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mercredi, 11 décembre 2024

La Russie attaquée sur plusieurs fronts: stratégies, tensions et jeu géopolitique mondial

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La Russie attaquée sur plusieurs fronts: stratégies, tensions et jeu géopolitique mondial

Par Marcelo Ramirez

Source: https://noticiasholisticas.com.ar/rusia-bajo-ataque-en-mu...

Dans un contexte d'intensification des conflits mondiaux, la Russie est soumise à des pressions multiples qui remettent en cause sa position stratégique et sa capacité de réaction militaire. Alors que le Kremlin continue d'accroître l'intensité de ses opérations en Ukraine, dévoilant même de nouveaux missiles tels que l'« Oreshnik », les fronts de conflit s'étendent à des théâtres inattendus tels que la Géorgie et la Syrie. Ces régions, historiquement sensibles aux intérêts russes, sont devenues les points focaux d'une stratégie occidentale plus large visant à diviser l'attention et les ressources de Moscou.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, on supposait que la principale confrontation resterait à l'intérieur des frontières de ce pays. Toutefois, la récente résurgence des conflits en Géorgie et en Syrie montre comment l'Occident a réactivé des foyers stratégiques pour exercer une pression supplémentaire sur la Russie. Ces actions ne sont pas spontanées, mais font partie d'un plan coordonné visant à affaiblir Moscou sur le plan militaire et politique, tout en consolidant les intérêts occidentaux dans la région.

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La situation en Géorgie illustre le fait que les révolutions de couleur restent un outil clé de la stratégie occidentale. Dirigée par le président géorgien Salomé Zourabichvili, la crise actuelle met en évidence les liens complexes entre les élites politiques locales et les intérêts étrangers. Zourabichvili, qui est née à Paris et dont la carrière diplomatique est étroitement liée à la France et à l'OTAN, représente un cas emblématique de la manière dont l'Occident place des personnalités alignées sur ses intérêts à des postes de pouvoir.

Mme Zourabichvili, qui a accédé à la présidence à l'issue d'un processus électoral controversé et d'un changement opportun de nationalité, illustre clairement la manière dont la dynamique internationale façonne la politique intérieure des pays stratégiques. Au cours de sa carrière, elle a joué un rôle important en tant qu'ambassadrice de France en Géorgie et ministre des affaires étrangères de Géorgie, poste qu'elle a occupé quelques jours seulement après avoir renoncé à sa citoyenneté française. Ce parcours politique atypique n'est qu'un des aspects qui alimentent les tensions actuelles en Géorgie.

La crise a été déclenchée par l'adoption d'une loi obligeant les ONG qui reçoivent plus de 20% de leur financement de l'étranger à s'enregistrer en tant qu'organisations étrangères. Cette mesure, qui vise à accroître la transparence, a été présentée par les médias occidentaux comme une menace pour la démocratie. En réalité, elle reflète la volonté de la Géorgie de réduire l'influence des acteurs extérieurs sur sa politique intérieure. Des manifestations de masse ont éclaté en réponse à cette loi, avec le soutien explicite de secteurs de l'opposition, d'ONG financées par l'Occident et de la présidente Zourabichvili elle-même.

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Le modèle de révolution colorée mis en œuvre en Géorgie n'est pas nouveau. Il utilise les étudiants des universités et des lycées, les ONG et les partis d'opposition pour générer un chaos social et politique. Cette stratégie, qui vise à délégitimer le gouvernement en place, n'est pas sans rappeler les événements qui ont conduit à l'Euromaïdan en Ukraine en 2014. Dans les deux cas, la population se voit promettre une entrée rapide dans l'Union européenne en guise d'incitation, une promesse rarement tenue mais qui sert à alimenter les attentes de changement.

Pendant ce temps, en Syrie, la situation s'aggrave avec la résurgence de groupes djihadistes qui s'appuient sur le soutien logistique et militaire de l'Ukraine. Selon les allégations de Moscou, ces groupes reçoivent des drones et d'autres équipements de pointe d'origine ukrainienne, preuve supplémentaire de l'interconnexion des conflits dans le cadre d'une stratégie anti-russe globale. Ces groupes ont capturé des systèmes antiaériens russes avancés, tels que le radar Polet 48Ya6-K1, qui pourraient être utilisés pour renforcer les capacités militaires occidentales s'ils étaient analysés en détail.

L'utilisation de ces systèmes constitue une menace importante pour la Russie, non seulement en raison de la perte de technologies sensibles, mais aussi parce que ces équipements pourraient être remis à des pays de l'OTAN. La Turquie, qui possède déjà des systèmes S-400 achetés à la Russie, pourrait servir d'intermédiaire pour que ces technologies soient démantelées et étudiées par les alliés occidentaux.

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La présence de combattants djihadistes en Ukraine et en Syrie expose également l'ampleur des opérations coordonnées par l'Occident. Depuis 2014, l'implication de combattants étrangers dans le conflit ukrainien, dont beaucoup ont des antécédents en Syrie ou en Irak, a été signalée. Ce réseau de soutien militaire et logistique reflète un schéma constant dans la stratégie occidentale : exploiter toutes les ressources disponibles pour affaiblir la Russie.

En Ukraine, les forces russes continuent de se masser, des rapports faisant état de la mobilisation de 120.000 militaires près de Zaporiyia. Cela suggère que Moscou accélère la récupération de son territoire, peut-être en préparation de futures négociations. Cependant, l'introduction de soldats de la paix de l'OTAN, déguisés en opérations internationales, pourrait encore compliquer la situation. Une telle mesure permettrait à l'Occident de renforcer les positions ukrainiennes sans déclarer ouvertement son implication dans le conflit, augmentant ainsi la pression sur la Russie.

La division de l'Ukraine en zones d'influence, un plan dénoncé par les services de renseignement russes, montre également que l'Occident considère le pays comme une monnaie d'échange. La Pologne, la Roumanie et l'Allemagne seraient chargées de contrôler différentes régions, tandis que le Royaume-Uni superviserait le nord du pays. Cette fragmentation n'affaiblirait pas seulement l'Ukraine en tant que nation souveraine, mais consoliderait également la présence de l'Occident dans la région.

La Russie est confrontée à un dilemme stratégique : intensifier sa réponse militaire sur tous les fronts ou donner la priorité à ses ressources en Ukraine. Les deux options présentent des risques importants. Une expansion militaire pourrait surcharger l'économie russe et accroître la possibilité d'une confrontation directe avec les pays de l'OTAN, tandis qu'une stratégie plus conservatrice permettrait à l'Occident de gagner du temps pour se réarmer et réorganiser ses positions.

L'Occident continue de présenter ces conflits comme des luttes pour la démocratie et les droits de l'homme, occultant ainsi les dynamiques géopolitiques complexes qui les animent. En réalité, ces conflits sont le résultat d'un jeu stratégique dans lequel les principaux acteurs cherchent à consolider leur pouvoir et leur influence aux dépens des autres.

Dans ce contexte, la question essentielle n'est pas de savoir s'il y aura une escalade, mais comment et où se produira le prochain mouvement sur ce dangereux échiquier mondial. La Russie, prise dans un siège géopolitique multidimensionnel, doit décider comment naviguer dans ces eaux troubles tout en redéfinissant sa position dans un monde de plus en plus fragmenté et hostile.

mardi, 10 décembre 2024

L'interdépendance géopolitique: le rôle de la Turquie en Syrie et au Liban

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L'interdépendance géopolitique: le rôle de la Turquie en Syrie et au Liban

Dans le contexte des événements actuels en Syrie, l'eurodéputée FPÖ Petra Steger met en lumière le rôle de la Turquie en Syrie et au Liban. Elle évoque également le risque potentiel d'une nouvelle vague de réfugiés pour l'Europe.

par Petra Steger

Source: https://www.freilich-magazin.com/welt/geopolitische-verfl...

« C'est comme si nous étions à nouveau en 2014 », c'est ainsi qu'un journaliste de la République fédérale d'Allemagne, connaissant bien la région, décrit les événements qui se précipitent en Syrie et qui lui rappellent l'intervention de l'État islamique (EI) dans la guerre civile syrienne. Au cours des derniers jours et des dernières heures, une troupe terroriste islamiste, apparemment sortie de nulle part, s'est emparée de vastes régions du pays, dont la majeure partie d'Alep, la plus grande ville de Syrie. Presque impuissants, les alliés du gouvernement central du président Bachar el-Assad doivent assister à lʼoffensive, les combattants du « HTS » (Hayʼat Tahrir al-Sham) envahissent des bases, des dépôts dʼarmes et des aéroports. Mais d'où vient la force soudaine des guerriers barbus de Dieu et s'agit-il seulement d'un « IS 2.0 » ?

Si l'on cherche des réponses à ces questions, il faut avant tout se pencher sur la situation géopolitique au Moyen-Orient et en Europe de l'Est, car le succès soudain du HTS s'explique en premier lieu par deux autres guerres: au Liban et en Ukraine. Depuis le début de l'invasion russe, l'engagement en Syrie est passé nettement au second plan. L'armée de l'air russe, redoutée par les rebelles syriens, a dû réduire ses interventions, les pilotes et le matériel étant de plus en plus nécessaires sur le front ukrainien. Au lieu de cela, le poids principal des combats s'est déplacé sur les épaules des milices locales fidèles au gouvernement, de l'armée syrienne et surtout du Hezbollah chiite libanais. Coordonnés par des conseillers militaires iraniens et des officiers d'état-major russes, les hommes aux drapeaux jaunes ont combattu avec succès.

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La stratégie iranienne de défense du « croissant chiite » (Sud-Liban, Syrie, Irak, Iran) a porté ses fruits. Quelques mois avant le 7 octobre 2023, date de l'attaque du Hamas contre Israël, beaucoup ont déclaré que la guerre civile en Syrie était de fait terminée. Ce n'est que dans la région d'Idlib que les rebelles islamistes, dont le HTS, ont pu s'affirmer dans de vastes territoires contigus. Mais le succès du gouvernement central s'est avéré être construit sur du sable. Après le début des combats au Sud-Liban, la force des milices du Hezbollah en Syrie s'est effondrée, de grandes parties du front ne pouvaient plus être tenues efficacement. Début novembre 2024, un vide de pouvoir s'était depuis longtemps créé, ce qui a finalement fait entrer en scène un autre acteur qui s'était jusqu'alors uniquement concentré sur des actions dans le nord peuplé de Kurdes.

Les ambitions turques

La Turquie, qui contrairement à l'Iran, la Russie ou Israël n'a pas encore été impliquée dans une guerre avec pertes et fracas, poursuit depuis un certain temps en Syrie l'objectif d'établir une zone tampon plus importante pour se défendre contre les attaques kurdes. Elle entretient des bases et des points de contrôle dans les régions où la population kurde est importante. Mais outre l'aspect sécuritaire, le président Recep Tayyip Erdoğan a également des objectifs très profanes. Plus de 3,6 millions de Syriens ont fui vers le pays voisin et y pèsent sur les systèmes sociaux. Selon la volonté du président, ils doivent être expulsés le plus rapidement possible vers une Syrie pacifiée. Par le passé, la Turquie a déjà collaboré avec le HTS de manière plus ou moins cachée et poursuit une stratégie de « diviser pour mieux régner » vis-à-vis de ce groupe hétérogène. Les fractions fiables et surtout modérées sur le plan idéologique doivent être privilégiées et ont accès aux informations et aux cartes, selon les déclarations des déserteurs. Des troupes turques patrouillent même dans des zones qui sont en fait tenues par le HTS.

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On peut donc en déduire que la direction du HTS s'est réassurée à Ankara avant de lancer sa propre offensive. Il n'est pas clair si, en plus d'une neutralité au moins tacite et amicale, un soutien des services secrets a également été accordé. Beaucoup de choses - comme l'utilisation ciblée de moyens de combat électroniques pour interrompre complètement les canaux de communication des unités proches du gouvernement - restent encore obscures. En effet, la Turquie dispose, en plus de ses propres troupes, d'une autre milice locale, l'« Armée nationale syrienne » (ANS), qui agit même conjointement avec les troupes turques contre les combattants kurdes le long de la frontière entre les deux pays. Alors que le HTS se concentre surtout sur Alep dans sa lutte, le SNA agit de manière ciblée contre les régions kurdes, conquiert zone après zone et contraint ainsi les « Forces démocratiques syriennes » (FDS), majoritairement kurdes, à une alliance involontaire avec le gouvernement central.

Soutien ou contrôle ? La relation d'Ankara avec le HTS

L'objectif concret de la Turquie dans cette nouvelle escalade reste jusqu'à présent peu clair. Si le HTS se révèle moins « modéré » que ne l'espère l'état-major turc, une nouvelle vague de réfugiés pourrait menacer. Il existe quelques indices en ce sens, des vidéos de décapitation circulent sur les médias sociaux, les minorités chrétiennes et druzes craignent pour leur sécurité. Tout porte à croire que la Turquie a laissé sortir de la bouteille un esprit salafiste qu'elle ne parvient plus à contrôler elle-même. La direction du HTS a certes fait des efforts ces derniers mois pour se débarrasser de son image d'« IS 2.0 », les églises ont pu rouvrir à Idlib. Le chef militaire de l'alliance islamiste, Abu Muhammad al-Djolani, s'est fait photographier lors de l'ouverture de puits en territoire druze et a promis de s'engager pour les droits des minorités religieuses. Mais le groupe reste hétérogène, son seul lien idéologique est l'islamisme. Pour la Turquie, les commanditaires et les financiers du HTS sont un facteur aggravant: de riches salafistes et islamistes de la péninsule arabique, d'Arabie saoudite et des Emirats, tous deux traditionnellement opposés à l'hégémonie turque.

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Pour l'UE et les Etats-Unis, le drame qui se dessine ne leur a accordé, jusqu'à présent, qu'un rôle de spectateur. La concentration unilatérale sur les unités kurdes en tant qu'alliés potentiels dans la région n'a pas porté ses fruits, il n'existe pas de canaux ouverts avec le gouvernement syrien d'Assad. La situation est encore aggravée par le fait que l'on dépend toujours de la Turquie en tant que garde-frontière de l'Europe. Le manque de protection aux frontières extérieures de l'Europe laisse l'UE et ses Etats membres pratiquement sans défense face à une nouvelle vague de réfugiés. Il est exclu que les Turcs offrent à nouveau un abri à des millions de Syriens. Il est plus probable qu'Erdoğan dirige les réfugiés de cette nouvelle escalade directement vers la Grèce et la Bulgarie, d'où ils devraient immédiatement se mettre en route pour Vienne, Berlin ou Bruxelles. Erdoğan ne devrait pas se soucier du fait que son gouvernement a peut-être contribué à cette vague de réfugiés par son engagement en Syrie.

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Trump ne changera pas la situation entre la Jordanie et la mer Rouge

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Trump ne changera pas la situation entre la Jordanie et la mer Rouge

Source: https://www.barbadillo.it/117266-focus-usa-trump-non-camb...

Le timing est essentiel. Déjà photographiés dans des hôpitaux de Tel-Aviv, serrant la main du "boucher" Mileikowsky, les "rebelles" sont prêts à reconnaître Israël dès que le gouvernement syrien actuel sera renversé.

par Asiaticus

La guerre en Syrie

L’objectif : vider Gaza et la Cisjordanie, en « réduisant » les populations, partiellement transférées dans des camps prévus depuis des années dans le Sinaï et en Jordanie. Ensuite, étendre Eretz Israel.

La création de l’État d’Israël en 1948 avait été précédée par l’émergence des monarchies au Moyen-Orient, mises en place pour contenir les résistances des peuples de la région.

Les tentatives arabes des dernières décennies pour se défaire de cette emprise – comme la victoire en Algérie et en Égypte de fronts islamistes dans des élections libres et transparentes – se sont soldées par l’impossibilité de former ou de renverser des gouvernements démocratiquement élus, ou par l’assassinat de leurs membres. En parallèle, l’Islam a été diabolisé par la presse occidentale.

Les événements en Syrie sont un autre indicateur de ce qui est en préparation. Ce n’est pas un hasard si la trêve au Liban – trêve factice, car les pirates internationaux y reviendront bientôt – a été accompagnée de la résurgence soudaine des "rebelles" syriens, une bande de pillards composée de Kurdes et d’Ukrainiens masqués en islamistes, cherchant à manipuler des masses également sensibles à ces mécanismes.

Le timing est essentiel. Déjà visibles dans des hôpitaux de Tel-Aviv, serrant la main du "boucher" Mileikowsky, les "rebelles" sont prêts à reconnaître Israël dès que le gouvernement syrien actuel aura été écarté. Et leur choix du moment est précis. L’affaiblissement du Hezbollah côté syrien prépare le terrain pour pulvériser le Liban. Ensuite, le cercle se refermera autour de l’Iran, bien que ce dernier cas présente plus d’incertitudes.

Les événements sont complexes, avec de nombreux acteurs impliqués, chacun poursuivant ses propres intérêts. Personne ne détient toute la vérité.

Mais lorsque apparaît l’acteur principal, tout devient plus clair.

Ah, la Russie. Même sa mise en échec via la guerre par procuration en Ukraine sert les événements qui se déroulent au Moyen-Orient avec une rapidité impressionnante, prouvant que tout est planifié depuis longtemps, selon un projet cohérent reliant ces événements.

La réélection de Trump, que beaucoup dans la "dissidence" ont saluée comme salvatrice, est également un prélude à la fin de la question palestinienne. Mais dans le sang.

Trump a averti les habitants de Gaza que si les otages ne sont pas libérés d’ici janvier, les États-Unis déclencheront l’enfer.

« Nous sommes déjà en enfer, a été la réponse, et notre vie n’est pas un terrain de jeu. »

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La guerre des gazoducs en Syrie est désormais remportée par les Américains

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La guerre des gazoducs en Syrie est désormais remportée par les Américains

Source: https://dissident.one/de-syrische-pijpleidingenoorlog-is-...

Comme vous vous en souvenez peut-être, l’une des raisons du déclenchement de la guerre en Syrie était le gaz.

Plus précisément, la question portait sur quel gazoduc serait utilisé pour transporter le gaz du gisement de Pars, le plus grand du monde, partagé entre le Qatar et l’Iran, vers l’Europe.

Les deux gazoducs devaient traverser la Syrie, et celui qui contrôle la Syrie pouvait décider si l’Europe serait alimentée en gaz par l’Iran, allié de la Russie, ou par le Qatar, allié des États-Unis.

Posobiec est un individu controversé, ayant servi à Guantanamo, et tout Américain ayant servi là-bas est coupable de torture sur des innocents, le crime le plus vil. Cependant, il a publié un tweet pertinent, et cela mérite d’être noté, même si cela dérange. Dans ce Tweet, il écrivait: Why does the CIA care about Syria so much you ask? Well right before the CIA and ‘moderate jihadists’ began the dirty war in Syria to oust Assad, he cancelled the US-backed Qatar pipeline project . Once again, maps cut through the rhetoric - Pourquoi la CIA se soucie-t-elle tant de la Syrie, me direz-vous? Eh bien, tout juste avant que la CIA et les "djihadistes modérés" ne commencent leur sale guerre en Syrie pour chasser Assad, ce dernier avait rejeté le projet de gazoduc du Qatar, soutenu par les Etats-Unis. Une fois de plus, les cartes en disent plus long que toute rhétorique (voir la carte en tête du présent article).

Pepe Escobar a écrit un article à ce sujet en 2015 :

La Syrie est une guerre énergétique. Au cœur de la question se trouve une compétition géopolitique féroce entre deux gazoducs proposés. C’est l’ultime « guerre de Pipelinestan », un terme que j’ai inventé il y a longtemps pour désigner les champs de bataille énergétiques impériaux du 21ᵉ siècle.

Tout a commencé en 2009, lorsque le Qatar a proposé à Damas de construire un gazoduc depuis son champ gazier du Nord – adjacent au champ gazier de South Pars appartenant à l’Iran – à travers l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Syrie jusqu’à la Turquie, pour approvisionner l’UE.

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En 2010, Damas a choisi de soutenir un projet concurrent : le gazoduc Iran-Irak-Syrie de 10 milliards de dollars, également connu sous le nom de « pipeline islamique ». L’accord a été officiellement annoncé en juillet 2011, alors que la tragédie syrienne était déjà en cours. En 2012, un protocole d’accord a été signé avec l’Iran.

Jusqu’à cette époque, la Syrie était perçue comme géostratégiquement insignifiante par rapport aux riches ressources pétrolières et gazières des pays du CCG. Mais les initiés savaient déjà l’importance de la Syrie comme corridor énergétique régional. Plus tard, cela a été renforcé par la découverte de sérieux potentiels pétroliers et gaziers offshore.

L’Iran, de son côté, est un géant établi du pétrole et du gaz. À Bruxelles, des rumeurs persistantes ont alimenté une excitation à peine contenue à propos du "pipeline islamique", qui aurait pu être la stratégie idéale pour réduire la dépendance à Gazprom. Cependant, l’Iran était sous sanctions américaines et européennes en raison de son programme nucléaire.

Cela est finalement devenu une raison stratégique majeure, du moins pour les Européens, de rechercher une solution diplomatique au dossier nucléaire iranien. Un Iran « réhabilité » (aux yeux de l’Occident) pourrait devenir une source énergétique clé pour l’UE.

Cependant, du point de vue de Washington, un problème géostratégique demeurait : briser l’alliance entre Téhéran et Damas, et à terme, entre Téhéran et Moscou.

L’obsession de Washington selon laquelle « Assad doit partir » est une hydre à plusieurs têtes. Elle comprend la rupture de l’alliance entre la Russie, l’Iran, l’Irak et la Syrie (désormais connue sous le nom d’alliance « 4+1 », incluant le Hezbollah, qui combat activement toutes les formes de jihadisme salafiste en Syrie). Elle vise également à isoler leur coordination énergétique, au profit des clients pétrodollars du Golfe liés aux géants de l’énergie américains.

* * *

Nord Stream

Cette guerre est maintenant terminée et le vainqueur est clair. Ajoutez à cela le sabotage de Nord Stream par les Américains, qui acheminait du gaz russe vers l’Europe, et il est évident que les États-Unis ont désormais une emprise totale sur l’approvisionnement énergétique de leurs vassaux européens.

Pour la partie du projet chinois de la « Route de la soie » en direction de l’Europe qui traverse la Syrie, c’est également une mauvaise nouvelle. Des articles sur les conséquences de la fin très provisoire de cette guerre suivront certainement bientôt.

dimanche, 08 décembre 2024

Si Homs tombe, la Syrie sera brisée

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Si Homs tombe, la Syrie sera brisée

Par Daniele Perra

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/se-cade-homs-la-s...

Note de la rédaction: Cet article a été publié puis traduit avant l'effondrement brutal et soudain du régime baathiste d'Assad. Il donne néanmoins des informations précieuses pour comprendre la situation tragique de la Syrie et permet de tirer des leçons pour l'avenir.

L'effondrement (provoqué) du processus d’Astana aura également des répercussions significatives sur le théâtre ukrainien. Il est peu probable que la Russie accepte à nouveau une paix de compromis qui ne fait que geler (temporairement) un conflit à ses frontières, avec la possibilité que son rival direct se renforce au fil du temps.

Il va sans dire que le processus d’Astana représentait une petite pierre militaire dans la construction d’un système global multipolaire, ainsi qu’une défaite évidente des plans israélo-américains pour la Syrie. La solution, bien que temporaire, au conflit avait en effet été trouvée en marginalisant les exigences de l’Occident (partiellement représenté par la Turquie).

Si les miliciens djihadistes du HTS (inutile de les appeler « insurgés » ou « rebelles », il faut nommer les choses par leur nom) atteignent Homs et divisent la Syrie en deux, en séparant la côte méditerranéenne (une région avec une forte présence alaouite, minorité à laquelle appartient la famille Assad) du reste du pays, alors la Syrie telle que nous la connaissons aujourd’hui cessera d'exister. Dans ce cas, le risque devient également très élevé pour les bases russes de Tartous et Lattaquié.

L’effondrement de l’armée arabe syrienne n’est pas particulièrement surprenant si l’on considère qu’elle est en guerre de manière ininterrompue depuis 13 ans sur plusieurs fronts (comme celui de Deir ez-Zor, qui n’a jamais connu de réelles trêves) et qu’elle est attaquée presque quotidiennement par Israël (ciblant principalement des dépôts d’armes et des voies de transport). À cela s’ajoute le lourd régime de sanctions imposé par la première présidence Trump (le tristement célèbre Caesar Act), qui a effectivement privé le peuple syrien des biens de première nécessité, partiellement compensés par le soutien russo-iranien, et a facilité le pillage des ressources pétrolières syriennes, toujours en cours dans les régions sous contrôle des SDF et des États-Unis.

Si Homs tombe, la Syrie sera divisée en deux, et Damas sera directement menacée. À ce moment-là, l’avenir de ce pays du Levant pourrait se diriger vers une division en trois parties : une zone orientale sous le contrôle direct des SDF (Kurdes) et des États-Unis; une zone centrale sous le contrôle du HTS, de la Turquie et (indirectement) d’Israël (qui pourrait étendre son influence au-delà du plateau du Golan, comme le rêve Smotrich); et la côte méditerranéenne sous influence russe (il est peu probable qu’une menace directe pèse sur les bases russes), qui deviendrait une sorte d’enclave alaouite.

En d'autres termes, cela représenterait le triomphe d’un plan Yinon renouvelé: le Liban serait isolé et prêt à adhérer aux Accords d’Abraham une fois que le Hezbollah, privé de ravitaillement, serait marginalisé et militairement vaincu.

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Réfléchissons à la chute du régime d’Assad

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Réfléchissons à la chute du régime d’Assad

Filip Martens

Les « rebelles modérés », soutenus par l’Occident et la Turquie, instaurent un État wahhabite dans l’ouest et le centre de la Syrie. Des milliers de personnes, qu’elles soient chrétiennes, druzes, laïques, alaouites, sunnites ou chiites, seront assassinées pour des raisons religieuses ou politiques. Des centaines de milliers d’autres fuiront, en grande partie vers l’Europe. En Syrie, Kurdes, wahhabites et non-wahhabites (ce méli-mélo de l’Armée Syrienne Libre) se battent entre eux. Brusquement, le chaos syrien devient un problème majeur pour l’Occident.

Par ailleurs, la Turquie nourrit des plans d’annexion pour le nord de la Syrie et des factions pro-turques commencent à attaquer Manbij, une ville sous contrôle kurde.

La guerre en Syrie est loin d’être achevée. Le pays s’engage dans une période extrêmement sombre, et le pire reste à venir. Nous avons déjà vu des situations similaires en Libye et en Irak.

Cela n’avait rien de surprenant. Les conditions en Syrie ces dernières années et l’absence manifeste de volonté de libérer les zones occupées parlaient d’elles-mêmes. L’armée syrienne n’a pas défendu le pays face aux djihadistes, et de nombreux soldats syriens ont même rejoint leurs rangs. De plus, il y a deux jours, l’Iran a retiré ses principales unités de forces supplétives ainsi que ses spécialistes du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI). Ce retrait a rendu Assad politiquement impuissant.

À ce stade, il est difficile de dire ce qui serait mieux pour la Syrie. Attendons de voir comment les choses évoluent avant de formuler des commentaires supplémentaires.

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samedi, 07 décembre 2024

La nouvelle contre-offensive de l’empire du chaos en Syrie

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La nouvelle contre-offensive de l’empire du chaos en Syrie

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/12/01/kaaoksen-imperiumin-uu...

Peu après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu au Liban, les « rebelles djihadistes » soutenus par Israël, les États-Unis, la Turquie et le Qatar se sont à nouveau activés en Syrie, progressant rapidement vers la ville d’Alep. Des sources occidentales prétendent même que Damas serait sur le point de tomber, et que la famille Assad aurait fui à Moscou.

Dans les médias de masse occidentaux (et souvent mensongers), on remet en avant le récit de la « guerre civile syrienne », qui aurait commencé en 2011 après des manifestations antigouvernementales. Ce conflit, déclenché par les sionistes et les puissances occidentales, dure depuis près de quatorze ans mais le gouvernement Assad a tenu bon jusqu’ici, grâce au soutien de la Russie et de l’Iran.

