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dimanche, 20 janvier 2019

Naves en Llamas 5 Numéro spécial sur les “nouvelles droites européennes” Entretien avec Robert Steuckers

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Naves en Llamas 5

Numéro spécial sur les “nouvelles droites européennes”

Entretien avec Robert Steuckers

Monsieur Steuckers, nous vous remercions d’accorder un entretien à “Naves en Llamas”. Quelques questions pour aider le public espagnol à mieux connaître vos travaux et votre itinéraire: Comment vous définissez-vous vous-même? Comme un combattant? Un penseur? Un révolutionnaire? Un traditionaliste? Un fidèle continuateur de la “révolution conservatrice”?

Se definir soi-même? Grave question. Dilthey disait que l’on ne définissait que ce qui était mort. La postérité me définira quand j’aurais achevé mon cycle sur cette Terre ¡ Je suis de fait un combattant sur le plan métapolitique, en sachant que toute métapolitique est révolutionnaire mais, pour moi, c’est au sens étymologique du terme, “re-volvere” en latin, signifiant “revenir à des príncipes premiers”; toute vraie révolution opère un retour à la tradition, au mos majorum. Germaniste de formation, il est évident que j’ai puisé beaucoup de leçons dans le corpus de la “révolution conservatrice allemande” telle que l’a définie Armin Mohler.  

NLL-1.pngPourriez-vous expliquer brièvement à nos lecteurs le motif de vos divergences et de vos convergences avec d’autres penseurs de la “nouvelle droite”, comme par exemple Guillaume Faye ou Alain de Benoist?

Première précision: j’oeuvre sur le territoire belge qui fit partie de l’Empire de Charles-Quint, de “Keizer Karel” comme nous l’appellons. Faye et de Benoist ont oeuvré dans un cadre français. J’ai apprécié les positions de de Benoist dans les années 70, quand le mouvement de la nouvelle droite a pris son essor. La grande différence entre ma manière de voir les choses et celle de de Benoist est la suivante: j’ai davantage, comme le faisait aussi Venner d’ailleurs, d’ancrer mes positions dans l’histoire, plus particulièrement dans l’histoire impériale allemande et espagnole, dont l’histoire belge est tributaire. Alain de Benoist reste trop dans le débat pariso-parisien et tient à s’y tailler une place. Je trouve cette gesticulation inutile. Faye a toujours été, pour moi, un excellent camarade: son approche m’a toujours séduit dans la mesure où il était un virtuose des sciences politiques, un fin analyste des phénomènes de déclin, de “dé-politisation” qui affectaient les polities européennes depuis la fin du second conflit mundial. Aujourd’hui, Faye voit l’islam comme ennemi principal; je considère que l’ennemi principal reste Washington qui téléguide et manipule l’extrémisme salafiste pour saper les assises de l’Europe aujourd’hui.

Vous fûtes et vous êtes une figure clef de la ‘nouvelle droite”: que se cache derrière cette étiquette? Y a-t-il un mouvement métapolitique qui se réclame d’elle? Que devons-nous entendre par “métapolitique” dans ce spectre philosophique et idéologique?

Alain de Benoist a découvert la métapolitique dans les années 70 quand une enseignante universitaire italienne, active en France, Maria-Antonietta Macciocchi (1922-2007), avait vulgarisé, en un petit volume, les thèses “métapolitiques” d’Antonio Gramsci. La métapolitique a d’autres “ancêtres”: la métapolitique schopenhauerienne et nietzschéenne du socialiste autrichien Engelbert Pernerstorfer et la définition qu’en donnait le conservateur américain Peter Viereck (1916-2006), juste avant la seconde guerre mondiale. Pour moi, la métapolitique n’est plus exactement le travail préconisé par Gramsci: saper par une stratégie “culturelle” les fondements de l’Etat bourgeois. Mais, plus exactement, saper les bases de l’Etat festiviste et sociétal, que nous avons sur le râble aujourd’hui, et qui n’exerce plus ses fonctions régaliennes, plongeant nos sociétés dans le marasme économique et social. La métapolitique, aujourd’hui, doit servir, non seulement à saper cet Etat festiviste et sociétal, mais surtout à faire revenir toutes les valeurs traditionnelles qu’il a constamment refoulées en usant largement des médias, des officines cultureuses nées de l’effervescence de mai 68, etc. La métapolitique a donc une doublé tâche à accomplir aujourd’hui: combattre sans relâche les modes de fonctionnement de l’Etat festiviste et sociétal et oeuvrer au grand retour de la vraie culture européenne, afin qu’elle soit encore et toujours transmise. La métapolitique doit rendre à nouveau la transmission possible.

Nous savons que vous êtes un bon connaisseur de la culture et de l’histoire de l’Espagne ainsi que de son actualité politique et métapolitique. Quelles figures, personnalités, publications, groupes d’action ou groupes métapolitiques, parmi ceux que vous connaissez, considérez-vous comme pertinents en Espagne dans le milieu proche de la nouvelle droite espagnole?

J’ai une connaissance biaisée car, en Belgique, ce que nous connaissons de l’histoire d’Espagne est surtout ce que nous partagions avec cette histoire, surtout aux 16ème et 17ème siècles. Cela n’aide pas précisément à une connaissance de l’actualité, que nous ne vivons pas au quotidien. Les relations belgo-espagnoles ont été profondément meurtries au cours de ces deux dernières années à cause de la question catalane, fort mal comprise par mes compatriotes qui ont pris des positions idéologiques pures, éthérées et irréalistes, ne tenant pas compte des vraies leçons de l’histoire. La Belgique comme l’Espagne souffrent toutes deux d’un effondrement du pilier politique catholique que je ne considère pas sous l’angle religieux mais sous l’angle politique et impérial, dans le sens d’une tradition qui nous est commune: celle du tacitisme, forgé à Louvain, où j’ai étudié, par Juste-Lipse. Pour moi, le catholicisme n’est pas théologique ni même chrétien (ou évangélique), peut-être tout simplement parce que je ne suis pas prêtre, mais est ce que Carl Schmitt appelait la “forme romaine”, le rappel constant du “conteneur romain”. L’héritage de Rome a été dévolu au Saint-Empire Romain de la Nation Germanique mais aussi, par le truchement de la politique dynastique de Maximilien I, à la Grande Alliance des Habsbourgs et de la Maison de Bourgogne, d’une part, et des maisons de Castille et d’Aragon, d’autre part. Le catholicisme, dès le 19ème siècle, a progressivement oublié cette épine dorsale impériale sans laquelle il n’est rien, absolument rien d’autre que du vent. La tragédie du Parti catholique belge et du PP espagnol qui se sont alignés sur toutes les modes modernes, les plus impolitiques et les plus farfelues, a provoqué une crise morale sans précédent depuis les années 30. Adopter les modes du moment, c’est oublier volontairement les leçons de l’histoire: voilà pourquoi je considère que José Javier Esparza a le mérite de ramener, chaque année, par des livres à grand tirage, les Espagnols à leur histoire réelle, à faire revenir les épopées refoulées dans les cerveaux patriotes et à faire là une très belle oeuvre de métapolitique, sans comparaison dans le reste de l’Europe.

Les nouvelles droites européennes sont-elles l’armée d’une grande révolution conservatrice qui arrive sur le continent?

Attention: les nouvelles droites sont des entreprises métapolitiques et non des partis politiques. Cependant, nous assistons depuis quelques années à l’effondrement de l’édifice néolibéral mis sur pied depuis la victoire de Margaret Thatcher en 1979 en Grande-Bretagne. Les partis dominants, partout en Europe, ont voulu imiter ce néolibéralisme d’origine américaine. Y compris, justement, les partis démocrates-chrétiens, représentés par le PP en Espagne. En adoptant cette mode américaine, ils ont trahi les fondements mêmes de la doctrine sociale catholique et des visions économiques traditionnelles qu’ils auraient dû défendre contre le néolibéralisme. Ils auraient été plus efficaces encore que les socialistes dans ce combat, qu’ils ont negligé. Toute la partie du peuple, parfois majoritaire comme en Flandre et dans les Ardennes, s’est éparpillée partout dans le spectre politique et a erré pendant de nombreuses années. La crise de 2008 a été, dans un premier temps, freinée dans ses effets destructeurs par toutes sortes d’expédients fallacieux. Ce travail de retouches et de colmatages ne fonctionne plus et il commence à y avoir un basculement vers des formes politiques contestatrices, dont l’Italie fut pionnière. La Ligue lombarde, puis la Lega Nord, avait annoncé la couleur dès le debut de la décennie 1990, notamment sur base des idées bien ficelées du Professeur Gianfranco Miglio, dont on devrait se rappeler la pertinence. Ensuite, le Mouvement Cinq Etoiles de Grillo a utilisé des techniques anciennes, celles des théâtres de rue des années 1910 et 1920, que Gramsci avait, lui aussi, voulu promouvoir, pour miner les assises de la partitocratie corrompue qui pesaient de tout son poids mort sur le peuple italien. Une armée s’est effectivement dressée en Italie, comme une autre se dresse en France aujourd’hui avec les Gilets jaunes.   

NLL-2.pngA votre avis, sur quelles tradition philosophique, politique et idéologique reposent ce qu’il est convenu d’appeler le “nouvelles droites européennes”?

D’innombrables traditions politiques ou intellectuelles traversent les contestations qui sont à l’oeuvre ou qui germent aujourd’hui en Europe. Personnellement, je pense qu’Ortega y Gasset, avec l’idée de nations invertébrées (quand elles oublient leurs traditions et leur histoire), et Carl Schmitt constituent chacun un corpus où nous pouvons puiser des munitions idéologiques.

Une augmentation substantielle du poids des nouvelles droites européennes dans les différents parlements de l’UE pourra-t-elle impliquer des changements géopolitiques d’envergure en Occident?

Lors des prochaines élections européennes, le poids des populismes (plutôt que des nouvelles droites) augmentera indubitablement, comme il a augmenté en Italie, en Allemagne, en Andalousie, etc. Cependant, en matières de politique internationale donc de géopolitique, les idées des différents groupements populistes en Europe ne convergent pas nécessairement. Il y a toujours, en ordre dispersé, des atlantistes, des européistes et parfois des eurasistes (qui entendent garder intactes les bonnes relations commerciales avec la Russie, la Chine ou l’Inde: c’est le cas notamment en Allemagne où cette orientation géo-économique n’est pas seulement perceptible dans les discours de l’AfD mais se repère aussi chez les socialistes et les démocrates-chrétiens). Dans les années 1990, en matière de politique internationale, je ne faisais confiance qu’à la Lega et à la FPÖ autrichienne car leur presse était clairement européiste, ne voulait plus d’une inféodation inconditionnelle aux Etats-Unis. Depuis les choses ont changé dans un sens européiste mais trop légèrement à mon goût: je constate, avec amertume, que les pays du centre et de l’Est de l’Europe sont conservateurs quand ils rejettent tout le fatras “sociétal” et s’opposent à une immigration incontrôlée mais demeurent atlantistes en politique internationale, alors que l’invasion idéologique du sociétal est, en ultime instance, une fabrication des boites à penser (think tanks) américaines et des médias d’Outre-Atlantique. Il ne pourra y avoir de changements géopolitiques majeurs que s’il y a tout à la fois rejet du sociétal, volonté de contrôler l’immigration anarchique et européisme pragmatique en relations internationales.

En tant que bon connaisseur et qu’impulseur de la science géopolitique, quels apports pourra offrir cette discipline dans un monde chaque jour plus multipolaire, où le poids de la Russie et de la Chine, entre autres acteurs, se fera sentir toujours davantage en notre continent au détriment du poids des Etats-Unis?

En Espagne, vous avez aujourd’hui le Colonel Pedro Banos qui vulgarise intelligemment la géopolitique, avec deux ouvrages qui connaissent des succès de librairie inimaginable ailleurs en Europe pour ce type de livres! Au temps de la bipolarité née des pourparlers de Yalta, l’Europe était divisée et, par l’effet même de cette división, totalement impuissante. Quand le Rideau de fer est tombé, l’Europe a été théoriquement réunifiée, en même temps que l’Allemagne, mais elle n’a tiré aucun profit de la situation. Elle demeure un nain politique, en dépit d’un gigantisme économique qui, lui aussi, est en train de s’éroder dangereusement. On ne peut pas maintenir une puissance économique sans indépendance et puissance militaires. Face à l’ascension de la Chine, qui n’est pas encore garantie à 100% sur le long terme, face à la résilience de la Russie, face à la montée lente mais sûre de l’Inde, les Etats-Unis marquent le pas et ne peuvent plus prétendre à l’unipolarité qu’ils détenaient, sans challengeur, dans les années 1950. L’Europe est devant un choix: ou bien elle demeure fidèle à l’atlantisme en s’isolant à l’ouest de la masse continentale eurasienne ou bien elle se branche sur les réseaux de communications promus surtout par la Chine et sur les gazoducs russes qui lui fournissent son énergie à bon compte. L’Allemagne, qui est et demeure, qu’on le veuille ou non, le moteur et le coeur de l’Europe, est secouée de débats incessants en ce sens: doit-elle demeurer ancrée dans la “communauté atlantique des valeurs”, au détriment de ses liens traditionnels avec l’Est de l’Europe et avec la Russie (et aussi l’Ukraine), faut-il une politique énergétique branchée sur les gazoducs russes Nord Stream 1 et 2, faut-il accentuer le tropisme chinois, alors que la Chine est désormais le premier partenaire commercial de l’Allemagne? Nous assistons à un retour des problématiques de l’ère de Weimar, où l’on évoquait une tríade entre l’Allemagne, la Russie et la Chine. L’école géopolitique de Haushofer et les théoriciens nationaux-révolutionnaires (dont Ernst Jünger) étaient parties prenantes dans le débat, en se rangeant aux côtés des Russes et des Chinois.

En quoi se différencient les nouvelles droites de la droite européenne traditionnelle?

La droite traditionnelle a disparu: le pilier partitocratique catholique n’est plus traditionnel au sens usuel du mot. Il est, comme le déplorait Carl Schmitt, qui, un moment, a cru à une résurrection du Zentrum démocrate-chrétien dans un sens impérial (reichisch), une instance de déliquescence comme les autres, toutes avatars du modernisme impolitique. Les droites résiduaires, d’une autre nature que le catholicisme mué en démocratisme chrétien, ne tiennent généralement pas compte du passage à la multipolarité et cultivent souvent des vues surannées ou anachroniques. Je me place ici sur le plan idéologique et non pas sur le plan de la politique politicienne. Les partis populistes, que vous semblez vouloir qualifier de “nouvelles droites”, sont encore divisés sur plusieurs plans: sont-ils tous immunisés contre le néolibéralisme? Sont-ils tous européistes sans plus aucune nostalgie de l’atlantisme? Non, bien sûr. Face aux droites résiduaires, les “nouvelles droites populistes” présentent encore un manteau d’Arlequin, si bien qu’il est difficile de les différencier de quoi que ce soit: Salvini et Wilders visent-ils les mêmes objectifs? Blocher et Gauland? Strache et Van Grieken? Le Pen et Farage?  

Quelle est votre position quant à l’eurasisme? Pourriez-vous nous expliquer de manière claire vos idées sur l’eurasisme par rapport aux positions d’Alexandre Douguine, Guillaume Faye ou Alain de Benoist?

Douguine est imbriqué dans le monde russe qui doit tout naturellement jouer une carte eurasienne. Je reste sceptique quand il mêle des résidus de messianisme religieux dans sa définition de l’eurasisme. Faye parlait d’Euro-Sibérie en mettant l’accent sur la nécessité de coupler les savoirs technologiques de l’Europe occidentale franco-allemande (selon lui) aux matières premières sibériennes. Après un débat fructueux avec l’idéologue russe Pavel Tulaev (par ailleurs hispaniste de formation), il a compris que la Sibérie n’a jamais été un sujet politique et que cette très vaste región du nord de la masse continentale eurasienne a eu la Russie, et exclusivement la Russie, comme sujet politique. Il parle désormais d’Euro-Russie, en espérant que plus aucun conflit n’opposera encore les Européens aux Russes. Alain de Benoist n’a jamais vraiment réfléchi sur cette question. Il suit Douguine aveuglément parce que Douguine le flatte. Personnellement, je conçois la visión eurasiste de l’histoire comme l’épopée d’une triple reconquista: l’Europe était enclavée au moyen-âge et devait faire sauter tous les verrous qui l’enfermait pour ne pas imploser. Les peuples ibériques ont reconquis leur péninsule et sont passés à l’offensive dans l’Atlantique, dans la Méditerranée et sur tous les océans; les Hongrois et les Autrichiens ont reconquis le cours du Danube contre les Ottomans; les Russes ont reconquis le cours de la Volga et sont passés à l’offensive en Sibérie et ont poursuivi jusqu’aux côtes du Pacifique. L’histoire de l’Europe est l’histoire de son désenclavement qui avait pour objectif de commercer avec l’Inde (les épices) et la Chine. Ces relations commerciales sans entraves sont désormais possibles si on limite l’ingérence américaine dans nos relations internationales. Cet eurasisme, qui est le mien, est compatible avec les vues de Faye, à coup sûr, avec la géopolitique de Leonid Savin, ami de Douguine aussi. L’eurasisme touranien qui se décalque parfois sur celui de Douguine n’est pas le mien, tout simplement parce je ne suis pas touranien, et que du temps des reconquistas, j’aurais été conseiller de Charles-Quint ou d’un empereur d’Autriche. Ceci dit, toutes nos visions concourent à asseoir une multipolarité ou une nouvelle tríade, comme le voulait Ernst Jünger dans sa jeunesse.

Donald Trump est-il un exemple de “nouvelle droite”?

Trump ou Obama ou Clinton, c’est du pareil au même car, finalement, c’est toujours l’Etat profond, le Deep State, qui commande. On l’a vu avec les tergiversations, les reculades et les retournements de Trump. Ce dernier est surtout l’indice que l’on ne peut plus arriver à la présidence des Etats-Unis en pariant sur les discours véhiculés par les médias, donc, jusqu’ici, par le Deep State. Le peuple américain, victime, comme nous Européens, de la crise de 2008 et de l’effondrement de la “classe moyenne”, ne croit plus au fatras du politiquement correct et des gauches établies ou marginales. Nous devrions d’ailleurs partiellement nous intéresser aux critiques que formulent les droites alternatives américaines (et pas seulement l’AltRight) et les gauches critiques, et populistes, notamment parce qu’elles énoncent des projets de politique internationale alternative et s’insurgent contre la russophobie imposée par les médias dominants. Nous avons là pas mal de leçons à glaner. Trump est un exemple de “néo-droitisme” à l’américaine mais uniquement sur les franges. Le trumpisme est un steak saignant: l’intérieur reste rouge comme le rouge voulu par le Deep State. Il n’est roussi que sur l’extérieur, sur quelques millimètres.

NLL-3.pngCroyez-vous que l’augmentation des appuis que reçoivent désormais les différents partis européens dans le milieu que l’on qualifie de “nouvelle droite” est un phénomène ponctuel ou est-ce une réation de fond qui pourrait nous faire aboutir à une nouvelle manière de concevoir l’Europe?

Evola disait: il ne faut pas croire mais savoir (ou voir). Je ne suis pas Madame Soleil pour affirmer, après lecture de mon marc de café, que les partis populistes vont vaincre aux prochaines élections législatives ou européennes et installer un monde nouveau dans notre Europe à la dérive. Il n’empêche que les récentes élections italiennes et le phénomène des Gilets jaunes en France montrent que le rejet des idéologies dominantes et de la partitocratie est désormais une lame de fond et non plus un épiphénomène éphémère. Cependant, ce n’est pas en France ou en Italie, franges occidentales ou méridionales/péninsulaires de l’Europe, que les choses se décideront en fin de compte mais seulement en son coeur géographique, en Allemagne: le Deep State américain et les réseaux de Soros le savent très bien. C’est pourquoi ils ont organisé la submersion du pays pour ruiner son système de sécurité sociale, qui était exemplaire, pour créer en permanence des désordres sociaux ingérables, pour opérer une mutation ethnique qui, à terme, donnera une Allemagne non pas pastoralisée comme on le voulait en 1945 avec le Plan Morgenthau, mais indifférente à la culture scientifique et industrielle qui avait fait sa force. Une Allemagne neutralisée signifie une Europe neutralisée, impuissante et vassalisée.

L’idée impériale est-elle presente au sein des nouvelles droites européennes? Comment la vieille et puissance tradition impériale hispanique pourra-t-elle s’incarner et éventuellement se projeter dans les Amériques, bien sûr, mais aussi en Extrême-Orient, dans le Nord de l’Afrique, en présetnant un projet impérial européen alternatif face à la faillite de l’Union Européenne?

L’idée impériale est là. Elle sera toujours là même si l’Europe est en dormition. L’idée impériale est éternelle. Mais elle n’est pas présente dans les mouvements populistes qui secouent l’établissement en ce moment: les populistes organisent des jacqueries, des bagaudes, ne préparent pas un véritable Empire. En France, l’idée impériale est battue en brèche par cette résurgence anti-impériale que l’on appelle pompeusement le “souverainisme”, qui se manifeste par un antigermanisme pathologique, que l’on croyait mort et enterré depuis les accords forgés entre De Gaulle et Adenauer en 1963. Germanophobie qui dresse une France affaiblie contre une Allemagne en déliquescence, mais qui reste le centre névralgique de l’Europe, au plus grand bonheur des stratégistes du Deep State américain. L’idée impériale, que vous évoquez, est celle de Charles-Quint: elle ne peut ressusciter qu’en Belgique, en Allemagne, en Autriche et en Espagne ou en Italie du Nord (Miglio était un “impérial”) et avoir un effet d’entraînement dans le reste de l’Europe. L’UE faillira non pas parce qu’elle est européenne mais parce que ses animateurs établis ont voulu la faire fonctionner avec le carburant frelaté qu’est le néolibéralisme. Si les effets pervers du néolibéralisme ne s’étaient pas fait sentir (délocalisations, désindustrialisation, émergence de régions en perpétuelle récession, domination hypertrophiée du secteur bancaire, etc.), si le projet régulationniste des pères fondateurs avait été maintenu, nous ne connaîtrions pas cette désaffection à l’égard de l’Europe que nous vivons actuellement. Or l’idée impériale est compatible avec une forme de solidarisme régulationniste. Il faut oeuvrer à coupler ces deux visions politiques pour faire revivre l’idée impériale dans le coeur des masses populaires et sauver l’Europe du naufrage.

Pour vous, la nouvelle droite, qu’est ce que c’est? Elle englobe tant de courants et de sensibilités, dans des contextes si différents les uns des autres?

Je définirais la “nouvelle droite” comme la synthèse entre la “nouvelle droite” française, née dans le sillage du GRECE, la “Neue Rechte” allemande, surtout celle qui s’est exprimée dans les groupes de Hambourg à partir des années 1960 et la “nouvelle droite” italienne, portée par Marco Tarchi et son équipe, qui avaient trouvé leurs inspirations premières dans les colonnes culturelles de l’hebdomadaire de Pino Rauti, Linea. Sans oublier les directives d’Armin Mohler, notamment en politique internationale, et les leçons de Giorgio Locchi. Aujourd’hui, d’autres personnalités se profilent à l’horizon: en France, nous avons Georges Feltin-Tracol, qui vient de publier un excellent manuel didactique pour construire un nouveau solidarisme, et l’européiste fondamental Thomas Ferrier, dont la culture est immense.

A votre avis, quels sont les partis européens de la “nouvelle droite” dont il faut le plus tenir compte?

Je viens de le dire: les corpus qu’il faut avoir en tête, pour diffuser une géopolitique pragmatique dans le crâne de nos contemporains, sont les articles de politique internationale du quotidien de la Lega, La Padania, surtout à l’époque de la guerre contre la Serbie (de 1998 à 2000), où le journaliste Archimede Bontempi, hélas décédé, a jeté les bases d’une véritable géopolitique européenne alternative, poursuivie aujourd’hui par celui qui est son successeur, Gianluca Savoini, actif, entre autres initiatives, dans le groupe de Chisinau (Moldavie), qui cherche à se positionner comme un “anti-Davos”. Ensuite, véritable corpus bien charpenté: l’ensemble des articles rédigés, semaine après semaine, par le Dr. Bernhard Tomaschitz à Vienne pour l’hebdomadaire Zur Zeit, proche de la FPÖ autrichienne. C’est grâce aux efforts constants d’Andreas Mölzer, qui a appuyé ce jeune politologue, véritable bourreau du travail, que ce solide corpus a pu voir le jour et s’étoffer. Andreas Mölzer était jusqu’il y a peu de temps, député européen à Bruxelles et Strasbourg.  

Comment voyez-vous la situation en Espagne? Vox, en tant que mouvement, est-il un digne représentant de la sensibilité “nouvelle droite” en Espagne?

L’Espagne, comme le reste de l’Europe, est en pleine mutation, ébranlée qu’elle est par la crise et ses effets tardifs, par l’immigration désordonnée qui débarque désormais sur ses plages, par la question catalane qui est un phénomène supplémentaire et actuel de la liquéfaction postimpériale dénoncée en son temps par José Ortega y Gasset dans Espana invertebrada. Vox semble un phénomène de sursaut, comme il en existe ailleurs, preuve que les Européens d’Espagne, eux aussi, sont las des vieilles recettes politiciennes et savent désormais instinctivement qu’elles ne résoudront aucun problème.

A votre avis, qu’est ce qui impulse ces formations en France, en Allemagne, en Italie, en Suède et au Danemark?

Le rejet des partis politiques habituels, le rejet de toutes les gesticulations sociétales (surtout en France), le rejet du “politiquement correct” et des discours médiatiques (les Gilets jaunes), le rejet de l’immigration et des problèmes qu’elle entraîne, le rejet de la pression fiscale excessive due à l’obligation de rembourser les prêts à intérêt des banques, de renflouer les faillites de celles-ci, due aussi aux problèmes sociaux causés par les populations non intégrées.

Selon vous, quelles valeurs idéologiques, éthiques et politiques partagent les principaux partis européens de la “nouvelle droite”?

Il y a encore un gros travail à parfaire pour assurer des convergences, surtout éthiques, car la modernité exerce ses ravages depuis plus de deux siècles: elle a créé de tels désordres dans l’intériorité de nos contemporains (et déjà de leurs ancêtres immédiats) que nous sommes en présence d’un matériel humain très abîmé. Malgré l’admiration que j’éprouve pour le courage des Gilets jaunes français, surtout des femmes et des aînés qui manifestent dans les rues en s’exposant aux coups de troupes mercenaires particulièrement brutales et bien décidées à conserver toutes les horreurs que l’idéologie républicaine française a pu générer au fil des décennies, force est de constater que les naïvetés demeurent présentes dans l’esprit des manifestants comme du reste dans l’esprit de toutes les masses populistes en Europe. Même scénario dans les foules allemandes qui, naguère, hurlaient leur colère à l’encontre de Merkel. Mais je vous rassure, vous détenez en Espagne la clef du renouveau éthique européen dans l’oeuvre d’un véritable saint et ermite contemporain: Antonio Medrano. Lisez son Lucha con el Dragon et vous serez définitivement immunisés contre les bacilles du modernisme délétère!

Le “Groupe de Visegrad”, aujourd’hui, est-il l’expression politique que pourrait servir de modèle aux institutions et aux gouvernements, s’ils tombent aux mains des nouvelles droites?

L’imprégnation idéologique dans les pays du Groupe de Visegrad est assez différente de ce que nous connaissons, nous, en Europe de l’Ouest. Nous n’avons pas assez étudié les ressorts des dissidences antisoviétiques qui s’activaient au-delà de l’ancien Rideau de fer. La religión catholique ou orthodoxe, le sens d’une liberté intérieure, les ruses pour contourner les contraintes idéologiques, les legs particuliers de l’univers littéraire et mental slave (Dostoïevski) ont donné à ces pays, aujourd’hui réunis de manière informelle dans le Groupe de Visegrad, un mental politique totalement différent du nôtre, qui est très malade, comme vous en conviendrez. Ces peuples sont naturellement hostiles au sociétal et à l’immigrationnisme mais leur anticommunisme, qui est anachronique parce qu’heureusement le communisme n’existe plus, s’est mué en russophobie parce que la Russie est perçue comme l’ancienne importatrice de ce communisme. Avec le risque de créer artificiellement et subrepticement un nouveau cordon sanitaire entre l’Allemagne et la Russie au bénéfice des seuls Etats-Unis.

Muchas gracias por sus respuestas

 

mercredi, 09 janvier 2019

Entretien sur Le Prince d'Aquitaine - Trois questions à Christopher Gérard

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Entretien sur Le Prince d'Aquitaine

Trois questions à Christopher Gérard

Propos recueillis par Bruno Favrit

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Le Prince d’Aquitaine est votre douzième livre et votre cinquième roman. Comment qualifier ce livre et, tout d’abord, pourquoi ce titre d’inspiration nervalienne ?

Vous avez raison de souligner l’origine du titre, qui évoque de manière explicite, par le biais d’une citation des Chimères, l’un des plus mystérieux poèmes de Nerval, et l’un des plus sublimes sonnets de notre littérature – El Desdichado : « Je suis le Ténébreux, - le Veuf, -l’Inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie ; ».

Le Prince d’Aquitaine est en fait un chevalier de la suite de Richard-Cœur-de-Lion, dépossédé (tel est le sens de l’espagnol desdichado) de son trône, celui de Castille, par Jean-sans-Terre.  Ce prince évincé se réfugie en Languedoc, si l’on en croit Walter Scott dans Ivanhoe, un roman de chevalerie qu’avait dévoré Gérard de Nerval. L’Aquitaine, ici, est une terre mythique, de même que le prince est légendaire. Le sonnet tout entier baigne dans une atmosphère mystique et hermétique qui a fasciné et continue de fasciner ses lecteurs. Le Prince d’Aquitaine incarne à mes yeux la solitude du chevalier médiéval, la lente remontée depuis le monde des Enfers d’un homme frappé par le cruel destin, mais qui survit à l’épreuve. Il faut aussi savoir que l’un des manuscrits du poème, celui qui appartint à Eluard, porte comme titre non pas El Desdichado, mais Le Destin.

Mon roman illustre le combat mené, entre misère et orgueil, entre la nuit la plus noire et le soleil le plus éclatant, par un jeune chevalier contre des destins contraires – j’insiste sur le caractère symbolique, et donc universel, du récit, qui ne se réduit pas à une banale autobiographie. D’où, je pense, son caractère anachronique au sens noble – à rebours du siècle. Le dernier mot du livre, katharsis, purification en grec ancien, rappelle qu’il s’agit d’une tragédie, qui, selon Aristote, se définit par la purification qu’elle impose au spectateur. Il s’agit bien d’un roman initiatique, doublé d’une description quasi clinique d’un phénomène de résilience -  comment d’anciennes cicatrices se referment, comment une armure muée en prison tombe en pièces, désormais inutile.

princed'aquitaine.jpgDans vos deux premiers romans, Le Songe d’Empédocle et Maugis (L’Age d’Homme), vos personnages sont en quête de sacré, à rebours d’une époque anémique. Dans Le Prince d’Aquitaine, le procédé semble différent, même si le lecteur n’en sort pas indemne. Qu’en est-il ?

Deux ou trois mots sur le roman proprement dit, pour éclairer le lecteur.

Le Prince d’Aquitaine  est un itinéraire affectif, esthétique et philosophique, qui s’étend sur un siècle, des tranchées de l’automne 1914 à nos jours. C’est aussi le dialogue d’un fils avec l’ombre de son père, qui trace un portrait parfois cruel du monde « d’avant » – celui des années 50 à 80.

On y lit des réflexions sur le dandysme, sur la vision tragique de l’existence, sur les blessures trans-générationnelles – un obus allemand occasionnant ici des plaies qui durent cent ans. Drieu, Stendhal, Léautaud sont convoqués. C’est le fruit de dizaines d’années d’observations, d’expériences et de réflexions, dans un esprit antimoderne.

Comme dans mes précédents romans, le sujet central est bien ce combat millénaire que se livrent les forces du chaos, ici incarnées par un personnage littéralement possédé, le père du narrateur, et celles de la lumière, ou, pour citer Empédocle d’Agrigente, Arès aux noires prunelles, figure de la Haine et de la division, et Aphrodite aux mille parfums, figure de l’Amour et de la concorde. Mon narrateur, né dans une famille éclatée, dévastée par le nihilisme contemporain, étouffe et risque de perdre le combat qu’il mène, d’abord de manière inconsciente dans son enfance, contre ces forces infernales. Tout le récit narre comment ce fils du Soleil triomphe, malgré les blessures, et regagne son royaume, évitant ainsi d’être stérilisé et de rejoindre le vaste troupeau des âmes mortes.

On trouve, au fond, dans votre roman une opposition entre la mémoire, la tradition, le sacré et ce que leur impose « l’époque » par ses injonctions modernistes et son mépris affiché envers qui prétendrait devenir ce qu’il est. Ce qui est fascinant, c’est de suivre le narrateur tout au long d’un parcours où il s’efforce de se construire face à un père fantasque, insaisissable, et qui ne ménage pas les siens. Derrière cette figure paternelle, il y a une tension, une tragédie, n’est-ce pas ?

Exactement. Un fils s’adresse au fantôme paternel non pour régler des comptes, mais pour les apurer et pour se libérer d’une ombre maléfique, car possédée par l’autodestruction, ici symbolisée par l’alcool.

Il ne s’agissait pas de déballer je ne sais quels banals secrets de famille, besogne dépourvue d’intérêt comme de tenue. Dans ce roman, qui est avant tout une construction littéraire, l’essentiel réside dans la colère froide du narrateur, dans la tension tragique vécue par une jeune âme qui tente de surnager face au courant qui l’emporte vers le gouffre. Pour reprendre la métaphore nervalienne, le « dépossédé » au sens de déshérité se lance à la reconquista de son royaume intérieur et devient ainsi ce qu’il est. Parfois, il faut le savoir, l’ennemi n’est pas au pied de nos murailles, mais dans la place, dans notre dos, voire en nous-mêmes !

Quand je parle d’héritage, je songe surtout à cet héritage immatériel que, pour la première fois dans l’histoire de notre civilisation, une génération d’ingrats refuse de transmettre par haine de soi. Et en même temps, le narrateur, de possédé au sens d’aliéné, devient « dépossédé » au sens de libéré. Cette tension dont vous parlez se résout par la joie tragique et grâce au triomphe de l’Amour.

Christopher Gérard

Propos recueillis par le confrère Bruno Favrit.

Août XVIII

dimanche, 30 décembre 2018

Grégoire Canlorbe interviewe Jared Taylor

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Grégoire Canlorbe interviewe Jared Taylor

Jared Taylor

(traduction français par Chlodomir)

Samuel Jared Taylor est un défenseur américain de la race blanche, né au Japon. Il est le fondateur et le rédacteur du magazine online American Renaissance. Taylor est aussi le  président de l’organisation parente d’American RenaissanceNew Century Foundation.

Grégoire Canlorbe : Avec le bénéfice de la vision rétrospective, quel fut l’Age d’Or des relations raciales aux USA ? Cela aurait-il pu être la ségrégation ?

Jared Taylor : Il n’y a jamais eu d’Age d’Or des relations raciales. Je pense que c’est impossible d’avoir un Age d’Or des relations raciales, parce que les relations raciales sont intrinsèquement conflictuelles.

La ségrégation était meilleure au sens où quand les Noirs et les Blancs n’entrent pas en  contact, il y a moins de conflits. Elle était aussi meilleure à certain égards pour les Noirs parce qu’aujourd’hui, un Noir intelligent et travailleur peut sortir d’un quartier noir et vivre dans un quartier blanc. Pendant la ségrégation, les Noirs compétents et intelligents vivaient dans les quartiers noirs et ils pouvaient être des modèles. Pour cette raison, beaucoup de Noirs disent que la ségrégation était meilleure pour les Noirs parce qu’ils avaient une série complète de gens riches et pauvres, travailleurs et non-travailleurs, mariés et célibataires, alors qu’aujourd’hui les quartiers noirs ont souvent seulement les pires des Noirs. Beaucoup sont devenus des zones de grande dégénérescence, qui sont très mauvaises pour les Noirs et très mauvaises pour le pays.

Beaucoup de lecteurs ne le croiront pas, mais du moins dans le Sud, lorsqu’il y avait une claire hiérarchie avec les Blancs en haut et les Noirs en bas, il était plus facile d’avoir des relations d’affection authentiques. Personne n’ose en parler aujourd’hui, mais il y avait souvent un sentiment qui ne peut être décrit que comme de l’amour entre les Blancs et les Noirs qui travaillaient pour eux. Je crois que c’était possible seulement parce que la hiérarchie était claire – les gens des deux races savaient à quoi s’attendre les uns des autres. La description de Huck et Jim dans Huckleberry Finn donne une idée de ce genre d’affection. Il est beaucoup plus difficile d’avoir une amitié authentique qui traverse les lignes raciales dans notre actuelle ère d’égalité par décret en dépit de l’inégalité biologique et à une époque de politique identitaire noire insistante.

Grégoire Canlorbe : Thomas Jefferson dit qu’il était en faveur de l’affranchissement et de la déportation [= rapatriement] des esclaves afro-américains. Au vu de cela, pensez-vous qu’il serait en faveur de la remigration des colonisateurs congoïdes et arabes hors d’Europe ?

Jared Taylor : Certainement. Il aurait fortement soutenu cela. Thomas Jefferson n’était pas du tout le seul à vouloir rapatrier les Africains noirs. Beaucoup d’Américains éminents voulaient la même chose. Le président James Monroe fut très étroitement impliqué dans l’établissement du pays du Liberia. La capitale Monrovia est nommée d’après James Monroe parce qu’il aida à établir le Liberia. Même Abraham Lincoln – bien qu’il soit révéré aux Etats-Unis comme le Grand Emancipateur – voulait envoyer les Noirs affranchis en-dehors des Etats-Unis. Il ne voulait pas que les Etats-Unis soient composés de Noirs libres et de Blancs libres vivant ensemble. Il voulait que tous les Noirs quittent les Etats-Unis.

Ces gens n’auraient jamais pu imaginer une Europe où il y aurait beaucoup de Noirs, beaucoup d’Arabes, beaucoup d’Asiatiques. Ils auraient considéré cela comme une terrible  forme de suicide national, racial et culturel. 

Grégoire Canlorbe : Comparée à celle des Pères Fondateurs, la conscience de race est-elle une question politique importante pour le président Trump ?

Jared Taylor : Je ne pense pas que Donald Trump pense sérieusement à la race. Il est toujours accusé d’être raciste, mais, bien qu’il comprenne, par exemple, que les musulmans ne s’intègrent pas très bien aux Etats-Unis et qu’il n’aime pas les immigrants illégaux entrant aux Etats-Unis et bénéficiant de l’aide sociale, je ne pense pas que Donald Trump comprenne que pour que les Etats-Unis continuent de faire partie de la civilisation occidentale, ils doivent avoir une majorité blanche. Il comprend peut-être cela et il est peut-être simplement effrayé de le dire tout haut, mais je pense qu’il est plus probable qu’il ne le comprenne simplement pas.

Grégoire Canlorbe : On pense souvent à l’Amérique comme au pays calviniste par excellence. Pourtant les Pères Fondateurs étaient imprégnés de la culture païenne du vieux monde gréco-latin. De nos jours, que reste-t-il de cela dans le mode de vie américain ?

Jared Taylor : Il est vrai que les Etats-Unis furent fondés par des gens qui étaient nominalement protestants. Je ne suis pas sûr qu’on doive les appeler calvinistes. Ils étaient anglicans, ils étaient presbytériens, et ils étaient catholiques, même au début. L’Etat du  Maryland fut fondé par des catholiques, par exemple. Mais des parties de la Scandinavie et de l’Allemagne étaient aussi protestantes. Je ne suis pas sûr qu’il serait correct de dire que les Etats-Unis ont été davantage formés par ce genre de protestantisme que l’Allemagne ou la Scandinavie. Les Etats-Unis deviennent de moins en moins religieux.

Il serait incorrect, je pense, de dire que les Etats-Unis, culturellement ou politiquement, reflètent le calvinisme. Cela aurait pu être le cas dans certaines zones, certaines parties du pays. Quelqu’un comme le général Stonewall Jackson croyait en une forme sévère et punitive du presbytérisme. Donc, ce courant de pensée était certainement présent aux Etats-Unis jusqu’à une certaine période. Mais aujourd’hui, je ne dirais pas que les Etats-Unis soient calvinistes. Les Etats-Unis sont même de moins en moins chrétiens. Et beaucoup des gens qui prétendent être chrétiens sont tout aussi libéraux ou multiculturalistes, ou tout aussi pro-immigrants que les athées.

L’Américain ordinaire, je pense, est complètement détaché de tout ce qui pourrait être appelé gréco-latin. Bien sûr, les monuments de l’architecture américaine – le bâtiment du Capitole, ou le bâtiment des archives, ou même la Maison Blanche : tous reflètent l’architecture gréco-latine. Notre chambre haute est appelée le Sénat ; la littérature et la loi sont parsemées de phrases latines. Mais en termes d’appréciation de l’Iliade et de l’Odyssée, et des classiques de la littérature romaine, de la tragédie grecque, la plupart des Américains ont très peu de contact avec cela. Et s’ils ont un contact avec, c’est pendant une brève période à l’université. Je pense que si vous demandiez aux étudiants d’université : « Avez-vous déjà lu une pièce grecque ? » ou « Avez-vous déjà lu l’Iliade ou l’Odyssée ? », la plupart répondraient probablement non.

Grégoire Canlorbe : « Une autre chose qui m’a frappé [chez l’Américain] », écrivit le psychiatre et philosophe Carl Gustav Jung, « fut la grande influence du Nègre, une influence  psychologique naturellement, non due au mélange de sang. La manière émotionnelle dont un  Américain s’exprime, spécialement la manière dont il rit, peut être étudiée le mieux dans les suppléments illustrés des journaux américains ; l’inimitable rire de Teddy Roosevelt se trouve dans sa forme primordiale chez le Nègre américain. La démarche particulière décontractée, ou le déhanchement si fréquemment observé chez les Américains, vient aussi du Nègre. La musique américaine tire sa principale inspiration du Nègre, et la danse aussi. L’expression du  sentiment religieux, les meetings du revival, les Holy Rollers et autres anormalités sont fortement influencés par le Nègre. La vivacité de l’Américain moyen, qui apparaît non seulement dans les parties de base-ball mais tout particulièrement dans son extraordinaire amour du bavardage – l’incessant baratin des journaux américains en est un exemple éloquent – peut difficilement être attribué à ses ancêtres germaniques, mais ressemble bien plus au bavardage d’un village nègre. Le manque presque total d’intimité et la sociabilité de masse dévorant tout me rappellent la vie primitive dans des huttes, où il y a une identité complète avec tous les membres de la tribu ».

Comment évaluez-vous l’analyse de Jung, d’après laquelle les Américains blancs sont  psychologiquement mélanisés ?

Jared Taylor : Je pense que concernant la musique américaine, il y a une certaine vérité là-dedans. Et il y a une chose que Jung ne mentionne pas, c’est la cuisine américaine. Les Noirs ont contribué à une certaine sorte de cuisine sudiste. Mais l’idée que le comportement des Blancs – leur manière de rire ou de parler – est influencé par les Noirs, je ne suis pas d’accord avec cela. Je pense qu’en-dehors de la musique et de la cuisine – je ne sais pas quand cette citation a été écrite –, il y a certainement très peu de choses dans les habitudes et les activités quotidiennes des Américains qui doivent beaucoup à une influence africaine, à mon avis. Il y a un certain nombre de jeunes Blancs qui sont influencés par la musique rap, par exemple. Il y a des gens qui souhaitent agir comme des Noirs, mais ils ont un nom particulier : ils sont appelés « wiggers ». C’est une abréviation pour « white Niggers » [Nègres blancs]. Ce sont des Blancs qui pensent que c’est cool de parler et d’agir et de s’habiller d’une manière qui imite les Noirs. Mais ils forment un groupe distinct – un groupe très distinct – et ils ne sont pas représentatifs de la plupart des Américains.

Grégoire Canlorbe : On dit parfois qu’un individu est d’abord défini par sa caste (soi-disant naturelle), et seulement secondairement par sa race. En d’autres mots, un aristocrate guerrier blanc est – au niveau psychologique aussi bien que physiologique – plus proche d’un samouraï japonais et d’un kshatriya indien que d’un marchand blanc ou d’un travailleur blanc.  Un exemple souvent évoqué est celui de Jules Brunet, un officier de l’armée française qui vint au Japon pour aider l’empereur et qui finalement rejoignit la rébellion des samouraïs contre lui. Cet homme, qui devint un samouraï, fut accepté par les Japonais comme l’un des leurs. Le film avec Tom Cruise, bien qu’étant une fiction complète, a été basé sur cette histoire. Etes-vous d’accord avec cette vision des choses ?

