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lundi, 15 janvier 2018

« Les économistes du système sont d’authentiques charlatans »

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« Les économistes du système sont d’authentiques charlatans »

Entretien avec Christophe Poitou, auteur du livre Le syllogisme économique ou comment mettre en échec l’oligarchie (éditions Dualpha)

Propos recueillis par Fabrice Dutilleul

Ex: http://www.eurolibertes.com

Poitou-Christophe-quadri.jpgAprès avoir écrit Le totalitarisme économique il y a quelques années (Éditions L’Æncre), vous récidivez cette fois avec Le Syllogisme économique… Pourquoi ?

Je fais dans ce nouveau livre le point sur les différents débats actuels qui agitent le microcosme économique : le problème de l’euro dans le contexte actuel des remous au Front National, l’épuration académique par le scientisme mondialiste mensonger (le fameux prétendu « négationnisme économique » dénoncé par Cahuc et Zylberberg, une charge à peu près de même nature qu’un communiqué de Monsanto par exemple), et d’autres sujets encore. J’aborde surtout le débat n° 1 actuellement, à savoir la place de la flexibilité dans la cause ou non de la richesse des nations comme aurait pu dire Adam Smith.

Dans votre livre, vous montrez, faits à l’appui, que ce n’est pas une cause profonde, ni de la richesse, ni de la pauvreté des nations…

Oui, ce n’est qu’un phénomène technique qui a son importance, mais qui tient une place disproportionnée médiatiquement. Le vrai problème, c’est surtout l’excès d’immigration passé et présent. Il y a aussi la malveillance de certains représentants de l’oligarchie mondiale installée aux États-Unis.

Le résultat de tous ces dysfonctionnements est que la politique monétaire ne peut plus s’arrêter sinon tout explose ?

En effet, il faut soigner la société et l’économie en permanence. Les autorités monétaires de la BCE disent qu’ils ne peuvent se substituer aux réformes nationales de flexibilisation et que si cela est fait, ça ira mieux et ils normaliseront, mais au fond d’eux, ils n’en croient probablement pas grand-chose. Ils savent qu’on a passé le point de non-retour.

Pourtant ces mesures de « flexibilisation de droite », telles que la loi travail, pourraient peut-être avoir des effets intéressants, non ?

« Elles ne changeront rien », comme dirait un peu Stallone dans John Rambo en parlant des belles âmes anti – guerre… ou si peu ! Un pays délabré par la dissension communautaire ne peut être réparé par la flexibilité. C’est comme de vouloir éteindre un incendie de forêt avec une bouteille d’eau. Au demeurant, certains signes avant coureurs laissent présager quelques reculades sur la loi travail pour la rentrée 2018. Du Hollande bis… Par ailleurs, des manifestations de gens réellement appauvris ou en danger peuvent devenir plus dures ou dangereuses que des fiestas gauchistes où on casse un peu pour s’amuser.

Syllogisme-economique-quadri.jpgQue signifie votre titre Le Syllogisme économique ? Il peut apparaître un peu abscons…

L’économie étant devenue une préoccupation presque exclusive de beaucoup de partis, ce qui est lamentable, il est logique que les manipulations se concentrent sur ce sujet. Les syllogismes font partie de l’arsenal (avec aussi les statistiques et les mensonges directs). J’en développe plusieurs. On nous dit par exemple « accueillir des immigrés comme aux USA fera venir des Steve Jobs et vous aurez des champions de la tech ». Même si ce n’est pas strictement impossible en théorie, en pratique c’est un syllogisme. C’est comme si on vous disait : « Laure Manoudou nage le 100 mètres en une minute avec un sac de patates sur le dos ; donc si on nage avec un sac de patates sur le dos, on nage comme Laure Manaudou ». Les économistes du système sont d’authentiques charlatans.

Le syllogisme économique ou comment mettre en échec l’oligarchie, Christophe Poitou, Éditions Dualpha, préface d’Olivier Pichon, collection «Patrimoine des Héritages », dirigée par Philippe Randa, 142 pages, 18 euros.

totéco82911202988.jpgBON DE COMMANDE

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vendredi, 05 janvier 2018

Xavier de Grunne : de Rex à la Résistance

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Le Mont Ruwenzori (Congo)

Xavier de Grunne : de Rex à la Résistance

Lionel Baland est un écrivain belge, spécialiste des partis patriotiques en Europe, qui a écrit sur l’histoire du nationalisme belge. Il publie aux éditions Godefroy de Bouillon un ouvrage portant sur un pan de l’histoire du rexisme, le mouvement politique nationaliste belge dirigé au cours des années 1930-1940 par Léon Degrelle, intitulé « Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance. »

Propos recueillis par Fabrice Dutilleul.

Xavier-de-Grunne.jpgQui est Xavier de Grunne ?

Xavier de Grunne (1894-1944) est issu de la vieille noblesse belge. Pionnier dans le domaine de l’alpinisme, il le pratique aux côtés du Roi Albert Ier et devient célèbre en dirigeant une expédition au Congo belge en vue de l’exploration complète du versant occidental du Ruwenzori. La colonne, constituée de scientifiques et de centaines de porteurs noirs, se fraie un chemin dans la forêt équatoriale avant d’atteindre les glaciers. Elle reste durant deux mois dans la pluie et le brouillard à plus de 4 000 mètres d’altitude à une température proche de zéro degré.

Léon Degrelle demande en 1936 à Xavier de Grunne, « l’homme du Ruwenzori », de se présenter sur les listes du mouvement anti-corruption catholique et nationaliste belge Rex. Xavier de Grunne est élu sénateur. Lors des élections législatives de 1939, il est aussi présent sur les listes de Rex, mais n’est pas réélu car ce mouvement subit alors un fort recul électoral.

Durant la « drôle de guerre » (début septembre 1939-10 mai 1940), Rex est totalement aligné sur la position ultra-neutraliste défendue par le Roi Léopold III. Xavier de Grunne n’est pas d’accord avec ce choix et désire voir Rex et la Belgique se ranger du côté des Français et des Britanniques.

Après la défaite, Xavier de Grunne fonde l’organisation de résistance « La Phalange », est arrêté par les Allemands et meurt en déportation. Pendant ce temps, Rex se lance dans la collaboration d’abord limitée, puis illimitée avec l’occupant. Son dirigeant, Léon Degrelle combat le communisme sur le Front de l’Est et termine la guerre en tant qu’officier supérieur de la Waffen SS, après avoir reçu à l’issue de la bataille de Tcherkassy/Korsun une des plus hautes décorations du IIIe Reich des mains d’Adolf Hitler qui, lui tenant la main entre ses deux mains (il est le seul à ma connaissance à qui cela est arrivé), lui dit : « Je me suis fait tant de soucis. »

Le parcours de Xavier de Grunne est-il atypique ?

Non. Il apparaît qu’en Belgique francophone durant la IIe Guerre mondiale, les nationalistes sont allés, comme l’indique le grand résistant liégeois et professeur d’université Léon-Ernest Halkin dans son ouvrage À l’Ombre de la mort, pour la plupart dans la Résistance et y ont souvent laissé leur vie ou leur santé. Ce qui deviendra la principale organisation de Résistance du pays et sera dénommé par la suite « Armée secrète », a été fondé par les patriotes Robert Lentz et Charles Claser. Quant aux adeptes de l’Ordre nouveau, une partie d’entre eux est allée dans la collaboration limitée, tel José Streel qui est un des penseurs principaux du rexisme aux côtés de Jean Denis, et une autre partie dans la collaboration illimitée, tel Léon Degrelle. Mais d’autres ont rejoint la Résistance.

Pierre-Nothomb_9959.jpgPierre Nothomb, fondateur au cours des années 1920 des Jeunesses nationales, a été inquiété à plusieurs reprises durant la guerre par les Allemands pour ses actes de résistance. La Légion Nationale, organisation nationaliste belge fondée en 1922 et qui devient ensuite un mouvement d’Ordre nouveau qui affronte physiquement les milices socialistes et communistes, entre dès le début de l’occupation dans la Résistance. Plusieurs de ses membres sont fusillés par les Allemands et son dirigeant, l’avocat Paul Hoornaert, meurt en déportation. Un certain nombre de rexistes ou d’anciens rexistes se sont également retrouvés dans la Résistance. L’écrivain Robert du Bois de Vroylande, ainsi que le rédacteur en chef du quotidien rexiste Le Pays Réel et membre du Conseil politique du mouvement rexiste Hubert d’Ydewalle, qui ont tous deux rompu avec Rex avant la guerre, meurent en déportation. Le Mouvement National Royaliste (Nationale Koninklijke Beweging), une des organisations de résistance du pays, est fondé par des rexistes restés fidèles au Roi Léopold III. Ajoutons que les intellectuels adeptes de l’Ordre nouveau et professeurs d’université Fernand Desonay et Charles Terlinden se sont retrouvés eux aussi dans la Résistance.

Notons que les rexistes qui se sont engagés dans la Collaboration l’ont fait, à leurs yeux, dans l’intérêt de la Belgique. Lorsque José Streel estime que la poursuite d’une telle politique ne penche plus en faveur de l’avantage du peuple belge, il se retire (ce qui n’empêchera pas son exécution en 1946). Léon Degrelle poursuit dans la Collaboration en ayant pour objectif la réalisation d’une grande Bourgogne inspirée de celle de Charles le Téméraire, ce qui correspond à l’idée d’une grande Belgique (idée déjà prônée durant la Ire Guerre mondiale par Pierre Nothomb), produit d’un nationalisme belge exacerbé.

Quels principaux éléments nouveaux apporte votre ouvrage ?

XG-br.jpgContrairement à ce qui a été souvent écrit, il apparaît que Xavier de Grunne est resté lié à Rex jusqu’en 1939, et que la rupture annoncée en 1937 au sein de l’ouvrage de Xavier de Grunne intitulé Pourquoi je suis séparé de Rex ? est purement stratégique afin de disposer de la liberté de pouvoir critiquer l’Église qui attaque Rex, tout en ne froissant pas les électeurs rexistes qui sont pour la plupart des catholiques convaincus.

Notons que Léon Degrelle encense au sein de ses écrits d’après-guerre Xavier de Grunne. L’ouvrage montre qu’au début de l’Occupation, rien n’est joué et que le basculement de certains dans la Résistance et d’autres dans la Collaboration a été avant tout une question de circonstances et de relations personnelles, les individus suivant souvent leurs proches relations politiques vers l’un ou l’autre bord.

Pourquoi la direction de Rex a-t-elle choisi la Collaboration ?

Rex, mouvement politique nationaliste belge et monarchiste, n’avait rien à aller faire dans la Collaboration avec un régime nationaliste allemand d’expansion. Un élément essentiel a conduit ce mouvement dans cette situation : lors de l’invasion par l’armée allemande de la Belgique le 10 mai 1940, le dirigeant rexiste Léon Degrelle, pourtant protégé par son immunité parlementaire, est arrêté par les autorités belges et déporté en France où il est malmené et tabassé, puis traîné de prisons en prisons avant de terminer au sein de camp de concentration du Vernet (rappelons que la République française a ouvert en 1939 des camps de concentration afin d’y placer dans des conditions sordides les réfugiés républicains espagnols). Revenu miraculé en Belgique au cours de l’été 1940 après la capitulation de la France, Léon Degrelle a des comptes à régler avec le système. De plus, l’Allemagne, ayant gagné la guerre sur le continent, paraît à cette époque pouvoir dominer pour des siècles. Rex, qui est à la mi-1940 rangé derrière le Roi, change de cap six mois plus tard et entre début 1941 dans la Collaboration. Cela aurait pu ne pas arriver et le mouvement rexiste aurait pu se trouver de l’autre côté durant la guerre.

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« Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance », Lionel Baland, Godefroy de Bouillon.

Écrits de Lionel Baland sur le sujet :

Ouvrages :

* Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017.

* Léon Degrelle et la presse rexiste, Éditions Déterna, Paris, 2009.

* Préface de la réédition de « La Révolution du XXe siècle » de José Streel, Éditions Déterna, Paris, 2010.

Articles :

* Fernand Desonay : des C.A.U.R. au maquis des Ardennes Belges, in : Bulletin d’Information du Centre Liègeois d’Histoire et d’Archéologie, n° 137, 2014, p. 63-66.

* Rex en wallon : Joseph Mignolet et Amand Géradin, in : Bulletin d’Information du Centre Liègeois d’Histoire et d’Archéologie Militaires, n° 141, 2017, p. 65-70.

lundi, 01 janvier 2018

« Les dieux sont partout et même en nous si nous le voulons bien »

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« Les dieux sont partout et même en nous si nous le voulons bien »

Entretien avec Bruno Favrit

Europe Maxima : Pourquoi avoir décidé de rééditer Le Voyage du Graal ?

Bruno Favrit : Ce livre m’est cher. D’une part parce qu’il est le résultat d’un long cheminement, d’un travail de terrain et d’écriture. D’autre part et surtout parce que j’ai voulu y inscrire ou y retranscrire les éléments d’un héritage sacré. Il est important de se pencher sur cet aspect de notre spiritualité. Notre civilisation se trouve à un moment charnière de son histoire. Il convient donc plus que jamais de faire un rappel à ce qui la caractérise, c’est-à-dire sa mémoire, et à ce que cette mémoire a de plus rémanent. Elle remonte à loin, au temps de la mythologie et des dieux. Mais cela vit toujours parmi nous et en nous. Le Graal existait bien avant qu’il ne soit dénommé. Dans une société où se côtoyaient la tragédie, la philosophie, la démocratie, le paganisme… Il y a beaucoup à démêler, car le dogme et la révélation ont voulu depuis expliquer le monde et ont brouillé les cartes. C’est aussi pourquoi le concept de graal ne se laisse pas facilement appréhender. J’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice. Je pense que l’importance du sujet traité nécessitait de rendre ce livre à nouveau disponible.

Europe Maxima : Comment êtes-vous arrivé à vous intéresser au paganisme ? Quelle est votre définition de ce dernier et comment le vivez-vous ?

BF : Le paganisme, j’y suis assez naturellement venu par la fréquentation de la nature… Mais peut-être devrais-je plutôt parler, en fait, de panthéisme. La nature s’est d’elle-même substituée, si l’on peut dire, à mon éducation catholique. Il y a eu aussi des lectures qui m’ont ouvert les yeux. Elles disaient en substance, pour reprendre une formule d’Héraclite, « ici aussi il y a des dieux ». Ce pourrait être ma conception du paganisme. Les dieux sont partout et même en nous si nous le voulons bien. Je crois que nous participons, par l’âme ou par l’esprit, à un équilibre, à une volonté, et que nous pouvons avoir conscience qu’il y a de l’harmonie et de la beauté dans ce monde. Et qu’il ne faut pas laisser les idéologies délétères éteindre les foyers qui favorisent la vie.

Mon « paganisme », je le vis donc avec la conscience de ce qui est enfoui en moi profondément afin d’être, autant que possible, en conformité avec ce que je suis. Mes livres expriment la vision d’un monde où l’atmosphère est moins viciée, où l’esprit et le corps ne s’ignorent pas, et qui tient à distance toute morale incapacitante. C’est ainsi qu’il est possible de traverser ce monde en homme libre et de se reconnaître comme tel. En Européen ou, mieux, en Boréen.

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Europe Maxima : Dans Le Voyage du Graal, on sent une certaine sympathie pour les hérésies chrétiennes. Est-ce par provocation ?

BF : Le combat des religions contre leurs hérésies est ce qui me les a rendues suspectes. N’oublions pas qu’au début le christianisme était une hérésie. Jusqu’à ce qu’il remonte des catacombes et s’installe dans la Rome de ses tourmenteurs… Je ne sais pas si j’ai voulu jouer les provocateurs. Il y a une part de christianisme très acceptable. Cela remonte au temps où il ne craignait pas de s’assumer. C’est alors qu’il s’est approprié le mythe du Graal, qu’il l’a en quelque sorte intégré à son histoire. Sans que l’Église, toutefois, ne le valide vraiment. Et on comprend très bien pourquoi…

Europe Maxima : Lorsque l’on étudie comparativement le christianisme et le polythéisme européen, il apparaît évident que le premier a énormément emprunté au second. L’exemple du mithraïsme est frappant, et vous ne manquez pas de le rappeler…

BF : On voit clairement en effet la somme d’efforts déployés par le christianisme pour prendre la place de cultes au demeurant bien plus tolérants qu’il ne l’a été pour ce qui est de la définition de la divinité ou des divinités. À Rome, il y avait toujours de la place pour dresser des autels aux nouveaux dieux… On peut imaginer que le mithraïsme aurait pu triompher du christianisme. Il s’en est fallu sans doute de peu. En tout cas, je montre dans mon livre que celui-ci a beaucoup emprunté à celui-là. C’en est même troublant. Mithra était un dieu unique. Seulement, en intégrant le panthéon des dieux romains il s’inscrivait dans le concert polythéiste. Maintenant, si l’on veut bien s’y arrêter, il s’avère que le catholicisme avec son culte marial, ses multiples saintes et saints, revêt une forme de polythéisme évident.

Europe Maxima : Votre récit prend la forme d’une quête. Ainsi vous vous êtes mis en route. Quel fut l’appel à ce voyage et que cherchez-vous ?

BF : J’ai cherché le contact. Le point de conjonction entre le lieu et le mythe. C’est important, le mythe, en tant que proposition d’expliquer la complexité du monde mais sans l’arrogance des religions révélées. Il est parfois bien préférable à un long discours scientifique. Ensuite, il faut s’arranger avec les mots, retranscrire sur le papier : l’étape la plus difficile. L’appel de ce voyage c’est aussi celui des Anciens, plus proches de l’immanence du monde que nous ne le serons jamais aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle j’ai cherché à me détacher des injonctions ambiantes. Je n’aime pas cette posture du moderne qui prétend que le passé est chargé d’obscurantisme. Au fond, la société des troubadours et des cours d’amour était peut-être plus raffinée et moins anémiée que la nôtre…

BF-fàf.jpgEurope Maxima : Fort heureusement, le livre est aux antipodes d’un simple compte-rendu de randonnée. En effet, le lecteur apprendra énormément de choses dans votre ouvrage. Quel est le message que vous voulez transmettre ?

BF : J’expose plutôt que je transmets. Je commente, donne mes impressions, et surtout je questionne. Qu’est-ce donc que le Graal ? Il convient de rester humble devant la dimension d’un tel concept. Fournir quelques pistes est déjà beaucoup. Bien entendu, et vous avez raison, dans ce domaine, on ne peut ignorer les philosophies, les témoignages, les textes sacrés; ils parlent de lieux où souffle l’esprit, et d’une légende ou d’un concept qui n’est sans doute pas à considérer comme pure abstraction. Même s’il m’a fallu faire le tri, tant charlatans et imposteurs se sont eux aussi emparés du sujet pour le dévoyer.

Europe Maxima : Dans un monde si laid, comment pourrait-on réenchanter notre imaginaire et nos vies ?

BF : Ce monde est laid quand il encourage la quantité et l’égalité à prendre le pas sur la qualité et la liberté, quand il laisse la pensée calculante dominer l’aristocratie de l’esprit… On assiste essentiellement à ces procédés entre les hauts murs des conurbations, en arpentant le bitume gris, en percevant l’écho des brouhahas, des doléances, du ressentiment, en voyant se débattre les esprits sans esprit, les Lotophages citoyens du monde et du village global, qui ne savent ni d’où ils viennent ni où ils vont…Réenchanter le monde c’est déjà refuser de le laisser sombrer dans l’épuisement ou s’installer dans le non sens. Ce qui relève du domaine de la révélation ou d’une pensée unique, à l’exclusive de toute autre forme de vérité, éloigne du savoir. Donc, interroger le mythe. Le mythe aide à comprendre. Tout se tient dans le mythe et dans le for intérieur. Le mélange des deux fournit le carburant, si je puis dire, pour avancer sur les chemins de la connaissance.

Europe Maxima : Vous êtes un écrivain maintenant bien connu des militants de la Grande Europe, notamment grâce à vos écrits traitant du paganisme. Néanmoins vous collaborez à une collection sur les polars aux éditions Auda Isarn. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

BF : Quand Francis Bergeron et Pierre Gillieth ont lancé l’idée d’un héros dont les aventures seraient écrites à tour de rôle par des auteurs pas très respectueux du consensus ambiant, je me suis enthousiasmé. D’autant plus que j’ai toujours été un fervent consommateur de littérature populaire, genre bien plus exigeant qu’on ne croit. Ceci peut expliquer pourquoi j’ai été le premier à rendre ma copie. D’autres auteurs vont suivre. Pierre Gillieth le disait récemment : on doit investir tous les aspects de la culture, ne pas laisser le terrain aux partisans d’un monde unipolaire où les spécificités culturelles sont niées ou laminées. Il peut y avoir dans le polar des analyses sociologiques très pertinentes, déjà de par leurs connexions possibles avec le réel. Ce qu’ignorent, hélas, trop souvent les porte-crayons du Système.

Propos recueillis par Thierry Durolle

• Bruno Favrit, Le Voyage du Graal, préface de Philippe Randa, Dualpha, coll. « Insolite », 2017, 144 p., 21 €.

jeudi, 28 décembre 2017

L’Europe et la finalité spirituelle de l’Empire

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Les entretiens de Métamag :

L’Europe et la finalité spirituelle de l’Empire

Entretien de Boris Nad (Serbie) avec Robert Steuckers (Belgique)

Traduction de l’espagnol et de l’anglais par Michel Lhomme.

Pour son intérêt incontestable, nous offrons pour Noël aux lecteurs de Métamag un cadeau avec cette traduction inédite d’un entretien d’un penseur de la Nouvelle Droite belge, Robert Steuckers. Nous avions connu cet entretien (avec coupures) en espagnol dans La Tribune du Pays basque puis nous nous sommes rendus compte qu’il avait été réalisé à l’origine en anglais à Bruxelles. Sont réunies ici les deux versions, ce qui donnera au lecteur français le texte complet. Ce sont les idées et l’esprit critique d’où qu’ils soient qui nous importe et les revues Orientations et Vouloir resteront toujours  comme le signe de notre éveil géopolitique. Nous poursuivons avec cette exclusivité Métamag, (entretien complet disponible en français) notre tour d’horizon européen. A cette occasion nous demandons à nos lecteurs francophones de l’étranger de nous aider à élargir internationalement le réseau de nos correspondants pour y publier comme nous le faisons depuis quelque temps avec nos Carnets d’Outre-Rhin des chroniques régulières d’actualité. Nous demandons donc aux bonnes volontés  de contacter le secrétariat de la rédaction. 

Boris Nad est un écrivain serbe, auteur de TheReturn of Myth, Il dirige un site internet. 

Michel Lhomme.

Boris Nad : L’Union européenne, en réalité tout le continent européen, se retrouve aujourd’hui dans une crise profonde. L’impression est que cette crise apparaît d’abord comme le résultat d’une crise des idées. Les idéologies politiques et même celles du libéralisme sont partout critiquées, jugées obsolètes et anachroniques. Et nous pouvons en dire autant de toutes les idées du panorama politique contemporain. Partagez-vous cette impression ?


Robert Steuckers: La première réflexion qui me vient d’abord à l’esprit, c’est celle des articles de Moeller van den Bruck des années vingt. Tous les peuples qui ont adopté et prisé le libéralisme finissent par mourir au bout de quelques décennies parce qu’ils n’ont plus d’immunité organique, ils l’ont perdue. Par conséquent, notons que le libéralisme est d’abord une maladie avant d’être une simple mentalité. Le libéralisme et le modernisme se ressemblent parce qu’ils refusent tous deux d’accepter et de reconnaître les permanences dans la politique de la Cité. Au 17ème siècle, vous aviez encore un certain niveau en philosophie et en littérature qui permettait la Querelle des Anciens et des Modernes, querelle qui revêtit plusieurs aspects, certains d’entre eux pouvant même être considérés comme positifs. A cette époque, il n’y eut jamais de connexion étymologique entre le «modernisme » et le terme français de « mode » c’est-à-dire la « tendance », «être dans le vent », toujours en transition, nomade, mobile, changeant à volonté. Or quand vous considérez que tout ce qui est politique renvoie à des « modes », vous en arrivez forcément à décoller de la réalité qui est, elle, faite d’espace et tissée par le temps. Toutes les nécessités qui dérivent de l’acceptation des limites qu’impliquent l’espace et le temps sont maintenant perçues par les Modernes comme des fardeaux dont on devrait vite se débarrasser. Et, même aujourd’hui,vous ne devez pas seulement vous efforcer de vous en débarrasser mais aussi essayer d’y échapper complètement en les transformant afin de devenir artificiel,virtuel et toujours dans le mouvement, en marche. C’est l’essence même du libéralisme.

Nonobstant, même si le libéralisme trouve ses racines au dix-septième et dix-huitième siècle, il n’a jamais été, du moins jusqu’après la bataille de Waterloo de 1815, un mouvement politique puissant car les conservateurs ou les démocrates chrétiens dans une premier temps, le mouvement socialiste dans les décennies suivantes tempéreront ce déni libéral des réalités spatiales et des permanences. Les partis libéraux officiels, étant en réalité plus libéraux-conservateurs que libéraux proprement dit au sens anglo-saxon du terme, étaient quantitativement plus minoritaires que les deux autres grandes familles politiques européennes et du coup, l’esprit apolitique qui était le fondement de cette idéologie se heurta aux idées des démocrates-chrétiens (malgré la doctrine de l’Eglise) et à celles des sociaux-démocrates (en dépit de leur marxisme édulcoré). Puis, c’est vrai petit à petit, les conservateurs, les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates reprendront nombre d’idées du libéralisme de base.

qNQE606I.jpgLa France fut partiellement épargnée par ce mouvement en raison du caudillisme introduit par De Gaulle en 1958 après la déroute de la Quatrième République, qui était justement intrinsèquement libérale. La personnalité du Général-Président put contenir les Libéraux et la majeure partie d’entre eux se replièrent dans l’ombre non sans phagocyter les partis politiques de sorte que ce ne fut qu’un court répit comme nous le verrons.

Et puis, en 1945, l’Europe était détruite par la guerre. Il lui fallu un petit plus qu’une décennie pour se reconstruire en particulier en Allemagne. Mais dès que les horreurs furent oubliées, l’Europe retrouva de nouveau la puissance économique. La France des années 60, en devenant membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, réclama plus d’indépendance pour l’Ouest. Pour les États-Unis, c’était le moment opportun pour riposter et injecter une plus forte dose de poison libéral dans la classe politique française. Les États-Unis ont une idéologie reposant en fait sur les méthodes d’empoisonnement pour contaminer le monde. Ce n’est pas simplement une idéologie de la table rase, comme celle des Lumières comme on en trouve en Europe de l’Ouest mais c’est surtout une idéologie caractérisée parce rejet puritain de base de tout l’héritage médiéval européen, rejet qui fut soutenu durant les premières décennies du dix-huitième siècle en particulier parle mouvement déiste et les Whigs. Les colons américains développèrent ainsi l’idée d’une mission à accomplir dans le monde qui combinait fanatisme puritain et libéralisme éclairé, une mission apparemment plus souple mais en réalité pas moins radicale dans sa haine contre toutes les traditions ancestrales et les institutions.Ces principes radicaux sous-jacents s’adaptèrent très vite à l’esprit du temps des années 50 et 60 par des officines de pensées dirigées au final par l’OSS (leBureau des Études Stratégiques). Ce dernier fomenta en sous-main la rébellion perverse de Mai 68 qui frappa l’Allemagne aussi bien que la France. Ces deux pays purent encore résister dans les années 70 mais leurs sociétés civiles avaient déjà été contaminées par le bacille qui érodera petit à petit leurs assises psychologiques traditionnelles, leurs mœurs.

fu.jpgUne seconde vague libérale devait alors être déclenchée pour asséner aux sociétés occidentales agonisantes et à leur corps politique malade le dernier souffle. Après l’idéologie de Mai 68, plus ou moins dérivée de l’École de Francfort, une nouvelle arme sera forgée pour détruire l’Europe (et en partie, le reste du monde), une arme encore plus efficace. Cette arme sera l’infâme thatchérisme néolibéral. A la fin des années soixante-dix, le néo-libéralisme (qu’il soit thatchérien ou reaganien) était donc célébré partout comme la nouvelle libération idéologique qui permettait de nous débarrasser enfin de l’État. Ni les démocrates-chrétiens ni les sociaux-démocrates ne purent loyalement résister à la tentation même s’ils rappelaient parfois à leurs partisans que la Doctrine de l’Eglise (basée sur Thomas d’Aquin et Aristote) ou l’interventionnisme socialiste traditionnel était totalement hostile à un libéralisme débridé. Les économistes devinrent alors plus importants que les politiciens. Nous entrons dans ce qu’on appela alors la « fin de l’Histoire », le règne absolu du marché. Pire, le système des partis où les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates s’étaient péniblement hissés, empêcha toute critique rationnelle ou la possibilité d’un quelconque changement, en bloquant le processus démocratique que les réformistes chrétiens ou socialistes prétendaient orgueilleusement incarner à eux tous seuls. L’Europe est effectivement maintenant dans une sombre impasse et paraît incapable d’échapper au libéralisme de Mai 68 aussi bien qu’au néo-libéralisme.Ces forces de transformation semblent incapables de rassembler suffisamment de votes pour pouvoir obtenir un changement de pouvoir effectif. Nous devons prendre aussi en compte le fait que les forces du système ont été au pouvoir depuis maintenant plus de soixante-dix ans et que par conséquent, elles occupent littéralement les institutions à tous les niveaux par la nomination de fonctionnaires officiels qui ne pourront pas être remplacés instantanément en cas d’irruption soudaine d’une nouvelle légitimité populaire. Les défis risquent en tout cas de lancer les nouveaux parvenus dans des domaines qu’ils seront bien incapables de maîtriser.

L’Europe est, comme vous le dites, dans une impasse, une voie sans issue.L’Union européenne a été frappée par une crise politique,économique et migratoire. Puis est apparue la vague de terrorisme. Les partis politiques et les institutions européennes semblent aujourd’hui paralysés. Jusqu’à présent, l’intégration européenne était menacée par des mouvements dit eurosceptiques. Il semble qu’aujourd’hui nous sommes au début d’une vague de sécessionnisme, comme celle de la Catalogne, qui secoue de nombreux pays européens. Quelle est votre opinion là-dessus ?

Certains services secrets outre-Atlantique ont pour finalité politique l’affaiblissement de l’Europe par des attaques régulières non militaires, typiques de la « guerre dite de Quatrième Génération ». Les stratagèmes économiques, les manipulations boursières, sont les tours habituels utilisés par ceux dont l’objectif principal est d’empêcher l’Europe de se développer pleinement, de trouver une meilleure autonomie dans toutes ses affaires politiques et militaires, d’atteindre un niveau de bien-être élevé permettant une recherche développement optimale, en développant de solides relations d’affaires avec la Russie et la Chine. Par conséquent, pour eux, l’Europe doit constamment être touchée, secouée, affectée par toutes sortes de problèmes. Certains donc dans l’ombre s’en chargent.

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La France de Chirac en fut le meilleur exemple, par delà les opérations psychologiques bien connues comme le furent les «révolutions de couleur». La France est encore une puissance nucléaire, mais elle ne peut plus développer cette capacité au-delà d’un certain niveau. Pourquoi ? En 1995, lorsque les expériences nucléaires reprirent dans l’océan Pacifique, en Polynésie, Greenpeace, en tant que mouvement pseudo-écologiste a tout essayé et tout fait pour les torpiller. Sur le territoire français, les grèves paralysèrent le pays, grèves orchestrées par un syndicat socialiste qui avait été anti-communiste dans les années 50 et avait reçu le soutien de l’OSS, le Bureau des Services Stratégiques américains. Les sociaux-démocrates et les syndicalistes socialistes avaient en effet reçu discrètement un soutien atlantiste, un soutien souvent oublié aujourd’hui. En novembre 2005, pour se débarrasser de Chirac, qui avait soutenu en 2003 une alliance fantomatique entre Paris, Berlin et Moscou lors de l’invasion de Bush en Irak, les militants des communautés immigrées africaines, des banlieues grises de Paris, lancèrent une série d’émeutes violentes. Tous dans la rue après un incident mineur qui avait causé accidentellement deux morts dans l’enceinte d’un poste électrique. Finalement, les émeutes se propagèrent à de nombreuses villes comme Lyon et Lille. La France, dans sa situation actuelle, est totalement incapable de rétablir la loi et l’ordre une fois que les émeutes se sont propagées dans plus de trois ou quatre grandes agglomérations. Les émeutes ont donc duré assez longtemps permettant la promotion d’un petit politicien auparavant bien obscur, Nicolas Sarkozy, qui promit d’éliminer les émeutiers dans les banlieues mais qui, une fois au pouvoir, ne fera absolument rien.

Charles Rivkin, ambassadeur des États-Unis en France, est très précisément le théoricien de ces opérations de « guerre de quatrième génération » dont l’objectif fut d’encourager là les communautés immigrées contre la loi et l’ordre en France. Cette stratégie vicieuse n’est possible en France que depuis dix ou douze ans parce qu’aucun autre pays européen ne compte autant d’immigrés parmi sa population. La crise des réfugiés qui a frappé l’Allemagne en 2015 est sans doute le prochain chapitre de la triste histoire de cette submersion programmée et de cette neutralisation stratégique de l’Europe.

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L’Allemagne devra demain faire face aux mêmes communautés violentes que la France d’hier. Le but est évidemment d’affaiblir le pays qui prospère industriellement en raison des excellentes relations commerciales qu’il entretient avec l’Eurasie en général. L’objectif des services secrets britanniques et américains a ainsi toujours été d’éviter tout lien entre l’Allemagne et la Russie. Ainsi, l’Allemagne se trouve aujourd’hui affaiblie par la masse critique des millions de faux réfugiés, masse qui va très rapidement faire s’effondrer les systèmes de sécurité sociale, qui a de plus toujours été la spécificité originale des modèles sociaux allemands (qu’ils soient bismarckiens, nationaux-socialistes, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates). La déstabilisation complète des sociétés industrielles européennes (Suède, France, Allemagne, Italie et partiellement des Pays-Bas) entraîne donc des changements sociaux et politiques qui prennent parfois la forme de soi-disant «mouvements populistes», mouvements que les médias qualifient alors frénétiquement d’«extrême droite», ou de «néo-fascistes», en vue d’enrayer leur développement. Jusqu’à présent, ces mouvements n’ont pu obtenir une partie importante du pouvoir, puisque les partis conventionnels ont infiltré toutes les institutions (presse, médias, justice, banques, etc.).

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L’Espagne, qui est un pays plus pauvre n’attire pas particulièrement les immigrés et ne les attirera pas car les avantages matériels qui leur sont octroyés sont moins intéressants qu’ailleurs. Aussi,le seul levier possible pour lancer une opération de « guerre de quatrième génération » en Espagne, contre le pays fut d’activer le micro-nationalisme catalan. Si la Catalogne se sépare, l’une des régions les plus industrialisées de l’Espagne historique quittera une communauté politique qui existe depuis 1469 et le mariage d’Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Oui,cela signifierait un sérieux revers pour l’Espagne, qui est déjà bien fragile, et qui devra alors dépendre de pays voisins, d’une France par exemple déstabilisée ou d’une Allemagne qui doit faire face maintenant à son propre problème de réfugiés et à l’érosion de son système de sécurité sociale. Cette érosion conduira fatalement à une insatisfaction générale en Allemagne, à un rejet des partis politiques conventionnels et sans doute, à la poursuite de l’ascension du seul parti réellement dissident actuellement, l’AfD avec lequel Merkel ne peut construire une majorité idéologiquement cohérente pour son prochain gouvernement.

Ma position est donc de dire que tous ces problèmes qui mettent actuellement en péril l’avenir de l’Europe ne se sont pas produits par une pure coïncidence.Tous me paraissent liés entre eux même si, en disant cela, je serais inévitablement accusé de manipuler une «causalité diabolique» ou d’adhérer à des «théories du complot».

Cependant, je ne considère pas le Diable comme un être surnaturel, j’utilise simplement le mot comme une image facile pour stigmatiser les vraies forces et les puissances cachées qui tentent de façonner le monde en fonction de leurs propres intérêts. Or sur cet échiquier, les Européens ne peuvent pas à la fois détecter l’ennemi et défendre leurs propres intérêts.

RS-EEcover.jpgEn 2016, vous publiez en anglais votre livre The European Enterprise: Geopolitical Essays. Vous y explorez brillamment les fondements historiques, culturels et spirituels des grands empires européens,à savoir le début du Reich, qui n’est pas du tout l’équivalent pour vous du mot français « nation » et vous estimez que le développement naturel de l’Europe a été entravé ou détourné par la « civilisation occidentale ». Vous accordez aussi une attention toute particulière dans ce livre au « thème russe », à l’espace russe et au concept d’Eurasie. Pourquoi cet espace est-il nécessaire à l’ère de la mondialisation et alors que les États-Unis tentent d’imposer leur hégémonie mondiale ou de « globaliser » leur propre modèle politique et économique ?


En fait, j’ai exploré et continuerai d’explorer le passé européen car l’amnésie est la pire maladie qu’un corps politique puisse souffrir.On ne peut penser à l’Europe sans penser simultanément à la notion d’Empire et à la soi-disant «forme romaine» de celui-ci. Carl Schmitt était bien conscient d’être l’héritier de la«forme romaine», qu’elle soit païenne, impériale ou catholique, héritée de la «nation allemande ». Actuellement, personne ne nie l’importance de Schmitt dans le domaine de la théorie politique. Certains cercles de la nouvelle gauche américaine, comme ceux de la revue Telos ont même encouragé la lecture de ses œuvres outre-Atlantique au-delà de ce qu’auraient pu en rêver les rares étudiants allemands des travaux de Schmitt. L’Empire romain était situé géographiquement et hydrographiquement entre la mer Méditerranée et le Danube: la « Mer du Milieu » assurait la communication entre la Vallée du Rhône et l’Egypte, entre la Grèce et l’Hispanie tandis que les méandres du Danube reliaient le sud de l’Allemagne à la mer Noire et au-delà à cette zone pontique de la Colchide et de la Perse légendaire, plus tard mythifiée par l’Ordre équestre de la Toison d’Or,créé par Philippe, duc de Bourgogne en 1430. Après la chute de l’Empire romain, il y eut la fameuse « translatio imperii adFrancos », le transfert de puissance aux Francs et plus tard, après la bataille de Lechfeld en 955 une « translatio imperii ad Germanos », une translation de puissance aux Germains. La partie centrale de l’Europe devint ainsi le noyau de l’Empire, centré désormais sur le Rhin, le Rhône et le Pô.

athosdrap.jpgL’axe du Danube a été coupé au niveau des « Portes de Fer », par delà lesquelles la zone byzantine s’étendait vers l’Est. L’Empire byzantin était l’héritier direct de l’Empire romain: là, la légitimité n’y fut jamais contestée. La communauté du mont Athos est un centre spirituel qui a pleinement été reconnu tout récemment par le président russe Vladimir Poutine.L’Empire romain-germanique (plus tard austro-hongrois),l’Empire russe comme héritier de Byzance et la communauté religieuse du Mont Athos partagent les mêmes symboles, celui du drapeau d’or avec un aigle bicéphale noir, vestige d’un vieux culte traditionnel perse où les oiseaux assuraient le lien entre la Terre et le Ciel, entre les hommes et les Dieux. L’aigle est l’oiseau le plus majestueux qui vole dans les hauteurs les plus élevées du ciel, et il est devenu évidemment le symbole de la dimension sacrée de l’Empire. Ainsi vivre dans les cadres territoriaux d’un Empire signifie d’abord accomplir une tâche spirituelle: établir sur la Terre une harmonie semblable à celle qui gouverne l’ordre céleste. La colombe qui symbolise l’Esprit Saint dans la tradition chrétienne avait en fait la même tâche symbolique que l’aigle dans la tradition impériale: sécuriser le lien entre le royaume ouranien (l’Uranus grec et la Varuna védique) et la Terre (Gaïa).

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En tant que membre d’un Empire, je suis bien obligé de consacrer toute ma vie à essayer d’atteindre la perfection de l’ordre apparemment si parfait des orbes célestes. C’est un devoir ascétique et militaire présenté par l’archange Michel, une figure également dérivée des êtres hommes et oiseaux de la mythologie perse que les Hébreux ramenèrent de leur captivité à Babylone. L’empereur Charles Quint a essayé d’incarner l’idéal de cette chevalerie malgré les petits péchés humains qu’il commit sciemment durant sa vie, certes il demeura pécheur mais comme tout un chacun et consacrera au contraire tous ses efforts à maintenir l’Empire en vie, à en faire un mur contre la décomposition, ce qui est précisément la tâche du « katechon » selon Carl Schmitt.Personne mieux que le Français Denis Crouzet n’a décrit d’ailleurs cette tension perpétuelle et intérieure que l’Empereur vivait dans son merveilleux livre, Charles Quint. Empereur d’une fin des temps, publié aux Editions Odile Jacob en 2016 .

Je relis encore et encore ce livre très dense parce qu’il m’aide à clarifier ma vision du monde impériale et à mieux comprendre ce que Schmitt voulait dire quand il considérait l’Église et l’Empire comme des forces «katechoniques ». Ce chapitre est loin d’être fermé. Ainsi, Crouzet explique dans son livre que la Réforme allemande et européenne voulait « précipiter » les choses, aspirant à expérimenter en même temps et avec violence l’« eschaton », la fin du monde. Cette théologie de la précipitation est le premier signe extérieur du modernisme.Luther, d’une manière plutôt modérée,et les autres acteurs de la Réforme, d’une manière extrême, souhaitaient la fin du monde (la fin d’une continuité historique) qu’ils considéraient comme profondément infecté par le mal. Charles Quint, explique Crouzet, avait, lui, une attitude impériale de « katechon » (de résistance, d’endiguement). En tant qu’empereur et serviteur de Dieu sur Terre, il se devait d’arrêter le processus de l’« eschaton » pour préserver ses sujets des afflictions de la décadence.

iconoclchromo.jpgAprès Luther, les éléments puritains extrémistes de la Réforme du nord de la France, des Pays-Bas, de Münster et de Grande-Bretagne feront en sorte que cette « théologie de la précipitation » soit encore plus virulente, dans l’Angleterre anglicane mais aussi dans le « royaume protestant » des Treize Colonies d’Amérique du Nord, comme en témoignent les événements tragiques de l’époque: la décapitation du roi Charles Ier due à la révolution puritaine de Cromwell. Cette façon de voir l’histoire comme une malédiction profonde a été transmise aux Pères fondateurs des futurs États-Unis. Avec la tradition déiste en Angleterre et la tradition politique Whig en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord, cette « théologie de la précipitation » se rationalisera perfidement en se donnant un vernis progressiste, celui des Lumières qui culminera dans le plan du président Wilson visant à purger le monde du mal. La « philosophie de la précipitation » (et non la « théologie ») des philosophes français conduira à une eschatologie politique laïque sous l’ombre tutélaire de la guillotine, sous laquelle tous ceux qui soi-disant freinaient le processus devaient périr préventivement et avoir la tête coupée. Après Wilson, plusieurs diplomates américains vont forger des principes qui empêchent que la souveraineté en propre des États puisses’exprimer par le biais de projets programmatiques avec ou sans guerres.

