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dimanche, 13 juin 2021

Carlos X. Blanco : "Le libéralisme, si bien revendiqué aujourd'hui par VOX ou le PP, est une honte pour l'Humanité"

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Carlos X. Blanco : "Le libéralisme, si bien revendiqué aujourd'hui par VOX ou le PP, est une honte pour l'Humanité"

Propos recueillis par Javier de la Calle

Ex: http://ramblalibre.com/2021/06/06/carlos-x-blanco-el-liberalismo-tan-reivindicado-hoy-vox-o-el-pp-es-una-verguenza-para-la-humanidad/

Carlos X. Blanco, docteur et professeur de philosophie, vient de présenter son dernier essai controversé intitulé El virus del liberalismo.  Il s'agit d'un travail corrosif et dévastateur contre une idéologie qui est devenue, de nos jours, l'un des plus grands dangers pour l'Humanité.

Pourquoi un livre contre le libéralisme ?

Parce que j'en ai assez de la pensée unique, hégémonique, qui domine les deux bancs, la droite et la gauche. Cette Pensée Unique change de costume, se maquille selon les occasions, mais elle signifie toujours la même chose : une agression contre les peuples, un asservissement progressif des classes productrices (notamment les ouvriers, les paysans, les indépendants, les petits et moyens patrons). Le libéralisme qui se niche dans les rangs de la droite est le même chien à col bleu, le même chien plein de gale et de rage que celui qui met un col rouge.

Nous devons commencer par condamner les crimes du libéralisme. Il est très aisé de le faire avec les crimes du communisme et du fascisme. Comme il est facile de battre les morts! Quand en Espagne le PSOE et Podemos veulent vaincre Franco au 21ème siècle, maintenant, quand presque plus personne ne se réclame du franquisme et qu'il n'y a plus de fusils " fascistes " pour s'opposer aux attaques de cette gauche courageuse, alors il faut parler d'une pseudo-gauche lunatique qui, économiquement et essentiellement, est libérale, même si elle porte une cravate rouge. Mais, symétriquement, lorsque la droite écrit à grands titres qu'Iglesias est un "communiste", ou que le grand danger de Sánchez est son idéologie néo-stalinienne ou marxiste, on ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer... C'est-à-dire qu'il s'avère que, au moins au niveau rhétorique et propagandiste, le communisme et le fascisme sont toujours des dangers ou des ennemis à abattre, mais pas le libéralisme.

Et je me demande comment il se fait que personne, sur les bancs des rouges et des bleus, ou des orange ou des violets, ne lance une condamnation des plus énergiques du libéralisme, cause de tant de misère et de mort ? Parce que le libéralisme se niche dans les deux camps, en apparence opposés.

Ce sous-produit intellectuel du monde anglo-saxon s'est d'abord épanoui dans les cortex cérébraux puritains à l'ère moderne. C'est précisément lorsque les tyrans les plus abjects de la chrétienté, les Anglais, ont pu liquider la résistance du peuple, de l'Église, de la petite noblesse rurale, que le génocide libéral a commencé. L'Empire espagnol a essayé de réveiller le monde catholique pour défendre les valeurs de la civilisation, et pour arrêter le génocide libéral, parce que, depuis l'Angleterre, a commencé -aux 16ème et 17ème siècles- un véritable génocide des pauvres et a démarré un plan de harcèlement à mort de notre Empire. Les paysans ont été expulsés de leurs terres, louées à la même famille depuis des siècles, expulsés à la pointe de l'épée et, plus tard, à la pointe des baïonnettes. Les rois et la haute noblesse utilisaient leur Parlement pour transformer les terres fertiles en terrains de chasse ou les friches en latifundia et ainsi générer violemment et artificiellement la nouvelle classe ouvrière qui n'aurait d'autre choix que d'affluer vers les banlieues pour mendier des emplois de pacotille dans l'industrie et la fabrication naissantes. Il s'agit d'un processus que Marx a appelé "Accumulation originelle", qui comprenait le génocide d'une grande partie de la nation irlandaise, ainsi que d'autres peuples des îles britanniques, et le début d'un esclavage encouragé par l'État de la perfide Albion lui-même. C'est un fait bien connu que dans les colonies britanniques, il y avait des esclaves blancs (irlandais, mais aussi venus d'ailleurs) moins chers et plus maltraités que les nombreux esclaves de couleur, des esclaves mal nourris forcés de s'hybrider avec des noirs, pour générer de la force de travail dans ces territoires. Le libéralisme a commencé de cette façon, si humainement...

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Le libéralisme, tant vanté aujourd'hui par notre droite, celle de VOX ou du PP, par exemple, est une honte pour l'Humanité. Il n'est en aucun cas synonyme de "démocratie", et notre maître en philosophie, Ortega, l'a souligné. Toute l'histoire des Britanniques au 19ème siècle est l'histoire d'un libéralisme sans démocratie, où l'État, avec toutes ses institutions - Couronne, armée, Parlement, etc. - est mis au service d'une logique purement économique du profit, qui l'emporte sur la foi, la moralité, la dignité humaine, le piétinement de la tradition ou toute autre valeur autrefois considérée comme suprême. Le problème est que, sans nommer si souvent le terme "libéralisme", mais en appliquant ses règles à la lettre, ces déchets idéologiques sont également très présents à gauche. Mon livre, récemment publié chez "Letras Inquietas", tente de mettre en garde contre ce virus.

Quelle serait votre définition du libéralisme ?

C'est une idéologie politique qui vise à imposer, par la force si nécessaire, mais aussi par la persuasion et le lavage de cerveau, la réification générale de toutes les entités du monde qui ne peuvent prendre une valeur d'échange, sous peine de dégradation pénale. Les entités qui ne peuvent et ne doivent pas être réifiées sont: la Terre (la nature, dont il faut prendre soin plutôt que de la valoriser économiquement), l'Homme (qui est un être fait à l'image et à la ressemblance de Dieu et dont le corps, l'âme et l'activité, qui inclut le Travail, sont des entités qui n'ont pas de prix, car leur valeur est infinie). La façon dont l'Homme et la Terre sont mutuellement liés, et créent des traditions, des cultures, des institutions naturelles, etc. sont également des barrières naturelles à la réification. Et la réification chez l'homme, c'est l'asservissement, sa transformation en marchandise. Le libéralisme vise à supprimer l'homme et la nature, car il s'agit d'une idéologie très semblable aux lunettes magiques: une fois qu'on les a chaussées, on ne voit plus que des marchandises ou des sources de profit.

En quoi le libéralisme est-il semblable à un virus ?

En ce sens qu'il s'agit d'une idéologie parasitaire, elle n'a pas de vie propre, peu importe le nombre de contes de bonne femme qu'on nous raconte sur les marchés autorégulateurs, les mains invisibles, comme celles d'Adam Smith, etc. Il s'agit d'une idéologie qui infecte de façon virale une société traditionnelle et la transforme de fond en comble, en quelques années, en dégradant les sources de solidarité entre les personnes, en détruisant les familles et les modes de production empreintes de dignité, en transformant en esclaves du capital des masses de personnes qui, il n'y a pas si longtemps, possédaient leurs propres modes de vie et leur propre manière subtile - longuement élaborée - de se rapporter à l'environnement, leurs propres manières de vivre de lui et avec lui. Le libéralisme ne crée pas sa propre et nouvelle culture, mais se nourrit des restes des civilisations précédentes, dont il suce le sang comme le font les vampires. Elle transforme en pseudomorphoses ce qui, il n'y a pas si longtemps, était des structures organiques, propres de sociétés saines et de civilisations grandioses. Par exemple, sur le cadavre de l'Espagne traditionnelle, les déstructurations du 19ème siècle ont aboli le passé rural issu de la Reconquête, où la milice, la foi et le travail de la terre s'entremêlaient. De même, la création d'une classe bourgeoise inepte, corrompue et vile à Madrid, résultat de dés-amortissements criminels, a ruiné l'héritage fondamental des anciennes classes nobles, des paysans libres et des congrégations religieuses, qui exerçaient un doux gouvernement paternel de la terre et des villages. Le latifundisme du sud de l'Espagne est plutôt un effet immédiat du libéralisme, et non du "féodalisme", et coïncide avec cette classe parasitaire anoblie, une caste de tyrolévites de la Cour de Madrid, qui ne pouvait guère s'entendre avec le paysan et le propriétaire terrien libres, ainsi qu'avec l'hidalgo rural, surtout du nord, qui n'avait pas besoin de faire de la lèche à Madrid. D'où les guerres carlistes.

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En théorie, le libéralisme est divisé en différentes familles (minarchistes, anarcho-capitalistes, néo-libéraux, etc.). Font-ils tous partie du problème ou peuvent-ils tous faire partie de la solution ?

C'est le même virus, qui subit des mutations. Et il ne faut jamais se fier à leurs proclamations anti-étatistes. Le libéralisme exige de posséder l'État, et son monopole de la violence, par le biais de l'appareil de répression et, maintenant de plus en plus, de l'appareil d'endoctrinement (qui est une répression au niveau cérébral) se démantèle, et il le fait dans les domaines où il doit laisser le champ libre à la spéculation, à la privatisation, à la réification. L'accumulation originelle des 16ème et 17ème siècles, qui a ouvert la voie au capitalisme et mis fin à l'ordre ancien, s'est exercée à partir du pouvoir fort d'un État absolutiste, aux ordres duquel se trouvaient les soldats, les juges, les policiers.....

Cela ressemble à ce que Marcelo Gullo nous explique à propos de l'insubordination fondatrice. Les puissances capitalistes dominantes (Angleterre, USA) prêchent toujours l'abolition des tarifs douaniers, la suppression des taxes, l'élimination du protectionnisme... mais ce sont les autres qui doivent l'appliquer ! Pas eux ! Les exportateurs de libéralisme sont des pays qui font très attention à ne pas être protectionnistes et interventionnistes dans leurs propres affaires. Il en va de même pour le rôle de l'État. Que l'État disparaisse en matière de couverture sociale... c'est bien, mais aussi que l'État se réserve sa fonction d'imposer le libéralisme, avec la loi du bâton si nécessaire. C'est ainsi que le libéralisme a toujours agi, avec ce double standard.

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En quoi le libéralisme a-t-il contribué à la destruction des valeurs européennes en général et des valeurs hispaniques en particulier ?

D'une manière absolue, implacable et féroce. L'Espagne, en particulier, était une possibilité en soi pour faire émerger une "autre modernité", avec la possibilité de passer d'une civilisation catholique éminemment rurale et guerrière à une chrétienté plus urbanisée, au développement technologique et à l'interconnexion de la planète (découverte du Nouveau Monde et tour du monde). Les valeurs de la dignité humaine, la condition humaine de créature rationnelle et libre, qui inclut la libre disposition de son travail et la propriété privée... tout cela aurait pu être défendu dans un empire agglutinant, comme l'empire hispanique, complémentaire du Saint Empire romain germanique. Mais avec le libéralisme est apparue la maladie: l'individualisme, où l'atome social est géré uniquement en termes d'argent. Tout s'achète, même la volonté, le corps des autres, l'amour et les idées...

Dans le cas particulier de l'Espagne, quel a été le rôle joué par le libéralisme dans l'imposition du Régime de 78 dont les effets ont été, en termes nationaux, économiques, sociaux et culturels, dévastateurs ?

Le libéralisme est organisé à l'échelle mondiale et dispose d'États gendarmes et d'organisations semi-secrètes qui surveillent les pays qui, sous quelque forme que ce soit, sortent du script, comme cela s'est produit avec l'Espagne du vieux Franco. La maison d'édition "Letras Inquietas" a publié et traduit des rapports de la CIA, récemment déclassifiés, qui illustrent bien cette situation. Le franquisme lui-même trahissait ses propres principes fondateurs et cédait au libéralisme international. Pour les États-Unis et le consortium mondial néolibéral, il ne suffisait pas qu'un État, comme l'État espagnol, défende la propriété privée et la libre entreprise, toujours en accord avec le bien commun et l'engagement social, et devienne un ennemi déclaré du communisme. Il fallait devenir une colonie de la finance mondiale, s'éloigner du protectionnisme et que toutes sortes de capitaux étrangers deviennent maîtres du pays. Aujourd'hui, le libéralisme mondial ne s'intéresse même plus à l'Espagne en tant qu'entité unie: la centrifugation qui a commencé avec les Bourbons et le déclin de la véritable monarchie hispanique, celle des Habsbourg, les véritables héritiers du trône de Pelayo, ne fait que s'accélérer. Nous sommes pratiquement une colonie, pas seulement de Bruxelles et de Washington. Nous sommes aussi une colonie de Rabat. Dès qu'un nouveau président du gouvernement espagnol est nommé, il lui parait nécessaire et impérieuxde se rendre à Rabat pour rendre hommage au trône chérifain et garantir le paiement de la taifa correspondante.

Après la chute du mur de Berlin et l'effondrement du communisme, est venue "la fin de l'histoire" prophétisée par Francis Fukuyama. Et pendant plusieurs décennies, il semblait que le libéralisme serait la seule idéologie. Cependant, une alternative et une opposition intellectuelle et politique à celle-ci a éclaté avec force sous divers noms et formes (illibéralisme, alt-right, populisme, identitarisme, etc.) .....

Attention, car pas mal de ces populismes et mouvements "ni de gauche ni de droite" sont encore profondément imprégnés d'idéologie anglo-saxonne, infectés par le virus du libéralisme, et vivent sous une colonisation mentale d'origine anglo-saxonne, qui avec un verbiage plus ou moins "patriotique" ou "identitaire", soutiennent l'existence de la cause même des maux, avec laquelle les maux persisteront: le monde comme marché, l'action des transnationales, le pouvoir des requins de la finance, des grandes entreprises technologiques, le rôle des USA comme gendarmes de l'"Occident" .... Ils veulent, par exemple, que les émigrants non européens ne viennent pas, parce qu'ils les considèrent comme non éduqués, inesthétiques, culturellement étrangers ou potentiellement criminels, mais au lieu de cela, ils promeuvent une ingénierie sociale contraire à la famille, à la natalité, au distributisme, à la vie paysanne... c'est-à-dire qu'ils ne font rien pour résoudre le désert démographique et la crise simultanée de la virilité et de la féminité européennes. Ils font partie du problème.

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Quelle est la relation entre le libéralisme et le nouvel ordre mondial mondialisé et multiculturel qui nous emporte ?

Ce NOM est le libéralisme lui-même, porté à son expression maximale, armé des nouveaux outils de contrôle social, en particulier de la cooptation et du kidnapping mental des enfants et des jeunes (accès généralisé à Internet pour les moins de 18 ans, distribution gratuite de pornographie et de réseaux sociaux aux enfants, africanisation musicale et, en général, esthétique, promesses d'un salaire à vie sans avoir à travailler, passage d'examens sans étude, obtention de diplômes académiques même si l'on ne passe pas les épreuves, manipulation de l'histoire et "formatage" du système de valeurs des "anciens" ..... ). Tout cela constitue les symptômes du libéralisme du 21ème siècle. C'est l'équivalent actuel de l'expulsion des villageois de leurs terres pour en faire des prolétaires d'usine ou des esclaves blancs dans les colonies anglaises... Mais maintenant ils ne veulent pas faire des prolétaires: ils veulent former une populace qui collabore à un remplacement ethnique de l'Europe, qui devient stérile, indolente et commercialisable.

Carlos X. Blanco : El virus del liberalismo : Un virus recorre el mundo. Letras Inquietas (mai 2021).

Pour commander l'ouvrage: https://www.amazon.es/El-virus-del-liberalismo-Inquietas/dp/B095NRTMQ8?__mk_es_ES=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=El+virus+del+liberalismo&qid=1622453687&s=books&sr=1-1&linkCode=ll1&tag=microprensa-21&linkId=20f64a211f56675edd586b6c86f739a6&language=es_ES&ref_=as_li_ss_tl

 

L'Institut Iliade et l'économie

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L'Institut Iliade et l'économie

Les penseurs économiques hétérodoxes

 
« Un marchand n’est nécessairement citoyen d’aucun pays en particulier. Il lui est, en grande partie indifférent en quel lieu il tienne son commerce. » Derrière cette citation datant de 1776, se cache Adam Smith, père de la théorie économique moderne. Malgré sa portée retentissante, l’œuvre de Smith, et celle de ses continuateurs, ne doit pas être prise pour parole d’Evangile. La théorie de cet économiste écossais, aujourd’hui omniprésente, met au pinacle l’homme égoïste et individualiste, dont les actions trouveraient leur sens au sein d’un marché autorégulateur et impersonnel. (...)
 

La place de l’économie dans la plus ancienne tradition européenne

 
 
Mythes et dieux de la troisième fonction : la place de l’économie dans la plus ancienne tradition européenne. Vidéo projetée lors du VIIIème colloque annuel de l'Institut Iliade, samedi 29 mai 2021. "Les mythes antiques ne sont pas seulement de belles histoires. Ils expriment une vision du monde, celle des peuples fondateurs de la civilisation européenne. Grecs et Latins, Celtes et Germains, Baltes et Slaves partagent des représentations communes, héritées de leurs ancêtres indo-européens. Pour tous ces peuples, l’ordre du monde s’articule autour de trois fonctions hiérarchiquement ordonnées, nécessaires à l’équilibre de l’univers et au bon fonctionnement de la société.
 
La première fonction renvoie à l’exercice de la souveraineté, la seconde à la pratique des vertus guerrières. La troisième fonction est le domaine de la production et de la reproduction, de la richesse et de la volupté, de l’abondance et de la paix. Subordonnée aux deux premières fonctions, elle forme avec elles un ensemble harmonieux, et joue un rôle central dans le destin de nos peuples. Les multiples dieux et déesses de la troisième fonction président à la fertilité de la terre et à la clémence des éléments, à l’abondance du bétail et à la fécondité des couples humains, aux travaux des artisans et aux échanges commerciaux. Ils protègent les foyers et sont garants de l’opulence des royaumes.
 
Les Grecs honorent Déméter, déesse des moissons, image de la terre nourricière. Ils érigent dans leurs maisons des autels à Hestia, déesse du foyer domestique. Ils rendent un culte à Hermès, gardien des routes et des carrefours, dieu des voyageurs et des commerçants. Ils vénèrent Aphrodite, déesse de l’amour, amante de Dionysos, dieu de la vigne et du vin. Ils invoquent la protection des Dioscures, jumeaux divins qui veillent sur les marins dans les situations désespérées. Ils connaissent la puissance de Poséidon, maître des océans, ou celle d’Héphaïstos, forgeron des dieux. Des figures du même ordre apparaissent dans toutes les mythologies européennes. Chez les Romains, ce sont Vénus, Bacchus, Cérès, Neptune ou Quirinus, dont le temple se dresse sur la colline du Quirinal. Chez les Celtes, c’est la déesse bienfaitrice Dana, figure primordiale du peuple sacré des Tuatha Dé Danann. Chez les Slaves, Vélès est le dieu du bétail et de la richesse, le protecteur des marchands et des paysans ; sa statue est décorée chaque année d’une barbe faite d’épis de blés.
 
Chez les Germains du Nord, Freyr, fils de Njord et ancêtre des premiers rois d’Upsal, assure la prospérité de la Suède. Mais les divinités de la troisième fonction possèdent également un côté plus sombre : souvent liées à la terre, elles le sont également au monde des morts. Les forces naturelles qui leur sont attachées peuvent apporter aux hommes le bonheur, mais aussi le désastre lorsqu’elles se déchainent de manière incontrôlée. Poséidon sème la mort en provoquant des tremblements de terre. Dionysos est le dieu de l’ivresse et de la fureur. Hermès, dieu des voleurs, conduit les âmes aux enfers. Car la troisième fonction, comme tout ce qui touche au domaine de l’élémentaire, doit demeurer sous le contrôle de divinités souveraines, garantes de la mesure et de l’ordre naturel. Dans le vieux poème nordique de la Voluspá, les dieux tentent en vain de brûler à trois reprises la magicienne Gullveig, dont le nom signifie « ivresse de l’or ». Cet épisode déclenche la première guerre du monde, opposant les dieux des deux premières fonctions à ceux de la troisième. Les deux camps se réconcilient finalement, fondant un nouvel ordre où chaque camp trouve sa place, sous l’égide d’Odin, incarnation de la fonction souveraine. Telle est la grande leçon de la sagesse antique : pour que l’ordre l’emporte sur le chaos, l’être doit prendre le pas sur l’avoir ; l’économie doit remplir sa fonction, mais demeurer subordonnée au politique."
 
Henri LEVAVASSEUR
 

Sciences économiques ou économie politique ? Politique d’abord !

 
Introduction au VIIIème colloque annuel de l'Institut Iliade, samedi 29 mai 2021, par Jean-Yves Le Gallou.
Texte de l'intervention à retrouver ici : https://institut-iliade.com/sciences-...
 

« Capitalisme moderne et société de marché » : un nouvel essai éclairant de Guillaume Travers

 
Au-delà de Marx, Guillaume Travers nous incite, avec René Guénon, Werner Sombart, Julius Evola ou Charles Péguy, à penser la modernité capitaliste comme une régression spirituelle autant que comme un équarrissoir des peuples et de leurs traditions. Il importe de réenchanter le monde. Galvanisant !
 
A retrouver dans la boutique Iliade : https://boutique.institut-iliade.com/...
 

Les nouvelles formes du travail : aliénation ou libération ?

 
 
Intervention de Philippe Schleiter, prononcée lors du VIIIème colloque annuel de l'Institut Iliade, samedi 29 mai 2021.
 
 

La revue de presse de CD - 13 juin 2021

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La revue de presse de CD

13 juin 2021

DESINFORMATION

La sécurité nationale comme prétexte pour limiter la liberté d’expression

La création d’une agence nationale de lutte contre les manipulations de l’information en provenance de l’étranger, en vue, notamment, de la présidentielle 2022 représente un énorme danger pour la liberté d’expression politique en France.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2021/06/08/399120-la-securit...

« L’Espagne pourrait devenir la Hongrie de la Méditerranée ». Entretien avec Jónatham Moriche

Jónatham Moriche est écrivain, analyste politique, et un observateur avisé des gauches espagnoles. Il commente les conséquences du scrutin du 4 mai aux élections régionales de Madrid.

Le Vent se Lève

https://lvsl.fr/lespagne-pourrait-devenir-la-hongrie-de-l...

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ESPIONNAGE

Européens espionnés par la NSA : « Dans l’univers numérisé, la notion d’allié n’existe pas »

Pour Nicolas Arpagian, de l’École de guerre économique (EGE), spécialiste de la cybersécurité (1), les affaires avérées d’écoutes massives de dirigeants européens par la NSA entre 2012 et 2014 n’ont pas permis de mettre un terme à cette pratique. Les Européens sont moins naïfs, mieux équipés, mais toujours très divisés.

La Croix.com

https://www.la-croix.com/Monde/Europeens-espionnes-NSA-lu...

FRANCE

Instruction en famille : l’acharnement contre la liberté éducative continue

Le choix de l’instruction en famille est un choix éducatif légitime. Comme tous les autres choix parentaux, il appartient aux parents.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2021/06/04/398915-instructio...

Absentéisme à l’Assemblée nationale et inflation législative : deux plaies démocratiques

L’absentéisme au sein de l’Assemblée nationale ainsi que l’inflation législative sont deux phénomènes majeurs et regrettables.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2021/06/04/398951-absenteism...

Notre chaîne pénale est-elle en voie d'obsolescence ? 

Ces dernières semaines, le pouvoir judiciaire était l’objet de critiques souvent légitimes. L’appareil répressif submergé et inefficace, ainsi que l’idéologie sous-jacente, amènent à un changement de modèle profond. Par Béatrice Brugère, magistrate.

Front Populaire.fr

https://frontpopulaire.fr/o/Content/co535870/notre-chaine...

Pass sanitaire, ou comment s’asseoir sur l’éthique

Le gouvernement a fini par réussir à imposer le pass sanitaire. En transformant le passeport vaccinal en pass sanitaire, moins fermé, il tient formellement parole sur la non-obligation vaccinale. Pour cela il intègre d’emblée la guérison naturelle de l’infection et la possibilité d’un test négatif. Grâce à cela, il court-circuite le débat sur l’éthique de la vaccination de masse que le pass implique, et il essaie d’éviter de braquer ceux qui ne veulent pas être vaccinés.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2021/06/10/399296-pass-sanit...

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GEOPOLITIQUE

Mare Nostrum

Les nouveaux rois de Thulé, je veux dire les ministres des Affaires étrangères des huit pays membres du Conseil de l’Arctique, viennent de se réunir à Reykjavik. Ils y ont rendu publique le 20 mai une déclaration commune qui juxtapose des lieux communs et des autocongratulations qui ne changeront pas l’avenir de la planète, de l’humanité ni des ours polaires. L’Arctique ne passionnait sans doute pas grand monde il y a dix jours et la réunion avait surtout pour intérêt de permettre à MM. Blinken et Lavrov de préparer une rencontre entre MM. Biden et Poutine. Tels des joueurs de go déposant leurs premières pierres, l’un a affirmé que l’Arctique est « une zone d’influence légitime », l’autre qu’il faut « éviter une militarisation de l’Arctique ».

Geopragma

https://geopragma.fr/mare-nostrum/

MEDIA

Julian Assange. Portrait d’un combattant de la liberté d’information

Avant Edward Snowden, avant Bradley Manning, il y avait Julian Assange. Ancien informaticien et hacker, fondateur de la plateforme WikiLeaks, Julian Assange s’est attiré les foudres du gouvernement américain lorsqu’il a mis en lumière les dessous de la guerre d’Irak. En 2010, il fait fuiter près de 400 000 documents classifiés de l’armée américaine, portant sur le conflit qui a débuté en mars 2003. Tortures, crimes de guerre, massacres sont révélés au grand public. L’épée de Damoclès de la demande d’extradition américaine pèse sur l’activiste, à la santé désormais précaire, alors qu’il est incarcéré dans une prison de haute sécurité britannique depuis 2019, au grand dam de ses nombreux soutiens à travers le monde. Portrait.

OJIM

https://www.ojim.fr/portraits/julian-assange-master-hacke...

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RUSSIE

Bélarus : marches de l’Europe ou glacis soviétique ?

La confusion est trop souvent faite lorsque l’on évoque le Bélarus qui reprit son nom en 1991 après 70 ans de République Populaire de Biélorussie, renommée ainsi par les Soviets en 1919 après son invasion par l’Armée rouge. Car le Bélarus n’est pas une « Russie blanche », pâle plaine dont Minsk, la millénaire et magnifique capitale sur l’axe Varsovie-Moscou ne présente aujourd’hui qu’un monotone air soviétique après avoir été rasée à 80% durant la seconde guerre-mondiale.

Geopragma.fr

https://geopragma.fr/belarus-marches-de-leurope-ou-glacis...

TOTALITARISME

Comment Ayn Rand a anticipé la « cancel culture »

Une des œuvres de fiction les moins connues d’Ayn Rand décrit un phénomène brûlant d’actualité. L’origine du « grand reset » cher aux réunions de Davos.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2021/06/05/378007-comment-ay...

Günther Anders et Hanna Arendt – Notre Bibliothèque Verte

Une réflexion commune autour de la « banalité du mal » désigne l’absence de pensée qui est en effet la chose du monde la mieux partagée. A quoi bon penser puisque nous sommes les machins d’une Machine bionique intelligente, qui, grâce aux big data et aux algorithmes, le fait tellement mieux que nous. La Mère Machine totale et inclusive qui intègre le vivant et le non-vivant sur un pied d’égalité, au-delà de ces dualismes binaires qui font tant souffrir les ennemis de toute discrimination.

Pièces et main d’œuvre

https://chimpanzesdufutur.wordpress.com/2021/06/02/gunthe...

Ne jamais oublier Tienanmen

Partout dans le monde, la Chine fait pression pour effacer Tienanmen des mémoires. Et la tentation est grande en face pour se plier aux désirs du nouveau géant asiatique.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2021/06/07/399129-ne-jamais-...

samedi, 12 juin 2021

Enjeux sécuritaires européens et reconfiguration du système international

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Institut Européen des Relations Internationales:
 

Enjeux sécuritaires européens et reconfiguration du système international

Problèmes régionaux et "balance" mondiale

Irnerio SEMINATORE

Texte conçu en vue de sa présentation à la 9ème Conférence Internationale sur la Sécurité à Moscou, 21-24 juin 2021, organisée par le Ministère de la Défense de la Fédération de Russie

ABSTRACT

Ce texte examine les relations de sécurité entre système planétaire et sous-système régional européen, à la lumière de la réorganisation de l'ordre mondial et du risque d'un conflit inter-étatique de haute intensité.

