« DE L'INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS » de Jared DIAMOND
par Pierre MARCOWICH
ex: http://www.oswald-spengler-le-retour.net/
Dans son ouvrage, « DE L’INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS », Jared DIAMOND se donne pour ambition de nous faire découvrir les facteurs permanents qui auraient, selon lui, déterminé, comme une loi d’airain, l’évolution des sociétés humaines depuis la fin de la dernière glaciation jusqu’à nos jours, ce qui représente une période de 13.000 ans. (1)
Je précise tout d’abord qu’en utilisant l’expression de « loi d’airain » qui aurait pesé sur l’évolution des sociétés humaines depuis la Néolithique, je suis fidèle à l’esprit de l’auteur qui a d’ailleurs voulu affirmer sa thèse dans le titre même de son ouvrage.
En effet, le titre de l’ouvrage en anglais est nettement plus explicite que celui en français : « GUNS, GERMS, AND STEEL, THE FATES OF HUMANS SOCIETIES », titre qui se traduit en français de la façon suivante :
Canons, microbes, et acier, les Parques des Sociétés humaines. Selon le WEBSTER’S DICTIONARY, le mot "The Fates", repris du latin, signifie en anglais "Les Parques", divinités romaines qui décident de manière inflexible et impitoyable le destin de chaque homme. (2)
L'analogie est évidente, puisque l'auteur évoque trois phénomènes bruts désignés par l'auteur comme agents implacables du destin des sociétés depuis 13.000 ans.
C’est un titre à la Jean-Jacques ROUSSEAU avec son "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" (1755) que le traducteur (ou l’éditeur) a préféré octroyer à l’ouvrage de Jared DIAMOND dont le titre est devenu « De l’inégalité des sociétés », Est-ce dans le but d’atteindre, avec le maximum d’efficacité, un public portée sur les questions philosophiques ?
Comme il le confie lui-même, dans son ouvrage, Jared DIAMOND, docteur en physiologie, est un spécialiste de l’évolution biologiques des oiseaux qu’il a étudiés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Australie et en Amérique du sud. Dans le même temps, ses séjours lui permirent de se familiariser avec « maintes sociétés humaines technologiquement primitives » (page 34).
La problématique telle que la pose Jared DIAMOND
Jared DIAMOND formule la problématique de l’évolution historique des sociétés humaines depuis la fin du dernier âge glaciaire, il y a 13.000 ans, par l’énonciation suivante :
« Certaines parties du monde ont créé des sociétés développées fondées sur l’alphabétisation et l’usage d’outil métalliques, d’autres ont formé des sociétés uniquement agricoles et non alphabétisées, et d’autres encore sont restées des sociétés de chasseurs et de cueilleurs avec des outils de pierre. » (page 11)
De cette situation, affirme Jared DIAMOND, découle, depuis 13.000 ans, une inégalité entre les sociétés humaines, qui fait que les premières ont conquis ou exterminés les deux autres.
Il convient de remarquer qu’il ressort de l’énoncé de Jared DIAMOND, que, selon lui, ce ne sont pas les hommes qui « créent » les « sociétés », mais certaines « parties du monde », c’est à dire des zones géographiques, autrement dit la nature (la terre, l’eau, le climat, les montagnes, la mer). Il découle de l’énoncé de Jared DIAMOND que la nature aurait la « volonté » de prendre la décision de créer les sociétés. On croit lire l’entrée en matière d’une sorte de nouvelle Génèse, matérialiste, où la nature remplacerait le Dieu de l’ancienne Bible.
Bien sûr, le lecteur comprend ce que, malgré la faiblesse de son expression, Jared DIAMOND veut dire : selon lui, la matière, comprise uniquement comme phénomène concret, palpable, visible, se trouve être à l’origine de toute formation sociale.
De plus, prétendre que d’autres parties du monde ont formé « des sociétés uniquement agricoles » est tout aussi aberrant, car toutes les « sociétés développées » sont passées, elles aussi, par le stade agricole pour s’urbaniser par la suite, outre qu’il paraît hasardeux de qualifier de « société » un clan de la préhistoire (biologiquement homogène) vivant de chasse et de cueillette.
Ce manque de rigueur est frappant chez une personne qui se présente comme un scientifique de haut niveau.
Quant à la prétendue « alphabétisation » des sociétés développées, ce n’est qu’un phénomène relativement récent dans les sociétés développées. Je préfère y voir une erreur du traducteur qui a confondu alphabétisme (système d’écriture composé de lettres) avec alphabétisation (enseigner la lecture et l’écriture aux analphabètes).
En réalité, la vraie question que se pose Jared DIAMOND tout au long de son ouvrage, de la première page jusqu’à la dernière page, est celle-ci :
« Pourquoi, (..), ce sont les sociétés européennes, plutôt que celle du Croissant fertile, de la Chine qui ont colonisé l’Amérique et l’Australie ? ». (page 614)
Car, la situation de domination sur le monde exercée par l’Europe, depuis le 15ème siècle, semble beaucoup chagriner Jared DIAMOND.
Jared DIAMOND ne veut voir dans cette domination que l’effet du hasard, provoqué par des phénomènes uniquement matériels, d’ailleurs venus de l’Asie du Sud-Est, de sorte que, selon lui, les Européens n’ont aucun mérite d’avoir créé des sociétés développées. Briser la superbe de cette Europe (État-Unis compris, où il vit), tel est l’objectif de son livre. Par quel moyen ? Pour Jared DIAMOND, l’Histoire doit devenir une science, s’inspirant de sciences comme « la génétique, la biologie moléculaire et la biogéographie appliquée aux cultures* et à leurs ancêtres sauvages* » (page 32). [Attention, il s’agit ici des cultures céréalières ou légumières et de leurs ancêtres sauvages]
La thèse de Jared DIAMOND
Pour Jared DIAMOND, les sociétés qui bénéficient des milieux les plus favorables pour son alimentation seront à même de supplanter et d’exterminer les autres moins favorisées vivant sur des terres plus ingrates.Selon Jared DIAMOND, tout, à la base, est une question d’alimentation.
Ainsi, pour qu’une société soit « supérieure » à d'autres sociétés, il est nécessaire qu’elle dispose :
- d’une installation sur des terres où la nature se montrerait prolifique et généreuse en céréales sauvages ;
- de la meilleures combinaison d’un certain nombre de cultures agricoles : céréales et de plantes légumières à forte concentration de protéines qui auront, au préalable, été domestiquées ;
- du plus grand nombre d’animaux domesticables de toute taille pour son alimentation, dont pourtant certains doivent être assez robustes et d’une taille assez importante pour qu’ils soient capables de transporter la production agricole, et bien sûr, aussi le matériel de guerre et les troupes ;
- d’une localisation géographique parfaite permettant à la société de bénéficier par simple diffusion des innovations culturelles (écriture), culturales (agricultures) et technologiques réalisées par d’autres sociétés ;
La meilleure alimentation et la réception rapide de ces innovations venues de l’extérieur permettra à la société de passer rapidement du stade de l’âge de pierre à l’âge de bronze puis à celui du fer, qui seront d’une grande utilité non seulement pour la production agricole, mais aussi et surtout pour la fabrication des armes de guerres (fusils, canons, épées, etc.).