Depuis l’effondrement du système soviétique, la « théologie de la précipitation », déguisée de manière rationnelle, redeviendra une fois de plus absurde.On en connaît déjà les résultats: la catastrophe dans les Balkans, l’impasse en Irak, une guerre interminable en Syrie et en Afghanistan. La « théologie de la précipitation», caractéristique du monde occidental, du monde dirigé par l’hémisphère occidental, par la « coalition » ou par les royaumes d’Europe de l’Ouest ou d’Europe centrale, n’offre aucune solution viable aux problèmes qui se posent au monde inévitablement imparfait puisque placé sous les yeux d’Uranos ou la tutelle des Cieux. Les vues de Charles Quint au contraire consistaient à ralentir le processus et à diriger des opérations militaires modérées contre les rebelles. C’était de toute façon la meilleure posture à tenir.

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Dans les années 1990, j’ai découvert aussi que la Chine et de nombreux autres pays asiatiques développaient une autre façon d’harmoniser les relations internationales, excluant, entre autres, le principe post-wilsonien d’intervenir violemment dans les affaires des autres pays. C’est le principe adopté non seulement par la Chine de Xi Ping aujourd’hui mais aussi par Poutine et Lavrov. L’alternative chinoise exclut, par exemple, la politique de « changement de régime » qui a plongé l’Irak et la Syrie dans d’atroces guerres civiles que les précédents régimes baasistes avaient sagement éviter, quoiqu’ils étaient sans pitié. Mais n’est-il pas préférable d’avoir un régime « katechon » implacable, bien qu’imparfait, que de voir des centaines de milliers d’innocents tués dans des attaques insensées, des bombardements ou des massacres talibans ou salafistes ? La « théologie de la précipitation » des États-Unis post-puritains, néo-wilsoniens et des musulmans salafistes a créé le chaos dans des pays qui d’une certaine façon avant eux étaient tranquilles. D’ailleurs, Luther lui-même n’avait-il pas averti ses contemporains que le Diable pouvait user du langage théologique(ou d’une « novlangue ») pour tromper le peuple ?

Merezhkovsky.jpgAinsi, la Russie est importante dans cette trame générale d’une interprétation historique du « katechon » car elle est l’antidote à « la folie eschatologique ». La Russie est l’héritière de Byzance mais aussi l’héritière directe de la « Forme romaine ». Elle était considérée comme le bastion du conservatisme avant 1917, même si ce conservatisme fut fossilisé par Konstantin Pobiedonostsev comme a pu l'observer Dmitri Merejkovsky qui rejetta par la suite tous les aspects démoniaques de la révolution russe. La Russie n'a pas expérimenté le même traumatisme que l'Europe au 16ème siècle avec la Réforme et les guerres de religion, les destructions perpétrées par les iconoclastes; elle a ensuite été préservée des sottes philosophies déistes des Whigs anglais ou des folies des Lumières françaises du 18ème siècle. Cela ne veut pas dire, comme l'entend la vulgate occidentaliste, que la Russie est un pays arriéré: Catherine II était une impératrice animée par l'idéologie des Lumières, mais des Lumières dites "despotiques" et, par voie de conséquence, pragmatiques et constructives. Elle fit de la Russie une grande puissance. Alexandre I était animé par des idées religieuses traditionnelles et apaisantes, que nous devrions réétudier attentivement aujourd'hui, surtout après le désastre syrien. Alexandre II a modernisé le pays à grande vitesse à la fin du 19ème siècle et a pu éliminer tous les handicaps imposés à la Russie après le Traité de Paris de 1856 qui mit fin à la guerre de Crimée. En fin de compte, la Russie, à la notable exception des premières décennies du régime bolchevique, semble avoir été immunisée contre la toxicité dangereuse que constitue la "théologie de la précipitation".

Finalement les hommes d'Etat et les diplomates russes ont été davantage inspirés par le style byzantin de développer des stratégies lentes de joueurs d'échecs plutôt que par cette précipitation qui veut des vengeances immédiates ou commet des agressions délibérées. Ce style byzantin et la notion chinoise et confucéenne de l'harmonie peuvent nous servir aujourd'hui comme modèles alternatifs et pragmatiques dans un monde occidental précipité dans la confusion générée par les médias propagandistes qui ne cessent de véhiculer une forme ou une autre, moderniste et post-puritaine, de la "théologie de la précipitation". Par voie de conséquence, l'idée eurasiste, pourvu qu'elle s'aligne sur les idées "katechoniques" et rétives à toute précipitation théologique, telles celles qui animaient Charles-Quint dans la gestion de son Empire avant d'affronter les Ottomans, est la seule réelle alternative dans un monde qui, autrement, serait géré et perverti par une superpuissance qui aurait pour seuls principes ceux qui excitaient jadis les adeptes les plus fous de la "théologie de la précipitation", dont les "Founding Fathers".

J'ajouterais que toute théologie ou idéologie de la précipitation ne s'exprime pas nécessairement par toutes sortes de fadaises et de prêches millénaristes et pseudo-religieux pareils à ceux qui sont débités par exemple en Amérique latine mais peuvent tout aussi bien s'exprimer à la façon d'un fondamentalisme économique comme l'est la folie néolibérale qui afflige l'Amérique et l'Europe depuis la fin des années 1970. Ensuite, tout puritanisme, dans ses excès de pudibonderie, peut s'inverser complètement, se muer en son contraire diamétral, basculer dans la débauche postmoderniste, ce qui explique que les millénaristes, les femens, les "pussy rioters", les salafistes, les banksters néolibéraux, les détenteurs des grands médias, les fauteurs de révolutions colorées, etc. suivent tous, en dépit de leurs différences de déguisements, le même programme de "guerre de quatrième génération" sur l'échiquier international. Le but est de détruire tous les barrages érigés par la civilisation et que doivent défendre les figures katechoniques ou les "Spoudaios" aristotéliciens. Nous devons nous définir nous-mêmes comme les humbles serviteurs du Kathechon contre les manigances prétentieuses et malsaines des "précipitateurs". Cela signifie qu'il faut, dans tous les cas de figure, servir les pouvoirs impériaux et lutter contre tous les pouvoirs qui ont été pervertis par les théologies ou les idéologies de la précipitation. Aujourd'hui, cela signifie opter pour une voie eurasiste et rejeter toute voie atlantiste.

Q.: Vous soutenez l'Eurasisme. Cela vous distingue clairement de ceux qui ont opté pour des positions nationalistes fortes ou de nombreux penseurs ou pseudo-penseurs qui se disent de droite. Votre pensée géopolitique est, comme vous le dites vous-mêmes, une réponse aux idées formulées par le stratégiste américain Brzezinski mais elle est aussi profondément enracinées dans la tradition européenne. Pouvez-vous nous expliquer brièvement quelle est votre conception de la géopolitique?

OH-russie.jpgA.: Vous pouvez bien entendu me compter parmi les soutiens d'u néo-eurasisme mais les racines de mon propre eurasisme sont peut-être assez différentes de celles généralement attribuées à l'eurasisme traditionnel ou au nouvel eurasisme russe. Quoi qu'il en soit, ces perspectives différentes ne se heurtent pas comme si elles étaient antagonistes; bien au contraire, elles se complètent parfaitement afin de promouvoir une résistance mondiale anti-système. Ce qui est important quand on veut développer un mouvement eurasiste fort, c'est d'avoir simultanément une large vision de l'histoire de chaque composante politique et historique des vastes territoires de l'Europe et de l'Asie et de se donner pour tâche d'étudier cette histoire bigarrée en y recherchant des convergences et non en cherchant à raviver des antagonismes. Cette méthode avait déjà été préconisée par le Prof. Otto Hoetzsch dans les années 1920 et 1930 pour l'Europe occidentale et la Russie.

Voilà pourquoi le premier pas à franchir serait de trouver, aussi loin que possible en amont dans l'histoire, des convergences entre les puissances ouest-européennes et la Russie en tant qu'entité territoriale eurasienne. Pierre le Grand, comme vous le savez, à relier la Russie à l'Europe en ouvrant une fenêtre sur la Mer Baltique, ce qui a malheureusement conduit à une sale guerre avec la Suède au début du 18ème siècle. Mais après les vicissitudes de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), la France, l'Autriche et la Russie sont devenues des alliées et le territoire de ces trois royaume et empires s'étendait de l'Atlantique au Pacifique, ce qui en faisait une alliance eurasienne de facto. Leibniz, qui n'était pas qu'un philosophe et un mathématicien mais aussi un diplomate et un conseiller politique, était méfiant à l'égard de la Russie dans un premier temps, parce qu'elle était une nouvelle puissance qui bouleversait l'échiquier européen et pouvait s'avérer un "nouveau khanat mongol" ou une "Tartarie" menaçante. Dans un second temps, il percevait la Russie du Tsar Pierre et ses développement comme bénéfiques: pour Leibniz, la gigantesque Russie devenait le lien territorial nécessaire pour permettre les communications entre l'Europe et les deux grands espaces civilisationnels qu'étaient à l'époque la Chine et l'Inde, dont le niveau de civilisation était nettement plus élevé que celui de l'Europe des 17ème et 18ème siècles, comme l'expliquent des historiens contemporains comme Ian Matthew Morris au Royaume-Uni (in: Why the West Rules – For Now…) et l'Indien Pankaj Mishra qui enseigne en Angleterre (in: From the Ruins of the Empire and Begegnungen mit China und seinen Nachbarn).

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Quoique Pankaj Mishra se présente comme le typique idéologue tiers-mondiste affichant clairement son ressentiment contre l’Occident, et plus spécialement contre la vielle domination coloniale britannique. Durant la courte période où la France, l’Autriche et la Russie furent des alliés, un eurasisme avant la lettre fut en quelque sorte initié par la mise en place d’une puissante flotte française développée pour venger l’humiliante défaite de Louis XV au Canada et en Inde. Durant la Guerre de Sept ans, l’exploration de l’Océan Pacifique par les capitaines de mer russes et français, les efforts communs de l’Autriche et de la Russie pour libérer les Balkans et la côte nord de la Mer Noire du joug ottoman, avec, pour résultat, la conquête de la Crimée qui permis d'installer la première grande base navale russe dans l’aire pontique.

OB-HL.jpgLa flotte française qui battit en 1783 l’Angleterre en Amérique du Nord permit la complète indépendance des États-Unis. La Russie put alors conquérir l’Alaska, établir un comptoir en Californie et envisager une alliance hispano-russe dans le Nouveau Monde. Les marins russes purent accoster dans les îles Hawaii et les offrir à leur Tsar. A leur niveau, les expéditions françaises dans le Pacifique furent fructueuses et personne n’oubliera jamais que Louis XVI quelques minutes avant de monter les marches qui le conduisirent à l’échafaud, demanda des nouvelles de La Pérouse, qui s’était perdu en explorant les eaux du Pacifique. Ce premier dessein eurasien avant la lettre fut torpillé par les Révolutionnaires français payés et excités par les Anglais et les services secrets de Pitt, comme le raconte bien l’historien Olivier Blanc dans Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, livre publié en 1989. Pitt voulait effectivement se débarrasser d’un régime qui en promouvant le développement d’une flotte pourrait entraîner le développement d’une politique internationale française concurrente de l’Angleterre.

Le deuxième projet eurasien avant la lettre fut la très brève « Sainte Alliance » ou« Pentarchie » créée après le Traité de Vienne en 1814. Elle permit l’indépendance de la Grèce mais échoua avec celle de la Belgique quand l’Angleterre et la France aidèrent à dissoudre les Provinces unies du Pays-Bas.Puis, la « Sainte Alliance » s’écroula définitivement quand la guerre de Crimée commença puisqu’on vit alors deux puissances occidentales de la Pentarchies’affronter côte à côte contre la Russie. Un mouvement anti-occidental se diffusa alors largement en Russie et ses idées de base se retrouvent clairement exposées dans le livre politique de Dostoïevski, Journal d’un écrivain écrit après son exil sibérien et la guerre russo-turque de 1877-78. Ainsi, l’Ouest complote sans arrêt contre la Russie et la Russie doit se défendre elle-même contre ces tentatives constantes d’éroder son pouvoir et sa stabilité intérieure.

Mais aujourd’hui, l’Eurasie revient en force

Deux livres importants ont été publiés ces dernières années qui pourraient être les livres de chevet de tous ceux qui sont animés par l’idée eurasienne : celui du Prof. Christopher I. Beckwith, Empires of the Silk Road – A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present (2009)

 et l’autre de Peter Frankopan, The Silk Roads – A New History of the World (2015).

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L’ouvrage de Beckwith (non traduit en français) nous présente le panorama le plus complet de l’histoire de l’Eurasie : j’ai conservé dans ma tête l’essentiel des idées de ses chapitres captivants et premièrement le fait que dans un passé finalement très proche les tribus de cavaliers indo-iraniens inventèrent des formes d’organisation qui déterminèrent tous les schémas d’organisation future des royaumes et des empires de la route de la Soie. Ensuite, dans un second temps, Beckwith démontre que les temps et les idéologies modernes détruisirent complètement les réalisations sublimes des royaumes d’Asie centrale. Aussi un nouvel eurasisme aura-t-il la grande tâche de restaurer l’esprit qui permit cet extraordinaire achèvement culturel à travers les âges. Le Professeur Beckwith maîtrise une bonne douzaine de langues modernes et anciennes ou qui ont été parlées en Asie centrale, il possède une formidable connaissance de la région qui lui permet de comprendre plus minutieusement les vieux textes et surtout d’en saisir l’esprit qui permit la prospérité des royaumes et des empires.

Le livre de Peter Frankopan  est plus factuel, moins dense mais il permet aussi de critiquer l’attitude arrogante de l’Occident en particulier contre l’Iran. Les chapitres de ce livre dédiés à la vieille Perse et à l’Iran moderne permettrait à nos diplomates d’acquérir de bonnes bases pour engager une coopération nouvelle avec l’Iran, à condition bien sûr, que les Européens abandonnent et renoncent totalement aux lignes directrices dictées par l’OTAN et les ♫4tats-Unis. Ainsi, l’eurasisme vous contraint-il à étudier avec plus d’attention précisément l’Histoire plutôt que les politiques menées actuellement par l’Occident dans le monde. Les faits ne peuvent être ignorés ou simplement balayés parce qu’ils n’entreraient pas dans les schèmes de l’interprétation superficielle des Lumières. Les puissances occidentales s’en sont pris couramment à ces faits en provoquant en même temps sur le terrain une concaténation de catastrophes. De fait, l’acceptation intellectuelle de l’excellence du passé et du présent de l’Asie et des traditions d’Asie centrale et la volonté de pacifier cet immense territoire qui git entre l’Europe occidentale et la Chine nous conduit à dénoncer le projet de Brezinski qui consiste à vouloir finalement porter une guerre permanente dans la région (exactement comme Trotski avait théorisé en son temps la « révolution permanente »). D’ailleurs tous les néoconservateurs sont d’anciens trotskistes ! Nous nous devons de favoriser ce projet chinois de la Nouvelle route de la Soie, du One Belt, One Road , le plus sérieux de tous les projets en cours du vingt-et-unième siècle.
 
Aujourd’hui, les États-Unis eux-mêmes traversent une crise profonde. Trump et le Trumpisme n’en sont certainement pas la cause mais les conséquences. D’un autre côté, avec la montée de la Russie et de la Chine, la situation géopolitique du monde a  changé, le monde n’en a plus pour longtemps à être unipolaire. Hal Brands dans ses notes aux conférences Bloomberg a souligné que la politique étrangère américaine avait atteint ses limites et même son point historique critique, que le projet de la mondialisation de son modèle politique présente des failles, que le seul but des États-Unis dans le futur sera néanmoins de défendre l’ordre libéral. En d’autres termes, le temps de l’hégémonie américaine approche de sa fin, et les événements du Proche-Orient, de Syrie en particulier parlent plutôt en sa faveur ?
 
Ce n’est pas une remarque qui lui est propre mais un constat général amplement partagé par tous ceux qui réfléchissent un peu. La crise des États-Unis qui se déroule actuellement peut s’expliquer par l’inadéquation de la base idéologique et religieuse de son « État profond » devant la pluralité des visions du monde actuelles ou potentielles. Ce mélange de puritanisme, de déisme et de wilsonisme qui a fait la force incroyable des États-Unis durant le vingtième siècle, cette base puritaine du protestantisme radical, vu aussi en Hollande ou dans l’histoire britannique au temps des iconoclastes de Cromwell ne sont plus efficients. La mentalité de ces protestants radicaux se résumait à un rejet sauvage des héritages du passé et à une volonté d’éradiquer tout ce qui était jugé « impur » ou appartenant à un « mauvais passé » soit exactement les mêmes positions que développent actuellement les Wahhabites au Moyen-Orient.

Si vous partagez de telles vues, vous vous lancez effectivement dans une guerre éternelle contre le monde entier. Mais cette guerre est à la longue pratiquement impossible à terminer sur le long terme. Des résistances émergeront fatalement et quelques pays ou des aires de civilisation apparaîtront toujours, se lèveront comme des barrages, comme des résistances surtout si ces aires ont assez de pouvoir ou d’espace pour empêcher l’invasion c’est-à-dire si elles peuvent offrir une « masse » suffisante, comme l’écrivait Elias Canetti, pour résister sur le long terme. Même si l’Afghanistan fut une « masse » capable de résister, elle ne put empêcher l’invasion. Mais la Russie et la Chine peuvent réellement ensemble offrir cette « masse ». La lutte sera néanmoins rude puisqu’on constate que l’Amérique latine, par exemple, membre pourtant des Brics a plus ou moins été obligée dernièrement de se rendre ou de changer de position. Le Venezuela subit une « révolution de couleur » qui risque de le ramener bientôt dans le giron du soit disant pré-carré américain.

Seal_of_the_United_States_Africa_Command.svg.pngDans un futur proche, les États-Unis essaieront à tout prix de conserver leur domination sur l’Europe de l’Ouest (même si d’un autre côté, ils tentent aussi de la fragiliser encore plus par les vagues migratoires incontrôlées et les initiatives de Soros), ils feront aussi tout pour asseoir leur domination sur l’Amérique latine et plus particulièrement sur l’Afrique, où ils développent une nouvelle forme d’impérialisme original à travers l’AFRICOM, une structure de commandement conçue justement pour endiguer les Chinois et faire sortir les Français de leur Françafrique tout en enjoignant à ces derniers de participer au processus militaire de leur propre neutralisation ! Nonobstant, cette politique internationale est condamnée à l’échec parce que l’ubiquité du contrôle total qu’elle suppose demeure impossible à tenir sur la base de seulement 350 millions de contribuables.

Ainsi, une «masse » a bien été utilisée jusqu’à la fin des années 90 et elle a permis à la superpuissance Atlantique de lancer de grands programmes de recherche militaire et civile, programmes qui furent réellement profitables à l’Amérique à tous les niveaux et sur un temps suffisamment court pour consolider réellement le pouvoir militaire de Washington et lui permettre d’être toujours devant ses opposants. Mais 350 millions de consommateurs et de contribuables ne sont plus suffisants maintenant pour soutenir une telle compétition.

Le projet d’une Big Society qui aurait pu donner aux citoyens américains un système de sécurité sociale comme en Europe fut réduit à néant par la guerre du Vietnam. Les reaganomics ultralibérales ruinèrent les banlieues industrielles comme Detroit. Progressivement, la société américaine est devenue instable, les conflits raciaux et l’omniprésent problème de la drogue rendent la situation de plus en plus compliquée. Ces deux questions mises ensemble peuvent d’ailleurs nous faire croire que les initiatives de Soros en Europe visent à créer délibérément une situation similaire de guerre civile en Europe et même en pire de sorte que les nations européennes ne pourront jamais remettre en question l’ancienne superpuissance de l’Ouest. La question de la drogue est un très sérieuse problème si vous gardez à l’esprit que les drogues furent introduites dans les années 60 par les forces spéciales de la CIA présentes au Laos et en Birmanie. Les forces spéciales américaines autorisèrent les opposants chinois à semer leurs graines de pavot dans la perspective de pouvoir financer des insurrections nationalistes en Chine maoïste.
 

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Les services secrets soutenaient ainsi le trafic de drogue parce qu’il permettrait de financer indirectement la guerre du Vietnam que de son côté, le Congrès désapprouvait par des votes de budget hostiles. Drogues, conflits domestiques sans solution dans des zones de mixité raciale et mesures néolibérales extrêmes de l’économie de Reagan furent catastrophiques pour la désagrégation interne de l’Etat américain et ce sont toutes ces dépenses qui laissent aujourd’hui l’Amérique exsangue, créant en plus chez elle une culture de camé, (une Junk culture ) dont ils ne peuvent même plus aujourd’hui se passer. Les pays qui seront demain forts seront ceux qui résisteront à cette culture de et qui en la rejetant auront du ressort moral. Toutes les autres périront lentement.
 
Vous avez appris le russe et vous étudiez toujours la culture russe. En outre, dans vos recherches, vous accordez une attention particulière aux traditions et aux groupes ethniques de l’Europe de l’Est. Par exemple, les Scythes, le groupe ethnique indo-européen qui habitait la steppe eurasienne, au sud de la Russie, qui est extrêmement important dans l’ethnogenèse des Slaves. Les cultures slaves, y compris les Serbes et les Slaves des Balkans, n’ont effectivement malheureusement pas été suffisamment étudiées en Europe occidentale. Avez-vous l’impression que le patrimoine slave est non seulement méconnu, mais qu’il est aussi systématiquement réprimé et sous-estimé en Europe occidentale?

Hélas, je n’ai jamais correctement appris le russe, mais il est vrai que quand j’étais adolescent, mes amis et moi avons été séduits par l’histoire russe et fascinés par la conquête de la Sibérie, de l’Oural à l’Océan Pacifique. Lorsque j’ai commencé à publier mes œuvres au début des années 1980, j’étais profondément influencé par une tendance culturelle et politique allemande qui avait émergé quelques années auparavant. Cette tendance avait pris en compte les éléments nationalistes des mouvements de gauche depuis le 19ème siècle et aussi toutes les traditions diplomatiques qui avaient favorisé une alliance entre l’Allemagne et la Russie (puis l’Union Soviétique). Les Allemands, mais aussi les peuples du Bénélux, étaient choqués et meurtris que l’armée américaine ait déployé des missiles meurtriers en Europe centrale, forçant les Soviétiques à faire de même pour qu’en cas de guerre, l’Europe centrale soit bombardée de manière fatale. Personne ne pouvait accepter une telle politique et le résultat en fut la naissance du mouvement pacifiste neutraliste qui dura jusqu’à la chute du mur de Berlin et qui permit à l’époque d’incroyables convergences entre les groupes de gauche et les groupes conservateurs ou nationalistes.

Dans le cadre de ce mouvement, nous commençons à traduire ou résumer des textes ou des débats allemands pour montrer que l’histoire aurait pu être différente et que la volonté d’analyser le passé avec des yeux différents pourraient nous ouvrir aussi d’autres perspectives pour un avenir distinct. Nous n’avons pas réduit notre recherche aux seules questions allemandes, mais l’avons ensuite élargie pour voir les choses d’un point de vue encore plus «européen». Je réalisais effectivement que l’Histoire avait été réduite à l’histoire de l’Europe occidentale, ce qui était un réductionnisme intellectuellement inacceptable que je pus détecter assez tôt en lisant des livres sur les pays d’Europe de l’Est, en rédigeant un mémoire à la fin de mes études secondaires.

Mes amis et moi, nous ne réduisions pas nos lectures à l’histoire contemporaine, mais nous les étendions aussi à l’histoire médiévale et ancienne.

slavescànte.jpgEt c’est ainsi que nous fûmes attirés par les Scythes, surtout après avoir lu un livre de l’historien français Francis Conte où il nous rappelait que les origines de nombreux peuples slaves remontaient non seulement aux tribus slaves mais aussi aux cavaliers Sarmates, y compris ceux qui les avaient nourris auparavant, la cavalerie des légions romaines.

L’élément Sarmate n’est pas seulement important pour les peuples slaves, mais aussi pour l’Occident, qui a essayé d’éliminer ce patrimoine de la mémoire collective. Les historiens britanniques, avec l’aide de leurs collègues polonais, admettent maintenant que les cavaliers Sarmates sont à l’origine des mythes arthuriens celtiques, puisque la cavalerie romaine en Grande-Bretagne occupée était composée majoritairement et principalement de cavaliers Sarmates. L’historien allemand Reinhard Schmoeckel a émis l’hypothèse que même les Mérovingiens, dont descend Chlodowegh (Clovis pour les Français), faisaient partie des Sarmates et n’étaient pas purement germaniques.

En Espagne, les historiens admettent facilement que parmi les Wisigoths et les Souabes qui ont envahi la péninsule, les tribus germaniques étaient accompagnées d’Alains, un peuple de cavaliers de la Caspienne et du Caucase. Les traditions qu’ils ont rapporté en Espagne sont à l’origine des ordres de chevalerie qui ont beaucoup aidé à mener la Reconquête. Comme vous le dites, tout cela a été bien négligé, mais maintenant les choses sont en train de changer. Dans mon bref essai sur les auteurs géopolitiques à Berlin entre les deux guerres mondiales, je me souviens d’un pauvre professeur sympathisant qui avait tenté d’élaborer une nouvelle historiographie européenne en tenant compte de ces éléments orientaux, mais dont la collection impressionnante de documents fut complètement détruite par les bombardements durant la bataille de Berlin en 1945. Son nom était Otto Hoetzsch. C’était un philologue slave, traducteur officiel (en particulier lors des négociations du traité de Rapallo de 1922) et historien de la Russie. Il en a appelé à une historiographie européenne commune qui soulignerait les similitudes plutôt que les différences qui conduisirent aux conflits catastrophiques tels que les guerres germano-russes du XXe siècle. J’ai écrit que nous devons tous suivre ses traces. Je suppose qu’en tant que serbe, vous serez d’accord !

jeudi, 21 décembre 2017

Amerika moet weg uit het Midden-Oosten

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Amerika moet weg uit het Midden-Oosten

SAMEN MET TURKIJE EN IRAN WIL RUSLAND DE WERELD HERTEKENEN

‘Amerika moet weg uit het Midden-Oosten’

Alexander Doegin wordt wel eens de huisideoloog van Poetin genoemd. Hij droomt van een nieuwe wereld. Waar Turkije en Iran het Midden-Oosten beheersen en Europa geen vazal van de Verenigde Staten meer is. ‘Vergeet dat liberalisme. Daag ons uit met jullie eigen waarden.’

Van onze redactrice in Nederland Corry Hancké

De Russische filosoof Alexander Doegin was zaterdag in Amsterdam voor de jaarlijkse Nexus Conferentie. Een dag later vertelt hij over de clash die hij daar met de Franse filosoof Bernard-Henri Lévy had. De twee mannen zijn elkaars tegenpolen.

‘Hij is alles wat ik niet ben. Lévy verdedigt de imperialistische ideologie van het Westen en vecht tegen de opkomende multipolaire wereld. Alles wat ik bewonder, keurt hij af. Alles waarvoor hij staat, vind ik fout. Het was een echte clash van ideeën. Het was boeiend, want we vertrekken allebei vanuit de idee van een eeuwenoude oorlog tussen beschavingen: de oorlog tussen Sparta en Athene of tussen Rome en Carthago. Een oorlog tussen een landmacht en een zeemacht.’

‘De landmacht – en dat is een land als Rusland, staat voor een onveranderlijke, collectieve identiteit. De zeemacht ziet constante verandering, globalisering en vooruitgang als hoogste goed. Ze probeert iedereen te bevrijden van een collectieve identiteit, omdat die onderdrukkend zou zijn.

Maar dat liberalisme loopt ten einde. Het eindigt in decadentie en een complete loskoppeling van de natuurlijke wetten. Geslachtsbepaling of het uitstellen van de dood door artificiële intelligentie, zijn een ontkenning van de menselijke waarden. Je krijgt immortaliteit voor de prijs van
menselijkheid.’

Welke waarden zijn belangrijk voor een landmogendheid?

‘Een landmacht baseert zich op het concept van eeuwigheid. Het gaat om identiteit, het is een sacrale houding tegenover de natuur, de wereld en God. In die visie is God belangrijker dan de mens, hiërarchie is beter dan gelijkheid, traditie en identiteit zijn belangrijker dan verandering en grensverlegging. Eigenlijk is de afwezigheid van verandering de meest positieve waarde. Je probeert dezelfde te zijn als je voorouders en je conserveert hun manier van leven.’
‘De geest van de moderne mens is zo beïnvloed door de zeemogendheid dat hij de landwaarden als archaïsch, negatief beschouwt. Maar als je vanuit de waarden van een landmacht kijkt, dan zie je dat vooruitgang leidt tot decadentie, immoraliteit en verlies van waardigheid. Het verlies van de collectieve identiteit is nihilisme.’
‘Men probeert ons tegenwoordig te vertellen dat de weg naar een zeemogendheid de enige mogelijke is. Maar dat klopt niet, het is een keuze. Landen als Rusland, China, Turkije, Iran of zelfs India kunnen kiezen voor identiteit in plaats van voor liberalisme, vooruitgang, bevrijding,... De hegemonie van de westerse waarden is niet onaantastbaar. De geschiedenis ligt open.’

Rusland zoekt toenadering tot Turkije. De Turkse president Erdogan deelt jullie ‘landwaarden’?

‘Correct, hij moet kiezen tussen een Euraziatische en westerse identiteit. Ik had mijn bedenkingen bij hem, maar nadat hij de Gülenpartij heeft opzijgezet, komt hij steeds dichter bij die Euroaziatische kernwaarden en neemt hij steeds meer afstand van het Westen.’

Helpt u hem daarbij?

‘Ja, ik help de Turken om te kiezen voor het Eurazianisme. Mijn boek is in Turkije vertaald en het biedt aan de militairen een ander denkkader. Tevoren kenden ze alleen het Navo-Atlantisch denkkader, waarin hen werd geleerd hoe ze tegen Rusland moeten vechten. In mijn handleiding leg ik uit dat Turkije kan kiezen en ook tegen de VS kan vechten. Vroeger, als je als Turk niet tevreden was met de rol van de Amerikanen in de regio, zoals hoe ze de Koerden naar onafhankelijkheid helpen, dan had je geen keuze, want je had maar één denkkader.’
‘Iran staat voor dezelfde keuze. Dat land zag Rusland altijd als de oude vijand, maar toen mijn boeken er werden vertaald, ontdekten de Iraniërs dat er parallellen bestaan tussen het Euroazianisme en hun visie op de samenleving. Dat sloeg een brug tussen Rusland, Turkije en Iran. Die metafysische brug leidt uiteindelijk naar concrete politieke actie.’
Ze heeft alvast de situatie in Syrië doen kantelen. Rusland en Turkije gingen samenwerken en samen gaven ze de Syrische president al-Assad de mogelijkheid om de burgeroorlog in zijn land te winnen. ‘Dat klopt, Syrië was de laatste dominosteen die viel.’

Begon het toen in 2015 een Russische piloot boven Turkije werd neergeschoten?

‘Ik heb toen hard gewerkt om een confrontatie tussen Turkije en Rusland te vermijden en om de banden tussen beide landen aan te halen. Niet omdat ik pro-Turks ben, neen, ik ben Russisch-orthodox. Maar ik ben tegen de Amerikaans hegemonie.’
‘Die samenwerking heeft ook geleid tot de deal tussen Irak en de Iraanse generaal Soeleimani, waardoor het opstandige Kirkoek weer in handen van Irak kwam. Dat was de tweede grote overwinning die we hebben behaald in de multipolaire wereld.’

Die nieuwe samenwerking verandert de situatie in het Midden-Oosten grondig.

‘Ja, maar daar zijn tientallen jaren aan voorafgegaan. Na de val van de Sovjetunie hebben we met een aantal Russische patriotten een Euraziatische visie ontwikkeld, gebaseerd op de “landwaarden”. Die visie zijn we aan het uitdragen en we werken aan een alliantie met Turkije en Iran. Het was een lange weg. Poetins politiek is de finalisatie van die ideeën.’ 

De strijd in Syrië was het eerste kantelpunt. Wat wordt de volgende stap?

‘Amerika moet weg uit het Midden-Oosten. Eerst zullen we aandacht geven aan de heropbouw van Syrië en Irak. We hebben een militaire overwinning behaald, nu moet de politieke volgen. We moeten de territoriale eenheid bewaren, we moeten uitzoeken wat we aan de Koerden kunnen bieden. Ze zijn door het Westen in de steek gelaten en nu kan Rusland een oplossing voor de Koerden zoeken. We zullen hen geen nieuwe staat laten bouwen, want niet iedereen is daar voorstander van. Islamitische Staat moet verdwijnen, dat is duidelijk. En de invloed van de Saudi’s moet worden gestopt. De oorlog in Jemen moet worden beëindigd. Daar kunnen we, tegen de Saudi’s in, de sjiieten helpen.’

U wil de Verenigde Staten weg uit het Midden-Oosten. De huidige Amerikaanse president Trump is sowieso minder geïnteresseerd in buitenlands beleid. Het kan dus voor de Russen niet zo moeilijk zijn om de Amerikanen te verdrijven?

‘Het is iets gemakkelijker dan vroeger. Trump zegt dat hij een non-interventionist is. Hij zou natuurlijk afstand kunnen nemen van die belofte, zoals hij wel vaker heeft gedaan. Maar hij heeft binnenlandse problemen. Dat hij die maar eerst oplost. Wij willen vrede, we willen een wereld die vrij is van de Verenigde Staten en van zijn zogenaamde democratie. Laat Eurazië en Europa met rust. Europa moet niet bang zijn, wij gaan dat niet inpalmen.’

En Oekraïne dan?

‘Oekraïne is deels Europees deels Russisch. Het is een nieuwe staat, die de keuze had als België te worden, een land met twee entiteiten. Maar het westelijke deel van Oekraïne wilde het hele land domineren, in naam van de democratie en de mensenrechten, alhoewel er ook fascisten bij waren.
Daarom is het oostelijk gedeelte in opstand gekomen en die opstand hebben wij gesteund. Wij zijn dus geen dreiging voor Europa, wij zijn geen dreiging voor West-Oekraïne. Dat is voor ons een legitiem deel van Oost-Europa.’
‘Het is boeiend: je ziet in Oost-Europa steeds meer landen die toenadering tot ons zoeken. Ik merk dat landen als Polen of Hongarije zich afvragen of Europa wel zo’n ideale wereld is. De Polen denken dat democratisering en vooruitgang hun katholieke identiteit vernietigen. De beweging die de nadruk legt op de Poolse identiteit groeit, ik krijg er steeds meer aanhangers. Hetzelfde voor Hongarije. Daar vraagt men zich af wat het beste is: hun identiteit laten vernietigen door Europa of ze te behouden, met onze steun. Voor hen is de EU een culturele bedreiging. Wij daarentegen dringen ons niet op, zij hebben gewoon de keuze.’
‘Aangezien wij Europa niet bedreigen, hebben de Europeanen een kans om over hun identiteit na te denken. Ze hebben gezien welke chaos de Amerikaanse zeemogendheid veroorzaakt. Europa heeft een kans om zich te bezinnen. Ik droom van een sterk, onafhankelijk Europa dat zijn eigen logica hanteert en dat misschien tegen ons is. En toch verkies ik dat, want dat zou betekenen dat Europa opnieuw waardigheid heeft en niet langer de vazal van de Verenigde Staten is. Wees de ander die het verschil maakt. Nu? met al dat liberalisme, zijn jullie dat niet. Daag ons uit met jullie eigen
waarden.’

mardi, 19 décembre 2017

Alberto Buela: Populismo e "popularismo" nell'estremo Occidente

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Alberto Buela Lamas:

Populismo e "popularismo" nell'estremo Occidente

 
L’ Europa, ci piaccia o no, spiega il filosofo argentino Alberto Buela Lamas, «ha mille risorse nascoste che può ancora mobilitare. È un'ingenuità affermare che l'Europa è finita, quelli che sono finiti sono i sui dirigenti, influenzati dalla "americanosfera"»

Nel nostro incontro con il professor Alberto Buela Lamas affrontiamo la questione del populismo da altre prospettive: geografica e di pensiero. Buela, infatti, ci porta ad analizzare le differenze che intercorrono tra populismo e “popolarsimo” e tra movimenti europei e movimenti ibero-americani, termine che il Professore sceglie per segnare la differenza con quello comunemente conosciuto, “latinoamericani”, di invenzione francese. Guardando l’Europa dall’“estremo occidente”, il filosofo argentino confida ancora nella centralità europea e nella luce di Roma “ultima datrice di senso delle azioni degli uomini nel mondo.”

Alberto Buela Lamas è un filosofo argentino che ha sviluppato il pensiero ibero-americano.

Ha insegnato presso l'Università Tecnologica Nazionale dell'Argentina e in Spagna presso l'Università di Barcellona. Di formazione classica, è stato il fondatore della visione metapolítica in America, nonché pioniere della “teoria del dissenso” che propagò attraverso le pagine dell’omonima rivista con l’ambizione di edificare un pensiero alternativo rispetto a quello egemonico. Il suo pensiero poggia su autori classici come Platone ed Aristotele, su autori contemporanei europei come Scheler, Heidegger, Bollnow e americani tra cui figurano McIntayre, Wagner de Reyna, Nimio de Anquín, Saúl Taborda.

Il dibattito sul populismo tiene banco sia in ambito accademico, che sui quotidiani. Da filosofo politico potrebbe fornirci una definizione di tale termine e la sua opinione su tale fenomeno?
La politologia, che è una scissione relativamente recente della filosofia, ha considerato storicamente il populismo in forma spregiativa. Essa, infatti, concedendogli una connotazione negativa, lo ha caratterizzato come una patologia politica, secondo Leo Straus, o come “l'Enfant Perdu” della scienza politica ( Bosc René : Un enfant perdu de la science politique: le populisme, en Projet, n.° 96, junio de 1975, pp. 627-638). Uno studio che si è rivelato a dir poco vergognoso per coloro i quali lo hanno partorito. La più rinomata studiosa del tema, l'inglese Margaret Canovan sostiene che: “il termine populismo si usa comunemente a modi diagnosi per una malattia” (Canovan, Margaret: Populism, Hartcourt Jovanovich, Nueva York-Londres, 1981, p.300).

Con riferimento alla definizione di populismo potremmo dire che: si ha populismo dove il governo fa quello che il popolo chiede e non ha altro interesse che l'interesse del popolo stesso.

La mia opinione sul fenomeno populista è che l'installazione politica del populismo in Europa, in questi ultimi anni, ha obbligato i teorici a ripensare la categoria di populismo con l'intenzione di liberarla della connotazione spregiativa che loro stessi gli avevano attribuito in altri tempi, quando il fenomeno del populismo si manifestava nei paesi periferici o del terzo mondo, come furono i casi di Perón, Vargas o Nasser. Oggi, in Europa, abbiamo non suolo il populismo di destra come il caso del Fronte Nazionale francese, bensì anche quello di sinistra come Podemos in Spagna. Ecco allora che il populismo si è trasformato in una corrente orizzontale che va dalla destra alla sinistra, quando in realtà il fenomeno possiede un asse verticale che va dal basso (l’interesse reale del popolo), verso l'alto, (mettendo in discussione la rappresentanza politica demo liberale e borghese dei partiti politici del sistema).

In un suo articolo lei ha parlato di differenza tra populismo e “popolarismo” potrebbe spiegarci di cosa si tratta?
Noi siamo ricorsi ad un neologismo, quello del “popularismo” che solo gli uomini di lingua italiana possono comprendere perfettamente, che sostiene che il popolo è: a) fonte principale di ispirazione; b) termine costante di riferimento; c) depositario esclusivo di valori positivi. Il popolo come forza rigeneratrice è il mito fondante nella lotta per il potere politico. Il popolo è il soggetto principale della politica. L'azione del pensiero unico e politicamente corretto, espresso in queste ultime decadi per la socialdemocrazia e le sue varianti “progressiste”, ha cercato la sparizione del popolo (dell’ethos popolare) per trasformarlo in “pubblico consumatore” al fine di manipolarlo facilmente. Questo è il populismo postmoderno di cui parla Ernesto Laclau nella sua Ragione populista (2005) e sposato anche all’interno del nostro ambiente di pensiero. Per Laclau il popolo è sempre popolo sciolto mentre per il peronismo o i governi popolari il popolo è paese organizzato. In una parola, il popolo è al centro attraverso le sue organizzazioni, le organizzazioni libere del popolo, perché suolo attraverso esse esiste.

Altra cosa da aggiungere è che il populismo postmoderno di Chàvez e Kirchner è moltitudine o pubblico consumatore. Sempre nell’idea di egemonia, espressa da Laclau, il populismo contemporaneo crea “diversi popoli particolari” (chiamati indipendentisti, minoranza gay, indigeni etc. etc.) i quali hanno la pretesa di assumere una dimensione universale.

Per tale ragione utilizziamo il termine “popularismo”, al fine di distinguere il vero populismo dal suo falso impostore.