Il y décèle l'émergence d'un globalisme multipolaire, différent, par essence, de la « gouvernance mondiale renforcée ». Suite au déclin d'Hégémon et à l'apparition de nouveaux paradigmes structurants, il met en évidence les changements intervenus dans l'échiquier stratégique mondial, à l’ère de l'asymétrie et des risques non conventionnels. La crise de légitimité des régimes politiques, l'antinomie des alliances, les conflits hybrides et les mouvements stratégiques en cours, poussent l'auteur à formuler une interrogation, d'ordre historique, sur la conjoncture présente. Sommes nous en présence d'une « alternative hégémonique » ou d'une « Révolution systémique » ? Le texte donne ici un aperçu des répercussions théoriques de ce questionnement.

MOTS-CLES

Système, conjoncture, multipolarité, globalisme multipolaire, gouvernance mondiale, asymétrie, conflits hybrides, hégémonie, légitimité, révolution Systémique.

TABLE DES MATIÈRES

Conflit inter-étatique de haute intensité, théâtre européen élargi et réorganisation de l'ordre mondial

Multipolarisme et globalisme mutipolaire. Un ordre sans le « tabou » de la paix

La sécurité et la priorité du « global » sur le régional

L'espace planétaire et ses dynamiques

Mouvements stratégiques et antinomies d'alliances en Eurasie

La délégitimation de l'UE

Changements de l'échiquier stratégique mondial et émergence de nouveaux paradigmes structurants

Incertitudes stratégiques

Le « déclin d'Hégémon ». Alternance hégémonique ou « révolution systémique » ?

Conflit inter-étatique de haute intensité, théâtre européen élargi et réorganisation de l'ordre mondial

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Le chef d'état-major des armées françaises, Général F. Lecointre, après avoir rappelé que « le risque de conflit va s’accroître d'ici à 2030 » (Le Figaro du 22-23 mai 2021), a conclu son jugement sur la conjoncture stratégique actuelle par la formule « Nous allons vers une réorganisation de l'ordre du monde ». L'examen de ce procès est tout autant de nature politique que stratégique, et vise l'aspect régional et global de la sécurité, par une vue d'ensemble de la conjoncture, « car le cours des relations internationales reste suprêmement historique : en toutes les acceptions de ce terme » (R.Aron). A ce propos et sur le plan politique, par tous les changements incessants, le théâtre européen élargi (par l'inclusion des crises en chaîne, allant des zones contestées de l'Europe orientale au Moyen Orient et donc des Pays Baltes, Bélarus et Ukraine au Golfe et à l'Iran, en passant par la Syrie et par la confrontation israëlo-palestinienne), peut-devenir soudainement l'activateur d'un conflit inter-étatique de haute intensité. Cette hypothèse n'est pas nulle et nous pousse à la conjecture que la clé, déterminante et finale, de l'antagonisme régional en Europe, dont l'enjeu est la suprématie d'un État sur le continent par le contrôle de sa zone d'influence est, aux yeux des occidentaux, la répétition par la Russie des aventures des grands États du passé (Espagne, France et Allemagne). La conclusion d'une pareille aventure se situerait dans la bordure continentale et maritime de l'Eurasie et dans la stratégie du Rimland du monde. Autrement dit, à la frontière indécise entre les problèmes régionaux irrésolus, en Europe ou ailleurs, et les équilibres stratégiques de la « Balance of Power » mondiale, pivotant désormais sur le système asiatique, devenu central. Ainsi, l'actuelle progression vers une guerre générale repropose aux décideurs le dilemme classique, hégémonie ou équilibre des forces, comme dans les guerres du passé. Or, suite à la constitution d'un système asiatique autonome autour de la Chine, comme centre de gravité mondial, la victoire finale, dans un affrontement général, pourrait échapper à la coalition des puissances maritimes, le Rimland, par l'impossibilité d'une conquête ou reconquête de l'Eurasie de la part de l'Amérique et de ses forces coalisées et vassales. Au sein de la triade, Russie, États-Unis et Chine les deux plans d'analyse, régional et planétaire, présentent des interdépendances conflictuelles majeures et caractérisent cette conjoncture comme de révolution systémique, plus encore que de transition hégémonique.

Par le biais de la sécurité régionale nous percevons clairement que se met en place une autre organisation de l'ordre du monde et que cet ordre se structure autour d'une compétition sans nuances entre Chine et États-Unis, dans laquelle chaque pays est obligé de choisir son camp, y compris la Russie, qui perdrait son rôle traditionnel d'équilibre. En Europe de l'Ouest, dépourvue d'unité et d'identité politique et militaire, la confrontation apparaît d'abord comme politique et colporte une déstabilisation des régimes au pouvoir et des formes de sociétés, au cœur desquels s'affrontent des héritages ethniques et culturels antinomiques. Depuis 1945 et le processus de décolonisation l'Europe a perdu la force et la confiance en elle même, qu'elle a remplacé par le règne de la morale et de la loi, aggravé par l'égarement de ses intérêts et de son rôle. Par ailleurs, déshéritée par le Saint Esprit de la Realpolitik, la constipation bureaucratique qui lui a succédée,lui a interdit initiatives et risques, faisant d'une médiocrité souveraine, la reine de toutes les batailles. Quant aux aspects géopolitiques et stratégiques, la crise des démocraties occidentales engendre deux tentatives contradictoires, l'exigence de compenser les faiblesses internes de l'autorité et de l’État, marquées par le terrorisme et par l'ennemi islamique et la subordination accrue à l'alliance atlantique, l'Otan. La recherche européenne d'une autonomie politique et d'une indépendance stratégique, assurant un équilibre géopolitique entre l'Est et l'Ouest, résulte de la tentative d'échapper aux contraintes de sécurité mondiale et d'une crise asiatique majeure, sous peine, pour l'Europe, de disparaître totalement et de perdre sa marge résiduelle de liberté d'action vis à vis de la Russie et de la Chine.

Dans une pareille situation, la Chine, puissance extérieure à l'Europe, mais dominante en Eurasie, serait bénéficiaire d'une lutte à mort entre l'Occident et la Russie et marquerait la prééminence finale sur le monde connu.

Multipolarisme et globalisme mutipolaire. Un ordre sans le « tabou » de la paix

La multiplication des crises et la résurgence de puissances déstabilisatrices pousse au constat que la période qui s'ouvre n'est plus à l’intégration ou à la coopération régionales, qui ont caractérisé les priorités des décennies de non-guerre et de multilatéralisme, successives au deuxième conflit mondial, mais à une phase de réorganisation des rapports de force et de légitimité, au niveau du système international. Une phase qui sera marquée par un multipolarisme systémique, un resserrement des alliances militaires et une affirmation des intérêts nationaux, intégrés à une autre conception du globalisme et des partenariats, plus sécuritaires qu'économiques. Dans cet aboutissement d'une politique authentiquement planétaire, naîtra un globalisme multipolaire, de rupture, d'interdiction, de chantage et de sanctions, où l'action militaire sera davantage inclue dans les règlements régionaux et globaux et définira, encore une fois, la nouvelle réorganisation de l'ordre mondial, plus prospectif et plus stratégique. La dialectique historique n’exclura pas le « tabou de la paix », mais se fondera davantage sur les conceptions de la compétition et de la lutte, qui domineront, en perspective, tous les secteurs d'activités et tous les champs d'action (espace sousmarin, éso-atmosphérique, webb, cyber, énergétique démographique, environnemental et sanitaire).

La sécurité et la priorité du « global » sur le régional

Les formes politiques, dans lesquelles s'expriment les incompatibilités sont constituées par le modèle démocratique de gouvernement à l'Ouest et le modèle autocratique à l'Est. Ainsi les moyens de lutte pour saper les fondements adverses du pouvoir et de l'action nationale, recouvrent tous les domaines du numérique et de l'influence (désinformation et lutte informationnelle, recours à des stratégies hybrides, liberté de manœuvre dans l'espace des communications, pandémies et capacités de perturbations, de combat et de destruction des moyens adverses).

Le domaine du conflit, surtout dans l'espace sécuritaire européen s'enrichit de jour en jour d'un fossé grandissant entre les élites et le peuple, les régimes d'antan et les revendications de pluralisme des sociétés ouvertes.

Ce conflit repose sur des visions du monde antinomiques et demeure un aspect de la rivalité géopolitique, non seulement entre les acteurs majeurs de la Triade (Chine, États-Unis et Russie), mais aussi à l'intérieur des nations qui constituent la constellation diplomatique de chacun d'eux, assumant très clairement des couleurs politiques, raciales et religieuses. En leur sein les aspects politiques et laïques se parent de nationalismes et les aspects confessionnels d'islamisme et de terrorisme. L'adhésion verbale à des conceptions uniques de l'organisation politique s'appelle universalisme, multilatéralisme et sécurité collective et leur coexistence avec les réalités des nations et des empires du vieux monde historique, s'entremêlent à l'hétérogénéité des États qui coexistent dans un espace planétaire unique et conflictuel.

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L'espace planétaire et ses dynamiques

Le système international actuel, qui inclut le système inter-étatique, la société mondiale et la globalisation des économies, se caractérise par une triple dynamique, de fragmentation, de polarisation et de confrontation et cette dernière se traduit en une reconfiguration des alliances militaires, face aux risques de conflit entre la Chine, les États-Unis et la Russie, confrontés au piège de Thucydide (G. Allison).

Ces risques appartiennent à l'ordre historique et instaurent une politique ambivalente, de rivalité-partenariat et d'antagonisme. Il s'agit d' une politique qui a pour enjeu le contrôle de l'Eurasie et de l'espace océanique indo-pacifique, articulant les deux stratégies complémentaires du Hearthland (1) et du Rimland (2).

Les rivalités, qui secouent aujourd'hui plusieurs régions du monde ont forcé l'Est et l'Ouest à resserrer leurs alliances militaires et à s'interroger sur un nouveau projet de sécurité en Europe.

Cependant toute tentative de définir un ordre régional quelconque, ne peut être conçue que dans la perspective d'un ordre global et dans la recherche de formes d' équilibre et de stabilité à caractère planétaire.

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C'est par référence à la triangulation géopolitique et stratégique de la Russie, des États-Unis et de la Chine, et en subordre, de l'Asie centrale, de l'Inde et du Japon, que doit être comprise la liberté de manœuvre des puissances régionales en Europe, au Moyen Orient, au Golfe et en Iran et c'est là que se situe l'une des clés de la stratégie générale des grandes puissances.

Mouvements stratégiques et antinomies d'alliances en Eurasie

Dans tout système international, le déclin de l'acteur hégémonique se signale par un resserrement des alliances militaires. A ce sujet dans la conjoncture actuelle, deux mouvements stratégiques rivaux s'esquissent au niveau planétaire :

- un rapprochement sino-russe, assurant l'autonomie stratégique du Hearthland, en cas de conflit et promouvant, en temps de paix, la coopération intercontinentale en matière de grandes infrastructures, (ex.projet OBOR /One Belt, One Road)

- la stratégie du « containement » des puissances continentales par les puissances maritimes du « Rimland » (Amérique, Japon, Australie, Inde, Europe etc), comme ceinture péninsulaire extérieure à l'Eurasie

Rappelons que les deux camps sont en rivalité déclarée et leurs buts stratégiques opposés.

En effet, le couple sino-russe est défini « concurrent stratégique », ou « concurrent systémique » (notamment par l'UE) et refuse de se soumettre à l'ordre international issu de la deuxième guerre mondiale et dessiné par les États-Unis.

La délégitimation de l'UE

L'aggravation de la crise économique mondiale, le processus de délégitimation de l'Union
Européenne et l'absence d'un dessein en politique étrangère, rendu plus difficile par la sortie de la Grande-Bretagne et par la gestion des flux migratoires, ont mis en évidence le déclin des régimes démocratiques à l'Ouest, contrastant avec la stabilité des formes autocratiques de pouvoir en Eurasie et provoquant un tournant « populiste » des opinions et la « révolution culturelle » de Trump.

Les perspectives d'école américaine (2017-2025) ont prévu l'affirmation d'une ère d'inter-actions transatlantique trans-eurasiennes et transpacifiques fortes, caractérisées par un équilibrage serré de « puissances relatives ». Il en résultera un nivellement du pouvoir international et un réalignement politique et stratégique général, par des rapprochements capacitaires significatifs.

Changements de l'échiquier stratégique mondial et émergence de nouveaux paradigmes structurants

Le conflit ukrainien, qui a abouti au « Coup d'État de Maïdan » (février 2014), au « retour de la Crimée » à la Russie et au conflit séparatiste concomitant de l'Est del'Ukraine (Donetsk, Lougansk), a visé à saper l'influence de la Russie dans l'espace post-soviétique et à propager la conception de l'élargissement de la démocratie.

L'ensemble des dynamiques mentionnées permet de brosser une esquisse de prospective stratégique, mettant en valeur les caractéristiques générales de la conjoncture. Les éléments retenus interfèrent entre eux et affectent le système dans son ensemble, par leurs répercussions d'ordre général.

Ils concernent :

*les incertitudes des nouvelles « coalitions multipolaires » dans un contexte de bipolarisme sous-jacent (Chine-USA)

*le système de sécurité ou de défense collectives, qui échappe en large partie aux organes existants (ONU, OTAN, autres...) et aux instances de gouvernance actuelles (G7, G20), et cela en raison des variations de la « mix security »

*les combinaisons croisées de la « Balance of Power », pratiquées par les puissances traditionnelles et de la « Balance of Threats » par les puissances montantes (comme mélange de menaces et de vulnérabilités)

*la démocratisation du fait balistico-nucléaire (ADM) et la généralisation multiforme de nuisances et de terrorisme (Iran, Corée du Nord,...)

*la dominance offensive de la cyber-guerre et des guerres spatiales, qui induit une modification du rapport de force entre attaquants et défenseurs (avec une prime à l'attaquant)

*l'asymétrie, les guerres hybrides et les conflits non maîtrisées.

Ainsi les institutions universelles, de débat et de prévention, comme foyers de médiation, d'élaboration de règles ou de leurs contestations (ONU, etc), sont reléguées à des missions de sécurité collective et à la gestion mineure des tensions.

La distribution des alliances s'effectue en fonction d'un choix systémique, qui discrimine, comme toujours, entre puissances de « status quo » et puissances perturbatrices, puissances terrestres et puissances thalassocratiques.

Incertitudes stratégiques

Au niveau des nouvelles incertitudes et des nouveaux défis, l'Europe aura des difficultés à établir une connexion entre la diplomatie multilatéraliste, pratiquée jusqu'ici et la diplomatie multipolariste dominante dans la scène planétaire. Le multipolarisme s'affirme comme tendance à la régularité classique des regroupements politiques dans l'organisation des relations internationales et la compréhension de cette évolution exige, aux vues de la puissance dominante du système (les États-Unis), de faire recours à deux grandes interrogations :

- Quelle stratégie adopter vis à vis d'une grande coalition eurasienne et anti-hégémonique, Russie-Chine- Iran ?

- Quelles hypothèses de conflits ouverts entre pôles et quels scénarios de belligérance entre pôles continentaux et pôles insulaires ?

Le « déclin d'Hégémon ». Alternance hégémonique ou « révolution systémique » ?

La question qui émerge du débat sur le rôle des États-Unis, dans la conjoncture actuelle, en Europe et dans le monde, est de savoir si la « stabilité hégémonique » (R.Gilpin), qui a été assurée pendant soixante dix ans par l'Amérique, est en train de disparaître, entraînant le déclin d'Hégémon et de la civilisation occidentale, ou si nous sommes confrontés à une alternance hégémonique et à un monde post-impérial. La transition de la fin de la guerre froide au système unipolaire à intégration hiérarchique incomplète s'est précisé comme une évolution vers un pouvoir partagé et un leadership relatif.

La transition nouvelle (celle de la nouvelle guerre froide), se manifeste comme :

- l'incapacité d'Hégémon d'imposer un ordre planétaire contraignant et comme lente décomposition du moment américain (déclin progressif de l'unipolarisme capacitaire et de l'unilatéralisme décisionnel).

20110314_400.jpgCela se traduit:

- par le passage de la « global dominance » de la période unipolaire au « global leadership », qui définit une série d'équilibres de réseaux et une fonction d'arbitrage que la puissance dominante (USA) exerce au sein de ses équilibres de réseaux

En ce sens, le « leadership global » des États-Unis, face a la Russie et à la Chine, dispose d'un large éventail d'options, lui permettant de faire recours à une panoplie des moyens politiques plus différenciés :

*un réseau mondial inégalé d’alliances militaires; des partenariats stratégiques de choix, à l’extrémité Ouest du Heartland (Europe), ou dans la jonction intercontinentale du plateau turque et sur la façade littorale de Moyen Orient (Israël), ainsi qu'une constellation insulaire et péninsulaire des « pays pivots » tout au long du Rimland (Japon, Inde, Golfe)

*un multilatéralisme institutionnel et informel, alternatif et de convenance.

L'interrogation qui s'accompagne à ce déclin et à la transition vers un système multipolaire articulé , est également centrale et peut être formulée ainsi : « Quelle forme prendra-t-elle cette transition ? »

La forme, déjà connue, d'une série de conflits en chaîne, selon le modèle de Raymond Aron, calqué sur le XXème siècle, ou la forme plus profonde, d'un changement tragique de la civilisation, de l'idée de société et de la figure de l'homme, selon le modèle des « révolutions systémiques », de Stausz-Hupé, embrassant l'univers des relations socio-politiques du monde occidental et couvrant les grandes aires de civilisations connues ? Or, derrière l' obscure clarté des hypothèses, il apparaît évident que cette transition ne marquera pas un accord sur des principes de légitimité, pouvant assurer la stabilité du monde, comme au Congrès de Vienne en 1815, mais la concordance fatale d'un partage du monde ou de la guerre pour sa prééminence, impériale et séculaire, comme dans la guerre du Péloponnèse ; concordance inexorable, inhérente à la dimension contingente de l'histoire humaine.

Bruxelles le 29 mai 2021

(Texte révisé le 7 juin 2021)

1. Heartland, « le pivot géographique de l'histoire », 1904, Halford MacKinder

2. Rimland, la bordure maritime de l'Eurasie, ou « inner crescent », concept géostratégique de Nicholas Johan Spykmann

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

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Raymond Aron, Dimensions de la Conscience Historique et en particulier , la destruction du système européen, cycles historiques et originalité de la conjoncture, conjoncture mondiale

Raymond Aron Penser la guerre, Clausewitz, (Tome 1 l'âge européen) - (Tome 2 L'âge planétaire) Ed.Gallimard 1976

Raymond Aron, Etudes poltiques Ed.Gallimard 1972

Raymond Aron, Mémoires, Cinquante ans de refléxion politique, Ed. Julliard, 1983

Thérèse Delpech, La dissuasion nucléaire au XXIème siècle Ed. Odile Jacob Septembre 2013

Carl Clausewitz, De la Guerre, Ed. De Minuit 1956

Halford John Mackinder, The Geographical Pivot of History, B. McCahill (Editor), 2016(first published 1904)

Nicholas John Spykman, America's Strategy in World Politics: The United States and the Balance of Power,New York: Harcourt, Brace and Company 1942

Graham Allison, Vers la Guerre. L'Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide? Ed. Odile Jacob, 2019

Luigi Bonanate, Il sistema delle relazioni nternazionali Ed. Giulio Einaudi, Torino, 1976,

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R. N. Rosencrance, Bipolarity, Multipolarity, and the Future, réédité in Journal of Conflict Resolution, sept.1966

James Rosenau, Toward the study of National International Linkages, in Linkages Politics, Macmillan Publishing Co, 1969

Kenneth Waltz, Theory of International Politics (Hedley Bull, Herbert Butterfield et Kenneth Waltz)

Henry Kissinger, Diplomacy Ed. Fayard, 1997

Henry Kissinger, L'ordre du monde, Ed. Fayard, 2014

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Robert Gilpin, War and Change in World Politics - Cambridge University Press, March 2010

Niccolo' Machiavelli, Il Principe ou De Principatibus Ed Feltrinelli 1991

Irnerio Seminatore, L'Europe et le système international, Ed L'Harmattan, 2011

Général Lecointre, Interview Le Figaro, Publié le 21 mai 2021

Robert Strausz-Hupé, Geopolitics: The Struggle for Space and Power (1942)

Robert Strausz-Hupé, The Balance of Tomorrow: Power and Foreign Policy in the United States (1945)

Robert Strausz-Hupé, International Relations (1950)

Thucydide, La guerre du Péloponnèse Ed. Les belles lettres, 1972

La promesse chinoise de soutenir pleinement la Syrie : une nouvelle ère géopolitique?

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La promesse chinoise de soutenir pleinement la Syrie : une nouvelle ère géopolitique?

Par Andrew Korybko

Source Oriental Review

La promesse envoyée par télégramme par le président Xi de soutenir pleinement la Syrie à l’issue de ses dernières élections pourrait ouvrir une nouvelle ère géopolitique si sa rhétorique présage d’une nouvelle réalité au sein de laquelle la République Populaire assiste son homologue arabe quant à perfectionner son exercice d’équilibrage difficile entre plusieurs puissances.

L’exercice d’équilibrage syrien

La Syrie s’est fait engluer dans un dilemme géopolitique depuis déjà plusieurs années : elle subit des pressions à la fois de la part de puissances amicales et hostiles pour lui faire mettre en œuvre des réformes politiques, dans le cadre de son difficile processus de paix. Ces pressions ont pris plusieurs formes : d’une part le « projet de constitution » écrit par la Russie, qui constituait une forme plus douce de pression visant à encourager aux compromis mutuels entre toutes les parties légitimes du conflit ; d’autre part, les tentatives bien plus agressives menées par les États-Unis pour forcer Damas à des concessions politiques unilatérales. Prise entre ces deux parties rivales, qui en substance poussent vers un résultat structurel très similaire, la Syrie les a subtilement détournées en renforçant sur tout le spectre ses relations avec l’Iran, afin d’améliorer sa position stratégique, et ainsi de se donner plus de temps avant qu’une possible percée puisse se produire.

Les risques iraniens

Mais le vecteur iranien de la grande stratégie syrienne n’est pas sans poser ses propres défis, car la Russie comme les États-Unis préféreraient, chacun pour ses propres raisons, que les forces militaires de la République islamique quittent la République arabe, en dépit du fait que c’est bien Damas qui les a invitées à opérer sur son sol. La Russie envisage un retrait progressif, honorable et préparé en plusieurs phases de l’Iran hors de Syrie, et considère qu’un tel retrait fournirait l’impulsion pour une suite plus grande d’accords diplomatiques visant à sécuriser une paix sur le long terme en Asie occidentale. De leur côté les États-Unis sont toujours simplement opposés par principe à l’expansion de l’influence de l’Iran dans la région. Les deux Grandes Puissances sont également alliées avec « Israël« , chacune à sa manière ; ce dernier pays considère la présence militaire iranienne dans la Syrie voisine comme une grave menace à sa sécurité nationale. Néanmoins, la Syrie a maintenu sa loyauté envers l’Iran et a refusé de demander son départ, malgré des bombardements « israéliens » pratiqués par centaines au fil des années.

Lectures sur le contexte

Le contexte sous-jacent est bien plus complexe que ce que nous avons pu décrire ci-avant, mais le lecteur intrépide peut se mettre au fait des analyses passées du même auteur au sujet de ces dynamiques compliquées s’il souhaite en apprendre davantage au sujet des détails et dynamiques particuliers :

En résumé, la Syrie semblait destinée à mettre en œuvre de manière inévitable une forme de concession politique visant à la décentralisation, tout en demandant à l’Iran de mettre en place un retrait militaire, honorable et préparé, hors du pays, si elle escomptait la moindre chance de voir les États-Unis lever leurs sanctions unilatérales, et pouvoir ainsi enfin se reconstruire.

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Le remodeleur chinois

Toutes ces remarques ont été pertinentes des années durant, mais pourraient se retrouver dépassées, si les dernières sorties rhétoriques de la Chine présagent d’une nouvelle réalité. Le président Xi a promis, dans le télégramme qu’il a envoyé à son homologue syrien à l’issue des dernières élections, que la République Populaire « allait accorder toute l’assistance possible… pour revitaliser l’économie du pays et améliorer la vie de la population », entre autres choses telles que l’aide pour la Covid-19 et l’amélioration des relations bilatérales. Un tel scénario était déjà en cours d’apparition, mais sa probabilité a été fortement accrue au cours des six derniers mois, comme l’indiquaient les récentes analyses publiées par le même auteur :

En bref, le partenariat stratégique sino-iranien conclu pour une durée de 25 années permet à la République Populaire de se connecter à la République islamique au travers du Pakistan, en étendant vers l’Ouest le CPEC, projet amiral des Nouvelles Routes de la Soie, suivant la vision W-CPEC+. Le couloir émergent pourra alors s’étendre davantage à l’Ouest jusque la Syrie. En outre, l’influence iranienne profondément implantée et la confiance absolue que ses représentants ont pour leurs homologues syriens peut ouvrir des portes importantes pour la Chine en Syrie. Le résultat final est que Damas pourrait s’abstraire d’avoir à souscrire à des compromis si l’assistance de Pékin au travers des Routes de la Soie permet de reconstruire le pays de manière fiable.

Conséquences stratégiques

Jusqu’à présent, la Russie semblait avoir pris pour acquis le fait que la Chine n’investirait pas de manière sérieuse en Syrie dans un avenir proche, du fait de la situation politico-militaire irrésolue qui est celle du pays, et qui pourrait mettre en péril ses projets des Routes de la Soie. Néanmoins, la République Populaire semble avoir interprété la conclusion réussie des dernières élections syriennes comme un message fort au monde, laissant paraître le fait que tout revient enfin en ordre dans la République Populaire, du moins suffisamment pour que la Chine puisse considérer y investir de manière plus étendue. Si cela se déroulait comme prévu, l’influence russe en Syrie connaîtrait un relatif déclin, car Damas n’aurait aucune raison d’accepter les compromis auxquels Moscou l’a gentiment encouragée au cours des quelques années passées, dont celui concernant le retrait dans l’honneur mais préparé de l’Iran hors du pays.

Les calculs de la Russie

L’exercice d’équilibrage régional de la Russie pourrait par conséquent devenir moins bien dosé si la Russie n’est plus en mesure de jouer sur les grands accords diplomatiques qu’elle a projetés et sans doute à tout le moins laissé connaître à ses nouveaux partenaires, tels « Israël » et la Turquie. En outre, la position économique dominante qui était celle de la Russie en Syrie pourrait prochainement se voir défiée du fait de la « compétition amicale » désormais pratiquée par la Chine sur ce terrain. La Syrie a évidemment tout à gagner à faire jouer l’une contre l’autre ces deux Grandes Puissances, dans un processus d’enchères au meilleur accord de reconstruction possible. Mais la Russie pourrait souffrir en silence d’avoir à perdre l’un de ses leviers d’influence les plus puissants sur le pays. La Russie peut toujours faciliter de manière indirecte les opérations de bombardement pratiquées par « Israël » contre l’Iran pour réduire l’influence de ce pays en Syrie, mais elle ne peut rien faire pour contrer la Chine. Cette observation suggère que la politique pratiquée par le Kremlin en Syrie pourrait prochainement changer.

Du « Monopole » à l’arrangement »

La « culture stratégique » de la Russie présente une tradition séculaire d’influence sur les décideurs pour « monopoliser » les régions étrangères dans lesquelles ils opèrent, ce qui permet à Moscou de devenir la puissance indéniablement dominante sur ces lieux. Cela a commencé à changer au moment de la fin de la première guerre froide, surtout dans les régions sur lesquelles la Russie avait bénéficié de l’emprise la plus forte. La marche vers l’Est de l’OTAN a vu la Russie « s’accommoder » à reculons du bloc militaire en Europe centrale et orientale, cependant que l’expansion des Routes de la Soie vers l’Asie centrale ont vu la Grande Puissance eurasiatique en faire autant avec son principal partenaire stratégique. Par suite de la guerre du Karabakh l’an dernier, la Russie s’est vue contrainte de « s’accommoder » de la présence turque dans le Sud-Caucase, et désormais, par suite du télégramme envoyé par le président Xi, de la présence chinoise en Syrie, le joyau de la couronne de la grande stratégie de Moscou pour le Moyen-Orient.