Bien que le conflit ait semblé s’essouffler ces dernières années, Israël a continué de frapper les forces iraniennes opérant en Syrie. Désormais, ce sont à nouveau des mercenaires islamistes – agissant comme troupes au sol sous la bannière des « sunnites de la CIA » – qui sont déployés. Ces groupes fragmentés et aux noms variés cherchent à renverser le gouvernement de Bachar el-Assad, qui soutient à la fois le Hezbollah et la résistance palestinienne.

L’objectif est de plonger la Syrie dans la même instabilité et le même chaos que la Libye, car des dirigeants arabes indépendants et opposés au sionisme comme Assad ne conviennent pas à l’establishment anglo-américain. Si ce scénario se concrétise, il pourrait donner naissance à un nouveau régime extrémiste islamiste dans la région (avec la société d’investissement BlackRock à l’arrière-plan ?) et provoquer une nouvelle vague de réfugiés vers l’Europe.

Pourtant, en Occident et en Ukraine, certains se réjouissent déjà que la Russie, qui soutient Assad, ait dû effectuer des frappes aériennes en Syrie. Ils pensent apparemment que cela soulage l’Ukraine en engageant la Russie dans des conflits en Asie de l’Ouest. Je doute cependant que la Russie néglige ses priorités principales, et cette joie malveillante des Ukrainiens semble prématurée.

L’instabilité géopolitique actuelle montre néanmoins qu’on ne peut faire confiance aux accords conclus entre puissances concurrentes. En 2017, lors des négociations de paix d’Astana, la Russie, l’Iran et la Turquie avaient joué les médiateurs entre le gouvernement Assad et les « rebelles », dans le but de créer des « zones de désescalade » pour réduire les combats et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie.

Comme on peut le constater aujourd’hui, le gel partiel du conflit syrien, sans établir de cadres clairs ou de pressions suffisantes pour pousser les États-Unis à mettre fin à leur occupation – ou pour contraindre la Turquie à se retirer de la région d’Idlib – a conduit à des conséquences catastrophiques suite auxquelles les Syriens paient un lourd tribut.

Avec le recul, il est facile de dire que le gouvernement Assad n’aurait pas dû participer aux négociations d’Astana, tout comme Poutine s’est laissé tromper par les accords vides de Minsk. Avec ces manœuvres, l’Occident n’a fait que gagner du temps pour ses propres mouvements stratégiques et son renforcement militaire. Quelqu’un pensait-il réellement que les curateurs de l’empire du chaos – l’État profond américain et ses élites financières – renonceraient volontiers à leur pouvoir ?

Ainsi, la Syrie, l’Iran et la Russie doivent tirer des conclusions brutales de la situation actuelle: il faut renoncer aux accords et objectifs qui ne profitent qu’à l’adversaire, et, au lieu de négocier, laisser parler les armes jusqu’à la fin des conflits. Malheureusement, il semble que le monde appartienne à ceux qui sont prêts à le réduire en cendres.

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jeudi, 05 décembre 2024

Syrie: Cui prodest?

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Syrie: Cui prodest?

Par Enrico Tomaselli

Source : Giubbe rosse & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/siria-cui-prodest

Erdogan a finalement tombé le masque: sa solution à la crise syrienne est que le gouvernement de Damas "dialogue avec l'opposition". Évidemment, la seule opposition digne de dialogue devrait être constituée par l’Armée nationale syrienne (ANS), strictement alignée sur la Turquie. Le fait que ses anciens proxys d’Al-Nosra, abandonnés ensuite par Ankara et transformés en Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), aient pu se préparer pendant des mois à l’offensive des derniers jours, sous le regard complaisant des services turcs, tout comme le fait que les milices de l’ANS aient immédiatement lancé leur offensive pour occuper Alep et une partie des zones contrôlées par les Kurdes, avait déjà rendu cela évident pour quiconque voulait le voir.

Il était d’ailleurs clair que les accords d’Astana n’avaient pas satisfait le président turc, qui s’attendait à une plus grande docilité de la part de Damas face à ses exigences (inacceptables). D’où la réouverture du chaos syrien, qu’il propose maintenant de résoudre avec son propre soutien. Après tout, ses amis-ennemis de Washington ne font-ils pas exactement la même chose dans tout le Moyen-Orient ? Ils alimentent les guerres en soutenant activement une des parties, puis se proposent – ou s’imposent – comme médiateurs...

Mais comme pour tous les apprentis sorciers, invoquer les forces du mal ne signifie pas savoir les contrôler. HTS est nettement plus fort que l’ANS et lui laisse en fait juste un espace vers l’est, là où il peut régler ses comptes avec les formations kurdes intégrées aux FDS. Ces dernières, à leur tour, jouent sur plusieurs tableaux : elles se font soutenir par l’aviation russo-syrienne plus au nord pour ensuite attaquer les positions syriennes sur l’Euphrate, près de Deir ez-Zor, avec la couverture de l’artillerie et de l’aviation américaine stationnées à la base voisine de Conoco.

La situation risque de devenir si explosive que les États-Unis et la Russie ont réactivé une ligne de communication directe sur le terrain, précisément pour éviter des incidents dangereux.

L’audace d’Erdogan et son mépris des intérêts des autres ne peuvent qu’agacer – au minimum – Moscou et Téhéran, qui ont déjà d’excellentes raisons de se méfier du « sultan ». Non pas parce que les bandes de coupe-gorge de HTS pourraient réellement constituer une menace pour la présence russe ou iranienne en Syrie, ce qui est manifestement hors de leur portée, mais parce que cette manœuvre a bouleversé les équilibres sur lesquels reposait la situation syrienne vacillante, les obligeant à intervenir de manière plus incisive et durable. Le fait que l’Iran ait envoyé le général Seyyed Javad Ghaffari, vétéran de la guerre contre Daech, ancien numéro deux de Soleimani et connu pour ses méthodes radicales, est un indicateur clair: la présence des bandes terroristes, plus ou moins téléguidées par la Turquie, doit être éradiquée.

Bien sûr, il y a ceux qui prospèrent dans le chaos. Ainsi, Israël, les États-Unis et les services secrets du régime naziste de Kiev sont tous là, cherchant à attiser les flammes, convaincus que gêner l’ennemi est toujours et partout une bonne chose.

Avec cette logique, ils ont embrasé l’Ukraine, avec pour seul résultat de préparer la Russie à une confrontation inévitable et, en fin de compte, de poser les bases de la défaite politico-militaire la plus spectaculaire de toute l’histoire de l’OTAN.

Il ne reste plus qu’à s’asseoir sur les rives de l’Euphrate et attendre.

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lundi, 02 décembre 2024

Alep. Et plus encore...

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Alep. Et plus encore...

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/aleppo-e-altro/

Alep est, pratiquement, tombée. En quelques heures, conquise par la coalition rebelle syrienne. Une coalition composite, mais en fait hégémonisée par les djihadistes. C'est-à-dire par ces groupes auxquels, en paroles et parfois en actes, l'Occident dit s'opposer. Mais qui sont bien utiles en Syrie pour combattre Assad.

Derrière les forces kurdes, qui constituent la véritable colonne vertébrale militaire des rebelles, bien sûr, une coalition complexe où les djihadistes sont, très certainement, majoritaires. Il devient donc extrêmement difficile de décrypter le jeu complexe de soutien et de résistance entre la Turquie, d'une part, et l'Occident, principalement américain et britannique, et accessoirement français, d'autre part.

Erdogan semble inquiet. Et il négocie avec Poutine. Certes, sa Turquie a soutenu les soi-disant « rebelles » anti-Assad, mais l'horizon semble flou. Et pas de nature à le laisser serein. Le risque de voir naître un Kurdistan syrien indépendant est bien réel. Et celui-ci deviendrait certainement une base d'opérations pour les Kurdes du PKK, qui tentent d'arracher les provinces kurdes à Ankara.

Il est donc préférable de traiter avec Poutine maintenant. En position de force, essentiellement.

Assad est manifestement en grande difficulté. La violente offensive israélienne au Liban a rendu l'engagement du Hezbollah en Syrie pour l'essentiel non substantiel. Il a dû retirer la plupart de ses milices de Syrie pour les engager chez lui. Et qui, en outre, s'est trouvé, et se trouve encore dans une certaine mesure, dans une phase complexe de transition après la mort de son leader Nasrhallah.

Il y a donc une grande incertitude quant à ce que Téhéran veut faire. Celui-ci ne semble pas vouloir s'engager directement en Syrie, trop préoccupé, dans ses sommets, par les intentions d'Israël, ou plutôt de Netanyahou, qui semble vouloir attaquer directement le territoire iranien.

Cela ne se produira probablement pas en raison de la pression exercée par Washington qui, pour l'instant, souhaite éviter un conflit direct avec l'Iran. Mais l'inquiétude demeure et le nouveau président iranien, Masoud Pazeshkian, représente des groupes d'intérêts qui seraient trop lésés par un choc frontal avec les Etats-Unis.

D'où l'ambiguïté de la position iranienne dans le conflit syrien. Ce qui a donné et continue de donner l'impression d'un refus de s'engager directement.

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Les forces « rebelles » en sont bien sûr parfaitement conscientes. Et, surtout, ceux qui les manœuvrent de loin. De très loin. De l'autre côté de l'Atlantique, pour être clair.

Reste le problème Poutine. C'est-à-dire ce que la Russie, qui est et reste le principal soutien d'Assad, va décider de faire.

Et c'est là le point critique.

La Russie, toujours fortement impliquée en Ukraine, n'a certainement pas le désir, et peut-être même pas la force, d'intervenir directement au Moyen-Orient.

Et c'est précisément sur ce point que comptent les forces, politiques et économiques, qui cherchent à saper le pouvoir d'Assad. Avec la perspective non pas d'un changement de régime, c'est-à-dire d'un changement de gouvernement, mais d'une fragmentation de la Syrie. De conduire le pays vers une situation permanente de chaos et de troubles civils. Car certains intérêts profitent largement du chaos et de l'absence de gouvernement.

Cependant, Poutine est bien conscient que la Syrie d'Assad est la principale base d'opérations de la flotte russe en Méditerranée. Et il ne peut évidemment pas la perdre. Car ce serait une perspective très, très dangereuse pour l'avenir.

Tel est l'état actuel des choses.

Un signe avant-coureur, cependant, de développements continus qui sont très difficiles à prévoir. Ce qui pourrait se passer, par exemple, avec l'entrée de Trump dans le bureau ovale... Et ce que pourrait faire Pékin, qui jusqu'à présent reste silencieux. Mais, compte tenu de son intérêt pour les ports syriens, c'est un silence extrêmement lourd.

lundi, 11 décembre 2023

La géopolitique de la Palestine

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La géopolitique de la Palestine

Ronald Lasecki

Source: https://ronald-lasecki.blogspot.com/2023/11/geopolityka-palestyny.html

Une réflexion sur la géopolitique de la Palestine doit bien sûr commencer par une perception de la géomorphologie de l'espace. Tout d'abord, il y a la plaine côtière sur laquelle se trouvaient les villes historiquement prospères qui servaient le commerce est-ouest, comme les anciennes Gaza, Ashkelon et Ashdod. Il en va de même pour le Liban plus montagneux au nord de l'Israël actuel, où se trouvaient historiquement des centres tels que Tyr, Byblos et Sidon. Dans l'Israël d'aujourd'hui, les plaines côtières sont le centre d'une population cosmopolite et libérale, cette part de la population qui s'identifie le plus étroitement à la civilisation occidentale. C'est une terre de commerçants, de banquiers, de bureaucratie civile et de médias, qui s'étend de Tel Aviv à Haïfa.

Périmètre oriental

À l'est se trouve une haute chaîne de montagnes, ensuite nous trouvons la profonde fosse du Jourdain avec le lac de Tibériade et la mer Morte. Au pied des montagnes se trouve la Cisjordanie et les structures de l'"État" palestinien qui y est installé. Ces régions, avec les chaînes de montagnes du Liban et de l'Anti-Liban et la profonde vallée tectonique de la Bekaa au nord, ont été historiquement les centres d'une civilisation de guerriers et d'agriculteurs. Pendant la période biblique, le site de l'actuelle Cisjordanie était occupé par le royaume d'Israël sous les dynasties d'Omrid et de Jéhu. Aujourd'hui, entre Jérusalem et le Jourdain, l'avantage est tenu par des structures militaires et des colons armés qui cherchent à contrebalancer les pressions syriennes et palestiniennes.

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À l'est du Jourdain, des tribus arabes locales sont implantées, mais elles sont trop faibles pour menacer les centres de pouvoir qui contrôlent la Judée et la Samarie (sud d'Israël et Cisjordanie). À environ 30-50 km à l'est du Jourdain commence le désert, qui constitue un tampon géopolitique entre la Palestine et la plaine mésopotamienne et les centres de pouvoir qui s'y trouvent. Après l'effondrement de l'Empire ottoman, la rive orientale du Jourdain a été séparée par les Anglais et est devenu ce qu'ils ont appelé la Transjordanie, un protectorat différent avec sa capitale à Amman, où la dynastie hachémite, alliée des Anglais et exilée du Hedjaz par les Saoudiens, s'est installée. Après le retrait anglais de la région en 1948, cette création a été rebaptisée Jordanie. Les Hachémites ont également reçu des Anglais, en 1921, le royaume d'Irak, de l'autre côté du désert, mais l'ont perdu au profit de putschistes militaires républicains en 1958.

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La dynastie hachémite, qui s'est liée matrimonialement avec des représentants des sphères militaires anglaises et janissaires, est considérée comme un corps étranger par de nombreuses personnes en Jordanie, en particulier les Palestiniens. Les Hachémites se sont positionnés comme sujets d'un protectorat anglais depuis 1916, tout en considérant l'État juif comme un allié pour contrebalancer la menace palestinienne. Régnant officiellement sur la Cisjordanie entre 1948 et 1967, ils n'ont en aucun cas permis la création d'un État palestinien. Au contraire, en septembre 1970, ils ont mené une guerre sanglante contre l'Organisation de libération de la Palestine, avec l'aide de Londres, obligeant le mouvement de libération nationale palestinien à déplacer son siège au Liban.

La Cisjordanie, qui abrite les structures aujourd'hui contrôlées par l'administration palestinienne basée à Ramallah, est donc géo-économiquement coincée entre Israël et la Jordanie, deux pays hostiles, et ne peut fonctionner que sur la base de l'économie plus dynamique de l'Etat d'Israël voisin. À l'instar de l'ancien royaume de Juda dans les collines, en conflit permanent avec les cités-États côtières de Philistie, l'"État de Palestine" actuel, situé au sommet des collines, dépend économiquement de l'accès aux ports de la plaine côtière d'Israël.

La menace qui pèse sur le centre de pouvoir palestinien, en revanche, provient des centres de pouvoir extérieurs qui traversent le désert syrien - depuis la Mésopotamie et les hauts plateaux iraniens. Entre 746 et 609 av. J.-C., la Palestine était sous la domination des Assyriens mésopotamiens. Entre 609 et 539 av. J.-C., les Babyloniens, originaires de la région mésopotamienne, les ont remplacés. Les Babyloniens ont ensuite été remplacés par les Perses, originaires du haut plateau iranien (550-330 av. J.-C.), qui finirent par succomber à Alexandre le Grand en 330 av. J.-C. C'est également le souverain perse Cambyse II qui, en 525 av. J.-C., conquiert l'Égypte en passant par le Sinaï, et Artaxerxès III qui réitère son exploit en 340 av. J.-C.

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La succession des hégémons a également rythmé l'évolution de l'État israélite antique: la destruction du royaume de Juda par les Babyloniens en 586 av. et la déportation des Juifs à Babylone par le souverain local Nabuchodonosor II, suivie de l'édit du souverain perse Cyrus II ouvrant la voie au "retour à Sion" des Juifs, qui marque le début du protectorat perse sur la Palestine - converti en macédonien après les conquêtes d'Alexandre le Grand au IVe siècle avant J.-C., puis en romain au Ier siècle avant J.-C..

Périmètre sud

Les incarnations historiques successives de l'État juif en Palestine au sud ont généralement dominé la côte entre Tel-Aviv et le Sinaï et tout ou partie du désert du Néguev. Au sud-ouest, le désert du Sinaï constitue donc un tampon géopolitique efficace pour la Palestine. Tant du côté palestinien qu'égyptien, les forces peuvent le traverser avec la possibilité de se réapprovisionner de l'autre côté. Au XVIIe siècle avant J.-C., l'Égypte a été conquise par les Hyksos venus de Palestine et traversant le désert du Sinaï, qui sont finalement vaincus par les forces autochtones environ un siècle plus tard, lorsque l'Égypte étend à son tour sa domination à la côte du Levant.

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En 640, les Arabes attaquant depuis Damas atteignent Al-Fustat et, deux ans plus tard, Alexandrie. En 1174, le fondateur de la dynastie des Ayyoubides, qui a régné sur l'Égypte jusqu'en 1250, le sultan Saladin, a occupé Damas et Homs. Une autre expansion de ce type n'a été entreprise à partir de l'Égypte que dans la première moitié du XIXe siècle par Muhammad Ali Pacha, qui a lutté contre l'Empire ottoman.

Le Sinaï peut donc être une voie d'expansion, mais le coût du maintien permanent de garnisons militaires sur la péninsule est élevé, de sorte qu'Israël n'a jamais dominé le Sinaï à long terme, tandis que la présence militaire de l'Égypte y est toujours symbolique et que la région est une sorte de "trou noir" politique, servant de repaire aux contrebandiers, aux bandits et aux militants. Une invasion par le Sinaï est possible en cas de décomposition politico-militaire de l'adversaire de l'autre côté du désert ("deuxième période de transition" en Égypte au 17ème siècle avant J.-C., défaite des Hyksos dans la lutte contre la 18ème dynastie au 16ème siècle avant J.-C., décomposition de l'Empire ottoman après la révolution grecque dans les années 1820) ou de soutien de l'entité attaquante par une puissance extérieure (Royaume-Uni et France soutenant Israël en 1956 et URSS soutenant l'Égypte en 1973).

Il convient de mentionner au passage la menace idéologique que représente le centre de pouvoir égyptien pour l'indépendance du centre de pouvoir palestinien. Pendant la période de la monarchie jusqu'en 1952, l'Égypte a manifesté le désir de détruire l'État israélien alors naissant. La guerre de 1948 a placé la bande de Gaza sous son administration militaire, qu'elle a contrôlée jusqu'en 1967. Avant le coup d'État militaire de 1952, le Caire considérait la bande de Gaza et le désert du Néguev comme une extension naturelle de la péninsule du Sinaï, et non comme le territoire de l'État national des Palestiniens.

Après le coup d'État de Gamal Abdel Naser en 1952, l'Égypte a adopté l'idéologie du nationalisme arabe. Sa plus grande réussite a été la République arabe unie unitaire, laïque et socialiste de 1958 à 1961, qui englobait l'Égypte et la Syrie et se complétait par une confédération nominale avec le Yémen du Nord. Gamal Abdel Naser a opposé le nationalisme et le socialisme arabes au sionisme juif, faisant de la destruction d'Israël et de l'incorporation des terres palestiniennes dans la République arabe unie le principal objectif stratégique, ce qui permettrait à l'État arabe de parvenir à une continuité territoriale. L'attitude du Caire à l'égard du nationalisme palestinien était donc assez ambivalente.

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Ajoutons que dans la seconde moitié du XXe siècle, le père du nationalisme palestinien, Yasser Arafat, et les organisations Al-Fatah (1958) et OLP (= Organisation de libération de la Palestine) (1968) qu'il a fondées, étaient considérés par les monarchies arabes conservatrices comme un outil de Nasser et une force subversive qui menaçait les régimes monarchiques. D'où la guerre sanglante entre Palestiniens et Hachémites en Jordanie en septembre 1970. Il existe donc une tension non seulement entre le nationalisme palestinien, le nationalisme syrien et le nationalisme panarabe émanant de l'Égypte jusqu'en 1970, mais aussi entre les aspirations palestiniennes et les politiques de sécurité des autres États arabes.

Au sud-est, les déserts Arabes et du Nefud constituent une barrière géopolitique efficace contre les incursions des tribus du Hedjaz, qui sont trop peu nombreuses et trop faibles pour menacer le centre du pouvoir palestinien. Elles ne peuvent réussir que dans des conditions d'explosion démographique, comme au VIIe siècle, lorsque les Arabes islamistes ont commencé leur expansion en conquérant puis en faisant de Damas leur capitale.

Le périmètre nord

Au nord-est du centre de pouvoir palestinien se trouve le centre de pouvoir syrien, dont la capitale est Damas. Cette ville a une population importante, mais elle est coupée de la mer, ce qui la rend pauvre. Ce centre syrien est abrité à l'est par un désert qui s'étend jusqu'à l'Euphrate. Au nord du centre de pouvoir syrien se trouve l'Anatolie montagneuse, où l'expansion depuis le sud est fortement entravée, mais à partir de laquelle des centres de pouvoir extérieurs exercent une pression sur la région. En l'absence de menace venant du nord et de stabilité interne, le centre de pouvoir syrien tente d'accéder à la mer en soumettant les villes du nord du Levant, avec lesquelles il entretient d'importants échanges commerciaux. Ce fut le cas, par exemple, entre 1976 et 2005, lorsque la Syrie s'est impliquée dans la guerre civile libanaise, envahissant le pays et en contrôlant ensuite la majeure partie.

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Les ports du nord du Levant ne constituent pas à eux seuls une puissance terrestre importante. Historiquement, la Phénicie s'y est installée avec des villes telles que Dor, Acre, Tyr, Serepta, Sidon, Berytos, Byblos, Tripoli et Arwad. Pendant la plus grande partie de leur existence, ces villes n'ont pas formé un organisme étatique unifié, se faisant concurrence et dépendant de centres de pouvoir extérieurs. À partir du 12ème siècle avant J.-C., les Phéniciens ont remplacé les Crétois en tant que principale puissance maritime et commerciale de la Méditerranée orientale. Cependant, au milieu du 9ème siècle avant J.-C., la plupart des villes phéniciennes étaient déjà dépendantes de la puissance terrestre croissante de l'Assyrie.

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La chaîne de montagnes libanaise du nord du Levant atteint presque le littoral et n'est que rarement entrecoupée de vallées fertiles. C'est pourquoi les centres de pouvoir de cette partie du Levant n'ont pas d'ancrage géopolitique. La Phénicie n'était probablement pas un pays très peuplé et fonctionnait principalement comme une puissance maritime et un intermédiaire pour le commerce entre la Mésopotamie, l'Égypte et la Méditerranée occidentale, d'où l'on importait notamment de l'argent, qui était très demandé à l'époque.

Le centre de pouvoir palestinien n'est donc pas menacé de manière significative par le centre de pouvoir libanais actuel. Le Liban moderne a été séparé de la province ottomane de Syrie par les Français après la défaite de l'Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale. La base de cette séparation était la prédominance des chrétiens maronites, avec lesquels la France s'était alliée pendant la guerre civile dans l'Empire ottoman dans les années 1860.

Le Liban tire son nom de sa caractéristique topographique, à savoir le mont Liban qui domine le pays. Cependant, il n'a pas de spécificité géographique ou ethnique organique, car le seul trait distinctif du pays a été historiquement la domination par les alliés français. Le tampon stratégique pour l'Israël d'aujourd'hui est le fleuve Litani, dont Israël a cherché à contrôler la zone au sud, soit directement, soit avec l'aide de forces locales satellites entre 1978 et 2000, ou en tout cas à la débarrasser des forces ennemies comme pendant la guerre de juillet 2006.

Périmètre nord-est

Dans le cas du périmètre nord-est, il faut tenir compte des caractéristiques géostratégiques et historiques de la menace que représente le centre de force syrien pour le centre de force palestinien. Un centre de force syrien pourrait attaquer la Palestine par un corridor d'environ 40 kilomètres entre le mont Hermon dans la chaîne de l'Anti-Liban et le lac de Tibériade. Pour atteindre la plaine côtière de Palestine, les forces syriennes doivent traverser le plateau du Golan et la région montagneuse de la Galilée, puis maintenir des lignes de ravitaillement passant par ces terres qui constituent un bon point d'appui pour la guérilla. Une autre voie d'attaque mène au sud du lac de Tibériade, mais nécessite également le maintien de lignes de ravitaillement étendues.

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Site archéologique de Megiddo.

Depuis le néolithique, le point stratégique de cette région est la colline de Megiddo, également connue sous le nom grec d'Armageddon. Dans l'Antiquité, c'était le site principal du centre cananéen et la capitale du Royaume d'Israël, tandis qu'aujourd'hui, c'est le kibboutz israélien du même nom. La colline est située à l'extrémité nord de la vallée du Wadi Ara, qui traverse les montagnes du Carmel, et surplombe la vallée de Jezréel, également connue sous le nom de vallée d'Armageddon ou de vallée de Megiddo. Une force avançant depuis le nord-est à travers le plateau du Golan devrait se heurter à des forces locales opérant avec des lignes de ravitaillement courtes, elles-mêmes reliées à des lignes de ravitaillement de la guérilla montagnarde étirées et vulnérables.

La caractérisation historique de la menace syrienne doit commencer par la division des possessions arabes de l'Empire ottoman entre l'Angleterre et la France en vertu du traité Sykes-Picot de mai 1916. Le territoire de l'ancienne province ottomane de Syrie, comprenant les territoires de l'actuelle Syrie, du Liban, de la Jordanie et de la Palestine, a été divisé le long d'une ligne allant du Mont Hermon à la côte méditerranéenne en une partie nord qui revenait à la France et une partie sud qui revenait à l'Angleterre. En conséquence, de nombreux Arabes ayant adopté une identité nationale syrienne ont nié la spécificité de la Palestine, du Liban et de la Jordanie, considérant leurs habitants comme des Syriens. L'intervention de la République arabe syrienne au Liban en 1976 s'est faite sous les mots d'ordre de reconstruction d'une "Grande Syrie", entre autres, et a visé le mouvement national palestinien.

Vecteurs de pression extérieurs à la région

Le danger qui pèse sur le centre de pouvoir palestinien depuis le nord ne provient pas tant des forces locales que de l'extérieur. Les Seldjoukides ont conquis la Palestine sur les Byzantins après la bataille de Manzikert en 1071, en longeant la côte levantine depuis le nord et en s'emparant de Jérusalem en 1073. De même, les deux premières croisades ont atteint les plaines côtières de la Palestine aux XIe et XIIe siècles respectivement, en partant d'Antioche, via Tripoli, vers le sud, le long de la côte levantine. Les Mamelouks, qui régnaient alors sur la Palestine, ont été vaincus par les armées de Timur Khomey qui avançaient en 1399-1401 d'Alep vers le sud jusqu'à Damas, avant de rebrousser chemin vers Bagdad. Le sultan ottoman Selim Ier a mis fin au règne des Mamelouks sur l'Égypte en battant leurs armées en 1516, en avançant vers le sud le long de la côte levantine.

Dans tous ces cas, la Palestine a été envahie par le nord, non pas par des centres de pouvoir du nord du Levant, mais par des centres extérieurs à la région, capables de concentrer un pouvoir inaccessible aux villes situées au nord du fleuve Litani, qui manquaient de base géopolitique et étaient, pour ainsi dire, "pressées" contre les chaînes de montagnes côtières.

Pour les centres de pouvoir occidentaux qui aspirent à contrôler le bassin méditerranéen, le Levant est important en tant que pont terrestre, permettant - en l'occurrence des troupes et des cargaisons importantes - un transport moins coûteux, techniquement plus facile et exempt de la menace d'attaques en mer. Une puissance occidentale aspirant à contrôler les côtes nord et sud de la Méditerranée, mais ne contrôlant pas le Levant, aurait fortement augmenté les coûts de transport interne de l'empire. C'est ce qui doit expliquer l'intérêt de Rome, de Byzance, de Venise et des croisés, de l'Angleterre et de la France pour la côte levantine - après avoir traversé l'Hellespont, la voie du sud leur était ouverte à tous.