En outre, l’élevage du bétail provoquera de graves maladies dans la population qui le pratique. Mais, au cours des siècles, cette population en sera finalement immunisée par l’habitude. Par contre, lorsque cette société envahira d’autres sociétés pratiquant moins ou pas tout l’élevage du bétail, ces maladies provoqueront des hécatombes dans les sociétés envahies. Par conséquent, nous dit Jared DIAMOND, l’élevage du bétail, ou du moins les microbes qui en sont la conséquences, constitue une arme de guerre. Je rappelle le titre originel anglais de l’ouvrage « canon, microbes et acier, les Parques, etc.).
Si elle est en possession de ces atouts, ladite société est, selon Jared DIAMOND, mécaniquement assurés du succès, à savoir conquérir d’autres sociétés. C’est le miracle de la méthode d’analyse causale, d’après laquelle chaque phénomène est obligatoirement l’effet du phénomène précédent et la cause du phénomène suivant.
Jared DIAMOND constate que, sur ce plan, c’est l’Asie qui a été privilégiée, en particulier, le Croissant fertile (Proche-Orient) où sont d’ailleurs nées les premières civilisations (Chine, Summer, Égypte, Arabe). Ce sont, selon Jared DIAMOND, les sociétés préhistoriques de cette régions qui vont conquérir les autres sociétés. Remarquons, au passage, qu’il oublie l’Inde.
Autre objection : chacun sait que c’est l’Europe qui, dans la période historique, va conquérir l’Afrique, l’Australie, l’Océanie, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Antartique, etc. Jared DIAMOND est conscient de cette contradiction : sa théorie ne colle pas avec les faits historiques. Qu’à cela ne tienne, il « invente » un nouvelle aire géographique, homogène selon lui, l’Eurasie, englobant à la fois l’Europe et l’Asie. Dans cette Eurasie, la région Europe aurait pratiquement tout reçu de l’Asie, en cultures céréalières, en animaux domestiques, en métaux, poudre à canon, de telle sorte que, quels que soient par la suite les progrès techniques, intellectuelles qu'elle réalisera, l'Europe n’en aurait, selon l'auteur, aucun mérite. C’est ainsi que Jared DIAMOND arrive à écrire cette véritable loufoquerie à la logique incohérente :
« Les colons européens n’ont pas crée en Australie une démocratie industrielle, productrice de vivres et alphabétisée. Tous ces éléments, ils les ont importés de l’extérieur : le cheptel, toutes les cultures (sauf les noix de macadamia), les techniques métallurgiques, les machines à vapeur, les fusils, l’alphabet, les institutions politiques et même les germes. Il s’agissait à chaque fois de produits finis, fruits de 10 000 ans de développement dans les milieux eurasiens. Par un accident de la géographie, les colons qui débarquèrent à Sydney en 1788 avaient hérité de ces éléments (sic) » (pages 482 et 483). Bien sûr, Sydney n’existait pas en 1788. Ainsi, pour Jared DIAMOND, la démocratie, l’industrie et l’alphabétisation sont des inventions chinoise, arabe ou égyptienne. Pourquoi pas les cathédrales gothiques, l’industrie nucléaire et les vaccinations antirabiques et antivarioliques qui ont sauvé tant de peuples conquis par l’Europe ?
Jared DIAMOND prétend que la diffusion des innovations de Chine jusqu’en Europe du Nord, dans ce qu’il appelle, pour les besoins de sa cause, l’Eurasie, était facile sur l’axe Est-Ouest. C’est oublier les Chaînes de montagnes et le désert à traverser entre la Chine et l’Iran.
Par contre, Jared DIAMOND prétend que l’axe Nord-Sud du continent américain était plus accidenté au niveau de l’Amérique centrale outre, les ’immenses forêts, de sorte que la diffusion des innovations entre le Nord et le Sud était fortement ralentie, la voie marine étant impossible à utiliser à cause de la présence d’un désert au Texas. C’est ici aussi oublier que les îles Caraïbes ont été colonisées par les Indiens du même nom. Il est d’ailleurs curieux que Jared DIAMOND n’indique pas sur la carte géographique qu'il produit les mouvements d’émigration des populations des peuples Caraïbes vers les îles Caraïbes, alors que sur la même carte il indique en détail les mouvements migratoires vers les îles polynésiennes. Pourquoi cette pudeur pour les Îles caraïbes. Est-ce pour ne pas gêner sa théorie ?
L’exemple le plus important de cette curieuse méthodologie est celui du passage des hommes préhistoriques de la Sibérie en Amérique du Nord. Les préhistoriens situent cet événement en –20.000 avant J.C., en raison de la possibilité de passage à pied sec. Jared DIAMOND le situe beaucoup plus tard vers –13.000 avant J.C., tout simplement parce qu’aucune découverte archéologique n’a été faite datant de –20.000 à –13.000 sur ce passage. Il faut dire que cela arrange sa théorie, à savoir que les Indiens n’ont pas bénéficié du temps nécessaire pour se développer autant qu’ils l’auraient pu si leurs ancêtres avaient traversé le détroit de Behring en -20.000 avant notre ère.
Au regard du simpliste et grossier matérialisme, sur lequel Jared DIAMOND base sa thèse, Karl MARX, avec son matérialisme historique, fondé sur les contradictions naissant des rapports sociaux de production (la matière, l’infrastructure), mais qui tient compte de l’influence majeure des superstructures (l’idéologie, le psychisme) dans le cours de l’histoire, pourrait passer pour un adepte de la métaphysique platonicienne, rêvant du monde des Idées.
Il est vrai qu’il s’agit d’un ouvrage de de compilation et de vulgarisation qui ne nécessite aucune connaissance précise en histoire, en philosophie, en sciences écrit en langage simple et même familier. Il comporte 694 pages présentant en détail les migrations préhistoriques, la domestication des légumes, des céréales et de certains animaux sauvages. Il ne nécessite un effort de réflexion de la part du lecteur moyen. En effet, les notions de société, d’histoire, de culture, de civilisation, d'Etat, employés indifféremment pour toutes les époques préhistoriques et historique, ne sont jamais définis, car toujours règne l’évidence. C’est donc un ouvrage qui fait appel au « bon sens populaire ».
Je ne veux pas dire qu’il faille écarter d’un revers de main les données brutes relatives au climat, à la végétation, aux cultures de céréales, aux légumes cultivés et à l’élevage du bétail selon les régions géographiques que Jared DIAMOND expose dans son ouvrage.