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La nouvelle réalité

La principale tendance est que la Russie s’adapte de manière souple à l’ordre mondial multipolaire en cours d’émergence, y compris dans le contexte mouvant de la guerre mondiale de la Covid, qui a débouché sur une transition d’un modèle de « monopolisation » à son nouveau modèle d’« arrangement ». Dans le cas syrien, Cela amènera sans doute la Russie à diminuer certaines des « pressions amicales » qu’elle avait jusqu’alors pratiquées sur Damas pour que celle-ci mît en œuvre les compromis projetés par la Russie, dont la demande à faire à l’Iran de pratique un retrait militaire hors de Syrie. La Grande Puissance eurasiatique pourrait bientôt réaliser que la Syrie pourrait tout bonnement la remplacer par la Chine à la place de partenaire stratégique préféré de la République arabe, étant donné que Moscou va rester militairement présente dans le pays comme préalablement convenu, mais ne sera pas récompensée économiquement par l’attribution de contrats de reconstructions bénéficiaires si elle ne « s’arrange » pas des intérêts de Damas en lien avec ce point.

Conclusion

Pourvu que la Chine honore la promesse formulée par le président Xi, et que l’Iran n’ait pas déjà conclu un accord secret avec les États-Unis pour pratiquer un retrait progressif hors de Syrie, dans le cadre d’un plus vaste compromis au sujet de son programme nucléaire (scénario qui paraît peu plausible et deviendrait sans doute impossible si les principalistes/conservateurs remportent les élections à venir en ce mois de juin), les probabilités sont très fortes pour que le jeu géopolitique vienne soudainement d’avoir changé en Syrie. Les relations russo-syriennes resteront excellentes, mais leur nature exacte pourrait quelque peu changer si Damas joue avec davantage de confiance la carte chinoise pour protéger ses intérêts politiques et militaires en lien avec son refus de mettre en œuvre divers compromis, ainsi que la demande de retrait honorable et progressif de l’Iran hors de Syrie. Les États-Unis ne seront sans doute pas satisfaits d’un tel développement, mais ils ne pourront rien faire concrètement pour inverser cette tendance.

Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Note du Saker Francophone:

On pourra ajouter sur la liste des échecs de l'empire étasunien unipolaire, 
non seulement son incapacité à renverser le gouvernement d'un pays de dimension
assez moyenne, mais en prime le fait que la guerre hybride déclenchée par les
agences CIA, NED, etc débouche en fin de compte sur l'implantation chinoise
dans le pays. Les dents n'ont pas fini de grincer à Washington.

Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

vendredi, 11 juin 2021

La langue de l'Empire

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La langue de l'Empire

Jordi Garriga

Le 7 mai, nous avons lu dans la presse que "la France interdit officiellement le langage inclusif dans les écoles". Le ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Jean-Michel Blanquer, a fait publier au Journal officiel de l'État une circulaire interdisant ce type de langage dans les écoles, car il "constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l'écrit".

Peu après, le 26 du même mois, le directeur de la Real Academia Española, Santiago Muñoz Machado, a déclaré, lors de sa participation au Forum de la justice du Barreau de Madrid, que "des termes tels que "otros, otras ou otres" défigurent notre langue de manière insoutenable". Et il a rappelé comment, l'année dernière, il a dû répondre à la vice-présidente espagnole elle-même, Carmen Calvo, qui a demandé à la RAE si la Constitution de 1978 était "sexiste" (sic) en désignant au masculin toutes les fonctions publiques... Eh non, illustre dame, la forme masculine dans la langue espagnole est inclusive en soi.

Depuis de nombreuses années, il y a toute une offensive pour réformer la langue espagnole et en général toutes les langues qui ont un genre: masculin, féminin et/ou neutre. Cela va de l'ancienne façon d'utiliser le @ comme s'il s'agissait d'une lettre "a" et "o" en même temps, à l'utilisation de la lettre "e" au pluriel, l'imprononçable "x" ou en passant directement à l'utilisation du pluriel au féminin, inversant complètement la langue.

Il est clair que les langues ne s'arrêtent jamais, sauf si elles meurent. Ils évoluent au cours de l'histoire en raison de multiples facteurs historiques, culturels, technologiques, sociaux, économiques, etc. L'espagnol que nous parlons aujourd'hui est différent de celui que nous parlions il y a des siècles, et même il n'y a pas tant d'années. La différence géographique a fait que les modalités de l'espagnol d'Amérique se distinguent facilement de celles de la péninsule ibérique.

Ainsi, cette offensive qui appelle à un usage "égalitaire et inclusif" de la langue espagnole, on voit bien qu'elle ne correspond à aucune revendication populaire. Il est plutôt utilisé par les élites culturelles et politiques qui œuvrent en faveur de la mondialisation. Il arrive souvent qu'à travers ce langage totalement artificiel, ils accusent ceux d'entre nous qui ne veulent ou ne doivent pas l'utiliser d'être "sexistes, arriérés" et tous les blablablas habituels. C'est ce qui doit nous mettre en garde et nous inciter à le rejeter avec force.

L'autoproclamé "langage inclusif" relève, il est vrai, d'un mouvement égalitaire, mais avec une égalité basée sur la colonisation culturelle. Elle vise à déformer l'espagnol, et d'autres langues, pour qu'elles finissent par avoir une structure simple, comme l'anglais, une néo-langue facile à apprendre et à utiliser, avec le moins de complications possible pour que personne ne se fatigue à trop réfléchir... Oui, il y a des années, un idiome artificiel, candidat à la langue universelle, était l'espéranto, mais il avait un sérieux problème: aucune puissance mondiale n'était derrière lui et il ne favorisait aucune stratégie impériale de domination.

L'objectif est d'accélérer la mondialisation, et pour cela la destruction des langues est fondamentale. Chaque langue n'est pas seulement une façon de parler, c'est une façon de penser, d'être au monde: derrière elle, il y a toute une histoire nationale, civilisatrice, enracinée, identitaire. Bref, un obstacle pour le "monde unique" de demain. Si l'espagnol et le français sont déformés, c'est pratiquement la même chose que s'ils avaient été détruits. Si leur grammaire et leur orthographe sont modifiées de manière aussi atroce, ils seront colonisés.

On pourrait objecter que l'anglais suffirait, mais la progression démographique et sociale de l'espagnol au cœur de l'Empire, soit les États-Unis d'Amérique, est imparable, étant déjà la deuxième langue la plus parlée dans pratiquement ses 50 États fédérés. Et que se passe-t-il avec cela ? Eh bien, il faut arracher l'âme de cette langue et la soumettre, c'est-à-dire l'anglo-saxoniser, si vous me permettez ce nouveau verbe. L'espagnol ne sera plus l'espagnol, mais un pseudo-anglais déformé de façon commode.

Utiliser un "langage inclusif", c'est utiliser le "langage de l'empire". Il est toujours bon de savoir comment les idéaux sont instrumentalisés pour des questions plus matérielles, comme la domination globale et mentale.

Les États-Unis prêchent des valeurs qu’ils violent ouvertement

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Les États-Unis prêchent des valeurs qu’ils violent ouvertement

par Glenn Greenwald

Comment pouvez-vous feindre la colère face aux attaques d’autrui contre la liberté de la presse alors que vous emprisonnez Assange pour le punir de ses révélations essentielles sur les responsables américains ?

Source : Glenn Greenwald
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken parle de l’importance du journalisme indépendant, le 6 mai 2021 (Radio Free Europe). Julian Assange arrive au tribunal de Westminster à Londres dans sa tentative de résister à l’extradition par l’administration Biden (Photo par Victoria Jones/PA Images via Getty Images)

Poursuivant sa tournée mondiale de conférences vertueuses, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a proclamé jeudi – dans un sermon qu’il faut entendre pour le croire – que peu de choses sont plus sacrées dans une démocratie que le « journalisme indépendant. » S’adressant à Radio Free Europe, Blinken a rendu hommage à la « Journée mondiale de la liberté de la presse. » Il a affirmé que « les États-Unis soutiennent fermement le journalisme indépendant. » Il a expliqué que « le fondement de tout système démocratique » implique de « demander des comptes aux dirigeants » et « d’informer les citoyens » ; et il a prévenu que « les pays qui refusent la liberté de la presse sont des pays qui n’ont pas une grande confiance en eux-mêmes ou en leurs systèmes. »

La cerise rhétorique sur le gâteau est venue lorsqu’il a posé cette question : « Pourquoi avoir peur d’informer le peuple et de demander des comptes aux dirigeants ? » Le secrétaire d’État a ensuite émis ce vœu : « Partout où le journalisme et la liberté de la presse sont remis en question, nous nous tiendrons aux côtés des journalistes et de cette liberté. » Comme je sais que je serais extrêmement sceptique si quelqu’un me disait que ces mots venaient de sortir de la bouche de Blinken, je vous présente ici le clip vidéo non édité d’une minute et cinquante-deux secondes où il dit exactement cela:

Le fait que le gouvernement Biden croit si fermement au caractère sacré du journalisme indépendant et se consacre à sa défense partout où il est menacé surprendrait beaucoup de monde. Parmi eux, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks et la personne responsable de la divulgation de plus de faits importants sur les actions de hauts fonctionnaires américains que pratiquement tous les journalistes américains employés par la presse mainstream réunis.

Actuellement, Assange se trouve dans une cellule de la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh parce que l’administration Biden tente non seulement de l’extrader pour qu’il soit jugé pour espionnage pour avoir publié des documents embarrassants pour le gouvernement américain et le parti démocrate, mais aussi parce qu’elle a fait appel de la décision rendue en janvier par un juge britannique rejetant cette demande d’extradition. L’administration Biden fait tout cela, note le New York Times, en dépit du fait que « les groupes de défense des droits de l’Homme et des libertés civiles avaient demandé [à l’administration] d’abandonner l’effort de poursuivre Assange, en faisant valoir que l’affaire… pourrait créer un précédent constituant une grave menace pour les libertés de la presse » – les libertés de la presse, exactement la valeur que Blinken vient juste de passer la semaine à célébrer et à promettre de défendre.

C’est le ministère de la justice [DOJ, Department of Justice, NdT] de Trump qui a porté ces accusations contre Assange après que le directeur de la CIA de l’époque, Mike Pompeo, a affirmé dans un discours de 2017 que WikiLeaks a longtemps « prétendu que les libertés du premier amendement de l’Amérique les protègent de la justice » puis a prévenu : « Ils ont pu le croire, mais ils ont tort. » Pompeo a ajouté – en invoquant la mentalité de tous les États qui persécutent et emprisonnent ceux qui les dénoncent efficacement – que « donner à [WikiLeaks] l’espace nécessaire pour nous écraser avec des secrets mal acquis est une perversion de ce que représente notre grande Constitution. Cela prend fin maintenant. »

Mais comme tant d’autres politiques de Trump concernant les libertés de la presse – qu’il s’agisse de défendre l’utilisation par le DOJ de Trump de mandats pour obtenir les relevés téléphoniques des journalistes, d’exiger qu’Edward Snowden soit maintenu en exil, ou de maintenir Reality Winner et Daniel Hale en prison – les hauts responsables de Biden sont depuis longtemps entièrement d’accord avec la persécution d’Assange. En effet, ils ont été à l’avant-garde des efforts visant à détruire les libertés fondamentales de la presse, non seulement pour WikiLeaks mais aussi pour les journalistes en général.

C’est Joe Biden qui a qualifié Assange de « terroriste de la haute technologie » en 2010. C’est l’administration Obama qui a réuni un grand jury pendant des années pour tenter de poursuivre Assange. C’est la sénatrice Dianne Feinstein (Démocrate de Californie) qui a insisté pour qu’Assange soit poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage, des années avant l’entrée en fonction de Trump. Et c’est la collègue de Blinken au sein de l’équipe de sécurité nationale d’Obama, Hillary Clinton, qui a félicité le DOJ pour les poursuites engagées contre Assange. Tout cela était destiné à punir les révélations d’Assange sur les méfaits endémiques du gouvernement américain et de ses alliés et gouvernements adverses dans le monde entier.

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The New York Times, 21 février 2021

Comment pouvez-vous parcourir le monde en feignant la colère face à la persécution de journalistes indépendants par d’autres pays alors que vous êtes un élément clé de l’administration qui fait plus que quiconque pour détruire l’un des journalistes indépendants les plus importants de ces dernières décennies ? En effet, comme de nombreux journalistes l’ont signalé à l’époque, peu d’administrations dans l’histoire des États-Unis, si tant est qu’il y en ait, sont plus hostiles aux libertés fondamentales de la presse que l’administration Obama dans laquelle Blinken a servi précédemment, notamment en poursuivant deux fois plus de sources journalistiques en vertu des lois sur l’espionnage que toutes les administrations précédentes réunies.

En 2013, alors que Blinken occupait un poste de haut niveau au Département d’État, le Comité pour la protection des journalistes a fait quelque chose de très rare – il a publié un rapport mettant en garde contre une épidémie d’atteintes à la liberté de la presse par le gouvernement américain – et a déclaré : « Dans le Washington de l’administration Obama, les responsables gouvernementaux ont de plus en plus peur de parler à la presse. » Jane Mayer, du New Yorker, a déclaré à propos des attaques de l’administration Obama contre la liberté de la presse : « C’est une énorme entrave à l’information, et donc le refroidissement n’est pas assez fort, c’est plutôt le gel de l’ensemble du processus. » James Goodale, avocat général du New York Times pendant la bataille menée par le journal dans les années 1970 pour publier les Pentagon Papers, a averti que « le président Obama dépassera certainement le président Richard Nixon en tant que pire président de tous les temps sur les questions de sécurité nationale et de liberté de la presse. »

Même « l’attaque contre la liberté de la presse » à laquelle Blinken fait référence dans cette interview vidéo – à savoir la récente demande de la Russie aux médias liés à des gouvernements étrangers, comme Radio Free Europe, de s’enregistrer en tant « qu’agents étrangers » auprès du gouvernement russe et de payer des amendes pour ne pas l’avoir fait – est une arme que Blinken et ses camarades utilisent contre d’autres depuis des années. En effet, la Russie répondait à la demande antérieure du gouvernement américain d’enregistrer RT et d’autres agences de presse russes en tant « qu’agents étrangers » aux États-Unis, ainsi qu’à l’escalade des attaques de l’administration Biden le mois dernier contre les agences de presse qui, selon elle, servent d’agents de propagande pour le Kremlin.

Ce n’est pas très nouveau pour les États-Unis de multiplier les conférences que le reste du monde reconnaît comme des farces complètes. En 2015, le président Obama se pavanait en Inde pour donner des conférences sur l’importance des droits de l’Homme, avant d’écourter son voyage pour s’envoler vers l’Arabie saoudite, où il a rejoint de nombreux hauts responsables du gouvernement américain pour rendre hommage au roi saoudien Abdallah, leur allié proche et hautement répressif de longue date, dont Obama a tant fait pour fortifier le régime totalitaire.

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Mais galoper à travers le monde en se faisant passer pour le champion de la liberté de la presse et des droits des journalistes indépendants, tout en travaillant à prolonger l’enfermement et la détention de l’une des personnes responsables de la plupart des révélations journalistiques les plus importantes de cette génération au-delà de la décennie qu’il a déjà endurée, est d’un tout autre niveau de tromperie. Le terme « hypocrisie » est insuffisant pour rendre compte du manque de sincérité qui se cache derrière la posture de Blinken.

Il est toujours facile – et peu coûteux – de condamner les violations des droits de l’Homme de ses ennemis. Il est beaucoup plus difficile – et plus significatif – de faire respecter ces principes pour ses propres dissidents. Blinken, comme tant d’autres qui l’ont précédé dans ce bureau de Foggy Bottom [quartier de Washington comportant de nombreux services du département d’Etat, NdT], excelle théâtralement dans le premier cas et échoue lamentablement dans le second.

Source : Glenn Greenwald, 09-05-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Source: https://www.les-crises.fr/blinken-preche-des-valeurs-que-son-administration-viole-ouvertement-par-glenn-greenwald/

 

18:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, julian assange | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Géopolitique pour les Geeks

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Géopolitique pour les Geeks

Un mot que l’on semble entendre souvent ces derniers temps est « geek », qui désigne une personne passionnée, voire obsédée, par les différentes innovations technologiques.

Par Leonid Savin

Source Oriental Review

La technologie joue un rôle crucial dans la géopolitique, bien que ce fait soit souvent négligé. Le développement des technologies maritimes a entraîné une dichotomie entre la puissance maritime et la puissance terrestre, à laquelle s’est ajoutée la domination dans l’air et dans l’espace au XXe siècle. Le XXIe siècle a vu l’apparition d’une nouvelle dimension, le cyberespace, totalement artificielle et en constante amélioration. Il a donc une nature inconstante et fluide, mais il est aussi extrêmement important pour les communications et les technologies de l’information.

L’exemple historique du lancement du satellite soviétique Spoutnik en 1957 et la création par l’Amérique de l’ARPA (rebaptisée plus tard DARPA) en réponse en 1958, au sein de laquelle est né Internet, montre l’importance de la technologie dans la géopolitique – pas tant en théorie qu’en simulation pratique.

Entre-temps, l’accès aux technologies, dont les résultats peuvent être achetés et vendus, n’est pas aussi important que le contrôle total, l’autarcie de l’ensemble de la chaîne technologique et l’assurance entrepreneuriale qui empêche les concurrents d’atteindre la parité ou de prendre de l’avance.

C’est pour cette raison que les États-Unis ont fait échouer l’achat par la Chine de l’entreprise aérospatiale ukrainienne Motor Sich, qui aurait permis à Pékin de créer des moteurs d’avion. Cela a été assez facile pour Washington, étant donné le niveau d’influence de la Maison Blanche sur Kiev. L’ensemble de l’appareil politique et de renseignement américain surveille de près le monde pour s’assurer que de tels accords n’affectent pas les monopoles actuels des entreprises américaines.

Mais dans le même temps, ces monopoles représentent un risque pour les autres pays, même lorsqu’il s’agit de technologies critiques. Le 14 décembre 2020, par exemple, diverses applications Google dans le monde entier ont été indisponibles pendant une heure environ. Compte tenu du grand nombre de personnes dans le monde qui utilisent les services de Google, l’incident a dû causer beaucoup de désagréments. Étant donné qu’un certain nombre d’entreprises informatiques occidentales deviennent tout simplement toxiques pour certains pays, les alternatives locales et le protectionnisme sont essentiels du point de vue de la sécurité nationale.

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En creusant davantage, il est possible de voir d’autres raisons. Cecilia Rikap souligne que « les monopoles intellectuels ne sont pas seulement – ni principalement – le résultat de la R&D interne des entreprises géantes. Leur monopole de la connaissance repose sur l’appropriation et la monétisation des résultats de leurs multiples réseaux d’innovation organisés sous la forme d’étapes de connaissance modularisées en charge de différentes organisations (des start-ups aux organismes de recherche publics et aux universités)… La répartition inégale persistante de l’innovation dans le monde est une vérité structurelle aggravée par le capitalisme de monopole intellectuel. Les monopoles intellectuels trouvent leur origine dans les pays du cœur du technologisme, en particulier aux États-Unis, mais leurs effets se propagent dans le monde entier… En outre, les pays périphériques doivent établir leur propre programme de lutte contre les monopoles intellectuels, qui devrait inclure la limitation de toutes les formes d’extractivisme (données, connaissances, mais aussi biens naturels, dont certains sont essentiels pour les chaînes de valeur numériques). »

Le problème est que pendant que ces pays périphériques réfléchissent et discutent des conséquences de ces monopoles, les États-Unis font déjà des efforts pour parvenir à une autarcie et une affirmation de soi totales.

Un rapport spécial sur la concurrence entre grandes puissances, préparé pour le Congrès américain et daté du 4 mars 2021, fait référence à plusieurs reprises à l’importance de différentes technologies – non seulement dans le domaine de l’armement, mais aussi des technologies de réseau, des technologies quantiques, des biotechnologies, des technologies appliquées, etc. Tout cela dans le contexte de la confrontation géopolitique de l’Amérique avec la Russie et la Chine.

C’est pour cette raison que Joe Biden a émis un décret en avril 2021 pour revoir les chaînes d’approvisionnement utilisées par quatre industries américaines clés – défense, santé publique, transports et informatique – afin d’éviter les pénuries d’équipements médicaux, de semi-conducteurs et de divers autres biens.

Les risques pourraient être multiples. L’entreprise sud-coréenne SK Innovation, qui fournissait des batteries à Ford et Volkswagen aux États-Unis, a été placée sur une liste noire en raison d’un vol de propriété intellectuelle. En conséquence, la fourniture de produits de la Corée du Sud aux États-Unis a été bloquée. La Chine est considérée par les États-Unis comme un partenaire d’importation gênant à bien des égards. Même certains partenaires, tels que le Canada et l’UE, pourraient créer des problèmes aux États-Unis s’ils constataient que les accords commerciaux et économiques sont inégaux et accusaient Washington de tenter de tricher (ce qui serait solidement justifié).

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Les chaînes d’approvisionnement sont vitales pour les technologies à double usage et l’industrie de la défense. Conscients de cela, la DARPA et la société Intel ont annoncé en mars 2021 un partenariat de trois ans visant à développer et à fabriquer localement des plates-formes d’application pour les systèmes électroniques de la défense et de l’aviation commerciale.

Un problème similaire préoccupe également l’UE, puisque sa dépendance à l’égard des importations en provenance de divers pays a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. Par exemple, l’UE est relativement dépendante de la Russie pour le nickel (72,5 %), tandis que plus de 30 % des machines de traitement automatique des données, des équipements de télécommunications et des machines électriques de l’UE sont importés de Chine. Les États-Unis fournissent plus de 50 % des moteurs et des moteurs non électriques de l’UE, et celle-ci est très dépendante des importations américaines d’équipements d’électrodiagnostic et de radiologie, d’instruments optiques, d’instruments médicaux et de produits aérospatiaux. L’UE est approvisionnée en minerai de fer et en cuivre par le Brésil, le Canada, le Chili et l’Ukraine.

Il est significatif que l’UE et les États-Unis soient tous deux préoccupés par la souveraineté dans le domaine des technologies critiques, en particulier la microélectronique, et la raison en est la même : la désindustrialisation des dernières décennies et la tentative d’utiliser la globalisation pour exploiter les pays vers lesquels la production a été déplacée.

L’instabilité globale soulève également des questions sur la fiabilité des partenaires – les États fragiles honoreront-ils leurs engagements si leur situation politique ou économique s’aggrave.

Il existe également d’autres risques. Les sanctions peuvent avoir un effet à long terme sur les pays tiers, car, en règle générale, elles sont imposées contre les secteurs de l’économie qui ont un impact direct sur la concurrence économique et les capacités de défense d’un pays. Dans le but de nuire à l’économie russe, les États-Unis ont mis sur liste noire des entreprises de défense, des instituts de recherche et des secteurs de produits de base. En raison de ces restrictions, d’autres États sont incapables d’acheter des produits et des services essentiels. Par exemple, l’achat par la Turquie du système russe de missiles sol-air S-400 a entraîné des sanctions qui, à leur tour, ont perturbé l’approvisionnement du Canada et… des composants nécessaires aux drones turcs.

Certains estiment que même la crise climatique pourrait menacer l’accès aux produits essentiels et aux innovations technologiques.

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L’UE est parvenue aux conclusions suivantes concernant la géopolitique des chaînes d’approvisionnement :

  • la diversification du commerce comporte des risques importants en raison de la fragilité des États, de la coercition économique et de la vulnérabilité climatique ;
  • une stratégie de diversification s’appliquera très probablement aux matières premières ou aux composants plutôt qu’aux domaines de haute technologie tels que les processeurs de données, les télécommunications ou les super-ordinateurs, qui nécessitent des investissements plus importants pour être autosuffisants ; et
  • les partenaires commerciaux actuels de l’UE constituent une bonne base pour la diversification.

Les leçons tirées par l’UE des expériences passées montrent que les projets de technologie et d’innovation doivent être pris plus au sérieux plutôt que d’être laissés au hasard.

Le projet Minitel, lancé dans les années 1980 comme une tentative de la France de créer son propre internet et, grâce à des terminaux spéciaux, de fournir un accès gratuit aux comptes bancaires, aux pages jaunes et à d’autres services, a échoué.

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Le projet spatial Galileo, annoncé en 1999 comme une tentative de l’UE de créer son propre système GPS, s’est également soldé par un échec quelques années plus tard. Ce n’est qu’en 2011 que l’UE a réussi à lancer ses premiers satellites, qui ne sont devenus pleinement opérationnels qu’en 2019. En conséquence, le projet a pris des années de retard, a été trois fois supérieur au budget et n’a apporté aucune innovation ou technologie nouvelle.

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Il y a également eu la tentative de créer l’écosystème de stockage en nuage GAIA-X qui a été lancé en 2020 dans le cadre d’une tentative de renforcer la souveraineté numérique de l’Europe. Vingt-deux entreprises ont investi dans le projet au départ, mais il n’a jusqu’à présent débouché sur rien. L’objectif du projet GAIA-X est bien sûr clair : réduire la dépendance à l’égard des serveurs de stockage en nuage des entreprises américaines Amazon et Microsoft. L’UE introduit également des tarifs spéciaux et des mesures restrictives dans l’espoir d’obtenir un avantage concurrentiel. Or, Microsoft est l’une des entreprises impliquées dans GAIA-X.

Partie 2

La production de semi-conducteurs est un pôle crucial des technologies modernes. Des décennies de progrès dans la production de masse de puces contenant un nombre toujours plus élevé de circuits ont radicalement modifié l’économie de l’informatique et remodelé en profondeur l’économie mondiale. La révolution des ordinateurs personnels des années 1980, la révolution de l’internet des années 1990 et les révolutions des smartphones et des médias sociaux du début des années 2000 ont toutes été bâties sur le silicium.

La prochaine génération d’applications industrielles et grand public susceptibles de changer la donne et reposant sur les réseaux 5G dépendra également des améliorations apportées aux performances et à la puissance de calcul fournies par les puces de pointe. L’accès aux semi-conducteurs de pointe est également essentiel à l’équilibre de la puissance militaire mondiale en raison de leur utilisation dans le calcul haute performance et les applications d’IA et d’internet des objets (IoT), mais aussi du rôle crucial qu’ils jouent dans les plate-formes d’armes modernes et de nouvelle génération.

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À l’heure actuelle, seules deux entreprises – la société sud-coréenne Samsung et la société taïwanaise TSMC – fabriquent des semi-conducteurs à l’échelle industrielle les processeurs les plus avancés. Ces leaders de l’industrie produisent actuellement en quantités commerciales des processeurs gravés à 7 nanomètres (nm), tout en s’efforçant de passer à 5 nm, puis, finalement, à 3 nm d’ici le milieu des années 2020. À titre de comparaison, le fabricant américain de puces intégrées Intel est également désireux de produire en volume à 7 nm, mais l’entreprise a rencontré des difficultés pour atteindre cet objectif, annonçant en juillet 2020 que la production de ses puces de nouvelle génération serait reportée à 2022.

À l’heure actuelle, les puces en 7 nm – y compris le système sur puce Kirin 990 de Huawei fabriqué par TSMC à Taïwan – sont les semi-conducteurs les plus avancés dans le commerce. HiSilicon, la filiale de Huawei spécialisée dans la conception de puces, a travaillé avec TSMC sur le dernier modèle de la série Kirin, fabriqué en 5 nm.

Malgré les prouesses croissantes des entreprises technologiques chinoises dans des domaines tels que la 5G, l’intelligence artificielle, les applications mobiles et l’informatique quantique, Pékin est toujours très en retard sur les technologies de pointe de fabrication de semi-conducteurs dans le monde. Par conséquent, afin d’atteindre ses objectifs ambitieux et de rester compétitives sur le marché mondial, les entreprises technologiques chinoises s’appuient sur les fabriques étrangères pour créer leurs puces les plus avancées.