Les centres de pouvoir occidentaux, lorsqu'ils ne contrôlent pas le Levant, deviennent les centres de pouvoir du nord (centre de pouvoir gréco-anatolien, centre de pouvoir eurasien) et de l'est (centre de pouvoir mésopotamien, centre de pouvoir perse), en concurrence avec les centres de pouvoir occidentaux. Ils cherchent à sécuriser leur flanc sud en contrôlant les ports du Levant. La stabilité de tout empire se développant entre l'Hindou Kouch et la Méditerranée dépend de la sécurisation des ports levantins contre les attaques des centres de pouvoir occidentaux.

Une puissance orientale peut alors utiliser les voies de transport du Moyen-Orient vers la côte méditerranéenne; l'exemple le plus récent est le projet de corridor de transport iranien, développé après le renversement de Saddam en 2003, des centres de l'ouest de l'Iran, à travers le Kurdistan irakien, vers les ports de la Syrie et du Liban - peut-être que la guerre en Syrie après 2011 et l'expansion soudaine de l'État islamique en Irak en 2014 ont eu pour objectif tacite de paralyser ces projets.

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Dans le même ordre d'idées, les puissances du Nord telles que la Macédoine, Byzance, l'Empire ottoman et la Russie ont cherché (ou cherchent encore aujourd'hui) à contrôler la côte levantine afin de sécuriser leur flanc occidental contre l'expansion vers l'est; un centre de pouvoir nordique régnant sur le Bosphore peut librement redéployer des forces engagées jusqu'à la vallée de l'Indus, mais en laissant le Levant hors de son contrôle, il s'expose aux attaques des centres de pouvoir occidentaux.

La tellurocratie israélienne

La localisation du centre de pouvoir palestinien est compliquée par sa nature tellurique. Accrochées à des montagnes qui s'étendent presque jusqu'à la côte, les villes du nord du Levant produisent une civilisation thalassocratique, basée sur le commerce et orientée vers la mer. Avec une base géopolitique plus étendue sur une plaine côtière plus large que dans le nord et des collines moins escarpées, les centres palestiniens génèrent une civilisation tellurique.

Ce n'est pas une coïncidence si l'Israël moderne était un État socialiste à ses origines et si un secteur socialiste important, sous la forme de quelques kibboutzim, est encore préservé dans son économie aujourd'hui. L'économie de l'Israël moderne est basée sur l'agriculture et la technologie moderne, c'est-à-dire qu'elle répond aux caractéristiques d'un centre de pouvoir basé sur la terre, plutôt orienté vers l'intérieur. Il s'agit d'un type de civilisation très différent de celui des Juifs de la diaspora, basé sur le capitalisme et le commerce plutôt que sur l'industrie manufacturière et, de surcroît, sans lien avec la terre. La présence d'une colonie de colons armés en Samarie est la quintessence d'une civilisation "militaire" basée sur la terre. La déclaration officielle d'Israël, en 1980, de reconnaître Jérusalem intérieure plutôt que la ville côtière de Tel-Aviv comme capitale de l'État, revêt une importance symbolique. Contrairement aux villes du Levant Nord, le centre du pouvoir palestinien n'a jamais été une puissance maritime, pas plus que l'Israël moderne.

En raison de sa nature tellurique, l'Israël moderne est faiblement connecté au monde extérieur et n'a qu'un "besoin" limité pour les puissances mondiales; comme à la fin des années 1940, les pays arabes, plus étendus et plus significatifs, gagnent en importance, Israël tente alors, aujourd'hui, de se faire connaître grâce aux activités de la diaspora juive et au développement d'un secteur de start-up dans les domaines de l'intelligence artificielle et de la cybersécurité, dans le but de devenir un élément indispensable du système capitaliste mondial. Cependant, l'initiative appartient fermement aux États-Unis et à la Chine, qui agissent en tant qu'investisseurs en Israël. L'importance d'Israël pour son protecteur actuel, à savoir les États-Unis d'Amérique, repose sur le fait qu'il est un allié des États-Unis contre l'Iran. Cette convergence d'intérêts n'est cependant pas structurelle, mais accessoire et ne garantit pas le protectorat permanent de Washington sur l'Etat juif (ce protectorat ne date d'ailleurs pas d'avant 1967; avant cela, le protecteur du sionisme était l'Angleterre, et de l'Etat israélien successivement l'URSS et la France).

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Les deux pays des Palestiniens

Les Palestiniens, quant à eux, vivent dans deux entités géopolitiques distinctes. La Cisjordanie est un pays tellurique pauvre, situé dans les collines semi-arides, qui ne peut fonctionner que sur la base de l'économie plus dynamique de l'État juif. Le territoire palestinien y est constamment tronqué et fragmenté en enclaves isolées, proclamées depuis janvier 2013. L'"État de Palestine" peut en principe être considéré comme un État-nation palestinien, même si, dans la pratique, ses autorités se comportent davantage comme les Judenräte dans les ghettos juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

La bande de Gaza, quant à elle, ressemble davantage à une cité-état thalassocratique qu'à un État-nation. Contrairement aux villes du Levant connues dans l'histoire, elle n'est pas un centre cosmopolite de commerce, de banque et de transport maritime, car elle est soumise à un isolement hostile de la part d'Israël et de l'Égypte qui coopèrent contre les Palestiniens - la nature thalassocratique de la bande de Gaza a été, pour ainsi dire, "avortée" par ses voisins hostiles qui l'isolent.

La bande de Gaza couvre 365 kilomètres carrés et compte 2,4 millions d'habitants. La Cisjordanie, qui compte 3 millions d'habitants, s'étend sur 5655 km². La densité de population dans la bande de Gaza est de 6500 personnes/km², tandis que celle de la Cisjordanie est de 466 personnes/km². La bande de Gaza a une superficie de 41 km. Elle s'étend du sud au nord et de 6 km à 12 km d'est en ouest. La longueur de la frontière avec l'Égypte est de 11 km.

Les distances et superficies susmentionnées montrent clairement que la bande de Gaza est incapable de fonctionner dans sa forme actuelle sur le plan social, économique et civilisationnel. Au cours des dernières décennies, ses habitants ont végété grâce à l'aide humanitaire de l'Union européenne et des agences de l'ONU. La situation pourrait être modifiée par l'ouverture au marché du travail israélien ou par l'émigration d'une partie importante de la population de Gaza. Dans l'hypothèse de la création d'un Etat palestinien réellement indépendant incluant la bande de Gaza, un exode d'au moins plusieurs centaines de milliers de résidents de Gaza vers la Cisjordanie serait à prévoir, mais celle-ci ne serait pas en mesure d'assimiler un tel nombre de migrants.

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Les deux parties de l'actuel "État de Palestine" (la bande de Gaza et la Cisjordanie) ont donc des caractéristiques géopolitiques complètement différentes et il est difficile de parler d'une "nation" cohérente pour leurs habitants. L'actuel "État de Palestine" rappelle plutôt le Pakistan au moment de la sécession du Bangladesh en 1971: les parties du Pakistan situées sur l'Indus et à l'embouchure du Gange étaient séparées par l'État indien, plus fort et hostile. De même, les deux parties de l'"État de Palestine" sont divisées par l'État d'Israël, hostile et plus fort. L'éclatement de facto de l'"État de Palestine" en 2007 était aussi inévitable que l'éclatement du Pakistan en 1971.

L'Autorité nationale palestinienne en Cisjordanie poursuit une politique de collaboration avec l'occupant israélien, car les caractéristiques géopolitiques de la Cisjordanie rendent la situation ainsi créée très gênante, mais donnent néanmoins aux Palestiniens la possibilité d'une existence minimale. La situation est différente dans la bande de Gaza, pour laquelle la seule solution est le démantèlement de l'État juif et l'élimination des Juifs vivant en Palestine. Sinon, les Palestiniens de Gaza connaîtront un sort similaire à celui des habitants des ghettos juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Hamas, avec son exigence de liquidation d'Israël et d'assassinat ou d'expulsion de tous les Juifs, est perçue, dans la Bande de Gaza, comme la seule réponse possible à la condition de "prison à ciel ouvert" ("open-air prison", dénomination adoptée pour Gaza par certaines organisations internationales). Il semble également inutile de souligner l'inspiration israélienne dans la montée du Hamas, ce que la partie israélienne a ouvertement admis. Dans le même ordre d'idées, l'Inde a inspiré le mouvement séparatiste du Pakistan oriental et a soutenu les Mukti Bahini.

Toutefois, il ne faut pas en conclure hâtivement que les activités continues - et actuelles - du Hamas sont une "opération sous faux drapeau", comme en témoignent les guerres de 2008/2009 avec l'État juif et la guerre de sept semaines de 2014, ainsi que les manifestations de 2018-2019.

Les conditions de vie et l'absence de perspectives de développement dans la "prison à ciel ouvert" qu'est la bande de Gaza, ainsi que l'indifférence de l'Autorité nationale palestinienne en Cisjordanie (qui collabore déjà étroitement avec Israël au niveau de l'appareil de sécurité), forcent l'émergence de forces révisionnistes radicales dans cette région. Ainsi, si le Hamas n'émergeait pas, un autre groupe "remplissant le rôle du Hamas" émergerait probablement.

L'issue pour les Palestiniens de la situation géopolitique dans laquelle ils se trouvent serait la montée d'une puissance extérieure eurasienne ou d'Asie centrale, qui soutiendrait de l'extérieur un centre de force égyptien ou syrien, en l'orientant vers une voie pro-palestinienne. Cette situation a failli se produire entre juin 2012 et juillet 2013, lorsque le président égyptien était Muhammad Mursi, affilié aux Frères musulmans. Les Frères musulmans égyptiens soutenaient le Hamas, basé à Gaza, tout en bénéficiant du soutien du dirigeant turc Recep Tayyip Erdoğan. Cependant, M. Mursi a finalement été renversé par un coup d'État du général Abd al-Fattah as-Sisi, soutenu par l'Occident, ce qui semble avoir déterminé le sort des Palestiniens de Gaza de manière négative pour l'avenir prévisible.

Ronald Lasecki

Publié à l'origine dans Myśl Polska (47-48, 19-26.11.2023).

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samedi, 07 octobre 2023

Les huit années de la Russie en Syrie

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Les huit années de la Russie en Syrie

Leonid Savin

Source: https://www.geopolitika.ru/article/vosem-let-rossii-v-sirii

Le 30 septembre 2015, la Russie a commencé à mener des missions spéciales sur le territoire de la Syrie en réponse à une demande des dirigeants du pays. La raison de la présence militaire russe en Syrie était l'activité d'un nouveau type de groupes terroristes, qui agissaient en fait comme des armées à part entière, utilisant non seulement des armes légères et des explosifs, mais aussi des chars, des véhicules blindés et de l'artillerie.

Le catalyseur de ce processus a été le printemps arabe, qui a débuté en Tunisie à la fin de l'année 2010. Le feu des coups d'État s'est rapidement propagé en Afrique du Nord et en Asie occidentale. Là où les régimes étaient soutenus par les États-Unis (Bahreïn, Arabie saoudite), les manifestations ont été brutalement réprimées et l'Occident a détourné le regard. Lorsque des forces indésirables pour les États-Unis étaient au pouvoir, les protestations étaient non seulement encouragées, mais aussi directement soutenues, notamment par des livraisons d'armes.

La Libye a été pratiquement détruite par ces violentes turbulences. En Égypte, en revanche, le processus a été inversé et le président Morsi, qui avait pris ses fonctions à la suite d'une vague de protestations, a été condamné à la prison à vie.

Contrairement à certains pays où des politiciens pro-occidentaux ont pris le pouvoir après des révolutions colorées, la Syrie a maintenu une continuité qui remonte à l'Union soviétique. Ainsi, grâce en grande partie à la décision de fournir une assistance militaire à la Syrie, nous avons pu maintenir en place un gouvernement ami.

Au départ, la Syrie était isolée par nombre de ses voisins. Toutefois, par la suite, malgré la position anti-syrienne, un certain nombre de pays du Golfe et la Turquie ont refusé d'adopter une ligne de conduite dure à l'égard de Damas. C'est tout à l'honneur de Moscou, qui a défendu les intérêts de la Syrie, notamment en créant le Centre de réconciliation des parties et en organisant des lieux de négociation. Les séries de réunions répétées, y compris dans le cadre d'Astana, n'ont pas été faciles. Certains pays arabes ont également tenté à plusieurs reprises d'obtenir des concessions de la part de Moscou en ce qui concerne la Syrie, mais cela ne s'est pas produit. Cette ligne de conduite cohérente a gagné le respect des États de la région.

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La Syrie a récemment réintégré la Ligue arabe; les relations diplomatiques ont été rétablies avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, Oman, la Tunisie et l'Arabie saoudite. Dans le même temps, Moscou a été appréciée non seulement en tant que médiateur, mais aussi en tant que partenaire fiable sur lequel on peut compter, contrairement aux pays occidentaux qui peuvent soudainement oublier leurs clients.

L'intérêt pour la coopération avec Moscou est également né de l'utilisation de différents types d'armes contre les terroristes, car la Syrie est devenue un véritable terrain d'essai pour les nouveaux systèmes et la modernisation des anciens. Des missiles Kalibr ont été lancés à partir de navires et de sous-marins, des missiles Kh-101 à partir de porte-missiles stratégiques Tu-160, des avions Su-34 de quatrième génération, des drones Orlan-10 et Eleron-3SV, des robots de combat, le système de lance-flammes Solntsekek et bien d'autres ont été utilisés. Les spécialistes russes ont acquis une expérience inestimable dans le déminage de divers objets.

La rotation constante a permis aux commandants de l'armée russe d'acquérir une expérience directe du combat. Le système de commandement et de contrôle des troupes a été optimisé, ce qui est le mérite direct du général Surovikin, qui a commandé le groupement en 2017.

L'expérience a été acquise dans la coordination des opérations contre les terroristes avec des partenaires de l'aile militaire du parti Hezbollah libanais, des formations militaires iraniennes et, directement, des troupes syriennes. Un centre de coordination a été créé avec la participation de la Russie, de l'Irak, de l'Iran et de la Syrie, établissant ainsi un axe stratégique en Asie occidentale avec la participation de la Russie.

L'expérience du groupe Wagner est également importante. Son parcours de combattant a en fait commencé en Syrie et s'est ensuite étendu à d'autres pays.

La Russie a déployé des troupes pour vaincre des organisations terroristes, dont la plus puissante était ISIS, qui est interdite en Russie. Bien que des attaques terroristes sporadiques contre des citoyens russes aient été enregistrées, la croissance et le renforcement de cette structure ont été empêchés. L'expérience de la détection et de la reconnaissance des cellules terroristes, y compris la coordination inter-agences, sera utile à l'avenir.

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Nous ne devons pas oublier les aspects de la guerre de l'information. L'Occident a diabolisé le gouvernement de Bachar Al-Assad et n'a pas hésité à recourir aux faux et aux falsifications à cette fin. Il suffit de rappeler le projet des "Casques blancs", où l'apparence habilement mise en scène d'un empoisonnement chimique a servi de prétexte à un battage médiatique. Les manipulations des médias occidentaux ont été démasquées, de même que la propagande d'autres groupes. La Russie a acquis une expérience supplémentaire en matière d'information et d'analyse dans ce domaine, qui s'est certainement révélée utile dans le cadre de l'opération militaire spéciale en Ukraine.

En ce qui concerne les aspects géopolitiques, dans le cadre de l'accord avec la partie syrienne, la Russie a reçu deux bases militaires sur le territoire de ce pays. Il s'agit du 720ème point logistique de la marine russe dans la ville de Tartous et de l'aérodrome de Hmeimim, où est stationné le groupe d'aviation de l'armée de l'air russe. Ils servent non seulement aux tâches courantes, mais constituent également les bastions stratégiques de la Russie en mer Méditerranée.

Bien entendu, certains défis subsistent. Une partie du territoire syrien au nord est en fait occupée par la Turquie, et des troupes américaines se trouvent dans la région où vivent les Kurdes. Une partie du pétrole syrien est exportée illégalement hors du pays. Il y a des affrontements interethniques, et des restes de groupes terroristes tentent de temps à autre de relever la tête.

Dans ce contexte, on peut constater la futilité de l'ONU, sur la plate-forme de laquelle l'Occident collectif a tenté de faire pression à la fois sur la Syrie et sur la Russie. De nombreuses organisations internationales, telles que Médecins sans frontières, ont confirmé leur statut d'agents au service des intérêts de leurs clients, contrairement aux chartes de ces organisations apparemment humanitaires.

La Syrie a tenu bon et participe aujourd'hui à la construction d'un monde multipolaire. Fin septembre de cette année, le président syrien Bachar al-Assad s'est rendu en Chine. Il s'agissait de sa première visite depuis le début du printemps arabe et de la guerre en République arabe syrienne. Lors de sa rencontre avec M. Assad, Xi Jinping a déclaré que "face à la situation internationale instable et incertaine, la Chine est prête à continuer à travailler avec la Syrie dans l'intérêt de la coopération amicale et de la justice internationale". La Chine soutient la Syrie dans sa lutte contre l'ingérence étrangère et l'intimidation unilatérale [...]. et soutiendra la reconstruction de la Syrie".

Bien entendu, la reconstruction du pays sera abordée avec la participation de la Russie.

mercredi, 27 septembre 2023

Bachar el-Assad en Chine

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Bachar el-Assad en Chine

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2023/09/21/assad-kiinassa/

Le président syrien Bachar el-Assad et sa charmante épouse Asma se sont rendus en Chine pour une visite d'État officielle. Le président Xi Jinping a envoyé son propre avion présidentiel à Damas pour transporter le couple à Pékin.

C'est la première fois que le président syrien se rend en Chine depuis le début de la déstabilisation de la République arabe, il y a plus de douze ans. Nos médias répètent le récit d'une "guerre civile", mais en réalité, la dévastation de la Syrie était un projet planifié par l'Occident, jusqu'à utiliser des terroristes islamistes contre le régime d'Assad.

Compte tenu du rôle positif de la Chine dans la conclusion de l'accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran en mars, la visite d'Assad renforce le poids de la Chine en tant que sage-femme qui accouchera d'un développement pacifique en Asie de l'Ouest.

Bien entendu, les grands médias occidentaux, propagateurs de fausses nouvelles, ont déjà reçu l'ordre de leurs propriétaires de ne rendre compte de la visite d'Assad en Chine que sous un angle négatif. Le pays arabe appauvri et déchiré par la guerre serait en train de supplier la Chine de lui donner de l'argent. Xi Jinping, pour sa part, souhaite "étendre l'influence de la Chine au Moyen-Orient, où les États-Unis sont traditionnellement la puissance étrangère dominante".

Un groupe de réflexion britannique a suggéré qu'Assad s'est rendu à Pékin "pour relier la Syrie à l'axe émergent des États autocratiques anti-occidentaux" et "pour bénéficier des projets de sensibilisation menés par la Chine".

Malgré toutes les mauvaises langues, il est bon de voir que Bachar el-Assad et son épouse ont survécu aux tentatives de coup d'État sanglantes, aux bombardements et aux autres cataclysmes que le complexe militaire occidental a dirigés contre les dirigeants syriens au cours des dernières années.

À Pékin, M. Assad devrait discuter de la coopération pratique avec les Chinois, notamment de l'implication de la Chine dans la reconstruction de la Syrie. Les États-Unis et leurs alliés ont joué un rôle destructeur dans la région, mais peut-être qu'avec l'aide de la Chine, le pays se remettra sur pied après toutes ces difficultés.

La manière dont les voleurs de pétrole américains et les autres déstabilisateurs de la région seront chassés du sol syrien est une autre question, mais dans cette nouvelle conjoncture historique, cela peut aussi se produire. Espérons que la "malédiction d'Assad", qui est un mème des médias sociaux depuis quelques années, désemparera tous les ennemis du Lion de Damas.

19:32 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syrie, chine, levant, proche-orient, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 05 juin 2023

Moyen-Orient 2.0

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Moyen-Orient 2.0

Ivan Plotnikov

Source: https://www.geopolitika.ru/article/blizhniy-vostok-20

Les pays musulmans ont refusé d'être des satellites de Washington

Le territoire du Moyen-Orient (de l'Asie occidentale à l'Afrique du Nord) a toujours attiré les puissances étrangères. Tout d'abord, la région est une source majeure d'hydrocarbures, principalement de pétrole. Deuxièmement, c'est le centre du système logistique de transport de l'énergie. Il suffit de se rappeler le canal de Suez, le détroit de Gibraltar, les Dardanelles, le Bosphore, etc.

En raison de ces avantages, le Moyen-Orient a été conquis, d'abord par la Grande-Bretagne et la France, dans le cadre de leurs entreprises coloniales, puis par l'alliance de l'OTAN, qui a joué un rôle majeur dans la déstabilisation de la région lors du printemps arabe.

Mais aujourd'hui, les pays du Moyen-Orient poursuivent une politique de souveraineté, privilégiant la Russie et la Chine plutôt que le bloc de l'OTAN.

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Le conflit entre l'Iran et l'Arabie saoudite est terminé

L'Iran et l'Arabie saoudite sont des acteurs clés de la scène géopolitique du golfe Persique.

L'histoire de leur conflit, qui dure depuis plus de 40 ans, remonte à 1979, après les événements de la révolution islamique. La révolution a détruit la monarchie en Iran et a établi la République islamique (État théocratique avec un chef religieux à sa tête).

Téhéran a adopté une politique d'exportation de la révolution vers les pays islamiques voisins. L'Arabie saoudite, qui était à l'époque le leader informel du monde musulman, s'y est opposée.

De plus, le conflit religieux est au cœur de l'aversion réciproque que se vouent ces deux pays. Les deux nations professent des courants différents de l'islam. Alors qu'en Iran, la majorité de la population est chiite, en Arabie saoudite, ce sont les sunnites qui dominent.

Depuis l'invasion américaine de l'Irak et le renversement de Saddam Hussein en 2003, Téhéran a rapidement étendu son influence en Irak, en Syrie, au Yémen, au Liban et à Bahreïn. En outre, l'Iran est en train de devenir un leader dans la lutte contre l'influence américaine, alors que les Saoudiens sont des alliés traditionnels de Washington.

En 2011, sur fond de printemps arabe, l'Iran et l'Arabie saoudite ont de nouveau entamé une lutte pour les sphères d'influence en Méditerranée. Riyad a accusé les Iraniens de soutenir l'opposition chiite, tandis que Téhéran a accusé les Saoudiens de restreindre les droits de la minorité chiite.

Les deux pays ont finalement rompu leurs relations diplomatiques en 2016 lorsque le prédicateur chiite Nimr al-Nimr a été exécuté en Arabie saoudite. Par la suite, l'ambassade diplomatique des Saoudiens à Téhéran a été vandalisée par des chiites en colère. Bien que les émeutiers aient été punis, les Saoudiens ont rejeté la faute sur le gouvernement iranien.

En 2022, la Russie a tenté de réconcilier les parties. Oman et l'Irak ont également réussi à organiser une série de consultations. Mais il n'a pas été possible de rétablir les relations entre les adversaires.

En 2023, cela a été possible grâce à la Chine. Des pourparlers entre l'Iran et l'Arabie saoudite ont eu lieu à Pékin du 6 au 10 mars.

Plusieurs réunions ont abouti à la reprise des relations diplomatiques. Les pays ont rouvert leurs ambassades et réaffirmé les principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires de l'autre.

Du côté iranien, la délégation était conduite par Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale, et du côté saoudien par le conseiller à la sécurité nationale et ministre d'État Musayed al-Aiban.

"La visite du président Raisi en Chine en février et sa conversation avec le président chinois Xi Jinping ont ouvert la voie à de nouvelles discussions très sérieuses entre les délégations de l'Iran et de l'Arabie saoudite", a déclaré Ali Shamkhani, de Téhéran, à un porte-parole.

La Chine est l'un des principaux alliés et partenaires commerciaux des pays du Moyen-Orient. Pékin est intéressé par l'achat de pétrole, ainsi que par la participation des puissances musulmanes au projet "Une ceinture, une route". Le rétablissement des relations diplomatiques entre l'Iran et l'Arabie saoudite réduira les risques d'escalade des conflits militaires au Moyen-Orient, et donc les risques pour la logistique des ressources énergétiques vers la Chine.

Il convient de noter que ces dernières années, l'Arabie saoudite n'a en fait plus adhéré aux sentiments pro-américains et a tenté de mener une politique indépendante. Par exemple, Riyad continue de coopérer avec la Russie. Le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan, a proposé sa médiation dans le conflit entre la Russie et l'Ukraine.

Le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux États musulmans pourrait avoir des conséquences considérables. Par exemple, les dirigeants du monde entier prédisent déjà une trêve ou une fin complète du conflit interne au Yémen.

La crise financière et d'autres problèmes intérieurs au Liban et en Syrie pourraient également s'améliorer de manière significative.

Mais le changement progressif le plus important est la résolution des relations entre les deux centres religieux du monde musulman. Ainsi, la confrontation religieuse entre les courants chiite et sunnite a de bonnes chances de prendre fin.

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Damas n'est plus un paria

Les relations diplomatiques entre la Syrie et l'Arabie saoudite ont également été rétablies en mars 2023. Les deux pays ont rouvert leurs ambassades diplomatiques après une décennie d'interruption.

En avril, le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan, s'est rendu à Damas pour s'entretenir avec le président syrien Bachar al-Assad. Ils ont discuté de l'acheminement de l'aide humanitaire et de la résolution des conflits nationaux dans la République arabe.

Rappelons que le conflit entre les deux États a éclaté en 2012 après que Bachar el-Assad a été accusé de réprimer les manifestations populaires. Les Saoudiens ont également soutenu financièrement les groupes armés d'opposition en Syrie.

Le réchauffement des relations entre les deux pays a été rendu possible par plusieurs facteurs.

Tout d'abord, les tremblements de terre en Turquie et en Syrie ont joué un rôle important. Il est apparu clairement que les conséquences de ces catastrophes ne pouvaient être évitées que par des efforts conjoints. L'Arabie saoudite a envoyé de l'aide humanitaire à ces deux pays.

Deuxièmement, les Saoudiens espèrent trouver un allié dans la lutte contre l'Iran pour l'influence au Moyen-Orient. La plupart des Syriens sont chiites et sont susceptibles de soutenir leur groupe religieux.

Troisièmement, l'influence des États-Unis, qui ont consacré tous leurs efforts à la lutte économique avec la Chine et aux fournitures militaires à l'Ukraine, s'amenuise. Malgré l'aversion des Américains pour le régime de Bachar el-Assad, il est devenu évident que le gouvernement syrien a résisté à la guerre civile et que les relations doivent être rétablies d'une manière ou d'une autre. En outre, un certain nombre de pays du Moyen-Orient (EAU, Oman, Tunisie, Égypte, Irak, etc.) estiment que la politique d'isolement de la Syrie devrait être reconsidérée.

La Russie a un rôle clé à jouer dans la réconciliation des États. En mars 2023, le ministre saoudien des affaires étrangères Faisal bin Farhan s'est rendu à Moscou, et Poutine et Bachar el-Assad se sont rencontrés quelques jours plus tard. C'est très probablement à ce moment-là que les solutions possibles au conflit ont été discutées.

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Sommet de la LEA 

La Ligue des États arabes est une organisation internationale composée de 22 États arabophones. L'objectif principal de l'organisation est de développer une position politique commune pour défendre la souveraineté et les intérêts de tous les États arabes. Les membres de l'alliance coopèrent également dans les domaines économique, social, culturel et administratif.

Une victoire diplomatique importante a également été remportée dans le cadre de la coopération avec la Ligue arabe. Après 12 ans, la Syrie a retrouvé sa représentation au sein de l'organisation.

Il convient de mentionner que la Syrie a joué un rôle clé dans la création de la LEA en 1945. Cependant, en 2011, lorsque la guerre civile a éclaté et que le gouvernement Assad et l'opposition armée se sont affrontés, la Syrie a fait l'objet d'un boycott économique et a été privée de ses droits de membre.

Le 32e sommet de la LEA s'est ouvert le 19 mai à Djeddah, en Arabie saoudite. La plupart des participants ont soutenu le retour du représentant syrien Bachar al-Assad. Cependant, l'absence de l'émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, a été une note désagréable. L'homme politique a quitté le sommet sans explication. Il convient de noter que le Qatar s'était précédemment opposé au rétablissement des droits d'adhésion de Damas à la LEA.

On peut donc parler d'un rétablissement de l'interaction diplomatique entre la Syrie et d'autres acteurs géopolitiques du Moyen-Orient. Au cours du sommet, le ministre syrien des affaires étrangères Faisal Mikdad s'est entretenu avec ses homologues de Jordanie, du Liban, des Émirats arabes unis, d'Oman, d'Arabie saoudite et de Tunisie.

L'ordre du jour des chefs d'État portait sur la résolution des crises politiques au Yémen, en Libye et en Syrie, ainsi que sur le règlement du conflit israélo-palestinien.

Le conflit russo-ukrainien a également été abordé. Les États arabes ont décidé d'adhérer au principe de "neutralité positive", c'est-à-dire de maintenir des relations tant avec Moscou qu'avec Kiev. Les représentants de Riyad ont réitéré leur volonté de médiation entre les parties.

En outre, la déclaration finale a posé les jalons de l'indépendance vis-à-vis des ingérences étrangères dans les affaires intérieures. Le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État, des valeurs et des cultures des autres nations a été proclamé.

"Cette réunion marque le début d'une nouvelle phase d'action arabe commune visant à instaurer la paix, le développement et la prospérité dans notre région au lieu de la guerre et de la destruction", a déclaré le président de la RAS, Bachar el-Assad.

La Maison Blanche n'a pas approuvé le retour de la Syrie au sein de la LEA.

"Nous ne pensons pas que la Syrie mérite d'être réadmise au sein de la Ligue arabe. Les Etats-Unis ne vont pas normaliser les relations avec Assad et son régime", a déclaré le secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken.

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La diplomatie irakienne 

Malgré ses problèmes internes, l'Irak a poursuivi une politique étrangère visant à résoudre de nombreux conflits au Moyen-Orient.

En août 2021, la Conférence de Bagdad sur la coopération et le partenariat s'est tenue. Y participent le président égyptien, l'émir du Qatar, le roi de Jordanie, les premiers ministres du Koweït et des Émirats arabes unis, ainsi que les ministres des affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Iran et de Turquie.

Il est à noter que Bachar el-Assad n'a pas été invité à la réunion en raison des tensions qui existaient encore à l'époque entre le gouvernement syrien et d'autres pays musulmans.

Dans le communiqué final de la conférence, les pays ont appelé à créer les conditions pour résoudre les conflits interétatiques et accroître la stabilité au Moyen-Orient. Le rôle prépondérant de la sphère économique dans la coopération interétatique a été souligné.

D'autres questions importantes ont également été abordées, telles que la lutte contre le terrorisme et la pandémie de Covi d-19.

Cependant, malgré ses politiques progressistes, l'Iran reste dépendant des États-Unis, en particulier sur le plan économique. Par exemple, selon Elbrus Koutrachev, l'ambassadeur russe en Irak, les fonds provenant des ventes de pétrole sont versés sur des comptes américains. Bagdad reste également très dépendant du dollar.

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Les Emirats Arabes Unis

Les Émirats arabes unis poursuivent désormais également leurs propres politiques, qui vont à l'encontre des intérêts américains dans la région.

En 2023, les Émirats arabes unis se sont vu accorder le statut de partenaire de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). L'accord a été signé lors d'une réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères qui s'est tenue dans la ville indienne de Panaji les 4 et 5 mai.

"Au cours de la période à venir, les Émirats arabes unis s'efforceront de participer activement aux travaux de l'OCS et de renforcer l'interaction avec les États membres. Nous sommes heureux de devenir partenaire d'une organisation dont l'influence et l'importance mondiales ne cessent de croître". - a déclaré le ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis, Abdullah bin Zayed Al Nahyan.

Toutefois, les Émirats arabes unis ont gardé une relation plutôt froide avec les États-Unis. Par exemple, M. Biden a invité le président des Émirats arabes unis, Mohammed bin Zayed, à se rendre aux États-Unis au cours de l'été 2022. La rencontre n'a toutefois pas encore eu lieu.

En outre, les États-Unis ont exigé à plusieurs reprises que les Émirats arabes unis cessent d'exporter des produits électroniques vers la Russie. Les Émirats arabes unis ont reçu la visite de plusieurs fonctionnaires des États-Unis, de l'Union européenne et du Royaume-Uni. Ils craignent que les Émirats arabes unis ne soient utilisés comme plaque tournante pour contourner les sanctions antirusses et fournir des produits à l'industrie militaire russe. Selon les médias, des responsables américains ont même menacé les Émirats arabes unis de détériorer leurs relations s'ils continuaient à coopérer avec la Russie et la Chine, notamment sur des questions militaires et de renseignement.

Dans l'impasse entre la Russie et l'Ukraine, les Émirats arabes unis sont également restés neutres. Le gouvernement omanais ne s'est pas encore joint aux sanctions antirusses. Par ailleurs, nos partenaires arabes ont également proposé leur aide pour résoudre le conflit en tant que médiateur.

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Spécificités de la politique et de la religion omanaises

La politique étrangère d'Oman peut être décrite comme neutre et multisectorielle. Oman s'efforce d'entretenir des relations amicales avec tous les États voisins, qu'il s'agisse de l'Arabie saoudite, du Yémen ou des Émirats arabes unis. Le gouvernement omanais est rarement impliqué dans des conflits. Mascate n'a pas participé au boycott du Qatar en 2017, lorsque le pays a été accusé de financer le terrorisme. Oman n'a pas non plus participé à une action militaire contre Israël ni coupé ses relations commerciales avec lui. Par ailleurs, Oman a été le seul pays arabe à reconnaître les accords de Camp David (entre Israël et l'Égypte), ce qui a provoqué une réaction négative dans le monde musulman.

Lorsque l'on parle d'Oman, il convient de prendre en compte les spécificités de la religion. L'ibaditisme est pratiqué dans le pays et est suivi par environ 45% de la population. Il s'agit d'un courant de l'islam différent de l'islam chiite et de l'islam sunnite, caractérisé par la paix, la tolérance et la compréhension mutuelle. Il est possible que ce choix de la voie religieuse ait déterminé le rôle d'Oman en tant que médiateur politique dans l'arène géopolitique.

Par ailleurs, Oman est un membre fondateur du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Les pays membres du CCG coopèrent dans les domaines économique, militaire, culturel et législatif.

Les relations d'Oman avec la Russie s'améliorent également.

En 2019, le ministre des affaires étrangères d'Oman s'est rendu deux fois en Russie.

En 2022, le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, s'est rendu à Oman et s'est entretenu avec le sultan Haisam bin Tarek Al Said.

Le 23 mars 2023, le président russe Vladimir Poutine a eu une conversation téléphonique avec le sultan d'Oman Haisam bin Tarek Al Said. Cette conversation a eu lieu à l'initiative de la partie omanaise.

Selon un communiqué du Kremlin, les entretiens ont porté sur le développement de la coopération économique et la mise en œuvre de projets communs, notamment dans le secteur des transports et de la logistique. La situation géopolitique au Moyen-Orient a également été abordée.

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Le Caire et Téhéran se rapprochent

En mai, Fada Hussein Maliki, membre de la commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Majlis iranien, a déclaré que l'Iran et l'Égypte menaient des discussions en Irak. Il a ajouté que l'ouverture d'ambassades était prévue, suivie d'une rencontre entre le dirigeant iranien Ibrahim Raisi et le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi.

Le conflit entre les deux pays dure depuis 43 ans. Les relations diplomatiques ont été rompues en 1980 après la révolution islamique iranienne, lorsque l'Égypte a accordé l'asile au dernier monarque iranien, Mohammad Reza Pahlavi. Les accords de Camp David, mentionnés ci-dessus, ont également refroidi les relations.

La résolution de ce conflit a été influencée par le réchauffement des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Les Saoudiens étant un investisseur et un partenaire majeur en Egypte, le Caire bénéficie désormais de l'alignement géopolitique nouveau de son allié.

Il faut également noter que l'Iran et l'Egypte ont une influence énorme sur l'establishment et les factions politiques en Palestine. Par exemple, c'est grâce à l'action du Caire que des accords de cessez-le-feu ont été conclus entre Israël, le Hamas et le Jihad islamique.

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Sur le conflit israélo-arabe 

En 1947, l'Assemblée générale des Nations unies a élaboré un plan visant à créer deux États en Palestine, l'un juif et l'autre arabe.

Certains pays du Moyen-Orient ne soutiennent pas cette décision (Arabie saoudite, Égypte, Syrie, Yémen, Irak, Liban).

Après la déclaration d'indépendance d'Israël en 1948, une guerre éclate entre Israël et les États membres de la LEA. Les forces combinées de l'Égypte, de la Jordanie, de l'Irak et du Liban participent aux combats. Malgré la supériorité numérique des musulmans, Israël a réussi à résister.

Bien que l'ONU ait tenté d'intervenir en 1949 pour résoudre le conflit, la plupart des pays du Moyen-Orient n'ont pas reconnu l'indépendance d'Israël et les négociations de paix ont également été refusées.

En conséquence, Israël occupe les trois quarts du territoire palestinien, y compris la ville de Jérusalem. Dans le même temps, le gouvernement juif refuse de donner à la ville un statut international, ce qui provoque des réactions négatives dans le monde musulman.

Pendant des décennies, les zones frontalières ont été le théâtre d'affrontements entre Arabes et Juifs. Le déclenchement d'une nouvelle guerre n'était qu'une question de temps. La "guerre des six jours" a débuté le 5 juin 1967 par des attaques aériennes et terrestres contre l'Égypte. Le Caire est soutenu par la Syrie, l'Irak et la Jordanie.

Israël réussit à nouveau à l'emporter. Il réussit à s'emparer de la bande de Gaza (territoire situé sur la Méditerranée), de la péninsule du Sinaï, de la Cisjordanie et du plateau du Golan.

En réponse à l'occupation, les États arabes ont signé la résolution de Khartoum, qui interdit la reconnaissance, la paix et les négociations.

En 1973, un nouveau conflit, appelé la guerre du Jugement dernier, éclate entre l'Égypte et la Syrie d'une part, et Israël d'autre part. L'affrontement n'est réglé que grâce à l'intervention de l'URSS et des États-Unis.

Le conflit israélo-arabe s'est donc estompé pour reprendre de plus belle pendant une longue période. Des contacts diplomatiques n'ont été établis qu'avec l'Égypte et la Jordanie.

Mais il est impossible d'être entouré en permanence de voisins inamicaux. Un point clé du changement dans les relations israélo-arabes a été la visite du Premier ministre Binyamin Netanyahou à Oman en octobre 2018. Il s'agissait du premier pas vers la paix.

En 2020, Israël et les Émirats arabes unis ont repris leurs relations diplomatiques. Dans le cadre des nouveaux accords, le gouvernement des Émirats arabes unis s'est engagé à lever son boycott économique de l'État juif.

En 2022, des contacts diplomatiques ont également été établis avec la Turquie. À la suite d'une conversation téléphonique entre le Premier ministre Yair Lapid et le président turc Recep Tayyib Erdogan, les ambassades des deux pays ont été rouvertes.

Les relations entre Jérusalem et Ankara ont été rompues après l'attaque par l'armée israélienne du navire d'aide humanitaire Mavi Marmara. Le président Erdogan a qualifié cette attaque d'"acte de terrorisme".

En avril 2023, le Premier ministre israélien Netanyahu a déclaré que les relations du pays avec le monde arabe devaient encore être améliorées. Il est notamment prévu d'organiser des pourparlers de paix avec l'Arabie saoudite.

Ainsi, pour l'instant, le gouvernement israélien s'efforce de trouver une solution pour résoudre pacifiquement toutes les questions litigieuses.

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En résumé

La région du Moyen-Orient traverse une période de changements politiques. Une ère de coopération et de bon voisinage s'est ouverte. La région a donné la priorité à des politiques visant à accroître la souveraineté et le multidimensionnalisme.

La région a d'abord été marquée par une extrême volatilité. Les pays se livraient à des guerres ouvertes et hybrides. Cette situation était extrêmement bénéfique pour Washington et l'Occident, car elle leur permettait de maintenir une position de leader dans le monde et d'obtenir des ressources bon marché.

Aujourd'hui, les États-Unis perdent rapidement de l'influence au Moyen-Orient et le sentiment pro-américain qui dominait auparavant dans la région est en train de s'estomper. En outre, les efforts de Washington se concentrent déjà sur la confrontation avec Pékin (dans la région Asie-Pacifique) et l'implication dans le conflit ukrainien.

La Russie et la Chine, intéressées par la stabilité économique et politique de la région, sont devenues de nouveaux alliés pour les pays musulmans.

Par exemple, les échanges commerciaux entre la Russie et les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA) ont augmenté de 83 % au cours des cinq dernières années, pour atteindre plus de 90 milliards de dollars.

Il convient également de mentionner que la Russie défend depuis longtemps l'idée de créer un système de sécurité pour le Moyen-Orient. Il pourrait s'agir d'une organisation sur le modèle de l'OSCE.

Nikita Danyuk, directeur adjoint de l'Institut de recherche stratégique et de prévision de l'Université russe de l'amitié des peuples et membre de la Chambre publique de la Fédération de Russie, estime que "le processus de création d'un monde véritablement multipolaire consistera, entre autres, à ce que les alliés et satellites traditionnels des Etats-Unis au Moyen-Orient s'éloignent de la ligne américaine". Selon lui, les alliés les plus probables des États de la région du Moyen-Orient sont la Russie, la Chine et l'Inde.

mercredi, 10 mai 2023

La Syrie retourne à la Ligue Arabe malgré l'opposition des Etats-Unis

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La Syrie retourne à la Ligue arabe malgré l'opposition des États-Unis

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/la-siria-torna-nella-lega-araba-nonostante-la-contrarieta-degli-usa

La Syrie est de retour au sein de la Ligue arabe après en avoir été expulsée il y a 11 ans en raison du changement de régime vicieux initié par les États-Unis et soutenu par plusieurs pays arabes et européens. La Syrie a résisté à l'agression avec l'aide de l'Iran et de la Russie, mais elle en est ressortie dévastée et réduite - un tiers est toujours sous occupation américaine par l'intermédiaire des Kurdes - et épuisée par les sanctions, qui sont restées en place malgré le récent tremblement de terre qui a détruit le pays.

Concernant la situation tragique en Syrie, un rapport de l'ONU, rapporté par CNN, note que "les niveaux de pauvreté et d'insécurité alimentaire auxquels sont confrontés les Syriens sont sans précédent". Le Programme alimentaire mondial estime que d'ici 2022, "plus de 12 millions de Syriens, soit plus de la moitié de la population, seront en situation d'insécurité alimentaire". Les sanctions en sont la cause, mais CNN ne peut évidemment pas dire que son pays et l'Europe affament un peuple entier...

La défaite des États-Unis

Au-delà des détails, il reste la réintégration de la Syrie dans l'œcumène arabe, qui a été fortement entravée par les Etats-Unis (Jerusalem Post), obsédés par leur haine irréductible d'Assad. A tel point que samedi dernier, avant le vote de l'assemblée arabe sur la question, le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan s'est précipité à Riyad pour s'entretenir avec le prince Mohamed Bin Salman, architecte du retour dans le giron arabe de Damas.

Selon Axios, les deux hommes ont parlé de la paix au Yémen et de certains projets d'infrastructure visant à relier plus étroitement les pays du Moyen-Orient et l'Inde.

Ils voudraient créer une alternative à l'intégration du Moyen-Orient dans la route de la soie chinoise, en cooptant l'Inde - le rival de la Chine - dans un projet alternatif dirigé par les États-Unis, qui verrait l'adhésion future d'Israël. Une tentative qui pourrait ne pas aboutir, notamment parce que, comme le note Foreign Affairs dans un article intitulé "The Wrong US Bet on India", "New Delhi ne se rangera pas du côté de Washington contre Pékin"...

Cependant, le timing de la visite de Sullivan, qui est arrivé à Riyad la veille du vote fatidique sur la Syrie, ne nous échappe pas. Il a manifestement tenté une dernière fois d'éviter une telle démarche, mais n'y est pas parvenu. Une défaite pour la diplomatie américaine, comme en témoigne le fait que les premiers à se réjouir de ce qui s'est passé sont la Russie et la Chine, ses antagonistes mondiaux.

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Le nouvel activisme de Riyad

L'étape a été douloureuse, comme en témoigne le fait que la réunion décisive pour la réintégration de la Syrie s'est déroulée à huis clos et que la décision a été prise à la majorité (The Cradle a mentionné l'opposition du Qatar dans l'article "Ennemis jusqu'au bout").

Le retour de Damas au sein de la Ligue marque un nouveau point en faveur de la diplomatie saoudienne, qui le souhaitait vivement, s'exposant ainsi aux représailles des nombreux ennemis d'Assad.

C'est un moment très important pour Mohamed Bin Salman qui, de moteur de la déstabilisation régionale (pour le compte d'autrui), a endossé le rôle de moteur du nouvel ordre moyen-oriental, comme en témoigne aussi la détente avec l'Iran.

L'activisme déployé à l'égard du conflit soudanais, qui a éclaté il y a quelques jours en raison de la rivalité de deux puissants seigneurs de guerre locaux et des manœuvres des néocons qui ont alimenté des rivalités latentes, s'inscrit également dans cette perspective.

Riyad a accueilli un sommet entre les factions rivales (Guardian). Il n'y a pas encore d'accord, mais le simple fait d'amener les duellistes à la table des négociations est une réussite remarquable. Nous verrons bien.

samedi, 25 mars 2023

La paix chinoise entre Téhéran et Riyad s'étend à Damas. Et l'Égypte bouge aussi...

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La paix chinoise entre Téhéran et Riyad s'étend à Damas. Et l'Égypte bouge aussi...

Enrico Toselli

https://electomagazine.it/la-pace-cinese-tra-teheran-e-riad-si-estende-a-damasco-e-si-muove-anche-legitto/

Alors que Schlein et Meloni s'affrontent pour le titre convoité de majordome le plus fidèle de Biden, le repositionnement géopolitique s'intensifie en Méditerranée. La démarche de Pékin qui a conduit à l'incroyable rapprochement entre l'Iran et l'Arabie Saoudite porte des fruits rapides et de plus en plus étendus. Car l'effet domino concerne aussi la Syrie, où c'est précisément l'Arabie saoudite qui va reprendre son siège diplomatique. Et le geste de Riyad ouvrira la voie à la réintégration de Damas dans le contexte du monde arabe dont la Syrie avait été exclue.

Mais l'Egypte bouge aussi, qui, après l'accord avec la Russie sur la dédollarisation des échanges, est en train de conclure des accords similaires avec la Chine et l'Inde. Des signaux évidemment ignorés par les clercs de la désinformation italienne (ndt: et européenne). Et le système bancaire américain connaît simultanément des difficultés qui se répercutent aussi en Suisse. Ce n'est pas vraiment la meilleure façon de convaincre le monde d'accepter la domination de Washington et de Wall Street.

Entre-temps, Téhéran et Bagdad, pour fêter dignement le 20ème anniversaire de l'invasion anglo-américaine, conviennent de renforcer leur collaboration dans une fonction anti-kurde. En théorie, c'est contre le terrorisme kurde, en pratique c'est contre l'utilisation des Kurdes par les Etats-Unis. Les Turcs, qui sont appelés à voter en mai, sont également tout à fait d'accord sur ce point.

Justement, les élections en Turquie font apparaître les situations paradoxales. Erdogan, qui est particulièrement détesté par l'administration américaine pour ses nombreux volte-face et pour ne pas avoir adhéré aux sanctions contre Moscou, a ralenti ces dernières semaines ses initiatives de coopération avec la Russie. Un refroidissement des relations pour plaire à Washington, qui soutient le candidat rival Kilicdaroglu, en tête dans les sondages. Alors que fait Kilicdaroglu ? Il annonce qu'il renforcera la coopération avec Moscou s'il gagne.

Les déclarations dans une campagne électorale, on le sait, ont très peu de valeur (en Italie, quelqu'un avait même promis un blocus naval pour empêcher l'arrivée d'immigrés clandestins), mais elles sont intéressantes pour évaluer les humeurs et les tendances. Et, pour l'instant, la tendance est d'ignorer complètement le "plan Mattei" qui a tant enthousiasmé les ministres italiens. Hormis la Tunisie, en mal d'argent, d'où qu'il vienne et sans contrepartie, le reste de la Méditerranée, le Proche-Orient et l'Afrique subsaharienne ignorent superbement le projet italien. Mais il vaut mieux éviter d'interrompre le sommeil de Tajani, Crosetto et de Lady Garbatella (= surnom de Giorgia Meloni, ndt).

samedi, 12 novembre 2022

En violation du droit international : les États-Unis renforcent massivement leur présence militaire en Syrie

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En violation du droit international : les États-Unis renforcent massivement leur présence militaire en Syrie

Source: https://zuerst.de/2022/11/11/voelkerrechtswidrig-usa-bauen-militaerpraesenz-in-syrien-massiv-aus/

Damas . Depuis des années, le gouvernement syrien dénonce devant les forums internationaux l'occupation continue et illégale du territoire syrien par les États-Unis. Concrètement, il s'agit d'environ un tiers du territoire syrien à l'est de l'Euphrate. Les États-Unis y exploitent illégalement des gisements de pétrole syriens.

Il y a actuellement 28 bases militaires américaines sur le territoire syrien. Elles ont été construites sans l'accord du gouvernement de Damas et servent à la protection militaire des zones pétrolières.

Aux 28 bases existantes (17 dans la province de Hasakah, 9 dans la province de Deir Ezzor et 2 dans la province de Homs) s'ajoute désormais une autre base près du pont Al-Raqqa sur l'Euphrate à Deir Ezzor. Les environs à l'est de Deir Ezzor abritent les bases militaires les plus stratégiques, notamment la base pétrolière d'al-Omar - l'une des plus grandes de Syrie - et le champ gazier de Conoco.

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (SOHR), une organisation d'opposition basée au Royaume-Uni, a récemment publié des photos montrant la construction du site. Selon le SOHR, les troupes américaines ont récemment établi un autre poste militaire dans le village de Naqara, situé à trois kilomètres de Qamishli, dans la province de Hasakah (nord-est). L'empreinte militaire des États-Unis ne cesse ainsi de s'étendre.

La répartition des bases militaires américaines illégales correspond à un cordon autour des puits de pétrole et de gaz à l'est de l'Euphrate, qui constituent la majeure partie des ressources naturelles syriennes. Ce faisant, elles empêchent également le gouvernement syrien d'accéder aux ressources essentielles qui seraient nécessaires à la reconstruction des zones pacifiées. (mü)

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jeudi, 18 août 2022

Kurdes : ethnologie, religion, géopolitique

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Kurdes : ethnologie, religion, géopolitique

par l'équipe de Katehon.com

Source: https://www.geopolitika.ru/article/kurdy-etnologiya-religiya-geopolitika

Groupes ethniques et tribus kurdes

Les Kurdes sont un peuple indo-européen qui, à partir d'un certain moment, a commencé à jouer un rôle important dans la région qui englobe l'Anatolie orientale, la zone nord de la Mésopotamie et le nord-ouest de l'Iran, une région précédemment habitée par les Hourrites, qui ont ensuite migré vers le Caucase.

Les Kurdes sont les descendants des Mèdes, des tribus iraniennes nomades, qui sont arrivés à la fin du IIe - début du Ier millénaire au nord-ouest de l'Iran moderne, où ils ont fondé un État appelé Mèdie. Au VIIe siècle avant J.-C., ils ont créé un immense empire, qui comprenait de nombreux peuples, territoires et langues. Le noyau des Mèdes est resté dans les mêmes territoires qui sont devenus le pôle de leur expansion, où se trouvait également leur capitale Ekbatana (la ville iranienne moderne de Hamadan). Les descendants directs des Mèdes, outre les Kurdes, sont les peuples caucasiens des Talysh et des Tat (qu'il convient de séparer strictement des Juifs des montagnes).

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Comme les Kurdes vivaient sur le territoire des anciens Hurrites et Urartiens, qui étaient également des Arméniens et des Kartvéliens assimilés, on peut supposer qu'il y avait une composante hurrite dans leur ethnogenèse. Dans le même temps, des populations captives de Houthis (Tochars), de Kassirs et de Lullubéens, que certains historiens considèrent comme des Indo-Européens, vivent depuis des temps immémoriaux dans les montagnes du Zagros, au nord-ouest de l'Iran. Ils peuvent également avoir participé à l'ethnogenèse des Mèdes et des Kurdes. L'ancien nom des Kurdes était "kurtii", en grec Κύρτιοι, et des références à eux en tant que peuple habitant les régions de l'Atropatène (Azerbaïdjan) et du nord de la Mésopotamie sont conservées dans des sources anciennes.

Dans les chroniques persanes, le terme "kurt" (kwrt) désigne les tribus iraniennes nomades habitant le nord-ouest de l'Iran, ce qui permet d'inclure les Kurdes dans la typologie des sociétés touraniennes.

On peut distinguer plusieurs groupes parmi les Kurdes :

- Les Kurdes du nord, qui forment la base du peuple kurde actuel - les Kurmanji (kurmancî), le nom - kur mancî - étant interprété comme "fils du peuple de Mèdie" ;

- La partie sud des Kurdes de Kurmanji est désignée par l'ethnonyme iranien Sorani ;

- Un groupe distinct est constitué par les Kurdes de Zaza, qui se nomment eux-mêmes dımli, dymli, et sont les descendants des peuples du nord de l'Iran qui vivaient autrefois dans la région de Dailam, au sud de la mer Caspienne (ces peuples étaient appelés "caspiens") ;

- Le peuple kurde Ghurani, qui habitait aussi autrefois la région de Daylam mais a ensuite migré plus au sud que les Kurdes de Zaza, a la même origine;

- Les plus méridionaux sont les Kurdes Kelhuri, ainsi que les tribus Feili et Laki, dont la situation est similaire,

- Auparavant, les Luriens qui vivaient dans le sud-ouest de l'Iran étaient comptés parmi les Kurdes, et aujourd'hui ils sont communément appelés Iraniens.

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Il existe également une hypothèse selon laquelle les Kurdes et les Baloutches seraient apparentés.

Contrairement aux autres peuples iraniens, les Kurdes ont longtemps conservé un mode de vie nomade, ce qui, combiné à l'habitat montagneux, leur a permis de garder intactes de nombreuses caractéristiques archaïques, entretenant ainsi un lien continu avec la culture touranienne.

Les Kurdes sont aujourd'hui un peuple important (plus de 40.000.000 d'âmes) qui vit sur le territoire de quatre États - la Turquie, l'Irak, la Syrie et l'Iran - mais qui ne dispose pas de son propre statut d'État. Ceci est également un indicateur de la préservation par les Kurdes d'une société traditionnelle affectée par la modernisation dans une moindre mesure que les peuples parmi lesquels les Kurdes vivent. Cependant, les processus de modernisation les atteignent également, ce qui a créé un "problème kurde" au siècle dernier, c'est-à-dire qu'il a soulevé la question de la création d'un État kurde séparé, car dans la Modernité politique, on ne peut penser à un peuple en dehors de l'État, c'est-à-dire à une nation politique.

La Mèdie et les polities kurdes médiévales

Dans le lore kurde, il y a l'idée de leur lien avec l'Arche de Noé. Parce que les Kurdes ont vécu dans les régions adjacentes au mont Ararat, ils se considèrent comme les descendants directs des habitants du village situé à son pied, que Noé a fondé lorsqu'il est descendu dans la vallée à la fin du Déluge. Cette même légende d'une présence autochtone et originelle dans les régions situées entre la mer Noire et la mer Caspienne, dans la région du mont Ararat, se retrouve chez d'autres peuples caucasiens - notamment les Arméniens, les Géorgiens et les Tchétchènes, qui - chacun selon sa logique ethnocentrique - y trouvent un certain nombre de preuves symboliques. Les Kurdes du vingtième siècle justifient cela par leur descendance des Urartiens et des Hurrites, ce qui est toutefois généralement vrai des Arméniens, des Kartveliens et des Vainakhs, dont l'ethnogenèse - bien qu'à des degrés divers - inclut les Hurrites. Cependant, l'identité kurde proprement dite est touranienne (tribus nomades indo-européennes) et plus spécifiquement mède.

En supposant un lien génétique direct avec les Mèdes, les Kurdes peuvent être considérés comme porteurs d'une tradition étatique ancienne, antérieure à la Perse et revendiquant la succession d'un empire mondial après sa prise conjointe de l'Assyrie avec les Chaldéens de Nouvelle-Babylone. Mais aux époques suivantes, à commencer par les Achéménides, l'Iran était aux mains des Perses, qui habitaient les territoires du sud de l'Iran, et les terres de Mèdie, ainsi que l'Arménie et d'autres territoires, n'étaient que des provinces iraniennes.

À une certaine époque - après la mort d'Alexandre le Grand - les tribus nomades (touraniennes) des Parthes, qui ont fondé la dynastie des Parthes, se placent également à la tête de l'Iran, mais la base culturelle reste toujours les traditions spécifiquement persanes, ce qui devient encore plus prononcé à l'époque sassanide. Néanmoins, il existe une théorie, partagée par de nombreux historiens, selon laquelle les Parthes et les Kurdes sont apparentés, car tous deux habitaient les territoires du nord de l'Iran et appartenaient à des peuples indo-européens nomades. Plus tard, les peuples du nord de l'Iran et de l'Atropatène (Azerbaïdjan) se trouvent à la périphérie de ce processus, et lors de la vague suivante de création d'un État iranien, venant tout juste du nord sous les Safavides, les Turcs iraniens (chiites-kizilbashi) s'avèrent être la base de l'élite politique. Les Kurdes ne jouent pas un rôle majeur dans ce processus.

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Historiquement, les Kurdes, descendants des Mèdes, étaient zoroastriens, et la religion zoroastrienne de l'Iran sassanide était traditionnelle pour eux.

Dès le premier siècle de notre ère, le christianisme a commencé à être prêché parmi les Kurdes. Eusèbe de Césarée rapporte que Thomas l'Apôtre a prêché parmi les Mèdes et les Parthes. Comme les Kurdes chrétiens vivaient dans les régions orientales, le nestorianisme s'est ensuite répandu parmi eux, ce qui les a fait entrer dans l'Église iranienne. Au Kurdistan, il y avait de nombreux centres influents de la religion nestorienne qui ont joué un rôle important à cette époque - le centre d'Erbil au 16ème siècle, celui de Jezir au 17ème siècle, et la ville kurde de Kujan au 19ème siècle est devenue le centre d'un diocèse nestorien. Le miaphysisme s'est également répandu (cette fois sous influence arménienne). 

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L'expansion du nestorianisme en Asie

À partir du VIIe siècle de notre ère, lorsque l'Iran a été envahi par les Arabes, qui ont atteint le Caucase et le sud de la mer Caspienne, c'est-à-dire occupé tout le territoire historiquement habité par les Kurdes, ces derniers se sont retrouvés sous l'autorité du califat arabe et, par suite, sous l'influence de l'islam. Au début, les Kurdes ont opposé une résistance farouche aux Arabes lors de leur conquête de Holwan, Tikrit, Mossoul, Jizra et de l'Arménie du Sud, puis ils ont pris part aux révoltes anti-arabes. Petit à petit, cependant, les Kurdes eux-mêmes ont commencé à se convertir à l'Islam.

Parmi eux, l'islam sunnite du mazkhab shafiite est le plus répandu, ce qui les rapproche des musulmans du Daghestan et du Caucase du Nord dans son ensemble. Une petite minorité de Kurdes pratique le chiisme. À l'époque de la propagation du soufisme (IXe siècle), les Kurdes ont volontiers accepté ses enseignements, et le soufisme dans ses deux principales versions, naqshbandiya et kadyriya, est devenu une partie intégrante de l'islam kurde. Cependant, le soufisme ne s'est pas répandu avant le XVIe siècle.

À certaines périodes, les Kurdes ont créé des formations politiques de grande envergure et fondé des dynasties dirigeantes. L'une de ces dynasties kurdes était les Shaddadids ou Saddadides, qui ont établi un État indépendant sur le territoire de l'Albanie caucasienne aux XI-XIIe siècles. Les Saddadides pratiquaient l'islam sunnite et se présentaient comme des adeptes de l'islam, contrairement à la Géorgie et à l'Arménie chrétiennes. En 1072, la dynastie s'est divisée en deux branches: Ganja et Ani. La population des émirats de Ganja et d'Ani était majoritairement arménienne et la culture majoritairement perse.

Les Saddadides ont régné jusqu'à la fin du douzième siècle. Plus tard, les Kurdes ont reconnu la domination des Seldjoukides, avec lesquels ils étaient alliés, et ont obtenu le droit de créer une autre entité vassale, l'émirat d'Ani.

Une autre dynastie kurde a été fondée dans la province de Jebel en 959 par le chef kurde de la tribu Barzikan, Hasanwayhid bin Hasan, qui a été renversé par les Bouyides.

Une autre dynastie, la plus célèbre, fut celle des Mervanides (de 990 à 1096). Cette dynastie kurde a été fondée par Abu Ali bin Mervan bin Dustak.

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Salah ad-Din (1138 - 1193), le plus grand chef militaire du XIIe siècle, qui était d'origine kurde et appartenait à la même tribu Ravadi, dont le fondateur de la dynastie des Shaddadis - Mohammed Shaddad ben Kartu devrait être mentionné séparément.

Salah ad-Din dépose le dernier souverain chiite de l'État fatimide, élimine le califat fatimide, conquiert aux croisés d'immenses territoires du Moyen-Orient, dont la Terre sainte, et devient le sultan d'Égypte, d'Irak, du Hedjaz, de Syrie, du Kurdistan, du Yémen, de Palestine et de Libye, établissant la dynastie ayyoubide, qui existera jusqu'en 1250. Mais dans ses exploits, Salah ad-Din ne parle pas au nom des Kurdes en tant que communauté, mais au nom des Seldjoukides, au service desquels il était et sur l'armée desquels il comptait.

Néanmoins, le fait même de l'existence de dynasties kurdes confirme le modèle classique des débuts touraniens: les nomades indo-européens belliqueux sont souvent devenus les fondateurs de dynasties ou l'élite militaro-politique d'États sédentaires.

La région habitée par les Kurdes jusqu'au treizième siècle était appelée "Jebel" (littéralement, "Hautes terres") par les Arabes; plus tard, elle a été connue sous le nom de "Kurdistan". Au début du XVIe siècle, il existait de petites principautés ou émirats kurdes au Kurdistan: Jazire, Hakari, Imadia, Hasankayf, Ardelan (au Kurdistan iranien), Soran et Baban. En plus de ceux-ci, il y avait des fiefs plus petits. En outre, depuis le début du Moyen Âge (de 1236 à 1832), les Kurdes yézidis possédaient un petit émirat dans le nord de la Mésopotamie, le Sheikhan. L'"État idéal" des Yazidis, en partie politico-administratif, en partie ethno-religieux, comprenait Sheikhan et Sinjar, ainsi que la vallée sacrée de Lalesh, où se trouve le principal sanctuaire yazidi - la tombe de Sheikh Adi, le fondateur de la religion kurde du yazidisme.

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Après l'établissement de la dynastie safavide, les Iraniens ont délibérément détruit l'indépendance des principautés kurdes. Le souvenir de la résistance héroïque des Kurdes à cet égard est conservé dans les légendes kurdes sur la défense de la forteresse de Dymdım. Après la défaite du Shah par les Ottomans sous Selim I, la majeure partie du Kurdistan est passée sous la domination des Turcs, qui ont également commencé à abolir les principautés kurdes autonomes.

Pendant les conquêtes mongoles, la plupart des régions peuplées de Kurdes sont passées sous la domination des Halaguidés. Après l'écrasement de la résistance kurde, de nombreuses tribus kurdes ont quitté les plaines pour les régions montagneuses, répétant en partie le scénario de civilisation des peuples caucasiens, avec lesquels les Kurdes étaient à bien des égards très semblables. Certains Kurdes se sont également installés dans le Caucase.

Plus tard, les territoires kurdes se sont retrouvés dans la zone frontalière entre la Turquie ottomane et l'Iran, ce qui a eu pour effet douloureux de diviser l'horizon culturel et de donner une dimension tragique au Dasein kurde. Descendants directs des grands Mèdes qui ont dirigé l'empire mondial, ils ont été privés de pouvoir politique et déchirés entre deux empires en guerre, dont aucun n'a été pour les Kurdes le leur jusqu'au bout. Avec les Iraniens, ils étaient liés par leur ascendance indo-européenne, leurs anciennes racines zoroastriennes et la proximité de leur langue, et avec les Turcs par le sunnisme et un lien commun de militantisme nomade, ce qui en faisait des alliés même à l'époque seldjoukide.

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Le yazidisme et ses strates

La plupart des Kurdes appartiennent à l'islam sunnite, mais dans tous les cas, les Kurdes ressentent vivement leur différence avec les autres peuples, gardant leur identité inchangée. Cette identité est l'horizon kurde, qui depuis des siècles est étroitement lié aux montagnes et au paysage d'accueil montagneux. Comme les Kalash et les Nuristanis, les Kurdes ont conservé de nombreux traits archaïques des peuples indo-européens du Touran, ne s'étant jamais totalement mêlés aux Perses sédentaires (majoritairement chiites) ni aux Turcs sunnites, malgré des contacts culturels étroits et durables avec les uns et les autres.

Cette identité kurde s'exprime le plus clairement dans le phénomène hétérodoxe (d'un point de vue islamique) du yézidisme ou yazidisme, un mouvement religieux particulier et unique parmi la branche nord des Kurdes, les Kurmanji. Ce courant est lui-même apparu comme une ramification du soufisme au XIIe siècle, sur la base des enseignements du cheikh soufi Adi ibn Musafir (1072 - 1162), venu au Kurdistan irakien depuis la région de Balbek au Liban. Le cheikh Adi connaissait des figures majeures du soufisme comme al-Ghazali et le fondateur de la tariqat qadiriyyah Abdul-Qadir al-Gilani. Les Yazidis eux-mêmes croient que Cheikh Adi, qu'ils révèrent comme l'incarnation de la divinité, n'a fait que réformer et renouveler conformément au mandat divin l'ancienne foi, qu'ils appellent "Sharfadin".

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Les enseignements des Yazidis sont pratiquement inexplorés en raison de la nature fermée de ce groupe religieux, qui se tient à l'écart non seulement des autres confessions et peuples, mais aussi de la majorité des Kurdes, et qui est très réticent à communiquer les fondements de sa foi. Une légende veut que les Yazidis possèdent des collections de textes sacrés, que les représentants des castes supérieures - les cheikhs et les pirs - dissimulent soigneusement aux autres. Seuls deux de ces textes - manifestement fragmentaires et composés d'éléments hétérogènes - ont été connus et traduits dans les langues européennes: le "Livre des Révélations" (Kitab-ol-Jilwa) et le "Livre noir" (Mashaf-Resh). Ils ont été publiés en anglais en 1919, et en russe en 1929. Dans l'ensemble, cependant, la religion yézidie est restée pratiquement inconnue jusqu'à aujourd'hui.

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Certains détails de la théologie religieuse yézidie ont donné aux peuples environnants, les musulmans surtout, l'impression que la religion yézidie vénère Shaitan (le diable chrétien). Cependant, cette tradition est certainement quelque chose de plus complexe, bien qu'elle se distingue nettement de l'Islam - même dans sa forme soufie.

Il existe plusieurs versions sur l'origine de la religion yazidi, qui peuvent être considérées non pas comme mutuellement exclusives, mais comme correspondant à différentes couches de cette tradition.

La couche la plus profonde est le zoroastrisme, qui se manifeste dans la doctrine sur les sept archanges (Amesha Spenta du mazdéisme), dans le culte du feu, dans le culte du soleil, et même le principal symbole des Yézides - le Grand Paon, parfois représenté simplement par un oiseau (les Yézides dans le "Livre noir" nommé Angar) - peut être une version de l'image de l'oiseau sacré zoroastrien Simurg. Tous les Kurdes en général (y compris les Yezidis) admettent qu'avant l'adoption de l'Islam, ils pratiquaient la religion zoroastrienne. La préservation chez les Indo-Européens des montagnes de fragments de l'ancienne foi semble donc tout à fait naturelle. Les vêtements sacrés des Yézidis sont également proches de la tenue zoroastrienne - une chemise blanche (kras) avec un col spécial brodé (toka yezid ou grivan) et une longue ceinture sacrée en laine (banne pshte), appelée "kusti" par les Zoroastriens.

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Le nom Yezid est dérivé du fils du premier calife omeyyade, Muwiya I Yazid. Les Yazidis eux-mêmes soulignent parfois que le réformateur (ou fondateur) de leurs enseignements, Sheikh Adi, était lui-même un descendant de Muawiya par Yazid. Yazid était un adversaire majeur de l'Imam Ali et de sa famille et est considéré comme responsable de la mort de l'Imam Hussein. Pour cette raison, il n'est pas très populaire auprès des musulmans, et les chiites le détestent ouvertement et avec véhémence. Dans le même temps, les traces du Yazid historique ont été presque entièrement effacées par les Yazidis, le pathos anti-chiite est absent, et Yazid ou Yazid lui-même est considéré comme une divinité céleste (peut-être la plus élevée). En effet, l'étymologie iranienne interprète le mot Yazid ou Yezid comme un mot moyen persan yazad ou yazd (de la base iranienne ancienne *yazatah), signifiant "divinité", "ange", "être digne d'adoration". Par conséquent, le nom même de "Yazidis" peut être interprété comme "peuple des anges" ou "peuple du culte", mais aussi comme "peuple de Yazd", c'est-à-dire "peuple de Dieu".

Mais la trace la plus frappante du zoroastrisme est la fermeture complète de la communauté yézidie, fondée sur les castes. Elle est strictement divisée en trois castes - deux sacerdotales (cheikhs et pirs) et une séculière (mrid), bien que la caste séculière, à laquelle appartiennent la plupart des Yezidis, représente par définition les adeptes des maîtres spirituels et soit le plus étroitement liée aux deux plus hautes. Ainsi, chaque mrid (simple yazid) doit avoir un "frère dans l'au-delà", qui ne peut être qu'un membre de la caste des cheikhs et des pirs. Le "frère dans l'au-delà" est censé aider le yezid décédé à passer le pont mince (l'équivalent direct du pont Chinwat zoroastrien) vers le paradis. Les castes sont strictement endogènes, et il est strictement interdit à tous les Yazidis de se marier ou même d'avoir des relations extraconjugales avec des membres d'une autre caste. Ceci est justifié par le fait que les Yezidis appartiennent à un type spécial de personnes, radicalement - ontologiquement - différent du reste.

La légende yézidie raconte que les premiers êtres humains Adam et Eve, qui ne connaissaient pas le mariage, ont essayé de produire une progéniture à partir de leurs propres graines en les plaçant dans deux jarres. Après neuf mois, des bébés mâles et femelles ont émergé dans la cruche d'Adam à partir de sa semence, et dans la cruche d'Eve à partir de sa "semence", des vers puants ont émergé. Les Yezidis croient qu'ils poursuivent la lignée de ces enfants d'Adam créés sans femelles. Le reste du peuple est issu des enfants ultérieurs d'Adam, déjà conçus par Eve. Nous voyons ici le motif zoroastrien classique de la pureté sacrée des enfants de la Lumière, qui ne doivent en aucun cas se mêler aux enfants des Ténèbres. D'où l'endogamie rigide des castes.

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La première des trois règles principales de la religion yazidie est l'interdiction du mélange des castes. La deuxième règle est l'interdiction de changer de foi. La troisième est l'interdiction de la désobéissance aux prêtres et plus encore de la violence à l'encontre des membres du Sheikh et des castes de fétiches.

Tous ces éléments, qui sont essentiels et fondamentaux pour la religion yézidie et son organisation ethno-politique, remontent directement au zoroastrisme classique.

En même temps, il y a un trait curieux dans les mythes et légendes des Yezidis qui a, cette fois, des racines touraniennes. Elle concerne l'interdiction des cultures céréalières. La chute même d'Adam n'est pas décrite comme une conséquence de la consommation d'une pomme, mais comme une conséquence de la consommation du grain interdit par Dieu. Il s'agit d'une caractéristique classique de la société nomade, qui percevait les céréales - partie intégrante de la culture agricole - comme un domaine interdit, une sorte d'"enfer pour le nomade". Pour un porteur d'une culture purement touranienne, manger du pain est un péché. La même parcelle a été conservée chez le peuple indo-européen Talysh, proche des Kurdes par la langue et la culture, mais contrairement aux Kurdes (principalement du sud - Zaza et Gurani), les Talysh n'ont pas quitté leurs territoires et ne se sont pas déplacés de la mer Caspienne vers la Mésopotamie, l'Anatolie et le Moyen-Orient, restant sur la terre d'Azerbaïdjan. Ainsi, une trace touranienne prononcée s'ajoute au zoroastrisme classique dans le yézidisme kurde.

On peut en outre distinguer certains éléments de l'iranisme hétérodoxe combinés à des motifs judéo-chrétiens. Les courants judéo-chrétiens sont proches de l'iranisme tant au niveau génétique que conceptuel dans leur structure. Inversement, les sectes judéo-chrétiennes ont eu une grande influence sur le manichéisme. Nous voyons des traces du judéo-christianisme chez les Yezidis dans les rites préservés du baptême et de la communion avec le vin lors d'un repas sacré. En outre, les Yezidis pratiquent la circoncision, qui correspond également au cycle judéo-chrétien.

Le fait que le principal sanctuaire yézidi de Lalesh était autrefois un monastère nestorien s'inscrit donc bien dans cette séquence. Ces mêmes courants hétérodoxes irano-chrétiens (comme les Mandéens, les Sabéens, etc.) étaient également caractérisés par des motifs gnostiques, que l'on retrouve en abondance chez les Yézidis. Cette couche a, cette fois, une origine moyen-orientale et se superpose à une identité tourano-iranienne plus ancienne.

Enfin, les influences islamiques proprement dites constituent la dernière couche de la religion complexe des Yezidis. Nous voyons ici les deux traditions soufie et chiite. Associée au soufisme, la pratique même de l'adoration du Sheikh comme kutb, le poteau. Un rôle majeur dans la métaphysique yazidi est joué par l'image de la perle blanche, dans laquelle l'essence divine s'est incarnée avant même le début de la création. Ce thème est central à l'ontologie soufie, développant la thèse du hadith selon lequel "Dieu était un trésor caché (la perle) mais voulait être connu". Cette image joue un rôle majeur dans les enseignements du shi'ite Nusayri. Sont également associées à l'islam chiite les notions de l'importance particulière du premier cercle des disciples du cheikh, qui dans l'islam chiite a été transféré à la famille de Mohammad et surtout à la famille de l'imam Ali.

Dans les enseignements des Yazidis, une attention particulière est portée à l'ambiguïté du principal gestalt sacré, l'Ange-Paulin (Malaki-Ta'uz), identifié à l'ange juif Azazil. Dans la Kabbale juive, le même nom (Aza, Azazil) est utilisé pour le démon de la mort. Les textes yézidis soulignent que dans les autres religions, qui ont leurs origines dans Adam et Eve et pas seulement Adam, comme les Yézidis eux-mêmes, l'ange-Paulin est mal compris comme un "ange déchu". C'est l'aspect le plus inquiétant de la religion yézidie, et il a conduit d'autres cultures à les considérer comme des adorateurs du diable.

D'une part, l'oiseau primordial peut être rattaché à la tradition indo-européenne, aux oiseaux sacrés des Scythes, au Garuda des Hindous, au Simurg des Perses et à l'aigle de Zeus des Hellènes. Mais cette image ne souffre nulle part de la moindre ambiguïté et est considérée comme un attribut de la plus haute divinité céleste.

Mais nous rencontrons la diabolisation de l'aigle en dehors du contexte indo-européen chez les peuples adyguéens-abkhazes du Caucase, où l'aigle de fer du dieu maléfique Paco devient la victime du héros "positif" Bataraz, et en plus il y a une image encore plus expressive de la "Tha des oiseaux de proie", comme la tête des anges déchus. La proximité géographique des Caucasiens et des Kurdes, et les liens communs avec le substrat hurrite, suggèrent une autre dimension de la religion kurde yazidie responsable de ses aspects "sombres" ou du moins ambigus.

À cette ambiguïté s'ajoute la subtile dialectique de la métaphysique soufie d'al-Khallaj, qui contient une sorte de justification d'Iblis (le Diable), qui a refusé de se prosterner devant Adam non par orgueil, mais par Amour absolu pour Dieu qui ne permet aucun intermédiaire. Ce thème est en accord avec les motifs gnostiques de la Sophia déchue. Bien que chez les Yezidis ce thème ne soit pas directement souligné, la structure gnostique de leur tradition et certaines allusions antinomiennes - par exemple, l'intrigue du Livre noir des Yezidis, où c'est Malaki-Ta'uz qui encourage Adam à enfreindre l'interdiction divine de manger du grain - permettent cette interprétation.

Dans l'ensemble, la religion des Yezidis reflète une identité kurde profonde qui remonte au fond des âges. L'analyse de ce que les critiques extérieurs reprochent aux Yazidis et de ce qui constitue des aspects ambigus de leur religion repose en grande partie sur une mauvaise compréhension de sa structure interne, ainsi que sur une mauvaise interprétation des figures et images individuelles, ce qui est exacerbé par une nature véritablement syncrétiste et fermée des Yazidis, rendant difficile la compréhension de la morphologie intégrale de leurs enseignements.

Kurdes chiites

L'identité kurde se manifeste de manière tout à fait différente à l'autre extrémité du spectre religieux - chez les Kurdes chiites. Il convient ici de distinguer deux courants : les Kurdes alévis, les plus nombreux parmi l'ethnie Zaza (mais aussi parmi les Kurdes du nord - les Kurmanji) et les Kurdes partageant la doctrine des Ahli Haq (littéralement, "peuple de la vérité").

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Les Alevis sont un ordre chiite-soufi qui est apparu au 13ème siècle dans le sud-est de l'Anatolie, près de l'école fondée par Hadji Bektash et qui est devenue plus tard la base religieuse de la "nouvelle armée" des sultans ottomans - les janissaires. Les Alévis ont perpétué la tradition du soufisme iranien extrême (Gulat), centré sur la vénération d'Ali et des Imams, et de Salman Fars comme figure clé particulière de la gnose lumineuse iranocentrique. Plus tard, aux XVe et XVIe siècles, les Alévis ont été rejoints par les branches turques des Qizil Bash, qui sont devenus le fondement de la dynastie safavide d'Iran, mais dans les territoires turcs sous contrôle sunnite, ils ont dû s'adapter à des conditions hostiles et dissimuler leur identité. De même, les Kurdes ont vu dans l'alévisme la possibilité de rester au sein de la société ottomane, où un islam zahirite agressif et plutôt intolérant est devenu la force dominante après Sélim Ier, parce que les dirigeants ottomans avaient du respect pour l'alévisme - en tant qu'idéologie religieuse originelle des premiers dirigeants ottomans et base spirituelle de la plus importante institution militaire et religieuse de l'Empire ottoman - l'armée des janissaires et l'ordre des bektashi.

D'autre part, les Kurdes voyaient dans l'alévisme de nombreux traits proches de la tradition zoroastrienne, ce qui rendait leur participation à ce courant justifiée en termes de préservation de leur identité indo-européenne originelle. Un certain nombre de caractéristiques rituelles rapprochent les Alévis kurdes des Yazidis. Parmi eux, on trouve par exemple le principe de l'endogamie stricte - les Kurdes alévis ont le droit de n'épouser que des membres de la communauté alévie, préservant ainsi la pureté des "enfants de la Lumière" sur laquelle se fondent la tradition mazdéenne et diverses versions ultérieures de l'iranisme.

Un autre courant du shi'isme radical (gulat) est l'Ahli Haqq, fondé par le sultan Sahak à la fin du quatorzième siècle. Cette tendance s'est répandue parmi les Kurdes du sud et surtout parmi les Kurdes d'Iran. La plupart d'entre eux appartiennent à l'ethnie Goran, mais il existe également des groupes importants d'Ahli Haqq dans les peuples kurdes de Kelhuri et de Lur. Un autre nom pour cette doctrine est Yarsan (Yâresân - littéralement, "communauté d'amoureux" ou "communauté d'amis").

La doctrine du mouvement Ahli Haqq est sensiblement la même que celle du yézidisme. Il affirme également l'idée de l'incarnation d'êtres supérieurs (Dieu ou les anges) dans une chaîne de sept messagers choisis. Ce thème est un classique de la prophéologie judéo-chrétienne et du manichéisme. Elle est également assez caractéristique du chiisme - en particulier du chiisme radical, où les membres de la famille de Mohammad et du clan de l'imam Ali sont considérés comme de telles incarnations. Les membres de l'Ahli-Haqq reconnaissent sept de ces incarnations successives, où la deuxième et la troisième coïncident avec la lignée des séminaristes chiites, Ali et Hasan ("Shah Khoshen"). En général, il est facile d'identifier l'influence ismaélienne dans les enseignements d'Ahli Haqq (par exemple, la mention de Sheikh Nusayr parmi les assistants d'Ali). La première incarnation, cependant, est Havangdagar, par laquelle les membres de l'Ahli Haqq font référence à la Déité suprême elle-même. Chaque incarnation est accompagnée de quatre "anges amis" ou "anges aides" (yārsān-i malak), d'où le nom de toute la communauté des Yarsan. La cinquième "aide" est l'ange féminin, une figure classique du zoroastrisme (fravarti).

L'Ahli Haqq partage la doctrine soufie traditionnelle des quatre étapes de la connaissance de la vérité - shariah, tarikat, marifat et haqiqat, et des étapes du développement spirituel de l'âme respectivement. Les adeptes de cette école de pensée pratiquent le zikr soufi traditionnel.

Un trait irano-zoroastrien est l'idée de la dualité d'origine de l'humanité, qui rapproche également l'Ahli Haqq des Yazidis. Selon leur doctrine, les membres de la communauté Ahli-Haqq ont été créés à l'origine à partir de "l'argile jaune" (zarda-gel), tandis que le reste de l'humanité est issu de la "terre noire" (ḵāk-e sīāh).

L'eschatologie d'Ahli Haqq reproduit généralement le chiisme classique: les élus attendent la venue de l'Homme du Temps, le Mahdi. Mais selon Ahli Haqq, le Mahdi doit apparaître parmi les Kurdes - dans la région kurde de Sultaniyah (province iranienne de Zanjan) ou à Shahrazur, la ville qui, selon les légendes kurdes, a été fondée par le roi Dayok (ou Dayukku), considéré comme le fondateur d'une dynastie de rois mèdes. Ce détail souligne le caractère ethnocentrique de l'eschatologie kurde.

En même temps, comme chez les Yezidis, on constate l'influence des groupes judéo-chrétiens - on reconnaît notamment l'immaculée conception du fondateur (ou réformateur) de cette doctrine, le sultan Sahak, dont la tombe dans la ville de Perdivar est un centre de pèlerinage.

À la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, l'un des chefs spirituels de l'Ahli Haqq, Hajj Nematallah, a beaucoup fait pour activer ce groupe, en publiant un certain nombre de textes religieux et poétiques, qui ont joui d'une grande popularité parmi les Kurdes - surtout le Shah-name-i haqikat (Le livre de la vérité du roi).

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Les Kurdes : identité et État

Bien que leurs origines remontent aux Musulmans qui ont fondé le puissant Empire, et bien qu'ils aient parfois été les ancêtres de puissantes dynasties (comme les Ayubides), les Kurdes n'ont pas été en mesure de construire un État propre jusqu'à aujourd'hui.

Ils ont cependant apporté une contribution significative à la culture du Moyen Âge islamique, notamment dans le domaine de la poésie. Le premier poète kurde est considéré comme étant Piré Sharir, qui a vécu au 10ème siècle et a laissé un corpus de courts poèmes aphoristiques, extrêmement populaires parmi les Kurdes. Un autre des premiers poètes kurdes était Ali Hariri (1009-1079). La première grammaire de la langue kurde a été compilée aux Xe et XIe siècles par un contemporain d'Ali Hariri, le poète Termuqi, qui a été le premier à écrire des poèmes en kurmanji. L'une des œuvres de Termuqi porte le même nom que la célèbre pièce de Calderon "La vie, en effet, est un rêve".

Plus tard au XVIe siècle, l'éminent poète kurde Mela Jeziri a jeté les bases d'un courant soufi dans la poésie kurde, devenant un modèle pour les générations successives de poètes soufis kurdes. Dans toutes les élites intellectuelles kurdes, un accent particulier sur l'identité kurde est évident dès les premiers poètes. Au 17e siècle, un autre poète soufi kurde, Faqi Tayran (1590 - 1660) (illustration, ci-dessous), également appelé "Mir Mehmet", a rassemblé de nombreux contes populaires kurdes dans un recueil intitulé "Contes du cheval noir" (Kewlê Hespê Reş). Il a été le premier à faire l'éloge de la défense héroïque de la forteresse de Dymdım en 1609-1610.

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Les représentants de l'élite kurde commencent progressivement à se rendre compte de l'anomalie - le fossé entre la grande histoire des Kurdes, le niveau de conscience de leur identité unique, leur militantisme et leur héroïsme d'une part, et la position subordonnée au sein d'autres empires - d'abord le califat arabe, puis la Turquie ottomane et l'Iran séfévide.

Ainsi, le plus grand poète kurde Ahmed Khani (1650-1708), l'auteur du célèbre poème épique parmi les Kurdes sur l'histoire d'amour tragique "Mom et Zin", est imprégné de la douleur pour l'État kurde disparu et de la nostalgie de la grandeur passée. Ahmed Hani est considéré comme l'un des premiers idéologues du renouveau kurde et est reconnu comme un combattant de l'identité kurde, préparant la prochaine étape de l'éveil de la conscience nationale. Un autre poète kurde de premier plan, Hadji Qadir Koy (1816-1894) (illustration,ci-dessous), a poursuivi cette tendance. Dans son œuvre, le désir de libération des Kurdes et d'établissement de leur propre État est encore plus contrasté et sans ambiguïté.

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Au XIXe siècle, lorsque l'Empire ottoman a commencé à s'affaiblir et que nombre des peuples qui le composaient (Arabes, Grecs, Slaves, etc.) ont commencé à élaborer des projets d'indépendance, des sentiments similaires ont surgi chez les Kurdes. En 1898, le premier journal en kurde, Kurdistan, est publié au Caire. Plus tard, le journal Kurdish Day (rebaptisé plus tard Kurdish Sun) commence à être imprimé à Istanbul. Un magazine appelé Jin (Vie) est publié en turc, qui proclame ouvertement la volonté de créer un État kurde indépendant.

À la fin du XIXe siècle, les Kurdes provoquent de plus en plus de soulèvements anti-turcs (par exemple, en 1891 à Dersim).

Les Kurdes ont d'abord soutenu les Jeunes Turcs et l'arrivée au pouvoir de Kemal Ataturk, y voyant l'espoir de mettre fin à l'oppression de l'administration ottomane. Les Alévis ont même reconnu Ataturk comme le Mahdi, une figure eschatologique destinée à libérer les peuples de l'oppression et de l'injustice : C'est ainsi que la conscience religieuse a interprété la fin de l'ère de la domination du zahirisme sunnite rigide qui, depuis l'époque de Selim Ier et de Soliman le Magnifique, avait été remplacée par une religion entièrement différente - spirituelle et de style iranien - des premiers dirigeants ottomans, inextricablement liée au soufisme ardent du cheikh Haji-Bektaş, de Yunus Emre et de Jalaladdin Rumi et comportant de nombreux thèmes chiites.

Cependant, les Kurdes n'ont pas obtenu ce qu'ils voulaient de l'effondrement de l'Empire ottoman. Une partie du Kurdistan est restée dans le nouvel État turc, une autre partie a été incorporée à l'Irak par l'administration d'occupation britannique, la troisième a été cédée à la Syrie et la quatrième est restée en Iran. Ainsi, une immense nation de quarante millions de personnes a été divisée en quatre parties, comprenant deux puissances coloniales, où le nationalisme arabe ou est devenu l'idéologie dominante (Syrie et Irak), la Turquie, où s'est affirmé le nationalisme turc sous une nouvelle forme - laïque, et l'Iran, où le chiisme dominant duodécimain et l'identité perse ont également servi de dénominateur commun à l'État, sans accorder aux Kurdes une place particulière, sans toutefois les opprimer autant qu'en Irak, en Syrie et en Turquie.

Le vingtième siècle n'a donc pas été l'occasion pour les Kurdes d'établir leur propre statut d'État, et la question a été reportée à un avenir incertain. En même temps, il n'y avait pas de consensus clair parmi les Kurdes sur le type d'État kurde qu'il devait être et sur quelle base idéologique il devait être fondé. De plus, il n'y avait pas non plus de consensus entre les dirigeants.

Ainsi, dans chacun des pays dans lesquels les Kurdes ont vécu, les forces suivantes ont pris forme.

En Turquie, l'organisation de gauche basée sur les principes socialistes (communistes) - le Parti des travailleurs du Kurdistan - est devenu l'expression politique de la lutte des Kurdes pour l'autonomie et, à la limite, l'indépendance. Depuis le milieu des années 40, l'Union soviétique apporte un soutien militaire et politique aux Kurdes afin de contrer les intérêts des pays occidentaux au Moyen-Orient. Ainsi, le leader des Kurdes irakiens Mustafa Barzani (1903 - 1979) s'est enfui vers le territoire soviétique après avoir été vaincu par les Irakiens de la République kurde de Mehabad, où il a été accueilli, soutenu, puis à nouveau envoyé en Irak. Pour les Kurdes, l'URSS était donc considérée comme un point d'appui géopolitique, qui prédéterminait dans une large mesure l'orientation idéologique des Kurdes - en particulier en Turquie. Chez les Kurdes vivant dans une société traditionnelle, le communisme était difficilement compréhensible et attrayant, de sorte que ce choix a très probablement été déterminé par des considérations pragmatiques. En outre, les Kurdes irakiens se sont heurtés à plusieurs reprises aux Britanniques (le premier soulèvement anti-anglais a été soulevé par Ahmed, le frère de Mustafa Barzani, en 1919), au cours duquel les Britanniques ont mené des opérations punitives contre les Kurdes, détruisant tout sur leur passage, mais les Britanniques étaient des ennemis de l'URSS.

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Le chef du Parti des travailleurs du Kurdistan était Abdullah Öçalan, qui a dirigé le mouvement d'insurrection armée kurde, proclamant en 1984 le début de la lutte armée pour l'établissement d'un Kurdistan indépendant. L'aile militaire du parti est les Forces d'autodéfense du peuple. Öçalan est actuellement emprisonné en Turquie, après avoir été condamné à la prison à vie.

Le Parti des travailleurs du Kurdistan lui-même est considéré comme une "organisation terroriste" dans de nombreux pays. En fait, le Parti de la paix et de la démocratie, qui a été transformé à partir du Parti de la société démocratique, interdit en 2009, agit désormais au nom des Kurdes en Turquie. Mais pour toutes ces structures, la tradition des idées socialistes et sociales-démocratiques de gauche parmi les Kurdes turcs est maintenue.

Les Kurdes irakiens sont unis au sein du Parti démocratique du Kurdistan, formé par Mustafa Barzani, qui, comme nous l'avons vu, était également tourné vers l'URSS et bénéficiait de son soutien. L'aile militaire du parti est devenue l'armée kurde - les Peshmerga (Pêşmerge littéralement, "ceux qui regardent la mort en face"), qui est apparue à la fin du 19ème siècle pendant la lutte des Kurdes irakiens pour l'indépendance.

Il y a eu une confrontation précoce entre deux leaders à la tête du Parti démocratique du Kurdistan, reflétant les intérêts de deux formations tribales kurdes - les Barzani, centrés à Bahdinan, et les Kurdes Sorani, centrés à Sulaymaniyah.

Le représentant de la tribu Barzani était le héros de la lutte pour l'indépendance kurde Mustafa Barzani, dont la cause après sa mort a été dirigée par son fils Masoud Barzani, l'ancien président de la région du Kurdistan irakien dans la période critique pour l'Irak de 2005 à 2017. Masoud Barzani était impliqué dans des opérations militaires avec les unités kurdes peshmerga depuis 16 ans. Après que Massoud Barzani a quitté la présidence, son neveu, le petit-fils de Mustafa Barzani, Nechirvan Idris Barzani, a repris le poste.

L'alliance tribale opposée après 1991 était représentée par la figure flamboyante de Jalal Talabani (photo), qui a été président de l'Irak de 2005 à 2014...

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Après la défaite des forces de Saddam Hussein par les forces de la coalition occidentale, Masoud Barzani et Jalal Talabani ont travaillé ensemble pour établir un contrôle militaire et politique sur les territoires du Kurdistan irakien. Toutefois, les contradictions entre les dirigeants se sont reflétées dans la division effective du Kurdistan irakien en deux parties - la partie orientale (Sulaymaniyah, district de Soran, du nom de la tribu kurde des Sorani), patrie de Talabani, où sa position était la plus forte, et la partie nord-ouest (Bahdania), patrie de Barzani, où ses partisans l'emportaient.

Ce dualisme relatif parmi les Kurdes irakiens a persisté jusqu'à aujourd'hui. Dans certaines situations, les dirigeants des deux entités tribales forment des alliances entre eux. Dans d'autres, la coopération cède la place à la rivalité.

En Syrie, le Parti démocratique kurde de Syrie peut être considéré comme la principale organisation kurde. Actuellement, pendant la guerre civile syrienne, il y a aussi le Conseil national syrien, qui comprend d'autres forces. Les Kurdes syriens n'avaient pas de figures aussi brillantes que Barzani, Talabani ou Öçalan, leurs idées et leurs structures étaient donc fortement influencées par les structures kurdes turques ou irakiennes, où dans les deux cas les tendances gauchistes étaient fortes.

En Iran, les Kurdes vivent dans quatre provinces - Kurdistan, Kermanshah, Azerbaïdjan occidental et Ilam. Les Kurdes iraniens ont historiquement montré moins de volonté d'établir un statut d'État indépendant et n'ont pas organisé de structures politiques autonomes centralisées.

En 2012, deux partis, le Parti démocratique du Kurdistan iranien et le Komala (Parti révolutionnaire des travailleurs du Kurdistan) ont fait une offre pour une telle unification.

mercredi, 27 juillet 2022

Voler la Syrie à la manière américaine

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Voler la Syrie à la manière américaine

Vladimir Malyshev

Source: https://katehon.com/ru/article/ograblenie-sirii-po-amerikanski

Les États-Unis volent à la fois le pétrole et les céréales en Syrie

Les autorités américaines doivent immédiatement mettre fin à l'exportation illégale de produits agricoles et de pétrole depuis le territoire de la Syrie, a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin. Il a souligné que l'armée américaine a saisi et occupé les zones les plus importantes de la production agricole et celles des champs pétroliers en Syrie. Le diplomate chinois a appelé cela du "pillage au niveau de l'État" et a exigé non seulement de cesser de piller les ressources syriennes, mais aussi de compenser tous les dommages causés par les Américains à ce pays arabe.

Le représentant chinois a souligné que les principales communications de la Syrie sont entre les mains des Américains. Comme le disent les Syriens eux-mêmes, a souligné Wang Wenbin, beaucoup sont aigris par les actions de l'armée américaine et disent: les Américains ne sont pas là pour combattre le terrorisme, mais pour voler le pays.

De nombreuses sources syriennes confirment que les Américains pillent la Syrie, selon le journal iranien Resalat. Les statistiques officielles fournies par le ministère syrien du pétrole confirment que jusqu'à 70.000 barils de pétrole sont sortis du pays chaque jour par les Américains et par les groupes sous leur contrôle.

Comme le note le quotidien saoudien Asharq Al-Awsat, la taille des réserves pétrolières de la Syrie a longtemps été estimée. En 2015, le département de la Défense des États-Unis a estimé que l'État islamique (EI)*, interdit en Russie, gagnait 40 millions de dollars par mois grâce à la vente de pétrole syrien. Deux ans plus tard, l'EI a été chassé de certaines zones de l'est de la Syrie et les Forces démocratiques syriennes kurdes, soutenues par les États-Unis, ont pris le contrôle des principaux champs pétrolifères du pays.

La production pétrolière de la Syrie en 2008 était de 406.000 barils par jour. En 2015, la production de pétrole était tombée à 27.000 bpj, en 2018 la production n'était plus que de 24.000 bpj. Puis, en 2020, il est passé à 89.000 bpj. Le ministre syrien du pétrole et des ressources minérales, Bassam Tuome, a déclaré que presque tout le pétrole actuellement produit dans l'est de la Syrie est volé. Selon M. Tuome, la quasi-totalité du pétrole actuellement produit dans l'est de la Syrie est volée.

Le pillage des ressources naturelles de la Syrie par les Américains a été signalé depuis longtemps par le ministère russe de la Défense. En 2019, le général de division Igor Konashenkov, porte-parole du ministère, a déclaré : "Le pétrole est extrait avec des équipements fournis en contournant toutes les sanctions américaines par de grandes entreprises occidentales." Et le ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, a déclaré sans ambages que l'armée américaine se trouvait illégalement sur le territoire syrien depuis longtemps et qu'elle volait des minéraux dans le pays.

L'ancien président américain Donald Trump a également confirmé le vol de la Syrie : "Nous retenons le pétrole. N'oubliez pas cela. J'ai toujours dit - retenez le pétrole. Et nous voulons garder le pétrole - 45 millions de dollars par mois".

En 2019, la publication américaine Politico a rapporté qu'une entreprise américaine avait signé un contrat avec les autorités kurdes du nord-est de la Syrie pour développer et exporter du pétrole brut de la région dans le cadre d'un accord secret approuvé par le gouvernement américain. "Le ministre syrien des Affaires étrangères a qualifié l'accord d'illégal et a déclaré qu'il "volait" le pétrole syrien", note Politico.

Les États-Unis ne pillent pas seulement le pétrole syrien, mais aussi les céréales syriennes. Avant le conflit, la Syrie était un pays agricole prospère, produisant au moins trois à quatre millions de tonnes de blé par an. La récolte était suffisante non seulement pour répondre à la demande intérieure mais aussi pour exporter, notamment vers l'Union européenne. Aujourd'hui, les céréales manquent en Syrie, et Damas est obligé de les acheter à l'étranger.

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L'armée américaine et les Forces démocratiques syriennes qui lui sont subordonnées occupent et tiennent un territoire sur la rive orientale de l'Euphrate, centré sur la province d'al-Hasakah, le plus grand producteur de blé du pays. Tant les céréales qui y sont produites que le pétrole qui y est produit sont expropriés par les Américains et leur clientèle syrienne et, contournant la Syrie, déplacés en Irak.

Malheureusement, il n'y a presque aucun pays dans le monde qui prend cette injustice au sérieux, note Yahoo News. Si le blé et le pétrole des rives orientales de l'Euphrate étaient pleinement utilisés pour répondre à la demande intérieure, les problèmes alimentaires et autres du pays seraient grandement atténués et le niveau de vie des populations locales augmenterait. "Cependant, écrit une publication japonaise, la situation difficile du peuple syrien ... est ignorée en toute quiétude par les médias occidentaux et les groupes de défense des droits de l'homme. Seuls les médias du gouvernement syrien, ainsi que les médias russes et chinois, couvrent ce problème majeur, mais leurs rapports sont rejetés en Occident et au Japon comme de la propagande en faveur d'une dictature."

Le 21 juillet, Dmitry Polyansky, premier représentant permanent adjoint de la Russie auprès de l'ONU, lors d'une réunion de l'Assemblée générale de l'ONU, a réitéré : "Les seules zones qui échappent au contrôle du gouvernement syrien ne sont que Zayefrater, où les occupants américains pillent quotidiennement les ressources en céréales et en hydrocarbures, et la zone de désescalade d'Idlib au nord-ouest, occupée par les terroristes internationalement reconnus de Hayat Tahrir al-Sham."

Dans le contexte de l'inquiétude hypocrite des États-Unis concernant les céréales ukrainiennes, le pillage effronté des États-Unis en Syrie semble particulièrement cynique.

vendredi, 08 juillet 2022

Les actions secrètes occidentales en Syrie

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Les actions secrètes occidentales en Syrie

Shane Quinn

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/western-covert-actions-syria?fbclid=IwAR0nOOlODMj2R9U1PqcfQmmIzqBwOAjBsi-BBCV-OnvL-wQS6SIR2ktUT0o

En octobre 2011 et février 2012, l'organisation de l'OTAN dirigée par les États-Unis, avec le soutien des autocraties du Golfe, a tenté d'obtenir des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui, selon toute probabilité, auraient servi de prétexte à une invasion de la Syrie.

Ces efforts ont reproduit le jeu de dupes que l'Amérique, la Grande-Bretagne et la France avaient joué pour obtenir une résolution concernant la Libye, le 17 mars 2011, qu'ils ont immédiatement violée en bombardant ce pays. À l'automne 2011, la Russie et la Chine savaient que les États-Unis et l'OTAN tentaient à nouveau le même subterfuge, dans leur volonté de renverser le président syrien Bachar al-Assad. Moscou et Pékin ont donc opposé leur veto aux résolutions.

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Non découragée par ces revers, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a exercé un lobbying intense en 2012 en faveur d'une attaque contre la Syrie. Mme Clinton a déclaré qu'elle avait le soutien de l'ancien directeur de la CIA, Leon Panetta, et qu'elle estimait que les Américains auraient dû être "plus disposés à affronter Assad"; elle a souligné "Je crois toujours que nous aurions dû créer une zone d'exclusion aérienne", le feu vert pour une invasion US-OTAN comme ce fut le cas en Libye.

Clinton a déclaré qu'elle voulait "agir de manière agressive" contre la Syrie et a élaboré un plan en ce sens, mais il n'a jamais été mis en œuvre (1). Elle avait auparavant soutenu les invasions de la Yougoslavie (1999), de l'Afghanistan (2001), de l'Irak (2003) et de la Libye (2011) menées par les États-Unis.

Dans leur politique à l'égard de la Syrie, Washington et l'OTAN adoptaient une position similaire à celle d'organisations terroristes comme Al-Qaïda, qui soutenait la volonté d'évincer Assad. Le 27 juillet 2011, le nouveau patron d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a souligné sa solidarité avec les extrémistes. Zawahiri a appelé au départ d'Assad, et a regretté de ne pas pouvoir être lui-même en Syrie. "J'aurais été parmi vous et avec vous", a-t-il déclaré, mais il a poursuivi en disant qu'"il y a déjà suffisamment et plus de moudjahidines et de garnisons" présents en Syrie. Il a décrit Assad comme "le partenaire de l'Amérique dans la guerre contre l'Islam". (2)

Zawahiri n'a pas mentionné que le président syrien s'était opposé à l'invasion américaine de l'Irak en 2003. Assad a été, en fait, le premier dirigeant arabe autre que Saddam Hussein à condamner l'attaque. Moins de 10 jours après l'invasion, Assad avait prédit: "Les États-Unis et la Grande-Bretagne ne seront pas en mesure de contrôler tout l'Irak. Il y aura une résistance beaucoup plus forte". Il a déclaré à propos des forces anglo-américaines "nous espérons qu'elles ne réussiront pas" en Irak "et nous doutons qu'elles y parviennent - il y aura une résistance populaire arabe et celle-ci a commencé". (3)

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Les révoltes qui ont commencé en Syrie, au printemps 2011, n'auraient duré que quelques mois sans une intervention extérieure qui les a radicalisées (4). La Syrie n'aurait pas eu à endurer les années de guerre qui ont suivi, mais les puissances étrangères - notamment le triumvirat impérial composé de l'Amérique, de la Grande-Bretagne et de la France - ont soutenu cette révolte avec l'aide de leurs alliés d'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, sans parler des groupes djihadistes. Les premières manifestations de mars 2011 n'étaient pas, au départ, contre Assad, mais avaient été dirigées contre les déficiences au niveau provincial.

416DCQ0HGWL.jpgNeil Quilliam, un universitaire spécialisé dans le Moyen-Orient, a déclaré à propos du désaccord en Syrie qui a commencé dans la ville de Daraa, dans le sud du pays : "La rébellion telle qu'elle a commencé était très localisée. Elle était bien plus liée à des griefs locaux contre les chefs de la sécurité locale - il s'agissait de corruption au niveau local" (5). L'agitation a été dépeinte à tort en Occident comme visant le gouvernement d'Assad. Elle a ensuite été exploitée par les puissances américaines et de l'OTAN pour tenter un changement de régime en Syrie pour des raisons géopolitiques.

Le site Web des renseignements militaires israéliens, DEBKAfile, a rapporté que depuis 2011, des forces spéciales du SAS et du MI6 britanniques entraînaient des militants anti-Assad en Syrie même. D'autres membres du personnel britannique du Special Boat Service (SBS) et du Special Forces Support Group (SFSG), des unités des forces armées britanniques, entraînaient également des combattants en Syrie depuis 2011. En outre, la même année, des agents étrangers français de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et du Commandement des opérations spéciales encourageaient les troubles contre Assad. (6)

À mesure que 2011 avançait, les révoltes anti-Assad étaient infiltrées par un nombre croissant de combattants d'Al-Qaïda. Le 12 février 2012, dans une vidéo de huit minutes, Zawahiri a exhorté les djihadistes de Turquie, d'Irak, du Liban et de Jordanie à venir en aide à leurs "frères en Syrie" et à leur donner "de l'argent, des opinions, ainsi que des informations". Zawahiri a déclaré que l'Amérique n'était pas sincère dans sa démonstration de solidarité avec eux. (7)

Toujours en février 2012, Hillary Clinton a admis que Zawahiri "soutient l'opposition en Syrie" et elle a laissé entendre que les Etats-Unis étaient du même côté que lui (8). Clinton a promis que les Américains continueraient à fournir une aide logistique aux insurgés, afin de coordonner les opérations militaires.

L'appel de Zawahiri au djihad contre la Syrie a été soutenu par le numéro deux d'Al-Qaïda, Abu Yahya al-Libi. Il s'agit d'un extrémiste libyen qui a participé au récent conflit contre Mouammar Kadhafi, aux côtés de nombreux autres terroristes. Al-Libi a déclaré dans une vidéo du 18 octobre 2011 : "Nous appelons nos frères en Irak, en Jordanie et en Turquie à aller aider leurs frères [en Syrie]" (9). Fin 2011, il existait des liens entre les djihadistes qui ont renversé Kadhafi, et ceux qui tentent d'infliger un sort similaire à Assad.

Avec les vetos russe et chinois sur les résolutions de l'ONU, Washington n'a pas pu lancer une invasion à grande échelle de la Syrie, mais l'objectif du président Barack Obama et de ses alliés est resté celui du changement de régime. Tout au long de l'année 2011 et au-delà, les dirigeants de l'Amérique (Obama), de la Grande-Bretagne (David Cameron), de la France (Nicolas Sarkozy) et de l'Allemagne (Angela Merkel) ont séparément appelé au départ d'Assad, en invoquant de manière fallacieuse les préoccupations liées au sort du peuple syrien.

Merkel, par exemple, qui avait soutenu l'invasion américaine de l'Irak, a déclaré le 18 août 2011 qu'Assad devait "faire face à la réalité du rejet complet de son régime par le peuple syrien". Cette allégation a été répétée par d'autres dirigeants occidentaux, ainsi que par la Haute Représentante de l'UE Catherine Ashton. Elle était totalement fausse.

Moins de six mois plus tard, le journaliste anglais Jonathan Steele, citant un sondage fiable, notait que 55% des Syriens souhaitaient qu'Assad reste président. Steele a écrit que cette réalité dérangeante "a été ignorée par presque tous les médias de tous les pays occidentaux dont le gouvernement a demandé le départ d'Assad". (10)

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Pour l'Occident et ses alliés, comme envisagé, la chute d'Assad augmenterait la puissance américaine en Méditerranée et au Moyen-Orient, tout en portant un coup à l'influence russe, iranienne et chinoise. Le Kremlin devrait abandonner sa base navale de Tartous, dans l'ouest de la Syrie, ce qui pousserait la Russie hors de la Méditerranée. Les voies d'approvisionnement par lesquelles des armes sont livrées au Hezbollah, dans le Liban voisin, seraient également éliminées.

Avec un régime favorable à l'Occident en Syrie, l'étau se serait resserré autour de l'Iran. De vastes quantités de pétrole et de gaz se trouvent à côté du littoral syrien, dans le bassin du Levant. Cependant, la Syrie était un problème plus difficile et plus compliqué pour les États-Unis et l'OTAN que des pays comme la Libye. En Syrie, l'Occident était confronté aux intérêts de la Russie, de la Chine et de l'Iran, trois pays disposant d'amples ressources et de puissantes armées.

Pendant ce temps, les terroristes commençaient à faire des ravages. L'agence de renseignement allemande BND a informé le Bundestag (parlement) que, de fin décembre 2011 à début juillet 2012, 90 attaques terroristes ont été perpétrées en Syrie par des organisations liées à Al-Qaïda et à d'autres groupes extrémistes (11). Les "modérés" déclenchaient des attentats-suicides et des attentats à la voiture piégée contre les forces gouvernementales syriennes et les civils. Un raid suicide le 18 juillet 2012 a tué le beau-frère d'Assad, le général Assef Shawkat, et le ministre syrien de la Défense, le général Dawoud Rajiha. L'Armée syrienne libre, soutenue par les États-Unis, l'OTAN et les autocraties du Golfe, a revendiqué la responsabilité de cette atrocité. (12)

Le djihad n'a fait que nuire et délégitimer les objectifs des insurgés, et en fait ceux de l'Occident. Le public syrien a pu constater, environ un an après le début de la guerre, qu'un nombre considérable de ceux qui tentaient de renverser la République arabe syrienne étaient des extrémistes. Le terrorisme a fait en sorte que les défections vers l'opposition se soient presque arrêtées.

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Désormais, la majorité du personnel militaire restait fidèle à Assad. Début octobre 2012, d'autres attaques terroristes ont fait 40 morts, dont quatre attentats à la voiture piégée qui ont endommagé le quartier gouvernemental d'Alep. Cela a encore affaibli les insurgés. Le Front Al-Nusra, lié à Al-Qaïda, a assumé la responsabilité de ces actes insensés qui n'avaient d'autre but que d'infliger un bain de sang à des innocents. Les attentats-suicides ont augmenté en fréquence.

Ces atrocités ont choqué la population syrienne et renforcé la sympathie envers Assad. Le président syrien a sans aucun doute réagi aux saccages terroristes d'une main de fer; sa réaction a peut-être aussi été influencée par la menace permanente d'une invasion des États-Unis et de l'OTAN, alors que les politiciens occidentaux continuaient à demander sa démission.

Le chef des renseignements militaires israéliens, le major-général Aviv Kochavi, a informé le parlement israélien à la mi-juillet 2012 que "l'islam radical" prenait pied en Syrie. Kochavi a déclaré : "Nous pouvons constater un flux continu d'activistes d'Al-Qaïda et du djihad mondial vers la Syrie". Il s'inquiétait que "les hauteurs du Golan puissent devenir une arène d'activité contre Israël", ce qui était "le résultat du mouvement croissant du djihad en Syrie" (13). Le plateau du Golan, situé à 40 miles au sud de Damas, est un territoire syrien sous occupation israélienne depuis 1967. Kochavi estime qu'Assad "ne survivra pas à ce bouleversement".

L'Armée syrienne libre soutenue par l'Occident est en partie composée de mercenaires recrutés en Libye, ainsi que d'extrémistes d'Al-Qaïda, wahhabites et salafistes. Comme l'avait demandé le chef d'Al-Qaïda, Zawahiri, les radicaux sont entrés en Syrie par le Liban voisin et la Turquie, pays de l'OTAN, et se sont attachés à mener une guerre sectaire - en massacrant les groupes ethniques de Syrie tels que les alaouites, les chrétiens, les chiites et les druzes ; c'est-à-dire ceux qui soutiennent majoritairement Assad et que les djihadistes considèrent comme des hérétiques.

Le Conseil national syrien (CNS), une entité anti-Assad basée à Istanbul, en Turquie, a été créé en août 2011. Il a été organisé par les services spéciaux des puissances occidentales et est soutenu par l'Arabie saoudite et le Qatar. Le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan a continué à remplacer la laïcité par l'islamisme en Turquie, et il s'est impliqué de manière centrale dans l'attisage des flammes de la guerre en Syrie. Les Turcs agissaient comme une force mandataire des États-Unis et de l'OTAN.

Erdogan a autorisé l'Armée syrienne libre à utiliser les bases turques d'Antakya et d'Iskenderun, situées à l'extrême sud de la Turquie et à côté de la frontière syrienne. Avec l'aide de la Turquie, des armes de l'OTAN ont été acheminées en contrebande vers les terroristes menant une guerre sainte contre les Syriens. Des agents de renseignement américains étaient actifs dans et autour de la ville d'Adana, dans le sud de la Turquie (14).

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Les djihadistes islamiques sont arrivés en Syrie en provenance de pays européens éloignés, tels que la Norvège et l'Irlande; à eux seuls, 100 d'entre eux sont entrés en Syrie en provenance de Norvège. Des musulmans radicaux d'ethnie ouïghoure de la province du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, combattaient en Syrie aux côtés d'Al-Qaïda depuis mai 2012. Les militants ouïghours appartenaient au groupe terroriste, le Parti islamique du Turkistan (TIP), ainsi qu'à l'Association pour l'éducation et la solidarité du Turkistan oriental, cette dernière organisation ayant son siège à Istanbul. Al-Libi, le commandant en second d'Al-Qaïda, a publiquement défendu la campagne terroriste du TIP contre les autorités chinoises au Xinjiang.

Au total, on estime que des djihadistes de 14 pays d'Afrique, d'Asie et d'Europe étaient présents en Syrie dès le début du conflit (15). Ils venaient d'États tels que la Jordanie, l'Égypte, l'Algérie, la Tunisie, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, etc. Il s'agissait en partie d'une conséquence et d'un débordement de l'invasion de la Libye par les États-Unis et l'OTAN en mars 2011. Début 2012, plus de 10 000 mercenaires libyens ont été formés en Jordanie, qui borde la Syrie au sud. Les militants étaient payés chacun 1000 $ par mois par l'Arabie saoudite et le Qatar, afin de les encourager à participer à la guerre contre la Syrie. Les Saoudiens expédiaient des armes aux éléments les plus extrêmes de la Syrie, ce que Riyad n'a jamais nié.

Début août 2012, les forces spéciales assadistes ont capturé 200 insurgés dans une banlieue d'Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. Les soldats gouvernementaux ont découvert que des officiers saoudiens et turcs commandaient les mercenaires. Début octobre 2012, dans un autre quartier d'Alep (Bustan al-Qasr), les divisions d'Assad ont repoussé une attaque et tué des dizaines de miliciens armés. Ils étaient entrés en Syrie par la Turquie et parmi eux se trouvaient quatre officiers turcs. À côté de la base aérienne américaine d'Incirlik, dans le sud de la Turquie, les djihadistes ont reçu une formation spéciale aux armes de guerre modernes: missiles antichars et antiaériens, lance-grenades et missiles stinger de fabrication américaine.

Des avions de l'OTAN, volant sans insigne ni blason, atterrissaient dans les bases militaires turques près d'Iskenderun, à côté de la frontière syrienne. Ils transportaient des armements provenant des arsenaux de Kadhafi, et emmenaient des mercenaires libyens rejoindre l'Armée syrienne libre. Des instructeurs des forces spéciales britanniques ont continué à coopérer avec les insurgés. La CIA, et des contingents du Commandement des opérations spéciales américaines, se passaient des équipements de télécommunications et les exploitaient, permettant aux "rebelles" d'échapper aux unités de l'armée syrienne (16). La CIA faisait voler des drones au-dessus de la Syrie pour recueillir des renseignements.

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En septembre 2012, près de 50 agents de haut rang des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France et d'Allemagne étaient actifs le long de la frontière syro-turque (17). Les Allemands, à la demande de leur service de renseignement BND, exploitaient un bateau de service d'espionnage 'Oker (A 53)' en Méditerranée, non loin de la côte occidentale de la Syrie. À bord de ce navire se trouvaient 40 commandos spécialisés dans les opérations de renseignement, utilisant des équipements électromagnétiques et hydroacoustiques. L'Allemagne étant membre de l'OTAN, ces activités ont très probablement été entreprises en accord avec Washington.

La Bundeswehr (forces armées allemandes) a stationné deux autres navires de renseignement en Méditerranée, l'"Alster (A 50)" et l'"Oste (A 52)", pour recueillir des renseignements sur les positions de l'armée syrienne. Le président du BND, Gerhard Schindler, a confirmé à propos de la Syrie que Berlin souhaitait "un aperçu solide de l'état du pays" (18).

Le point d'appui des navires allemands était la base aérienne d'Incirlik, qui abrite 50 bombes nucléaires américaines et accueille les forces aériennes anglo-américaines. La mission des navires allemands était de déchiffrer les signaux de télécommunications de la Syrie, d'intercepter les messages du gouvernement et des chefs d'état-major syriens, et de découvrir les emplacements des troupes assadistes jusqu'à un rayon de 370 miles au large des côtes, grâce à des images satellites.

L'Allemagne disposait d'un poste d'écoute permanent à Adana, dans le sud de la Turquie, où elle pouvait intercepter tous les appels passés à Damas, la capitale de la Syrie (19). Le gouvernement de Mme Merkel a inévitablement démenti les accusations selon lesquelles la marine allemande faisait de l'espionnage en Méditerranée ; c'est le type d'activité dont peu de pays revendiquent la responsabilité.

Notes

1 The Week, “Hillary Clinton: I would have taken on Assad”, 7 April 2012

2 Joby Warrick, “Zawahiri asserts common cause with Syrians”, Washington Post, 27 July 2011

3 Jonathan Steele, “Assad predicts defeat for invasion force”, The Guardian, 28 March 2003

4 Luiz Alberto Moniz Bandeira, The Second Cold War: Geopolitics and the Strategic Dimensions of the USA (Springer 1st ed., 23 June 2017) p. 283

5 Sarah Burke, “How Syria's 'geeky' president went from doctor to 'dictator'”, NBC News, 30 October 2015

6 Bandeira, The Second Cold War, p. 246

7 Martina Fuchs, “Al Qaeda leader backs Syrian revolt against Assad”, Reuters, 12 February 2012

8 Wyatt Andrews, “Clinton: Arming Syrian rebels could help Al Qaeda”, CBS News, 27 February 2012

9 Reuters, “Islamist website posts video of Al Qaeda figure”, 13 June 2012

10 Jonathan Steele, “Most Syrians back President Assad, but you’d never know from Western media”, The Guardian, 17 January 2012

11 Bandeira, The Second Cold War, p. 269

12 Matt Brown, “Syrian ministers killed in Damascus bomb attack”, ABC News, 18 July 2012

13 Space Daily, “Assad moving troops from Golan to Damascus: Israel”, 17 July 2012

14 Bandeira, The Second Cold War, p. 264

15 Ibid., p. 265

16 Philip Giraldi, “NATO vs. Syria”, The American Conservative, 19 December 2011

17 Hürriyet Daily News, “There are 50 senior agents in Turkey, ex-spy says”, 16 September 2012

18 Thorsten Jungholt, “The Kiel-Syria connection”, Die Welt, 20 August 2012

19 Bandeira, The Second Cold War, p. 268

 

mardi, 08 février 2022

Le sinistre luna park syrien, avec un œil sur Kiev

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Le sinistre luna park syrien, avec un œil sur Kiev

par Alberto Negri

Source : The Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-lugubre-luna-park-siriano-con-l-occhio-a-kiev

L'histoire de Qurayshi est emblématique de l'ambiguïté américaine. Il a vécu pendant quelques années tranquillement en Turquie où il a recruté des djihadistes qui affluaient du monde arabe. Les États-Unis étaient parfaitement au courant de la situation puisque la secrétaire d'État américaine de l'époque, Hillary Clinton, a encouragé Erdogan à utiliser les djihadistes contre Damas.

En Afghanistan, cela s'est terminé par un désastre, mais les Américains, avec l'aide de la Turquie, continuent à "exporter la démocratie", dissimulant ainsi leur véritable politique étrangère et les dommages collatéraux. Biden a annoncé que le chef d'Isis, Al-Hashimi al-Qurayshi, était mort dans le nord de la Syrie.

Al-Qurayshi se serait fait exploser lors du raid. Le chef d'Isis "n'a pas combattu bien qu'on lui ait offert la possibilité de se rendre". La bombe a également tué sa femme et ses deux enfants. Biden a qualifié cet acte de "lâcheté désespérée".

Soit Biden est très confus et pense que nous sommes naïfs ici, soit il veut envoyer un signal sur la crise ukrainienne. Hier, Michele Giorgio nous a informés que sur les réseaux sociaux, il y a des photos de la maison du chef d'Isis à Idlib et de son corps non déchiqueté par l'explosion et le trou d'une balle à l'arrière de la tête.

Le style de l'opération est celui qui a conduit à l'élimination de Ben Laden au Pakistan et du premier chef d'Isis, Al Baghdadi, qui a été libéré par les États-Unis des prisons irakiennes, à la frontière entre la Syrie et la Turquie.

Depuis plus de 20 ans, les Américains nous prennent pour des imbéciles, même nos généraux en ont assez : ils font la guerre en Afghanistan puis la rendent aux talibans, ils continuent en Irak en 2003 et plongent le pays dans un chaos sans fin, ils tuent Kadhafi en 2011 et la Libye est toujours dans le chaos. Ils prétendent combattre Isis, mais avec les djihadistes, ils visaient à renverser Assad. Maintenant, ils voudraient peut-être faire la guerre en Europe en exploitant la crise ukrainienne.

Dans son livre Fuga da Kabul (Évasion de Kaboul), le général Giorgio Battisti, commandant en Afghanistan, en Somalie, en Bosnie et de la force de réaction rapide de l'OTAN, écrit : "Le retrait de la coalition a été décidé par le gouvernement américain et, par conséquent, subi par les pays de l'Alliance atlantique".

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Ce désastre, poursuit-il, est "pire que celui de Saigon parce qu'à l'époque, les États-Unis étaient les seuls responsables, aujourd'hui, c'est l'ensemble de la communauté internationale : l'OTAN, l'ONU, l'UE". Et maintenant les Américains, conclut le général, vont chercher à se venger", alors que, comme le dit Mattarella, "il n'y a même pas le prétexte d'une compétition entre différents systèmes politiques et économiques".

L'opération Idlib a été menée avec l'aide de la Turquie d'Erdogan, qui contrôle la zone où vivent depuis des années plus de 40.000 djihadistes et leurs familles. Poutine, qui est intervenu en 2015 aux côtés du régime Assad, a demandé à plusieurs reprises à la Turquie de les démobiliser, mais Erdogan s'y est toujours opposé.

Il a besoin des djihadistes pour ses guerres, même celles qui arrangent Washington : il les utilise contre les Kurdes aux frontières de la Syrie, il les a utilisés en Libye et probablement aussi en Azerbaïdjan. En 2019, lorsque les États-Unis se sont retirés du nord de la Syrie, Trump était conscient qu'il abandonnait les Kurdes au massacre d'Ankara et de ses alliés égorgeurs.

Le véritable chef des djihadistes aujourd'hui est Erdogan, pas un Arabe peu connu. Il les accueille et décide de ce qu'il faut en faire. Et de temps en temps, il sert la tête de l'un d'entre eux sur l'assiette de propagande américaine pour satisfaire la "mission civilisatrice" de Washington.

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Mais si cela n'avait tenu qu'aux États-Unis, Isis aurait conquis Bagdad en 2014 et Damas aussi : ce ne sont pas les Américains qui ont arrêté les djihadistes mais les Pasdarans iraniens, le Hezbollah libanais, les milices chiites et, depuis 2015, la Russie qui ont sauvé le désastre américain en Syrie.

Les États-Unis d'Obama ont effectivement abandonné l'Irak, tout comme l'Afghanistan. En Italie et en Europe, tout est fait pour occulter la réalité malgré les effrayantes attaques djihadistes de ces dernières années au cœur du continent.

En réalité, l'OTAN, financée à 80 % par les États-Unis, est un instrument américain, pas une alliance. Comme l'a dit Frank Zappa : "La politique aux États-Unis est la section divertissement de l'appareil militaro-industriel", dont l'OTAN est un appendice.
Le général Austin, aujourd'hui chef du Pentagone, est une sorte de parodie du système : il a inventé une armée anti-ISIS de milliers d'hommes et après avoir dépensé des milliards, on a découvert qu'ils n'étaient que quelques dizaines. Aujourd'hui, lui aussi ramène chez lui la tête d'un djihadiste d'Isis, comme s'il se trouvait au polygone d'un lugubre parc d'attractions.

La parabole de Qurayshi est emblématique de l'ambiguïté américaine. Il a vécu pendant quelques années tranquillement en Turquie - membre de l'OTAN depuis les années 1950 - où il a recruté des djihadistes qui affluaient du monde arabe. Dans une interview en prison, l'"ambassadeur" du califat en Turquie, Abou Mansour al Maghrabi, a déclaré qu'il avait rencontré directement le MIT, les services militaires turcs, et qu'Ankara protégeait les arrières d'Isis sur 300 kilomètres aux frontières avec la Syrie et l'Irak.

Les États-Unis étaient parfaitement au courant de la situation puisque la secrétaire d'État américaine de l'époque, Hillary Clinton, a encouragé Erdogan à utiliser les djihadistes contre Damas.

Aujourd'hui, la Syrie reste sous sanctions, aucune ambassade occidentale n'est ouverte, à l'exception de celle du Vatican, et le pays est toujours occupé par des troupes turques, américaines et israéliennes. Un morceau de l'OTAN, un morceau du pacte abrahamique, un morceau de la Russie, une part pour les Kurdes et une part pour les djihadistes d'Idlib : voilà comment le gâteau syrien est tristement divisé.

samedi, 08 janvier 2022

Les dix conflits à surveiller en 2022

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Les dix conflits à surveiller en 2022

Mauro Indelicato

Source: https://it.insideover.com/guerra/i-dieci-conflitti-da-monitorare-nel-2022.html

La nouvelle année fait ressurgir de vieux conflits. Avec la nouvelle année qui commence, la politique internationale doit s'accommoder des modèles politiques et militaires hérités de 2021. Au cours des 12 prochains mois, il y aura au moins dix situations très chaudes à surveiller. Pas seulement des guerres au sens strict du terme, mais aussi des confrontations plus ou moins directes concernant la domination d'une certaine zone ou des questions de sécurité nationale. Voici les principaux conflits que le monde de 2022 devra observer.

1. Tensions entre les États-Unis et la Chine

Le principal bras de fer de l'année qui vient de commencer pourrait une fois de plus opposer Washington et Pékin. Il existe de nombreux nœuds dans les relations entre les deux puissances. Le principal défi, pour l'instant plus politique que militaire, se situe dans le Pacifique. 2021 est l'année de l'accord Aukus entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Un pacte dont l'intention évidente est de créer une alliance capable de dissuader les visées chinoises dans la région. L'année 2022 pourrait amener le point culminant de l'affrontement directement à Taïwan, où la présence de troupes américaines a déjà été signalée ces derniers mois et où, de leur côté, les Chinois ont effectué de nombreuses manœuvres de survol de l'espace aérien. Taïwan, l'île revendiquée par Pékin, est également un carrefour économique important. Elle produit la plus grande part des puces sur le marché international, et à une époque comme la nôtre, marquée par une pénurie de puces et de semi-conducteurs, l'influence de l'île est utile à toutes les grandes puissances du secteur.

2. L'Ukraine et la guerre du Donbass

Pour les mois à venir, il est très important de surveiller ce qui se passera dans le Donbass, la région pro-russe de l'est de l'Ukraine qui est en guerre avec le gouvernement de Kiev depuis 2014. L'année qui vient de s'achever a été marquée par une nette escalade. L'armée ukrainienne a capturé un certain nombre d'emplacements dans les zones tampons établies dans le cadre des accords de Minsk de 2014. De son côté, Moscou a donné le feu vert au déploiement de centaines de troupes le long de la frontière. En décembre, après un appel téléphonique entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Joe Biden, une phase de détente a débuté. Cependant, la possibilité d'un conflit direct entre Moscou et Kiev reste très forte. Les intérêts en jeu sont multiples. L'éventuelle entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, et donc la possibilité d'une expansion malvenue de l'Alliance atlantique vers l'est, est le premier spectre qui plane sur le conflit. L'impression, indépendamment de la recrudescence des combats, est que le bras de fer entre les parties est destiné à durer encore longtemps.

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3. L'Afghanistan et le retour du terrorisme

En 2021, mis à part Covid, l'événement le plus marquant a été l'entrée des talibans à Kaboul et le retrait américain d'Afghanistan. En août, après exactement 20 ans, les étudiants coraniques ont repris le pouvoir. De cette façon, le groupe fondamentaliste a effectivement gagné une guerre qui a commencé immédiatement après le 11 septembre 2001. Cependant, le conflit afghan n'est pas terminé. Bien que les Talibans soient de nouveau au pouvoir, ils sont confrontés à un certain nombre de problèmes qui pourraient déstabiliser le pays dans les mois à venir. À commencer par une crise économique générée par le gel des réserves de change de l'ancien gouvernement afghan, une circonstance qui empêche le mouvement de relancer le commerce et de payer les salaires. Ensuite, il y a la question de la présence d'Isis. La cellule afghane du groupe a déjà organisé plusieurs attaques depuis le mois d'août et toute détérioration de la sécurité est susceptible d'affaiblir davantage les talibans. Le blocus économique et l'alerte terroriste sont deux éléments susceptibles d'accélérer une éventuelle déstabilisation de l'Afghanistan.

4. Kazakhstan et Asie centrale

La crise kazakhe représente peut-être le seul véritable front ouvert en cette nouvelle année. En réalité, les causes des émeutes qui ont débuté le 4 janvier dans ce pays d'Asie centrale remontent aux années précédentes. La violence des protestations et le ton général d'émeute observé à Almaty, la plus grande ville et ancienne capitale, ont pris les autorités par surprise. La réponse du gouvernement pourrait d'une part ramener la situation à la normale, mais d'autre part, elle pourrait conduire à un affrontement encore plus violent entre les autorités elles-mêmes et les groupes rebelles. Ces derniers, grâce aussi au pillage des casernes et des postes de police, disposent d'armes et de munitions. Toute instabilité au Kazakhstan aurait des répercussions importantes pour plusieurs raisons. Premièrement, il s'agirait d'une nouvelle épine dans le pied de la Russie dans l'ancien espace soviétique. Deuxièmement, elle pourrait également attirer une déstabilisation supplémentaire dans les pays voisins. La zone de l'Asie centrale, il est bon de le rappeler, est stratégique et délicate, également du point de vue géographique, dans la perspective de la confrontation entre les États-Unis d'un côté et la Russie et la Chine de l'autre.

5. Instabilité en Libye

2021 était censé être une année électorale en Libye. Cependant, les consultations n'ont pas eu lieu et l'échec du processus électoral pourrait être le prologue à une nouvelle phase d'instabilité. Malgré les ambitions de l'ONU d'organiser des élections présidentielles, le pays d'Afrique du Nord reste très fragmenté, tant sur le plan politique que militaire. Depuis mars dernier, il existe un gouvernement d'unité nationale, mais dans le même temps, la configuration institutionnelle actuelle n'est pas claire et le contrôle réel du territoire est confié à des milices de toutes sortes. En outre, les mercenaires étrangers sont encore très présents en Libye, notamment ceux liés à la Turquie à l'ouest et à la Russie à l'est. Plus de dix ans après la mort de Mouammar Kadhafi, le pays n'a pas retrouvé sa stabilité et la possibilité d'une reprise de la guerre à grande échelle n'est pas si éloignée. Compte tenu de l'importance stratégique de la Libye, le conflit au sein de ce pays est l'un des plus importants à surveiller en 2022.

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6. La guerre au Tigré, en Éthiopie

Parmi les fronts les plus chauds, c'est peut-être celui que la communauté internationale a le moins abordé. Pourtant, il y a une guerre, qui entre fin 2020 et 2021 a fait des milliers de morts et fait trembler Addis-Abeba. Le conflit en Éthiopie, qui oppose les forces gouvernementales à celles liées aux Tigréens du TPLF dans la région septentrionale du Tigré, a généré de l'instabilité dans la plus grande économie de la Corne de l'Afrique et provoqué un changement politique dans le pays le plus important de la région. En particulier, depuis que la guerre est entrée dans sa phase la plus délicate, le gouvernement éthiopien s'est appuyé sur la Chine et la Turquie et a ainsi diversifié ses alliances après des années de proximité avec les États-Unis. Depuis la fin du mois de décembre dernier, il n'y a plus de tirs, non pas en raison d'un cessez-le-feu mais en raison d'un équilibre atteint qui satisfait les deux forces sur le terrain. Le gouvernement a récupéré tous les territoires perdus au cours des mois précédents, les Tigréens ont conservé le contrôle de la capitale Makallè. En 2022, cependant, l'impasse pourrait être brisée et la guerre pourrait alors entrer à nouveau dans une phase aiguë avec des résultats imprévisibles pour la stabilité de la région.

7. Le conflit sans fin en Syrie

La Syrie est peu évoquée dans les circuits médiatiques, mais la guerre est toujours bien présente et capable à tout moment de créer quelques maux de tête internationaux. Le gouvernement de Bashar Al Assad, soutenu par la Russie, a depuis longtemps repris le contrôle de toutes les villes principales. Cependant, la province d'Idlib, aux mains des forces extrémistes et pro-turques, est toujours  en dehors du contrôle du gouvernement. Pour cette raison, le conflit impliquera toujours un dialogue intense entre Moscou et Ankara et l'équilibre futur dépendra de la confrontation entre Poutine et Erdogan. La question kurde est également en jeu. Les milices kurdes contrôlent l'est de la Syrie et sont dans le collimateur d'une Turquie toujours prête à entrer en territoire syrien pour débusquer ceux qu'elle considère comme ses ennemis. Une recrudescence du conflit entre Idlib et les zones aux mains des Kurdes impliquerait donc la Russie et la Turquie, mais aussi les États-Unis qui sont toujours présents dans les zones pétrolières le long de l'Euphrate. La Syrie est en fait une partie d'échecs permanente entre les différentes puissances ayant des intérêts dans la région.

8. Iran - États-Unis et négociations nucléaires

Des pourparlers sont en cours à Vienne pour parvenir à un éventuel nouvel accord sur la question du nucléaire iranien. Cinq ans après le premier accord et quatre ans après la décision de Donald Trump de rompre cet accord, Téhéran et Washington tentent à nouveau la voie du dialogue. Mais le bras de fer entre les deux parties devrait rester l'un des sujets les plus chauds de 2022. Les projets de raid américain sur le territoire iranien n'ont jamais été complètement abandonnés. En Irak, en revanche, deux ans après le bombardement américain qui a tué le général Qasem Soleimani, les forces américaines auraient déjoué au moins six attaques contre leurs propres cibles commandées par des milices chiites liées à Téhéran. Derrière l'affrontement entre les Iraniens et les Américains, l'ombre israélienne est bien présente. L'État juif s'inquiète des programmes d'enrichissement d'uranium de la République islamique et a frappé à plusieurs reprises des cibles iraniennes en Syrie fin 2021.

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9. La guerre oubliée au Yémen

L'Iran est également impliqué dans un bras de fer avec ses rivaux régionaux, l'Arabie saoudite. L'un des principaux théâtres de cette confrontation est le Yémen. La guerre au Yémen dure depuis 2015, lorsque Riyad a donné l'ordre d'attaquer les milices Houthi, liées à l'Iran qui furent capables de conquérir la capitale yéménite Sanaa l'année précédente. Depuis lors, le conflit n'a jamais cessé et a provoqué de graves répercussions humanitaires. Pour les Saoudiens, la guerre s'est avérée désastreuse. La coalition dirigée par les Saoudiens s'est en partie effondrée et n'a pas réussi à atteindre ses objectifs politiques et militaires. Le conflit s'est accéléré dans les dernières semaines de 2021 avec les avancées de Houti à Marib et dans la ville portuaire de Hodeida. Une nouvelle augmentation de l'intensité des combats est à prévoir en 2022. La guerre au Yémen est importante pour comprendre l'équilibre des forces dans la région du Moyen-Orient.

10. Israël-Palestine et les tensions non résolues

En 2022 également, la situation en Cisjordanie et à Gaza méritera l'attention. L'année dernière, la troisième intifada failli se déclencher et la bande de Gaza a connu des scènes de guerre suite à l'affrontement entre Israël et le Hamas. Tout a commencé par des protestations palestiniennes contre les expropriations ordonnées par le gouvernement israélien entre avril et mai dans la vieille ville de Jérusalem. Une fusée capable de déclencher la réaction aussi bien des Arabes israéliens, avec des scènes de guérilla également entre les villes où une minorité arabe bien visible est présente, que du Hamas. Le mouvement fondamentaliste a lancé de nombreuses roquettes, provoquant des incursions israéliennes dans la bande de Gaza. Des scénarios qui ne seront malheureusement pas si éloignés de la réalité en 2022. La tension dans la région est toujours très élevée.

lundi, 18 octobre 2021

La Syrie est de retour dans la diplomatie du Moyen-Orient

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La Syrie est de retour dans la diplomatie du Moyen-Orient

Yunus Soner*

Ex: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestrategia/35507-2021-10-05-10-09-09

La République arabe syrienne fait un retour progressif sur le théâtre diplomatique du Moyen-Orient. Après la victoire militaire sur les principales composantes des groupes armés, les accords de cessez-le-feu conclus avec les groupes restants dans le cadre du processus d'Astana et après les élections présidentielles de mai 2021, remportées par le président sortant Bachar el-Assad, le gouvernement syrien a établi un contrôle incontesté sur la majeure partie du pays, à l'exception des régions situées au nord et à l'est de l'Euphrate.

L'établissement d'un contrôle et d'une autorité incontestés s'accompagne de l'accélération des contacts diplomatiques de la Syrie avec les pays voisins.

Syrie - Égypte : les ministres des affaires étrangères se rencontrent pour la première fois depuis 10 ans

Le dernier développement dans la réintégration diplomatique de la Syrie dans le monde arabe a eu lieu à New York lors de l'Assemblée générale des Nations unies, lorsque les ministres des affaires étrangères de l'Égypte et de la Syrie se sont rencontrés.

Bien que le gouvernement égyptien mis en place après la chute de Mohammed Morsi ait annoncé son soutien à la Syrie à plusieurs reprises, et que le président Al Sisi ait même déclaré "soutenir l'armée syrienne" au milieu des affrontements en cours en 2016, la récente réunion était la première réunion officielle depuis 10 ans ... .

Cette réunion était la première du genre depuis que l'adhésion de la Syrie à la Ligue arabe a été gelée en 2011. Il reflète également un réchauffement des relations entre Damas et Le Caire qui comprend des mesures concrètes et des pays tiers arabes.

Liban - Syrie : Beyrouth envoie une délégation gouvernementale à Damas, ce qui conduit à un accord multilatéral

Le 4 septembre, le gouvernement libanais a envoyé une délégation à Damas, la "visite de plus haut niveau depuis des années", comme l'a observé Al Jazeera.

La délégation était dirigée par Zeina Akar, vice-premier ministre et ministre de la défense, et comprenait le ministre des finances Ghazi Wazni, le ministre de l'énergie Raymond Ghajar et le chef de l'Agence de sécurité générale Abbas Ibrahim.

Cette visite avait pour toile de fond la crise énergétique du Liban et une proposition visant à la résoudre en exportant du gaz d'Égypte vers Beyrouth via la Jordanie et la Syrie.

L'idée était de réactiver le gazoduc arabe qui va de l'Égypte au Liban en passant par la Jordanie et la Syrie. Le transport de gaz par ce gazoduc avait été interrompu en 2011 après la chute de Moubarak au pouvoir en Égypte.

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Le gazoduc arabe de l'Égypte au Liban - graphiques de l'EIA

Peu après la visite de la délégation libanaise, une autre réunion a eu lieu entre le ministre jordanien de l'énergie et des ressources minérales, Hala Zawati, le ministre égyptien du pétrole et des ressources minérales, Tarek El Molla, le ministre syrien du pétrole et des ressources minérales, Bassam Tohme, et le ministre libanais sortant de l'énergie et de l'eau, le Dr Raymond Ghajar, le 9 septembre en Jordanie.

Le ministre jordanien de l'énergie et le ministre égyptien de l'énergie ont confirmé l'accord, pour lequel un plan d'action et un calendrier sont en cours d'élaboration.

La compagnie gazière publique égyptienne a déjà informé ses partenaires, Shell et Petronas, que les livraisons de GNL au Liban seraient interrompues "avec effet immédiat", selon le Journal of Petroleum Technology.

Une percée contre les sanctions américaines contre la Syrie

Le journal, ainsi que les médias internationaux, ont souligné que l'accord gazier constituait une violation des sanctions américaines existantes à l'encontre de la Syrie, qui interdisent les transactions avec le gouvernement syrien et avaient bloqué les précédentes tentatives de livraison de gaz égyptien au Liban en raison de son passage par la Syrie.

Un sénateur américain en visite au Liban début septembre, Chris Van Hollen, a déclaré à Reuters : "La complication, comme vous le savez, est le transport à travers la Syrie. Nous cherchons (de toute urgence) des moyens d'y remédier malgré la loi de César", en référence aux sanctions américaines.

Entre-temps, le Hezbollah libanais avait également enfreint les sanctions américaines en livrant du pétrole iranien au Liban via la Syrie en septembre.

L'Arab Weekly commente l'accord: "Pour aider le Liban à résoudre sa crise de l'électricité, Washington devra accorder à Assad une certaine reconnaissance et une certaine attention, un prix que l'administration Biden semble prête à payer. Le plan américain n'améliorera que marginalement la situation de l'électricité au Liban. La mesure dans laquelle cela profite à Al-Assad est incommensurable.

La Deutsche Welle allemande s'interroge déjà: "Accord de pouvoir au Liban: le début de la fin de l'isolement de la Syrie?".

Des équipes techniques syriennes et jordaniennes ont déjà commencé à inspecter le pipeline existant, rapporte l'agence de presse syrienne SANA.

Normalisation avec la Jordanie

Mais la normalisation avec la Jordanie voisine va bien au-delà de l'accord. Le ministre syrien de la défense et le chef d'état-major de l'armée jordanienne se sont rencontrés en tête-à-tête lors d'une rare rencontre entre les chefs des forces armées des deux pays le 19 septembre.

La réunion fait suite à une offensive militaire syrienne dans la ville de Deraa, au sud de Damas, une zone d'instabilité située à 13 kilomètres au nord de la frontière avec la Jordanie.

Le 28 septembre, les réunions ministérielles syro-jordaniennes ont repris dans la capitale jordanienne d'Amman pour discuter des moyens d'améliorer la coopération bilatérale entre les deux pays dans les domaines du commerce, des transports, de l'électricité, de l'agriculture et des ressources en eau.

Le même jour, le Premier ministre jordanien Bishr al-Khasawneh a souligné l'importance de renforcer les relations de coopération et de coordination entre la Jordanie et la Syrie dans divers domaines pour servir les intérêts communs des deux pays et peuples frères, rapporte SANA.

Parallèlement, la Jordanie a annoncé qu'elle allait ouvrir complètement sa frontière avec la Syrie, reprendre les vols de passagers entre Amman et Damas et lever les restrictions sur le transit des marchandises à destination de la Syrie.

Dans l'ensemble, la Syrie progresse à grande vitesse vers la normalisation de ses relations avec ses voisins. Le pays bénéficiera ainsi d'un nouvel élan diplomatique et économique qui lui permettra de s'attaquer aux principales tâches qui l'attendent : l'occupation américaine à l'est, les organisations terroristes séparatistes et djihadistes, et les relations tendues avec son principal voisin du nord, la Turquie.

En termes de contrôle des armes diplomatiques, Damas est en train de gagner en puissance. Que la nouvelle reconnaissance arabe de la Syrie soit utilisée à l'avantage ou au désavantage d'Ankara dépend principalement du gouvernement turc.

*Yunus Soner, politologue, ancien vice-président du parti Vatan (Turquie), a participé à des visites diplomatiques en Chine, en Syrie, en Iran, en Egypte, en Russie, au Venezuela, à Cuba et au Mexique, entre autres.

Source : https://uwidata.com/21263-syria-is-back-in-middle-eastern-diplomacy/

mercredi, 04 août 2021

Afghanistan et Iran, la stratégie du chaos des États-Unis

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Afghanistan et Iran, la stratégie du chaos des États-Unis

par Alberto Negri

Ex : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/afghanistan-e-iran-la-strategia-del-caos-degli-stati-uniti

Après-guerre au Proche- et au Moyen-Orient? Pas vraiment. En substance, il s'agit d'économiser la présence militaire directe, comme ce fut le cas en Afghanistan ou en Irak, et de laisser se consumer les foyers de guerre ou de résistance: ce sont alors des guerres dites "par procuration", menées avec la vie d'autres acteurs sur le terrain. Voilà à quoi ressemblait déjà l'Irak, ainsi que la Syrie, sans oublier la Libye et maintenant le nouveau chapitre de l'histoire des "guerres par procuration" s'ouvre en Afghanistan.

À qui profite le chaos en Afghanistan, causé par le retrait des États-Unis, retrait qui était aussi tout à fait prévisible, étant donné que les talibans sont à l'offensive depuis au moins trois mois ? Certainement pas aux Afghans et pas même à l'Iran, où l'ultraconservateur Ebrahim Raisi vient de prendre ses fonctions de président, négociant avec les États-Unis sur les sanctions, à la tête d'un pays écrasé par l'embargo et la pandémie, qui a toujours été un adversaire des talibans.

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Avant le retrait américain, les Iraniens pouvaient accepter, voire encourager, les talibans à déstabiliser Kaboul, mais ils ne peuvent tolérer leur retour au pouvoir comme cela s'annonce aujourd'hui. Même si une délégation de Talibans a été reçue à Téhéran - ainsi qu'à Moscou et à Pékin - tout le monde se souvient qu'en 1998, ils ont massacré onze diplomates iraniens à Mazar el Sharif et qu'ils font maintenant subir le même sort à la population chiite afghane et aux Hazaras.

En Afghanistan, il y a le risque d'une guerre civile sanglante qui pourrait se transformer en un autre conflit entre chiites et sunnites, comme ce fut le cas en Irak, d'abord avec Al-Qaïda, puis avec la montée du califat. C'est dans un moment pareil que les bureaux stratégiques de la République islamique ont dû pleurer la mort au combat du général Qassem Soleimani, éliminé par les États-Unis en 2020 à Bagdad.

La guerre américano-israélo-iranienne se poursuit par tous les moyens disponibles, des provocations aux attentats contre les scientifiques iraniens, en passant par les raids aériens américains et israéliens en Syrie et en Irak contre les milices pro-chiites et les Pasdarans: on en parle peu, sauf lorsque les tensions explosent dans le Golfe d'où vient le pétrole, comme ce fut le cas avec le navire israélien touché par un drone à Oman (deux morts). L'Iran va bientôt se retrouver sous pression sur trois fronts, dans le Golfe, à l'Est et à l'Ouest, et cette fois, il n'y aura plus de Soleimani pour diriger le tourbillon sanglant qui ravagera le Moyen-Orient.

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Tout cela se produit en raison d'un choix américain bien précis: créer le chaos et l'exploiter à son avantage et à celui des alliés de Washington, d'Israël aux monarchies du Golfe qui font partie ou gravitent autour du pacte d'Abraham, voulu naguère par Trump.
C'est la "stratégie du chaos" qui est mise en œuvre, de l'Afghanistan à la Libye, par diverses administrations républicaines et démocrates, y compris, jadis, par le vice-président d'Obama, Joe Biden. En substance, il s'agit d'économiser la présence militaire américaine directe, comme ce fut le cas en Afghanistan ou en Irak, et d'entretenir sciemment les foyers de guerre ou de résistance: ce sont les guerres dites "par procuration", menées avec la vie d'autres acteurs que les Marines ou l'infanterie US. L'Irak a été le théâtre d'une telle guerre, tout comme la Syrie, la Libye et maintenant le nouveau chapitre de ce type précis de conflit va s'amorcer en Afghanistan.

Biden est un type contradictoire. D'une part, il reprend les négociations avec Téhéran sur l'accord nucléaire de 2015 voulu par Obama et annulé par Trump en 2018, mais en même temps il bombarde les alliés de l'Iran en Irak et en Syrie. Même en Irak, l'administration américaine se retire en apparence du jeu en laissant la présence militaire principale à une mission de l'OTAN qui sera placée sous le commandement de l'Italie. En bref, les États-Unis créent des problèmes, comme ils l'ont fait avec la guerre de 2003 contre Saddam, et nous paierons les pots cassés pendant des décennies, tout comme cela s'est produit en Libye en 2011, lorsque, avec les Français et les Britanniques, les Etats-Unis ont attaqué Kadhafi.

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Certains se souviendront de la réaction de la secrétaire d'État Hillary Clinton au lynchage et à l'assassinat de Kadhafi, une phrase rappelée par l'analyste américaine Diana Johnstone dans sa biographie judicieusement intitulée "Hillary Clinton, reine du chaos" : "Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort", une devise qu'elle a prononcée suivie d'un grand rire. Tony Blinken, l'actuel secrétaire d'État, était alors le partisan le plus acharné de l'attaque contre la Libye. Oui, la Libye même dont le ministre des Affaires étrangères Di Maio vient de revenir, dans les rangs de ceux qui n'abandonnent pas même face à l'évidence et continuent de remercier les États-Unis pour je ne sais quelle faveur.

Il faut noter qu'en 2019, alors que Khalifa Haftar assiégeait Tripoli et le gouvernement Sarraj - légitimement reconnu par l'ONU - les États-Unis se sont abstenus de bombarder le général en Cyrénaïque, laissant Erdogan occuper la Tripolitaine, avec tous les déboires que cela a entraîné pour l'Italie. Pourquoi les États-Unis, toujours prêts à bombarder n'importe qui, n'ont-ils rien fait ? C'est simple: parce que le général Haftar est soutenu par l'Egypte et les Emirats, deux pays clients des armes américaines, et les Emirats ont également conclu le fameux pacte d'Abraham avec Israël.

La guerre en Afghanistan était condamnée dès le départ, affirme à juste titre l'essayiste indien Pankaj Mishra. Pourtant, les fausses nouvelles ont alimenté une initiative qui a coûté un nombre considérable de vies et des centaines de milliards de dollars, laissant l'Afghanistan dans un état pire qu'avant. Il n'est pas non plus nécessaire d'invoquer le cliché de l'Afghanistan comme "cimetière d'empires" pour se rendre compte que les Talibans étaient une force résiliente et potentiellement changeante. Mais ce qui nous apparaît comme un échec - comme l'Irak, la Libye ou la Syrie - ne l'est pas si l'on applique la stratégie américaine du chaos. Il y a toujours une Dame Clinton ou un de ses héritiers prêt à rire.

samedi, 12 juin 2021

La promesse chinoise de soutenir pleinement la Syrie : une nouvelle ère géopolitique?

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La promesse chinoise de soutenir pleinement la Syrie : une nouvelle ère géopolitique?

Par Andrew Korybko

Source Oriental Review

La promesse envoyée par télégramme par le président Xi de soutenir pleinement la Syrie à l’issue de ses dernières élections pourrait ouvrir une nouvelle ère géopolitique si sa rhétorique présage d’une nouvelle réalité au sein de laquelle la République Populaire assiste son homologue arabe quant à perfectionner son exercice d’équilibrage difficile entre plusieurs puissances.

L’exercice d’équilibrage syrien

La Syrie s’est fait engluer dans un dilemme géopolitique depuis déjà plusieurs années : elle subit des pressions à la fois de la part de puissances amicales et hostiles pour lui faire mettre en œuvre des réformes politiques, dans le cadre de son difficile processus de paix. Ces pressions ont pris plusieurs formes : d’une part le « projet de constitution » écrit par la Russie, qui constituait une forme plus douce de pression visant à encourager aux compromis mutuels entre toutes les parties légitimes du conflit ; d’autre part, les tentatives bien plus agressives menées par les États-Unis pour forcer Damas à des concessions politiques unilatérales. Prise entre ces deux parties rivales, qui en substance poussent vers un résultat structurel très similaire, la Syrie les a subtilement détournées en renforçant sur tout le spectre ses relations avec l’Iran, afin d’améliorer sa position stratégique, et ainsi de se donner plus de temps avant qu’une possible percée puisse se produire.

Les risques iraniens

Mais le vecteur iranien de la grande stratégie syrienne n’est pas sans poser ses propres défis, car la Russie comme les États-Unis préféreraient, chacun pour ses propres raisons, que les forces militaires de la République islamique quittent la République arabe, en dépit du fait que c’est bien Damas qui les a invitées à opérer sur son sol. La Russie envisage un retrait progressif, honorable et préparé en plusieurs phases de l’Iran hors de Syrie, et considère qu’un tel retrait fournirait l’impulsion pour une suite plus grande d’accords diplomatiques visant à sécuriser une paix sur le long terme en Asie occidentale. De leur côté les États-Unis sont toujours simplement opposés par principe à l’expansion de l’influence de l’Iran dans la région. Les deux Grandes Puissances sont également alliées avec « Israël« , chacune à sa manière ; ce dernier pays considère la présence militaire iranienne dans la Syrie voisine comme une grave menace à sa sécurité nationale. Néanmoins, la Syrie a maintenu sa loyauté envers l’Iran et a refusé de demander son départ, malgré des bombardements « israéliens » pratiqués par centaines au fil des années.

Lectures sur le contexte

Le contexte sous-jacent est bien plus complexe que ce que nous avons pu décrire ci-avant, mais le lecteur intrépide peut se mettre au fait des analyses passées du même auteur au sujet de ces dynamiques compliquées s’il souhaite en apprendre davantage au sujet des détails et dynamiques particuliers :

En résumé, la Syrie semblait destinée à mettre en œuvre de manière inévitable une forme de concession politique visant à la décentralisation, tout en demandant à l’Iran de mettre en place un retrait militaire, honorable et préparé, hors du pays, si elle escomptait la moindre chance de voir les États-Unis lever leurs sanctions unilatérales, et pouvoir ainsi enfin se reconstruire.

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Le remodeleur chinois

Toutes ces remarques ont été pertinentes des années durant, mais pourraient se retrouver dépassées, si les dernières sorties rhétoriques de la Chine présagent d’une nouvelle réalité. Le président Xi a promis, dans le télégramme qu’il a envoyé à son homologue syrien à l’issue des dernières élections, que la République Populaire « allait accorder toute l’assistance possible… pour revitaliser l’économie du pays et améliorer la vie de la population », entre autres choses telles que l’aide pour la Covid-19 et l’amélioration des relations bilatérales. Un tel scénario était déjà en cours d’apparition, mais sa probabilité a été fortement accrue au cours des six derniers mois, comme l’indiquaient les récentes analyses publiées par le même auteur :

En bref, le partenariat stratégique sino-iranien conclu pour une durée de 25 années permet à la République Populaire de se connecter à la République islamique au travers du Pakistan, en étendant vers l’Ouest le CPEC, projet amiral des Nouvelles Routes de la Soie, suivant la vision W-CPEC+. Le couloir émergent pourra alors s’étendre davantage à l’Ouest jusque la Syrie. En outre, l’influence iranienne profondément implantée et la confiance absolue que ses représentants ont pour leurs homologues syriens peut ouvrir des portes importantes pour la Chine en Syrie. Le résultat final est que Damas pourrait s’abstraire d’avoir à souscrire à des compromis si l’assistance de Pékin au travers des Routes de la Soie permet de reconstruire le pays de manière fiable.

Conséquences stratégiques

Jusqu’à présent, la Russie semblait avoir pris pour acquis le fait que la Chine n’investirait pas de manière sérieuse en Syrie dans un avenir proche, du fait de la situation politico-militaire irrésolue qui est celle du pays, et qui pourrait mettre en péril ses projets des Routes de la Soie. Néanmoins, la République Populaire semble avoir interprété la conclusion réussie des dernières élections syriennes comme un message fort au monde, laissant paraître le fait que tout revient enfin en ordre dans la République Populaire, du moins suffisamment pour que la Chine puisse considérer y investir de manière plus étendue. Si cela se déroulait comme prévu, l’influence russe en Syrie connaîtrait un relatif déclin, car Damas n’aurait aucune raison d’accepter les compromis auxquels Moscou l’a gentiment encouragée au cours des quelques années passées, dont celui concernant le retrait dans l’honneur mais préparé de l’Iran hors du pays.

Les calculs de la Russie

L’exercice d’équilibrage régional de la Russie pourrait par conséquent devenir moins bien dosé si la Russie n’est plus en mesure de jouer sur les grands accords diplomatiques qu’elle a projetés et sans doute à tout le moins laissé connaître à ses nouveaux partenaires, tels « Israël » et la Turquie. En outre, la position économique dominante qui était celle de la Russie en Syrie pourrait prochainement se voir défiée du fait de la « compétition amicale » désormais pratiquée par la Chine sur ce terrain. La Syrie a évidemment tout à gagner à faire jouer l’une contre l’autre ces deux Grandes Puissances, dans un processus d’enchères au meilleur accord de reconstruction possible. Mais la Russie pourrait souffrir en silence d’avoir à perdre l’un de ses leviers d’influence les plus puissants sur le pays. La Russie peut toujours faciliter de manière indirecte les opérations de bombardement pratiquées par « Israël » contre l’Iran pour réduire l’influence de ce pays en Syrie, mais elle ne peut rien faire pour contrer la Chine. Cette observation suggère que la politique pratiquée par le Kremlin en Syrie pourrait prochainement changer.

Du « Monopole » à l’arrangement »

La « culture stratégique » de la Russie présente une tradition séculaire d’influence sur les décideurs pour « monopoliser » les régions étrangères dans lesquelles ils opèrent, ce qui permet à Moscou de devenir la puissance indéniablement dominante sur ces lieux. Cela a commencé à changer au moment de la fin de la première guerre froide, surtout dans les régions sur lesquelles la Russie avait bénéficié de l’emprise la plus forte. La marche vers l’Est de l’OTAN a vu la Russie « s’accommoder » à reculons du bloc militaire en Europe centrale et orientale, cependant que l’expansion des Routes de la Soie vers l’Asie centrale ont vu la Grande Puissance eurasiatique en faire autant avec son principal partenaire stratégique. Par suite de la guerre du Karabakh l’an dernier, la Russie s’est vue contrainte de « s’accommoder » de la présence turque dans le Sud-Caucase, et désormais, par suite du télégramme envoyé par le président Xi, de la présence chinoise en Syrie, le joyau de la couronne de la grande stratégie de Moscou pour le Moyen-Orient.

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La nouvelle réalité

La principale tendance est que la Russie s’adapte de manière souple à l’ordre mondial multipolaire en cours d’émergence, y compris dans le contexte mouvant de la guerre mondiale de la Covid, qui a débouché sur une transition d’un modèle de « monopolisation » à son nouveau modèle d’« arrangement ». Dans le cas syrien, Cela amènera sans doute la Russie à diminuer certaines des « pressions amicales » qu’elle avait jusqu’alors pratiquées sur Damas pour que celle-ci mît en œuvre les compromis projetés par la Russie, dont la demande à faire à l’Iran de pratique un retrait militaire hors de Syrie. La Grande Puissance eurasiatique pourrait bientôt réaliser que la Syrie pourrait tout bonnement la remplacer par la Chine à la place de partenaire stratégique préféré de la République arabe, étant donné que Moscou va rester militairement présente dans le pays comme préalablement convenu, mais ne sera pas récompensée économiquement par l’attribution de contrats de reconstructions bénéficiaires si elle ne « s’arrange » pas des intérêts de Damas en lien avec ce point.

Conclusion

Pourvu que la Chine honore la promesse formulée par le président Xi, et que l’Iran n’ait pas déjà conclu un accord secret avec les États-Unis pour pratiquer un retrait progressif hors de Syrie, dans le cadre d’un plus vaste compromis au sujet de son programme nucléaire (scénario qui paraît peu plausible et deviendrait sans doute impossible si les principalistes/conservateurs remportent les élections à venir en ce mois de juin), les probabilités sont très fortes pour que le jeu géopolitique vienne soudainement d’avoir changé en Syrie. Les relations russo-syriennes resteront excellentes, mais leur nature exacte pourrait quelque peu changer si Damas joue avec davantage de confiance la carte chinoise pour protéger ses intérêts politiques et militaires en lien avec son refus de mettre en œuvre divers compromis, ainsi que la demande de retrait honorable et progressif de l’Iran hors de Syrie. Les États-Unis ne seront sans doute pas satisfaits d’un tel développement, mais ils ne pourront rien faire concrètement pour inverser cette tendance.

Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Note du Saker Francophone:

On pourra ajouter sur la liste des échecs de l'empire étasunien unipolaire, 
non seulement son incapacité à renverser le gouvernement d'un pays de dimension
assez moyenne, mais en prime le fait que la guerre hybride déclenchée par les
agences CIA, NED, etc débouche en fin de compte sur l'implantation chinoise
dans le pays. Les dents n'ont pas fini de grincer à Washington.

Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone

dimanche, 25 avril 2021

SYRIE 1941 - La guerre occultée - Vichyste contre Gaullistes 

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SYRIE 1941 - La guerre occultée - Vichyste contre Gaullistes 

Source: le compte vk de Jean-Claude Cariou

Recension:

SYRIE 1941 - La guerre occultée - Vichyste contre Gaullistes
Par Henri DE WAILLY
Editions Perrin, 2006, 504 pages.

Avec cet ouvrage consacré à la campagne de Syrie durant l’été 1941, Henri de Wailly livre un travail historique à bien des égards exemplaire.

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Se plaçant sous quatre angles différents (Français de Vichy, Français Libres de De Gaulle, Anglais et Australiens), il propose une analyse fine de la géopolitique du Levant français, des enjeux provoqués par la défaite de la France et des événements diplomatiques et militaires de cette campagne.

A la défaite, lourde, des armées françaises en 1940, la convention d’Armistice prévoit le maintien d’une armée française réduite, la préservation de la flotte française et le maintien de troupes en Afrique du Nord et au Levant (Syrie et Liban), ces dernières sous le contrôle plus ou moins strict de commissions de contrôle italo-allemandes.

Au Levant, 35.000 hommes constitués, pour l’essentiel, de troupes locales et de régiments de l’Armée d’Afrique encadrés par des sous-officiers et officiers métropolitains.

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Le sort du Levant va être scellé par la géopolitique régionale: besoin des Allemands de soutenir l’insurrection en Irak, besoin des Français libres de lever des troupes et d’affirmer la légitimité du mouvement sur l’Empire français, besoin des Anglais de protéger à la fois l’Irak et l’Egypte attaquée à l’ouest par l’Afrika Korps d’Erwin Rommel.

Les Allemands souhaitant venir en aide aux nationalistes irakiens de Rachid Ali en révolte contre la présence britannique sollicitent du gouvernement de l'amiral Darlan des facilités aéroportuaires pour faire transiter du matériel et des armes par la Syrie. Celui-ci, -cornaqué par le très collaborationniste secrétaire du gouvernement Benoist-Mechin- et croyant jouer au plus fin et en échange d'hypothétiques contreparties assouplissant les conditions d'occupation, met le doigt dans l'engrenage d'une collaboration militaire avec les Allemands pouvant rapidement entraîner la France vichyste dans une co-belligerance avec la Wehrmacht contre l'Angleterre. Se rendant compte de son erreur et face à l'opposition de Weygand, Darlan tente de limiter les concessions données aux Allemands mais il est trop tard et, sur ordre, le général Dentz commandant de l'Armée du Levant, est contraint de s'exécuter en offrant aux avions de la Luftwaffe certaines facilités de transit sur les aérodromes de Syrie et en livrant aux insurgés à la frontière irakienne des armes, du carburant et des moyens de transport, des camions essentiellement prélevés sur les stocks de la commission d'armistice. A sa décharge ces matériels et armement livrés étant pour la plupart obsolètes ou hors d'usage .

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C'est le casus belli rêvé par Winston Churchill !

Poussé également par le général de Gaulle, Churchill va décider de l’invasion du Levant au grand dam du commandement militaire en Égypte le général Wawell qui a déjà fort à faire en Lybie avec les Germano-Italiens qui menacent le Nil et le canal de Suez.

Engagée avec de trop faibles moyens mais avec la 1ère division des Français Libres (1ère DFL), l’offensive va piétiner face à une armée française du Levant qui, dopé par l'invasion des Britanniques et surtout très remontée contre les "traîtres " gaullistes reste fidèle à Vichy et se bat farouchement. Il faudra des renforts importants des troupes du Commonwealth et l’invasion de la Russie par Hitler (fermant définitivement la porte à une opération allemande d'envergure en Méditerranée orientale vers la Syrie et l'Irak) pour faire basculer définitivement le sort des armes dans le camp des Alliés en montrant toute l'inanité de cette guerre fratricide entre alliés d'hier et de demain et entre Français.

Si la victoire fut acquise aux Alliés, les gaullistes perdirent l’un de leurs objectifs: la grande majorité des soldats de l’armée du Levant, traumatisée par cet affrontement resta fidèle à Vichy (au Maréchal Pétain leur chef plus exactement) et furent rapatriés en France. Il faudra attendre le débarquement des alliés anglo-américains en Afrique du Nord pour que la France Libre, devenue France Combattante, puisse de nouveau accéder à des troupes françaises: celles de l’Armée d’Afrique qui reprendront sous le même drapeau le combat commun contre l'ennemi allemand dès la campagne de Tunisie.

L’ouvrage de Henri Wailly est très bien écrit et servi de 40 pages de notes très utiles. L’ensemble des différentes thèses et angles de vue, y compris celui de l'Armée du Levant, est présenté de manière équilibrée. Cet ouvrage est utile pour mieux comprendre le contexte difficile que connaîtront les gaullistes dans les événements en Afrique du Nord en 1942.

Syrie 1941, Guerre occultée certes car Anglais et Français ne souhaitèrent pas s’étendre sur ce conflit entre anciens et futurs alliés. Par contre, la dimension franco-française, hors la dimension morale qui fut traumatisante et laissa des traces indélébiles chez les participants, est remise en cause par le poids des effectifs français engagés du côté allié: 15% des effectifs au début de la campagne – 8% dans la deuxième partie de l’offensive. Par contre, il est vrai que la présence des « Free French » dont beaucoup étaient vus (effet de la propagande et de la méconnaissance des enjeux réels de l'armistice et de la collaboration d'une France vichyste très lointaine du Moyen Orient) non comme des frères égarés mais comme des "traîtres" a sûrement impactée et durcie la résistance des forces vichystes dans le sens d'un bien plus grand engagement dans des combats menés le plus souvent " jusqu'au bout et sans esprit de recul" aussi bien contre les Britanniques, (Australiens et Indiens pour la grande majorité), que contre les FFL.