En effet, dès 1920, Oswald SPENGLER considérait que, pour comprendre l’histoire des cultures, il était nécessaire de prendre en compte l’histoire de l’économie, du droit, mais aussi l’histoire du paysage. Or, à propos du paysage, voici ce qu’il écrivait :
« Il nous manque également une histoire du paysage (donc du sol, donc de la végétation et du climat) sur lequel s’est déroulé l’histoire humaine depuis 5.000 ans. Or, l’histoire humaine est si difficile à séparer de l’histoire du paysage, elle reste si profondément liée à elle par des milliers de racines, qu’il est tout à fait impossible, sans elle de comprendre la vie, l’âme et la pensée.
En ce qui concerne le paysage sud-européen, depuis la fin de l’ère glaciaire une invincible surabondance de végétation cède peu à peu sa place à l’indigence du sol.
À la suite des cultures égyptienne, antique, arabe, occidentale, s’est accomplie autour de la Méditerranée une transformation du climat selon laquelle le paysan devait abandonner la lutte contre le monde végétal et l’entreprendre pour ce même monde, s’imposant ainsi d’abord contre la forêt vierge, puis contre le désert.
Au temps d’Hannibal, le Sahara était loin au sud de Carthage, aujourd’hui, il menace déjà l’Espagne du Nord et l’Italie ; où était-il au temps des constructeurs de pyramides portant en relief des tableaux de forêts et de chasse ?
Après que les Espagnols eurent chassés les maures, le caractère sylvestre et agricoles du pays qui ne pouvait être maintenu qu’artificiellement, s’effaça. Les villes devinrent des oasis dans le désert. Au temps des Romains, cette conséquence ne se serait pas produite. » (3)
Oswald SPENGLER est bien conscient que sa vision de l’histoire ne peut pas prendre en compte l’histoire du paysage (sol, végétation, climat), en raison de l’inexistence à son époque de telles études. Cependant, malgré le manque de données à sa disposition, Oswald SPENGLER entreprend, en une dizaine de lignes, une analyse synthétique sur un problème bien connu depuis longtemps : l’avancée du désert autour de la Méditerranée. Cependant, tout en constatant la grande importance de cet aspect physique dans l’évolution des civilisations méditerranéennes, Oswald SPENGLER introduit en même temps le facteur culturel : « Les villes devinrent des oasis dans le désert. Au temps des Romains, cette conséquence ne se serait pas produite. »
Tout laisse penser qu’après l’expulsion sur les Maures, les Espagnols de cette époque, les dizaines de milliers d’Espagnols venus du Nord qui s’étaient installés dans le Sud après la Reconquête, n’étaient pas du tout intéressés à continuer l’œuvre routinière du système d’irrigation laissé par les Arabes, en raison de son caractère administratif, collectiviste et coercitif poussé à l’extrême. C’était l’époque des chevaliers errants, de l’aventure. Les Espagnols de l’époque, en Occidentaux qu’ils étaient, tournés vers le lointain, individualistes forcenés, préférèrent partir à l’aventure au pays de l’Eldorado, en Amérique du Sud, pour y gagner richesses et liberté. Dans le sud de l’Espagne, les villes devinrent donc des oasis au milieu du désert.
Oswald SPENGLER ajoute qu’avec les Romains, une telle désertification ne se serait pas produite. En effet, quand ils conquéraient un pays, leur culture étant tournée vers l’aspect administratif et juridique des choses, les Romains construisaient des aqueducs, des routes, etc. pour contrôler le pays et ses populations avec leurs armées, de sorte que ces ouvrages d’art auraient permis d’arrêter l’avancée du désert, si, par hypothèse virtuelle, ils avaient hérité du système d’irrigation construit par les Arabes en Espagne.
La méthode historique selon Oswald SPENGLER, allie donc les facteurs géographiques aux facteurs culturels, exerçant selon lui un rôle prédominant. L’histoire devient, dès lors, plus compréhensible.
Jared DIAMOND, quant à lui, pour « expliquer » l’histoire humaine, ignore totalement le facteur culturel, c’est à dire la vision du monde, l’interprétation que les hommes se font de la vie : leurs mythes, leurs croyances, leurs conceptions artistiques et « scientifiques », la spécificité de leur organisation politique.
C’est ainsi que Jared DIAMOND nous parle souvent de « ses amis » Papous (ou Néo-Guinéens), mais jamais il ne nous expose ni leur culture, ni leur leur vision du monde, etc. Il affirme que lui et ses amis néo-Guinéens se posent mutuellement « mille questions », mais nous ne saurons jamais le contenu de ces questions.
Dans le tableau intitulé « Facteurs sous-jacents de l’Histoire » depuis la fin de l’époque glaciaire (page 122), Jared DIAMOND nous « explique » les « chaînes de causalité menant des facteurs lointains (orientations des axes continentaux) aux facteurs proches (fusils, chevaux, maladies, etc.) permettant à certains peuples d’en conquérir d’autres ». C’est une conception totalement zoologique de l’homme.
L’homme peut très bien se nourrir convenablement et ne pas avoir la force (psychique) de conquérir d’autres peuples. Par exemple, les Romains du 4ème siècle après J.C., c’est à dire ceux qui vivaient dans le Bas-Empire décadent, étaient mieux nourris que les Barbares Germains, et pourtant ce sont ces Barbares qui ont détruit l’Empire romain en 476. Aujourd’hui, les Européens, dont les ancêtres ont conquis l’Amérique du Nord et du Sud, il y a 500 ans, sans trop de problèmes, sont mieux nourris que les Afghans. Pourtant, ils seraient bien incapables (psychiquement) d’envoyer une véritable Armée conquérir l’Afghanistan. Leur pacifisme affiché n’a pour objet que de voiler leur incapacité psychique. On pourrait multiplier les exemples.
Pour comprendre pourquoi, à un moment donné de l’histoire, certaines sociétés ont conquis d’autres sociétés, il s’avère nécessaire de prendre en compte leur histoire et kleur culture.
Mais, ne prenant jamais en compte ni l'histoire ni la culture des sociétés qu’il évoque, Jared DIAMOND a une conception totalement a-historique de l’évolution des sociétés humaines.
C'est pourquoi, Jared DIAMOND, qui se veut historien, ne se pose jamais la question de la signification d’un événement au regard de l'histoire.
Pour qu’un évènement soit considéré comme historique, il faut qu’il ait une signification pour les hommes d’aujourd’hui, sinon, il se perd dans la masse des faites bruts.
Or, Jared DIAMOND fonde sa théorie de l’histoire humaine sur le principe de l’alimentation la meilleure en protéines et l’élevage de bétail comme « moteur » de l’histoire, en soulignant sur de nombreuses pages les multiples conquêtes qu’ont réalisées les hommes de la préhistoire.
Jared DIAMOND expose longuement les invasions préhistoriques des Chinois du Nord vers le Sud, faisant disparaître un certain nombre de peuples ou les chassant, tandis que ceux chassés de la Chine du Sud envahissaient la péninsule indochinoise et les îles polynésiennes, exterminant au passage les peuples déjà installés. Jared DIAMOND décrit les mêmes mouvements d’extermination et de conquête en Afrique, entre tribus africaines.
Mais les ayant signalés, il les oublie tout aussitôt. Et il a raison. Car tous ces mouvements guerriers de la Préhistoire n’ont aucune signification aujourd’hui.
En effet, les luttes entre deux tribus d’une société primitive, en Afrique ou en Europe, n’ont aucune espèce d’importance pour nous aujourd’hui, Elles n’ont aucune signification pour la compréhension du monde actuels.
Par contre, la victoire de la tribu barbare germanique des Chérusques sur les Romains en l’an 9, ou des Aztèques sur les Tlascanes au Mexique, s’appelle de l’histoire. Car ici, le "quand ?" a son importance.
La défaite des Romains en l'an 9, cette défaite eut pour conséquence pour les Romains de ne plus tenter de s’aventurer en Germanie, ce qui évita ainsi la romanisation. Nous aurions alors eu une Europe Gallo-romaine. Cet événement marque donc encore le monde moderne.
Par contre, Jared DIAMOND s’appesantit, pour les stigmatiser, lourdement sur les conquêtes européennes et les massacres qu’elle provoqua Comme je viens de le dire, il a parfaitement raison de faire ressortir l’action de l’Europe, même s’il n’est pas conscient du motif réel et se limite à la stigmatisation.
En effet, en partant à la conquête du Monde à partir du 15ème siècle, l’Europe a forcé, au besoin par les armes, et parfois de façon cruelle, de nombreux peuples qui vivaient repliés sur eux-mêmes à entrer dans l’Histoire, dans la « modernité » telle que la conçoit l’Occident. Elle a contraint les peuples repliés sur eux-mêmes à se découvrir entre eux. Elle a également contraint d’autres peuples qui, dans les siècles passés avaient joué un grand rôle comme puissances mondiales (Chine, Inde, monde arabe) à revenir sur la scène historique. En même temps, elle leur a fait découvrir, avec les progrès technologiques et sanitaires, ses notions de Liberté, de démocratie, d’État-Nation, etc, que, d’ailleurs, ces peuples retourneront plus tard contre elle.
Contrairement à d’innombrables conquêtes et exterminations réalisées par d'autres peuples, la conquête européenne de plusieurs continents est un exemple de fait historique ; elle fait histoire, car il a encore aujourd’hui une signification.
Autrement dit, en soulignant avec force la conquête de l’Amérique, de l’Afrique, de l’Australie tout en minimisant l’intérêt des conquêtes d’autres peuples, Jared DIAMOND constate un véritable fait historique, mais sans en saisir la signification profonde.
Ce faisant, il détruit l’intérêt de sa propre théorie comme explication exhaustive et définitive de l’histoire depuis la fin de l’époque glaciaire, car il est évident que les Européens n’ont pas conquis tous les continents de la planète parce qu’ils avaient, il y a 13.000 ans, une alimentation basée sur tels ou tels légumes ou céréales.
Les Européens ont réalisé ces conquêtes parce que leur culture, c’est-à -ire leur vision du monde, les portait à regarder vers le lointain beaucoup plus que la culture arabe, pourtant conquérante, et la culture chinoise, elle aussi conquérante, tandis que l’indienne ni l’antique n'’avait pas du tout cette attirance vers ce qui est étranger et loitnain.
Cet attrait vers le lointain était déjà présent vers l’an 1000 avec les Croisades, tandis que, dès le 13ème siècle, Marco Polo partait, avec sa famille, à l’aventure jusqu’en Chine pendant près de 17 années. Un Chinois, est-il venu en Europe à cette époque ?
Puis, au 15ème siècle, ce fut cet attrait vers l’Océan qui semblait constituer la voie la plus courte pour aller jusqu’en Chine et Japon où l’on trouvait, croyait-on à cette époque, de l’or à foison. Les meilleurs esprits scientifiques, en même temps théologiens et philosophes, tiraient des plans permettant de partir. Et finalement, arriva ce qui devait arriver. Un roi se laissa convaincre. On partit alors avec beaucoup d’impatience, en toute hâte, comme une pulsion puissante qui explose enfin en jaillissant du plus profond des instincts, sur de frêles embarcations vers l’inconnu, vers l’Ouest.
Mais Jared DIAMOND, qui ignore tout de la notion d’histoire, ne pense pas à se poser la question du « Quand ? ». . « Car ici, le quand a son importance », nous dit Oswald SPENGLER. Or, à cette époque, l’Europe était encore une culture jeune, en pleine maturité, qui avait une force psychique que nous, Européens civilisés, avons du mal à imaginer et même à comprendre.
En face, qu’y avait-il ?
Des peuples dont certains étaient à peine sortis du néolithique, des empires découpés en lambeaux, des civilisations endormies ou tombées dans la barbarie (Chine, Inde, Monde islamo-arabe) aux populations psychiquement prostrées, acceptant n’importe quel conquérant, occupése seulement à se reproduire et à travailler, n’éprouvant aucun intérêtsaux luttes féroces pour le pouvoir qui se déroulaient au-dessus d'elles et dont elles n’attendaient rien.
L’empire Aztèques était en réalité l’héritier de la vieille civilisation maya, essoufflée, malgré l’apparence barbare des Aztèques qui en avaient pris le commandement par la force. Quant à l’empire Inca, à peine né, sans écriture, il était déjà profondément divisé en raison de son système politique de transmission du pouvoir.
L’Europe ne pouvait que sortir victorieuse de toute ces confrontations et amener ces peuples sur la scène de l’Histoire. Désormais, ce qui se passe au Darfour, au Rwanda, au Tibet, en Colombie, en Australie, en Iran, etc., dans la moindre contrée, intéresse chaque habitant de la planète. C’est l’œuvre historique de l’Europe.
Jared DIAMOND veut « expliquer » l’Histoire, comme s’il s’agissait d’expliquer un comportement de molécules ou d’une masse musculaire stimulée en laboratoire. En le lisant, on a l’impression que l’homme est surtout un estomac.
Jared DIAMOND n’est pas parvenu à comprendre l’histoire, car il ignore totalement l’aspect psychique à la base des comportements et des actes des êtres humains. Cet aspect psychique apparaît dans ce qu’on appelle la culture (vision du monde, actuel, passé et à venir), mythes, croyances, morale, art.