La Chine intensifie ses efforts pour maîtriser les technologies avancées de fabrication de semi-conducteurs. Par l’intermédiaire de son énorme Fonds national d’investissement dans les circuits intégrés, créé en 2014 et recapitalisé en 2019, mais aussi d’autres fonds régionaux et locaux, elle a alloué un financement supérieur à 200 milliards de dollars, soit plus que le coût, ajusté en fonction de l’inflation, du vol lunaire américain Apollo, datant de la guerre froide. Toutefois, la Chine n’a obtenu jusqu’à présent que des résultats limités. Le premier fabricant chinois de semi-conducteurs, Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC), a toujours 3 à 5 ans de retard sur les leaders du secteur que sont Intel, Samsung et TSMC. En août, SMIC a annoncé qu’il serait en mesure de pousser son équipement lithographique existant jusqu’à 7 nm. Bien qu’il s’agisse d’une avancée majeure pour l’entreprise, elle reste à la traîne des leaders du secteur.

Quant à Intel, Samsung et TSMC, ils ont déjà été contraints de chercher de nouvelles façons de travailler ensemble et de partager les coûts pour suivre le rythme actuel de l’innovation de pointe. Les coûts de R&D et les dépenses d’investissement combinés des entreprises américaines de semi-conducteurs sont passés de 40 milliards de dollars en 2007 à 72 milliards de dollars en 2019, ce qui reflète l’augmentation du coût du respect de la loi de Moore. En 2018, un autre acteur majeur, GlobalFoundries – détenu par le fonds souverain émirati Mubadala – a effectivement abandonné la course au leadership mondial après avoir annoncé qu’il allait abandonner ses efforts de développement de cœur à 7 nm, principalement en raison de coûts d’outillage prohibitifs.

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Une ligne d’assemblage de paquets de puces intelligentes dans
une entreprise d’électronique à Nantong, dans la province chinoise
du Jiangsu, en 2018

Un goulet d’étranglement spécifique pour SMIC et d’autres fabricants chinois est la technologie de lithographie à ultraviolets extrêmes (EUV), une technologie de fabrication de nouvelle génération qui est nécessaire pour passer à des cœurs inférieurs à 7 nm. L’EUV, qui utilise des longueurs d’onde plus courtes de la lumière ultraviolette pour produire des circuits plus fins et plus denses que ne le permettent les techniques de fabrication antérieures, est utilisée par TSMC et Samsung pour le nœud de processus de 7 nm. Intel travaille à l’intégration de l’EUV dans ses lignes de production commerciales mais a rencontré des problèmes. TSMC, Samsung et Intel comptent sur l’EUV pour leur fabrication en 5 nm.

Le développement de la technologie informatique est un élément clé de cette course. En 2019, Google a développé un ordinateur quantique de 53 qubits, un dispositif capable de résoudre des problèmes complexes en trois minutes environ. Cela peut ne pas sembler si impressionnant, mais lorsque vous considérez qu’il faudrait environ 1000 ans à un ordinateur non quantique pour effectuer les mêmes calculs, vous commencez à comprendre la puissance de l’informatique quantique.

Qu’elles soient grandes ou petites, les entreprises investissent d’énormes quantités de ressources dans le développement des ordinateurs quantiques, et beaucoup affirment qu’il pourrait s’agir de la prochaine grande nouveauté dans le monde de la technologie. Selon certaines estimations, le marché de l’informatique quantique atteindra 770 millions de dollars d’ici 2025. Entre 2017 et 2018, l’informatique quantique a connu une « ruée vers l’or quantique », les investisseurs ayant déversé 450 millions de dollars dans l’informatique quantique.

IBM a récemment annoncé son intention de construire un ordinateur quantique de 1000 qubits d’ici 2023. Les transports occupent également un certain pôle dans les technologies de pointe.

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Des entreprises comme Tesla, Uber, Cruise et Waymo promettent un avenir dans lequel les voitures sont essentiellement des robots mobiles qui peuvent nous emmener où nous voulons en quelques pressions sur un smartphone. TuSimple tente de prendre de l’avance en créant des technologies uniques avec un certain nombre de partenaires stratégiques. En collaboration avec le constructeur de camions Navistar et le géant de l’expédition UPS, TuSimple mène déjà des opérations de test en Arizona et au Texas, notamment des courses autonomes de dépôt à dépôt. TuSimple prévoit d’atteindre le niveau 4 d’autonomie d’ici 2024, ce qui signifie que ses camions seront capables de fonctionner sans conducteur humain dans des conditions limitées pouvant inclure l’heure de la journée, la météo ou des itinéraires préétablis.

Il a été noté que l’industrie automobile chinoise développe aussi activement des véhicules autonomes. Dans le même temps, la Chine utilise une approche intégrée où la technologie 5G et l’intelligence artificielle, qui sont nécessaires pour assurer la synergie, sont introduites en parallèle.

L’écosystème des véhicules autonomes du pays fait partie de la nouvelle initiative pour les infrastructures lancée en mai 2020. Il est inclus dans le plan quinquennal et a reçu un financement d’environ 1 400 milliards de dollars.

Bien sûr, le secteur lié à la technologie le plus important en géopolitique est la défense et la sécurité. Aux États-Unis, ce secteur a été lié à trois stratégies de compensation lancées par le Pentagone.

Scott Savitz, de la RAND Corporation, a écrit sur deux des grandes tendances technologiques de cette génération et leur impact sur la guerre :

La première est l’amélioration incessante et rapide des technologies de l’information (TI), dans des domaines aussi divers que l’analyse des données, l’intelligence artificielle et la réalité augmentée. L’une de ses principales applications dans le domaine de la guerre est de permettre l’intégration et l’analyse rapide des données provenant de capteurs distribués et en réseau, afin de générer des informations opportunes et exploitables sous des formes que les humains et les machines peuvent facilement interpréter.

La deuxième tendance est connexe mais distincte : les capacités croissantes des systèmes sans pilote à accomplir des missions utiles. Ces capacités augmentent non seulement grâce aux technologies de l’information avancées qui permettent des opérations plus autonomes, mais aussi grâce aux améliorations apportées à la science des matériaux, au stockage de l’énergie, à la conception et à d’autres domaines.

Une troisième tendance, beaucoup moins remarquée, est l’amélioration des capteurs, qui deviennent plus petits, moins chers et plus perspicaces, avec des demandes d’énergie plus faibles et une plus grande durabilité dans divers environnements.

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Les technologies de pointe offrent également un certain nombre de solutions dans le secteur de l’armement qui suscitent l’enthousiasme des militaires. L’une des plus récentes est la bombe électromagnétique – un dispositif qui génère une impulsion électromagnétique de grande puissance ou une impulsion micro-ondes de grande puissance. Contrairement aux munitions classiques à énergie cinétique, les bombes électromagnétiques ont un effet dévastateur sur les appareils électroniques et les réseaux informatiques.

Bien que de telles armes existent déjà, les nouvelles technologies permettent de créer des dispositifs plus puissants.

Le déterminisme naturel et les perceptions différentes du monde extérieur (y compris des menaces), qui sont au cœur de la pensée géopolitique et de la culture stratégique, n’auront plus cours dans les décennies à venir. Cependant, la technologie aura un impact significatif sur eux, et ce facteur doit être pris en compte dans les évaluations des risques et les projections pour l’avenir.

Leonid Savin

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

jeudi, 10 juin 2021

Le Forum de St Pétersbourg. Une cartographie du siècle eurasiatique

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Le Forum de St Pétersbourg. Une cartographie du siècle eurasiatique

Par Pepe Escobar

Source The Saker’s Blog

Il est impossible de comprendre les détails de ce qui se passe sur le terrain en Russie et dans toute l’Eurasie, sur le plan commercial, sans suivre le Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF).

Allons donc droit au but et proposons quelques exemples choisis de ce qui a été discuté lors des principales sessions.

L’Extrême-Orient russe. Voici une discussion sur les stratégies, largement couronnées de succès, visant à stimuler les investissements productifs dans l’industrie et les infrastructures dans l’Extrême-Orient russe. L’industrie manufacturière en Russie a connu une croissance de 12,2 % entre 2015 et 2020 ; en Extrême-Orient, elle était du double, à 23,1 %. Et de 2018 à 2020, l’investissement en capital fixe par habitant y était de 40 % plus élevé que la moyenne nationale. Les prochaines étapes sont centrées sur l’amélioration des infrastructures, l’ouverture des marchés mondiaux aux entreprises russes et, surtout, la recherche des fonds nécessaires (Chine ? Corée du Sud ?) pour les technologies de pointe.

L’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Comme j’ai pu le constater moi-même lors des précédentes éditions du forum, il n’existe rien de comparable en Occident pour ce qui est de discuter sérieusement d’une organisation telle que l’OCS, qui a progressivement évolué de son objectif initial de sécurité vers un rôle politico-économique de grande envergure.

La Russie a présidé l’OCS en 2019-2020, lorsque la politique étrangère a pris un nouvel élan et que les conséquences socio-économiques du Covid-19 ont été sérieusement abordées. Désormais, l’accent devrait être mis sur la manière de rendre ces nations membres, en particulier les « stans » d’Asie centrale, plus attrayantes pour les investisseurs mondiaux. Parmi les intervenants figuraient l’ancien secrétaire général de l’OCS, Rashid Alimov, et l’actuel secrétaire général, Vladimir Norov.

Le Partenariat eurasiatique. Cette discussion portait sur ce qui devrait être l’un des nœuds essentiels du siècle eurasiatique : le corridor international de transport nord-sud (INSTC). Un précédent historique important s’applique : la route commerciale de la Volga des 8e et 9e siècles qui reliait l’Europe occidentale à la Perse – et qui pourrait maintenant être prolongée, dans une variante de la Route de la soie maritime, jusqu’aux ports de l’Inde. Cela soulève un certain nombre de questions, allant du développement du commerce et de la technologie à la mise en œuvre harmonieuse de plateformes numériques. Les intervenants sont originaires de Russie, d’Inde, d’Iran, du Kazakhstan et d’Azerbaïdjan.

Le partenariat de la Grande Eurasie. La Grande Eurasie est le concept russe global appliqué à la consolidation du siècle eurasien. Cette discussion est largement axée sur la Big Tech, notamment la numérisation complète, les systèmes de gestion automatisés et la croissance verte. La question est de savoir comment une transition technologique radicale pourrait servir les intérêts de la Grande Eurasie.

Et c’est là que l’Union économique eurasienne (UEEA) dirigée par la Russie entre en jeu : comment la volonté de l’UEEA de créer un grand partenariat eurasien devrait-elle fonctionner dans la pratique ? Parmi les intervenants figurent le président du conseil d’administration de la Commission économique eurasienne, Mikhail Myasnikovich, et une relique du passé d’Eltsine : Anatoliy Chubais, qui est désormais le représentant spécial de Poutine pour les « relations avec les organisations internationales en vue de réaliser les objectifs de développement durable ».

Il faut se débarrasser de tous ces billets verts

La table ronde la plus intéressante de la SPIEF était consacrée à la « nouvelle normalité » (ou anormalité) post-Covid-19 et à la manière dont l’économie sera remodelée. Une sous-section importante portait sur la manière dont la Russie peut éventuellement en tirer parti, en termes de croissance productive. Ce fut une occasion unique de voir la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, le gouverneur de la Banque centrale russe, Elvira Nabiullina, et le ministre russe des finances, Anton Siluanov, débattre autour de la même table.

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En fait, c’est Siluanov (photo) qui a fait tous les gros titres concernant le SPIEF lorsqu’il a annoncé que la Russie allait abandonner totalement le dollar américain dans la structure de son fonds national souverain et réduire la part de la livre sterling. Ce fonds aura plus d’euros et de yuans, plus d’or, et la part du yen restera stable.

Ce processus de dédollarisation en cours était plus que prévisible. En mai, pour la première fois, moins de 50 % des exportations russes étaient libellées en dollars américains.

Siluanov a expliqué que les ventes d’environ 119 milliards de dollars d’actifs liquides passeront par la Banque centrale russe, et non par les marchés financiers. En pratique, il s’agira d’un simple transfert technique d’euros vers le fonds souverain. Après tout, cela fait déjà des années que la Banque centrale se débarrasse régulièrement de ses dollars américains.

Tôt ou tard, la Chine suivra. En parallèle, certaines nations d’Eurasie, de manière extrêmement discrète, se débarrassent également de ce qui est de facto la monnaie d’une économie basée sur la dette, à hauteur de dizaines de trillions de dollars, comme l’a expliqué en détail Michael Hudson. Sans compter que les transactions en dollars américains exposent des nations entières à l’extorsion d’une machine judiciaire extra-territoriale.

Sur le très important front sino-russe, qui a été abordé lors de toutes les discussions du SPIEF, le fait est que l’association du savoir-faire technique chinois et de l’énergie russe est plus que capable de consolider un marché pan-eurasien massif et capable d’éclipser l’Occident. L’histoire nous apprend qu’en 1400, l’Inde et la Chine étaient responsables de la moitié du PIB mondial.

Alors que l’Occident se vautre dans un effondrement auto-induit, la caravane eurasienne semble inarrêtable. Mais il y a toujours ces satanées sanctions américaines.

La session du club de discussion du Valdai a approfondi l’hystérie : les sanctions servant un agenda politique menacent de vastes pans de l’infrastructure économique et financière mondiale. Nous en revenons donc une fois de plus au syndrome inéluctable du dollar américain servant d’arme, déployé contre l’Inde qui achète du pétrole iranien et du matériel militaire russe, ou contre les entreprises technologiques chinoises.

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Des intervenants, dont le vice-ministre russe des finances, Vladimir Kolychev, et le rapporteur spécial des Nations unies sur les « effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’homme », Alena Douhan, ont débattu de l’inévitable nouvelle escalade des sanctions anti-russes.

Un autre thème récurrent dans les débats du SPIEF est que, quoi qu’il arrive sur le front des sanctions, la Russie dispose déjà d’une alternative à SWIFT, tout comme la Chine. Les deux systèmes sont compatibles avec SWIFT au niveau logiciel, de sorte que d’autres nations pourraient également l’utiliser.

Pas moins de 30 % du trafic de SWIFT concerne la Russie. Si cette « option » nucléaire venait à se concrétiser, les nations commerçant avec la Russie abandonneraient presque certainement SWIFT. En outre, la Russie, la Chine et l’Iran – le trio « menaçant » l’hégémon – ont conclu des accords d’échange de devises, bilatéralement et avec d’autres nations.

Cette année, le SPIEF a eu lieu quelques jours seulement avant les sommets du G7, de l’OTAN et de l’UE, qui mettront en évidence l’insignifiance géopolitique de l’Europe, réduite au statut de plateforme de projection de la puissance américaine.

Et moins de deux semaines avant le sommet Poutine-Biden à Genève, le SPIEF a surtout rendu un service à ceux qui y prêtent attention, en traçant certains des contours pratiques les plus importants du siècle eurasien.

Pepe Escobar

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

mardi, 08 juin 2021

État, pouvoir et subjectivité sociale

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État, pouvoir et subjectivité sociale

Par Andrés Berazategui*

Ex: https://nomos.com.ar/2020/06/03/estado-poder-y-subjetividad-social/

L'expansion de l'internet et la massification des réseaux sociaux, ainsi que la mobilité accrue des personnes et des capitaux qui a eu lieu au cours des dernières décennies, ont modifié non seulement les modes de vie et les possibilités de consommation, mais aussi la manière de constituer les sujets sociaux. En effet, l'expansion technique et le nomadisme ont généré d'autres types de relations intersubjectives, modifiant ainsi les espaces humains de coexistence. Dans le passé, nos relations étaient basées sur un contact personnel et immédiat, ce qui signifie que nous ne pouvions utiliser les médias que comme un moyen de communication instrumental et accessoire pour traiter avec les autres. Aujourd'hui, nous pouvons avoir des amis partout dans le monde, que nous pouvons contacter de manière immédiate, stable et fluide à presque tout moment, et ils ne seront ni moins ni moins bons amis pour cette raison.

Quoi qu'il en soit, tout argument utilisé en faveur des relations fondées sur le contact personnel, aussi raisonnable soit-il, ne peut nier l'existence de celles fondées sur le contact virtuel. Ce qu'il est important de souligner pour cette réflexion, c'est que les liens générés par les réseaux sociaux et les nouveaux modes de communication, constituent de nouveaux types de subjectivité sociale, produit d'un réseau d'intérêts qui peut être immédiat et local, mais aussi constitué par la distance et les médiations offertes par la technique. Mais pour comprendre cela, il faut d'abord se pencher un peu plus sur la manière dont cette situation s'est produite.

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Les processus d'intégration

L'unification de la planète s'est faite par un "rétrécissement" temporel et spatial qui est le produit, comme nous l'avons dit, de la circulation des capitaux et des personnes, et de la diffusion massive des médias et des réseaux sociaux. Les capitaux se déplacent de façon vertigineuse, se localisant dans les endroits où ils peuvent apporter le plus de bénéfices et la délocalisation des entreprises est devenue un événement très courant et même recherché par les États qui misent davantage sur l'arrivée d'investissements. L'argent peut traverser les frontières instantanément et sans nécessiter beaucoup d'efforts. L'accès aux communications s'est généralisé dans presque tous les coins de la planète et avec des mécanismes de fonctionnement très différents de ceux qui existaient dans le passé. Internet, mais pas seulement lui, génère des espaces de communication quotidiens où l'on établit des liens réels avec d'autres personnes, bien qu'ils soient médiatisés par des distances qui atteignent des milliers et des milliers de kilomètres. Les téléphones portables peuvent nous faire parler ou envoyer des messages à partir d'applications gratuites et accessibles. Nous vivons littéralement "connectés", à tel point que, selon certaines études, un jeune passe aujourd'hui environ 50 % de son temps d'éveil devant un écran, qu'il s'agisse d'un téléphone portable, d'une télévision ou de différents types d'ordinateurs.

Or, il est clair que les utilisateurs ont tendance à rester dans ces réseaux ou ces pages qui n'obéissent qu'à leur propre intérêt et qui, précisément en raison de leur quantité et de leur diffusion, génèrent tout un environnement de connectivité quotidienne qui finit par favoriser une véritable coexistence, bien que celle-ci soit en réalité "en ligne". Supposons par exemple qu'une personne soit fan de musique pop sud-coréenne (appelée K-pop), un phénomène qui, ces dernières années, a connu un grand essor parmi les jeunes, tant à l'Est qu'à l'Ouest. Eh bien, les fans du monde entier qui écoutent cette musique peuvent communiquer de manière quasi-permanente par le biais d'une multitude de pages, de forums ou de réseaux sociaux. Les informations mises à jour quotidiennement par ces plateformes les tiennent au courant de la vie et des performances de leurs idoles. Dans divers fandoms (1), les fans qui se font confiance s'échangent leurs numéros de téléphone et peuvent rester connectés grâce à des applications. Bien sûr, le jeune qui a aujourd'hui 15 ans et qui écoute cette musique peut demain changer ses goûts et se mettre à écouter du heavy metal, une musique très différente. Il peut aussi se désintéresser de la musique et devenir un fan d'une autre activité comme la pêche, l'ufologie ou autre. Ce qu'il est important de souligner, c'est que, quelle que soit l'activité ou la connaissance dans laquelle vous voulez canaliser votre temps, vous pourrez établir des liens à travers les réseaux sociaux et les espaces virtuels avec des milliers et des milliers d'autres individus avec lesquels vous établissez une communauté d'intérêts.

Nous aimerions faire deux observations sur cette situation. Tout d'abord, nous voudrions noter la fluidité que les processus de constitution de l'identité peuvent avoir comme conséquence des changements -ou confluences- dans les domaines d'intérêt. Comme nous l'avons noté, on peut être aujourd'hui un fan de pop coréenne, demain un terraplaniste, dans quelques mois un dévot du Pacha Mama. Même ces intérêts peuvent converger en même temps, tissant une toile de symboles, d'imaginaires et de langages qui influencent les individus d'une manière qui, en raison de la "liquidité" qu'ils acquièrent, ne parvient pas à constituer des identités durables.

La deuxième observation est que, néanmoins, il existe des préoccupations qui, en raison des problèmes qu'elles incarnent, génèrent des liens plus stables. Nous pouvons citer les questions liées aux intérêts professionnels, à l'écologie, à l'exclusion ou celles qui ont trait aux droits des femmes. Et c'est sur ce deuxième point que nous voulons nous arrêter.

En tenant compte du fait que les êtres humains sont eux avec d'autres et quelque part, et si nous disons que les relations humaines se constituent et s'expriment à travers le virtuel, comme conséquence logique, un processus est généré par lequel de nouvelles subjectivités sociales de caractère déterritorialisé naissent. Mais ce n'est pas tout. Il est certain que les jeunes fans d'un certain style de musique ne s'organiseront pas de manière stable et permanente pour défendre les "droits" des auditeurs de musique K-pop ou même pour défendre les revendications professionnelles de leurs idoles.

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Mais qu'en est-il des questions qui nous affectent de manière réelle et sûrement durable, comme la dégradation de l'environnement, le réchauffement climatique, la pauvreté, la violence domestique, etc. Abstraction faite de la manipulation médiatique dont ces questions peuvent faire l'objet, il est impossible de nier qu'elles sont devenues des causes beaucoup plus visibles ces derniers temps et que même les jeunes générations les considèrent comme faisant partie de leurs préoccupations générationnelles. Ces questions, et c'est là le point important, ne font pas seulement l'objet d'une lutte territoriale et locale. Les questions écologiques ne respectent évidemment pas les frontières. Dans la génération de la pauvreté et de l'exclusion, les entreprises transnationales ont une responsabilité fondamentale ; la violence dite "de genre" est dénoncée dans un cadre biopolitique beaucoup plus large que la perspective domestique traditionnelle. La sur-idéologisation militante et l'exagération médiatique déforment souvent la portée réelle de ces questions, mais il s'agit de problèmes qui existent réellement et qui s'expriment souvent de manière particulièrement grave. La détérioration de l'environnement, la pauvreté, la violence domestique, etc. ne sont pas des "inventions". Et comme il s'agit de questions qui, de par leurs caractéristiques, s'expriment au-delà des espaces traditionnels de coexistence - et naissent d'hybridations géographiques, d'âge ou de "classe" - il est logique que des acteurs émergent avec des récits qui suivent la même logique d'hybridité spatiale et sociale pour y répondre. Et c'est là qu'interviennent les nouveaux modes de liaison virtuelle et leur impact potentiel sur la vie collective, puisque les réseaux sociaux et les communications permettent d'articuler leurs membres de manière permanente et durable au-delà des distances, en leur donnant la possibilité de générer des mécanismes instantanés d'expression, de consultation, d'organisation et de prise de décision. Plusieurs personnes peuvent se rencontrer à tout moment et immédiatement alors qu'elles se trouvent à des milliers de kilomètres les unes des autres. L'impact des communications sur la dynamique organisationnelle est donc incalculable, puisqu'elles relient ceux qui sont proches et ceux qui sont éloignés, ceux qui se connaissent personnellement, ainsi que ceux qui se trouvent à l'autre bout du monde.

La lutte pour la décision

Le modèle westphalien du système international est basé sur des unités politiques que nous appelons "États-nations". Les territoires - supposition fondamentale pour l'existence propre de l'État - ont adopté des éléments propres à la Modernité et ont été reformulés par rapport à l'ordre médiéval en apparaissant différentes juridictions qui valorisaient comme jamais auparavant ces lignes imaginaires appelées limites, et qui étaient tracées avec la précision typique de la raison calculatrice propre de la nouvelle époque. Afin de centraliser le pouvoir entre les mains d'une autorité supérieure, les pouvoirs ont été retirés aux différents domaines et régions qui existaient jusqu'alors. Afin d'éviter que la religion ne devienne une source de conflit, le principe cuius regio, eius religio (2) a été établi, selon lequel la religion officielle de chaque unité politique serait simplement celle du dirigeant. En ce qui concerne les relations internationales, les principes de l'égalité de traitement entre les gouvernements, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États et de leur indépendance les uns par rapport aux autres ont été consacrés.

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Afin d'obtenir une cohésion qui maintiendrait la stabilité des unités politiques naissantes, tous les éléments susceptibles d'être utilisés pour la réalisation de l'"unité nationale" ont été mis à profit, car une société affectée par la désarticulation et la désintégration de ses parties est difficile à diriger. Ainsi, les études linguistiques sont nées dans le but d'unifier les langues, les attributs du pouvoir ont été concentrés dans des gouvernements centralisés et, à mesure que le temps passait et que les masses gagnaient du terrain en matière de participation publique, les élites dirigeantes se sont efforcées de réaliser des récits nationaux unifiés à partir de l'enseignement standardisé de l'histoire, de la promotion d'un culte des ancêtres communs et de l'établissement des mêmes symboles patriotiques pour l'acceptation et la reconnaissance de tous les citoyens des États.

Cependant, les nouvelles identités émergentes assiègent et remettent en question l'hypothèse d'un même récit national unifié, car elles génèrent leurs propres langues, symboles et intérêts. Cela ne signifie pas que de nouveaux agents apparaissent qui ont la possibilité de supplanter les nations, mais qu'ils superposent leurs propres intérêts à ceux déjà constitués dans les États. Ces "identités agrégées" se disputent la loyauté des individus - en particulier des plus jeunes - qui vivent déjà dans une ère où les institutions traditionnelles sont de plus en plus démantelées. La famille, les guildes ou les clubs, pour ne citer que quelques exemples, ne sont pas toujours des espaces d'épanouissement personnel, et ce non pas parce qu'ils sont inefficaces, mais parce qu'ils sont parfois inexistants. Divorces en augmentation, précarité de l'emploi, tâches où la communication se fait par télétravail -distant et impersonnel-, apparition de multiples divertissements et intérêts ; telle est la réalité d'aujourd'hui, où les espaces traditionnels de coexistence ont été notoirement modifiés. C'est le contexte auquel nos sociétés doivent désormais faire face, en particulier celles où les liens collectifs ont été les plus érodés.

En ce qui concerne la sphère internationale, les États restent les acteurs les plus pertinents sans discussion. Cela est apparu brutalement lorsque la pandémie causée par le coronavirus a fait revenir les gouvernements dans leurs espaces nationaux, et que des frontières que l'on pensait périmées ont acquis une importance critique pour la gestion de la crise. Les ressources dures telles que l'industrie, la technologie elle-même ou les forces de sécurité ont été mises à contribution. Les aspirations cosmopolites des minorités éclairées qui observent le monde depuis leur ordinateur semblaient être laissées pour compte, et la faiblesse humaine avait besoin d'un pouvoir politique organisé pour se défendre contre le dangereux virus.

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Mais désormais, les États auront besoin d'autres logiques pour l'exercice de leur pouvoir. Ils devront faire des efforts pour réaliser une intégration sociale qui permette à chaque peuple de disposer d'institutions légitimes, car les loyautés des individus et des groupes sociaux ne se coalisent plus sur la base d'un sentiment d'appartenance à une seule unité de destin, de sorte qu'une multiplicité de griefs croissants peut miner l'efficacité des pouvoirs publics. L'éducation aux symboles nationaux ou la connaissance de sa propre histoire, par exemple, accroît la conscience d'être Argentin, ce qui fait de lui un acteur du patrimoine commun, et favorise la loyauté nécessaire à la coexistence collective. Mais ce n'est pas suffisant. Il est nécessaire de réfléchir à la manière d'accroître le sentiment d'appartenance à une même communauté, même dans la pluralité des identités coparticipantes.

D'autre part, les décideurs publics devront accepter que les agendas comportant des questions transfrontalières sont également là pour rester. Ces agendas sont construits sur des questions qui ont toujours existé, mais qui aujourd'hui prennent forme dans des mouvements qui débordent et dépassent les frontières nationales en raison des dynamiques relationnelles que nous avons mentionnées au début. Cela est d'autant plus important que les réseaux qui se tissent autour de questions telles que l'écologie, les droits de l'homme, l'exclusion sociale ou le rôle des femmes, par exemple, peuvent constituer un terrain propice à la remise en cause de l'autorité des États, soit par la dynamique des revendications non résolues elles-mêmes, soit par l'action d'autres États qui les utilisent à leurs propres fins. La contestation de ces agents peut même atteindre le monopole même de la décision, qui est le principe sur lequel repose la souveraineté. Pour citer un exemple concret, qui décidera de ce qu'il faut faire en Amazonie en matière de gestion de ses vastes ressources : les États qui partagent son territoire ou les réseaux d'organisations écologiques qui opèrent au-delà de ses frontières? C'est là que l'intégration régionale, toujours retardée, devient pertinente, considérée en termes géopolitiques et pas seulement rhétoriques.

