biden et Poutine après Genève

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Biden et Poutine après Genève

Par Giuseppe Cappelluti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com/

C'était le 6 mars 2009. A Genève, avec une rencontre entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov et son homologue américaine de l'époque, Hillary Clinton, scellée par la pression d'un bouton marqué "reset" en anglais et en russe [i], la toute nouvelle administration Obama a lancé le reset, visant à rétablir les relations avec la Russie après la guerre de 2008 en Géorgie. Le but ultime de cette politique, selon les vœux d'Obama, était de construire un partenariat stratégique avec Moscou visant, entre autres, à avoir un Kremlin allié dans la lutte contre le terrorisme et au moins neutre sur les théâtres d'intérêts américains (Chine et Iran surtout). La tentative, pendant les premières années, a semblé fonctionner: en 2009, M. Medvedev a accordé un espace aérien aux vols militaires américains à destination de l'Afghanistan ; en avril 2010, les États-Unis et la Russie ont signé les accords START 2 pour la réduction des dispositifs nucléaires, et un mois plus tard, les deux pays se sont mis d'accord sur des sanctions contre l'Iran. Le président russe de l'époque, M. Medvedev, a joué un rôle non négligeable dans le succès initial de cette politique. Fortement occidentalisé dans son style et en partie dans ses valeurs, malgré ses liens avec Poutine, Medvedev représentait aux yeux d'Obama une Russie en pleine évolution qui laissait derrière elle les années du tsarisme pour se transformer en un pays démocratique à part entière.

L'histoire, cependant, s'est déroulée différemment, et ce qui a commencé comme l'administration de la réinitialisation restera dans les mémoires comme l'administration qui a entraîné l'Occident dans la "nouvelle guerre froide". Un effondrement qui est arrivé à maturité au premier semestre 2014, lorsque la crise ukrainienne a marqué la fin du reset et le début d'une phase de tensions, de sanctions mutuelles et de guerres par procuration qui dure en fait jusqu'à aujourd'hui, mais dont les origines sont à chercher dans une série d'événements survenus entre février 2011 et novembre 2013 (les printemps arabes, les guerres en Libye, le lancement de l'Union eurasienne, les manifestations en Russie, l'affaire Snowden, la position rétive de la Russie sur les armes chimiques syriennes) et la persistance d'une forte divergence des objectifs stratégiques. La sortie de scène de Medvedev, qui a été remplacé par Poutine en mars 2012, a eu un rôle globalement secondaire, mais les répercussions sur les relations personnelles ne sont pas à sous-estimer. Alors que Medvedev entretenait d'excellentes relations avec Obama, au point de devenir l'un des deux hommes politiques qu'il suivait sur Twitter (l'autre étant le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg) [ii], Poutine était cordialement détesté par Obama, qui lui rendait la pareille.

L'ascension de Biden, en partie pour cette raison, n'était pas une bonne nouvelle pour la Russie. Si l'administration Obama a été le protagoniste de la "nouvelle guerre froide", Joe Biden en a été, d'une certaine manière, l'éminence grise, avec son activisme diplomatique et son rôle souvent en coulisses mais non négligeable. Déjà à l'époque de la réinitialisation, après une visite à Kiev, Joe Biden avait déclaré que "nous avons sous-estimé notre main à Moscou", prédisant que, en raison du déclin de sa population et de ses problèmes économiques, le Kremlin serait contraint de faire des concessions à l'Occident sur un large éventail de questions de sécurité [iii]. Des mots qui, entre autres, ont été interprétés comme une non-reconnaissance de toute sphère d'influence russe dans l'ancien espace soviétique. Pendant la crise ukrainienne, Biden a été l'un des principaux soutiens des manifestations pro-occidentales puis du nouveau gouvernement ukrainien, et en avril 2014, c'est lui qui a donné le feu vert à l'action militaire de Kiev contre les séparatistes du Donbass: sa visite en Ukraine a en effet précédé d'un jour le lancement de ce que Bankova a appelé l’"opération anti-terroriste ". La victoire électorale de Trump, trop souvent imputée à Moscou, n'a certainement pas aidé, et le retour sur le devant de la scène de personnalités fortement anti-russes comme Victoria Nuland et Jen Psaki a immédiatement laissé entrevoir une épreuve de force entre le Kremlin et un parti qui, à tort ou à raison, se sent toujours privé aux mains de Moscou d'une victoire électorale à laquelle il estime avoir droit.

Pourtant, malgré une période de tension, notamment les accusations de Biden selon lesquelles Poutine est un "meurtrier" et les tensions accrues à la frontière ukraino-russe, le conflit entre la Russie et les États-Unis semble être entré dans une phase de stabilisation relative. Dès le mois dernier, alors que Biden proposait une rencontre avec Poutine, l'administration américaine a levé les sanctions sur Nord Stream 2, le deuxième gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne à travers la mer Baltique [iv]. Et, lors de leur récente rencontre à Genève, les deux présidents ont accepté de réintégrer leurs ambassadeurs respectifs, retirés après l'escarmouche rhétorique de mars dernier, scellant par un communiqué conjoint hors calendrier leur engagement à maintenir en vie START 2 et à entretenir un dialogue stratégique bilatéral [v]. Les questions géopolitiques brûlantes, de l'Ukraine à la Méditerranée, ont été abordées, mais elles ont eu un poids relatif; il en va de même pour les droits de l'homme, notamment l'affaire Naval'nyj. En fait, lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre, aucun des deux n'a utilisé de mots incendiaires à l'encontre de l'autre: Biden a parlé de "deux grandes puissances", élevant ainsi la Russie du rang de "puissance régionale" auquel Obama l'avait confinée, et Poutine a qualifié son homologue américain d'"homme d'État expert".

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Qu'est-ce qui a changé ces dernières années? En 2014, malgré de nombreux signes contraires, nombreux étaient ceux qui croyaient encore aux illusions d'un monde unipolaire et de la "fin de l'histoire", tandis que peu - du moins à Washington - envisageaient sérieusement la possibilité qu'une Russie éloignée de l'Occident cherche une épaule amicale en Chine. Les déclarations d'Obama selon lesquelles "(en Crimée) la Russie est du mauvais côté de l'histoire", que Biden a certainement partagées, sont révélatrices de cette attitude. Cependant, malgré les sanctions, la Russie ne s'est pas effondrée et a même remporté ces dernières années une série de succès militaires, géopolitiques et même scientifiques qui ont obligé les analystes occidentaux à revoir leurs positions. À tout cela s'ajoute la relation croissante avec la Chine, avec laquelle la Russie a signé un accord d'approvisionnement en gaz en 2014 et un accord de libre-échange en 2019. La Chine, qui, dans les années précédant la pandémie, avait déjà dépassé les États-Unis en tant que première puissance économique mondiale [vi] et lancé un gigantesque programme de construction d'infrastructures baptisé "Belt and Road Initiative", a connu, après le déclenchement de la pandémie, une nouvelle accélération de son ascension géopolitique, comme en témoignent les rachats d'entreprises et d'infrastructures stratégiques effectués ces derniers mois par l'ancien Empire céleste.

Une situation qui inquiète au plus haut point les Etats-Unis, qui ne peuvent se permettre de contenir la Russie et la Chine en même temps, sinon au prix de les unir dans une fonction anti-occidentale. Si Obama a maintenu un intérêt marqué pour l'Europe de l'Est - où sa politique étrangère a largement suivi le jeu préconisé par Brzezinski - et le Moyen-Orient, Trump a perçu beaucoup plus clairement la menace posée par la Chine, cherchant à se réconcilier avec Poutine également dans une fonction anti-chinoise. Biden, qui avait par le passé critiqué à plusieurs reprises la politique de Trump à l'égard de la Chine, est en train d'en devenir le poursuivant, quoique dans une optique de multilatéralisme et non de bilatéralisme et avec un retour à la rhétorique sur les droits de l'homme qui était largement absente lors des années Trump. Et malgré le fait que les premiers mois de son mandat aient été marqués par de fortes tensions, pas seulement rhétoriques, entre Poutine et Biden, ces dernières semaines, les véritables intentions du président américain apparaissent; toutefois, heureusement, elles ne semblent pas inclure une épreuve de force avec l'ennemi russe détesté.

Toutefois, il serait erroné de définir cette réunion comme la base d'une nouvelle remise à zéro. Une véritable réinitialisation nécessiterait une stabilisation définitive de la Syrie et surtout de l'Ukraine, véritable motif des sanctions et contre-sanctions qui limitent aujourd'hui fortement les possibilités d'échanges entre la Russie et l'Occident, peut-être en échange d'une prise de distance de la Russie vis-à-vis de la Chine. Et il est assez peu probable que cela se produise non seulement dans les mois à venir, mais aussi dans les années à venir. Ce qui intéresse Biden, c'est plutôt de geler le front russe afin de se concentrer sur le front de la paix et d'éviter d'être distrait par les problèmes en Ukraine ou sur d'autres théâtres d'intérêt russe. Poutine, quant à lui, cherche à maintenir le Belarus dans sa sphère d'influence, en l'empêchant de se transformer en une seconde Ukraine, et à empêcher cette dernière ou la Géorgie de rejoindre l'OTAN. À cet égard, le démenti apporté par Biden, à la veille du sommet de Genève, aux déclarations du président ukrainien Zelensky qui, dans un tweet, avait parlé d'un consensus entre les pays de l'OTAN sur l'adhésion de Kiev à l'alliance [vii], revêt une importance cruciale. Un démenti qui ne doit pas être confondu avec un arrêt d'un nouvel élargissement de l'Alliance atlantique à l'Est, mais qui constitue en tout cas le signe d'une volonté de geler le front oriental, et qui permet en fait de prédire que, dans les mois à venir, la situation sur ce dernier restera relativement stable.

NOTES

(i)La réunion est également entrée dans l'histoire pour une erreur de traduction: le mot utilisé pour traduire "reset" en russe n'était pas "perezagruzka" mais "peregruzka", qui signifie "surcharge". Une erreur vénielle, mais révélatrice de l'attitude peu coopérative de l'État profond américain (le bouton a été remis à Lavrov par Clinton).

[ii] https://www.themoscowtimes.com/2012/07/26/medvedev-makes-it-big-on-twitter-a16571

[iii] https://www.wsj.com/articles/SB124848246032580581

[iv] https://www.youtube.com/watch?v=-wSQjPJS2H4

[v] https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/06/16/u-s-russia-presidential-joint-statement-on-strategic-stability/

[vi] A parité de pouvoir d'achat.

[vii] https://nypost.com/2021/06/14/biden-denies-ukraine-prezs-claim-that-nato-confirmed-ukraine-can-join/

Giuseppe Cappelluti

Giuseppe Cappelluti, né à Monopoli (Bari) en 1989, vit et travaille en Turquie. Il est diplômé en langues modernes pour la communication et la coopération internationale à l'université de Bergame, et a obtenu une licence en sciences de la médiation interculturelle à l'université de Bari.

Après avoir passé des périodes d'études à l'université de Tartu (Estonie) et à Petrozavodsk (Russie), il a obtenu en 2016 un master en relations commerciales internationales Italie-Russie à l'université de Bologne. Depuis 2013, il a publié de nombreux articles dans Eurasia. (Magazine d'études géopolitiques) et dans le site web correspondant. Ses contributions sont également parues dans "Fond Gorčakova" (Russie), "Planet360.info" (Italie), "Geopolityka" (Pologne) et "IRIB" (maintenant "Parstoday", Iran).

Post-vérité. L'apogée du relativisme

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Post-vérité. L'apogée du relativisme

Federico Gastón Addisi

Ex: https://www.geopolitica.ru/es/article/la-postverdad-el-apogeo-del-relativismo

Parmi les différents traits qui caractérisent l'époque contemporaine, que nous appellerons postmodernité, l'un des plus saillants est le relativisme. Il n'est pas étonnant que cela se produise puisque l'homme, par le biais de Nietzsche, a proclamé la mort de Dieu, et avec lui, comme le dirait Léon Bloy, la perte de l'Absolu. Sans ces concepts directeurs, même pour ceux qui n'ont pas la foi, tout se réduit à la raison.

Et cette philosophie vivace qui luttait pour trouver la vérité a disparu depuis longtemps. Il suffit de se rappeler la lutte courageuse de Socrate contre les sophistes, même avant le Christ. Mais avec le triomphe de la Révolution française et la suprématie dans la science de l'un des trois grands réformateurs (pour paraphraser Maritain), le doute méthodique de Descartes a tout enveloppé.

Quel mélange explosif, l'absence de Dieu, la non-existence de l'Absolu, le doute comme Nord, le tout enrobé de l'histoire à la mode sophiste qui, comme on le sait, ne cherche à convaincre que sur ce qui est argumenté.

Nous arrivons ainsi à ce que les médias ont appelé la post-vérité. Ce qui serait le triomphe du néant. Du nihilisme pur et simple.
En simplifiant, et de manière familière, nous pouvons aborder deux définitions opposées qui ouvriront la porte pour clarifier ce qui se cache derrière ce supposé relativisme.

Nous croyons que toute "vérité relative" (subjectivisme) n'est rien de plus qu'une simple opinion. Au contraire, toute "vérité objective" (objectivisme) est celle qui correspond à la réalité.

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L'adage aristotélicien, repris en substance par les classiques, par le général Perón : "La seule vérité est la réalité".
Quelle est donc l'opinion que nous définissons ici comme synonyme de relativisme ?

Et une fois de plus, le sage prophète de nos lettres, c'est-à-dire le père Castellani, nous vient en aide :

    "L'opinion est une affirmation non certaine, fondée sur des arguments valables, mais non évidents, opposés à d'autres qui sont également valables. Par exemple : "Je suis d'avis que les névroses sont psychosomatogènes, d'autres médecins identifient qu'elles sont toutes psychogènes, d'autres qu'elles sont toutes somatogènes. L'opinion n'est pas une affirmation quelconque lancée en l'air juste pour le plaisir, par charlatanisme ou par la témérité d'un imbécile ; c'est de la folie. Ne confondez donc pas le droit d'opinion et le droit de faire des bêtises, ce qu'a fait le libéralisme. Qui a le droit de donner une opinion ? Pas tous les hommes sur tous les sujets, mais les connaisseurs sur ce qu'ils comprennent".

Et c'est là que se trouve le nœud gordien qu'il faudra trancher. Dans notre Argentine postmoderne et semi-coloniale, chacun donne son avis sur ce qu'il ne connaît pas. Et comme on le sait, là où les ignorants crient, les sages se taisent. Et la vérité est de plus en plus insaisissable.

La politique des interdictions en Turquie

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La politique des interdictions en Turquie

Ex: https://katehon.com/ru/article/politika-zapretov-v-turcii

Système constitutionnel et juridique et opposition
Lutte entre partis et épuration politique

Le 2 mars 2021, le bureau du procureur général de Turquie a lancé une enquête sur le "Parti démocratique du peuple" (PDP). L'initiateur était Devlet Bahçeli, président du "Parti du mouvement nationaliste" (MNP), un parti d'extrême droite. Le PDP a changé sa politique peu avant le coup d'État militaire manqué du 15 juillet 2016. Il est passé du statut d'opposant au président actuel Recep Tayyip Erdoğan et au système présidentiel qu'il soutenait à celui de défenseur le plus acharné du nouveau régime politique et d'allié d'Erdoğan.

Le 11 décembre 2020, Bahceli a publiquement exigé que le procureur général enquête sur la possibilité d'interdire le PDP et a déposé une demande d'éviction des partis kurdes de la scène politique. Environ trois mois plus tard, le bureau du procureur a accédé aux demandes de Bahçeli. Le 17 mars, il a déposé une demande d'interdiction du parti auprès de la Cour constitutionnelle. Le procureur général a également demandé que 687 responsables du PDP soient interdits d'activités politiques pendant cinq ans. Cela aurait exclu de la politique la quasi-totalité des dirigeants et des militants du PDP, fermant ainsi les canaux politiques de discussion et de résolution de la question kurde pour les années à venir.

Le 31 mars, la Cour constitutionnelle a rejeté la demande en raison de vices de procédure. Cependant, le 6 juin, le bureau du procureur général a annoncé qu'il avait déposé une autre requête pour interdire le parti. Cette démarche, visant à interdire la politique kurde civile, risque d'accroître l'activité du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), illégal et radical, et de débloquer activement le conflit kurde.

Afin de comprendre le contexte de la déclaration d'interdiction actuelle, il est nécessaire d'examiner de plus près l'histoire des partis politiques dans ce pays. Avant 1961, les partis avaient le statut d'association. Ils pouvaient donc être interdits par les tribunaux civils à la demande du pouvoir exécutif. Seule la Constitution de 1961 a conféré aux partis un statut constitutionnel : ils ont été définis comme des composantes à part entière de la vie politique démocratique. Après cela, ils ne pouvaient être interdits que par une décision de la Cour constitutionnelle sur demande du parquet général. Officiellement, le pouvoir exécutif n'a joué aucun rôle dans la procédure d'interdiction des partis depuis lors. Cette procédure a été largement conservée dans la Constitution de 1982. Dans le même temps, 25 partis ont été interdits en Turquie depuis la création de la Cour constitutionnelle en 1961, soit plus que dans tous les autres pays membres du Conseil de l'Europe.

Des partis interdits par la Cour constitutionnelle de Turquie

La Cour constitutionnelle a interdit le Parti de l'ordre national (MNP, unanimité) en 1971, le Parti de la paix intérieure (HP, 10 contre 5) en 1983, le Parti du bien-être (RP, 9 contre 2) en 1998 et le Parti de la vertu (FP, 8 contre 3) en 2001 pour violation du principe de laïcité. En 2008, le parti actuellement au pouvoir, le "Parti de la Justice et du Développement" (AKP, 5 contre 6), a échappé à l'interdiction.

Les partis suivants ont été interdits pour cause de séparatisme : "Parti des travailleurs de Turquie" (TIP, unanimité) en 1971 ; "Parti des travailleurs turcs" (TEP, unanimité) en 1980 ; "Parti communiste unifié de Turquie" (TBKP-T, unanimité) en 1991 ; "Parti socialiste" (SP, 10 contre 1) en 1992 ; "Parti populaire des travailleurs" (HEP, 10 contre 1), "Parti de la liberté et de la démocratie" (ÖZDEP, unanimité) et "Parti socialiste de Turquie" (STP, unanimité) en 1993 ; "Parti démocratique" (DEP, unanimité) en 1994 ; "Parti de l'unité socialiste" (SBP, unanimité) en 1995 ; "Parti du changement démocratique" (DDP, 10 contre 1) en 1996 ; "Parti du travail" (EMER, unanimité) en 1997 ; Le "Parti démocratique de masse" (DKP - Kurdes libéraux, 6 contre 5) en 1999 ; le "Parti démocratique du peuple" (HADEP, unanime) en 2003 ; et plus récemment, le "Parti de la société démocratique" (DTP, unanime) en 2009.

Des interdictions pour des raisons formelles ont été imposées au "Parti des agriculteurs et des travailleurs" (IÇP, à l'unanimité) en 1968 ; au "Parti de l'idéal progressiste de Turquie" (TIÜP, à l'unanimité) en 1971 ; au "Parti de la Grande Anatolie" (BAP, à l'unanimité) en 1972 ; "Parti républicain du peuple" (CHP, unanimité) en 1991 ; "Parti vert" (YP, 10 contre 1) et "Parti démocratique" (DP, unanimité) en 1994 ; et, plus récemment, "Parti de la renaissance" (DIRIP, unanimité) en 1997.

L'UE et la pression démocratique

Dans les démocraties, les partis politiques ne peuvent être interdits que pour des actions qui s'opposent activement à l'ordre constitutionnel ou menacent l'intégrité territoriale de l'État. La simple existence de lois ou de programmes incompatibles avec la constitution n'est pas une raison suffisante. En vertu du droit sanctionné par la Cour européenne des droits de l'homme, et conformément aux recommandations de la Commission de Venise, la procédure d'interdiction d'un parti doit établir que celui-ci utilise la violence comme moyen politique pour atteindre ses objectifs ou, à tout le moins, qu'il considère l'usage de la violence comme licite. Les partis ne peuvent pas non plus s'attendre à ce que la Cour européenne des droits de l'homme intervienne pour leur défense s'ils recherchent un ordre politique fondamentalement contraire à la constitution démocratique telle que prévue par la Convention européenne des droits de l'homme. Car "la démocratie, l'État de droit et les droits de l'homme" sont les trois piliers de l'ordre politique général en Europe.

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Une grande partie de la législation de la Cour européenne des droits de l'homme interdisant les partis politiques a été élaborée sur la base d'affaires turques portées devant la Cour après 1990, lorsque la Turquie a reconnu la compétence obligatoire de la Cour. À ce jour, la Cour a entendu sept appels. À l'exception de l'affaire du "Parti de la charité islamiste" (PP), la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que la Cour constitutionnelle turque avait violé la Convention dans tous les cas.

En Turquie, les partis ont été interdits principalement pour leur séparatisme et leurs violations du principe de laïcité ; dans certains cas, des interdictions ont également été imposées pour des raisons purement formelles. Malgré toutes ces interdictions, il était fondamentalement impossible de vérifier si le parti politique accusé légitimait la violence et la terreur ou l'utilisait comme méthode et outil.

Toutefois, la Constitution turque définit d'autres motifs d'interdiction des partis politiques que le séparatisme et la violation de la laïcité : les violations des principes de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit ainsi que la propagande visant à instaurer une dictature (article 68/4). Jusqu'à présent, pas une seule proposition d'interdiction d'un parti politique n'a été justifiée par ces motifs, alors que ces principes font partie des caractéristiques immuables de la République et sont protégés dans la Constitution par des clauses dites "de perpétuité". Toutefois, le fait qu'aucune déclaration d'interdiction n'ait été fondée sur ces raisons ne signifie pas que ces principes ne sont pas menacés. Néanmoins, ce ne sont pas les principales défenses des conflits politiques - il ne s'agit pas principalement d'un affrontement sur une plus ou moins grande démocratie, le respect des droits de l'homme ou l'état de droit. Au lieu de cela, la lutte politique était (et est toujours) généralement axée sur la laïcité et le séparatisme.

L'interdiction des partis accusés de séparatisme est généralement votée à l'unanimité par la Cour constitutionnelle. Lors de l'interdiction des partis islamistes, les juges ont généralement obtenu un maximum de 9 voix favorables sur 11. Cela démontre qu'il existe un consensus social considérable pour rejeter les demandes kurdes de droits des minorités, considérées comme séparatistes, alors qu'il existe un désaccord sur le rôle de la religion dans la société et la politique, c'est-à-dire sur la laïcité.
Instrumentalisation des interdictions politiques

Au niveau constitutionnel, l'interdiction des partis a été rendue plus difficile en 2001 en vue des négociations d'adhésion à l'UE. Les raisons d'une interdiction ont été limitées dans leur portée, et le quorum pour une interdiction a été augmenté à 3/5 du nombre de juges. C'est grâce à ces changements que l'AKP a évité d'être interdit en 2008, bien que le tribunal l'ait déclaré "centre d'activités anti-laïques". Lors de l'amendement constitutionnel de 2010, le quorum pour l'interdiction des partis a de nouveau été porté à 2/3, ce qui correspond à 10 juges sur 15.

Les amendements constitutionnels de 2010 ont mis fin à la domination de l'armée sur la politique civile et ont apaisé les tensions entre la religion et l'État au niveau constitutionnel, mais pas social. Cependant, les espoirs de voir s'instaurer un ordre constitutionnel démocratique et de voir lever les interdictions de partis n'ont pas été satisfaits.

Cela s'explique principalement par le fait que le camp gouvernemental, confronté à une diminution rapide du soutien social, a l'intention d'utiliser à nouveau cet outil politique pour se maintenir au pouvoir. Les manifestations visant à protéger le parc Gezi à Istanbul, qui se sont transformées en protestations à l'échelle nationale en 2013, ont été accompagnées fin 2013 d'enquêtes sur la corruption de membres du gouvernement par des personnes fidèles au prédicateur Fethullah Gulen ; ces deux événements ont montré à quel point le gouvernement de l'actuel président Erdoğan était déjà fragile à l'époque. Lors des élections législatives du 7 juin 2015, l'AKP a perdu la majorité absolue pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir treize ans plus tôt, en 2002.

Pour éviter d'avoir à partager le pouvoir, Erdoğan a renoncé à une coalition avec le Parti républicain populaire (PRP) qui aurait pu conduire à une plus grande démocratisation et normalisation. Au lieu de cela, il a conclu une alliance non officielle avec le "Parti du mouvement nationaliste" (MNP), un parti d'extrême droite. En conséquence, les pourparlers de paix avec le "Parti des travailleurs du Kurdistan" (PKK) illégal ont été déclarés un échec, le parlement a été dissous et de nouvelles élections ont été convoquées. Le camp gouvernemental a qualifié le Parti démocratique populaire pro-kurde, qui avait servi de médiateur dans les négociations du gouvernement avec le PKK, de mandataire du PKK terroriste et a déclaré ses politiciens comme terroristes. L'annonce actuelle de l'interdiction du parti n'a donc pas été une surprise.

Implications

Il est peu probable que les électeurs kurdes, en particulier, considèrent cette annonce comme légitime. Ils l'interpréteront sans doute comme le signe que leurs élus sont pénalement responsables, même s'ils ne recourent pas à la violence mais soutiennent la démocratie. Le risque est grand que les Kurdes aient encore moins le sentiment d'appartenir à la Turquie et que certains d'entre eux se tournent à nouveau vers des mesures radicales. Cela pourrait toucher le secteur social, l'économie et avoir des répercussions politiques. L'Occident utilisera instantanément la situation pour faire pression sur les dirigeants de la Turquie. Il est évident que les exigences des États-Unis et de l'Union européenne ne porteront pas uniquement sur la question de la participation politique des Kurdes dans le pays. Washington et Bruxelles tenteront également de regrouper leurs intérêts géopolitiques, notamment les relations avec la Russie et l'activité de la Turquie au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et dans le Caucase du Sud.

 

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mardi, 29 juin 2021

Le néolibéralisme et le "piège de l'oméga"

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Le néolibéralisme et le "piège de l'oméga"

par Pierluigi Fagan

Source : Pierluigi Fagan & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/neo-liberalismo-e-trappola-dell-omega

Le concept de "piège oméga" est dû à un physicien-climatologue allemand, H. J. Schellnhuber, qui décrit le piège mental par lequel on devient convaincu que lorsque les choses ne fonctionnent plus comme d'habitude ou comme prévu, l'image du monde qui reflétait ce "comme d'habitude" ou "comme prévu" nous ordonne de faire ce qui était fait auparavant, mais avec plus de force, plus radicalement, plus largement et plus intensément.

L'aphorisme "La folie consiste à faire la même chose encore et encore en s'attendant à des résultats différents" a été attribué à différents esprits aphoristiques supposés prolifiques, à savoir A. Einstein, B. Franklin et M. Franklin. Einstein, B. Franklin et M. Twain, saisissent le mécanisme sous un autre angle.

L'idéologie néo-libérale dénonce sa dette envers le "comme d'habitude" précisément en utilisant un préfixe actualisant "neo", à apposer avant le "comme d'habitude" du libéralisme de longue date. Au niveau de l'histoire des idées, il est toujours difficile de dater, puisqu'il est possible de remonter jusqu'aux premières formes d'une pensée encore immature et peu répandue, pour arriver à sa pleine force, qui reste cependant débitrice de cette origine bien antérieure. Dans notre cas néo-libéral, nous pouvons donc remonter à l'école autrichienne des années 20 et 30, jusqu'à la société du Mont Pelerin des années 40 et 50, mais sans doute le dévoilement de l'idéologie dans ses ambitions de guider la vérité a eu lieu dans les années 70 avec un double prix Nobel. Il a d'abord été remis à F. von Hayek en 1974, puis à M. Friedman en 1976. Dans les années 1980, l'ambition devient réalité avec la séquence Thatcher-Reagan pour le début et le consensus de Washington (1989) pour l'affirmation finale. Il convient de noter que Hayek a reçu le prix à l'occasion de son 75e anniversaire, presque un prix de carrière, et on peut donc se demander : pourquoi si tard et pourquoi dans les années 1970 ?

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H. J. Schellnhuber.

Car c'est dans les années 1970 que l'économie occidentale (américaine et britannique en premier) a commencé à ne plus fonctionner "comme d'habitude". D'où la substance de cette version "néo" du libéralisme : imposer le système libéral mais avec plus de force, plus radicalement, plus largement et plus intensément.

Il convient ici de faire une distinction entre la forme et le contenu des idéologies. L'idéologie libérale, par exemple, est née dans l'Angleterre du XVIIe siècle, mais trouve son origine dans le libertinage français de la fin du XVIe siècle. Son contenu est évidemment l'esprit de liberté, l'affranchissement des dogmes, le pluralisme des connaissances alors limitées par des contraintes théologiques, la tolérance, le principe de réalité. Tel était son contenu lorsqu'il est né en défiant l'ordre précédent. Mais les contenus peuvent toujours être interprétés, et ainsi lorsque dans un passé récent elle s'est imposée dans la version fondamentaliste, n'exerçant donc plus la fonction de contestation mais d'ordre, la voici devenue dogmatique, orthodoxe, intolérante, s'éloignant de plus en plus du principe de réalité, s'empêchant d'appliquer avec toujours plus "d'obtusité" ses principes inébranlables. La parabole qui a conduit de Marx à Staline ou du Christ à l'Inquisition est la même.

Quand les idéologies naissent avec des intentions émancipatrices, elles ont certains effets, quand elles atteignent leur objectif naturel d'ordonner le pouvoir sur l'image du monde et ceci sur les manières d'agir, donc sur le tissu de la réalité, elles entrent dans le mode impératif. Lorsque les événements du contexte changent profondément et que la réalité éclate de toutes parts et donc hors du cadre ordonnateur attendu, ils se retrouvent dans le piège de l'oméga. Cette forme de sclérose des systèmes de pensée qui nie la réalité pour répéter de manière obsessionnelle sa formule de vérité qui, en tant que telle, ne peut être discutée, est l'Alzheimer des idéologies qui annonce la mort de tout le corps qu'elle voulait ordonner.

L'Inquisition annonce la fin de la société médiévale ordonnée par le théologique, le stalinisme annonce la fin du communisme réel, le néo-libéralisme annonce la fin de la société occidentale moderne (voir post-moderne) ordonnée par le marché. Le passage à l'ordre nouveau peut prendre des décennies, mais ce n'est que le temps nécessaire à l'"effacement" qui, historiquement, a sa propre irréversibilité. Cela peut consoler ceux qui vivent dans cette transition où se produisent les "phénomènes morbides les plus variés" de la mémoire gramscienne, bien que la consolation historique soit une valeur, vivre dans des temps de décadence oppressante et de faillite du sens commun, une autre.

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Poutine et Xi blindent leur Axe. Mais l'UE risque l'échec

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Poutine et Xi blindent leur Axe. Mais l'UE risque l'échec

Lorenzo Vita

Ex: https://it.insideover.com/politica/putin-e-xi-blindano-lasse-ma-per-lue-si-rischia-il-fallimento.html

Vladimir Poutine et Xi Jinping ont convenu de prolonger le traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération, espérant être les garants et le symbole d'un "nouveau type de relations internationales" à une époque de "changements turbulents". Xi a parlé de cet accord renouvelé comme d'"une pratique vivante pour construire un nouveau type de relations internationales" et que "peu importe le nombre d'obstacles à surmonter" car ce que nous vivons, selon le président chinois, est une période caractérisée par des "crises multiples". Ces propos ont également été partagés par M. Poutine, qui a souligné qu'il s'agit d'un "mécanisme de coordination bilatérale à plusieurs niveaux qui n'a pas d'équivalent dans la pratique mondiale". La Chine et la Russie, selon le président de la Fédération de Russie, peuvent jouer un rôle de "stabilisateurs" des différentes crises internationales.

La Chine et la Russie se rapprochent, alors. Encore une fois. Et c'est un message qui ne peut être sous-estimé, surtout s'il est inséré dans le contexte international délicat dans lequel l'accord est conclu. Surtout en termes de timing.

Après la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine, il semblait que l'Occident et Moscou commençaient enfin à se parler sans ériger de murs entre les deux blocs, mais le dernier geste de l'Union européenne, à savoir le rejet de l'accord franco-allemand sur un nouveau dialogue avec la Russie, a mis fin (pour l'instant) à la première timide saison de dégel de l'ère Biden. Une démarche qui n'a pas plu à Angela Merkel ni même à Emmanuel Macron, convaincus qu'il s'agissait du début de l'autonomie stratégique de l'Europe par rapport au monde et surtout de la confirmation du caractère toujours moteur de l'axe entre la France et l'Allemagne.

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Ce n'était pas le cas. L'Union européenne a montré une fois de plus qu'elle n'a aucune volonté particulière de parler d'une seule voix et de rouvrir le canal avec la Russie. Et tandis que l'Allemagne et la France nouent de nouvelles relations avec le Kremlin (notamment Berlin par le biais de Nord Stream 2), Poutine se tourne à nouveau vers l'Est, Xi Jinping renouant les fils de l'axe asiatique après que Biden ait clairement indiqué qu'il souhaitait parler au président russe comme un adversaire reconnu et non plus comme un partenaire secondaire dans cet immense système politique, militaire et économique. Un arrêt qui a mis dans le tiroir, pour le moment, les rêves d'un possible nouveau tournant dans le style de la "pratique de la mer" de la mémoire italienne.

Pour Poutine et Xi, le signal est double. Et pas nécessairement identiques pour cette raison. Du côté russe, le chef du Kremlin a voulu démontrer, après le sommet avec le leader de la Maison Blanche, qu'il n'est lié à aucun schéma idéologique. Poutine se sent libre de parler à l'Ouest et à l'Est et, s'il n'accepte pas d'être évincé de la tête d'une superpuissance, il ne peut certainement pas se montrer trop conciliant vis-à-vis des demandes américaines de détachement progressif de son voisin chinois. Et il est certain que le passage du navire britannique devant la Crimée ainsi que l'arrêt de l'initiative européenne d'un sommet avec Moscou ne peuvent être considérés comme des gestes d'ouverture envers la Fédération, qui peine déjà à trouver une véritable approche proactive vis-à-vis de l'Occident. En bref, l'impression est que Poutine a voulu faire comprendre, après ces incidents et surtout quelques heures avant le sommet du G20, que la Russie est un pays qui a une ligne stratégique claire et une politique étrangère qui ne se plie pas au duopole sino-américain.

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Du côté chinois, le signal est tout aussi clair. Xi doit faire comprendre aux États-Unis qu'il n'a pas subi de revers diplomatique ces derniers mois. Et si la nouvelle présidence américaine a organisé le sommet avec Poutine et réaffirmé l'unité du G7 et de l'OTAN précisément contre Pékin, le leader chinois peut tranquillement montrer qu'il a d'excellentes relations avec le Kremlin au point d'obtenir des accords d'une importance fondamentale et de pouvoir les définir comme des facteurs de stabilisation mondiale. Pékin lance donc un signal de dialogue avec Moscou mais aussi un avertissement à Washington, manifestant dans la réalité ce danger redouté par beaucoup, à savoir que l'orbite chinoise a désormais intégré la Russie et que Moscou est toujours plus orientée vers l'espace asiatique que vers l'espace européen. Un bloc géographiquement immense, dans lequel les capitaux et la technologie chinois se combinent à la force militaire et à la projection stratégique russes.

Pour les États-Unis, il est clair que ce renouvellement des accords de coopération est un signal d'alarme. Mais c'est surtout un signal d'alarme pour l'Europe qui, après l'échec de la première tentative de dialogue avec la Russie et après avoir confirmé son adhésion à la ligne anti-chinoise imposée par Washington, se retrouve aujourd'hui à avoir des problèmes avec Moscou et Pékin en même temps. Le flop de l'accord franco-allemand réitère le refroidissement des relations euro-russes qui rappelle la saison qui a définitivement éloigné Poutine de l'Occident. Si du point de vue des relations avec la Chine, même l'absence physique de Wang Yi pour le G20 (le ministre ne sera qu'en liaison vidéo) est un signe que quelque chose a changé dans les relations entre le Vieux Continent et l'ancien Empire du Milieu. L'UE risque d'avoir commis une nouvelle erreur sur la voie de l'autonomie stratégique. Et cet alignement russo-chinois sera fondamental non seulement en Asie, mais aussi en Afrique, véritable banc d'essai de l'Union européenne dans le monde.

Vers un soft totalitarisme ?  

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Vers un soft totalitarisme ?  

L’Américain Rod Dreher et le Québécois Mathieu Bock-Côté ont chacun publié un essai percutant sur nos dérives modernes (1). Confrontation de deux intellectuels à contre-courant de l’idéologie dominante.  

  • Mathieu Bock-Côté est sociologue, chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur, au Figaro notamment. Il a publié au Cerf Le multiculturalisme comme religion politique (2016) et L’empire du politiquement correct (2019).  
  • Rod Dreher est écrivain et journaliste, chroniqueur à The American Conservative, ancien collaborateur du New York Times. D’origine protestante, il s’est converti au catholicisme (1993) puis à l’orthodoxie (2006) et s’est fait connaître en France avec Le pari bénédictin (Artège, 2017).  

La Nef – Comment résumeriez-vous les principaux dangers qui menacent nos démocraties occidentales et jugez-vous qu’il existe un risque sérieux de dérive vers une forme de totalitarisme ?

Mathieu Bock-Côté – Quoi qu’en disent ceux qui ne veulent rien voir, le régime diversitaire impose partout un contrôle idéologique de plus en plus sévère des populations, comme s’il fallait transformer les sociétés occidentales en vaste camp de rééducation idéologique. Que l’on parle de la situation dans l’université, dans les médias ou dans l’entreprise privée, le wokisme se normalise et vire à l’inquisition. À travers lui, le politiquement correct se fanatise. Au cœur de cette dynamique idéologique, on trouve la diabolisation de celui qu’on appelle l’homme blanc qui doit s’agenouiller, s’autocritiquer et même s’autodétruire, pour que le monde renaisse, sous le signe de la révélation diversitaire. Toutes les sociétés occidentales seraient structurées autour de la suprématie blanche, et elles devraient s’y arracher. C’est ainsi seulement que le « racisme systémique » s’effondrera, ce qui exige toutefois une reconstruction intégrale de toutes les relations sociales et un contrôle permanent de la parole publique, pour éviter que des propos transgressant l’orthodoxie « inclusive » et diversitaire se fassent entendre. Les majorités historiques occidentales prennent le relais du Vendéen et du koulak dans l’histoire du bouc émissaire : elles sont traitées comme le bois mort de l’humanité.

Alors pour répondre à votre question, je crois, oui, que nous sommes devant une tentation totalitaire : la résistance des peuples est extrême-droitisée, la dissidence est assimilée à la haine, les lois pour combattre cette dernière sont de plus en plus coercitives, la phobisation de l’adversaire politique devient la norme, et à travers cela, on rêve de fabriquer un nouvel homme nouveau, reniant à jamais sa filiation occidentale pour renaître purgé de son passé. L’histoire s’accélère : l’inquisition woke représente le 1793 du régime diversitaire.

9780307518415.jpgRod Dreher – Nous sommes déjà dans ce que j’appelle un « soft totalitarisme ». Je l’appelle soft ou doux pour plusieurs raisons. Premièrement, comme il ne ressemble pas à la version soviétique, avec les goulags, il est plus difficile à détecter. Deuxièmement, il fait croire qu’il est plein de compassion envers les victimes. Pourtant, c’est toujours du totalitarisme ! Il y a vingt ans, René Girard l’a compris. Il disait : « Le processus actuel de démagogie spirituelle et de surenchère rhétorique a transformé le souci des victimes en un commandement totalitaire et une inquisition permanente. »

Un ordre totalitaire est un ordre dans lequel il n’y a qu’un seul point de vue politique acceptable, un ordre dans lequel toute la vie est politisée. Cet ordre est en train de conquérir les institutions de la vie dans l’Anglosphère à une vitesse stupéfiante. Ce qui est doux aujourd’hui va devenir dur.

Soljénitsyne a dit que le communisme a conquis la Russie parce que « les hommes ont oublié Dieu ». C’est vrai pour nous aussi, à notre époque et dans notre pays. Nous avons tourné le dos à Dieu et constatons qu’il est impossible de construire une civilisation vivifiante sans Lui. Michel Houellebecq est un grand diagnosticien du malaise fatal de l’Occident. Lorsque la dimension transcendante de la vie a été oubliée, ou qu’elle est niée, les gens tentent de combler le vide de Dieu en eux par le sexe, le shopping et l’hédonisme. Et lorsque cela ne fonctionne pas, ils se tournent vers une pseudo-religion politique.

Le livre de Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme (1951), étudie la façon dont l’Allemagne et la Russie sont tombées dans le totalitarisme. Tous les signes majeurs identifiés par Arendt sont présents aujourd’hui, en particulier notre profond sentiment d’atomisation sociale, notre amour de la transgression et notre mépris de la vérité.  

La nouvelle tyrannie s’exerce par une police de la pensée qui a acquis un pouvoir exorbitant : comment expliquez-vous cette emprise sur les esprits et tout particulièrement le fait qu’elle touche des sujets unanimement rejetés il y a encore peu (le nouveau « racialisme », le « mariage » entre personnes de même sexe, la GPA, l’euthanasie…) ?

Rod Dreher – L’éminent sociologue américain James Davison Hunter affirme que presque toutes les révolutions culturelles commencent par les élites, qui diffusent leurs idées à travers leurs réseaux puis jusqu’aux masses. Aux États-Unis, ce mode de pensée hautement idéologique a d’abord conquis les élites dans les universités. La plupart de leurs idées étaient si extrêmes qu’on ne s’inquiétait pas de leur propagation. Mais quand ces idées sont passées dans les médias, la propagande n’a plus jamais cessé.
Il y a six ans, les grandes entreprises se sont fortement impliquées dans la promotion de politiques culturelles progressistes – pro-LGBT, pro-Black Lives Matter, etc. –, peut-être pour empêcher la gauche de poser trop de questions sur leurs pratiques commerciales.

Aujourd’hui, ce que l’on appelle le « capitalisme woke » est peut-être, au sein de la société américaine, la force la plus efficace qui pousse vers ces folies progressistes. Le cœur du problème est que ses adeptes contrôlent désormais tous les points d’entrée de la classe moyenne et de la réussite professionnelle. C’est désormais l’idéologie de ceux qui veulent réussir professionnellement, et de la jeune génération fortement endoctrinée par les réseaux sociaux.

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Mathieu Bock-Côté – Je suis absolument d’accord avec Rod Dreher quant à la puissance révolutionnaire du capitalisme woke. Cela dit, vous me permettrez de faire un tri entre les sujets que vous évoquez et de ne pas les condamner ou accepter en bloc, mais je comprends le sens de votre question. Le propre du régime diversitaire est justement de normaliser les revendications issues des « minorités » et de pathologiser ce que l’on appelait encore récemment le sens commun, en le réduisant à un stock vieilli de préjugés et de stéréotypes. Il s’approprie la référence à la démocratie pour en inverser la signification : celle-ci se résume désormais à l’extension des droits des « minorités » et à la désubstantialisation du peuple historique. Il dispose de l’appareil administratif de l’État social, reconverti en État thérapeutique, pour modifier les comportements sociaux. Il suffit qu’un mouvement se réclamant des « minorités » formule une revendication pour qu’elle soit immédiatement traduite en droit fondamental auquel il devient dès lors scandaleux de s’opposer. Qui confesse la moindre réserve sera désigné à la vindicte publique, comme on l’a vu avec le sort réservé à J.K. Rowling, qui a eu le culot de rappeler qu’un homme n’est pas une femme, et de contester la transformation de la fluidité identitaire en nouvelle norme anthropologique des sociétés occidentales. Ce n’est pas sans raison que la théorie du genre prend autant de place dans notre vie publique : si on parvient à faire accepter à une société que l’homme et la femme n’existent pas et ne sont que des constructions sociales arbitraires, alors on peut tout lui faire accepter. Au cœur du régime diversitaire, on trouve un fantasme constructiviste, celui de la plasticité intégrale de l’ordre social. On le remarque aussi dans ce que l’on appelle l’écriture inclusive. Tout, tout, tout, doit être idéologisé.  

Toutes ces dérives qui réduisent progressivement nos libertés ne sont-elles pas dues, notamment, au fait que, comme des enfants trop gâtés par une longue période de prospérité sans épreuves majeures, les peuples occidentaux ont perdu l’amour de la liberté, on l’a vu avec la pandémie de Covid-19, la plupart préférant la « sécurité sanitaire » à leurs libertés ?

Rod Dreher – Je ne sais pas s’il est exact de dire que le problème est une perte de notre amour de la liberté. Je ne peux pas parler de la situation en France, qui a connu un verrouillage sanitaire beaucoup plus sévère qu’aux États-Unis. Mais en Amérique, j’ai vu quelque chose de différent pendant le Covid. Beaucoup de gens pensaient que toute tentative de contrainte était intolérable. L’idée de faire un sacrifice pour le bien commun leur semblait bizarre et offensante.

3379560-gf.jpgMon expérience des entretiens avec des dissidents chrétiens du bloc soviétique m’a permis de comprendre, qu’outre une foi solide, les deux choses absolument nécessaires pour résister à l’oppression sont la solidarité avec les autres et le consentement à la souffrance. Nous n’avons plus cela aujourd’hui. On a l’impression que l’Amérique s’effondre.

Je crois que les choses vont devenir plus claires avec les moins de quarante ans. Ils sont beaucoup plus anxieux que les générations précédentes. Beaucoup d’entre eux renonceront volontiers à leurs libertés politiques en échange d’une garantie de plaisir personnel et de sécurité. Ils n’accepteront pas seulement un totalitarisme mou, mais l’exigeront. Un professeur m’a raconté qu’il avait cessé d’enseigner le roman d’Aldous Huxley, Le meilleur des mondes (1932), parce qu’aucun de ses étudiants ne reconnaissait qu’il s’agissait d’une dystopie ; ils trouvaient tous que cela ressemblait à un paradis.

Mathieu Bock-Côté – L’essentiel est ailleurs, je crois. Nous sous-estimons l’effet du conditionnement idéologique des dernières décennies, qui a délégitimé toutes les normes communes et qui a sacralisé la posture victimaire. Je suis une victime de l’homme blanc donc je suis : c’est ainsi, désormais, qu’on accède à l’espace public.

Notre civilisation est hantée par le fantasme de sa propre annihilation, comme en témoigne aussi la névrose antispéciste.  

En Europe, l’immigration massive a importé un problème majeur avec un islam devenu majoritaire en certains quartiers et impossible à assimiler, sans parler de l’islamisme et de la terreur qu’il sème aveuglément : qu’en pensez-vous et estimez-vous que les dangers sont les mêmes en Amérique du Nord et en Europe ?

Mathieu Bock-Côté – Aucune société ne saurait être absolument indifférente à la population qui la compose : un peuple n’est pas qu’une abstraction juridique, administrative ou statistique. On aurait tort de sous-estimer l’effet de l’immigration massive qui vient déstructurer les équilibres culturels et démographiques des sociétés occidentales, d’autant qu’elle déborde largement leur capacité d’intégration. C’est vrai aussi en Amérique du Nord qui n’est toutefois pas un bloc homogène. Les États-Unis me semblent avoir pris le relais de l’URSS comme puissance révolutionnaire de notre temps et s’égarent aujourd’hui dans une obsession diversitaire qui les perdra. Ce pays me semble condamné à se perdre dans une spirale de violence régressive. Je le dis avec tristesse : j’aimais les États-Unis.

Le Canada est un non-pays, il a renié son histoire pour devenir le réceptacle de l’utopie diversitaire incarnée, le lieu du multiculturalisme radicalisé. En tant qu’État post-national revendiqué, il croit représenter la prochaine étape dans l’histoire de l’humanité. Qu’on me pardonne quelques mots sur la situation du peuple québécois, enclavé dans une fédération qui nie son existence, et qui l’accuse de suprémacisme ethnique chaque fois qu’il cherche à la rappeler. La question du Québec est indissociable de la vieille aspiration du peuple québécois à assumer sa « différence vitale » en Amérique, et à terme, à se constituer en État indépendant. Mais l’immigration massive condamne les Québécois francophones à devenir minoritaires dans leur propre pays – autrement dit, à devenir étrangers chez eux, car les populations issues de l’immigration se canadianisent et s’anglicisent bien davantage qu’elles ne se québécisent et se francisent. Nous assistons à l’effacement tranquille d’un peuple en son propre pays, où il est progressivement transformé en résidu folklorique. La question des petites nations, pour reprendre la catégorie forgée par Milan Kundera, nous rappelle une chose : il est important pour ce qu’on appellera un « peuple historique » de demeurer clairement majoritaire chez lui. C’est à cette condition qu’il parviendra à intégrer à sa culture des hommes et des femmes venues d’ailleurs.

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Rod Dreher – Je voudrais répondre à Mathieu à propos de la désintégration des États-Unis. Je vis à Budapest pour les mois d’été, dans le cadre d’une bourse d’études. Il est tout à fait étonnant pour moi de voir à quel point le suicide de l’Amérique apparaît clairement depuis l’Europe. Je ne suis pas surpris que nous, les Américains, soyons en train de détruire notre pays – c’est évident pour quiconque a un cerveau –, mais sortir des frontières des États-Unis permet de prendre conscience que c’est encore pire que ce que nous pensions. J’estime depuis quelques années que la meilleure façon de comprendre ce qui attend l’Amérique est de regarder l’histoire de la guerre civile espagnole. Les Américains possèdent beaucoup d’armes à feu, il m’est cependant impossible d’imaginer que nous aurons une véritable guerre civile. Mais je crois que l’État finira par imposer un système de crédit social pour contrôler la population, car c’est le seul moyen de contenir la violence des gens qui méprisent ce que leur font subir les idéologues au pouvoir.

Pour revenir à votre question, je crois que l’islam est avant tout un problème européen. En Amérique du Nord, les immigrants musulmans s’assimilent plus facilement. Il me semble que vous, Européens, ne pouvez pas faire face au problème parce que la gauche ne vous laisse pas en parler franchement. Que Dieu vous vienne en aide si ce virus culturel anglo-saxon de la théorie racialiste trouve un moyen d’infecter l’Europe, et mute en une forme pro-islamique. Il n’y aura aucune solution possible dans ce cas.
Nous voyons en Amérique que là où cette idéologie racialiste s’est imposée, le dialogue est totalement impossible ; tout devient une question de pouvoir. Je ne sais pas si une solution pacifique est même possible maintenant. C’est pourquoi je crois plus que jamais au « pari bénédictin » (2). Il n’y a pas d’échappatoire à ce qui vient, mais avec l’aide de Dieu, nous pouvons le supporter.  

Une démocratie purement procédurale comme les nôtres, émancipée de toute limite car ayant rejeté l’idée d’une vérité qui nous dépasse, ne peut que conduire à la tyrannie de la majorité ou plus précisément de minorités organisées pratiquant une sévère police de la pensée pour imposer ses vues « démocratiquement » : une démocratie sans Dieu, c’est-à-dire sans transcendance imposant des limites à la volonté humaine, est-elle viable ?

Mathieu Bock-Côté – En la matière, je suis un moderne : la démocratie moderne ne saurait se fonder sur l’hypothèse de Dieu, encore moins dans un monde où son existence ne va plus de soi. Ce qui ne veut pas dire, toutefois, qu’on puisse abolir la question de la transcendance. Mais la transcendance des modernes, c’est la culture, tout en sachant que nous côtoyons l’abîme, et que le monde peut se dérober sous nos pieds. De là l’importance de la transmission, d’assurer sa durée, en léguant le patrimoine de civilisation qui est le nôtre, tout en l’enrichissant. Qu’on me permette d’ajouter que la crise de la Covid nous a montré à quel point une existence ritualisée, artificialisée, était inhumaine. L’abandon des rituels funéraires lors de la pandémie nous conduisait au nom de la raison sanitaire au seuil de la barbarie. De même, il ne s’agit pas de renier le sacré, qui est consubstantiel à l’ordre politique et historique, et qui s’est investi dans la nation – ne parle-t-on pas de l’amour sacré de la patrie ?

Une chose est certaine : le contractualisme intégral de l’existence pousse à la dissolution du monde, dans la mesure où c’est la réalité elle-même qui doit se dissoudre sous le poids d’une subjectivité tyrannique, qui en vient à conclure à l’inexistence du monde. LOccident, dénoyauté existentiellement et réduit à une série de principes désincarnés, ne sait plus comment répondre devant l’islam, qu’il veut voir comme une préférence spirituelle parmi d’autres, et non plus comme une civilisation, non plus que devant l’immigration massive : il nous faut retrouver une philosophie politique permettant d’apercevoir et de ressaisir politiquement les permanences anthropologiques.

Rod Dreher – Il s’agit d’une question extrêmement importante. La réponse courte est non, ce n’est pas viable, pour la raison évoquée dans votre question. Je pense à la célèbre phrase de T.S. Eliot : « Si vous ne voulez pas de Dieu (et c’est un Dieu jaloux), vous devrez présenter vos respects à Hitler ou à Staline. » Peut-être que je manque de vision, mais je ne vois pas comment nous pouvons vivre en paix sans Dieu, sauf sous la tyrannie. La plupart d’entre nous voient clairement que le libéralisme est en train de mourir, car il a si bien réussi à « libérer » l’individu de Dieu, de la communauté et du passé. Personne ne peut vivre ainsi pour toujours. Mais qu’est-ce qui va le remplacer ? En Amérique du Nord, Mathieu et moi vivons dans des pays pluralistes. Si le libéralisme ne peut plus nous gouverner, alors quoi ? Aux États-Unis, il y a quelques intellectuels catholiques qui proposent une vision intégraliste, mais c’est un rêve utopique. Les catholiques sont une minorité en Amérique, et le nombre d’entre eux qui se soumettraient à un « État chrétien intégral » ne pourrait pas remplir un stade de baseball d’une petite ville. Ils cherchent une solution politique à un problème qui est, au fond, spirituel. Et ils ne sont pas les seuls. Tant à gauche qu’à droite, tout le monde recherche réellement Dieu, mais un Dieu compatible avec leurs conceptions individuelles et libérales qu’ils ne pourront trouver, ils créent donc un monde prêt à accepter l’Antéchrist.  

Débat animé par Christophe Geffroy (et traduit de l’américain pour les réponses de R. Dreher)  

(1) Rod Dreher, Résister au mensonge. Vivre en chrétiens dissidents, Artège, 2021, 230 pages, 18 €.
Mathieu Bock-Côté, La révolution racialiste et autres virus idéologiques, La Cité, 2021, 240 pages, 20 €.
Lire la recension de ces deux ouvrages dans La Nef n°336 Mai 2021, p. 34-35.
(2) Cf. Rod Dreher, Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus. Le pari bénédictin, Artège, 2017 (ndlr).  

© LA NEF n°337 Juin 2021  

https://lanef.net/2021/05/31/vers-un-soft-totalitarisme/

Bilan des élections régionales (Second Tour)

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Bilan des élections régionales (Second Tour)

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com/archive/2021/06/28/ne-sortez-pas-les-sortants-6324148.html

Désertion des urnes.

65% des électeurs français, soit près de deux électeurs sur trois, ont choisi l’abstention au second tour des élections régionales, à peine moins qu’au premier tour. Cette désertion en masse des urnes est la conséquence mécanique de plusieurs phénomènes : la lassitude générale face au discours politique d’une opinion usée par les mesures sanitaires prises depuis plus d’un an, une absence totale de campagne d’information du gouvernement concernant ces élections, le refus par le président du Sénat de les décaler à l’automne, la construction de grandes régions artificielles sans enracinement identitaire (à l’instar du « Grand Est » en lieu et place de la Lorraine, de l’Alsace et de la Champagne) par la réforme d’Hollande, et enfin une campagne terne où un discours consensuel mou a dominé, y compris au Rassemblement National.

Victoire des sortants dans un contexte de démobilisation générale.

Confortant les résultats du premier tour où droite et gauche étaient renforcées dans les régions qu’elles dirigeaient depuis 2015, la droite classique réalise des résultats importants dans trois régions : la Provence avec Renaud Muselier face au RN (57,3%), l’Auvergne-Rhône Alpes avec Laurent Wauquiez (55,18%) et les Hauts de France avec Xavier Bertrand (52,37%) des voix, ce dernier profitant de l’occasion pour rappeler aux électeurs ses velléités de candidat aux élections présidentielles.

Dans les autres régions, la droite sortante gagne avec une sécurité suffisante et confortable : Valérie Pécresse en Ile de France (45,92% contre 33,68% pour la coalition de la gauche et de la gauche radicale), Hervé Morin en Normandie (44,26%), Jean Rottner (40,3%) dans le Grand Est ou Christelle Morançais dans les Pays de la Loire (46,45%).

De la même façon, la gauche conserve ses régions à l’instar de la Nouvelle Aquitaine (Rousset, 39,51%) et connaît même un triomphe en Occitanie avec Carole Delga, réélue avec 57,78% des voix, face au candidat RN, Garraud, incapable de récupérer les voix de la droite, malgré le résultat désastreux de Pradié pour les LR (18,22% des voix).

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Désastre pour le Rassemblement National.

Les appels du RN à la mobilisation des électeurs susceptibles de voter en sa faveur n’ont pas obtenu de réponse. Les résultats confortent donc l’impression défavorables du premier tour, à l’exception de deux régions. Ou bien le RN régresse, victime d’un vote utile, comme en Ile de France où Jordan Bardella obtient seulement 10,79% des voix, ou encore dans l’Ouest, ou bien il stagne dans la plupart des régions, ou il progresse de manière infime, dans les Hauts de France par exemple où Sébastien Chenu obtient 25,6% des voix.

Dans le Grand Est, Laurent Jacobelli (ex-DLF) obtient 26,3% des voix contre 21% environ au premier tour, en récupérant une partie importante des électeurs de Florian Philippot (6,95% des voix au premier tour). Cette progression est donc artificielle.

Thierry Mariani en Provence espérait en revanche être élu. Les derniers sondages laissaient espérer un duel serré avec Renaud Muselier (LR), soutenu par tous les autres partis politiques et ayant bénéficié du retrait du candidat écologiste. Avec 42,7% des voix, Mariani est très loin du compte.

Le recentrage stratégique de Marine Le Pen dans le cadre de la stratégie de présidentialisation ourdie par son beau-frère Philippe Olivier a oublié les électeurs, considérés comme un dû. Ceux-ci au contraire ont manifesté leur incompréhension et leur désaccord en ne participant pas au vote pour un parti qui devient comme les autres. Les prises de position récentes de Marine Le Pen en faveur de la CEDH, pour donner des gages aux musulmans ou encore en faisant le procès en extrémisme d’Eric Zemmour, ont troublé son électorat dans un scrutin à faible enjeu.

Au soir de l’échec, aucune remise en question pourtant n’a eu lieu. Marine Le Pen s’est limitée à rappeler l’importance des élections présidentielles, la « mère des batailles » aux yeux de son père, pour éviter d’avoir à rendre des comptes sur sa campagne des élections régionales. Pour Philippe Olivier, chef d’orchestre de la stratégie présidentielle, il est hors de question de mettre en doute ce repositionnement au centre qui sera mené jusqu’à son terme.

Bilan des élections régionales.

Pour Emmanuel Macron comme pour Marine Le Pen, la stratégie de court terme sera de faire oublier ce fiasco électoral des deux partis attendus au second tour des élections présidentielles de 2022 selon tous les sondages. Leur erreur aura été notamment de vouloir nationaliser une élection à enjeux locaux.

Les sondages ont également démontré leur pertinence limitée, avec un RN clairement surévalué dans les sondages des deux tours des élections régionales, et peut-être dans les sondages relatifs aux élections présidentielle.

Enfin, Eric Zemmour apparaît désormais comme le seul candidat à droite capable de déstabiliser suffisamment Marine Le Pen pour prendre sa place au second tour ou en tout cas plomber la campagne de la candidate, celle-ci ayant annoncé sa décision très tôt, ce qui n’est pas forcément une stratégie habile. Ce n’est pas Nicolas Dupont-Aignan, dont les rares listes n’ont pas dépassé 2% des voix, qui pourra lui désormais lui disputer ce rôle.

Quant à la droite, elle va continuer de se déchirer entre différents candidats qui tous espèrent représenter LR aux élections, Bertrand et Pécresse en tête. Mais Wauquiez peut désormais se poser également la question.

Il ne faut pas transposer les résultats de ces élections régionales à un contexte présidentiel où l’abstention sera nécessairement beaucoup plus réduite, mais c’est en tout cas un indice. Les chances de victoire de Marine Le Pen au second tour des présidentielles face à Emmanuel Macron paraissent désormais très minces.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

dimanche, 27 juin 2021

La revue de presse de CD - 27 juin 2021

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La revue de presse de CD

27 juin 2021

AFRIQUE

Corruption au Mali : La justice, la police et les douanes en tête du classement de Mali-Mètre

Que pensent les Maliens de la gestion des affaires publiques ? C’est la question posée pour la 12ème fois dans cette édition du Mali-Mètre. A l’analyse du présent sondage, on note l’insatisfaction des Maliens dans plusieurs domaines.

Notamment au niveau de la justice, la police et les douanes.

La Dépêche du Mali

http://depechesdumali.com/economie/33999-corruption-au-ma...

BIOETHIQUE

PMA : Le Droit à l’oncle

Ses apôtres les plus convaincus, pour le moment, ne sont pas des États totalitaires, mais Google et les libertarians californiens. On ne voit pas du tout comment on pourrait avoir, dans les conditions actuelles, une PMA sans renforcer la poussée vers l’homme génétiquement augmenté et renforcer ultérieurement le pouvoir de ceux qui en détiennent les clefs. Mais ceux et celles qui ne pensent qu’à leur « droit à l’enfant » en sont tellement obsédés qu’ils jettent sans hésiter par-dessus bord tous leurs principes habituels. Certains féministes, surtout dans les années 1980-90 avaient dénoncé dans les techniques de reproduction une expropriation des corps des femmes par une technoscience de caractère masculine. Ont-elles été « invisibilisées » par les fanatiques de la PMA ?

Pièces et Main d’OEuvre

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&a...

FOOTBALL

À qui profite le foot ?

Transferts de joueurs d’un club à l’autre, paris aux sommes astronomiques, salaires indécents, milliards d’euros de droits télévisés : les revenus issus du « footbusiness » ne cessent de passionner. Pourtant ce jeu n’a pas toujours été aux mains de grandes multinationales.

Contrepoints

https://www.contrepoints.org/2021/06/19/317936-a-qui-prof...

GEOPOLITIQUE

ONU/Yemen : le courrier secret qui valide le permis de tuer de l’Arabie saoudite

La chaîne de Denis Robert, Blast, publie un document exclusif qui dévoile un épisode jusque-là secret : à l’été 2016, soucieuse que le conflit - dans lequel elle intervient à la tête d’une coalition - reste une guerre oubliée, la monarchie des Saoud a fait pression pour que le secrétaire général de l’ONU ferme les yeux sur les dizaines de milliers de morts civils, dont les enfants yéménites.

Blast-info

https://www.blast-info.fr/articles/2021/onu-yemen-le-cour...

2539206_medium.jpgLivre – L’Irak chiite parle persan

Théo Nencini, diplômé de Sciences Po Grenoble, fin connaisseur de l’Iran et persanophone, a écrit cet ouvrage au retour d’un séjour académique à l’université de Téhéran. Spécialiste des questions géopolitiques et sécuritaires au Moyen-Orient, il a été consultant en sûreté internationale. Cette triple expérience lui a permis de se poser les bonnes questions tout en inscrivant sa recherche sur le temps long, prisme indispensable pour décrypter les évènements d’aujourd’hui.

Conflits

https://www.revueconflits.com/livre-theo-nencini-l-irak-c...  

Ethiopie, Egypte, Soudan. Le Grand Barrage de la Renaissance

Le barrage de la Renaissance sera-t-il le barrage de la guerre ? Si ce barrage est vital pour assurer l’apport hydraulique dont l’Ethiopie a besoin, pour l’Egypte c’est un casus belli car celui-ci bloque l’approvisionnement en eau du Nil. La mise en route de celui-ci va-t-il provoquer une guerre de l’eau ? Entretien avec Mikail Barah, chargé du parcours Sciences Politiques et Relations Internationales de l’Université Saint Louis à Madrid ; directeur de l’Observatoire des Crises contemporaines ; auteur notamment de l’ouvrage L’eau, source de menaces ?

Conflits

https://www.revueconflits.com/egypte-ethiopie-eau-nil-mik...

MEDIAS

Mort des médias de grand chemin ? Une tribune de Modeste Schwartz

L Observatoire du journalisme nous permet cette semaine de pouvoir accéder exceptionnellement à un article de Modeste Schwartz paru dans la revue en ligne de Slobodan Despot, Antipresse, du 13 juin 2021, exclusivement réservé aux abonnés. Le thème : l’empire des médias de grand chemin est mort et déjà enterré. La presse papier n’intoxique plus qu’un dernier stock de retraités provinciaux ; quant aux médias « 2.0 », ils ne survivent que moyennant une orgie de subventions et ne sont, de fait, que des prostituées de l’oligarchie. Tableau du désastre,

OJIM

https://www.ojim.fr/mort-des-medias-de-grand-chemin-une-t...