Par exemple, les Aborigènes d'Australie ont une culture centrée sur ce qu’ils appellent « le temps du rêve », ou simplement « le rêve » (cela rappelle le culture indoue),
Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l’Australie et de ses habitants. Selon leur tradition, des créatures géantes, comme le Serpent arc-en-ciel, sont sorties de la terre, de la mer ou du ciel et ont créé la vie et les paysages australiens. Leurs corps géants ont créé des fleuves et des chaînes de montagne mais leur esprit est resté dans la terre, rendant la terre elle-même sacrée aux peuples indigènes. Le rêve, la terre sacrée, autant de mythe qui ont incité les aborigènes d’Australie à ne pas quitter leurs régions pour partir à la découverte d’autres peuples et profiter des innovations des peuples voisins. Jared DIAMOND, qui se prétend leur « ami », ne dit pas un mot sur leur culture, leurs mythes, leur vision du monde, leur religion, qui pourraient expliquer bien des choses. À mon avis, la thèse de la prépondérance de l’esprit, de la culture, sur le comportement humain permet de mieux comprendre l’histoire.
Jared DIAMOND ne se pose pas non plus la question de comprendre pourquoi après 40.000 ans d’occupation de l’Australie, on ne dénombre, à l’arrivée des premiers Européens en 1788, que 250.000 aborigènes, alors que les Indiens sont plusieurs millions après 15.000 ans d’occupation de l’Amérique, au 15ème siècle, à l’arrivée des Espagnols. Que s’est-il passé ? Quels Empires se sont effondrés ? que signifie réellement ou symboliquement ces figures de géants gravés sur les rochers il y a 10.000 ou 30.000 ans ? Mais Jared DIAMOND ne s’intéresse qu’aux estomacs.
Pour ce qui concerne les Papous de Papouasie-Nouvelle-Guinée, que Jared DIAMOND présente aussi comme « ses amis », on ne saura rien de leur culture à la fin des 694 pages, malgré tout un chapitre intitulé « Le peuple de Yali », dans lequel Jared DIAMOND se borne à récapituler toutes les cultures légumières, les élevages du cochon et les migrations depuis la Préhistoire. Pourtant, Jared DIAMOND aurait pu exposer au lecteur le fondement de la culture papoue centrée sur le prestige et la beauté du guerrier. Quelle signification symbolique pouvait avoir leur comportement nécrophage et anthropophages. Sur tout cela, Jared DIAMOND reste muet, arc-bouté sur sa thèse sur l’influence du seul milieu géographique sur l’histoire humaine.
Mais passé « l’effet-céréales-légumes-bétail » qui, selon Jared DIAMOND, aurait expliqué à lui seul la prédominance du Croissant fertile et de la Chine sur le monde depuis la préhistoire, comment expliquer que ces deux régions ont perdu leur puissance mondiale, leur capacité d’expansion et d'innovation, de sorte que ce ne sont pas elles qui ont découvert et conquis l’Amérique, mais l’Europe ?
Fidèle à lui-même, sans même dire un seul mot des facteurs culturels., Jared DIAMOND ne voit qu’une explication matérialiste et mécaniste à la sortie de l’Histoire de ces deux régions.
Pour ce qui concerne le Croissant fertile, Jared DIAMOND prétend que la cause du déclin se trouverait, selon lui, simplement dans la désertification, tout en « oubliant » de citer la culture arabo-islamique, pour les besoins de sa cause. Car la civilisation arabo-islamique, bien qu’issue du désert, parvient naturellement à surmonter la désertification au moyen de son esprit conquérant, de sorte qu’elle fut à deux doigts de surpasser l’Occident naissant pour la domination du monde, outre que son rayonnement a duré tout de même 5 siècles au minimum. Mais Jared DIAMOND se garde d’en parler, car ce fait historique contredit sa thèse.
Et si aujourd’hui, malgré la chance que l’Histoire leur a de nouveau donné avec le pétrole, les pays arabo-musulmans n’ont pas réussi à sortir de l’ornière, avec encore 40 % d’analphabètes, et un taux d’innovations technologiques et spirituelles parmi les plus bas du monde, cela est surtout dû (comme au 14ème siècle) à leur culture qui les tourne entièrement vers un passé mythifié et les empêche de profiter du potentiel créatif de 50 % de leurs population (les femmes).
Aussi superficielle apparaît la raison que donne Jared DIAMOND pour « expliquer » pourquoi ce n’est pas la Chine qui a découvert et conquis l’Amérique ou l’Afrique. Car il faut savoir que, dès 1400, près de 90 ans avant l’aventure de Christophe Colomb, tout était prêt pour partir vers l’Afrique : bateaux de très gros tonnages, équipages, matériels, etc. Mais soudain, l’empereur ordonna d’arrêter tout et de brûler la flotte. Et on n’en parla plus. Jared DIAMOND y voit simplement l’effet du hasard : il y eut un coup d’État fomenté par les eunuques dont le bénéficiaire interdit toute expédition au-delà des mers ! Il ne voit pas là non plus que cette interdiction vient de la profondeur de l’âme chinoise seulement intéressée par ce qui est chinois. Même avec l’Inde, les relations étaient insignifiantes. La Chine n’a jamais rêvé d’aller en Europe. Alors pourquoi aurait-elle rêvé de l’Amérique, de l’Afrique ? Ce n’est pas un hasard non plus si elle a entouré son espace vital d’une grande muraille.
Par contre, en Occident, si Christophe Colomb était mort sans avoir réalisé son projet, d’autres « rêveurs », des savants, des aventuriers, dont l’Europe abondait alors, se seraient levés pour partir vers ce qu’ils affirmaient être la voie la plus courte pour aller en Chine, et finalement l’un d’entre eux auraient réussi. Simplement, au lieu d’être espagnole, l’Amérique du Sud aurait peut-être été française.
Sur le racisme biologique
En même temps qu’il prétend démontrer que la diversité de l’histoire humaine est simplement le résultat des différences de milieux géographiques, climatiques et végétaux, Jared DIAMOND imagine prouver l’inanité du racisme biologique : « L’histoire a suivi des cours différents pour les différents peuples en raison de différences de milieux, non pas de différences biologiques » (page 31).
Jared DIAMOND s’est choisi un adversaire, le racisme biologique, déjà définitivement terrassé politiquement et militairement depuis 65 ans, et, sur les plans scientifique et philosophique, depuis le XXème siècle. C’est donc sans crainte d’être démenti que, à chaque fin de chapitre de son ouvrage, Jared DIAMOND stigmatise, comme une justification de sa thèse sur l’histoire, le racisme biologique dont il fait surtout grief aux Européens et aux Américains.
Son anti-racisme est d’ailleurs assez étonnant, car en réaction aux supposés racistes biologiques blancs qui pensent être plus intelligents que les gens d’une autre couleur, les Papous de Nouvelle-Guinée, en l’espèce, Jared DIAMOND prétend que ce sont les Papous de Nouvelle-Guinée, qui seraient plus intelligents que les blancs Européens : « Pourquoi, malgré leur intelligence que je crois supérieure, les Guinéens ont-ils finalement une technique primitive ».