Une question qui ne peut être remise à plus tard en ce qui concerne l'efficacité des pouvoirs publics est la décentralisation, au niveau territorial, tant dans la gestion des ressources locales que dans le processus décisionnel. De nouvelles méthodes relocalisées d'information et de gestion devront être repensées, où les méthodes participatives dans les espaces immédiats de coexistence sociale se développent considérablement. Cela permettra aux citoyens concrets, dans des espaces concrets, de s'attaquer aux problèmes immédiats, en évitant la bureaucratie habituelle et croissante typique du gigantisme qu'adoptent les nations. Si cette adaptation s'avère inadéquate, il peut y avoir un risque de croissance du pouvoir des réseaux transnationaux avec pour conséquence le discrédit des autorités publiques. La technique même dont nous avons parlé pourrait accélérer cette dynamique.

L'État est l'expression formalisée du pouvoir dont dispose une communauté, avec tout ce que cela implique. Mais il est aussi le serviteur de la nation, puisque l'objet de la politique est de promouvoir le bien commun et non le profit des partis ou la croissance des organismes publics. Les ressources techniques, si elles sont centralisées chez des dirigeants peu scrupuleux, peuvent être utilisées pour le contrôle social et c'est un réel danger qui guette nos peuples, compte tenu des systèmes de surveillance modernes. En résumé, la recherche de la cohésion sociale, la décentralisation et la refonte de nouvelles organisations basées sur le niveau territorial sont les défis à relever à court terme et avec une vision stratégique. Il s'agit, ni plus ni moins, de revenir à la notion de communauté organisée.

*Andrés Berazategui, membre de Nomos, est diplômé en relations internationales de l'Universidad Argentina John F. Kennedy, et titulaire d'un master en stratégie et géopolitique de l'Escuela Superior de Guerra del Ejército (ESGE).

Notes

1 Contraction de fan kingdom, royaume des fans. La communauté des adeptes d'un artiste, d'un groupe ou d'un passe-temps.

2 Quelque chose comme "selon la religion du roi, telle sera la religion de ses dominions".

 

Un coup d’éclat magistral !

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Un coup d’éclat magistral !

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Diplomates et journalistes occidentaux n’en reviennent toujours pas. L’action audacieuse du Bélarus restera à coup sûr comme l’un des événements marquants de l’année 2021. Le dimanche 23 mai, un avion de chasse Mig-29 bélarussien reçoit l’ordre d’escorter jusqu’à l’aéroport de Minsk un avion de ligne Boeing 737 de la compagnie Ryanair qui relie Athènes en Grèce à Vilnius en Lituanie. Une alerte à la bombe à son bord est signalée et revendiquée par le Hamas.

Parmi les passagers qui sont repartis après une fouille minutieuse de l’appareil et de leurs bagages se trouvaient Roman Protassevitch et sa compagne russe Sofia Sapega. Ce journaliste contestataire vivait en exil en Pologne depuis deux ans, car, en opposant virulent au président Alexandre Loukachenko, il n’hésitait pas depuis l’étranger à inciter ses compatriotes à renverser l’ordre constitutionnel légitime du Bélarus.

Son arrestation a indigné tout le Bloc occidental atlantiste (BOA). Les opposants bélarussiens qui se terrent hors de leur patrie connaissent maintenant la frousse. Ces apprentis-prévaricateurs rêvent de chasser le président Loukachenko afin de mieux s’emparer du potentiel économique exceptionnel du pays. Les richesses agricoles, industrielles et informatiques bélarussiennes attisent leurs convoitises ultra-libérales. Les diplomaties occidentales dénoncent bien sûr un supposé « détournement » aérien. Le complexe médiatique d’occupation mentale répète en boucle ce point de vue approximatif. Les plumitifs de service le lundi de Pentecôte parlent pour leur part d’un acte sans précédent. Soit ce sont des incompétents notoires, soit ce sont des menteurs avérés.

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Le 2 juillet 2013, l’avion du président Evo Morales était détourné sur Vienne en Autriche. Au mépris de l’immunité diplomatique et présidentielle, l’appareil fut fouillé et le chef d’État bolivien dut patienter treize heures à l’aéroport. Sur réquisition des États-Unis et de l’OTAN, la police autrichienne recherchait un dangereux terroriste censé voyager à ses côtés : Edward Snowden. Le président Morales qualifia cet outrage inouï d’« acte de terrorisme d’État ». Alors respectivement vice-président des États-Unis et ministre français de la Défense, Joe Biden et Jean-Yves Le Drian ne condamnèrent pas ce scandale.

On a aussi oublié le détournement, le 22 octobre 1956, du DC – 3 d’Air Atlas – Air Maroc par l’aviation française. Faisant la liaison entre le Maroc et la Tunisie, l’avion personnel du souverain marocain transportait cinq hauts-dirigeants du FLN algérien. Cette décision prise sous un gouvernement socialiste, mais à l’insu du président du Conseil Guy Mollet, heurta les belles âmes de gauche et autres porteurs de valises homicides. Le 25 février 1963, des barbouzes, plus ou moins liées au renseignement militaire, enlevèrent à Munich en Allemagne de l’Ouest le colonel Antoine Argoud, membre du Comité exécutif du Conseil national de Résistance favorable à l’Algérie française. En dépit des protestations de Bonn, le colonel Argoud fut jugé par une cour spéciale de justice et condamné à la prison à perpétuité. La République française n’a jamais regretté cet enlèvement illégal et clandestin. Pour le DC – 3 comme pour le Boeing 737, la France et le Bélarus exercent leur droit le plus souverain.

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Roman Protassevitch risque de longues années de détention pour ses appels fréquents au soulèvement. Le BOA exige sa libération immédiate. Qu’il libère d’abord Julian Assange ! Incapable de rétablir l’ordre public dans le quartier de Stalingrad dans le XIXe arrondissement de Paris, le pitoyable gouvernement français joue une nouvelle fois au petit caïd sur la scène internationale. Avant de vouloir donner des leçons à la terre entière, il devrait plutôt contempler ses propres turpitudes liberticides. C’est dans l’Hexagone macronien que l’écrivain Hervé Ryssen a été emprisonné et condamné pour des citations de livres, qu’Alain Soral risque quatre ans de prison pour des commentaires politiques inappropriés, que l’humoriste Dieudonné demande l’asile politique à la Turquie, que Boris Le Lay fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Le 22 avril dernier, le Gilet jaune Christophe Chalençon a été condamné à six mois de prison avec sursis et à cinq ans d’inéligibilité pour « incitation à s’armer contre l’autorité de l’État ». Pendant son procès, il a assumé être un opposant politique et une victime de la censure du Régime hexagonal. Pendant ce temps, la police politique allemande perquisitionne le domicile de Björn Höcke, le président de l’AfD de Thuringe, député régional de ce Land et chef de file de la ligne nationale-populaire. A-t-il caché un financement politique occulte ? S’agit-il d’une nouvelle affaire de corruption ? C’est bien plus grave. Le Parquet le soupçonne de « stigmatiser les “ réfugiés ” » et de les considérer comme des criminels potentiels. Ainsi blasphèmerait-il contre les « migrants » et se voit accusé de crime de lèse-immigrés clandestins. Ces quelques exemples, principalement ouest-européens, se rapprochent de ce que les chancelleries occidentales souhaitent, approuvent et encouragent au Bélarus contre un président charismatique qui a compris le prétexte pandémique et qui ne se compromet pas avec deux youtubeurs en vogue.

L’EPHAD continental qu’est l’Union dite européenne vient de prendre de nouvelles sanctions contre le Bélarus. Ce pays a néanmoins l’habitude des menaces occidentales. Le dernier État d’Europe qui ose appliquer la peine de mort détient désormais une longue et solide expérience de résistance à l’hyper-classe cosmopolite. Il vient de le démontrer avec ce coup d’éclat magistral.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 217, mise en ligne sur TVLibertés, le 1er juin 2021.

lundi, 07 juin 2021

L’Europe: un terrain de jeux de guerre pour la stratégie américano-otanienne

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L’Europe: un terrain de jeux de guerre pour la stratégie américano-otanienne

par Manlio Dinucci, Italie

Ex: https://www.zeit-fragen.ch/fr/archives/2021/

En 2020, la mobilité terrestre des personnes dans l’Union européenne a été paralysée par les verrouillages, principalement à la suite du blocus du tourisme. La même chose s’est produite dans la mobilité aérienne: selon une étude du Parlement européen (mars 2021), elle a subi une perte nette de 56 milliards d’euros et 191 000 emplois directs, plus d’un million dans les industries connexes. En 2021, la reprise s’annonce très problématique. Un seul secteur a fortement accru sa mobilité en allant à l’encontre de la tendance: le secteur militaire.

En ce moment, environ 28 000 soldats passent d’un pays à l’autre en Europe avec des chars et des avions: ils sont engagés dans Defender-Europe 21, le grand exercice de l’armée américaine (et non de l’OTAN) en Europe impliquant 25 alliés et partenaires européens. L’Italie y participe non seulement avec ses forces armées, mais en tant que pays hôte. Dans le même temps, l’exercice Steadfast Defender de l’OTAN est sur le point de commencer, mobilisant plus de 9 000 soldats américains et européens, dont des soldats italiens. Il constitue le premier test à grande échelle des deux nouveaux commandements de l’OTAN: le Joint Force Command, avec son quartier général à Norfolk (USA), et le Joint Support Command avec son quartier général à Ulm (Allemagne). La «mission»du Norfolk Command est de «protéger les routes atlantiques entre l’Amérique du Nord et l’Europe» qui, selon l’OTAN serait menacée par les sous-marins russes; la «mission»du commandement d’Ulm est «d’assurer la mobilité des troupes à travers les frontières européennes pour permettre un renforcement rapide de l’Alliance sur le front de l’Est», menacée par les forces russes d’après l’OTAN.

Pour cette seconde «mission» l’Union européenne joue un rôle important, car l’armée américaine a demandé la création d’un «espace Schengen militaire». Le plan d’action sur la mobilité militaire, présenté par la Commission européenne en 2018, envisage de modifier «les infrastructures (ponts, voies ferrées et routes) qui ne sont pas adaptées au poids ou à la taille des véhicules militaires lourds». Par exemple, si un pont ne peut pas supporter le poids d’une colonne de réservoir de 70 tonnes, il doit être renforcé ou reconstruit. Après avoir alloué une dotation initiale d’environ 2 milliards d’euros à cet effet, en deniers publics soustraits des dépenses sociales, les ministres de la Défense de l’UE (Lorenzo Guerini pour l’Italie) ont décidé le 8 mai d’impliquer les Etats-Unis, le Canada et la Norvège sur le Plan de mobilité militaire de l’UE. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, présent à la réunion, a souligné le fait que «les Alliés non membres de l’UE jouent un rôle essentiel dans la protection et la défense de l’Europe». Ainsi, l’OTAN (21 pays de l’UE sur 27 sont membres de l’OTAN), après avoir chargé l’UE de mener et de financer la restructuration des infrastructures européennes à des fins militaires, prend en fait la gestion de la «Espace Schengen militaire».

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Dans la région européenne transformée en terrain de parade, l’adaptation des infrastructures à la mobilité des forces US / OTAN est testée dans des essais de guerre incluant «le déploiement de forces terrestres et navales d’Amérique du Nord vers la région de la mer Noire». Ils servent – selon les propos de M. Stoltenberg – à «démontrer la capacité et la volonté de l’Otan à protéger tous ses alliés de toute menace». Le type de «menace» a également été déclaré par les ministres des Affaires étrangères du G7 (Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, France, Italie et Japon), qui se sont réunis le 5 mai à Londres. Les sept ministres (Luigi Di Maio pour l’Italie), renversant les faits, ont accusé la Russie de «comportement irresponsable et déstabilisateur, annexion illégale de la Crimée, regroupement des forces militaires à la frontière ukrainienne, utilisation d’armes chimiques pour empoisonner les opposants, activités malveillantes visant à saper le système démocratique d’autres pays, menacent l’ordre international fondé sur des règles». Le fait que le G7 ait formulé ces accusations avec les mêmes mots utilisés par le Pentagone et répétés par l’OTAN, confirme l’existence de la même matrice dans la stratégie de tension poussant l’Europe dans une situation de plus en plus dangereuse.•

La Libye, un jeu stratégique

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La Libye, un jeu stratégique

par Alberto Negri

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/libia-una-partita-strategica

Chaque fois qu'un dirigeant italien rencontre un dirigeant libyen, il y a de la moquerie en l'air, qu'elle soit voulue ou non. Pourtant, la Libye pourrait devenir notre plus grand fournisseur de gaz.

Cela s'est encore passé hier à Rome lors de la rencontre très attendue entre le Premier ministre Mario Draghi et Abdul Hamid Dbeibah, sa première visite officielle en Italie depuis sa prise de fonction, moins de deux mois après celle de Premier ministre à Tripoli.

On parle d'arrêter les migrants mais que voit-on ? Depuis des semaines, des dizaines de bateaux partent de Zuara, et personne ne les arrête avant qu'ils ne partent : il y a pourtant les garde-côtes libyens, que nous finançons généreusement, une mission européenne Irini au large des côtes libyennes, des drones, des satellites, des radars, bref, une série de dispositifs qui devraient permettre d'empêcher les départs.

Ensuite, il y a la question des camps de réfugiés, qui sont devenus des lager. Les Libyens, en paroles, disent qu'ils veulent les démanteler. Mais avant tout, ils devraient changer leurs lois. La Libye n'adhère pas aux conventions internationales sur les réfugiés, ni à la Convention de Genève ni aux conventions ultérieures. En un mot, toute personne qui entre sur le territoire libyen est considérée comme un immigrant illégal, donc privée de droits et peut être traitée comme on le souhaite, comme un criminel.

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Cela dit, la réunion d'hier ne portait pas seulement sur les migrants mais aussi sur la reprise économique. Et même ici, il y a de la de dérision dans l'air : la Libye produit du gaz et du pétrole et pourrait en vendre beaucoup plus si les Libyens s'entendaient entre eux au lieu de prendre les armes et de se livrer au banditisme et au harcèlement, s'ils décidaient de faire fonctionner les choses. Mais pour ce faire, il faudrait un État qui, depuis la chute de Kadhafi en 2011, n'a pas encore pu être reconstruit. Le pays est divisé entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque, la première sous le protectorat d'Erdogan, la seconde commandée par le général Khalifa Haftar avec le soutien de la Russie, de l'Égypte et des Émirats. Sans parler de la vaste région du Fezzan où les tribus jouent leur propre jeu autonome. En réalité, comme chacun le sait, l'actuel gouvernement d'unité nationale expirera avec les élections de décembre, où les vrais gros bonnets de la politique et des milices libyennes entreront en lice. Comme nous pouvons le constater, nous sommes loin de la stabilité, et le même gouvernement qui est s'est présenté hier à Rome est une entité précaire.

Mais nous devons être réalistes et faire avec ce que nous avons. Et surtout avec une Libye où les influences extérieures sont prépondérantes : ni le dirigeant turc Erdogan ni Poutine n'ont l'intention de renoncer à leurs positions stratégiques. La Turquie a gagné la guerre contre Haftar et l'Italie n'a apporté aucun soutien militaire au gouvernement de Sarraj à Tripoli, tandis que la Russie est entrée sur la côte nord-africaine où elle a l'ambition d'étendre sa présence militaire. L'Italie, incapable de défendre ses intérêts nationaux et stratégiques, ne peut donc compter que sur le soutien européen et américain, mais sans se faire trop d'illusions, car le passé récent démontre abondamment que les intérêts occidentaux et italiens ne convergent pas toujours. Aujourd'hui, par exemple, la France de Macron est solidaire du gouvernement Draghi, mais pendant des années, c'est précisément en Libye qu'elle a systématiquement saboté les initiatives diplomatiques de Rome.

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N'oublions pas que l'attaque de la France contre la Libye de Kadhafi en 2011, soutenue par les États-Unis et la Grande-Bretagne, a signifié la plus grande défaite de l'Italie depuis la Seconde Guerre mondiale et la perte de 50 milliards d'accords économiques avec le dirigeant libyen, que nous avions reçu en grande pompe à Rome à peine six mois plus tôt.

Avec Dbeibah hier, il y avait plusieurs ministres libyens, celui des Affaires étrangères, ceux de l'Intérieur, des Transports et de l'Économie. Un forum d'affaires s'est tenu à la Farnesina auquel ont participé, outre Di Maio et la délégation de Tripoli, un grand nombre d'entreprises italiennes : Snam, Saipem, Terna, Ansaldo Energia, Fincantieri, PSC Group, Italtel, Leonardo, WeBuild, Gruppo Ospedaliero San Donato, CNH Industrial et ENI. La réactivation de certains macro-investissements italiens en Libye, comme la construction de l'autoroute de la paix prévue dans les accords signés par Silvio Berlusconi et Mouammar Kadhafi en 2008, ou le dossier de l'énergie, est en cours de discussion. La Libye est reliée à l'Italie par le gazoduc Greenstream, dont l'ENI aimerait doubler ou tripler la capacité si possible. Dans un avenir proche, l'Italie pourrait compter sur Tripoli pour plus d'un tiers de ses approvisionnements en gaz.

Il s'agit d'un jeu stratégique ; nos concurrents, mais aussi nos partenaires occidentaux, feront tout pour y mettre leur nez.

Censure de la loi Molac, victoire des « anywhere » !

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Censure de la loi Molac, victoire des «anywhere»!

par Llorenç PERRIÉ ALBANELL

Le vendredi 21 mai 2021 le Conseil constitutionnel, saisi par une soixantaine de parlementaires suite à l’adoption le 8 avril 2021 de la la loi Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, à rendu sa décision (n°2021-818 DC 21 mai 2021).

Le Conseil constitutionnel a décidé de rendre non conforme à la Constitution les articles 4 et 9 de la loi Molac, portant respectivement sur le caractère immersif de l’enseignement dans les établissements du service public ou associés, et l’utilisation des signes diacritiques des langues régionales pour les actes administratifs.

L’article principalement utilisé par les Sages est le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution « La langue de la République est le français ». Par une pirouette juridico-jacobine le Conseil constitutionnel a su utiliser à bon escient pour sa démonstration l’article 75-1 de la Constitution « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Ce dernier en effet ne revêt aucun caractère contraignant, ce qui a l’avantage de muséifier les dites langues tout en donnant l’illusion de faire quelque chose. L’observateur sagace notera que si la langue de la République est le français, les langues régionales, en revanche, ne sont que des langues du patrimoine de la France. Existe t-il une hiérarchie entre la République et la France ? Ou alors une dichotomie entre le pays légal et le pays réel ? Les deux à la fois certainement. En tout cas il est certain que les langues régionales n’appartiennent pas au patrimoine de la République.

Nous pouvons voir qu’un réel problème politique se pose devant nous. Une loi votée par le Parlement est ainsi censurée par le Conseil Constitutionnel, la procédure est évidemment autorisée par la Constitution (art. 61). Nous sommes loin de la célèbre phrase du général de Gaulle « En France, la cours suprême, c’est le peuple ». Que reste t-il donc du vox populi dont la souveraineté (existe-elle encore?) est déléguée à la représentation nationale, le Parlement ?

La question se pose doublement. Faisons un peu d’anticipation électorale en cas d’un bouleversement de grande ampleur lors des prochaines présidentielles, même si cet hypothétique futur Gouvernement dispose des outils du parlementarisme rationalisé (en cas de tentative de déstabilisation ou d’obstruction parlementaire, faute de majorité), il devrait faire face à la fois au Conseil constitutionnel et au droit communautaire.

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Revenons à la question des langues régionales. Une solution s’esquisse, mais difficilement réalisable, non pas techniquement, mais politiquement. Une révision des articles 2 et 75-1 de la Constitution. Tout d’abord donner un caractère contraignant à l’article 75-1, et ensuite insérer la réalité plurielle des langues régionales autochtones dans l’article 2. En effet, la République a parfaitement réalisé la francisation généralisée des régions, un retour en arrière est impossible, s’acharner de la sorte se résume à tirer sur un cadavre refroidi depuis bien longtemps, les langues régionales, elles, ne représentent aucun danger pour l’unité de la France. Invoquer les cas de sécession en Europe relève de l’épouvantail et du fanatisme jacobin. La France doit donc assumer, juridiquement, non seulement l’enseignement mais aussi la promotion des langues régionales sous peine de perdre le peu de vitalité identitaire qui lui reste encore. C’est un chemin ardu, car pour en arriver à une telle procédure, il faut un Gouvernement d’enracinés, ce qui pour l’heure n’est pas le cas. En effet, aucune proposition de loi constitutionnelle n’a abouti jusqu’à présent, seuls les projets de lois constitutionnelles aboutissent, car ils émanent de l’exécutif.

Nous pouvons dire que pour l’heure ce sont les anywhere (ceux de partout) qui ont remporté la partie contre les somewhere (ceux de quelque part). En effet, la soixantaine de parlementaires nomades qui a saisi le Conseil constitutionnel restera dans l’histoire comme celle qui aura porté atteinte à plus de quarante années de lutte, de construction, d’expérimentation, de résultats et de travail sérieux pour maintenir et transmettre les langues vernaculaires d’un pays laminé par la mondialisation, après avoir été son laboratoire idéologique. Sœur

Llorenç Perrié Albanell

• D’abord mis en ligne sur Terre et Peuple, le 1er juin 2021.

La revue de presse de CD - 06 juin 2021

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La revue de presse de CD

06 juin 2021

DESINFORMATION

Biélorussie : Roman Protassevitch opposant fabriqué et néo-nazi

Le détournement de l’avion Ryanair vers Minsk et l’arrestation de Roman Protassevitch permet d’assister une fois de plus à un jeu de rôle classique. Le moins que l’on puisse dire c’est que si détournement il y a pour permettre une arrestation, c’est simplement de la piraterie. Et le fait que les États-Unis, l’Allemagne et la France (coucou Assange, coucou Snowden, coucou Benbella…) n’aient aucune leçon à donner n’empêche pas cette qualification. Sur le fond j’invite à prendre connaissance de l’interview de l’interview d’Arnaud Dubien qui montre que l’affaire est un peu plus compliquée qu’on ne le présente.

Vu du Droit

https://www.vududroit.com/2021/05/bielorussie-roman-prota...

ESPIONNAGE

L’espionnage des Européens par la NSA dépasse en volume tout ce que l’on peut imaginer et rien ni personne ne s’y oppose

On apprenait ce week-end que la NSA aurait, entre autres choses, utilisé délibérément un accord secret avec le Danemark pour espionner indûment ses alliés, à l'image de la France et de l’Allemagne. Interview de Franck DeCloquement.

Atlantico.fr

https://atlantico.fr/article/decryptage/l-espionnage-des-...

GEOPOLITIQUE

Israël : nouveau directeur du Mossad mais même objectif : l'Iran

Après plusieurs mois d’attente, Benjamin Netanyahu a annoncé la nomination du nouveau chef des services secrets de l’État hébreu. L'arrivée de David Barnea à la tête du Mossad sonne comme une mise en garde contre l’Iran.

Atlantico.fr

https://atlantico.fr/article/decryptage/israel---nouveau-...

Illusion et désillusion d’une Grande Syrie arabe

La Syrie et le Liban sont deux régions où la France dispose de liens historiques et culturels importants. Durant la Première Guerre mondiale, elle a tenté de faire valoir ses intérêts en permettant la création d’une Grande Syrie arabe. Une tentative qui a certes échoué, mais qui a malgré contribué à façonner le visage actuel de la région. 

Conflits.com

https://www.revueconflits.com/illusion-et-desillusion-dun...

Eschatologie du conflit russo-turc

Les récents événements du Moyen-Orient ont accru les sentiments antiturcs parmi les peuples orthodoxes chrétiens à l’intérieur de l’espace byzantin : Grecs, Serbes, Bulgares et Roumains. Les tensions croissantes ont conduit beaucoup de gens dans la région et dans d’autres pays orthodoxes chrétiens, incluant la Russie, à se référer aux prophéties des Saints orthodoxes sur la guerre entre la Russie et la Turquie.

Euro-synergies

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/05/28/e...

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MEDIA

BHL « enquête », la défaite du journalisme

Grand moment de journalisme dans le JDD qui nous offre dans Le Journal du Dimanche du 23 mai une « enquête » signée Bernard-Henri Levy sur deux pleines pages. Sujet de l’investigation ? « Le Doge de Paris », l'ancienne bourse transformée en musée privé par François Pinault. Un monument du genre (pas le Doge, l’article…) qui en dit long sur les relations incestueuses entre médias, influence et capitalisme. En matière de journalisme tout court et d'indépendance, on fait difficilement mieux.

Blast-info

https://www.blast-info.fr/articles/2021/bhl-enquete-la-de...

La Croix (celtique) et le terrorisme inconnu…

La Croix hebdo, le numéro de fin de semaine (21 mai 2021) du journal de centre gauche, nous a gratifié d’un titre racoleur pour son opus de Pentecôte : « Terrorisme d’ultra droite — une autre menace ». Le tout illustré d’une belle croix celtique. Une « une » à la Libé à laquelle La Croix ne nous avait pas habitués… Mais à y regarder de plus près, on regrette presque les pages de Libération.

OJIM

https://www.ojim.fr/la-croix-celtique-et-le-terrorisme-in...

Populismes en Inde et au Brésil : l’indigence des analyses médiatiques

Quel est le point commun entre l’Inde et le Brésil ? A priori, aucun : tout semble séparer ces deux pays. Leur traitement médiatique récent tend pourtant à les rapprocher. Il s’agirait dans les deux cas de grandes démocraties, dirigées depuis peu par des personnages autoritaires, et confrontées à une catastrophe sanitaire sans précédent face à la pandémie de Covid-19. De là à présenter l’hécatombe comme une conséquence logique de l’élection de « populistes » tels que Narendra Modi et Jair Bolsonaro, il n’y a qu’un pas, que certains médias franchissent allègrement.

Le Vent se Lève

https://lvsl.fr/populismes-en-inde-et-au-bresil-lindigenc... /

Les trois clés pour la souveraineté numérique

Aujourd'hui, des entreprises françaises stockent leurs données sur les clouds d'Amazon (AWS), de Google ou de Microsoft et de nombreux Français échangent quotidiennement sur des messageries et applications qui collectent leurs données pour les partager avec les GAFAM. Mais comment agir pour que les solutions françaises et européennes deviennent une évidence et un réflexe pour toute la population ?

La Tribune

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-trois-cles...

UNION EUROPEENNE

Injure démocratique du traité de Lisbonne : qui a fait quoi ?

Le 29 mai 2005, le peuple français avait explicitement par une large majorité rejeté le Traité Constitutionnel Européen. Le sens de ce vote obtenu par référendum c’est-à-dire par l’arbitrage ultime de la souveraineté populaire était clair : le refus de la voie empruntée par le TCE visant à confisquer au peuple français sa souveraineté sur le territoire national. Par l’ossification définitive dans des traités irréformables, des questions relevant auparavant de la délibération des citoyens de notre pays.

Vu du Droit

https://www.vududroit.com/2021/05/injure-democratique-du-...

dimanche, 06 juin 2021

Il n'y a pas de démocraties ni d'autocraties, seulement des gouvernements

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Il n'y a pas de démocraties ni d'autocraties, seulement des gouvernements

Andrew Korybko

Ex : http://oneworld.press/?module=articles&action=view&am...

La division du monde en "démocraties" et en "autocraties" est un reflet inexact de la réalité. Il n'y a que des gouvernements, et chacun d'entre eux comporte des éléments de ces deux catégories, bien qu'à des degrés divers selon les particularités du modèle national effectivement en vigueur.

Le président américain Joe Biden a déclaré aux membres des services américains à la fin du mois dernier que "nous sommes dans une bataille entre les démocraties et les autocraties". Il a également exploité ses nombreux contacts personnels avec le président chinois Xi Jinping pour se présenter comme une autorité pour juger la vision globale du dirigeant chinois. Biden a faussement affirmé que le président Xi "croit fermement que la Chine, avant les années 2030, 2035, va posséder l'Amérique parce que les autocraties peuvent prendre des décisions rapides". Bien qu'il ne s'agisse que de détails très mineurs dans un discours beaucoup plus vaste, ils méritent un examen plus approfondi car ils révèlent beaucoup de choses sur les conceptions géostratégiques contemporaines de l'Amérique.