Jared Taylor : C’est une question intéressante. Je ne suis pas sûr qu’on trouve toutes les mêmes castes dans toutes les différentes races. Je ne suis pas sûr qu’un pays africain ait produit le genre d’aristocratie – un genre d’aristocratie « noblesse oblige » – que nous pouvons trouver en Europe. Les Etats-Unis n’ont pas non plus produit tout à fait ce même genre d’aristocrate. Je suppose que si vous parlez d’un aristocrate européen médiéval, et que vous tentez de comparer cet état d’esprit à celui d’un samouraï japonais, vous trouverez certaines similarités, c’est vrai, mais ils seraient séparés par certaines choses très profondes. Ils seraient séparés par la religion. Ils seraient divisés par la culture. Ils pourraient avoir un sentiment similaire de supériorité inhérente. Ils pourraient avoir aussi un sentiment d’être responsables du gouvernement de leur pays. Mais je crois que le gouffre entre de tels groupes serait très grand. Auraient-ils assez de choses en commun pour les rendre plus similaires entre eux que vis-à-vis de la paysannerie environnante ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre.

Il est de plus en plus difficile de tracer des distinctions entre un aristocrate occidental et un Occidental ordinaire. Un sentiment de caste, d’être destiné par naissance à régner, a presque complètement disparu d’Occident. Nous avons : une classe ouvrière, une classe moyenne, une classe supérieure. Nous avons des intellectuels. Maintenant, diriez-vous qu’un intellectuel européen a beaucoup plus en commun avec un intellectuel asiatique au point que l’Européen serait plus à l’aise avec l’Asiatique qu’avec un Européen de la classe ouvrière ou même de la classe moyenne ? Selon les individus, cela pourrait être le cas. Des gens pourraient trouver une certaine communauté du fait de leurs intérêts particuliers, mais en fin de compte, sur le long terme, des gens qui partagent la même race, la même religion, la même culture auront probablement plus en commun que vis-à-vis de gens qui sont d’une race différente, d’une religion différente, et d’une culture différente, même si leur rôle dans la société est similaire.

Je n’ai jamais entendu parler de ce Français, Jules Brunet. Peut-être a-t-il existé. A-t-il vécu assez longtemps au Japon pour vraiment maîtriser la langue japonaise ? S’est-il converti au shintoïsme ou au bouddhisme ? A-t-il épousé une femme japonaise ? A quel point s’est-il vraiment immergé dans la culture japonaise ? Parce que, même aujourd’hui, à une époque où il est plus facile de traverser les frontières et les barrières, et où les gens acceptent beaucoup mieux les différences, il est très difficile pour un Européen, même s’il a maîtrisé le japonais, même s’il est marié à une femme japonaise, d’être accepté comme authentiquement japonais. Je connais un certain nombre d’Américains qui sont allés au Japon, et qui sont finalement tombés amoureux du Japon, mais qui à la fin ont compris que le Japon n’est pas tombé amoureux d’eux. Ils peuvent être ici pendant de nombreuses années, et ils comprennent l’étiquette, les manières, la culture, l’histoire et la langue japonaises, mais ils ne sont pas acceptés parce qu’ils ne sont pas biologiquement japonais. Donc, je soupçonne que l’expérience de ce Français, même s’il était techniquement parlant un samouraï – je serais très surpris s’il était considéré comme Japonais d’une manière fondamentale, parce que les Japonais ne considèrent pas les non-Japonais comme faisant vraiment partie de leur peuple.

Grégoire Canlorbe : Il n’est pas rare de mettre sur le même plan l’Empire du Japon (qui dura depuis la Restauration Meiji en 1868 jusqu’à la mise en œuvre de la Constitution du Japon moderne en 1947) et les entreprises impérialistes des régimes nazi et fasciste. Ayant passé votre enfance au Japon, et connaissant intimement la culture japonaise, pensez-vous que cette affirmation soit une comparaison honnête ?

Jared Taylor : Ils étaient alliés, mais seulement dans un sens minimal. Il n’y eut jamais de coopération ou de planification stratégique entre le Japon et l’Allemagne nazie, et l’impérialisme du Japon existait bien avant l’impérialisme national-socialiste. L’idée de l’Empire japonais était basée sur les empires européens. Les Japonais étaient furieux d’avoir été tenus à l’écart de la Chine, par exemple, ou d’Afrique. Ils n’avaient pas d’intérêt particulier pour l’Afrique, mais ils basaient leur empire colonial sur le modèle européen. Le Japon annexa Taiwan et la Corée après les guerres sino-japonaise et russo-japonaise en 1895 et 1905. C’était bien avant les débuts des nazis. Les annexions et la colonisation de la  Mandchourie, par exemple – cela fut fait au nom de l’expansion de l’empire japonais, pour s’assurer des matières premières. C’était bien plus une imitation des empires européens en Afrique que quelque chose de similaire à la conquête nazie.

Et durant ces périodes, les Japonais firent de gros efforts pour transformer les Coréens et les Taïwanais en locuteurs du japonais – pour les rendre culturellement japonais. Je ne pense pas que les Allemands aient eu l’idée de transformer les Russes ou les Polonais en germanophones. Ainsi, la mentalité des Japonais et de l’empire japonais ressemblait beaucoup plus à celle des Européens qui apprenaient aux Africains à parler leurs langues. Les Britanniques ne pensaient pas que les Indiens deviendraient un jour comme les Britanniques, mais ils leur enseignaient l’anglais. Ils leur enseignaient certaines coutumes britanniques. Mon impression est que la conquête allemande de l’Est fut, franchement, plus exploiteuse que la construction de l’empire japonais.

Grégoire Canlorbe : Concernant la quête de l’Amérique pour l’hégémonie, voyez-vous la politique étrangère de Trump comme une continuation de la stratégie classique visant à assurer une présence guerrière en Europe et à isoler la Russie ?

Jared Taylor : Je ne pense pas que Trump lui-même ait une grande vision stratégique. Je ne pense pas qu’il ait sérieusement réfléchi à ces questions. Il y a des gens autour de lui qui ont divers plans plus stratégiques et plus élaborés. Mon impression est certainement que quelqu’un comme John Bolton n’est pas favorable à un rapprochement avec la Russie. Steve Bannon était plus intéressé à rétablir des relations amicales avec la Russie, mais Bolton ne l’est pas. Et je ne pense pas que Donald Trump ait un contrôle suffisamment cohérent sur la politique étrangère américaine et une vision suffisamment cohérente pour établir le genre de rapprochement qui serait à mon avis souhaitable pour les Etats-Unis et la Russie. Instinctivement, il semble penser que la Russie pourrait être une amie, que Vladimir Poutine n’est pas un mauvais homme. Mais il y a beaucoup, beaucoup de gens dans l’establishment de la politique étrangère des Etats-Unis qui sont profondément soupçonneux envers la Russie, et à mon avis pour des raisons superficielles et erronées. Donald Trump a un sentiment instinctif que les Russes peuvent être et devraient être nos amis. Mais je ne pense pas qu’il ait la cohérence ou une personnalité assez forte pour imposer à lui seul une politique étrangère à un establishment qui est profondément soupçonneux envers la Russie.

Photo: Jared Taylor en compagnie de Grégoire Canlorbe, Paris, septembre 2018.

taylorcanblorbesept18.jpgGrégoire Canlorbe : Comment résumez-vous les conséquences à long terme de la tristement célèbre Guerre Civile américaine – décrite dans Autant en emporte le vent – sur le destin des Américains blancs et sur le visage de la société américaine ?

Jared Taylor : Eh bien, imaginons ce qui serait arrivé si les Etats Confédérés d’Amérique avaient réussi à devenir indépendants. Imaginons qu’Abraham Lincoln ait été incapable de vaincre la Confédération et qu’elle soit devenue indépendante. Il est clair que cela aurait réduit la puissance globale des Etats-Unis d’Amérique. L’Amérique serait loin d’être aussi dominante qu’aujourd’hui. Imaginons-la sans les 13 Etats confédérés. Elle serait une puissance importante, incontestablement, mais pas aussi dominante.

L’un des objectifs de la Confédération était d’importer encore plus d’esclaves noirs. La traite des esclaves avait pris fin en 1808. Les Etats Confédérés d’Amérique, s’ils avaient réussi, auraient importé encore plus de Noirs d’Afrique. Je pense que cela aurait été une catastrophe. L’esclavage n’aurait pas pu continuer, même dans le Sud. Il est impossible d’imaginer l’esclavage se poursuivre au XXe siècle. Et finalement il y aurait probablement eu une sorte de pression égalitaire sur le Sud. La Confédération serait-elle devenue comme l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, avec une majorité noire aujourd’hui dominante et discriminant les Blancs ? Je ne sais pas. J’aimerais penser que la Confédération n’aurait pas été réduite à un tel Etat.

Il devient très difficile d’imaginer un futur pour une Confédération indépendante avec un grand nombre de Noirs. Combien de temps aurait survécu l’esclavage ? Quelle sorte d’organisation sociale y aurait-il eu entre les races après l’abolition de l’esclavage ? Y aurait-il une ségrégation ? Y aurait-il une sorte d’apartheid ? Combien de temps cela aurait-il duré ? Nous pouvons imaginer un futur – un présent – où la Confédération tenterait encore de maintenir une population hiérarchiquement ségrégée. Elle serait mise à l’écart. Elle serait expulsée des Nations Unies. Elle serait soumise à toutes sortes de sanctions commerciales. C’est une idée fascinante, si vous imaginez une Confédération victorieuse, mais il est impossible d’imaginer les détails.

Mais il n’y a pas de doute que s’il y avait eu deux nations anglophones en Amérique du Nord, la force combinée des Etats-Unis aurait été loin d’être aussi grande. Et si vous imaginez des Etats-Unis divisés, les Etats-Unis seraient-ils entrés en guerre – la Première Guerre mondiale – aux cotés de la France et de la Grande-Bretagne ? Peut-être pas. S’il y avait eu deux Etats-Unis, y aurait-il eu une grande puissance anglophone pour entrer en guerre contre l’Allemagne nazie ? Le Japon aurait-il attaqué les Etats-Unis ? Il est impossible de le savoir. Mais, si la Confédération avait été victorieuse, il est possible d’imaginer un futur où l’Allemagne aurait pu gagner la Première Guerre mondiale, ou bien où elle aurait pu gagner la Seconde Guerre mondiale. Il aurait pu y avoir d’immenses conséquences de ce genre. Maintenant, quelles auraient été les relations avec la Russie, il est impossible de le dire.

Grégoire Canlorbe : Merci pour votre temps. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ?

Jared Taylor : Si les Européens doivent être remplacés, je préférerais de loin que nous soyons remplacés par des Asiatiques plutôt que par des Africains ou des Moyen-Orientaux et,  certainement, par des musulmans. J’espère bien sûr que la civilisation occidentale survivra,  que les Blancs conserveront leur civilisation et leur substrat biologique pour toujours dans le futur. J’espère que c’est ce qui arrivera. Mais si nous devons nous éteindre – si nous nous éteignons vraiment –, ou si nous ne nous reproduisons pas, si le continent de l’Europe devient non-blanc, si l’Amérique du Nord devient de plus en plus non-blanche, je préférerais qu’ils deviennent asiatiques plutôt qu’africains, moyen-orientaux, ou latinos.  Les Asiatiques sont un groupe à haut QI, et ils organiseraient des sociétés supérieures, alors que si les Etats-Unis devenaient peuplés par des gens comme les Guatémaltèques, les Haïtiens, les Syriens, alors les Etats-Unis deviendraient un fouillis du Tiers-Monde.

Cette conversation entre Jared Taylor et Grégoire Canlorbe, vice-président du Parti National-Libéral (nationaliste, archéofuturiste, et libre-échangiste) a eu lieu à Paris, en septembre 2018.

 

 

dimanche, 18 novembre 2018

Bernanos a été, à des degrés divers, trois hommes à la fois

Entretien avec Thomas Renaud, auteur de Georges Bernanos (1888-1948) – Qui Suis-Je ? (Pardès)

Propos recueillis pas Fabrice Dutilleul

Ex: http://www.eurolibertes.com

Pourquoi lire Bernanos aujourd’hui ?

Sans que cela constitue une pirouette, je vous répondrai en citant Baudelaire qui affirmait, en 1887, donc avant-hier : « Il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l’homme qui chante, l’homme qui bénit, l’homme qui sacrifie et se sacrifie ». Bernanos a été, à des degrés divers, ces trois hommes à la fois et c’est pour cela qu’il nous faut aujourd’hui le lire, ou le relire. On retient trop souvent sa critique de la technique, peut-être grâce à la force d’un titre : La France contre les robots. Cette critique était certes pertinente mais elle a été largement surpassée par d’autres. Qu’il suffise de citer, à la même époque, Huxley ou Barjavel. Mais ce qui fait toute l’originalité de Bernanos, c’est qu’il avait saisi que le désastre moderne n’était pas prioritairement social, économique ni même philosophique, mais spirituel. Ou plutôt, qu’il était social, économique et philosophique parce que spirituel. C’est parce que la modernité est une gigantesque machine à broyer les âmes que Bernanos a porté en lui toute sa vie la nostalgie des temps anciens. D’autant plus que cette faillite moderne était peinturlurée, déguisée, masquée en formidable marche du Progrès.

QSJBernanos.jpgLire Bernanos aujourd’hui, c’est donc renouer avec l’idéal de la plus vieille France, celui d’une chrétienté médiévale – peut-être idéalisée – qui, dans toute sa puissance, était restée le marchepied du Royaume des Cieux. Royaume qui ne s’ouvrait qu’à ceux qui n’avaient pas tué en eux l’esprit d’enfance. Une chrétienté virile qui châtiait les usuriers et faisait miséricorde aux putains, qui couvrait la France de monastères, de vignes et de moulins. C’est à cette vieille terre de France que Bernanos songeait lorsqu’il écrivait : « Quand je serai mort, dites au doux royaume de la terre que je l’aimais plus que je n’ai jamais osé le dire ». Et cette terre est la nôtre, alors…

Quels livres de Bernanos conseilleriez-vous à quelqu’un qui ne l’a encore jamais lu ? Et quels sont ses livres aujourd’hui toujours disponibles ?

La quasi-totalité des œuvres de Bernanos sont aujourd’hui accessibles, et les rééditions sont nombreuses. La critique a trop souvent distingué en Bernanos le romancier du pamphlétaire, je me suis attaché dans cette petite biographie à montrer que la césure est artificielle. Les deux facettes de l’écrivain se nourrissaient mutuellement et tiraient leur force de la même âme torturée. Mais puisqu’il faut bien vous répondre, nous pourrions suggérer le Journal d’un Curé de campagne, Sous le Soleil de Satan et Français, si vous saviez… Ce dernier titre, recueil d’articles parus au sortir de la deuxième guerre mondiale, a beaucoup à nous dire sur la situation actuelle de la France et les choix qui s’ouvrent à notre vieux peuple. Mais le sommet poétique de Bernanos reste peut-être Dialogues des carmélites, œuvre des derniers instants d’une vie trop vite consumée, qui concentre en quelques âmes ce que l’écrivain attendait de « l’esprit français ».

Bernanos n’a jamais renié son amitié et son soutien à Édouard Drumont, auteur du best-seller au XIXe siècle La France juive ; étrangement, ce n’est pas ce qu’on semble prioritairement lui reprocher de nos jours ; je me trompe ?

Si Bernanos n’a jamais renié Drumont, il s’est expliqué à plusieurs reprises sur l’antisémitisme qui lui était reproché. J’ai tenu à apporter quelques précisions utiles sur cette question qui est aujourd’hui particulièrement piégeuse, et Sébastien Lapaque, excellent connaisseur de l’œuvre de Bernanos, avait, à plusieurs reprises, brillamment repoussé les tentatives fielleuses des petits censeurs des lettres françaises. La Grande Peur des bien-pensants et Les Grands Cimetières sous la lune opposent bernanosiens de droite et bernanosiens de gauche. C’est ramener un écrivain à des considérations bien mesquines. Il faut prendre Bernanos tout entier. Le Grand d’Espagne avait tenu à saluer en Drumont un défenseur du petit peuple contre le règne de l’Argent, malgré, ou plutôt au-delà de son antisémitisme. La meilleure manière de comprendre ces nuances peu admises par les scribouillards du temps, reste de le lire.

mardi, 13 novembre 2018

"Een sterke plaats voor de Lage Landen in het Verre Westen van Eurazië"

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"Een sterke plaats voor de Lage Landen in het Verre Westen van Eurazië"

Kort gesprek met Robert Steuckers

Op 17 november aanstaande organiseert het Geopolitiek Instituut Vlaanderen-Nederland voor de tweede maal een congres in Leuven, ditmaal onder het thema ‘Een eerlijke kijk op geopolitiek’. Eén van de sprekers op dat congres is de Brusselse publicist Robert Steuckers, Novini sprak met hem.

Meneer Steuckers, u spreekt op 17 november aanstaande op het congres van het GIVN, over welk onderwerp zult u daar spreken en waarom juist dat onderwerp?

Eerst over een algemene definitie van wat in mijn ogen geopolitiek wel is: de noodzakelijkheid de lessen van de geschiedenis te onthouden op ieder specifiek stuk land op deze aarde. Geschiedenis is tijd en aardrijkskunde is ruimte. Niets gebeurt buiten tijd en ruimte. Dan, in het tweede deel, over geopolitiek in de specifieke tijd en de eigen ruimte van onze Lage Landen. Welke geopolitieke lessen kunnen wij trekken uit ons verleden, een verleden dat wij niet altijd zelfstandig hebben kunnen bepalen?

U heeft al veel geschreven over de geopolitiek van Europa, wat heeft in eerste instantie uw belangstelling voor die materie gewekt?

Ik werd altijd, zelfs als kind, gefascineerd door geschiedenis en door atlassen, in het bijzonder door historische atlassen. Met historische kaarten heb ik kunnen ontdekken dat door overwinningen en nederlagen onze huidige tijd er heel anders uit had kunnen zien. De regels van deze vooruit- of achteruitgangen uit het verleden moeten onderzocht worden. Daarom de drie delen van mijn recente drieluik, dat als titel “Europa” draagt. Wat in het verleden is gebeurd kan zich vaak herhalen op dezelfde plaatsen waar ze ooit aan de oude geschiedenis vorm en inhoud hebben gegeven.

Zijn er uit de huidige trends op dit gebied bepaalde ontwikkelingen voor de middellange termijn af te leiden? Zo ja, welke ontwikkelingen kunnen we als eerste verwachten? Zijn er bepaalde zaken die onze bijzondere aandacht verdienen als het om de toekomst van Europa gaat?

De trend die men vanuit Amsterdam, Rotterdam, Antwerpen of Brussel moet observeren en volgen, is ontwijfelbaar de strijd tussen een hernieuwde poging om de verschillende grote regio’s van Eurazië communicatief (spoorwegen, wegen, kanalen) te verbinden, meestal vanuit China, en de inspanningen van Amerika om de realisatie van deze verbindingen binnen de Euraziatische landmassa te verhinderen. Wij moeten schema’s en plannen schetsen om een sterke plaats voor de Lage Landen en voor Midden-Europa te vinden of beter, terug te vinden, hier in het Verre Westen van Eurazië. Daarom is het ook nodig de tot hiertoe verborgen gebleven wortels van een potentiële geopolitiek voor de Lage Landen grondig te doordenken.

Hartelijk dank voor uw antwoorden!

Het 2e congres van het Geopolitiek Instituut Vlaanderen-Nederland (GIVN) onder het thema ‘Een eerlijke kijk op geopolitiek’ vindt plaats op zaterdag 17 november 2018, van 14.00 tot 17.00 uur aan de Andreas Vesaliusstraat 2 te Leuven. Van deelnemers wordt een kleine bijdrage in de onkosten gevraagd.

mercredi, 07 novembre 2018

Questionnaire de la Nietzsche Académie Réponses de Robert Steuckers

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Questionnaire de la Nietzsche Académie 

Réponses de Robert Steuckers

- Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Nietzsche annonçait la transvaluation des valeurs, c’est-à-dire l’abandon et le dépassement de valeurs qui s’étaient pétrifiées au fil des siècles, jusqu’à devenir les charges que portait le chameau dans la fable de Zarathoustra. Il a fallu deux siècles et demi environ aux Européens pour se dégager des vieilles tables de valeurs : et ce processus de dégagement n’est nullement achevé car les résidus de ces fausses valeurs, qui résistent à la transvaluation, reviennent sans cesse à la charge, parfois avec une rage destructrice autant qu’inféconde, comme l’attestent le festivisme et le « politiquement correct ». Il y a encore bien du travail à faire ! Les pétrificateurs, avant les coups de marteau de Nietzsche, faisaient toutefois face aux résidus des valeurs antiques, celles des périodes axiales de l’histoire, qui offraient, face à leurs manigances, de la résilience tenace, malgré que les pétrificateurs étaient au pouvoir, alliés aux démissionnaires d’hier qui abandonnaient graduellement leurs exigences éthiques, leurs exigences de style, comme le montre parfaitement la déchéance des catholiques (et des protestants) en démocrates-chrétiens et des démocrates chrétiens en prétendus « humanistes » . A l’époque de Baudelaire et de Nietzsche, s’installe un système dominé par l’économie et la finance qui houspille les valeurs créatrices hors du champ d’action, hors de la vie de la plupart des hommes, réduisant ceux-ci à de la matière « humaine, trop humaine ». Ce système est toujours en place et se vend à nos pauvres contemporains, qui sont hélas « humains, trop humains », sous différents masques : Nietzsche nous apprend à les arracher, à dénoncer le plan pétrificateur qui se dissimule derrière les beaux discours eudémonistes ou les promesses politico-messianiques. Nietzsche est donc un Maître qui nous apprend de multiples stratégies pour nous extraire des pétrifications du système.

 - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie d’abord, et avant tout, combattre les falsifications mises en place pour faire triompher les projets des êtres vils, ceux qui pétrifient, comme je viens de le dire, mais qui, de cette pétrification, tirent leur pouvoir, le consolident et le perpétuent au détriment de la beauté et de la légèreté, de l’harmonie apollinienne et de l’ivresse dionysiaque. Tout est lourdeur, pesanteur, répétition chez les tenants des fausses valeurs en place, toutes pétrifiées, monstrueusement froides : Baudrillard parlait d’un système obèse ; l’architecture prisée par le système en place est d’une laideur sans nom, la répétition des poncifs du « politiquement correct » est d’une lourdeur à frémir. L’humain trop humain s’étiole en une dépression infinie, contraint qu’il est de ne surtout rien créer, même de petites choses originales car tout, désormais, doit être sérialisé. Etre nietzschéen, c’est vouloir, envers et contre tout ce que l’on nous propose, la véritable légèreté d’âme, le gai savoir, la beauté permanente de nos environnements, la magnifique variété du monde, obtenue par les perspectives aquilines, celles, justement, du Nietzschéen qui, tel l’aigle, vole haut au-dessus des contingences abrutissantes du système et voit les choses sur tous leurs angles.

- Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

Je recommande tout particulièrement La généalogie de la morale et L’Antéchrist, car ces deux livres sont justement ceux qui nous enseignent à arracher les masques des pétrificateurs.

- Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

Parce qu’il voulait bousculer les tables des valeurs au 19ème siècle, le nietzschéisme a d’abord été la marque des révolutionnaires de gauche, des anarchistes de tous poils, des artistes (parfois un peu déjantés) et des féministes. Dès la première décennie du 20ème siècle, la gauche allemande s’est pétrifiée à son tour, comme le déplorait et le fustigeait un social-démocrate combattif et contestataire (au sein de son propre vivier politique), tel Roberto Michels (qui parlait de la formation d’oligarchies fermées sur elle-mêmes au départ des bureaucraties des partis, tenues par les « bonzes »). La décennie qui a précédé la Grande Guerre a été, pour les socialistes allemands, l’époque d’une dé-nietzschéanisation progressive, les bonzes ne supportant pas l’audace nietzschéenne, surtout celle qui consiste à arracher les masques des hypocrites, à s’affirmer face aux conventions désuètes. C’est alors que l’on verra le nietzschéisme basculer vers la droite. En Autriche, comme je l’ai démontré dans le premier volume que j’ai consacré aux figures de la révolution conservatrice allemande, les socialistes consolident leurs positions sur l’échiquier politique de l’Empire des Habsbourgs jusqu’en 1914 parce qu’ils s’inspiraient de Wagner, de Schopenhauer et de Nietzsche. On peut également arguer qu’un socialiste italien prénommé Benito était, avant 1914, un activiste politique dont les inspirations philosophiques venaient de Hegel et de Marx, assurément, mais aussi de Bergson et de Nietzsche. Il quittera le parti socialiste italien, en voie de figement idéologique. Plus tard, le futur communiste Gramsci en fera autant, en dénonçant le « Barnum socialiste ». On peut arracher le masque des hypocrites au nom d’une révolution de gauche comme d’une révolution ou d’une restauration de droite.

 - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

L’impact de la pensée de Nietzsche est immense et s’est diffusée à tous les niveaux des arts et des lettres en Europe. Pour des raisons purement didactiques, je me réfère généralement aux catégories forgées par le Professeur René-Marill Albérès, pour qui plusieurs filons dans les lettres européennes portent la marque de Nietzsche : 1)  le filon anti-intellectualiste, qui, sous des formes très diverses, reprend l’hostilité nietzschéenne au socratisme et à tout intellectualisme desséchant, une hostilité que l’on a appelée parfois sa « misologie » (son rejet des logiques et des raisons figeantes) ; 2) le filon dit du « déchirement et de l’action », propre aux années 1930 et 1940, qui englobe la soif d’aventure où l’existence audacieuse prend plus de valeur que l’essence, perçue, souvent à tort, comme figée et immuable. Nietzsche a brisé des certitudes pétrifiées : les hommes sont partis à la recherche d’autre chose, en tâtonnant, en se sacrifiant, en commettant parfois l’irréparable : ils ont été a-socratiques, non ratiocinants, pleins de panache ou tragiquement broyés. Je ne pense pas qu’il existe des auteurs entièrement nietzschéen, seulement des auteurs marqués par un aspect ou un autre du « continent philosophique » qu’est Nietzsche. Seul Nietzsche est pleinement nietzschéen : chacun, disait-il, est sa propre idiosyncrasie. Il ne fait sûrement pas exception à la règle ! Revenons à la notion de « continent nietzschéen » : l’expression est de Bernard Edelman, auteur aux PUF de « Nietzsche – Un continent perdu » (1999). L’œuvre nietzschéenne a effectivement des dimensions continentales, où l’on peut puiser à l’envi, sans jamais en venir à bout, sans jamais enfermer ce foisonnement dans un « enclôturement » trop étriqué.

- Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?

Les socratismes (christianisés ou non), les mauvaises consciences sur lesquelles tablent les idéologies manipulatrices ne retiennent que l’humain, trop humain, ou l’homme domestiqué (le « type ») par tous les vecteurs de morbidité qui ont agi dans l’histoire occidentale. Le surhomme est donc celui qui s’efforce d’aller au-delà de cette morbidité générale, par l’effet de sa volonté de puissance, et éventuellement y parvient, inaugurant de la sorte le règne des « grands hommes », mutants qui abandonnent les morbidités, devenues le propre de l’espèce humaine « typifiée ».

- Votre citation favorite de Nietzsche ?

Ce n’est pas une citation mais un poème, intitulé Ecce homo :

Ja ! Ich weiss, woher ich stamme !

Ungesättigt gleich der Flamme

Glühe und verzehr ich mich.

Licht wird alles, was ich fasse,

Kohle alles, was ich lasse:

Flamme bin ich sicherlich.

 

(Oui ! Je sais d’où je suis issu !

Insatiable comme la flamme

Je brûle et me consume.

Lumière devient ce que je saisis

Cendre ce que j’abandonne :

Oui, je suis flamme).

jeudi, 18 octobre 2018

An Interview with Erkenbrand: Awakening Ethnic Consciousness in The Netherlands

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An Interview with Erkenbrand: 
Awakening Ethnic Consciousness in The Netherlands

Ex: http://www.counter-currents.com 

The Dutch identitarian group Erkenbrand will be holding its annual conference on November 3, with a list of speakers including Greg Johnson, Millennial Woes, George Hutcheson, and Fróði Midjord. In anticipation of this event, we have interviewed two of Erkenbrand’s organizers below. Tickets to the event may be purchased online here.

Guillaume Durocher: What is Erkenbrand? What do you stand for?

Erkenbrand: Erkenbrand is a Dutch think-tank and social network. We began working in 2016, just a few months before our first conference. Our initial group consisted mostly of students. We aren’t a formal group as such, but one can be “in” Erkenbrand, meaning that you can be vetted and trusted, which in turn allows you to come to our events and be invited to events that are not open to the general public. It also means you get access to our network, which can be helpful to you in various ways, whether in terms of employment, playing sports, finding a social circle in your town, or even finding fellow musicians to play with. Through us, you get access to a safe and vetted nationalist community.

We also focus on producing articles and videos on a variety of issues. You’ll find everything from videos explaining race, religion, and Traditionalism to a series on classical music, poetry, and book reviews of authors such as Alexander Dugin, as well as reviews of various events we attend and opinion pieces regarding current events in The Netherlands.

Ideologically, we are diverse. The only demand made of people in Erkenbrand is to be racially aware, to follow Traditionalist morality, and to be strongly nationalist. Due to this low barrier for entry, we have people of all ideological backgrounds: Christians – Catholic, Protestant, as well as Orthodox, pagans, anarcho-capitalists, socialists, third positionists, libertarians, Dutch nationalists, and Greater Germanists.

You might think this would cause constant strife, but we are all united by our race and our nation. The differences are paved over with a healthy dose of humor and banter, but are also kept in check by the knowledge that if we do not unite, we will all be defeated in turn. And our overall goal of a return to a traditional-minded society and a homogeneous nation is shared by all. Whether the ancap wants to legalize privately-owned nuclear weapons after that, or the socialist wants to pick a fight with the bourgeoisie, is of later concern.

GD: Having been to many Erkenbrand events, I can say that your audience is younger, more energetic, and more connected to the English-speaking Alt Right than is typical in Europe. What do you think is the explanation for this, given that you’re a Dutch movement?

EB: Well, for one, it has to do with the fact that Dutch people are very fluent in English. Ninety-one percent of Dutch people are able to conduct a simple conversation in English. The other nine percent are probably non-Western immigrants. Contrast this with the French, who absolutely refuse to speak English and are therefore in their own bubble, something which few people outside France know about. Most people reading this probably won’t know about magazines like Nouvelle École and Synergies Europeénes, or Websites like Démocratie Participative. The same goes for Germany. But these are also countries large enough to sustain diverse nationalist movements. The Dutch fluency in English lends itself to consuming foreign media, especially on mediums like YouTube. Many a redpill story I’ve heard involves YouTubers leading them down the path. And there is also very little alternative media in the Dutch language. Dutch political YouTubers can be counted on one hand. So the Dutch have to seek out such content elsewhere.

This explains the engagement with the American Alt Right. As for our members being younger and energetic, I think it has to do with the political climate here. Geert Wilders’ Party for Freedom (PVV) and Thierry Baudet’s Forum for Democracy (FvD) both poll at ten percent of the vote. The PVV says outright that it wants Islam banned, all mosques shut down, the Qur’an made illegal, and all criminal Muslims deported. Wilders even talks about us losing our country to immigrants. The FvD is less radical on Islam, but has been caught in scandals about race and IQ. Twenty percent of the electorate back these parties.

There was an outcry in the media when it was reported that Thierry Baudet had dined with Jared Taylor. Baudet’s reaction was remarkable in the sense that he didn’t denounce Taylor. He merely stated to the media that he was interested in people with interesting views different from his own. Trump showed us one way to deal with such accusations, Baudet another. Both confirm what our movement has suggested for years to those accused of thought crimes or implied guilt by association: that is, never apologize.

Added to that, there is a climate on Dutch social media which generally tolerates quite radical Right-wing opinions. No one here has ever been arrested or convicted for hate speech. Only Wilders has been convicted for incitement after calling for there to be fewer Moroccans in The Netherlands. So people are fairly free to express themselves. There are also media outlets that have capitalized on this freedom. Online news sites like De Dagelijkse StandaardGeenstijl, and The Post Online (TPO) have become quite popular on Dutch social media. They make a decent living by bashing Islam, being vaguely nationalist, and attacking the Left. TPO is even willing to discuss replacement migration and Marxist power in institutions, topics that the FvD also brings up frequently. These media outlets all backed Stef Blok, our Minister of the Interior, after statements of his were leaked in which he said that multiculturalism is a failure, that people are tribal by nature and want to be among people who look like them, and that this is probably racially determined.

But as for the real “/ourguys/”? The biggest is probably Fenixx, which gets one hundred thousand visitors a month. They are a news site that reports on the news from a hard-Right perspective, and they occasionally translate pieces from Counter-Currents and repost Erkenbrand articles. They are in fact willing to be more radical even than we are on some points. Then, of course, there is our own site, Erkenbrand, which also has an English-language section, and our YouTube channel. We mainly publish essays, policy ideas, and generally Right-wing cultural and historical material.

Other than these two in the Dutch language, there is mainly Flemish alternative media: SceptrReactTeKoS, and some others. There is also a host of Zionist counterjihad blogs and sites in Dutch, but they really aren’t worth mentioning. This is an affliction of the Dutch Right in general. Though the Dutch Right is becoming increasingly racially aware and chauvinistic, this seems to always go hand in hand with diehard Zionism. It’s not uncommon to see Dutch tweets calling for revolution and closed borders, from an account with both a Dutch and an Israeli flag in its username. We call these bitterbalnationalistenl, emotional people who aren’t very ideologically educated, who are prone to violent outbursts, and who operate merely on an “Islam = bad” level.

So, yes, there are parties and media outlets which have talking points which resemble those of the Alt Right. But we also have academics here who have taken anti-immigration and anti-Marxist positions. Dr. Paul Cliteur derides Cultural Marxism in several of his books. Dr. Jan te Nyenhuis discusses race and IQ (and gets published on TPO), and Dr. Jan van de Beek talks about demographics and how immigration is replacing the native population.

In this political climate, Erkenbrand doesn’t really look out of place. Many talking points we have are already being spread by people far more mainstream than us. Political parties, academics, media institutions, and government ministers spread them. And the people who hear these, as well as the more international Rightist YouTubers and Websites, become convinced that we are correct and want to do something. And so they come to Erkenbrand.

GD: You came under a lot of pressure last year as a result of massive media scrutiny and attacks, yet you have pulled through. What explains your success?

EB: Again, the political climate helps. There are too many talking heads and two popular parties that would take serious umbrage to British-style repression of nationalists. Recently, Schild & Vrienden, who are from Flanders, our southern neighbor, received similar treatment in the form of a media hit piece. With us, it was just that: a media hit piece that doxxed several people. S&V in Flanders are under investigation as a supposed terrorist group – a ridiculous claim – and have been the subject of weeks of media spin in the Flemish press. You can compare it to what happened to National Action in the UK. That is unlikely to happen here, because a substantial section of the public would find it heavy-handed and excessive.

Erkenbrand also prevails because we operate very carefully. We thoroughly vet every applicant, we don’t announce most of our events publicly, and most of our activities are only known to members. This is necessary, because there are still social consequences – if not legal ones – for having hardline nationalist and Traditionalist opinions. Several of our members were doxxed by antifa in collaboration with the Left-wing media last year, and they got into a lot of trouble socially and professionally. Several were unfortunately forced to quit the movement entirely.

We all realize the risk involved in being a nationalist activist. But someone must bite the bullet and be the vanguard. And we can’t just merely stand on the sidelines as we lose our country to foreigners, perverse Marxists, and corrupt elites. So what explains our success? Determination and a sense of duty among our members, I would say.

GD: We have seen a lot of progress in Europe in recent years, from the Visegrád countries’ rebellion against the European Union to nationalists coming to power in Austria and Italy. Do you think we could also see a breakthrough in The Netherlands?

EB: No. Though there is growth, certainly. Twenty percent of the vote for quite radical parties is substantial, and our ruling Liberal Party (which is very similar to the GOP in outlook) has been forced to move to the right on immigration. But there is no chance of a real Right-wing government à la Salvini. Everything here is dependent on coalitions. There are a dozen parties in Parliament, and the biggest party, the Liberals, have thirty-three seats out of one hundred fifty; the second-biggest, the PVV, has twenty. Other parties have even fewer seats. It’s very divided, and getting more and more so. A coalition takes three to four parties at minimum, and no one will work with Geert Wilders. So it’s impossible for there to be a Right-wing government for the foreseeable future.

What we do have is growing grassroots support for the Right, and in particular the Alt Right. Slow and steady wins the race, really. The Overton window is shifting rapidly here.

lundi, 08 octobre 2018

Paul Virilio : "Nous sommes dans le culte de la vitesse lumière"

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Paul Virilio : "Nous sommes dans le culte de la vitesse lumière"

Cet ardent défenseur d’un principe de responsabilité dans la science est mort le 10 septembre 2018. Dans un entretien de 2011 avec Sciences et Avenir, il dénonçait la tyrannie de l’instantanéité induite par les nouveaux réseaux de transmission.

Décédé le 10 septembre 2018, le philosophe et urbaniste Paul Virilio est né en 1932. Au début des années 1970, il a dirigé l'Ecole spéciale d'architecture, avant de devenir directeur de programme au Collège international de philosophie en 1990. A la fondation Cartier, il crée des expositions marquantes : " La vitesse " en 1991, " Terre natale " en 2008-2009. Auteur aux éditions Galilée d'une vingtaine d'ouvrages dont Vitesse et Politique (1977), ou Ville panique (2004), il a été récompensé en 2010 par le spécial du Grand Prix d'architecture. Nous reproduisons ici l'entretien qu'il avait accordé pour le numéro de janvier 2011 à Carole Chatelain, rédactrice en chef du mensuel, et Dominique Leglu, directrice de la rédaction de Sciences et Avenir.

Sciences et Avenir : Vous avez dénoncé l'" idolâtrie du progrès " dans la dernière édition de votre ouvrage Cybermonde : la politique du pire (Textuel, 2010). Mais qu'est-ce que le progrès, pour vous ?

Paul Virilio : Pour l'urbaniste que je suis, le progrès est lié à la notion de progression, c'est-à-dire de déplacement des personnes et des produits dans l'espace et le temps. Et à la vitesse de cette progression. Il ne s'agit pas simplement d'un progrès du bien-être, de l'éthique, ou de l'économie… Il a commencé avec le couple homme-cheval, et donné ces cavaliers que l'on appelait à Rome les Equites romani, comme plus tard au Moyen Age les chevaliers qui, pouvant se déplacer rapidement, l'emportaient sur les manants. Il s'est poursuivi avec l'invention du char de combat, comme celui de Ben Hur, la formule 1 de l'époque. Et par la suite, il y eut la diligence, le chemin de fer, les avions… A la vitesse métabolique de l'animal, ou à la vitesse éolienne des premiers navires, qui permirent les conquêtes et la création des premiers empires maritimes comme celui des Grecs, a succédé la vitesse de la machine.

"Le progrès, désormais, menace la vie"

Pour vous, qui vous qualifiez de " dromologue " (dromos signifie course, vitesse en grec), vitesse et politique sont intimement liées…

Oui, car la vitesse est la face cachée de la richesse. N'oublions pas que les premiers banquiers furent aussi des chevaliers ! Mais à partir de la révolution industrielle, elle est devenue pure propagande du progrès. Notez que le mot propagande est proche du mot propagation, et signifie une façon de " pro-mouvoir ", de faire la " promotion " de quelque chose. C'est justement cette propagande que je dénonce.

Mais qui pratique cette propagande ? Les scientifiques eux-mêmes ?

Je crois que l'on ne peut pas comprendre ce que je dis si l'on ne voit pas que la révolution industrielle a vu le passage de la science à la technoscience : les sciences sont devenues expérimentales. Les expériences ont permis de dire si les théories étaient exactes et ne relevaient pas de la pensée magique. Il est ainsi devenu possible de mettre en oeuvre des machines de plus en plus sophistiquées, jusqu'à tester la première bombe atomique dans le désert du Nouveau-Mexique en 1945. Mais rappelez-vous qu'après ce test de Los Alamos, le physicien et directeur du projet Manhattan, Robert Oppenheimer, a dit : " Peut-être avons-nous commis un péché scientifique. " Quand ils ont appuyé sur le bouton de la première bombe, ils ne savaient pas où allait s'arrêter la réaction en chaîne. Le progrès, désormais, menace la vie.

NÉOLOGISMES. L'oeuvre de Paul Virilio fourmille de néologismes qu'il forge ou emprunte pour mieux préciser sa pensée. Outre nanochronologie et dromologie, petit florilège du penseur de la vitesse.
ACCIDENT GÉNÉRAL. Cet accident n'est pas précisément situé, comme le déraillement d'un train, mais il intéresse immédiatement la totalité du monde. Exemple : un problème majeur sur Internet paralyserait bon nombre d'activités dans plusieurs pays.
ACCIDENT INTÉGRAL. Situation sans référence connue, c'est un accident qui concernerait tout le monde au même instant. Ainsi, l'accident d'Internet pourrait devenir total, voire intégral. Le krach boursier peut en donner une idée.
CHAOSMOSER. Formé sur le terme " chaosmose " (chaoscosmos), titre d'un livre du psychanalyste et philosophe Félix Guattari. Selon Virilio, nombre de systèmes pourraient ne pas exploser ni imploser mais " chaosmoser ".
GÉOCIDE. Calqué sur génocide, c'est " le crépuscule des lieux, l'épuisement des ressources de la géodiversité du globe ".
OUTRE-VILLE. L'urbanisation remet en cause la distinction entre sédentarité et nomadisme. Selon Virilio, le XXIe siècle verra apparaître l'outre-ville, " capitale des capitales " de la mondialisation.
MÉTÉOPOLITIQUE. " L'insécurité des territoires de l'ancienne géopolitique va de pair avec la météopolitique, où les menaces climatiques font que le ciel l'emporte désormais sur le sol et même sur le sous-sol épuisé, au bénéfice d'un hors-sol pour une humanité condamnée à la transhumance " (Virilio cite le chiffre d'un milliard de réfugiés en déshérence en 2050).

Quelles sont ces menaces aujourd'hui ?

La science expérimentale est menacée par sa réussite même. On en arrive même à l'impossibilité de l'expérimentation, ce qui peut être un échec considérable ! Vous avez vu que les explosions nucléaires se font désormais grâce à des simulations sur ordinateur, et qu'un accord récent entre la France et le Royaume-Uni pousse au partage des grands calculateurs pour l'étude des explosions du futur. Imaginez que demain, ce soit toutes les recherches que l'on étudie ainsi… C'est une énorme question posée aux scientifiques : s'agit-il encore de science, ou redevient-elle de la magie, de la numérologie ?

paulvirilio-bunkers28529.jpgVous avez ainsi émis des réserves sur les expérimentations du LHC, le grand collisionneur du Cern, car vous redoutez la création d'un " trou noir " (lire S. et A. n° 735, mai 2008). Vous croyez vraiment à un pareil danger ?

Je ne suis pas opposé au grand accélérateur du Cern. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on nie la réalité scientifique du risque. Comme le disait la philosophe Hannah Arendt, le progrès et la catastrophe sont l'avers et le revers d'une même médaille : inventer le train, c'est inventer le déraillement ; inventer l'avion, c'est inventer le crash. Inventer le grand accélérateur, c'est inventer quoi ? On ne peut pas nier l'accident. De même, quand on recherche l'antimatière, on crée un risque bien supérieur à celui de l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Pourquoi refuse-t-on de l'admettre ? Pourquoi traiter ceux qui en parlent de " rigolos " ? Pourtant, les chercheurs du Cern assurent ne courir après aucune application… Je ne le conteste pas. Leur recherche me passionne. Je suis un amateur de science et de technique, j'ai lu Heisenberg, de Broglie, Einstein… Ce que je leur reproche, c'est de ne pas regarder, en même temps, les conséquences potentielles de leur travail. Cela vient du divorce entre philosophes et savants qui remonte selon moi à l'échec de la rencontre, dans les années 20, entre Bergson et Einstein. Or, on ne peut pas nier qu'inventer un objet ou une substance, c'est inventer sa catastrophe. Toute l'histoire pose cette question, c'est une évidence.

"Une recherche qui ne recherche pas sa catastrophe, ne recherche pas"

Vous préconisez donc une sorte de principe de précaution ?

Plus que ça, le principe de responsabilité ! La réussite du progrès, je ne la nie pas, au contraire, je la prends au sérieux. Et, la prenant au sérieux, je suis obligé de la prendre au tragique. Une recherche qui ne recherche pas sa catastrophe, ne recherche pas. Elle est une sorte de foi absolue dans le progrès. Les scientifiques ne doivent pas avancer sans analyser l'accident. L'écologie est là pour le prouver : ce n'est pas seulement après des siècles de consommation d'énergie fossile qu'il faut se poser la question de la pollution de l'environnement…

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Est-ce pour cela que vous prônez la création d'une " université du désastre " ?

Oui, ce serait un lieu interdisciplinaire et transcivilisationnel. Son rôle ne serait pas de nier le progrès, mais de le désarmer de ses catastrophes, ou tout au moins poser la question de son désarmement. Pour aider à le comprendre, je rappelle l'histoire de Galilée dans mon ouvrage Le Futurisme de l'instant. Quand il regarde la Lune grâce à sa lunette inventée par les Hollandais, il se dépêche d'envoyer une lettre aux responsables de l'arsenal de Venise* pour leur faire comprendre qu'avec cet instrument, ils pourront voir venir l'ennemi de loin et ainsi préparer leurs canons, faire la guerre à distance en quelque sorte… Mon université serait un arsenal à l'envers, pour ne produire ni nouvelles armes, ni guerre de plus en plus totale. Retarder ou accélérer les possibilités de la technique, c'est la seule manière d'être d'avant-garde !

Vous mettez également en garde contre ce que vous appelez la " nanochronologie ". De quoi s'agit-il ?

Le XXe siècle a été marqué par la conquête de l'infiniment grand – conquête de l'air avec Mermoz ou Saint-Exupéry, conquête de l'espace avec Wernher von Braun, pionnier de l'astronautique, et enfin le débarquement sur la Lune… Au XXIe siècle, nous sommes passés à la conquête de l'infiniment petit du temps. Nous sommes désormais dans le culte de la vitesse-lumière. Nous sommes passés du progrès de la vitesse des transports au progrès de la vitesse des transmissions. Et là, un événement historique majeur se produit : le temps-machine se heurte à ce que j'appelle le " mur du temps humain ". Il est désormais infiniment plus bref que la durée qu'il nous faut pour raisonner. C'est " l'instantanéisme ". Or, nous ne pouvons pas accélérer au rythme de millions d'opérations, comme la machine. Nous sommes donc dans une situation d'échec du temps humain. On ne peut plus raisonner en dehors des logiciels et des algorithmes. Voyez la Bourse et comment le " flash trading " (lire aussi S. et A. n° 752, octobre 2009), les calculs et les cotations à haute fréquence ont fait sauter le système où les traders avaient encore une intelligence. Le 6 mai 2010, il s'est même produit un mini-krach à Wall Street dont on ne connaît toujours pas les causes. Il s'agit là, à mon avis, de ce que j'appelle le premier " accident intégral de connaissances ", et il concerne la connaissance financière. Les entreprises sont de plus en plus demandeuses de logiciels d'aide à la décision. Il leur faut désormais des outils de business analytiques pour prendre des décisions stratégiques. Elles ne peuvent plus se fier à la simple intuition des hommes…

BIBLIOTHÈQUE IDÉALE. "Dans mon enfance avant la guerre, je me plongeais dans le Journal de Mickey pour suivre les aventures de Guy L'Eclair (Flash Gordon), qui devait sauver la Terre ! Eclair, c'était bien dans l'époque de la Blitzkrieg et de la guerre que j'allais vivre à Nantes… Mais s'il est un anticipateur que j'aime tout particulièrement, c'est Kafka. J'aime toute son oeuvre, pas seulement les livres les plus connus comme Le Procès ou Le Château mais aussi sa correspondance. Chez lui, on trouve tout ce qui nous arrive aujourd'hui, que ce soit le procès Kerviel, ou celui d'Outreau où l'on a fini par voir le juge lui-même mis en procès à l'Assemblée nationale, le tout retransmis à la télévision. En tant qu'amateur de science – je trouve d'ailleurs que nos sociétés souffrent d'un terrifiant manque de culture scientifique et technique –, j'ai toujours apprécié Louis de Broglie, notamment son ouvrage Matière et Lumière. Grâce à la clarté de son écriture, il fait comprendre par la littérature ce qu'on ne comprend en principe qu'avec les mathématiques. D'un côté les chiffres, de l'autre la parole. Enfin, je ne peux pas ne pas citer Shakespeare. C'est mon philosophe préféré, avec saint Augustin, chez les chrétiens".

Cette accélération conduit également à des menaces de cyberguerre…

Nos sociétés vivent effectivement désormais, via l'informatique, dans la synchronisation des systèmes. La cyberguerre, c'est la possibilité de paralyser tous les synchronismes d'un pays, et nous y sommes déjà comme l'a montré l'attaque éclair de l'Estonie par la Russie en 2007. Il s'agissait là d'un simple crash-test. La vitesse devient la base de la stratégie.

"Je crois à la réflexion, pas au réflexe"

Curieusement, vous dites également que ce culte de la vitesse conduit à l'inertie et à l'enfermement. Pourquoi ?

Car c'est la fin de la géographie ! Après des milliers d'années de sédentarité, l'identité fait place à la traçabilité, à ce que j'appelle la " trajectographie " : grâce à l'informatique, aux portables, etc., nous sommes partout chez nous. Et nulle part. Cela nous entraîne dans une crise de réduction du monde qui devient trop petit, avec le risque d'une incarcération psychologique. Le monde devient une ville et chaque ville un quartier. C'est pourquoi nous avons créé un sixième continent, le cyberspace que l'on retrouve sur les écrans, dans les réseaux. Pour moi, il s'agit d'un " signe panique ". Il fonctionne comme une colonie virtuelle, une vie de substitution.

Y voyez-vous une nouvelle forme d'oppression pour l'homme ?

Oui, car je crois à la réflexion, pas au réflexe. Le temps " infra " qui n'a plus rien à voir avec le temps du responsable, de la raison, permet cette nouvelle sorte d'oppression. Selon moi, on ne peut pas comprendre les périodes totalitaires sans l'évolution des techniques. Pour Hitler et le nazisme, ce furent la radio et les chars de la guerre éclair, la Blitzkrieg, une période que j'ai bien connue enfant. Pour le fascisme italien, il s'agissait plutôt de la caméra et du cinéma de Cinecittà ; pour Staline, ce fut un peu tous les moyens. Aujourd'hui, le grand danger, c'est de passer de cette oppression totalitaire avec tyran, permise par tous ces moyens techniques, à une oppression totalitaire sans tyran. Une tyrannie globalitaire de l'instantanéité avec des techniques incapacitantes, selon le mot du philosophe André Gorz. Comme les machines-outils et les robots ont rendu obsolètes certains ouvriers, la logique du logiciel peut rendre les savants obsolètes. L'ordinateur exoflopique remplace l'intelligence du savant, du chercheur, du décideur…

Pourtant ces nouveaux réseaux ne favorisent-ils pas aussi la communication entre les hommes ?

Ou la possibilité d'un communisme des affects, qui est un autre genre de tyrannie ! Les techniques nouvelles sont des techniques de conditionnement. Synchroniser l'émotion de millions de gens au même moment est un conditionnement d'une puissance que seules les religions avaient. C'est ce qu'on appelle la communion des saints, pour les chrétiens, c'est-à-dire ressentir au même instant le même sentiment. C'est un événement d'un totalitarisme bien pire que le communisme des classes sociales. Le 11-septembre, ce fut ça. Et si Mao a refusé, en 1969, de laisser voir aux Chinois le débarquement sur la Lune, c'est parce qu'il était bien conscient que ce communisme des affects allait faire la promotion des Américains. Eh bien là, nous y sommes. Comme le dit l'historien roumain Marius Oprea, que je cite au deuxième chapitre de mon livre Le Grand Accélérateur, car je trouve sa phrase formidable : " Le communisme n'a pas disparu, il a été privatisé. "

Diriez-vous que vous êtes un prophète du malheur ?

Sûrement pas, je ne sais pas faire autre chose que d'alerter, je préfère donc le nom de révélationnaire !

* Vaste chantier naval, fondé en 1104, où étaient construits les navires qui ont fait la puissance de l'empire vénitien.

Keith Preston: Saudi, UAE, US behind Recent Terrorist Attack in Iran

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Keith Preston: Saudi, UAE, US behind Recent Terrorist Attack in Iran

Ex: https://www.attackthesystem.com

TEHRAN (Tasnim) – An American political analyst said the triangle of Saudi Arabia, the UAE and the US was behind the recent terrorist attack in Iran’s southwestern city of Ahvaz, adding that Saudi Arabia has been consistently involved in providing support for terrorist activities across the region.

“It is quite likely that the perpetrators of the attack have received support from Saudi Arabia. This would certainly be in keeping with Saudi Arabia’s past history in the region,” Keith Preston, the chief editor and director of attackthesystem.com, told Tasnim in an interview.

He added, “A likely strategy that Saudi Arabia and the UAE are pursuing is to increase the hostilities toward Iran to the point that the United States will engage in military intervention against Iran, and on behalf of the (Persian) Gulf states.”

The following is the full text of the interview.

Tasnim: As you know, 25 people were killed and dozens of others injured after unknown terrorists opened fire at a military parade in Iran’s southwestern city of Ahvaz on Saturday. What are your thoughts on the attack?

Preston: The first question that emerges as a result of the attack obviously involves the matter of what party is responsible. So far, multiple groups have claimed responsibility. Daesh posted an online video claiming responsibility for the attack. However, Daesh has a history of claiming responsibility for terror attacks in which they were actually not involved, so their credibility is strained at this point. The al-Ahvaziya group has also claimed responsibility as has the Ahvaz National Resistance and both of these are plausible suspects. At present, it has yet to be determined which party is actually responsible. However, the government of Iran has said to have arrested multiple individuals that are suspected of involvement in the attack, and more information may be forthcoming in the future. Meanwhile, the leadership of the (Islamic) Revolutionary Guards (Corps) has suggested that international enemies of Iran may have been complicit in the attack, which is also certainly plausible, but the evidence for this claim has yet to be revealed on a level where complicity can be fully substantiated. It is most likely that one of the terror groups that claim to represent separatist tendencies in Ahvaz is responsible, and it is also likely the responsible party was receiving support from international forces as well.

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Tasnim: According to media reports and as you mentioned, the al-Ahvaziya terror group, whose recruits are believed to be scattered in several European countries, including in the Netherlands and in Denmark, claimed responsibility for the attack in Ahvaz. The terror outfit, which is backed by Saudi Arabia, has a record of carrying out sabotage acts in Iran’s Khuzestan province, which encompasses Ahvaz and some other Arab-dominated towns. How do you see the role of Riyadh in the attack?

Preston: It is quite likely that the perpetrators of the attack have received support from Saudi Arabia. This would certainly be in keeping with Saudi Arabia’s past history in the region. Saudi Arabia has been consistently involved in providing support for terrorist activities in various locations in the Middle East, and (it) is well known that many of the Sunni jihadi groups receive substantial support from Saudi Arabia and other (Persian) Gulf States. Given the present conflict between Saudi Arabia and Iran, and Saudi Arabia’s war against Yemen, and against the Shiite people of the Eastern Province, it is quite likely that Saudi Arabia would be motivated to back a terror attack in Iran in order to create domestic instability and chaos inside Iran. While Saudi involvement in the attack has yet to be fully substantiated, in all probability the responsible parties have likely received support from Saudi Arabia at some point.

Tasnim: Following the attack on Saturday, Abdulkhaleq Abdulla, an adviser to the Abu Dhabi government, justified the attack on Twitter, claiming that it was not a terrorist attack and that “moving the battle to the Iranian side is a declared option”. “Attacks of this kind will increase during the next phase,” he said. What do you think?

Preston: The statement from Abdulkhaleq Abdulla could be interpreted in two ways. On one hand, it is possible that he was simply expressing his own personal sympathies for those who carried out the attack, and that there is no specific context to his statement of a wider nature. However, the statement is very suspicious as it seems to indicate that Abdulkhaleq Abdulla is aware of organized efforts to continue to carry out such attacks against Iranian targets in the future. If the latter is true, it would essentially mean two things. First, that the government of the United Arab Emirates was involved in the attacks, which would also mean that Saudi Arabia was involved as well. Second, it would mean that the Saudi/UAE-led coalition that is currently waging war in Yemen wishes to escalate the war by engaging in direct attacks against Iranian targets for the purpose of attempting to destabilize Iran, and lure Iran into a wider regional conflict that might also include the intervention of the United States on behalf of the (Persian) Gulf nations.

Tasnim: Reports suggest that US National Security Adviser John Bolton, Secretary of State Mike Pompeo as well as Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman were behind the attacks. Do you believe so?

Preston: Mohammed bin Salman has in the past expressed his intention of escalating the conflict between Iran and Saudi Arabia by taking the conflict “inside Iran,” as he has previously stated. Given this past statement, it is certainly likely that Saudi Arabia was involved in the attack. Similar statements coming from the UAE indicate the involvement of Abu Dhabi as well. A likely strategy that Saudi Arabia and the UAE are pursuing is to increase the hostilities toward Iran to the point that the United States will engage in military intervention against Iran, and on behalf of the (Persian) Gulf states. It is also interesting that the attack in Ahvaz has occurred now that Mike Pompeo, the former director of the Central Intelligence Agency in the United States has become the Secretary of State, and John Bolton has become National Security Adviser. Both Pompeo and Bolton have been closely associated with America’s “neoconservative” foreign policy faction, which has long advocated for “regime change,” or a war of aggression against Iran. Therefore, it is certainly possible that Pompeo and Bolton have signaled their support for Saudi and UAE efforts to escalation hostilities with Iran, including the backing of terror attacks such as Ahvaz, for the purpose of creating a pretext for US military intervention in the region against Iran.

Tasnim News Agency

dimanche, 30 septembre 2018

Entretien avec Elias Moutran: Le plan Jared Kushner et le national-sionisme pan-arabe

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Le plan Jared Kushner et le national-sionisme pan-arabe

Entretien avec Elias Moutran

 
Analyste et spécialiste de l'histoire politique du Moyen-Orient, Elias Moutran fait le point pour nous sur la situation générale au Moyen-Orient et en Syrie. Il expose ici les grandes lignes du plan Kushner pour la Palestine. Un plan qui prévoit l'établissement d'une série de bantoustans palestiniens en remplacement d'un projet d'Etat palestinien viable voire même du simple droit au retour des populations palestiniennes dans leurs foyers d'origine. Ce plan de redécoupage territorial de grande ampleur s’accompagne aussi de la tentative de faire émerger dans le monde arabe un nationalisme panarabe anti-Iran. Ceci afin de rapprocher les populations arabes des intérêts israéliens et saoudiens dans la région et de les détourner de "l'Axe de la résistance" Russie-Iran-Syrie.
 
Ce pan-arabisme de substitution sera bien entendu hyper libéral et anti-social, à rebours du nationalisme arabe historique. Dans cette perspective, des théories autour d'un complot "séfévide" voire même d'une alliance persane-orthodoxe contre le sunnisme sont des thématiques largement véhiculées par certains mass-médias de langue arabe parmi les plus suivis dans le monde. Un complotisme autorisé qui diffuse aussi l'idée que l'Iran et la Russie aurait comme projet le "grand remplacement" de la population sunnite de Syrie par de nouvelles populations importées. Autant d'éléments de propagande et de "fake news" qu’Élias Moutran dévoile et déconstruit pour nous.
 
Elias Moutran nous rappelle aussi comment l'islamisme politique s'est propagé à partir du Caire dans les années 70 lorsque le président égyptien Anouar el-Sadate décida de contrer l'influence du nationalisme arabe au sein de la jeunesse en appuyant l'islamisme dans les universités. C'est aussi à cette période que l'Egypte se rapprochera d'Israël et tournera le dos à son héritage nassérien. Dans la dernière partie de son intervention, Elias Moutran évoque aussi les similitudes qui existent entre la politique de séduction opérée par Benyamin Netanyahou envers les populistes européens et sa politique de rapprochement avec l'Arabie Saoudite qui vise à contrer l'Iran dans la région. Une stratégie d'influence qui se déploie simultanément en direction des opinions publiques européennes et arabes. Entretien réalisé début septembre 2018.
 
Retrouvez ou contactez les non-alignés pour nous aider ou participer à nos productions : https://www.facebook.com/LesNonAlignes/ contact@les-non-alignes.fr
 

lundi, 24 septembre 2018

La Nouvelle Entreprise Entretien avec Valérie Bugault

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La Nouvelle Entreprise

Entretien avec Valérie Bugault

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com 

[...] L’un des axes forts du travail de Mme Bugault est de faire prendre conscience à un public le plus large possible que le “fait économique” a pris le pouvoir sur le “fait politique” depuis bien longtemps et que le sort du monde se décide bien plus dans des conseils d’administration de multinationales que dans des parlements nationaux. Derrière ces entreprises se cachent les deux pinces d’une même tenaille, l’anonymisation et la concentration des capitaux d’un côté, la dérégulation financière et la libéralisation des flux de l’autre.

Très méthodiquement, l’auteur démonte les mécanismes historiques qui ont permis à cette nouvelle classe de “banquiers-commerçants” de s’accaparer le pouvoir. Il aura fallu patiemment détricoter les rouages de l’État moderne à commencer par le droit continental, hérité du droit romain, pour lui substituer un droit anglo-saxon porteur d’une autre philosophie, individualiste, prédatrice. Il aura aussi fallu développer un système bancaire et financier toujours plus complexe et centralisé autour du système des Banques Centrales pour faire circuler l’argent et donc le pouvoir en dehors des États, privant ces derniers et leurs peuples de toute souveraineté jusqu’à faire craindre la destruction de notre civilisation.

Le message est taillé à la serpe et après une 1ère partie à charge où on fait le tour des suspects habituels, FED, BRI, FMI, OMC, paradis fiscaux et des mécanismes mis en place pour permettre cette domination, Valérie Bugault nous propose une autre vison de l’entreprise et donc de la société à travers la redéfinition des rôles des différents acteurs, les apporteurs de travail, les apporteurs de capitaux, les dirigeants et au milieu, dans le rôle d’arbitre, un État régulateur.

Il s’agit d’une reforme en profondeur qui devrait irradier sur la structure même de la société ou se déploierait cette Nouvelle Entreprise, avec la fin de l’anonymat des capitaux et donc des trusts et des paradis fiscaux, la fin de la déresponsabilisation des dirigeants au travers de la personnalité “morale” et donc le retour du droit romain. Valérie Bugault déclare la guerre au monde financier d’origine anglo-saxonne.

Elle décrit longuement les relations qu’elle imagine entre ses différents acteurs, non pas pour faire disparaître par miracle toutes tensions, mais plutôt pour organiser juridiquement le cadre de ce rapport de force pour ne léser ni les travailleurs sans qui aucune richesse ne peut être produite, ni les apporteurs de capitaux, dont les capitaux sont maintenant exclusivement issu d’un travail réalisé et d’un report de consommation pour permettre le développement économique.

Les dirigeants ne seraient plus liés aux capitaux mais l’objet de négociations entre les partis pour développer un projet d’entreprise plus consensuel en lien avec la société civile. L’État retrouverait son rôle d’arbitre, garant des règles et de la sécurité juridiques des acteurs. Il suffit de se lamenter, il existe des solutions comme l’initiative Monnaie Pleine pour le secteur bancaire, Valérie Bugault nous propose un nouveau modèle d’Entreprise, clé en main.

Interview de Valérie Bugault du 23 Septembre 2018

la-nouvelle-entreprise-722x1024.jpgValérie Bugault est docteur en droit de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. à l’occasion de sa thèse portant sur le droit de l’entreprise, elle a élaboré une théorie juridique unifiée, qualifiée « d’iconoclaste », de l’entreprise. Elle a travaillé comme avocate fiscaliste dans le domaine des prix de transfert ainsi qu’en droit fiscal interne avant de cesser sa carrière d’avocate pour se consacrer à l’analyse des problématiques de géopolitique économique. Elle a notamment publié, en 2016, sur le site du Saker francophone une série d’études intitulée « décryptage du système économique global ».

SF – Pourquoi un livre sur une nouvelle entreprise, l’entreprise actuelle est-elle si défaillante ? Certaines comme les multinationales se portent très bien ?

VB – Les sociétés commerciales sont, dans leur version moderne, nées en France à l’occasion de la loi du 24 juillet 1867. 1 Toutefois, l’idée même des multinationales que nous connaissons aujourd’hui est bien antérieure, elle remonte à ce que la plupart des pays européens ont connu et développé sous le terme générique de « Compagnie des Indes ». Ces entités, mélanges de capitaux privés et de pouvoir militaire, disposaient de toutes les prérogatives de puissance publique, y compris celles de battre monnaie et d’engagement militaire.

Mon expérience familiale alliée à mon expérience professionnelle, y compris celle acquise dans le domaine des « prix de transfert » m’ont permis de comprendre que la structure de la société par actions était en réalité un instrument de captation du pouvoir économique ; et que cet instrument, derrière les apparences, ne servait en réalité que les plus grands détenteurs de capitaux. Ces structures capitalistiques sont organisées de façon hiérarchique au profit de leurs propriétaires majoritaires. Or, l’évolution et la généralisation de l’utilisation des marchés de capitaux, induit une concurrence, plus ou moins forte en fonction des secteurs d’activité et des époques, qui génère une concentration mécanique des capitaux, les plus gros « avalant » les plus petits. Cette concentration a été d’autant plus insidieuse que les propriétaires dominants, souvent très minoritaires, sont, pour ce qui est des entreprises cotées appartenant à des « groupes », dans une très large mesure, anonymes. Ainsi, la pratique des marchés, largement développée par la libéralisation des flux de capitaux imposée par l’idéologie dominante, a permis une énorme concentration des richesses dans des mains de personnes qui restaient, le plus souvent, anonymes. Ce phénomène a été, bien entendu, très amplifié par l’arrivée d’acteurs anonymes, largement incontrôlés, qui gèrent d’énormes masses de capitaux (fondations, fonds de pension, hedges funds, fonds vautours…) ; ajoutons que les « prix de marchés » ont définitivement fini d’être libres à l’arrivée du High Frequency Trading.

L’entreprise commerciale, à structure capitalistique, a été l’instrument discret d’une prise de pouvoir économique des plus gros détenteurs de capitaux sur les plus petits. Dans cette « pièce de théâtre », que l’on ne distingue réellement qu’une fois l’acte final écrit, les petites et moyennes entreprises, les vrais entrepreneurs, les individus créatifs et volontaires, ont finalement servi de « faire-valoir » aux gros capitalistes qui ont, d’une façon ou d’une autre, asservi les PME et mis sous tutelle toute velléité de création de richesse par des individus indépendants.

Ces principaux capitalistes ont été malins et rusés, ce qui est la caractéristique première des banquiers-commerçants issus des orfèvres changeurs du Moyen-Âge, dont ils sont les descendants directs. Ils ont avancé pas à pas, et surtout masqué, en mettant en avant la liberté du commerce et les immenses possibilités de développement social que procurerait un système fondé sur le financement capitalistique. Ils ont fait en sorte que chaque avancée règlementaire du système soit rendue nécessaire par l’avancée précédente. De fil en aiguille nous en sommes collectivement arrivés au point où personne n’imagine plus possible un autre système de développement social.

Or, décrypter les différentes avancées techniques que ce « système intégré » a suivi permet justement de comprendre pourquoi et comment il fonctionne fondamentalement de façon viciée, autour du seul concept de « domination économique ». Cela permet de comprendre également que ce système est devenu le modèle de fonctionnement de la Société politique moderne. Tous les pays du monde sont aujourd’hui concernés par ce modèle déficient qui a, par capillarité, infecté tous les autres « systèmes politiques » en vigueur. Je précise ici qu’il faudrait parler de « système économique » appliqué à l’ensemble de la collectivité humaine ; parler de « système politique » est impropre dans la mesure où justement le concept politique a totalement disparu, il a été phagocyté par le principe commercial de nature économique.

Le type de travail que j’ai effectué, à partir d’un domaine juridique technique, m’a emmené sur un terrain politique et géopolitique. Il m’a également, par un lien de causalité évident, amené à m’interroger, en tant que juriste sur le phénomène monétaire, qui a été, avec l’entreprise capitalistique, l’autre outil, extrêmement puissant, de la prise du pouvoir politique par la caste des « banquiers-commerçants ». De fil en aiguille, on peut dire que ma théorie juridique de l’entreprise m’a logiquement amenée, de façon naturelle et grâce à ma rencontre de Jean Rémy, à faire une théorie juridique de la monnaie. (2)

Finalement, j’ai pu constater que, d’un point de vue sociétal, la monnaie et l’entreprise ont beaucoup de points communs. Fondamentalement, il s’agit de deux « institutions » qui ont un rôle social fondamental à jouer : celui de permettre et de faciliter les échanges de biens et services entre individus, le tout sous le contrôle politique d’un État, c’est-à-dire, nécessairement, à l’intérieur de frontières clairement définies. Cette assertion rend évidemment nécessaire de s’interroger sur la notion d’État, c’est-à-dire sur les sous-jacents juridico-socio-politique de l’État. J’ai ainsi perçu qu’il existait une nécessité vitale d’expliquer au public ce qu’est un État ; qui n’a – vous l’aurez compris – rien à voir (strictement rien) avec l’État qui nous est vendu, par urnes interposées. Nous vivons une époque de perte total de sens philosophique, politique et sémantique. Il faut, absolument retrouver la véritable signification des choses pour reprendre collectivement le chemin de la civilisation.

droitmonnaie.jpgRetrouver le véritable sens politique de l’État permettra au « droit », en tant qu’outil de régulation des comportements socialement toxiques, de reprendre les lettres de noblesse qu’il a lâchement abandonnées au profit des « sciences économiques » chargées de mettre en musique le nouveau modèle de Société, celui de la domination intégrale, sous lequel nous vivons. De technique, mon travail m’a conduite à une réflexion de nature sémantique et quasi philosophique. Cette réflexion, tout à fait vitale, doit être partagée par le plus grand nombre de personne car elle conditionne aujourd’hui et demain la pérennité du genre humain. On en est véritablement et précisément là !

SF – Quelles voies voyez-vous pour mettre ce projet en place ? On voit par expérience que c’est difficile en Russie par exemple avec un État fort et soutenu par son peuple ou en Chine où, sous une autre forme, l’État à la main, les mécanismes du capitalisme “domine” aussi dans des formes assez sauvages.

VB – La première chose à comprendre sont les postulats sous lesquels nous sommes sommés de vivre. Ensuite, ces postulats identifiés, il convient d’identifier les « roues » qui empêchent de sortir de ces postulats idéologiques. En l’état actuel des choses, ce travail collectif n’a pas été fait, il est donc impossible d’agir en vue d’un éventuel changement. Les États forts que vous mentionnez, la Russie et la Chine, ne fonctionnent pas autrement que selon le principe commercial, le principe économique ayant lui-même pris le pas sur le principe politique.

Un combat existe néanmoins dans ces pays, comme d’ailleurs dans la plupart des pays du monde, où certaines personnes commencent à comprendre que le problème ne réside pas dans le faux choix entre « droite-gauche » ou « conservateur-progressiste » mais dans la profonde distinction qui existe entre les partisans du globalisme, qui veulent imposer leur projet de gouvernement mondial, et ceux du nationalisme étatique qui veulent rester maîtres de leurs destins collectifs.

Mon travail ne pourra réellement porter ses fruits que le jour où les gens auront collectivement compris que le problème essentiel réside dans le fait que les collectivités d’individus ont perdu le contrôle de leurs destins collectifs, qui est aujourd’hui largement concentré dans les mains des principaux propriétaires de capitaux. Mes travaux doivent en quelques sorte être considérés comme étant les moyens techniques permettant la mise en place d’un système de remplacement immédiatement opérationnel. Mon travail ne pourra être fonctionnel, opérationnel, que le jour où la collectivité des individus aura décidé de reprendre le contrôle politique de ses institutions ; il restera, par nécessité politique, lettre morte jusqu’à ce que ce jour arrive.

SF – Comment va-t-on organiser cette nouvelle justice qui va avec la nouvelle entreprise ? Ne va-t-on pas assister à de nouvelles concentrations du capital menant à des volontés d’accaparement des rouages de l’État ?

VB – La question de la « justice » est en effet importante, pour ne pas dire « essentielle », elle est intrinsèquement liée au concept politique. Car organiser la vie en commun dans d’acceptables conditions de sérénités, ne peut faire l’économie d’un questionnement sur la « justice ». Sans aller jusqu’à la « justice immanente », sans doute pas de ce monde, l’aspiration à la « justice » est la condition qui permet aux individus de sublimer leurs intérêts individuels ou catégoriels immédiats afin de faire des concessions à d’autres intérêts ou groupe d’intérêts. Ces concessions ne peuvent se faire que si existe un « intérêt commun supérieur » que chaque groupe aura conscience de défendre en faisant les concessions demandées. Cela suppose aussi l’existence d’un « arbitre », chargé de faire appliquer et respecter cet « intérêt commun supérieur ».

L’État, comme la direction des entreprises, existe précisément pour organiser la gestion d’intérêts contradictoire. Le pouvoir politique, tout comme la direction des entreprises, n’ont qu’un seul rôle à jouer : celui d’arbitrer, de faire des choix, entre des intérêts contradictoires. Ce type d’organisation ne peut être mis en œuvre qu’à partir du moment où tous les intérêts présents sont, à un moment où à un autre, pris en considération d’un point de vue social, c’est-à-dire que tous les intérêts ont dument la capacité d’être représentés par les institutions étatiques, qui forment l’organisation de la Société politique.

Ainsi, la mise en œuvre de la justice passe d’abord et avant tout par une juste représentation politique des intérêts en présence ; c’est précisément à cet objectif que répond ma théorie juridique de l’entreprise. Du point de vue « politique », il est parfaitement clair que le principe de séparation des pouvoirs (tels qu’actuellement conçus) allié au modèle parlementaire anglais est tout à fait inapte à répondre à ce besoin. Nos démocraties parlementaires modernes sont disqualifiées pour répondre au besoin de justice dont toute société (au sens de collectivité d’individus) a besoin pour fonctionner de façon satisfaite. Ce modèle d’organisation social qui a été imposé à la suite des Révolutions françaises, américaines etc. est un modèle déficient car il permet justement un accaparement du pouvoir par des groupes anonymes. Ce modèle d’organisation social ne permet pas aux différents groupes d’intérêts en présence de lutter à armes égales car, n’étant pas institutionnellement représentés et contrôlés par un mandat impératif, les décisions sont prises de façon opaques ; les « décisions politiques » font l’objet de tractations plus ou moins douteuses, opérées largement en coulisse, dans le silence et l’anonymat des « cabinets ou des couloirs », et non de façon ouverte et publique avec un médiateur-arbitre pour trancher ouvertement les litiges.

C’est précisément la raison pour laquelle j’ai proposé de revoir l’organisation sociale, politique, autour du concept de « corps intermédiaires ». (3) Là encore, mon travail sur l’entreprise a servi de fil directeur à mon travail institutionnel. C’est aussi la raison pour laquelle j’insiste, dans mon travail sur l’entreprise, pour que les dirigeants prennent la pleine mesure de leur fonction qui est de trancher, d’arbitrer, en toute indépendance et avec l’intérêt social comme ligne directrice, entre les intérêts antagonistes des « apporteurs de capitaux » et des « apporteurs de travail ».

Il faut comprendre que le « pouvoir », qu’il soit « politique » ou, s’agissant d’entreprise, « économique », n’est pas « gratuit » : il correspond fondamentalement à une fonction d’arbitrage et de prise de position entre des intérêts divergents. Ces prises de position ne sont pas sans contrepartie car le « pouvoir » doit être sanctionné si, sur une certaine durée, il s’avère incapable d’œuvrer dans le sens du bien collectif ou, s’agissant d’entreprise, de l’intérêt social. Le pouvoir (et les hommes qui l’incarnent) doit être sanctionné lorsque la collectivité s’aperçoit qu’il a dévié du droit chemin pour emprunter la seule voie de la défense d’un ou plusieurs intérêts catégoriels, au détriment de l’intérêt général.

Qu’il s’agisse de l’entreprise, ou du pouvoir politique, l’essentiel se situe dans le fait d’organiser des institutions capables de représenter tous les intérêts en présence et un pouvoir politique dont le rôle est d’arbitrer entre les intérêts en présence ; ce pouvoir politique doit par ailleurs être, institutionnellement, structurellement, sanctionné s’il dévie du droit chemin de la défense de « l’intérêt commun » pour emprunter celui de la seule défense d’intérêts catégoriels. La politique et le pouvoir se résume finalement à « une entité chargée de défendre l’intérêt du groupe au détriment des intérêts catégoriels ».

SF – Une question plus technique. Comment va se faire la destruction du capital ? Les acteurs ne voudront-t-ils pas en appeler à l’État pour les protéger, les sauver ?

VB – Les acteurs économiques dont vous parlez ont justement phagocyté l’État de telle façon que celui-ci intervienne dans le seul sens de leurs intérêts bien compris. Ce que vous redoutez n’est pas nouveau, cela fait, au bas mot 400 ans que cela dure, depuis globalement, la période dite des Grandes Découvertes, qui a donné le coup d’envoi de l’essor capitalistique avec les différentes Compagnies des Indes. Par ailleurs, parler de « destruction du capital » me gêne en raison de sa connotation idéologique. Il ne s’agit pas tant de détruire le capital que d’empêcher les principaux capitalistes de prendre un pouvoir politique absolu. Il ne s’agit pas de lutter contre un système en soi, il s’agit de lutter contre un système qui est en réalité conçu et utilisé comme une arme de guerre pour s’emparer du pouvoir politique sur les peuples.

En d’autres termes, il ne s’agit pas de lutter contre le pouvoir du capital, il s’agit d’empêcher ce dernier d’être utilisé à des fins de domination. De la même façon, préconiser un juste retour du principe politique n’a pas pour effet de faire disparaître le commerce des activités humaines. Il s’agit, tout au contraire, de remettre les choses à leur juste place en considération de leur utilité sociale ultime : le commerce ne doit pas devenir « principe politique », le commerce ne doit pas devenir le seul moyen de reconnaissance et d’élévation sociale… Pour tourner les choses autrement : je ne prétends pas empêcher les individus créatifs, volontaires, intelligents et honnêtes de s’enrichir mais je prétends, par mes travaux, soumettre la validité des actions de tels individus au jugement collectif, confronter la valeur de leurs apports à l’intérêt collectif, à « l’intérêt social ».

Dans ce nouveau système d’organisation (que je préconise), seuls s’élèveront les hommes et les idées qui apporteront un mieux être à la collectivité, ou à l’entreprise, dans son ensemble. Alors que chacun peut constater que les choses aujourd’hui sont à l’exact opposé : actuellement, seuls s’élèvent dans l’ordre (qui est un réel désordre) social les individus les plus nuisibles, notamment par leur créativité, au groupe, à la Société prise dans son ensemble.

SF – Et à l’international ? Les pays sont plus ou moins bien loti géographiquement ou en termes de ressources, et plus ou moins puissant dans un éventuel rapport de force, comment ce bouleversement va impacter la géopolitique mondiale ?

VB – La question des atouts stratégiques en matière première (énergie, terres arables, terres rares…) reste un véritable sujet. Néanmoins, il ne faut pas voir ce sujet comme un mur infranchissable. Il y a beaucoup d’autres façon d’apprécier la qualité d’un territoire, et notamment en fonction de sa qualité de vie (climat, degré de pollution etc.). Et surtout il existe la possibilité que la créativité humaine contourne ces questions de dotation en matière première par l’innovation et la créativité.

Un des gros problèmes du système de domination sous lequel nous vivons actuellement est justement que la valeur créative des individus peut très difficilement émerger. Il est, par exemple, très difficile pour un individu isolé de déposer et défendre un brevet en raison de la double barrière des coûts et des contraintes administratives.

Dans les projets « d’entreprise », « de monnaie » et « d’État » que je défends, toute personne pourra créer une entreprise innovante en soumettant son projet à 1°) un collectif de personnes qui connaissent le sujet, pour validation et 2°) à l’État – lequel serait à nouveau maître ultime de son principe monétaire, pour financement. Ensuite, une fois lancé, le projet pourra faire appel à l’épargne publique par différents moyens dont, pourquoi pas (?), le système de la blockchain.

Je ne voudrai surtout pas que les gens croient que mon projet d’entreprise rénovée sera un obstacle à l’innovation, il sera, tout au contraire, un catalyseur d’innovations. C’est précisément la raison pour laquelle j’ai expressément mentionné, à l’occasion de ma thèse, que la réalisation d’un bénéfice n’était pas une condition sine qua non de l’entreprise. La première condition de l’entreprise est d’avoir un projet professionnel, qui sera financé en fonction de l’intérêt qu’il présente pour la collectivité.

Vous voyez ainsi que la réforme de l’entreprise telle qu’ici conçue ne pourra voir le jour que si, parallèlement, les États, redevenus des entités politiques, récupèrent leur entière souveraineté monétaire. Car qui détient la monnaie a le pouvoir d’affecter les ressources. Le principe monétaire a aujourd’hui été détourné et subverti par son appropriation par la caste des banquiers-commerçants ; il en résulte, naturellement, que les ressources ne sont pas correctement affectées dans la Société.

SF – On peut aussi voir votre projet comme un énorme coup de frein à la vitesse de rotation des flux de marchandises, une baisse de la quantité pour plus de qualité ? Que fait-on du système économique actuel, des montagnes de dettes ?

Là encore, considérer les choses de cette façon, c’est être victime d’illusion. Car enfin, la multiplication du nombre des entreprises ne suppose en aucune façon un ralentissement des échanges, c’est l’inverse. Plus il y aura d’entreprises viables gérées conformément à leur intérêt propre en fonction du développement de l’intérêt collectif, et plus il y aura d’échanges productifs au sein de la Société. Quant au système économique actuel, il sera peu à peu remplacé, un peu à la façon d’une bonne monnaie qui chasserait la mauvaise.

Concernant les dettes, aujourd’hui contractées par les États sous la pression des principaux détenteurs de capitaux, il conviendrait évidemment d’en faire un audit politique sérieux au regard de leur utilité sociale, qui est également le fondement de leur légitimité. Je rappelle que, de façon fondamentale, un droit qui s’occupe de l’intérêt social du groupe, comme le faisait le droit continental traditionnel, ne fait pas passer l’intérêt catégoriel des créanciers devant l’intérêt général. Il en va, évidemment bien différemment sous la domination actuelle du droit anglo-saxon, qui est fondamentalement un principe de régulation aux mains des plus gros propriétaires de capitaux. La règlementation à l’anglo-saxonne est abusivement qualifié de droit, elle n’est pas un « système juridique » comme l’était le droit continental traditionnel, mais une succession de règlementations utilitaires et opportunistes au bénéfice de la caste capitalistique dominante. C’est précisément dans ce sens que vont les règlementations applicables en comptabilité internationale des entreprises mais c’est également dans ce sens que vont toutes les réformes imposées à la France par les institutions européennes.

SF – Il y a encore d’autres fonctions de la société à remettre debout, l’éducation, l’écologie peut-être, le militaire ? D’autres livres en perspective ?

VB – L’entreprise, et la Société, réformées dans le sens que je préconise peuvent, sinon remédier à tout, du moins produire une organisation sociale viable qui permettra de remédier aux problèmes structurels que nous rencontrons à peu près dans tous les domaines de la vie. Il ne s’agit pas de trouver les clefs du paradis terrestre, mais il s’agit, a minima, de fermer la porte aux paradis artificiels, que sont les paradis fiscaux et de permettre un rééquilibrage des forces institutionnelles en présence au sein d’une collectivité politique. Je n’ai en revanche aucune vocation personnelle à tenter d’améliorer chaque individu, ni à supprimer le mal qui peut, à un moment où à un autre, émerger de tout être humain. Il faut aussi rester modeste et considérer qu’il arrive que des actions ou des règles mues par de bonnes intentions débouchent sur des catastrophes collectives alors qu’à l’inverse, des actions ou des règles justifiées par des intentions plus ou moins honnêtes peuvent aboutir à une amélioration du bien-être collectif.

C’est précisément aux effets pervers des règlementations que « le droit », tel que conçu en Europe continental, était chargé de réfléchir et de répondre. C’est aussi sur la conscience fondamentale que « trop de droit tue le droit » que le droit continental traditionnel fondait ses préoccupations. C’est enfin sur une conception humaniste dans laquelle l’individu était pris en considération dans son contexte collectif (l’intérêt du groupe étant supérieur aux intérêts individuels ou catégoriels) que le droit continental traditionnel était bâti. Précisions ici que c’est à ces préoccupations que répondaient les rédacteurs du Code civil de 1804. Ce Code était conçu dans la droite ligne des anciennes « codifications régionales », sa seule innovation fut dans la centralisation qui s’opérait désormais au niveau de l’État et non plus à celui des régions.

Cette conception du droit est en voie de disparition rapide depuis que le principe de domination capitalistique, notamment représenté par le concept de « propriété économique », inhérente à la règlementation anglo-saxonne est peu à peu venu remplacer le droit continental traditionnel. Aujourd’hui, avec les « modernisations » successives du « droit », nous assistons au phénomène selon lequel les principes du droit civil ne sont plus le « droit commun ». Le Code de commerce conçu en 1807 comme un droit d’exception est aujourd’hui devenu, sans le dire, le véritable droit commun applicable à la collectivité politique. L’inversion du sens des institutions politiques se double d’une inversion profonde des valeurs qui s’imposent à la collectivité.

Quant à l’avenir : mes deux livres (« La nouvelle entreprise » et « Du nouvel esprit des lois et de la monnaie »), les articles que j’écris (que le Saker Francophone à l’extrême amabilité de diffuser), les émissions et conférences que je donne sont le cœur de mon travail ; je le continuerai dans la mesure du possible. Il reste très important de diffuser ces informations et analyses afin de faire réellement bouger les lignes de force sociales. L’objectif est de réconcilier les habitants, de rétablir une coopération entre les gens qui représentent des tendances idéologiques différentes ou adverses. Car les divisions sociales, savamment entretenues depuis trop longtemps, ont pour effet direct et indirect de pérenniser la domination des banquiers-commerçants.

SF – Merci Mme Bugault

Notes

1-Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_24_juillet_1867_sur_... ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64790264.texteImage ; https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64790264.texteImage
2-Cf. « Du nouvel esprit des lois et de la monnaie », co-écrit avec Jean Rémy, publié en juin 2017 aux éditions Sigest
3-cf. http://lesakerfrancophone.fr/de-nouvelles-institutions-po... 
 

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mardi, 11 septembre 2018

Doug Casey on the “Politically Correct” Movement

Today, Doug and I talk about why the “politically correct” or “PC” movement is destroying America…


Justin Spittler: Doug, I want to ask you about political correctness. Obviously, PC culture’s nothing new, but it kind of seems like it’s spreading like cancer these days. Terms like “gender inclusivity,” “cultural appropriation,” and “white privilege” are everywhere.

A good example is last year’s announcement by the University of Minnesota… saying it was dropping the names “Homecoming King and Queen” in favor of “Royals.” It did this in the name of “gender inclusivity.”

Is PC culture getting totally out of hand, or am I going crazy?

doug_casey.pngDoug Casey: Parts of the culture are borderline insane. There’ve been news items regarding this on scores of different colleges and universities across the US. What you mentioned at the University of Minnesota was just part of a greater movement. Although I’ve got to say that I find the use of “Royals” objectionable. I dislike the idea of a hereditary aristocracy—kings and queens and royals. They’re basically just successful, silk-clad gangsters. Why the royal family in Britain is looked up to is a mystery to me. They, like all royals in the world, historically are just descendants of successful thugs. 

But that’s not the point that the PC people are making. They don’t want to see people identified by their birth sex. They would rather that people “identify” as whatever gender—and I understand there are supposed to be about 40—you feel you belong to. You can say you are whoever you think you are. And oddly enough, I’m somewhat sympathetic to that. I think you should be able to call yourself what you want, do what you want, say what you want, this is all fine. And let people judge you by how you identify yourself. Say that you’re a hermaphrodite dinosaur who was born on Mars, if you want. I don’t care; it’s your problem. But these PC types want to legislate that people have to treat the psychologically aberrated as if they were normal. They want laws and punishments governing what you can and can’t do and say and even feel. They want to force you to respect, and pay for, the fantasies of a minority. And change—overturn actually—the whole social culture of the country. It’s a very disturbing trend. It’s likely to end in violence.

I believe I first heard the term “political correctness” used on a Saturday Night Live show back in about 1980. And I thought it was just a joke—like most of the things on SNL. But it turned out to be a real thing, and it’s been building momentum, for at least the last two generations. Where is it going to end? I’m not sure, but it’s just one more termite eating away at the foundations of Western civilization itself. People that go along with this stuff aren’t just crazy. They’re actually evil. They’re the same types who rallied around Robespierre during the French revolution, Lenin during the Russian Revolution, Hitler in ‘30s Germany, and Mao in China. It’s a certain personality type.

51kdxlhGzuL._SX331_BO1,204,203,200_.jpgThe fact that the average American still puts up with this kind of nonsense and treats it with respect is a bad sign. PC values are continually inculcated into kids that go off to college—which, incidentally, is another idiotic mistake that most people make for both economic and philosophical reasons. It’s a real cause for pessimism.

Justin: I agree 100%, Doug. But here’s something our average reader might not realize.

The PC “movement” is actually happening across the world.

For example, Cardiff Metropolitan University in the U.K. banned words like “mankind,” “homosexual,” “housewife,” “manmade,” and “sportsmanship” in an effort to “promote fairness and equality through raising awareness about potentially discriminatory vocabulary.”

Here are some of the University’s approved alternatives…

Instead of “manpower,” students and faculty should say “human resources.”

Instead of “mankind,” “humanity.”

Instead of “sportsmanship,” “fairness.”

Instead of “polio victim,” “polio survivor.”

So here we have another university trying to legislate what people can and cannot say in the name of fairness and equality.

But I really don’t see how this accomplishes anything. Would you agree?

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Doug: Completely. The words you use control the way you think. These people don’t have good intentions, they have bad intentions. Destructive intentions. They’re opposed to all the things that, starting with Ancient Greece, made Western Civilization unique, and better than any other on Earth. They’re opposed to the concepts of individualism, personal freedom, capitalism, economic liberty, free thought, and the like. And it starts with controlling the words you use. George Orwell pointed that out in 1984 where he created “Newspeak,” which was a new version of the English language that used all kinds of different new words in order to change the way people think. And to make it impossible for them to think clearly, because the words were purposely misdefined, often to the opposite of the meanings that they actually have. So, sure, this is part of the continuing corruption of Western civilization itself.

And you’re right, it’s not just in American universities. It’s in universities everywhere, because the culture of universities everywhere has been controlled by this whole class of progressives, social justice warriors, cultural Marxists, socialists—they go under a number of names. I don’t know what’s going to be done about it, quite frankly, because the average person doesn’t have A) the backbone and B) the philosophical knowledge to counter these people. So there’s great cause for pessimism, watching this happen and accelerate. It’s not slowing down, it’s accelerating everywhere.

For instance, some years ago I sat on the Board of Trustees of two different universities. The other trustees weren’t academics, but normal, successful middle-class people. And they were completely snowed by these crazy trends. They were of good will, but they’d been brainwashed by their own educations, and the culture around them, into thinking that although perhaps the SJWs and such were going “too far,” they didn’t actively oppose them. I’m afraid the intellectual and psychological battle has been lost.

Justin: Exactly, it seems people across the world are waging a war on their own freedom of speech. Meanwhile, you have the government waging a war on people’s privacy…

Facebook and internet service providers are hawking private browsing data, Google is listening in on our conversations, the CIA is hacking people’s smartphones…

As disturbing as this all is, I can’t say I’m surprised. Are you?

Doug: No, I wasn’t at all surprised by it. But people’s reaction to these horrible things is that, “Well, the CIA should be reined in a bit, they should be brought under control.” But this is the wrong reaction. The CIA—along with the NSA, the DEA, and a bunch of others—should be abolished, because the CIA has become an actual Praetorian guard. It’s become a government within a government. They have their own armed forces, they have their own sources of income. You can go rogue within the CIA, and if you’re powerful enough or clever enough you can basically do what you want because you’re an armed government agent that’s a member of a very powerful group.

These people are completely out of control. And they have a powerful propaganda machine that works around the clock to convince ignorant and paranoid Boobus americanus that they’re actually good guys, working for his interests against the rest of the world. 

The CIA should be abolished because it’s dysfunctional, but also because it serves no useful purpose. It’s never ever predicted, through its so-called “intelligence gathering,” anything of value—ever. The Korean War, the rise of Castro, the fall of the Shah, the rise of Islam, the fact that the Soviet Union was just an empty shell—you know, they thought the Soviet Union was actually competing with the US from an economic point of view. They’re always absolutely wrong on everything. It defies the odds of pure chance. They’re not just useless, but extremely dangerous. All the coups and revolutions they’ve plotted were disasters.

Can you abolish them? Can you get rid of them at this point? No, they’re far too powerful. And anybody that tries is either going to be killed and/or discredited by their black propaganda. At this point the situation’s completely out of control, and we just have to see where it ends. As an individual American, you should try to insulate yourself from these people. Because they’re not going away; they’re going to become even more powerful.

Justin: How can the average American do that? Should they flee to another country? Delete their Facebook? Is this something people can even escape?

Doug: It’s now a very small world, so it’s very hard to escape. But you just mentioned something to consider. I spend two-thirds of the year in South America, and travel a lot. Believe it or not, I don’t personally have a cell phone, because I don’t like to feel tethered to an electronic device. Societies down here aren’t nearly as electronically oriented as they are in the US. Though my internet connection in Cafayate, Argentina is much better than the one I have in Aspen. So, yes, that’s one thing. It’s easier to be out of sight and out of mind of the bad guys if you’re out of the US, which is the epicenter of all of this. I think that’s important. And being physically absent and trying to limit your use of electronic devices and be careful when you do use them. That’s about all you can do at this point.

Or you can be a good little lamb, and never think out of the box. To mix metaphors, you can act like an ostrich and stick your head in the sand, believing you have nothing to hide, because you’re one of the herd who never does anything wrong. Too few people have read Harvey Silverglate’s book where he points out how the average American often commits about three felonies a day.

But that book is surely inaccurate. It’s 10 years old. Now it’s probably like five felonies a day.

Justin: Thanks for taking the time to speak with me today, Doug.

Doug: My pleasure, Justin.

Reprinted with permission from Casey Research.

lundi, 03 septembre 2018

Monika Berchvok Speaks With Robert Steuckers

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Monika Berchvok Speaks With Robert Steuckers

Translation: https://institutenr.or
 
Following the publication of Pages celtiques by éditions du Lore and the trilogy Europa by éditions Bios of Lille, Monika Berchvok subjected the author of these works, Robert Steuckers, to a rapid fire volley of questions, showing that even the rebels of the young generation of the 2010s want to know the oldest roots of this silent revolt which is growing across all of Europe. Monika Berchvok previously interviewed Robert Steuckers during the publication of La Révolution conservatrice allemande by éditions du Lore in 2014.

Your career is extremely intellectually wealthy. What is the origin of your engagement? 

To speak of intellectual wealth is certainly exaggerated: I am above all a man of my generation, to whom they still taught the “basics”, which today, alas, have disappeared from academic curricula. I experienced my childhood and adolescence in a world that was still marked by quiet tradition, the mores and manners were not those of the industrial world or the service sector, where we increasingly separate from concrete and tangible reality, increasingly acquiring an unbounded pretension and arrogance against “provincials,” like me, who remain anchored in the muck of reality with their heavy boots (yes, yes, that’s from Heidegger…). My father, who really hadn’t been to school, except to the primary school in his Limburg village, wanted nothing to do with the fashions and crazes that agitated our contemporaries in the 1960s and 70s; “all fafouls,” he claimed, “fafoul” being a Brussels dialect term used to designate idiots and cranks. I lived in a home without television, far from and hostile to the mediocre little universe of the pop tune, variety show, and hippy or yéyé subculture. I still thank my progenitor, 25 years after his death, for having been able to totally resist the miserable abjection of all those years where decline advanced in giant steps. Without television, it goes without saying, I had a lot of time to read. Thanks Papa.

Next, I was a gifted student in primary school but fundamentally lazy and desperately curious, the only life saver, to avoid ending up a tramp or a prole, was learning languages to a competent level because, in Brussels, I lived on a street where they spoke the three national languages (and the dialectical variants), with the Russian of a few former White officers and their children who wound up in our fair city in addition. With this linguistic plurality, the task was already half done. Clément Gstadler, a neighbor, an old Alsatian teacher who had ended up in Belgium, told me, donning his ever present traditional hat of the Thann countryside and with a razor sharp Teutonic accent: “My boy, we are as many times men as languages we know.” Strengthened by this tirade hammered into me by Gstadler, I thus enrolled, at the age of eighteen, in Germanic philology and then in the school of translators – interpreters.

The origin of my engagement is the will to remain faithful to all these brave men that we consider anachronistic today. On their certitudes, under siege, we must erect a defensive structure, which we hope will become offensive one day, resting on principles diametrically opposed to the hysterics of the trendy people, to construct in our hearts an alternative, impregnable fortress, that we are determined never to give up.

How do you define your metapolitical combat? 

Dilthey, with whom the alternative minded of our type unfortunately aren’t familiar enough, partially constructed his philosophical system around one strong simple idea: “We only define what is dead, the things and facts whose time has definitively ended.” This fight is not over because I haven’t yet passed from life to death, doubtlessly in order to thwart those who my stubbornness displeases. It is evident, as a child of the 1950s and 60s, that my first years of life unfolded in an era where we wanted to throw everything away. It’s of course a gesture that I found stupid and unacceptable.

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Retrospectively, I can say that I felt, in my young mind, that religion left the scene as soon as it renounced Latin and the spirit of the crusader, very present in Belgium, even among peaceful, calm, authors, like a certain Marcel Lobet, totally forgotten today, doubtlessly because of the excessive moderation of his words, nevertheless ultimately invigorating for those who knew how to capture their deep meaning. The philosopher Marcel Decorte, in his time, noted that society was disintegrating and that it was collapsing into “dissociety,” a term that we find again today, even in certain left wing circles, to designate the present state of our countries, weakened by successive waves of “civilizational negationism,” such as the ideology of Mai 68, New Philosophy, neo-liberal pandemonium, or gender ideology, all “dissociative” phenomena, or vectors of “dissociation,” which today converge in the Macronist imposture, mixing together all these baneful delusions, seven decades after opening Pandora’s Box. Thus the metapolitical combat must be a combat that unceasingly exposes the perverse nature of these civilizational negationisms, continuously denouncing above all the outfits, generally based beyond the Atlantic, that fabricate them in order to weaken European societies to create a new humanity, totally formatted according to “dissociative” criteria, negators of reality as it is (and cannot be otherwise, as the relevant philosopher Clément Rosset remarked, who unfortunately passed away in recent weeks). To make a metaphor with the ancient world, I would say that a metapolitical combat, in our sense, consists of, as the European history expert of Radio Courtoisie Thomas Ferrier said, putting all these negationisms in Pandora’s Box, from which they sprang, then closing it.

You mention “bio-conservatism” in your recent works? What does this term cover? 

I didn’t mention “bio-conservatism.” My editor, Laurent Hocq of Editions Bios, believes that it’s a path we will need to explore, precisely in order to fight “civilizational negationisms,” notably all the elements that deny the corporeality of man, his innate phylogenetics, and his ontology. For me a well conceived bio-conservatism must go back to the implicit sociology that Louis de Bonald sketched in the 19th century, critiquing the individualist drift of the Enlightenment philosophers and the French Revolution. Romanticism, in its non-ethereal or tearful aspects, insists on the organicity, vitalist and biological, of human and social phenomena. We must couple these two philosophical veins – traditional conservative realism and organic Romanticism – and then connect them to the more recent and more scientifically established achievements of biocybernetics and systems theory, while avoiding falling into perverse social engineering as desired by the Tavistock Institute, whose cardinal role in the elaboration of all forms of brain washing that we’ve endured for more than sixty years was investigated by the “conspiracy theorist” Daniel Estulin, now living in Spain. The “Tavistockians” used biocybernetics and systems theory to impose a “depoliticized” culture across the Western world. Today these disciplines can be perfectly mobilized to “re-politicize” culture. Laurent Hocq wants to initiate this work of metapolitical mobilization with me. We will have to mobilize people competent in these domains to complete the task.

At the end of the road, rethinking “bio-conservatism” is nothing more or less than the will to restore a “holistic” society in the best sense of the term as quickly as possible, that is to say a society that defends itself and immunizes itself against the fatal hypertrophies leading us to ruin, to degradation: economic hypertrophy, juridical hypertrophy (the power of manipulative and sophist jurists), the hypertrophy of the services sector, hypertrophy of petty moralism detached from reality, etc.

Localism is also a theme that often reoccurs in your recent books. For you the return to the local has an identitarian dimension, as well as a social and ecological one? 

Localism or the “vernacular” dimensions of human societies that function harmoniously, according to timeless rhythms, are more necessary than ever at a time where a sagacious geographer such as Christophe Guilluy notes the decline of “France from below”, the marvelous little provincial towns that are dying before our eyes because they no longer offer a sufficient number of local jobs and because their light industry has been relocated and dispersed to the four corners of the planet.
Attention to localism is an urgent necessity in our time, in order to respond to a terrifying evil of neo-liberalism that has expanded since Thatcher’s accession to power in Great Britain and all the fatal policies that the imitators of this “Iron Lady” have seen fit to import into Europe and elsewhere in the world.

The refusal of the migratory “great replacement” happens through an understanding of immigration movements in the era of total globalization. How can the tendency of migratory flows be reversed? 

By not accepting them, quite simply. We are a stubborn phalanx and it is imperative that our stubbornness become contagious, taking on the appearance of a global pandemic.

Nevertheless, when you mention the fact that there must be an “understanding of migratory movements,” you indirectly underline the necessity of deeply understanding the contexts from which these migrants come. For half a century, and even longer since Mai 68 had antecedents in the two decades that preceded it, we have been fattened on junk culture, of inane varieties, which occupies our minds with time consuming spectacles and prevents them from concentrating on things as real as they are essential. A good state is a state that inquires about the forces at work in the world. Whether migratory flows are accepted or not, every host state, guided by a healthy vision of things, should draw up an economic, ethnic, and social cartography of the populations coming from the emigrants’ countries.

RS-MB-B-EE.jpgFor Africa, that means understanding the economic state of each migrant exporting country, the possible system of kleptocracy that reigns there, the ethnic components (and the conflicts and alliances that result from them), the history of each of these political or anthropological phenomena, etc. This knowledge must then be delivered by an honest press to the citizens of our countries, so that they can make judgments about credible pieces and not be forced to vote according to unremitting propaganda based on inconsistent slogans.

For Syria we should have known, before the waves of refugees spilled into Europe, the religious and tribal structures of the country in a very precise manner: actually, the media, generally uncultivated and dependent on the “junk culture” imposed on us for decades, discovered the Syrian divisions that had been ignored until now. Only a handful among us has a clear notion of who the Alawites or Yezidis are, knows that the Syrian Christian communities have complicated divisions, understands the tacit alliance that unites Alawites with Twelver Shiites, understands that the principal enemy of the Ba’athist political system is the Muslim Brotherhood, which fomented the terrible disorders of 1981-1982 that ravaged Syria in the time of Hafez al-Assad, father of the current president. In short, the general public knows nothing about the complexity of Syria. The only bone it has to gnaw is the slogan that decrees Assad is a horrible monster, fit to be eliminated by fundamentalist assassins or American bombs.

For Africa, the only means of reducing the waves of refugees, real or solely economic, would be to put an end to evidently very kleptocratic regimes, in order to fix the populations on their native soil by redirecting sums of money toward infrastructural investment. In certain more precise cases, that would also happen through a return to a subsistence agricultural economy and a partial and well regulated abandonment of monoculture which doesn’t properly nourish populations, especially those that have opted for rural exodus towards the cities and sprawling slums, like Nigeria for example.

For Syria, we should have established a filter to sort refugees but that would have, ipso facto, privileged Muslim or Christian communities allied to the regime, to the detriment of the hostile social classes, who are totally un-integrable into our European societies, because the Salafism that animates them is viscerally hostile to all forms of syncretism and all cultures that do not correspond to it 100%. Moreover, as a general rule, the reception of migratory flows coming from countries where there are dangerous mafias is not recommended even if these countries are European like Sicily, Kosovo, Albania, or certain Caucasian countries. All immigration should pass through a well established anthropological screening process and not be left to chance, at the mercy of the “invisible hand” like the one that all the liberals expect the world to be perfected by. Non-discernment in the face of migratory flows has transformed this constant of human history into a catastrophe with unpredictable repercussions in its current manifestations, as evidently these flows do not bring us a better society but create a deleterious climate of inter-ethnic conflict, unbridled criminality, and latent civil war.

Reversing the tendency of migratory flows will happen when we finally implement a program of triage for migrations, aiming for the return of criminals and mafiosos, the psychologically unbalanced (that they deliberately send here, the infrastructure capable of accommodating them being non-existent in their countries of origin), politicized elements that seek to import political conflicts foreign to us. Such a policy will be all the more difficult to translate into daily reality where the imported mass of migrants is too large. Then we cannot manage it in proper conditions.

JFTH.jpegYou knew Jean Thiriart. Does his political vision of a “Great Europe” still seem relevant? 

Jean Thiriart was firstly a neighbor for me, a man who lived in my neighborhood. I can note that behind the sturdy and gruff sexagenarian hid a tender heart but bruised to see humanity fall into ridicule, triviality, and cowardice. I didn’t know the activist Thiriart because I was only twelve when he abandoned his political combat at the end of the 1960s. This combat, which extended over a short decade starting from Belgium’s abandonment of the Congo and the tragic epilogue of the war in Algeria for the French, two years later. Thiriart was motivated by a well developed general idea: abolish the Yalta duopoly, which made Europe hemiplegic and powerless, and send back the Americans and Soviets in succession in order to allow the Europeans to develop independently. He belonged to a generation that had entered politics, very young, at the end of the 1930s (the emergence of Rexism, the Popular Front, the war in Spain, the Stalinist purges, Anschluss, the end of the Czechoslovakia born at Versailles), experienced the Second World War, the defeat of the Axis, the birth of the state of Israel, the coup in Prague, and the blockade in Berlin in 1948, the Korean War, and the end of Stalinism.

Two events certainly contributed to steer them towards an independentist European nationalism, different in sentiment from the European nationalism professed by the ideologues of the Axis: the Hungarian Revolt of 1956 and the Suez campaign, the same year, the year of my birth in January. The West, subjugated by Washington, did nothing to aid the unfortunate Hungarians. Worse, during the Suez affair, the Americans and the Soviets forced the French and British to unconditionally withdraw from the Egyptian theater of operations. Thiriart, and a good number of his companions, temporary or not, observed that the duopoly had no desire to dissolve itself or even to fight each other, to modify one way or the other the line of the Iron Curtain that cut Europe across its center, to tolerate any geopolitical affirmation on the part of European powers (even if they were members of the UN Security Council like France and the United Kingdom). The decolonization of the Congo also demonstrated that the United States was unwilling to support the Belgian presence in central Africa, despite the fact that Congolese uranium underpinned the nuclear supremacy of Washington since the atom bombs fabricated in order to bring Japan to its knees in 1945. A little history, Hergé’s brother was the only Belgian military officer not to chicken out and he showed an arrogant hostility to the NATO troops who came to take control of his Congolese base.

One thing leading to another, Thiriart would create the famous movement “Jeune Europe” that would inject many innovations into the discourse of the activist milieu and contest the established order of what one could classify as the extreme-right in its conventional forms, petty nationalists or Poujadists. The “habitus” of the extreme-right did not please Thiriart at all, who judged them unproductive and pathological. A reader of the great classics of the realist politics, especially Machiavelli and Pareto, he wanted to create a small hyper-politicized phalanx, rationally proceeding from truly political criteria and not thin emotions, creating only behavioral indiscipline. This political hyper-realism implied thinking in terms of geopolitics, having a knowledge of the general geography of the planet. This wish was realized in Italy alone, where the magazine Eurasia of his disciple and admirer Claudio Mutti has done remarkably well and has attained a very elevated degree of scientific precision.

To bypass the impediment of Yalta, Thiriart believed that we needed seek allies across the Mediterranean and in the East of the vast Soviet territorial mass: thus the attempt to dialogue with the Nasserist Arab nationalists and the Chinese of Chou Enlai. The Arab attempt rested on a precise Mediterranean vision, not understood by the Belgian militants and very well comprehended, on the contrary, by his Italian disciples: according to Thiriart this internal sea must be freed from all foreign tutelage. He reproached the various forms of nationalism in Belgium for not understanding the Mediterranean stakes, these forms turned more towards Germany or the Netherlands, England or the Scandinavian countries, an obligatory “Nordic” tropism. His reasoning about the Mediterranean resembled that of Victor Barthélémy, an adviser of Doriot and also a former communist, a reasoning shared by Mussolini as mentioned in his memoirs. Thiriart very probably derived his vision of Mediterranean geopolitics from a feeling of bitterness following the eviction of England and France from the Mediterranean space after the Suez affair in 1956 and the war in Algeria.

According to Thiriart, the Europeans shared a common Mediterranean destiny with the Arabs that could not be obliterated by the Americans and their Zionist pawns. Even if the French, the English, and the Italians had been chased from the Arabophone North African shore, the new independent Arab states could not renounce this Mediterranean destiny they shared with non-Muslim Europeans, massed on the Northern shore. For Thiriart, the waters of the Great Blue sea unite, not separate. From this fact, we must favor a policy of convergence between the two civilizational spaces, for the defense of the Mediterranean against the element foreign to this space, interfering there, constituted by the American fleet commanded from Naples.

The idea of allying with the Chinese against the Soviet Union aimed to force the Soviet Union to let go of its ballast in Europe in order to confront the Chinese masses on the Amur River front. The dual project of wagering on the Nasserist Arabs and the Chinese marked the last years of Thiriart’s political activity. The 1970s were, for him, years of silence or rather years where he immersed himself in the defense of his professional niche, namely optometry. When he returned to the fight at the start of the 1980s, he was nearly forgotten by the youngest and eclipsed by other political and metapolitical lines of thought; moreover the given facts had considerably changed: the Americans had allied with the Chinese in 1972 and, since then, the latter no longer constituted an ally. Like others, in their own corners and independently of each other, such as Guido Giannettini and Jean Parvulesco, he elaborated a Euro-Soviet or Euro-Russian project that the Yeltsin regime didn’t allow to come to fruition. In 1992 he visited Moscow, met Alexander Dugin and the “red-browns,” but unexpectedly died in November of the same year.

thiriartQSJ-YS.jpgWhat we must retain from Thiriart is the idea of a cadre school formed on principles derived from pure political philosophy and geopolitics. We must also retain the idea of Europe as a singular geostrategic and military space. It’s the lesson of the Second World War: Westphalia defended itself on the beaches of Normandy, Bavaria on the Côte d’Azur and along the Rhône, Berlin at Kursk. Engines allowed for the considerable narrowing of the strategic space just as they allowed for the Blitzkrieg of 1940: with horse-drawn carts, no army could take Paris from Lorraine or Brabant. The failures of Philip II after the battle of Saint-Quentin prove it, Götz von Berlichingen never went past Saint-Dizier, the Prussians and Austrians never went past Valmy, and the armies of the Kaiser were stopped on the Marne. One exception: the entrance of the allies into Paris after the defeat of Napoleon at Leipzig. The United States is henceforth the sole superpower, even if the development of new arms and imperial hypertrophy, that it imposed on itself through unthinking immoderation, slowly break down this colossal military power, recently defied by the new capabilities of Russian or perhaps Chinese missiles. European independence happens through a sort of vast front of refusal, through the participation of synergies outside of what Washington desires, as Armin Mohler also wanted. This refusal will slowly but surely erode the supremacist policy of the Americans and finally make the world “multipolar.” As Thiriart, but also Armin Mohler, doubtlessly wanted, and, following them, Alexander Dugin, Leonid Savin, and yours truly want, multipolarity is the objective to aim for.

Three German author seem to have left their mark on you particularly: Ernst Jünger, Carl Schmitt and Günter Maschke. What do you retain from their thought?

Actually, you ask me to write a book… I admire the political writings of the young Jünger, composed in the middle of the turmoil of the 1920s just as I also admire his travel narratives, his seemingly banal observations which have made some Jüngerians, exegetes of his work, say that he was an “Augenmensch,” literally a “man of the eyes,” a man who surveys the world of nature and forms (cultural, architectural) through his gaze, through a penetrating gaze that reaches far beyond the surface of apparent things and perceives the rules and the rhythms of their internal nature.

Very soon I will release a voluminous but certainly not exhaustive work on Carl Schmitt. Here I want to remind people that Carl Schmitt wrote his first relevant texts at the age of sixteen and laid down his last fundamental text onto paper at 91. So we have a massive body of work that extends over three quarters of a century. Carl Schmitt is the theorist of many things but we essentially retain from him the idea of decision and the idea of the “great space.” My work, published by éditions du Lore, will show the Schmitt’s relation to Spain, the very particular nature of his Roman Catholicism in the context of debates that animated German Catholicism, his stance in favor of Land against Sea, etc.

Speaking about Günter Maschke interests me more in the framework of the present interview. I met Günter Maschke at the Frankfurt Book Fair in 1984, then during a small colloquium organized in Cologne by high schoolers and students under the banner of the Gesamtdeutscher Studentenverband, an association that intended to oversee the student organizations which, at the time, were working towards the reunification of the country. Maschke was a thundering and petulant former leader of the activist years of 1967 and 1968 in Vienna, from which he would be expelled for street violence. In order to escape prison in West Germany, because he was a deserter, he successfully defected, via the French collective, “Socialisme ou Barbarie,” first to Paris, then Cuba. He then settled in the insular Castroist Carribean republic and met Castro there, who gave him a tour of the island in order to show him “his” sugar cane fields and all “his” agricultural property. Maschke, who can’t hold his tongue, retorted to him, “But you are the greatest latifundist in Latin America!” Vexed, the supreme leader didn’t renew his right of asylum and Maschke found himself back at the beginning, that is to say in a West German prison for thirteen months, the span of the military service he refused, as demanded by the law. In prison, he discovered Carl Schmitt and his Spanish disciple Donoso Cortès, and in the cramped space of his cell, he found his road to Damascus.

Many activists from 67-68 in Germany henceforth turned their backs on the ideologies they professed or utilized (without really believing in them too much) in their youth years: Rudi Dutschke was basically a anti-American Lutheran nationalist; his brothers gave interviews to the Berlin new conservative magazine Junge Freiheit and not usual leftist press, which repeats the slogans of yesterday without realizing that it has fallen into anachronism and ridicule; Frank Böckelmann, who was presented to me by Maschke during a Book Fair, came from German Situationism and never hesitated to castigate his former comrades whose anti-patriotism, he said, was the mark of a “craving for limits,” of a will to limit themselves and mutilate themselves politically, to practice ethno-masochism. Klaus Rainer Röhl, a nonagenarian today, was the spouse of Ulrike Meinhof, who sunk into terrorism with Baader. Röhl too became closer to the nationalists while the articles of Ulrike Meinhof in her magazine konkret would trigger the first fights in Berline during the arrival of the Shah of Iran.

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Uli Edel’s film devoted to the “Baader Meinhof Gang” (2008) also shows the gradual slide of the terrorist “complex” in West Germany, which arose from an idealistic and unreasoning, uninhibited, and hysteric anti-imperialism, but often correct in some of its analyses, to pass into an even more radical terrorism but ultimately in the service of American imperialism: in his film, Edel shows the stakes very clearly, notably when Baader, already arrested and sentenced, speaks with the chief of police services and explains to him that the second generation of terrorists no longer obeys the same guidelines, especially not his. The second generation of terrorists, while Meinhof, Baader and Ensslin (Maschke’s sister in law!) were imprisoned and had not yet committed suicide, assassinated statesmen or economic decision makers who correctly wanted to pursue policies in contradiction with the desires of the United States and free West Germany from the cumbersome tutelage that Washington imposed on it. This shift also explains the attitude taken by Horst Mahler, Baader’s lawyer and partisan in armed struggle in his time. He would also pass to nationalism when he was released from prison, a nationalism strongly tinted with Lutheranism, and he would return to prison for “revisionism.” The last I heard, he was still languishing there.

At the start of the 1980s, Maschke was an editor in Cologne and notably published the works of Carl Schmitt (Land and Sea), Mircea Eliade, Pierre Drieu la Rochelle, Agnès Heller, and Régis Debray. Every year, in October when the famous Frankfurt Book Fair took place, Maschke, who thought I had the countenance of an imperturbable young reactionary, had Sigi, his unforgettable spouse who left us much too soon, set up a cot in the middle of his prestigious office, where the most beautiful flowers of his library were found. So every year, from 1985 to 2003, I frequented the “Maschke Salon,” where personalities as prestigious as the Catholic and conservative writer Martin Mosebach or the Greek political philosopher Panajotis Kondylis, the ex-Situationist Franck Böckelmann,or the Swiss polemicist Jean-Jacques Langendorf dropped by. These soirees were, I must admit, pretty boozy; we sang and performed poems (Maschke likes those by Gottfried Benn), the fun was de rigeur and the ears of a good number of fools and pretentious people must have rung as they were lampooned. I inherited a frank manner of talking from Maschke, who often reproached me, and he helped consolidate my mocking Bruxellois verve, which I owe to my uncle Joseph, my mother’s very sarcastic brother.

I can’t finish this segment without recalling the fortuitous meeting between Maschke and Joschka Fischer, the year where the latter had become a minister in the Land of Hesse, the first step that would lead him to become the German minister of foreign affairs who made his country participate in the war against Serbia. Fischer strolled down the long hallways of the Book Fair. Maschke came up to him and patted his stomach, very plump, saying to everyone: “Well, comrade Fischer, fattening up to become minister.” Next followed a torrent of acerbic words poured out on the little Fischer who looked at his sneakers (his trademark at the time, in order to look “cool”) and stammered apologies that he wasn’t. Scolding him as if he was only a dirty brat, Maschke proved to him that his Schmittian neo-nationalism was in accord with the anti-imperialist tendencies of the 1967-68 years, while Fischer’s alignment was a shameful treason. The future would give him ample justification: Fischer, former violent Krawallo (hooligan) of Hessian leftism, became a vile servant of capitalist and American imperialism: the dithyrambic phrases that he pronounced these last weeks praising Chancellor Merkel only accentuate this bitter feeling of betrayal. These remarks are evidently valid for Daniel Cohn-Bendit, today a war monger on sale to Washington. Jean-François Kahn, in an interview very recently accorded to Revue des deux mondes, spoke of him as a former sixty-eighter turned neocon in the style of the East Side Trotskyites.

In his quest after his return from Cuba and his stay in a dreary Bavarian prison, Maschke, unlike Mahler or Dutschke’s family for example, evolved, with Schmitt and Donoso, towards a Baroque and joyous Catholicism, strongly tinted with Hispanicism and rejected the uptight, Protestant, and neo-Anabaptist violence that so clearly marked the German extra-parliamentary revolutionaries of the sixties. For him as for the director Edel, the Ensslin sisters, for example, were excessively marked by the rigorous and hyper-moralist education inherent to their Protestant familial milieu, which seemed insupportable after his stay in Cuba and his journeys to Spain. Also because Gudrun Ensslin fell into a morbid taste for an unbridled and promiscuous sexuality, resulting from a rejection of Protestant Puritanism as Edel’s film highlights. The Maschkian critique of the anti-Christianity of the (French) New Right is summarized by a few choice words, as is his habit: thus he repeats, “they are guys who read Nietzsche and Asterix simultaneously and then fabricated a system from this mixture.” For him, the anti-Christianity of Nietzsche was a hostility to the rigors of the Protestantism of the family of Prussian pastors from which the philosopher of Sils-Maria came, a mental attitude that is impossible to transpose in France, whose tradition is Catholic, Maschke doesn’t take the Jansenist tradition into account. These anecdotes show that any political attitude must fall back into a kind of Aristotlean realism.

RS-MB-GB-PC.jpgYou return to the contribution of the Celtic world to our continental civilization in your book “Pages celtiques.” What do we retain from the “Gaulish” in our European identity? You return to the Irish and the Scottish nationalist movement at length. What lessons should we draw from their long struggles? 

In “Pages celtiques”, I wanted, essentially, to underline three things: firstly, the disappearance of all Celtic cultural and linguistic references is the result of the Romanization of the Gauls; this Romanization was apparently rapid within the elites but slower in the spheres of popular culture, where they resisted for five or six centuries. The vernacular culture retained the Celtic language until the arrival of the Germans, the Franks, who took over from the Romans. We can affirm that the popular religiosity retained the religiosity of “eternal peasants” (Mircea Eliade) and it remained more or less the religion whose rituals were practiced by the Celts. This religiosity of the soil remained intact under the Christian veneer, only the religion of the elites from the start. The dei loci, the gods of places, simply became saints or Madonnas, nestled in the trunks of oaks or placed at crossroads or near springs. The “de-Celticization,” the eradication of the religion of “eternal peasants,” occurred under the blows of modernity, with the generalization of television and … with Vatican II. What the French still have from the “Gaulish”, was put to sleep: it’s a fallow field awaiting a reawakening. Our essence, in Belgium, was deeply Germanized and Romanized, in the sense where the Eburons, the Aduatuques, and the Treviri were already partially Germanized in the time of Caesar or later when the Ingvaeonic Germanic tribes settled in the valley of the Meuse served Rome and rapidly Latinized.

Secondly the Celtic contribution is equally Christian in the sense where, at the end of the Merovingian era and at the start of the Pippinic / Carolingian era, Christian missions were not only guided by Rome, they were also Irish – Scottish with Saint Columban, who settled in Luxeuil-les-Bains, the formerly Gaulish, then Roman, thermal baths site. Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Switzerland, Wurtemberg, Bavaria, Tyrol, and a part of Northern Italy received the Christian message not from the apostles who came from the Levant or missionaries mandated by Rome but from Irish – Scottish monks and ascetics who proclaimed a Christianity closer to the natural religiosity of the indigenous peoples, with some pantheist dimensions, while advocating the large scale copying of ancient, Greek and Latin manuscripts. The Christian, Celtic, and Greco-Latin syncretism that they offered us remains the foundation of our European culture and any attempt to remove or eradicate one of these elements would be a useless, even perverse, mutilation, that would deeply unbalance the foundations of our societies. The smug and foolish moralism, proper to the recent history of the Church and its desire to “third worldize,” also ruined all the seduction that the religion could exercise on the popular masses. Failing to take the vernacular (Celtic or otherwise) into account and ceasing to defend the heritage of the classical humanities (with the political philosophy of Aristotle) at any price has separated the masses from the intellectual and political elites of the Church. The parishes have lost their flocks: actually, what did they have to gain from hearing the moralizing sermons without depth repeated ad nauseum that the Church henceforth offers to them.

Thirdly, in the 18th century, the Irish, Scottish, and Welsh Enlightenment philosophers were certainly hostile to absolutism, calling for new forms of democracy, demanding popular participation in public affairs and calling for a respect of vernacular cultures by the elite. The enlightenment republicanism of the Irish, Scottish, and Welsh hostile to the English monarchy which subjected the Celtic peoples and Scottish people (a mixture of Celts, Norwegians, and free Anglo Saxons) to a veritable process of colonization, particularly cruel, but this hostility was accompanied by a very pious devotion to the cultural productions of the common people. In Ireland, this republicanism was not hostile to the homegrown and anti-establishment Catholicism of the Irish nor to the multiple remnants of pantheist paganism that was naturally and syncretically harbored in this Irish Catholicism. The representatives of this religiosity were not treated as “fanatics,” “superstitious,” or “brigands” by the Republican elites. They would not be vilified nor dragged to the guillotine or gallows.

The Celtic Enlightenment philosophers of the British Isles did not deny rootedness. On the contrary, they exalted it. Brittany, non-republican, was the victim, like the entire West, of a ferocious repression by the “infernal columns.” It largely adhered to the ancien régime, cultivating nostalgia, also because it had, in the era of the ancien régime, a “Parliament of Brittany,” that functioned in an optimal manner. The uncle of Charles De Gaulle, “Charles De Gaulle No. 1”, would be the head of a Celtic renaissance in Brittany in the 19th century, in the framework of a monarchist ideology. In the same era, the Irish independence activists struggled to obtain “Home Rule” (administrative autonomy). Among them, at the end of the 19th century, was Padraig Pearse, who created a mystic nationalism, combining anti-English Catholicism and Celtic mythology. He would pay for his unwavering commitment with his life: he would be shot following the Easter Rising of 1916. Likewise, the union leader James Connolly mixed syndicalist Marxism and the liberatory elements of Irish mythology. He would share the tragic fate of Pearse.

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The leaders of the Irish independence movement offer to political observers of all stripes an original cocktail of nationalist labor unionism, mystic Celticism, and social Catholicism, where the ideology of human rights would be mobilized against the British not in an individualist sense, featuring, for reference, a man detached from any social bond with the past, thus a man who is modeled as a “nameless apostasy from reality.” On the contrary, from the start Irish Republican ideology reasons according a vision of man that fits into into a cultural, social, and bio-ethnic whole. All that must also be the object of legal protection with a corollary that any attack, anywhere in the world, on one of these ethnic-social-cultural ensembles is an attack on a fundamental human right, the right to belong to a culture. So the rights of man, for the Irish, are inseparable from the cultures that animate and feed human societies.

After the Second World War, the Welsh would take up the cause of the Bretons pursued by the Republic, which would be condemned by the International Court of Human Rights for crimes against Breton culture: this fact is quite evidently forgotten, because it was knowingly hidden. Today, notably following the peremptory tirades of the “nouveaux philosophes,” whose path begins around 1978 and continues today, forty years later (!), with the hysterical fulminations of Bernard-Henri Lévy, the Republic sees itself as the defender par excellence of human rights: it is henceforth piquant and amusing to recall that it was condemned on a charge brought by the Welsh and Irish for crimes against a vernacular culture of the Hexagon, and consequently any politically act that ultimately infringes the rights of a people’s culture, or denies it the mere right to exist and propagate, is equally a crime liable for an equivalent sentence. So there exist other possible interpretations and applications of human rights than those that automatically treat anyone who claims an identity rooted in physical belonging as backwards or potentially fascist. Thus human rights are perfectly compatible with the right to live in a rooted, specific, and inalienable culture that ultimately has a sacred value, on soil it has literally turned for centuries. Hervé Juvin, through an original and politically relevant interpretation of the ethnological and anthropological works of Claude Lévi-Strauss and Robert Jaulin, is the one who has shown us the way to follow today in order to leave behind this deleterious atmosphere, where we are called to swear an inextinguishable hatred towards what we are deep within ourselves, to rob ourselves of what’s deep in our hearts in order to wallow in the nihilism of consumerism and political correctness.

I partially owe this Celticism,both revolutionary and identitarian, to the German activist, sociologist, and ethnologist Henning Eichberg, theorist and defender of identities everyone in the world, who expressed an analogous Celticism in a militant and programmatic work, published at the start of the 1980s, at the same time Olier Mordrel published his “Mythe de l’Hexagone.” Elsewhere, my friend Siegfried Bublies would give the title Wir Selbst to his non-conformist, national-revolutionary magazine, the German translation of the Gaelic Sinn Fein (“We Ourselves”). Bublies was the editor of Eichberg’s polemical and political texts, who passed away, alas too soon, in April 2017.

In “Pages celtiques”, I also pay homage to Olier Mordrel, the Breton combatant, and define the notion of carnal fatherland, while castigating the ideologies that want to eradicate or criminalize it.

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You’ve restarted Trans-European activities. How do you the judge the evolution of “identitarian”forces in Europe? 

No, I’ve restarted nothing at all. I’m too old. We must leave it to the youth, who are doing very well according to the criteria and divides inherent to their generation, according to modes of communication that I haven’t mastered as well as they have, such as social networks, videos on YouTube, Instagram, Facebook, or others. The institutions challenging the ambient mismanagement are multiplying at a good pace because we are experiencing a consolidated conservative revolution in relation to what it was, lying fallow, twenty or thirty years ago. It’s true that the dominant powers have not kept their promises: from the Thirty Glorious Years, we’ve passed to the Thirty Piteous Year, according to the Swiss writer Alexandre Junod, who I knew as a child and has grown up so much … And he is still optimistic, this boy: if he wrote a book, he would have to mention the “Thirty Shitty Years.” As we’ve fallen very very low. It’s really the Kali Yuga, as the traditionalists who like to mediate on Hindu or Vedic texts say. I modestly put myself in the service of new initiatives. The identitarian forces today are diverse but the common denominators between these initiatives are multiplying, quite happily. We must work for convergences and synergies (as I’ve always said…). My editor Laurent Hocq has limited himself to announcing three international colloquiums in order to promote our books in Lille, Paris, and Rome. That’s all. For my part, I will limit myself to advise initiatives like the “Synergies européennes” summer universities, even if they are very theoretical, as they allow me to encounter and adapt fruitful strategies for the years to come.

Source: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/05/08/m...

samedi, 04 août 2018

Iurie Roșca: ”Happy to be part of the anti-system dissident wave for the second time!”

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Iurie Roșca: ”Happy to be part of the anti-system dissident wave for the second time!”

 

Interview by Alberto Cossu and Filippo Romeo for www.vita.it

«I sincerely hope that the European Union in the current formula is ready to die. I am expecting the repetition of the Soviet story, the total collapse and the reorganization of the political landscape at the continental level»

Born in 1961 in the ex-Soviet Republic of Moldova, Iurie Roșca is a politician, journalist, author, editor and translator. In the Soviet period he was involved in dissident networks and afterwards, during the Perestroika period, he was one of the prominent figures in the anti-Communist and national movement, being one of the leaders of Moldova’s first alternative political party and founder of the first newspapers. From 1988 until 1994 he was deputy chairman of the party. From 1994 until 2010 – chairman of the Christian-Democrat People’s Party. Between 1994 – 2009 he was a MP, including twice deputy chairman of Parliament; in 2009 – deputy PM. He is now the president of People’s University, which is a school of political leadership, an international think-tank and printing house. His political beliefs can be summed up as such: Orthodox, conservative, traditionalist.

We met him to better understand Moldava’s situation and to share some considerations about the new international outlook

You used to be a very successful political leader since the last period of URSS. When was the Christian-Democratic People’s Party of Moldova founded? Could you please say a few words about the initial period?

Oh, this is such a long story. Our political movement was founded in 1988, in Perestroika period, as an anticommunist, nationalist and pro-Independence party. It was a fantastic period, with indispensable idealism and romanticism at first. But anyhow, the disaggregation of the Soviet Empire does not happen twice and I am happy that I was totally engaged in this historic confrontation. We, as a former dominated nation, as a captured nation suffered not only political and economic pressures of communist regime. We had very harsh national, ethno-linguistic, cultural pressions, a very strong process of assimilation and Russification. That is why this historical moment was for us like a triumph of nations. In several years, we obtained the adoption of the Romanian language (also called the Moldovan language as a consequence of the Soviet occupation) as state language, the return to the Latin alphabet (the Russian alphabet was imposed to us during the communist period) and the country’s independence. It was a period of street protests, of samizdat, of new forms of media, of organization of political parties.

Did your party, after such a long presence in national parliament, lose the elections in 2009? What kind of mistakes can you enumerate in your political strategy?

If we keep in mind the fact that my party was the longest-running party in the ex-Soviet space as a parliamentary presence (five consecutive legislatures from 1990 to 2009), we could speak of a unique success, not a failure. Remember, initially, in 1988, we were a Political Movement that supported Gorbachev’s Perestroika, in 1989 we became the Moldovan Popular Front (as it was in vogue throughout the Soviet Empire), then in 1999 we became Christian Democrats so as now to get to the endpoint of our ideological evolution – Conservatism.

Moldova is ranked as one of poorest countries of Europe. Could you please outline a picture of the political and economic situation?

After the USSR was dismantled, the Western craftsmen of the transition from the gloomy communist past to the bright liberal future ignored any difference and imposed a universal recipe for all ex-communist countries. the well-known concept of ”the West and the Rest” ,impregnated by classical eurocentrism, was seen by the winners of the Euro-Atlantic centers of power as a necessary way of acting. And since every nation in the world is left with only one way of development, the ex-communist countries have been invited to make a civilizational leap and to adapt its own societies to the standard model. It means to repeat the path traversed by the West through Modernity: mass democracy, market economy and human rights, plus secularism, open borders, and alignment with the only civilization on the upper stage – the West.

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Some twenty-five years ago nobody in both areas, East and West, had any other approach on this new geopolitical and historical reality. The East must be westernized, otherwise it cannot overcome its communist past, achieve prosperity and become a normal, developed society. The collapse of the communist system led to the creation of an intellectual vacuum in the respective societies. And this vacuum was immediately filled with the liberal paradigm, which seemed perfect, indisputable and axiomatic.The tragicomic situation that arose after the fall of the USSR can be characterized as such. After 50 years of the Cold War between East and West, the West defeated the East who capitulated. And for the first time in history, the defeated side received the conditions of capitulation in a state of happiness, and accepted as a gift the plan of geopolitical and economic colonization.

Thus, Moldova also bought a ”one way ticket” for the train that led us to prosperity. Year after year we executed all the „precious indications” from Western power centers, such as the IMF, the World Bank, the State Department, the EU etc. We copied the institutions, the legislation, the economic model, etc. We have achieved total liberalization of prices, we have made mass privatization, we have opened the internal market for Western capitals, goods and services, we have equaled the foreign entrepreneur with the local one. We did everything in order to respond to all criterias suggested (or imposed) from abroad. But the promised state of general happiness still did not come.

Could you please tell us which economical model dominates at present in Moldova?

Moldova is not a productive, but a consumer economy. How does it work? Very simple. Moldovans work abroad, on the external labor markets to earn money which is spent in Moldova to buy goods produced abroad which have completely invaded our internal market. How can a local businessman compete with, say, a German or a Turkish one? Difference in production capacities, know-how, access to cheap credits, etc. dooms the local entrepreneur into a loser right from the start. Moldova has signed the ”free trade agreement” with the EU and with Turkey too – a well done operation in favor of our big brothers. It is worse for us, the local population whom these glass beads and illusions are sold to in exchange for natural resources and the key sectors of the national economy.

I confess that I spent two decades of political activity and assiduous reading in four languages until I realized why things in my country are going from worse to worse. When I realized that the West had actually applied to the ex-communist space the same treatment that the Third World has long suffered, everything became extremely clear. When principle of ”kicking away the ladder” (Friedrich List) or ”comparative advantages” of “freetradism” (“laissez-fairisme”) has been fully applied, then Moldova’s chance of emerging from the crisis strictly following the imposed rules from the outside becomes illusory. By blindly following ”friedmanism” and the advices from the Chicago Boys, by assuming quasi-religious principles of the so-called ”Washington Consensus”, Moldova became a classical poor country as so many other countries around the world which were guided to go in the same direction.

Your interpretation contradicts in radical way the official Western discours on economical issues of the post-communist area. Usually your countries are seen as failed states because of internal causes like corruption, luck of deep reforms, weak democratic insititutions and the absence of strong and independent justice. You want to say that this approach is false?

Not necessarily, but obviously partial, tendencious and vicious. All of these factors exist. But they are the effect, not the causes of our problems. The major causes of Moldova’s disaster are other than the dominant neoliberal discourse presents it. The first is the excessive obedience of the ruling class to external power centers. The „development partners” that lend to the Republic of Moldova an enormous amount of money does not represent charity foundations, but tools of global plutocracy, which seeks to achieve astronomical gains.

External financing in exchange for free trade, adjustment of domestic legislation to the detriment of local business and in the interest of global corporatocracy, the tailoring of monetary, customs, fiscal, budgetary and social policies have substantially reduced the state’s ability to promote independent economic policies.

The truth is that it is precisely the forced dressing of the Republic of Moldova in that suffocating “golden straight jacket” (Thomas Friedman) that strangles any chance of economic recovery in the country. Moldova, like so many other countries, subjected to „structural reforms” and neo-liberal adjustments predicated on „market fundamentalism”, has yielded for a long time its sovereign right to manage its own economy. Under these circumstances, the succession in governing of various parties and coalitions, whether they are totally corrupt or relatively decent, cannot lead to radical positive changes.

What is your stance regarding NATO versus the neutrality which is established by your Constitution and what is your perception of the the Russian Federation?

Moldova must not to aspire to become a member of NATO or a Russian-centered military and security group of states, but an independent, neutral, and correct international player. This idea can become part of our national strategy or, if you like, part of our dream. Because a nation which does not have its own major dream is condemned to be just a consumer of foreign ideas and concepts, and, last but not least, the object of foreign interests which do not necessarily coincide with our own.

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Neutrality must be a key element of foreign policy. One of the main targets of Moldova has to be to affirm its vocation as a neutral country at an international level, in accordance with our Consitution. It means not only to avoid the involvement in the major geopolitical conflicts of big international actors such as Russia and the USA. Moldova could and should initiate or reinitiate the movement of non-aligned countries in the new geopolitical context by inviting different countries which share the same approach to participate in this process. We have to return to the experience of the Bandung Conference (April 18–24, 1955, Indonesia), to develop and adapt these principles to new historical conditions in order to be strong enough in the dialogue with great powers. Without this kind of international solidarity, without our original and wise contribution to a new international architecture, countries like Moldova have very thin chances of becoming relevant and respected international actors. This idea was suggested to me by French thinker Hervé Juvin in our personal discussions and through his books and articles.

At what point is the negotiation between Moldova and Transnistria? What is your stance about the mentioned conflict that can be named „frozen”. How present is the Russian factor or the ”Russian threat” this region? 

Of course, the key of the Transisntrian conflict is in Moscow. Yes, Moldova is aspiring to obtain the withdrawal of Russian military troops from Transnistria. Their presence affects our territorial integrity and creates a lot of economic, social and administrative problems. But if we are responsible people, we have to see the whole picture of the region. By this I mean the global and implicitly the regional balance of forces. Several years ago I asked one Russian diplomat, former ambassador in our country whose name is not appropriate mentioning here (being a private discussion), ”When will Russia withdraw its military presence from Moldova”? The answer was quick, direct and sincere. „Mr. Roșca, look at the map. Americans are in Romania. We are constrained by the strategic circumstances to remain in Moldova”.

In this situation Moldova has to think deeply on how to turn a geopolitical disadvantage into an advantage. Surely not through aggressive anti-Russian rhetoric, nor by assuming the role suggested by Americans to become a NATO ally against Russia. The Republic of Moldova is a neutral country. It ought not admit the role of the ally of the Russians against the Americans, nor the ally of the Americans against the Russians. Moldova must overcome its dishonorable role as an object of international relations and become an independent, fair and predictable subject of international affairs. It’s not an easy task. But if Moldovan political leaders will not have the clairvoyance, the courage and the diplomatic tact to follow this path, the posture of our country as the vassal of the great powers or the exchange currency between them is inevitable.

Moldova seems set to become an attractive destination for the investors coming from the Arabic Countries. Which are opportunities and threats originated by the likely inflow of direct investments? 

Yes, it is the biggest catastrophe for our country. After the government in 2009 came to power, the contacts with wealthy Arab countries form the Arabic peninsula which is rich in petro-dollars became the first priority. The delegations of our government are often travelling to the region (namely to Qatar, United Arabic Emirates, Saudi Arabia) and vice versa. It seems that the Arab sheikshave managed to corrupt the clique of mobsters that have been leading Moldova in the last few years.

The dirtiest business set up by the influential Gulf leaders and the local mafia in Moldova can be seen in a series of laws and government decisions by which five thousand foreign or stateless citizens plus their families are to receive Moldovan citizenship in return for an investment. The money would be transferred either to a government development fund (100 000 euros) or to private business (250 000 euros). The domains listed for private investments in the official acts are real estate and the development of the public financial sector and public investment by procuring and maintaining state securities. The investment in both these sectors have to be maintained for no less than 60 months. It means five years.

So, to conclude, some of the richest people on the planet from the Persian Gulf will maintain this kind of engagement only for five years and after that they are free to sell all goods that they buy for pennies for infinitely higher amounts. Good business with the Banana Republic of Moldova!

Now the most interesting detail of this dirty business. In accordance with our law, local and foreign investors have the same rights to invest in our economy. With only one fundamental exception – agricultural lands which can be sold only between Moldovans. So, our rulers are ready to sell the most precious national resource – our lands. More than that. This kind of new comers will be able to participate in our political process, to build parties, to buy media resources etc. Simply speaking, if in the case of Western Europe Muslim invasion is organized through millions of poor Arabs, in the case of Moldova, the Muslim invasion will be carried out through the Arab sheikhs, the billionaires from Gulf. There will be the construction of mosques in the country of 95 percent of Orthodox Christians, interreligious conflicts and permanent political instability. A deadly blow is expected on our economy, but also on our tradition and culture. That is why we can state without any exaggerations that our government is a traitor of the national interests.

What is your opinion about the political situation within the EU?

I sincerely hope that the European Union in the current formula is ready to die. Some people hope that it is possible to reform this bureaucratic, plutocratic, antinational and anti-European entity. I don’t. I am expecting the repetition of the Soviet story, the total collapse and the reorganization of the political landscape at the continental level. This model will be based on national states, peaceful cooperation between the European countries, and overcoming the dividing lines between Europe and Russia. The new wave of populist, sovereignist, identitarian movements becomes stronger with each electoral campaign in many countries. As I said before, I saw the fall of the USSR, I hope to see the fall of the EU.

Source: http://www.vita.it

jeudi, 02 août 2018

Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite

 

« Consommer est devenu le but suprême
de l’existence des individus,
ce qui comble d’aise
les maîtres du “village terrestre”
peuplé d’hédonistes
(les travailleurs)
et de psychopathes
(les parasites sociaux) »

 

Entretien avec Bernard Plouvier, auteur de Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite, éditions de L’Æncre (propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

 

Vous abordez dans votre livre des thèmes très divers, tel les origines de l’Homo sapiens, le domaine territorial de la race blanche, dite « caucasienne », les constantes de la société humaines et les variables culturelles, mais également l’ambiguïté du « libéralisme » et du « melting pot » des USA, l’expérience mondialiste et l’économie globale qui permet aux ploutocrates de confisquer les États… Le titre de cette collection « Nouveau siècle, nouveaux enjeux » semble parfaitement s’appliquer au thème de ce livre ?

Nous autres, Européens autochtones, vivons indéniablement une période de « fin de civilisation », qui ressemble à s’y méprendre à celle vécue par les contemporains de la fin de l’Empire romain d’Occident. Cette constatation, assez peu réjouissante, mérite à la fois que l’on établisse un bilan des réalisations anciennes et que l’on apporte quelques réflexions comparatives sur les valeurs qui s’estompent et celles qui émergent.

Au Ve siècle, l’enrichissement général des citoyens de l’Empire romain avait conduit au relâchement de l’effort collectif et deux nouvelles religions moyen-orientales – la chrétienne et celle des adorateurs de Mithra – avaient supplanté le culte des dieux de l’État. De nos jours, la fraction la plus inventive de l’humanité contemporaine s’est lancée dans la course effrénée aux petites joies individuelles, au lieu d’œuvrer comme auparavant pour la collectivité.

Au Ve siècle, le pouvoir spirituel avait asservi puis anéanti la puissance politique. De nos jours, les maîtres de l’économie écrasent les autres pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire, médiatique et même spirituel.

Consommer est devenu le but suprême de l’existence des individus, ce qui comble d’aise les maîtres du « village terrestre » peuplé d’hédonistes (les travailleurs) et de psychopathes (les parasites sociaux).

L’économie globale et la mondialisation de la vie économique et culturelle sont deux notions nées aux USA durant la IIe Guerre mondiale. Du fait de l’implosion des sociétés communistes, elles sont devenues la réalité quotidienne de presque tous les peuples de la planète : rêve pour les uns, cauchemar pour les autres… c’est affaire de sensibilité et d’idéal.

Il est évident que Franklin Delano Roosevelt, le grand concepteur, n’aurait nullement apprécié notre monde où les grands actionnaires des multinationales et des trusts nationaux d’Asie manipulent, du fait de la toute-puissance de l’argent, les pantins de la politique et des media.

Plouvier21.jpgQuelle est votre définition du « cosmopolitisme », un mot qui, au XVIIIe siècle, à l’époque des Lumières, représentait le nec plus ultra : cela revenait alors, pour l’élite, à s’informer des autres cultures que celle de son pays d’origine ?

Le cosmopolitisme à la sauce mondialiste équivaut au mixage des cultures et au brassage des populations, de façon à liquider l’option nationale, jugée pernicieuse. L’Europe est ainsi envahie d’extra-Européens, souvent incultes, toujours faméliques et avides, également nantis pour la plupart d’une religion médiévale, c’est-à-dire grosse de l’expression d’un fanatisme anachronique, mais également porteurs d’un racisme revanchard dont l’expression est évidente, sauf pour les pitres qui façonnent l’opinion publique et ceux qui font semblant de nous gouverner.

La propagande mondialiste reflète, c’est évident, les choix de nos maîtres, qui leur sont dictés par leur intérêt. Le grand village terrestre ne doit plus être composé que d’individus qui consomment beaucoup, au besoin à crédit, et pensent gentiment ce qu’imposent les fabricants d’opinion publique.

Dans leur désir d’uniformiser l’humanité, pour augmenter la rentabilité du négoce en facilitant le travail des producteurs, des distributeurs et des revendeurs de biens de consommation, nos maîtres font l’impasse sur de nombreuses données génétiquement programmées de l’espèce humaine, non susceptibles d’éducation ou de rééducation. En outre, il nient allègrement une évidence : la profonde inégalité des êtres humains et des civilisations passées.

Par intérêt également, ils autorisent le développement de conduites sociales aberrantes pour peu que cela leur fournisse un marché lucratif (pornographie, conduites addictives, coutumes alimentaires absurdes conformes à des préceptes religieux antiques ou médiévaux).

Que cela envahisse le continent phare du melting pot, celui des trois Amériques (pour reprendre une expression rooseveltienne), ne nous regarde pas en tant qu’Européens, mais il est grotesque de le tolérer dans notre continent, qui fut le continent civilisateur durant deux millénaires et demi.

Pourquoi ne pas aimer ce monde nouveau, apparu il y a une vingtaine d’années, lors de l’effondrement des sociétés communistes et du triomphe de l’american way of life ?

Dépourvus de culture historique et philosophique, nos nouveaux maîtres créent une société mono-culturelle, multi-raciale parfaitement artificielle, qui ne peut en aucun cas créer une civilisation stable, donc durable, ni innovante au plan intellectuel et spirituel.

L’étude des espèces animales démontre que l’égoïsme et l’individualisme sont nocifs à moyen terme pour l’espèce, mais aussi pour les individus. Sans discipline, sans hiérarchie fondée sur les qualités et les mérites individuels, sans cohésion du groupe fondée sur l’utilité sociale, il ne peut y avoir de sécurité donc de survie, encore moins d’expansion pour l’espèce considérée.

Ce qui effare le plus un observateur européen contemplant la société actuelle est de constater que les Européens de souche ont, par veulerie et par esprit de facilité, renoncé à leur histoire. De la position de civilisateurs de la planète, ils sont passés en un demi-siècle au statut de colonisés, achetant des produits de médiocre qualité et d’infime durée de vie, fabriqués le plus souvent en Asie, et se gavant d’une sous-culture élaborée aux USA et au Japon.

L’étude de quelques grandes civilisations européennes défuntes démontre que l’homogénéité ethnique est l’une des conditions fondamentales de l’implantation, puis du rayonnement d’une civilisation originale. La perte du sens de l’effort collectif, l’incorporation de populations ou de croyances issues d’autres continents sont les conditions idéales pour amener la dégénérescence, puis la mort d’une civilisation, c’est-à-dire l’instauration d’un nouvel « âge des ténèbres ».

On ne peut guère compter sur le milieu des universitaires, où règnent en maîtres le conformisme et le misonéisme, ni sur les media, par définition aux ordres du Pouvoir, pour provoquer une réflexion critique chez nos contemporains, alors même que l’avenir de l’Europe dépend essentiellement de la prise de conscience de l’originalité et de la richesse de leur passé par les Européens de souche, qui seuls doivent décider de l’avenir du continent et de sa race.

Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite, édition L’Æncre, collection « », à nouveau siècle, nouveaux enjeux, dirigée par Philippe Randa, 452 pages, 35 euros.

Pour commander ce livre, cliquez ici.

vendredi, 13 juillet 2018

Mai 68: Débat entre Jean-Michel Vernochet et Robert Steuckers

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Mai 68: Débat entre Jean-Michel Vernochet et Robert Steuckers

Le Libre Journal de Jean-Michel Vernochet n°14 – 11 juillet 2018

Émission diffusée en exclusivité sur ERFM le 11 juillet 2018.

Le Libre Journal de Jean-Michel Vernochet est l’une des nombreuses émissions d’ERFM, la radio en ligne et en continu d’Égalité & Réconciliation.

À l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, l’équipe d’E&R Nord-Pas-de-Calais a reçu Jean-Michel Vernochet et Robert Steuckers pour un enregistrement public de leur discussion/débat autour du sujet : « De quoi Mai 68 est-il le nom ? »

Écouter l’émission :

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lundi, 09 juillet 2018

Entretien avec Mario Borghezio, député européen de la Lega

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Entretien avec Mario Borghezio, député européen de la Lega

Immigration illégale : « Beaucoup de problèmes demeurent irrésolus »

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz

Q.: Lors du dernier sommet européen, la problématique des migrations illégales a constitué la thématique majeure des débats. Etes-vous satisfait des résultats de ceux-ci ?

MB : Finalement, l’UE a bien vu qu’il est impossible, pour l’Italie, à elle seule, de freiner le flot des migrants. L’UE a également reconnu qu’il était urgent et nécessaire, d’arrêter ces débarquements de migrants venus des côtes africaines. Cependant, bon nombre de problèmes demeurent irrésolus : nous devons surtout songer à repenser entièrement et à reformer le droit d’asile.

Q.: Quelle est, à votre avis, l’importance d’une protection de la frontière entre la Libye et le Niger dans le cadre d’une lutte généralisée contre les immigrations illégales de grande ampleur ? Faudra-t-il envoyer là-bas des policiers et des soldats européens ?

MB : La zone frontalière entre la Libye et le Niger est effectivement une véritable autoroute pour les migrants illégaux. Seul un contingent militaire peut sécuriser et améliorer la situation.

Q.: La Libye refuse que l’on installe sur son territoire des camps d’accueil. Comment pourrait-on amener la Libye (et d’autres Etats africains) à coopérer avec l’UE ?

MB : Il me paraît nécessaire que la Libye convienne, avec l’UE, d’un plan de grande envergure, élaboré sérieusement. Et il ne s’agit pas seulement d’argent, mais de moyens fondamentaux, pour activer la lutte contre les passeurs et pour offrir une gestion plausible des flots migratoires et des demandeurs d’asile.

Q.: Les activités de certaines ONG posent tout particulièrement problème en Méditerranée. Que pourra-t-on et devra-t-on mettre en œuvre pour arrêter ce trafic d’êtres humains ?

MB : Désormais, un bonne part de l’opinion publique s’est rendue compte que beaucoup d’ONG ont étroitement collaboré avec les passeurs. Avant que les contrôles nécessaires et les mesures de prévention puissent être mises en œuvre, les activités de ces ONG dans les régions maritimes concernées doivent être arrêtées. Les ports, où elles débarquaient habituellement les migrants, doivent être fermés, comme l’a ordonné le nouveau gouvernement italien.

Q.: Depuis le 1 juillet, l’Autriche préside le Conseil de l’UE. Qu’attendez-vous d’elle ?

MB : Le nouveau gouvernement autrichien agira très positivement dans la crise actuelle, en respectant le projet européen initial des pères fondateurs de l’Europe unie, notamment en rapprochant les peuples européens. Nous avons pleinement confiance en ce nouveau gouvernement autrichien sur ce chapitre !

Q.: Un des projets majeurs de cette présidence autrichienne est de lutter contre l’immigration illégale de grande ampleur. Y aura-t-il un axe entre Rome et Vienne, entre le ministre italien des affaires intérieures Matteo Salvini et son collègue et homologue autrichien Kickl ?

MB : Les deux ministres de l’intérieur trouveront certainement un bon terrain d’entente, tant en ce qui concerne le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Europe qu’en ce qui concerne la nécessité de créer des centres d’accueil pour identifier les migrants en zones extérieures à l’UE.

Q.: En Espagne, le nouveau gouvernement de gauche se montre très favorable à l’immigration. Cette position pourra-t-elle mettre en danger les efforts entrepris pour renforcer la protection des frontières extérieures à l’UE et pour combattre les migrations illégales de grande ampleur ?

MB : Nous devons espérer que la pression exercée par l’opinion publique espagnole, qui refuse catégoriquement l’invasion migratoire sur son sol, freinera cette politique néfaste du parti socialiste espagnol et de ses alliés qui, follement, agissent dans le sens d’une politique des « portes ouvertes ».

Q.: Je vous pose maintenant une question très générale : dans quelle mesure le travail de la FPÖ autrichienne, qui participe depuis décembre au gouvernement de l’Autriche, est-il un exemple pour la Lega ?

MB : La FPÖ est certes un exemple pour nous, non seulement pour la Lega mais pour toutes les forces politiques européennes qui veulent retrouvent la souveraineté de leurs Etats. Nous devons prendre position de manière claire et décidée pour la sécurité de nos peuples et pour un arrêt complet de toute immigration. Mais nous devons aussi avoir la capacité de gagner à nous l’approbation des électeurs « modérés », des centristes et des catholiques. La campagne « La Lega pour Salvini premier ministe » allait dans ce sens.

Q.: Les élections en Allemagne, en Autriche et en Italie ont montré que de plus en plus de gens votent pour les partis qui expriment de solides critiques à l’endroit de l’UE. Observe-t-on, dans les pays de l’UE, à un changement de cap fondateur ou bien doit-on admettre avec fatalisme que l’établissement dictera encore et toujours la voie à suivre ?

MB : Si les partis critiques se développent et engrangent encore de bons scores électoraux, il n’y aura plus de place en Europe pour les politiques foireuses et caduques des bureaucrates bruxellois.

Q.: Récemment, Merkel et Macron ont proposé des plans pour une réforme de l’euro-zone, qui devrait, selon eux, obtenir son propre budget. Quel regard jetez-vous sur ces plans ? Est-ce un pas de plus vers davantage de centralisme ?

MB : Merkel et Macron sont deux dinosaures de la politique eurocratique. Le séisme que nous avons provoqué les ensevelira, sans que nos peuples, y compris les Français et les Allemands, les regretteront.

Q.: Après les mutations politiques survenues en Autriche et en Italie, pourra-t-on, à terme, envisager une bonne coopération avec les gouvernements critiques à l’égard de l’UE, comme ceux de la Pologne ou de la Hongrie, afin de constituer un contrepoids au binôme franco-allemand ?

MB : Le groupe de Visegrad est non seulement un allié naturel de nos deux gouvernements mais constitue un signal politique et historique bien clair car ceux qui se sont libérés de la dictature communiste ne veulent pas subir un autre régime irréaliste et fou, orchestré par des technocrates et des bureaucrates soutenus par la haute finance et cherchant à dominer durement nos nations et nos régions.

Q.: Actuellement, on est en train de négocier le budget de l’UE pour les années 2021-2027. Après le Brexit, y aura-t-il des restrictions ?

MB : Nous pouvons éviter toute augmentation des quotas pour les pays membres d’une manière très simple : en décidant clairement de réduire les dépenses de l’UE, qui sont extravagantes, inutiles et trop onéreuses. Nous nous positionnons clairement contre tout nouvel impôt européen que celui-ci soit imposé ouvertement ou de manière camouflée.

Entretien paru dans « zur Zeit », Vienne, n°27-28/2018 ; http://www.zurzeit.at .

mercredi, 23 mai 2018

Jean-Michel Vernochet : Pour en finir avec mai 68

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Jean-Michel Vernochet :

Pour en finir avec mai 68

Olivier Pichon reçoit Jean-Michel Vernochet journaliste écrivain
 
1.Le mois de mai 68 une défaite en juin.
 
2. Mais une victoire dès les années 70: la prise de pouvoir culturel et sociétal bien avant Mitterand.
 
3. La détestation de soi-même. La fin de la nation et de la civilisation française ? Mais aujourd’hui des motifs intellectuels et sociaux d'espérer offerts par une nouvelle jeunesse aux antipodes de 68. Mais aujourd’hui des motifs intellectuels et sociaux d'espérer offerts par une nouvelle jeunesse aux antipodes de 68.
 
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vendredi, 18 mai 2018

Keith Preston: Who Am I?

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Keith Preston: Who Am I? 1

Ex: http://www.attackthesystem.com 

This is the transcript of an interview I recently did with a Swiss journal.

In your book “Attack the System” you describe the current ideology of the West as a “totalitarian humanism,” yet you claim to be to the left of Marx (I am referring to a statement you made on the Tom Woods Show). You describe yourself as an anarchist, yet you hold speeches at Richard Spencer’s National Policy Institute. Please tell us: Who is Keith Preston?

I am to the left of Marx in the sense that anarchism was always the left-wing opposition to Marxism. This was true even in the period before the First International when anarchists such as Pierre Joseph Proudhon and Max Stirner would voice their opposition to state-socialism of the kind championed by Marx and his predecessors like Louis Blanc. Marx was so incensed by these attacks from anarchists that he devoted considerable effort to his own counterattacks. For example, much of Marx’s The German Ideology is an attack on Stirner, and Marx’s The Poverty of Philosophy is an attack on Proudhon. It was anarchists such as Mikhail Bakunin that led the opposition to the influence of Marxism in the First International, for which the Bakuninists were expelled. Bakunin was a prophetic opponent of state-socialism and predicted that if the Russian socialist revolutionaries ever gained state power they would become as tyrannical as the czars ever were. Bakunin essentially predicted much of the course of the twentieth century when state-socialist regimes ruled one third of the world’s nations. The anarchists were not only critics of the state, including state-socialism, but were also early critics of imperialism and colonialism during the heyday of these in the nineteenth and twentieth century. Marx and Engels, on the other hand, were champions of imperialism and colonialism, believing these to be historically progressive forces. All of these questions are examples of why I, as an anarchist, am to the left of Karl Marx.

KPB2.jpgI have spoken to the National Policy Institute on two occasions. I spoke there in 2011, and presented a critique of mass immigration that pointed out that large scale migration of the kind that modern societies are experiencing is something that is being driven by the entire range of power elite institutions at the expense of the native populations and working classes of particular societies. The impact of mass migration is to import a “reserve army of labor,” a nice Marxist term, into the advanced capitalist societies for the purpose of wage suppression and exacerbating social conflict in a way that undermines working class cohesion and solidarity. This has the effect of strengthening the forces of state and capital, while simultaneously depriving the developing and underdeveloped world of human capital thereby undermining development and progress in poor countries. The liberal class supports this process because it allows them to pose as cosmopolitan humanitarians while advancing their own class interests and political interests.

I spoke at the National Policy Institute again in 2015 where I presented a critique of American imperialism as a unique and perhaps unprecedented threat to the survival of the world’s many ancient and unique cultures. These are being absorbed in the homogeneity of cultural imperialism driven by the commercial culture that the United States seeks to impose on the world by means of neoliberal hegemony. This is a process that many specialists in international relations have referred to as “McDonaldization,” “Wal-Martization,” or simply as “Americanization.” During that presentation I focused to a great degree on the Americanization of Europe, which I felt to be appropriate given the Eurocentric orientation of the National Policy Institute, although I could have just as easily focused on Southeast Asia, the Middle East or the Amazon rain forests. But what I said at the National Policy Institute was essentially the same as what I would say if I were speaking to a Communist or Islamist organization. I am interested in networking with all enemies of neoliberal imperialism.

What exactly do you mean when you say “totalitarian humanism”?

Totalitarian humanism is a term that I took from a countercultural writer many years ago who suggested that a phenomenon called “totalitarian humanism” was developing into a third wave of totalitarian political ideology in the developed world. The first of wave was Communism which claimed to be liberating the working class from capitalist oppression. The second wave was Fascism or Nazism which claimed to be advancing the interests of allegedly superior races and nations over allegedly inferior ones. The third wave is Totalitarian Humanism which claims to be advancing the interests of all of humanity, but in reality postulates the same kind of dualistic millenarianism rooted in out-group enmity, and with the same double standards, mendacity, and authoritarianism that were found in these older totalitarian ideologies.

KPB3.jpgWe see many different examples of this. On a localized level, we see examples of the state attempting to micromanage every aspect of life for the purpose of advancing some kind of therapeutic, egalitarian, or ostensibly humanitarian objective. This include everything from banning smoking in pubs, to arresting parents for allowing children to play outside unsupervised, to levying special taxes on foods and beverages for social engineering purposes. We also see examples of the state attempting to subjugate local communities, regions, the private sector, and civil society for the purpose of imposing ostensibly progressive values on all of these competing centers of power. This has the effect of eroding zones of autonomy that serve as a bulwark against the state. We see the example of people being removed from their professional or academic positions for expressing ideas that defy progressive orthodoxy. The worst example is what I call “human rights imperialism,” which involves destroying entire nations such as Libya and Iraq under the guise of rescuing them from oppression.

In your political evolvement you went from the Christian right to the far left, from there to libertarianism and after that to the militia movement. At the end of this journey you call yourself an anarcho-pluralist. What is the worldview that stands behind this term?

Anarcho-pluralism is a term that I first heard from an anarchist named Sam Dolgoff many years ago. He was a veteran of the classical anarchist movement of the early twenty first century, and had written extensively about the Spanish Civil War. He used the term anarcho-pluralism to describe his embrace of the range of anarchist thought in terms of potential forms of economic self-organization by the working class. I use the term in a similar but more expansive way. It is an umbrella term that I use to describe the entire range of anarchist thought and tendencies, as well as libertarian, decentralist, anti-state, and anti-authoritarian movements and ideologies generally.

In your book you contrast that with what you refer to as “neoliberal imperialism.” Could you elaborate on what you mean by that?

Neoliberal imperialism is a term that is meant to subscribe the system of global plutocratic rule by means of the G20, individual states that are aligned with the major military and trading blocks, the World Bank, the International Monetary Fund, the World Trade Organization, the United Nations, NATO, transnational corporations, and the wider network of financial, business, media, academic, governmental, and nongovernmental organizations that are connected to this system. At present, for example, about 150 corporations control nearly half of the world’s wealth, and about 200 states control virtually all of the world’s territory.

How would an anarcho-pluralist movement look like and what strategy would it apply, especially given the widely varying conceptions different anarchists have of things like ethics and property rights?

Anarcho-pluralism would involve efforts to decentralize systems of political and economic power into the hands of regions, localities, voluntary associations, and other kinds of communities and organizations that are comprised of people pursing their own interests, whether individually or collectively, in a way that is independent of the state or other external institutions. I do not see anarcho-pluralism, or pan-anarchism, as a prescription for any particular kind of organizational forms, specific sets of economic arrangements, positions on social issues, or as anything which favors any set of identity groups or value systems over others. Rather, anarcho-pluralism could include an infinite array of interests of these kinds, from indigenous tribes that prefer a pre-modern existence, to religious monasteries, to hippie communes, to Afro-centric or neo-pagan or LGBTQ or vegan and animal rights oriented communities, to medieval or Star Trek themed communities, to Islamic or Hasidic or Kekistan communities, to rave partiers to those who dream of colonizing space with communities of robots, from nudist colonies to conservative religious communities, or just ordinary, boring centrist communities.

KPB4.jpgJust as anarcho-pluralism might include an infinite array of values systems and identity or affinity groups, it might also include a similar array of strategies. These could include secession movements that wish to proliferate the number of sovereign countries, regions, and localities, the creation of micronations and independent municipalities, to those building seasteads on the oceans, to anarcho-syndicalist labor unions and worker cooperatives, to mutual aid societies, to the practice of agorist countereconomics, to civil disobedience or independent militias, to alternative currencies, to any kinds of communities, organizations and activities that are functioning independently of the state and which will be the prototypes for the eventual elimination of the state. What I have mentioned are only a few examples.

What is your biggest critique of the current mainstream anarchism in the United States?

The mainstream anarchist movement in North America is largely a youth subculture rather than a political movement. To the degree that mainstream anarchism is politically serious at all, it largely limits itself to a focus standard left-progressive issues, and largely renders itself to being not much different from the local precinct chapter of the Democratic Party as a result. A much more serious issue with mainstream anarchism involves the fact that most anarchists have yet to fully comprehend Nietzsche’s critique of slave morality or Stirner’s critique of humanism, much less incorporate these ideas into their paradigm. Many dissidents from the dominant slave morality paradigm within the general anarchist milieu often error in the other direction and become reactionaries. An example would be those former libertarians that have embraced the neo-reactionary movement, the alt-right or neo-fascism. I am in favor of the development of a form of anarchism that is in opposition to slave morality but without embracing reaction. I suppose you could say that I represent the post-postmodern revolutionary post-left.

In chapter 1 of “Attack the System” you delve into the philosophical foundations of anarchism and you exclusively name German thinkers: Friedrich Nietzsche, Max Stirner and Ernst Jünger. Let’s go through them: How has Nietzsche laid the foundations for modern-day anarchism and what can he tell us about the crisis of the West?

kpb5.jpgNietzsche was not an anarchist. What Nietzsche did was issue the most serious reply to anarchists and one that anarchists have yet to address. Nietzsche considered the political Left to be a modernized, secularized version of Christian morality, in the sense of the idea of the suffering just and notions like the least will be the first, and he considered anarchists to be the Left’s version of fundamentalist true believers. This critique is absolutely correct, and this is why so many mainstream anarchists have such a pronounced inclination towards the persecution of anyone they deem insufficiently progressive that have become the modern versions of heretics. This is why we see ostensibly “anarchist” Antifa thugs attacking peaceful people who are engaged in the exercise of free speech. Until anarchists examine this flaw in their own thinking, and make the necessary changes in their own actions, they will never be anything more than a prototype for a new kind of authoritarian statism of the kind that I call “totalitarian humanism.”

Nietzsche also thought Western civilization was headed for an existential crisis that was rooted in the loss of traditional cultural, religious, moral and philosophical ideas, and that modern ideologies were an effort to find an appropriate substitute. He correctly surmised that these substitutes would prove to be unsatisfactory and that by the twenty-first century Western civilization would be faced with the crisis of nihilism. The only possible resolution of this crisis, in Nietzsche’s view, was the “transvaluation of values,” which would in turn involve a process of both individual and collective “self-overcoming,” and ultimately “becoming who we are,” once again on both the individual and collective level.  I am inclined towards the view that Nietzsche regarded the pre-Socratics, particularly the Sophists, as a kind of prototype for what a post postmodern world might maintain as a philosophical or intellectual foundation. If so, this would represent of a kind of cyclical process that involved a return to a kind of primordial essence. In fact, I am inclined towards the view that this is what Nietzsche meant by his concept of “eternal recurrence.”

How about Stirner?

Stirner was a very similar to thinker to Nietzsche in the sense of recognizing that, as Stirner himself put it, “our atheists are very pious men.” Like Nietzsche, he recognized that humanism of the kind that came out of the Enlightenment was not a rejection of religion or even of Christianity as much as a kind of secularized Christian heresy. I am inclined to think that Nietzsche was influenced by Stirner in an unacknowledged way, and that Nietzsche’s concept of the overman was essentially rooted in Stirner’s idea of a society that consisted of a union of egoists with the idea that the overman would be the product of the union of egoists. However, it is interesting that we have self-proclaimed egoists today who utterly fail to grasp this concept.

And what is Ernst Jüngers contribution?

Ernst Junger’s later work is particularly important for the purposes of cultivating a well-developed philosophical anarchism, especially his novel “Eumeswil” where he introduces the idea of the “Anarch.” During his elder years, Junger was less of a social or political critic, and was instead focused on how the individual might achieve an inner freedom in the face of persistent tyranny that abounds on an external level. His thinking on this question was heavily influenced by Stirner and also resembles certain Buddhist precepts in many ways. The core idea of the Anarch is one that renounces authority on an internal basis even if one does not defy authority on an external basis. The Anarch grants loyalty to nothing but his or her own thoughts and thereby achieves a kind of inward resolution of conflict. However, there is another way in which Junger’s thought is relevant to anarchism and that is his conception of a warrior ethos that stands in opposition to slave morality. An anarchist that was guided by the ideas of Nietzsche, Stirner, or Junger would not be a religious zealot persecuting those who have sinned against slave morality, but an egoist that is both internally self-liberated, and engaged in warfare against external authority as an expression of self-overcoming or becoming who they are.

What is your personal critique of modernity?

Modernity is a model of civilization where traditional institutions have largely been eradicated and replaced by the dominance of the impersonal corporate state that rules as an abstract entity even as its personnel changes. The features of modernity are the public administration bureaucracy, mass society dominated by mass institutions and organizations, the hegemony of commercial values and consumerism with social status largely conferred on the basis of one’s capacity for what Thorstein Veblen called “conspicuous consumption,” technology fused with scientism, therapeutism egalitarianism replacing theocratic traditionalism as the foundation of civil values, sophisticated systems of propaganda promulgated by the mass media and the public relations and advertising industries, the rise of the culture industry, the erosion of intermediary institutions, atomized individualism, and the erosion of individual identity except for that of subject of the state, worker, and consumer. Modernity is essentially a replication of feudalism but within the context of a commercial and technologically driven society where mass bureaucratic institutions assume the role of the new manorial systems.

kpb6.jpgYou engage in conversations with all anarchist camps, yet refuse to pick a label for yourself except for “anarchist without adjectives.” Which critique would you voice specifically towards Anarcho-Capitalism?

Anarcho-Capitalism is the mirror image of Anarcho-Communism in the sense that just as Anarcho-Communism runs the risk of degenerating into Big “C” Communism so does Anarcho-Capitalism runs the risk of degenerating into Big “C” Capitalism and becoming a new kind of plutocratic rule. I would have parallel critiques of virtually any school of anarchist thought, from anarcho-primitivism to anarcho-transhumanism. For example, I am neither an Austrian nor a Marxist when it comes to economic critiques but instead to draw from the better ideas of multiple schools of economic thought. That might include the Marxist or Austrian paradigms in certain ways, but no more so than it would include, for example, the paradigms of behavioral economics or institutional economics. Rather, it is necessary to critique systems of power wherever they appear, and in whatever kind of context, whether political, economic, or social. I am heavily influenced by elite theory in this regard, as well as a range of critics of power from Bertrand Russell to Michel Foucault.

What is your personal brand of anarchism grounded in? Utilitarianism? The self-ownership of one’s own body?

I am neither a utilitarian nor do I subscribe to self-ownership theory which is a derivate of Locke’s natural rights doctrine. I see these ideas as particular to the tradition of English liberalism, which is a fine tradition but not one that represents universal principles. Instead, I regard Anarchist philosophy a representing an intellectual trajectory that can be traced back to Zeno and Diogenes in the West and Zhaung Zhou and Lao-tzu in the East, and which has prototypes in all sorts of indigenous, traditional, and pre-modern societies. Anarchism crystallized as a modern intellectual movement during the time of the Enlightenment with both a left and right wing dimension, with many different cousins and distant relatives, and which continues to evolve and assume new forms over time. Anarchism can be Dorothy Day and Ivan Illich, or it can be the Situationists or the Boston Anarchist Drinking Brigade. It is necessary to move away from singular models and closed systems towards pluralistic models and open-ended systems.

Let’s say you were able to recommend one thinker to the readers of eigentümlich frei, who would make them question their premises. Who would that be?

The thinker that I would recommend would depend on the general political and cultural orientation of the individual I was speaking with. For someone who was more left-leaning, I might recommend Arthur Koestler’s “Darkness at Noon,” or Carl Schmitt’s “The Concept of the Political.” Koestler’s work illustrates very well the legacy of oppression that has historically been perpetrated by ostensibly “progressive” regimes. Schmitt challenges utopian illusions in favor of an uncompromising realism. Leftists of any kind have a bad habit of thinking only conservatives and reactionaries can be tyrants. For someone who was more right-leaning, I might recommend Peter Gay’s “The Enlightenment” or Stefan Zweig’s “The Right to Heresy.” Rightists of any kind have a bad habit of glorifying the past as having been better than it really was. In reality, the past was often quite terrible. One particular thinker whose works I would recommend to both leftists and rightists would be Thomas Szasz, a heterodox psychiatrist who developed a classical liberal-influenced critique of the modern therapeutic state.

What is your favourite anarchist thinker and why?

I can’t say that I have a single favorite anarchist thinker.  I am influenced by too many thinkers in anarchist and related traditions to identify one that really stands out. Philosophically, I am the closest to Stirner. I am closest to Proudhon on economics. I very much appreciate Bakunin as a class theorist, particularly his emphasis on the lumpenproletariat, as well as a strategist and critic of Marxism. Kropotkin’s analysis of the historical development of the state is similar to my own. I am in general agreement with Voline’s critique of the limitations of Platformism. I also very much appreciate the American individual-anarchist tradition. The organizational methods employed by the Spanish anarchist movement are worthy of study. There is an English anarchist writer named Peter Marshall that has produced a voluminous history of anarchism that outlines a trajectory that is very similar to the one that I used when describing the anarchist tradition. There is an anarchist anthropologist named Harold Barclay that has examined anarchist trends in pre-modern societies. If I had to pick one of the more well-known figures from history, it would probably be Voltairine de Cleyre since her “anarchism without adjectives” approach is very similar to my own. Another tradition I admire is panarchism which was first formulated by Paul Emile de Puydt, and the leading contemporary proponent of which is John Zube. I am also pleased to see the ongoing proliferation of new forms of anarchism, and the blending of anarchist ideas with those that have been accumulated from a vast range of other traditions. Tendencies such as Green anarchism, Christian anarchism, black anarchism, national-anarchism, anarcha-feminism, indigenous anarchism, post-colonial anarchism, Islamic anarchism, queer anarchism, anarcho-monarchism, anarcho-transhumanism, and geo-anarchism are examples of these ideas.

I’d like to end the interview with the words you chose to start your book with: “To all enemies of the state, whoever they are and wherever they may be.” Any objections?’

No objections at all. I would say that is an excellent way to end any statement or conversation.

13:15 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : keith preston, amérique, états-unis, anarchisme, entretien | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 08 mai 2018

Monika Berchvok s’entretient avec Robert Steuckers

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Monika Berchvok sentretient avec Robert Steuckers

Suite à la parution de Pages celtiques aux éditions du Lore et de la trilogie Europa aux éditions Bios de Lille, Monika Berchvok a soumis l'auteur de ces ouvrages, Robert Steuckers, à un feu roulant de questions, démontrant par là même que les rebelles de la jeune génération des années 2010 entendent connaître les racines les plus anciennes de cette sourde révolte qui est en train de s'amplifier dans toute l'Europe. Monika Berchvok avait déjà interrogé Robert Steuckers lors de la parution de La Révolution conservatrice allemande aux éditions du Lore en 2014 (cf. http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/07/26/r... )

Votre parcours est d'une extrême richesse intellectuelle. Quelle est l'origine de votre engagement ?

Parler de richesse intellectuelle est certainement exagéré : je suis surtout un homme de ma génération, à qui l’on a encore enseigné le « socle », aujourd’hui, hélas, disparu des curricula scolaires. J’ai vécu mon enfance et mon adolescence dans un monde qui était encore marqué par la tradition tranquille, les mœurs et les manières qui n’étaient pas celles du monde industriel ou du secteur tertiaire, où plus l’on s’éloigne du réel tangible et concret, plus on acquiert une prétention et une arrogance démesurées face aux « ploucs », comme moi, qui restent avec leurs lourdes godasses, ancrés dans la gadoue du réel (si, si, c’est du Heidegger…). Mon père, qui n’avait pas vraiment été à l’école, sinon à l’école primaire de son village limbourgeois, ne voulait rien entendre des modes et des manies qui agitaient nos contemporains dans les années 1960 et 1970 ; « tous des fafouls », clamait-il, « fafoul » étant un terme dialectal bruxellois pour désigner les zozos et les farfelus. J’ai vécu dans un foyer sans télévision, éloigné du et hostile au petit univers médiocre de la chansonnette, des variétés et de la sous-culture yéyé ou hippy. Je remercie encore mon géniteur, 25 ans après sa mort, d’avoir pu résister à toute la mièvre abjection de ces années où le déclin a avancé à pas de géant. Sans télévision, cela va sans dire, j’ai eu beaucoup de temps pour lire. Merci Papa.

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Le 95 de la rue Berkendael aujourd'hui, la maison de mon enfance et de mon adolescence, où j'ai vécu de 1956 à 1978. C'est là que tout a commencé !

Ensuite, élève doué en primaire mais foncièrement fainéant et désespérément curieux, la seule bouée de sauvetage, pour ne pas finir clodo ou prolo, était l’apprentissage des langues à un bon niveau puisque, Bruxellois, je vivais dans une rue où l’on parlait les trois langues nationales (et leurs variantes dialectales), avec, en plus, le russe des quelques anciens officiers blancs et de leur enfants échoués en notre bonne ville. Avec cette pluralité linguistique, la tâche était dès lors à moitié mâchée. Clément Gstadler, un voisin, vieil instituteur alsacien, qui avait échoué en Belgique, me disait, coiffé de son éternel chapeau traditionnel du pays de Thann et avec un accent tudesque à couper au couteau : « Mon garçon, on est autant de fois homme que l’on connait de langues ». Fort de cette tirade martelée par Gstadler, je me suis donc inscrit, à dix-huit ans, en philologie germanique puis à l’école des traducteurs-interprètes.

L’origine de mon engagement est la volonté de rester fidèle à tous ces braves gens que l’on considèrerait aujourd’hui comme anachroniques. Sur leurs certitudes, battues en brèche, il fallait ériger un dispositif défensif, que l’on espérait toujours devenir un jour offensif, reposant sur des postulats diamétralement opposés aux hystéries des branchés, construire en nos cœurs une forteresse alternative, inexpugnable, que l’on était bien décidé à ne jamais rendre. 

Comment définir votre combat métapolitique ?

Dilthey, que les alternatifs de notre genre ne connaissent hélas pas assez, a partiellement construit son système philosophique sur une idée fort simple : « on ne définit que ce qui est mort, que les choses et les faits dont le temps est définitivement achevé ». Ce combat n’est pas achevé puisque je ne suis pas encore passé de vie à trépas, sans doute pour contrarier ceux que ma rétivité déplait. Il est évident, qu’enfant des années 1950 et 1960, mes premières années de vie se sont déroulées à une époque où l’on voulait tout balancer aux orties. C’est bien entendu une gesticulation que je trouvais stupide et inacceptable.

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Marcel Decorte: il a forgé le terme de "dissociété", plus actuel que jamais !

Rétrospectivement, je puis dire que je sentais bien, dans ma caboche de gamin, que la religion foutait le camp dès qu’elle avait renoncé et au latin et à l’esprit de croisade, très présent en Belgique, même chez des auteurs tranquilles, paisibles, comme un certain Marcel Lobet, totalement oublié aujourd’hui, sans doute à cause de la trop grande modération de ses propos, pourtant tonifiants au final pour ceux qui savaient les capter en leur sens profond. Le philosophe Marcel Decorte, à l’époque, constate que la société se délite et qu’elle va basculer dans la « dissociété », terme que l’on retrouve aujourd’hui, même dans certains cénacles de gauche, pour désigner l’état actuel de nos pays, laminés par les vagues successives de « négationnisme civilisationnel », telles le soixante-huitardisme, la nouvelle philosophie, le pandémonium néo-libéral ou le gendérisme, tous phénomènes « dissociaux », ou vecteurs de « dissocialité », qui convergent aujourd’hui dans l’imposture macroniste, mixte de tous ces funestes délires, sept décennies après l’ouverture de la Boîte de Pandore. Le combat métapolitique doit donc être un combat qui montre sans cesse la nature perverse de tous ces négationnismes civilisationnels et surtout qui dénonce continuellement les officines, généralement basées au-delà de l’Atlantique, qui les fabriquent pour affaiblir les sociétés européennes et pour créer une humanité nouvelle, totalement formatée selon des critères « dissociaux », négateurs du réel tel qu’il est (et qui ne peut être autrement, comme le remarquait un philosophe pertinent, Clément Rosset, malheureusement décédé au cours de ces dernières semaines). Pour énoncer une métaphore à la mode antique, je dirais qu’un combat métapolitique, dans notre sens, consiste, comme le disait l’européiste Thomas Ferrier de Radio Courtoisie, à ramener tous ces négationnismes dans la Boite de Pandore, dont ils ont jailli, puis de bien la refermer.

Vous évoquez dans vos récents travaux « le bio-conservatisme ». Que recouvre ce terme ?

Louis_de_Bonald_by_Julien_Léopold_Boilly.jpgJe n’ai pas évoqué le « bio-conservatisme ». Mon éditeur, Laurent Hocq des Editions Bios, estime que c’est une piste qu’il va falloir explorer, justement pour combattre les « négationnismes civilisationnels », notamment tous les éléments qui nient la corporéité de l’homme, son inné phylogénétique et son ontologie. Pour moi, un bio-conservatisme bien conçu doit remonter à la sociologie implicite que Louis de Bonald esquissait au 19ème siècle, en critiquant les dérives individualistes des Lumières et de la révolution française. Le romantisme, dans ses dimensions qui ne sont ni éthérées ni larmoyantes, insiste sur l’organicité, vitaliste et biologique, des faits humains et sociaux. Il faut coupler ces deux filons philosophiques –le réalisme conservateur traditionnel et le romantisme organique-  et les brancher ensuite sur les acquis plus récents et mieux étayés scientifiquement que sont la biocybernétique et la théorie des systèmes, tout en ne basculant pas dans une ingénierie sociale perverse comme le voulait l’Institut Tavistock, dont le « complotiste » David Estulin, aujourd’hui installé en Espagne, a investigué le rôle cardinal dans l’élaboration de toutes les formes de lavage de cerveau que nous subissons depuis plus d’une soixantaine d’années. Les « tavistockiens » avaient fait usage de la biocybernétique et de la théorie des systèmes pour imposer une culture « dépolitisante » à tout le monde occidental. Ces disciplines peuvent parfaitement être mobilisées, aujourd’hui, pour faire advenir une culture « re-politisée ». C’est ce travail de mobilisation métapolitique que Laurent Hocq veut amorcer avec moi. Il va falloir que je remobilise des personnes compétentes en ces domaines pour parfaire la tâche.

En bout de course, repenser un « bio-conservatisme », n’est ni plus ni moins une volonté de restaurer, le plus vite possible, une société « holiste » au meilleur sens du terme, c’est-à-dire une société qui se défend et s’immunise contre les hypertrophies fatidiques qui nous conduisent à la ruine, à la déchéance : hypertrophie économique, hypertrophie juridique (le pouvoir des juristes manipulateurs et sophistes), hypertrophie du secteur tertiaire, hypertrophie de la moraline désincarnée, etc.

Le localisme est aussi une thématique qui revient souvent dans vos derniers livres. Pour vous le retour au local a une dimension identitaire, mais aussi sociale et écologique ?

Le localisme ou les dimensions « vernaculaires » des sociétés humaines qui fonctionnent harmonieusement, selon des rythmes immémoriaux, sont plus que jamais nécessaires à l’heure où un géographe avisé comme Christophe Guilluy constate la déchéance de la « France d’en-bas », des merveilleuses petites villes provinciales qui se meurent devant nos yeux car elles n’offrent plus suffisamment d’emplois locaux et parce que leurs tissus industriels légers ont été délocalisés et dispersés aux quatre coins de la planète.

L’attention au localisme est une nécessité urgente, de nos jours, pour répondre à un mal terrifiant qu’a répandu le néo-libéralisme depuis l’accession de Thatcher au pouvoir en Grande-Bretagne et depuis toutes les politiques funestes que les imitateurs de cette « Dame de fer » ont cru bon d’importer en Europe et ailleurs dans le monde. 

Le refus du « grand remplacement » migratoire passe par une compréhension des mouvements des immigrations à l'époque de la mondialisation totale. Comment renverser la tendance des flux migratoires ?

En ne les acceptant pas, tout simplement. Nous sommes une phalange de têtus et il faut impérativement que notre entêtement devienne contagieux, prenne les allures d’une pandémie planétaire.

Cependant, quand vous évoquez le fait qu’il faille « une compréhension des mouvements des immigrations », vous soulignez indirectement la nécessité de connaître à fond les contextes dont ces migrants sont issus. Depuis un demi-siècle, et même plus car mai 68 a des antécédents dans les deux décennies qui l’ont précédé, nous sommes gavés d’une culture de pacotille, faite de variétés ineptes, qui occupent nos cerveaux à des spectacles chronophages et les empêchent de se concentrer sur des choses aussi réelles qu’essentielles. Un bon Etat est un Etat qui s’enquiert des forces à l’œuvre dans le monde. Que les flux migratoires soient acceptés ou non, tout Etat-hôte, animé par une vision saine des choses, devrait dresser une cartographie économique, ethnique et sociale des populations issues des pays d’émigration.

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Pour l’Afrique, cela signifie connaître l’état de l’économie de chaque pays exportateur de migrants, l’éventuel système de kleptocratie qui y règne, les composantes ethniques (et les conflits et alliances qui en découlent), l’histoire de chacun de ces phénomènes politiques ou anthropologiques, etc. Ce savoir doit alors être livré par une presse honnête aux citoyens de nos pays, afin qu’ils puissent juger sur des pièces crédibles et non pas être entraînés à voter suite à une inlassable propagande assénée à satiété et reposant sur des slogans sans consistance.

Pour la Syrie, il aurait fallu, avant que les flots de réfugiés ne se déversent en Europe, connaître de manière bien plus précise les structures religieuses et tribales du pays : en effet, les médias, généralement incultes et tributaires de la « culture de pacotille » imposée depuis des décennies, ont découvert des clivages syriens qu’ils avaient ignorés jusqu’alors. Une poignée seulement d’entre nous avait une notion claire de qui étaient les Alaouites ou les Yézidis, savait que les communautés chrétiennes syriennes étaient traversées par des clivages compliqués, connaissait l’alliance tacite qui unissait ces Alaouites aux Chiites duodécimains, comprenait que l’ennemi principal du système politique baathiste était les frères musulmans, déjà fauteurs des terribles désordres de 1981-1982 qui avaient ravagé la Syrie au temps d’Hafez el-Assad, père du Président actuel. Bref, le grand public ne savait rien de la complexité syrienne. Le seul os qu’il avait à ronger était le slogan qui décrétait qu’Assad était un horrible monstre, juste bon à être éliminé par des sicaires fondamentalistes ou des bombes américaines.

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Pour l’Afrique, le seul moyen de réduire les flots de réfugiés, réels ou seulement économiques, aurait été de mettre un terme aux régimes manifestement trop kleptocratiques, de manière à pouvoir fixer les populations sur leur sol d’origine en infléchissant les sommes détournées vers des investissements infrastructurels. En certains cas bien précis, cela aurait aussi dû passer par un retour à une économie agricole vivrière et à un abandon partiel et bien régulé des monocultures qui ne parviennent pas à nourrir correctement les populations, surtout celles qui ont opté pour les exodes ruraux vers les villes et les bidonvilles tentaculaires, comme, par exemple, ceux du Nigéria.

Pour la Syrie, il aurait fallu établir un filtre pour trier les réfugiés mais cela aurait, ipso facto, privilégié les communautés musulmanes ou chrétiennes, alliés au régime, au détriment des strates qui lui sont hostiles et qui sont aussi nettement moins intégrables à nos sociétés européennes, puisque le salafisme qui les anime est viscéralement hostile à toutes les formes de syncrétismes et à toutes les cultures qui ne lui correspondent pas à 100%. En outre, en règle générale, la réception de flots migratoires en provenance de pays où sévissent de dangereuses mafias n’est nullement recommandable même si ces pays sont européens comme la Sicile, le Kosovo, l’Albanie ou certains pays du Caucase. Toute immigration devrait être passée au crible d’une grille d’analyse anthropologique bien établie et ne pas être laissée au pur hasard, à la merci d’une « main invisible » comme celle dont toutes les canules libérales attendent la perfection en ce bas monde. Le non discernement face aux flux migratoires a transformé cette constante de l’histoire humaine, dans ses manifestations actuelles, en une catastrophe aux répercussions imprévisibles car, à l’évidence, ces flux ne nous apporteront pas une société meilleure mais induiront un climat délétère de conflits inter-ethniques, de criminalité débridée et de guerre civile larvée.

Renverser la tendance des flux migratoires se fera quand on mettra enfin en œuvre un programme de triage des migrations, visant le renvoi des éléments criminels et mafieux, des déséquilibrés relevant de la psychiatrie (que l’on expédie délibérément chez nous, les infrastructures capables de les accueillir étant inexistantes dans leurs patries d’origine), des éléments politisés qui cherchent à importer des conflits politiques qui nous sont étrangers. Une telle politique sera d’autant plus difficile à traduire dans la réalité quotidienne que la masse importée de migrants sera trop importante. On ne pourra alors la gérer dans de bonnes conditions.

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Vous avez connu Jean Thiriart. Sa vision politique d'une « Grande Europe » vous semble-t-elle encore actuelle ?

Jean Thiriart était d’abord, pour moi, un voisin, un homme qui vivait dans mon quartier. J’ai pu constater que derrière le sexagénaire costaud et bourru se cachait un cœur tendre mais meurtri de voir l’humanité basculer dans le ridicule, la trivialité et la veulerie. Je n’ai pas connu le Thiriart activiste puisque je n’avais que douze ans quand il a abandonné son combat politique à la fin des années 1960. Ce combat, qui s’est étendu sur une petite décennie à partir de l’abandon du Congo par la Belgique en 1960 et suite à l’épilogue tragique de la guerre d’Algérie pour les Français, deux ans plus tard. Thiriart était mu par une idée générale bien affirmée : abolir le duopole de Yalta, qui rendait l’Europe hémiplégique et impuissante, et renvoyer dos à dos Américains et Soviétiques pour que les Européens puissent se développer en toute indépendance. Il appartenait à une génération qui avait abordé la politique, très jeune, à la fin des années 1930 (émergence du rexisme, du Front Populaire, guerre d’Espagne, purges staliniennes, Anschluss, fin de la Tchécoslovaquie née à Versailles), a vécu la seconde guerre mondiale, la défaite de l’Axe, la naissance de l’Etat d’Israël, le coup de Prague et le blocus de Berlin en 1948, la Guerre de Corée et la fin du stalinisme.

Deux événements ont certainement contribué à les ramener à un européisme indépendantiste, différent en ses sentiments de l’européisme professé par les idéologues de l’Axe : la révolte hongroise de 1956 et la campagne de Suez, la même année, celle de ma naissance (en janvier). L’Occident, soumis à Washington, n’a rien fait pour secourir les malheureux Hongrois. Pire, lors de l’affaire de Suez, les Américains et les Soviétiques imposent aux Français et aux Britanniques de se retirer inconditionnellement du théâtre opérationnel égyptien. Thiriart, et bon nombre de ses compagnons, temporaires ou non, constatent que le duopole n’a nulle envie de s’autodissoudre ni même de se combattre, de modifier dans un sens ou dans l’autre le tracé du Rideau de Fer qui mutile l’Europe en son beau milieu, de tolérer une affirmation géopolitique quelconque de la part de puissances européennes (fussent-elles membres du conseil de sécurité de l’ONU comme la France et le Royaume-Uni). La décolonisation du Congo a également montré que les Etats-Unis n’étaient nullement prêts à soutenir la présence belge en Afrique centrale, en dépit du fait que l’uranium congolais avait servi à asseoir la suprématie nucléaire de Washington depuis les bombes atomiques fabriquées pour mettre le Japon à genoux en 1945. L’abandon du Congo et surtout du Katanga ont créé une animosité anti-américaine en Belgique, vague sur laquelle va surfer Thiriart. Pour la petite histoire, le frère d’Hergé fut le seul militaire belge à ne pas se dégonfler et à manifester une hostilité arrogante aux militaires de l’ONU venus prendre le contrôle de sa base congolaise.

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Une unité de chasseurs ardennais au Congo, 1960.

De fil en aiguille, Thiriart créera le fameux mouvement « Jeune Europe » qui injectera bien des innovations dans le discours d’un milieu activiste et contestataire de l’ordre établi que l’on pouvait classer au départ à l’extrême-droite dans ses formes conventionnelles, petites-nationalistes ou poujadistes. Les « habitus » de l’extrême-droite ne plaisaient pas du tout à Thiriart qui les jugeait improductifs et pathologiques. Lecteur des grands classiques de la politique réaliste, surtout Machiavel et Pareto, il a voulu créer une petite phalange hyper-politisée, raisonnant au départ de critères vraiment politiques et non plus d’affects filandreux, ne produisant que de l’indiscipline comportementale. Cet hyper-réalisme politique impliquait de penser en termes de géopolitique, d’avoir une connaissance de la géographie générale de la planète. Ce vœu s’est réalisé en Italie seulement, où la revue Eurasia de son disciple et admirateur Claudio Mutti est d’une tenue remarquable et a atteint un degré de scientificité très élevé.

Pour contourner la césure de Yalta, Thiriart estimait qu’il fallait chercher des alliés de revers en Méditerranée et à l’Est de la vaste masse territoriale soviétique : d’où sa tentative de dialoguer avec des nationalistes nassériens arabes et avec les Chinois de Chou En Lai. La tentative arabe reposait sur une vision méditerranéenne précise, incomprise par les militants belges et très bien captée, au contraire, par ses disciples italiens : cette mer intérieure devait être dégagée de toute tutelle étrangère selon Thiriart. Il reprochait aux diverses formes de nationalismes en Belgique de ne pas comprendre les enjeux méditerranéens, ces formes étant davantage tournées vers l’Allemagne ou les Pays-Bas, l’Angleterre ou les pays scandinaves, tropisme « nordique » oblige. Son raisonnement sur la Méditerranée ressemblait à celui que Victor Barthélémy, adjoint de Doriot et lui aussi ancien communiste, mentionne comme le sien et celui de Mussolini dans ses mémoires. Thiriart dérivait très probablement sa vision de la géopolitique méditerranéenne d’un sentiment d’amertume suite à l’éviction de l’Angleterre et de la France hors de l’espace méditerranéen après l’affaire de Suez en 1956 et après la guerre d’Algérie.

nasser.jpgAvec les Arabes, les Européens, selon Thiriart, partageaient un destin méditerranéen commun qui ne pouvait pas être oblitéré par les Américains et leurs pions sionistes. Même si les Français, les Anglais et les Italiens étaient chassés du littoral nord-africain arabophone, les nouveaux Etats arabes indépendants ne pouvaient renoncer à ce destin méditerranéen qu’ils partageaient avec les Européens non musulmans, massés sur la rive septentrionale. Pour Thiriart, les eaux de la Grande Bleue unifient et ne posent aucune césure. Il fallait, de ce fait, favoriser une politique de convergence entre les deux espaces civilisationnels, pour la défense de la Méditerranée contre l’élément étranger à cet espace, qui s’y immisçait et que constituait la flotte américaine commandée depuis Naples.

L’idée de s’allier avec la Chine contre l’Union Soviétique visait à obliger celle-ci à lâcher du lest en Europe pour affronter les masses chinoises sur le front du fleuve Amour. Le double projet de parier sur les Arabes nassériens et sur les Chinois a marqué les dernières années de l’activité politique de Thiriart. Les années 1970 sont, pour lui, des années de silence ou plutôt des années où il s’immerge dans la défense de son créneau professionnel, à savoir l’optométrie. Quand il revient sur la brèche au début des années 1980, il est quasi oublié des plus jeunes et éclipsé par d’autres filons politiques et métapolitiques ; qui plus est, la donne a considérablement changé : les Américains ont fait alliance avec les Chinois en 1972 et, dès lors, ces derniers ne peuvent plus constituer un allié de revers. Comme d’autres, dans leur propre coin et sans concertation, tels Guido Giannettini et Jean Parvulesco, il élabore un projet euro-soviétique ou euro-russe que le régime d’Eltsine ne permettra pas de concrétiser. Il rencontre Alexandre Douguine en 1992, visite Moscou, rencontre des « rouges-bruns » mais meurt inopinément en novembre de la même année.

Ce qu’il faut retenir de Thiriart, c’est l’idée d’une école des cadres formées aux principes émis par la philosophie politique pure et à la géopolitique. Il faut aussi retenir l’idée d’une Europe comme espace géostratégique et militaire unique. C’est l’enseignement de la seconde guerre mondiale : la Westphalie se défend sur les plages de Normandie, la Bavière sur la Côte d’Azur et le cours du Rhône, Berlin à Koursk. Les moteurs ont permis le rétrécissement considérable de l’espace stratégique tout comme ils ont permis la Blitzkrieg de 1940 : avec un charroi hippomobile, aucune armée ne pouvait atteindre Paris depuis la Lorraine ou le Brabant. Les échecs de Philippe II après la bataille de Saint-Quentin le prouvent ; Götz von Berlichingen ne dépassera jamais Saint-Dizier ; les Prussiens et les Autrichiens ne dépassent pas Valmy et les armées du Kaiser sont arrêtées sur la Marne. Seule exception : l’entrée des alliés à Paris après la défaite de Napoléon à Leipzig. Les Etats-Unis sont désormais l’unique superpuissance, même si le développement d’armements nouveaux et l’hypertrophie impériale, qu’ils se sont imposée par démesure irréfléchie, battent lentement en brèche cette force militaire colossale, défiée récemment par les capacités nouvelles des missiles russes et peut-être chinois. L’indépendance européenne passe par une sorte de vaste front du refus, par une participation à d’autres synergies que celles voulues par Washington, comme le voulait aussi Armin Mohler. Ce refus érodera lentement mais sûrement la politique suprématiste des Américains et rendra finalement le monde « multipolaire ». La multipolarité est l’objectif à viser comme le voulait sans doute Thiriart mais aussi Armin Mohler et comme le veulent, à leur suite, Alexandre Douguine, Leonid Savin et votre serviteur.   

Trois auteurs allemands semblent vous avoir particulièrement marqué : Ernst Jünger, Carl Schmitt et Günter Maschke. Que conservez-vous de leurs pensées ?

En fait, vous me demandez d’écrire un livre… J’admire les écrits politiques du jeune Jünger, rédigés au beau milieu des effervescences des années 1920 comme j’admire aussi ses récits de voyage, ses observations en apparence banales qui ont fait dire à quelques jüngeriens, exégètes de son œuvre, qu’il était un « Augenmensch », littéralement un « homme d’yeux », un homme qui arraisonne le monde de la nature et des formes (culturelles, architecturales, …) par le regard, par un regard pénétrant qui porte bien au-delà de la surface des choses vues et perçoit les règles et les rythmes de leur intériorité.

Je sortirai très bientôt un ouvrage copieux mais qui ne sera certainement pas exhaustif sur Carl Schmitt. Je tiens à rappeler ici que Carl Schmitt écrit ses premiers textes pertinents à l’âge de seize ans et couche sur le papier son dernier texte fondamental à 91 ans. Nous avons donc une œuvre colossale qui s’étend sur trois quarts de siècle. Carl Schmitt est le théoricien de beaucoup de choses mais on retient essentiellement de lui l’idée de décision et l’idée de « grand espace ». Mon ouvrage, à paraître aux éditions du Lore, montrera le rapport de Schmitt à l’Espagne, la nature très particulièrement de son catholicisme romain dans le contexte des débats qui ont animé le catholicisme allemand, son pari pour la Terre contre la Mer, etc.

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Günter Maschke, sur le siège de son appartement d'où il émet ses réflexions puissantes sur la pensée de Carl Schmitt, d'où il récite par coeur les plus beaux poèmes de Gottfried Benn et d'où il brocarde tous les esprits impolitiques !

Parler de Günter Maschke m’intéresse davantage dans le cadre du présent entretien. J’ai connu Günter Maschke à la Foire du Livre de Francfort en 1984, puis lors d’un petit colloque organisé à Cologne en 1985 par des lycéens et des étudiants inféodés au Gesamtdeutscher Studentenverband, une association qui entendait chapeauter les organisations étudiantes qui, à l’époque, oeuvraient à la réunification du pays. Maschke est un ancien animateur tonitruant et pétulant des années activistes de 1967 et 1968 à Vienne, dont il sera expulsé pour violences de rue. Pour échapper à la prison en RFA, parce qu’il était déserteur, il réussira, via le collectif français « Socialisme ou Barbarie » à être discrètement exfiltré vers Paris d’abord, Cuba ensuite. Il s’installera dans la république insulaire et castriste des Caraïbes et y rencontrera Castro qui lui fit faire un tour de l’île pour lui montrer « ses » champs de canne à sucre et toutes « ses » propriétés agricoles. Maschke, qui ne peut tenir sa langue, lui a rétorqué : « Mais tu es le plus grand latifundiste d’Amérique latine ! ». Vexé, le lider maximo n’a pas reconduit son droit d’asile et Maschke s’est retrouvé à la case départ, c’est-à-dire dans une prison ouest-allemande pendant treize mois, le temps d’un service militaire refusé, comme le voulait la loi. En prison, il découvre Carl Schmitt et son disciple espagnol Donoso Cortès et, dans l’espace étroit de sa cellule, il trouve son chemin de Damas.

Beaucoup d’activistes de 67-68 en Allemagne tourneront d’ailleurs le dos aux idéologies qu’ils avaient professées ou instrumentalisées (sans trop y croire vraiment) dans leurs années de jeunesse : Rudi Dutschke était, au fond un nationaliste luthérien anti-américain ; ses frères ont donné des entretiens au journal néo-conservateur berlinois Junge Freiheit, et non à la presse gauchiste habituelle, celle qui répète les slogans d’hier sans se rendre compte qu’elle bascule dans l’anachronisme et le ridicule ; Frank Böckelmann, que Maschke m’a présenté lors d’une Foire du Livre, venait du situationnisme allemand et n’a plus cessé de fustiger ses anciens camarades dont l’antipatriotisme, dit-il, est l’indice d’une « fringale de limites », d’une volonté de s’autolimiter et de s’automutiler politiquement, de pratiquer l’ethno-masochisme. Klaus Rainer Röhl, aujourd’hui nonagénaire, fut l’époux d’Ulrike Meinhof, celle qui, avec Baader, sombrera dans le terrorisme. Röhl, lui aussi, se rapprochera des nationalistes alors que ce sont les articles d’Ulrike Meinhof dans sa revue konkret qui déclencheront les premières bagarres berlinoises lors de la venue du Shah d’Iran.

Baaderfilm.jpgLe film d’Uli Edel consacré à la « Bande à Baader » (2008) montre aussi le glissement graduel du « complexe » terroriste en RFA, qui part d’un anti-impérialisme idéaliste et irraisonné, débridé et hystérique, mais parfois juste dans certaines de ses analyses, pour déboucher sur un terrorisme encore plus radical mais au service, finalement, de l’impérialisme américain : dans son film, Edel montre très clairement le jeu, notamment quand Baader, déjà arrêté et jugé, s’entretient avec le chef des services de police, et lui explique que la deuxième génération des terroristes n’obéit plus aux mêmes directives, surtout pas aux siennes. La deuxième génération des terroristes, alors que Meinhof, Baader et Ensslin (par ailleurs belle-sœur de Maschke !) étaient emprisonnés et non encore suicidés, assassine des hommes d’Etat ou des décisionnaires économiques qui voulaient justement mener des politiques en contradiction avec la volonté des Etats-Unis et émanciper la RFA de la tutelle pesante que Washington faisait peser sur elle. Ce glissement explique aussi l’attitude prise par Horst Mahler, avocat de Baader et partisan, en son temps, de la lutte armée. Lui aussi passera au nationalisme à sa sortie de prison, un nationalisme fortement teinté de luthérianisme, et retournera en prison pour « révisionnisme ». Aux dernières nouvelles, il y croupirait toujours.

Au début des années 1980, Maschke est éditeur à Cologne et publie notamment des ouvrages de Carl Schmitt (La Terre et la Mer), de Mircea Eliade, de Pierre Drieu la Rochelle, d’Agnès Heller et de Régis Debray. Chaque année, en octobre quand se tenait la fameuse Foire du Livre de Francfort, Maschke, qui trouvait que j’avais une bonne bouille de jeune réac’ imperturbable, me faisait dresser par Sigi, son inoubliable épouse qui nous a quittés trop tôt, un lit de camp au beau milieu de son bureau prestigieux, où se trouvaient les plus beaux fleurons de sa bibliothèque. C’est ainsi que chaque année, de 1985 à 2003, j’ai fréquenté le « salon Maschke », où passaient des personnalités aussi prestigieuses que l’écrivain conservateur et catholique Martin Mosebach ou le philosophe grec du politique Panajotis Kondylis, l’ex-situ Franck Böckelmann ou le polémologue suisse Jean-Jacques Langendorf. Ces soirées étaient, je dois l’avouer, bien arrosées ; on y chantait et déclamait des poèmes (Maschke aime ceux de Gottfried Benn), la rigolade était de rigueur et les oreilles de bon nombre de sots et de prétentieux ont dû siffler tant ils ont été brocardés. J’ai hérité de Maschke un franc-parler, qui m’a souvent été reproché, et il a largement contribué à consolider en moi la verve moqueuse des Bruxellois, celle que je dois à mon oncle Joseph, le frère de ma mère, lanceur de bien verts sarcasmes.

Sur la photo, Joshka Fischer, devenu ministre hessois, prête serment en baskets.

Joschka-Fischer-Turnschuhe.pngJe ne saurais clore ce paragraphe sans rappeler la rencontre fortuite entre Maschke et Joschka Fischer, l’année où ce dernier était devenu ministre du Land de Hesse, première étape qui le conduira à devenir le ministre allemand des affaires étrangères qui a fait participer son pays à la guerre contre la Serbie. Fischer déambulait dans les longs couloirs de la Foire du Livre. Maschke fond sur lui et s’en va lui tâter et pétrir le ventre, bien dodu, en lançant à la cantonade : « Eh bien, camarade Fischer, ça engraisse son homme de devenir ministre ». S’ensuivit une logorrhée de propos acerbes déversés sur le petit Fischer qui regardait ses baskets (son image de marque à l’époque, pour faire « cool ») et bafouillait des excuses qui n’en étaient pas. En le grondant comme s’il n’était qu’un sale mioche, Maschke lui prouvait que son néonationalisme à lui, schmittien, était dans la cohérence anti-impérialiste des années 67-68, tandis que l’alignement de Fischer en était la honteuse trahison. L’avenir lui donnera amplement raison : Fischer, ancien Krawallo violent du gauchisme hessois, deviendra un vil valet de l’impérialisme américain et capitaliste ; les propos dithyrambiques qu’il a prononcés ces dernières semaines pour faire l’éloge de la Chancelière Merkel ne font qu’accentuer cet amer sentiment de trahison. Ces remarques valent évidemment pour Daniel Cohn-Bendit, aujourd’hui belliciste à la solde de Washington. Jean-François Kahn, dans un entretien accordé très récemment à la Revue des deux mondes, parle de lui comme d’un soixante-huitard devenu néocon à la mode des anciens trotskistes de la Côte Est.

Photo: Gudrun Ensslin rejette son passé rigoriste protestant, tout comme le faisait le mouvement provo hollandais.

EnsslinGudrunnude.jpgDans sa quête après son retour de Cuba et son séjour dans un lugubre ergastule bavarois, Maschke, à la différence de Mahler par exemple ou de la famille de Dutschke, évoluera, avec Schmitt et Donoso, vers un catholicisme baroque et joyeux, fortement teinté d’hispanisme et rejettera la violence crispée, protestante et néo-anabaptiste qui avait si nettement marqué les révolutionnaires extra-parlementaires allemands des années 1960. Pour lui comme pour le cinéaste Edel, les sœurs Ensslin, par exemple, étaient excessivement marquées par l’éducation rigoriste et hypermoraliste, propre à leur milieu familial protestant, ce qui lui paraissait insupportable après son séjour à Cuba et ses voyages en Espagne. Aussi parce que Gudrun Ensslin basculait dans un goût morbide pour une sexualité débridée et promiscuitaire, résultat d’un rejet du puritanisme protestant que met bien en exergue le film d’Edel. La critique maschkienne de l’antichristianisme de la nouvelle droite (française) se résume, à son habitude, par quelques bons mots : ainsi, répétait-il, « ce sont des gars qui ont lu simultanément Nietzsche et Astérix puis, de ce mixte, ont fabriqué un système ». Pour lui, l’antichristianisme de Nietzsche était une hostilité aux rigueurs du protestantisme de la famille de pasteurs prussiens dont était issu le philosophe de Sils-Maria, attitude mentale qu’il est impossible de transposer en France, dont la tradition est catholique, Maschke ne prenant pas en compte la tradition janséniste.

Ces anecdotes pour montrer que toute attitude politique doit retomber dans une sorte de réalisme aristotélicien.

Vous revenez dans votre livre, « Pages celtiques », sur l’apport du monde celte à notre civilisation continentale. Que gardons-nous de « gaulois » dans notre identité européenne ? Vous revenez sur le mouvement nationaliste irlandais et écossais longuement. Quelles leçons devons-nous tirer de leurs longues luttes ?

Dans Pages celtiques, j’ai voulu, pour l’essentiel, souligner trois choses : premièrement, la disparition de toutes les références culturelles et linguistiques celtiques est le résultat de la romanisation des Gaules ; cette romanisation fut apparemment rapide au sein des élites mais plus lente dans les sphères de la culture populaire, où elles ont résisté pendant cinq ou six siècles. La culture vernaculaire est restée de langue celtique jusqu’à l’arrivée des Germains, des Francs, qui prenaient le relais des Romains. On peut affirmer que la religiosité populaire est restée celle des « paysans éternels » (Mircea Eliade) et qu’elle est demeurée plus ou moins celle dont les Celtes pratiquaient les rituels. Cette religiosité de la glèbe est demeurée intacte sous le vernis chrétien, religion des élites seules au départ. Les dei loci, les dieux des lieux, sont tout simplement devenus des saints ou des madones, nichées dans les troncs des chênes ou placées aux carrefours ou près des sources. La « dé-celtisation », l’éradication de la religion des « paysans éternels », s’est opérée sous les coups de la modernité, avec la généralisation de la télévision et… avec Vatican II. Ce que les Français ont encore de « gaulois », a été mis en sommeil : c’est une jachère qui attend un réveil. Notre fond, en Belgique, a été, lui, profondément germanisé et romanisé, dans le sens où les Eburons, les Aduatuques et les Trévires étaient déjà partiellement germanisés du temps de César et où les tribus germaniques ingwéoniennes installées ultérieurement dans la vallée de la Meuse ont été au service de Rome et rapidement latinisées.

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Statue de Colomban à Luxeuil-les-Bains.

Deuxièmement, l’apport celtique est également chrétien dans le sens où, à la fin de l’ère mérovingienne et au début de l’ère pippinide/carolingienne, les missions chrétiennes ne sont pas seulement téléguidées par Rome ; elles sont aussi irlando-écossaises avec Saint Colomban qui s’installe à Luxeuil-les-Bains, ancien site thermal gaulois puis romain. La Lorraine, l’Alsace, la Franche-Comté, la Suisse, le Wurtemberg, la Bavière, le Tyrol et une partie de l’Italie du Nord reçoivent le message chrétien non pas d’apôtres venus du Levant ou de missionnaires mandatés par Rome mais par des moines et des ascètes irlando-écossais qui proclament un christianisme plus proche de la religiosité naturelle des autochtones, avec quelques dimensions panthéistes, tout en préconisant le recopiage à grande échelle des manuscrits antiques, grecs et latins. Le syncrétisme chrétien, celtique et gréco-latin, qu’ils nous ont proposé, reste le fondement de notre culture européenne et toute tentative d’ôter ou d’éradiquer l’un de ces éléments serait une mutilation inutile voire perverse, qui déséquilibrerait en profondeur les assises de nos sociétés. Le moralisme béat et niais, propre à l’histoire récente de l’Eglise et à sa volonté de se « tiers-mondiser », a d’ailleurs ruiné toute la séduction que la religion pouvait exercer sur les masses populaires. Ne pas tenir compte du vernaculaire (celtique ou autre) et ne plus défendre à tout prix l’héritage des humanités classiques (avec la philosophie politique d’Aristote) ont éloigné et les masses et les élites intellectuelles et politiques de l’Eglise. Les paroisses ont perdu leurs ouailles : en effet, qu’avaient-elles à gagner à entendre répéter ad nauseam le prêchi-prêcha sans épaisseur qu’on leur propose désormais ?

Photo: statue du révolutionnaire irlandais Wolfe Tone à Dublin. 

WolfeToneStatue.JPGTroisièmement, au 18ième siècle, les Lumières politiques irlandaises, écossaises et galloises sont certes hostiles à l’absolutisme, réclament des formes nouvelles de démocratie, revendiquent une participation populaire aux choses publiques et appellent à un respect par les élites des cultures vernaculaires. Le républicanisme éclairé des Irlandais, Gallois et Ecossais, est hostile à la monarchie anglaise qui a soumis les peuples celtiques et le peuple écossais (mixte de Celtes, de Norvégiens et d’Anglo-Saxons libres) à un véritable processus de colonisation, particulièrement cruel, mais cette hostilité s’accompagne d’un culte très pieux voué aux productions culturelles du petit peuple. En Irlande, ce républicanisme n’est pas hostile au catholicisme foncier et contestataire des Irlandais ni aux multiples résidus du paganisme panthéiste que recèle naturellement et syncrétiquement ce catholicisme irlandais. Les représentants de cette religiosité ne sont pas traités de « fanatiques », de « superstitieux » ou de « brigands » par les élites républicaines. Ils ne sont pas voués aux gémonies ni traînés à la guillotine ou à la potence.

Les Lumières celtiques des Iles Britanniques ne renient pas les enracinements. Au contraire, elles les exaltent. La Bretagne, non républicaine, est victime, comme tout l’Ouest, d’une répression féroce par les « colonnes infernales ». Elle adhère dès lors en gros à l’ancien régime, en cultive la nostalgie, aussi parce qu’elle avait, à l’époque, un « Parlement de Bretagne » qui fonctionnait de manière optimale. L’oncle de Charles De Gaulle, le « Charles De Gaulle n°1 », sera le maitre d’œuvre d’une renaissance celtique en Bretagne au 19ième siècle, dans le cadre d’une idéologie monarchiste. A la même époque, les indépendantistes irlandais luttaient pour obtenir le « Home Rule » (l’autonomie administrative). Parmi eux, à la fin du 19ième siècle, il y avait Padraig Pearse qui créera un nationalisme mystique, alliant catholicisme anti-anglais et mythologie celtique. Il paiera de sa vie son engagement indéfectible : il sera fusillé suite au soulèvement de Pâques 1916. De même le chef syndicaliste James Connolly, mêlera marxisme syndicaliste et éléments libertaires de la mythologie irlandaise. Il partagera le sort tragique de Pearse.

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James Connolly.

Les leaders de l’Irlande indépendante offriront aux observateurs politiques de tous horizons un cocktail original de syndicalisme nationaliste, de celtisme mystique et de catholicisme social, où l’idéologie des droits de l’homme sera mobilisée contre les Britanniques non pas dans un sens individualiste, avec, pour référence, un homme détaché de tout lien social, de tout passé, donc avec un homme qui est posé comme une « apostasie sans nom du réel ». Au contraire, l’idéologie républicaine irlandaise raisonne au départ d’une vision de l’homme imbriqué dans un tout culturel, social et bio-ethnique. Ce tout doit alors aussi être l’objet d’une protection légale avec, pour corollaire, que toute atteinte, quelque part dans le monde, à l’un de ces ensembles ethno-socio-culturels est une atteinte à un droit fondamental de l’homme, celui d’appartenir à une culture. Les droits de l’homme sont donc, pour les Irlandais, indissociables des cultures qui animent et irriguent les sociétés humaines.

Après la seconde guerre mondiale, les Gallois prendront fait et cause pour les Bretons poursuivis par la République, qui sera condamnée par la Cour Internationale des Droits de l’Homme pour crime contre la culture bretonne : ce fait est bien évidemment oublié, parce qu’il a été sciemment occulté. Aujourd’hui, notamment à la suite des tirades péremptoires des « nouveaux philosophes », dont la trajectoire commence vers 1978 et se poursuit aujourd’hui, quarante ans plus tard ( !), avec les fulminations hystériques de Bernard-Henri Lévy, la République se veut la défenderesse par excellence des droits de l’homme : il est dès lors piquant et amusant de rappeler qu’elle a été condamnée sur plainte de Gallois et d’Irlandais pour crime contre une culture vernaculaire de l’Hexagone et que, par voie de conséquence, tout acte politique qui enfreindrait finalement les droits de la culture populaire ou contesterait à celle-ci le simple droit à l’existence et au déploiement, est également un crime passible d’une condamnation équivalente. Il existe donc d’autres interprétations et applications possibles des droits de l’homme que celle qui traite automatiquement d’arriéré et de fasciste potentiel toute personne se réclamant d’une identité charnelle. Les droits de l’homme sont ainsi parfaitement compatibles avec le droit de vivre une culture enracinée, spécifique et inaliénable, qui, finalement, a valeur sacrée, sur un sol qu’elle a littéralement pétri au fil des siècles. Hervé Juvin, par le biais d’une interprétation originale et politiquement pertinente des travaux ethnologiques et anthropologiques de Claude Lévi-Strauss et de Robert Jaulin, est celui qui nous indique le chemin à suivre aujourd’hui pour sortir de cette ambiance délétère, où nous sommes appelés à vouer une haine inextinguible envers ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, à nous dépouiller de notre cœur profond pour nous vautrer dans le nihilisme de la consommation et du politiquement correct.

Je dois partiellement ce celtisme à la fois révolutionnaire et identitaire à l’activiste, sociologue et ethnologue allemand Henning Eichberg, théoricien et défenseur des identités partout dans le monde, qui avait exprimé un celtisme analogue dans un ouvrage militant et programmatique, paru au début des années 1980, au même moment où Olier Mordrel avait fait paraitre son Mythe de l’Hexagone. Mon ami Siegfried Bublies donnera d’ailleurs le titre de Wir Selbst à sa revue nationale-révolutionnaire non conformiste, traduction allemande du gaëlique Sinn Fein (= « Nous-Mêmes »). Bublies fut l’éditeur des textes polémiques et politiques d’Eichberg, décédé, hélas trop tôt, en avril 2017.

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Henning Eichberg.

Dans Pages celtiques, j’ai également rendu hommage à Olier Mordrel, combattant breton, et défini la notion de patrie charnelle, tout en fustigeant les idéologies qui veulent l’éradiquer et la criminaliser. 

Vous relancez des activités transeuropéennes. Comment jugez-vous l'évolution des forces  « identitaires » en Europe ?

Non, je ne relance rien du tout. Je suis trop vieux. Il faut laisser la place aux jeunes, qui se débrouillent très bien selon des critères et des clivages propres à leur génération, selon des modes de communication que je ne maîtrise pas aussi bien qu’eux, tels les réseaux sociaux, les vidéos sur youtube, instagram, facebook ou autres. Ensuite, les instituts contestataires de la gabegie ambiante se multiplient à bon rythme car nous vivons une révolution conservatrice consolidée par rapport à ce qu’elle était, en jachère, il y a vingt ou trente ans. Il est vrai que les pouvoirs dominants n’ont pas tenu leurs promesses : des Trente Glorieuses, on est passé aux Trente Piteuses, selon l’écrivain suisse Alexandre Junod, que j’ai connu enfant et qui a si bien grandi... Et il est encore optimiste, ce garçon : s’il écrit encore un livre, il devra évoquer les « Trente Merdeuses ». Car on est tombé très très bas. C’est vraiment le Kali Yuga, comme disent les traditionalistes qui aiment méditer les textes hindous et védiques. Je me mets modestement au service des nouvelles initiatives. Les forces identitaires sont plurielles aujourd’hui mais les dénominateurs communs entre ces initiatives se multiplient, fort heureusement. Il faut travailler aux convergences et aux synergies (comme je l’ai toujours dit…). Mon éditeur Laurent Hocq s’est borné à annoncer trois colloques internationaux pour promouvoir nos livres à Lille, Paris et Rome. C’est tout. Pour ma part, je me bornerai à conseiller des initiatives comme les universités d’été de « Synergies européennes », même si elles étaient très théoriques, car elles permettent de se rencontrer et de moduler des stratégies fécondes pour les années à venir.  

Pour commander la trilogie EUROPA aux éditions Bios: www.editionsbios.fr

Pour commander Pages celtiques et La révolution conservatrice allemande auprès des éditions du Lore : www.diffusiondulore.fr

 

 

 

dimanche, 06 mai 2018

Lucien Cerise: formatage social et manipulation des radicalisés

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Lucien Cerise sur Radio Courtoisie : Formatage social et manipulation des radicalisés (avril 2018)

 
Lucien Cerise était l’invité d'Anne-Laure Maleyre sur Radio Courtoisie le 7 avril 2018 sur le thème : Formatage social et manipulation des radicalisés.
 
« Retour sur Maïdan, la guerre hybride de l’OTAN » de Lucien Cerise : https://bit.ly/2mAfg69
Le Retour aux Sources Éditeur : Boutique en ligne : http://www.leretourauxsources.com/
 

dimanche, 29 avril 2018

La Révolution "Poutinique" : on en discute avec Guillaume Faye et Yann-Ber Tillenon

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La Révolution "Poutinique" : on en discute avec Guillaume Faye et Yann-Ber Tillenon

Poutine un Diable plébiscité ? Que révèlent les préventions européennes à l'égard de l'homme d'état russe si confortablement élu par son peuple...
 

dimanche, 22 avril 2018

«Orwell reprochait à la gauche petite bourgeoise son mépris implicite des classes populaires»

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«Orwell reprochait à la gauche petite bourgeoise son mépris implicite des classes populaires»

Entretien avec Kévin Boucaud-Victoire, auteur d'un ouvrage sur George Orwell

Propos recueillis par 

Ex: http://www.lefigaro.fr

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Kévin Boucaud-Victoire présente dans un essai passionnant les multiples facettes de l'oeuvre de George Orwell.

Kévin Boucaud-Victoire est journaliste et essayiste. Il vient de publier Orwell, écrivain des gens ordinaires (Première Partie, 2018).

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FIGAROVOX.- Vous consacrez un petit essai à George Orwell. Celui-ci est souvent résumé à ses deux classiques: La Ferme des animaux (1945) et 1984 (1949). Est-ce réducteur? Pour vous, Orwell est le plus grand écrivain politique du XXe siècle. Pourquoi?

Kévin BOUCAUD-VICTOIRE.- George Orwell reste prisonnier de ses deux derniers grands romans. Il faut dire qu'avant La Ferme des animaux, l'écrivain a connu échec sur échec depuis 1933 et la sortie de Dans la dèche à Paris et à Londres. Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, Orwell tâtonne pour trouver son style, et bien qu'intéressants, ses premiers écrits sont parfois un peu brouillons. Ensuite ses deux premiers grands essais politiques, Le quai de Wigan (1937) et Hommage à la Catalogne (1938) sont très subversifs. La seconde partie du premier est une critique impitoyable de son camp politique. Il reproche à la gauche petite bourgeoise son mépris implicite des classes populaires, son intellectualisme et son idolâtrie du progrès. Au point que son éditeur Victor Gollancz ne voulait au départ pas publier le livre d'Orwell avec cette partie, qu'il ne lui avait pas commandée. Hommage à la Catalogne dénonce le rôle des communistes espagnols durant la révolution de 1936. Il est alors victime d'une intense campagne pour le discréditer et doit changer d'éditeur pour le publier. À sa mort en 1950, les 1 500 ouvrages imprimés ne sont pas écoulés. Il a d'ailleurs aussi beaucoup de mal à faire publier La Ferme des animaux au départ. Ces deux ouvrages essentiels sont encore trop mal connus aujourd'hui. Je ne parle même pas de ses nombreux articles ou petits essais qui précisent sa pensée ou Un peu d'air frais, mon roman préféré d'Orwell, publié en 1939.

Sinon, l'Anglais a voulu faire de l'écriture politique une nouvelle forme d'art, à la fois esthétique, simple et compréhensible de tous. Aucun roman selon moi n'a eu au XXe siècle l'impact politique de 1984 et La Ferme des animaux. C'est ce qui explique qu'il a été ensuite, et très tôt après sa mort, récupéré par tout le monde, même ceux qu'il considérait comme ses adversaires politiques.

Vous jugez que l'utilisation qui est faite d'Orwell est une récupération politique?

Tout le monde est orwellien !

«Tout ce que j'ai écrit de sérieux depuis 1936, chaque mot, chaque ligne, a été écrit, directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique tel que je le conçois», écrit en 1946 Orwell dans un court essai intitulé Pourquoi j'écris? Mais il a surtout été connu pour ses deux romans qui attaquent frontalement le totalitarisme. À partir de là, libéraux et conservateurs avaient un boulevard pour le récupérer. Ainsi, en pleine guerre froide, la CIA a produit une bande-dessinée et un dessin-animé de La Ferme des animaux, parfois en déformant légèrement son propos, diffusés un peu partout dans le monde. L'objectif était alors de stopper l'avancée du communisme dans le monde.

Depuis quelques années, «Orwell est invité à toutes les tables», comme l'explique le journaliste Robin Verner dans un excellent article pour Slate.fr. De l'essayiste Laurent Obertone à l'ENA, tout le monde est orwellien! Les récupérations ne sont pas que l'œuvre de la droite. Ainsi, depuis deux ou trois ans, Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération, s'est fait le héraut de la réhabilitation d'un Orwell de gauche. Pourtant, il a tout du prototype de la gauche petite bourgeoise sur laquelle a vomi l'écrivain dans Le Quai de Wigan, particulièrement dans les chapitres X à XIII.

Mais si Orwell est aussi récupérable c'est parce que la vérité était pour lui prioritaire, plus que l'esprit de camp politique. «L'argument selon lequel il ne faudrait pas dire certaines vérités, car cela “ferait le jeu de” telle ou telle force sinistre est malhonnête, en ce sens que les gens n'y ont recours que lorsque cela leur convient personnellement», écrit-il. «La liberté, c'est la liberté de dire que deux et deux font quatre. Lorsque cela est accordé, le reste suit», pouvons-nous lire aussi dans 1984. Après, je ne fais pas parler les morts, mais je doute qu'Orwell se serait insurgé contre le fait d'être cité par des adversaires politiques, lui qui avait des amis conservateurs ou libéraux.

Orwell n'est donc ni conservateur, ni socialiste?

On peut déjà relever qu'à partir de 1936, il s'est réclamé du socialisme démocratique plus d'une fois dans ses écrits. Malgré des penchants parfois conservateurs, il a aussi récusé appartenir à ce camp. Il écrit dans Le lion et la licorne, son deuxième plus grand essai politique, que son patriotisme «n'a rien à voir avec le conservatisme. Bien au contraire, il s'y oppose, puisqu'il est essentiellement une fidélité à une réalité sans cesse changeante et que l'on sent pourtant mystiquement identique à elle-même».

Orwell est un socialiste qui apprécie les traditions, se veut patriote, anti-progressiste et très démocrate !

Effectivement, Orwell est très complexe et un peu inclassable. «Trop égalitariste et révolutionnaire pour être social-démocrate ou travailliste, mais trop démocrate et antitotalitaire pour être communiste ; trop lucide sur la réalité des rapports de force entre les hommes et entre les États pour être anarchiste, mais trop confiant dans la droiture et dans le refus de l'injustice parmi les gens ordinaires pour basculer comme tant d'autres dans le pessimisme conservateur», écrit Jean-Jacques Rosat, un des grands connaisseurs actuels de l'écrivain. Mais pour lui, «le véritable socialiste est celui qui souhaite - activement, et non à titre de simple vœu pieux - le renversement de la tyrannie» (Le Quai de Wigan) et c'est comme cela qu'il se définit. Mais c'est un socialiste qui apprécie les traditions, se veut patriote, anti-progressiste et très démocrate!

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Le philosophe Jean-Claude Michéa voit en lui un anarchiste conservateur. Partagez-vous cette définition?

En fait Orwell a utilisé cette formule, volontairement provocante, pour parler de lui jeune, quand il n'était pas encore politisé. Mais ensuite il ne s'est plus déclaré que socialiste. En fait, si Michéa a popularisé cette expression, il l'a reprise de Simon Leys, sinologue belge, deuxième biographe le plus important de l'Anglais, décédé en 2014. Leys explique dans Orwell ou l'horreur de la politique que si Orwell est socialiste, «anarchiste conservateur» est «certainement la meilleure définition de son tempérament politique». Ça peut sûrement sembler compliqué à première vue.

Dans Le Complexe d'Orphée, Michéa explique qu'il faut distinguer une pensée construite d'un tempérament politique, sorte d'inclination naturelle. Ainsi, il explique que le tempérament d'Orwell combine un «sentiment légitime qu'il existe, dans l'héritage plurimillénaire des sociétés humaines, un certain nombre d'acquis essentiels à préserver», avec «un sens aigu de l'autonomie individuelle (ou collective) et avec une méfiance a priori envers toutes les relations de pouvoir (à commencer, si possible, par celles que l'on serait tenté d'exercer soi-même).» Je pense qu'il est difficile de mieux décrire Orwell. J'ajouterais que l'un des intérêts de l'expression «anarchiste conservateur» se trouve dans son potentiel polémique: accoler l'adjectif «conservateur» à un intellectuel de gauche, rien de tel pour heurter les belles âmes.

Le professeur de philosophie Jean-Jacques Rosat conteste cette définition. Pourquoi?

Il y a en effet une petite querelle chez les orwelliens à ce sujet. En effet, d'un côté, il y a l'école Leys, Michéa, ou encore François Bordes qui qualifie Orwell de socialiste et d'anarchiste conservateur ou «anarchiste tory» en V.O. De l'autre il y a celle de Rosat et plus largement Agone, qui récuse le dernier terme. En 2006, dans sa préface à la traduction française de La politique selon Orwell de John Newsinger, Rosat accuse Leys et Michéa de fausser la compréhension d'Orwell. En 2011, il publie dans une revue d'Agone dédiée à l'écrivain anglais un article intitulé «Ni anarchiste ni tory: Orwell et “la révolte intellectuelle”».

Dans cet article très intéressant, il explique qu'à partir de 1936, Orwell n'utilise le terme que pour qualifier Jonathan Swift, écrivain qu'il admire, mais dont il s'oppose aux idées. Rosat rappelle qu'Orwell reproche à Swift d'être «un anarchiste tory, qui méprise l'autorité sans croire à la liberté, et qui défend une conception aristocratique tout en voyant bien que l'aristocratie de son époque est dégénérée et méprisable.» Le philosophe français rappelle que l'Anglais est bel et bien un socialiste. Pour lui, le définir comme anarchiste conservateur a deux conséquences néfastes. Cela le condamne «à être un penseur irrémédiablement incohérent, un penseur qui cache derrière une façade socialiste une attitude politique profondément différente.» Enfin, «si Orwell est fondamentalement un conservateur, tant comme homme que comme penseur, alors la gauche et l'extrême gauche ont eu raison d'avoir de forts soupçons à son égard dans le passé».

Il y a une compatibilité entre Orwell, farouche athée, et un christianisme radical c'est-à-dire qui va à la racine.

Alors que faut-il en penser? Déjà rappelons que Michéa écrit dans Le Complexe d'Orphée que Rosat a raison, si on reste sur le plan strictement politique. Il faut donc revenir à la distinction entre pensée construite et tempérament politique que j'évoquais plus haut. Pour trancher, je dirais que si Orwell est bel et bien un socialiste, le qualificatif d'anarchiste conservateur présente un intérêt essentiel pour comprendre ses positions qui peuvent surprendre dans son camp.

Vous n'hésitez pas à rapprocher Orwell de penseurs chrétiens comme Simone Weil, Bernanos ou Pasolini. Quels sont ses points communs avec ces derniers?

Pasolini n'était pas vraiment chrétien, puisque s'il appréciait l'Église catholique, il lui manquait la foi. Il y a aussi Chesterton, Orwell ayant été surnommé à ses débuts «le Chesterton de gauche». Mais effectivement, il y a une compatibilité entre Orwell, farouche athée, et un christianisme radical - c'est-à-dire qui va à la racine. Ces penseurs vont au bout de la logique des évangiles ou de l'épître de Jacques, en refusant la puissance de l'argent et la quête du pouvoir - la troisième tentation du Christ laisse entendre que le pouvoir terrestre appartient actuellement à Satan. D'ailleurs, cela me fait penser à Guy Debord, père du situationniste et athée militant, qui écrit dans une lettre: «Les catholiques extrémistes sont les seuls qui me paraissent sympathiques, Léon Bloy notamment.».

Pour être un peu plus précis, on retrouve chez eux ce tempérament anarchiste conservateur, que j'ai évoqué tout à l'heure. Il y a une remise en question radicale du capitalisme et du progrès. Ils sont aussi des précurseurs de l'écologie politique. Ce n'est pas pour rien qu'on retrouve Orwell, Weil et Pasolini dans Radicalité: 20 penseurs vraiment critiques (L'échappée, 2013), ainsi que dans Aux origines de la décroissance: 50 penseurs (L'échappée, Le Pas de côté et Ecosociété, 2017), en compagnie cette fois de Bernnaos et Chesterton. Enfin, ce sont des esprits libres, lucides sur les erreurs de leur camp. Orwell a critiqué le rôle des communistes durant la guerre d'Espagne, Weil certaines violences de ses camarades anarchistes et écrit une lettre à Bernanos, appartenant au camp d'en face, pour lui témoigner sa «très vive admiration». Bernanos a publié Les grands cimetières sous la Lune, un énorme pamphlet contre Franco, ses soutiens catholiques, et plus largement la droite. Pour finir, Pasolini n'a pas eu de mots assez durs pour les petits-bourgeois de gauche italiens, notamment en Mai 68. Autant de liberté intellectuelle et politique est assez rare aujourd'hui.

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Vous voyez en lui un promoteur du «socialisme du vécu» et du «socialisme populaire». Quelles sont les spécificités de ces deux formes de socialisme?

Je rapproche le socialisme d'Orwell et celui de Simone Weil sur ce plan. En fait, je montre que ce ne sont pas les livres et la théorie qui ont converti Orwell au socialisme, mais ce qu'il a pu vivre, en Birmanie, dans les bas-fonds parisiens et londoniens qu'il a fréquentés, à Wigan, où il a côtoyé les ouvriers, et en Espagne. Il explique d'ailleurs qu'en Catalogne il a constaté que non seulement le socialisme était désirable, mais qu'il était en plus possible.

Orwell, comme Simone Weil, plaide pour que les socialistes partent du vécu des classes populaires.

Sinon, dans Le quai de Wigan, il affirme que «le mouvement socialiste a autre chose à faire que de se transformer en une association de matérialistes dialectiques ; ce qu'il doit être, c'est une ligue des opprimés contre les oppresseurs.» Pour lui, il doit accueillir «tous ceux qui courbent l'échine devant un patron ou frissonnent à l'idée du prochain loyer à payer». C'est en cela qu'il est vraiment populaire, alors qu'il constate que les socialistes appartiennent surtout à la classe moyenne éduquée. En fait, Orwell, comme Weil, plaide pour que les socialistes partent du vécu des classes populaires, qui ne se limitent pas qu'aux ouvriers, mais qui comprennent aussi les classes moyennes inférieures - des petits boutiquiers aux fonctionnaires -, en passant par les paysans.

Alors qu'en Europe la social-démocratie est en train de mourir pour cause de faillite idéologique, la pensée d'Orwell peut-elle inspirer une nouvelle gauche?

Je l'espère en tout cas. Sa critique du progrès par exemple me paraît essentielle. Il apparaît aujourd'hui évident que le progrès technique a «fait faillite», comme le disait Orwell, et n'a pas tenu ses promesses. Il a renforcé à la fois l'aliénation capitaliste et l'exploitation des classes populaires. «Si un homme ne peut prendre plaisir au retour du printemps, pourquoi devrait-il être heureux dans une Utopie qui circonscrit le travail? Que fera-t-il du temps de loisir que lui accordera la machine?», se demande Orwell dans «Quelques réflexions avec le crapaud ordinaire».

Son équilibre entre patriotisme et internationalisme me paraît aussi vital, quand la gauche s'est aujourd'hui parfois trop perdue dans un internationalisme abstrait, croyant que la nation renvoyait toujours aux heures les plus sombres. Ainsi, l'Anglais rappelle que «la théorie selon laquelle “les prolétaires n'ont pas de patrie” […] finit toujours par être absurde dans la pratique». La nation est le seul bien de ceux qui sont privés de tout et c'est aujourd'hui le seul cadre démocratique existant aujourd'hui. Enfin Orwell représente un socialisme qui reste radical, qui refuse à la fois de se compromettre dans l'autoritarisme, mais aussi avec le mode de production capitaliste, comme le PS depuis au moins 1983.

Comment expliquez-vous le succès de mouvement dits populistes auprès des «gens ordinaires»?

Le clivage gauche-droite ne fait plus recette.

C'est simple, le clivage gauche-droite ne fait plus recette. En France, comme à l'étranger, la gauche de gouvernement a oublié les classes populaires pour se concentrer sur les classes diplômées, plus progressistes et ouvertes, et les «minorités» - qui certes appartiennent souvent aux classes populaires, mais qui ne sont pas défendues comme telles mais comme des clients ou des consommateurs. La droite de son côté a souvent fait mine de défendre les classes populaires pour les trahir au pouvoir. Pourquoi les pauvres votent à droite et Pourquoi les riches votent à gauche, du journaliste Thomas Frank, donnent des clés très intéressantes pour comprendre.

À côté, la mondialisation néolibérale ne fonctionne plus. Les élites intellectuelles, politiques et économiques sont totalement déconnectées du peuple. Christopher Lasch, grand lecteur de George Orwell, le percevait déjà dans son livre-testament, La révolte des élites et la trahison des élites. Il expliquait que «les personnes qui se situent dans les 20 % supérieurs en termes de revenus», qui «contrôlent les flux internationaux d'argent et d'informations», «se définissent moins par leur idéologie que par leur mode de vie, qui les distingue, d'une manière de moins en moins équivoque, du reste de la population». Selon lui, ils n'acceptent plus «aucune des obligations que la citoyenneté dans une forme de cité sous-entend normalement», se sont «retirés de la vie commune et ne veulent plus payer pour ce qu'ils ont cessé d'utiliser».

Cette déconnexion est de plus en plus visible. En 2005, alors que presque tous les médias et les grands partis de gouvernement militent pour le «oui» au TCE, le «non» l'emporte. On a pu voir une vraie fracture sur les revenus et l'éducation dans le résultat du vote. La séquence qui suit est très intéressante, puisque le gouvernement de Nicolas Sarkozy et le parlement se sont ensuite assis sur cette décision démocratique en 2007. Les «mouvements populistes» capitalisent sur cette fracture et ce rejet des élites.

Ces derniers ne font-ils pas tout simplement preuve de davantage de «common decency» que les partis traditionnels?

Je n'en suis pas certain. Mais ils s'en servent en tout cas mieux. La droite dite «populiste» vante les valeurs populaires, souvent pour mieux les trahir. «Votez pour interdire l'avortement et vous aurez une bonne réduction de l'impôt sur le capital (…). Votez pour faire la nique à ces universitaires politiquement corrects et vous aurez la déréglementation de l'électricité (…). Votez pour résister au terrorisme et vous aurez la privatisation de la sécurité» écrit Thomas Frank dans Pourquoi les pauvres votent à droite? La victoire de Trump illustre parfaitement cette trahison constante. Le danger avec le populisme est qu'il utilise surtout le ressentiment - contre les immigrés ou les élites - que la «common decency», justement.

La droite dite « populiste » vante les valeurs populaires, souvent pour mieux les trahir.

Pourtant, je plaide bien pour un populisme, qui substituerait le clivage gauche/droite à un clivage peuple/élites ou classes populaires/oligarchie. Mais pour qu'il ait une chance de ne pas être juste un mouvement qui flatte les bas instincts populaires, il doit s'appuyer sur l'amour des classes populaires et l'empathie vis-à-vis de ce qu'elles vivent.

Orwell n'était-il pas avant tout un littéraire dont la particularité était justement de refuser toute forme d'idéologie et de pensée en système?

Tout à fait. Il se voulait d'abord écrivain. «Il me serait impossible d'écrire un livre, voire un article de revue de quelque importance, si cela ne représentait pas aussi pour moi une expérience esthétique», explique-t-il dans Pourquoi j'écris? Il se réfère bien plus à Swift, Dickens, London ou Wells qu'à Marx - qu'il n'a probablement jamais lu de première main - Engels ou Rosa Luxemburg. Cependant, il possédait une vraie pensée politique, non systémique, mais construite.

vendredi, 20 avril 2018

Kêrvreizh reçoit l'éditeur Jean Picollec

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Kêrvreizh reçoit l'éditeur Jean Picollec

Jean Picollec et Yann-Ber Tillenon évoquent le combat breton et ses acteurs politiques et philosophiques qui l'ont porté dans l'Histoire aux heures les plus sombres. Pour que le souffle de l'esprit "brezhon" continue d'inspirer les artistes du Politique pour animer "Breizh" dans la grande Europe fédérale!
 
 
 

mercredi, 18 avril 2018

Entretien avec Robert Steuckers pour le site Europe Maxima

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Entretien avec Robert Steuckers pour le site Europe Maxima
 
propos recueillis par Thierry Durolle
 
Europe Maxima : En ce début d’année 2018 paraît donc votre tant attendue trilogie intitulée Europa. Pourriez-vous, en préambule, nous expliquer sa genèse ?
 
Les textes qui figurent dans les 996 pages de cette trilogie sont tirés de mes anciennes revues, sont des conférences prononcées au fil du temps ou encore des entretiens accordés à des revues ou des sites amis, le tout sur une période d’un peu plus de vingt-cinq ans. Je n’avais pas l’intention de publier quoi que ce soit, n’ayant jamais eu la vanité du graphomane qui s’ingénie à noircir du papier pour compenser on ne sait trop quelle blessure de sa petite enfance. Jusqu’au jour où j’ai rencontré Jules Dufresne des éditions du Lore qui m’a littéralement assiégé pour que je lui remette mes textes sur la révolution conservatrice allemande. Dufresne, avec l’ardeur de sa jeunesse, a ouvert la boite de Pandore : à sa suite, Laurent Hocq, directeur des Editions Bios (Lille), m’a fait subir un deuxième siège pour que je compose cette trilogie. Laurent Hocq a pris de sérieux risques financiers pour lancer cette entreprise et je lui en suis très reconnaissant ; j’attends surtout de mes lecteurs qu’ils lui rendent hommage et qu’ils l’épaulent dans ses initiatives. Chaque texte de cette trilogie a en fait une histoire, est né de circonstances particulières, liées à mes tribulations de gamin métapolitologue, qui m’ont fait pérégriner de colloques en conférences à travers toute l’Europe : j’ai surtout une dette ineffaçable envers deux hommes aujourd’hui décédés, Gilbert Sincyr, ancien Président de l’association grande-européenne « Synergies européennes » et Robert Keil, animateur du Cercle Hermès à Metz et co-fondateur, avec André Wolf, de l’association « Minerve ». Sincyr et Keil se sont décarcassés pour organiser des colloques et des conférences, des universités d’été et des séminaires à tour de bras. Les textes de la trilogie sont aussi le fruit de leurs efforts, de leur énergie qu’ils ont dépensée sans compter. Je n’oublie pas, non plus, deux amis allemands, Heinz-Dieter Hansen de Hambourg et le Dr. Rolf Kosiek, qui m’ont invité régulièrement à prendre la parole devant leurs publics respectif ni les efforts de trois amis milanais, Marco Battarra, Alessandra Colla et Maurizio Murelli, de la « Società Editrice Barbarossa », sans qui les magnifiques universités d’été italiennes de « Synergies européennes » n’auraient pas été possibles ni la superbe collection de livres, baptisée « Sinergie Europee ». Enfin, je remercie mon éditeur espagnol actuel Manuel Quesada, dont le deuxième volume de la trilogie reprend un entretien, ainsi que mon éditrice australienne Gwendolyn Taunton, philosophe traditionaliste très pointue, qui a pris le risque, elle, de me faire connaître dans le monde anglo-saxon. En fait, je réactive un vieux combat en entrant dans le troisième âge : quelques humoristes facétieux de mes compatriotes flamands disent que je suis le Colonel du « Volkssturm métapolitique ».

La genèse de cette trilogie réside donc toute entière dans le travail des deux cercles que j’avais cofondés avec Jean Eugène van der Taelen à Bruxelles en 1983, l’EROE (« Etudes, Recherches et Orientations européennes ») et avec Gilbert Sincyr en 1994 (« Synergies européennes »).

Pour se procurer la trilogie "Europa":

www.editionsbios.fr

http://www.facebook.com/editionsbios.fr/

@EditionsBIOS

+33 7 70 27 00 46

Europe Maxima : L’histoire-géographie, la politique et la géopolitique sont des disciplines qui vous sont familières et qui se taillent une part de lion dans votre trilogie. La spiritualité, quant à elle, n’est principalement évoquée, qu’en rapport à l’idée d’empire. L’idée de non-séparation du pouvoir temporel et de l’autorité spirituelle vous séduit-elle ?

jvlmzm.jpgOui, certes, l’histoire et la géographie, plus exactement un mixte des deux, est ma passion, sinon depuis l’enfance, du moins depuis la troisième année de notre école secondaire, où l’on nous avait suggéré l’achat du petit atlas historique des collégiens, rudement bien fait et qui m’a tout de suite passionné. Plus directement, dans la mouvance du militantisme métapolitique qui fut et reste le mien, l’événement déclencheur du processus qui nous a mené à la trilogie que vous évoquez, a été l’obligation de remettre, en juin 1980, un travail de fin d’études pour le cours de « relations internationales », donné par Madame Massart, fille d’un ancien député wallon, gaulliste à tous crins. Comme j’étais en classe d’allemand à la haute école des traducteurs-interprètes, il fallait que le travail soit basé sur des ouvrages allemands ou fasse référence à la politique allemande, comme, par exemple, l’Ostpolitik de Willy Brandt à l’époque. J’ai demandé à présenter un ouvrage que j’avais acquis par correspondance : le livre de l’ancien général autrichien Jordis von Lohausen, intitulé Mut zur Macht (Le courage de la puissance), dont l’auteur, avant de revenir dans la nouvelle armée autrichienne après la seconde guerre mondiale, avait été animateur de la radio de son pays où il présentait avec une formidable concision, et une diction merveilleuse, les villes d’art italiennes. Cette concision se retrouve dans son livre qui mêle justement savoirs historiques et géographiques et s’appuie sur une cartographie originale et très suggestive, comme le voulait précisément Karl Haushofer, lorsqu’il dirigeait, pendant l’entre-deux-guerres, son institut de géopolitique : une bonne carte suggestive valait pour lui une longue démonstration écrite. Quand je devais remettre mon travail à Mme Massart, nous étions en 1980, l’année qui a suivi l’accession de Margaret Thatcher au pouvoir au Royaume-Uni. Reagan, autre propagateur d’un « conservatisme néolibéral », allait accéder à la magistrature suprême aux Etats-Unis ; outre sa volonté de pratiquer une politique de retour au libéralisme dur et pur, il entendait mettre un terme au statu quo d’une guerre froide dominée par la double idée d’un dégel graduel et d’une coexistence pacifique, sans que ne soient modifiées les limites des zones d’influence, acquises pas les deux grandes puissances du duopole américano-soviétique.
 
Cette perspective reaganienne, qui était de vouloir bouleverser cet ordre duopolistique, avait été secrètement activée par Zbigniew Brzezinski dès la fin des années 1970. Selon ces plans, les pièces de l’échiquier planétaire devaient nécessairement bouger : elles ne le pouvaient que si l’on réactivait des dynamiques refoulées comme, par exemple, l’islamisme militant, pour plonger le ventre mou et centre-asiatique de l’URSS dans une effervescence permanente, obligeant Moscou à lâcher du lest. La stratégie, avec l’appui financier saoudien, sera d’abord appliquée en Afghanistan. La suite tragique, non terminée, de cette opération, nous la connaissons trop bien : la stratégie initiée par Brzezinski a débouché sur une guerre permanente et un enlisement sans fin. Ce n’est pas là une politique impériale au sens noble du terme mais la création d’un chaos infécond et criminel qui affecte toute la planète.  

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Aux Etats-Unis aussi, on commençait, tout à la fin des années 1970, à reparler sérieusement de géopolitique, notamment avec Colin S. Gray, qui entendait réactualiser la géopolitique thalassocratique de Halford John Mackinder et de Nicholas Spykman (dont Olivier Zajec, il y a deux ans, a exploré méthodiquement l’œuvre en France). Enfin, avec l’appui d’un excellent professeur écossais, Mr. Sidgwick, j’avais potassé à fond les atlas historiques de Colin McEvedy et lu le captivant ouvrage de Paul Johnson, The Offshore Islanders, ouvrage critique à l’endroit des orientations politiques britanniques, qui avaient omis de miser sur un développement intérieur, sur une stratégie économique d’investissement patrimonial, sur un développement des sciences chimiques et sur une colonisation intérieure des Iles Britanniques, à l’instar des politiques bismarckiennes de l’Allemagne réunifiée à partir de 1871. Tout le reste de mes démarches découle de ce contexte universitaire : j’ai voulu offrir tout cela à une certaine école métapolitique. En vain. J’ai reçu un accueil grossier, sotte gesticulation d’autodidactes gougnafiers, dont vous avez sûrement entendu parler…

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Ceci dit, la pédagogie dont faisait preuve Lohausen, décédé en 1997, vient d’être ressuscitée par un Colonel espagnol qui s’est mis volontairement à la retraite, Pedro Banos, dans Asi se domina el mundo – Desvelando las claves del poder mundial (Ariel, 2017). Paru en novembre 2017, cet ouvrage a été réédité six fois ( !) entre sa parution initiale et février 2018. Il explicite de manière particulièrement didactique les principes géopolitiques immuables, l’impossibilité d’échapper à l’histoire, la permanence des intérêts, les géostratégies impassables, le danger d’ignorer l’idiosyncrasie des peuples, etc. Si je m’enthousiasmais pour Lohausen en 1979, à 23 ans, je m’enthousiasme avec la même ferveur pour le livre du Colonel Banos en 2018, à 62 ans.

Revenons à la spiritualité, deuxième thème de votre question : il est évident que j’ai été frotté à Evola (plutôt qu’à Guénon, tout en appréciant hautement la critique que celui-ci formulait à l’encontre du monde moderne, avec l’idée de « cubification » du monde, reprise aujourd’hui avec brio par le penseur espagnol Ernesto Milà, par ailleurs géopolitologue avisé). J’ai participé aux premières activités de la défunte revue Totalité, aventure qui donnera naissance, ultérieurement, aux éditions Pardès.

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En Belgique, les activités évoliennes, le Centro Studi Evoliani, étaient dirigées par Marc. Eemans, figure étonnante de la pensée européenne, à laquelle seule la revue Antaios de Christopher Gérard a rendu naguère un hommage mérité. Qui a été Marc. Eemans, né en 1907 et décédé en 1998, l’année du centenaire d’Evola ? Jeune écolier à Termonde (Dendermonde) en Flandre orientale, il est initié par un professeur de son « athénée » aux études wagnériennes et à la mythologie scandinave et germanique. Adolescent, il adhère, par esprit de révolte, au dadaïsme et au surréalisme, accessoirement au léninisme : il fera un magnifique portrait du leader de la révolution russe, aujourd’hui exposé à Saint-Pétersbourg. Dans les années 1920, il rencontre l’avant-gardiste flamand Paul van Ostaijen, qui, dans l’un de ses manifestes, explique que le mysticisme médiéval de la région sise entre l’Escaut et le Rhin, donne déjà toutes les recettes pour une « illogique » fondamentale permettant de jeter bas le système dominant, tâche que s’était assignée André Breton, qui avait aussi dit, entre mille et une autres choses, qu’il préférait s’allier au Dalaï Lama (pas celui d’aujourd’hui… !) plutôt que d’œuvrer à la défense d’un système occidental qu’il jugeait inique et mortifère. Peu ou prou, Evola, qui vient, lui aussi, du dadaïsme, van Ostaijen et Breton ont, in fine, la même démarche, en dépit de toutes leurs différences, de leurs idiosyncrasies respectives : le point commun à ces trois hommes, c’était de chercher une voie pour échapper à l’impasse moderne. C’est donc, très naturellement, la conclusion que tire le jeune Eemans à la fin des années 1920 ; tout feu, tout flamme, il s’en va prononcer une petite conférence sur les mystiques médiévales flamandes et rhénanes, devant le groupe des surréalistes bruxellois, autour de René Magritte. Ce groupe s’affiche comme résolument laïque, antireligieux jusqu’à la caricature, « communistophile », combattant inlassablement la « Calotte » et voilà qu’il s’insurge bruyamment et vulgairement devant l’idée de van Ostaijen et d’Eemans de réhabiliter Maître Eckhart, Sœur Hadewych ou encore Ruusbroec l’Admirable. Eemans est exclu pour « cléricalisme », alors que, justement, cette mystique de notre moyen-âge lumineux permet d’échapper à tout encadrement stérilisateur.

Plus tard, dans le cercle évolien animé par Eemans et le regretté Salvatore Verde (qui fondera, après son retour en Italie, la revue Antibancor) et dans l’antenne de Totalité en Belgique, soit le « Cercle Culture et Libertés » (CCL), alors animé par Alain Derriks, parce que Daniel Cologne était parti enseigner en Suisse, l’idée d’un Empire gibelin spiritualisé faisait route, lentement mais sûrement : je me rappelle avoir balbutié une présentation d’un article de Giorgio Locchi, paru dans un numéro de Nouvelle école, sur la notion d’Empire (de Reich), lors d’une réunion où l’émouvant écrivain prolétarien Pierre Hubermont était présent. Hubermont était certes sorti du communisme dur et pur pour trente-six raisons, liées notamment à une adhésion au planisme d’Henri de Man et aux événements de la Guerre d’Espagne (tout comme la figure fascinante de Ward van Overstraeten, fondateur du PCB dès le lendemain de la première guerre mondiale). Hubermont adhérait à un communisme pacifiste où les peuples d’Europe auraient fédéré leurs énergies pour retrouver justement l’idée germanique d’Empire, dont sa Wallonie natale avait toujours été partie prenante, notamment en offrant des contingents bien fournis de tercios, à l’époque hispano-impériale, ou des régiments d’élite à l’époque autrichienne.

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L’idée d’Empire est certes politique et aussi spirituelle car, ne l’oublions jamais, Frédéric II de Hohenstaufen aimait l’œuvre et la spiritualité naturaliste de François d’Assise. Eemans avait consacré un ouvrage, hélas jamais publié, à ce magnifique Empereur et Roi de Sicile, travail qui lui avait permis de se lier d’amitié avec l’académicien Marcel Brion, lui aussi fasciné par cette figure tragique de l’histoire européenne. Les Néerlandophones du groupe ne juraient, eux, que par un ouvrage allemand consacré à l’Empereur et dû à l’historien Ipsen. Ex-potaches latinistes et donc aptes à lire l’italien, Derriks et moi avons pris contact avec les groupes néogibelins italiens de Parme et de Padoue, afin de parfaire cette démarche spirituelle, métapolitique et politique. C’est ainsi que nous avons tous deux fait l’acquisition du livre d’Antonino De Stefano, qui abordait, entre autres choses, les liens entre l’impérialité du Staufer et la spiritualité ascétique et naturelle/cosmique du Poverello d’Assise.

N’étant pas un théologien stricto sensu, je ne vais pas entrer dans le débat, infini d’ailleurs, sur la primauté du spirituel ou du temporel : il est évident que notre démarche associait les deux, sans l’intention de faire chavirer les démarches spirituelles dans une stérilité apolitique ou les démarches politiques/temporelles dans la sécheresse d’un mécanicisme infécond. Cette effervescence intellectuelle de nos vingt ans est toujours active chez le sexagénaire valétudinaire que je suis devenu. La flamme brûlait encore, très vive, chez le nonagénaire Eemans : il n’y pas de raison de capituler, c’est un hommage qu’il faut lui rendre, à lui et à tous ceux qui, dans le même espace philosophique, ont montré la même endurance.

Ces souvenirs, j’en ai bien conscience, ne répondent pas exactement à votre question qui demande une réponse précise, bien ronde et bien ficelée. Cette réponse existe bel et bien dans une œuvre magistrale, celle de l’Espagnol Antonio Medrano, jadis collaborateur de Totalité. Medrano a fait un chemin impressionnant depuis les temps héroïques de Totalité. Son œuvre, pour faire succinct, englobe la spiritualité, la politique et la vie quotidienne (qu’il convient de mettre au diapason des traditions vives ou refoulées d’Europe et d’Asie). Medrano est l’auteur de plusieurs bestsellers que l’on retrouve dans toutes les librairies d’Espagne, dont mon favori reste celui qui nous enjoint à « tuer les dragons en nous », renouant avec la spiritualité que dégageaient les cultes de Saint-Michel, Saint-Georges et Santiago de Compostelle.

luchacon.jpgQuantitativement, l’oeuvre d’Antonio Medrano est presque aussi abondante que celle d’Evola, qu’il complète magistralement, avec brio et esprit didactique. Je ne comprends pas pourquoi ce travail, magnifique, indispensable, n’a jamais été réceptionné par ses anciens correspondants en France. Tout comme, d’ailleurs, l’œuvre monumentale, avec des volumes dépassant les 80.000 ventes, de l’ancien correspondant espagnol de la ND, José Javier Esparza. Ou encore les ouvrages d’Ernesto Milà, notamment l’anthologie intitulée Milicia, nous révélant tous les aspects d’une spiritualité kshatriyaque qu’il convient, pour nous, miliciens métapolitiques, d’intérioriser et de transmettre pour nous donner, et donner à tous ceux qui voudront bien nous suivre et nous relayer à l’heure de notre mort, ce que Frithjof Schuon appelait très judicieusement, un « centre ». Cet ostracisme à l’égard de ces œuvres espagnoles formidables est un scandale, un grave manquement à la rigueur métapolitique. Pour quels inavouables et sordides motifs ? Jalousie ? Mépris ? Je ne sais. Je vais m’assigner pour tâche de faire connaitre ces travaux dans une phase prochaine de mes modestes démarches d’instituteur et de perroquet, de petit hussard noir de l’ « Empire eurasiatique de la Fin », comme le disait Jean Parvulesco, découvert, lui aussi, dans les pages de Totalité…      

Europe Maxima : Votre conception de l’idée d’empire n’est donc pas sans rappeler celle défendue autrefois par Julius Evola. Est-ce que vous vous considérez comme un (néo) gibelin ? Pensez-vous que cette idée d’empire représente un projet politique d’avenir ? Enfin, est-ce que l’école dite de la Tradition primordiale eut une influence sur vous ?

Oui, c’est clair, ma démarche est gibeline et kshatriyaque, même si je suis un civil car finalement, pour Clausewitz, la guerre n’est jamais qu’un expédient qui poursuit la politique par d’autres moyens et qui poursuit aussi, cela va sans dire, la métapolitique. L’Empire n’est pas un « projet politique d’avenir », il est un projet de toujours, au-delà des contingences et vicissitudes temporelles. Si nous n’avons pas d’Empire, nous sommes condamnés à dépérir politiquement et biologiquement : la chute de l’Empire romain a entraîné l’Europe dans de longs siècles de misère, la fin des rois wisigothiques en Espagne a permis l’invasion arabo-berbère de la péninsule ibérique et de la Septimanie languedocienne, la fin du pseudo-empire soviétique a failli faire basculer la Russie dans la « smuta » eltsinienne, la fin de l’impérialité romaine-germanique a plongé l’Europe centrale dans un impolitisme calamiteux, la fin de l’Empire chinois/mandchou a plongé la Chine dans de longues décennies d’une effroyable misère, où s’affrontaient des warlords inconscients de tout destin commun : pour von Lohausen, le territoire impérial romano-germanique (qui comprend la Bohème), flanqué de l’espace gallique pour former le noyau carolingien de l’histoire médiévale et moderne de l’Europe, constitue la « paume » de notre sous-continent à laquelle sont liés cinq « doigts » péninsulaires ou insulaires (Ibérie, Italie, Balkans, Scandinavie, Iles Britanniques) ; si la « paume » est morcelée, mutilée, les périphéries « digitales » vont, elles aussi, à vau-l’eau. Christopher Steding avait parlé d’une « neutralité intellectuelle impolitique », à propos des espaces culturels des périphéries germaniques (mais non allemandes/non prussiennes) de l’Empire allemand de Bismarck, où le bourgeoisisme intellectuel apolitique dominant et, de ce fait, irresponsable, que l’on observait aux Pays-Bas, en Scandinavie et en Suisse alémanique, exerçait une séduction mortifère, entraînant les Allemands à oublier leur vocation « archangélique et michaëlienne ».

C’est là que nous retrouvons la « tradition primordiale » : celle-ci remonte, comme je l’explique dans la trilogie, aux peuples cavaliers indo-européens de la proto-histoire, dont le Professeur Lebedinsky a retracé l’épopée dans une série de livres d’importance primordiale. Par ailleurs, pour le Professeur américain contemporain Christopher Beckwith, dans Empires of the Silk Road, ces peuples cavaliers génèrent la vision d’un prince accompagné d’une suite, d’un comitatus, soumis à une rude discipline spirituelle, guerrière et cavalière, exigeant une fidélité inconditionnelle jusqu’à la mort. Ce sont ces princes-là, et les hommes qui les suivent, qui fondent les empires et c’est le seul modèle qu’il convient de reproduire, surtout après les périodes de « smuta », de déclin, de déliquescence et, ajoute Beckwith, pour renverser la vapeur après les dégâts profonds commis par les communismes modernisateurs. Les traditions avestiques, védiques et zoroastriennes révèlent cette spiritualité fondatrice d’empires, avec des héros sublimes, de Rama à Zarathoustra. Nous trouvons une illustration de cette spiritualité dans l’œuvre de Jean Haudry et dans celle de Paul du Breuil.

Cette spiritualité implique la vision d’un rapport fécond entre terre et ciel, le ciel étant l’espace lumineux, celui de la Grande Lumière. Elle implique un culte des oiseaux, notamment des aigles, symboles de tous les empires, car les oiseaux effectuent en permanence un va-et-vient entre le sol tellurique des hommes et le monde ouranien des dieux (ou de Dieu). Elle génère aussi le culte des archanges ailés, messagers des dieux ou de Dieu sur la Terre, aujourd’hui oubliés dans la religion officielle qui bascule dans la fange du moralisme, de la bigoterie voire du sociétal. Elle nous rappelle aussi que le moteur de notre civilisation n’a pas été seulement le monarchisme ou le papisme romain mais surtout les ordres de chevalerie, avatars des comitati indo-européens de la protohistoire. Eux sont à coup sûr les porteurs de la tradition primordiale, comme l’explique Paul du Breuil.    

Europe Maxima : Dans le premier tome intitulé « Valeurs et racines profondes de l’Europe », vous retracez l’histoire de la bataille de Lépante. Nous  devons saluer la qualité de ce texte où se côtoient exactitude et détails historiques à une plume rendant la lecture passionnante. Pourquoi êtes-vous revenu sur ce moment de l‘histoire de l’Europe ?

force_honneur.jpgLe très long récit sur la bataille de Lépante est une œuvre de commande : il y a quelques années est paru un gros volume de format DINA4, consacré aux batailles décisives qui ont fait l’Europe ou l’ont menacée en ses fondements quand elles ont été des défaites. Elève de Herder et de Dilthey, mais aussi du postsioniste israélien Ilan Pappé, je m’insurge contre l’idée éminemment moderne ou mécaniciste (Herder et Dilthey sont en quelque sorte des « modernes »), qui imagine que l’on peut fixer avec une exactitude mécanique, le début ou la fin d’un processus historique. Je ne pouvais pas rédiger un papier sur la bataille de Lépante sans évoquer la très longue épopée qui a opposé les Empires d’Europe (Rome et Byzance) aux peuples hunniques, turcs et mongols : nous avons donc une bataille plus que millénaire, dont l’enjeu a été notre Europe péninsulaire, entre Européens et Ouralo-Altaïques, dont les Wachstumsspitzen (les pointes avancées de leurs croissances géographiques), pour paraphraser Haushofer, ne peuvent que se télescoper comme le montrent les derniers discours et rodomontades d’Erdogan en Turquie. Mes amis bruxellois, non inféodés à un quelconque cénacle, et la ND gréciste flamande, section de Louvain, m’avaient demandé, en 2004, de brosser un tableau du choc pluriséculaire entre Européens et Turcs : l’article sur la bataille de Lépante est la fusion de cette double conférence, prononcée en français et en néerlandais, et d’une étude plus systématique de la bataille en soi du 7 octobre 1571 et de tous les enjeux stratégiques en Méditerranée (Chypre, Rhodes, Malte) car, ne l’oublions pas, la Méditerranée encercle l’Europe par le Sud, ce qui a des effets délétères, si une puissance hostile la tient, y compris en ses régions septentrionales : c’est une leçon que les géopolitologues et les historiens des thalassocraties anglo-saxonnes n’ont jamais oubliée. On trouve d’ailleurs, chez Mackinder et Mahan, la trace de cette obsession d’encercler l’Espagne, la France (sa façade méditerranéenne), l’Italie, les Balkans et l’Anatolie, en contrôlant l’entièreté de cette mer intérieure qui s’enfonce profondément dans la masse continentale euro-afro-asiatique. C’est la raison de la présence de la flotte américaine entre Gibraltar et Suez et de l’existence de l’Etat d’Israël. L’étude des longs prolégomènes de la bataille de Lépante nous enseigne ce que signifie, géopolitiquement parlant, l’espace maritime méditerranéen.

Europe Maxima : Vous retracez les attaques à l’encontre de l’unité européenne, qu’elles soient internes ou externes. Qu’est le plus grand danger actuellement pour l’Europe et ses peuples selon vous ?

Le danger le plus grave, le plus mortel, pour les peuples, les empires et les civilisations, c’est l’impolitisme. Je rappelle très souvent l’adage d’Arthur Moeller van den Bruck : le libéralisme fait périr les peuples. L’idéologie libérale, dans toutes ses facettes, dans toutes ses déclinaisons, celles de gauche comme celles de droite, est un poison mortel pour les cités, de quelque dimensions qu’elles soient. La fusion des utopies dites de gauche, des élucubrations libertaires, freudo-marxistes et pansexualistes des années 1960 et du néolibéralisme thatchéro-reaganien a généré un cocktail idéologique à géométrie variable, particulièrement nocif, contre lequel aucun contrepoison n’a été trouvé, si ce n’est notre vision des choses mais elle est encore bien incapable de « faire masse », comme dirait Elias Canetti, pour bloquer les processus de déliquescence ou pour lancer une contre-offensive réellement efficace. Le triomphe du macronisme en France montre bien que la « masse » requise n’est pas encore atteinte, dans l’opposition populaire à cette expression particulièrement affligeante et ridicule de la « grande fusion gauchiste/néolibérale », pour faire concrètement barrage à ces germes du néant et du kali yuga. Ce mixte diabolique de toutes les perversions antipolitiques, à l’œuvre dans la société et dans le « sociétal », ne permet aucunement de « vertébrer » les cités, selon l’expression de José Ortega y Gasset. Une cité « invertébrée » est condamnée à la stagnation, à la mort lente mais certaine. Si cette stagnation perdure trop longtemps, le temps mort, le temps perdu avant que l’accumulation des frustrations ne permette à l’opposition positive de « faire masse », risque effectivement de faire passer les cités, les Etats et l’ensemble de notre civilisation de vie à trépas parce que la « masse » oppositionnelle requise, pour bloquer le déclin par une vigoureuse riposte katéchonique, ne se coagule pas à temps.  

Europe Maxima : Votre deuxième tome « De l’Eurasie aux périphéries, une géopolitique continentale »  a pour sujet central l’Eurasie. Qu’est-ce qui vous  attire dans l’idée d’Eurasisme ? Sont-ce des relents « schmittiens » de théorie des grands espaces ?

jmbf.jpgL’idée d’Eurasie, avant même que le terme « eurasisme » ne soit devenu courant dans l’espace métapolitique qui est le nôtre, était présente en nos têtes : d’abord, au niveau romantique, par le fameux livre de Jean Mabire consacré au « Baron fou », Fiodor von Ungern-Sternberg. Ce livre nous montrait la nécessité de maîtriser l’espace entre la Volga et le Pacifique. Gamin, j’avais fait une élocution à l’école sur l’aventure de Vitus Behring, le marin danois au service des tsars qui avait traversé l’Arctique jusqu’au détroit qui porte aujourd’hui son nom : l’idée n’a cessé de me trotter dans la boule ! L’imagerie de notre enfance, véhiculée par la série de chromos « Historia », nous vantait la gloire du R. P. Verbist devenu grand mandarin dans la Chine impériale au 17ième siècle. La biographie insigne de ce jésuite flamand a donné à la pensée politico-diplomatique belge un tropisme chinois récurrent, impliquant la nécessité de relier l’Europe occidentale à la Chine en se servant de la Russie comme pont. Cette idée allait se manifester concrètement pendant la première guerre mondiale : le Corps militaire des automitrailleuses belges est alors envoyé au secours de l’armée russe sur le front de Galicie, introduisant du même coup l’arme automobile blindée dans les stratégies de l’armée tsariste d’abord, de l’armée rouge ensuite. Dans notre groupe, le grand-père et le grand-oncle de l’un de nos camarades avaient été enrôlés dans cette troupe et une belle photo de ces deux jeunes officiers belges, en uniforme russe, trônait dans sa chambre d’adolescent. Finalement, la mort au combat du grand-oncle fit que le grand-père, son frère jumeau, resta en Belgique et ne participa pas à cette formidable aventure militaire eurasienne, qui mena le Corps belge des automitrailleuses jusqu’à Vladivostok (l’écrivain wallon Marcel Thiry, qui fit partie de cette troupe, et, aujourd’hui, le Professeur flamand Wim Coudenys ont rédigé d’excellents ouvrages sur cette aventure militaire ; au cours de cette dernière semaine de mars 2018, l’historien Hugues Wenkin vient de faire paraître Des Belges au service du Tsar ! aux éditions ardennaises Weyrich).

Gottfried+Wilhelm+Leibniz.jpgLe tropisme chinois (et japonais) des milieux diplomatiques belges est en fait une traduction de la pensée politique du philosophe et mathématicien allemand des 17ième et 18ième siècles, Leibniz. Celui-ci se méfiait dans un premier temps de la « Moscovie » (comme on disait à l’époque) et lui attribuait des « tares mongoles ». La disparition du Royaume de Pologne-Lituanie, considéré, avant l’avènement de la Russie, comme un barrage protecteur en Europe centrale et occidentale, et l’européanisation de la Moscovie sous l’action de Pierre le Grand et de son élite germanique (allemande, hollandaise, flamande et suédoise) fait de Leibniz le premier penseur eurasien (avant la lettre) car il veut relier les deux pôles de haute civilisation, l’Europe et la Chine, par le « pont moscovite ». La réalisation de ce concert euro-russo-chinois, pour Leibniz, consoliderait les acquis des plus hautes civilisations de la planète. Aujourd’hui, les Chinois sont « leibniziens » et suggèrent la création d’un réseau de chemins de fer transeurasiens et de communications maritimes via les océans indien et arctique : les fameuses « nouvelles routes de la soie ».

Pour Carl Schmitt, à qui je consacrerai très bientôt un ouvrage, l’idée de « grand espace », de Grossraum, est d’abord limitée à l’Europe, dont toutes les composantes devaient revenir peu ou prou à un écoumène catholique traditionaliste, se remémorant sa matrice et sa forme romaines, avant que la déliquescence de la théologie catholique et des partis se réclamant, partout en Europe, du catholicisme, ne l’ait profondément déçu. Chez Carl Schmitt et chez Anton Zischka, on peut déceler une idée qui était en l’air dans l’entre-deux-guerres et dans les années 1950, avant la grande vague de la décolonisation : l’idée d’Eurafrique, dont les zélotes les plus enthousiastes voulaient assécher partiellement la Méditerranée par la construction d’un gigantesque barrage à Gibraltar, nouveau pont terrestre artificiel permettant l’acheminement de marchandises par chemins de fer transsahariens et transméditerranéens. On trouve certes chez Schmitt une volonté de se dégager des tutelles anglo-saxonnes et thalassocratiques : les pages de son journal posthume Glossarium sont très explicites à ce sujet. Schmitt voit dans toute thalassocratie un pouvoir qui liquéfie tout, dissout toute assise tellurique et sape la viabilité des structures et des formes politiques. Mais on ne trouve pas vraiment, dans son œuvre, une vision eurasienne du « grand espace ». En revanche, on la trouve chez Haushofer, suite au pacte germano-soviétique et au Pacte d’Acier (entre l’Italie, l’Allemagne et le Japon) : le géopolitologue allemand parle alors d’une « troïka » puis d’un « quadrige », qui fédère toutes ses forces pour balayer l’impérialisme britannique, notamment en Iran et en Inde. Haushofer apportait ainsi un point final aux spéculations des « nationaux-bolchevistes » des années 1920 (parmi lesquels Ernst Jünger), qui rejetaient l’Occident, ses formes de libéralisme et ses stratégies géopolitiques impérialistes. Les événements de la seconde guerre mondiale le décevront profondément, ainsi que son fils Albrecht, lié au complot du 20 juillet 1944 contre Hitler et, par suite, assassiné dans la prison de Berlin-Moabit. Karl Haushofer et son épouse Martha se suicideront après la défaite allemande.

Europe Maxima : Vous expliquez qu’il n’y a pas un mais plusieurs eurasismes. Dans laquelle de ces variantes vous retrouvez-vous ?

L’eurasisme est effectivement, avant toutes autres choses, l’ensemble des spéculations russes sur le destin de l’Empire des tsars, de la terre russe en général et de la jeune URSS. On a parlé, en Russie, successivement d’un mythe scythe, d’un espace germano-slave puis d’une fusion slavo-turque, où l’orthodoxie post-byzantine et l’islam (surtout turc et iranien) ne s’opposeraient plus et forgeraient une alliance pérenne contre les forces antitraditionnelles dans le monde. L’idée avait germé dans la tête de Konstantin Leontiev au 19ième siècle, suite à la vague d’anti-occidentalisme qui avait déferlé sur la Russie après la guerre de Crimée. Les idées de Leontiev et, celles, pourtant modernistes, de Nikolaï Danilevski (sur la jeunesse des peuples slaves et le vieillissement des peuples d’Occident) puis celles, plus récentes, de Lev Gumilev, décédé en 1992 (lequel entrevoyait la fusion slavo-turque) vont se mêler en un cocktail, souvent instable, révélant un eurasisme foncièrement anti-occidental, fulminant contre la « synthèse romano-germanique ». Tout cela transparaît dans la pensée d’Alexandre Douguine. Si la synthèse germano-slavo-balte hellénisante, dont rêvait la Tsarine Catherine II pour la Crimée reconquise en 1783, pouvait séduire, de même que l’exaltation de la fusion germano-slave prussianisée chez son fils Paul I ou que les mythes scythes, l’idée d’une fusion slavo-turque, qui serait « hunnique » en ses directions géopolitiques et nierait ipso facto la geste cosaque en Sibérie, elle, est impossible à vendre en Europe occidentale, sauf à d’indécrottables masochistes. Même dans une Europe occidentale qui rejetterait tous ses modernismes et abandonnerait toute forme de libéralisme. 

Cependant une Russie-puissance ne peut renoncer à ses « directions géopolitiques » habituelles, lancées dans l’espace géographique du bassin de la Volga et de la Caspienne puis de la Sibérie dès le règne d’Ivan le Terrible, ni à la volonté de synthèse euro-russe de Pierre le Grand, faute de sombrer dans le chaos et surtout dans la récession. Sa présence courageuse en Syrie participe d’une volonté de perpétuer l’héritage de Catherine II qui entendait bien avoir une fenêtre sur la Méditerranée orientale.  

Je défends l’idée d’un eurasisme où aucune des composantes ne serait diabolisée selon les recettes éculées de la russophobie ou des anti-occidentalismes outranciers qui jettent le bébé avec l’eau du bain. Cette idée est effectivement née et s’est concrétisée immédiatement après la Guerre de Sept Ans au 18ième siècle. Suite aux défaites françaises en Amérique du Nord et en Inde, la thalassocratie anglaise jette les bases de sa puissance maritime sur la planète toute entière. En Europe, la France fait la paix avec l’Autriche-Hongrie, jusqu’alors son ennemie héréditaire, et celle-ci est alliée aux Russes de Catherine II dans sa grande offensive contre les Ottomans dans le Caucase, en Ukraine et en Mer Noire. Le futur Louis XVI épouse Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine, mettant un terme à une guerre interminable de plus de trois siècles, commencée sous Charles le Hardi (dit le « Téméraire » en France). La France développe une politique maritime sur sa façade atlantique qui lui permettra, à terme, de damer le pion à l’Angleterre lors de la guerre d’indépendance des Treize Colonies, les futurs Etats-Unis. Mieux : la politique maritime de Louis XVI s’étend au Pacifique, où il avait envoyé La Pérouse. Les Russes explorent également le Pacifique et s’installent dans les Iles Hawaï, en Alaska et jusqu’en Californie où ils auront, longtemps, jusqu’en 1842, une frontière commune avec l’Empire espagnol ! Nous avons donc eu, au 18ième siècle, un eurasisme concret, efficace, progressiste au bon sens du terme. La Révolution française, manigancée depuis Londres, y mettra un terme, inaugurant de longues décennies de misères et de destructions. Le Congrès de Vienne, après la défaite napoléonienne à Waterloo, restitue une sorte d’union eurasiatique de l’Atlantique au Pacifique, sous la forme de la Sainte-Alliance ou « Pentarchie ». Elle ne durera que peu de temps. Les premières lézardes se forment lors de l’indépendance belge, où Français et Britanniques s’allient pour détruire le « Royaume-Uni des Pays-Bas », dont la reine était la sœur du Tsar. La guerre de Crimée mettra un terme définitif à toute coopération pentarchique, enclenchant un processus de russophobie dans le monde anglo-saxon et un processus d’occidentalophobie en Russie, qu’atteste notamment le Journal d’un écrivain de Dostoïevski. Toute vision eurasienne en Europe centrale et occidentale doit être portée par une volonté de restaurer la triple alliance franco-austro-russe du 18ième siècle et les bonnes intentions de la Pentarchie du 19ième. Il faut rejeter conjointement la russophobie et l’hostilité délirante au romano-germanisme, puisque l’idée de Saint-Empire est éminemment traditionnelle et non une idée issue de l’interprétation outrée et délirante de l’idéologie des Lumières par une brochette de crapules avocassières de Paris et de ses environs.   

Duginxcvvbnb.jpgEurope Maxima : Nous sommes un certain nombre à penser qu’un type de néo-eurasisme - celui professé par un Alexandre Douguine par exemple - n’est ni plus ni moins que le cache-sexe d’un nouvel impérialisme russe. Qu’en pensez-vous ? Le fait de critiquer, ou d’émettre des réserves sur la Russie de Vladimir Poutine, envisagée par certains comme la « Troisième Rome », est plus que clivant. Au point de voir apparaître parfois un véritable « reductio  ad atlanto-sionum » et de transformer certains acteurs de l’extrême-droite française en militants antifascistes...

Les deux principes qui doivent guider nos réflexions et nos démarches pragmatiques sont, premièrement, l’idée d’une union indéfectible des trois grands peuples slaves (Grands-Russes, Biélorusses et Ukrainiens), préconisée par Soljénitsyne, et, deuxièmement, l’interdiction de manipuler les peuples ou les Etats de l’ « étranger proche » contre la Russie, contre l’Europe ou contre l’Iran ou l’Inde. Cela passe par une dissolution de l’OTAN, bien évidemment, l’effondrement du système communiste ayant rendu cette alliance militaire centrée sur les Etats-Unis complètement caduque et inutile. C’est là un axiome à ne jamais perdre de vue : toute alliance transatlantique, impliquant l’immixtion de puissances de l’hémisphère occidental, donc de puissances extérieures à l’espace civilisationnel européen et à l’écoumène méditerranéen, ou l’immixtion de puissances historiquement hostiles à la civilisation européenne en tous les syncrétismes qu’elle a présentés au cours de son histoire pluriséculaire, est un danger qui menace notre civilisation en ses fondements les plus profonds car les unes entendent les affaiblir (donc les détruire à petit feu) tandis que les autres entendent les faire disparaître de la scène internationale par la violence djihadiste (ou assimilée).

Selon les principes succinctement énoncés par Leibniz, aucune turbulence retardatrice des synergies et des convergences à l’œuvre sur le territoire des grands pôles civilisationnels européen et chinois ni sur le gigantesque pont russe ou russifié qui les relierait, soit sur toute la masse continentale eurasienne et africaine, ne peut être tolérée si elle va dans un sens souhaité par une puissance extérieure à ces espaces ou si elle abonde dans le sens voulu par des religiosités ou des idéologies hostiles aux syncrétismes féconds des empires d’hier et d’aujourd’hui, et hostiles, je précise, au nom de farfeluteries théologiques ou idéologiques qui se veulent « fondamentalistes », que cela émane des corpus religieux et civilisationnels chrétiens, musulmans ou juifs. Quand ces fondamentalismes farfelus fusionnent, dans des stratégies retardatrices ou porteuses de turbulences inutiles et nuisibles, avec les linéaments dissolvants du néolibéralisme, ils doivent être combattus avec opiniâtreté et vigilance : on pense à la synthèse entre fondamentalisme puritain américain, fondamentalisme djihadiste de toutes moutures et néolibéralisme dans le chef du financier Soros ou encore aux mixtes délétères que sont les « révolutions orange » ou assimilées, théorisées par Gene Sharp au profit du Pentagone.

Créer des foyers de turbulences est l’une des stratégies favorites des thalassocraties qui ne veulent pas que se créent des synergies ou des sphères de coprospérité sur la masse continentale, au-delà des grands océans Atlantique et Pacifique qui délimitent l’hémisphère occidental. Ces foyers sont nombreux : Donbass (et demain la Moldavie), Kosovo, Syrie, conflit israélo-palestinien, Irak, Afghanistan, Birmanie avec les Rohingyas, troubles dans l’isthme birmano-thaïlandais, tiraillements dans la Mer de Chine méridionale, etc. Partout, on voit la main de services liés à l’hyperpuissance de l’hémisphère occidental alliée aux fondamentalismes wahhabites. Toutes les puissances d’Europe et d’Asie doivent s’opposer de concert à la création et l’entretien de telles turbulences : il en va de la survie de toutes les civilisations syncrétiques, de grande profondeur temporelle, qui se sont déployées et installées dans ces vastes régions du monde.

Pour revenir plus précisément à la Russie, où Douguine occupe une place idéologique importante ou dont l’importance est gonflée dans les médias occidentaux, force est d’accepter son analyse qui est partie du constat de la déchéance russe sous Eltsine dans les années 1990. La Russie, pas plus que la France, l’Allemagne et le reste de l’Europe, n’est faite pour le libéralisme des oligarques ou du CAP40 : il est donc nécessaire de faire un pas en retrait (je n’ai pas dit en « arrière » comme l’auraient dit les progressistes néolibéraux…) par rapport aux recettes désormais éculées du libéralisme à l’anglo-saxonne ou à la mode bricolée et imposée à l’Europe après 1945 (je veux désigner ici le libéral-constitutionnalisme « octroyé » disait Hans-Dieter Sander, récemment décédé, ou dit aujourd’hui le politologue allemand Josef Schüsselburner, deux hommes que j’avais traduits du temps des revues Vouloir et Nouvelles de Synergies européennes).

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On parle désormais de « démocraties illibérales » pour fustiger, dans les médias dominants, ces « pas en retrait » que l’on peut observer dans des pays comme la Pologne (en dépit de son alliance ferme avec la grande thalassocratie d’Outre-Atlantique), en Hongrie avec Orbàn et, bien sûr, en Russie avec Poutine. Ce pas en retrait doit impérativement être fait face à toutes les folies sociétales qui tourneboulent les démocraties et les sociétés qui ne veulent pas franchir le pas vers cet « illibéralisme » salvateur et rééquilibrant. A cela doit s’ajouter, si le « libéralisme » persiste à être confondu avec les délires néolibéraux en vogue depuis Thatcher et Reagan, une ferme intention de revenir au moins au capitalisme rhénan (explicité dans les années 1990 par Michel Albert) ou au capitalisme patrimonial ou à l’ordo-libéralisme, avec un rejet sans ambigüité du capitalisme spéculateur et manchestérien et un retour définitif à diverses formes de planisme (comme au temps du gaullisme des années 1960) ou aux pratiques de l’économie dite de la « régulation ». En gros, nous devons opérer un retour aux économies dites « hétérodoxes », qui tiennent toutes bien compte des contextes géographiques et historiques des zones qu’elles sont appelées à gérer.

C’est l’illibéralisme des positions de Poutine qui fait sa force, les Russes sachant instinctivement que les délires sociétaux de l’américanosphère occidentale ou que le libéralisme des oligarques ne peuvent qu’apporter des malheurs, même si cette posture politique, éminemment politique, ne leur procure, pour l’instant, qu’un développement socio-économique moins spectaculaire au niveau des ménages qu’en Europe, où pourtant, la récession se fait cruellement sentir, notamment dans la France dite « d’en-bas » (cf. Christophe Guilluy), une récession affligeante que les médias ne cessent de dissimuler derrière leurs écrans de fumée idéologiquement corrects. En ce sens, la Russie est sans doute la « Troisième Rome » de notre époque, celle de l’illibéralisme appuyé par son église orthodoxe, aussi et surtout parce que l’UE, profondément dévoyée, ne veut plus être la réincarnation de la « Première Rome », germanisée à partir de 955, suite à la bataille de Lechfeld, emportée par l’Empereur Othon I.

En évoquant la réduction à l’ « atlanto-sionisme » et la mutation de certains nationalistes en anti-fascistes, vous voulez sûrement parler de la nouvelle question ukrainienne qui agite les milieux européistes illibéraux, où les uns prennent parti pour les combattants pro-russes du Donbass et les autres pour les militants du bataillon « Azov ». Personnellement, je ne veux pas de querelles et d’affrontements sur le territoire de l’Ukraine ni dans la région du Caucase : de tels affrontements ne font que le jeu des puissances de l’hémisphère occidental qui enrayent de la sorte les communications entre l’espace russo-sibérien, le Caucase, l’Iran, l’Inde et la Chine. Aucun frein aux communications ne peut avoir lieu en ces zones-là de notre propre « étranger proche » (qui est aussi celui des Russes). L’ « atlanto-sionisme » des polémistes que vous évoquez n’est pas une sorte de croquemitaine métaphysique mais est bel et bien, pour moi, l’hyperpuissance dont l’Etat profond est marqué par l’idéologie iconoclaste, puritaine et bibliste, née dans les années 1560 dans la région de Valenciennes et de Maubeuge, qui a déclenché une vague de vandalisme délirant en Flandre et en Hollande, avant de passer en Angleterre puis, avec l’exil des pèlerins du Mayflower, aux futurs Etats-Unis. L’Etat profond, c’est cela, c’est cette identification à un message biblique complètement artificiel, étranger même aux vieilles communautés juives, message qui forme la texture intime de l’Etat profond américain qui a dominé la planète sans partage depuis 1945 et qui est challengé uniquement par la Chine depuis une quinzaine d’années. Ni les combattants du Donbass, partagés entre paléo-communistes et nationalistes orthodoxes, ni les militants du bataillon Azov n’entendent, me semble-t-il, partager l’idéologie anti-syncrétique des biblistes américains, des télé-évangélistes puritains, des chrétiens sionistes (plus nombreux que tous les sionistes et juifs des Etats-Unis !) ou des néo-sionistes israéliens (dénoncés avec pertinence par les universitaires post-sionistes de l’Etat hébreu, dont on ne lit pas assez les thèses dans les milieux métapolitiques que nous suivons ou apprécions). Ce qui est navrant, c’est que douguinistes virulents et azovistes zélés communient conjointement dans le culte de la révolution conservatrice allemande des années 1920, citent et traduisent Arthur Moeller van den Bruck, Ernst Jünger, Oswald Spengler et Martin Heidegger sans se rendre compte que tous ces grands penseurs, dont on ne cesse de potasser les œuvres tant elles sont pertinentes et pérennes, percevaient, sans hésitation, l’américanisme, en tant que forme outrancière du modernisme, comme le plus grand danger qui guettait l’humanité. Leurs lectures communes devraient plutôt les inciter à former un front commun ! Je crains qu’en Ukraine et au Donbass, et par ricochet en Russie, on ne soit en train de reproduire sans aucune adaptation nécessaire, des formes désuètes ou démonétisées du passé : d’un côté, il y a exaltation des formes propres au Troisième Reich allemand, de l’autre, retour aux formes complètement anachroniques du communisme soviétique, y compris dans les commémorations officielles de la Fédération de Russie, alors que le ministre russe des affaires étrangère Sergueï Lavrov pratique une diplomatie parfaitement traditionnelle après que les Américains ont rejeté explicitement la pratique de la diplomatie, décriée comme une vieillerie propre à la « Vieille Europe » franco-allemande. Il y a donc un hiatus sérieux à déplorer entre une pratique diplomatique, traditionnelle et vénérable, qu’il convient de « re-planétariser », et des nostalgies ridicules qui permettent d’orchestrer une propagande antirusse, sur la base d’un vieil antisoviétisme anachronique mais remis au goût du jour, en Europe de l’Est, notamment en Pologne et dans la partie de l’Ukraine qui est marquée par l’église uniate. Ce folklore soviétique, stupidement réactivé à l’ère postsoviétique, a les mêmes effets qu’aurait, en Pologne, en France ou en Tchéquie, la réactivation des défilés allemands des années 1930 dans l’Allemagne de Merkel ! Le retour à des formes passées mais non traditionnelles est inutile et contreproductif.

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Enfin, je repense avec tristesse à tous les efforts qu’avait entrepris un écrivain comme Wolfgang Strauss, un ancien interné du goulag de Vorkhuta, pour réconcilier, dans une perspective populiste et organique, les Allemands, les Russes et les Ukrainiens : sa pensée s’alignait sur celle de Soljénitsyne et pouvait être qualifiée de « folciste », de « néo-slavophile » ou de « néo-narodnikiste ».     

Europe Maxima : Dans le dernier tome « L’Europe, un balcon sur le monde » vous ouvrez la perspective européenne sur le reste du monde. Il fut un temps où l’Europe dominait le globe. Dorénavant on pourrait presque dire l’inverse. La multipolarité est-elle vraiment un avantage pour l’Europe ? L’opposition Nord/Sud n’est pas pour autant caduque...

Ne nous faisons pas d’illusions : la domination véritable de l’Europe sur le reste du monde n’a été que de courte durée. Je dirais qu’elle a duré de l’installation des Anglais à Aden jusqu’à leur départ des Indes en 1947. Soit à peu près 124 ans, le huitième d’un millénaire. Jusqu’à la mainmise totale des Anglais sur les Indes en 1847, année où Victoria devient « Impératrice », les grands pôles économiques de la planète sont l’Inde et la Chine, qui valent à elles deux plus de 35% de l’économie mondiale. Le 19ième siècle voit le triomphe, en Europe, d’une révolution industrielle basée sur le charbon et l’acier, puis, dans la première décennie du 20ième, sur le pétrole, qui sera d’abord américain, caucasien (donc russe) ensuite, puis, finalement moyen-oriental (iranien et arabe-saoudien). Nous assistons à un ressac économique de l’Europe, malheureusement accompagné d’un déclin moral sans précédent, qui fait de nous la risée de la planète : libéraux, soixante-huitards, maniaques du sociétal et du gendérisme contribuent à rendre ce qui reste de notre civilisation complètement ridicule et aberrant. Bon nombre de peuples non européens rejettent à juste titre ce pandémonium et nous couvrent de leur mépris : la haine du Blanc est aussi (mais pas seulement) la haine envers un homme qui a profondément et ridiculement dégénéré, ce que l’on n’attendait pas du tout de lui, à qui on reproche désormais de nier les assises du réel social, biologique, ontologique. Certes la haine due au ressentiment, à un sentiment d’infériorité mal placé, existe aussi mais elle n’osait pas, jusqu’ici, s’exprimer avec la même frénésie. Le déclin de l’Europe est bien sûr tributaire des effets désastreux des deux guerres mondiales, avec les épouvantables saignées qui en ont découlé et que l’on repère dans une France qui a dû faire appel très tôt à des immigrations non européennes, dans une Allemagne où le ressac démographique atteint des proportions très inquiétantes, dans une Russie qui ne s’est jamais vraiment remise des pertes humaines du communisme et de la guerre de 1941-1945. Moralement, nous assistons à une implosion de la civilisation européenne : Paul Valéry, Thomas Mann (dans La montagne magique), Christopher Isherwood (qui a décrit le Berlin décadent sous la République de Weimar) et bien d’autres encore ont observé les premiers balbutiements de cet effondrement. Après la seconde guerre mondiale, les services américains vont induire, par les médias, le cinéma, certaines revues, une junk culture décadente, dans le but à peine dissimulé était d’affaiblir l’Europe et de l’empêcher à jamais de retrouver ses lustres d’antan. Ce travail de sape va s’effectuer sur deux tableaux : d’une part, une culture de frivolités et de distraction totale pour empêcher élites et classes populaires d’avoir une pensée véritablement politique, au service de la Cité et du long terme, et d’autre part, une culture de la culpabilité et de la repentance pour empêcher ces mêmes catégories sociales de poursuivre la trajectoire éternelle de leur histoire propre, en les amenant à juger celle-ci toujours imparfaite et toujours criminelle.

sjjc.jpgLa multipolarité est, dans ce cadre, une revendication d’autonomie de la part d’autres grandes puissances ou de quelques puissances régionales dites émergeantes, aujourd’hui essentiellement russe et chinoise (puisque l’Europe est hors du jeu sous la double chape de cette junk culture et de cette culture de la repentance). Cette revendication d’autonomie conteste aux Etats-Unis le droit de gérer seuls la planète et de promouvoir uniquement leur ordre du jour dans les affaires de tous les continents. A terme, cette revendication de multipolarité, à laquelle l’Europe devrait participer, vise la juxtaposition pacifique d’entités s’assimilant à des empires ou des « grands espaces » selon la conception de Carl Schmitt, lequel définissait, tout comme son disciple Bernhard Willms, le monde comme un pluriversum et non un universum, ainsi que le voulait le Président presbytérien Woodrow Wilson, l’homme politique américain dont Schmitt a toujours vivement contesté les visions et cela, dès le début de son itinéraire intellectuel, dès les années 1920.

Quand vous parlez de la résilience de « l’opposition Nord/Sud », je suppose que vous évoquez le terrible problème des immigrations africaines en Europe, accentué davantage encore depuis l’effondrement total de la Libye du Colonel Khadafi, suite aux prises de décision les plus calamiteuses de l’histoire récente, notamment dans le chef du Président bling-bling Nicolas Sarközy. Cette « opposition », comme vous dites, doit être regardée sous deux angles : 1) elle est possible uniquement parce que l’installation de tous les migrants imaginables est désormais possible et financièrement avantageuse pour eux, sans que ne soit pratiquée une discrimination positive et qualitative à l’égard de ces migrants, et sans une évaluation objective, et très stricte, de l’utilité sociale de cette installation massive. Un filtrage restrictif serait utile, justement sur base de la possible utilité sociale que pourrait éventuellement revêtir le migrant. Toute installation sauvage, comme cela se passe aujourd’hui, est à proscrire ; 2) la politique des portes ouvertes, préconisée par les médias dominants, les bonnes consciences (que Hegel appelait les « belles âmes » dans des textes incisifs que l’on ferait bien de relire, surtout à gauche de l’échiquier politique conventionnel), est ni plus ni moins qu’un instrument des réseaux dominés par Washington pour noyer l’Europe dans une population qui ne dépend, finalement, que des allocations sociales, généreusement distribuées depuis les « Trente Glorieuses », devenues bien vite les « Quarante Piteuses ». Comme on l’observe dans l’Allemagne de Merkel depuis 2015, quand les portes se sont ouvertes toutes grandes aux flots de migrants en provenance de partout et de nulle part, le magnifique édifice du système allemand de sécurité sociale s’est lézardé dangereusement, avec un nombre croissant et finalement assez impressionnant d’Allemands, surtout des retraités ou des jeunes ménages (ce qui est très grave démographiquement parlant), qui plongent tous dans une effrayante précarité. En France, cet afflux massif, sans réelle utilité sociale, empêche les pouvoirs publics de s’occuper des régions périphériques, qui plongent dans une récession très inquiétante. On reste pantois en constatant que les partis politiques dominants, sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens, oeuvrent aujourd’hui à détruire totalement les systèmes de sécurité sociale qu’ils ont édifiés jadis, à la suite de longs combats, menés par des militants socialistes ou jocistes exemplaires, dont le travail est allègrement trahi et dont les bénéficiaires potentiels sont grugés sans vergogne.

Sans même mentionner les budgets démesurés que les pays européens vont devoir consacrer au maintien de l’ordre dans leurs villes suite à ces immigrations incontrôlées, celles-ci entraîneront un gonflement démesuré des frais sociaux, des allocations familiales et de substitution et des nouveaux logements sociaux à construire en lisière des grandes villes. Donc ces migrations, socialement et économiquement inutiles, même si elles ont été tolérées au départ par les principes généreux des socialistes et des jocistes, ont pour but politique, non pas d’assimiler des populations africaines, moyennes-orientales ou autres, au nom d’un eudémonisme éclairé ou caritatif, mais de lester les budgets des Etats européens afin qu’ils n’investissent plus dans un enseignement de qualité, dans la recherche et le développement en hautes technologies (satellites, nanotechnologie, avionique de pointe, télécommunications, etc.) et surtout pour qu’ils ne développent plus leurs forces armées, dont les budgets et les effectifs sont, en effet, constamment réduits. Nous déboucherons alors très vite, si ce n’est déjà fait, sur la ruine de l’Etat napoléonien ou clausewitzien ou encore gaullien, bâti sur le principe romain du Si vis pacem, para bellum. Et sur la ruine de l’Etat-Providence, construit par les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates, depuis la deuxième internationale et depuis l’encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII.

Les médias, qui, en bout de course, finissent toujours par reprendre des mots d’ordre préalablement lancés par des officines médiatiques américaines, habilement téléguidées par les services spéciaux, favorisent cette immigration massive et inutile, non pas pour pratiquer une politique d’assimilation ou pour concrétiser un programme charitable basé sur l’importante vertu éthique et politique qu’est la générosité, mais pour torpiller tous projets européens dans les domaines cruciaux que sont le développement technologique et les forces armées. A cause des budgets nationaux déséquilibrés par l’hypertrophie subite et inattendue du social, les investissements impératifs, pour toute entité politique vivante, sont impossibles à réaliser. Le mixte idéologique, couplant gauchisme sociétal et néolibéralisme, et les immigrations massives sont des armes de quatrième génération pour paralyser le seul « grand espace » qui pourrait réellement défier Washington en tant qu’unique superpuissance, soit en s’autonomisant soit en forgeant des alliances conditionnelles avec des puissances petites et grandes de son environnement eurasien immédiat.  

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Europe Maxima : La Chine pèse dorénavant dans l’équation économico-politique mondiale. Où la situeriez-vous parmi les forces en présence ?

La Chine, qu’on le veuille ou non, qu’on le déplore ou non, constitue aujourd’hui un modèle intéressant à observer sinon à imiter. On dit, notamment en Allemagne avec le sinologue Aust, qu’elle doit sa renaissance à la réactivation des principes de Confucius, après la parenthèse communiste et maoïste. Cette affirmation est évidemment exacte, Confucius, d’après la thèse de Karl Jaspers sur les « périodes axiales de l’histoire », étant l’un de ces indépassables fondateurs de valeurs créatrices et consolidatrices de civilisations, qui ont émergé entre le septième et le cinquième siècles avant l’ère chrétienne en Chine, en Inde, en Iran, en Palestine juive et en Grèce. Confucius a joué en Chine un rôle similaire à celui d’Aristote dans l’orbe hellénique, en proposant une vision réaliste et pragmatique des choses politiques, des res publicae. Yvan Blot a raison de nous rappeler, très souvent, que la lecture des œuvres d’Aristote est un impératif d’hygiène intellectuelle, surtout celles qui sont relatives à la politique et à l’éthique (dont l’indispensable Ethique de Nicomaque). Une Chine qui opère un retour aussi net à Confucius devrait être flanquée d’une Europe qui retournerait sans détours inutiles à la Politique d’Aristote et à son Ethique de Nicomaque. Car, il y a, pour notre sous-continent, la nécessité urgente de revenir aux humanités classiques, battues en brèche depuis l’avènement calamiteux des biblismes iconoclastes au 16ième siècle, qui ont été, avant tout, une révolte, profondément imbécile, contre le retour aux racines préchrétiennes de l’Europe grecque et latine. La Renaissance n’est pas autre chose que ce retour. Cet iconoclasme imbécile constitue la base première, la source idéologique initiale, de l’Etat profond américain et des hystéries destructrices du wahhabisme saoudien. Les adversaires principaux et secondaires de l’Europe classique s’articulent sur un dispositif idéologico-théologique qui cultive l’intention bien arrêtée de détruire tous les acquis de civilisation antérieurs à l’avènement de leurs faux prophétismes.

Dans un tel contexte, la Chine, le Japon, l’Inde hindouïste (rassemblée derrière les étendards du BJP), constituent tous trois de puissants môles de résistance à toutes les théologies hostiles aux valeurs ancrées dans la profondeur temporelle ainsi qu’aux idéologies modernistes éradicatrices, en dépit de la terrifiante parenthèse communiste que la Chine a connue. Ces trois pôles non abrahamiques peuvent nous aider à nous débarrasser de toutes les scories théologiques et idéologiques qui se sont malheureusement incrustées dans notre psyché depuis les catastrophes du 16ième siècle et des guerres de religion en Europe occidentale et depuis les révolutions jacobines et communistes, qui se prétendaient « éclairées », pour mieux plonger l’Europe dans la confusion et dans l’horreur. De même, les principes confucéens, shintoïstes et védiques qui animent la Chine, le Japon et l’Inde actuels peuvent parfaitement constituer des antidotes à la piètre mixture de soixante-huitardisme, de néolibéralisme et de gendérisme qui immerge nos sociétés occidentales dans la bouffonnerie la plus abjecte.

Enfin, si la Chine de Xi Jinping est à nouveau confucéenne, elle est aussi inspirée par des théoriciens de la politique et de l’économie qui sont purement européens. Après les guerres de l’opium, menées par le Royaume-Uni et la France contre la Chine impériale dans la première moitié du 19ième siècle, le Céleste Empire a connu un siècle de honte et d’humiliation, qu’il n’est pas prêt d’oublier. Marx a eu des disciples qui ont donné mauvaise réputation à son œuvre, dont les protagonistes de la « révolution culturelle » dans la Chine maoïste et la fameuse « Bande des Quatre ». Le 19ième siècle allemand a toutefois révélé un autre penseur politique, bien plus important, et dont les retombées pratiques ont toutes été positives et incontournables. Je veux parler de Friedrich List, théoricien du développement économique et infrastructurel des nations, surtout celles qui étaient sur la voie d’un développement. List a préconisé le développement de la Zollunion allemande par la création d’un système de douane particulier et par la création de voies de communication ferroviaires. Tout à la fois sujet prussien et citoyen américain, List a préconisé le creusement de canaux entre les Grands Lacs du continent nord-américain et la côte atlantique pour acheminer vers les ports le surplus de blé cultivé dans le Wheat Belt, de même, il a proposé de relier par chemins de fer l’Atlantique au Pacifique, donnant aux Etats-Unis la puissance démultipliée que donne toute forme de bi-océanité. En France, il a proposé la « colonisation intérieure » du territoire. Ses idées n’ont pas manqué de séduire les mandarins clairvoyants qui entendaient sortir au plus vite du siècle de honte, imposé surtout par les Anglais. Les Républicains chinois, qui arriveront au pouvoir à Pékin en 1911, ont eu des ministres et des hauts fonctionnaires qui avaient retenu la leçon de List. L’idée actuelle des routes de la Soie est bel et bien un avatar contemporain de la pensée de List et de ses disciples chinois. Un projet listien pour le 21ième siècle !

Certes, le phénomène connexe au néolibéralisme qu’est la délocalisation des petites industries, dont les industries textiles et du jouet, par exemple, est un expédient qui a favorisé la montée de la Chine au détriment de notre petit tissu industriel localisé et disséminé sur l’ensemble de nos territoires nationaux. Si nous devons applaudir la Chine de Xi Jinping aujourd’hui, c’est pour le projet des routes de la Soie. Si nous devons nous en méfier, c’est parce que nous devons absolument reconstituer chez nous notre petite industrie qui a été délocalisée à cause des élucubrations des théoriciens irréalistes du néolibéralisme.   

Europe Maxima : Que pensez-vous du réveil de l’islam ? Adhérez-vous à la thèse du choc des civilisations ou avons-nous affaire, en fait, à une instrumentalisation des franges radicales de l’islam par certaines officines occultes ?

Je ne pense pas que l’hystérie fondamentaliste qui agite le monde islamique aujourd’hui soit un « réveil ». C’est une crise, un cri de colère face à une incapacité fondamentale et phénoménale de participer aux synergies fécondes des autres civilisations. Cette incapacité n’est pas un propre à la civilisation islamique puisque celle-ci, grâce à d’habiles et ingénieux syncrétismes, a pu, à certains moments-clés de l’histoire, atteindre des niveaux d’excellence incontestable et développer ce que d’aucuns nomment, un peu abusivement, des « Lumières » musulmanes (Islamic Enlightenment). Le terme est abusif car on ne peut transposer des phénomènes euro-occidentaux comme le moyen-âge ou les Lumières dans des contextes civilisationnels différents. C’est là une importante leçon que nous ont léguée Oswald Spengler et son disciple tunisien Hichem Djaït. S’il n’y a pas eu de phénomènes entièrement assimilables aux Lumières ouest-européennes dans les autres civilisations, dont l’islam, il y a eu, en revanche, des syncrétismes féconds, là-bas, qui ont donné des résultats positifs qui doivent être étudiés, analysés et imités, si cela s’avère utile. Or, les fondamentalismes wahhabites et salafistes qui font rage aujourd’hui dans le monde musulman et ont plongé la Syrie dans une horreur qu’elle ne méritait vraiment pas, rejettent avec véhémence les syncrétismes qui ont fait la gloire de bon nombre de phénomènes civilisationnels musulmanisés. Ce rejet sanctionne simultanément l’incapacité à se brancher sur d’autres excellences civilisationnelles et à se nourrir des acquis concrets d’autrui. Reproche que l’on peut évidemment adresser au fondamentalisme américain, incapable de reconnaître de l’excellence en dehors de ses messages étriqués.

La vigueur des syncrétismes ne se vérifie pas seulement dans certaines phases de l’histoire de la civilisation islamique. Elle se vérifie également dans notre propre civilisation. La chevalerie européenne, qui fut vectrice de progrès organisationnels, notamment dans le chef des ordres hospitaliers, est un syncrétisme romano-germano-sarmate christianisé. Le thomisme est un syncrétisme helléno-chrétien qui restitue à Aristote toute la place qu’il doit avoir dans les vastes cités politiques, qu’elles soient nôtres ou autres (mais alors sous d’autres oripeaux, dont les oripeaux confucéens). En islam, il y a eu des syncrétismes irano-islamiques ou aristotélo-islamiques : ceux précisément que les fondamentalismes salafistes veulent détruire de fond en comble aujourd’hui, tout en étant ouvertement ou secrètement alliés au puritanisme de l’Etat profond américain, désireux, lui, de détruire les racines vives de la civilisation européenne.   

Europe Maxima : Nous serons d’accord que l’Europe ne pourra jamais incarner une troisième voie autonome tant qu’elle sera inféodée au bloc occidental. Comment pourrions-nous nous émanciper de cette tutelle ?

Est-il encore opportun de parler de « Troisième Voie » ? On en parlait, du temps où se dressaient le Rideau de Fer et le Mur de Berlin, séparant une orbe capitaliste d’un orbe où régnait le communisme. La « Troisième Voie » voulait biffer les aspérités du communisme, tout en proposant un socialisme solidariste et en cherchant à réduire les excès du capitalisme en régulant « corporativement » les instances productrices de l’économie, selon les théories suggérées par Proudhon, De Man, de Mun, Sorel, etc. Aujourd’hui, le communisme est mort. Il n’y a plus que le capitalisme sous le signe extrême du néolibéralisme qui soit en piste en Europe, face à des « grands espaces » ou de petits pays qui optent parfois pour l’illibéralisme, en désirant gommer les aspects les plus déplaisants du néolibéralisme, les dérives folles du sociétal et les affres incapacitants de la repentance perpétuelle. La « Troisième Voie » d’hier est aujourd’hui une « Deuxième Voie », plurielle et contextualisée, en révolte contre la volonté frénétique de vouloir tout universaliser. Les pays illibéraux adhèrent partiellement à cette « Deuxième Voie » alternative, en refusant l’alignement sur la pensée unique propagée par la superpuissance thalassocratique dominante, qui ne veut qu’un seul modèle économique, celui du néolibéralisme. L’objectif est d’infléchir l’illibéralisme, réaction partielle et incomplète, vers une alternative plus radicale, dans le sens où l’adjectif qualificatif « radical » ne doit pas être confondu avec le qualificatif/substantif « extrémiste » car il indique une volonté de retour à ce qui relève des racines donc des profondeurs (temporelles et telluriques) de toute histoire particulière. La « Deuxième Voie » n’est pas aujourd’hui un corpus tout fait mais un corpus en gestation et en devenir qui vise l’érosion de toutes les pesanteurs, et demain de toutes les traces, de la « Première Voie » dominante. Dilthey, penseur allemand du 19ième, disait que l’on ne pouvait définir que les formes mortes et que l’on ne pouvait jamais définir ce qui était vivant, en marche, en devenir. Une des faiblesses de notre mouvance métapolitique est de ne pas avoir suffisamment étudié les méthodes de Dilthey, héritier de Herder, précurseur de Spengler et de toutes les pensées organicistes du 20ième siècle, au-delà même des excellences de la « révolution conservatrice » allemande dont bon nombre d’entre nous se posent comme les seuls héritiers.

Etre inféodé au bloc occidental dominé par les Etats-Unis, c’est être inféodé à une puissance qui veut notre affaiblissement perpétuel comme l’explique aujourd’hui, en Espagne, la Colonel Pedro Banos. Peut-on raisonnablement vouloir son affaiblissement perpétuel ? Sa déchéance ? Non, bien sûr. Seuls les fous veulent un tel état de choses (et ils sont hélas fort nombreux aujourd’hui au sein même de nos Etats…). Pour se dégager de cette inféodation, un front du refus est nécessaire, articulé entre tous les Européens au-delà des frontières étatiques et linguistiques. Ce front du refus, ce front de la rétivité générale comme j’ai déjà eu l’occasion de l’appeler, est une œuvre métapolitique d’envergure à laquelle pas un seul combattant métapolitique ne peut se soustraire : elle peut se décliner sous de multiples formes, par exemple, en proposant par la parole et l’écrit une géopolitique alternative, en luttant de toutes les manières possibles et imaginables contre la fameuse junk culture, dénoncée par l’Américaine Suzanne Jacoby, en revalorisant tout ce qui est vernaculaire contre les habitudes universalistes de consommation alimentaire, de consommation culturelle, en boycottant systématiquement tous les produits venus d’Outre-Atlantique (portables, voitures, ordinateurs, loisirs, boissons, parcs d’attraction ...), en s’insurgeant contre les fusions industrielles et financières qui livrent des entreprises historiquement européennes à des cartels américains, en luttant contre toutes les injustices socio-économiques qu’entraîne le néolibéralisme, en revalorisant les héritages classiques européens dans l’enseignement et en littérature, en philosophie, en art. Il va de soi qu’il convient de militer, comme militaient les mouvements communistes des années 1950 jusqu’à l’affaire des missiles en Allemagne entre 1979 et 1982, contre l’OTAN, contre la participation de nos Etats aux opérations de l’OTAN, contre l’expansion de cette alliance contraire à nos intérêts, contre la présence de puissances non européennes dans cette organisation. En France, cela signifie un retour à la politique gaullienne de non inféodation. En Suisse, en Autriche, en Suède et en Finlande, cela signifie une volonté de demeurer des Etats neutres, non alignés. Le travail nécessaire pour se dégager de cette inféodation, qui nous mène à une mort lente mais en phase d’accélération rapide et de plus en plus imminente, est le plus important qui soit, le plus ample à parfaire.

(réponses formulées à El Campello/Alicante, avril 2018).