Remarquons que Jared DIAMOND « croit » à la supériorité intellectuelle des Papous, sans estimer nécessaire de le démontrer. Il ne s’aperçoit pas qu’il fait alors du racisme biologique anti-blanc. Il tombe dans la même aberration qu’il prétend combattre. Sans s’en être conscient, il adopte une position raciste. Il est vrai que la thèse du racisme biologique est une thèse matérialiste, comme celle que défend Jared DIAMOND consistant à faire de l’estomac le moteur de l’histoire humaine. Les deux thèses en présence paraissent s’opposer, mais elles finissent par se rejoindre dans le fond, parce qu'elles sont toutes deux matérialistes.
Les Blancs et les Papous étant des homo sapiens, ils ont en moyenne le même niveau d’intelligence, au contraire de ce que pense Jared DIAMOND. Leurs différences de comportement est, pour l’essentiel, d’origine psychique, donc culturelle, et n’a rien à voir avec l’intelligence.
Le conquérant et bâtisseur du Maroc moderne, le Maréchal LIAUTEY, l’avait déjà compris en 1910, lorsqu’ils disaient à ses soldats : « Les peuples coloniaux ne nous sont pas inférieurs ; ils sont autres ».
Au surplus, le racisme d’aujourd’hui est un phénomène psychique. Par conséquent, il ne peut pas efficacement se combattre avec des arguments scientifiques. Il se combat avec des moyens psychiques : proposer un même destin à des personnes d’origines raciales différentes.
Des hommes aux dinosaures en passant par les oiseaux
Poussant jusqu’au bout l’assimilation de la méthode historique à la méthode des sciences physiques et biologiques, Jared DIAMOND termine son livre dans une sorte d’apothéose, nous faisant entrevoir une perspective quasi-« grandiose », et peut-être même gigantesque :
« J’ai donc bon espoir que l’étude historique des sociétés humaines puisse se poursuivre aussi scientifiquement que l’étude des dinosaures – et pour le plus grand profit de notre société (…) ». (pages 640 et 641).
Ainsi, Jared DIAMOND abaisse l’être humain, l’homo sapiens, au même niveau que le dinosaure.
Certains y verront, de la part de Jared DIAMOND, l’expression d’une sorte de nihilisme absolu, conséquence de son matérialisme forcené : la négation de toutes les valeurs (spirituelles, morales, sociales, intellectuelles) et de leur hiérarchie.
Mais, après tout, les dinosaures ne sont-ils pas considérés comme les ancêtres des oiseaux ? Une façon pour Jared DIAMOND, conscient peut-être des limites de sa thèse, d’exprimer, sur un mode « inintentionnel », sa nostalgie du temps où il ne s’occupait que d’ornithologie, objet d’études moins complexe que l’histoire humaine.
Pierre Marcowich
(1) Jared DIAMOND, DE L’INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS, Éditions Gallimard, 2000, pour l’édition française, impression de février 2009, Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat, 694 pages ;
(2) WEBSTER’S NEW TWENTIETH CENTURY DICTIONARY – unabriged –Second edition – Deluxe color, World publishing Company, 1977, (2.128 pages) : Article Fate (pages 666-667) : « The Fates : in Greek and Roman mythology, the three goddesses who control human destiny and life. »
(3) Oswald SPENGLER, LE DÉCLIN DE L’OCCIDENT ; Éditions Gallimard, 1948, renouvelé en 1976, Tome II, Chap. I, Origine et paysage, page 42, note de bas-de-page ;
The Culture of Critique & the Pathogenesis of Modern Society
Michael O'Meara
Ex: http://www.counter-currents.com/
Reinhart Koselleck
Critique and Crises: Enlightenment and the Pathogenesis of Modern Society
Cambridge: MIT Press, 1988
La politique, c’est le destin. — Napoleon
Koselleck’s Critique and Crisis (1959) is one of the great dissertations of the 20th-century German university system.
It cast new light not just on the past it re-presented, but on the present, whose own light informed its re-presentation.
This was especially the case with the potentially cataclysmic standoff between American liberalism and Russian Communism and the perspective it gave to Koselleck’s study of the Enlightenment origins of the Modern World.
How was it, he asked, that these two Cold War super-powers seemed bent on turning Europe, especially Germany, into a nuclear wasteland?
The answer, he suspected, had something to do with the moralizing Utopianism of 18th-century rationalism, whose heritage ideologically animated each hegemon.
1. The Absolutist Origins of the Modern State
Koselleck was one of Carl Schmitt’s postwar “students” and his work is indebted to Schmitt’s The Leviathan in the State Theory of Thomas Hobbes (1938).
Like his mentor, Koselleck saw modern ideologies, despite their atheistic rejection of faith, as forms of “political theology” that spoke to the faith-based heart that decides how one is to live.
In this sense, the self-proclaimed Enlightenment of the 18th century was a philosophical rebuttal to political Absolutism, whose institutional response to the breakdown of medieval Christendom occurred in ways that frustrated the liberal aspirations of the rising bourgeoisie.
In the century-long blood-letting that had followed the Protestant critique of medieval Catholicism, Europe’s ecclesiastical unity and its traditional social supports were everywhere shattered.
As the old estates broke down and old ties and loyalties were severed, there followed a period of anarchy, in which Catholics and Protestants zealously shed each others blood in the name of their contending truths.
In this sectarian strife — this bellum omnium contra omnes — where ecclesiastical authority ceased to exist and each man was thrown back upon his individual conscience, morality became a banner of war and the public observance of morality a justification for murdering Europeans with dissenting beliefs.
It was the advent of the Absolutist State system, philosophically anticipated in Hobbes’ Leviathan, that brought these bloody religious conflicts to a halt, establishing a peaceful basis to European life — by “privatizing” morality, secularizing authority, and depriving individual mentalities of political effect.
The neutralization of religious belief that came with the Absolutist secularization of the State would secure conditions requisite to the citizen’s peaceful pursuit of his private will or gain, as private ideals ceased to be obligatory duties and the State became “the artifact of atomized individuals.”
Absolutist regimes succeeded in this way in “reducing measures of contingency, conflict, and compulsion” to the status of differences of opinion — bare, in effect, of religious significance, as “external compulsion” imposed restraints on the individual’s “inner freedom.”
The historians’ designated Age of Absolutism and Enlightenment begins, then, with the Peace of Westphalia in 1648, which brought not just the Thirty Years War in the German-speaking lands, but all Europe’s religious wars to an end (except on the borderlands of Ireland and the Balkans) — and ends only with the advent of another European civil war, which opened with the liberal revolutions of 1776/1789 and closed with the English triumph over Napoleon in 1814.
History, though, rarely conforms to the tidy categories scholars make of it.
Unlike the Continent, England went from religious war to Absolutism and then to bourgeois revolution and finally to a bourgeois Restoration all in the course of a half-century (c. 1642–1688), experiencing an intense though only brief period of Absolutism.
England’s expanding maritime power, opened to all the world it dominated, had, in fact, merely a transitional need of Absolutism, for it would soon become the first implicitly liberal of the “modern” regimes.
Koselleck focuses on the longer, more pronounced Continental developments, treating England as a variant of the larger trend.
In his depiction, the Absolutist State system emerging after the Treaty of Westphalia was based on a transformation of political authority — which divided the “public sphere” into two sharply separate domains: That of political authority proper (the sovereign State) and that of society, conceived as a subaltern realm of individual “subjects.”
The subject’s moral conscience in this system was subordinated to the requirements of political necessity — what Hobbes called “reason.” This restricted morality to the social realm of private opinion, depriving it of political effect.
With Absolutism, the public interest, about which the sovereign alone had the right to decide, ceased to lay under the jurisdiction of the individual’s moral conscience.
The Continent’s new monarchical States — with Louis XIV’s France the model of the others — would govern according to a raison d’état (Staatsräson), which made no reference to religious considerations.
Law here was severed from special interests and religious factions, becoming part of a domain whose political decisions — ideally — transcended “Church, estate, and party.”
“To traditional moral doctrines, [Hobbes] opposes one whose theme is political reason.”
Persecuting churches and religiously bound social fractions were hereby forced to give way to the sovereign authority of the Absolutist monarch, who recognized no higher authority than God Himself.
As Absolutist peace took priority to faith, the individual subject — previously situated in a loose medieval hierarchy, imbued with certain corporate rights and responsibilities — was transformed into an apolitical subject.
He had, as such, to submerge his conscience to reasons of State — to reasons necessary for maintaining the peace.
This privatization of morality dictated by the State’s secularization was not directed against religion per se, but against a religious conscience whose political claims, in a period of general breakdown, threatened war.
What the Absolutist State did — and what Hobbes theoretically legitimated in the Leviathan — was to transform the individual’s conscience into a matter of “opinion,” of subjective belief, separate from politics — and thus from the political reasons of the State.
This was accomplished by making the public interest the prerogative of the sovereign, not that of the individual’s religious conscience, for the latter inevitably led to religious strife.
In this secular political system, State policy and laws became the sole concern of the sovereign monarch, who stood above religion, anchoring his laws not in a higher transcendence, but in State imperatives.
In Hobbes’ famous formulation: “Laws are made by authority, not by truth.”
Hereafter, State policy and laws would be legislated by reasons of State — not the moral conscience and not self-interest and faction. For the State could fulfill its function of securing peace and maintaining order only if individuals ceded their rights to the sovereign, who was to embody their larger welfare.
Contested issues were thereby reduced to differences of opinion that could be resolved by reasons of State.
Through Absolute sovereignty, it was possible again to create an internal realm of peace, separate from other Absolutist State systems, each of which possessed a similar peaceful interior, where the individual was free to believe whatever he wished as long as no effort was made to impose his “private” belief on the public, whether Catholic or Protestant.
This would keep religious fanaticism from trespassing on domestic tranquility and, at the same time, guarantee the State’s integrity.
Among Absolutist States, relations remained, of course, that of “a state of nature” — for each upheld and pursued policies based on their own rational sense of self-interest (raison d’état).
Conflict and war between Absolutist States were nevertheless minimized — not just by the fact that they accepted the integrity of the other’s moral conscience — but also by a sense of sharing the same Christian civilization, the same standards of significance and style, the same general, interrelated history that distinguished them from non-Europeans.
On this basis, the community of European States after 1648 grew into a family of sovereign powers, each respectful of the others’ domestic integrity, each of whose kings or queens shared the blood of other royal families, each of whose wars with other Europeans was governed by a jus publicum europaeum.
2. The Culture of Critique
It was the failure to comprehend the nature of the Absolutist State system (its avoidance of divisive political questions of faith and belief) that gave rise to the Enlightenment and its culture of critique.
For once the religious wars came to an end and authority was secularized, European society “took off.”
By the time Louis XIV died in 1715, the bourgeoisie, formerly an important but subordinate stratum of medieval European society, had become the chief economic power of an 18th-century society more and more dependent on its economic prowess. Made up of “merchants, bankers, tax lessees, and other businessmen” who had acquired great wealth and social prestige, this rising class (whose deism and materialism took “political” form in liberalism’s scientistic ideology) was nevertheless kept from State power and powerlessly suffered monarchical infringements on its monied wealth.
Resentful of State authority, the intelligentsia of this rising class took its stand in the private moral realm, which the Absolutist State had set aside for the subject and his moral conscience.
Through this breech between the public and the private, the chief ideologue of this rising bourgeoisie, John Locke, would step. His Essay Concerning Human Understanding – “the Holy Scripture of the modern bourgeoisie” — helped blur the boundary between moral and State law, as the former assumed a new authority and the distinction between the two diminished.
Pace Hobbes, Locke argued that bourgeois moral laws (now divorced from religion and anchored in rationalist notions of self-interest devoid of transcendental reference) had arisen in the human conscience, which the State had exempt from interference. As such, the citizen had a right to pass moral judgements on the State.
Such judgements, whatever the motive, eventually made State law dependent on the consent or rejection — the rule, in effect — of the bourgeoisie’s allegedly “objective” opinion.
In this situation, the bourgeois view of virtue and vice — its “religion of technicity” — took on a political charge, superseding the realm of private individual opinion, as it became “public opinion.”
At the same time, bourgeois critics favored the risk-free sphere of the unpolitical private realm, where they sought to dictate policy. Instead, then, of forthrightly challenging the underlying metaphysical principles of the Absolutist order, they framed their defining metaphysical identity (matters of faith — in this case their godless theology) in moral and economic terms devoid of political responsibility.
Bourgeois morality, not the State’s “reason,” proceeded in this way to take hold of the public — society — and set the standard for the “moral value of human action.”
This opened the way to a reconfiguration of the Absolutist relationship between morality and politics.
The public realm in Locke’s bourgeois philosophy was accordingly re-conceived as a social realm of individual consciences and this realm’s opinion as the “law” that was to bind the public.
Bourgeois morality, as such, not only entered, but soon conquered society, as its private views rose to that of public opinion.
Few, moreover, would be able to resist the pressure of its judgment.
“Reasons of State” were henceforth subject to the secular, calculating “reason” of the bourgeoisie — as “reason” ceased to be the avoidance of civil war and became the self-interest of the rationalist acting individual.
This made society increasingly independent of the State, just as State laws were increasingly subject to the “empowering” moral (and economic) judgments of society.
In the course of the 18th century, the bourgeois as citizen would assume, through his culture of critique, the “rank of a supreme tribunal” — ultimately passing judgment on the State (though doing so safely removed from the day-to-day imperatives of the political realm).
In England, following the oh-so Glorious Revolution of 1688 (a terrible, fateful year, with more to follow, in Irish history), the Whig bourgeoisie, through Parliament, became dominant, entering into an alliance with the constitutionally-bound monarch (William of Orange).
On the more religiously polarized continent, where Absolutist States had a greater role to play, the antithesis between State legislation and bourgeois secular morality (rooted in Protestantism’s critical essence) assumed a different, more antagonistic character.
This continental polarization of morals and politics — compounded by the growing social weight of the bourgeoisie and the discontent generated by its political disenfranchisement — grew in the course of the 18th century, as the bourgeoisie increasingly assumed the leadership of “society.”
Its moral critique of the State and of the ancien régime — a critique posed in secular and rationalist, rather than Christian terms — is what is known as the “Enlightenment,” that metapolitical “culture of critique,” whose light allegedly emanated from the bourgeoisie’s rational conscience (which was modeled in many ways on that of the Jews, for it was based on the dictates of money and its unpolitical affirmation of the private).
3. The Crisis of the Old Order
“When and whenever [men] are subjects without being citizens, they inevitably endow other concerns and pursuits—economic, social, cultural—with an independent and hence rival authority.” This was the great failing of Absolutism.
In such a situation, the voluntary associations of the bourgeoisie—Masonic lodges, salons, clubs, coffee-houses, academies, sociétés de pensées, the “Republic of Letters”—became rival centers of moral authority and eventually rival models of political authority.
The criticism of these bourgeois organs sought to “test” the validity or truth of its subject, making reason a factor of judgement in its process of pro and con.
Bourgeois judgements critical of the political system set off, in turn, a crisis threatening the existing State.
As scientific materialists, armed with a naive analytic-empiricist epistemology, such bourgeois critics waged their subversive campaign with no appreciation of existing political realities or the imperatives and limits these realities imposed. This would make their moral crusade unrealistic, Utopian, unconcerned with the “contingency, conflict, and compulsion” that occupies and defines the political field.
Their Utopian proposals (their anti-political politics) constituted, as such, no actual political alternative, based as they were on a purely formal, abstract understanding of the political realm, which it subjected to the individual’s moral conscience.
But once the private moral realm started to impinge on the political sphere of the Absolutist State, the State itself was again called into question.
First unconsciously and then increasingly consciously, the bourgeois Enlightenment applied its Utopian and ultimately hypocritical standards to the State, whose political imperatives were ignored rather than recognized for what they were—so as not to complicate its own geometrical schemes of reform.
The Enlightenment, it followed, was wont to see itself in moral terms, not political—not even metapolitical—ones.
This self-deceiving politics could only end in ideological excess and terror—for the sole way to realize its Utopian political theology would be by forcing others to accept and submit to it.
The result, Koselleck concludes, was the advent of the modern condition—this “sense that we are being sucked into an open and unknown future, the pace of which has kept us in a constant state of breathelessness ever since the dissolution of the traditional ständische societies.”
The turbulent “tribune of reason” bequeathed by the Enlightenment aimed, moreover, at every sphere of human endeavor—not just the Absolutist State, traditional Catholic Christianity, or the numerous corporate restraints inhibiting the market.
Everything historically given was, as such, to be re-conceived as a historical process that had to be re-directed, reformed, and re-planned, as the dictates of fate gave way to the rationalist obliteration of political aporia (i.e., the impasses or challenges posed by exceptional situations determined only by the sovereign).
Through its Règne de la Critique, the bourgeoisie (as prosecutor, judge, and jury) subjected the State to an enlightened conscience that debunked its “rationality” and increasingly advocated, or implied, its replacement.
With this rationalist critique of Absolutism came an unfolding philosophy of history—which promised a victory that was to be gained without struggle or war, that applied to all mankind, and that would bring about a better, more rational, and peaceful future—if only “reason” (i.e., bourgeois interests) was allowed to rule.
Through this critique, politics—the tough decisions fundamental to human existence—was dissolved into an Utopian project indifferent to the historical given. Everything, it followed, was subject to criticism, nothing was taboo—not the “order of human things,” not even life itself would be spared the alienation that came with the critic’s unpolitical reason.
Then, as the critic assumed the right to subject the whole world to his verdict, acting as “the king of kings,” criticism was “transformed into a maelstrom that sucks the present from under the feet of the critic”—for his criticisms amounted to an endless assault on the present in the name of a far-off, but allegedly enlightened future.
4. Modern Pathogenesis
At the highest level, Koselleck offers “a generic theory of the modern world”—one that seeks to explain something of our age to us.
In his view, criticism engendered crisis, calling the future into question.
The Enlightenment’s culture of critique could, however, only culminate in revolution—a revolution whose new order would privilege the rich and powerful (and, in time, the Jews).
By subordinating law to morality, ignoring the differences that divide men over the great questions of existence, the liberal State born of Enlightenment culture stripped sovereignty of its power.
Henceforth bourgeois morality became the invisible framework of the State, as sovereign authority was changed into an act of persuasion and reason—and the essence of politics (no longer the polemic over fundamental problems of human existence) became the non-political rule of a discursive bourgeoisie indifferent to matters of faith and desirous of a fate-less society without a sovereign State.
As social and political realities were indiscriminately mixed and subjected to the invisible opinion of the bourgeois public, based on an ostensively objective reason, everything failing to accord with that opinion became an injustice, subject to reform.
Society here assumed the right to abrogate whatever laws it wished, inadvertently establishing a reign of permanent revolution.
Refusing to recognize the State’s amoral (rather than immoral) character, the emerging bourgeois political system—with its culpablizing, but “value free” politics and its civil ideal taken as the universal destiny of all humanity—not infrequently had to resort to naked force to realize its Utopia: the terror and mass killings that followed 1789, the nuclear holocaust inherent in the Cold War, the on-going, unrelenting destructuration of the local and global today.
The consequence has been liberalism’s non-political State (whether in its 19th-century guise as a Night Watchman State or in its 20th-century Nanny State form). This State replaced politics with morality, tradition with planning, disagreements with a cold indifference to all that matters. It became thus a legal order, a Rechtsstaat, supposedly unattached to any constituting system of ascription or belief, and thus beyond any “exception” that might make visible the actual basis of bourgeois rule.
In this situation, where politics were negated and political problems were reduced to “organizational-technical and economic-sociological tasks,” the world was emptied of “seriousness” and turned into a vast realm of entertainment, where the bourgeois was allowed to enjoy the fruits of his acquisitions.
With liberalism, then, politics ceases to be a destiny and becomes a technique hostile to all who refuse its philistine philosophy of history—for the linear notion of progress inherent in this philosophy undermines and “reforms” everything that has historically ensured the integrity of white life.
Source: TOQ Online, Dec. 24, 25, & 26 2009