La direction du pays, aujourd’hui dirigée par les Démocrates, est ouvertement idéologique et considère que le monde est divisé entre "démocraties et autocraties", les États-Unis et la Chine étant respectivement à la tête de l’un de ces camps. Le but de cette vision est d'établir la base idéologique et structurelle d'une nouvelle guerre froide. Elle sert également de prétexte aux États-Unis pour faire pression sur les pays qui ne cèdent pas leurs intérêts souverains à l'Amérique, sous prétexte qu'il s'agit d'"autocraties" qui ont donc vraisemblablement besoin d'une "démocratie" (généralement violente) soutenue par les États-Unis. En d'autres termes, ce n'est rien de plus que de la rhétorique pour dissimuler des objectifs de politique étrangère intéressés.

La raison pour laquelle il s'agit d'une telle ruse est qu'il n'existe plus vraiment de démocraties ou d'autocraties bien définies, mais seulement des gouvernements. En théorie, la démocratie dans sa forme la plus pure et la plus classique n'existe au niveau national dans aucun pays. Il n'est pas pratique pour les citoyens d'avoir la possibilité de voter sur chaque décision prise à chaque niveau de leur gouvernement, d'où la nécessité de ce que l'on appelle la démocratie représentative. Mais même ce système est imparfait car il n'y a pas grand-chose à faire avant le prochain tour des élections pour retenir les politiciens responsables s'ils mentent au peuple pendant leur campagne.

Une autre critique que l'on peut formuler à l'encontre du concept de démocratie est que les bureaucraties permanentes axées sur la sécurité nationale, telles que l'armée, les services de renseignement et la diplomatie, ne peuvent pas être démocratiques de manière réaliste compte tenu de leurs missions, même si leurs décisions ont un impact sur tous les autres habitants du pays et parfois même au-delà. Le concept de démocratie lui-même a plutôt été exploité à des fins de gestion de la perception pour pouvoir contrôler le plus grand nombre de personnes, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire, en fonction du contexte national particulier dont question et aussi en fonction de leur vision idéale de la société.

Quant aux autocraties, ce terme a également été déformé au-delà de son sens premier. Il n'existe aucun pays au monde où un seul individu exerce le pouvoir suprême. C'est tout simplement impossible. Aucun être humain ne peut prendre toutes les décisions nécessaires au quotidien pour faire fonctionner un pays. Il existe cependant un leadership centralisé et décisif, qui est plus courant dans les systèmes politiques non occidentaux que dans les systèmes occidentaux (dits "démocratiques"), mais même ces derniers confèrent parfois légalement de larges pouvoirs à certaines personnalités, comme la Constitution américaine le fait pour le président. La présence ou l'absence de ces droits est simplement une différence entre les systèmes politiques.

Les soi-disant autocraties délèguent les responsabilités à l'ensemble de la société, mais parfois pas de manière électorale mais méritocratique. Il n'y a rien de mal à cela non plus, c'est simplement une autre différence entre la façon dont certains pays sont gérés. Néanmoins, les États-Unis ont tendance à mépriser ces systèmes parce qu'ils sont plus difficiles à manipuler de l'extérieur par des moyens politiques tels que l'ingérence dans les élections et les mouvements de protestation armés. Il semble également que ces types de systèmes soient dirigés par des dirigeants et/ou des partis qui accordent plus d'importance à la souveraineté nationale et au bien-être de leur peuple qu'au profit des sociétés transnationales.

La division du monde en "démocraties" et "autocraties" est donc un reflet inexact de la réalité. Il n'y a que des gouvernements, et chacun d'entre eux comporte des éléments relevant de ces deux catégories, bien qu'à des degrés divers selon les particularités du modèle national effectivement en vigueur. Tenter d'établir une hiérarchie des systèmes de gouvernement est une tâche intrinsèquement subjective et sujette aux préjugés, exactement comme le serait l'établissement d'une hiérarchie des ethnies. Au lieu d'être obsédé par les différences de certains gouvernements, tout le monde devrait accepter leur diversité, tout comme on devrait le faire pour les nombreuses ethnies du monde.

Par Andrew Korybko

Réflexions sur le choc Maroc/Espagne

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Réflexions sur le choc Maroc/Espagne

Par Jordi GARRIGA

Ex: https://metainfos.com

Avec le Maroc, il est très facile de faire une comparaison avec Israël. En fait, la question de Gaza et de sa comparaison possible avec le Sahara ou Ceuta est quelque chose que nous pouvons faire. En d’autres termes, les Israéliens, les Américains, veulent se laver les mains, avoir les « mains propres », c’est pourquoi ils ont finalement fait reconnaître au Maroc l’État d’Israël. Avec ce soutien, le Maroc sait qu’il peut, sinon réussir, commencer à faire des tentatives, à faire des expériences, à tester la résistance espagnole sur ses places nord-africaines.

En effet, on peut supposer que le Maroc ne s’arrêtera pas là, le Maroc a complètement contourné le droit international, tout comme Israël le fait, tout comme le font les États-Unis, et comme aujourd’hui la plupart des puissances souveraines dans le monde. Parce que le gros problème avec l’Espagne est qu’elle n’a en réalité pas ou plus de souveraineté.

Des documents, des résolutions, tout ce que vous voulez peut nous être présenté, mais l’Espagne est une entité qui n’est pas souveraine, ni politiquement ni économiquement.

Lorsque l’Espagne est entrée dans la Communauté économique européenne (aujourd’hui l’UE) en 1986, l’Espagne a elle-aussi, à ce moment là, été contrainte de reconnaître l’État d’Israël, faisant ainsi exploser la politique traditionnelle espagnole d’amitié avec les pays arabes.

Le fait est que la situation va très bien pour le « sultan » du Maroc: d’une part, il utilise son peuple à volonté en le jetant contre l’Espagne. C’est un moyen traditionnel en politique que de solutionner ses problèmes internes, en particulier dans le cas du Maroc ceux du Nord du pays en les projetant à l’extérieur, et en blâmant l’Espagne de tous les maux.

Il existe pourtant de nombreux liens économiques entre les deux pays, donc si un boycott est proclamé, les coupables seront en premier les Espagnols car, dans tous les cas, à Casablanca, tout ce qui détériorera la situation économique marocaine sera forcément la faute du voisin pervers du nord.

Et c’est qu’en Espagne, cette question est vécue aussi de manière compliquée, car nous avons comme en France un grave problème d’identité nationale et il ne faut pas s’attendre à ce que de nombreux citoyens soient prêts à défendre l’ « espagnolité » de Ceuta et Melilla.

En ce sens que depuis de nombreuses années, l’idée s’est répandue qu’il vaut peut-être mieux «rendre» ces villes au Maroc.

Le problème est que ces îlots ne peuvent être renvoyés à leur propriétaire, à un État, par exemple le Marocain car ils n’ont en réalité jamais fait partie du Maroc: Ceuta était portugaise en 1415 et espagnole en 1580 jusqu’à aujourd’hui présent. Melilla depuis 1556. Le Maroc n’existe que depuis 1956.

Mais … cette propagande constante pendant plus de 40 ans après l’abandon du Sahara occidental, trahi par l’ancien roi Bourbon en 1975, a fait des ravages. Bien que la position doit être ferme: nous n’avons rien à rendre, car ce sont deux villes espagnoles, point final.

Le problème, qui le relie avec Israël cité plus-haut, c’est que le Maroc est l’autre grand porte-avions yankee qui surveille l’accès de l’Europe de l’Ouest à la Méditerranée: contrôle de l’Afrique du Nord, contrôle de l’Europe, contrôle du Moyen-Orient … Et cette situation va perdurer tant que l’Europe continuera d’être la partie orientale de l’Empire mondialiste incarné par les États-Unis, tant que l’Espagne, comme les autres pays européens, est totalement dépendante de la géopolitique de la soumission atlantiste, soumise à l’obligation de rejoindre le bloc mondialiste, « occidental » quel qu’il soit.

À l’heure actuelle, l’Europe et encore moins l’Espagne ou la France à eux seuls n’ont assez de pouvoir pour créer leur propre bloc pour affronter le Maroc et ses parrains yankee-sionistes puisque l’Europe contre ses intérêts à choisi une politique anti-eurasienne, anti-russe.

Pour l’Espagne, les alternatives sont compliquées: elle est déjà intégrée dans une Europe, l’UE, mais on sait déjà à quel point cette organisation est dans la dépendance complète et incapable de défendre un quelconque de ses intérêts.

Depuis longtemps, l’Espagne et le Maroc vivent dans une tension constante. Dans quelle mesure cette tension va-t-elle se poursuivre et jusqu’à quand les tentatives d’invasion, les provocations continueront-elles?  Jusqu’au réveil du peuple hispanique ?…  Jusqu’au sursaut européen final ? C’est très difficile de savoir. Mais il est clair que pendant de nombreuses années, cela posera aux Espagnols, de nombreux problèmes et de multiples ricochets à nos voisins européens les plus proches : les marocains ne font pour la moitié d’entre eux que traverser l’Espagne pour rejoindre Paris.

Ce qui vient de se passer n’est en tout cas qu’un épisode de plus dans le drame d’une Europe assiégée de l’intérieur comme de l’extérieur.

samedi, 05 juin 2021

"1979 l'Année Charnière" avec Robert Steuckers & "Les nonagénaires génocidaires" avec Nicolas Bonnal

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Café Noir N.26

"1979 l'Année Charnière" avec Robert Steuckers & "Les nonagénaires génocidaires" avec Nicolas Bonnal

 
Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde. Émission du vendredi 04 juin 2021 avec Pierre Le Vigan et Gilbert Dawed.
 
Première Partie: 1979 l'Année Charnière avec Robert Steuckers
et Deuxième Partie: Le Coup de Gueule de Nicolas Bonnal: Les Nonagénaires Génocidaires.
 
 
INDEX (pour naviguer la vidéo, cliquer sur les liens)
 
00:00 - Présentation & Introduction
05:10 - La "Cancel" & "Woke" Cultures
08:30 - La Chine s'ouvre à l'Économie de Marché
10:00 - Le Retour de Khomeini à Tehran
13:20 - Les Verts en Allemagne
16:10 - Le Néo-conservatisme aux USA (Reagan)
17:00 - Le Néo-libéralisme en Grande Bretagne (Thatcher)
27:28 - Jean-Paul II en Pologne
28:30 - Les Boat-People
30:10 - La Nouvelle Philosophie en France
34:53 - La Prise de l'Ambassade USA à Tehran
37:50 - La Double Décision de l'OTAN (Allemagne)
43:45 - L'Invasion de l'Afghanistan par l'Union Soviétique
46:35 - Les Premiers "Regime Change"
50:45 - La Première Conférence Internationale sur le Climat
51:10 - L'Emergence du Système Monétaire Européen
 
52:44 - Le CDGNB: Les Nonagénaires Génocidaires
 

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RÉFÉRENCES
Frank Bösch (Wikipédia France) https://fr.wikipedia.org/wiki/Frank_B...
Zeitenwende 1979. Als die Welt von heute begann, Frank Bösch, Beck C. H., 2019 (Le changement d'époque de 1979 - Quand commença le monde d'aujourd'hui).
De la Chine, Henry Kissinger, Fayard, 2012
La Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper, Seuil, 2018
Le Suicide français, Éric Zemmour, Albin Michel, 2014
Le Testament de Dieu, Bernard-Henri Lévy, Grasset, 1979
Les Maîtres penseurs, André Glucksman, Grasset, 1977
No Society, Christophe Guilluy, Flammarion, 2018
 
SITES
Robert Steuckers (Euro-Synergies) http://euro-synergies.hautetfort.com/

L'islamisation forcée de la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre des Balkans

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L'islamisation forcée de la Bosnie-Herzégovine pendant la guerre des Balkans

Par Enric Ravello Barber

Ex: https://www.enricravellobarber.eu/2021/06/la-islamizacion-forzada-de-bosnia.html#.YLtOD0w6-Uk

Les Bosniaques, les Serbes et les Croates sont un seul et même peuple de la famille slave qui est arrivé dans les Balkans vers le 7ème siècle de notre ère. Ils parlent la même langue, le serbo-croate, bien que chaque pays l'appelle différemment: serbe, bosniaque ou croate – langue que les Croates et les Bosniaques écrivent avec l'alphabet latin, tandis que les Serbes utilisent le cyrillique. Mais il existe un élément qui les différencie au point de les opposer et de les rendre hostiles les uns aux autres tout au long de l'histoire: la religion. Slaves christianisés, les Serbes ont été convertis entre 867 et 869 par l'empereur byzantin Basile Ier, après qu'ils aient reconnu son autorité, et sont donc devenus des chrétiens orthodoxes, tandis qu'en 879 le pape Jean VIII a reconnu le souverain croate, le duc Branimir, ce qui indique que leur christianisation s’est déroulée dans un contexte catholique-romain.

La situation est restée telle jusqu'à l'impact de la conquête des Balkans par l'Empire turc en 1463, lorsque la Bosnie, qui faisait jusqu'alors partie de la Croatie - la ‘’Croatie rouge’’ - est passée aux mains des Ottomans et que le gros de sa population s'est convertie à l'Islam, ce qui n'est pas arrivé aux Serbes qui ont conservé leur religion même sous la domination ottomane. La Croatie a toujours été défendue contre les assauts turcs, d'abord par la Sérénissime République de Venise, puis par l'Empire austro-hongrois. C'est l'origine de l'inimitié atavique entre Croates, Serbes et Bosniaques (nom donné aux Slaves du Sud de religion musulmane).

Géographiquement, le pays est divisé en deux zones: la Bosnie, au nord du pays, et l'Herzégovine, qui doit son nom à Stefan Vukcic, qui, dans une lettre adressée à l'empereur Frédéric II peu avant l'invasion turque, signait en tant que Grand-Duc de Bosnie. Le terme ‘’duc’’ en allemand se dit ‘’Herzog’’, ce qui explique que la région soit connue sous le nom d'Herzégovine (le duché) dans les documents de l'époque, avant d'être officialisée au milieu du 19ème siècle, lorsque, étant toujours une province turque, elle a été officiellement appelée Bosnie-Herzégovine.

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La Bosnie est restée sous domination turque jusqu'en 1878 (bien qu'elle ait été libérée par les Autrichiens entre 1718 et 1739), date à laquelle les Bosniaques se sont révoltés contre le sultan Abdulhamid II, influencés qu’ils étaient à l’époque par la révolution nationaliste de leurs voisins et frères serbes sur le plan ethnique (mais pas sur le plan religieux). Ces révoltes provoquent l'intervention des Austro-Hongrois et des Russes, qui finissent par expulser les Ottomans de la Bosnie, qui se retrouve administrée par l'Empire austro-hongrois, comme la Croatie et, partiellement, la Serbie. Après son démembrement à la suite de la Première Guerre mondiale, la Bosnie a fait partie d'un nouvel État, la Yougoslavie, qui a été divisée pendant la Seconde Guerre mondiale - lorsque la Bosnie a fait partie de l'État indépendant de Croatie – puis, suite à l’effondrement de l’Axe, a été reconstituée après 1945.

Pendant plusieurs siècles, les catholiques (Croates) et les orthodoxes (Serbes) qui vivaient en Bosnie-Herzégovine se définissaient comme des chrétiens, tandis que les musulmans étaient appelés ‘’Turcs’’, un terme qui n'est pas équivalent à ‘’Osmanli’’ ou ‘’Turkuse’’, désignant les Turcs eux-mêmes (1). Si les catholiques bosniaques s’indentifiaient pleinement à la Croatie, et les Serbes bosniaques à la Serbie, ils mettaient les musulmans bosniaques dans la position de prendre l'Islam comme principal élément d'identification. C'est ainsi que la question fondamentale se pose. Pour fonder l'existence d'un État bosniaque-herzégovin, il y avait deux possibilités: inclure les catholiques, les orthodoxes et les musulmans dans une seule République unitaire (nationalisme bosniaque), ou prendre l'Islam comme un élément sur lequel construire leur identité nationale (2) laissant (selon un nationalisme islamique) en suspens le cas des "minorités" catholiques et orthodoxes (3) et leur rôle dans un État compris comme musulman.

Sous le titisme, la Bosnie-Herzégovine était la république yougoslave où la plupart des citoyens inscrivaient dans l'espace réservé à la "nationalité" le terme yougoslave (sans autre référence), dans le registre civil. C'est au cours des années 1960, et plus encore au sein de l'émigration bosniaque vers l'Allemagne, que le sentiment identitaire musulman a commencé à se répandre parmi les Bosniaques, sentiment auquel Tito lui-même a fait des clins d'œil, reconnaissant les musulmans comme une "nationalité yougoslave" en 1961, lorsqu'ils sont devenus - en raison de leur taux de natalité élevé - le groupe le plus nombreux en Bosnie-Herzégovine au détriment des Serbes orthodoxes. Ces clins d'œil de Tito peuvent être compris dans le contexte d'une Yougoslavie qui s'était engagée à rejoindre les pays dits "non alignés", qui comprenaient plusieurs États musulmans.

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Le début du processus de désintégration de la Yougoslavie avec l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie a ouvert les portes au conflit interne en Bosnie et à la possibilité de créer un État bosniaque indépendant. Pour certains illuminés, c'était le moment de construire leur État musulman dans les Balkans, parmi les plus dangereux de ces illuminés se trouvait un certain Alija Izetbegovic qui allait devenir président de la République de Bosnie-Herzégovine. De toute évidence, cette définition confessionnelle-nationale était la déclaration d'exclusion pour les Serbes et les Croates de Bosnie d'un projet national commun, d'où leur volonté et leur besoin de se "réunifier" avec les Etats nationaux où ils étaient reconnus comme tels. Croatie et l'ancienne Yougoslavie, respectivement.

L'Islam et les USA du côté bosniaque

Alija Izetbegovic aurait fait partie de l'organisation des ‘’Jeunes musulmans’’, créée sous l'influence des Frères musulmans égyptiens. En 1970, il publie un texte intitulé Déclaration islamique, réédité à Sarajevo en 1990, dans lequel il explique ses intentions politico-religieuses: « Notre objectif: l'islamisation... tout ce qui, dans l'histoire des peuples musulmans, constitue une mémoire de grandeur et de valeur a été créé sous les auspices de l'Islam. La Turquie, en tant que pays islamique qui a régné sur le monde, en tant que copie européenne, représente un pays du ‘’troisième ordre’’ comme tant d'autres dans le monde. Le mouvement islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu'il aura la force numérique et morale de le faire (...) La conclusion est importante: il ne peut y avoir de coexistence entre les croyances islamiques et les institutions politiques et sociales non-islamiques... ».  Au cours de la décennie 70-80, à l'influence importante de l'islamisme égyptien en Bosnie, il faut en ajouter une nouvelle, plus importante encore: l'islamisme iranien. L'islamisme iranien étant plus attractif pour les Bosniaques, l'Iran a profité de cette circonstance pour gagner le soutien des futurs dirigeants du SDA (‘’Parti de l'action démocratique’’, présidé par Izetbegovic), dont certains ont été arrêtés en 1983 alors qu'ils revenaient d'un congrès à Téhéran pour l'unité des chiites et des sunnites, que le régime iranien, alors en guerre contre l'Irak de Saddam Hussein, avait organisé.

Lorsque le conflit bosniaque a éclaté, l'essentiel de l'aide musulmane aux Bosniaques provenait de l'Iran dont les réseaux de soutien - sanitaires et logistiques - se sont avérés très efficaces, si bien que 86% des musulmans bosniaques ont déclaré avoir une opinion "favorable ou très favorable" de l'Iran. En 1992, les Frères musulmans ont appelé au djihad contre les Serbes ; bien que leur aide ait été moindre que celle de l'Iran, elle a jeté les bases d'une relation dangereuse entre la Bosnie et les aspects les plus radicaux du fondamentalisme islamique.

Les États-Unis font leur apparition dans le conflit de l'ex-Yougoslavie en soutenant le camp musulman et en pariant sur l'unité d'une Bosnie-Herzégovine regroupant Serbes et Croates sous le commandement des musulmans et la présidence d'Alija Izetbegovic, annulant toute possibilité que la minorité croate rejoigne la Croatie (alliée traditionnelle de l'Allemagne) et que les Serbes le fassent avec la Serbie (amie de la Russie). Pour couper l'avantage acquis par l'Allemagne-UE avec l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, et pour empêcher une puissante Grande Serbie alliée à la Russie, Washington prend le drapeau musulman (comme il le fera plus tard au Kosovo pour des raisons identiques), formalisant une fois de plus une entente islamo-américaine contre tout rapprochement possible entre les deux grandes puissances continentales: l'Allemagne et la Russie.

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De son côté, le gouvernement musulman de Sarajevo (la capitale de la Bosnie), conseillé et armé par le Pentagone, a provoqué une situation irréversible pour les Croates et les Serbes de Bosnie, espérant que ses provocations constantes déclencheraient une vague de violence qui permettrait à la Bosnie musulmane de compter sur la sympathie de l'Europe occidentale, et sur une intervention armée conséquente en sa faveur. Comme l'a reconnu le chef du secrétariat d'État américain aux affaires étrangères en Bosnie: « Ce qui était à l'origine un gouvernement bosniaque multiethnique et légalement élu est devenu une entité musulmane extrémiste et antidémocratique ». Le gouvernement de Sarajevo et son Armija (le nom de son armée) n'ont pas eu trop de scrupules à faire en sorte que les Serbes soient présentés comme des barbares en Occident, permettant ainsi aux Américains de prolonger le conflit dans le but de déstabiliser et d'affaiblir au maximum cette zone vitale pour l'équilibre européen. Ainsi, le 27 mai 1992, une explosion devant une boulangerie a causé la mort de seize Bosniaques. Les images choquantes et horribles sont apparues à la télévision dans le monde entier et ont été reprises ad nauseam par CNN, blâmant sans le moindre doute les paramilitaires serbes pour un crime aussi horrible. Par la suite, les services secrets britanniques et français ont admis qu'il s'agissait d'un auto-assassinat commis par les musulmans dans le seul but de l'attribuer aux Serbes devant l'opinion publique mondiale: ce dernier "détail" n'a pas été rapporté dans les nouvelles mondiales. Le 27 août de la même année, un autre massacre a dévasté un marché de Sarajevo. L'OTAN a répondu au massacre par une action d'envergure: 60 bombardiers ont attaqué les positions serbes. Un mois plus tard, des experts britanniques ont également conclu que le missile lancé contre le marché rempli de civils provenait des rangs musulmans: là encore, le voile du silence médiatique a été étendu.

Le radicalisme islamique, une menace pour la Bosnie-Herzégovine

« La Bosnie était un modèle de tolérance interreligieuse. L'islamisme présent dans cette région était plus laïc qu'on ne pouvait l'imaginer. Les musulmans de Sarajevo étaient à une distance sidérale de ceux du Moyen-Orient. Aujourd'hui, au contraire, après dix ans de turbulences, les musulmans bosniaques sont également entrés dans le jeu international du fondamentalisme » (4).

Entre 1992 et 1995, la Bosnie-Herzégovine est devenue un enjeu majeur pour l'islamisme international. Après 2001, les enquêtes sur les réseaux terroristes islamistes sont toujours passées par le sol bosniaque. Des islamistes d'Afrique et d'Asie ont obtenu la citoyenneté bosniaque avec une étonnante facilité, avec une attitude clairement complice de la part des autorités locales, il semblerait que l'arrivée de ces Africains et Asiatiques réponde à une certaine volonté du gouvernement musulman de Sarajevo. Cette campagne de "nationalisations expresses" répondait à deux motivations: d'une part, reconnaître les mérites guerriers des moudjahidines qui ont pris les armes pour l'Armija; et d'autre part, permettre l'arrivée sur le sol bosniaque d'intégristes reconnus avec lesquels on pouvait "réislamiser" la population locale. Ce deuxième objectif a provoqué et provoque encore aujourd'hui une certaine confrontation entre l'"Islam bosniaque traditionnel d'empreinte modérée" et l'"Islam fondamentaliste importé" par ces néo-missionnaires wahhabites, qui considèrent la Bosnie comme un territoire à "ré-islamiser".

Cette Bosnie présidée par Alija Izetbegovic ne pouvait contenir le désir d'autodétermination des communautés croate et serbe. Le conflit de guerre qui a provoqué cette tension a occupé la première page de tous les journaux internationaux au début des années 90. La paix est venue avec les accords de Dayton de 1995, selon lesquels la Bosnie-Herzégovine a été divisée en deux entités mais toujours au sein du même État. Ces entités sont la Fédération de Bosnie-Herzégovine - qui comprend les musulmans et les Croates - et la Republika Srpska pour les Serbes, cette dernière jouissant d'une grande autonomie et seule la pression internationale l'empêche de rejoindre la Serbie. Avec cette division, l'organe directeur de la République de Bosnie-Herzégovine est collégial : deux représentants de la Fédération (un catholique et un musulman) et un troisième, Serbe de la Republika Srpska, celui qui obtient le plus de voix sur ces trois étant le président nominal de la République. Depuis cette division, la zone serbe n'a plus qu'une relation superficielle et administrative avec le reste du pays. Le problème est que dans la Fédération, nous assistons à un double phénomène: la réislamisation dans un esprit wahhabite des musulmans bosniaques et la marginalisation et le harcèlement des catholiques croates.

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Depuis le départ du pouvoir d'Alija en 2000 - il est mort en 2003 - les présidents de la Fédération (parmi lesquels Barik Izetbegovic, fils d'Alija) ont intensifié le processus d'islamisation, particulièrement visible dans la capitale Sarajevo, autrefois connue pour la bonne coexistence entre Serbes, catholiques et musulmans et aujourd'hui avec un paysage plus proche d'Ankara que de la ville européenne qu'elle a toujours été. Selon les mots du Cardinal Franc Rodé : « Sarajevo est devenue pratiquement une ville musulmane ». Après son voyage dans la région en juin 2009, ce Cardinal a déclaré sur Radio Vatican : « Les catholiques ont été les principales victimes de la guerre et beaucoup ont fui le pays, vers la Croatie et aussi vers des pays plus lointains comme l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande (...) A Sarajevo, une ville de 600.000 habitants, il ne reste aujourd'hui que 17.000 catholiques », soulignant également que dans de nombreux villages où il n'y avait jamais eu de mosquées, de nouvelles ont été construites, ce qui indique qu'"il existe une volonté claire d'islamiser la région de Sarajevo". Cette même année, le cardinal de Sarajevo, Vinko Puljic, a dénoncé la croissance du fondamentalisme en Bosnie, sans que les autorités ne fassent rien pour l'arrêter. Comme dans de nombreux autres pays européens, la construction de mosquées et de madrasas (écoles coraniques) est financée par les pétrodollars saoudiens.

Les Serbes et les Croates ont été victimes de cette "purification religieuse" faite à coups de kalashnikovs et de demi-lunes, mais nous voulons terminer cet article en soulignant que les principaux perdants sont les Bosniaques eux-mêmes de religion musulmane, un peuple slave européen, islamisé par l'envahisseur turc à l'âge moderne, et maintenant ré-islamisé à coups de pétrodollars et par le fanatisme saoudien. Pour eux, il serait nécessaire de repenser l'idée de la base sur laquelle construire l'Etat bosniaque. Ce sont eux qui devraient combattre cet islamisme fondamentaliste qui menace l'identité de leur peuple et qui fait de la Bosnie une base logistique des islamistes dans leur attaque contre notre Europe.

Enric Ravello

NOTES :

(1) Thierry Mudry "Bosnie-Erzégovine. La nascita di una nazione" dans Orion, nº5, mai 1996. Milan

(2) Ce que E.J. Hobsbawn a déjà souligné dans son livre Naciones y nacionalismos desde 1870. Ed. Crítica, Barcelone 1991, p. 79: "sans doute les musulmans bosniaques et les musulmans chinois finiront-ils par se considérer comme une nationalité, puisque leurs gouvernements les traiteront comme s'ils l'étaient".

(3) Relativement "minoritaires". Les Serbes représentent 38 % de la population de la Bosnie, et les Croates 22 %. La somme des deux "minorités" donne 60% de la population contre 40% pour les Bosniaques musulmans.

(4) Aldo dei Lello, L´utopia con la toga. L´ideologia del triunale internazionale e il proceso Milosevic. Ed. Sovera Multimedia. Roma 2002.