Leggi le altre interviste della serie "Populismo/i"

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L’attuale modello di crescita si innesta su un pensiero quale quello illuminista, ormai in crisi. Potrebbe ciò aver contribuito alla rinascita del populismo?
Il “popularismo”, o vero populismo, è l'ultima reazione davanti alla democrazia liberale di corte istruita, poiché i suoi meccanismi e le sue istituzioni politiche, non sono più in grado di fornire risposte adeguate alle reali necessità che oggi hanno i popoli. E’ stato provato e comprovato ad nauseam che il sistema democratico liberale borghese non può dare risposte alle nuove necessità del nostro tempo. Allora il “popularismo” si interroga sull’idoneità dell’attuale sistema e reclama cambiamenti inerenti al sistema dei partiti e ai meccanismi di elezione. Per esempio ci si interroga sul monopolio della rappresentatività dei partiti politici come via di accesso al parlamento, proponendo altre forme di accesso. Quest’ultimo aspetto viene denominato, dai teorici statunitensi, “costituzionalismo di comunità” dove le forze della comunità possono accedere direttamente al parlamento senza dover passare attraverso i partiti politici. (In Argentina ci fu un’esperienza simile con la validità della costituzione del Chaco del 1952, conosciuta come “la costituzione del doppio voto”).

Reitero, per rispondere alla sua domanda senza giri, il “popularismo” respinge per incompetenza politica, il pensiero illuminista.

Esistono delle differenze tra populismo europeo e quello latino americano?
Le differenze sussistono e sono abbastanza evidenti. Il populismo ibero-americano (mi rifiuto di parlare di America Latina, perché come sanno tutti gli italiani, latini sono solo quelli del Lazio e la denominazione America Latina è stata un'invenzione francese per potere giustificare il loro intervento nella Nostra America) è stato sempre un nazionalismo di “Patria Grande”. Ha pensato sempre in termini continentali come Suramérica, Hispanoaméria o Iberoamérica, mentre i populismi europei sono di “Patria Piccola”, e tanto più piccole sono, quanto più accrescono le istanze nazionaliste, così abbiamo i valloni in Belgio, i Catalani in Spagna, i corsi in Francia e la Lega Nord in Italia.

I populisti europei sono quasi tutti istruiti mentre i populisti sud-americani sono capi semibárbaros (questo dicono gli istruiti su essi). I populismi europei negano l'esistenza di un ethos nazionale, mentre gli ibero-americani lo affermano come principio indiscutibile della sua esistenza nell’ecúmene culturale che si esprime in una sola lingua: la lingua ispana. E, per come sosteneva Gilberto Freyre, il gran sociologo brasiliano: “noi uomini ispani possiamo parlare e capire con facilità quattro lingue: il portoghese, lo spagnolo, il galiziano ed il catalano”.

Possiamo dunque affermare che, il popularismo ibero-americano è inclusivo mentre il populismo europeo è esclusivista.

In Europa, stiamo assistendo ad una crescita esponenziale di partiti e movimenti nazionalisti. Potrebbe un movimento europeo superare queste istanze nazionalistiche e quale dovrebbe essere il collante e l’idea forza?
L’ Europa, ci piaccia o no, è il centro dell’Occidente. L'Europa ha mille risorse nascoste che può mobilitare. È una stupidità affermare che l'Europa è finita, quelli che sono finiti sono i sui dirigenti, influenzati “dall’americanosfera”, per come la definì Guillame Faye.

La decadenza si ha nelle sue classi dirigenti non nei suoi popoli, i quali detengono una ricchezza di particolarità e differenze come nessuno al mondo. L’Europa, inoltre, ha ancora Roma che è l'ultima datrice di senso delle azioni degli uomini nel mondo.

Parigi volle essere la seconda Roma e non poté, Mosca vuole essere la terza Roma e non può, mentre gli Stati Uniti tagliarono i suoi lacci con l'Europa. L’idea di romanità la troviamo espresso perfettamente in Virgilio, il più grande poeta latino, il quale afferma nell’Eneide: “tu, o Romano, ricordati di reggere i popoli con autorità; (tu avrai queste arti) e di imporre norme alla pace; di risparmiare quelli che si sottomettono e debellare i superbi” (Virgilio: Eneide VI).

Noi dall'estremo Occidente, non siamo né ottimisti né pessimisti, bensì realisti speranzosi, e come tali pesiamo che la “vecchia Europa” reagirà, dal momento che ha gli attributi per farlo. E reagirà sull’idea indicata da Virgilo, il padre di Occidente. In questo la dirigenza italiana, quella più genuina, ha molto da dire e su questo può contare sull'Argentina che è la sua testa di ponte naturale in America

lundi, 18 décembre 2017

« Dans les démocraties libérales, tout est fake news » : entretien avec Alexandre Douguine

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« Dans les démocraties libérales, tout est fake news » : entretien avec Alexandre Douguine

Entretien accordé par Alexandre Douguine aux hebdomadaire Knack (version néerlandaise) et Le Vif à Bruxelles

Propos recueillis par Jeroen Zuallaert

Ex: http://zejournal.mobi

 
Auteur : Jeroen Zuallaert | Editeur : Walt | Lundi, 18 Déc. 2017 - 11h04

« Vous prononcez le mot démocratie comme s’il était sacré. Vous trouvez certainement que les antidémocrates ne sont pas humains ! » Notre confrère de Knack s’est entretenu avec Alexandre Douguine, le prophète autoproclamé de Vladimir Poutine qui rêve d’un empire eurasien où il n’y a pas de place pour les journalistes.

Alexandre Douguine n’est pas l’idéologue maison de Vladimir Poutine. « Ou du moins pas littéralement », admet-il. « À l’heure actuelle, je n’occupe pas de position officielle au sein de l’appareil d’État. Je n’ai pas de ligne directe avec Poutine, je ne l’ai même jamais rencontré. Mais j’ai mes façons de communiquer ».

Pourtant, le terme « idéologue maison » n’est pas mal choisi, estime Douguine. « Si vous comparez mes théories et mes écrits à mon travail, vous pouvez uniquement en conclure que Poutine a suivi pratiquement toutes mes propositions politiques. Il a resserré les liens avec l’Iran et la Turquie et il a annexé la Crimée, ce que je lui recommande depuis des années. Il mise sur les normes et les valeurs traditionnelles. Il a fondé l’Union eurasienne, qui doit constituer la base d’un empire eurasien. Il y a dix ans, j’étais à Washington pour un débat, et on m’a introduit en ces termes : "Ne regardez pas la position de monsieur Douguine, regardez ses écrits et comparez-les aux actes de Poutine". C’est tout à fait ça ».

En Russie, Douguine est surtout populaire dans les cercles militaires, où la lecture de sa Quatrième théorie politique est obligatoire pour les futurs officiers. Cette théorie succède à trois idéologies politiques – le libéralisme, le communisme et le fascisme – qui d’après lui ont perdu leur légitimité. La quatrième théorie politique doit combiner les éléments des trois théories précédentes, même si Douguine semble surtout détester la démocratie libérale. La quatrième théorie politique doit devenir l’idéologie dominante en Eurasie, une alliance géopolitique entre la Russie et l’Europe, qui, tout comme dans 1984 de George Orwell, doit endiguer ce qu’il appelle l’impérialisme américain.

Vous avez qualifié l’investiture de Trump de « l’une des meilleures journées de votre vie ». Êtes-vous toujours de cet avis ?

Alexandre Douguine : Je pouvais à peine en croire mes oreilles ! Pour moi, l’élection de Trump est la preuve que le peuple américain est toujours en vie. Je suis très heureux de l’avènement du trumpisme, même si aujourd’hui il est pris en otage par le Deep State (l’État dans l’État, NLDR). Aujourd’hui, Trump se trouve dans la camisole de force des globalistes américains, on dirait un personnage de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et pourtant, rien que son élection a été une gifle énorme pour l’interventionnisme américain. Grâce à lui, l’Amérique n’est plus le centre de la globalisation. Même s’il n’arrive qu’à implémenter un centième de ce qu’il a promis, ce serait un soutien incroyable pour le projet eurasien.

Assistons-nous à la fin du libéralisme ?

Ce n’est certainement pas encore la fin, mais les aspects négatifs du libéralisme se manifestent de plus en plus clairement. C’est une sorte de fascisme libéral qui considère tout le monde qui ne possède pas au moins un iPhone 6 comme moins humain. La modernité se voit elle-même comme un objectif final, alors que pour les traditionalistes c’est un choix. Heureusement, de plus en plus de personnes comprennent que le libéralisme est fondamentalement une erreur.

Quelle est pour vous l’erreur du libéralisme ?

Il a privé l’homme de toute forme d’identité collective. La religion, les valeurs traditionnelles, la hiérarchie, la conscience nationale : il faut s’en débarrasser. Tout devient optionnel : on peut choisir sa religion, sa nation, et aujourd’hui même son sexe.

Les transgenres sont tout de même une réalité...

Au contraire, c’est l’idéologie pure. L’homme invente ces concepts et la réalité s’y adapte. Les transgenres et l’homosexualité sont une idéologie politique, ils sont le dernier stade du libéralisme.

L’homosexualité a toujours existé, non ?

C’est de la propagande politique pure qui impose des normes de manière totalitaire à la société.

Dans une démocratie libérale, personne n’est contraint à être homosexuel, non ?

À partir du moment où on autorise quelque chose, la norme change. Au fond, les normes sont une sorte de schéma qu’il faut suivre, et si vous tolérez autre chose que la norme, vous en faites automatiquement une nouvelle norme. Si vous autorisez l’homosexualité, vous détruisez la société hétérosexuelle, parce que vous lui enlevez une forme d’identité collective. L’objectif ultime du libéralisme, c’est d’éliminer l’humanité : vous donnez le choix aux gens de poursuivre leur vie comme un cyborg, ou comme un animal.

Il n’y a tout de même personne qui propose ça sincèrement ?

Nous devons comprendre que le libéralisme est un produit de la modernité. Les concepts tels que le racisme, l’esclavage et le totalitarisme sont des concepts européens nés dans la modernité. Quand le libéralisme était encore contraire au fascisme et au communisme, on aurait dit un système antitotalitaire. Mais à présent qu’il n’y a plus de grands ennemis idéologiques, le libéralisme montre son vrai visage. Les idéologues tels que George Soros et Karl Popper divisent le monde en deux groupes : les sociétés ouvertes et fermées. Tout comme les communistes divisaient le monde en capitalistes et prolétaires et les nazis faisaient la distinction entre les ariens et les non-ariens, ils divisent le monde en progressistes – les bons – et les conservateurs – les mauvais.

Cela ne rime à rien, non ? Dans une démocratie libérale, les conservateurs ont tout à fait le droit d’avoir des idées conservatrices.

Dans une démocratie libérale, seuls les conservateurs libéraux sont les bienvenus. Ceux qui ne le sont pas sont immédiatement marginalisés et criminalisés. Les gens comme moi, qui préconisent une démocratie non libérale, sont immédiatement traités de fascistes et de stalinistes. Nous sommes les nouveaux juifs et ouvriers du goulag. Votre société soi-disant ouverte n’accepte que les partisans de la société ouverte.

AD-book4PTH.jpgMais les partis conservateurs sont tout de même autorisés dans les sociétés occidentales ?

Le débat est mené uniquement parmi les partisans du libéralisme. On peut être libéral de droite et libéral de gauche. On peut être libéral d’extrême droite ou libéral d’extrême gauche. Mais il est impossible d’être non libéral.

Considérez-vous le Front national comme un parti libéral ?

Le FN est un parti libéral d’extrême droite, car il est pour la république et la démocratie. Mais même lui est diabolisé et conspué parce qu’il n’est pas assez libéral.

N’est-il pas normal que les opposants politiques se critiquent entre eux ? Le FN peut tout de même simplement participer aux élections.

Mais ses adeptes sont diabolisés, ce sont des parias ! La même chose vaut pour les personnes qui soutiennent Trump. Si vous êtes dans un café à New York et vous dites que vous avez voté Trump, vous risquez de vous prendre une gifle.

Si vous êtes dans un café à Moscou et vous dites que vous détestez Poutine, vous risquez aussi de vous prendre une gifle.

Je ne suis pas d’accord avec cette analogie. En Russie, on peut parfaitement être anti-Poutine. Le seul moment où nous défendons Poutine, c’est quand nous sommes confrontés aux haïsseurs de l’extérieur. C’est une forme de solidarité russe collective.

Selon votre interprétation, l’Eurasie est-elle une démocratie ?

Vous prononcez le mot démocratie comme s’il était sacré. Vous trouvez certainement que les antidémocrates ne sont pas humains !

C’est une simple question. Votre interprétation de l’Eurasie est-elle démocratique ?

Ah, c’est quoi démocratique ? Disons-le ainsi : pour moi, l’Eurasie ne doit pas être non démocratique. Le taux démocratique de l’Eurasie dépend de ce que décide la société.

N’est-il pas logique qu’une telle décision découle d’un processus démocratique ?

Je trouve qu’une société doit pouvoir décider d’être régie par un monarque ou un dictateur. Le résultat d’une telle décision ne doit pas forcément être une démocratie. La seule véritable décision démocratique en Russie a été prise à l’époque du Zemski Sobor, l’assemblée russe qui a élu le premier tsar des Romanov au 17e siècle. Nous avons choisi un monarque, et nous en avons toujours été contents.

Que se passe-t-il si une société change d’avis ?

Tant qu’il n’y a pas de révolution, il y a un accord tacite qui légitime l’autorité du régime. Les libéraux veulent mettre fin à l’histoire et imposer leur idéologie à tout le monde alors que l’histoire politique est ouverte : la démocratie n’est pas une valeur universelle incontestable que le monde entier n’a qu’à accepter.

Ne trouvez-vous pas problématique que la Russie n’ait pas d’élections impartiales ?

Nos élections sont absolument impartiales, car chez nous elles ne servent pas à amener un nouveau régime au pouvoir. En tant que société, nous sommes plus ou moins contents de Poutine. Alors peu importe le pourcentage exact de gens qui votent pour lui.

Pourtant, vous êtes régulièrement critique vis-à-vis de Poutine ?

Je trouve qu’il ne fait pas ce qu’il a à faire, mais cela ne signifie pas que je ne trouve pas qu’il soit le seul leader légitime possible de la Russie. L’esprit russe fonctionne à plusieurs niveaux. Pour nous, la contradiction n’est pas inacceptable.

Quelle est votre principale critique envers Poutine ?

Je lui reproche d’avoir créé un système où il soit le seul individu capable de prendre une décision. En soi, c’est mieux que le chaos total, mais c’est instable. Poutine se comporte comme s’il était immortel. Malheureusement, il ne l’est pas.

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Vous plaidez en faveur d’une dynastie Poutine.

C’est impossible, car pour cela il faut les institutions, et pour fonder ces institutions il faut formuler les principes de votre vision de la société. Il ne le fait pas. Le plus grand problème de Poutine, c’est qu’il n’a pas d’idéologie. C’est un leader génial qui a transformé un pays qui se désagrégeait en puissance souveraine. Aujourd’hui, chacun doit deviner ce qu’il signifie par « démocratie », « tradition », « religion » ou « modernisation ». Et celui qui devine mal, est puni. En 2014, j’ai été éjecté de l’université parce que j’ai critiqué sa politique étrangère. Mais je me suis résigné, je ne m’intéresse pas à ma carrière.

Êtes-vous content de la politique étrangère de Poutine ?

Je la trouve généralement équilibrée. Sa plus grande erreur c’est de ne pas avoir poursuivi la libération de l’Est de l’Ukraine. Il aurait pu pénétrer beaucoup plus loin en Ukraine. On savait à l’avance qu’il y aurait des sanctions économiques. Aujourd’hui, nous payons un prix lourd pour un produit relativement limité.

Voyez-vous un successeur possible ?

Dans le système de Poutine, il n’y a pas de place pour un successeur. Il craint de nommer un héritier qui soit aussi fort que lui, parce qu’il pourrait l’éclipser. Il était impossible de trouver un meilleur dirigeant que lui, mais nous en avons trouvé de pires. Entre 2008 et 2012, Dmitri Medvedev a pratiquement détruit le système, et il est toujours Premier ministre. C’est un danger que Poutine manipule : si vous ne me soutenez pas, je mets le monstre libéral sur le trône, et notre stratégie au Moyen-Orient tombe à l’eau. Rien n’a été réglé formellement. Le problème, c’est que Poutine parie sur deux systèmes : il est tant eurasianiste que libéral. Dans le paradigme économique, il trouve le libéralisme nettement plus important. Il devrait faire un testament où il explique son idée à son héritier.

Vous souhaitez que Poutine détermine à quel point la Russie peut être occidentale.

(hoche la tête) Il doit traduire son intuition individuelle en une doctrine destinée à sécuriser l’ordre futur. Il n’a tout simplement pas d’idéologie déclarée, et cela devient de plus en plus problématique. Chaque Russe sent que cette approche hyper individuelle de Poutine représente un risque énorme. La propagande à la télévision russe devient de plus en plus stupide. Les talk-shows politiques sur Pervyj Kanal (la principale chaîne publique, NLDR) sont carrément stupides. Les présentateurs sont une bande de libéraux qui se font passer pour des conservateurs par considérations financières. C’est une espèce de jeu : si Poutine change d’avis, il faut changer toute la machine de propagande. Là, ils invitent en permanence les mêmes idiots américains et ukrainiens pour faire passer l’Occident pour stupide. Ce n’est plus convaincant. Comprenez-moi bien : l’Occident est mauvais, mais nous devons au moins prendre la peine de l’étudier.

Ne craignez-vous pas que pour beaucoup de Russes les libertés occidentales paraissent attrayantes ?

Les Russes sont plus constants que vous ne le pensez. Dans les années nonante, les Russes ont été séduits par le libéralisme, mais ils ont rapidement senti la réalité amère. Nous ne devons pas craindre les Russes et leur présenter une caricature de la réalité à laquelle personne ne croit. C’est pourquoi je trouve la télévision russe actuelle aussi répugnante.

Cette critique vaut-elle également pour Russia Today et Sputnik ?

C’est tout à fait différent. RT et Sputnik font parfaitement leur travail. Ils promeuvent une alternative à l’agenda libéral globaliste. Ils élargissent l’opinion démocratique. Nous nous défendons uniquement contre l’élargissement agressif de la société moderne. L’Occident devrait accepter que la forme de société libérale soit optionnelle.

Ne trouvez-vous pas problématique que des médias comme Russia Today et Sputnik inventent tout le temps des événements ?

Les médias mentent en permanence. Tout est fake news. On ne peut approcher la réalité de manière neutre. L’esprit humain fonctionne toujours avec de l’information pro-cédée. Si vous cherchez la vérité, je vous conseille de devenir philosophe : vous aurez une vie intéressante. Celui qui travaille dans les médias est par définition un menteur.

De quelle façon est-ce que je mens, monsieur Douguine ?

Vous mentez parce que vous faites passer une réalité codée définie par la société, par les détenteurs de pouvoir qui contrôlent les médias. Antonio Gramsci dirait : vous mentez parce que vous avez conclu un pacte historique avec le capitalisme. Tout est idéologique, dit le marxisme, et l’idéologie est une fausse conscience : un mensonge pur.

AD-putin.jpgMais il y a les faits, tout de même ? Si demain Moscou lâche une bombe sur Bruxelles, et j’écris que Moscou a lâché une bombe sur Bruxelles, ce n’est pas un mensonge ?

(ricane) D’abord et avant tout, vous ne pourrez rien écrire si cela arrive. Vous serez mort.

Mettons que je survive.

Même alors, il vous faut recueillir des informations et vérifier les sources. Qui paiera votre billet pour accéder aux ruines ? Comment allez-vous prouver que Moscou est derrière les bombardements et non Oussama ben Laden ? Aujourd’hui, il n’est même pas clair qui étaient les auteurs du 11 Septembre ! D’abord, c’étaient les Saoudiens, mais à présent le président Trump a suggéré qu’il fallait une nouvelle enquête. Pourquoi est-ce nécessaire ? Parce que tout est fake news.

Vous êtes sérieux là ?

Dans notre société, on ne peut jamais être vraiment sûr que l’avion avec lequel Moscou a soi-disant lâché la bombe ait été détourné au dernier moment par des musulmans. Vous connaissez le film Conspiracy Theory ?

Non.

C’est un film extrêmement intéressant dont le personnage principal voit des complots partout, et qui est traité de fou. Mais finalement, il s’avère qu’il est le seul à avoir eu raison depuis le début.

Mais c’est de la fiction, non ?

Non, c’est le paradigme de la réalité. Nous vivons dans une réalité virtuelle du fake news. Le journalisme aussi est un produit typique de la modernité. La vérité est difficile à trouver, et pour la trouver nous devons éliminer le journalisme.

Vous voulez supprimer le journalisme ?

Il y a des sociétés sans journalisme qui ne sont pas pires que la société occidentale. En même temps je réalise que les mensonges peuvent être diffusés de millions de façons. Nous cherchons tout au plus la sécurité, la tolérance, le confort, et peut-être un peu de justice sociale. Le libéralisme ne s’occupe que d’efficacité et d’accélération, et plus de la recherche de la vérité.

L’autoritarisme s’intéresse encore beaucoup moins à la vérité.

Au contraire, dans l’autoritarisme il y a encore un choix. Le totalitarisme, la théocratie, la société de castes : dans les systèmes autoritaires, nous avons le choix entre plusieurs mensonges, ce qui est nettement plus agréable. En démocratie libérale, il n’y a qu’un mensonge à croire : l’assertion que la démocratie est la moins pire de toutes les formes de gouvernement. (réfléchit) Vous savez, le mal est surtout en nous. Nous mettons trop d’espoir et de confiance en la technologie épistémologique. Par exemple, je suis très préoccupé par la confiance aveugle des sociétés en les réseaux sociaux.

Vous aussi vous êtes un fervent utilisateur des réseaux sociaux.

J’essaie de transformer le poison en remède.

La Russie utilise les réseaux sociaux pour influencer les élections étrangères.

(ricane) Je crains que vous nous surestimiez. Oui, la Russie essaie de s’armer contre les attaques technologiques de l’Occident, mais nous n’y parvenons guère. Au fond, c’est une réaction à la guerre en réseau américaine des années nonante. Il vous faudra encore un peu de patience. Notre cyberprogramme n’en est qu’à ses balbutiements, et on nous accuse déjà d’avoir piraté les élections !


- Source : Le Vif (Belgique)

dimanche, 10 décembre 2017

Nikolaï Starikov : «Les politiciens occidentaux auraient dû créer une ceinture d’États indépendants en Europe centrale»

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Nikolaï Starikov : «Les politiciens occidentaux auraient dû créer une ceinture d’États indépendants en Europe centrale»

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Roumanie, Timişoara – Entretien avec Nikolaï Starikov, écrivain russe, journaliste d’opinion, activiste social et co-président du Parti de la Grande-Patrie: « Si les politiciens occidentaux s’inquiétaient vraiment de la possibilité d’une guerre et voudraient l’éviter, ils auraient établi une ceinture d’États indépendants en Europe centrale. »

En mai, Ferenc Almássy a eu l’occasion de rencontrer Nikolaï Starikov, qui était à Timişoara, pour présenter son livre « La nationalisation du rouble – La voie vers la liberté de la Russie ». Une bonne occasion d’avoir une petite conversation avec un intellectuel et politicien patriotique russe pour mieux comprendre le point de vue des Russes sur les pays d’Europe centrale et orientale.


Ferenc Almássy : D’abord, je voudrais vous remercier pour cet entretien. Nous avons l’occasion de nous rencontrer à Timişoara, où vous avez lancé la promotion de l’édition roumaine de votre livre « La nationalisation du rouble – La voie vers la liberté de la Russie ». Je commencerais par une première question : comment vit-on en Russie, dans une démocratie illibérale ?

Nikolaï Starikov : Vous avez posé la question clé. D’un côté, en utilisant le mécanisme du marché, Poutine a réussi à rétablir une part importante du pouvoir de l’État en Russie et à rétablir la position de la Russie sur la scène internationale. Aujourd’hui, la situation en Russie est contradictoire, d’une part nous avons une politique étrangère puissante et sûre d’elle. D’un autre côté, en économie interne, nous avons suivi le système économique mondial américain. Mon opinion est que les opportunités offertes par le modèle économique libéral ont été épuisées. Nous avons besoin d’une nouvelle politique économique et de nouvelles personnes capables de l’appliquer. Je veux souligner que lorsque je parle de nouvelles personnes, je veux dire, nouveau Premier ministre, nouveaux gouverneurs, de nouvelles forces politiques. Ceux-ci doivent compléter l’activité du Président, que je considère comme l’un des meilleurs politiciens de l’histoire de la Russie.

FA : Vous êtes le président de votre propre parti, le Parti de la Grande-Patrie. Cela signifie-t-il que vous voulez gagner le pouvoir ou que vous voulez travailler avec Vladimir Poutine, une personnalité que vous semblez apprécier ?

Nikolaï Starikov : La politique est l’art du possible et toute force politique est créée pour accéder au pouvoir. Nous approuvons la politique de Vladimir Poutine, notre Président. Toutefois, nous sommes opposés à la politique économique mise en place par le gouvernement. L’évolution du processus politique au cours des dernières décennies peut être résumée comme suit : après la chute de l’Union soviétique, les «ultra-libéraux» sont arrivés au pouvoir. Toutes leurs actions n’étaient pas destinées au bien de la Russie mais à celui des États-Unis. En raison des actions de Poutine, ces “ultra-libéraux” ont été remplacés par des patriotes libéraux. Ils sont prêts à s’opposer aux Américains en matière de politique étrangère, mais ils ne sont pas prêts à avoir une politique intérieure souveraine. Cela conduit à une situation dangereuse, dans laquelle l’engagement d’une politique intérieure souveraine devient impossible parce que notre économie est négativement affectée par son cours libéral. À mon avis, nous avons besoin de nouvelles personnes et de nouvelles forces politiques pour changer la politique intérieure du pays. Je qualifierais ces forces de patriotiques, parmi lesquelles je compte, bien sûr, le Parti de la Grande-Patrie.

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FA : Votre parti est présenté comme un “parti de la défense” russe, mais dans les médias occidentaux en particulier, la Russie est présentée comme une agresseuse et non comme une victime, et il y a plusieurs exemples : la Crimée, le Donbass, l’exercice Zapad, les provocations dans les pays baltes. Alors, la Russie est-elle vraiment dans une situation défensive ?

Nikolaï Starikov : Analysons les faits. De 1945 à 1990 en Europe, il y avait deux États allemands. Cela veut-il dire qu’il y avait deux peuples allemands différents ? Bien sûr que non. En 1990, un État a englouti l’autre et aujourd’hui nous avons un État allemand uni et un peuple allemand uni. Cela a été rendu possible parce que l’Union Soviétique, c’est-à-dire la Russie, a organisé ce processus et ne l’a pas bloqué. Aujourd’hui, nous ne comprenons pas pourquoi l’Europe bloque le même type d’intégration pour le peuple russe. En politique, il est risible de parler de gratitude, néanmoins on aimerait voir, d’abord en Allemagne et en Europe de l’Est, qu’on a laissé choisir son propre destin politique, une certaine forme d’appréciation. Pour mieux comprendre notre situation, regardez-la de notre point de vue : Hitler a attaqué l’Union Soviétique. À cette époque, trois jours d’avance ininterrompue étaient nécessaires pour qu’un char allemand atteigne Moscou. Aujourd’hui, il y a 350 km de la frontière russo-ukrainienne à Moscou. Des bases militaires américaines dans les pays baltes à ma ville natale de Saint-Pétersbourg, il y a moins de 200 km. Aujourd’hui, les Américains, les troupes de l’OTAN, sont beaucoup plus proches de nos centres économiques, culturels et politiques. La question est de savoir pourquoi ils se rapprochent et qui est l’agresseur potentiel ? Si les politiciens occidentaux s’inquiétaient vraiment de la possibilité d’un éclatement de la guerre et voudraient l’éviter, ils auraient établi une ceinture d’États indépendants en Europe centrale. Au lieu de cela, ils ont violé tous les engagements pris envers Gorbatchev, et l’infrastructure de l’OTAN a été accolée à la Russie. Autour de nos frontières, un soi-disant bouclier anti-missiles est en train d’être mis en place. Lorsque nous nous interrogeons sur son objectif, nous sommes traités comme des enfants de maternelle et nous nous voyons répondre que le bouclier est dirigé contre les missiles iraniens et nord-coréens. Évidemment, si ce bouclier était dirigé contre l’Iran et la Corée du Nord, deux pré-requis auraient été nécessaires : premièrement, que ces pays possèdent ce type de missiles et deuxièmement, dans ce cas le bouclier aurait dû être placé aux frontières de la Corée du Nord et de l’Iran, pas en Roumanie, en Bulgarie et en Pologne. Si nous devions suivre cette pseudo-explication proposée par les politiciens américains à l’époque, le réarmement de l’armée russe est entrepris afin de protéger l’Europe contre une invasion extraterrestre. Peut-être que cela aura lieu. Et nous avons une bonne armée. Ou peut-être que nous devons nous défendre contre les barons de la drogue colombiens.

FA : Vous avez dit que l’Europe centrale devrait être neutre, être une zone tampon. Quelle est votre opinion sur le groupe de Visegrád et cette région de l’Europe ? Comment voyez-vous la situation actuelle ?

Nikolaï Starikov : Le comportement est différent d’un État à l’autre. Le plus inquiétant est la position de la Pologne. D’un autre côté, nous, en tant que réalistes, comprenons que les décisions politiques en Europe ne sont prises ni à Bucarest, ni à Budapest ni à Varsovie, pas même à Bruxelles, mais à Washington. Par conséquent, notre président essaie de conclure un accord avec ceux qui déterminent le cours des politiques européennes. Mais, au lieu d’un accord, nous voyons le rapprochement des forces militaires vers nos frontières. Lorsque les pays de l’Europe de l’Est ont adhéré au Traité de Varsovie, ils ont été confrontés à l’infrastructure militaire de l’OTAN. Aujourd’hui, parce qu’ils appartiennent à l’OTAN, ils seront automatiquement pris pour cibles par l’appareil militaire russe. Quelle est la différence ? Je ne pense pas que leur sécurité ait été augmentée en devenant la cible d’une arme nucléaire différente. La priorité était complètement différente : aucune arme nucléaire ne devrait viser les pays d’Europe de l’Est. Quand les Américains effraient l’Europe avec le péril russe, chacun devrait se poser la question suivante : de quoi la Russie a-t-elle besoin de l’Europe ? A-t-elle besoin de territoires européens ? Avons-nous des revendications territoriales sur la Pologne, la Roumanie ou la Bulgarie? Nous n’en avons jamais eu. La Pologne a des fantômes historiques et des griefs contre nous. Nous n’avons aucun grief contre la Pologne. Nous voulons seulement rétablir l’unité de notre peuple. Nous ne cherchons pas à acquérir de territoires étrangers.

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FA : Cela signifie-t-il que vous voulez reprendre d’autres parties de l’Ukraine ou certaines parties des pays baltes où il y a d’importantes minorités russes ?

Nikolaï Starikov : Chaque ère historique dicte ses propres formes d’intégration. Auparavant, un empire intégrait un certain territoire. Et ce territoire devenait une partie de l’empire en question. Il y avait des États dans une certaine dépendance des grands empires, mais ils gardaient leur indépendance. À l’époque, les empires se battaient entre eux en essayant de démembrer leurs rivaux par la création de petits États « indépendants » sur le territoire de leurs rivaux, qui finissaient par devenir dépendants d’un certain acteur géopolitique. À titre d’exemple, aujourd’hui, les États européens sont subordonnés aux États-Unis d’Amérique. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que, dans l’Europe d’aujourd’hui, il n’y a pas de véritables Etats indépendants même si certains attributs extérieurs de l’indépendance tels que le Président, le drapeau national ou le sceau sont conservés. Personne ne dit que l’Europe fut légalement occupée par les États-Unis, mais, en fait, ce sont les Américains qui la dirigent. C’est pourquoi je pense que quand quelqu’un affirme que nous voulons inclure des territoires dans notre État, il pense au siècle dernier. Nous voulons rétablir notre influence sur ces territoires et mettre fin à l’influence de nos opposants géopolitiques, en l’occurrence les États-Unis, qui ont conduit à des conflits armés. Peut-être qu’en Europe occidentale, tout le monde ne sait pas que l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie sont trois États habités en réalité par le même peuple. L’Ukraine n’a pas existé dans l’histoire. C’est un projet artificiel de l’Empire austro-hongrois, et il a une date de naissance, la fin du XIXe siècle. Aux États-Unis, les immigrants de ces parties de l’Empire austro-hongrois imprimaient des journaux. Si vous regardez dans un de ces journaux, vous verrez que jusqu’à une certaine date, dans la seconde moitié du XIXe siècle, ils s’appelaient eux-mêmes ruthènes ou russes. Soudainement, dans les mêmes journaux le terme Ukrainiens est apparu. Donc, hier, ils étaient des Ruthènes, aujourd’hui ils sont des Ukrainiens. C’est impossible. L’Ukraine a été créée et elle a été approuvée jusqu’à aujourd’hui par les Américains afin de devenir un État anti-russe et russophobe. Imaginez qu’aux frontières de la Hongrie, un nouvel État, dont l’idéologie et le but de l’existence serait la destruction de la Hongrie, apparaisse. Dans cet État, les habitants seraient hongrois et la langue officielle serait un dialecte hongrois avec un grand nombre de mots allemands et roumains. La langue hongroise serait interdite. Le hongrois ne serait pas étudié dans les écoles et son utilisation serait interdite à la radio et à la télévision. Toute personne ayant le hongrois comme langue maternelle, soit 98% de la population, serait obligée d’écrire tous les documents dans cette nouvelle langue avec beaucoup de mots étrangers. Et tout cela au milieu d’une énorme propagande qui dit aux gens qu’ils sont des Ukrainiens et non des Hongrois et que les Hongrois se sont moqués des Ukrainiens tout au long de leur Histoire. C’est la situation actuelle.

FA : J’ai compris, mais si des millions de personnes disent qu’elles forment une nation, qui peut-il leur refuser ce droit ? Les nations aussi naissent et finissent par mourir. Peut-être, d’un certain point de vue, la naissance de la nation ukrainienne peut être considérée comme artificielle, mais maintenant, elle existe. Et après ? Niez-vous le droit des Ukrainiens d’avoir un État ?

Nikolaï Starikov : À notre époque, les gens découvrent l’émergence de nouvelles nations à la télévision. On leur dit ces choses. C’est un projet absolument artificiel et des millions de personnes n’ont pas leur mot à dire. Par exemple, nous pourrions tirer la conclusion qu’en 1933, 80 millions d’Allemands ont soudainement décidé, pour une raison inconnue, de tuer des Juifs et des communistes et d’occuper toute l’Europe. Il est évident que cette décision n’a pas été prise par des dizaines de millions d’Allemands, mais par un petit cercle de nazis qui sont arrivés au pouvoir. C’est pourquoi je dis que la déclaration selon laquelle des millions de personnes participent au processus de construction de la nation n’est qu’une spéculation politique. Les gens simples sont intéressés par des choses simples : ils veulent un bon travail, un bon salaire, ils veulent élever leurs enfants et vivre en paix. Ils sont inoculés avec la rage, qui à la longue est censée mener à la guerre. Pendant six ans, les Allemands ont été inoculés avec la haine envers les Slaves, les Tsiganes, les Juifs et les communistes. Que s’est-il passé après? Les nazis ont amené les gens à tuer sans pitié. En Ukraine, une propagande similaire est en cours depuis deux décennies. Une génération prête à tuer a été élevée. Aujourd’hui, cette génération tue des gens dans le Donbass. Il n’y a pas de pas combats entre Russes et Ukrainiens dans le Donbass. Là, des représentants du même peuple se combattent. Il y a des personnes avec un prénom et un nom totalement russes qui combattent du côté de l’Ukraine. De même, il y a des personnes avec des noms de famille spécifiques aux régions du sud de la Russie combattant pour le compte du Donbass. Ils parlent la même langue. Dans la majorité des bataillons ukrainiens les plus brutaux, le russe est la langue parlée. Les politiciens ukrainiens parlent seulement ukrainien devant les caméras de télévision. Une fois que les caméras sont éteintes, ils recommencent à parler le russe, qui est leur langue maternelle.

FA : Je comprends votre opinion sur l’Ukraine, mais ne pensez-vous pas que l’Europe centrale, que vous aimeriez voir neutre, est devenue membre de l’OTAN (et l’Ukraine veut faire de même) parce que la Russie n’a pas bien géré fin de l’Union soviétique et n’a pas été en mesure de développer de nouvelles relations avec ces pays ?

Nikolaï Starikov : Nous avons établi de nouveaux types de relations avec ces pays au cours des deux dernières décennies. Nous n’avons pas interféré dans la politique interne et, sous la pression de Washington, nous avons subi des pertes commerciales en vendant du gaz à l’Ukraine à un très petit prix. À la fin, nous avons obtenu un État ennemi à nos frontières et des missiles de l’OTAN qui peuvent atteindre notre capitale en quelques minutes. Nous ne pouvons pas et ne voulons pas continuer une telle politique.

FA : Que pourrait-on faire sur le plan diplomatique, ainsi qu’à d’autres niveaux, pour aider l’Europe centrale à redevenir neutre ? Comment pouvons-nous avoir un nouveau départ entre la Russie et l’Europe centrale ? Que devrait faire la partie russe ?

Nikolaï Starikov : En tant que réaliste politique, je dirai que la Russie doit s’entendre avec les États-Unis. Et les États-Unis ne peuvent pas et ne parviendront pas à un accord avec nous parce que le but final des politiciens américains n’est pas la paix du monde mais le maintien de la domination à n’importe quel prix, y compris par les conflits militaires.

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FA : Avez-vous une opinion concernant l’Initiative des Trois Mers, un projet qui envisage un réseau de gazoducs et de terminaux GNL pour relier les trois mers – la mer Baltique, l’Adriatique et la mer Noire ?

Nikolaï Starikov : Aujourd’hui, les gazoducs sont des instruments politiques. Nous serions heureux qu’ils soient construits uniquement pour acheminer du gaz du point A au point B. Mais, étant donné qu’ils sont construits dans un but géopolitique, nous appuierons les gazoducs qui sont à notre avantage et à l’avantage de l’Europe. Nous nous opposerons également aux tentatives des Américains de construire des gazoducs dont le but est de nous exclure du processus politique européen. En passant, les Américains agissent de la même manière. C’est la raison pour laquelle la Russie et l’Europe ne peuvent pas construire la deuxième ramification du Nord Stream 2 ou du South Stream, initialement arrêté par la Bulgarie, suivi par la Macédoine, où des émeutes «inattendues» ont éclaté. À l’heure actuelle, il y a une intention de construire ces gazoducs à travers la Turquie.

FA : Une dernière question : ne pensez-vous pas que le monde devient multipolaire et que l’Europe centrale pourrait être l’un de ces pôles ? Ne serait-il pas bon que la Russie cautionne de tels efforts afin de libérer cette région de la domination occidentale et de devenir un voisin et un partenaire indépendant ?

Nikolaï Starikov : Nous exprimons notre désir d’un monde multipolaire parce que ce serait un monde beaucoup plus stable. À mon avis, nous devons soutenir le processus qui a pour but final la création d’un nouveau centre de pouvoir mondial, sur l’ensemble du continent européen (ou des parties de celui-ci).

lundi, 04 décembre 2017

«Tout nous fait tourner notre regard vers l’Europe»

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«Tout nous fait tourner notre regard vers l’Europe»

Entretien avec Gwendal Crom

Propos recueillis par Thierry Durolle

Europe Maxima : Pouvez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous a amené à vous investir (méta)politiquement ?

Gwendal Crom : Je me nomme Gwendal Crom, j’ai la trentaine, je suis ingénieur et journaliste de formation. Je me suis investi métapolitiquement après la mort de Dominique Venner. Le destin a voulu que le jour du sacrifice de l’auteur du Samouraï d’Occident, je sois au Japon en train de lire Les pensées de Marc-Aurèle. Je ne connaissais pas Dominique Venner et n’avais jamais lu un de ses ouvrages. J’avais déjà les idées qui sont les miennes aujourd’hui mais je m’étais toujours tenu à l’écart de ce milieu. Revenu en Europe, le geste et les derniers textes de Dominique Venner me revenaient sans cesse. Il fallait sortir de ces « ambiguïtés toxiques » disait Venner. J’ai réuni mes plus proches amis et j’ai fondé avec eux un cercle de réflexion identitaire. Notre but était d’interroger la grande Tradition européenne au moyen de « critiques positives » des œuvres de cette Tradition. Ceci afin d’en tirer les idées efficientes, positives nous renseignant sur elle et les solutions qu’elle peut apporter aux défis de notre époque. Ainsi est né Le Socle.

Je me suis engagé politiquement à la suite de cet engagement métapolitique. Engagement politique qui s’est fait naturellement dans la mouvance identitaire.

Athena..jpgEM : Vous êtes donc le créateur d’un cercle de réflexion nommé Le Socle. Quel en fut la genèse ? Son but ? Pourriez-vous nous présenter vos collaborateurs ?

GC : Le Socle réunit des Européens de sensibilités différentes. Notre point commun est d’être de la mouvance identitaire au sens large. Certains sont souverainistes quand d’autres sont pour la constitution d’un véritable État européen. Nous comptons des païens, des chrétiens et des agnostiques. Mais nous avons tous à cœur de perdurer en tant qu’Européens sur le sol de nos ancêtres. L’heure n’étant plus aux querelles de chapelle, nous prônons la seule réconciliation qui vaille, celle entre Européens.

Comme dit plus haut, Le Socle a pour but de comprendre ce que nous sommes, ce qu’est notre Tradition pour ensuite permettre des engagements futurs. Il s’agit d’une démarche de ressourcement et de conscientisation pour ainsi dire.

La démarche du Socle est basée sur plusieurs constats. Tout d’abord, nous considérons que le temps qu’il nous reste est trop court pour redéfinir de A à Z ce que nous sommes et ce que nous voulons. Mais, et c’est là notre second constat, nous avons derrière nous une longue histoire d’étude de notre Tradition. De nombreux auteurs ont écrit sur elle, sur ce qui nous fait en tant qu’Européens. D’innombrables travaux ont été réalisés sur le sujet mais nous sommes aujourd’hui incapables d’en profiter. Chacun a (et notre époque d’individualisme forcené n’y est bien évidemment pas étrangère) la prétention d’élaborer sa propre « pensée ». Mêmes ceux qui se disent traditionalistes sont touchés par ce mal. Certes, il y a en Europe et depuis l’origine une tradition du libre-arbitre mais elle ne doit pas être confondue avec cela. Être traditionaliste, c’est d’abord revendiquer un héritage culturel, philosophique, spirituel, politique. C’est le comprendre et le transmettre. Un traditionaliste qui veut élaborer une pensée nouvelle devra d’abord avoir accompli cela. L’étendue de notre Tradition est telle que plus de 99,9 % des gens ne peuvent y prétendre (c’est également notre cas).

Au Socle, chaque membre se place dans une veine de la grande Tradition européenne, que nous découpons en tradition païenne, en tradition chrétienne et en tradition de libre-pensée (nous considérons que ces trois piliers constituent le socle de la civilisation européenne, d’où le nom de notre cercle). Chaque membre se choisit également une figure tutélaire qui le « guidera » dans le choix de ses lectures et qui est bien évidemment en lien avec la veine de la Tradition dans laquelle il se place. Païen, j’ai Dominique Venner pour figure tutélaire. Un camarade chrétien a Saint Thomas d’Aquin tandis qu’un troisième se revendiquant de la libre-pensée (pas au sens gauchiste du terme bien entendu) a Charles Maurras pour figure tutélaire. Chaque membre se concentre, s’initie ainsi à une part de la grande Tradition européenne. Il livre ensuite le fruit de ses travaux pour chaque lecture réalisée. Chaque membre se « spécialise » ainsi tout en profitant du travail réalisé par ses condisciples. Cette « spécialisation » permet à chacun d’incarner chaque jour un peu plus une école de la grande Tradition européenne au lieu de « picorer » à droite, à gauche de quoi se constituer sa petite pensée personnelle (chose à laquelle prétendent même Nabilla et Hanouna).

Le Socle est ainsi un cercle de réflexion mais il est un peu plus que cela. Comme dit plus haut, le but n’est pas de rester à un niveau purement intellectuel. Notre but est de nous plonger dans la Tradition et de revenir avec elle. Certains sont entrés dans les ordres, d’autres se sont engagés politiquement, beaucoup ont intégré des instituts de formations comme l’Iliade ou Academia Christiana.

apolloxxxx.jpgAu Socle enfin, nous nous réunissons dans une ambiance européenne. Je veux dire par là que nous faisons nos présentations accompagnés de grands plats et de bonnes boissons mais que celui qui y vient ne le fera jamais en « touriste », en consommateur. Chacun doit y apporter le fruit de ses travaux. La discipline y est de rigueur comme la camaraderie. À l’européenne donc. Voilà pourquoi les nouveaux membres nous font à chaque fois cette même remarque : après les réunions, ils se sentent ressourcés.

Concernant nos débuts, nous sommes partis de trois membres fondateurs. Moi-même pour la tradition païenne, Vaslav Godziemba pour la tradition chrétienne et Félix Croissant pour la tradition de libre-pensée. Nous sommes aujourd’hui près d’une dizaine de membres.

EM : Le Socle digère, pour ainsi dire, de nombreuses pensées et de nombreux points de vue. Pour autant vous ne produisez pas de contenu propre. Est-ce une prochaine étape ?

GC : Comme dit plus haut, seul un travail conséquent le permettrait en toute humilité, et encore cela n’est-il pas forcément une priorité vue la configuration historique qui est la nôtre. Combattre et transmettre est la première des priorités. Néanmoins, ceux qui nous suivent depuis un certain moment remarqueront des constantes dans les sujets abordés, notamment la notion d’aristocratie et l’idée d’Europe. Qu’est-ce qu’une aristocratie, en quoi notre monde est la proie d’une (anti–)aristocratie de l’argent, pourquoi une nouvelle aristocratie nous est-elle nécessaire pour nous en défendre et comment la faire advenir ? Ces interrogations sont actuellement le centre de plusieurs réflexions au sein du Socle. Si ces réflexions deviennent suffisamment abouties et originales pour être partagées, alors nous les partagerons.

EM : Votre combat est clairement métapolitique. En cela, votre démarche n’est pas nouvelle. Le GRECE a pour ainsi dire « lancé la mode » dans les années 1970. Hélas, le résultat escompté du combat métapolitique n’est pas vraiment au rendez-vous. Comment expliquez-vous cela ?

GC : Je pense au contraire que le travail du GRECE (et de la Nouvelle Droite en général) a eu un impact considérable. Il faut également se rappeler des réactions violentes qu’il suscita très rapidement (en particulier avec l’arrivée de la gauche au pouvoir et lors de la constitution du Figaro Magazine), montrant que beaucoup avaient conscience du potentiel des idées et des hommes de la Nouvelle Droite. La mouvance identitaire au sens large (de l’Alt-Right américaine aux eurasistes russes en passant par l’Europe évidemment) se revendique des travaux et réflexions menées par le GRECE. Je pense qu’on ne peut pas faire fi du phénomène d’inertie de manière générale. Et il faut parfois attendre plusieurs décennies pour constater les effets d’une cause. Mais vous voulez bien évidemment faire référence à ses effets sur la société dans son ensemble. Sans doute faudrait-il parler pour l’instant des résultats politiques du GRECE. On ne peut mener de combat métapolitique efficient sans des relais adéquats dans la population. La Nouvelle Droite n’avait à l’époque ni les médias, ni les institutions (universités ou structures relevant du ministère de la Culture par exemple). Bref, elle ne pouvait pas pénétrer efficacement les différentes couches de la population car ses moyens publics ou privés étaient insuffisants.

Quant au Socle, son travail est dirigé vers ses membres et non vers l’extérieur. Il n’a donc pas de rôle métapolitique à proprement parler. Nous publions nos critiques positives pour nos membres et ceux qui voudraient nous rejoindre.

EM : N’est-ce pas en fin de compte un problème de calibrage entre d’une part le peuple et une avant-garde intellectuelle d‘autre part ? Vous conviendrez qu’il est difficile de mettre Les Métamorphoses d’Ovide entre les mains d’un téléspectateur de Cyril Hanouna…

GC : Il faut sortir de cette escroquerie intellectuelle venue de la gauche qu’est la « culture pour tous ». Tout ce qui relève de la culture est élevée et tout ce qui est élevé demande des efforts. Même en venant d’un milieu exigeant intellectuellement, se cultiver est toujours un mouvement ascendant. Ce n’est pas la culture qui descend à nous. On peut et on doit favoriser les mesures politiques qui empêchent la population de s’abaisser, ne pas subventionner l’art contemporain, interdire la production de personnes comme Hanouna à la télévision ou ailleurs… Mais on ne forcera jamais les gens à lire Kant ou Les Métamorphoses.

Les révolutions métapolitiques, les changements de mentalités existent cependant. Mai 68 en est un très bon exemple. Mais au final, était-ce étonnant en considérant la survenue de la société de consommation, le traumatisme de deux guerres mondiales, la chute de l’univers aristocratique européen, la victoire des puissances matérialistes américaines et russes. Notre monde était mûr pour le gauchisme. Aujourd’hui, il semble plus que jamais prêt pour une révolution identitaire.

Vous remarquerez enfin que ceux qui ont changé la société à la suite de mai 68 étaient des bourgeois cultivés. Ils ont investi les journaux, les facultés, les ministères. Aujourd’hui, riches ou pauvres, instruits ou incultes, nous vivons dans leur monde.

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EM : Vous faites partie de cette jeunesse qui a le regard tourné vers l’Europe. Quand est-ce que vous avez pris conscience de votre « européanité » ? Qu’est-ce qu’être Européen pour vous ?

GC : À vrai dire, tout nous fait tourner notre regard vers l’Europe. La vassalisation des nations d’Europe, la menace démographique pesant sur les Européens, le sentiment d’appartenir à une civilisation commune, d’avoir des origines communes, le fait que si nous ne nous unissons pas, nous sommes promis à la disparition… Tout nous ramène à l’Europe, quelle que soit la signification politique que nous donnons à ce mot.

À titre personnel, j’ai vécu plusieurs années en Autriche durant mon adolescence. Je me rappelle de jeunes Autrichiens très chauvins et dans la nostalgie de la grandeur de l’Autriche-Hongrie. C’est vers la fin de mon séjour que nous avons cessé de nous quereller sur la question de savoir qui de la France ou de l’Autriche était la plus grande nation. Ils m’avaient alors confié se sentir « à la maison » en Bretagne tout comme je me sentais chez moi dans le Tyrol et dans les rues de Vienne. J’ai retenu de ces années que la nostalgie était un poison pour les Européens et qu’il nous avait fait perdre de précieuses années.

Pour répondre à votre question, est Européen celui qui est descendant d’Européens. Je pourrais vous faire une liste des qualités mentales et spirituelles des Européens mais celles-ci varient grandement selon l’époque et le milieu considérés. Seule une « aristocratie secrète » pour reprendre les termes de Dominique Venner a continué d’incarner les qualités de nos plus lointains aïeux. Une vision tragique de l’existence, l’importance accordée à l’esthétique et à l’individualité enracinée, le sentiment de la liberté… tout cela n’est pas forcément bien compris et incarné par tous les Européens. Mais tous, nous conservons un univers mental mélangeant racines païennes et message christique, aristocratie virile et respect de la femme, amour de la nature et soif de connaissance. À vrai dire, ce qui manque aujourd’hui aux Européens, c’est surtout de l’équilibre, de la mesure. Un manque qui nous a jeté dans les bras de la technique, de l’amour inconditionnel de l’autre et nous a enlevé toute force, toute capacité de révolte.

EM : Que pensez-vous de la pseudo–Union européenne ? Quel régime politique conviendrait le mieux à l’Europe selon vous ?

GC : L’Union européenne est la création parfaite pour désarmer les Européens et les éloigner de toute notion d’Europe-puissance. C’est un outil d’impuissance au service des États-Unis. Ce n’est pas un État, elle ne possède aucun gouvernement capable d’agir sur le long terme. Elle est également gangrénée par les mêmes maux que les États européens : progressisme, dogmatisme libéral, soumission aux banques et aux lobbies.

À titre personnel, je suis pour la constitution d’un véritable État européen supranational, identitaire et fondé sur le principe de subsidiarité. Le cycle des États-nations né des traités de Westphalie est en train de se clore pour laisser la place à un affrontement entre blocs d’échelle continentale ou sub-continentale. Fonder un bloc européen disposant des outils de puissance équivalents à ceux de ses concurrents est une nécessité vitale.

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EM : Quel regard portez-vous sur le problème du séparatisme catalan et le conflit russo-ukrainien ? Le projet eurasiste représente-t-il une alternative crédible à vos yeux ?

GC : Là encore je ne pourrais répondre qu’à titre personnel tant les avis sur la question sont nombreux au sein du Socle (comme dans le reste de notre mouvance). Mais quelles que soient les positions des uns et des autres au sein de notre mouvance, je ne peux m’empêcher de remarquer le manque total de cohérence de certains des nôtres qui défendent l’intégrité de la nation espagnole quand ils nient celle de l’Ukraine (ou inversement). Néanmoins, une Catalogne indépendante resterait en Europe, ce qui n’est pas le cas de la Crimée ou du Donbass. Personnellement, si je suis pour la constitution d’un État européen à la vue de l’impuissance des États-nations d’Europe, ce n’est pas pour être favorable à une sommation d’impuissances encore plus navrantes d’« États-régions ».

Quant à l’eurasisme, il suffit de se rendre en Russie pour voir que cette nation n’a que peu à voir avec l’Europe. La Russie nous a dit que l’Ukraine devait être une zone tampon entre l’Europe et la Russie. Je répondrais que la Russie doit servir de zone tampon entre l’Europe et l’Asie.

EM : Pour conclure, croyez-vous, à l’instar de Nietzsche, que « l’Europe ne se fera qu’au bord du tombeau » ?

GC : A-t-on aujourd’hui le choix ?

Propos recueillis par Thierry Durolle

vendredi, 01 décembre 2017

Libre journal des Européens du 7 novembre 2017: L’avenir du nationalisme européen

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Libre journal des Européens du 7 novembre 2017: L’avenir du nationalisme européen

 
Libre journal des Européens du 7 novembre 2017: “L’avenir du nationalisme européen: la nécessité d’une géopolitique européenne; La question de la Catalogne”
 
Thomas Ferrier recevait :
Georges Feltin-Tracol, rédacteur en chef du site Europe Maxima, journaliste, écrivain, conférencier, historien des idées
Robert Steuckers, politologue
 

mercredi, 29 novembre 2017

Robert Steuckers: "Vivir en el territorio de un Imperio significa cumplir una tarea espiritual"

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Robert Steuckers: "Vivir en el territorio de un Imperio significa cumplir una tarea espiritual"

Ex: https://latribunadelpaisvasco.com

Por su indudable interés, ofrecemos un revelador fragmento de la entrevista concedida a la web "Euro-Synergies" por el pensador identitario belga Robert Steuckers, destacado defensor de la unidad euroasiática y uno de los miembros fundadores del movimiento filosófico conocido como “Nueva Derecha”. En español Steuckers ha publicado su libro “Sinergias identitarias” (Editorial Eas, 2016). En exclusiva para La Tribuna del País Vasco, publicamos este fragmento traducido, en el que se destacan sus ideas sobre el emperador Carlos I de España y V de Alemania y la figura del “katehon”, resistencia o contención del caos y la decadencia (Traduccion: Carlos X. Blanco).

RS-EEcover.jpgBori Nad (Serbia): En 2016, publicó el libro "The European Enterprise: Geopolitical Essays". Explora los fundamentos históricos, culturales y espirituales de los principales imperios europeos, es decir, el principio del Reich, el cual no es equivalente a "nación" (si lo entiendo bien), y  considera que el desarrollo natural de Europa se ha visto obstaculizado o evitado por la "civilización occidental". Usted presta especial atención al "tema ruso": el espacio ruso y el concepto de Eurasia. ¿Por qué es necesario en la era de la globalización o ante los intentos de los Estados Unidos por imponerse como una hegemonía mundial o "globalizar" su propio modelo político y económico?

Robert Steuckers: De hecho, he explorado y seguiré explorando el pasado europeo, ya que la amnesia es la peor enfermedad que puede sufrir un cuerpo político. No se puede pensar en Europa sin pensar simultáneamente la noción de Imperio y la así llamada "forma romana". Carl Schmitt era muy consciente de ser el heredero de la "forma romana", ya sea pagana / imperial o católica, formas heredadas por la "nación alemana". Actualmente, nadie niega la importancia de Schmitt en el ámbito de la teoría política. Algunos círculos de la Nueva Izquierda estadounidense, como  “Telos", incluso han promovido sus obras en el Nuevo Mundo más allá de cuanto habían soñado los pocos estudiantes alemanes de las obras de Schmitt. El Imperio Romano se basaba geográfica e hidrográficamente en el Mar Mediterráneo y el Danubio: el "Mar Medio" aseguraba la comunicación entre el Valle del Ródano y Egipto, entre Grecia e Hispania, etc. y el enlace del Danubio entre el sur de Alemania y el Mar Negro y más allá de esta área póntica, las legendarias Cólcide y Persia, que más tarde serán mitificadas por la orden de caballería del vellocino de oro, creada por Felipe, duque de Borgoña en 1430.

RS-SIcover.jpgDespués de la caída del Imperio Romano, existió la conocida "translatio imperii ad Francos" y más tarde, después de la Batalla de Lechfeld en 955, una "translatio imperii ad Germanos". La parte central de Europa se convirtió así en el núcleo del Imperio, estando ahora centrada en el Rin, el Ródano y el Po. El eje del Danubio se cortó al nivel de las "Puertas de hierro", más allá del cual el área bizantina se extendía hacia el este. El Imperio Bizantino fue el heredero directo del Imperio Romano: allí la legitimidad nunca fue disputada. La comunidad del Monte Athos es un centro espiritual que en fecha reciente ha sido plenamente reconocido por el presidente ruso Putin. El Imperio Romano-Germánico (más tarde Austriaco-Húngaro), el Imperio Ruso como heredero de Bizancio y la comunidad religiosa del Monte Athos comparten los mismos símbolos de una bandera dorada con un águila bicéfala negra, remanente de un antiguo culto tradicional persa donde las aves aseguraban el vínculo entre la Tierra y los Cielos, entre los hombres y los dioses. El águila es el ave más majestuosa que vuela en las alturas más elevadas en el cielo, y se convirtió obviamente en el símbolo de la dimensión sagrada del Imperio.

Vivir dentro de los marcos territoriales de un Imperio significa cumplir una tarea espiritual: establecer en la Tierra una armonía similar a la que muestra el orden celestial. La paloma que simboliza el Espíritu Santo en la tradición cristiana tiene de hecho la misma tarea simbólica que el águila en la tradición imperial: asegurar el vínculo entre el reino uránico (Urano Griego / Varuna Védico) y la Tierra (Gaia). Como miembro de un Imperio, me veo obligado a dedicar toda mi vida a tratar de alcanzar la perfección del orden aparentemente perfecto de los cuerpos celestes. Es un deber ascético y militar presentado por el arcángel Miguel, también una figura derivada de los seres hombre / pájaro de la mitología persa que los hebreos trajeron de su cautividad babilónica. El emperador Carlos V intentó encarnar el ideal de esta caballería a pesar de los pequeños pecados humanos que conscientemente cometió durante su vida. Él permaneció verdaderamente humano, un pecador, y dedicó todos sus esfuerzos a mantener vivo el Imperio, a hacer de él una muralla contra la descomposición, que es la tarea del "katechon" según Carl Schmitt. Nadie mejor que el francés Denis Crouzet ha descrito esta tensión perpetua que el Emperador vivió en su maravilloso libro, "Charles Quint, Empereur d'une fin des temps" (Odile Jacob, París, 2016). Estoy leyendo este libro muy grueso una y otra vez, lo que me ayudará a precisar mi visión del mundo imperial y entender mejor lo que Schmitt quiso decir cuando consideró a la Iglesia y al Imperio como fuerzas "katechon". Este capítulo está lejos de ser cerrado.

RS-portuND.jpgCrouzet explica en su libro que la Reforma alemana y europea quería "precipitar" las cosas, aspirando al mismo tiempo a experimentar animadamente el "eschaton", el fin del mundo. Esta teología de la precipitación es el primer signo exterior del modernismo. Lutero, de una manera bastante moderada, y los otros actores de la Reforma, de una manera extrema, querían el fin de un mundo (el fin de una continuidad histórica) que consideraban profundamente infectado por el mal.
Carlos V, explica Crouzet, tiene una actitud imperial y de "katechon" (resistencia, contención). Como emperador y siervo de Dios en la Tierra, tiene que frenar el proceso de "escatón" para preservar a sus súbditos de las aflicciones de la decadencia.


Después de Lutero, los elementos puritanos extremistas de la Reforma en el norte de Francia, Holanda, Münster y Gran Bretaña harán que esta "teología de la precipitación" sea aún más impaciente, incluso la Inglaterra anglicana y el reino anglicano en las Trece Colonias de América del Norte, tal y como los acontecimientos trágicos lo atestiguan: la decapitación del rey Carlos I debido a la revolución puritana de Cromwell. Esta forma de ver la historia como una maldición profunda ha sido heredada por los Padres Fundadores en los futuros Estados Unidos. Con la tradición deísta en Inglaterra y en la tradición política Whig tanto en Gran Bretaña como en América del Norte, esta "teología de la precipitación" se racionalizará hábilmente y a ella se le dará un barniz iluminado que culminará en el plan del presidente Wilson para purgar el mundo del mal. La "filosofía de la precipitación" (y no la "teología") de los filósofos franceses conducirá a una escatología política secular bajo la sombra de la guillotina, bajo la cual todos los que supuestamente frenaron el proceso tuvieron que perecer preventivamente. Después de Wilson, varios diplomáticos estadounidenses acuñarán principios que impiden que la propia soberanía de los Estados se exprese mediante el lanzamiento de todo tipo de proyectos proactivos con o sin guerras. Desde el colapso del sistema soviético, la "teología de la precipitación", disfrazada de manera racional, se volverá una vez más disparatada. Ya conoce los resultados: una catástrofe en los Balcanes, un punto muerto en Iraq, una guerra interminable en Siria y Afganistán. La "teología de la precipitación" como característica del mundo occidental, del mundo liderado por el hemisferio occidental o por los reinos al oeste de Europa occidental o de Europa central, no ofrece una solución valiosa a los problemas que inevitablemente ocurren en el mundo imperfecto bajo el Uranos perfecto o los Cielos. Los puntos de vista de Carlos V consistieron en desacelerar el proceso y dirigir operaciones militares moderadas contra los rebeldes. Era una mejor postura de todos modos.

En los años noventa, descubrí que China y muchos otros países asiáticos desarrollaron una forma alternativa de armonizar las relaciones internacionales, excluyendo, entre otras cosas, el principio post-wilsoniano de intervenir violentamente en los asuntos de otros países. Este es el principio adoptado no solo por la China de Xi Ping hoy sino también por Putin y Lavrov. La alternativa china excluye, por ejemplo, la política de "cambio de régimen" que ha arrojado a Irak y Siria en estas atroces guerras civiles que los regímenes baasistas anteriores pudieron sabiamente evitar, aunque sin piedad. Pero, ¿no es mejor tener un implacable régimen "katechon" aunque imperfecto que ver a cientos de miles de personas inocentes son asesinadas en ataques sin sentido, bombardeos, o masacres talibanes / salafistas? La "teología de la precipitación" de los Estados Unidos post-puritanos / neo-Wilsonianos y de los musulmanes salafistas ha creado caos en países que, de otro modo, estarían tranquilos. ¿Acaso el propio Lutero no advirtió a sus contemporáneos  que el diablo podía usar el lenguaje teológico (o "neolengua") para engañar al pueblo?

lundi, 27 novembre 2017

« Nous devons combattre pour la guerre culturelle en cours sur tous les fronts, de la rue à l’université et dans les assemblées »

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« Nous devons combattre pour la guerre culturelle en cours sur tous les fronts, de la rue à l’université et dans les assemblées »

Entretien avec Daniel Friberg

À l’évidence, l’Europe, voire l’Occident, connaît depuis quelques années un virage à Droite. Ténor de la « Nouvelle Droite » suédoise et compagnon de route du phénomène Alt-Right, Daniel Friberg vient de publier un ouvrage où il expose sa vision du dextrisme. Il a bien voulu répondre aux questions de votre site préféré.

Europe Maxima : Daniel Friberg, pourriez-vous d’abord vous présenter à nos lecteurs ?

Daniel Friberg : J’ai 39 ans et je suis Suédois. Titulaire d’une maîtrise en gestion, j’ai bâti une carrière dans l’évaluation des entreprises et de la recherche économique. Et bien sûr, le plus important, j’ai une expérience du milieu de la droite scandinave depuis 23 ans. Je suis également président du groupe de réflexion de la Nouvelle Droite scandinave Motpol depuis 12 ans, fondateur et PDG de de la maison d’édition à tendance néo-droitiste, Arktos Media, et rédacteur en chef européen de la nouvelle société de médiat altright.com.

EM : De notre point de vue, la Suède semble être actuellement en très mauvais état. L’immigration de masse, les gender studies et même le terrorisme islamique ont défiguré un pays longtemps dirigé par les libéraux si nous sommes corrects. Quelle est la situation de votre pays en ce moment ?

Daniel Friberg : Elle est justement comme vous la décrivez, seulement en pire, car la détérioration continue. À cet égard, je dirais que nous sommes dans des situations similaires dans tous les pays d’Europe occidentale. Mais en même temps, la résistance aux folles expériences libérales et marxistes culturelles se renforce à un rythme rapide. Nous évoluons vers une situation politique nouvelle et intéressante, avec l’effondrement des partis centristes et une polarisation politique accrue entre la gauche et la droite réelle. Cette polarisation obligera les gens à choisir un camp, et c’est à nous de montrer à quel point les idées qu’ont nos ennemis pour le futur sont laides, et à quel point les nôtres sont attrayantes, et ce afin de gagner cette guerre culturelle.

EM : Dans votre livre, Le retour de la vraie droite (1), vous expliquez l’influence qu’a eue sur vous la « Nouvelle Droite » française. Comment l’avez-vous découverte et qu’est-ce qui vous a plu chez elle ?

Daniel Friberg : J’ai découvert pour la première fois les idées de la « Nouvelle Droite » française au début des années 2000, lorsque j’ai trouvé une traduction anglaise du Manifeste de la Nouvelle Droite écrit par Alain de Benoist et Charles Champetier (2). Cela m’a ouvert les yeux sur un tout nouveau monde d’idées et m’a fait réaliser à quel point notre patrimoine intellectuel est riche. Peu de temps après, j’ai assisté à une soirée de lancement pour l’édition allemande de Pourquoi nous combattons ? (3) de Guillaume Faye (plus tard publié par Arktos en anglais) et j’ai acheté une copie signée. À ce jeune âge, ce livre m’avait beaucoup impressionné, et j’ai décidé à partir de ce moment-là que je serai un identitaire.

DF-hkt-cover.jpgEM : Avez-vous eu d’autres influences ? Julius Evola semble vous avoir fortement influencé ?

Daniel Friberg : Cela est vrai en effet. J’ai eu de nombreuses influences pendant mon passionnant voyage idéologique durant mon adolescence et au début de la vingtaine, Julius Evola étant, avec son concept passionnant de « traditionalisme radical », l’une d’entre elles. D’autres influences importantes sont l’auteur américain Michael O’Meara, le Dr Tomislav Sunic et bien sûr plusieurs des géants de la « Révolution conservatrice » comme Ernst Jünger et Oswald Spengler. J’en oublie sûrement bien d’autres; la liste pourrait s’allonger…

EM : Pensez-vous que la métapolitique soit un moyen d’influencer et de préparer nos compatriotes à un changement politique. En France, le résultat est clairement décevant. Qu’en est-il de la Suède ?

Daniel Friberg : Je crois que la méthode métapolitique en elle-même n’est pas à blâmer pour son manque d’influence, mais plutôt la façon dont elle a été appliquée par certains groupes. Nous devons être autocritiques et voir ce que nous pouvons améliorer. La métapolitique n’est d’ailleurs pas suffisante – nous devons combattre pour la guerre culturelle en cours sur tous les fronts, de la rue à l’université et dans les assemblées.

En ce qui concerne la Suède, tout le discours politique s’est considérablement porté vers la droite au cours des dix dernières années, et des termes comme « Identitaire », « Grand Remplacement», « Alt-Right » – et même « Métapolitique » ont fait leur chemin dans le débat publique. En février dernier, mon groupe de réflexion, Motpol, a accueilli la plus grande conférence Alt-Right d’Europe avec près de 400 personnes présentes, dans le quartier le plus à gauche au cœur de Stockholm. C’est un exemple significatif des progrès que nous avons réalisés.

EM : Selon vous, la métapolitique est-elle une stratégie de « transformation graduelle ». Quand nous l’avons lue dans votre livre, ce qui nous est immédiatement venu à l’esprit était « Avons-nous le temps ? » Pouvons-nous nous le permettre ?

Daniel Friberg : Nous avons toujours du temps pour la métapolitique. Bien sûr, pas au sens lent et progressif qui caractérisait la métapolitique gauchiste et subversive de l’École de Francfort et d’autres, ainsi que « la longue marche à travers les institutions », puisque nous nous trouvons dans une guerre démographique que nous avons jusqu’ici perdue. Mais pour gagner cette guerre démographique, par la mise en œuvre des politiques de remigration et d’augmentation des taux de natalité en Europe, la métapolitique est un outil essentiel.

EM : Vous ne parlez pas de l’islam dans ce livre. Quelle est votre opinion sur ce sujet sensible ?

Daniel Friberg : Je considère l’islam comme :

1) profondément non-européen dans son essence et sa moralité,

2) souvent hostile aux intérêts européens,

3) une force motrice, par ses attitudes impérialistes, derrière la colonisation de l’Europe et le « Grand Remplacement » des populations européennes autochtones. Bref, l’islam n’a pas sa place en Europe.

EM : Richard Spencer (4) et vous-même avez travaillé ensemble sur AltRight.com. L’Alt-Right appartient-elle à la vraie Droite ? Croyez-vous qu’elle a eu une influence lors des dernières élections américaines ? L’Alt-Right n’est-elle pas qu’un phénomène américain ?

Daniel Friberg : Elle appartient très certainement à la vraie Droite. La Droite alternative, ou Alt-Right, est née en réaction à la fausse droite néoconservatrice dominante. Il est également certain qu’elle a eu un effet sur la dernière élection présidentielle américaine, qui a élevé l’Alt-Right à son niveau actuel de notoriété. Par exemple, Hillary Clinton a même ressenti le besoin de l’attaquer dans son fameux « Discours des déplorables (5) ».

Quant à la question de savoir si c’est un phénomène américain, je dirais que c’est un phénomène international, principalement pour deux raisons. D’abord, les personnes qui participent aux activités en ligne et hors ligne de l’Alt-Right sont réparties dans le monde entier. Le monde riche d’idées, où l’Alt-Right trouve son inspiration et les fondements pour ses analyses, se fonde principalement sur des penseurs européens, tels que ceux de la « Nouvelle Droite » française, de la Révolution conservatrice allemande, des mouvements identitaires, etc.

EM : Qu’est-ce pour vous être Européen ?

Daniel Friberg : Être d’ethnicité européenne. En d’autres termes, être membre de l’une des nombreuses nationalités qui composent le bloc civilisationnel européen. Cela signifie aussi avoir une histoire commune, des racines civilisationnelles communes – et finalement un destin commun.

EM : Peut-on s’attendre à de nouveaux livres en français d’Arktos ?

Daniel Friberg : Absolument.

Propos recueillis, traduits et adaptés par Thierry Durolle

Notes

1 : Daniel Friberg, Le retour de la vraie droite, Arktos, 2017, 138 p., 12,71 €.

2 : Alain de Benoist et Charles Champetier, Manifeste pour une renaissance européenne. À la découverte du GRECE, Son histoire, ses idées, son organisation, GRECE, 2000, 123 p.

3 : Guillaume Faye, Pourquoi nous combattons, Manifeste de la résistance européenne, L’Æncre, 2001.

4 : Richard Spencer, figure de proue étatsunienne du phénomène Alt-Right, a été sous le feu des projecteurs durant la campagne américaine. Il nous accordé un entretien, cf. http://www.europemaxima.com/exclusif-lalt-right-sexprime-... et nous avons traduit son manifeste en français, cf. http://www.europemaxima.com/ce-que-signifie-etre-alt-righ...

5 : Hillary Clinton avait choqué une partie de l’Amérique lors de la campagne présidentielle en affirmant que la moitié de l’électorat de Donald Trump était composée de bigots, de racistes, de xénophobes et autres homophobes.

dimanche, 26 novembre 2017

European Union, Euro-skepticism, Western Civilization, Eurasianism and Slavic World

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European Union, Euro-skepticism, Western Civilization, Eurasianism and Slavic World

Boris Nad (Serbia) interviews Robert Steuckers (Brussels)

Q.: The European Union, in fact the entire European continent, is in a deep crisis today. The impression is that this crisis is primarily the result of a crisis of ideas. Political ideologies, and first of all liberalism, are deplored, obsolete, anachronistic. We can also say the same for other parts of the political spectrum. Do you share this impression?

A.: Well, the first idea that comes in my mind is one derived from Moeller van den Bruck’s articles in the Twenties : the people that have adopted and assimilated liberalism die after some decades because they will have lost their organic stamina. Liberalism is thus a disease before being a mere mentality. Liberalism and modernism are akin because both refuse to accept permanencies in the political City. In the 17th century, you had on philosophical and literary level the so-called quarrel between the Ancients and the Moderns, which took several aspects, some of them may well be considered retrospectively as positive but nevertheless there is an etymological connection between “modernism” and the French word “mode”, i. e. fashion, “mode” being always transitory and can be changed at will. When you consider all things political as mere “modes”, you thrive to escape the very pressure of reality which is made of time and space. All necessities, derived from the acceptance of the limits implied by time or space, are perceived by the Moderns as burdens that you should get rid of. Today you don’t even have to try to get rid of them but to wipe them out thoroughly or to transform them so that they acquire a new fully artificial and therefore transitory dimension. This is the essence of liberalism. But even if liberalism has its roots in the 17th and 18th centuries, it has never been, at least after the Battle of Waterloo in 1815, a powerful political movement, the conservative or Christian democratic in a first period, the socialist movement in later decades could temper liberalism’s rejection of realities and permanencies. Even if the official liberal parties, being more liberal-conservative than liberal in the Anglo-Saxon meaning of the word, were rather quantitatively weaker than the two other main political families in Europe, the anti-political spirit that was indeed the fundament of its core ideology could ran into the thoughts of the Christian democrats (despite the Church doctrine) and of the social-democrats (despite their watered down Marxism). Gradually the conservative, the Christian democrats and the social-democrats took over most of the ideas of basic liberalism.

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France was partially spared because it had a “caudillist” leadership introduced by De Gaulle in 1958 after the collapse of the 4th Republic, that was genuinely liberal. The personality of the President could prevent the liberals and the main parties to phagocytize the political body. But this was only a respite as we’ll see. In 1945, Europe was destroyed by the war. It took a bit more than a decade to recover, especially in Germany. But once the horrors cleared, Europe could reach economic power again. France in the Sixties, being a permanent member of the Security Council of the United Nations, could claim more independence within the West. For the United States, it was time to inject a new and stronger dose of liberal poison into the European political bodies. The United States has as ideology all the poisons needed to contaminate the world, i. e. not only the reality denying Enlightenment you find in Western Europe but also the basic puritanical denegation of the medieval European heritage, a denegation that was sweetened during the first decades of the 18th century by the deist movement and the Whigs. The American colonists developed the sense of a mission in the world that combined puritanical fanaticism and enlightened liberalism, apparently softer but nevertheless radical in its hate against inherited traditions and institutions.

affiche_07.jpgThe more radical underlying principles were adapted to the Zeitgeist of the Fifties and the Sixties by think tanks lead ultimately by the OSS (“Office of Strategic Studies”). This created the perverse corpus of May 68 that was launched into Germany and France. Both countries could resist in the Seventies although their societies were all the same contaminated by the bacillus that was eroding gradually their traditional psychological assets.  A second wave had to be prepared to give all the Western societies the last blow to let their political bodies crumble down. Next to the May 68 ideology, more or less derived from the Frankfurt School, a new weapon was forged to destroy Europe (and partly the rest of the world) more efficiently. This weapon was the infamous Thatcherite neoliberalism. At the very end of the Seventies, neoliberalism (be it Thatcherism or Reaganomics) was celebrated as a new liberation ideology that was about to get rid of the political State-centered praxis. Neither the Christian democrats nor the social-democrats were able to resist staunchly and to remember their supporters that the Church doctrine (based on Thomas Aquino and Aristoteles) or the interventionist socialist tradition were genuinely hostile to such an unbridled liberalism. Economics became more important than politics. We entered at that very moment the so-called post-history where no marks were still to be found. Even worse, the corrupt “partitocratic” system, in which Christian democrats and social-democrats were painfully muddling through, prevented any rational reaction and any challenge from new parties, blocking the democratic process they so vehemently pretend to incarnate alone.

Europe is now in a blind alley and seems unable to escape the liberalism of May 68 as well as neoliberalism as new challenging forces seems unable to gather enough votes to get into power effectively. You have to take into account that the conventional forces have been in power since almost 70 years and have literally occupied all the institutions by nominating officers at all levels, who couldn’t be replaced instantaneously by new really efficient people. Challengers risk launching newcomers into realms they are unable to master.  

Q.: Europe is, as you say, in a blind street. The European Union has been hit by a political, economic, immigrant crisis ... Then a wave of terrorism followed. European political bodies and institutions seem paralyzed. So far, European integration was threatened by so-called Euro-skeptical movements. It seems that today we are at the beginning of a wave of secessionism, like the one in Catalonia, which shakes many European countries. What is your relationship to that?

A.: Some secret services beyond the Atlantic have as a policy to weaken Europe by regular non military attacks typical of the so-called “Fourth Generation Warfare”. Economic stratagems, stock exchange manipulations are the usual tricks used by those whose main aim is to prevent Europe to develop fully, to find a better autonomy in all political and military matters, to reach a quite high welfare enabling rewarding R&D, to develop a strong commercial relationship with both Russia and China. Therefore Europe should constantly be undermined by all kind of troubles. Chirac’s France was the best example, beyond the well-known psy-ops that the “color revolutions” are. France is still a nuclear power but cannot develop this capacity beyond a certain level: in 1995, when experiments where performed in the Pacific Ocean, Greenpeace, as a pseudo-ecological movement tried to torpedo them. But on French territory, strikes paralyzed the country, orchestrated by a socialist trade union that had been anti-communist in the Fifties and had received support by the OSS. Social-democrats and socialist trade-unionists had secretly an Atlanticist support what’s often forgotten nowadays.

To get rid of Chirac, who had supported a phantom alliance between Paris, Berlin and Moscow at the time of the 2003 Bush’ invasion of Iraq, the activists among the African migrants communities in the dreary suburbs near Paris launched a series of violent riots in November 2005 after a first minor incident that caused accidentally two deadly casualties. Eventually the riots extended to other cities like Lyon and Lille.

carteemeutes.jpgAs the New Right writer Guillaume Faye had previously told it: France in the present-day situation is totally unable to reestablish law and order when riots spread in more than three or four big urban areas. The riots lasted the time needed to promote a new previously obscure petty politician, Nicolas Sarközy, who promised to wipe out the troublemakers in the suburbs and did of course absolutely nothing once in power. Charles Rivkin, US ambassador in France is the theorist of this “4th Generation Warfare” operations aiming at exciting migrant communities against law and order in France (see: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2011/03/21/t... ). This vicious strategy was only possible in France ten or twelve years ago as no other European country had such a huge amount of migrants among its population. The refugee crisis that hit Germany in 2015 is a next chapter in the sad story of Europe’s submersion and neutralization. Germany has now to face the same violent communities as France did and does. The purpose is evidently to weaken the country that is thriving industrially due to the excellent commercial links it has with Eurasia in general. The aim of the British and American secret services has always been to prevent any German-Russian connection. Now Germany is weakened by the critical mass of the million fake refugees that will rapidly let collapse the social security system that has always been the peculiar mark of German social systems (be they Bismarckian, national-socialist, Christian-democratic or social-democratic).

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The complete destabilization of the European industrial societies (Sweden, France, Germany, Italy and partially the Low Countries) lead to social and political shifts that sometimes take the shape of so-called “populist movements” that the media frantically label as “extreme rightist” or “neo-fascist”, in order to stop their development. Till now they have been unable to get a serious share of power, the conventional parties having infiltrated all institutions (press, media, justice, banks, etc.). In Spain, which is a poorer country that doesn’t attract the migrants as the given material advantages are less interesting, the only possible lever to launch a “4th Generation Warfare” operation against the country was the Catalan micro-nationalism. If Catalonia secedes, one of the most industrialized provinces of historical Spain will leave a commonwealth that exists since the marriage of Isabella of Castile and Ferdinando of Aragon in 1469. This would mean a serious setback for Spain, which is already fragile, and would have to depend from the neighboring countries, i. e. from an also destabilized France and a Germany that has to cope with its refugee problem and with an erosion of its social security system, leading to general dissatisfaction, to a rejection of the conventional political parties and eventually to a further development of the challenging AfD-party, whereby Merkel becomes unable to build an ideologically coherent majority for her next government.

My position is to say that all this problems currently jeopardizing Europe’s future have not occurred by pure coincidence. They are all linked together even if, by saying that, I’ll inevitably be accused of manipulating a “diabolical causality” or to adhere to “plot theories”. But I don’t see the Devil here as a supernatural being but I simply use the word as an easy image to stigmatize real forces and endeavors that try to shape the world according to their own interests. But on this same chessboard, the Europeans are unable to spot the enemy and to define their own interests.

RS-EEb.jpgQ.: In 2016, you published the book The European Enterprise: Geopolitical Essays. It explores the historical, cultural and spiritual foundations of the main European empires, i.e. the Reich principle, which is not equivalent to "nation" (If I understand it well), you consider that the natural development of Europe has been hampered or avoided by the "Western civilization". You pay special attention to the "Russian theme" - the Russian space and the concept of Eurasia. Why is it necessary in the era of globalization or attempts by the United States to impose itself as a world hegemon, or to "globalize" its own political and economic model?

A.: Indeed I’ve explored and I’ll continue to explore the European past as amnesia is the worst illness a political body can suffer of. You cannot think Europe without thinking simultaneously the notion of Empire and the so-called “Roman form”. Carl Schmitt was very conscious of being the heir of the “Roman form”, be it heathen/imperial or Catholic or inherited by the “German Nation”. No one is currently denying the importance of Schmitt in the realm of political theory. Some circles of the American New Left, like the “Telos Press”, have even promoted his works in the New World beyond all the hopes the few German students of Schmitt’s works had ever dreamt of. The Roman Empire was geographically and hydrographically based on the Mediterranean Sea and the Danube River: the “Middle Sea” assuring communication between the Rhone Valley and Egypt, between Greece and Hispania, etc. and the Danube link between Southern Germany and the Black Sea and beyond this Pontic Area the legendary Colchis and Persia what will later be mythologized by the Chivalry Order of the Golden Fleece created by Philip, Duke of Burgundy in 1430.  

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After the fall of the Roman Empire, there was the well-known “translatio imperii ad Francos” and later, after the Battle of Lechfeld in 955, a “translatio imperii ad Germanos”. The central part of Europe became so the core of the Empire, being centered now on the Rhine, the Rhone and the Po. The Danube axis was cut at the level of the “Iron Gates” beyond which the Byzantine area extended far to the East. The Byzantine Empire was the direct heir of the Roman Empire: there the legitimacy was never disputed. The Mount Athos community is a spiritual center that has recently be fully recognized by the Russian President Putin. The Roman-German Empire (later Austrian-Hungarian), the Russian Empire as heir of Byzantium and the Mount Athos religious community partake the same symbols of a golden flag with a black double-headed eagle, remnant of a very old Persian traditional cult where birds assured the link between Earth and Heavens, between men and the gods. The eagle being the most majestic bird flying to the highest heights in the sky, it became obviously the symbol of the sacred dimension of Empire.

archange.jpgLiving within the territorial frames of an Empire means to fulfill a spiritual task: to establish on Earth a similar harmony as the one displayed by the celestial order. The dove symbolizing the Holy Spirit in Christian tradition has indeed the same symbolic task as the eagle in imperial tradition: assuring the link between the Uranic realm (Greek Uranus/Vedic Varuna) and the Earth (Gaia). As the subject of an Empire, I’m compelled to dedicate all my life trying to reach the perfection of the apparently perfect order of the celestial bodies. It’s an ascetic and military duty featured by the archangel Michael, also a figure derived from the man/bird beings of the Persian mythology that the Hebrews brought back from their Babylonian captivity. Emperor Charles V tried to incarnate this Chivalry’s ideal despite the petty human sins he consciously committed during his life. He remained truly human, a sinner, and dedicated all his efforts to keep the Empire alive, to make of it a dam against decay, which is the task of the “katechon” according to Carl Schmitt. No one better than the Frenchman Denis Crouzet has described this perpetual tension the Emperor lived in his marvelous book, Charles Quint, Empereur d’une fin des temps, Odile Jacob, Paris, 2016. I’m reading this very thick book over and over again which will help me to precise my imperial world view and to understand better what Schmitt meant when he considered Church and Empire as ‘katechonical” forces. This chapter is far from being closed.

CrouzetCHV.jpgCrouzet explains in his book that the German and European Reformation wanted to “precipitate” things, aspiring at the same time to experiment lively the “eschaton”, the end of the world. This precipitation theology is the very first outward sign of modernism. Luther in a quite moderate way and the other actors of Reformation in an extreme way wanted the end of a world (of a historical continuity) they considered as profoundly infected by evil. Charles V, explains Crouzet, has an imperial and “katechonical” attitude. As an Emperor and a servant of God on Earth, he has to slow down the “eschaton” process to preserve his subjects from the afflictions of decay.

After Luther the extreme puritanical elements of Reformation in Northern France, Holland, Münster and Britain will render this “precipitation theology” even more impatient, even again Anglican England and Anglican rule in the Thirteen Colonies of Northern America, as tragic events testify it like the beheading of King Charles I due to Cromwell puritanical revolution. This way of seeing history as a deep malediction has been inherited by the Founding Fathers in the future United States. With the deist tradition in England and in the Whig political tradition both in Britain and Northern America, this “precipitation theology” will be skillfully rationalized and given an enlightened varnish that will culminate in President Wilson’s design to purge the world of evil. The “precipitation philosophy” (and not “theology”) of French philosophers will lead to a secular political eschatology under the shadow of the guillotine, under which all those who were supposed to slow the process had to perish preventively. After Wilson, several American diplomats will coin principles preventing the very sovereignty of States to express itself by launching all kind of pro-active projects with or without wars. Since the collapse of the Soviet system, the rationally disguised “precipitation theology” will once again run amuck. You know the results: catastrophe in the Balkans, stalemate in Iraq, endless war in Syria and Afghanistan. “Precipitation theology” as feature of the Western world, of the world lead by the Western hemisphere or by the realms West of Western Europe or of Central Europe, offers no valuable solution to the problems that inevitably occur in the imperfect world under the perfect Uranic Heavens. The views of Charles V consisted in slowing down the process and in leading moderate military operations against the rebels. It was a better stance anyway. 

In the Nineties, I discovered that China and many other Asian countries developed an alternative way to harmonize international relations, excluding among other things the post-Wilsonian principle of intervening violently in other countries’ affairs. This is the principle adopted not only by Xi Ping’s China today but also by Putin and Lavrov. The Chinese alternative excludes for instance the policy of “regime change” that has thrown Iraq and Syria in these atrocious civil wars the previous Baathist regimes could wisely but nevertheless ruthlessly avoid. But isn’t it better to have a ruthless “katechonical” although imperfect regime than to see hundreds of thousands innocent people killed in senseless attacks, bombing, shelling or Taliban/Salafist slaughters? The “precipitation theology” of post-puritanical/neo-Wilsonian America and of Salafist Muslims has created chaos in otherwise seemly calm countries. Didn’t Luther himself warn his contemporaries that the Devil was able to use the theological speak (or “newspeak”) to dupe the people?

Russia is important in this general frame of a “katechonical” interpretation of history as an antidote to the “crazy eschatological” one. Russia is heir of Byzantium also direct heir of the “Roman form”. It was considered as the stronghold of conservatism before 1917, even if this conservatism was fossilized by Konstantin Pobedonostsev as Dmitri Merezhkovski, who rejected later all the aspects of the Soviet revolution, could observe. Russia hasn’t experiment the traumatic 16th century Reformation and its contemporary iconoclast rage and was later preserved from the silliest deist or frenchified philosophy of the 18th century. This doesn’t mean that Russia was a backward country: Catharina II was a female enlightened despot that has made of Russia a great power; Alexander I had traditional and appeasing ideas on religion, that we should study attentively now after the Syrian disaster; Alexander II modernized the country at full speed at the end of the 19th century and could wipe out the disadvantages Russia had inherited from the 1856 Paris Treaty after the Crimean War, etc. But Russia, except during the first decennia of the Bolshevik regime, seems to have remained immune to the dangerous toxicity of “precipitation theology”.

The Byzantine style of developing chess-like strategies instead of looking for immediate retaliation or aggression has finally inspired Russian diplomats and statesmen. Byzantine style and Chinese Confucian harmony can serve nowadays as practical alternative models in a Western world confused by media propaganda which has ceaselessly conveyed a modernist post-puritanical form or another of “precipitation theology”. Therefore the Eurasian idea, provided it conveys this “katechonical” precipitation-less ideas similar to those Charles V wanted to apply in his Empire before confronting the Ottomans, is the real alternative to a world that would otherwise be ruled and perverted by a superpower that draws his principles from the craziest adepts of the former “precipitation theology” of its own “Founding Fathers”.

chevbouc.jpgI could add that a “precipitation theology or ideology” doesn’t express itself by all sorts of millennial pseudo-religious babbling claptrap like the one which is predicated for instance in Latin America but can also act as an economic fundamentalism like the neoliberal craze that affects America and Europe since the end of the Seventies. Puritanism can also quite often be reversed in its diametral contrary i. e. postmodernist debauch what explains that millennials, femens, pussy rioters, Salafists, neoliberal “banksters”, media moguls, color revolutionists, etc. follows on the international chessboard the same “4th Generation Warfare” agenda. Aim is to destroy all the dams civilization has set to serve the “Katechon” or the Aristotelian  “Spoudaios”. We must define ourselves as the humble servants of the Katechon against the pretentious designs of the “precipitators”. This means serving the imperial powers and fighting the powers that are perverted by the “precipitators”. Or having a Eurasian option and not an Atlanticist one.

Q.: You are a supporter of Eurasianism. It clearly separates you from those who share the hard-line nationalist positions and many thinkers, or alleged thinkers from the right. Your geopolitical thought is, as you say, a response to the thought of the American strategist of Brzezinski and is deeply rooted in European tradition. Can you basically explain your geopolitical conception?

A.: You could indeed count me among the supporters of a neo-Eurasianism but the roots of my own Eurasianism are perhaps quite different than those attributed to traditional or new Russian Eurasianism; nevertheless these different perspectives do not collide as antagonisms; on the contrary they could perfectly complete each other to promote a worldwide anti-system resistance movement. The most important thing if you want to develop a strong Eurasianist movement is to have simultaneously a wide vision on the history of each political historical component of the combined territory of Europe and Asia and to give oneself for task to study it by looking for convergences and not for enmities. This had already been suggested by Prof. Otto Hoetzsch in the Twenties and Thirties for West Europe and Russia. Therefore one first step would be to find as far back as possible in history a convergence between West European powers and Russia as a Eurasian entity. Peter the Great, as you know, connected Russia to Europe by opening a window on the Baltic Sea, leading unfortunately to a vicious war with Sweden at the beginning of the 18th century. But after the vicissitudes of the Seven Years’ War (1756-1763), France, Austria and Russia were allies and the territory of their realms extended from the Atlantic to the Pacific, being de facto a Eurasian alliance. Leibniz, who was not only a philosopher and a mathematician but also a diplomat and a political adviser was in a first step quite distrustful in front of Russia as a new power because it could have been a new “Mongol Khanate” or a “Tartary” threatening Europe. In a second step, seeing with benevolence the development of Peter’s Russia, he started to perceive gigantic Russia as the necessary territorial link that would enable communications between Europe and the two old civilizational spaces that were at his time China and India, that had a quite higher level of civilization than Europe at that time, as present-day historians remember it, like Ian Matthew Morris in Britain (in: Why the West Rules – For Now…) and the Indian teaching in England, Pankaj Mishra (in: From the Ruins of the Empire and Begegnungen mit China und seinen Nachbarn). Pankaj Mishra is a typical Third World ideologist displaying some sort of resentment against the West, more specifically against the former British rule in India. 

During the short period when France, Austria and Russia were allies important Eurasian designs avant la lettre were initiated: the development of a strong French fleet in order to avenge the disastrous defeats of Louis XV in Canada and India during the Seven Years’ War, the exploration of the Pacific Ocean by Russian and French sea captains, the common efforts of Austria and Russia to liberate the Balkans and the Northern coast of the Black Sea with Crimea as the main territorial asset enabling to settle a first important Russian navy base in the Pontic area. The French fleet defeated the English in Northern America in 1783 which made possible the complete independence of the United States (!). Russia could conquer Alaska, build a stronghold in California and contemplate a strong Russian-Spanish alliance in the New World. Russian sailors could land in the Hawaii Islands and claim them for their Czar. The French explorations in the Pacific were on many levels very fruitful and one should never forget that Louis XVI some few minutes before going up the stairs of the scaffold where he was to be guillotined asked news of La Pérouse, who had been lost while exploring the Northern shores of the Pacific. This first Eurasian design avant la lettre was torpedoed by the French revolutionists paid and excited by the English and Pitt’s secret services according to the historian Olivier Blanc (in: Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, 1989). Pitt wanted to get rid of a regime that promoted the development of a fleet and had outlined the guidelines of French world politics.

dostoWrDi.jpgThe second Eurasian project avant la lettre was the very short-lived “Holy Alliance” or “Pentarchy” created in the aftermath of the Treaty of Vienna in 1814. It allowed the independence of Greece but failed after the independence of Belgium when England and France helped to destroy the United Kingdom of the Netherlands. The “Holy Alliance” definitively crumbled down when the Crimea War started as two Western powers of the “Pentarchy” clashed with Russia. The Anti-Western affect spread widely in Russia and the core ideas of it are clearly outlined in Dostoyevsky’s main political book,  A Writer’s Diary, written after his Siberian exile and the Russian-Turkish War of 1877-78. The West permanently plots against Russia and Russia has to defend itself against these constant endeavors to erode its power and its domestic stability.

But now back to Eurasia: two important books have been published in recent years that should be the bedside books of all those who are animated by the Eurasist idea:  Prof. Christopher I. Beckwith’s Empires of the Silk Road – A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present (2009) and Peter Frankopan’s The Silk Roads – A New History of the World (2015). Beckwith’s book is the most complete panorama of Eurasian history: the core ideas from his captivating chapters I now constantly keep in mind are first the fact that in a very far past Indo-Iranian horsemen tribes coined sets of rules that determined all the future organization schemes of kingdoms and empires on the Silk Road; second, Beckwith states that modern times and modern ideologies ruined completely the sublime accomplishments of the Central Asian realms throughout the ages. A new Eurasianism should then have as main task to restore the spirit that allowed these extraordinary achievements. Prof. Beckwith masters a good dozen of ancient and modern languages spoken or having been spoken in Central Asia, a tremendous wide knowledge that enables him to understand more thoroughly the old texts and the very spirit that enhanced the thriving of kingdoms and empires.  

PFsilk.jpgPeter Frankopan’s book is more factual but also enables to criticize the Western arrogant attitude namely in Iran. The chapters in his book dedicated to old Persia and modern Iran would allow diplomats to settle bases for a renewed cooperation between European powers and Iran, provided, of course, that Europeans really would abandon the guidelines dictated by NATO and the United States. Eurasianism compels you to study history more thoroughly than the present-day Western way of leading policies in the world. Facts shouldn’t be ignored or disregarded simply because they don’t fit into the schemes of the superficial interpretation of the Enlightenment the Western powers are currently handling, provoking at the same time a concatenation of catastrophes.

Indeed the intellectual acceptation of the excellence of past and present Asian or Central Asian traditions and the will to pacify the immense territory between Western Europe and China lead us to dismiss the Brzezinski project of launching a permanent war (as an updating of the Trotskite project of “permanent revolution” that the neocons partook in a “former life”) and to favor the Chinese “One Belt, One Road” project, which is the only serious project for the 21st century.

Q.: The United States itself today is undergoing a difficult and comprehensive crisis. Trump and trumpism are certainly not the cause but the consequences. On the other hand, with the rise of Russia and China, the geopolitical situation in the world has changed, the world is no longer unipolar. Hal Brands for liberal Bloomberg notes that US foreign policy has reached its historic critical point, that the project of globalization of its political model faces failure, that the main goal of the US in the future will be to defend the „world's liberal order“. In other words, the time of American hegemony is nearing its end, and the events in the Middle East, in Syria, as it seems, speak in favor...

A.: This is not a question of yours but a general statement that easily be shared by alternative minds. The crisis the United States are undergoing nowadays can be explained by the inadequacy of the religious/ideological core of its „deep state“ in front of the plurality of actual or potential world views that could be as efficient as the mix of religious puritanism, deism and wilsonism that gave the United States an incredible strength during the 20th century. The puritanical core of radical protestantism, as seen in Dutch or British history at the time of the iconoclasts or Cromwell’s Roundheads. The attitude of these radicals is a savage rejection of past heritages and a will to eradicate everything that’s judged „impure“ or „belonging“ to a „bad past“, exactly along the same lines the Wahhabites are currently working in the Near East. If you share such views you start indeed an eternal war against the entire world. But this is practically impossible on the long run. Resistances emerge permanently and some countries or civilizational areas can always be considered as breakwaters, especially as they have enough power or space to avoid invasion, i. e. if they can offer a sufficient „mass“, as Elias Canetti once wrote, to resist on the long term. Even Afghanistan is a „mass“ able to resist but of course not to reverse the trend. Russia and China can together offer such a „mass“ but the struggle will nevertheless be hard as the Latin American part of the BRICS has more or less be compelled to surrender or to weaken its position. Venezuela undergoes a „color revolution“ that risks to bring it back in the so-called backyard of the United States.

In the near future, the United States will as a consequence try to keep its domination on Western Europe (even if on the other hand they try to weaken it through uncontrolled migrations and Soros initiatives), on Latin America and especially on Africa, where they develop a new form of imperialism through the AFRICOM command structure to counter the Chinese and to kick the French out of their „Françafrique“, while wooing them to participate in the process of their own neutralization! Nevertheless this policy is due to fail as such an ubiquitous control is impossible on the basis of a mass of 350 millions taxpayers.  Such a „mass“ has been useful till the end of the 1990s as it allowed the Atlantic superpower to launch military and civilian R&D programs that could be made profitable on all levels in a sufficiently short term to build up the real hardpower of Washington and to be always ahead of their opponents. But 350 millions consumers and taxpayers are now no longer sufficient to sustain the competition.

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Detroit's crumbled down theatre

The project of a „Big Society“, which would have given the American citizens a social security system as in Europe, has been hampered by the Vietnam war. The Reaganomics ruined huge urban areas such as Detroit. At the end of the line, American society has become steadily unstable, the racial issues and the ubiquitous drug problem making both the situation even more complicated: these two issues may let us conclude that the Soros initiatives aim deliberately at creating an even worse racial situation in Europe so that European nations couldn’t be able to challenge the former main superpower of the West and that the drug problem is in a certain sense a serious backlash if you keep in mind that drugs were introduced in the 1960s due to special CIA ops in Laos and Burma where Chinese opponents were cultivating the weeds in order to finance potential nationalist insurrections in Maoist China. The secret services’ support to drug smugglers allowed indirectly a financing of the Vietnam war that Congress would never have voted. Drugs, unsolved domestic conflicts in race mixed areas and neoliberal Reaganomics were and are all expediencies that have left behind significant marks in the American society and, above all, created a junk culture they cannot get rid of anymore. The countries that will be strong enough to resist to the effects of this junk culture and to reject it will be resilient. The other ones will perish slowly.    

Q.: You learn Russian and studied Russian culture. Also, in your research, you have paid special attention to the traditions and ethnos of the East of Europe. For example, to Scythians, the indo-European ethnicity that inhabited the Eurasian steppe, south of Russia, and is extremely important in the ethnogenesis of the Slavs. Slavic cultures, including the Serbian and the Slavs of Balkans, unfortunately, have not been sufficiently studied in the West of Europe. Do you have the impression that the Slavic heritage is not only not well known, but also systematically suppressed and underestimated in Western Europe?

A.: I never learned Russian properly but it’s true that as teenagers my friends and I were seduced by Russian history and fascinated by the conquest of Siberia from the Urals to the Pacific Ocean. When I started to publish my journals at the beginning of the 1980s, I was deeply influenced by a German cultural and political trend that had emerged a couple of years before. This trend took into account the nationalist elements of the left-wing movements since the 19th century and also all the diplomatic traditions that had favored an alliance between Germany and Russia (or the Soviet Union). The Germans, but also the people in the Low Countries, were upset because the US Army had deployed deadly missiles in Central Europe, compelling the Soviets to do the same so that in case of war Central Europe would have been definitively nuked. No one could accept such a policy and the result of that was the birth of the pacifist neutralist movement that lasted till the fall of the Berlin Wall and that allowed incredible convergences between left-wing and conservative or nationalist groups.

In the frame of this movement, we started to translate or summarize German texts or debates in order to show that history could have been different and that the will to analyze the past with other eyes could open perspectives for a different future. We didn’t reduce our research to German questions but broaden it in order to see things from an “All-European” point of view. We stated of course that history had been reduced to Western European history, what was an intellectually unacceptable reductionism that I could spot very early by reading some books on East European countries while writing down an end paper at the end of my secondary school studies. My friends and I didn’t reduce our readings to contemporary history but widen them to medieval and ancient history. So we were attracted by the Scythians, namely after having read a book of the French historian Arthur Conte, where he reminded us that many Slavic people trace back their origins not only from Slavic tribes but also from Sarmatians knights, including those who had formerly built up the cavalry of the Roman Legions.

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The Sarmatian element is not only important for Slavic people but also for the West that has tried to wipe out this heritage from the collective memory. Nevertheless, British historians, with the help of Polish colleagues, admit now that Sarmatian Knights are at the origin of the Celtic Arthurian myths, as the Roman cavalry in Roman Britain was partly or mainly composed of Sarmatian Knights.

RSch-D.jpgThe German historian Reinhard Schmoeckel hypothezises that even the Merovingians, from whom Chlodowegh (Clovis for the French) descended, were partly Sarmatian and not purely Germanic. In Spain, historians admit that among the Visigoths and the Sueves that invaded the peninsula as Germanic tribes were accompanied by Alans, a horsemen people from the Caspian and Caucasus area. The traditions they brought to Spain are at the origin of the chivalry orders that helped a lot to perform the Reconquista. As you say, all that has been neglected but now things are changing. In my short essay on the geopoliticians in Berlin between both world wars, I remember a poor sympathetic professor who tried to coin a new historiography in Europe taking the Eastern elements into accounts but whose impressive collection of documents were completely destroyed during the battle for Berlin in 1945. His name was Otto Hoetzsch. He was a Slavic philologist, a translator (namely during the negotiations of the Rapallo Treaty, 1922) and a historian of Russia: he pleaded for a common European historiography stressing the convergences and not the differences leading to catastrophic conflicts like the German-Russian wars of the 20th century. I wrote that we all have to walk in his footsteps. I suppose you agree.

jeudi, 23 novembre 2017

Alexandru Petria: «la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád»

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Alexandru Petria: «la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád»

Ex: https://visegradpost.com

Roumanie – Alexandru Petria, poète, prosateur et journaliste roumain : « la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád ».

Modeste Schwartz a écrit récemment à Alexandru Petria et s’en est suivi une discussion amicale entre ces deux auteurs décalés, nageant à contre-courant et trublions reconnus du web roumain. Une discussion transformée en entretien pour le Visegrád Post.


Modeste Schwartz : Pour autant que je sache, ta carrière politique a commencé en décembre 1989, lorsque tu es descendu dans la rue pour renverser la dictature de N. Ceaușescu : une révolution (on l’a su plus tard) mise en scène de l’extérieur, mais qui a tout de même laissé pas mal de morts sur le pavé. Ceaușescu a été exécuté, mais toi, tu es resté révolutionnaire, et aujourd’hui, 27 ans plus tard, nous te retrouvons (virtuellement) « dans la rue » : après de nombreux blocages injustifiés de ton compte, tu as quitté Facebook, et postes désormais sur le réseau vKontakte, dans le cadre de ton opposition non-dénuée de risques à un nouveau consensus de type totalitaire. Peux-tu nous raconter comment ça s’est passé ?

Alexandru Petria : C’est vrai, j’ai risqué ma vie en 1989 ; j’avais 21 ans ; je l’ai fait parce que la situation de la Roumanie sous Ceaușescu semblait être sans issue. Le niveau de vie était désastreux, on n’avait aucune liberté de parole ou de circulation. En tant qu’écrivain, et comme j’ai un style de vie assez simple, ce qui me touchait le plus, c’était l’absence de liberté d’expression. Et c’est ce qui recommence à me toucher en ce moment, avec ce qui se passe sur Facebook, qui me censure pour enfreinte au politiquement correct.

Sous Ceaușescu, nous rêvions de liberté, et à présent, nous avons, hélas, à nouveau l’occasion d’aspirer à la liberté, devant une UE qui bafoue les droits de l’homme. Comme je l’ai écrit ailleurs, tout se passe comme dans le célèbre roman de George R. R. Martin L’Agonie de la lumière, dans lequel une planète s’enfonce dans l’abîme en perdant peu à peu sa lumière : la Roumanie et, dans une certaine mesure, l’Europe toute entière, se sont engagées dans une trajectoire d’autodestruction. Je me demande où il nous serait encore loisible de cultiver des idéaux et des rêves. Et si ces derniers peuvent encore sauver quoi que ce soit. La vague des migrants déferlant sur notre continent, ajoutée à la réglementation infinie de l’existence, qui prétend légiférer même sur la longueur des concombres vendus au marché, nous montrent une UE de plus en plus semblable à l’URSS. Dans cette UE, notre rôle, à nous roumains, c’est principalement de torcher les vieux, d’être ouvriers du bâtiment sur les chantiers et d’absorber les surplus de production. Nous sommes devenus un pays sans voix, incapable de défendre ses intérêts. Il est impossible de ne pas remarquer que le meilleur de la classe entrepreneuriale autochtone a été liquidé presque intégralement. Comment cela s’est fait, quelles étaient les dimensions et la qualité de cette classe – c’est un autre débat. Il est impossible de ne pas remarquer que l’enseignement est devenu une honte institutionnalisée, une presse à diplômes aberrante, produisant pas mal de docteurs en ceci ou cela incapables d’écrire un roumain correct. Or, privés d’enseignement, nous nous préparons un avenir handicapé. Il est impossible de ne pas remarquer que la Roumanie n’a pas de classe politique, mais une armée d’escrocs, d’arnaqueurs répartis en partis sans aucun projet pour le pays. Il est impossible de ne pas remarquer que la presse n’est plus une presse, infiltrée comme elle l’est par des agents sous couverture ou par des individus qui n’ont aucune idée de ce métier. Et si on le remarque, il se passe quoi ? Qui a des solutions ? Il faudrait passer le bulldozer dans chaque domaine, comme avec les maisons instables, construites selon les plans d’architectes hallucinés. Mais qui va conduire le bulldozer ? On sent une atmosphère d’avant-guerre – et que ne donnerais-je pour me tromper ! … La bureaucratie de l’UE et les dictats verbeux de l’Allemagne (qui, ne l’oublions pas, a déjà fait le malheur du monde à deux reprises !) sont en passe de pulvériser le projet européen. Et la Roumanie s’éteint, avec une lourde complicité de la part des Roumains eux-mêmes.

Je pense avoir été suffisamment explicite.

MS : L’aspect le plus ironique de l’histoire, c’est qu’en 1989, tu as risqué ta vie au nom d’un idéal de liberté que tu identifiais à l’époque plus ou moins à la doctrine politique libérale, pour aujourd’hui te retrouver dans notre camp, le camp des « illibéraux ». Qu’a-t-il bien pu t’arriver – ou arriver au libéralisme ?

Alexandru Petria : Cette ironie, c’est l’ironie de l’histoire, rendue possible par le fait que la population est majoritairement constituée d’analphabètes fonctionnels, soumis au lavage de cerveau ou incultes. Leur mémoire est courte, ils oublient les leçons du passé. Et je ne parle pas seulement de la Roumanie : c’est un problème global. Le néolibéralisme d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec le libéralisme en lequel moi j’ai cru. Je n’estime pas avoir changé de camp ou rejoint tel ou tel camp, en-dehors d’alliance provisoires ; je suis un adepte du dignitisme, idéologie que je m’efforce d’élaborer en ce moment. Il est caractérisé par trois aspects principaux : 1. L’allocation de dignité, un revenu assuré par l’Etat à chaque citoyen de la naissance à la mort, de telle sorte que les besoins élémentaires ne limitent pas sa liberté. 2. La démocratie directe par vote électronique, qui implique la dissolution des parlements, les gens n’ayant plus besoin d’intermédiaires (de députés) pour représenter leurs intérêts. 3. La souveraineté des Etats comme principe non-négociable.

Chaque Etat doit avoir le contrôle de ses banques, de son industrie d’armement, de son industrie pharmaceutique, de l’énergie et des réserves d’eau. Je suis souverainiste, pas nationaliste ethnique. Le dignitisme prône une interpénétration intelligente de l’Etat et du capital privé. A force d’accumuler de l’expérience, je me suis formé ma propre vision du monde.

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MS : Pour ceux de nos lecteurs (hors de Roumanie) qui n’ont jamais entendu parler de toi, je précise que tu es un poète vétéran, mais absolument pas académique ou « à l’ancienne », auteur, dans les années 2010, d’un come-back médiatique tonitruant, fruit de la décision que tu as prise (très audacieuse dans l’univers culturel roumain d’il y a dix ans) de poster sur Facebook tes poèmes inédits, t’évadant ainsi de l’ésotérisme suranné des cénacles poétiques et des éditions à tirage limité. Or ces poèmes sont pour beaucoup des œuvres pour lesquelles, encore aujourd’hui, il serait difficile de trouver un éditeur en Roumanie, en raison de la franchise avec laquelle elles abordent une thématique sexuelle exploitée sans périphrases, avec, pourrait-on dire, une certaine gauloiserie. On peut donc dire que – sans pour autant être un athée – tu n’as rien d’une grenouille de bénitier. Or, dans la Roumanie d’aujourd’hui, l’opposition au programme LGBT est principalement le fait de groupes ouvertement religieux (soit orthodoxes traditionalistes, soit néo-protestants), généralement aussi caractérisés par un mode de vie et un style discursif nettement plus pudibond. On peut donc dire que tu représentes une forme atypique d’opposition ?

Alexandru Petria : Dès 1991-1992, j’ai publié deux recueils de poèmes accueillis favorablement par la critique, mais par la suite, je ne suis revenu à la littérature qu’au bout de près de vingt ans, consacrés au journalisme. Comme tu l’as dit, je suis revenu à la surface en postant au début mes nouveaux poèmes sur Facebook, à une époque où un tel geste restait scandaleux. Puis, j’ai recommencé à publier dans des revues et sous forme de volumes. J’ai été le premier écrivain roumain à procéder de la sorte, chose qui, au début, m’a attiré une avalanche de reproches, après quoi les gens ont pris l’habitude, et m’ont manifesté pas mal de sympathie. A posteriori, j’estime avoir fait le bon choix.

Je ne suis pas une grenouille de bénitier, mais un croyant non-dogmatique, et un amoureux des femmes. Je m’oppose au programme LGBT parce que je suis contre leurs mariages et contre l’adoption d’enfants par des couples de gays et de lesbiennes. Ce qu’ils désirent est contre-nature, et je ne peux pas être d’accord avec ce qui va contre la nature, avec ces normes du politiquement correct dont les coryphées LGBT portent la traîne. Je ne pense pas que cette opinion m’isole, même si la grande majorité garde le silence par prudence. Comme je l’ai déjà expliqué ailleurs, le politiquement correct, peut-être lancé avec les meilleures intentions humanistes du monde, a dégénéré jusqu’à devenir un monstre à partir du moment où il est monté sur la scène de la politique mondiale. Il a émasculé de leur naturel des communautés entières, débilité des individus, fait le malheur de nombreuses vies par ses abus innombrables. Et le tout au nom d’un bien commun auto-proclamé, qui s’est avéré être une impasse, incompatible avec la nature humaine. Cette dernière, en effet, est ouverte à la compétition, nous incite à nous départager. On te dit que tu es libre, on alimente ton illusion de liberté. Alors qu’en réalité, on te braque un pistolet sur la tempe. Et on te demande même d’être content de l’avoir sur la tempe, voire d’appliquer des bisous sur le canon.

Le bien promis, à l’arrivée, est un enrégimentement, une uniformisation, une immense machine à laver les cerveaux. Une opération de manipulation destinée à produire des populations dociles, incapables de révolte. Et, comme dans n’importe quel cas de manipulation réussie, ceux qui y sont soumis n’ont pas conscience d’être des marionnettes, mais ont l’impression d’avoir découvert le nombril radieux de la démocratie, la culmination pralinée de l’être.

Tout comme le communisme avait nationalisé les moyens de production et la propriété privée, le politiquement correct « nationalise » le comportement humain, le standardise, étant maintenant sur le point d’obtenir un homme nouveau. Comme dans le vieux rêve communiste, mais à un autre niveau : non plus celui des rapports économiques, mais celui de la pensée et des relations humaines. Un monde où il faut religieusement écouter le dernier des imbéciles, le pire des tarés, lui manifester de la considération, le gâter comme un gosse, de peur qu’il ne se sente lésé par le fait d’être sorti tel qu’il est du ventre de sa mère. On ne peut plus relever le niveau, il faut au contraire s’abaisser respectueusement à celui des idiots, et s’en montrer ravi, tout illuminé par une grandiose vérité. L’idiot devient l’étalon global, le marathonien idéal des empires et des multinationales, dont même la chute des fleurs et le vol des libellules n’a plus le droit de troubler le zen. C’est un monde sens-dessus-dessous, d’une artificialité stridente, alimentée par les médias, avec des repères placés en stand-by et soumis à un dictat de l’anormal. La lutte à mener contre un tel monde a l’importance de l’air et l’urgence de la respiration.

La nature elle-même discrimine, et il est impossible de s’opposer à la nature. Comme dit un proverbe, d’une plasticité hyperréaliste, de la paysannerie transylvaine : « on ne peut pas tresser de fouet dans un caca ». Le politiquement correct, c’est la liberté prise en otage par les marginaux.

MS : Pour ta part, comment expliques-tu le manque de réactions « laïques » aux aberrations du programme LGBT ? Par l’intimidation ? Par la vénalité universitaire ? Ou s’agit-il de quelque maladie plus profonde dont souffrirait la culture des élites roumaines ?

Alexandru Petria : Ce sont à la fois les pourliches distribués aux universitaires, la naïveté et l’opportunisme le plus abject, le tout sur fond de servilité endémique. L’opportunisme est inscrit dans les gènes de la majorité des intellectuels roumains – une réalité qui me répugne. Ils ont, pour la plupart, trahi leur vocation, pour se transformer en vulgaires propagandistes.

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MS : Censuré sur Facebook, tu as « migré » (entraînant à ta suite de nombreux admirateurs) vers le réseau social vKontakte, basé en Russie. J’imagine qu’avant 1990, tu faisais partie de ceux qui écoutaient en secret Radio Free Europe. Jusqu’où penses-tu que cette répétition inversée de l’histoire centre-européenne pourra aller ?

Alexandru Petria : Bien sûr que j’écoutais Radio Free Europe. Je me demande bien qui ne l’écoutait pas. Jusqu’où ça peut aller ? En fin de parcours, on va vers de graves troubles sociaux, voire une guerre dévastatrice, dont j’ai déjà exprimé la crainte ci-dessus. Malheureusement, je ne vois pas comment on pourrait les éviter. Il faut méditer les paroles de Saint Antoine le Grand (251-356) : « Le moment viendra où les hommes seront pris de folie, et, quand ils en verront un qui n’est pas fou comme eux, ils se dresseront contre lui en disant ‘tu es fou !’, parce qu’il ne sera pas comme eux. »

MS : En Hongrie, depuis sept ans, on assiste à une puissante réaction face aux excès du libéralisme totalitaire (ou du moins, de l’idéologie occidentale qui a accaparé cette dénomination). Que penses-tu du groupe de Visegrád ? Souhaiterais-tu l’adhésion de la Roumanie à ce groupe ?

Alexandru Petria : Je suis favorable au Groupe de Visegrád, ce sont des pays qui mettent leurs intérêts nationaux avant toute chose. Et ils ont absolument raison de le faire. J’aimerais que la Roumanie ait des dirigeants comme ceux de la Pologne ou de la Hongrie, par exemple, qui jouent la carte de la souveraineté, au lieu de transpirer à force d’agenouillements devant les grands de ce monde.

Oui, la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád. A défaut de mieux, elle y recevrait au moins une leçon de dignité.

lundi, 20 novembre 2017

Tradition, Nostradamus, Provence et Grand Monarque - Entretien avec Pierre-Émile Blairon

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Tradition, Nostradamus, Provence et Grand Monarque

Entretien avec Pierre-Émile Blairon

Ex: http://www.europemaxima.com

PEB-P.jpgY a–t-il une Provence secrète ? Il semblerait bien que oui. Pierre-Émile Blairon a eu l’excellente idée de rééditer son livre La Dame en signe blanc (La prophétie du Grand Monarque, Éditions Hyperborée, 2017, 284 p., 20,00 €) qui plonge le lecteur dans les mystères de la région de Roquefavour, entre Graal païen et prédictions de Nostradamus. Il n’en fallait pas plus pour qu’Europe Maxima se décide à l’interroger.

Europe Maxima : Lorsque l’on regarde la note biographique de vos ouvrages il est question de deux passions, la Provence et la spiritualité traditionnelle. La Dame en signe blanc réunit ces deux passions qui vous sont chères. Par quelle « intuition intellectuelle » avez-vous opéré cette jonction ?

Pierre-Émile Blairon : J’avoue que cette expression « intuition intellectuelle », quand je l’ai lue sous la plume de Julius Evola (mais je crois qu’elle provient de René Guénon), m’a décontenancé tellement ces deux termes sont antinomiques, tellement nos deux grands traditionalistes sont proches de ce mot « intuition » et loin de cet autre mot : « intellectuelle », en tout cas, dans l’acception que nous lui donnons aujourd’hui; il n’est rien de plus éloigné d’un intellectuel que l’intuition. Un intellectuel se trompe toujours, aveuglé qu’il est par l’image qu’il prend soin de donner au monde, au « public », de son immodeste et narcissique personne; il se comporte comme un politicien, toujours à chercher d’où vient le vent, sans jamais découvrir où il va (il s’en moque, c’est le temps présent qui compte : après moi, le déluge) mais en caressant dans le sens du poil les masses, les médias, et les nombreuses mais peu diverses coteries parisiennes, car il n’est de bon bec…

Si j’ai bien compris le sens que voulait lui donner Evola, « l’intuition intellectuelle » fait qu’un être différencié ne peut pas se tromper car il porte en lui, naturellement, comme un don, comme une mission – un don est une mission, sinon, à quoi servirait-il ? – cet héritage supra-humain qui lui a fait choisir la Voie des Dieux, olympienne, aristocratique, plutôt que la Voie des Pères, qui lui a fait choisir l’immortalité des dieux, même si elle est, de facto, inaccessible, plutôt que la laborieuse suite lignagière des générations humaines.

Pour en revenir à mes choix, il est évident que j’ai voulu conjuguer mon désir de comprendre le monde à son plus haut niveau, cosmique, et mon besoin d’enracinement, de réenracinement, en ce qui me concerne – je suis né dans une ancienne province française qui n’existe plus – du sol qui vous porte, ou, mieux, qui vous a vu naître, la tête dans les étoiles, les pieds sur terre, image qui résume cette recherche de l’équilibre qui est la base même de l’identité indo-européenne.

EM : Votre intérêt pour la Provence vous a amené à étudier l’œuvre de Nostradamus, figure énigmatique dont certaines prédictions sont plus que troublantes… Pensez-vous que ce dernier détenait un savoir traditionnel ?

P-ÉB : La figure de Nostradamus a été ternie par les nombreux exégètes qui se sont servis de son nom pour faire connaître le leur, sans bien comprendre le personnage et son œuvre.

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On a présenté Nostradamus soit comme un astrologue, charlatan revêtu d’une longue robe bleue parsemée d’étoiles, une boule de cristal à la main, soit comme un « humaniste » parce qu’il vivait à l’époque de la Renaissance (et encore pire, dans l’acception qu’on lui donne aujourd’hui, celui qui s’intéresse à son prochain, mais plus encore à son lointain), soit comme un médecin qui soignait par les plantes au risque d’être inquiété par l’Inquisition. En vérité, Nostradamus a passé sa vie à acquérir toutes sortes de connaissances, alchimiques, astrologiques, astronomiques, médicales, historiques, métaphysiques… pour mener à bien une mission dont il était conscient d’en être porteur : annoncer aux humains du XXIe siècle le sort qui les attend. La fin d’un cycle mais le commencement d’un nouveau en même temps, enfin, juste après… J’ai sous-titré la biographie que j’ai consacrée à Nostradamus parue aux éditions Hyperborée, « Le messager des dieux », parce que Nostradamus connaissait parfaitement le système des cycles et la Tradition primordiale, laquelle représente symboliquement ce qu’on peut appeler « les Dieux », que Guénon appelle aussi le « supra-humain »; Nostradamus a vécu pendant ce qu’on a appelé la Renaissance, période qui constituait un palier dans le cours de l’Âge de Fer, le cycle final et, comme tel, nous sommes en pleine inversion des valeurs : la Renaissance signifie le début de la fin comme le siècle des Lumières, celui de l’obscurcissement du monde.

EM : En parlant de Tradition, pourriez-vous nous présenter la revue Hyperborée ?

P-ÉB : Hyperborée est la fille d’une modeste revue que j’avais lancée en 1994, qui s’appelait Roquefavour. J’avais constaté que la véritable et salutaire révolution qu’avait constituée la réapparition du paganisme 25 ans plus tôt, initiée par ce qu’on a appelé plus tard la « Nouvelle Droite », n’avait pas suffisamment mis l’accent sur les spiritualités anciennes-européennes, limitées essentiellement aux panthéons grec et romain, au risque d’engendrer dans les mêmes termes et pour les mêmes raisons une seconde Renaissance, dont j’ai souligné plus haut l’aspect illusoire de la première, cette deuxième fois heureusement débarrassée de la chape de plomb que l’Inquisition, le bras armé du catholicisme, faisait peser à l’époque sur tous les aspects de la vie.

PEB-Hy.JPGOn s’est alors hélas intéressé, si l’on s’en réfère à la trifonctionnalité indo-européenne telle que définie par Georges Dumézil, plus à la deuxième fonction, la fonction guerrière, celle des protecteurs, et à la troisième fonction, la fonction économique, celle des producteurs, qu’à la première fonction, la fonction sacerdotale et royale, la fonction spirituelle, celle des conducteurs, qui régit les deux autres.

Je n’ai personnellement jamais été attiré par les écrits des philosophes, anciens ou modernes, dont le jargon prétentieux, en ce qui concerne les seconds, m’ennuyait profondément, ni par ce qu’on a appelé la « Raison » grecque, issue en partie des réflexions des premiers, ni par ce qui a constitué le matérialisme et la force de l’Empire romain, qui a été, selon moi, surtout un système d’oppression sur les peuples européens, à l’image du prométhéisme – du titanisme – triomphant de notre mondialisation actuelle.

Je me suis senti beaucoup plus proche du lyrisme de nos « ancêtres les Gaulois », dont la civilisation empreinte de spiritualité à travers l’enseignement de ses druides a été promptement mise sous le boisseau et nos ancêtres les Gaulois mâtinés en Gallo-Romains.

La civilisation celte, qui s’étendait, avant l’Empire romain, sur la quasi-totalité de l’Europe, avait su conserver le mystère et les pulsions intuitives qui la reliait directement aux dieux. Je tente de démontrer, dans La Dame en signe blanc, que les Celtes étaient les descendants des Hyperboréens, dont les anciens Grecs avaient gardé la nostalgie, en témoigne la geste d’Apollon qui leur rendait régulièrement visite.

Avec la création de la revue Hyperborée, j’ai voulu donner un ton plus ésotérique, ou spirituel, à une histoire qui nous projette dans le plus lointain passé indo-européen, le sous-titre de la revue étant « Aux sources de l’Europe ».

Ces sources étant essentiellement constituées par ce qu’on appelle la Tradition primordiale, une culture-racine qui a apporté sa connaissance à l’ensemble des peuples de la planète et dont le siège géographique mythique serait installé au pôle, vraisemblablement sous les glaces.

La revue se réfère régulièrement à d’autres messagers des dieux (expression que j’ai utilisée pour définir Nostradamus) qui, dans des domaines différents ont, surtout par leurs écrits, communiqué les vérités essentielles qui constituent la base de notre grand peuple européen mais aussi son avenir. Nous retrouverons ainsi dans notre revue les noms et les textes d’Oswald Spengler, de Mircea Eliade, de René Guénon, de Julius Evola, d’Alain Daniélou et de quelques autres. Comme nous y incitait logiquement l’approche plus poétique et spirituelle de notre héritage celte, nous nous sommes volontiers intéressés à la poésie et aux auteurs fantastiques comme Tolkien, Lovecraft, Giono (mais oui !), voire aux peintres surréalistes et fantastiques (belges comme Delvaux et Magritte, espagnol comme Dali, ou italien comme Giorgio De Chirico), ou au cinéma de Stanley Kubrick, de John Boorman, de John Milius, de Coppola, de Cimino pour y adjoindre nos frères exilés aux Amériques.

Dès le premier numéro d’Hyperborée est apparue la signature de mon ami le professeur Paul-Georges Sansonetti, le grand spécialiste du monde nordique, de la runologie, du symbolisme et de la guématrie, qui collaborait déjà à Roquefavour et qui a amené dans son sillage d’autres collaborations, venant notamment du mouvement de scoutisme fondé par Jean Mabire, les Oiseaux migrateurs. Le professeur Jean Haudry, incontestable maître de l’indo-européanisme, y a aussi régulièrement collaboré.

La revue, à partir de cette année 2017, ne paraît plus sous sa forme papier mais continue sous sa forme numérique grâce au site Hyperboree.fr, qui regroupe en lecture libre et gratuite l’ensemble de notre production depuis le premier numéro en 2006. D’autre part, ce choix nous permet une plus grande souplesse. Ainsi, je pourrai déployer sur le site un reportage photographique complet sur les sites évoqués dans La Dame en signe blanc, ce qui permettra une meilleure compréhension du livre.

EM : En 2015 paraît La Roue et le Sablier (Bagages pour franchir le gué, Éditions Hyperborée, 2015, 288 p., 20,00 €). Tout d’abord nous devons saluer la qualité de cet ouvrage qui expose de façon claire et concise une vue du monde à la fois traditionaliste, au sens guénonien, et païenne. Ce livre entre-t-il en résonance avec La Dame en Signe Blanc ?

PEB-RS.jpgP-ÉB : Le titre, La Roue et le Sablier, indique deux symboles, la roue représente le monde profane qui tourne autour du moyeu qui, lui est fixe, c’est le domaine des dieux qui font tourner le monde, c’est la Tradition primordiale, immuable et pérenne. Plus on se rapproche du centre, du moyeu immobile, et plus on se rapproche du monde spirituel, et, inversement, plus on va vers le grand cercle, celui qui va toucher le sol dur, la terre, et plus on est dans le matériel.

Le sablier représente certes le temps, mais aussi la trifonctionnalité. Au sommet du sablier, la première fonction, celle du prêtre et du roi, celle des conducteurs, puis, au centre, dans le goulet d’étranglement, la deuxième fonction, celle des protecteurs, et en bas, celle des producteurs. Lorsqu’on arrive à la fin d’un cycle, les fonctions sont inversées, celle des producteurs est en haut, en fait, même les producteurs – il y avait une grande noblesse dans le travail du paysan et de l’artisan – ne produisent plus rien, ou plus grand-chose, on fait simplement travailler l’argent (oui, il n’y a que l’argent qui « travaille »), celle des conducteurs est en bas, ils ne conduisent plus rien du tout, ils sont rejetés, décrédibilisés, moqués, celle du milieu, l’armée et la police, est au service de la fonction qui est en haut, quelle qu’elle soit, sans états d’âme. Lorsque le monde retrouve son équilibre après la fin du cycle, le sablier est à nouveau renversé et tout rentre dans l’ordre.

J’ai entièrement adhéré la définition de la première fonction qu’en donne mon ami Pierre Vial dans la dernière livraison de sa revue, Terre et Peuple, n° 73, sur le paganisme, et dont je vous donne la teneur : « Le paganisme de première fonction, lui, a pour mission d’incarner et d’enseigner la conception du monde, de la vie, de l’homme, de l’Histoire qui est la nôtre. C’est le rôle des éveilleurs de peuples qui doivent être, comme le furent les druides, des pédagogues. Mais des pédagogues enseignant d’abord par l’exemple, en se vouant totalement à leur mission et en laissant de côté, donc, tout souci de réussite sociale, d’enrichissement, de renommée intellectuelle, tous ces hochets qui domestiquent l’individu et en font un être soumis à ceux qui, dans notre société, détiennent les pouvoirs, tous les pouvoirs. »

Je me rends compte que c’est la seule citation que j’ai donnée jusqu’à présent dans cet entretien, ceci dit pour en souligner l’importance.

Ce livre, La Roue et le Sablier, a bien sûr un rapport avec La Dame en signe blanc, qui est le premier livre que j’avais écrit; en fait, on peut remarquer que les écrivains (ceux qui ont quelque chose à transmettre, et non pas à gagner) sont comme les peintres qui peignent toujours le même tableau.

PEB-DSB.jpegEM : Cela est moins le cas dans La Dame en signe Blanc mais nous avions remarqué dans La Roue et le Sablier que vous citiez à plusieurs reprises Rudolf Steiner. Envisagez-vous l’anthroposophie de façon positive, bien que cette « seconde religiosité », pour emprunter l’expression de Spengler, fut durement critiquée par Julius Evola, ou séparez-vous cette doctrine d’une partie de l’œuvre de Steiner ?

P-ÉB : Steiner a employé l’expression « intuition transcendantale » – et nous en revenons au début de cet entretien – qui me paraît plus appropriée que celle d’« intuition intellectuelle » pour dire à peu près la même chose que ce que disaient Guénon et Evola. Je me suis intéressé plus au personnage qu’au concept d’anthroposophie, qu’il a, à mon sens, largement dépassé, par une imagination foisonnante et la création de multiples concepts à l’intérieur du concept principal qui finit par s’effacer : l’eurythmie, la biodynamie (la plupart des vignerons actuels tendent vers cette pratique), l’éducation (les écoles Steiner sont très réputées) et, tout comme Nostradamus, Steiner avait de véritables dons de voyance. En lisant ses conférences, on se perd dans un dédale poétique, surréaliste ou fantastique, qui a aussi existé chez les théosophes de Madame Blavatsky. Je sais bien qu’Evola, et encore plus Guénon, parlant de contre-initiation, ont condamné ces deux courants, il n’en reste pas moins qu’ils ont participé à mon éveil, de la même façon que Le Matin des magiciens, le cultissime ouvrage de Pauwels et Bergier, qui m’a ouvert l’esprit sur des domaines que j’ignorais.

EM : Vous venez donc de rééditer votre ouvrage La Dame en signe Blanc. Pourquoi rééditer ce livre ? Y avez-vous apporté des modifications par rapport à l’édition originale ?

P-ÉB : La Dame en signe blanc est une expression de Nostradamus pour désigner la reine qui dort à côté du Grand Monarque qui est appelé à se réveiller lorsque l’Europe sera en danger de mort, selon la légende.

Je m’étonnais d’une demande récurrente de quelques amis concernant la réédition de cet ouvrage pour lequel j’avais une certaine affection – c’était mon premier – et je m’y suis replongé, il avait des défauts comme tous les livres, et encore plus comme les premiers. Les événements ont fait que les écrits de Nostradamus concernant le Grand Monarque étaient de plus en plus crédibles – quand il disait qu’un grand chef allait se dresser pour combattre une invasion musulmane – et j’ai donc ajouté ce sous-titre à mon ouvrage, La Prophétie du Grand Monarque. J’ai d’autre part également réactualisé mon livre en y ajoutant une fin concernant les prémisses du nouveau cycle que j’entrevois qui, à mon sens, va voir le rapprochement de l’espèce humaine avec celle des autres règnes, végétal et animal, sans quoi, la Terre, qui un être vivant, mourra et ce qui en vit avec.

EM : La perspective de ce livre est fort intéressante car elle s’inscrit dans un cadre local et historique (la région de Roquefavour). « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », formule ésotérique bien connue, résumerait à merveille le contenu de l’ouvrage…

P-ÉB : Les Celtes, les Gaulois chez nous en l’occurrence, avaient coutume de percevoir le monde en s’appropriant celui que leur vision pouvait englober; le Gaulois était au centre du monde, de son monde; les Bituriges, les habitants gaulois de Bourges, en avaient même fait leur raison d’être : ils étaient « les rois du monde ». Et, de fait, Bourges était bien le centre de la France, donc, les rois de notre pays.

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J’ai un peu dépassé ce concept, démontrant d’abord que ce lieu dont je parle, Roquefavour, que j’appelle Le Cercle magique, fut l’un des centres de l’ancien monde, par les événements qui s’y sont déroulés, et suggérant qu’il pourrait être aussi celui qui verra la naissance du nouveau, en accord avec l’un de ses illustres voisins, Nostradamus.

En effet, Nostradamus situe le tombeau, et donc le réveil du Grand Monarque et de son épouse dans le Cercle magique, ou non loin; il situe également non loin du Cercle magique de grandes batailles qui permettront au Grand Monarque d’arrêter les envahisseurs. On pourrait se dire qu’il est bien facile pour le mage de situer tous ces événements sur un territoire qu’il connaît bien – il habitait Salon, à une vingtaine de km du Cercle magique, situé sur la commune de Ventabren – et qu’il y aurait là comme un enfantillage ou une supercherie. Nous pourrions répondre que ce n’est pas le messager des dieux qui situe là ces grands événements, il ne fait que constater ou prédire ce qui aura lieu. Ce sont les dieux, le supra-humain, qui décident. Si ces événements devaient se passer au Japon ou au Canada, nous aurions tout simplement un Nostradamus japonais ou canadien pour en parler.

J’émets l’hypothèse qu’un cycle doit renaître sur les lieux où l’ancien a fini sa course, selon la loi du « témoin » celui d’une course où le coureur passe le témoin à un autre pour accomplir son nouveau tour de piste.

EM : Le livre s’organise autour de trois cycles : l’un païen, le suivant chrétien et le dernier nommé « Ère du Verseau ». Concernant les deux premiers, vous parlez du christianisme comme étant une « religion de coucous », c’est–à–dire qu’elle s’est servie du paganisme pour asseoir son autorité. Dès lors pensez-vous que ce l’on a pour coutume de nommer ésotérisme chrétien n’a de chrétien que le nom ?

P-ÉB : Je ne fais que me référer au système des cycles et, plus précisément, au système des cycles zodiacaux qui durent chacun 2160 ans. Le cycle païen était placé sous le signe du Bélier, de Mars, de la guerre, cycle initié par Prométhée, le Titan, qui voit, paradoxalement, s’accomplir ses rêves de puissance en notre fin de cycle chrétien; nul ne peut contester que le titanisme – le mondialisme – prend tous ses terribles effets à l’époque que nous vivons. Quel fut le rôle du christianisme dans ce processus, le cycle des Poissons ? Atténuer sa brutalité ou bien la corrompre dans une mièvrerie humaniste ? Ces deux cycles, en y ajoutant celui du Taureau, faisaient déjà partie du Kali-Yuga, le cycle de la fin. Mais s’est perpétuée, à travers tous les cycles, quels qu’ils soient, la pérennité de la Tradition primordiale; l’ésotérisme chrétien constitue cette perpétuation, intangible, à travers notamment les écrits de Saint-Jean sur l’Apocalypse, et, d’autre part, les interventions des druides après leur supposée disparition, notamment dans l’élaboration du concept cistercien, sur le plan architectural et spirituel.

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EM : Le dernier cycle qui est en fait l’Ère du Verseau, thème prisé dans les milieux New Age, correspond à la fin de ce que Jean Phaure appelait « Cycle de l’humanité adamique ». Selon ce dernier, la durée de ce cycle serait d’ailleurs indéterminée… Comment envisagez-vous celui-ci ?

P-ÉB : Non, le dernier cycle n’est pas l’ère du Verseau mais bien l’ère des Poissons; nous somme dans cette période transitoire où nous ne savons pas exactement quand finit un cycle et quand commence le nouveau (les nombres bien précis que nous transmettent la Tradition sont vraisemblablement exacts mais comme nous ne savons rien, ou pas grand-chose, de la période où ces cycles auraient commencé, le problème de la datation reste entier). En ce qui concerne le nouveau cycle, je l’ai dit, je pense qu’il y aura un rapprochement des divers règnes, l’homme n’étant plus le prédateur et le déprédateur qu’il a toujours été jusqu’à présent mais bien le régulateur d’un monde que les dieux lui ont confié et qu’il a si mal géré.

EM : La figure du Grand Monarque dont vous parlez n’est pas sans rappeler les annonciateurs/restaurateurs du cycle nouveau tels Baldr, Kalki ou Jésus, mais aussi les rois cachés comme Arthur ou Sébastien. Le nouvel Âge d’Or étant inéluctable, quid de l’action politique durant le Kali-Yuga ?

P-ÉB : Le Grand Monarque n’est pas un avatar, c’est-à-dire un être divin qui descend sur Terre, comme le Christ. Ce serait plutôt une sorte de demi-dieu.

Plusieurs personnages de l’Histoire ont représenté le Grand Monarque, que Nostradamus appelait aussi le Grand Romain, le Grand Celtique, ou le Grand Chyren, ou le Prince Dannemarc, faisant alors référence à l’un de ces personnages légendaires, Ogier le Danois qui était l’un des lieutenants de Charlemagne, qui dort et se réveillera lorsque le Danemark sera en danger, le fameux roi Arthur, chef de guerre celte, qui combattit l’invasion des Germains au VIe siècle, qui est lui aussi en dormition, mais le Grand Monarque, c’est aussi le Khan, titre porté par les chefs mongols, turcs ou chinois. Citons aussi Roderik le Wisigoth qui s’opposa à l’invasion musulmane de ce qui deviendra l’Andalousie. Il serait mort noyé mais son corps ne fut jamais retrouvé. Le Shaoshyant en Iran mazdéen est le nom du Sauveur suprême qui apparaîtra dans les derniers jours du monde.

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Chez René Guénon, le Grand Monarque, c’est le Roi du monde, qu’il définit comme le législateur primordial et universel.

Tous ces personnages ont au moins trois points communs :

– Ils sont légendaires, on n’est pas sûr de leurs existences et encore moins de leurs morts.

– Ils dorment d’un long sommeil jusqu’à leur réveil : c’est la dormition.

– Ils sont appelés à être réveillés pour sauver la patrie en danger.

Et, en fait, le Grand Monarque constitue une synthèse de tous ces personnages de légende, un principe universel même car il est appelé à une mission divine.

L’action politique est claire, telle que je l’ai exposé dans La Roue et le Sablier et telle qu’elle est résumée dans le sous-titre « Bagages pour franchir le gué ».

D’abord, il s’agirait de choisir sans état d’âme son camp lorsque l’affrontement guerrier prédit par Nostradamus demandera un engagement total, mais ce n’est pas tout, d’autres actions en amont auront été nécessaires.

Nos ennemis tentent de faire en sorte d’arrêter la roue qui tourne, la robotisation du monde et des hommes annoncée par le transhumanisme va dans ce sens; arrêter le cours du monde signifierait leur victoire, même si cette victoire constituerait aussi une défaite, puisque ses promoteurs, ou leurs héritiers, n’y survivraient pas. Mais leur égoïsme ne se soucie même pas du sort de leurs héritiers, « Après moi, le déluge » est une belle expression pour définir ces nihilistes égotistes. Nous ne savons pas encore si la fin de notre cycle sera caractérisée principalement par un déluge, nous savons que toutes les fins de cycle antérieures à la nôtre, dont Mircea Eliade a collecté les derniers témoignages chez tous les peuples, se traduisent par une conjonction de catastrophes, à la fois humaines et naturelles.

Il nous faut donc rassembler tous les concepts historiques et spirituels qui ont fait la grandeur de l’Europe, une sorte d’Arche de Noé, ou les braises qu’on transporte dans le film, La Guerre du feu, pour pouvoir rallumer le feu en franchissant le gué.

Une autre attitude, mais qui peut être aussi complémentaire, consiste, comme le préconisait Julius Evola, à faire tomber le mur qui menace de s’écrouler; le principe de survie consistant à ne pas se trouver dessous, mais de l’autre côté. Cette méthode revient à précipiter la fin d’un monde qui meurt, le Kali-Yuga, l’Âge de Fer, pour pouvoir accéder plus rapidement au cycle suivant, l’Âge d’Or, qui rétablit l’ordre du cosmos. Ce faisant, paradoxalement, nous pourrions prendre de court ceux qui tentent laborieusement d’empêcher sa venue.

Propos recueillis par Thierry Durolle

mercredi, 15 novembre 2017

Gesprek met Frederik Ranson van de "Nieuwe Solidaristische Alternative"

samedi, 11 novembre 2017

Entrevista sobre Cataluña al hispanista francés Arnaud Imatz

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"Ya se sabe que Cataluña no ha sido un reino como Aragón"

Entrevista sobre Cataluña al hispanista francés Arnaud Imatz

Ex; http://www.latribunadecartagena.com

Hablar de Arnaud Imatz es hablar del hispanista más prestigioso del siglo XXI. Doctor en Ciencias Políticas, diplomado en Derecho y Economía, este vasco-navarro francés, nacido en Bayona, en 1948, en el seno de una familia tradicional, fue funcionario internacional en la OCDE.

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Autor de numerosos libros y artículos, ha publicado en España: “José Antonio: entre odio y amor. Su historia como fue”  (Áltera, Madrid, 2006, 2007), “Los partidos contra las personas. Izquierda y derecha: dos etiquetas” (Áltera, Barcelona, 2005) o “Juan Donoso Cortés: Contra el liberalismo. Antología política” (Áltera, Madrid, 2014) entre otras muchísimas obras. Su pensamiento político disidente siempre le convierten en un referente de independencia académica y rigor histórico.

Para La Tribuna de Cartagena es un honor entrevistar al prestigioso profesor, francés según reza su pasaporte, pero más español que muchos de los nacidos bajo la vieja piel de toro.

¿Cómo vive alguien como Arnaud Imatz, tan enamorado de España, la actual situación que atraviesa la nación?

Pues mal. Mire Usted hace más de cuarenta años que estudio la historia de España. Es una historia extraordinaria, la de una de las cinco grandes naciones que han construido la historia universal. Digan lo que digan los hispanófobos la huella de España en el mundo es imborrable. Par mí  España no es solo 46 millones de habitantes, la quinta potencia de la Unión Europea, o uno de los veinte países más ricos del planeta. España es la nación con una cultura impresionante y que posee una de las dos o tres lenguas más habladas del planeta. Son 550 millones de personas que hablan "el español" (como se dicen sin vacilar en el extranjero). España es un mediador indispensable para Europa, un puente con los 19 países de América. Además de esto Nueva York es hoy prácticamente bilingüe. Resumiendo: España es un rico patrimonio histórico-cultural y una voluntad constantemente renovada de seguir adelante, de hacer que fructifique todo ese legado material y espiritual excepcional. Así que imagínese lo que opino de la situación actual, de la mediocridad, apatía y pusilanimidad de la clase política nacional. Imagínese como juzgo el fanatismo, el sectarismo y el clarísimo anti-democratismo de los secesionistas catalanes radicales. Entiendo perfectamente y puedo justificar el regionalismo, el autonomismo o el federalismo, pero la fobia, el odio, el espíritu de venganza de los secesionistas ¡no! Esa situación me entristece y me da asco. Admiro todo tipo de búsqueda de la excelencia en mis semejantes. Pero nunca se puede alcanzar eso a partir de una tabula rasa. Requiere respeto a la historia, a las obras lentas, progresivas y desinteresadas de nuestros antepasados. No acepto la pequeñez, el rencor, el sórdido resentimiento de unos locos ideólogos que arrojan todo por la borda como en los peores momentos de la humanidad. Cuando los observo me desespera nuestra especie.

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¿Cómo hemos llegado hasta aquí?

Esencialmente por dos series de razones que van mucho más allá de la cuestión catalana: primero, los defectos inherentes a la oligarquía política española moderna. Solo les interesa permanecer en el poder cuando lo detienen o alcanzarlo cuando están en la oposición. Además todos estos señores comulgan en la misma suposición según la cual la economía ocuparía la primera plaza antes de la política, de la cultura, de la moral y de la religión. Son y quieren ser solo administradores de la economía, y como tales inquebrantables vasallos de las autoridades de Bruselas. Pero hay una segunda serie de razones indirectas: a partir de la caída del muro de Berlín, en todo el Occidente las nuevas Tablas de la ley han sido el mundialismo, el mercado, los derechos del hombre, el individualismo, el hedonismo y el consumismo. Dicho de otra forma, en el trasfondo se pueden distinguir los efectos devastadores de la crisis moral, social, política, económica (a partir de 2008) y por no decir de civilización  de toda  Europa y Occidente. En España, gran parte de las generaciones postfranquistas han confundido el progresismo con el "disfrutar sin límites". Muchos han adoptado más o menos conscientemente como forma de vida el lema:"antes de mi la nada, después de mí, el diluvio". Y eso tarde o temprano se paga.

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¿Qué repercusión internacional puede llegar a tener el propagandismo victimista de los secesionistas catalanes?

La repercusión internacional ya la tenemos a la vista: Washington, Londres, París, Berlín y los tecnócratas de la UE no quieren saber. El victimismo catalán es otra cosa. Es un subproducto de la propaganda y de la desinformación moderna. "El centralismo borbónico", "España nos roba" son patrañas. Ya se sabe que Cataluña no ha sido un reino como Aragón que hubo condados bajo Carlomagno, luego en el siglo XVI un virrey nombrado por Carlos V, en 1641, un sometimiento absoluto y vergonzante al rey de Francia, en 1700, una guerra civil  al lado del reino de Aragón y contra el Borbón Felipe V, en el siglo XIX unas guerras carlistas... pero ¿Quien abrió el fructífero mercado de América a los catalanes? Pues precisamente el llamado "centralista" Felipe V.

¿Quién permitió que Cataluña tenga un casi monopolio del comercio con Cuba en el siglo XIX?

También la corona borbónica de España. Cuál es la región que recibió la mayor parte de las subvenciones y que se beneficio más del "milagro español" bajo la dictadura de Franco (1959-1973)? Otra vez Cataluña. Las primeras disposiciones legales contra la lengua catalana se adoptaron no durante el régimen conservador y autoritario de Franco sino en los siglos XVIII y XIX. Y no han sido promocionadas por los borbones más conservadores sino por los reformistas, progresistas francófilos, masones y liberales de izquierda. Para ellos, el castellano debía ser la lengua modernizadora de España a imagen del francés en Francia. En realidad, el catalanismo político (el regionalismo, el federalismo no el independentismo) tiene ciento treinta años. Nace en los años 1880 poco antes de que se hunda definitivamente el Imperio hispánico. Y es casi, casi cuando España pierde Cuba la perla que beneficio tanto a Cataluña. Otro dato revelador es el siguiente: durante la dictadura de Franco la oposición catalana brillo por su ausencia. Los únicos que se enfrentaron realmente a Franco son los comunistas, los anarquistas y los vascos de la ETA. Lo demás es pura ficción.

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¿Podría darse una situación similar en Francia?

Es impensable. El jacobinismo francés es radical, incuestionable. No permite que se discute lo más mínimo lo que llama la unidad e indisolubilidad de la nación francesa.  No tiene absolutamente nada que ver con el pretendido "centralismo" borbónico español. Un solo ejemplo: en un cuarto de siglo los gobiernos y parlamentos franceses de derecha y de izquierda han sido incapaces de ratificar la muy inofensiva Carta europea de las lenguas europeas minoritarias o regionales, adoptada por el Consejo de Europa en 1992.  Se pueden imaginar lo que pasaría con los líderes secesionistas si parte de los Corcegas, Vascos, Alsacianos, Bretones o catalanes de los Pirineos Orientales (el antiguo Rosellón) se declarasen unilateralmente independientes en violación de la Constitución de 1958.

¿Cómo valora la actuación de Jefe del Estado y presidente del Gobierno de España respecto al problema catalán, tanto a nivel nacional como internacional?

El rey ha sido digno y firme, a la altura de las circunstancias. Rajoy sigue navegando a ojo sin brújula. Es un buen burócrata.

¿La España de siempre ya no sirve para el futuro?

Mire Ud. en democracia el soberano es el pueblo. En última instancia no son los representantes del pueblo sino el pueblo mismo en su totalidad que debe pronunciarse inequívocamente. "Pueblo habla" se dijo antaño, pues que hable e inequívocamente.

¿Cuáles son, a su juicio, los mayores problemas que España no ha sabido resolver para mantener un sentido de "lo hispánico" común a la mayoría de los españoles?

La clave es el pueblo no los políticos que desgraciadamente son veletas en su gran mayoría. Podría contestarle: "Dios, que buen vasallo, si tuviese buen señor" o, al contrario, como Montesquieu y Maistre: "los pueblos tienen los gobiernos que se merecen". Pero soy optimista y creo en la capacidad del pueblo español para actuar, movilizarse, salir de su dormición, presionar, influir sobre los políticos.

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Usted conoce, mucho mejor que la mayoría de los historiadores españoles, la figura de José Antonio Primo de Rivera ¿No cree que adelantó, ochenta años, el problema actual que vivimos con Cataluña?

Desde luego José Antonio Primo de Rivera no era solamente "un cerebro privilegiado, quizás el más prometedor de Europa" como dijo Unamuno, sino también un político inteligente, sutil, honesto y moderno. No olvidemos que el mismísimo ex presidente de la Generalitat, Jordi Pujol, dijo un día (Tiempo, 22 de diciembre de 1997, nº 816) que era uno "de los que mejor había entendido a Cataluña, y en circunstancias muy difíciles". José Antonio dijo textualmente lo siguiente: "[...] para muchos, el problema catalán es un simple artificio y, para otros, no es más que un asunto de codicia; sin embargo, estas dos actitudes son perfectamente injustas y desacertadas. Cataluña es muchas cosas a la vez, y mucho más profundas que un simple pueblo de mercaderes. Cataluña es un pueblo profundamente sentimental; el problema de Cataluña no es sobre importaciones y exportaciones; es un problema- muy difícil-, un problema de sentimientos". Dijo también muy acertadamente: "Ni autonomismo viejo, ni viejo centralismo. Entiendo que cuando una región solicita la autonomía, en vez de inquirir si tiene las características propias más o menos marcadas, lo que tenemos que inquirir es hasta qué punto está arraigada en su espíritu la conciencia de la unidad de destino; que si la conciencia de la unidad de destino está bien arraigada en el alma colectiva de una región, apenas ofrece ningún peligro que demos libertades a esa región para que, de un modo u otro, organice su vida interna".

¿Entiende usted que el federalismo pueda ser una vertebración válida para España o contribuiría a desintegrala más todavía?

El federalismo es una solución válida efectivamente pero cuando los dos partes son sensatas, racionales y cuando quieren emprender esa vía. El problema es que los radicales catalanes no lo quieren, ellos quieren la independencia, la secesión y nada más. A ellos no les importa que casi 2000 grandes empresas se hayan exiliado. Ellos dicen "las grandes cosas siempre se hacen sacrificando a unas generaciones". Es el argumento típico de los totalitarios.

¿Cómo cree que acabará la situación? ¿Existirá una reforma constitucional que colabore a la desintegración de España como proyecto común y sugestivo a todos los españoles.

Para impedirlo creo que el pueblo español tiene que evitar las trampas politiqueras y para eso tiene que volver a ser el primer actor de la política por la vía del referendo.

mercredi, 08 novembre 2017

»Im Innersten des bundesdeutschen Elends«

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»Im Innersten des bundesdeutschen Elends«

von Nils Wegner

Ex: http://www.sezession.de

Mit "Die entfesselte Freiheit" fordert Thor v. Waldstein nach "Metapolitik" erneut realpolitisches Denken und Handeln ein – wir sprachen über das Buch!

Sezession: Sehr geehrter Herr Dr. Dr. v. Waldstein, Ihr Sammelband Die entfesselte Freiheit ist ausweislich des Untertitels »wider die liberalistische Lagevergessenheit« gerichtet.

Die Berufung auf »die Lage« als Fundament politischen Denkens und Handelns findet sich bei Gottfried Benn, findet sich auch in der Arbeit des Politologen Hans-Joachim Arndt, der sich um eine Rückbesinnung der Deutschen auf ihre Eigeninteressen bemühte und dem Sie ein Porträt gewidmet haben, schlußendlich findet er sich ausdrücklich in Ihrem kaplaken-Band Metapolitik.

Worin unterscheidet sich diese »politische Lageanalyse« vom Pragmatismus, der Handeln und Ziele je nach Tagesform wechselt, um das Risiko eines Mißerfolgs zu minimieren?

v. Waldstein: Die Deutschen werden in der Sphäre des Politischen nur bestehen können, wenn es ihnen gelingt, ihre vielfach beschädigte Identität als Volk zurückzugewinnen.

Eine politische Lageanalyse, die nicht nur an den Symptomen herumdoktert, sondern Roß und Reiter benennen will, wird nicht umhin kommen, sich mit den tieferliegenden Ursachen der deutschen Tragimisere zu befassen. Umgekehrt kennzeichnet es die seit 1949 etablierten politischen Kräfte, daß sie das Wahlvolk ebenso planmäßig wie erfolgreich davon abgehalten haben, sich über die Lage der Nation im klaren zu werden.

Diese Verhältnisse scheinen aufgrund der historischen Umbrüche, deren Zeuge wir sind, derzeit ins Rutschen zu geraten, was man nur begrüßen kann. Gleichwohl stehen wir erst am Anfang einer ehrlichen Diagnose.

Wie es im Innersten des mit konsumistischem Flittergold nur mühsam bedeckten, bundesdeutschen Elends tatsächlich aussieht, entzieht sich nach wie vor dem Vorstellungsvermögen der meisten Akteure, leider auch vieler widerständiger Kräfte. Für diese nun anstehenden, wenig erbaulichen, aber unumgänglichen Detailanalysen versucht mein Buch einen ersten Orientierungsrahmen zu geben.

Daß in der Tagespolitik pragmatische Schachzüge vonnöten sein können, die entsprechend den wechselnden Gegebenheiten der Situation variieren (müssen), ist unstreitig. Über „die Kunst, aus Gelegenheiten Ereignisse zu machen“ (Politikdefinition von Helmuth Plessner), verfügt aber nur derjenige, der genau weiß, wohin er will.

Es gehört zu dem Schicksal Deutschlands, daß seit dem Abgang Bismarcks – mit wenigen Ausnahmen – Politiker die Szene bestimmen, denen solche Ziele fehlen, an denen sich der vorzitierte Pragmatismus ausrichten könnte.

Wer diese Dinge permanent durcheinander bringt, endet in dem Muddling-Through, von dem der BRD-Politikbetrieb, dem Treiben in einem Hühnerstall nicht unähnlich, unverändert gekennzeichnet ist.

Sezession: Die Lage der Parteipolitik hat sich in Deutschland mit der Wahl am 24. September von Grund auf geändert. Nicht nur haben wir jetzt das größte Parlament in der Nachkriegsgeschichte; mit der AfD hat auch eine neue, gerade einmal viereinhalb Jahre alte Partei das bundespolitische Parkett betreten, die ausdrücklich mit dem Anspruch angetreten ist, das Establishment durcheinanderzuwirbeln.

Nun haben Sie im Laufe Ihrer eigenen metapolitischen Arbeit viele neue, dissidente Parteien kommen und gehen sehen – wie schätzen Sie die neue Situation ein? Kann diese Partei ebenfalls ihr Scherflein zu einer Abkehr von der »liberalistischen Lagevergessenheit« beitragen?

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v. Waldstein: Die politischen Parteien, zu deren gesetzlichen Aufgaben es u.a. gehören würde, „für eine ständige lebendige Verbindung zwischen dem Volk und den Staatsorganen (zu) sorgen“ (§ 1 Abs. 2 Parteiengesetz), sind in den bleierner Jahrzehnten der BRD zu monolithischen Machtblöcken geronnen, die sich systematisch gegen frischen Wind von außen abgeschirmt haben und die es seit langem gewohnt sind, untereinander die Beute zu teilen.

Die Repräsentanten dieser Parteien sind nicht selten geprägt von Persönlichkeitsdeformationen und sonstigen oligarchischen Abschleifeffekten, die den schönen Charakterzügen des Menschengeschlechts eher abträglich sind.

Das Spinnen von Intrigen, das Ausleben von Geltungssucht und die Pflege der sattsamen Seilschaften bestimmen viel mehr den Politikeralltag als alles andere. Im Lichte dieser strukturellen Verkrustung und personellen Negativauslese ist das Bild einer „flüssigen Demokratie“, die durch einen (teilweisen) politischen Ölwechsel von innen heraus gereinigt werden könnte, wenig realitätsbezogen.

Die Leute, die solch‘ rührende Gemeinschaftskundelyrik unter’s Volk bringen, haben von den filigranen Machtstrukturen in der BRD keine Ahnung. Wie alle alteingesessenen Eliten wird sich auch das hiesige Amalgam aus strippenziehenden Politikern und machtverliebten Journalisten mit allen zu Gebote stehenden Mitteln der eigenen Verabschiedung entgegenstemmen.

Manches spricht indes für den erfreulichen Befund, daß diese Beharrungskräfte eines obszönen selbstreferentiellen Systems angesichts der schon beschriebenen historischen Umbruchsituation mehr und mehr schwinden.

In dieser Lage ist es m.E. nicht Aufgabe der AfD, ein abgewirtschaftetes und deutsche Interessen mit Füßen tretendes Parteiensystem zu erneuern; vornehmstes Ziel sollte es stattdessen sein, auf der Basis einer stolzen zweihundertjährigen deutschen Demokratietradition erst wieder die Voraussetzungen für eine echte Volksherrschaft auf deutschem Boden zu schaffen.

Die – im Vergleich zur FPÖ, die hoffentlich aus ihren Fehlern von 1999 gelernt hat – beneidenswerte Lage der AfD als Oppositionspartei erlaubt einen beinharten Konfrontationskurs gegen diejenigen, die danach trachten, den Ausverkauf Deutschlands auch nach der Bundestagswahl 2017 fortzusetzen.

Getreu dem römischen Motto fortiter in re, suaviter in modo (Bestimmt in der Sache, umgänglich im Ton) müssen die Überlebensfragen der deutschen Nation wieder und wieder in das Zentrum der politischen Debatte gelenkt werden. Will die AfD das Schicksal von DRP, NPD, Republikanern, Schill-Partei, Bund freier Bürger usw. usf. vermeiden, muß die Partei unbedingt ihren Glutkern bewahren.

Zu keinem Zeitpunkt dürfen die AfD-Mandatare vergessen, wer sie warum gewählt hat. Das schließt die weitere Verpflichtung ein, sich von den Verlockungen auf eine harmonieselige und finanziell schmackhaft gemachte „Teilhabe“ an den Trögen der Macht konsequent fernzuhalten.

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Das ist und bleibt die Gretchen-Frage des politischen Dienstes an einem Volk, an dessen „grauenhafter Anpassungsfähigkeit“ (Ernst Kantorowicz) und lebensgefährlicher Konsenssehnsucht man gelegentlich verzweifeln könnte. Ist diese Gefahr eines parteipolitischen Wärmetods gebannt und scheut man sich auch nicht, da, wo nötig, mit der erforderlichen Unversöhnlichkeit dem ancien regime gegenüberzutreten, laufen die Dinge fast automatisch auf einen weiteren, womöglich sogar stürmischeren Stimmenzuwachs für die Partei zu.

Nachdem die AfD mit dem Lucke-Abtritt 2015 und der Petry-Selbstdemontage 2017 zwei wichtige positive Häutungen vollzogen hat, sollte jetzt die Zeit gekommen sein, auf den neugewonnenen parlamentarischen Bühnen den Deutschlandabschaffern auf allen Feldern in die Parade zu fahren.

Sezession: Sie widmen sowohl dem bereits genannten Hans-Joachim Arndt als auch dem Philosophen Bernard Willms, der einer Ihrer beiden Doktorväter war, jeweils ein Porträt.

Nimmt man noch den Erlanger Historiker Hellmut Diwald hinzu, so lassen sich diese Wissenschaftler als das Dreigestirn einer Ende der 1970er aufkeimenden und in den 1980ern für Furore sorgenden nationalen deutschen Geisteswissenschaft bezeichnen. Alle drei sind mittlerweile verstorben; an den Universitäten scheint niemand ihr Erbe angetreten zu haben.

Wie schätzen Sie – vom metapolitischen Standpunkt aus – den Stellenwert und die Chancen einer Renationalisierung der Academia ein? Kann von dort nochmals ein prägender Einfluß auf die Gesellschaft ausgehen, wie dies vor fünfzig Jahren der Fall war? Oder ist der universitäre Betrieb inzwischen selbst ganz den Marktgesetzen unterworfen?

v. Waldstein: Das nationale Renouveau Ende der 1970er Jahre war ein zartes Pflänzchen, das schon damals nur zum Teil auf universitärem Humus aufkeimte. Den von Ihnen genannten drei Personen würde ich gerne noch die Namen Hans-Dietrich Sander und Heinrich Jordis von Lohausen zurechnen.

Von diesen fünf Männern hatte allein Arndt ein vollwertiges C4-Ordinariat (in Heidelberg). Willms und Diwald hatten wackelige, Sander und von Lohausen überhaupt keine universitären Wirkungsmöglichkeiten (mehr).

venohrDEKBd2296741435.jpgDennoch gelang es diesen Patrioten, im Verein mit mutigen Publizisten bemerkenswerte Schneisen in ein damaliges Meinungsklima zu schlagen, in dem die deutsche Teilung als „Garant des Friedens in Europa“ abgefeiert wurde. Ich erinnere nur an den großartigen, von Wolfgang Venohr 1982 herausgegebenen Band Die deutsche Einheit kommt bestimmt, der im Establishment für einige Unruhe sorgte.

Die Lage der deutschen Universität des Jahres 2017 ist eine ganz andere: Von deren Vorlesungssälen und/oder Campusfeldern geht alles aus, nur nicht eine „Renationalisierung“. Nicht erst seit der Bologna-Reform findet dort – insbesondere an den sozialwissenschaftlichen Fakultäten – ein geistiger Niedergang statt, der historisch ohne Beispiel ist.

Allenfalls 40 Prozent der Erstsemester sind überhaupt studierfähig. Anstatt von Humboldtschen Idealen ist die heutige deutsche Universität erfüllt von konformistischen Turnübungen, Denunziantentum und einem wirklich unfaßbaren Gender-Gaga.

Gegen die Vorteilsverlogenheit, die dort tagtäglich unter dem Banner der angeblichen Freiheit der Wissenschaft zelebriert wird, erscheint Heinrich Manns Untertan noch als wahrer Wutbürger. Abgerundet wird dieses Bild durch „Junior-Professoren“, die vor lauter Drittmitteljagd kaum mehr Zeit für wissenschaftliches Arbeiten haben.

Angesichts dieser Zustände kommen einem als Steuerzahler die Tränen; als Bürger überkommt einen die Wut über den Verrat an den geistigen Potentialen der deutschen Jugend. Nein, Herr Wegner, ich bedaure: ein „nationales 1968“ an den deutschen Hochschulen halte ich leider für gänzlich ausgeschlossen.

Die Lebenslügen der BRD werden in den kommenden Jahren nicht in einem universitären, auf Gleichschaltung dressierten Binnenklima verabschiedet werden, sondern auf Straßen, Plätzen und anderen Orten, an denen das freie Wort nach Deutschland zurückkehrt.

SezessionZwei längere Texte in Ihrem Buch scheinen in unmittelbarer Beziehung zueinander zu stehen: »Seit wann wird Deutschland BRDigt?« und »Deutsche Entscheidungen im asiatischen Jahrhundert«.

Beide arbeiten die spezifisch deutsche Lagevergessenheit trennscharf heraus, sowohl im innen-, geschichts- und kulturpolitischen Bereich wie auch vor allem auf geopolitischer Ebene; ein enorm wichtiges Themenfeld, dem sich vielleicht einzig hierzulande allerdings aus einer historisch konnotierten Büßermentalität verweigert wird.

Nun scheinen seit einigen Jahren nationale bis nationalistische und insbesondere antiglobalistische Bewegungen und Parteien in der ganzen westlichen Welt im Aufwind zu sein; insbesondere die Wahl Donald Trumps zum 45. US-Präsidenten vollzog sich unter beinahe schon isolationistischer Rhetorik, die der Neocon-Politik einer Weltbeglückung durch Democracy Absage um Absage erteilte.

Bislang hat sich die Lage als solche gleichwohl nicht spürbar verschoben – wie ist Ihre Meinung dazu, gerade im Angesicht weltwirtschaftlicher Szenarien wie der Aufzehrung fossiler Brennstoffe, die das ganze Globalisierungsgefüge zusammenbrechen lassen könnten?

Die klassische und vielbeschworene Mittellage Deutschlands in einem sich zunehmend polarisierenden Europa in Rechnung gestellt – wie sähe ein Mittelweg zwischen Amerika und Rußland aus? Oder geht es nicht ohne eine von beiden Mächten? Oder doch China?

v. Waldstein: Voraussagen über konkrete politische Entwicklungen sind schon in nationalstaatlichen Rahmen schwierig; auf internationaler Ebene halte ich sie für schlicht unmöglich.

Eine seriöse Politikbeobachtung muß sich daher darauf beschränken, wichtige Tendenzen und entstehende neue Machtpotentiale so früh wie möglich zu erfassen und zu beschreiben.

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Nach meiner Überzeugung wird das Schicksal Europas und Deutschlands bis zur Mitte des 21. Jahrhunderts u.a. von zwei Faktoren wesentlich bestimmt werden: Von dem (weiteren) explosionsartigen Anstieg der afrikanischen Bevölkerung, die derzeit täglich (!) netto um ca. 110 000 Menschen wächst (1900: 200 Mio.; 2000: 1,2 Mrd.; und nach vorsichtigen Schätzungen: 2050: 2,5 Mrd.; 2100: 5 Mrd. = Wachstum um das 25fache in 200 Jahren).

Und außerdem von dem (weiter) wachsenden globalen Machtanspruch Asiens, insbesondere Chinas, und der damit verbundenen, allmählichen Auflösung der pax americana.

Hinsichtlich des ersten Themas haben die Europäer die Wahl, sich nach der ungarischen Blaupause vollständig gegen die in Gang befindliche und von den Feinden der europäischen Völker befeuerte Invasion aus Afrika abzuschotten oder unterzugehen. Ein Mittelweg ist nicht denkbar.

Bei dem zweiten Thema brauchen Sie nur einen Blick auf das Südchinesische Meer werfen, um zu sehen, wie sich die Chinesen dort nach und nach ihren geopolitischen Vorhof zurückholen. Manches spricht dafür, daß sich in diesen Jahren die Völkerrechtliche Großraumordnung mit Interventionsverbot für raumfremde Mächte herausbildet, die Carl Schmitt schon in seiner gleichnamigen Schrift im April 1939 skizziert hatte.

Eine solche Aufteilung des Globus in vier oder fünf solcher Großräume würde auch auf der Ebene der politischen Inhalte neuen, kleinteiligeren Konzepten jenseits von One-World-Ideologien den Weg bahnen.

Für Deutschland böte eine solche Neuordnung die Chance, sich des alten geopolitischen Widerlagers im Osten zurückzuerinnern und zusammen mit den Russen eine europäische Politik zu rekonstruieren, die sich von den transatlantischen Fesseln befreit hat und aus eigener Machtvollkommenheit für die Sicherheit des Kontinents Verantwortung trägt.

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Thor v. Waldstein: Die entfesselte Freiheit. Vorträge und Aufsätze wider die liberalistische Lagevergessenheit, Schnellroda 2017. 287 S., 22 € – hier einsehen und bestellen!

mardi, 07 novembre 2017

Redécouvrir et relire Proudhon avec Thibault Isabel

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Les Entretiens de Métamag :

Redécouvrir et relire Proudhon avec Thibault Isabel

Thibault Isabel
Docteur ès lettres, philosophe, rédacteur en chef de la revue Krisis et collaborateur d’Éléments

Interviewé par Michel Lhomme

Ex: https://metamag.fr

Juste avant l’été, le rédacteur en chef de Krisis, Thibaut Isabel faisait l’événement dans les milieux de la dissidence avec la publication de son livre sur Proudhon, Pierre Joseph Proudhon, l’anarchie sans désordre, préfacé par Michel Onfray et publié aux éditions Autrement. Le romancier Alain Santacreu l’avait recensé pour Métamag  et un colloque Krisis auquel nous vous avions conviés avait même été organisé à l’espace Moncassin dans le 15ème arrondissement.


Proudhon n’a jamais été aussi actuel et on attend avec impatience la sortie annoncée du prochain numéro de Nouvelle Ecole consacré à l’anarchiste français. C’était le moment opportun pour nous entretenir avec l’auteur Thibaut Isabel. Métamag.

Michel Lhomme : Votre dernier livre sur Pierre-Joseph Proudhon est sorti en juin. Pourriez-vous nous le présenter en quelques mots et surtout nous expliquer les raisons qui vous ont poussé à l’écrire ?

Thibaut Isabel : Depuis l’effondrement du communisme, le monde moderne vit dans l’idée qu’il n’existe plus d’alternative viable au libéralisme. « There is no alternative », disait déjà Margaret Thatcher. Or, nous oublions tout simplement que ces alternatives existent toujours, à condition d’en revenir au socialisme pré-marxiste, qui n’avait rien à voir avec le collectivisme stalinien. Proudhon offre une pensée contestataire à visage humain, incompatible avec le goulag et la dictature du prolétariat. Il nous permet ainsi de repenser le présent à la lueur des idéaux oubliés du passé. C’est pour cela qu’il est utile et qu’il nous faut absolument le relire.

proudhonYhIs.jpgProudhon est un autodidacte, il vient d’un milieu modeste et, toute sa vie, il devra travailler pour vivre. Il sera ouvrier, puis deviendra rapidement travailleur indépendant en gérant sa propre imprimerie. En quoi cela a-t-il influencé ses réflexions ?

Proudhon avait horreur du salariat. Il trouvait humiliant d’avoir à travailler pour un patron, de ne pas pouvoir conduire soi-même sa propre activité professionnelle. La vertu cardinale était à ses yeux la responsabilité, l’autonomie. Tout homme devrait être maître de ses actes et de sa destinée. C’est pourquoi le philosophe bisontin nourrissait un amour sans borne du travail indépendant. Toute sa doctrine économique et politique visait à rendre le travail plus libre, pour affranchir les individus de la domination des puissants.

Proudhon – penseur de l’équilibre – est une référence pour des intellectuels venus d’horizons très divers. En quoi peut-on dire qu’il est transcourant, non conforme ? Quelles furent ses influences ? Ses héritiers ?

Proudhon n’était ni capitaliste, ni communiste. Or, toute la pensée politique du XXe siècle a été structurée autour de cette opposition du capitalisme et du communisme. Dès lors, la pensée proudhonienne nous paraît aujourd’hui inclassable, puisqu’elle n’est pas réductible à un camp clair et bien défini sur l’axe droite-gauche tel que nous le concevons. La plupart des héritiers de Proudhon échappaient eux-mêmes à ce clivage, comme le montrent très bien les non-conformistes des années 1930, notamment les jeunes intellectuels personnalistes rassemblés à l’époque autour d’Alexandre Marc. Quant aux auteurs qui ont influencé Proudhon, il faudrait à vrai dire citer tous les pionniers du socialisme : Cabet, Owen, Leroux, Fourier, etc. Nous avons tendance à oublier qu’il existait alors une vaste nébuleuse d’intellectuels antilibéraux de grand talent, qui n’étaient pas stricto sensu communistes.

Longtemps après sa mort, l’écrivain catholique Georges Bernanos a pu dire de la civilisation moderne qu’elle était avant tout « une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Quel point de vue Proudhon portait-il sur la Modernité et la philosophie du Progrès ?

Proudhon défendait le progrès social, mais il ne croyait pas au Progrès linéaire de la civilisation. Il était même convaincu que le progressisme revêtait un caractère utopique et chimérique. C’est pourquoi il se disait simultanément partisan du progrès et de la conservation, parce que nous avons en réalité besoin des deux pour faire fructifier sainement toute société.

Proudhon a tenu des propos particulièrement virulents à l’encontre des institutions ecclésiastiques mais se montrait en parallèle très conservateur sur le plan des mœurs. Quel était son rapport à la question religieuse ? Et à la morale ? Était-il puritain ?

Proudhon était passionné par la religion. D’abord élevé dans le catholicisme par sa mère, il s’est affranchi progressivement de la mystique théiste pour s’orienter vers une sorte de panthéisme, sous l’influence notamment de la franc-maçonnerie traditionnelle (et non bien sûr de la franc-maçonnerie laïque). Proudhon se sentait très proche des vieilles cultures païennes, et il s’intéressait en particulier au taoïsme, voire à la religion amérindienne.

Sur la question des mœurs, il défendait des positions extrêmement rigides, que plus personne ou presque ne pourrait reprendre à son compte aujourd’hui, même dans les milieux catholiques traditionalistes. C’est à mon avis l’aspect de sa pensée qui a le plus vieilli. Il est en tout cas intéressant de constater que cet auteur, généralement considéré comme le pionnier de la gauche radicale en France, aurait objectivement été classé à l’extrême droite s’il avait vécu de nos jours, en défendant les idées morales qui étaient les siennes à l’époque.

D’ailleurs, dans De la justice dans la révolution et dans l’Église, puis dans La Pornocratie (paru incomplet et posthume), Proudhon peut bien être considéré comme misogyne. Alors, sa vision de la Femme et sa critique de la féminisation de la société sont-elles intrinsèques à ses réflexions économiques et politiques ?

Non, très franchement, je ne le pense pas. Les propos de Proudhon sur les femmes, quoi qu’effectivement assez lamentables de mon point de vue, n’ont pas eu d’incidence sur sa pensée philosophique profonde. J’irais même jusqu’à dire qu’il n’a pas réussi à étendre les principes de sa philosophie à la question des sexes, ce qui lui aurait permis de préfigurer l’idée d’« équité dans la différence », chère à bien des féministes différentialistes contemporaines. Proudhon en était resté à l’infériorité constitutive des femmes, qu’il ne nuançait que dans de rares développements de ses livres. Il restait en cela fidèle à la vision extrêmement patriarcale de la bourgeoisie industrielle.

Les réflexions proudhoniennes sur la propriété sont aujourd’hui particulièrement galvaudées et, d’ailleurs, on ne cite très souvent Proudhon en terminale que pour son rejet de la propriété privée. Pourriez-vous donc nous éclairer un peu plus sur sa fameuse phrase « La propriété c’est le vol » ?

Proudhon était au fond un défenseur acharné de la petite propriété privée, qui lui semblait constituer un frein au développement du grand capital. Quand Proudhon affirme que « la propriété c’est le vol », il dénonce seulement l’accumulation du capital, c’est-à-dire le fait que les petits propriétaires indépendants soient peu à peu remplacés par de grands propriétaires capitalistes. Je reconnais que les premières œuvres de Proudhon restaient quelque peu ambigües sur cette distinction, mais les dernières œuvres rectifieront le tir d’une manière tout à fait explicite.

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On dit Proudhon socialiste, anarchiste, vous parlez d”’une anarchie sans désordre” mais peut-on également le considérer comme un précurseur de la Décroissance ou un écologiste ?

Au sens propre, non, car, au XIXe siècle, il n’y avait guère de sens à réclamer davantage de frugalité pour lutter contre la dévastation écologique, dont les effets n’étaient pas aussi visibles qu’aujourd’hui. En revanche, Proudhon a incontestablement été l’un des grands précurseurs de la décroissance par sa philosophie générale. Il remettait en cause l’accumulation de richesses pour elle-même et privilégiait le qualitatif au quantitatif. On trouve également chez lui un rapport à la nature quasi-religieux. En comparaison des écologistes actuels, je dirais qu’il était moins conscient des dangers de l’industrie que nous ne le sommes, mais qu’il avait anticipé la critique de la société de consommation.

La Commune de Paris, survenue quelques années après sa mort, peut-elle être vue comme une tentative (consciente ou inconsciente) de mise en pratique de certaines de ses idées ?

Assurément, d’autant que la majeure partie des communards étaient proudhoniens ! N’oublions pas que, jusqu’à cette époque, Proudhon était beaucoup plus célèbre que Marx… En revanche, la défaite de la Commune va mettre un coup d’arrêt à l’expansion du proudhonisme en France : beaucoup de proudhoniens perdront d’ailleurs la vie au cours des événements de cette période, ou s’exileront à l’étranger. Je sais d’ailleurs que vous avez vous-même beaucoup travaillé sur l’influence de Proudhon en Amérique latine, par exemple. Mais c’est sans doute en Russie que Proudhon aura l’influence la plus profonde et la plus pérenne, notamment sur les intellectuels populistes (Herzen, Tchernychevski, etc.).

Proudhon fut député socialiste et affirma qu’« il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle l’Assemblée Nationale pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent ». Cette phrase est pour le moins assassine ! Quelle était sa vision générale de la Démocratie et de la Politique ?

Proudhon n’aimait guère la démocratie parlementaire, qu’il jugeait technocratique et potentiellement dictatoriale. Il n’aurait eu aucun goût pour les « présidents jupitériens », j’imagine. Proudhon défendait plutôt les démocraties locales et décentralisées, où le peuple s’exprime d’une manière beaucoup plus directe et participe au pouvoir.

Proudhon considérait que la France est « le pays du juste milieu et de la stabilité… en dépit de son esprit frondeur, de son goût pour les nouveautés et de son indiscipline » et qu’en chaque français sommeille « un conservateur doublé d’un révolutionnaire ». Quel rapport Proudhon, fier franc-comtois, défenseur du fédéralisme et du principe de subsidiarité, entretenait-il à la Nation française et à l’État français, voire au conservatisme et à la Tradition ?

Proudhon n’aimait pas beaucoup la France, qu’il associait au jacobinisme, à la centralisation et au mépris des particularismes locaux. Il était plutôt régionaliste. Mais son fédéralisme impliquait la coexistence de différentes échelles de pouvoir, où la France aurait pu servir de strate intermédiaire entre la région et l’Europe. Proudhon estimait que la nationalité française était une abstraction et qu’elle ne correspondait à aucune patrie charnelle. Seules les régions avaient réellement grâce à ses yeux, parce qu’elles sont plus proches de l’homme. Le terroir, c’est ce qui nous entoure de manière immédiate et façonne concrètement notre manière de voir le monde.

On peut tout à fait considérer que Proudhon était conservateur. L’hostilité à l’État bureaucratique et la défense des corps intermédiaires se retrouvait en des termes très proches chez des auteurs comme Burke, Tocqueville ou Burckhardt, qui ont compté parmi les chefs de file de la tradition conservatrice. Proudhon estimait que le progrès allait de pair avec la conservation : prétendre progresser sans rien conserver de ce qui mérite de l’être serait une grave erreur. On ne doit pas faire table rase du passé. Dire que Proudhon était un tenant de la Tradition serait en revanche excessif. Ses positions spirituelles le rapprochaient des religions anciennes, du christianisme hérétique et de certains aspects de l’ésotérisme, mais il n’en avait qu’une connaissance très parcellaire.

Quels conseils de lecture donneriez-vous à un jeune militant ? Quels sont les œuvres à lire en priorité de Pierre Joseph Proudhon ?

C’est assez difficile à dire. Proudhon écrivait beaucoup, et il avait la fâcheuse habitude de diluer sa pensée dans d’interminables digressions qui ont parfois mal résisté à l’épreuve du temps. Ses derniers livres sont à mon avis les meilleurs, et les plus synthétiques. Je recommanderais donc surtout Du principe fédératif, qui condense ses principales réflexions politiques autour de la démocratie.

Dans son livre sur la Justice, Proudhon adopte un ton kantien dans ses analyses (la justice comme respect d’autrui et égalité fondamentale) et cela nous rappelle beaucoup la théorie contemporaine de la Justice de John Rawls. On sait qu’à John Rawls vont répondre les communautariens américains et canadiens des années 1970-1980. Or, ne décèle-t-on pas chez Proudhon cette même tension, mais ici réunie dans la même œuvre, entre l’idéal de Justice et le Bien commun ? Est-ce le principe fédératif qui est appelé à résoudre cette tension de manière politique ou les communautés autonomes ? Et quelles communautés ? Sur quelles identités se fonderont-elles à l’avenir ?

Dans la première partie de sa vie, Proudhon est resté enferré dans une conception déontologique de la Justice qui devait en effet beaucoup à Kant, ne serait-ce qu’indirectement. Il épousera aussi brièvement une vision du monde positiviste, sous l’influence de Saint-Simon et de Comte. Mais il s’en dégagera au profit d’une perspective qu’on pourrait qualifier de pragmatiste, et même de pré-nietzschéenne par moments. Son livre sur la Justice est le témoin de cette phase de transition.

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Le dernier Proudhon aurait à mon avis clairement penché en faveur de la pensée communautarienne défendue par Charles Taylor, Michael Sandel et Alasdair MacIntyre (et non en faveur de John Rawls). Sa remise en cause du contrat social individualiste devient d’ailleurs patente vers la fin de sa vie, même s’il restera toujours sensible à la défense des libertés individuelles contre l’oppression communautaire. Proudhon considère en définitive que l’individu et le groupe doivent s’équilibrer : la communauté ne doit pas opprimer les personnes singulières, mais les individus ne doivent pas non plus se retrancher de la collectivité. L’ensemble de notre vie politique et sociale gagnerait en d’autres termes à s’inscrire dans un processus fédéral : l’homme est ouvert à ses communautés, et les communautés sont ouvertes à la fédération. Au lieu de mettre l’accent sur un pouvoir technocratique centralisé, comme dans l’Union européenne du XXIe siècle, on laissera l’essentiel des prérogatives aux pouvoirs communaux. Pour autant, le fédéralisme établira un lien national et continental entre les différentes communes, afin d’assurer l’alliance de l’Un et du Multiple.
En matière d’identité, enfin, le philosophe défendait les identités concrètes contre les identités abstraites. Cela signifie qu’il accordait la prééminence au local contre le global. La nation, à ses yeux, n’était qu’une première étape vers un processus de globalisation plus large. C’est en ce sens que Proudhon était anti-nationaliste et favorable aux régions. Le cœur du pouvoir mérite de rester entre les mains des citoyens. Seule la commune peut y pourvoir.

Thibaut Isabel, Pierre-Joseph Proudhon, l’anarchie sans le désordre, préface de Michel Onfray, Autrement Paris 2017, 18,50.

Thibault Isabel: Proudhon l'anarchiste, penseur pour 2017?

La plupart des institutions politiques et médiatiques semblent se mettre En Marche ! C'est ce contexte étrange qui pourrait servir une idéologie jusque-là marginale mais qui pourrait de nouveau faire parler d'elle. Nous avons reçu Thibault Isabel, Rédacteur-en-chef de la revue Krisis et auteur de l'essai 'Proudhon, l'anarchie dans le désordre' (Autrement, 2017)
 

mercredi, 01 novembre 2017

Aux riches les quartiers non-islamisés, aux misérables les favelas de l’intégrisme...

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Aux riches les quartiers non-islamisés, aux misérables les favelas de l’intégrisme...

Propos recueillis par Gabriel Robin

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alexandre Mendel à Gabriel Robin, pour L'Incorrect, à l'occasion de la sortie de son enquête intitulée Partition (Toucan, 2017) et consacrée à l'islamisation de certaines parties du territoire français.

Alexandre Mendel : « Aux riches les quartiers non-islamisés, aux misérables les favelas de l’intégrisme »

Alexandre-Mendel-Partition-230x350.jpgChronique de terrain, Partition (L’Artilleur) décrit l’émergence de frontières invisibles qui divisent le territoire, géographiquement et culturellement. À défaut d’avoir su protéger la France des conséquences les plus dangereuses de l’émergence d’un islam dur, dont le corolaire est le terrorisme islamiste, nous sommes présentement rendus à observer le pourrissement du pays, et sommes suspects d’islamophobie au moindre sourcil écarquillé. Son auteur, Alexandre Mendel a bien voulu répondre à nos questions.

Dans La France Djihadiste (Ring), vous vous étiez intéressé aux djihadistes de nationalité française et aux binationaux, partis en Syrie et en Irak. Pour Partition (L’Artilleur), vous semblez avoir changé de curseur, focalisant vos recherches sur l’islam du quotidien… 

Je suis un reporter à l’ancienne, formé au terrain. Je vais sur place, je constate, j’enregistre et je relate. Et ce que je vois n’est pas rassurant. C’est même effrayant. Pas de terrorisme sur le sol français sans compromission avec l’islam pur et dur du quotidien. C’est aussi simple que ça. Pour Partition, j’ai recensé les faits du quotidien, comme vous le notez : comportements au travail, en couple, à l’école, etc. Tous nos renoncements réguliers à l’égard d’une idéologie conquérante montrent à quel point nous sommes déjà défaits par un ennemi qui se réjouit de nous voir plier aussi facilement. Parce que sans cet islam revendicatif, qui maîtrise parfaitement les codes de la victimisation et du communautarisme identitaire, il n’y aurait tout simplement pas de terrorisme. J’en suis persuadé. Autrement dit, sans ces démonstrations de force, pas de force tout court. 

Il est commun d’imaginer qu’une certaine jeunesse, souvent issue des quartiers de l’immigration, ne lirait pas. Pourtant, on apprend dans Partition que les librairies islamiques, que vous surnommez « cavernes de la haine », ont pignon sur rue. Quelle littérature y trouve-t-on ?

Vous avez raison d’insister sur le boom de ces librairies. Je répète : nous sommes donc dans un pays prétendument en guerre, avec un ennemi qui, comme dans tout conflit, produit une propagande abondante. Point n’est besoin d’aller lire Dabiq, le magazine de l’Etat islamique sur internet. Il y a quantité d’autres livres qui sont certes moins crus en terme de vocabulaire ou d’iconographie mais qui disent la même chose : il faut tuer les mécréants, les Juifs et leurs alliés, coupables de tous les maux… Le summum étant de tuer des Juifs ! Ça, c’est la version hard de cette littérature, souvent fabriquée de A à Z en Arabie Saoudite ou au Qatar et distribuée par des officines qui ont pignon sur rue en France – et qui intéressent évidemment au plus haut point les renseignements. Mais prenons le soft. Ces manuels qui donnent, par exemple, des conseils aux jeunes femmes pour « mieux vivre leur polygamie ». Ou, encore, ces ouvrages qui incitent les fidèles musulmans à rejeter le mode de vie à l’occidentale en son entier pour ne pas tomber dans ce qu’ils appellent le « délit d’association » : c’est-à-dire l’imitation des infidèles. D’un côté, des Occidentaux qui ne lisent guère plus. De l’autre, des musulmans, souvent jeunes, qui veulent apprendre à vivre comme au temps du prophète.

Vous évoquez une « partition générationnelle », opposant les premières générations d’immigrés de confession musulmane à leurs enfants et petits-enfants, souvent plus religieux, nourrissant un ressentiment important à l’égard de la France. Comment l’expliquez-vous ? 

Avec le regroupement familial et l’idée que l’installation de populations immigrées en France était durable, la population musulmane est devenue, de fait, plus importante. Donc, plus puissante. Il a fallu construire des mosquées. Embaucher des imams à tour de bras, souvent formés à l’étranger, notamment, désormais, chez les Saoudiens. C’est là qu’on leur a expliqué qu’il ne fallait pas singer l’Occident. Que leurs pères, ouvriers qui se défonçaient au travail et qui se promenaient, le week-end, en costume-cravate n’avaient rien compris ! Ajoutez à cela la victimisation permanente opérée par exemple par SOS Racisme et l’intelligentsia gauchiste des années 1980 et vous avez la jeune génération ! J’ai entendu des jeunes confesser avoir « honte de leurs parents », les traiter de « mauvais musulmans ». Les imams ont raflé la mise. Ils leur ont rendu la fierté de leur islam. Qui se plaignait dans les années 1970 ou 1980 d’islamophobie ? Personne ! Qui s’en plaint aujourd’hui ? Tout le monde ! 

Vous expliquez dans Partition que les bobos sont « les idiots utiles du panislamisme ». J’ai envie de vous contredire. Plus personne ne peut ignorer les changements que la France subit. Ils sont visibles : des victimes du terrorisme aux conversions de Français d’origine européenne, en passant par la multiplication des tenues islamiques… Ces bobos ne seraient-ils pas effrayés par les mesures à prendre ?

Eh bien, s’ils sont effrayés par lesdites mesures à prendre, c’est bien que ce sont les idiots utiles de l’islamisme, non ? Le bobo qui vit loin des problèmes de ces “cons“ de Français qui se les coltinent en permanence peut, depuis ses appartements chics parisiens, entre deux verres de spritz et deux balades en Vélib, adresser des leçons de morale et de tolérance à la face de ceux qui osent encore se plaindre : ils ne vivent pas les problèmes des cités.  
Nous vivons une période incroyable de partition. Aux riches les quartiers non-islamisés ! Aux misérables les favelas de l’intégrisme. Les premiers regardent avec dégoût et condescendance les seconds, trop pauvres pour échapper au quotidien des enclaves islamistes.       
Quant aux convertis, c’est différent. Pour ces néophytes de l’islam, il leur semble souvent naturel d’adopter les us, coutumes et religion de la majorité environnante. Vous savez, quand tout un immeuble ne fête plus Noël, vous finissez par vous dire, qu’après tout, le Ramadan, ce n’est pas si mal que ça pour se faire des amis. Et en plus, ça dure plus longtemps ! La vérité est qu’on vit, à travers ces fidèles d’un nouveau genre, un phénomène d’intégration à l’envers. 

Récemment, France Télévisions s’est appuyé sur une étude du Collectif contre l’islamophobie en France pour réaliser une vidéo contre l’islamophobie. Au fond, ce concept, tendant à psychiatriser les critiques faites à une religion, y compris quand elles seraient rationnelles, ne serait-il pas la meilleure arme des islamistes ? 

La victimisation est une l’arme de destruction massive de toute espèce d’argumentation ou de débat. Car la victime a toujours raison. C’est le principe. Au fond, que cherche à faire le CCIF ? Fabriquer une armée de victimes – des martyres à peu de frais en quelque sorte  – à des fins de propagande. Plus on aura de victimes, plus on désignera des islamophobes – et inversement plus on désignera d’islamophobes et plus on fabriquera de victimes. C’est un système gagnant-gagnant. Et il est incroyablement bien ficelé. J’ai rencontré des salafistes qui ont osé me dire qu’ils étaient les « nouveaux Juifs des années 1930 ». Pour eux, la critique de l’islam, du Coran, l’interdiction du niqab ou les caricatures du prophète sont leur Holocauste ! Ils n’ont pas honte : ça marche…

Je vois deux facteurs principaux à la montée de l’islamisme en France et en Europe : l’immigration de masse associée à une névrose de l’Occident contemporain, l’ethnomasochisme. Y souscrivez-vous ?

Il est évident qu’en accueillant davantage de musulmans, vous avez plus de risques de compter parmi eux des islamistes. C’est logique. Je voudrais être clair à ce sujet : il ne s’agit pas de pointer du doigt les immigrés. Ce serait injuste et caricatural. En revanche, il faut se montrer intraitable : aucun accommodement ne doit être toléré. S’ils ne se sentent pas bien en France, ils peuvent tout à fait accomplir leur hijra. J’en parle dans Partition : ils sont nombreux à faire la démarche de repartir en terre d’islam. J’ai envie de vous dire : tant mieux ! Bon débarras !         
Quant à l’ethnomasochisme… Mais on revient, là encore, à la culpabilité perpétuelle de l’homme blanc, de tradition judéo-chrétienne. En outre, il est désigné coupable depuis les années 1980 au travers d’associations antiracistes, il l’est désormais au travers d’associations “anti-islamophobes“. Et bat sa coulpe plutôt que de se protéger. Comme un malade en phase terminale qui se met à délirer.

Revenons au titre de votre ouvrage, Partition. Vous avez emprunté l’expression à François Hollande, telle que rapportée dans Un Président ne devrait pas dire ça (Stock), étonnant livre de confidences. Inquiet, sinon pris de remords, François Hollande se demandait comment « éviter la partition ». D’une manière un peu provocatrice, je serais tenté de vous demander : est-ce toujours possible ?

Incroyable, cet aveu ! Venant d’un président socialiste, en plus ! Il a été peu critiqué à ce sujet, y compris par la gauche, car la partition est un fait acquis chez les politiques, au moins inconsciemment. Et c’est surtout une réalité pour des millions de gens. Donc, il ne s’agit pas d’éviter la sécession. Elle est là. Il s’agit éventuellement de freiner sa progression. Voire de reconquérir certaines zones. Mais je m’interroge. Ira-t-on mourir pour récupérer La Reynerie, à Toulouse, ou La Courneuve ? En 2017 ? Je ne le crois pas. Cette partition est durable. On stabilisera peut-être les zones acquises à la charia et à l’intimidation islamique. Mais ce n’est pas sûr. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que les salafistes sont stupéfaits de notre nullité. Ils font face à un ennemi qui laisse faire. Qui a signé cet armistice qui ne dit pas son nom. Or, cette paix sociale a fait depuis 2015 des centaines de morts.

Alexandre Mendel, propos recueillis par Gabriel Robin (L'Incorrect, 20 octobre 2017).

mardi, 31 octobre 2017

Entrevista a don Serafín Fanjul

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Entrevista a don Serafín Fanjul

El Catoblepas

Ex: http://www.nodulo.org

El catedrático de Literatura Árabe de la UAM responde a las preguntas que le formula El Catoblepas sobre el islamismo y España

Serafín Fanjul es Catedrático de Literatura Árabe en la Universidad Autónoma de Madrid, autor de Al-Andalus contra España. La forja de un mito (Siglo XXI, 2000), así como de diversos estudios literarios (Literatura popular árabe, Canciones populares árabes, El mawwal egipcio) y de varias traducciones de obras cimeras de la literatura árabe (Libro de los avaros de al-Yahiz, A través del Islam de Ibn Batuta, Maqamas de al-Hamadani o Descripción general del África de Juan León Africano); también ha publicado un libro de relatos breves (El retorno de Xan Furabolos) y dos novelas (Los de Chile y Habanera de Alberto García). Ha participado, con una ponencia titulada «Al-Andalus, punta de lanza», en los Segundos Encuentros de «Filosofía crítica del presente» que, con el título de Guerra y Globalización, organizó Nódulo materialista en Madrid los días 15 y 16 de Marzo de 2004. Con ocasión de esta participación le fue solicitada una entrevista que concedió gustosamente, y que El Catoblepas publica a continuación. Vaya nuestro agradecimiento pues al Profesor Fanjul por su generosa contribución.

Usted es Catedrático de Literatura Árabe por la Universidad Autónoma de Madrid: ¿se considera usted un «arabista»? ¿Podría elaborar una breve historia de su disciplina en España, o por lo menos mencionar aquellos hitos que la jalonen, así como indicar, si existen, las diferencias entre su institucionalización en España respecto a su institucionalización en el resto de Europa? ¿A quién o quiénes consideraría usted como sus «maestros»?

fanjullibro.jpgLo de ser o no un «arabista» es una cuestión de perspectiva y de lo que queramos indicar con la palabra. En la actualidad, cualquier licenciado al que un periódico encarga un comentario ya se considera tal y arabista era don Emilio García Gómez que dedicó toda su larga vida a los estudios árabes. Si no se utiliza como una condecoración o signo distintivo especialísimo, sino como lo que debe ser, una mera descripción, sí creo que soy bastante arabista, aunque no le otorgue mayor importancia a esta clase de catalogaciones. Sí rechazo algo que se está haciendo mucho ahora y es afirmar «los arabistas dicen esto o aquello» sobre el tema que sea. Ni hay opiniones unánimes ni es deseable que las haya. Bien es cierto que no faltan quienes pretenden pastorearnos de un modo más bien ridículo enviándonos –sobre todo por emilio– comunicados, condenas y declaraciones retóricas contra Israel, Estados Unidos o José Mª Aznar para que manifestemos nuestra fervorosa adhesión a las tonterías que se les ocurren, tonterías –además– nada inocentes ni desinteresadas.

Elaborar una historia del arabismo español requiere demasiado espacio. Remito a los trabajos de Manuela Manzanares (Instituto Hispano-Arabe de Cultura, Madrid 1971) y de James T. Monroe y al articulito de Bernabé López (Revista Awraq, vol XI, 1990, Instituto de Cooperación con el Mundo Arabe), aunque éste último adolece de una ideologización muy del gusto progre del momento, muy correcto políticamente. También puede verse el artículo de Miguel Cruz Hernández «Los estudios islamológicos en España en los siglos XIX y XX» (Actas del VII Seminario de Historia de la Filosofía Española e Iberoamericana).

El orientalismo y el arabismo europeos nacieron a principios del XIX como consecuencia de la acción colonial de las potencias europeas sobre el norte de Africa y el Oriente Próximo. Es normal que así fuera: mejor conocer para mejor dominar. Por suerte los científicos, meros aficionados en los inicios, terminaron por valorar y dar vida propia a las materias que estaban estudiando (Filología, Arqueología, Historia, Literatura, Antropología, Etnografía, &c.) y desarrollaron, en líneas generales, una labor muy honrada y muy útil de salvamento, edición, difusión de infinidad de materiales de todo tipo. Algo que los árabes no han apreciado ni agradecido. Muy al contrario, pensaban –y piensan– que aquel esfuerzo no tenía más objetivo que perjudicarles, lo cual es una distorsión lamentabilísima. Yo mismo he señalado más arriba que las directrices originales marchaban por esa vía, en exceso teórica. La realidad desbordó las previsiones y creo que la inmensa mayoría de los profesionales ha trabajado –y trabaja– por puro amor al conocimiento y a descubrir mundos insospechados. A muchos árabes, no a todos, esto no les cabe en la cabeza y se equivocan. Las Mil y Una Noches nunca han sido valoradas por la sociedad culta árabe y se salvaron por el empeño de Galland, un cónsul francés, y por la buena acogida que tuvieron en Europa. Bien es cierto que difunde una imagen de la sociedad árabe demasiado fabulosa, de cuento, como lo que son. Y así hay que entenderlas, no como un trasunto verídico de la sociedad, aunque algo tengan de eso.

En España el arabismo, cuya necesidad ya se había intuido en tiempos de Carlos III con la iniciación de la catalogación de los manuscritos de El Escorial por el sacerdote libanés Cassiri, no surge hasta bien entrado el siglo XIX con los primeros trabajos de Gayangos (a Conde no sé si se le puede tomar muy en serio) y después de Simonet y Codera. En medio hay unos cuantos nombres que podrían clasificarse, según la expresión de García Gómez, de anfibios. Aquí había una peculiaridad que se podía explotar distinta de los móviles europeos: la existencia en la Península de un islam local en tiempos pretéritos. Así,se enfocó todo durante muchos años a los estudios andalusíes, lo cual es lógico y bueno. Quizá el error consista en ceñirse sólo y exclusivamente a ese capítulo. Sin embargo, a partir de los años sesenta del siglo XX, la multiplicación de especialistas y la extensión de los estudios árabes en el plano administrativo facilitó la apertura de otras vías de trabajo. Bienvenidas sean. Todas.

Indirectamente, soy discípulo de don Emilio García Gómez aunque nunca me dio clases por encontrarse desempeñando una función de embajador mientras yo estudiaba. A don Elías Téres Sádaba lo recuerdo con mucho afecto y respeto por su gran calidad profesional y su honradez intelectual y humana, me ayudó de forma muy desinteresada y sin pretender ejercer cacicato de ningún género sobre mí, algo excepcional en nuestra Universidad. Por lo demás, hube de dar muchos palos de ciego para aprender cosas que deberían haberme enseñado mis supuestos mentores del tiempo. Yo elegí mis temas de estudio y los fui modificando en función de las posibilidades reales y concretas que tenía, viviendo en Madrid en los años setenta y ochenta, pero siempre con una idea muy clara: sin independencia no vale la pena ser arabista ni nada. Y eso no se perdona.

Un argumento muy común, usado para resaltar la importancia del denominado legado andalusí en España, es la existencia de un vocabulario de raíz arábiga en el español, caso de palabras tales como algarabía, alcázar, &c. Lo mismo ocurre con otros componentes culturales... Según lo entiende usted, ¿qué hay de realidad y de imaginario en esta influencia?

Este del léxico es un argumento típico y tópico de gentes que no saben ni árabe ni lingüística. Cifrar el «legado andalusí» en el vocabulario de origen árabe es desconocer que 1.º) el léxico es el elemento que más fluctúa y cambia en toda lengua; 2.º) el hecho de que una palabra sea de origen árabe ni siquiera implica que el objeto que designa lo sea (el caso de aceituna es paradigmático y que, por cierto, coexiste con el doblete «oliva» en la misma Andalucía); 3.º) Es normal que determinadas técnicas agrícolas, médicas o de construcción en la Edad Media se sirvieran de léxico árabe por la importancia que en su desempeño tuvo entonces la comunidad musulmana o hispanoárabe; 4.º) El peso de ese léxico está en declive constante desde el siglo XIII (en el cual, ver los estudios de Sola y Neuvonen, era el 0,4% de los textos conservados; en Cervantes es el 0,5%); 5.º) De las 4.000 voces de etimología árabe, en la actualidad no creo que se utilice, en el español vivo, ni el 10%; 6.º) No hay léxico de etimología árabe en la vida espiritual, se circunscribe a cuestiones muy materiales; 7.º) El afrancesamiento de la sociedad española no procede de que digamos batalla, centinela, bayoneta o jardín, sino de que hayamos asumido y adoptado los modos de comportamiento, la extensión social de la conducta de la sociedad «francesa» o, más bien, europea y occidental de los siglos XIX y XX.

Sea como fuera el concepto de «legado» indicaría que los españoles actuales recibimos en herencia la «cultura andalusí», estando obligados, por tanto, a conservarla como tales herederos suyos. Sin embargo, cuando se habla de la influencia griega y romana, no se habla en estos términos. ¿Somos herederos, tenemos tal «responsabilidad»?

No creo que debamos convertir en un programa la conservación de tal o cual cultura. Eso es negar el concepto mismo de cultura, meterla en un pozo al que echamos agua a diario para que no se mustie. No hace falta estar diciendo a todas horas que pertenecemos a la cultura neolatina, sencillamente porque eso es así. Mal asunto es que haya que «defender « una cultura con vallas y cortafuegos y trincheras y comisarios. Eso están haciendo los separatistas de distintos pelajes con el resultado de un empobrecimiento cultural de sus propias sociedades: peor para ellos y para sus «países». Otra cosa es que nos abrumen con falsificaciones que intentan suplantar a la realidad, caso de las «raíces árabes» de Andalucía y, si nos descuidamos, de toda España. Me da risa, por lo esperpéntico, cuando leo a un señor de La Coruña afirmar que somos moros, incluido él. A estos extremos lleva el dejarse arrastrar por tópicos y modas del momento, para caer bien, estar al día, no desentonar

Usted ha escrito una serie de obras, Al-Andalus frente a España y La quimera de al-Andalus, las más conocidas, criticando el mito que representa Al-Andalus como una convivencia armoniosa y tolerante entre culturas. Se dice que el gato fue «creado» para que el hombre pudiese acariciar un león: ¿podría decirse que el mito de al-Andalus nace, en el XIX, como una especie de Oriente inofensivo, para solaz y recreo de los «intelectuales y artistas» europeos? ¿Es el llamado «legado andalusí» nuestro caballo de Troya?

Esa idea del Oriente inofensivo personificado en al-Andalus (edulcorado, embellecido) es buena. García Gómez tiene un párrafo –que cito en La Quimera de al-Andalus– que va por ese camino. No quiero hacer caricatura de don Emilio, pero en el fondo lo reconoce y él mismo se recreó, para su uso particular, una historia y una literatura de al-Andalus muy limada y capada de asperezas. Al-Andalus, como todas las sociedades medievales, fue brutalísimo e insufrible para nuestros actuales conceptos de vida. Será «caballo de Troya» si se lo permitimos a los mixtificadores que, en realidad, son pocos. Aunque les sigue una caterva de escritores, periodistas y políticos que no saben de lo que hablan.

Hay obras, como la de Olagüe, que niegan el que la España visigoda haya sido «conquistada» por los musulmanes, sino que más bien fue el descontento de la población hispano-romana con los visigodos dirigentes lo que dio lugar a la presencia de los musulmanes en la Península. Según se sostiene desde estas posiciones, la «conquista» del 711 es un invento retrospectivo para justificar la «Reconquista»: ¿cómo ve este asunto?

Lo de Olagüe es una majadería que no se puede tomar en serio.

En La quimera de al-Andalus dedica un capítulo a Los Moriscos y América, así se titula. Usted ha escrito una novela, Los de Chile (Libertarias/Prodhufi, 1994), de tema americano. ¿Qué hay de presencia morisca en la conquista americana?

fanjulandalus.jpgNo voy a exponer aquí el contenido de ese capítulo dedicado a los moriscos en América: es excesivamente largo. Pero sí puedo aclarar que mis conclusiones, después de dos años de trabajo (para un solo capítulo) son difíciles de modificar. La presencia de moriscos es irrelevante, aunque las comunidades árabes de América y los siempre temibles divulgadores se apliquen a repetir lo contrario por tierra, mar y aire. Sin probar nada, claro. Como «se sabe que fue así» no hay que demostrar nada.

En uno de sus Episodios Nacionales, Benito Pérez Galdós narra la vida de un español convertido al judaísmo en la ciudad marroquí de Tetuán, hacia el año 1859. Este español, en tanto que judío, es siervo de un musulmán y recibe un trato análogo al que podríamos dispensar a un animal doméstico o de compañía. ¿Este trato, según lo describe Galdós, que los musulmanes otorgan a los judíos es pura literatura o es algo que se puede constatar históricamente? En su último libro, La quimera de al-Andalus, da una pinceladas acerca de la trayectoria de Maimónides en este sentido: ¿podría recordarlas aquí?

El trato recibido por los judíos en la sociedad de predominio islámico es malo y el hecho, innegable, de que en la sociedad europea cristiana medieval fuese peor en muchos momentos, no lo convierte en bueno. Sobre esto recomiendo leer el libro de Bernard Lewis «Los judíos del islam», que además de maravillosamente documentado, es una obra ponderada y muy objetiva. Las persecuciones abundaron, el trato sistemático vejatorio, también. Maimónides es un ejemplo –muy utilizado por los propagandistas de Las Tres Culturas, paradójicamente como prueba de convivencia– de intelectual coaccionado, forzado a emigrar, a hacerse musulmán y finalmente procesado por haber vuelto al judaísmo. Yo no sé de qué hablan quienes esgrimen su caso como muestra de tolerancia islámica. No sé si es ignorancia o cara dura, o las dos cosas.

En uno de los capítulos de su último libro habla de la visión que de al-Andalus se hace en las escuelas de países como Túnez y Siria. ¿Cómo se interpreta desde la instrucción pública marroquí?

Con menos virulencia que en países inmersos en el nacionalismo chovinista como es el caso de Siria o Iraq pero también con exageración del carácter paradisíaco y de la usurpación que los «cristianos» perpetramos.

Uno de los casos más notorios y polémicos de la inadaptación del Islam a las sociedades laicas del presente es el del chador, pañuelo que obligatoriamente llevan las mujeres árabes cubriendo su cabeza. Muchos grupos han hablado de intolerancia por la reciente prohibición de esta prenda en Francia. Otros, apelando al pasado inmediato, señalan que en Francia se pasó con gran facilidad del chador a la ablación del clítoris. ¿Qué representa realmente el chador dentro de la moral islámica?, ¿hasta dónde llega su «obligatoriedad» en las sociedades musulmanas?

El hiyab –que no chador, que es persa– se considera piadoso y como sucede con toda posibilidad acaba convirtiéndose en obligación por parte de los más rigoristas y estos suelen trazar las líneas de conducta general en sociedades sometidas por el miedo, como es el caso de las muy numerosas comunidades de inmigrantes que han formado guetos muy cerrados en Francia y en España estamos en vías de conseguir que formen, dada la inhibición y apatía de los poderes públicos. La ablación es otro asunto y no todos los árabes, ni menos aun todos los musulmanes, la practican. Por fortuna, porque de lo contrario veríamos a las feministas multiculturalistas defendiéndola como algo excelente y prueba de la liberación de la mujer en el Tercer Mundo. Por desgracia no estoy exagerando. Eso hacen con respecto al «hiyab» cuando, de hecho, es una muestra de sumisión y obediencia a su dueño (padre, marido, hermano, tío): sus encantos sólo pueden verlos estos familiares. Y los servidores eunucos, está buena la observación. La ablación es una costumbre ancestral del Valle del Nilo y en él se practica desde tiempos faraónicos. Se ha extendido al Africa Negra, pero no es un ritual islámico. Sin embargo, el islam oficial, el que manda, en Egipto se aferra a ella como medio de control de las mujeres. El gran Shej de al-Azhar (en El Cairo) la defendía con argumentos como amenazar con el sida a las mujeres que se libraran de ella, es decir que lo contraerían y contagiarían a sus maridos, o sea condena de soltería perpetua. Casi ná.

Solemos comprobar que, cuando un grupo radical islámico comete un atentado, lo realiza por medio de la inmolación de un suicida, ya sea cargado de explosivos, o pilotando un vehículo, avión, &c. Este comportamiento es impensable en una sociedad cristiana, en la que vemos como carente de sentido el matarse uno mismo. De hecho, grupos terroristas como ETA jamás han practicado este tipo de atentados suicidas. ¿Es el fenómeno de la inmolación algo inherente a la sociedad islámica o puede considerarse una mera contingencia o, más bien, una necesidad provocada por su «desesperación», como señalan los defensores de grupos como el palestino?

El suicidio como método de acción terrorista no es inherente al islam, aunque históricamente lo practicaran los asesinos de Persia y Siria en sus atentados políticos, pues se daba por segura la muerte del terrorista. El convencimiento de ir al Cielo facilita mucho tal burrada. Los círculos oficiales islámicos dicen condenarlo pero la realidad es que no hacen nada por impedirlo. Y su actitud –y actuación– sería determinante.

El Islam: ¿«sometimiento»?, ¿«paz»?, ¿las dos cosas?... La yihad: ¿esfuerzo?, ¿guerra santa?, ¿las dos cosas?...

fanjulquimera.jpg«Islam» en árabe significa «sumisión». Pertenece a la misma raíz verbal de «paz», pero significa sumisión. Contar otra cosa es salirse por peteneras. «Yihad» significa, sobre todo y antes que nada, «guerra santa o combate por la fe», como se prefiera. También vale lo de las peteneras.

Con motivo de la guerra de Iraq y posterior ocupación, los medios de comunicación han mencionado repetidas veces la existencia de dos grupos islamistas enfrentados en ese país: sunnitas (que parecen ser partidarios del depuesto Sadam Hussein) y chiitas, representados principalmente por clérigos y que piden el reconocimiento de Iraq como república islámica. En el norte, como es sabido, están los kurdos... ¿Podría explicar qué diferencias políticas y religiosas existen entre estas dos corrientes islamistas, y cuál es la relación de cada una con los kurdos?

La diferencia fundamental (aparte algunos detalles litúrgicos o de tabúes alimentarios) estriba en que los chíies mantienen la idea del derecho al califato de Alí (yerno de Mahoma) por encima de los otros sucesores. Alí fue depuesto por Muawiya tras aceptar un arbitraje en Siffin y finalmente asesinado. También fue muerto su hijo Husein en Kerbela. En este pleito dinástico del siglo VII se basa la diferencia fundamental entre unos y otros. La Chía también esta subdividida en múltiples grupos y en la principal subsiste algo más semejante al clero cristiano. En la Sunna, en teoría, no hay clero. Los kurdos son sunníes pero anteponen su condición étnica y cultural a la adscripción religiosa. Los chiíes sí estaban mayoritariamente enfrentados a Saddam Husein.

Además de sunnitas y chiitas, los musulmanes aparecen divididos en distintos grupos, de distinto rango, Wahabíes, Hermanos Musulmanes, Malikíes, El Tabligh..., algunos incluidos en otros, otros enfrentados entre sí... Muchas veces se dice que no existe en el Islam la unidad que se le otorga desde el Occidente cristiano (de igual manera que en el «Occidente cristiano» no existe unidad: católicos, ortodoxos, protestantes; españoles, franceses, yanquis, británicos;...). Se dice también que la política, digamos «El Estado», fue una creación de Occidente para dividir a los musulmanes...: así como franceses, italianos, alemanes... son distinciones reales, marroquíes, argelinos, iraníes, saudíes... serían categorías «occidentales» proyectadas sobre los islamitas para dividirlos... En fin, ¿cree usted que «musulmán» y «cristiano» son conceptos suficientes como para significar las realidades que se supone soportan?, es decir, ¿hay claridad y distinción en tales conceptos según las realidades que denotan, o, al contrario, la realidad es más «compleja», como se suele decir, de tal modo que no puede ser medida en absoluto por tal distinción?

La realidad es compleja pero no imposible de aprehender. Las diferencias internas del islam que tanto esgrimen los multiculturalistas occidentales sin profundizar en ellas no son más que un pretexto para relativizar todo y agarrarse en cada momento a lo que mejor les conviene. Hay unos cuantos principios básicos –y actuaciones consiguientes– en los cuales coinciden todos los musulmanes prácticamente y eso son habas contadas. Aparte cuestiones básicas de dogma que, obviamente, son iguales para todos y de coincidencia en los ritos (los cinco pilares famosos), hay cuestiones muy comunes: la inferioridad de la mujer (se disfrace como se disfrace, por lo común poco), la relación distante y nada amistosa con las otras religiones y la persecución a muerte de los apóstatas, por poner algunos ejemplos concretos.

¿Qué papel puede desempeñar una comunidad islámica de cerca de 1.800 millones de adeptos en la actual globalización capitalista liderada por Estados Unidos? ¿Cree usted, o mejor aún, sabe si existe alguna capacidad de articulación de esta gran masa de islamistas, más allá del fenómeno fundamentalista con el que suele manifestarse?

Que yo sepa, los musulmanes oscilan entre 1000 millones de personas y 1100, lo que no es poco. Aparte de la fuerza de la creencia religiosa no veo ningún movimiento ni idea política capaz de aglutinarles, como no sea la fuerza del resentimiento contra Occidente. Dilucidar la justicia o injusticia, o la base lógica de tales sentimientos requeriría entrar en todos los casos, uno por uno y cotejar los matices.

Por último, desde la «Semana Trágica», pasando por la «Marcha Verde», Perejil, los atentados de la «Casa España» en Casablanca, hasta el 11M: ¿cómo ve la relación entre España y Marruecos y en qué situación cree se encuentra España en estos momentos tras las decisiones tomadas por el nuevo gobierno?

La relación de España con Marruecos ha sido y va a seguir siendo conflictiva, diga lo que quiera el actual gobierno, tan aficionado como es a ignorar los problemas, sonreír y decir que aquí no pasa nada. Lo único que conseguirán con su inhibición y falta de respuesta al acoso permanente de Marruecos es que los problemas crezcan y que quienes estén en La Moncloa dentro de veinte años –si por entonces sigue habiendo Moncloa y un presidente en ella– deban dar respuestas mucho más duras que las que ahora serían suficientes para detener el empujón. España puede ofrecer inversiones (ya hay muchas), un cupo legal y reglamentado de inmigrantes, asistencia cultural y técnica, apoyo político ante Europa (Marruecos ya tiene el apoyo de Francia y Estados Unidos pero tal vez el nuestro no sobre), acuerdos comerciales ventajosos, &c. Marruecos debe ofrecer el corte desde su lado de la inmigración ilegal y del tráfico de drogas, renuncia a la anexión de Ceuta y Melilla, tratados pesqueros razonables y justos para todos, control de todo tipo de delincuencia. Pero no creo que el gobierno actual vaya a hacer otra cosa sino rendirse, ante un oponente mucho más débil. Qué divertido.

dimanche, 29 octobre 2017

Immigration travail & religion - Interview de Guillaume Faye et Claude Berger

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Immigration travail & religion

Interview de Guillaume Faye et Claude Berger

Guillaume Faye et Claude Berger, se retrouvent sur l'activité salariée qui coupe l'homme de ses racines, sur les racines de l'antisémitisme dans le socialisme, dans le christianisme et dans l'Islam. Un moment rare pour des analyses exceptionnelles.
 

vendredi, 20 octobre 2017

Yannick Sauveur présente Jean Thiriart

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Yannick Sauveur présente Jean Thiriart

Entretien avec Yannick Sauveur, biographe de Jean Thiriart

Propos recueillis par Robert Steuckers

Comment avez-vous connu l’œuvre politique de Jean Thiriart, dans quel contexte l’avez-vous rencontrée, ensuite comment avez-vous connu personnellement Jean Thiriart ? Vous évoquez des balades en forêt et en mer…

En France, le militant de base ignorait l’existence tant de Jeune Europe que de Jean Thiriart, d’une part en raison de l’interdiction de Jeune Europe mais également du fait du black out des organisations françaises concurrentes, j’aurai l’occasion d’y revenir plus tard. J’ai donc fait la connaissance avec les idées de Thiriart assez tardivement, en fait quand j’ai rejoint l’Organisation Lutte du Peuple (en 1972, je crois) qui avait été fondée par Yves Bataille, lequel venait de quitter Ordre Nouveau. Grâce à Yves Bataille, l’OLP a produit un discours européiste cohérent dans la filiation des idées exprimées dans le livre de Thiriart : Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe, Bruxelles, 1964.

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Par ailleurs, Lotta di Popolo en Italie, antérieure à l’OLP France, puisque sa création est grosso modo concomitante de la disparition de Giovane Europa, était dans la filiation directe des idées développées en Italie par les dirigeants italiens de Giovane Europa, dont il faut rappeler que c’était le réseau le plus important en Europe avec ses propres publications dont La Nazione Europea. À l’occasion d’un périple dans plusieurs pays d’Europe, Yves Bataille, quelques militants de l’OLP et moi-même, nous avons souhaité rencontrer Jean Thiriart, lequel était retiré, à l’époque, de toute activité politique. Nous l’avons vu à son magasin (Opterion, avenue Louise), ce qui n’était évidemment pas le meilleur endroit pour faire connaissance. L’accueil fut plutôt froid. À cela plusieurs raisons : Thiriart était méfiant de nature et, trop absorbé par ses activités optométriques, ne voulait plus entendre parler de politique. Sa femme, Alice, qui n’était pas sans influence sur lui, craignait plus que tout que le virus de la politique le reprît. En fait, ainsi qu’il l’expliquera plus tard, il ne voulait plus être chef de mouvement et il se méfiait terriblement des militants, jeunes de surcroît, et le fait de nous être présentés à plusieurs n’était pas forcément la meilleure idée pour une entrée en matière. Bref, cela aurait pu être sans lendemain si je n’avais tenté de reprendre contact personnellement (à l’été 1974, de mémoire) et là, ô surprise, j’ai trouvé un autre homme, d’un contact facile voire chaleureux. L’homme privé était infiniment différent de l’homme public et ceux qui ont pu le côtoyer dans ces circonstances sont unanimes pour reconnaître l’empathie qui se dégageait du personnage. Dès lors, nos relations ont duré jusqu’à sa mort, en novembre 1992.

Effectivement, nous nous rencontrions chez lui, mais nous ne faisions qu’y passer, et soit nous allions faire du bateau en mer du Nord (son bateau était à Nieuwpoort), soit nous allions marcher (parfois faire du ski) dans les Ardennes belges où il avait son camping-car. Alice avait de réels talents de cuisinière et après une marche de 20 à 25 kilomètres à un pas soutenu, un repas copieux était le bienvenu. Il nous est arrivé également de nous rencontrer en forêt de Compiègne mais également, assez fréquemment, chez moi, lors de ses venues au salon de la navigation. Il avait l’habitude d’apporter deux saumons fumés et deux bouteilles de champagne pour quatre. C’est dire qu’avec le temps, une certaine proximité s’est installée.    

Vous évoquez -et vous promettez d’approfondir-  l’histoire des initiatives européistes d’avant-guerre et l’existence de l’AGRA (« Amis du Grand Reich Allemand »), où Thiriart aurait milité pendant la deuxième occupation allemande de la Belgique. Que représentent ces mouvements ? Que voulaient-ils atteindre ? Y a-t-il, finalement, une filiation avec le corpus des idées de Thiriart ?

Thiriart a effectivement appartenu aux « Amis du Grand Reich Allemand » (AGRA) qui a été présentée comme étant la « collaboration de gauche » par opposition à REX (Léon Degrelle). C’est en raison de son appartenance à l’AGRA qu’il est arrêté et condamné. Il ne semble pas qu’il ait eu une grande activité politique pendant la guerre et lui-même, dans une lettre adressée au journaliste Abramowicz (1992), écrit : « ma collaboration à l’AGRA était quasi nulle. C’est là une façade sans plus ». C’est effectivement vraisemblable dans la mesure où il a été condamné à une peine relativement légère (et il comparait libre à son procès) dans un pays où les tribunaux avaient plutôt la main lourde (plus qu’en France). Mes centres d’intérêt ne m’ont pas porté à étudier les mouvements collaborationnistes en Belgique, en général ni  l’AGRA en particulier, mes renseignements sont des plus succincts. Il est vrai aussi que l’AGRA, à la différence de REX, est assez confidentielle, les Allemands souhaitant sans doute, via l’AGRA, contrebalancer l’influence de Rex. Je ne pense pas que son appartenance à l’AGRA ait eu une influence quelconque dans le corpus des idées de Thiriart. À mon sens, la construction idéologique de Thiriart ne viendra que beaucoup plus tard. Ses lectures en prison (1944-45) sont assez classiques : Nietzsche, Platon, Bergson, Marc-Aurèle, André Gide, Aldous Huxley, Anatole France,… Ce sont des lectures littéraires, philosophiques.

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S’il fallait trouver une filiation, il faudrait plutôt la rechercher auprès de l’Union Jeune Europe et des époux Didier (Lucienne et Edouard) qui publient à Bruxelles le bulletin Jeune Europe (26 numéros entre janvier 1933 et juin 1936). Les époux Didier vont être très actifs avant et pendant la guerre jusqu’à créer en 1941 la Société Anonyme des Éditions de la Toison d’Or. Or, Thiriart ne pouvait pas ne pas connaître cette Jeune Europe et curieusement, il n’en parle pas, ne la cite pas alors qu’il mentionne La Jeune Europe (d’un intérêt assez limité) éditée à Berlin pendant la guerre par les Échanges culturels inter-universitaires. Je n’ai pas d’explication au fait que Thiriart occulte la Jeune Europe des époux Didier. Elle n’est citée qu’une seule fois, à savoir dans un numéro de L’Europe Communautaire (mars 1965), mais le paragraphe relatif à cette « deuxième apparition » de « Jeune Europe » (la « première apparition » étant la « Jeune Europe » de Mazzini) est purement et simplement barrée dans l’exemplaire  personnel de la collection Thiriart.

Vous parlez de Thiriart comme d’un personnage qui a évolué dans sa pensée, sa vision d’Europe, sa vision géopolitique. Quelles sont les principales étapes de cette évolution ?

Il y a aussi une autre évolution de Thiriart dont vous ne parlez pas et qui est celle de l’homme. Chef de mouvement, homme d’action voire activiste, il l’est pendant cette phase de son activité politique, la plus connue, celle qui va de 1960 à 1969. Thiriart ne manquera jamais une occasion d’évoquer cette évolution, en l’espèce une rupture, pour exprimer en premier lieu le fait qu’il ne reviendrait plus jamais à la tête d’un mouvement ou parti politique, en second lieu qu’il allait pouvoir dire et écrire le fond de sa pensée alors qu’auparavant, il était prisonnier d’une clientèle. Parlant de cette époque (les années 60), il n’aura pas de mots assez durs pour les « petits imbéciles de l’extrême-droite », le « carnaval romantique » (Guevara, Mao, Drieu, Brasillach).

S’agissant de l’évolution de sa pensée, elle est progressive et se fait par étapes même si très rapidement, la tendance européenne du mouvement est présente dès le début du mouvement via une Chronique de la Nation Européenne écrite par Thiriart sous pseudonyme. Très vite également, il développe le fait que le Congo n’est pas un problème belge, que l’Algérie n’est pas un problème français. Le combat pour l’Algérie française doit se situer à l’échelle européenne. L’Algérie est européenne. Le raisonnement de Thiriart constitue, pour l’époque, incontestablement une originalité.

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Le rapport Thiriart/Bardèche est intéressant. Quel fut-il ?

Thiriart avait une relative admiration pour Maurice Bardèche, il écrira d’ailleurs : Sur le plan intellectuel je n’ai rencontré que deux hommes de valeur : Bardèche et Mosley.

Thiriart et Bardèche n’ont guère eu de contacts, ils se sont rencontrés au début des années cinquante en Espagne. Lors de la reprise de contact au début des années quatre-vingt, Thiriart évoque l’ouvrage en chantier, celui de l’Europe de Vladivostock à Dublin.  Bardèche montre un certain scepticisme : Je ne vois pas très bien comment on peut répercuter vos idées ni même comment on peut parvenir à les faire connaître au public. Votre analyse géopolitique et stratégique me paraît malheureusement excellente, mais je ne suis pas du tout d’accord avec les données psychologiques. Le marxisme-léninisme est une religion et procède comme toutes les grandes religions conquérantes. Elle n’offre pas d’autre alternative que celle qui était offerte autrefois par l’Islam : conversion ou extermination. Ce choix final me paraît avoir une certaine importance dans notre détermination. En fait, les deux hommes sont sur des longueurs d’ondes différentes. L’intellectuel littéraire qu’est Bardèche ne peut évidemment souscrire aux thèses de l’homme d’action qu’est Thiriart ni à ce qu’écrit (20/11/1981) ce dernier à Bardèche dont il faut rappeler qu’il est le fondateur et directeur de Défense de l’Occident (sic) : l’Occident doit crever. Il ne faut rien faire pour le sauver. En clair, deux visions opposées : l’une de droite assez classique, l’autre révolutionnaire et pratique. Malgré cette opposition non dissimulée, Thiriart reconnait une qualité à Bardèche : le courage.

Au détour d’un paragraphe, vous parlez de l’intérêt que Thiriart portait à la Chine. Cela n’a jamais vraiment transparu dans ses écrits. Qu’en dites-vous après avoir examiné toutes ses archives ?

Effectivement, cet intérêt ne transpire pas dans ses écrits politiques. Je pense que Thiriart était assez pudique et il avait le souci de mettre une barrière entre vie privée et vie publique. Dans son journal, il évoque « mon ami le peintre chinois » qu’il connaissait déjà en 1942, Thiriart a alors vingt ans. Ce peintre s’appelle SADJI (ou SHA QI), il est né en 1914, donc de huit ans plus âgé que Thiriart. Il vit en Belgique. C’est un peintre d’un certain renom (peinture, dessin, aquarelle). Artprice, le leader de l’information sur le marché de l’art, recense 465 adjudications des œuvres de cet artiste (315 en peinture, 150 en dessin-aquarelle). Jean Thiriart a été initié à l’écriture chinoise grâce à son ami Sadji et il va l’étudier pendant trois années (Je connais particulièrement bien l’histoire de la Chine pour avoir été pendant 3 ans, dans ma jeunesse, un étudiant en écriture chinoise, in 106 réponses à Mugarza, p.149). Grâce à Sadji (ou indépendamment ?), Thiriart va s’intéresser à  la culture chinoise, il avait lu les ouvrages du sinologue Marcel Granet (1884-1940) qui continuent de faire autorité, notamment La pensée chinoise, Paris, 1934.) SADJI, qui avait fait un portrait de Thiriart, est mort en 2005.

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Un autoportrait du peintre Sadji

Les rapports complexes entre Thiriart et les mouvements français plus ou moins équivalents devraient intéresser tout observateur des marginalités politiques. Quel regard portez-vous sur ces rapports complexes, aujourd’hui, en 2017 ?

Rapports complexes, oui , ils le furent. Quelles sont les responsabilités des uns et des autres ?

Le temps a passé, bien des acteurs de l’époque ne sont plus. Pour ma part, je n’ai pas vécu cette période (début et milieu des années 60). Avec le recul, les passions n’étant plus de mise, il est plus facile d’évoquer avec quelque objectivité les relations entre  Thiriart et les mouvements français.

Avant toute chose, on ne peut oublier que Thiriart a très largement ouvert les colonnes de sa presse aux responsables politiques français dont il est permis de penser qu’ils ont une certaine proximité avec les vues de Thiriart , qu’il s’agisse de Jeune Nation, de la Fédération des Étudiants Nationalistes (FEN), du Front National pour l’Algérie Française, des jeunes du MP 13. Dominique Venner, Pierre Poujade, s’expriment dans Nation Belgique. Il ne faut pas oublier non plus le soutien indéfectible de Thiriart et de son mouvement à l’OAS (reproduction et diffusion du journal de l’OAS-Edition métropolitaine, Appel de la France, sous forme d’un supplément gratuit à Nation Belgique, tiré à 15 000 exemplaires).

Pour répondre à votre question, j’observe que vous évoquez « les mouvements français plus ou moins équivalents », ce qui laisse place à pas mal d’ambiguïtés et m’amène à l’analyse suivante. Quand Thiriart reprend l’action politique avec le CADBA d’abord, avec le MAC ensuite, il n’est pas encore le personnage public qu’il va devenir. Les mouvements qu’il co-anime sont typiquement de droite voire d’extrême droite et de ce point de vue assez comparables à leurs alter ego français, d’où la proximité évoquée précédemment. C’est l’évolution assez rapide de Thiriart qui va entraîner un écart de plus en plus grand, disons schématiquement, entre le discours classique d’extrême droite de la plupart des mouvements français et notamment Europe Action et le discours européen de Thiriart avec cette volonté affichée de dépasser les cadres nationaux. Il y a véritablement deux lignes bien différentes et Thiriart n’a peut être pas su se détacher suffisamment de cette extrême droite qu’il haïssait foncièrement. Il est assez paradoxal que ceux là même qui, en France, dénigraient et/ou se gaussaient de l’évolution de Thiriart, viendront (bien) plus tard sur ses positions, je pense aux héritiers d’Europe Action, FEN et autres. Il était également de bon ton dans la presse dite « nationale » de moquer le prétendu virage « gaulliste » de Thiriart là où simplement, en dehors de tous schématismes politiciens, il fait la part des différentes facettes de la politique du général de Gaulle, en particulier, les aspects positifs de la politique extérieure du général. Il n’est jamais bon d’avoir raison trop tôt. Qui aujourd’hui, en France, ne reconnaît pas le bien fondé de la politique étrangère du général de Gaulle, y compris de la part de ses détracteurs de l’époque. Je rappelle que Thiriart écrivait (22/11/1963) : Par contre, de Gaulle a cent fois raison de prendre ses distances à l’égard de Washington, il a cent fois raison de se méfier des Anglais, il a mille fois raison de vouloir un armement atomique, français de naissance, inéluctablement européen de croissance. Cela étant, au-delà de la franche hostilité ou de l’indifférence à l’égard de Thiriart de la part des « mouvements français plus ou moins équivalents », à ma connaissance, parmi ces anciens encore en activité aujourd’hui, aucun n’a exprimé publiquement sa dette envers Thiriart.

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Un numéro de la revue "Forces nouvelles" (Bruxelles), avec un très long interview de Jean Thiriart

Comment expliquez-vous que « Jeune Europe » n’a jamais connu une renaissance, alors que l’Europe eurocratique de Bruxelles et de Strasbourg s’est tout à la fois construite, en s’agrandissant, et déconstruite, en perdant tout crédit dans le grand public ? Cette absence d’un mouvement européen réellement politique et géopolitique, tant sur l’échiquier politique européen que dans les marges extra-parlementaires des Etats nationaux, explique-t-elle le déclin dramatique de l’Europe d’aujourd’hui ?

Je crois que la question que vous posez se résume malheureusement au fait que l’Europe ne passionne pas (et n’a jamais passionné) les foules. C’était d’autant plus vrai au temps de Jeune Europe, dans les années 60,  qu’un mouvement révolutionnaire avait peu de chance de percer dans une société en pleine croissance économique. Depuis les choses ont bien changé, la société du spectacle est passée par là et la lobotomisation généralisée des masses n’est guère favorable à une renaissance européenne tant que n’existe pas une situation de détresse. Les élites, dans tous les milieux, ont bien évidemment intérêt au maintien de ce statu quo qui les arrange bien. Du côté des adversaires de l’Europe de Bruxelles, on trouve un peu tout : des rivalités d’ego, un manque (ou absence) de cohérence politique, de la paresse intellectuelle.

Tout d’abord, on a la caricature de l’anti Europe avec les mouvements et partis nationalistes, le repli hexagonal. L’exemple en est fourni par le Front National qui me semble être l’exemple même du degré zéro de la politique.  Il se présente (ou prétend être) un parti anti Système, ce qu’il n’est pas, et cannibalise un capital de voix, non négligeable, en pure perte. Il est le repoussoir idéal qui… consolide le Système. Du côté des souverainistes, de droite ou de gauche, (Chevènement, de Villiers, Dupont-Aignan, Asselineau, Nikonoff,…), leur condamnation (légitime) de l’Europe de Bruxelles les amène à une certaine myopie intellectuelle et une incapacité à penser une Europe indépendante. Enfin, certains de nos amis, dont la sincérité européenne n’est pas en cause, tout en étant partisans d’un État européen, se sont déclarés favorables aux diverses consultations (référendum Maastricht, 1992, référendum traité établissant une constitution pour l’Europe, 2005) car selon eux, il faudrait faire confiance aux structures (à l’effet de masse), avec lesquelles l’avènement d’un Etat européen se fera, inévitablement et mécaniquement. Je n’ai pas besoin de préciser que je ne partage absolument pas cette vision pour le moins optimiste ( !). Les faits, l’évolution de cette Europe-croupion, le déclin dramatique de cette Europe… rien ne semble devoir ébranler les certitudes de ces « Européens ». Je mentionne au passage que même Thiriart, point sur lequel j’étais en désaccord avec lui, était partisan du Oui (pro Maastricht) au référendum de 1992. L'effet de masse n'a nullement empêché la vassalisation, toujours plus grande, de l'Europe à l'égard de la puissance américaine.

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Un exemplaire de la revue espagnole "Elementos" qui ne parait que sur la grande toile. Ce numéro est entièrement consacré à Jean Thiriart

Estimez-vous ou non que la revue de géopolitique italienne « Eurasia », patronnée par Claudio Mutti, est le seul avatar positif de « Jeune Europe » de nos jours ?

Vous avez raison d’évoquer Eurasia, l’excellente revue animée par l’infatigable Claudio Mutti qui est sans doute un des plus anciens militants de Jeune Europe encore en activité. Cela étant, ma connaissance du champ politique européen ne me permet pas d’affirmer avec certitude l’inexistence d’autres avatars de « Jeune Europe ».

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Comptez-vous rédiger un ouvrage plus complet sur Thiriart, sur « Jeune Europe » ainsi que sur les antécédents « jeune-européistes » d’avant-guerre et sur les avatars malheureux du « thiriartisme » après la disparition de « Jeune Europe » et après la mort de son fondateur et impulseur ?

Avant d’écrire un livre sur Thiriart, il me paraîtrait important d’éditer (ou rééditer) ses écrits, à commencer par les éditoriaux de La Nation Européenne ainsi que 106 réponses à Mugarza, Responses to 14 questions submitted by Gene H. Hogberg pour la revue américaine The Plain Truth. On pourrait y ajouter l’interview publiée dans Les Cahiers du CDPU (1976), les articles parus dans la revue Nationalisme et République (1992). Pour ma part, j’ai obtenu d’un éditeur ami la publication de L’Empire Euro-soviétique. Ce texte qui date de 1985 n’a jamais été publié. Malgré les bouleversements géopolitiques intervenus, ce texte garde, me semble-t-il toute sa valeur de témoignage. Le jeune (ou moins jeune) lecteur découvrira, avec bonheur je l’espère, la vision de grande politique de Thiriart et sa clairvoyance et sa capacité à se projeter dans la longue durée, en dehors des idéologies et des contingences politiciennes (évidemment !). Naturellement, ce texte sera accompagné des observations, notes, mise en perspective nécessaires à une bonne compréhension. En revanche, je ne vois guère d’intérêt à rééditer les écrits antérieurs à La Nation Européenne, qu’il s’agisse du livre Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe (1964) ou de la brochure La grande nation, L’Europe unitaire de Brest à Bucarest-65 thèses sur l’Europe (1965).

Je n’ai pas connaissance qu’il y ait eu quoi que ce soit d’intéressant après la disparition de Jeune Europe et/ou après la mort de Thiriart. Les rares tentatives sont demeurées groupusculaires et n’ont jamais atteint un niveau satisfaisant tant sur le plan de l’organisation supranationale qu’en ce qui concerne la production intellectuelle.

Les antécédents Jeune Europe de l’entre-deux guerres, je pense notamment à la tentative des époux Didier en Belgique, mériteraient assurément une étude approfondie.

jeudi, 12 octobre 2017

«La guerre civile froide»: Entretien avec Jean-Michel Vernochet

«La guerre civile froide»: Entretien avec Jean-Michel Vernochet

Jean-Michel Vernochet présente son livre : « La guerre civile froide : La théogonie républicaine de Robespierre à Macron ». Le livre : http://bit.ly/2yHg8jG Au travers de cet ouvrage de philosophie politique aux accents très « gramscistes », celui qui aime à se définir comme « journaliste apnéiste » (pour sa propension à faire remonter du fond vers la surface les fameux « non-dits »), nous propose comme porte d’entrée à sa réflexion l’élection présidentielle 2017. Puis il entreprend de détricoter patiemment notre histoire récente depuis la Révolution française, une démarche poursuivie en véritable « déconstructeur » des idées qui dominent pour le pire notre époque et notre vision du monde. Ceci avec l’ambition, non dissimulée, de remettre à l’endroit des idéaux tordus par ceux qui en font fait des instruments de pouvoir et de domination. Finalement l’auteur nous fournit des éléments concrets utiles à ceux qui souhaitent s’arracher à cette cécité collective faisant de nous les dupes de valeurs républicaines dévoyées à l’extrême.
 
Le Retour aux Sources Éditeur : Boutique en ligne : http://www.leretourauxsources.com/
 
 

lundi, 09 octobre 2017

Vers un ethnocide des paysans?...

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Vers un ethnocide des paysans?...

Entretien avec Yves Dupont

Propos recueillis par Laurent Ottavi

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Yves Dupont au site de la revue Limite à propos de l'essai qu'il a écrit avec Pierre Bitoun, Le sacrifice des paysans (L'échappée, 2016).

Yves Dupont : L’ethnocide des paysans

Yves Dupont est professeur émérite de socioanthropologie à l’université de Caen et co-auteur du sacrifice des paysans, une catastrophe sociale et anthropologique (éditions l’Echappée) avec Pierre Bitoun, chercheur à l’Inra-Paris. Il réinscrit ce qu’il nomme un ethnocide dans la cadre d’une modernité conçue comme une « synthèse inaboutie entre les idéaux universalistes des Lumières et la dynamique expansionniste du capitalisme qui a fini par considérer comme archaïques toutes les aspirations à l’enracinement et à la sédentarité » caractéristiques des sociétés paysannes. Il en déduit l’absolue nécessité de bâtir un monde post-productiviste et décroissant.

Limite : Pourquoi avoir construit votre livre comme vous l’avez fait, en le scindant en deux grandes parties, le sacrifice des paysans en tant que tel n’étant abordé que dans un second temps ?

Yves Dupont – Parce qu’il nous fallait d’abord, pour rendre compréhensibles les raisons pour lesquelles le sacrifice des paysans a longtemps été retardé et occulté en France, revenir sur la tentative, à partir de 1945, de trouver une troisième voie entre capitalisme et communisme par la construction d’un Etat-Providence. Si cette tentative a, durant les « Trente Glorieuses », engendré une forte croissance économique, une augmentation générale des niveaux de vie et une protection sociale à la majorité des français, elle a néanmoins abouti à ce que nous avons appelé les Quarante Honteuses avec le retour de politiques néolibérales à partir du début des années 1980. Dans les faits cependant, c’est dès le début des années 1960 qu’ont véritablement été engagées les politiques de « modernisation » de l’agriculture et, sur le fond, de son industrialisation. Le sacrifice des paysans qui n’utilisait le marché que comme un « détour de reproduction » était dès lors scellé.

Pourquoi la modernité telle que vous la définissez ne veut plus des paysans, qu’elle a transformé en agriculteurs productivistes ? Que se joue-t-il dans le passage du paysan à l’agriculteur, également sur le plan symbolique et des mentalités ?

Héritiers de la pensée de Cornélius Castoriadis, nous appréhendons la modernité dans une perspective anthropologique, comme incarnation d’une conception particulière de l’humanité de l’homme. Les sociétés s’instituent en effet à partir de confrontations entre des imaginaires rivaux, et les formes sociales et historiques qu’elles finissent par revêtir portent toujours les traces de ces affrontements. Toute société conserve ainsi en son sein ses cohortes de vaincus, d’humiliés, d’aigris, mais aussi d’aspirants à un autre ordre du monde prenant appui sur un passé qui n’a pas été honoré. Ainsi, malgré les compromis auxquels ils semblent être parvenus, les régimes démocratiques sont-ils loin d’avoir rompu avec les logiques et les pratiques de domination. La modernité, c’est d’abord la passion des artifices, de l’artificialisation de la nature et des hommes progressivement réduits à des ressources. C’est également un processus qui a conduit à interposer entre les hommes et la nature, mais également entre les hommes, un gigantesque appareil d’organisation, de gestion et de contrôle de la totalité de ce qui est. La modernité peut ainsi être appréhendée comme une tentative de synthèse inaboutie entre les idéaux universalistes des Lumières et la dynamique expansionniste du capitalisme qui a fini par considérer comme archaïques toutes les aspirations à l’enracinement et à la sédentarité qui caractérisaient les sociétés paysannes. Selon nous, leur valorisation d’un universalisme articulé à des appartenances particularistes ne les assimilait en rien à des sociétés closes, voire obscurantistes. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de se rappeler le patriotisme qui habitait les paysans lorsqu’ils se précipitèrent au front lors de la mobilisation de 1914 puis en 1939. Le nombre terrifiant de leurs morts en témoigne d’ailleurs à l’évidence. Mais cette conception parfaitement acceptable du monde a été balayée par l’universalisme abstrait et l’individualisme « hors sol » qui accompagnent les aspirations à l’illimitation du capitalisme finissant dont l’agriculteur productiviste ou l’agro-business man constituent aujourd’hui la pathétique incarnation.

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Contrairement à ce qu’affirmait Michel Onfray dans l’entretien que votre revue a récemment réalisé avec lui, le capitalisme ne se réduit pas à l’activation d’une pulsion d’échange incoercible entre deux individus convoitant le même bien en situation de rareté. Il suffit de relire Marx ou Karl Polanyi pour s’en convaincre. Et ce qui est sur le point de rendre le capitalisme obsolète ou périssable, ce sont le mur écologique et le chômage de masse qui se dressent désormais devant l’humanité tout entière et nous obligent à nous interroger à nouveaux frais sur la démesure et la profonde irrationalité qui ont emporté la modernité vers ces abîmes. 

Vous employez les mots d’« ethnocide » et de « catastrophe » sociale et anthropologique. Pourquoi le choix de termes aussi forts ?

Comme l’a montré le philosophe Alain Brossat, Tocqueville a, le premier, mis en évidence la coextensivité de la démocratisation du monde et des premiers génocides et ethnocides de la modernité. C’est toutefois l’ethnologue Robert Jaulin qui a inventé le terme d’ethnocide pour qualifier les violences et les massacres commis par les colonisateurs à l’encontre des autochtones en Amérique du Nord et du Sud. Pour Pierre Clastres, ethnologue lui aussi, si le génocide renvoie à l’idée d’extermination d’une « race », l’ethnocide caractérise la destruction de la culture propre à certains agrégats humains : l’ethnocide écrivait-il, « est donc la destruction systématique des modes de vie et de pensée de gens différents de ceux qui mènent cette entreprise de destruction. En somme, le génocide assassine les peuples dans leur corps, l’ethnocide les tue dans leur esprit ». Comme nous l’avons montré dans notre essai, c’est par et au prix d’une profonde dévalorisation de leur culture que les paysans sont devenus agriculteurs. Parce qu’ils ont été considérés comme porteurs de « mauvaises différences » beaucoup d’entre eux se sont résignés ou tus, quand ils n’ont pas mis fin à leurs jours dans une indifférence quasi généralisée. Quant au mot catastrophe, il vise simplement à caractériser la transformation radicale et probablement irréversible du monde qu’avaient pendant presque mille ans imaginé et construit les sociétés paysannes. Sociétés, il faut une fois encore le souligner, largement ouvertes, productrices d’architectures, de paysages, de techniques, de savoirs, de produits et de cuisines dont nous découvrons tardivement aussi bien la beauté que l’extraordinaire adéquation avec les écosystèmes au sein desquels elles s’étaient déployées. Sociétés aux multiples langues, dialectes et patois, irriguées par de multiples foires et marchés, solidaires aussi et ayant opposé de farouches résistances à leur destruction. Sociétés qui, comme l’a montré Tocqueville dans L’Ancien régime et la révolution, étaient profondément irriguées par des usages démocratiques et dont les membres n’avaient rien à voir avec les « péquenots » ou les « bouseux » que l’idéologie dominante en a stupidement construits. 

Quelles sont les conséquences du sacrifice des paysans pour nous tous ? Diriez-vous qu’il n’y a pas de pays vivable sans paysans, le second mot signifiant d’ailleurs étymologiquement « gens du pays » ?

Ces conséquences sont évidemment multiples et encore en devenir si l’on pense que le « travail » de dépaysannisation est toujours en cours, qu’il s’accélère, qu’il devient de plus en plus brutal, et qu’il va se cumuler avec les vagues d’exode écologique liées au changement climatique, aux conflits armés et à l’exploitation minière et industrielle des territoires.

On peut en effet estimer qu’il reste aujourd’hui environ trois milliards de paysans sur la Terre qui, comme cela s’est passé en Chine depuis une cinquantaine d’années, ne cessent de quitter les campagnes sous l’empire de la nécessité en croyant que ce déracinement leur permettra d’améliorer leur condition. Beaucoup de ceux qui trouvent un travail participent, pour des salaires de misère, à édifier des villes où la population asphyxie, à construire tous les appareils imaginés par les ingénieurs de la Silicon Valley pour faire advenir un monde entièrement numérisé, ou à bâtir des porcheries industrielles où s’entassent des centaines de milliers de cochons. Dans ces conditions, en effet, il va de soi qu’il n’y a pas de pays vivable sans paysans mais, plus généralement, sans l’existence de travailleurs indépendants, d’artisans et de commerçants. Mais, plus fondamentalement, ce qui a tendu à disparaître avec le sacrifice des paysans et des sociétés paysannes, ce sont toutes les discontinuités non monétaires qui participaient de l’équilibre général des échanges : coopérations diverses, échanges de biens, de savoirs et de services, dons et contre-dons créateurs de liens sociaux et de solidarités qui limitaient le désir d’emprise et de réussite individuelle. Il est donc loin d’être établi, surtout aujourd’hui, que cela n’allait pas mieux avant !

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Vous écrivez qu’il est nécessaire d’en finir de façon radicale avec le capitalisme pour bâtir une société postproductiviste, « prudente, solidaire et pluraliste », et sauver nos paysans. Comment rendre une telle ambition possible et y-a-t-il des mouvements actuels sur lesquels il est possible et souhaitable d’après vous de s’appuyer (Confédération paysanne, Via Campesina) ?

Votre formulation pourrait paraître brutale, voire excessive, car nous sommes avant tout des chercheurs et bien loin d’en appeler « de façon radicale » à la liquidation du capitalisme, nous nous sommes efforcés de montrer l’absolue nécessité dans laquelle l’humanité se trouve aujourd’hui d’inventer un monde post-productiviste et par conséquent décroissant. Ou, pour reprendre une expression du sociologue allemand Ulrich Beck, de rompre avec toutes les formes « d’intoxication volontaire » qui empoisonnent à petit feu l’humanité contemporaine.

Bien qu’appartenant à une école de pensée à coup sûr minoritaire, nous ne nous considérons en rien comme catastrophistes en affirmant, preuves à l’appui, que dans l’état actuel des choses et pour longtemps encore, ce qui contribue à nous entraîner vers la catastrophe croît beaucoup plus rapidement que ce qui pourrait nous sauver. L’accélération de la fonte de la banquise liée au réchauffement climatique, l’érosion de la biodiversité et la poursuite de l’extinction des espèces, l’augmentation des « cancers environnementaux, la pollution des mégapoles, notre incapacité à démanteler les centrales nucléaires, l’exode écologique de millions d’individus pour ne prendre que quelques exemples incontestables de notre impuissance, montrent qu’aucun développement durable ou soutenable ne parviendra à enrayer les dégâts du capitalisme car il est dans la nature même de ce dernier de fonctionner à la dépense incontinente et à l’autophagie. Ayant accompagné pendant plus de trente ans de multiples mouvements sociaux paysans et écologistes et aussi beaucoup travaillé aux côtés de la Confédération paysanne, nous savons que leur manière d’habiter la Terre est aussi parfaitement ouverte que rationnelle et raisonnable. Mais l’agriculture (paysanne ou biologique) qu’ils pratiquent est souvent extensive et peu compatible avec la poursuite de l’urbanisation galopante et de la multiplication des zones commerciales, des infrastructures routières et ferroviaires, mais aussi de l’apparition de véritables déserts ruraux interdisant le développement de circuits courts. A quoi il faut ajouter l’inégale répartition des aides aux producteurs et la captation des terres par les grandes exploitations industrielles.  Ainsi, comme je l’ai déjà indiqué, il est pour le moment incontestable qui ce qui menace l’humanité dans son ensemble se développe aujourd’hui beaucoup plus rapidement que ce qui pourrait la sauver.

Yves Dupont, propos recueillis par Laurent Ottavi (Limite, 7 septembre 2017)