Biden déploie sa machine de guerre

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Biden déploie sa machine de guerre

Par Alexander Markovics

« Nous devons nous attendre à une guerre nucléaire ». Ce qui ressemble à un gros titre datant de l'apogée de la guerre froide est aujourd’hui une déclaration tirée du rapport annuel du commandement stratégique américain. En charge des forces nucléaires américaines, les généraux des Etats-Unis considèrent la guerre nucléaire avec la Russie et la Chine comme une possibilité "dans le spectre actuel des conflits". Dans le même temps, 28.000 soldats de 26 nations se déploient sous la direction des États-Unis en Europe de l'Est, à la frontière sud avec la Russie, dans le cadre des manœuvres "Defender Europe 2021", qui se dérouleront du 1er mai au 14 juin. L'Allemagne ne se contente pas de participer à cet exercice de grande envergure, qui peut littéralement être considéré comme un pistolet braqué sur la poitrine de la Russie, mais sert avant tout de zone de déploiement pour les autres pays de l'OTAN et notamment pour les États-Unis. Mais quel est le contexte politique du déploiement ordonné par Biden en Europe ?

Volodymyr Zelensky - un belliciste dos au mur

A Kiev, le président Zelenskyj bat à nouveau le tambour pour une reconquête du Donbass. En 2014, lorsque l'Occident a organisé un coup d'État contre le président sortant Ianoukovitch et a commencé à organiser des pogroms contre la population russe dans l'est et le sud-est du pays pour forcer une guerre avec la Russie, non seulement la Crimée mais aussi certaines parties du Donbass se sont séparées suite à un soulèvement populaire. L'accord de Minsk qui a suivi a établi un cessez-le-feu entre l'Ukraine et les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk à l'est. Outre le retrait des armes lourdes de la région frontalière et un échange de prisonniers, Kiev s'est engagé à réviser sa propre constitution et à accorder aux deux États de l'Est une autonomie qui conduirait à terme à leur réadmission dans l'Ukraine. Mais la réalité est loin de ce qui est écrit dans l'accord de Minsk: chaque jour, de pauvres gens meurent dans le Donbass sous les tirs d'artillerie et, plus récemment, de drones des soldats de Kiev. Plus récemment, un enfant de cinq ans y a été tué par des drones. Même un amendement constitutionnel contenant l'autonomie promise ne s'est pas concrétisé jusqu'à présent. La marionnette de Washington à Kiev, Volodymyr Zelenskyj, a quelque chose de tout à fait différent en tête: ce comédien télégénique qu’est Zelenskyj était devenu célèbre en tant qu'artiste de cabaret, il veut maintenant "résoudre" le conflit dans le Donbass avec l'aide de l'OTAN, comme il l'a déclaré début avril. L'Ukraine ne peut plus attendre d'être acceptée dans l'alliance militaire occidentale, a-t-il déclaré, elle veut aussi rejoindre l'UE. Car sur le plan politique, il a désespérément besoin de succès: depuis son écrasante victoire électorale, il a déçu ses électeurs. Ainsi, pour 42% des Ukrainiens, il a été la grosse déception de 2020, ne pouvant ni lutter contre la corruption dans le pays, ni mettre en œuvre la paix promise.

La crise du coronavirus a encore aggravé la situation économique de l'Ukraine. Les scandales tels que les allégations de corruption à l'encontre du fils du président américain Hunter Biden, qui font passer l'Ukraine pour un bordel et une colonie américaine, font le reste. L'Ukraine est plus dépendante que jamais de l'aide financière de l'Occident, et pas seulement dans le secteur de l'armement. Il perd également de plus en plus de partisans dans le pays même, dont récemment l'oligarque Ihor Kolomojskyj. Par suite, une nouvelle flambée de la guerre lui conviendrait parfaitement. Les officiers de l'armée ukrainienne s'efforcent également depuis des mois d'obtenir un soutien pour une guerre contre l'Est. L'armée ukrainienne, disent-ils, est prête, surtout après sa mise à niveau avec des drones et d'autres matériels de guerre provenant de l'Ouest. En clair, au lieu de la paix et du retrait des armes, cela signifierait l'expulsion et le génocide. Mais lorsque, en réponse, Moscou a massé des troupes à la frontière avec l'Ukraine et en Crimée, Zelenskyi s'est attiré les foudres du public. Soudain, l'Ukraine a été menacée par la Russie. Le président ukrainien a alors imploré l'Occident de lui venir en aide. Ce faisant, il a fait le jeu du nouveau chef de guerre à Washington.

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Car depuis l'investiture du nouveau président américain, le ton des Etats-Unis contre la Russie s'est durci. Si Hillary Clinton ne pouvait expliquer sa défaite face à Donald Trump que par le fantasme de "l'ingérence russe dans l'élection présidentielle", Biden a également eu recours à cet argument non prouvé pour alimenter la peur de la Russie aux États-Unis. De plus, le 15 avril de cette année, Joe Biden a même fait déclarer l'état d'urgence aux États-Unis parce que le service de renseignement extérieur russe, le SWR, aurait été coupable d'une attaque informatique contre les États-Unis. Cette décision a été suivie de l'expulsion de dix diplomates russes et de l'interdiction de négocier des obligations d'État russes. Lorsque, dans le même souffle, Biden souligne qu'il ne cherche pas une escalade avec la Russie, mais veut seulement "réagir de manière appropriée", cela ne peut être compris que comme une farce.

Une crise diplomatique mise en scène

Cette action a entraîné le début d'une crise diplomatique entre l'Occident et la Russie. En Europe également, les États-Unis instrumentalisent leurs alliés pour exercer une pression accrue sur la Russie. L'explosion d'un dépôt de munitions en 2014 a soudainement été utilisée par Prague comme une occasion d'expulser le personnel de l'ambassade russe de la République tchèque. Dans une réaction en chaîne de "solidarité", des diplomates russes ont également été expulsés dans les trois États baltes et en Roumanie. Moscou ne s'est pas laissé faire et a répondu à son tour en expulsant sept diplomates de l'UE. Le point culminant de l'escalade occidentale contre la Russie et ses alliés a finalement été la planification d'une tentative d'assassinat contre le président biélorusse Loukachenko, qui a pu être empêchée par les services russes et biélorusses - plus d'informations à ce sujet dans la rubrique "Objection" de ce numéro de Deutsche Stimme. Le point commun de toutes ces provocations est le fait qu'elles proviennent de l'Occident et sont dirigées contre la Russie. Tout cela ne présage rien de bon pour les futures relations entre la Russie et l'Europe, qui, elle, est devenue un champ de bataille potentiel entre les États-Unis et la Russie et qui demeure dominée par les États-Unis en matière de politique étrangère.

Un déploiement sous le signe de la grande réinitialisation

Globalement, on peut affirmer que les actions et la rhétorique de l'alliance occidentale sous la direction de Joe Biden sont devenues de plus en plus vociférantes et menacent actuellement de dépasser toutes limites. D'un côté, nous voyons un secrétaire américain à la défense transsexuel, un président américain dégringolant des escaliers et lançant des accusations non prouvées d'ingérence dans les élections et dans les affaires américaines. Ce qui semble complètement ridicule à première vue est cependant étayé par des mesures percutantes du côté occidental: les récentes déclarations sur la possibilité d'une guerre nucléaire avec la Russie et la Chine, les expulsions de diplomates russes, le déploiement de l'OTAN dans le sud-est de l'Europe et en mer Noire, ainsi que la tentative d'assassinat d'Alexandre Loukachenko sont autant de quasi-déclarations de guerre contre la Russie qui n'ont pas encore été suivies d'une escalade totale, ce que nous devons avant tout aux nerfs d'acier de Vladimir Poutine et à la retenue de la Russie. Tout cela se déroule sur fond de Great Reset. Deutsche Stimme a consacré un numéro séparé à ce sujet - qui, dans les affaires intérieures des États occidentaux, impose des mesures toujours plus totalitaires de restructuration de la société sous le couvert de la politique ‘’covidiste’’; dans le domaine de la politique étrangère, cela signifie une confrontation toujours plus vive avec des puissances altermondialistes comme la Chine, l'Iran, mais surtout la Russie.

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L'Allemagne a beaucoup d'enjeux dans ce conflit. L'enjeu n'est pas seulement le gazoduc Nord Stream 2, qui revêt une importance considérable pour la sécurité énergétique du pays, mais l'existence même du peuple allemand. En octobre 2020, l'armée de l'air allemande s'est entraînée à larguer des bombes nucléaires américaines sur le territoire allemand dans le cadre de l'exercice "Steadfast Noon". Sachant que les bellicistes du Pentagone et leurs marionnettes à Kiev travaillent à une escalade ouverte avec la Russie et que l'Occident est apparemment prêt pour la guerre nucléaire, une seule mauvaise décision peut conduire à l'anéantissement nucléaire de l'Allemagne et de l'Europe, comme aux beaux jours de la guerre froide. Dans le contexte des développements actuels, il est d'autant plus important que nous ne nous laissions pas atteler à la charrette de Washington, mais que nous nous prononcions inébranlablement pour un retrait de l'OTAN et pour la paix en Europe. Maintenant que les Verts, la gauche et même une grande partie de l'AfD sont attachés au traité de l'Atlantique Nord et au transatlantisme, c'est la seule tâche de l'opposition nationale de mener une authentique politique de paix pour un futur monde multipolaire.

 

vendredi, 04 juin 2021

Les succursales vertes de Washington en Europe

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Les succursales vertes de Washington en Europe

Le parti allemand des Verts est susceptible d’entrer dans une coalition gouvernementale aux élections de septembre après avoir renié ses origines et s’être rallié à Washington.

Par Diana Johnstone

Source Consortium News

Pour l’Empire Américain, il est essentiel de dominer l’Europe, directement grâce à l’Otan, et indirectement par le biais d’un réseau de traités, d’institutions et d’organisations de l’élite qui établissent un consensus politique et sélectionnent les futurs dirigeants des pays européens. L’influence envahissante de Washington a profondément détérioré les relations entre les pays de l’Europe de l’Ouest et la Russie.

La Russie est une grande nation qui a une place importante dans l’histoire et la culture européenne. La politique de Washington est d’expulser la Russie de l’Europe de manière à affermir sa propre domination sur le reste du continent. Cette politique conduit à susciter artificiellement de l’hostilité et a détruire ce qui devrait être des relations mutuellement profitables entre la Russie et l’Occident.

Il est tout à fait évident pour tous les observateurs sérieux que le commerce entre une Russie riche en ressources et une Allemagne hautement industrialisée s’impose naturellement et profite aux deux parties – en particulier à l’Allemagne. L’oléoduc Nordstream 2 symbolise cette coopération profitable : il est sur le point d’être achevé et fournirait à l’Allemagne et à d’autres consommateurs européens, du gaz naturel à un prix raisonnable. Les États-Unis sont déterminés à empêcher que l’opération Nordstream 2 s’accomplisse. Les raisons évidentes sont de faire barrage à « l’influence russe », de vendre à l’Allemagne un gaz américain plus cher obtenu par fracturation hydraulique, et en dernière instance d’affaiblir le soutien populaire à Poutine dans l’espoir de le remplacer par une marionnette américaine, comme l’ivrogne Eltsine qui ruina la Russie dans les années 90.

Mais pour ceux des Européens qui préfèrent s’opposer au Nordstream 2 en prenant une posture d’une grande élévation morale, il y a tout un ensemble de prétextes disponibles, tous largement fictifs : le vote de la Crimée pour réintégrer la Russie, faussement présenté comme une mainmise militaire ; l’incroyable saga du non-empoisonnement d’Alexei Navalny ; et le dernier en date : une obscure explosion en République Tchèque, en 2014, qu’on attribue tout à coup à ces deux mêmes espions russes qui, prétendument, n’ont pas réussi à empoisonner les Skripal à Salibury en 2018.

Selon la doctrine libérale qui justifie le « libre-marché » capitaliste, c’est leur intérêt économique qui conduit les gens à faire des choix rationnels. Il s’ensuit que beaucoup de bons observateurs ont placé leurs espoirs d’une véritable opposition à la politique américaine d’isolement de la Russie, dans l’intérêt bien compris des politiciens allemands et en particulier des dirigeants économiques allemands.

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Annalena Baerbock

Les élections allemandes de septembre : pragmatisme contre pharisaïsme

En septembre prochain il y aura en Allemagne des élections parlementaires qui décideront de l’identité du prochain chancelier successeur d’Angela Merkel. En politique étrangère, le choix pourrait être entre le pragmatisme et le moralisme, et on connaît maintenant celui qui l’emportera.

Le pharisaïsme agressif a sa candidate : Annalena Baerbock, que les Verts ont choisie pour être le futur chancelier. Le moralisme ostentatoire de Baerbock se révèle dans ses remontrances à la Russie.

Baerbock a quarante ans, elle est environ d’un an plus jeune que le parti des Verts lui-même. Elle est la mère de deux jeunes enfants, ancienne championne de trampoline et elle sourit même lorsqu’elle parle – l’image même d’une heureuse et innocente nature. Elle a appris à parler anglais couramment en Floride, lors d’un échange entre lycées, elle a étudié le droit international à la London School of Economics, et elle prône (surprise, surprise !) un partenariat étroit avec l’administration Biden pour sauver le climat et le monde en général.

Après que Baerbock fut choisie comme candidate des Verts, un sondage Kantar la montra en tête avec 28%, de tout un ensemble de candidats, juste devant le parti chrétien-démocrate à 27%. Plus surprenant fut un sondage de quinze cents dirigeants d’entreprise fait par l’hebdomadaire économique Wirtschaftswoche, qui montra que Baerbock était, de loin, leur favorite.

Résultats du sondage :

Annalena Baerbock : 26.5%
Christian Lindner, FDP : 16.2%
Armin Laschet, CDU : 14,03%
Olaf Scholz, SPD : 10.5%
Indécis : 32.5%

Il est naturel que le FDP libéral obtienne un bon score chez les dirigeants d’entreprises – Christian Lindner est également partisan de sanctions sévères contre la Russie, ce qui montre que les chefs d’entreprise préfèrent les deux candidats les plus antirusses. Bien entendu, ils peuvent être motivés d’abord par des questions intérieures. Le candidat CDU, Armin Laschet, en revanche, est un modéré raisonnable, qui prône des relations amicales avec la Russie. Mais on dit qu’il manque de charisme personnel.

Deux autres partis figuraient dans le sondage Kantar. Die Linke, le parti de la Gauche, faisait 7%. Ses figures les plus connues, Sarah Wagenknecht et son mari Oskar Lafontaine, sont ouvertement critiques de l’Otan et de l’agressive politique étrangère étatsunienne. Mais les dirigeants du parti qui s’accrochent à leurs faibles espoirs d’être inclus, à titre d’associés minoritaires, dans une hypothétique coalition de gauche, craignent d’être disqualifiés en adoptant de telles positions.

Le parti « Alternative pour l’Allemagne » est favorable à une normalisation des relations avec la Russie, mais depuis qu’il a été étiqueté d’extrême droite, aucun autre parti ne voudrait se joindre à lui dans une coalition.

Les gouvernements allemands sont mis en place par des coalitions. Les Verts peuvent aller vers la gauche (leurs origines) ou vers la droite. Le déclin historique des Sociaux Démocrates (SPD) et la faiblesse du parti de la Gauche, font qu’une coalition des Verts avec la CDU est la plus probable. Cette coalition pourrait inclure le SPD ou le FDP, selon le résultat des élections.

Dans les pays occidentaux, l’un après l’autre, l’opposition à la politique belliqueuse de l’OTAN se renforce, soit à droite, soit à gauche du spectre politique, mais ces opposants ne peuvent se rassembler car ils se divisent sur maints autres sujets. De sorte que c’est le centre conformiste qui l’emporte, et comme le soutien des partis traditionnels, CDU et SPD, s’érode, les Verts ont toutes les chances d’occuper ce centre.

Le programme des Verts : R2P et le Grand Reset

Baerbock est le pur produit d’une sélection transatlantique des dirigeants politiques. Entre deux sauts sur son trampoline, son intérêt professionnel a toujours porté sur les relations internationales dans une perspective anglo-américaine, y compris sa maîtrise de droit international à la London School of Economics.

Sa formation à la gouvernance transatlantique comprend son appartenance au Fonds Marshall pour l’Allemagne, au Programme des Jeunes Dirigeants du Forum Economique Mondial et au Comité Europe/Transatlantique de la Fondation Heinrich Böll du parti des Verts.

A partir de cette base, elle s’est élevée rapidement jusqu’à la direction du parti, avec très peu d’expérience politique et aucune expérience administrative.
Les Verts sont en complète harmonie avec la nouvelle croisade de l’administration Biden, laquelle vise à refaire le monde sur le modèle américain. En écho au Russiagate, et sans la moindre preuve, les Verts accusent la Russie d’immixtion malveillante en Europe, alors qu’ils mettent en avant leur propre immixtion bienveillante dans la politique intérieure russe, en faveur d’une « opposition démocratique » toute théorique.

Leur programme électoral affirme que « la Russie est devenue progressivement un État autoritaire et sape de plus en plus la démocratie et la stabilité de l’Union européenne et des pays limitrophes ». En même temps, le Verts « veulent soutenir et intensifier les échanges » avec le mouvement démocratique en Russie qui, selon eux, « se renforce eu égard aux droits de l’homme, à la démocratie et au règne de la loi ».

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Pile de tuyaux pour le gazoduc North Stream 2 au port de Mukran, septembre 2020

Les Verts prônent de strictes sanctions contre la Russie et l’arrêt complet de Nordstream 2 : « Le projet d’oléoduc Nordstream 2 est non seulement dommageable quant au climat et à la politique énergétique, mais également d’un point de vue géostratégique – en particulier quant à la situation en Ukraine – on doit donc y mettre fin . »

Les Verts exigent aussi que le gouvernement russe remplisse ses engagements des accords de Minsk pour mettre fin au conflit dans l’est de l’Ukraine, ignorant le fait que c’est le refus du gouvernement de Kiev de respecter ces accords qui empêche toute solution au conflit.

Baerbock est entièrement favorable aux « interventions humanitaires ». Les Verts proposent ainsi de changer les règles des Nations Unies pour pouvoir passer outre le veto des grandes puissances (détenu par les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France) afin d’utiliser la force militaire pour « empêcher un génocide ». Son enthousiasme pour la R2P (« Responsabilité Pour Protéger » [« Responsability to Protect »], si bien utilisée en Libye pour détruire ce pays) devrait avoir un écho favorable dans une administration Biden où l’ancien ambassadeur aux Nations Unies, Samantha Power, est à la recherche de victimes à sauver.

Inutile de dire que les Verts n’ont pas oublié l’environnement, et ils voient la « neutralité climatique » comme une « grande chance pour l’Allemagne en tant qu’espace industriel ». Le développement des « technologies de protection du climat » devrait fournir « une impulsion pour de nouveaux investissements ». Leur programme demande la création d’un « euro digital », la « sécurisation d’une identité numérique sur le portable », et des « services administratifs numérisés ».

De fait, le programme économique des Verts ressemble beaucoup au Grand Reset prônée par le Forum Economique Mondial de Davos, avec une nouvelle économie centrée sur le changement climatique, l’intelligence artificielle et la numérisation de tout.

Le capitalisme international a besoin d’innover pour stimuler l’investissement productif et le changement climatique lui en fournit l’aiguillon. En tant que «young leader » du Forum Economique Mondial, Baerbock a sûrement appris cette leçon.

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Joschka Fischer, champion des retournements de vestes

Quarante ans plus tôt, les Verts allemands demandaient la fin de la Guerre Froide et condamnaient les « images de l’ennemi », ces stéréotypes malveillants appliqués aux anciens ennemis de l’Allemagne. Aujourd’hui, les Verts promeuvent les « images de l’ennemi » russe et sont les premiers à contribuer à la nouvelle Guerre Froide.
Baerbock n’a pas eu besoin de trahir les idéaux des Verts, ils avaient déjà été entièrement trahis avant qu’elle adhère au parti, il y a 22 ans, par Joschka Fischer.

Fischer était un ancien gauchiste beau parleur qui dirigeait l’aile « réaliste » des Verts. Sa nomination comme ministre des affaires étrangères en 1998 fut accueillie avec enthousiasme par de hauts dirigeants américains en dépit du fait qu’il avait abandonné ses études secondaires et qu’il avait passé sa jeunesse comme bagarreur de rue gauchiste à Francfort, non loin des bases américaines.

En mars 99, le ministre des affaires étrangères Fischer donna la preuve de ce qu’il valait en conduisant l’Allemagne et son parti Vert « pacifiste » à participer au bombardement de l’Otan contre la Yougoslavie. Un renégat est particulièrement appréciable dans ce genre de circonstances.

Beaucoup de Verts hostiles à la guerre par principe quittèrent le parti, mais les opportunistes s’y engouffrèrent. Fischer réussit à toucher les cordes sensibles : la raison qu’il donna pour faire la guerre était « Jamais plus Auschwitz » – ce qui n’avait rien à voir avec la question du Kosovo mais était moralement intimidant.

Fischer apprit de son mentor, l’ancienne secrétaire d’état américaine Madeleine Allbright, l’art de la porte tournante, et en 2007 il se lança dans le métier de consultant avec sa propre firme de conseil d’entreprises sur la manière de mettre à profit les circonstances politiques dans les différents pays.

L’opportunisme peut être un art. Il collectionna aussi les conférences lucratives et les doctorats honoraires d’universités de par le monde – lui qui ne termina jamais ses études secondaires. De son squat de jeunesse, il était passé à une luxueuse villa dans le plus beau quartier de Berlin, en compagnie de sa cinquième épouse, tout aussi séduisante que les précédentes.

En s’enrichissant, Fischer prit ses distances avec la politique et avec les Verts, mais la candidature de Baerbock semble avoir ranimé son intérêt. Le 24 avril, Der Spiegel publia un entretien avec Fischer et un politicien en vue du FDP, Alexander Graf Lambsdorff, entretien intitulé :  « Nous devons frapper la Russie là où ça fait mal ». Fischer laissa entendre que cette rencontre avec Lambsdorff annonçait l’entrée possible du FDP dans une coalition avec les Verts.

Pendant ce temps-là en France

De l’autre côté du Rhin, en France, les Verts français, « Europe Ecologie les Verts », ont également profité de la désaffection à l’égard des partis traditionnels, notamment les Socialistes, en voie de disparition, et les Républicains, très affaiblis. Les Verts ont remporté plusieurs grandes municipalités à l’occasion d’élections à faible participation pendant la pandémie. Ils ont causé quelques remous en condamnant les sapins de Noël (victimes de coupes) ; en privant de subventions un aéroclub, au motif que les enfants ne devraient plus rêver de voler (c’est mauvais pour l’environnement) ; et en contribuant à hauteur de deux millions et demi d’euros au financement public d’une mosquée géante à Strasbourg, mosquée parrainée par le président turc Recep Tayyip Erdogan afin de promouvoir l’islam en Europe ( Strasbourg a déjà une demi-douzaine de petites mosquées pour sa population d’immigrés turcs).

Le candidat EELV aux élections présidentielles de 2022, Yannick Jadot, inspiré par l’actuelle popularité de Baerbock, nourrit de grandes ambitions. Dans un article du Monde du 15 avril, il écrivait : « L’arrivée des Verts au pouvoir en Allemagne à l’automne 2021, si s’y ajoute celle des écologistes en France en 2022, contribuera à créer les conditions de l’émergence d’une puissante politique étrangère et de défense commune aux Européens. »

Jadot intitulait son article : « Les régimes autoritaires ne comprennent que les rapports de force ». « Ils ne comprennent que la force » est un cliché éculé débité par les pouvoirs qui préfèrent eux-mêmes utiliser la force.

Jadot se plaint de « l’agressivité croissante des régimes autoritaires de la Chine, de la Russie et même de la Turquie » et du fait qu’ils « fragilisent nos démocraties en diffusant des fausses nouvelles «  ou « en rachetant nos entreprises-clés ». Ce qui est une excellente plaisanterie puisque ce sont les États-Unis qui sont intervenus contre le producteur français de matériel de centrales nucléaires Alstom pour faciliter son rachat par General Electric. (Voyez : Le piège américain, de Frédéric Pierucci).

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L’élément commun aux Verts allemands et français, c’est Daniel Cohn-Bendit, qui a intégré et quitté les deux partis, les poussant tous les deux dans les bras de l’Otan et de Washington. Mais la différence entre eux, c’est que les Verts allemands peuvent entrer dans une coalition avec la droite ou bien avec la gauche, alors que les Français s’identifient encore à la gauche et que celle-ci a de très faibles chances de gagner les prochaines élections présidentielles, même avec une tête de liste vert-kaki.

Biden a déclaré que le 21ième siècle est celui de la compétition entre les États-Unis et la Chine. Pour les États-Unis, il n’y a que la compétition, jamais la coopération. L’Europe n’est pas dans la course : elle l’a perdue depuis longtemps. Son rôle est d’être le suiveur, alors que les États-Unis sont les meneurs. Les Verts européens aspirent à prendre la tête des suiveurs, partout où Washington les mènera.

Diana Johnstone était attachée de presse du groupe des Verts au Parlement européen, de 1989 à 1996. Dans son dernier livre, Circle in the darkness : memoirs of a world watcher (Clarity Press, 2020), elle raconte les moments clés de la transformation du parti allemand des Verts, d’un parti de la paix en un parti de la guerre. Ses autres livres sont : « Fools’ crusade : Yugoslavia, NATO and Western delusions (Pluto/Monthly Review), ainsi que « From MAD to madness : inside Pentagon nuclear war planning(Clarity Press), écrit en coopération avec son père, Paul H. Johnstone. On peut la joindre à diana.johnstone@wanadoo.fr

[Diana Johnstone, née en 1934, est une journaliste américaine indépendante, de grand talent, qui vit à Paris depuis une trentaine d’années. Ses autres articles, notamment une remarquable analyse du mouvement des Gilets Jaunes, se trouvent sur la Unz Review, Ndt]

Traduit par J.A., relu par Hervé pour le Saker Francophone

 

 

Le "soft power" russe comme élément tactique de la guerre hybride

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Le "soft power" russe comme élément tactique de la guerre hybride

Jonas Estrada

Ex : https://www.geopolitica.ru/es/article/el-poder-blando-rus...

Il est pertinent de mentionner le rôle de l'État russe dans sa stratégie de "guerre hybride" par la mise en œuvre du soft power comme tactique pour influencer ses actions géopolitiques et géoculturelles. Dans de nombreux documents officiels, ainsi que dans les textes d'experts universitaires dans le domaine de la géostratégie et de la géopolitique, le soft power est défini comme l'effort visant à renforcer les affinités linguistiques, culturelles, économiques et religieuses avec les États voisins et à attirer différents groupes d'intérêt. La Russie exerce son soft power par le biais de cinq instruments principaux:

(1) les relations publiques et la diplomatie publique ;

(2) les médias ;

(3) l'Église orthodoxe russe ;

(4) les commissions consacrées à la "correction de l'histoire déformée" ;

et (5) les fondations, associations, clubs et congrès destinés à coordonner une politique commune pour les "compatriotes" et à promouvoir la coopération culturelle et scientifique, la langue et la culture russes au-delà des frontières russes. Le fait qu'ils partagent une affinité culturelle et politique en tant que partie de l'empire russe facilite l'influence actuelle de Moscou.

Bien qu'aucun document de la Doctrine militaire d'État russe ne mentionne explicitement le concept de "guerre hybride", le ministère russe de la défense l'a introduit dans le Livre blanc de la défense en 2003, dans lequel Moscou a défini les conflits futurs comme "asymétriques". Les Russes utilisent trois expressions pour désigner la guerre hybride : nelineynoi voine ("guerre non linéaire") ; setovaya voina ("guerre de réseau" ou guerre en réseau) et neopredelonaya voina ("guerre ambiguë").

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Le concept de guerre hybride s'inscrit parfaitement dans la tradition originellement léniniste qui considère que la paix n'est qu'un état d'avant guerre. Sous cet angle, le soft power n'est qu'un élément tactique du hard power. Le soft power devient hard power grâce à la diplomatie. Dans le cas de l'Ukraine comme dans celui de la Géorgie, ils montrent qu'il existe sept phases de conversion du soft power en hard power qui développent la stratégie principale de la guerre hybride comme instrument clé du processus d'insubordination géopolitique révisionniste dont le but ultime est de prendre le contrôle, formel ou informel, d'un territoire.

Les trois premières phases visant à accroître la loyauté des compatriotes envers le gouvernement du Kremlin et à la diminuer envers le gouvernement local sont les suivantes:

(1) renforcer les liens linguistiques, culturels et religieux ;

(2) fournir une aide humanitaire (nourriture, médicaments et investissements économiques) ;

(3) articuler différentes politiques spécifiquement destinées aux compatriotes (organisation de congrès, coopération culturelle et scientifique, fondations pour promouvoir la culture russe).

(4) La quatrième phase représente le tournant car elle consiste en la distribution systématique de la citoyenneté russe ("passeports") et la conversion officielle des compatriotes en citoyens russes.

(5) Cette phase est souvent étroitement liée à la cinquième phase, la dezinformatsia ("désinformation"), qui, à l'époque soviétique, était définie comme "le discrédit et l'affaiblissement des opposants et la déformation de la perception de la réalité des cibles choisies". La désinformation est au cœur du processus d'insubordination géopolitique révisionniste. La désinformation consiste avant tout à souligner la souffrance de la population russe en tant que minorité ethnique. Si le gouvernement du pays hôte a l'intention de se rapprocher de l'UE et/ou de l'OTAN, les Russes se sentent menacés par l'Occident et sont en danger pour leur sécurité physique.

(6) La sixième phase implique l'application de la diplomatie humanitaire, la protection. Les documents officiels (la Constitution de la Fédération de Russie) prévoient la possibilité de protéger les compatriotes si deux circonstances se présentent: (1) leur sécurité est menacée; ou (2) des compatriotes (pas nécessairement leurs représentants) demandent l'aide de la Russie.

(7) La septième et dernière phase est l'exercice d'un contrôle formel (réunification de la Crimée) ou informel sur le territoire où vivent les compatriotes (conflits gelés comme le cas de la Transnistrie).

Ces sept phases démontrent que les compatriotes, les russophones, sont le principal instrument du processus d'insubordination géopolitique révisionniste. En ce sens, comme on peut le voir sur la carte, l'Ukraine a été une cible relativement facile pour la Russie dont le plus grand succès en Crimée et dans le Donbass coïncide avec le plus grand pourcentage de population russophone (plus de 60%), ce qui ne signifie pas toujours des Russes ethniques, il y a aussi des Ukrainiens russophones et il faut noter que les Ukrainiens et les Russes sont des Slaves ethniques.

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Ukraine : pourcentage de la population ayant le russe comme langue maternelle, par macro-régions

Pour ces raisons, le principal objectif de l'UE dans les pays du partenariat oriental dans le cadre de la politique européenne de voisinage est de soutenir le développement de la démocratie et l'intégration progressive au marché européen. Les instruments pour atteindre cet objectif sont l'aide économique, les conseils politiques et le soutien à la société civile. En termes géopolitiques, cependant, l'OTAN est derrière tout cela, cherchant à encercler la Russie et à empêcher son influence dans l'"étranger proche". Tandis que la Russie, dans le but de concurrencer l'UE, a créé l'Union économique eurasienne (UEEA). Toutefois, son cadre stratégique repose sur trois concepts (utilisés tant dans les documents officiels que par la population russe):

(1) za rubiezhëm ("l'étranger proche");

(2) Ruskii Mir ("le monde russe");

et (3) sootechestvenik ("compatriote", littéralement "celui qui est avec la patrie").

Les principaux objectifs de la Russie dans la région sont à l'opposé de ceux de l'UE: empêcher les pays qui aspirent à se rapprocher de l'UE et de l'OTAN, les empêcher de le faire et maintenir leur "zone d'influence". Les instruments choisis pour y parvenir sont très variés. Ils oscillent entre pouvoir économique (la connexion des infrastructures soviétiques favorise les liens économiques entre la Russie et les pays indépendants), soft power, "coercition douce" (chantage économique sous forme d'embargo sur les produits agricoles en Ukraine, Moldavie et Géorgie), hard coercition (ruptures d'approvisionnement en gaz en Ukraine) et hard power (utilisation de la puissance militaire pour relancer les "conflits gelés" comme en Abkhazie et en Ossétie du Sud en Géorgie, en Transnistrie en Moldavie et au Donbass en Ukraine) et, enfin, la réunification de territoires (Crimée).

mercredi, 02 juin 2021

La balkanisation du Royaume-Uni

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La balkanisation du Royaume-Uni

Le nationalisme écossais et le militantisme sécessionniste irlandais après le Brexit

https://katehon.com/ru/article/balkanizaciya-britanii

Les émeutes de Belfast en avril et la victoire des partisans de l'indépendance de l'Écosse aux élections locales britanniques sont à mettre en relation avec la sortie du pays de l'UE et la montée d'autres problèmes. Associés aux bouleversements économiques et sociaux intérieurs, ils pourraient déclencher l'éclatement de la Grande-Bretagne ou, à tout le moins, une flambée de conflits politiques.

Quelque 90 officiers de police ont été victimes de violentes violences de rue dans plusieurs villes d'Irlande du Nord depuis la fin mars. Les gouvernements de Belfast, Londres et Dublin ont condamné les troubles et les États-Unis ont appelé au calme alors que la police a utilisé des canons à eau pour la première fois en six ans.

Dix-huit personnes ont été arrêtées et 15 inculpées après que la foule, composée principalement de jeunes, a attaqué des rangs de policiers et des voitures avec des briques, des feux d'artifice et des bombes à essence.

La nuit de samedi à dimanche a été la première à ne pas connaître d'incidents majeurs depuis le Vendredi saint du 2 avril, l'absence de troubles étant liée à la mort du duc d'Édimbourg. Bien que tous les principaux partis d'Irlande du Nord aient condamné la violence, ils étaient divisés sur les causes.

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Les violences, impliquant des gangs de jeunes, ont commencé le 29 mars dans le quartier loyaliste de Londonderry - pour que l'Irlande du Nord continue de faire partie du Royaume-Uni. Avant la mort du prince Philip, le 9 avril, des manifestations et des émeutes ont eu lieu presque toutes les nuits dans plusieurs villes, dont Belfast, Carrickfergus, Ballymena et Newtownabbey. Les zones touchées sont parmi les plus pauvres du pays, avec les niveaux d'éducation les plus bas d'Europe.

Dans la nuit du 7 avril, les combats ont débordé du "mur de la paix" à Belfast Ouest, qui sépare les communautés loyalistes majoritairement protestantes des communautés nationalistes majoritairement catholiques qui veulent une Irlande unie.

Les barrières séparant les deux camps ont été abattues et, pendant les heures d'émeute, des policiers et un photojournaliste ont été attaqués et un bus a été détourné et brûlé.

Certaines parties de l'Irlande du Nord restent divisées selon des lignes sectaires, 23 ans après qu'un accord de paix ait largement mis fin aux troubles en Irlande du Nord qui ont duré près de 30 ans et tué plus de 3500 personnes.

Bien qu'il n'y ait pas d'indications claires que les troubles aient été organisés, la violence s'est concentrée dans des zones où les bandes criminelles affiliées aux paramilitaires loyalistes ont une influence significative.

Il y a de plus en plus de preuves que les hauts responsables d'organisations telles que l'Association de défense de l'Ulster et la Force volontaire de l'Ulster ont laissé les troubles se poursuivre.

Les analystes suggèrent que les paramilitaires loyalistes de l'UDA South East Antrim ont probablement saisi l'occasion de riposter contre les services de police d'Irlande du Nord à la suite de la récente répression de la criminalité dans le district de Carrickfergus.

Les dirigeants syndicaux attribuent les violences aux tensions loyalistes actuelles sur la frontière de la mer d'Irlande résultant de l'accord de Brexit entre le Royaume-Uni et l'UE.

La nouvelle frontière commerciale est le résultat du protocole d'Irlande du Nord, introduit pour éviter la nécessité d'une frontière dure sur l'île d'Irlande. Mais la colère suscitée par les règles commerciales post-Brexit, qui sont entrées en vigueur en février, est un facteur de conflit.

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La section de l'accord de Brexit connue sous le nom de "Protocole" a été conçue pour protéger le processus de paix en évitant la nécessité de contrôles à la frontière irlandaise.

Mais cela signifie également que certaines lois européennes continuent de s'appliquer en Irlande du Nord.

Et il a renforcé le sentiment de longue date chez les unionistes qu'ils sont coupés du reste du Royaume-Uni, qu'ils ont été trompés par le gouvernement britannique et que l'UE ne les écoute pas. Lors des négociations avec Bruxelles sur la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, l'accent a été mis sur la garantie que le commerce entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni puisse se poursuivre librement - de sorte qu'il soit "sans restriction".

C'est ce que le Premier ministre Boris Johnson avait en tête lorsque, avant les élections générales de 2019, il a dit de façon célèbre aux commerçants qu'ils auraient sa permission de jeter tous les nouveaux documents.

Beaucoup avaient également l'impression que les échanges dans l'autre sens - du Royaume-Uni vers l'Irlande du Nord - se dérouleraient tout aussi bien. Et ce, malgré les avertissements de l'UE et des fonctionnaires britanniques selon lesquels les nouvelles règles entraîneraient inévitablement davantage de frictions.

Les derniers mois ont fourni des exemples concrets de la manière dont le "protocole" est entré en vigueur :

- Les importations de produits végétaux et animaux, tels que la mozzarella, en Irlande du Nord en provenance du Royaume-Uni nécessitent désormais plusieurs formulaires, alors qu'il y en avait peu ou pas du tout auparavant.

- Certaines entreprises, comme John Lewis, ont suspendu la livraison de colis en Irlande du Nord et certains colis en provenance du Royaume-Uni ont été marqués comme "internationaux", bien que la chaîne de grands magasins ait maintenant repris la plupart des livraisons.

- Deux fabricants de cigarettes ont déclaré qu'ils allaient réduire la gamme de produits vendus en Irlande du Nord, les règles communautaires en matière d'emballage restant inchangées.

- Les personnes qui déménagent du Royaume-Uni vers l'Irlande du Nord doivent faire une déclaration de douane pour leurs biens s'ils font appel à une société de relocation.

Certains problèmes ont été temporaires et ont disparu. D'autres sont en passe d'être résolus grâce à des solutions de contournement, de l'argent ou des programmes de soutien.

Certaines ont été aplanies par des "périodes de grâce" avant que les règles ne soient pleinement appliquées.

Un diplomate européen qui a participé à la signature de l'accord sur le Brexit m'a dit qu'il était peu probable que l'un de ces problèmes incite des adolescents à lancer des missiles sur la police cette semaine.

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Mais chacun d'eux rappelle que l'Irlande du Nord est traitée différemment du reste du Royaume-Uni en raison de l'accord conclu par le gouvernement britannique.

Et la rhétorique des politiciens unionistes suggère qu'il est peu probable que les différences soient jamais minimisées d'une manière qui les satisfasse.

Ils préféreraient que le "protocole" soit suspendu - ce qui serait autorisé en cas de menace grave pour la sécurité ou l'économie - ou que le gouvernement l'abandonne définitivement.

Ce sera la présentation du DUP lors des élections de l'Assemblée d'Irlande du Nord en mai prochain.

Et encore, lorsque Stormont votera la prolongation du "protocole" en 2024.

Cela signifie que l'instabilité entourant l'accord de Brexit en Irlande du Nord est susceptible de se poursuivre pendant des années.

Il rend également plus difficile pour le gouvernement d'Irlande du Nord de construire des postes d'inspection dans les ports et d'autres choses qu'il doit mettre en œuvre selon les termes du "protocole", ce qui pourrait compromettre l'accord de Brexit lui-même.

Boris Johnson est également sous la pression de certains de ses propres députés conservateurs, qui continuent de faire pression pour des solutions alternatives au problème de la frontière irlandaise, même si ces solutions ont été rejetées à plusieurs reprises par l'UE lors des négociations du Brexit.

Le gouvernement britannique les accuse d'être sourds aux besoins des unionistes et de privilégier les intérêts de ceux qui se soucient davantage de la relation de l'Irlande du Nord avec l'Irlande que de ceux qui se soucient de sa relation avec la Grande-Bretagne.

Selon les ministres britanniques, l'UE a donné aux unionistes une nouvelle raison de s'inquiéter en suspendant presque accidentellement le "protocole" en janvier, alors qu'elle mettait au point un mécanisme de contrôle des exportations de vaccins contre le coronavirus.

L'UE a rapidement corrigé son erreur et présenté ses excuses. Les fonctionnaires de Bruxelles déclarent en privé que les problèmes en Irlande du Nord sont dus au fait que le Royaume-Uni n'a pas été honnête quant aux changements imminents et a agi trop tard pour minimiser leur impact.

La plus grande question est de savoir dans quelle mesure la mise en œuvre de l'accord de Brexit affectera le nombre de citoyens nord-irlandais qui ont déclaré vouloir faire partie de l'Irlande.

La loi britannique oblige le ministre de l'Irlande du Nord à organiser un référendum - un scrutin frontalier - s'il est prouvé qu'une majorité de la population souhaite la réunification.

Les sondages d'opinion montrent une minorité faible mais croissante, mais la loi est muette sur les preuves à prendre en compte et sur la manière dont le vote se déroulera.

Cet éclatement potentiel du Royaume-Uni est la raison pour laquelle les détails techniques de l'accord sur le Brexit importent aux politiciens de Londres, Belfast, Dublin et Bruxelles.

La Russie s'engage dans le Pakistan Stream

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La Russie s'engage dans le Pakistan Stream

La participation des entreprises russes à la construction du gazoduc pakistanais revêt une grande importance économique et géopolitique.

Le 28 mai, un accord bilatéral sur la construction du gazoduc Pakistan Stream a été conclu à Moscou. Le document a été signé par Nikolay Shulginov, ministre russe de l'énergie, et Shafqat Ali Khan, ambassadeur, au nom du Pakistan. Il a également été annoncé que sa mise en œuvre pratique va maintenant commencer.

Cet accord est en préparation depuis 2015 sous le nom original de "gazoduc Nord-Sud" et il a une signification géopolitique importante pour les deux pays.

Aspects techniques

 Le nouveau pipeline aura une longueur de 1100 kilomètres. Il aura une capacité de transport annuelle de 12,3 milliards de mètres cubes. Le coût est estimé à 2,5 milliards de dollars. Le gazoduc reliera les terminaux de gaz liquéfié des ports de Karachi et de Gwadar, dans le sud du Pakistan, aux centrales électriques et aux installations industrielles du nord. À l'origine, la Russie devait détenir une participation de 51 % et gérer le projet pendant 25 ans. Mais les sanctions occidentales ont bouleversé ces plans. Maintenant, la participation russe sera de 26%. Mais la partie russe aura un droit de regard décisif sur le choix des contractants, sur la conception, l'ingénierie, les fournitures et la construction.

Il existe deux projets potentiels au Pakistan : le gazoduc en provenance d'Iran, qui n'a pas encore été construit, et le gazoduc Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde (TAPI), dont on a beaucoup parlé mais qui n'a jamais été lancé. Ce dernier projet a été gelé en raison de la situation instable en Afghanistan. Par conséquent, le Pakistan Stream est le plus prometteur en termes d'attente d'un retour immédiat une fois sa construction achevée.

Le rôle et les intérêts de la Russie

Si les intérêts du Pakistan sont clairs, la participation de la Russie au projet apporterait un certain nombre d'avantages directs et indirects.

Premièrement, la participation de la Russie au projet lui-même vise à obtenir certains dividendes.

Deuxièmement, la participation russe doit être considérée sous l'angle de la "politique d'image".

Troisièmement, la Russie équilibrera la présence excessive de la Chine au Pakistan, car depuis de nombreuses années, Pékin est le principal donateur et participant dans ces projets d'infrastructure.

Quatrièmement, la Russie étudiera plus attentivement les possibilités du corridor économique Chine-Pakistan afin d'y participer et de l'utiliser comme une porte maritime méridionale pour l'UEE (port en eau profonde de Gwadar). Le gazoduc Pakistan Stream suivra en fait le même itinéraire.

Cinquièmement, étant donné les réserves de gaz naturel au Pakistan même (province du Baloutchistan), la Russie, qui s'est révélée être un partenaire fiable disposant de l'expertise technique nécessaire, pourra, dans quelque temps, participer également au développement des champs gaziers nationaux.

Sixièmement, la présence de la Russie favorisera automatiquement sa participation à d'autres projets bilatéraux ; avec l'économie dynamique et la croissance démographique du Pakistan, elle élargit les possibilités de commerce, d'industrie et d'affaires.

Septièmement, la présence russe renforce la tendance à la multipolarité, surtout dans une situation où l'Inde suit les États-Unis et s'engage dans divers projets suspects et déstabilisants de type "quadrilatéral" (comme l'a mentionné le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov).

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Redécouvrir le Pakistan

Début avril, Sergey Lavrov s'est rendu à Islamabad, où il a discuté d'un large éventail de coopérations entre les deux pays, allant de la coopération militaire et technique au règlement de la situation dans l'Afghanistan voisin. Évidemment, ce voyage a également accéléré la signature de l'accord sur la construction du gazoduc (l'autre sujet dans la sphère énergétique était l'atome pacifique). Le président russe Vladimir Poutine a également transmis aux dirigeants pakistanais le message de sa volonté de "faire table rase" dans les relations bilatérales.

L'amélioration et le développement des contacts avec ce pays sont importants pour la Russie en raison de sa position géostratégique. Tant dans le cadre de l'intégration eurasienne actuelle, y compris la conjonction avec l'initiative chinoise "Une ceinture, une route", que dans le cadre de la Grande Eurasie à venir. On peut prévoir les voix des détracteurs de ce rapprochement : "qu'en est-il du soutien aux moudjahidines en Afghanistan dans les années 1980 et de la coopération avec les États-Unis ? Toutefois, le Pakistan ne fait plus partie des alliances avec Washington, et le Premier ministre Imran Khan a déclaré à plusieurs reprises que son pays ne participerait à aucune aventure étrangère. La formule de Carl Schmitt selon laquelle il n'y a pas d'amis et d'ennemis éternels en politique confirme ces changements. En outre, l'engagement du Pakistan avec d'autres pays et sa participation à diverses organisations internationales peuvent également profiter à la Russie.

mardi, 01 juin 2021

A propos de l’écologie nationale...

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A propos de l’écologie nationale...

par Hervé Juvin

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Sur son site de campagne, Hervé Juvin, tête de liste aux élections régionales dans les Pays-de-la-Loire, répond à ses détracteurs et rappelle ce que doit être une écologie humaine et enracinée.

Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

A propos de l’écologie nationale

Plusieurs articles et quelques déclarations me concernent en tant qu’élu engagé sur les sujets environnementaux. Il me semble utile d’y apporter quelques compléments d’information, et quelques réponses.

L’extrême gauche continue de décerner des brevets d’écologie !

Et d’abord, qui sont ces rentiers de l’écologie qui prétendent décerner des brevets d’écologie, délivrent des autorisations à traiter des sujets écologiques, et prononcent des interdits ? L’écologie est l’affaire de tous. L’écologie n’appartient à personne, surtout pas à une ultragauche qui s’en est emparée au prix d’un évident paradoxe — rien n’est plus anti-écologique que l’ouverture des frontières et le multiculturalisme ! — surtout pas aux divers affairistes qui sous couvert d’écologie ont surfé sur une vague profitable ; voir le scandale des renouvelables, etc.

Et elle n’appartient pas même à celles et ceux qui ont contribué à en faire le sujet de tous. Avec tout le respect que j’ai pour Corinne Lepage, pour Brice Lalonde ou pour Antoine Waechter, rien ne leur permet de décerner des brevets d’écologisme. Je n’aurai pas l’indécence de rappeler que les grands fondateurs et concepteurs de l’écologie, d’Alexander von Humboldt à l’inventeur du mot, Ernst Haeckel, de John Muir à Konrad Lorenz ou de Jacques Ellul à Ernst Schumacher, ou que les grands porteurs de l’écologie, de Théodore Roosevelt aux États-Unis, créateur du Yellowstone, à Georges Pompidou, créateur du premier « Ministère de l’Environnement » en France, n’avaient rien de gauchiste ! Que la droite nationale retrouve la priorité écologique, celle du cadre de vie, de la transmission et de la tenue du territoire n’a rien que de naturel. J’espère y contribuer pour ma part.

L’idéologie mondialiste de l’écologie

Je ne suis pas aveugle et je vois bien ce qui gêne. Dictée par les organisations internationales au service des entreprises géantes qui les paient, d’IKEA à Tesla, et de l’idéologie mondialiste qui assure leurs profits, la religion de la transition énergétique se veut globale et entend imposer des solutions globales au changement climatique. Le changement climatique est une réalité. Prétendre le combattre de manière autoritaire et uniforme est une supercherie ; le plus bel exemple étant ces réglementations européennes sur le climat qui s’appliquent également à la Finlande et à la Sicile ! Ni l’isolation thermique des logements ni l’économie de l’eau n’y ont rien à voir ; mais le vrai propos de l’Union européenne est d’en finir avec ces spécialités locales que sont les constructions en pierre de lave de Pantelleria, comme avec les maisons en bois de l’Estonie, les unes et les autres fruit d’une adaptation remarquable aux ressources locales et au climat ; quand tout sera préfabriqué et industrialisé, l’Union prospérera sur les ruines des adaptations millénaires des hommes à leur milieu !

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En finir avec ces PME, ces artisans, ces indépendants qui font vivre les territoires, voilà le but de la captation réglementaire à laquelle ont procédé avec succès les multinationales du bâtiment. En finir avec la diversité des communautés, des sociétés, des Nations ; voilà le vrai objectif d’une écologie destructrice de la diversité, apôtre de cette écologie hors sol qui en finit avec toute culture, singularité et qui, vraiment, peut devenir la pire menace contre toute existence humaine décente.

Écologie et progressisme

Voilà le moment d’en arriver à l’essentiel. Écologie et écriture inclusive, écologie et GPA, écologie et théorie du genre, écologie et multiculturalisme, écologie et nomadisme obligé, voilà autant d’incompatibilités qui crient vers le ciel l’inconsistance tragique des écologistes proclamés ! L’homme est un être de culture. C’est entendu, les déterminants de l’existence humaine ne se réduisent ni à « la race », ni au sexe, à l’âge, au climat, etc. Qu’ils ne s’y réduisent pas ne signifient pas qu’ils n’ont aucune importance. La culture est l’expression que la liberté donne à des siècles ou des millénaires d’adaptation réciproque de l’homme à son milieu, et de ce milieu à l’homme. L’igloo, ou le refroidissement par courant d’eau des palais hindous sont des exemples remarquables d’adaptation de l’homme à son milieu ; les cultures en terrasses, ou l’assolement triennal sont les mêmes exemples de l’adaptation de son milieu à l’homme.

Toutes les cultures sont issues de ces interactions. Elles forgent ces identités qui unissent ceux qui ont en commun le même habiter et vivre dans un milieu donné. L’occupation sédentaire des territoires et la transmission familiale en sont les conditions. De génération en génération se construit l’appareil de mythes, de légendes, de gestes, de pratiques, qui exprime cette adaptation réciproque, qui la perpétue, et qui dépend de la constance de l’occupation humaine d’un ou de territoires — les nomades Peuhls ou Touaregs étant de magnifiques exemples de ces adaptations de l’homme au milieu sahélien.

Voilà ce que le double mensonge de « tous les hommes sont les mêmes » et «  chaque individu a un droit illimité à migrer » vient ruiner. Inutile d’en appeler à Joseph de Maistre ou à Pascal. Chacun de ceux qui ont vu le monde sait bien que le plus cher désir de la majorité des résidents de cette planète est de vivre sur leur terre, dans leur Nation et parmi les leurs. Et chacun sait pour que la majorité des migrants comme des populations dites « d’accueil », les migrations sont un drame imposé, quand elles ne sont pas la forme moderne de l’esclavage.

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L’écologie hors-sol est une négation de la culture, qui n’est que si elle est plurielle, et la pire menace qui pèse sur la diversité humaine, donc notre survie. Car nous survivrons parce que les hommes ne sont pas les mêmes et que leurs modèles de vie, leur idéal de la bonne vie, ne sont pas les mêmes. Et nous survivrons parce que nous aurons abandonné l’idée suicidaire selon laquelle la technique va nous permettre d’en finir avec la nature — ce qui signifie ni plus ni moins, en finir avec ce qui en l’homme fait l’homme.

Le point est décisif. Ce que dit l’obligation de se développer, à quoi se réduit le « droit au développement », est la destruction de cette diversité des modes de vie et des choix de vie qui est notre trésor inconnu. Nous ne développerons pas ce point ici, mais l’erreur est celle qui passe de l’obligation morale «  ne fais pas autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse » à son contraire ; «  fais à autrui ce que tu voudrais qu’on te fasse », qui est simplement la négation de la liberté, comme de la dignité humaine ; je ne demande à personne de faire mon bien, je m’en charge ! Que les écologistes prétendent faire le bien des hommes sans eux, voire contre eux, comme l’écologie punitive en donne chaque jour l’exemple, est une perversion morale qui tôt ou tard se paiera — et se paie déjà de la désaffection croissante pour une écologie à la triste figure, l’inverse de l’écologie de la joie de vivre qui seule peut fonder un projet politique.   

La critique se fait plus acérée, et les confusions plus gênantes, quand j’affirme que le nomadisme généralisé, l’individu de droit, la destruction des frontières et le dépassement des limites sont les pires ennemis de l’écologie. «  Le monde est à nous ! » est une insulte à l’écologie. « Nous sommes tous des nomades comme les autres ! » est la négation des conditions écologiques de notre survie. Je touche là au peu qui reste de sacré aux yeux d’une gauche qui a tout trahi, sauf l’idée d’un internationalisme qui lui vaut les faveurs des les multinationales — et la perte de tout ce qui reste des peuples conscients d’eux-mêmes. La réalité est qu’un écosystème ne survit que parce qu’il est séparé des autres — par l’éloignement, par ses défenses naturelles, par sa capacité à éliminer les espèces invasives (ceux qui restent tentés par la « reductio ad hitlerum » feraient bien de réviser leur histoire ; l’utopie écologique de l’harmonie entre un peuple et sa terre natale est présente à la création d’Israël, et le mouvement sioniste du début du XXe siècle est aussi un engagement écologique à la réconciliation d’un peuple avec son milieu d’origine, avec la « terre où coulent le lait et le miel » de la Bible). La réalité est aussi que les frontières sont moins ce qui sépare que ce qui permet à une société humaine de se recueillir dans son être et de s’affirmer dans sa plénitude — rien à voir avec l’affadissement du « multiculturalisme », ou de la consommation en masse des « signes culturels ».

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La réalité est que seul le sacré tient le marché — parce qu’il y a des raisons de tuer ou de mourir qui ne sont pas d’argent ; parce qu’il y a des choses pour lesquelles tuer ou mourir qui ne s’achètent ni ne se vendent — l’Occident devrait entendre ce qui lui dit l’Islam à ce sujet, et qui n’est pas rien. Mais qu’entendent les écologistes patentés des cris du monde et de la vie ? Dans nos sociétés de marché, sorties de la religion et de l’espoir révolutionnaire, tout ce qui demeure de sacré, ce à partir de quoi tout peut repartir, ce sont les identités particulières, ce sont les communautés et c’est la citoyenneté, surtout quand elles procurent ce sentiment de la nature propre à chaque civilisation, à chaque culture, voire à chaque territoire.

Et tout écologiste soucieux de la diversité des espèces animales ou végétales, de la préservation des biotopes spécifiques et de la stabilité des écosystèmes, devrait mesurer à quel point il se trahit s’il n’applique pas aux sociétés humaines les mêmes principes de séparation vitale, de discrimination nécessaire et de préférence pour soi. Chacun chez soi n’est ni fermeture, ni mépris ; c’est au contraire la condition pour que l’Autre demeure, que la diversité demeure, et que la liberté survive, cette liberté politique des sociétés unies devant leur destin.

En quelques mots ; oui, pas d’écologie sans respect des identités et défense de la diversité des sociétés humaines. Pas d’écologie sans frontières, sans limites et sans ce sentiment du sacré qui est incompatible avec le libre mouvement des biens, des services, des capitaux et des hommes. Et surtout, pas d’écologie sans bienveillance pour les mille et une manières de vivre et de trouver le bonheur que les hommes ont trouvé, et sans indulgence pour leurs pauvres efforts de se concilier le ciel.

Hervé Juvin (Juvin 2021, 24 mai 2021)

10:11 Publié dans Actualité, Ecologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, écologie, hervé juvin | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook