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vendredi, 31 juillet 2009

Hyperborée

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Terre & Peuple - Wallonie - Communiqué

HYPERBOREE

 

Pierre-Emile Blairon, encore lui, nous a choyés avec la dernière livraison (n°8) de sa revue trimestrielle Hyperborée. Joliment illustrée, notamment par le dessinateur André Herbouze, elle est axée autour d’un thème double : ‘L’être différencié et l’âge d’or’. Ce dossier central bénéficie de deux contributions substantielles de Paul-Georges Sansonetti, qui s’interroge : la notion d’âge d’or a-t-elle encore une signification ? Et qui répond par l’affirmative en citant Julius Evola : « L’être différencié est le révolutionnaire qui prépare la renaissance. » Il baigne dans la tradition primordiale et son regard s’inscrit dans la rune dagaz, hache à double tranchant. Ces deux textes complémentaires sont assortis d’une étude d’Alain Colomb sur les quatre âges du monde germanique. Le dossier se conclut sur une définition du marterau de Thor à partir de la Pierre de Gotland et sur une heureuse digression de Pierre-Emile Blairon sur ‘Le rire des dieux’ ou comment vivre l’âge d’or durant l’âge de fer.

Sous la rubrique ‘Notre Europe’, Alain Cagnat signe la première partie d’un éloge particulièrement senti de l’Irlande et Paul Catsaras découvre l’importance des symboles dans l’œuvre et dans la vie d’Albrecht Dürer.

Il faut encore noter, dans ce numéro, l’article-guide de Julien Mord, modèle d’utilité concrète pour la construction vraiment écologique d’une maison.

Enfin, une copieuse ‘chronique du désastre’ effeuille une série de faits et documents qui prétendent, avec succès, raccrocher la revue Hyperborée à l’actualité. Dont le projet d’une mosquée au nord du cercle polaire arctique. Dont un film documentaire sur les manchots empereurs. Dont un livre sur l’érotisme solaire, de Michel Onfray. Dont une note sur Aymeric Chauprade, par qui le scandale est arrivé. Dont un livre de Louis-Christian Gautier sur l’antigravité entre Nazis et Nasa. Dont une relation de deux grands raids européens : celui de Ludovic Blairon, pour retrouver les lieux d’origine de la culture de la vigne, et celui de Mathilde Gibelin et Fanny Truilhé, pour accomplir un tour de l’Europe à pied.

(Abt annuel 34€ - 38€ hors de France ; éd. Crusoe, 4642 route de Roquefavour, F-13122 Ventabren, pierre.blairon@wanadoo.fr; www.hyperboreemagazinr.fr)

 

 

dimanche, 26 juillet 2009

Le Chêne de la Vehme

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Le Chêne

de la Vehme

 

par Ulrich STEINMET

 

Entre les villes de Borken et de Dorsten, dans le vieux Land saxon de Hama, se trouve le village d'Erle, près de Raesfeld en Westphalie. Il y pousse un chêne très  ancien, qui mesure 14 mètres à la cir­conférence; ses branches s'élèvent à 15 mètres du sol.

 

Au printemps, malgré son très grand âge, ses feuilles réapparaissent, toutes vertes. Le vieil arbre doit être soutenu par des poutres qui le maintiennent de­bout et stable. Ce chêne a été planté sur le site d'un Assenkamp,  «un camp des A­ses». Les Ases sont la plus vieille fa­mil­le des dieux germaniques; elle a com­battu, avant de pacifier le monde, la fa­mil­le des Vanes, divinités symbolisant la fertilité du sol.

 

Retenons que le Chêne de la Sainte-Veh­me, avant sa christianisation toute su­per­­ficielle, était consacré à Wotan, le pè­re des dieux qui errait, monté sur son che­val Sleipnir, souvent gravé sur les pierres runiques pourvu de huit jambes; Wotan est également accompagné de deux loups, Freki et Geri, et de deux cor­beaux, Hugin et Munin, qui lui trans­met­tent la sagesse et lui rapportent tout ce qui se passe dans le monde des hom­mes. Les Indo-Européens ont tou­jours par­faitement perçu le caractère sacré des arbres; le Freistuhl, littérale­ment «siège de l'homme libre», en fait siège où s'assied le chef qui donne les di­rectives pour administrer le peuple et dit la justi­ce, est toujours situé au pied d'un grand et vieil arbre. Le Chêne de la Sainte-Veh­me, lui aussi, est le site d'une ancienne Gerichtstätte  (lieu de justice), où les li­bres communautés paysannes saxonnes venaient discuter et appliquer leurs lois.

 

Par un calcul approximatif, nous devi­nons que cet arbre, qui nous reste au­jourd'hui, devait déjà avoir été énorme au temps de Charlemagne. De nos jours, on estime qu'il doit environ avoir deux mille ans. C'est le seul arbre d'Alle­ma­gne qui reste debout et qui date d'avant le Christ. Le prédicateur chré­tien Boniface n'a sans doute jamais réussi à trouvé le Chêne de la Vehme: sinon, il l'aurait a­bat­tu lors de la chris­tianisation comme ont été abattus tous les arbres sacrés pro­pres aux cultes païens. Après la sou­mis­sion et la san­glante évangélisation des Sa­xons, Charlemagne n'a pas supprimé le Freistuhl  d'Erle mais l'a transformé en Tribunal de la Feme ou Vehme, c'est-à-dire en un des tribunaux institué par le monarque carolingien pour maintenir en état de soumission les Saxons et com­battre les païens et les hérétiques, au mo­yen de procédures secrètes, dont la lé­ga­lité était des plus discutables. De nom­breux nobles francs se sont installés, sur ordre de l'empereur, dans la région, dans le but d'empêcher toute restaura­tion de la religion et du droit des an­cê­tres. C'est la raison pour laquelle le Chê­ne d'Erle a été nommé Feme-Eiche,  Chê­ne de la Sainte-Vehme. Mais dans les proverbes de la région, on l'appelle le Ravenseiche,  le Chêne des Corbeaux.

 

Durant le Moyen Age, on a assisté à une revitalisation tacite du vieux droit ger­manique: les Westphaliens, Frisons et Saxons ont remis à l'honneur la libre ju­ridiction, propre de leur souche. Leur tribunaux étaient composés de Fri-gre­ven  (des «comtes libres»), choisis parmi les paysans libres, puis nommés par l'empereur. Ce personnel des tribunaux a fini par fusionner avec la magistrature officielle. Ceux qui n'étaient pas Fri-gre­ven  devaient se rendre à cheval au pa­lais de l'empereur pour recevoir confir­mation de leur nomination en tant que juges. Le libre banc (= tribunal) d'Erle pou­vait, lui, nommer d'office un Greve  et sept conseillers, de façon à ce que le tribunal puisse siéger au complet.

 

Pendant les XVième et XVième siècles, le pouvoir des nobles (de souche franque ou gallo-romaine) et du clergé est devenu tellement puissant que les Freistühle  fu­rent interdites. Mais pour parvenir à les interdire, nobles allochtones et clergé ont dû livrer aux libres autochtones une lon­gue lutte sanglante; au XIXième siècle en­core, les libres paysans de la ré­gion s'op­posèrent, par des émeutes et du tu­mul­te, aux lois imposées par l'arche­vê­que de Münster.

 

Témoin de l'esprit d'indépendance de la race saxonne, l'énorme plaque de pierre qui constituait le Freistuhl  proprement dit, a été déposée sur le pont de Dorsten et est devenu un monument vénéré par la population. En 1945, des soudards bri­tanniques l'ont fait basculé dans la ri­vière, au fond de laquelle elle se trouve toujours, en dépit de son importance his­torique et culturelle. L'arbre, lui, a ré­sis­té à tout. En 1928, il a fallu l'étayer de pou­tres de bois. Son tronc s'est scindé en quatre et a été renforcé par un anneau de fer. Plus tard, le chirurgien du bois, Dr. Michael Mauer, a renforcé ses racines et sa couronne. Ainsi le Chêne de la Fe­me/­Vehme peut espérer résister en­core aux défis du temps et témoigner de sa noble histoire.

 

Ulrich STEINMET.

(d'après Gedenkstätten deutscher Geschichte, Orion Heimreiter Verlag; trd. franç. d'après un extrait de cet ou­vrage paru dans la revue milanaise Orion).

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mercredi, 22 juillet 2009

La fête de Mai

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La fête de Mai

 

par Otto Rudolf BRAUN

 

La fête de Mai n'est pas une fête de l'Eglise. Mais le peuple la fête néanmoins depuis la nuit des temps. La coutume d'ériger un «arbre de Mai» s'est perpétuée jusqu'à nos jours.

 

On ne sait pas très bien quelle est l'étymologie du terme «mai». Certains philologues croient que le mot dérive de celui de la déesse Maja. Le chercheur allemand, Dr. Herman Gauß, croit que cette déesse Maja est un avatar de Freya. Chez les Romains, le mois de mai était consacré à Vénus, même si l'on estimait que les mariages célébrés en mai n'étaient jamais des mariages heureux.

 

Tout comme la coutume d'ériger l'arbre de Noël, celle de dresser l'arbre de Mai remonte au plus lointain passé germanique. La communauté dressait l'arbre de Mai à la fin de la période froide de l'année. Ce qui fait que le moment de la fête de l'arbre de Mai varie d'une région à l'autre. Dans bon nombre de régions, on ne dresse l'arbre de Mai que vers la Pentecôte ou même seulement au jour du solstice.

 

Le plus ancien témoignage que nous possédons sur l'arbre de Mai date de 1225 et a pour site la région d'Aix-la-Chapelle. Cesarius d'Heisterbach raconte, dans son Dialogus Miraculorum,  qu'un certain prêtre Jean (Johannes), agité par un zèle dévot, avait jeté à terre l'arbre chargé de couronnes de fleurs que le peuple avait érigé et autour duquel il dansait dans la joie. Mais la population s'est défendue contre le prêtre fanatique et a obtenu gain de cause. Le Bailli Wilhelm ordonna de dresser un arbre plus haut encore, en guise de réparation.

 

Un incident semblable s'est également déroulé au Danemark, mais plus tard. A Udby dans l'île de Fünen occidentale, au 16ième siècle, un prêtre abattit un arbre de Mai. Il fut condamné à payer une très forte amende.

 

La colère de ce prêtre est pourtant bien compréhensible. De son point de vue évidemment. Car cette coutume du Mai est fondamentalement païenne et elle s'est maintenue en dépit de toutes les violences dont a fait preuve le christianisme dans l'espace linguistique germano-scandinave. Le Mai est resté, envers et contre tout, malgré les bûchers où l'on a amené les sorcières et malgré les persécutions. Comme bien d'autres coutumes indéracinables, le Mai a été récupéré par les Chrétiens et introduit dans son calendrier des fêtes.

 

Outre la coutume de dresser l'arbre au mois de Mai pour célébrer le retour de la saison chaude, on érigeait également des arbres pour honorer des mariés ou un bourgmestre ou parfois même un curé.

 

Dans beaucoup de régions, on suspend à l'arbre de Mai une couronne de saucissons ou de friandises. Les jeunes gens sont alors appelés à grimper le long du mât, préalablement enduit de graisse afin de rendre l'épreuve plus difficile, pour aller chercher l'un ou l'autre de ces bons morceaux sous les applaudissements de l'assistance. Le fruit de leur butin est offert aux jeunes filles de leur cœur.

 

La mauvaise farce de voler l'arbre de Mai d'une communauté est de date récente. Elle n'a rien à voir avec la tradition ancestrale.

 

Depuis 1889, le 1 mai est devenu le «Jour du Travail». Lors du Congrès de l'Internationale socialiste à Paris en 1889, les délégués ont décidé d'organiser des manifestations chaque année à cette date pour réclamer la journée des huit heures. Ces rassemblements ont eu lieu pour la première fois le 1 mai 1890 et se sont répétés depuis sans interruption. Sous l'impulsion des socialistes, le 1 mai est devenu un jour férié.

 

Très récemment, l'Eglise catholique a fait du 1 mai la fête de «Saint Joseph artisan». On voit que l'Eglise n'a pas cessé de faire correspondre ses fêtes à celles des hommes de chair et de sang, du moins quand il s'avérait impossible de les supprimer ou de les refouler.

 

(Otto Rudolf Braun, Kleine Geschichte unserer Feiertage und Jahresfeste, Verlag Hohe Warte, D-8121 Pähl, 1979).

samedi, 18 juillet 2009

Labyrinthe et "Trojaburg"

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Labyrinthe et «Trojaborg»

Deux traits caractéristiques de la préhistoire nord-européenne

 

par le Prof. Frithjof Hallmann,

Université d'Uppsala

 

Il est une règle en archéologie qui veut que la fréquence des découvertes sur un site prouve que ce site est le site originel de l'objet en question. Dans le cas du sym­bole que sont les labyrinthes, le site d'o­rigine doit être le nord de l'Europe et non le sud. Environ 500 labyrinthes de pierre ont été découverts en Europe sep­ten­trio­nale, jusqu'aux confins de l'Océan Arcti­que. Bon nombre de ces labyrinthes datent de la préhistoire européenne, y compris ceux du Grand Nord. Dans la zone médi­terranéenne, on ne trouve que rarement ce symbole, perennisé dans les aligne­ments de pierres.

 

En règle générale, le labyrinthe est consi­déré comme une sorte de jardin, conçu pour jouer à s'égarer. Tous ceux qui ont eu l'occasion de visiter des labyrinthes de haies dans les jardins et parcs anglais, fran­çais ou italiens, sauront combien il est parfois difficile de retrouver le chemin de la sortie. Le labyrinthe, en conséquence, est considéré par la plupart de nos con­tem­porains, comme un jeu où l'on s'a­mu­se à s'égarer. Beaucoup de princes eu­ro­péens du XVIième au XIXième siècle se sont fait installer des jardins labyrin­thi­ques pour amuser et distraire leurs in­vi­tés. Parmi les plus célèbres labyrinthes fran­çais, citons ceux de Versailles, de Chan­­tilly, du Jardin des Plantes; en An­gleterre, les labyrinthes de Hatfield House, de Hertfordshire, de Hampton Court Pala­ce (à Londres), ainsi que le grand laby­rin­the de Hazlehead Park à Aberdeen; en Ita­lie, aujourd'hui, on peut encore visiter le célèbre labyrinthe de haies de la Villa Pi­sani à Stra, à l'ouest de Venise, avec une tour et une statue de Minerve au centre. Ce sont là les laby­rinthes les plus connus et les mieux con­servés aujourd'hui. 200.000 touristes par­couraient chaque an­née les allées du laby­rinthe de Stra, jus­qu'au moment où il a fallu les fermer au public qui devenait vraiment trop nom­breux et risquait d'abîmer le site.

 

Quant au touriste qui s'intéresse à l'his­toi­re de l'art, il peut visiter de nom­breux labyrinthes de mosaïques, surtout dans des églises. Ceux qui se rendent en Italie pourront en voir de très beaux dans l'é­glise Santa Maria di Trastevere à Rome, ou encore dans l'église San Vitale de Ra­venne, dont le sol présente un magni­fi­que labyrinthe. Dans la cathédrale de Luc­ca, on peut apercevoir un labyrinthe gravé dans un mur et flanqué d'une ins­cription latine signifiant "Ceci est le laby­rinthe que le Crétois Dédale a construit". En France, notons les labyrinthes de la Cathédrale de Bayeux et de l'église de Saint-Quentin, qui attirent, aujourd'hui encore, de nom­breux amateurs d'art. En territoire alle­mand, nous ne trouvons au­jourd'hui plus qu'un seul labyrinthe: dans la crypte de la Cathédrale de Cologne.

 

Mais en Allemagne, comme en divers en­droits d'Angleterre, on peut encore voir les traces, dans l'herbe, de très an­ciens la­byrinthes comme la Roue (Rad)  d'Eilen­riede près de Hannovre ou les la­byrinthes d'herbe de Steigra et de Graitschen en Thu­ringe. Malheureusement, le magnifi­que laby­rinthe de Stolp en Poméranie, l'un des plus beaux du monde, a été dé­truit.

 

En Angleterre, une bonne centaine de labyrinthes

 

En Angleterre, au contraire de l'Alle­ma­gne où l'on ne trouve plus que les trois labyrinthes que je viens de citer, le tou­riste amateur de sites archéologiques pour­ra en visiter une bonne centaine. Dans les Iles Britanniques, on les appelle Troy-town  ou Murailles de Troie (Walls of Troy),  exactement comme plusieurs la­byrinthes scandinaves encore existants (Trojaborg;  en all. Trojaburg).  A l'évi­den­ce, labyrinthes britanniques et la­by­rinthes scandinaves sont structurelle­ment apparentés. Car il ne s'agit pas de cons­truc­tions de modèle simple, édifiées pour le seul plaisir du jeu, mais d'une al­lée u­ni­que serpentant circulairement vers un centre, pour en sortir immédiatement, tou­jours en serpentant. Il est intéressant de noter que les élèves des écoles pri­maires, en Scandinavie, apprenaient en­core, dans les années 30, l'art de «dessiner des labyrinthes».

 

Avant de nous pencher sur la significa­tion étymologique des termes «laby­rin­thes» et «Trojaborg» (Troy-town; Troja­burg),  je voudrais d'abord signaler qu'au­jourd'hui, sur le territoire suédois, j'ai dé­nombré 296 Trojaborge  de pierre, dont les diamètres varient entre 4 et 24 m et qui comptent généralement 12 seg­ments cir­cu­laires; en Finlande, y compris les Iles Åland, j'en ai dénombré 150; dans le nord de l'Angleterre, 60 (dont 15 sont fouillés par des archéologues profession­nels); en Norvège, 24; en Estonie, 7; en Angleterre méridionale, 2; sur le territoire de la RFA (avant la réunification), 1. Nous arrivons ainsi au nombre de 540 Trojaborge nord-européens en pierres, auxquels il faut a­jouter la centaine de la­byrinthes en prairie des Iles Britanniques et leurs trois équi­valents allemands. Malheureuse­ment, la zone archéologique méditerranéenne ne compte plus, au­jourd'hui, de labyrinthes de ce type; seuls demeurent les labyrinthes des églises et ceux, récents et en haies, des parcs. Nous pouvons en revanche décou­vrir des laby­rinthes gravés sur des parois rocheuses, comme dans le Val Camonica dans les Alpes italiennes, ou à Pontevedra en Espagne septentrionale. Ce labyrinthe ibé­rique présente le même modèle que ce­lui découvert sur la pierre irlandaise de Wicklow et celui de Tintagel en Cor­nouailles.

 

J'ai cherché à découvrir un labyrinthe en Crète, qui confirmerait la légende de Thé­sée et Ariane. Je n'ai pas découvert le fa­meux labyrinthe de Cnossos. Or, on as­so­cie très justement la Crète au symbole du la­byrinthe, car, au British Museum et dans le Musée de l'Antiquité de Berlin, les visiteurs peuvent y voir des labyrinthes sur des monnaies crétoises du IIième et du Vième siècle avant notre ère. En Egyp­te, pays d'où nous viendrait, d'après les lin­guistes, le terme «labyrinthe» (Lope-ro-hint,  soit le palais à l'entrée du lac, allu­sion à un labyrinthe disparu, qui se serait situé sur les rives du Lac Méri), je n'ai pas eu plus de chance qu'en Crète et je n'ai pas trouvé la moindre trace d'un labyrin­the. D'autres spécialistes de l'étymologie cro­yent que l'origine du mot labyrinthe vient du terme «labrys», qui désigne la dou­ble hache crétoise.

 

Un piège pour

 l'astre solaire?

 

Quant au nom scandinave de Trojaborg,  il n'a rien à voir avec la ville de Troye en Asie Mineure, comme l'a prouvé un spé­cialiste allemand des symboles, qui vivait au siècle dernier, le Dr. Ernst Krause. Tro­jaborg  serait une dérivation d'un terme in­do-européen que l'on retrouve en sans­krit, draogha,  signifiant «poseur de piè­ges». Dans la mythologie indienne, en ef­fet, existe une figure de «poseur de piè­ges», qui pose effectivement des pièges pour attraper le soleil.

 

En langue vieille-persique, nous retrou­vons la même connotation dans la figure d'un dragon à trois têtes, du nom de dru­ja;  en langue suédoise dreja  signifie l'acte de «tourner» ou de manipuler un tour. Le sens caché du labyrinthe se dé­voile dans la légende de Thésée et d'Ariane, dans l'Ed­da et dans la Chanson des Nibelun­gen, où nous retrouvons, par­tout, une jeu­ne fille solaire gardée par un dragon ou un Minotaure, symboles des forces de l'obs­curité. Le mot «Troja» se re­trouve, outre dans le nom de la ville de l'épopée homérique, dans le nom de cen­taines de labyrinthes scandinaves et bri­tanniques, dans la danse labyrinthique française, le Troyerlais, dans la ville de Troyes en Cham­pagne, dans les trojarittes de la Ro­me antique, dans le nom de Hagen von Tronje, figure de la Chanson des Nibe­lun­gen. Des dizaines de noms de lieu en Eu­ro­pe portent la trace du vocable "troja".

 

Le Prof. Karl Kerényi, l'un des principaux spécialistes contemporains des mythes et des symboles, est l'un des très nombreux experts qui admettent aujourd'hui l'origi­ne nordique du symbole du laby­rinthe. Les pays du Nord, pauvres en so­leil, dé­ve­loppent une mythologie qui cherche à ren­dre cet astre captif, au con­traire des my­thologies du Sud de l'Europe. Les ar­chéo­logues spécialisés dans la préhistoire, sur base de leurs fouilles, datent les laby­rinthes nord-euro­péens de l'Age du Bron­ze (de 1800 à 800 avant notre ère); les la­byrinthes sur parois rocheuses de l'Europe centrale, de même que le labyrinthe en pier­res plates d'argile de Pylos dans le Pé­lo­ponèse, datent, eux, de 1200 à 1100 avant notre ère. Un laby­rinthe de vases étrusque date, lui, du VIIième ou du VIième siècle avant notre ère, tandis que les monnaies de Cnossos, sur lesquelles figurent des la­byrinthes, da­tent du Vième et du IIième siècle avant notre ère.

 

La ressemblance est frappante entre les la­byrinthes des monnaies crétoises du IIiè­me siècle avant notre ère et la configu­ra­tion du labyrinthe suédois de Visby en Got­land. Cette configuration, nous la re­trou­vons dans de nombreux sites de Suè­de, et aussi en Norvège, en Finlande et en Estonie. D'où, la question de l'origine sep­tentrionale de ces symboles labyrinthiques se pose tout naturellement.

 

Ces labyrinthes reflètent le tracé astrono­mi­que des planètes. Les mythes associés aux labyrinthes, d'après de nombreux cher­cheurs et érudits, reflètent la nostalgie du soleil chez les peuples des régions sep­tentrionales de l'Europe.

 

Dr. Frithjof HALLMAN.

(texte issu de Mensch und Maß,  23.2.1992; adresse: Verlag Hohe Warte, Ammerseestraße 2, D-8121 Pähl; parution bimensuelle, abonnement trimestriel, 35 DM).   

jeudi, 09 juillet 2009

Aphrodite und das Uridol

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SYNERGON/EUROPA - Brüssel - Juni 2000

Gerhoch REISEGGER:
Aphrodite und das Uridol


Mit Aphrodite der Göttin der Liebe wird unsere Behauptung einer urältesten europäischen Herkunft der griechischen Gläubigkeit und Kultur auf die schwerste Probe gestellt. Sogar die griechische Historiographie besteht auf einen orientalischen Ursprung dieser als ³ungriechisch² empfundenen Göttin, deren Namen zudem ³zweifellos ungriechisch² heißt. Herodot, der allerdings auch Herakles aus Ägypten herleiten möchte, nennt als Mutterheiligtum Aphrodites das der Himmelskönigin semitischer Völker und auch des Alten Testaments in Askalon (1, 105). Walter F. Otto, der wie allgemein dieser Genealogie folgt, meint aber doch, daß die asiatische Aphrodite einer alteinheimischen ³begegnet² wäre, die in Athen als ³älteste der Moiren² in den Gärten verehrt wurde.

Er folgert daher:

³Doch wir können die Frage nach dem historischen Ursprüngen ruhig offen lassen, ohne zu befürchten, daß wir etwas Wesentliches für das Verständnis der griechischen Göttin verlieren. Denn was auch der Orient, was Griechenland in vorgeschichtlicher Zeit zu ihrem Bild beige-tragen haben mögen, sein Grundcharakter ist durchaus griechisch.²

Hans Walter meint aber in seinem Werk, das die griechischen Götter im Bildwerk aus dem Gesamtwinkel griechischer Bewußtseinsstufen her betrachtet, geradezu:

³Aphrodite kam nicht von Kypros oder dem Orient, um in Griechenland heimisch zu werden. Sie war eine alteingesessene griechische Göttin schon im zweiten Jahrtausend ... Ihr Ursprung liegt in der unendlichen Fruchtbarkeit des Lebens, nicht in einer fremden Religion. Die Frage nach der Herkunft der Aphrodite ist von geringerer Bedeutung, wenn nach der griechischen Aphrodite gefragt wird.²

Klassischer Archäologe wie Religionshistoriker sind sich demnach merkwürdig einig, daß einmal ³die Himmelskönigin, wie sie in den  babylonischen Liedern verherrlicht wird, ... nicht bloß den Homerischen, sondern auch den Orphischen Hymnen durchaus fremd² ist, und ein andermal: ³wie der Mensch an die Göttin gebunden ist, so ist die Göttin an den Menschen - im antropologischen Sinn: an dessen Werdegang im Seinsbereich. Und dieser Werdegang des Menschen bestimmt den Wandel der Gestalt und der Macht der Aphrodite.²

Nichts könnte das Dilemma einer eingeschränkten historischen Sicht, in der die Vorgeschichte nur als Schattenwelt aufdämmert, besser beleuchten. Teils ist man gezwungen Aphrodite als fremde Göttin mit fremden Namen hinzunehmen, teils begegnet dieses völlig Fremde einer ³alt-eingesessenen² griechischen Göttin, die die Frage nach ihrer Herkunft ³von geringerer Bedeutung² macht. Und dennoch entscheidet in diesem Dilemma ein richtiges Gefühl, nämlich die engste Blutsverwandtschaft zwischen Göttin der Liebe und deren Verehrern. In diesem Bereich kann in der Tat das Fremde keine Bedeutung erlangen.

Scheut man sich nicht, die Schranke des zweiten Jahrtausends rückwärts zu passieren, so wird die Herkunft dieser griechischen Göttin der Liebe nicht etwa nebelhafter und daher unbedeu-tender, sondern alle ihre mythischen Züge, ihre Vielgestaltigkeit im griechischen Glauben ziehen sie zur Quelle zusammen, und man ist nicht mehr genötigt wie Hans Walter nur die allgemeine Voraussetzung zu machen: ³Denn eine allmächtige Göttin der weiblichen Frucht-barkeit und Zeugung kann unter den griechischen Göttern der Vorzeit nicht gefehlt haben - es gab das Leben und den Trieb.² Wie dieser feinsinnige Deuter des Gestaltwandels griechischer Götterbilder nachweist, daß vor allem dasjenige der Aphrodite fähig war, bis ans Ende der griechischen Bildschöpfung stets noch neuer Bewußtseinsstufen der Liebe und Leidenschaft - bis hin zum bloßen ³Reiz des Anblicks² - Gefäß zu bleiben, so reicht auch ihre Bildgestalt zu-rück bis in die ältesten Phasen der paläolithischen Bildenthüllung.

Diese Jahrzehntausende lange Dauer eines Götterbildes der Liebe, die von vornherein nur mit der weiblichen Gestalt, mit der enthüllten Weiblichkeit Bild werden konnte, wird nun von den Stufen des Bewußtseins gegliedert; der mythische Grund wandelt sich nicht, so wenig wie die Macht der Liebe sich wandelt. Nicht nur bindet Aphrodite die ganze Natur und alle Götter, außer Artemis und Athena, sondern mit diesen beiden Polen des Seins den Menschen. Sie ist Göttin des Himmels, des Meeres und der Erde zugleich; ihr Wunder offenbart sich überall und zum Enthüllen ihres Wesens und ihrer Macht bedarf es keines Ortes, keiner Lehre und keines Kultes. Ja, sie kann ihr Wesen in seiner allmächtigen Gegenwart bei jeder Frau von Fleisch und Blut reproduzieren wie etwa in Helena, die im nachklassischen Bildwerk auch anonym nicht anders als Aphrodite selbst erscheint.

Es kann daher nicht befremden, daß bei der allgemeinen Tiergotthaftigkeit der Höhlenkunst die Liebesgöttin nur in menschlicher Gestalt erscheinen kann. Man kann sie nicht wie andere griechische Götter in ihrer Wirksamkeit mit einem besonderen Tier vergleichen, denn alle Tiere sind ihrer Macht in gleicher Weise Darstellung unterworfen. Im griechischen Bildwerk sind ihrer Macht in gleicher Weise etwa der Hase in ihrem Schoß, wie die Gans zu ihren Füßen unterworfen; der Schwan wie gar die Muschel sind ihr nur Gefährt und Gefäß. Abweichend von den anderen Göttern wird sie daher in unserer Darstellung nur mit dem eigenen Urbild, genauer Uridol, assoziiert.

Denn das ist das Kennzeichen der Liebe selbst, daß sie nicht denkbar ist ohne das Bild, das in und aus ihr selbst erzeugt wird. In diesem Sinn durchbricht das weibliche Idol die Hierarchie des Jägertums, die sich im Tierbild manifestieren kann und jene Erklärung, daß hinter dem Tierbild letztlich noch das des Menschen steht, bekommt ihre tiefste Begründung. Zuerst zu diesem Idol, über und vor allem andern, vorhanden, und mehr noch: es ist unbedingt nicht mit einem Kult oder Kultort verbunden. Man fand es oft verstreut, weitab von den alten Heilig-tümern.

Kehren wir zu unserm Ausgangsdenkmal von Angles-sur-Anglin zurück, so sehen wir unter den mehrfach vorgestellten nackten Frauen, daß sich eine mit der Tierhierarchie verbindet und somit den Kultort als universalen Lebensraum vervollständigt. Die anderen sind aber nicht bezogen und weisen daher auf die Eigenständigkeit des Frauenbildes im Bereich der Höhle hin, ja übersteigen sowohl nach der Tiefe als nach der Höhe diesen Höhlenraum; weder ihre Füße noch ihre Häupter werden von diesem umschlossen. Da sie in den geheiligten Rahmen kosmisch-tellurischer Zeugungsmacht und -lust hineinversenkt sind, bedarf es keiner hindeutende Attribute oder Charakteristiken. (Abb. 23)

Attribute können hinzutreten wie in den bekannten Frauenreliefs von Laussel, von denen wir die eine mit der Hornschale in der erhobenen Rechten als Beispiel hervorheben um damit zu kennzeichnen, was allen andern hier gemeinsam ist: das so stark an griechische Tempelbilder erinnernde Hinhalten eines deutenden Signums. (Abb. 7) Mann hat nur an die Assoziation der Frau von Angles-sur-Anglin mit Bison und Stier zu denken um hier die gleiche Beziehung zum Attribut des Horns zu erkennen, gleich ob dieses sich zur Trinkschale der Fülle des Glücks sublimiert oder nicht. Die üppige Lebenslust, die sich dort im feisten Bison äußert, ging in Laussel leibhaftig auf die Frauengestalt selbst über. Darum unterscheidet sie sich von den schlankeren, normativen Frauen von Angles-sur-Anglin.

das gleiche Verfahren tritt dann bei den freiplastischen Frauenidolen auf: man ist jetzt genötigt, durch die Charakterisierung und Ausgestaltung allein Assoziatives einzubeziehen. Drum schwanken diese Bildungen auch so erheblich von zierlichen zarten Figuren zu üppigen, wie die allbekannte Venus von Willendorf. Verismus hat wie allgemein in der Höhlenkunst allermindest mit Idolen zu tun. Sie sind bildliche Versinnungen, ja Versonnenheit in einmaliger Ungebundenheit der Imagination, einer Imagination, in der das Wesen der Aphrodite genannten, unbezwingbaren Macht in urtümlicher Gelöstheit schaltet.

Die Figuren und Gebilde, deren die aphrodisische Versinnung  fähig ist, schweben in einem imaginären Raum und berühren in diesem ungebundenen Flug unfaßbar Ätherisches zugleich mit unsagbar Sinnlichem, bald vogelhaft zum Aufstieg gestreckt, bald fruchthaft zur Schwere geschwollen; am gleichen Gebilde lösen sich weiblich Wonnevolles und männlich Phallisches von einander ab und fließen willkürlich zusammen, und nie - auch nicht in der surrealistischen Kunst der Gegenwart - war die Ambivalenz ungehemmter.

Die Grundsituation der Erscheinung des Idols bleibt die gleiche wie im Höhlenbild der Frau von Angles-sur-Anglin, nämlich die Epiphanie, das unvermittelte, wie aus dem Nirgends her Auftauchende. Dazu bedarf es der Gehorgane nicht und auch nicht des Antlitzes, denn das Wesen des Liebesgottes äußert sich nicht kausal oder geistig, sondern in der Betörung, der Bezauberung des Körperlichen. In all diesen Zügen ist die griechische Liebesgöttin dem Urbild gleich geblieben. Sogar der Mythos muß sie als ³Fremde² in die Göttersippe wie im Leben empfinden. Sie ist am Lande nicht gebunden.

Wenn sie als Tochter des Zeus in die olympische Ordnung aufgenommen zu sein scheint, so zeigt schon die Titanenschaft ihrer Mutter Dione dieses Außensein ihres Wesens an. Doch ist es vor allem ihre Abstammung von Uranos, die ihr unter den Olympiern nicht nur die verschiedene, sondern sogar die ³ältere² Herkunft bezeugt. Möge sie nun in Bildern aus der Erde oder dem Meer auftauchen und von allen Göttern freudig begrüßt werden, auch diesen ist sie eine plötzlich Erscheinende, in keiner Weise aus ihrem Kreise Erzeugte. Auch bleibt ihr Wesen allen unfaßlich weil völlig unbotmäßig. In ihr bleiben alle jene Züge betörender, ungeistig-ordnungswidriger Körperlichkeit der Uridole geistig erhalten als das vitalste und oft erbaulichste Lebenselement in der griechischen Hierarchie.

Damit erledigt sich von selbst das sogenannte Problem der Fremdheit der Aphrodite im griechischen Glauben: die Liebesgöttin ist eine Un-Heimliche in jedem Glauben; nicht weniger im vorderasiatischen Raum als schon im paläolithischen Höhlenkult. Man braucht nur einmal an die unausgesetzte Verunglimpfung durch den Helden des Gilgamesch-Epos zu denken: Sie ist aber nicht weniger von griechischen Dichtern und Denkern geschmäht und verdammt worden; ganz besonders dann, wenn ihre Macht durch die Vernunft in Frage gestellt wird und sie sich dann als unfaßbar und zerstörend erweisen muß. Daß sie, etwa im Parisurteil oder im Untergang des unschuldigen Hippolytos, jeweils ganz entgegengesetzten olympischen Göttinnen der Sittsamkeit wie Hera, Athene und Artemis zuwiderläuft, hat mit einer Freiheit innerhalb dieser Götterordnung nur insofern zu tun, wie die Liebesmacht sich jeder Lebensordnung zu widersetzen vermag. Auch Apollons Forderungen fielen Unschuldige zum Opfer.

Freilich ist nicht zu verkennen, daß Aphrodite schon durch ihre Herkunft aus der Hierarchie des Uranos, besonders aber dadurch, daß sie von mehreren Anhängern begleitet erscheint - von Eros, Himeros, Pothos und Peitho - den Eindruck macht, als habe sie einst eine eigene, weibliche Gläubigkeit vertreten.. Und hier erhebt sich die besonders seit J. J. Bachofens Werk über das Naturrecht nie verstummende Vorstellung von einer Ära der rein weiblichen Herrschaft der Göttermacht. Auch diese Vorstellung wurzelt wie die sogenannte Fremdheit der Aphrodite nicht in einer kulturgeschichtlichen Ära, sondern, wie die Gegenwart nach zwei Weltkriegen zeigt, im ambivalente Fatum der beiden Geschlechter.

Sie kann hiermit und noch einem Hinweis in unserer Untersuchung übergangen werden: Wenn Bachofen vom ³Hetärismus² als ältester Form des Geschlechterverhältnisses ausgehet, das in der ³demetrischen² Ordnung zu einer ehelichen Gynaikokratie erhoben und endlich durch Einwirkung der ³sonnenhaften², männlichen Potenz zur höchsten, geistigen Hierarchie geführt wurde, so kann hierin nicht ein evolutionärer Fortschritt der menschlichen Kultur statuiert werden, denn alle diese vermeintlichen Stufen der Entwicklung liegen bereits völlig ausgebildet im ältesten Jägertum vor Augen. Auch ist es falsch, etwa im Kultakt des Frauenfestes vom Hetärismus zu sprechen als einer Herrschaftsform der Frauen, weil hier sowohl das Vorbild der Tiersbrunst, als die kosmische Rolle des Mondes einbegriffen ist.

Es soll weiterhin von vornherein festgestellt werden, daß in den Höhlenkulten ein maternales Übergewicht herrscht entgegen der männlichen Himmelsordnung in der arktischen Urkultur. Und der Idolkult schließt sich gewiß der ersteren Lösung näher an, obwohl, wie gesagt, das Auffinden der Idole im Freien auch die Ungebundenheit sogar vielleicht von einem Kulte überhaupt nahelegt. Die Liebe selbst sucht nur zu gerne die Freiheit und Vereinzelung der Natur als ihr heimisches Reich auf. Hier ist auch Aphrodites Domäne. In dieser tritt der Pantheismus Aphrodites zumal als Grundlage der ganzen Urreligion in sein Recht. Sie vereint die drei Bereiche der Urkonzeption der Welt; die die himmlische Sphäre mit der irdischen und der dunklen der Unterwelt.

Beginnt man bei ihrer himmlischen Herrschaftssphäre, so besagt schon ihr Name, ihre Tochterschaft aus dem Samen des Uranos im Meer, diese polare Verwandtschaft zu Zeus in seiner Dreigestalt mit Poseidon und Hades aus: es ist keine Inkonsequenz, daß Aphrodite Urania in der Olympischen Mythik als Tochter des Zeus gilt. Wir legten schon dar, daß, wenngleich nach dem Mythos erst als Enkel dieses Uranos auf Kreta geboren, Zeus dennoch Herr der Himmelslenkung war. Daß anscheinend Aphrodite ihm vorausging, kam nur aus dem Bewußtsein herrühren, daß die Liebe vor allem existiert; daß auch ihr Bild als ältestes Idol entstand, mag kulturhistorisch diese selbstverständliche Anschauung nur bestätigen.

Gerhoch REISEGGER.

 (1) Hans Walter: Griechische Götter, München 1971, pg. 169

vendredi, 03 juillet 2009

Les pommes d'immortalité

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Les pommes d'immortalité

 

par Julia O'Laughlin

 

De tous les fruits, la pomme est le fruit magique par excellence. Son nom latin est pomona, le terme générique pour désigner le fruit. La déesse ro­maine Pomona est la déesse de tous les arbres fruitiers et, plus générale­ment, de tout ce qui est «fructueux», de tout ce qui fructifie. Les banquets des Romains commençaient toujours par des œufs, symboles de la création, et se terminaient par des pommes, sym­boles de complétude.

 

Dans la Bible, le fruit de la connais­san­ce que tend Eve à Adam était, en fait, la pomme de vie éternelle, attri­but de la Grande Déesse-Mère. Les nombreux «paradis» que l'on attribue à la Grande Déesse-Mère se situent tous à l'Ouest, où poussent les pommes d'immorta­li­té. Les Celtes appelaient leur paradis de l'Ouest Avalon, l'«Ile aux Pommes», un pays gouverné par le Fée Morgane, Reine des Morts. A son trépas, le Roi Arthur s'en alla vers cet Avalon my­thi­que, pour se préparer à ressusciter et à revenir.

 

Les Scandinaves pensaient que les pom­mes étaient essentielles pour as­su­rer la ressurection; c'est la raison pour laquelle ils plaçaient des plats remplis de pommes dans leurs tom­bes. Les pommes magiques de la dées­se de jouvence Idun permettaient aux dieux nordiques d'échapper à la mort. Les pommes transportaient égale­ment, d'après les croyances po­pulai­res, les âmes d'un corps à l'autre. La pom­me que l'on plaçaient dans la bou­che du sanglier du Yule lui servait de cœur au cours de sa vie suivante.

 

La Déesse-Mère des Grecs, Hera, pos­sédait un jardin où croissaient des pom­mes magiques et où l'Arbre de la Vie était gardé par son serpent sacré. L'histoire d'Adam et Eve et du serpent dans l'arbre est l'interprétation hé­braïque d'une mythologie centrée sur le culte de la Déesse-Mère. De nom­breu­ses représentations antiques l'at­tes­tent. Dans le mythe original, c'est la Déesse-Mère qui offre la vie à ses a­do­rateurs et cette vie est symbo­lisée par une pomme. A l'arrière-plan, nous retrouvons généralement l'arbre et le serpent.

 

L'importance mystique de la pomme vient de son «pentacle» de Koré, ca­ché en son centre et que l'on dé­cou­vre en coupant la pomme transver­sa­le­ment. Exactement comme la Vierge Koré était cachée dans le cœur de la Terre-Mère, ou Déméter, et re­pré­sen­tait l'âme du monde, son pen­tacle sym­bolique est caché dans la pomme.

 

L'étoile à cinq branches, placée dans un cercle, est un hiéroglyphe égyptien désignant la matrice du monde sou­terrain, lieu où s'effectuent les ressu­rections, grâce à la puissance du cœur-mère, vecteur des transforma­tions.

 

Les jeux d'Halloween, du temps de Tous­saint, se jouent très souvent avec des pommes. Ils nous viennent des fêtes celtiques du Samhain, la Fête des Morts. Les fleurs de pommiers é­taient utilisées comme fleurs de ma­ria­ge parce qu'elles symbolisaient la for­me virginale de la Déesse, dont la ma­turité produit le fruit. Bien qu'ils aient utilisé la pomme sous sa forme flo­rale pour assurer des mariages heu­reux et féconds, nos ancêtres n'ont ja­mais oublié les aspects dangereux de la pomme, quand elle est associée à la Grande Déesse sous son avatar de sor­ciè­re, de vieille femme acariâtre qui ap­porte la mort. La Grande Déesse, ne l'oublions pas, est à la fois Vierge et Mè­re, mais aussi Hel, déesse de la mort, et Hécate. C'est la raison pour la­quelle les chrétiens ont sou­vent dé­crit les pommes comme des fruits em­poisonnés.

 

Julia O'Laughlin.  

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jeudi, 02 juillet 2009

La passé païen de Saint Nicolas

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Le passé païen de Saint Nicolas

 

d'après Michael Damböck

 

On ne peut déterminer avec certitude les origines historiques de la figure de Saint-Nicolas. Aucun des récits relatant ses faits et gestes ne peut être attesté. La tradition chrétienne en fait le fils uni­que de parents riches, né vers 270 à Patras, une vil­le de Lycie en Asie Mineure. Il se serait dis­tin­gué par sa piété et ses bienfaits. Sur ordre de Dieu, il aurait été oint évêque de Myra. Il serait mort en 342 ou en 347. Il aurait participé au Pre­mier Concile de Nicée en 325, où il aurait pour­fen­du la thèse d'Arius, qui postulait des na­tures différentes pour chaque personne divine, et lui aurait opposé le point de vue orthodoxe, c'est-à-dire celui de la Trinité du Père, du Fils et de l'Es­prit Saint.

 

D'après la légende chrétienne, les ossements de ce saint fabuleux auraient été transportés en 1087 de Myra à Bari en Italie méridionale. Depuis lors, son culte n'a pas cessé de croître en Occident. Au début, les progrès de ce culte ont ressemblé à un vé­ritable triomphe. Il a suivi les voies fluviales de l'Europe centrale et septentrionale, de même que les voies terrestres qui partaient d'Italie pour me­ner en France et en Allemagne. Cologne et Trêves sont devenues ainsi des hauts lieux du culte de Saint-Nicolas. Ce culte s'est ensuite étendu au Da­nemark, en Scandinavie et en Islande, de mê­me que dans les colonies allemandes de Silésie et de Poméranie et, enfin, dans les villes baltes de Ri­ga et de Reval. Dans l'Eglise orthodoxe, Saint-Ni­colas était le  de Dieu et on le priait pour obtenir toutes les faveurs possibles et imaginables. Russes et Bulgares disent encore au­jourd'hui que Dieu mourait, ils ferait de Saint-Nicolas le nouveau Bon Dieu.

 

L'évêque des Enfants

 

Le jour de la Saint-Nicolas (le 6 décembre) était, au Moyen Age, le jour où l'on élisait l' (vers la fin du 13ième siècle). Avant que cette coutume ne s'impose, on fêtait l' un autre jour du temps de Noël, plus exactement le 28 décembre, jour de la fête des Saints Innocents. Au cours de cette fête, les jeu­nes clercs et escholiers choisissaient un  parmi les leurs. L'élu devenait le maître de la cérémonie et dirigeait une procession en grande pompe, devenant, pour le temps de la fête, le maî­tre de l'Eglise locale. Ce  est à l'origine de la fête de Saint-Nicolas. L'E­gli­se, lors du Concile de Constantinople, a tenté d'interdire cette élection de l', mais a dû finir par la tolérer. La fête de l'évêque des escholiers était une véritable bouf­fo­nerie (comme l'est encore la fête des étu­diants ca­tholiques wallons, qui élisent un  et se promènent dans les rues de Bruxelles, Na­mur, Louvain, etc. en commettant joyeusement quantité de bouffoneries, ndlr). Le parallèle entre cette fête de Saint-Nicolas et la fête médiévale des bouffons (ou des fous) est évident.

 

Quelle est la raison fondamentale du succès de ce culte et de son extraordinaire popularité? Saint-Nicolas est le protecteur des marins, des voya­geurs, des pêcheurs, des constructeurs de ponts, des colons germaniques s'installant de l'Oder au Golfe de Finlande. Devenu au fil des temps le saint patron des voyageurs que guettaient bien des périls, Saint-Nicolas a fini également par é­ten­dre sa protection aux voleurs et aux brigands. Un détenu de la prison de Cologne avait, en 1933, un curieux tatouage sur le bras; il montrait deux larons et l'inscription suivante: !

 

Les racines mythologiques

de Saint-Nicolas

 

Saint Nicolas a remplacé dans le , le vieux dieu germanique des eaux, Hnikar (ou Nikuz). Hnikar est toutefois un surnom d'O­din. Voilà pourquoi Saint Nicolas était tou­jours représenté monté sur un cheval blanc et qu'il est devenu le patron des marins et des bate­liers. Nos ancêtres tenaient énormément à leurs dieux et re­transformaient rapidement tous les saints chré­tiens, venus d'Asie Mineure ou du bassin médi­ter­­ranéen, en des figures familières et bienveil­lantes, qui n'étaient rien d'autre que leurs bonnes vieilles divinités germaniques. L'Eglise était ob­li­gée d'attribuer à ses propres saints les caracté­ri­stiques immémoriales des dieux germaniques qui étaient honorés selon les tradi­tions du peuple. Com­me Saint-Nicolas remplace Odin dans l'ima­ginaire populaire, on le voit arri­ver sur son cheval blanc pour aller de maison en maison apporter des cadeaux, notamment des fruits: pommes, poi­res, noix voire des pâtisse­ries. Plusieurs sortes de biscuits sont associés à Saint-Nicolas (il nous en reste les speculoos, bis­cuits au gingembre à l'effigie du saint). D'autres pâtisseries repré­sen­tent des animaux: coqs, poules, lièvres, cerfs, che­vaux ou cochons (aujourd'hui ils sont en cho­colat ou en masse­pain, notamment les cochons). Ces animaux en biscuit, massepain ou chocolat remplacent en fait les animaux que l'on sacrifiait en ce jour pour sa­tisfaire le culte des âmes.

 

Les enfants, la veille, chantent des chansons ou ré­citent des prières pour Saint-Nicolas et en mar­quent le nombre sur une petite tablette carrée en bois, pour montrer leur piété. Ces tablettes (Klo­sa­hölzl en Bavière; les petits bois de Nicolas) sont dé­posées à côté de leur assiette. Coutumes en­core respectées en Flandre et en Wallonie où les en­fants font un dessin pour Saint-Nicolas qu'ils dé­posent sur la table où l'on placera leurs ca­deaux. Sans oublier ni leur petit soulier ni une carotte pour son âne (qui a remplacé le beau cheval blanc d'Odin).

 

D'après Michael Damböck, Das deutsche Jahr in Brauchtum, Sage und Mythologie. Feste und Feiern im Jahreslauf, Verlag Damböck, Ardagger (Autriche), 1990, ISBN 3-900589-04-6.     

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jeudi, 25 juin 2009

De l'humanisme italien au paganisme germanique: avatars de la critique du christianisme dans l'Europe moderne et contemporaine

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

De l'humanisme italien au paganisme germanique: avatars de la critique du christianisme dans l'Europe moderne et contemporaine

 

Robert STEUCKERS

Conférence prononcée au Palais des Congrès d'Aix-en-Provence le 12 janvier 1997, à l'invitation de l'association Yggdrasil

 

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chers amis et camarades,

 

Le premier cadre unificateur solide qu'a connu la civilisation européenne reste l'empire romain, qui a d'abord été repris en mains par les Francs, puis par la Nation Germanique, mais flanqué d'une institution parallèle se réclamant elle aussi, dans une certaine mesure, de la “forme romaine”: l'Eglise catholique. De la chute de Rome à l'émergence des Etats nationaux à partir de la Renaissance, l'écoumène européen est un mixte complexe de romanité, de germanité et de christianisme, avec des apports importants, négligés jusqu'ici par l'historiographie ouest-européenne, mais étudiés en profondeur en Europe slave: ces apports sont la religiosité celtique déformée par les moines missionnaires irlandais et les “mystères pontiques”, nés sur le pourtour de la Mer Noire, liés à l'antique Iran avestique. C'est ce leg scythe-sarmate-iranien qui aurait transmis l'idéal (ou certains idéaux) de la chevalerie médiévale. Mais quand cesse de fonctionner plus ou moins harmonieusement cette synthèse qui a dominé vaille que vaille des Mérovingiens à Louis XI, à Charles le Hardi (dit le “Téméraire” en France) et à Maximilien de Habsbourg, quelques représentants de la pensée européenne entendent opérer un retour aux origines les plus vierges de l'européité.

 

Quels textes vont-ils être sollicités pour retourner aux sources les plus anciennes de l'Europe? Sources qui précèdent évi­demment la christianisation. Ces textes sont les seuls qui évoquent une Europe non marquée par les routines et les travestis­sements de la civilisation romaine ou chrétienne, non marquée par ses étiquettes et ses hypocrisies. Pour les humanistes du XVième siècle italien qui entendent retrouver une vigueur vitale simple derrière la rigueur compliquée et figée des étiquettes (celles des cours et, en particulier, de la Cour des Ducs de Bourgogne) ou qui entendent renouer avec une notion de liberté publique et civique pour faire face aux premières manifestations de l'absolutisme royal, le modèle de l'Europe pré-romaine et “pré-civilisée” est celle des peuples germaniques de l'antiquité. Ceux-ci ont gardé en eux les vertus simples et efficaces des premiers Romains, disent nos humanistes de la Renaissance. En 1441, l'historien italien Leonardo Bruni, qui s'inscrit dans une perspective républicaine au sens vieux-romain et germanique du terme, redécouvre les textes latins sur les Goths, no­tamment ceux de Procope de Césarée. C'est lui qui donne le coup d'envoi à l'“humanisme gothique”, qui poursuivra sa trajec­toire jusqu'à Vico et Montesquieu, fondera le nationalisme des Allemands, des Scandinaves et des Flamands et débouchera sur les spéculations et les communautés “völkische” de toutes tendances qui ont vu le jour dans le sillage des mouvements de jeunesse du début de notre siècle.

 

En 1453, un autre humaniste italien, Enea Silvio Piccolomini, rédige quelques réflexions sur le De origine actibusque Getarum  de Jordanès, permettant aux érudits de mieux connaître les origines des peuples germaniques. En 1470, à Venise, grâce à la nouvelle technique de l'imprimerie, Vindelino da Spira (Windelin von Speyer), réédite la Germania de Tacite, qui devient du même coup l'ouvrage de référence de tous ceux qui revendiquent une idéologie à la fois républicaine (au sens vieux-romain du terme) et communautaire, donnant à la représentation populaire une place cardinale dans la vie politique, les assemblées d'hommes libres se plaçant au-dessus des monarques. Avant cette réédition de la Germania  de Tacite, le texte n'était acces­sible qu'à une poignée de privilégiés, dans les bibliothèques des monastères; désormais, il est accessible à un grand nombre de lettrés. Les peuples germaniques n'apparaissent plus systématiquement comme des barbares cupides et violents qui avaient pillé Rome en 410 (ou en 412 comme on le croyait à l'époque). L'humaniste Flavio Biondo, entre 1438 et 1453, après avoir réhabilité prudemment la figure du Roi ostrogoth Théodoric, analyse les causes de la décadence de Rome: elles se ra­mènent pour l'essentiel à l'amenuisement des vertus républicaines, à l'abandon de la souveraineté populaire au profit d'un monarque isolé. Flavio Biondo anticipe ainsi Machiavel, fondateur d'une idéologie républicaine, fondée sur la virtù  politique, héritée de la Rome la plus ancienne.

 

Ce rappel de l'œuvre des premiers humanistes de la Renaissance italienne nous montre que le recours à une antiquité pré-chrétienne et païenne, en l'occurrence la Germanie non romanisée,  est une revendication républicaine, hostile à l'absolutisme et aux démarches de type théocratique. Il faut ajouter que le travail de Biondo ne participe nullement d'un primitivisme qui po­serait ante litteram  les Germains de Tacite comme de “bons sauvages” non exotiques. Biondo est anti-primitiviste: il ne veut pas d'une sympathique anarchie pastoraliste mais, au contraire, promouvoir un ordre non décadant: son Théodoric n'est dès lors pas décrit comme un barbare vertueux et inculte, qui végète sans orgueil dans une simplicité rustique, mais un Roi cultivé et efficace, qui consolide son pouvoir, administre ses Etats et restaure en Italie une Rome dans ses principes premiers, c'est-à-dire dans des principes antérieurs à la décadence, qu'il est capable d'imposer parce que, roi germanique, il a conservé les vieilles vertus romaines qui sont les vertus germaniques de son temps. Le Théodoric de Biondo est un Prince “humaniste”, qui annonce le Prince fictif de Machiavel, dont l'influence sur la science politique et la philosophie de l'Etat n'est pas à démontrer.

Reprocher aujourd'hui à des chercheurs de recourir à des passés anciens pour retrouver les principes premiers d'une com­munauté politique ou les fondements du droit, et considérer dans le même temps que ces reproches se justifient au nom d'une “idéologie républicaine”, est une contradiction majeure. Ne peuvent être considérés comme républicains au plein sens du terme que ceux qui n'ont de cesse de retourner aux principes premiers de l'histoire politique de leur peuple. Les autres traves­tissent en républicanisme leur autoritarisme ou leur théocratisme (qui est et demeure théocratisme même quand ils baptisent “Dieu”, “Logos”).

 

Enea Silvio (Æneas Silvius) Piccolomini, spécialiste des Goths et d'abord chancelier de l'Empereur germanique Frédéric III puis Pape sous le nom de Pie II (de 1458 à 1464), rejette explicitement le primitivisme et demande aux humanistes et érudits de ne pas interpréter la Germania  de Tacite dans un sens pastoraliste et primitiviste, ce qui reviendrait à rejeter tous les ap­ports de la civilisation, quels qu'ils soient. Polémiquant avec Martin Mayer (ou Mair) de Mayence, qui interprète Tacite au pied de la lettre et voit ses ancêtres chattes, suèves ou alamans comme de bons bergers idylliques, Piccolomini parie au contraire pour la Germanie de son temps, avec ses richesses, ses fabriques, ses industries, son agriculture, dont la Flandre et le Brabant sont les plus beaux joyaux. Cette Germanie élargie aux anciennes provinces romaines limitrophes (Belgica, Helvetia, Rhætia, Pannonia) doit sa prospérité matérielle et ses richesses culturelles à une vertu que Tacite avait bien mise en exergue: la liberté. Dans ses textes métapolitiques relatifs au monde germanique, en dépit de sa position de Chancelier impérial et de futur Pape, Piccolomini est donc un républicain, au même titre que Biondo et, plus tard, Machiavel. La liberté germanique est une vertu politique dans le sens où elle octroie à tous ses ressortissants des droits garantis, permettant le libre déploiement de leurs talents personnels. La liberté de Piccolomini n'est donc pas une “innocence” ou une “inactivité” mais un tremplin vers des réalisations sociales, politiques et économiques concrètes. Cette liberté-là, qui libère quantité de potentialités positives, doit être imitée par tous les Européens de son temps, pense-t-il, doit sortir de cette Germanie, qui est en charge de la dignité impériale depuis la translatio imperii ad Germanos. Depuis cette translatio,  les Germains sont “Romains” au sens politique du terme. Et comme ils sont les porteurs de l'impérialité, ils sont davantage “romains” que les Italiens du temps de Piccolomini. C'est derrière leur bannière que les peuples d'Europe doivent se ranger, écrit le futur Pie II, pour barrer la route à la puissance ottomane, qui, elle, n'est en rien “romaine” à ses yeux.

 

Ces réflexions sur la “pureté primitive” des Germains de Tacite, sur la notion germanique de liberté et sur l'impérialité mili­taire des Germains amènent Piccolomini à rédiger en 1458, quelques mois avant d'accéder à la dignité pontificale, un mani­feste européen, intitulé De Europa,  où la Germanie est décrite comme le centre de gravité géographique d'une Europe qui doit s'apprêter à affronter rapidement l'Empire ottoman, pour ne pas succomber sous ses coups. Piccolomini meurt en 1464, très désappointé de ne pas avoir été écouté et de ne pas avoir vu l'Europe entière unie autour de l'Empereur et du Saint-Siège, pour faire face en Méditerranée et dans les Balkans à la puissance ottomane. L'œuvre de Piccolomini, le futur Pape Pie II, est donc intéressante à plus d'un titre, car:

- elle autorise la référence constante aux racines les plus anciennes de l'Europe;

- elle fait de la liberté civique/populaire la vertu cardinale du politique;

- elle rejette les interprétations primitivistes qui sont politiquement incapacitantes (et refuse sans pitié les “germanismes” primitivistes);

- elle réinscrit ce double recours aux racines et à la liberté populaire dans un cadre géopolitique européen, dont les fondements n'apparaissent plus comme exclusivement chrétiens, mais comme consubstantiels à la population majoritaire du centre de l'Europe. 

 

Face à la “correction politique” que certains cénacles tentent d'imposer en France et ailleurs depuis deux décennies, il m'apparaît bon de méditer l'œuvre de ces humanistes et de ce Pape géopolitologue. En effet, les officines “politiquement cor­rectes”, en décrivant ces recours comme des avatars plus ou moins maladroits du nazisme, ignorent et rejettent le travail positif des humanistes et des érudits italiens du début de la Renaissance, qui s'apprêtaient à relancer dans le débat politique européen la notion de liberté républicaine, une liberté féconde pour les arts et l'industrie. Comment expliquer la réticence de ces cénacles français contemporains, qui se disent “républicains”, mais se montrent hostiles à la démarche intellectuelle, philologique, qui a réhabilité le républicanisme de la Vieille Rome, mis en évidence les vertus germaniques “primitives” et l'idée de liberté? Parce que dans la France du 16ième siècle, le recours aux racines germaniques, franques en l'occurrence, de l'histoire française n'est pas un recours à la liberté populaire, mais une justification du pouvoir franc sur le substrat démo­graphique “gallo-romain” ou “celto-ligure”. Ou du moins est-il perçu comme tel. La notion de “liberté” des humanistes et éru­dits italiens est en revanche une notion plus vaste, ne faisant pas référence à la conquête d'un territoire par une ethnie guer­rière dominante qui s'attribuera des franchises, mais à un principe général d'autonomie des communautés politiques, qu'il s'agit de conserver pour libérer des énergies positives. Le cas de la Gaule envahie par les Francs de souche germanique n'est pas un cas susceptible d'être généralisé à l'Europe entière.

 

De Machiavel à Vico, de Vico à Montesquieu, la notion de liberté est défendue et illustrée par des exemples tirés des sources latines classiques relative au monde germanique. Quand la France entre dans l'ère républicaine à partir de 1789, les roman­tiques allemands, libertaires se réfèrant à la vision idyllique de la Germanie primitive, adhèrent avec enthousiasme aux idées nouvelles. Mais ils déchantent très vite quand se déchaîne la Terreur et s'installe la Convention. Ainsi, le poète Friedrich Gottlieb Klopstock rédige en 1794 un poème appelant à une “guerre chérusque” contre une France qu'il juge faussement “républicaine”, au nom de ses propres valeurs républicaines. Dans cet appel guerrier, il invoque la puissance des dieux et des déesses de l'ancienne Germanie: Hlyn, Freya, Nossa, Wodan, Thor et Tyr. Dans ce texte, les dieux de l'Edda ne sont encore que des ornements poétiques. Pour Klopstock, la France a retrouvé brièvement sa liberté, a incarné par sa Révolution l'idéal multiséculaire de cette liberté germanique, mais elle s'en est très vite détournée. La seconde vague des révolutionnaires a trahi l'idée sublime de liberté que Montesquieu avait défendue et n'a pas davantage réalisé l'idéal de Thomas Jefferson qui voulait que le sceau du nouvel Etat nord-américain invoquât “les enfants d'Israël” d'une part, biblisme oblige, mais aussi les fi­gures de “Hengist et Horsa, chefs saxons, dont les Anglais descendaient et dont les nouveaux citoyens des Etats-Unis de­vaient défendre les principes politiques et reprendre les modes de gouvernement”. On le voit, dans un premier temps, le re­cours à la liberté germanique n'exclut pas les références à l'héritage biblique, mais, dans un deuxième temps, les figures de la Bible disparaissent et les spéculations idéologico-politiques se portent sur les dieux païens de l'antiquité germanique. Plusieurs facteurs ont provoqué cet infléchissement vers le passé le plus lointain de l'Allemagne ou de la Scandinavie, fac­teurs que nous retrouvons ultérieurement dans presque toutes les références habituelles aux paganismes que l'on énonce en Europe et en Amérique du Nord:

- premier facteur, l'idée de la relativité historique des cultures, véhiculée dans le sillage des travaux philosophiques de Herder;

- deuxième facteur, issu directement de l'idéologie des Lumières: la critique du cléricalisme qui entraîne une critique des missions chrétiennes de l'époque carolingienne. Le catholicisme d'abord, puis le christianisme en général, sont accusés d'avoir oblitéré la liberté germanique et d'avoir, via l'augustinisme, introduit un “courant doloriste”, dans la pensée européenne, rejetant et condamnant ce “bas-monde” imparfait en espérant le ciel, dévalorisant les cités terrestres au profit d'une hypothé­tique “Jérusalem céleste”. Les Romantiques, les vitalistes et les néo-païens rejettent instinctivement un courant fort complexe qui part d'Augustin pour retrouver les flagellants du Moyen Age, pour revenir sous d'autres formes chez les Puritains de Cromwell et chez les Jansénistes français, et, enfin, pour aboutir à certains “Républicains” français athées ou agnostiques, mais fascinés par les concepts géométrisés des Lumières, qu'ils opposent à toutes les turbulences de la vie des peuples, ju­gées comme des imperfections qu'il faut effacer pour “perfectionner” le monde.

 

Herder, bien que pasteur protestant, critique modérément les conversions forcées du Nord de l'Europe, mais, si ses critiques sont furtives, à peine perceptibles dans son œuvre, sa notion de la relativité des cultures et sa revalorisation des aurores cul­turelles font des disciples au langage plus idéologique, moins nuancé et plus programmatique. Ainsi, en 1802, le Conseiller d'Etat prussien Wilhelm Reynitzsch publie à Gotha un ouvrage qui donne véritablement le coup d'envoi aux futures spécula­tions “völkisch” (folcistes) et celtisantes, d'autant plus qu'il confond encore allègrement Celtes et Germains, druides et scaldes.  Son ouvrage, tissu de spéculations imprécises sur les Celtes et les Germains, est à l'origine de toutes les futures renaissances païennes, de factures germanique et celtique. Le livre de Reynitzsch est le premier à introduire des thématiques folcistes qui apparaîtront et réapparaîtront sans cesse ultérieurement. Ces thématiques sont les suivantes:

1. Les anciens Germains avaient une religion originelle monothéiste, dont le dieu était Tus ou Teut, force spirituelle des ori­gines, dont ils ne pouvait ni sculpter ni peindre ni dessiner les traits. Cette thématique montre que le clivage entre mono­théisme et polythéisme, vulgarisé par Bernard-Henry Lévy et Alain de Benoist, est historiquement plus récent et ne recoupe par nécessairement le clivage paganisme/christianisme.

2. Odin (Vodha) est un prophète divinisé qui aurait vécu vers 125 av. J.C. parmi le peuple des Goths dans les plaines de l'actuelle Russie ou de l'actuelle Ukraine et qui aurait apporté savoir et sagesse aux Germains de l'Ouest. Odin aurait pér­égriné en Europe, accompagné par ses compagnons, les Ases, et par sa femme, Freya. L'idée d'un Odin historique puis divi­nisé, chez Reynitzsch, vise clairement à remplacer le Christ par cette figure du dieu borgne et inquiétant dans l'imaginaire re­ligieux des Allemands.

3. Reynitzsch est quasiment le premier à ne plus dévaloriser les anciennes croyances, il leur octroie un statut de naturalité qu'il oppose aux doctrines, non naturelles, des “prêtres romains” (catholiques).

4. Reynitzsch veut fusionner ces croyances antiques avec le rationalisme du 18ième siècle, rattachant de la sorte son néo-pa­ganisme au filon de l'idéologie des Lumières, ce qui ne sera plus le cas pour les néo-paganismes des années 20 et 30.

5. La christianisation est responsable de l'oppression des femmes (thème féministe), du déclin des anciennes coutumes (thèmes de la décadence et de la déperdition des énergies), de la servilité des Européens devant l'autorité (thème libertaire), de l'irrationalité et de la superstititon (thème anticlérical).

 

Reynitzsch appartient nettement à la tradition de l'Aufklärung et du rationalisme anticlérical. Ce haut fonctionnaire prussien est manifestement un disciple tardif de Voltaire et de son protecteur Frédéric II. Peu d'intellectuels allemands de son temps le sui­vront et l'on verra apparaître davantage, chez les nationalistes anti-napoléoniens, l'idée d'un “christianisme germanique” dur, chevaleresque et guerrier (ein Gott, der Eisen wachsen ließ, der duldet keine Knechte...), hérité plutôt du poème épique Heliand  (le Sauveur), répandu en Germanie dans le haut moyen âge pour favoriser la conversion des autochtones: le Christ devait apparaître comme un preux guerrier et non pas comme un messie souffrant et humble.

 

En Scandinavie, en revanche, la thématique de l'affrontement entre christianisme et paganisme se propage plus distinctement par l'action d'une “Ligue gothique”, née en 1809. Le théologien danois Nicolai Frederik Severin Grundtvig rédige Nordens Mytologi,  le livre de la mythologie nordique qui réhabilite totalement l'histoire pré-chrétienne du Danemark, pays où le sys­tème d'éducation ne tracera plus une ligne de démarcation entre un passé pré-chrétien systématiquement dévalorisé et une ère chrétienne systématiquement survalorisée. Mais Grundtvig, qui est pasteur, tente de réconcilier christianisme et paga­nisme, où le “Père” Odin, l'Allvater  Odin, est, dit-il, le père véritable, charnel et inconnu de Jésus Christ!

 

Après les guerres napoléoniennes, sous la Restauration et à l'ère Metternich, les thématiques néo-païennes s'estompent, mais reviennent notamment en 1832 dans le mouvement nationaliste de gauche, pour revendiquer, via le recours aux antiqui­tés germaniques et à la mythologie néo-païenne, une république populaire allemande, soustraire à l'idéologie restaurative de l'ère Metternich. Ainsi, lors des fêtes de Hambach en 1832, à laquelle participent des Polonais, des Français et des Italiens, l'agitateur nationaliste-révolutionnaire Philipp Jakob Siebenpfeiffer invoque “Thuisko, le dieu des libres Germains”, pour qu'il bénisse la lutte du petit peuple opprimé contre les Princes et les Rois. Le Frison radical-démocrate et socialiste Harro Harring appelle les dieux anciens à la rescousse pour lutter contre le “Trône et l'Autel”. On le voit: les références païennes indiquent toujours à cette époque un engagement radicalement révolutionnaire et libertaire, qui n'a rien à voir avec une restauration contre-révolutionnaire des “archétypes”, comme l'affirme à tort toute une historiographie pseudo-marxiste.

 

Plus tard, en dépit du marxisme social-démocrate qui considère que tout discours ou toute spéculation religieuse relève de la “fausse conscience”, la mouvance socialiste allemande ne cesse de véhiculer des bribes de paganisme et de naturalisme, au moins jusqu'à la fondation du IIième Reich en 1871. A partir de ce moment-là, la sociale-démocratie évacue de son discours toutes les formes d'“irrationalismes”, incluant non seulement les références poétiques ou néo-païennes aux dieux antiques, germaniques ou gréco-romains, mais aussi, ce qui est plus surprenant et peut-être plus grave, les thématiques très concrètes et très quotidiennes de la bonne alimentation, de l'abstinence de tabac et d'alcool en milieux ouvriers, de l'habitat sain et sa­lubre (thématique majeure des socialistes “pré-raphaëlites” en Angleterre), de l'écologie et du respect de l'environnement na­turel, de l'hygiène en général (y compris l'hygiène raciale que l'on retrouvera “sotériologisée” dans certains discours racistes ou sociaux-darwinistes ), du naturisme (réhabilitation et libération du corps, FKK), etc.

 

Cette évacuation et cette transformation du mouvement socialiste en une pure machine électorale et politicienne va provoquer le divorce entre le néo-paganisme (et tous les autres réformismes “naturalistes”), d'une part, et le socialisme-appareil, d'autre part. Ce divorce est à l'origine du courant “völkisch” (folciste), qui n'est pas “à droite” au départ mais bel et bien dans le même camp que les pionniers du socialisme, Marx et Engels compris.

 

En 1878, le philosophe Paul de Lagarde publie son ouvrage programmatique Die Religion der Zukunft  (La religion de l'avenir). Il y développait la critique de l'“universalisation” du christianisme, qui allait entraîner la déperdition définitive de l'élan religieux dans le monde et plaidait en faveur de la réhabilitation des “religions nationales”, des élans de la foi partant d'un enracinement précis dans un sol, seuls élans capables de s'ancrer véritablement et durablement dans les âmes. Pour Paul de Lagarde, les religions locales sont dès lors les seules vraies religions et les religions universalistes, qui cherchent à quitter les lieux réels occupés par l'homme, sont dangereuses, perverses et contribuent finalement à éradiquer les vertus religieuses dans le monde.

 

Parallèlement à cette théologie du particulier s'insurgeant contre les théologies universalisantes, plusieurs autres idées s'incrustent dans la société allemande du 19ième siècle et finissent par influencer les cultures anglo-saxonnes, française et russe. Ces idées sont pour l'essentiel issues du bînome Schopenhauer-Wagner. Schopenhauer formule en un bref paragraphe de son ouvrage Parerga und Paralipomena  le programme de tous les néo-paganismes ultérieurs, surtout les plus extrémistes et les plus hostiles aux Juifs: «Nous osons donc espérer qu'un jour l'Europe aussi sera nettoyée de toute la mythologie juive. Le siècle est sans doute venu où les peuples de langues japhétiques [= indo-eur.] issus d'Asie récupéreront à nouveau les re­ligions sacrées de leur patrie: car, après de longs errements, ils sont enfin mûrs pour cela».  L'antisémitisme qui saute aux yeux dans cette citation n'est plus un antisémitisme religieux, qui accuse le peuple juif d'avoir réclamé à Ponce-Pilate la mort du Christ, mais un antisémitisme qui considère toutes les formes d'héritage judaïque, y compris les formes christianisés, comme un apport étranger inutile qui n'a plus sa place en Europe. La référence “japhétique” ou “indo-européenne” ne relève pas encore d'un “aryanisme” mis en équation avec le germanisme, mais est une référence explicite aux études indiennes et sanskrites. Le “japhétisme” de Schopenhauer est donc indianiste et non pas celtisant ou germanisant.

 

Wagner ne sera pas aussi radical, bien qu'on prétende souvent le contraire. Il opposera certes binairement un optimisme (progressiste) juif à un pessimisme “aryen”, mais il tentera, comme les nationalistes allemands qui n'avaient pas suivi Reynitzsch et comme le Danois Grundtvig, de réconcilier christianisme et paganisme, en ne cherchant qu'à se débarrasser de l'Ancien Testament. Autre thématique née dans les cercles wagnériens: Marie n'est pas une “immaculée conception” mais une fille-mère qui a donné la vie au fils d'un légionnaire romain (de souche européenne), reprenant là une vieille thématique des polémiques anti-chrétiennes du Bas-Empire, et édulcorant la position extrême de Grundvigt, pour qui Jésus était le fils du prophète gothique Odin! Pour Wagner comme pour Houston Stewart Chamberlain, le Nouveau Testament est donc le récit d'un prophète de souche européenne, que révèle au mieux l'Evangile de Jean car il met bien en évidence la quête permanente du divin dans la personne de Jésus de Nazareth, quête qui est une révolte contre la religion figée et étriquée des Pharisiens de l'époque, qui ne remettaient rien en question et ne confrontaient jamais leurs dogmes aux aléas du réel. 

 

A-t-on affaire ici à de pures spéculations nées dans des cercles repliés sur eux-mêmes, qui connaissent un certain succès de mode mais ne touchent pas la majorité de la population? Oui et non. Ces spéculations ne naissent pas dans des cerveaux imaginatifs. Elles sont le produit des sciences humaines du 19ième siècle, où l'historicisme, l'éthique et la rationalisation pro­gressent et font du christianisme non plus LE grand et unique récit de la civilisation occidentale, mais un récit parmi d'innombrables autres récits. Il a une histoire, qu'il s'agit désormais de ramener à ses justes proportions; il est la volonté de vivre une certaine éthique, qu'il s'agit de définir clairement; il est l'expression imagée et merveilleuse d'un projet de société et de vie parfaitement raisonnable. Ce scientisme des sciences humaines semble incontournable à la veille du 20ième siècle. Le pasteur protestant progressiste Friedrich Naumann, qui sera plus tard nationaliste et théoricien de la Mitteleuropa et d'une forme de planisme en économie, entamera une “mission” dans le monde ouvrier en vue de ramener les prolétaires déchris­tianisés dans le giron de l'Eglise réformée évangélique; il axera sa pastorale autour de la figure d'un “Christ socialiste et homme du peuple”, d'un Christ travailleur et charpentier, thématique de récupération qui nous reviendra dans les années 60 de notre siècle, mais dans une perspective différente. A l'époque de Naumann, vers 1890, cette idée paraît totalement incongrue et la mission échoue. Naumann ne retourne pas au christianisme, il s'en éloigne, récapitulant dans sa personne toutes les étapes de la culture allemande en matière religieuse: protestant par protestation anti-catholique, chrétien-ouvrier par refus de la bourgeoisie protestante à la foi sèche et rébarbative, païen par refus de l'inculture sociale-démocrate et de la fébrilité politi­cienne.

 

En Autriche, les pangermanistes se mobilisent, s'ancrent dans le camp libéral autour de la personne de Georg von Schönerer, s'opposent tout à la fois aux Juifs, aux Habsbourgs et à l'église catholique qui les soutient. Schönerer veut imposer un calen­drier “völkisch”, qui commencerait en 113 av. J.C., date de la victoire des Cimbres et des Teutons sur les Romains à Noreia. Dans certains cercles pangermanistes proches de Schönerer, on fête les solstices et deux courants commencent à se profiler:

a) les adeptes d'une religion immanente de la nature et des lieux concrets, regroupés autour de la revue Der Scherer;  ce filon du néo-paganisme allemand mêle un refus des mécanisations de la société industrielle, surtout de ses effets pervers, à une volonté de rééquilibrer la vie quotidienne dans les grandes villes, en organisant des services d'hygiène, des manifestations sportives, des randonnées, en réclamant des espaces verts, des excursions ou des séjours à la campagne, en renvoyant dos à dos ce qui ne lui paraissait plus “naturel”, à savoir le moralisme étriqué des églises conventionnelles et la vie dans les villes surpeuplées, sans air et sans lumière. C'est sur ce courant que se brancheront très vite les mouvements de jeunesse, tels le Wandervogel.  Ce filon m'apparaît toujours fécond.

b) les adeptes d'une nouvelle religiosité plus tournée vers l'occultisme, regroupés autour de la revue Heimdall.

Dans les années 1890, l'occultisme connaît en effet une renaissance en Allemagne: Guido von List développe une théosophie, tandis que Jörg Lanz von Liebenfels théorise une “aryosophie”, qui débouchera en 1907 sur la fondation d'un “Ordo Novi Templi”, sorte de loge où fusionnent en un syncrétisme bizarre les références germanisantes, un christianisme “aryen” et des rituels maçonniques. Ce filon-là du néo-paganisme allemand m'apparaît très spéculatif, peu susceptible d'être transmis à de larges strates de la population voire à des élites restreintes mais quand même assez nombreuses pour créer des espaces de résistance durables et efficaces dans la société. Enfin, la veine occultiste a suscité et suscite encore beaucoup de fantasmes, qu'exploitent souvent les journalistes en mal de sensationnel. La seule et unique chance pour le mouvement occultiste de se maintenir à l'heure actuelle reste, à mon avis, l'espace de la création musicale voire de la peinture ou de la sculpture. Ce filon demeure élitaire, marqué de rites et de gestes souvent mécompris. Il est indubitablement une expression de la culture euro­péenne de ces 150 dernières années, mais il est peu susceptible de se généraliser dans la société et d'apporter une réponse immédiate aux blessures psychiques et physiques de l'ère industrielle et de l'âge des masses.

 

Mais si à l'époque ces tentatives naturalistes ou occultistes restent réservées à de très petits groupes, finalement fort margi­nalisés, d'autres tentent justement, au même moment, de s'ouvrir aux masses et de fonder une véritable “troisième confes­sion”, qui se juxtaposera au catholicisme et au protestantisme en Allemagne. En 1900, Ernst Wachler, qui est juif et mourra en 1944 dans le camp de concentration de Theresienstadt, fonde la revue Deutsche Zeitschrift  et appelle à un recours sans dé­tours à la religiosité autochtone et pré-chrétienne de la Germanie. Parmi ceux qui répondront à son appel, il y avait, curieuse­ment, des antisémites classiques comme Friedrich Lange et Theodor Fritsch, mais aussi une figure plus complexe et à notre sens plus significative, Wilhelm Schwaner, éditeur de la revue Der Volkserzieher et animateur du Volkserzieher-Bund.  L'objectif est clair: il faut éduquer le peuple à des sentiments religieux, communautaires et sociaux différents de ceux de la société industrielle, renouer avec les archétypes d'une socialité moins conflictuelle et moins marquée par l'égoïsme. Schwaner est ce que l'on appelle à l'époque un Lebensreformer,  un réformateur pragmatique de la vie quotidienne, ancré dans le parti social-démocrate et dans les cercles “libres-penseurs” du libéralisme de gauche, où il apprendra à connaître Walther Rathenau, qu'il influencera, notamment dans les définitions archétypales des races “aryennes” et “sémitiques” que ce ministre israëlite du Reich a utilisées très fréquemment dans ses écrits, prouvant par là même que ces spéculations sur les arché­types n'étaient pas l'apanage des seuls nationalistes, conservateurs ou militaristes. Mais Schwaner reste dans le no-man's-land entre “christianisme germanique” et “religiosité völkische”.

 

Après la première guerre mondiale, le nombre croît de ceux qui franchissent le pas et abandonnent cette position intermédiaire que représentait le “christianisme germanique”. Les païens avérés n'étaient pas plus de 200 dans l'Allemagne d'avant 1914. Ils se regroupaient dans deux cénacles intellectuels, la Deutschgläubige Gemeinschaft  ou la Germanische Glaubens-Gemeinschaft.  La plupart sont issus de la bourgeoisie protestante. Ceux qui proviennent du catholicisme gardent malgré tout des attaches avec leur milieu d'origine, car le catholicisme a conservé le culte des saints, avatars christianisés des dei loci,  et bon nombre de fêtes folkloriques, notamment les carnavals de Rhénanie et d'Allemagne du Sud, dont la paganité foncière n'est certes pas à démontrer. L'absence de tels “sas”  —entre superstrat chrétien et substrat païen—  dans le protestantisme conduit plus aisément les contestataires protestants à revendiquer haut et fort leur paganisme. Parmi les premiers adhérants de la Deutschgläubige Gemeinschaft,  nous trouvons Norbert Seibertz, qui nous a laissé une confession, où il exprime les mo­tivations qui l'ont poussé à abandonner le christianisme. Elles sont variées, peut-être même un peu contradictoires:

- La vision chrétienne est en porte-à-faux avec les acquis des sciences naturelles. Ce premier motif de Seibertz est donc scientiste. Mais rapidement le monisme scientiste, vulgarisé par les matérialistes militants regroupés autour d'Ernst Haeckel, lui apparaît tout aussi insuffisant, non pas parce qu'il rejette le biologisme implicite de cette école antireligieuse, mais parce que cette volonté d'alignement sur les sciences exactes ne répond pas à la question du désenchantement.

- Les progrès des humanités gréco-latines sont tels au 19ième siècle, que le monde grec et romain suscite de plus en plus souvent l'enthousiasme des lycéens et des étudiants. Devant le sublime de la civilisation antique, le christianisme apparaît fade aux yeux du lycéen Seibertz.

 

Je dois vous confesser que ces deux motivations majeures de Seibertz ont été aussi les miennes, à quelques décennies de distance. Mais comment articuler ce double questionnement, comment retrouver le sens religieux au-delà d'une science qui ruine les dogmes chrétiens et au-delà d'humanités qui font apparaître le christianisme dans son ensemble comme un corpus bien fade, tout en ne pouvant plus ressusciter la paganité grecque ou romaine dans sa plénitude? Faut-il remplacer les caté­chismes par un autre catéchisme, les icônes d'hier par de nouvelles icônes? Apparemment simple, cette question ne l'est pourtant pas. Si les icônes des églises sont automatiquement reconnues comme des icônes religieuses même par ceux qui ont tourné le dos au christianisme, instaurer de nouvelles icônes s'avère fort problématique, car comment générer le consen­sus autour d'elles et, pire, comment ne pas sombrer dans le ridicule et la parodie? Les débuts du néo-paganisme organisé en Allemagne ont été marqués par des querelles de cette nature. D'après Karlheinz Weißmann, réflexions, querelles et discus­sions ont permis, avant 1914, de dégager trois des principaux axes du néo-paganisme de notre siècle:

1. Le christianisme est une aliénation historique, qui a oblitéré les sentiments religieux spontanés des Européens. Ce constat découle des acquis des philologies classique et germanique. La religion conventionnelle est donc ravalée au rang d'une mani­festation aliénante, elle est perçue comme une superstructure imposée par un pouvoir foncièrement étranger au peuple. Cette thématique de l'aliénation se greffe assez aisément à l'époque sur la “libre-pensée” du monde ouvrier et sur la critique socia­liste de l'“opium du peuple”.

2. Les néo-paganismes semblent ensuite rejetter l'idée d'un Dieu personnel. Dieu, car ils sont païens et monothéistes, est une émanation cosmique de la force vitale à l'œuvre dans le monde, qui donne forme aux innombrables manifestations et phéno­mènes du réel. Sur ce panthéisme cosmique se greffent déjà à l'époque toutes les spéculations sur la Nature et la Terre, qui sous-tendent encore aujourd'hui les spéculations les plus audacieuses de la pensée écologique radicale, qui se donne le nom d'écospohie, de géomantie ou de “perspective gaïenne” (Edward Goldsmith). Cette option pour un dieu non personnel, compé­nétrant toutes les manifestations vitales, renoue également avec la mystique médiévale allemande d'un Maître Eckhart, consi­déré par les néo-païens comme le représentant d'une véritable religiosité européenne et germanique, transperçant la chape dogmatique de l'aliénation chrétienne. Ensuite, ce panthéisme implicite renoue avec le panthéisme de Goethe, prince des poètes allemands, mobilisé à son tour pour étayer les revendications anti-chrétiennes. Le néo-paganisme du début du siècle est donc monothéiste et panthéiste, dans ses rangs, on ne vénère pas les dieux comme les chrétiens vénéraient le Christ ou la Vierge ou les Saints ou les Archanges. On ne remplace pas les icônes chrétiennes par une iconologie néo-païenne. On reste au-delà de la foi naïve des masses.

3.  Le troisième grand thème du néo-paganisme allemand du début du siècle est un rejet clair et net de la notion chrétienne du péché. Dieu n'est pas en face de l'homme pour les néo-païens. Il n'est pas dans un autre monde. Il ne donne pas d'injonctions et ne récompense pas après la mort. L'éthique néo-païenne est dès lors purement immanente et “héroïque”. Elle n'est pas as­cétique selon le mode bouddhiste, elle n'exige pas de quitter le monde, mais chante la joie de vivre. L'éthique néo-païenne est acceptation du monde, elle cherche le divin dans toute chose, veut le mettre en exergue, l'exalter, et refuse toutes les formes de rejet du monde sous prétexte que celui-ci serait marqué d'imperfection. Cette dimension joyeuse du néo-paganisme, qui interdit de mécréer du monde, au contraire des spéculations néo-païennes plus philosophiques ou historiques sur l'aliénation ou le panthéisme, permet d'atteindre les masses, et plus particulièrement les mouvements de jeunesse. Couplé à l'écosophie implicite du panthéisme, ce culte de la joie est explosif sur les plans social et politique. En 1913, quand les mouvements de jeunesse d'orientation Wandervogel se réunissent autour de feux de camp au sommet du Hoher Meissner pour écouter le dis­cours du philosophe Ludwig Klages, c'est parce que celui-ci leur parle sans jargon du désastre que subit la Nature sous les assauts de l'économicisme, de la technocratie et du “mammonisme”, soit du culte de l'argent. Ce discours, vieux de 84 ans, garde toute sa fraîcheur aujourd'hui: l'écologiste sincère y adhèrera sans hésiter.

 

La Grande Guerre bouscule tout: l'universalisme de l'écoumène euro-chrétien est fracassé, émietté, les nations sont devenues des mondes fermés sur eux-mêmes, développant leurs propres idoles politico-idéologiques. La propagande alliée avait répété assez souvent que les démocraties occidentales s'opposaient à l'Allemagne parce qu'elle était la patrie de Nietzsche, prophète de l'anti-christianisme et du néo-paganisme. Certains Allemands vont se prendre au jeu: puisque leurs adversaires se po­saient comme les défenseurs de la “civilisation” et de la “démocratie”, ils se poseraient, eux, comme les défenseurs de la “culture” et de l'“ordre”. Si Rousseau était posé comme le prophète de la démocratie française, qui s'opposait à Nietzsche, celui-ci devenait à son tour le prophète d'une Allemagne appelée à révolutionner la pensée et à “transvaluer” toutes les va­leurs. Et puisque cette Allemagne était accusée d'avoir propagé un paganisme, les cérémonies d'hommage aux soldats morts sur les champs de bataille de la Grande Guerre révèlent un retour à des pratiques anciennes, antiques, non chrétiennes, que l'on avait oubliées en Europe: réserver aux combattants tombés à la guerre un “bois sacré”, immerger le corps d'un soldat in­connu dans les eaux du Rhin, bâtir un mausolée sur le modèle de Stonehenge à Tannenberg en Prusse Orientale ou ériger des monuments semblables à des tombes mégalithiques ou des dolmens: voilà bien autant de concessions de l'Etat et de l'armée aux paganismes des intellectuels et des érudits. Enfin, l'effondrement de la structure impériale et de l'Etat autoritaire (Obrigkeitsstaat),  élimine le Trône et l'Autel de la vie politique et inaugure l'ère de la privatisation du sentiment religieux. Etat libéral de modèle français, la République de Weimar sépare l'Eglise de l'Etat, ce qui démobilise bon nombre d'anciens fonc­tionnaires de leurs liens formels avec les confessions conventionnelles et crée un certain climat de désaffection à l'égard des anciennes structures religieuses. Outre un certain renforcement des associations néo-païennes et un approfondissement de la question des religions autochtones au niveau universitaire, on assiste, dans les premières années de la République de Weimar, entre 1919 et 1923, à une inflation de fausses mystiques, de bizarreries spiritualistes, d'astrologisme, etc. C'est là une manifestation du pluralisme absolu et anarchique de la culture de Weimar. L'anti-christianisme le plus radical, quant à lui, adopte un ton messianique: il attend l'avènement du “Troisième Reich”, sorte de transposition dans l'immanence de l'idée au­gustinienne d'une “Jérusalem céleste”. Ce messianisme s'exprime notamment dans le cadre d'une organisation parapolitique très importante de l'époque, le Deutsch-Völkischer Schutz- und Trutzbund,  qui a compté jusqu'à 170.000 membres. Parallèlement au messianisme, le “Juif” devient l'ennemi principal, alors que l'antisémitisme avait été très atténué dans les néo-paganismes d'avant 1914 et était quasiment absent dans les années de guerre. Les réflexions sur les religions autoch­tones cèdent le pas à la propagande politique et au recrutement de volontaires pour le Corps Franc “Oberland”. Mais passée la grande crise des cinq premières années de la République, ce radicalisme politique s'estompe et les néo-païens retournent à une myriade de petits cénacles ou d'associations culturelles, cultivant des idées et des projets tantôt originaux tantôt bizarres.

 

Le clivage persiste néanmoins entre occultistes, qui restent marginaux mais assurent la continuité avec leurs prédécesseurs d'avant 1914, et “naturalistes”, qui entendent forger un néo-paganisme rationnel, basé sur la philologie, l'archéologie, les sciences naturelles et biologiques, les découvertes de la diététique, etc.  Trois tendances idéologico-philosophiques voient ce­pendant le jour, dans la période 1925-1933, entre Locarno et l'accession de Hitler au pouvoir:

1. Les nouvelles générations issues du Wandervogel introduisent dans le mouvement néo-païen le style du mouvement de jeunesse, avec les chants, le romantisme du feu de camp et la réhabilitation des danses populaires.

2. Les femmes sont admises dans ses associations sur pied d'égalité avec les hommes, car la thématique féministe de l'anti-christianisme a fait son chemin.

3. Les spéculations sur le monothéisme des Germains et des Scandinaves cèdent le pas à une réévaluation du polythéisme. On n'hésite donc plus à se déclarer “polythéiste”. Le 19ième siècle avait implictement cru que le monothéisme avait été un “progrès” et que le retour au polythéisme constituerait une “rechute dans le primitivisme”. Les perspectives changent dans les années 20: la pluralité des dieux, disent les néo-païens sous la République de Weimar, fonde la tolérance païenne, qu'il s'agit de restaurer. Dans les panthéons polythéistes, les dieux sont une famille, ils se présentent à leurs adorateurs par couple, les déesses, féminisme anti-chrétien oblige, contestent souvent les décisions de leurs divins époux, car le paganisme et le poly­théisme n'ont absolument pas la rigueur patriarcale du yahvisme chrétien.

 

En 1933, quand Hitler accède au pouvoir, son parti entend défendre et protéger un “christianisme positif” (qui n'est pas expli­cité, mais qui signifie ni plus ni moins un christianisme qui n'entravera par le travail d'un Etat fort qui, lui, ne se déclarera pas ouvertement “chrétien”). Les propagandistes anti-chrétiens les plus zélés et les néo-païens les plus intransigeants sont tenus à distance. Une théologie chrétienne reformulée d'après les modes et le langage national-socialistes, portée par des théologiens réputés comme Friedrich Gogarten, Emanuel Hirsch, Gerhard Kittel, Paul Althaus, etc. est mise en œuvre pour “conquérir les églises de l'intérieur”. On peut cependant remarquer que, de leur côté, les églises, surtout la catholique, opèrent un certain ag­giornamento, pour aller à la rencontre du Zeitgeist:

- réhabilitation des visions cycliques de l'histoire et de la pensée héraclitéenne du devenir chez les philosophes catholiques Theodor Haecker et E. Przywara;

- vision d'un “Dieu qui joue”, innocent comme l'enfant de Nietzsche, toujours chez Haecker;

- concessions diverses au panthéisme;

- vision d'un “Christ Cosmique” et “christologie cyclique” chez Leopold Ziegler;

- vision d'un “Christ dansant” chez Stefan George;

- théologie du Reich chez Winzen, où la paysannerie et le culte du “sang et du sol” trouvent toute leur place, afin de contrer la propagande anti-chrétienne en milieux ruraux des nationaux-socialistes Rosenberg, Darré et von Leers;

- spéculations sur l'incarnation divine et sur l'excellence de la paysannerie germanique, porteuse du glaive de l'église, c'est-à-dire de l'institution impériale;

- retour à la nature mis en équation avec un retour au divin, etc.

 

Si les églises ne se méfiaient pas du néo-paganisme avant 1914, elles s'inquiètent de ses progrès après 1918, vu l'affluence que connaissent les cercles “völkisch” et néo-païens. C'est la raison qui poussent les plus hautes autorités de l'Eglise à adop­ter un langage proche de celui des groupes “völkisch”. Hitler, lui, veut promouvoir le “mouvement de la foi des Chrétiens al­lemands”, dans le but avoué de construire une grande église nationale-allemande qui surmonterait la césure de la Réforme et de la Contre-Réforme. Certains cercles sont dissous, les autres sont invités à rejoindre de vastes associations contrôlées par le parti. Parmi ces associations, la principale fut la Deutsche Glaubensbewegung, dirigée par le philosophe et indianiste Wilhelm Hauer, par l'ancien diplomate anti-britannique et militant völkisch Ernst zu Reventlow, par le philosophe Ernst Bergmann, soucieux de construire une “Eglise d'Etat” non-chrétienne. L'objectif de ces trois hommes était d'assurer à l'Allemagne une rénovation religieuse, englobant éléments non chrétiens, pré-chrétiens et traditionnels, c'est-à-dire des élé­ments de la religiosité éternelle des peuples qui s'étaient ancrés dans la culture allemande sous une forme christianisée. Le mouvement était a-chrétien plutôt qu'anti-chrétien. Finalement, il s'auto-dissolvera, son présidium abandonnera toute vie pu­blique, pour laisser la place à une organisation de combat anti-chrétienne, servant le parti dans sa lutte contre les églises, dès la fin de la lune de miel entre les nationaux-socialistes et les hiérarchies confessionnelles.

 

Après 1945, les néo-païens ou les “völkisch-religieux” se fondent dans deux organisations: chez les Unitariens (Deutsche Unitarier) qui se réorganisent à partir de 1948 et dont la figure de proue deviendra Sigrid Hunke (“La vraie religion de l'Europe”); et dans le Bund freireligiöser Gemeinden (Ligue des communautés religieuses libres), constitué en 1950. Wilhelm Hauer recrée en 1950 l'Arbeitsgemeinschaft für freie Religionsforschung und Philosophie qui entretiendra de bons rapports avec les deux autres organisations. Les personnalités politiques des décennies précédentes y sont rares et le profil idéologico-politique des membres des deux organisations (celle de Hauer étant plus scientifique) correspond davantage à celui des natio­naux-libéraux d'avant 1914. Les thématiques abordées sont celles de la liberté religieuse, du panthéisme et du rapport entre sciences naturelles ou biologiques et foi religieuse.

En 1951, Wilhelm Kusserow, chassé de Berlin-Est où il est resté professeur jusqu'en 1948, fonde son Artgemeinschaft sur les débris du Nordische Glaubensbewegung. Sans ambages, les membres affirment se reconnaître dans leur germanité et sont ouvertement plus “nationalistes” que les unitariens et les “Freireligiösen”. En 1957, cette association fusionne avec les restes de celle de Norbert Seibertz.

 

Au moment où la fusion de ces associations a-chrétiennes voire anti-chrétiennes s'opère, l'Eglise abandonne, par la voie du Concile Vatican II, toutes ses références à la Rome antique pré-chrétienne,  à l'“organon” euro-médiéval. Une bonne fraction du catholicisme européen appelait jadis à renouer avec l'“Ordo Æternus” romain, qui, dans son essence, n'était pas chrétien, était au contraire l'expression d'une paganisation politique du christianisme, dans le sens où la continuité catholique n'était pas fondamentalement perçue comme une continuité chrétienne mais plutôt comme une continuité archaïque, romaine, latine. Aux yeux de ces catholiques au fond très peu chrétiens, la “forme catholique” véhiculait la forme romaine en la christianisant en surface. Carl Schmitt était l'un de ces catholiques, pour qui aucune forme politique autre que la forme romaine n'était adaptée à l'Europe. Il était catholique parce qu'il avait une vision impériale romaine, qui, après la translatio,  deviendra germanique. Il critiquait l'idéologie des Lumières et le positivisme juridique et scientiste parce que ces idéologies modernes rejetaient la ma­trice impériale et romaine, rejetaient cette primitivité antique et féconde, et non pas l'eudémonisme implicite du christianisme. De même, Vatican II rejettera cette romanité fondamentale pour ne retenir que l'eudémonisme chrétien. Dans les milieux con­servateurs, dans les droites classiques, ce refus de la romanité, de la forme politique impériale romaine ou des formes stato-nationales qui ramenaient l'impérialité à un territoire plus restreint, provoque un véritable choc. Ni le catholicisme ni même le christianisme n'apparaissent plus comme les garants de l'ordre. De cette déception, naît la “nouvelle droite” française, d'autant plus qu'un Maurras, qui est encore à l'époque la référence quasi commune de toutes les droites, avait clairement aperçu la distinction entre forme politique et relâchement eudémoniste: pour lui, l'Eglise était facteur d'ordre tandis que l'Evangile, un “poison”. Si l'Eglise rejette complètement les résidus d'impérialité romaine, ou les restes d'un sens antique de la civitas,  qu'elle véhiculait, elle n'est donc plus qu'un “poison”:  voilà donc un raisonnement maintes fois tenu dans les rangs de la droite française. Une fraction de celle-ci cherchera dès lors de nouvelles références, ce qui la conduira à découvrir no­tamment Evola, la Révolution Conservatrice allemande, l'univers des néo-paganismes, la postérité intellectuelle de Nietzsche, au grand scandale de ceux qui demeurent fidèles à un message chrétien-catholique, qui n'est plus du tout envisagé sous le même angle par les autorités supérieures de l'Eglise catholique.

 

Les années 60 voient éclore de nouvelles thématiques, imitées des néo-primitivismes nord-américains: New Gypsies, New Indians, Flower People, Aquarians, Hippies, etc. La nouvelle religiosité ne s'ancre plus dans le socialisme politique ou dans le nationalisme exacerbé, mais dans un espace complètement dépolitisé. Une question se pose dès lors. Le recours aux passés pré-chrétiens de l'Europe doit-il s'opérer sans l'apport d'un projet politique ou, au moins, d'une vision claire de ce que doit être un Etat, une constitution, un droit? Doit-il s'opérer sans décider quelle instance doit avoir la pré-scéance: est-ce le peuple, porteur d'une histoire dont il faut assurer la continuité, ou est-ce la structure étatico-administrative, dont il s'agit de maintenir, envers et contre tout, le fonctionnement routinier, même aux dépens de la vie?

 

Le danger des modes “New Age”, même si elles induisent nos contemporains à se poser de bonnes questions, c'est justement de sortir des lieux de décision, de s'en éloigner pour rejoindre une sorte de faux Eden, sans consistance ni racines.

 

Ce risque de dérapage nous oblige à poser l'éternelle question: que faire?

- Premier rudiment de réponse: il y a beaucoup de choses à faire dans un monde si pluriel, si diversifié, si riche en potentiali­tés mais aussi si éclaté, si émietté, si divisé par des factions rivales ou des options personnelles ou des incommunicabilités insaisissables; il y a beaucoup de choses à faire dans un monde pluriel, où faits positifs et faits négatifs se juxtaposent et dé­sorientent nos contemporains.

- Deuxième élément de réponse: affronter un monde riche en diversités, encadrer cette diversité sans l'oblitérer ou la mutiler, implique:

de moduler sa pensée et son action de ré-immersion dans le passé le plus lointain de l'Europe sur les acquis de la philologie indo-européenne. Sans préjuger de leurs options sur d'autres questions indo-européennes, les travaux d'Emile Benveniste, de Thomas V. Gamkrelidze et de Viatcheslav V. Ivanov, et même de Bernard Sergent, nous permettent de saisir la portée sé­mantique fondamentale du vocabulaire des institutions indo-européennes primitives, et de savoir ce que les termes veulent dire en droit, afin que soit restaurer une société où les citoyens sont égaux en dignitié. C'est cette égalité en dignité, mise en exergue par Tacite, qui fait que les tribus s'appellent assez souvent “les amis”, les “parents” ou “le peuple” (Teutones, Tutini de Calabre, Teutanes d'Illyrie, etc.). Cette harmonie sociale est un modèle impassable: on a vu avec quel enthousiasme les humanistes italiens l'ont exhumé au XVième siècle, avec quel zèle les pionniers du socialisme l'ont adopté, avec quel respect Marx et surtout Engels (dans Les origines de la propriété privée, de la famille et de l'Etat) en parlent dans leurs livres, enfin, avec quelle obstination les socialistes “völkisch”, futurs nationalistes, l'ont explicité. Mais au-delà des enthousiasmes légi­times, il faut construire, rendre plausible, déniaiser les engouements. Ce travail n'est possible que si l'on comprend concrè­tement, sans basculer dans l'onirique, ce que les mots que nous employons veulent dire, ce que les termes qui désignaient nos institutions à l'aurore de notre histoire signifient réellement.

 

Enfin, un recours aux ressorts les plus antiques de l'Europe, comme de tous les autres continents, implique une attention par­ticulièrement soutenue à la valeur des lieux. Si l'installation monotone dans un seul lieu n'est sans doute pas exaltante, n'excite pas l'esprit aventureux, l'ignorance délibérée et systématique des lois du temps et de l'espace, des lois du particulier, est une aberration et une impossibilité pratique. En transposant souvent leur telos dans un “autre monde”, soustrait aux règles du temps et de l'espace, le courant doloriste et augustinien du christianisme, les fidéismes athées à coloration “rationaliste”, les pratiques administratives de certains Etats, les déviances du droit vers l'abstraction stérile, ont arraché les hommes à leurs terres, aux lieux où le destin les avait placés. Cet arrachement provoque des catastrophes anthropologiques: fébrilité et déra­cinement, errance sans feu ni lieu, discontinuités successives et, finalement, catastrophes écologiques, urbanisme dévoyé, effondrement des communautés familiales et citoyennes.

 

Tout néo-paganisme positif, non sectaire, non replié sur une communauté-ersatz doit agir pour contenir de telles déviances. Il doit opérer ce que le théoricien britannique de l'écologie, Edward Goldsmith, appelle un retour à Gaïa, à la terre. Mais ce re­tour à une écologie globale, remise dans une perspective plus vaste et plus spiritualisée, plus “éco-sophique”, ne saurait se déployer sans un engagement social concomitant. Le retour des hommes à des lieux bien circonscrits dans l'espace  —de préférence ceux de leurs origines, ceux où ils retrouvent les souvenirs ou la tombe d'un bon vieux grand-père sage et sou­riant—  et l'organisation en ces lieux d'une vie économique viable à long terme, satisfaisante pour eux et pour les générations qu'ils vont engendrer, sont autant de nécessités primordiales, à l'heure où la mondialisation des marchés exerce ses ravages et exclut les plus fragiles d'entre nos concitoyens, à l'heure où les migrations tous azimuts n'aboutissent nulle part sinon à la misère et à l'exclusion.

 

Récemment, dans un dossier “Manière de voir” (n°32), le Monde diplomatique,  lançait un appel planétaire à la résistance contre les aberrations socio-économiques installées par l'“armada des économistes orthodoxes”, dont la panacée la plus te­nace était celle de la fameuse “bulle commerciale” dans laquelle le libre-échange devait être roi absolu et où aucune stabilité sociale, aucun legs de l'histoire, ne devait entraver la course folle vers une croissance exponentielle des chiffres d'affaires. Les rédacteurs du Monde diplomatique réclamaient un “sursaut républicain”, contre la résignation des élites du “cercle de la raison”, qui appliquent sans originalité ni imagination ces doctrines du libéralisme total qui ne tiennent  compte ni des limites du temps ni de celles de l'espace. Dans le cadre de cette revendication, ces rédacteurs n'hésitaient pas à rappeler les atouts de la “solidarité rurale” et du “maillage associatif” dans les campagnes, formes d'organisation communautaires et non socié­taires, mais dont le ciment ne peut être qu'une variante de l'organisation clanique initiale des peuples, où se conjuguent liberté constructive et autonomie, soit deux vertus qui avaient enthousiasmé les humanistes de la Renaissance italienne qui avaient lu Tacite et initié à leur époque le premier grand “sursaut républicain”. Face au fétichisme de la marchandise, disent les rédac­teurs du Monde diplomatique,  “il n'y a pas d'autre issue que de résister, afin de défendre les derniers fragments de la liberté des peuples de disposer de leur propre destin”. Nous n'avons pas d'autre programme. Car nous aussi, nous voulons une “Europe des citoyens”, c'est-à-dire une Europe d'Européens inclus dans des cités taillées à leurs mesures, des cités qui ont une histoire et un rythme propres. Nous nous donnons toutefois une tâche supplémentaire: aller toujours aux sources de cette histoire et de ce rythme. Pour rester fidèles à la démarche des humanistes de la Renaissance et des premiers socialistes li­bertaires qu'a allègrement trahis la sociale-démocratie, en se livrant à ses petits jeux politiciens et en décrétant toute réflexion sur notre très lointain passé comme l'expression mièvre et ridicule d'une “fausse conscience”.

 

Cette “fausse conscience” est pour nous une “vraie conscience”, notre “conscience authentique”. Car cela ne sert à rien de critiquer les orthodoxies de l'économie dominante, si c'est pour adopter le même schéma abstrait. L'autonomie des peuples, c'est de vivre en conformité avec leur plus lointain passé. C'est affirmer haut et fort la continuité, pour ne pas périr victime d'une pensée sans racines et sans cœur.

 

Le combat contre les idéologies dominantes, contre les confessions qui tiennent le haut du pavé et stérilisent les élans reli­gieux authentiques, ne peut nullement être un combat entre érudits distingués, à l'abri des grands courants intellectuels et poli­tiques du siècle, mais au contraire un combat qui apportera le supplément d'âme nécessaire à ce grand “sursaut républicain” qu'appellent nos contemporains. C'est à ce combat que j'ai voulu vous convier aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir écouté.

 

Robert STEUCKERS.

(Forest, du 8 au 10 janvier 1997).

vendredi, 12 juin 2009

Les noms d'origine gauloise

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Les noms d'origine gauloise

ex: http://www.yanndarc.com/

Sous ce titre presque anodin, ce docteur ès lettres, spécialiste de la langue gauloise, produit une synthèse extrêmement étendue sur le sujet : 3 à 4000 noms de lieux sont aujourd’hui inventoriés en France, ce qui montre selon lui que « notre carte de France est en partie écrite en gaulois ».
Les chapitres du livre traitent en priorité d’une des spécialités de nos ancêtres : la guerre. Ainsi, le premier chapitre s’intitule « les raisons des combats », et les suivants, « l’équipement militaire », « la guerre de défense », « la guerre d’attaque » et « la Gaule des combats ».

 


Il est agrémenté de listes de toponymes où l’on retrouve les correspondances entre les noms des tribus et celles de notre actuelle géographie : les Andecavi sont ainsi les ancêtres des Angevins, Les Rèmes habitent la région de Reims, les Petrocori la région de Périgueux.
Les cartes proposées sont encore plus surprenantes par leur correspondance avec les actuelles frontières des départements, pourtant si décriés par les milieux identitaires : ainsi, la cité des Cénomans correspond-elle peu ou prou aux limites de la Sarthe, celle des Turons à celles de l’Indre-et-Loire. Certaines régions (et anciennes provinces) se retrouvent elles aussi : le Limousin et ses trois départements se superposent aux frontières de la cité des Lémoviques, l’Auvergne correspond à la cité des Arvernes.


De nombreux toponymes sont inventoriés : ainsi, « randa » désigne une limite, une fontière : il donne une foule de noms  de lieux, tels que Eygurande, Randon, Chamarandes, Néronde ou Ingrandes. Nombreux sont ceux, comme nous le disions plus haut, liés à la guerre ou tout du moins à l’état quasi permanent de belligérance : les troupes de combat appelées « Catuslogues » donnent Châlons (en Champagne) ; la racine « vic » désignant les combattants donnent Evreux (Ebro-vici) ou Limoges (Lemo-vici) ; les Boïens (pays de Buch) sont les « frappeurs », les Calètes (pays de Caux) les « durs ». Lacroix nous explique que « dans les sociétés indo-européennes, le roi est – doit être – riche.  A la guerre, il touche une large part du butin ; mais en même temps, il lui faut être nourricier. Le roi, le chef gaulois, se devait d’assurer la richesse à son peuple ; l’action guerrière y pourvoira. Le thème celtique rix qu’on reconnaît dans le nom des rois et chefs gaulois (dont bien sûr Vercingétorix) s’est transmis au germanique, qui l’a redonné ensuite au français riche ; la superposition des sens est éclairante sur les motivations guerrières des peuples antiques, et en particulier gaulois. »
Le vêtement gaulois nous est quasiment familier : galoches, braies et saies sont des termes encore utilisés au début du xx° siècle.


Leurs armes jouent un grand rôle dans la vie des cités au point de participer à la désignation de certains peuples : les cornes des casques donnent les Carnutes (de Chartres) ou les Slovènes de Carnium (aujourd’hui Kranj).
Le bouclier est désigné par le « radical celtique tal-, désignant étymologiquement ce qui est plat. On trouve à son origine un thème indo-européen *tel- appliqué à des surfaces planes : sanskrit talam, surface, paume ; vieux-slave tilo, pavé, sol ; lituanien pa-talos, lit ; grec telia, table à jouer ; latin tellus, terre. Cette base est bien représentée dans les langues celtiques : vieil irlandais talam, terre ; gallois, cornique, breton tal, front (…). Le sens éthymologique du thème gaulois est parfaitement justifié : à la différence des boucliers grecs et romains, de forme enveloppante, le bouclier celtique se caractérisait par sa surface quasiment plane. » Quel exemplaire démonstration de la parenté des peuples issus du fond commun indo-européen ! Et cette racine participe à des anthroponymes pleins de poésie : Actalus, grand bouclier ; Cassitalos, bouclier d’airain ; Argiotalus, bouclier d’argent, etc…ainsi qu’à des toponymes : Talais, Talazac, Tailly. Le bouclier plat des Celtes est devenu aujourd’hui la pacifique « taloche » des maçons…seule la gifle appliquée sur la figure avec le plat de la main, peut encore évoquer la lointaine époque des guerres héroïques : n’hésitez donc pas à en user contre vos adversaires, car il est bon que les traditions se maintiennent…


Le terme français de glaive doit être relié selon toute vraisemblance à un très ancien radical celtique (…) cladi (…) vieil irlandais claideb et irlandais claioimh, épée ; moyen-gallois cledy (…) breton kleze. L’écossais moderne claidheamb employé avec l’adjectif « mor », grand, a fait naître l’anglais « Claymore » ; c’est la grande épée d’Ecosse, à lame  longue et large, popularisée en France au XIX° siècle pour les besoins du folklore celte (La harpe du barde ne se marie qu’au fracas des claymores et aux mugissements des tempêtes, écrit dans un style fort caricatural le romantique Charles Nodier).
Tite-Live note qu’au début du IV° siècle av. JC. Les armes gauloises frappèrent d’étonnement les habitants de Clusium qui n’en avaient jamais vu de semblables. Le gladius des Romains est donc un emprunt au *cladios
gaulois.


Encore une fois, les armes donnent leur nom aux peuples qui en usent : l’aulne des boucliers a donné les Arvernes, le javelot, la localité de Javols et le Gévaudan. Ceux-qui-vainquent-avec-[le bois de] -l’orme [de leur javelot] sont les Lémoviques du Limousin. Ceux-qui-combatttent-par-l’if, sont un peuple d’archers, les Eburovices d’Evreux.
Mieux encore, comme dans le Seigneur des Anneaux, un poème gallois ancien , le Kat Godeu, combat des arbrisseaux, nous montre une armée d’arbres, aux essences choisies, qui s’avancent au combat (le thème en sera repris dans le Macbeth de Shakespeare, qui emprunte à la féerie celtique).
Pas de bataille sans appel aux Dieux : « On peut penser qu’avec les Druides, au moment où la nation engageait son avenir, les chefs du peuple –guides et protecteurs terrestres –et derrière eux les chefs militaires, jouaient le rôle d’intercesseurs auprès des Dieux. Les premières prières se tournaient sans doute vers le dieu national de la teuta, bienfaiteur du peuple en temps de paix, et surtout chef guerrier suprême en temps de guerre : le féroce Teutatès (ou Toutatis, que cite Lucain (…) à l’époque gallo-romaine, il sera du reste invoqué sous l’appellation de Mars Toutatis…Toujours cette parenté entre les peuples indo-européens qui facilite les échanges. L’Histoire nous a conservé le souvenir de deux rois gaulois appelés Teutomate (…). Leur nom signifiait celui-qui-est-bon-pour-la-Tribu.


Le dieu Lug, décrit dans les anciens récits celtes anciens comme un jeune dieu guerrier, fort et combatif, armé d’une lance invincible, pouvait être invoqué par les combattants se préparant à affronter la fortune des armes, donne son nom à Lyon (Lug-dunum), mais aussi Laon, et Loudun.
Chaque tribu dispose d’un emblème, voire d’un animal totémique : les Caturci sont probablement les Sangliers-du-Combat, et se fixent à Cahors ; les Tarbelles doivent leur appellation au taureau (tarvos) , et sont fixés dans la région de Tarbes ; les Volques ont pour emblème le faucon (en celtique volco). Plus surprenant, déformée en wahl, l’expression va servir aux anciens Germains à désigner les populations étrangères avec qui ils étaient en contact (groupes celtes, puis de langue romane), une connotation péjorative s’y attachant. D’où une série de noms de peuples : Wallons, Valaques, Gallois, Gaulois.
Pour s’imposer sur le champ de bataille, la guerre psychologique n’est pas sans intérêt : ainsi les Bellovaques (de Beauvais), réputé parmi les peuples gaulois pour les plus valeureux, sont étymologiquement ceux-qui-luttent-en-criant ce qui ne manquait assurément pas de paralyser l’adversaire.


Tite-Live évoque la furie gauloise qui se manifestait au combat. Les auteurs antiques sont nombreux à souligner la fureur guerrière des attaquants celtes (ce que les Romains appellent furor, de « furo » être fou, apparenté à l’avestique dvaraiti, « il se précipite », en parlant des démons : état de transe inspirée par le divin, dépassant l’homme qui n’en est plus le maître. Fureur (…) qui transporte l’homme au dessus de lui-même, le met au niveau d’exploits qui, normalement, le dépasseraient. Voilà le germe précieux des grandes victoires, commente Georges Dumézil. (…) Notre mot gaillard, lié à la vigueur, à la vaillance, est issu d’un terme gaulois *galia, force, bravoure,(…) et donne les noms de famille suivants : Gaillard, Gallard, (…), Gaillou.
Quand le guerrier s’avère cruel (c’est parfois nécessaire, mais toujours moralement problématique), il est qualifié de *crodio. Détail amusant, ce qualificatif a perduré localement, particulièrement en Suisse et Haut-Jura où il a pris la forme crouille pour désigner les « méchants », « de mauvaise apparence », la « canaille ».

Il est impossible de résumer une œuvre aussi imposante que celle de Jacques Lacroix, sans laisser de côté une infinie quantité d’exemples fascinants, ainsi que tout l’appareillage de notes et de références bibliographiques.
Cet ouvrage savant est pourtant d’une lecture aisée : il peut être avalé d’une traite ou utilisé comme une sorte de dictionnaire, voire de guide de voyage pour un tour de France de la topographie gauloise. Il offre à l’identitaire un moyen de révéler et d’exalter des racines qu’il découvrira bien plus proches qu’il ne l’imagine. Enfin, les exemples cités le montrent assez bien, la connaissance de nos ancêtres les Gaulois ne remplit pas qu’une fonction de simple érudition, mais ceux-ci peuvent être à bien des égards des éveilleurs et des modèles.

 

Jacques LACROIX, Les noms d’origine gauloise, la Gaule des combats. Editions errance, 2003

 

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dimanche, 07 juin 2009

L'homme enraciné

L’homme enraciné

Image Hosted by ImageShack.usL’homme enraciné est par définition celui qui tire son identité du milieu dans lequel il vit. Ce milieu peut s’entendre largement :
- Il est géographique (ville ou village, région, pays ou nation).
- Il est familial (sa famille et les familles « alliés »).
- Il est social puisque l’homme se trouve associé dans des groupes plus ou moins vastes dans le cadre de sa profession, de sa pratique religieuse, de ses options politiques ou même de ses loisirs. Les entreprises, les églises, les partis politiques et les associations (quels que soient leurs objets) constituent un milieu où l’homme s’enracine.

Un homme est donc riche de son enracinement car celui-ci va offrir de nombreux avantages. Il permet entre autres :
- De subsister (famille ; entreprise).
- D’acquérir des savoirs (famille ; école ; culture locale, régionale ou nationale ; entreprise)
- D’acquérir des valeurs (famille ; école ; églises ; partis et associations politiques ; culture locale, régionale ou nationale).

Tout homme peut donc revendiquer un certain degré d’enracinement et doit en être fier car, par cette affirmation, il assume et revendique sa volonté de puiser sa réflexion et son inspiration auprès de sources nombreuses, présentes ou anciennes. L’homme enraciné est donc « instruit » par son milieu. Il a un « bagage » intellectuel.

A contrario, il faut déplorer chez ceux qui nient la notion d’enracinement (ou les notions associées [1]) le refus de reconnaître la richesse qu’ils peuvent tirer de leur milieu. Ils se définissent alors comme universels, citoyens du monde, apatrides ou encore internationalistes.

Ils s’imaginent, par aveuglement idéologique, avoir été créé ex nihilo par la philosophie des lumières, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (qu’ils n’ont de toute évidence pas lu), le tout relayé ensuite par l’idéologie républicaine et socialiste.

Pour cet homme universel, aucune racine ne doit être tolérée :
- Les cultures locales, régionales et nationales doivent être détruites afin de laisser place à une culture internationale, universelle, unique. Architecture internationale, musique internationale, langue internationale (anglais pour la plupart mais souvenons-nous de cette expérience grotesque que fut l’esperanto), littérature internationale, etc.
- Les croyances religieuses doivent suivre le même sort afin de supprimer toute différence entre les peuples mais aussi parce que les religions, en particulier les religions universalistes comme le Christianisme et l’Islam, rentrent directement en concurrence avec l’idéologie universaliste, par définition athée.
- La famille est également vue comme une dangereuse cellule de socialisation à qui l’on reproche d’être le principal vecteur de transmission de la culture. L’homme universel n’aura donc de cesse de détruire la cellule familiale. Un homme privé d’une famille structurée et forte sera plus fragile et donc plus facilement asservie.
- Idem pour l’école qui ne devra enseigner qu’une culture universelle. Une telle culture n’existant pas, le choix sera délibérément fait de réduire le savoir transmis par l’école à sa plus simple expression. Seuls en réchapperont les enfants des classes aisées qui sont – paradoxalement ? – celles qui militent le plus pour l’universalité.
- Enfin l’entreprise, en particulier l’entreprise locale, à échelle humaine, la plus respectueuse des salariés et de l’environnement, devra également disparaître. Pour l’homme universel, il faut une entreprise universelle. C’est la multinationale des uns ; l’Etat communiste des autres. Bien entendu, cette entreprise universelle annihilera tout son environnement, ce qui n’empêchera pas les universalistes de se proclamer écologistes. Ils proclameront alors qu’une « régulation » à l’échelle mondiale permettra de contrôler les entreprises mondiales. On attend déjà depuis longtemps les résultats de cette régulation.

L’homme universel se définit donc comme totalitaire, liberticide et ignorant. Sa haine pour toutes les racines est pathologique en plus d’être idéologique. L’universalisme est le vandalisme de l’esprit.

Toutefois, il faut également pointer du doigt les risques propres à l’homme enraciné, ne serait-ce que parce qu’ils sont faciles à éviter. Ces risquent consistent à croire aveuglément en la supériorité de sa culture, de sa civilisation, de ses racines sur toutes les autres. Cet aveuglement doit être combattu pour deux raisons :
- D’une part, il est impossible d’établir objectivement une hiérarchie entre les cultures puisque des systèmes de valeurs différents ne peuvent se comparer. Les uns privilégieront la technique ; les autres préféreront la spiritualité ou l’harmonie entre l’homme et la nature. Les uns accorderont beaucoup d’importance à la liberté de l’individu ; d’autres souhaiteront que l’individu s’efface presque totalement face aux objectifs de la communauté. Nier ces différences ou les hiérarchiser est le symptôme d’une pensée atrophiée par l’idéologie universaliste.
- D’autre part, cette volonté d’affirmer la « supériorité » de sa propre culture est habilement utilisée par les universalistes afin de réaliser leurs projets d’unification et de nivellement du monde. Que l’on songe par exemple à la manière dont la République Française, parangon de l’homme universel, a déclenché guerre sur guerre depuis sa création : ce fut d’abord les guerre révolutionnaires et napoléoniennes pour « universaliser » de force le reste de l’Europe ; ce fut ensuite l’édification d’un empire colonial, cette fois-ci pour apporter les principes universels au reste du monde ; de nos jours, ce sont les guerres humanitaires ou contre le terrorisme, dans le même but. Malheureusement la République française a été suivie sur cette voie par la plupart des nations occidentales, en particulier par la plus puissante d’entre elles : les Etats-Unis.

L’universalisme est d’ailleurs une maladie endémique de l’Occident. Cette maladie asservit et détruit principalement les occidentaux eux-mêmes. Mais les universalistes sont convaincus de pouvoir imposer leurs principes au reste du monde, si besoin est par la guerre, d’où une myriade de conflits dans le passé (colonisation et décolonisation) qui se prolongent dans le présent et le futur avec les guerres humanitaires. Evidemment, seul un homme enraciné peut prendre conscience que la raison principale de ces conflits réside dans la volonté d’imposer une culture universelle. Les tenants de l’universalisme, quant à eux, ne se sentent pas le moins du monde responsables de ces actions : ils ont agi pour le « bien » ; la création d’un monde meilleur et plus juste nécessite des « sacrifices » ; la préservation de la paix nécessite de faire la guerre, etc.

Notons enfin qu’il existe un autre ensemble géopolitique qui défend une vision universaliste du monde : l’Islam. Pris entre les divers universalismes occidentaux qui se succèdent [2] et l’universalisme musulman, le monde ne connaîtra jamais la paix.

A moins de rejeter l’homme universel, dans un cimetière militaire car c’est là qu’est sa place, et de redécouvrir l’enracinement.

Jan Van Hemart pour Novopress Flandre

[1] Nation, identité, région, pays, civilisation, spiritualité, etc.
[2] Chrétien puis républicain ; libéral ou communiste et enfin « droits de l’hommistes ».


 

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jeudi, 28 mai 2009

Mythes russes

Mythes russes

Présentation de l'éditeur
Contrairement aux Grecs, aux Indiens ou aux Iraniens entre autres, les Russes ne possèdent pas un ensemble cohérent de mythes sur les dieux païens, de textes sacrés antiques, de grands récits épiques. Mais ils disposent d'une vaste littérature de contes populaires évoquant les esprits les démons, de récits légendaires et merveilleux (avec l'effrayante Baba-Yaga), d'histoires qui racontent les exploits des premiers défenseurs de la Russie, de légendes où croisent des personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament, des saints, des ermites, des gens du peuple... Des formes non littéraires - rituels, proverbes, incantations, arts populaires... - déploient aussi dans sa diversité cette " mythologie " authentiquement russe. Celle-ci est marquée par une conception animiste de la nature, par la croyance en la magie et le culte des morts - des traits encore vivants aujourd'hui et que le christianisme, à travers l'" orthodoxie populaire a bien plus assumés qu'éradiqué.

Elizabeth Warner, Mythes russes, Seuil, 2005.

lundi, 27 avril 2009

Le symbole du triskell

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Le symbole du triskell

 

Par Karlheinz WEISSMANN

 

Parmi tous les mouvements “nationalistes” dans les provinces espagnoles, qui réclament l’autonomie voire la sécession par rapport au pouvoir central, le mouvement galicien est le plus faible. Mais même, là-bas, on prévoit un référendum sur le statut d’autonomie. Chez les Galiciens, la conscience  d’une particularité a de profondes racines. Ils font remonter leurs origines, comme les Asturiens d’ailleurs, aux tribus celtibères qui, jadis, avaient dominé la presqu’île ibérique au-delà des Pyrénées. Ils soulignent la parenté entre le terme latin de “Galicia” et celui de “Gallia”, le nom que les Romains donnaient aux territoires qu’habitaient les Celtes dans la France actuelle et en Italie du Nord. Cela nous explique aussi pourquoi nous trouvons chez les “nationalistes galiciens” un symbole par ailleurs fort répandu dans les milieux celtisants: un symbole à trois branches, que l’on appelle “triskell” en gaëlique, d’après le grec “triskellion”.

 

Par ce terme, on désigne un symbole constitué de trois demi-arcs ou d’un équivalent dont les composantes dérivent d’un triangle isocèle placé au milieu. On retrouve des représentations de triskell qui remontent jusqu’à l’âge de la pierre. On n’en connaît pas la signification exacte: sans doute s’agit-il, comme pour la croix gammée, d’un tourbillon ou d’un symbole solaire, mais, en tous les cas, il s’agit indubitablement d’un signe sacré. On le considère comme typiquement celtique probablement parce qu’on l’associe à la “trinacria”, une sorte de triskell constitué de trois jambes portant des pièces d’armure qui est le symbole attesté de l’Ile de Man depuis le 13ème siècle. Certes, ce n’est qu’en 1968 que la “trinacria” a été officiellement adoptée comme symbole héraldique et comme drapeau de l’Ile de Man, mais elle y était extraordinairement populaire depuis le moyen âge, surtout comme motif de tatouage pour les marins d’origine manxoise.

 

Dans le cadre de l’engouement romantique pour les racines, né au 19ème siècle, on a mis l’accent sur les traditions spécifiquement celtiques des Manxois et de leur symbole. Cela nous explique pourquoi le triskell, dans le mouvement général de la renaissance celtique, ne s’est pas seulement répandu dans l’Ile de Man, en Irlande et en Bretagne, mais aussi en Ecosse, au Pays de Galles, en Cornouailles et, par extension, aux autonomistes de Galice et des Asturies. Parmi les multiples essais de créer un drapeau commun à tous les peuples celtiques, citons l’ébauche significative que proposa le Breton Robert Berthelier dans les années 50. Il conçut un drapeau vert sur lequel il plaça deux triskell jaunes, chacun représentant trois des six peuples celtiques; le premier symbolisant les Ecossais, les Manxois et les Irlandais; le second, les Gallois, les Bretons  et les Corniques. 

 

En Bretagne, à cette époque-là, le triskell était déjà largement répandu parmi les autonomistes et les séparatistes et avait reçu, dans l’entre-deux-guerres, le statut de “symbole héraldique national”. Un fait le confirme: après la conquête allemande de la France en 1940, les partis collaborationnistes bretons l’ont utilisé, tablant sur sa ressemblance avec la croix gammée. Mais cela ne porta pas ombrage au triskell. Celui-ci demeure omniprésent en Bretagne aujourd’hui: sur les emballages des marchandises produites en Bretagne, dans les symboles des associations de tous ordres ou comme emblème sur les souvenirs qu’achètent les touristes. Les régionalistes, plutôt orientés à gauche, qui prirent leur envol dans les années 60 et 70, se sont servis du triskell sans hésiter, comme, par exemple, les séparatistes du SPV ou “Strollad Pobl Vreiz”. Le recours au triskell fut également le fait de l’ADSAV, du Parti National Breton, plutôt classé à droite et fondé en 1999.

 

Les mouvements celtiques ont carrément pris possession du triskell, mais cela nous a fait complètement oublier que ce symbole avait été reconnu officiellement dans une toute autre partie de l’Europe: en Sicile. Immédiatement après la fondation par Napoléon du nouveau royaume des Deux-Siciles, les Siciliens avaient recouru, pour leurs armoiries nationales, à une ancienne représentation du triskell, constituée, elle, de trois jambes nues et recourbées, entre lesquelles figuraient des épis; et au centre de ces épis, on trouvait une figure masculine coiffée de lauriers; plus tard, lors d’un soulèvement en 1848/49, année de bien des révolutions en Europe, les révoltés brandirent un drapeau tricolore italien (vert, blanc, rouge) frappé d’un triskell, appelé “trinqueta”, sur la bande blanche centrale.

 

Au vingtième siècle, le triskell a conservé en Sicile sa signification de symbole indépendantiste pour la population insulaire. Ainsi, les combattants de l’EVIS, un groupe de partisans qui s’étaient engagés pour l’indépendance de la Sicile et s’étaient soulevés en 1943/44, avaient un drapeau rouge et jaune frappé d’une “trinqueta”. Ce motif a été repris dans les années 80 par le “Movimento per la Independenza della Sicilia” qui milite aujourd’hui pour l’indépendance de l’île.

 

Karlheinz WEISSMANN.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°12/2009, trad. franç. : Robert Steuckers).

mardi, 14 avril 2009

Danses dionysiaques

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Danses dionysiaques

 

Une savante étude sur Les danses dionysiaques en Grèce Antique vient de paraître. Il s'agit de la troisième partie d'une thèse de doctorat soutenue par Marie-Hélène Delavaud- Roux en 1991 et dont les deux parties précédentes ont été publiées sous les titres de Les danses armées en Grèce Antique et de Les danses pacifiques en Grèce Antique. L'auteur écrit: «Dans ce qui suit, je donnerai aux qualificatifs des danses dionysiaques ou bachiques un sens très large. Il s'agit en fait d'un type de danse qui peut concerner d'autres divinités que Dionysos —Déméter, Cybèle et Adonis. Nous prenons donc les mots “dionysiaque” et “bachique” dans le sens d'“orgiaque”, par opposition aux manifestations orchestiques armées et pacifiques. Dans cette étude, nous engloberons aussi bien les danses liées à l'extase que celles liées à l'ivresse. Les premières semblent féminines, tandis que les secondes paraissent plutôt masculines. Cependant, nous verrons que les hommes peuvent dans certains cas effectuer des danses mystiques, rappelant les danses des derviches tourneurs». Le livre est abondamment illustré de dessins figurant sur les céramiques grecques. Il permettra à certains une approche intéressante des musiques traditionnelles de ce pays. La Grèce est un des rares pays européens où les traditions musicales (entre autres) sont encore réellement  vivantes. Pour les découvrir, il faut éviter les soirées “pour touristes”, se munir de l'excellent L'été grec  de J. Lacarrière, et emprunter des chemins qui, parfois, ne mènent nulle part (JdB).

 

Marie-Hélène DELAVAUD-ROUX, Les danses dionysiaques en Grèce Antique, Publications de l'Université de Provence, 29 avenue Robert Schuman, F-13.621 Aix-en-Provence Cedex 1,1995, 256 p.,170 FF.

mardi, 31 mars 2009

Evola, un penseur "gramscien" à historiciser

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1995

Evola, un penseur «gramscien» à historiciser

 

Entretien avec Marco Fraquelli

 

Récemment les pages culturelles de la presse quotidienne d'Italie se sont préoccu­pées d'Evola, parce qu'un philosophe en vue, Marco Fraquelli, classé à “gauche”, venait de publier un livre inattendu sur le penseur traditionaliste, intitulé significati­vement Il filosofo proibito (= “Le philosophe prohibé”), auprès de la maison d'édition milanaise Terziaria. Fraquelli travaille actuellement dans le domaine de la communi­ca­tion d'entreprise. Son travail fouillé sur Evola est issu d'une thèse universitaire qu'il avait présentée il y a quelques années sous la houlette de Giorgio Galli, qui lui est resté fidèle: il a rédigé pour l'édition grand public de cette thèse une introduction aussi pertinente que provoquante. Le Dr. Luca Gallesi a rencontré Fraquelli pour le mensuel politico-culturel romain, Pagine Libere. Voici une version française de leur entre­tien:

 

Q.: Vu la place que consacrent à votre livre les grands quotidiens nationaux, on pourrait croire que le nom et l'œuvre d'Evola soient enfin sortis du “ghetto” où on les avait exilés pendant tant d'années. La démoni­sation d'Evola n'est-elle plus qu'un souvenir? Le cordon sanitaire impénétrable que les bien-pensants avaient dressé autour de lui vient-il d'être levé?

 

MF: Sincèrement, j'aurais bien du mal à vous dire si cette démonisation vient de cesser ou non. En réalité, l'attention qu'une grande partie de notre presse consacre à mon livre, et donc à Evola, a une origine “anecdotique” et n'a rien à voir avec le contenu de mon travail. L'anecdote qui a déclenché cet intérêt, c'est le fait que j'ai présenté mon essai à la Casa della Cultura de Milan, un lieu où, traditionnellement, les gens de lettres classés à gauche se rencontrent. Le fait qu'on y parlait tout d'un coup d'Evola a suscité la curiosité des média... Evidemment si cela peut contribuer à évacuer le cordon sanitaire, tant mieux. Mais, entendons-nous bien, si je suis contre la démonisation d'Evola, je ne suis pas pour autant en faveur de sa revalorisation: je ne peux que répéter mon jugement critique et négatif à l'encontre d'Evola, mais je crois qu'il est plus utile pour tout le monde de présenter une approche exacte de l'œuvre évolienne, une ap­proche que je qualifierais d'“historicisée”, rien de plus.

 

Q.: En incluant Evola dans sa Storia delle dottrine politiche [= Histoire des doctrines politiques], Giorgio Galli, dans le chapitre qu'il consacre aux “théories élitistes”, réintroduit le penseur traditionaliste dans la culture universitaire officielle et hisse Evola au rang des auteurs qu'il s'agit désormais d'approfondir. Galli conclut les pages qu'il consacre à Evola en citant un passage de Chevaucher le Tigre  qui nous rappelle que l'apolitia  doit être le principe de l'homme différencié. Est-ce un mes­sage qu'il adresse aux lecteurs d'Evola qui auraient choisi la voie du militantisme politique?

 

MF: Sans doute. Mais je crois qu'il a voulu dire davantage que cela. Personnellement, je suis convaincu que l'œuvre d'Evola dans son ensemble  —et je fais allusion ici à toute sa production “métapolitique” des années 50 et 60—  avait pour but précis de fournir au néofascisme des référents idéels et politiques en vue de revitaliser une vision du monde antidémocratique. Mais cela n'implique pas, bien sûr, qu'il y ait un rapport mécanique entre la doctrine et la pratique. Cette dernière relève exclusivement de la responsabi­lité des militants. Quant au concept plus spécifique d'apolitia  —qu'une grande partie de la droite radicale, surtout celle qui se définit comme “traditionaliste”, utilise pour démontrer l'“impolicité” de la pensée évo­lienne—  je vous rappelle que pour Evola lui-même, il est évident que se référer à une dimension intérieure ne doit nullement bloquer l'action extérieure. Cela a été souligné par des exégètes reconnus de l'œuvre évolienne comme Freda et Romualdi, pour qui l'apolitia ne devait pas être une invitation à “se croiser les bras”, mais  —je cite Anna Jellamo—  devait être considérée “comme un moment de lutte, comme l'expression d'une non-action idéologiquement motivée et politiquement orientée, qui porte en soi les germes d'une victoire possible”.

 

Q.: Dans l'introduction à votre livre, Galli parle d'Evola comme “du fil rouge qui tra­verse toutes les expé­riences du néofascisme” et bon nombre de pages analysent la polémique anti-évolienne de ce qu'il est convenu d'appeler la “nouvelle droite” qui, en Italie, accuse la doctrine évolienne d'être un “mythe inca­pacitant”. Vous affir­mez, au contraire, qu'Evola est bien plus “gramsciste” que les “nouveaux gram­scistes de droite». Dans quel sens?

 

MF: Si on accepte, comme j'accepte, la définition que donne Revelli de la “nouvelle droite”, où cette droite est précisément celle qui fait sienne les conclusions du débat sur la crise de la politique, débat qu'avait proposé la gauche à partir de 1977. En acceptant les conclusions de ce débat, cette “nouvelle droite” (ND) choisit  —au détriment de tout politique institutionnelle, du moins temporairement—   de se consacrer à une action de “pénétration capillaire et extensive dans la société civile afin d'en orienter les mœurs et d'y enraciner sa propre conception du monde, c'est-à-dire, en termes gramsciens, afin de s'assurer l'hégémonie”. En tenant compte de cette définition de Revelli, on s'aperçoit immédiatement quel risque court la ND: celui d'être prisonnière d'un déterminisme, c'est-à-dire celui de croire que l'hégémonie poli­tique doit automatiquement suivre l'hégémonie culturelle. Ce risque, comme je le rappelle d'ailleurs dans mon livre, a pourtant été mis en évidence dans les cercles mêmes de cette droite, par exemple par Giano Accame  —qui affirme la nécessité d'ancrer le discours [révolutionnaire/rénovateur] dans un référent po­litique précis qui n'est autre que la “communauté nationale”—  et par Francesco Fransoni, jeune plume de la Nuova Destra italienne, qui a consacré tout un livre à cette problématique. Pour ce qui concerne Evola, je pense pouvoir dire que ce risque, justement, ne se pose pas. Dans l'œuvre évolienne, on ne trouve par la moindre faiblesse de type déterministe: la politique et la culture sont des entités qui avancent toujours d'un même pas, en s'informant et en se complétant tout à tour. C'est en ce sens-là qu'Evola est “gramscien”.

 

Q.: En posant votre regard sur l'enseignement d'Evola, vous soutenez la thèse que les analyses des nouvelles droites sur son œuvre révèlent des limites majeures, no­tamment dans cette attitude à vouloir coûte que coûte isoler la catégorie du “politique” de toutes les autres catégories. Dans quelle mesure?

 

MF: Je me rappelle d'un thème récurrent de la ND italienne: celui de l'“impolicité” de l'œuvre évolienne. La ND soutient que la seule issue du traditionalisme intégral d'Evola ne peut être que l'“impolicité”; en d'autres termes, que le traditionalisme ne peut avoir aucune influence du point de vue existentiel. Je me demande quelle autre finalité pourrait avoir une attitude existentielle précise sinon celui de prédisposer l'individu à une vision du monde qui comporte inévitablement un choix de type politique, voire implique un positionnement politique. Sans doute suis-je un peu trop “pasolinien” [disciple de Pasolini]  —en cela je dois reconnaître que cet autre exégète d'Evola, Gianfranco De Turris, a probablement raison—  mais ja­mais je ne me risquerais à affirmer que la sphère politique est entièrement détachée de toutes les autres sphères de l'existence (sphère culturelle, sphère religieuse, etc.), comme me semble l'avoir fait cette pensée de droite.

 

Q.: Etes-vous d'accord avec ceux qui disent que si Evola était né cinquante ans plus tard, il aurait été hippy? Car, au fond, il a été dadaïste, a goûté à tous les types de drogue, et a toujours été, en tout, un véritable anti-conformiste...

 

MF: Franchement, non, je ne suis pas d'accord. Mais je ne veux par formuler de jugement de valeur. La culture hippy se caractérise par une soif quasi inextinguible de liberté [au sens libertaire du terme], qui domine les rapports entre les individus. Evola a fait et expérimenté tout ce que vous venez d'évoquer (et même plus...) mais il n'a certainement jamais été un “libertaire”; Evola a été  —ce que souligne très bien Giorgio Galli dans la préface à mon essai—  un représentant significatif d'une culture occidentale, certes “alternative”, mais de type traditionaliste, se basant sur les valeurs organiques et hiérarchiques.

 

Q.: Dans votre conclusion, vous soulignez l'actualité de la doctrine politique d'Evola, qui, selon vous, a été sanctionnée par la mobilisation des thèmes évoliens chez bon nombre de protagonistes de la “droite effervescente” (c'est-à-dire celle qui a recouru au terrorisme et au “spontanéisme armé”). Ne vous semble-t-il pas que le “spontanéisme armé”, romantique, passionnel et irrationnel, ou que les vilénies du terrorisme  —dont la matrice politique reste entièrement à démontrer!—  ont finale­ment très peu de choses en commun avec celui qui a préconisé la distance absolue et l'“agir sans l'agir”?

 

MF: Je pourrais vous répondre par une provocation: seule une distance absolue peut soutenir l'action de celui qui se prépare à commettre un acte terroriste, voire un massacre d'innocents... Mais le problème est ailleurs, au-delà des sentiers battus. Comme je vous l'ai déjà dit, je crois avoir été très clair: il serait par­faitement malhonnête, sur le plan intellectuel, de chercher des connexions mécaniques entre les paroles du “Maître” et les comportements des certains de ses “élèves”. Mais je n'accepte pas pour autant l'image d'Epinal, totalement “impolitique”, qui est celle de l'Evola que veulent nous vendre les droites depuis une vingtaine d'années; j'ai voulu démontrer que l'œuvre d'Evola est difficilement “transférable en actes”, tâche qui pourrait même être carrément impossible, mais qu'elle reste néanmoins une pensée politique, dont les catégories ont été utilisées par d'autres hommes politiques ou idéologues, n'appartenant pas à la “droite effervescente”, mais à une tradition antérieure à Evola, pour orienter leur praxis politique. Reste à évoquer l'influence générale de nature existentielle qu'à mon avis l'œuvre d'Evola a indubitablement exer­cée; cette quête et cette exploration de l'œuvre, quand elles ont été poursuivies avec lucidité, quand elles se sont évidemment démarquées de toutes expériences “effervescentes” [“éversives”] ou terro­ristes, ont plus simplement voulu fournir des directives politiques, donner des lignes de conduite idéales, afin de maintenir à flot ou de sauver une vision du monde rigoureusement anti-démocratique.

 

(propos recueillis par le Dott. Luca Gallesi, parus dans le mensuel romain Pagine Libere, n°4/1995; adresse: Pagine Libere, Via Margutta 19, I-00.187 Roma; abonnement annuel, douze numéros: Lire 85.000).

vendredi, 20 mars 2009

Ernst Jünger et le retour aux Grecs

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Ernst Jünger et le retour aux Grecs

 

 

(conférence d'Isabelle Fournier lors de l'Université d'été de la FACE, juillet 1995)

 

L'œuvre jüngerienne est, selon l'auteur lui-même, divisée en deux parties, un “ancien testament” (1920-1932), dont le fleuron est Le Travailleur (1932) et un “nouveau testament”, commencé par Sur la douleur. Pour Jünger, comme pour tous les hommes de culture en Europe, le recours aux Grecs est une démarche essentielle, malgré l'irrevéresibilité de l'histoire. Aujourd'hui, époque nihiliste, la clef de voûte de la civilisation hellénique, c'est-à-dire la Cité, s'effondre. L'homme libre doit la quitter, retourner à la forêt, au resourcement.

 

Dans l'œuvre jüngerienne, le symbolisme de la Cité est essentiel. Du temps des Grecs, la Cité s'opposait au chaos des périphéries incultes et sauvages. Mais cette Cité, symbole de l'empire que l'homme est parfois capable d'exercer sur lui-même, est périssable, comme nous le constantons, constat qui autorise à proclamer son imperfection. Jünger s'intéresse à la signification de cette mort des cités. Dans le monde grec, la Cité, justement, permettait d'élaborer, à l'abri du chaos, une pensée rationnelle, se substituant progressivement au mythe, fondateur de la culture initiale. L'esprit grec est celui qui a inscrit la pensée humaine dans la mémoire et la durée. C'est Hérodote qui fait passer l'hellénité du mythe à l'histoire. C'est aussi dans cette intersection que se situe Thucydide. Mais cette construction va s'éroder, s'effondrer. Nous sommes alors entrés dans l'âge des cités imparfaites.

 

Les cités imparfaites découlent de la dévaluation des valeurs supérieures: elles annoncent le nihilisme. La décadence est le concours de l'érosion de l'autorité spirituelle, de la dissolution des hiérarchies et du déclin de la langue. Le temps des virtualités religieuses est épuisé, l'unité mentale du peuple n'existe plus, les fidélités communautaires sont fissurées, on rompt avec le mos majorum. La Cité des Falaises de marbre est une de ces cités imparfaites, où il n'y a plus unité de culte, où les rites funéraires sont en déchéance, banalisés par la technique, où le sacré se retire, où la raison n'est plus qu'un outil de puissance. Mais Jünger sait surtout que l'on n'exhume pas les dieux morts. Dans Heliopolis, il se penche sur cette question du vide laissé par ces dieux et place cette autre cité imparfaite qu'imagine son génie poétique, à l'enseigne des néo-spiritualismes, palliatifs éphémères et maladroits à cette déchéance. Toute chute est précédée d'un affaiblissement intérieur, nous dit Jünger. Comment supporter ce déclin, qui est en même temps terreur? Par la fuite. Les héros jüngeriens présentent dès lors des itinéraires individuels tout de solitude, de nostalgie du monde originel, d'inquiétude existentielle. Ils sont volontairement des étrangers à l'histoire.

 

Œuvre et des cités primordiales et des cités imparfaites, l'œuvre de Jünger est aussi celle qui tente de donner un sens à cette fuite. L'homme peut-il guérir d'un monde foncièrement vicié? Oui, à condition de passer par l'athanor de la souffrance (de la douleur). Oui, à condition de recourir aux archétypes féminins, de retourner à la Grande Mère, retour qui est simultanément “réhabilitation du temps”.

 

(notes prises par Etienne Louwerijk et Catherine Niclaisse).

jeudi, 12 mars 2009

De traditionele Vlaamse Studentenbeweging

Vlaamse Studentenbeweging

De traditionele Vlaamse Studentenbeweging

Ex: http://onsverbond.wordpress.com/

De oorspronkelijke betekenis van de Vlaamse studentenbeweging.

De traditionele katholieke Vlaamse studentenbeweging verenigde alle katholieke en conservatief-nationalistische studentenclubs in de geest van Albrecht Rodenbach en zijn Blauwvoeterij. Rodenbach stelde zijn talenten en energie ten dienste van wat hij de ‘Vlaamsche studentenkamp’ noemde, de toen opkomende katholieke Vlaamse studentenbeweging. In zijn krachtige oproep tot nationaal zelfbewustzijn ligt Rodenbachs voornaamste betekenis en daarvoor inspireerden generaties studenten zich op hem, zelfs tot op heden. Hij onderstreepte de eigen rol die de studerende jeugd daarin te vervullen had en gaf aan zijn generatiegenoten een zendingsbewustzijn dat sindsdien gemeengoed werd bij katholieke scholieren en studenten[1]. Op methodologisch vlak ontdekte hij de kracht van zang en toneel voor de propagandistische werking. Alzo bleef toneel tot de jaren 1930 een typische activiteit van de studentenbonden. Door het ontwikkelen van de Blauwvoetromantiek reikte Albrecht Rodenbach bovendien de vele studentengeneraties een symboliek aan, waarvan hij zelf ten gevolge van zijn vroegtijdige dood ook een onderdeel werd. Daardoor werd hij binnen de traditionele Vlaamse studentenbeweging een echte mythe[2].

Rodenbachs opvolgers streefden er tevens naar het clubleven stijlvol te laten verlopen. Zo introduceerde Jef vanden Eynde stijl in de studentenbeweging, terwijl Mon De Goeyse vanden Eyndes stijlgebruiken verder uitwerkte en perfectioneerde door onder meer de clubcodex op te stellen. De drie voornoemde studentenleiders vormden de Vlaamse studentenbeweging naar de Duitse studententradities, meer bepaald naar het model van de Duitse Burschenschaften. De Vlaamse studenten raakten zo eigen aan deze traditie, dat zij later zelfs niet meer beseften dat deze van Duitse oorsprong was[3].

Een ander belangrijk gegeven is dat de tradities van de Vlaamse studentenbeweging ontwikkeld werden binnen het Vlaamsch Verbond aan de Katholieke Universiteit van Leuven. In 1911 namen dit Leuvense Vlaamsch Verbond en de Gentse Rodenbachs Vrienden gezamenlijk de naam Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond van België (KVHVB) aan. Vanuit Leuven werden deze studententradities verspreid naar de andere studentensteden. Het is ook daardoor dat zich onder de Leuvense overkoepeling der Vlaamse studentenclubs, namelijk KVHV-Leuven, zowel de andere KVHV-afdelingen als de regionale studentenclubs plaatsten[4].

De Vlaamse studentenbeweging was ook een samenhangend geheel: nagenoeg alle katholieke studenten waren politiek conservatief-nationalistisch en hingen de Vlaamse studententradities aan. Ze beschouwden zichzelf ook duidelijk als een onderdeel van de Vlaamse Beweging en fungeerden als één geheel wanneer het overkoepelende bestuur opriep voor grote manifestaties, zoals de Groot-Nederlandse Studentencongressen, de Ijzerbedevaarten, de vernederlandsing van de Rijksuniversiteit Gent, de Koningskwestie, de Schoolstrijd, de sluiting van de mijn van Zwartberg, Leuven Vlaams enzovoort[5].

Er was in de Vlaamse studentenbeweging ook altijd een streven naar volksverheffing, opvoeding, vorming, bewustzijn van eigenwaarde en fierheid. Dit gaat terug op het beeld dat Albrecht Rodenbach had van de Vlaamse nationaliteit, die hij weerspiegeld vond in het door Joseph Kervyn de Lettenhove geïdealiseerde oude Kerelsvolk met zijn vrijheidsdrang, zijn ontembare fierheid, zijn heldenmoed, zijn trouw aan de ruwe Noordse aard en gebruiken. Met zijn studentenbeweging wilde Rodenbach een Kulturkampf voeren, het volk wekken tot een nationaal bewustzijn door de herbronning van het onderwijs, de kunst en de gehele cultuur van volkstradities. Alleen zo kon volgens hem het land gered worden van de verfransende loge. Albrecht Rodenbach was de harstochtelijkste vertegenwoordiger van de nationale heldenromantiek in Vlaanderen. De jaren 1877-1879 waren voor zijn letterkundige bedrijvigheid ongemeen vruchtbare jaren. In 1879 werd hij door de stad Antwerpen bekroond voor zijn drama ‘Gudrun’. De traditionele Vlaamse student was ook onmiskenbaar politiek actief, zonder onderhevig te zijn aan enige druk van buitenaf. Dit was de kracht van de traditionele student: de enige vrije, ongebonden denker in de maatschappij. Rodenbach zag de wederopstanding van zijn volk als de taak van een elite, die door overtuiging en overredingskracht de massa zou bezielen en de macht veroveren om in een Groot-Nederlands perspectief de doelstellingen van de Vlaamse Beweging te verwezenlijken[6].

Herkomst van de Vlaamse studentenbeweging.

De Vlaamse studentenbeweging ontstond omstreeks 1870 in de West-Vlaamse colleges met de Blauwvoeterij van Albrecht Rodenbach, waarbij de scholieren beïnvloed werden door een militante Zouavenbeweging[7] en door de ideologische strijd tussen klerikalen en anti-klerikalen. De West-Vlaamse scholieren paarden, onder invloed van hun priesters-leraars, een strijdend anti-liberalisme met een nationalistisch conservatisme, daar enkel door het behoud van de Vlaamse taal, godsdienst en zeden de rationalistische en ongodsdienstige Franse invloed kon worden tegengegaan[8]. De oorsprong van de studentenbeweging dient gezocht te worden bij de Duitse Burschenschaften, waarin Duitse studenten zich verenigden om het vaderland te bevrijden van de Napoleontische overheersing. Studenten in heel Europa raakten in de ban van hun romantische en nationalistische ideeën en tradities die ook Vlaanderen bereikten[9].

De Blauwvoeterij van Rodenbach, een dichter en een knap organisator, streefde de hergeboorte van een bewust Vlaams volk na en zocht hiervoor inspiratie in het romantische verleden van Vlaamse grootheid, zoals Hendrik Conscience dat geschetst had. Deze beweging deed met zijn typische symboliek (bijvoorbeeld de Blauwvoet, een mythische stormvogel), gedichten en liederen ook een nieuwe jeugdcultuur ontstaan. Vanaf 1876 zetten Rodenbach en zijn gezellen hun actie verder aan de Leuvense universiteit, waar zij een enorme organisatorische activiteit ontwikkelden. Om de studentenbeweging ook op nationaal vlak te organiseren riepen Albrecht Rodenbach en Pol De Mont in Gent in 1877 een algemene Vlaamse studentenbond in het leven, die echter na de vroegtijdige dood van Rodenbach in 1880 uiteenviel[10]. Rodenbach organiseerde dit verbond naar het voorbeeld van de Duitse Burschenschaften. Hij wou “een soort Vlaamsche Burschenschaft” en “een soort van strijdende Vlaamsche Knapenschap, om alzo de Vlaamsche Beweging te schenken, hetgeen de almachtige zegevierende Burschenschaft indertijd de Duitsche Beweging bijbracht”[11]. Op deze basis entte de traditionele Vlaamse studentenbeweging zich.

Albrecht Rodenbach wordt terecht beschouwd als dé bezieler van het Vlaamse studentenleven en werd dan ook door sommigen bijna mythisch vereerd. Zijn vroege dood (op vierentwintigjarige leeftijd) speelde hierin uiteraard mee. Hij werd het symbool en het ideaal van de Vlaamse studentengenootschappen. Zijn werkkracht, idealisme, sterk Vlaams volksgevoel en organisatorisch talent hadden een grote indruk op de studenten gemaakt. Zij droegen dan ook zijn naam en ideeën over op de volgende studentengeneraties. Het enorme morele gezag dat hij na zijn dood kreeg, maakte dat al zijn uitspraken en voorbeelden een steeds absolutere waarde kregen. Op die manier reikte hij de Vlaamse studentenbeweging de argumenten aan, die de invoering van de Duitse studententradities na 1900 rechtvaardigden. Rodenbach lag aldus niet alleen aan de grondslag van de Blauwvoetsymboliek, die hij zelf schiep, maar ook - indirect - aan die van de Vlaamse studententradities, die van Duitse oorsprong zijn[12].

Na 1880 begon de uitbouw van een Vlaams studentenleven te Leuven in de geest van de Blauwvoeterij met de oprichting van regionale (stads- of streekgebonden) clubs en (provinciale) gilden. De Vlaamse studenten wilden zo ontsnappen aan het Franstalige en vaak door professoren geleide studentenleven. Er ontstond ook een eigen Vlaamse studentencultuur, omdat zij zich wilden onderscheiden van de Franstalig-Belgische studententraditie. Na 1900 was er ook een Duitse invloed op het Vlaamse studentenleven, enerzijds vanuit een romantische interesse voor de Duitse studententraditie en anderzijds vanuit de behoefte zich te onderscheiden van de Waalse studenten. Zo werd in 1907 een eigen Vlaamse studentenpet ingevoerd naar Duits model. De regionale clubs en gouwgilden bleken echter al vlug Vlaamse gezelligheid te verkiezen boven politieke strijd. Daarom ontstond een kernwerking: de meest overtuigden verenigden zich in vijf provinciale strijdersbonden. Zij moesten - met succes - binnen de gilden de politieke actie aanwakkeren. In 1902 sloten deze vijf Vlaamse gouwgilden zich aaneen tot het Vlaamsch Verbond, dat zich in 1923 omvormde tot KVHV-Leuven. Van de jaren 1880 tot halverwege de 20ste eeuw zou de Vlaamse studentenbeweging te Leuven op hetzelfde stramien gebaseerd blijven: aan de basis regionale gezelligheidsverenigingen, die het voetvolk leverden voor de grote manifestaties; aan de top de radicale kern van het KVHV, die de strekking van de beweging bepaalde[13].

Rodenbachs geest bleef dus voortleven en, na een mislukte poging in 1890, ontstond in 1903 - een jaar na de stichting van het Vlaamsch Verbond als overkoepeling van de studentengenootschappen - een overkoepeling van de scholierenbonden aan de colleges: het Algemeen Katholiek Vlaamsch Studentenverbond (AKVS). De scholieren- en studentenbeweging vulden elkaar zeer goed aan. De als scholier genoten vorming zorgde er voor dat de jongeren reeds als flamingant aan de Leuvense universiteit toekwamen, waar zij zich bij het KVHV aansloten. Vele KVHV-kopstukken speelden tevens een leidende rol in het AKVS, waardoor de samenhang van de beweging verzekerd was. Als jongerenafdeling van de Vlaamse Beweging stelde de katholieke Vlaamse studentenbeweging zich tot doel de leden te vormen voor hun taak in de maatschappij, maar hen tegelijk ook te richten op een actieve participatie aan de Vlaamse ontvoogdingsstrijd. Rodenbach had de collegeleerlingen voorgehouden dat ze zich tijdens hun opleidingsperiode moesten ontwikkelen tot authentieke Vlamingen: in taal, karakter (fier en trouw), gedrag (beleefdheid) en in kleding. Hiertoe moesten de eigen taal en geschiedenis bestudeerd worden[14].

De Vlaamse studententraditie is dus van oudsher van katholieke en conservatieve inslag. Door het prominent aanwezige katholicisme was het dan ook niet meer dan normaal dat deze beweging ontstond aan de Katholieke Universiteit van Leuven. De rol van de in de 19de eeuw verdienstelijke vrijzinnig-flamingantische studentenbeweging was na de Eerste Wereldoorlog uitgespeeld[15]. Het boek ‘Het aktivistisch avontuur’ van Daniël Vanacker geeft bijvoorbeeld een uitstekend beeld van de Gentse tegenhanger van de katholiek-flamingantische studentenbeweging. Daarnaast schetst dit werk ook zeer goed het experiment met de studentenbeweging aan de door de Duitsers vernederlandste universiteit in 1916-1918: men wou toen immers vrijzinnige en katholieke studenten door een godsvrede doen samengaan in een studentenkorps naar Nederlands model. Hiertoe richtte men het Gentsch Studentencorps Hou ende trou op[16].

Aan het eind van de 19de eeuw trad het cultuurflamingantisme op de voorgrond in de Vlaamse Beweging. Dit stelde dat de Vlaamse Beweging meer moest zijn dan een taalstrijd en het Vlaamse volk ook geestelijk en materieel diende te verheffen. Figuren als Lodewijk Dosfel en Frans Van Cauwelaert vertolkten dit cultuurflamingantisme in de studentenbeweging. Er ontstond onder de Leuvense studenten ook een stroming die zich afzette tegen het vrijblijvende ‘bierflamingantisme’ van de clubs en de gilden. Het Leuvense cultuurflamingantisme kende een hoogtepunt ten tijde van de grote studentenleider Jef vanden Eynde, praeses van het Vlaamsch Verbond (KVHV) in 1905-1907, die het Vlaamse studentenleven cultureel wou verheffen. Daartoe haalde hij toondichters, letterkundigen en Vlaamse voormannen naar Leuven voor voordracht-, muziek- en toneelavonden. Ten gevolge hiervan richtten nu ook de gouwgilden dergelijke avonden in. Van Ons Leven, het tijdschrift van het Vlaamsch Verbond, waarvan vanden Eynde zeven jaar hoofdredacteur was (1901-1908), maakte hij een hoogstaand weekblad, waarin de Vlaamse kunst een aanzienlijke plaats kreeg. Ook het studentenlied werd op een hoger echelon geplaatst[17].

Jef vanden Eynde schreef zelfs eigenhandig enkele studentenliederen, waaronder de tekst en de muziek van het Verbondslied van KVHV-Leuven. Hij vertaalde ook een groot aantal Duitse studentenliederen in het Nederlands. Het was ook vanden Eynde die in 1907 - steeds bekommerd om stijl in het studentenleven - de slonzige groene studentenpet verving door de keurige Duitse studentenpet. Iedere gouwgilde kreeg zijn eigen kleur. Vanden Eynde had een hekel aan boertigheid, idioot gedrag en zuipfestijnen: hij wou dat de Vlaamse studenten zich stijlvol gedroegen. Hij was ook lid van de Duitstalige Katholische Akademische Verbindung Lovania[18], die bekend stond om zijn stijl en tucht en zijn leden daarop selecteerde. Dit genootschap van Duitstalige studenten oefende tevens een enorme invloed uit op het beeld dat de Vlaamse studenten hadden van de Duitse studententradities. Ook introduceerde Lovania het Lebensbund-principe, dat oud-studenten verplicht om hun studentenvereniging materieel te blijven steunen. Vermeldenswaard is ook nog dat vanden Eynde, die over een aanzienlijke erfenis kon beschikken, zijn talloze initiatieven - muziek- en toneelopvoeringen, artiesten, drukwerk en Ons Leven - grotendeels uit eigen zak betaalde. Hij was dan ook enorm verarmd, toen hij Leuven verliet. Niet voor niets vermeldde het opschrift op zijn grafsteen: “Hij was de belangeloze en offervaardige bezieler en weldoener van kunst en volksverheffing in Vlaanderen”[19].

In dezelfde periode, vlak voor de Eerste Wereldoorlog, woedde ook de strijd voor de vernederlandsing van het onderwijs. Het uitblijven van concrete wetgevende resultaten versterkte de nationale reflex bij de studenten. Hierdoor werd binnen de studentenbeweging de politieke strijd meer benadrukt, waardoor het godsdienstige meer op de achtergrond raakte, terwijl ook de autonomie tegenover de kerkelijke overheid beklemtoond werd[20] .  Reeds vóór de Eerste Wereldoorlog ontstond hierdoor binnen de Vlaamse studentenbeweging een radicale en anti-Belgische strekking[21]. Dit zette zich na de oorlog door vanwege de wet-Nolf, die de Gentse universiteit slechts half vernederlandste, en vanwege de als onrechtvaardig aangevoelde behandeling der activisten, waaronder veel voormalige studentenleiders zoals Lodewijk Dosfel en August Borms.

Het ware pionierswerk inzake studentikoze gebruiken en tradities van Jef vanden Eynde werd verder gezet door diens geestelijke erfgenaam Edmond De Goeyse, die in 1925 in Leuven Germaanse filologie kwam studeren en er in 1933 promoveerde tot doctor. Hij stichtte onder meer het Brussels Katholiek Studentencorps, waarvan hij ook vijf jaar praeses was (1925-1930). Door de Duitse studentikoze regels en gebruiken die De Goeyse introduceerde in zijn club zou deze tot na de Tweede Wereldoorlog voor het Vlaamse traditionele studentenleven model staan voor een stijlvolle studentikoziteit[22].

‘Mon’ De Goeyse streefde naar een volledige hervorming van de Leuvense studententradities naar Duits model. Hij stichtte hiertoe, naar Duits voorbeeld, het Seniorenkonvent (SK), bestaande uit de clubvoorzitters van iedere Leuvense studentenvereniging. Hiervoor schreef hij ook, opnieuw naar Duits model, een eigen Vlaamse clubcodex. Het doel van het SK was binnen het kader van het KVHV het clubleven te ordenen en meer stijl te geven door de studentikoze en traditionele aspecten van het studentenleven voor zijn rekening te nemen. Dit succesvolle initiatief grondvestte het studentenleven op traditie, stijl, tucht en levenslange kameraadschap. De Goeyse wou hiermee de onbeschaafdheid en het gebrek aan ‘voornaamheid’ van het Vlaamse studentenmilieu tegengaan[23]. Een ex-Lovaniensis, Rik Wyckmans, zou in 1934 te Gent met succes ook een SK oprichten en er de clubcodex invoeren. De Vlaamse studententradities, zoals ze door Mon De Goeyse werden vastgelegd in de clubcodex, werden door de meeste studentenclubs en faculteitskringen in andere studentensteden overgenomen. Hierdoor overkoepelde het KVHV dus zowel de regionale als de faculteitsclubs[24]. Veel later zou Edmond De Goeyse in Leuven nog het Archief en Museum van het Vlaams Studentenleven (AMVS) oprichten, waarvan hij tevens de eerste conservator was. Dit AMVS is gevestigd in de Centrale Universiteitsbibliotheek, Mgr. Ladeuzeplein 21, 3000 Leuven. De verzameling omvat talloze foto’s, affiches, clubvaandels, studentenlinten en -petten en andere attributen met betrekking tot het traditionele studentenleven.

Aldus werd de traditionele Vlaamse studentenbeweging in de geest van Albrecht Rodenbach en zijn Blauwvoeterij gevormd naar het model van de Duitse Burschenschaften, terwijl Jef vanden Eynde stijl bracht in de Vlaamse studentenbeweging door de introductie van Duitse studentengebruiken. Mon De Goeyse inspireerde zich eveneens op Duitse voorbeelden om hierop qua stijl en organisatie van het studentenleven verder te werken.

Hoe en waarom veranderde de betekenis van de Vlaamse studentenbeweging?

Mei ‘68 markeerde voor de Vlaamse studentenbeweging het einde van een periode van bijna 100 jaar waarin de Vlaamse ontvoogdingsstrijd centraal stond. Door de democratisering van het onderwijs stroomden sinds het midden van de jaren 1950 massa’s studenten uit de lagere bevolkingsklassen naar het hoger onderwijs, waardoor de studentenpopulatie een enorme aangroei kende. Deze hadden eerder een boodschap aan de sociale strijd dan aan het katholiek flamingantisme en wendden zich dan ook tot het marxisme. Zij beschouwden zichzelf als ‘intellectuele arbeiders’, in plaats van als de ‘leiders van morgen’. Een steeds grotere groep studenten plaatste zich buiten het georganiseerde studentenleven, waardoor het KVHV zijn traditionele achterban verloor. Hierdoor transformeerde de katholiek-flamingantische studentenbeweging in een marxistische studentenbeweging, die tot ver in de jaren 1970 zou overheersen. Het feit dat bijvoorbeeld de Marxistisch-Leninistische Beweging (MLB) uit het KVHV ontstond, spreekt boekdelen. De katholiek-flamingantische stroming sprak sindsdien nog slechts een kleine minderheid der studenten aan[25].

De studentenelite bleef verzamelen rond de Vlaamse leeuw tot op het einde van de jaren 1960. Nadien verloor het KVHV zijn invloed op de studentenbevolking. De clubs gingen hun eigen weg en de politieke vleugel van de oude studentenbeweging geraakte geïsoleerd en zelfs gemarginaliseerd. De Vlaamse studentenbeweging, zoals ze gegroeid was sinds Albrecht Rodenbach, bestaat vandaag niet meer. De neergang van het KVHV als representatieve Vlaamse studentenorganisatie is hier de hoofdoorzaak van. We zagen aldus een inkrimping van het politieke studentenpubliek dat de Vlaamse studententradities hanteert, maar ook een brede verspreiding van deze tradities in apolitieke kringen sinds de jaren 1980[26].

De sociaal-progressieve stroming binnen het Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond meende dat men zich moest richten op de grondige veranderingen die plaatsvonden in de studentenwereld. Het KVHV begon dan ook vanaf 1962 afstand te nemen van de traditionele studentencultuur, dat het beschouwde als een remmende factor, en ging zelfs de pluralistische toer op. Hierdoor verhuisde een groot deel van de traditionele, conservatief-nationalistische vleugel naar de toenmalige Vlaams-Nationalistische Studentenunie (VNSU), die daardoor een opmerkelijke groei kende en spoedig het KVHV overtrof in ledenaantallen. Er gaapte dus een kloof tussen de marxistische, anti-klerikale top van het KVHV en de traditionalistische basis. Daarbovenop kwam nog dat de progressieve studentenleiders begonnen te vervreemden van de Vlaamse Beweging. In 1967 werd ook het Faculteitenkonvent (FK), tot dan een onderdeel van het KVHV, een zelfstandige organisatie, omdat de faculteitskringen zich niet langer konden verzoenen met de koers van het KVHV. Bovendien zat het KVHV in 1967 bijna volledig aan de grond. Vanwege het hevige verzet besefte het progressieve bestuur van het KVHV dat deze traditioneel-conservatieve studentenbond niet de juiste voedingsbodem was voor een studentenrevolte. Daarom verlieten de progressieven in 1967 het KVHV, om in 1970 de Marxistisch-Leninistische Beweging te stichten. De hegemonie van het KVHV over de studentenbeweging was op dat moment voorgoed gebroken en het grootste deel van het actieve kader had het KVHV verlaten. Op het einde van de jaren 1970 zorgde een steeds verder schrijdende depolitisering er voor dat politiek engagement in het studentenmilieu een marginaal gegeven werd [27].

Marxistische studentenverenigingen, zoals Alle Macht Aan De Arbeiders (AMADA) en MLB, betekenden felle concurrentie voor KVHV en VNSU, wat tot felle verdeeldheid leidde binnen de flamingantische studentenverenigingen. Zo kwam bijvoorbeeld in 1968 de Gentse VNSU-praeses Vic Van Branteghem in conflict met zijn eigen praesidium, wat hem tot opstappen noodzaakte. Dezelfde dag nog richtte hij het sinds een jaar verdwenen KVHV-Gent weer op, waarmee hij de Gentse VNSU zeer zware concurrentie aandeed en spoedig zelfs overvleugelde. De verdeeldheid in de conservatief-nationalistische rangen zette zich verder in de jaren 1970, mede dankzij de progressieve studentenverenigingen die van de KUL en de VUB maoïstische bolwerken maakten, terwijl trotskisten en anarchisten vooral in Gent sterk stonden. Als reactie daarop benadrukte het KVHV, dat verworden was tot een hoofdzakelijk culturele organisatie, opnieuw meer de eigen oude conservatief-nationalistische tradities. Hierin werd het aan het einde van de jaren 1970 nagevolgd door de pas opgerichte Nationalistische Studentenvereniging (NSV), dat zich ook als een traditionele, studentikoze vereniging manifesteerde met onder meer een eigen studentenpet en nauwe contacten met de Duitse Burschenschaften. Het terugvinden van de wortels van het oude KVHV uitte zich in 1974 in Gent in een protestactie van het KVHV - die op een ware veldslag tegen gewapende leden van MLB en AMADA uitliep - tegen een progressieve vertolking van het toneelstuk ‘Verschaeve’. Deze heropleving van de oude katholieke tradities beperkte zich tot een minderheid van de studentenpopulatie. De VNSU was ondertussen de marxistische toer opgegaan en daardoor verschrompeld tot een kleine progressieve kaderledenorganisatie[28].

Een andere oorzaak van de versplintering binnen de politieke vleugel van de Vlaamse studentenbeweging was de ideologische discussie over het doel van de Vlaamse Beweging. Politieke discussies slorpten bijvoorbeeld binnen het KVHV alle energie op en ook partijpolitieke invloed liet zich gelden. Zo verdrong de duidelijk met de Volksunie verbonden VNSU in Gent het KVHV van de flamingantische studentenmarkt vanaf het einde van de jaren 1950. De VNSU wedijverde ook in andere studentensteden met het KVHV. Alleen al het bestaan van de VNSU naast het oude, traditonele KVHV toont de versplintering in de politieke vleugel van de flamingantische studentenbeweging aan[29]. Hierbij dient wel opgemerkt te worden dat de VNSU geen traditionele, maar wel een louter politieke studentenvereniging was.

Een opvallend verschil tussen traditionalisten en progressieven is het woordgebruik van vóór en ná 1968, waarvan de titels van de algemene studententijdschriften een weerspiegeling zijn. Zo was er vroeger Ons Leven (Leuven, bestaat nog steeds), Aula (Gent) en De Geus (Brussel), terwijl vandaag Veto (Leuven), Schamper (Gent) en De Moeial (Brussel) die rol vervullen. Ook de typische studententaal kwijnde door de algemene vervlakking weg na mei ‘68. Daardoor zijn heden vele begrippen uit de studententaal onbekend bij de Vlaamse studenten. Deze zijn uitgestorven en soms vervangen door bargoense woorden. Zo is ‘pandoer’ vervangen door ‘flic’, een woord uit de Franse dieventaal. Ook de triomfantelijke levensstijl van de traditionele Vlaamse student - “Het is al jarenlang bekend, dat alles zwicht voor een student” - ging ten onder in de algemene nivellering van de maatschappij. De huidige student heeft met andere woorden geen eigen gelaat meer[30].

Tegen het begin van de jaren 1980 was het maatschappelijk engagement verdwenen bij de studentenmassa, zodat de studentenbeweging als dusdanig ophield te bestaan. De erfgenamen van mei ‘68 behielden hun greep op de studentengemeenschap en de overkoepelende studentenorganisaties, waarbij vooral de MLB zich sterk wist te handhaven, hoewel deze organisatie qua ledenaantal uiterst marginaal was. Tegelijk bloeide de NSV, vooral in Antwerpen. Deze studentengroepering wist de meerderheid van de conservatief-nationalistische studenten aan te trekken, terwijl zich in het KVHV een katholiserende tendens aftekende. De Gentse VNSU ging in het begin van de jaren 1980 zelfs volledig op in de NSV[31]. De marxistische omwentelingen van de jaren 1960 zorgden dus niet alleen voor grondige maatschappelijke en universitaire veranderingen, maar tevens onderging de aloude traditionele Vlaamse studentenbeweging er ingrijpende wijzigingen door.

De huidige betekenis van de Vlaamse studentenbeweging.

Heden bestaat de oorspronkelijke brede politieke studentenbeweging niet meer. Meer en meer ging het gezelschapsleven de boventoon voeren. Sinds de val van het communisme in 1989 brak ook het postmodernisme door, waardoor alle bestaande levensbeschouwingen en ideologieën in vraag gesteld werden. Voor de brede studentenmassa was dit een reden te meer om zich te hullen in een zelfgenoegzaam individualisme[32]. De traditionele katholieke en dus politiek geëngageerde studentenbeweging verwaterde sterk door depolitisering, individualisering, secularisering, liberalisering en commercialisering en verwerd tot een bijna marginale minderheid in de studentenwereld. Zo is de Vlaams-Nationale Studentenunie verdwenen, terwijl het Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond zijn aloude functie, namelijk het overkoepelen van de andere studentenclubs, verloren heeft.

Vandaag werkt het KVHV opnieuw in de lijn van de oorspronkelijke katholieke Vlaamse studentenbeweging en behoort het tot de meest actieve politieke studentenverenigingen (van welke strekking ook). Maar de vroeger erg brede Vlaamse politieke studentenbeweging is verschrompeld en slechts een schim van wat het ooit was[33]. De loskoppeling van het politieke aspect sinds de jaren 1960 leidde er toe dat de studentenclubs een tamelijk geïsoleerd bestaan gingen leiden zonder noemenswaardige hoogte- of laagtepunten. De clubs trekken zich sindsdien niets meer aan van de politieke discussies in het studentenmilieu, noch van de kritiek die ze van progressieve studenten krijgen. In Leuven kwamen er steeds minder nieuwe leden, het clubmilieu werd alsmaar kleiner en er groeide zelfs een kloof tussen de studenten en de oud-studenten, een regelrechte generatiekloof dus. Het huldeboek van Moeder Brugse omschrijft deze periode zelfs als ‘Mama’s Menopauze’[34]. Buiten Leuven nam het apolitieke clubleven echter juist een hoge vlucht door de depolitisering van de Vlaamse studententradities. De meeste van de vele nieuwe studentenclubs hebben nauwelijks nog weet van de politieke achtergrond die ooit zo innig met de studentengebruiken was verweven. In Gent bewijst de regelmatige uitgave en de vlotte verkoop van de studentencodex de levenskracht van het Gentse clubleven. Uit dé Gentse bloeiperiode, namelijk de jaren 1970 met de stichting van een groot aantal clubs, zijn tot op heden nog vele clubs actief[35].

Vbr. lic. hist. et rer. oec. Filip Martens


[1] Zie hiervoor Rodenbachs redevoering ‘Vlaamsche kamp’ te Gent in 1877 bij de oprichting van een algemene Vlaamse studentenbond in: LAMBERTY (Max), VAN ROOSBROECK (Rob), VANDEKERCKHOVE (Michiel) e.a., Twintig eeuwen Vlaanderen, deel 15: Oude en nieuwe visies, 15 delen, Hasselt, Uitgeverij Heideland-Orbis NV, 1976, pp. 73-81.

 

[2] LAMBERTY (Max), VAN ROOSBROECK (Rob), VANDEKERCKHOVE (Michiel) e.a., Twintig eeuwen Vlaanderen, deel 13: Vlaamse figuren I, 15 delen, Hasselt, Uitgeverij Heideland-Orbis NV, 1976, pp. 411-414.

[3] DE GOEYSE (Edmond), O vrij-studentenheerlijkheid. Historisch-studentikoze schetsen, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 1987.

[4] gent.kvhv.org, www.kvhv.be en s.n., Studentencodex, Dendermonde, Studentencentrum Leuven vzw, 2001, pp. 163-166.

[5] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996.

[6] LAMBERTY (Max), VAN ROOSBROECK (Rob), VANDEKERCKHOVE (Michiel) e.a., Twintig eeuwen Vlaanderen, deel 13: Vlaamse figuren I, 15 delen, Hasselt, Uitgeverij Heideland-Orbis NV, 1976, pp. 413-414.

[7] De Zouaven waren vrijwilligerskorpsen van katholieke jongeren, die de door de Italiaanse eenmaking bedreigde Pauselijke Staten gingen verdedigen.

[8] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 6.

[9] DE GOEYSE (Edmond), O vrij-studentenheerlijkheid. Historisch-studentikoze schetsen, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 1987.

[10] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 7 en Rodenbachs redevoering ‘Vlaamchse kamp’ te Gent in 1877 bij de oprichting van de algemene Vlaamse studentenbond in: LAMBERTY (Max), VAN ROOSBROECK (Rob), VANDEKERCKHOVE (Michiel) e.a., Twintig eeuwen Vlaanderen, deel 15: Oude en nieuwe visies, 15 delen, Hasselt, Uitgeverij Heideland-Orbis NV, 1976, pp. 73-81.

[11] DE BRUYNE (M.) en GEVERS (Lieve), Kroniek van Albrecht Rodenbach (1856-1880), Brugge, 1980, pp.  141-143 en 151.

[12] GEVERS (Lieve), De ‘Kulturkampf’ van Albrecht Rodenbach, in: Onze Alma Mater, jg. 48, nr. 1, februari 1994, pp.  81 en 83.

[13] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 8 en 10.

[14] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 7-8.

[15] MARTENS (Filip), Julius Mac Leod en de radicalisering van de Vlaamse studentenbeweging (1904-1914), Gent, onuitgegeven licentiaatsverhandeling, UG, 2006.

[16] VANACKER (Daniël), Het aktvistisch avontuur, Gent, Stichting Mens en Kultuur, 1991.

[17] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 10 en 12.

[18] www.lovania.org

[19] DE GOEYSE (Edmond), O vrij-studentenheerlijkheid. Historisch-studentikoze schetsen, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 1987, p. 69.

[20] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 13.

[21] MARTENS (Filip), Julius Mac Leod en de radicalisering van de Vlaamse studentenbeweging (1904-1914), Gent, onuitgegeven licentiaatsverhandeling, UG, 2006.

[22] VAN NIEUWENHUYSEN (P.) en DE GOEYSE (Edmond), Katholiek Studentenkorps te Brussel 1925-1975, Brussel, 1975.

[23] DE BAEKE (S.) Van schachtendoop tot zwanenzang. 100 jaar Vlaams studentenleven te Leuven. Moeder Westland, Langemark, 1991, pp. 125-126.

[24] s.n., Studentencodex, Dendermonde, Studentencentrum Leuven vzw, 2001, pp. 7 en 57-80.

[25] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 30.

[26] VOS (Louis), Van Vlaamse leeuw tot rode vaan … en verder: de naoorlogse Leuvense studentenbeweging, in: Onze Alma Mater, jg. 47, nr. 3, augustus 1993, pp. 241.

[27] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 30, 32, 34-36 en 38.

[28] s.n., Studentencodex, Dendermonde, Studentencentrum Leuven vzw, 2001, pp. 86 en WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 41-42.

[29] DE SCHRIJVER (Reginald) e.a., Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging, 3 delen, Tielt, Uitgeverij Lannoo, 1998.

[30] DE GOEYSE (Edmond), O vrij-studentenheerlijkheid. Historisch-studentikoze schetsen, Leuven, Universitaire Pers Leuven, 1987.

[31] WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 67-68.

[32] www.studiant.be en WEETS (Wilfried), Historische schets van de Vlaamse studentenbeweging, Vosselaar, Oranjejeugd vzw en Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond, 1996, pp. 67 en 71.

[33] VOS (Louis), Van Vlaamse leeuw tot rode vaan … en verder: de naoorlogse Leuvense studentenbeweging, in: Onze Alma Mater, jg. 47, nr. 3, augustus 1993, pp. 241.

[34] DE MEY (J.) en VAN HOONACKER (M.), Moeder Brugse 1885-1985, Oostkamp, 1985, pp. 225 en 227.

[35] s.n., Clubcodex-Liederboek S.K. Ghendt, Gent, 1986, pp. 35-67.

vendredi, 06 mars 2009

Le féodalisme, une légende?

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

 

Le féodalisme, une légende?

 

L'historienne britannique Susan Reynolds avance une thèse innovatrice: le féodalisme médiéval n'aurait pas existé tel qu'on l'imagine communément; il serait une invention ultérieure de juristes modernes, hostiles au Moyen Age. La cérémonie symbolique, liant le vassal à son suzerain, n'est pas le fondement général, omniprésent en Europe, de l'Etat féodal, dominant notre continent de Charlemagne à la chute de Constantinople en 1453. Susan Reynolds affirme que les preuves sont trop peu nombreuses pour pouvoir affirmer sans nuances que l'ensemble du Moyen Age européen ait été marqué par ce type de contrat, fondé sur la fidélité et la dépendance réciproque. Cette affirmation, impertinente au regard de l'historiographie conventionnelle, notre historienne d'Oxford la tire d'une exploration systématique des documents, des actes, etc., conservés dans tous les musées et bibliothèques d'Europe.

 

Première révision, due à cette analyse systématique des écrits médiévaux: après l'Empire romain, l'Europe n'a pas sombré dans un “vide juridique” et n'a pas vraiment été livrée à la “loi de la jungle”. La réglementation féodale était conçue pour calmer les puissants, les obliger à respecter la paix et l'harmonie. Au départ, le lien de vassalité, liant par exemple un duc à son roi ou à son empereur, n'était pas conçu pour durer éternellement. Le principe de l'hérédité d'un fief n'avait pas été retenu. Charles le Chauve a dû finalement le concéder (mais partiellement) à sa noblesse franque pour calmer les esprits et pour s'assurer ses arrières quand il guerroyait en Italie entre 870 et 880.

 

La féodalité conçue comme système rigide est une invention des juristes du début de l'ère moderne, qui s'opposaient aux concepts vagues, souples et imprécis du droit coutumier. Il fallait donc qu'ils le schématisent et lui donnent une image négative. Cette construction artificielle de juristes en mal de pouvoir, poursuivant un objectif finalement totalitaire, visant à annihiler les autonomies multiples tolérées par le droit coutumier, a oblitéré la vision des historiens. Ceux-ci sont demeurés prisonniers d'une vision du Moyen Age figée, ne correspondant nullement à sa grande diversité et à son étonnante variété. L'omniprésence de cette légende, fabriquée par les juristes, a fait que les historiens n'ont plus pris la peine de consulter les archives. Susan Reynolds s'attend bien entendu à des critiques serrées de ses thèses, surtout de la part de l'école française de Marc Bloch, fidèle à la modernité des juristes, des jacobins et des idéologues marxistes. Mais cette modernité, plus idéologique que fiable, tiendra-t-elle le coup devant le sérieux d'Oxford, déployé par Susan Reynolds?

 

Susan REYNOLDS, Fiefs and Vassals. The Medieval Evidence Reinterpreted,  Oxford University Press, 544 p., £20.

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mercredi, 28 janvier 2009

Hypathie, vierge martyre des païens

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - COMBAT PAÏEN - DÉCEMBRE 1990

B. Favrit-Verrieux:

Hypathie, vierge martyre des Païens

"Dors, ô blanche victime en notre âme profonde,

Dans ton linceul de vierge et ceinte de lotos;

Dors! l'impure laideur est la reine du monde

Et nous avons perdu le chemin de Paros (…)

Demain, dans mille années,

Dans vingt siècles, —qu'importe au cours des destinées—

L'homme étouffé par vous se dressera (…)

Votre œuvre ira dormir dans l'ombre irrévocable".

Leconte de Lisle (Hypathie et Cyrille)

Alexandrie, 415. Cinq ans après le sac de Rome, alors que l'Empire s'écroule, l'Egypte vit à l'heure des derniers feux du paganisme antique. L'Occident est acquis à la cause du "Galiléen", l'Orient résiste encore, mais il n'est qu'en sursis. La ville égyptienne abrite une population multiconfessionnelle; la cohabitation s'avère de plus en plus difficile. Face aux Juifs et aux païens "Hellènes": les partisans de Jésus, manœuvrés par l'évêque Cyrille, et qui comptent bien se rendre maîtres de la place.

Dans cette atmosphère tendue se dresse Hypatie, la vierge des païens et, si l'on en croit les relations de Socrate (1) et Damaskios, l'ultime rempart du paganisme. Son père, prêtre des dieux et scientifique de renom, lui a enseigné la mathématique, l'astrologie et la philosophie. Elle a grandi dans le culte des dieux; elle sait que tout flanche et agonise autour d'elle; pourtant, elle se refuse à suivre la théorie des conversions. Un combat sans espoir, perdu d'avance… En cela réside toute sa signification.

Hypathie enseigne la philosophie, elle a le verbe haut mais la grâce l'habite; tous les témoignages convergent lorsqu'il s'agit d'évoquer sa grande beauté. On a coutume de la représenter au milieu d'un cénacle, le cercle de ses fidèles qui, avec elle, refusent de voir les dieux s'exiler pour céder la place aux religions de l'intolérance.

Les Juifs et les chrétiens s'affrontent à coups d'émeutes et de pogroms sous les regards inquiets d'Hypatie et des siens; à quand leur tour?… Il y aussi la lutte d'influence que se livrent Oreste, préfet de la ville, et l'évêque Cyrille. Pour une cause mal définie, le préfet d'Alexandrie aurait fait torturer à mort un chrétien, un provocateur dont les Juifs ont exigé la tête. L'affaire dégénère bientôt et c'est le massacre entre les deux communautés. Cyrille, qui a l'avantage de la supériorité numérique, fait détruire les synagogues et expulser les Juifs. Puis, emporté par son élan, l'évêque harangue ses troupes qui jettent l'anathème sur le représentant de Rome. Oreste cherche alors à se concilier les faveurs d'Hypatie dont l'influence est toujours notoire pour tenter de réduire Cyrille et ses moines fauteurs de troubles. On rapporte aussi que frappé par la beauté de la jeune femme, le préfet d'Alexandrie, bien que baptisé, aurait longuement hésité à s'engager sur le voie du paganisme. Il n'en fit rien.

Lorsque la vierge païenne est prise à partie en pleine ville par la foule chrétienne fanatisée qui l'arrache de sa voiture et la traîne au Caesarium, il ne réagira pas. Sur les marches du temple impérial, Hypatie est "déshabillée, tuée à coups de tessons, mise en pièces… Ses restes sont ensuite promenés dans les rues et brûlés…" (3). Désormais, Cyrille et Oreste peuvent envisager la réconciliation…

Dans son avant-propos à un ouvrage de Gabriel Trarieux (4), George Clemenceau eut cette phrase: "Hypatie contre Jésus. La Grèce toujours contre sa mère l'Asie, la beauté contre la bonté, fût-il jamais plus passionnante tragédie?" Passionnantes ou pas, il est des tragédies dont les païens que nous sommes ne peuvent s'accommoder et veulent éviter. Contre l'éradication de la beauté et le règne du lit de Procustre, nous devons montrer notre détermination face à l'intolérance qui règne chez nous et le retour des tabous et des amalgames minables. Nos spécificités, notre religiosité européennes nous ont toujours enseigné de ne pas nous agenouiller, nous encaloter, nous voiler, nous asservir, de privilégier l'amour des libertés pour que s'élève l'être face à ses sensibilités identitaires. Hypatie, la chaste et belle païenne, n'a pas voulu se taire et se prosterner. Elle a montré la voie. Souvenons-nous du culte d'Athénée Poilias qu'elle tenta d'honorer jusqu'au bout et de sa croisade contre le Crucifié.

B. Favrit-Verrieux.

Notes:

(1) Histoire de l'Eglise.

(2) Vie d'Isidore.

(3) Chronique des derniers païens - Pierre Chuvin (Les belles Lettres: Fayard, Paris, 1990).

(4) Hypatie - Cahiers de la quinzaine (Paris, avril 1904).

jeudi, 08 janvier 2009

L'oeuvre de Herman Wirth

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L'oeuvre de Herman WIRTH (1885-1981)

 

 

par Robert Steuckers

 

Né le 6 mai 1885 à Utrecht aux Pays-Bas, Herman Wirth étudie la philologie néerlandaise, la philologie germanique, l'ethnologie, l'histoire et la musicologie aux universités d'Utrecht, de Leipzig et de Bâle. Son premier poste universitaire est une chaire de philologie néerlandaise à Berlin qu'il occupe de 1909 à 1919. Il enseigne à Bruxelles en 1917/18 et y appuie l'activisme flamand germanophile. Séduit par le mouvement de jeunesse contestataire et anarchisant d'avant 1914, le célèbre Wandervogel,   il tente de lancer l'idée aux Pays-Bas à partir de 1920, sous l'appelation de Dietse Trekvogel  (Oiseaux migrateurs thiois). En 1921, il entame ses études sur les symboles et l'art populaire en traitant des uleborden, les poutres à décoration animalière des pignons des vieilles fermes frisonnes. Convaincu de la profonde signification symbolique des motifs décoratifs traditionnels ornant les pignons, façades, objets usuels, pains et pâtisseries, Wirth mène une enquête serrée, interrogeant les vieux paysans encore dépositaires des traditions orales. Il tire la conclusion que les symboles géométriques simples remontent à la préhistoire et constituent le premier langage graphique de l'homme, objet d'une science qu'il appelle à approfondir: la paléo-épigraphie. Le symbole est une trace plus sûre que le mythe car il demeure constant à travers les siècles et les millénaires, tandis que le mythe subit au fil des temps quantités de distorsions. En posant cette affirmation, Wirth énonce une thèse sur la naissance des alphabets. Les signes alphabétiques dérivent, selon Wirth, de symboles désignant les mouvements des astres. Vu leur configuration, ils seraient apparus en Europe du Nord, à une époque où le pôle se situait au Sud du Groenland, soit pendant l'ère glacière où le niveau de la mer était inférieur de 200 m, ce qui laisse supposer que l'étendue océanique actuelle, recouvrant l'espace sis entre la Galice et l'Irlande, aurait été une zone de toundras, idéale pour l'élevage du renne. La montée des eaux, due au réchauffement du climat et au basculement du pôle vers sa position actuelle, aurait provoqué un reflux des chasseurs-éleveurs de rennes vers le sud de la Gaule et les Asturies d'abord, vers le reste de l'Europe, en particulier la Scandinavie à peine libérée des glaces, ensuite. Une autre branche aurait rejoint les plaines d'Amérique du Nord, pour y rencontrer une population asiatique et créer, par mixage avec elle, une race nouvelle. De cette hypothèse sur l'origine des populations europides et amérindiennes, Wirth déduit la théorie d'un diffusionnisme racial/racisant, accompagné d'une thèse audacieuse sur le matriarchat originel, prenant le relais de celle de Bachofen.

 

Wirth croyait qu'un manuscrit frison du Moyen-Age, l'Oera-Linda bok, recopié à chaque génération depuis environ le Xième siècle jusqu'au XVIIIième, contenait in nuce  le récit de l'inondation des toundras atlantiques et de la zone du Dogger Bank. Cette affirmation de Wirth n'a guère été prise au sérieux et l'a mis au ban de la communauté scientifique. Toutefois, le débat sur l'Oera-Linda bok n'est pas encore clos aux Pays-Bas aujourd'hui.

 

Très en vogue parmi les ethnologues, les folkloristes et les «symbolologues» en Allemagne, en Flandre, aux Pays-Bas et en Scandinavie avant-guerre, Wirth a été oublié, en même temps que les théoriciens allemands et néerlandais de la race, compromis avec le IIIième Reich. Or Wirth ne peut être classé dans la même catégorie qu'eux: d'abord parce qu'il estimait que la recherche des racines de la germanité, objectif positif, était primordiale, et que l'antisémitisme, attitude négative, était «une perte de temps»; ensuite, en butte à l'hostilité de Rosenberg, il est interdit de publication. Il reçoit temporairement l'appui de Himmler mais rompt avec lui en 1938, jugeant que les prétoriens du IIIième Reich, les SS,  sont une incarnation moderne des Männerbünde  (des associations masculines) qui ont éradiqué, par le truchement du wotanisme puis du christianisme, les cultes des mères, propres à la culture matricielle atlanto-arctique et à son matriarchat apaisant, remontant à la fin du pliocène. Arrêté par les Américains en 1945, il est rapidement relaché, les enquêteurs ayant conclu qu'il avait été un «naïf abusé». Infatigable, il poursuit après guerre ses travaux, notamment dans le site mégalithique des Externsteine dans le centre de l'Allemagne et organise pendant deux ans, de 1974 à 1976, une exposition sur les communautés préhistoriques d'Europe. Il meurt à Kusel dans le Palatinat le 16 février 1981. Sans corroborer toutes les thèses de Wirth, les recherches des Britanniques Renfrew et Hawkins et du Français Jean Deruelle ont permis de revaloriser les civilisations mégalithiques ouest-européennes et de démontrer, notamment grâce au carbone 14, leur antériorité par rapport aux civilisations égyptienne, crétoise et mésopotamienne.

 

L'ascension de l'humanité (Der Aufgang der Menschheit), 1928

 

Ouvrage majeur de Wirth, Der Aufgang der Menschheit  se déploie à partir d'une volonté de reconnaître le divin dans le monde et de dépasser l'autorité de type augustinien, reposant sur la révélation d'un Dieu extérieur aux hommes. Wirth entend poursuivre le travail amorcé par la Réforme, pour qui l'homme a le droit de connaître les vérités éternelles car Dieu l'a voulu ainsi. Wirth procède à une typologie racisée/localisée des religiosités: celles qui acceptent la révélation sont méridionales et orientales; celles qui favorisent le déploiement à l'infini de la connaissance sont «nordiques». La tâche à parfaire, selon Wirth, c'est de dépasser l'irreligion contemporaine, produit de la mécanisation et de l'économisme, en se plongeant dans l'exploration de notre passé. Seule une connaissance du passé le plus lointain permet de susciter une vie intérieure fondée, de renouer avec une religiosité spécifique, sans abandonner la démarche scientifique de recherche et sans sombrer dans les religiosités superficielles de substitution (pour Wirth: le néo-catholicisme, la théosophie ou l'anthroposophie de Steiner). Les travaux archéologiques ont permis aux Européens de replonger dans leur passé et de reculer très loin dans le temps les débuts hypothétiques de l'histoire. Parmi les découvertes de l'archéologie: les signes symboliques abstraits des sites «préhistoriques» de Gourdan, La Madeleine, Rochebertier et Traz-os-Montes (Portugal), dans le Sud-Ouest européen atlantique. Pour la science universitaire officielle, l'alphabet phénicien était considéré comme le premier système d'écriture alphabétique d'où découlaient tous les autres. Les signes des sites atlantiques ibériques et aquitains n'étaient, dans l'optique des archéologues classiques, que des «griffonnages ludiques». L'œuvre de Wirth s'insurge contre cette position qui refuse de reconnaître le caractère d'abord symbolique du signe qui ne deviendra phonétique que bien ultérieurement. L'origine de l'écriture remonte donc au Magdalénien: l'alphabet servait alors de calendrier et indiquait, à l'aide de symboles graphiques abstraits, la position des astres. Vu la présence de cette écriture linéaire, indice de civilisation, la distinction entre «histoire» et «préhistoire» n'a plus aucun sens: notre chronologie doit être reculée de 10.000 années au moins, conclut Wirth. L'écriture linéaire des populations du Magdalénien atlantique d'Ibérie, d'Aquitaine et de l'Atlas constituerait de ce fait l'écriture primordiale et les systèmes égyptiens et sumériens en seraient des dégénérescences imagées, moins abstraites. Théorie qui inverse toutes les interprétations conventionnelles de l'histoire et de la «pré-histoire» (terme que conteste Wirth). Der Aufgang der Menschheit  commence par une «histoire de l'origine des races humaines» (Zur Urgeschichte der Rassen).  Celle-ci débute à la fin de l'ère tertiaire, quand le rameau humain se sépare des autres rameaux des primates et qu'apparaissent les différents groupes sanguins (pour Wirth, le groupe I, de la race originelle —Urrasse—  arctique-nordique, précédant la race nordique proprement dite, et le groupe III de la race originelle sud-asiatique). Ce processus de différenciation raciale s'opère pendant l'éocène, l'oligocène, le miocène et le pliocène. A la fin de ces ères tertiaires, s'opère un basculement du pôle arctique qui inaugure une ère glaciaire en Amérique du Nord (glaciation de Kansan). Au début du quaternaire, cette glaciation se poursuit (en Amérique: glaciations de Günz, de l'Illinois et de l'Iowa; en Europe, glaciation de Mindel). Ces glaciations sont contemporaines des premiers balbutiements du paléolithique (culture des éolithes) et, pour Wirth, des premières migrations de la race originelle arctique-nordique vers l'Amérique du Nord, l'Atlantique Nord et l'Asie septentrionale, ce qui donne en Europe les cultures «pré-historiques» du Strépyen et du Pré-Chelléen. Le réchauffement du climat, à l'ère chelléenne, permet aux éléphants, rhinocéros et hippopotames de vivre en Europe. L'Acheuléen inaugure un rafraîchissement du climat, qui fait disparaître cette faune; ensuite, à l'ère moustérienne, s'enclenche une nouvelle glaciation (dite de Riß ou de Würm; en Amérique, première glaciation du Wisconsin). Sur le plan racial, l'Europe est peuplée par la race de Néanderthal et les hommes du Moustier, de Spy, de la Chapelle-aux-Saints, de La Ferrasie, de La Quina et de Krapina. Lors d'un léger réchauffement du climat, apparaît la race d'Aurignac, influencée par des éléments de la race arctique-nordique-atlantique, porteuse des premiers signes graphiques symboliques. C'est l'époque des cultures préhistoriques de l'Europe du Sud-Ouest, de la zone franco-cantabrique (squelette de Cro-Magnon, type humain mélangé, où se croise le sang arctique nordique et celui des populations non nordiques de l'Europe), à l'ère dite du Magdalénien (I & II). Epoque-charnière dans l'optique de Wirth, puisqu'apparaissent, sur les parois des cavernes, notamment celles de La Madeleine, de Gourdan et du Font de Gaume en France, d'Altamira en Espagne, les dessins rupestres et les premières signes symboliques. Vers 12.000 avant notre ère, le climat se réchauffe et le processus de mixage entre populations arctiques-atlantiques-nordiques et Pré-Finnois de l'aire baltique (culture de Maglemose au Danemark) ou éléments alpinoïdes continentaux se poursuit, formant les différentes sous-races européennes. La Mer du Nord n'existe pas encore et l'espace du Dogger Bank (pour Wirth, le Polsete-Land) est occupé par le peuple Tuatha, de souche arctique-nordique, qui conquiert, à l'Est, le Nord-Ouest de l'Europe et, à l'Ouest, l'Irlande, qu'il arrache aux tribus «sud-atlantiques», les Fomoriens. La Mer du Nord disparaît sous les flots et, selon la thèse très contestée de Wirth, les populations arctiques-nordiques émigrent par vagues successives pendant plusieurs millénaires dans toute l'Europe, le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient, transmettant et amplifiant leur culture originelle, celle des mégalithes. En Europe orientale, elles fondent les cultures dites de Tripolje, Vinça et Tordos, détruisent les palais crétois vers 1400 avant notre ère, importent l'écriture linéaire dans l'espace sumérien et élamite, atteignent les frontières occidentales de la Chine, s'installent en Palestine (les Amourou du Pays de Canaan vers -3000 puis les Polasata et les Thakara vers -1300/-1200), donnent naissance à la culture phénicienne qui rationalise et fonctionnalise leurs signes symboliques en un alphabet utilitaire, introduisent les dolmens en Afrique du Nord et la première écriture linéaire pré-dynastique en Egypte (-3300), etc.

 

Pour prouver l'existence d'une patrie originelle arctique, Wirth a recours aux théories de la dérive des continents de W. Köppen et A. Wegener (Die Entstehung der Kontinente und Ozeane, 1922) et aux résultats de l'exploration des fonds maritimes arctiques et des restes de flore qu'O. Heer y a découverts (Flora fossilis artica,  Zürich, 1868-1883). A la fin du tertiaire et aux débuts du quaternaire, les continents européen et américain étaient encore soudés l'un à l'autre. La dérive de l'Amérique vers l'ouest et vers le sud aurait commencé lors de la grande glaciation du pléistocène. Le Groenland, les Iles Spitzbergen, l'Islande et la Terre de Grinell, avec le plateau continental qui les entoure, seraient donc la terre originelle de la race arctique-nordique, selon Wirth. Le plateau continental, aujourd'hui submergé, s'étendant de l'Ecosse et l'Irlande aux côtes galiciennes et asturiennes serait, toujours selon Wirth, la seconde patrie d'origine de ces populations. Comme preuve supplémentaire de l'origine «circum-polaire» des populations arctiques-nordiques ultérieurement émigrées jusqu'aux confins de la Chine et aux Indes, Wirth cite l'Avesta, texte sacré de l'Iran ancien, qui parle de dix mois d'hiver et de deux mois d'été, d'un hiver si rigoureux qu'il ne permettait plus aux hommes et au bétail de survivre, d'inondations post-hivernales, etc. La tradition indienne, explorée par Bal Gangâdhar Tilak (The Arctic Home in the Vedas, 1903), parle, elle, d'une année qui compte un seul jour et une seule nuit, ce qui est le cas au niveau du pôle. Aucun squelette de type arctique-nordique n'a été retrouvé, ni en Ecosse ou en Irlande, zones arctiques non inondées, ni le long des routes des premières migrations (Dordogne/Aquitaine, Espagne, Atlas, etc. jusqu'en Indonésie), parce que les morts étaient d'abord enfouis six mois dans le giron de la Terre-mère pour être ensuite exhumés et exposés sur une dalle plate, un pré-dolmen, pour être offerts à la lumière, pour renaître et retourner à la lumière, comme l'atteste le Vendidad iranien, la tradition des Parses et les coutumes funéraires des Indiens d'Amérique du Nord.

L'organisation sociale des premiers groupes de migrants arctiques-nordiques est purement matriarcale: les femmes y détiennent les rôles dominants et sont dépositaires de la sagesse.

 

En posant cette série d'affirmations, difficiles à étayer par l'archéologie, Wirth lance un défi aux théories des indo-européanisants qui affirment l'origine européenne/continentale des «Indo-Européens» nordiques (appelation que Wirth conteste parce qu'il juge qu'elle jette la confusion). La race nordique et, partant, les «Indo-Européens» ne trouvent pas, pour Wirth, leur origine sur le continent européen ou asiatique. Il n'y aurait jamais eu, selon lui, d'Urvolk indo-européen en Europe car les nordiques apparaissent toujours mélangés sur cette terre; les populations originelles de l'Europe sont finno-asiatiques. Les Nordiques ont pénétré en Europe par l'Ouest, en longeant les voies fluviales, en quittant leurs terres progressivement inondées par la fonte des glaces arctiques. Cette migration a rencontré la vague des Cro-Magnons sud-atlantiques (légèrement métissés d'arcto-nordiques depuis l'époque des Aurignaciens) progressant vers l'Est. La culture centre-européenne du néolithique est donc le produit d'un vaste métissage de Sud-Atlantiques, de Nordiques et de Finno-asiatiques, que prouvent les études sérologiques et la présence des symboles. Les Celtes procèdent de ce mélange et ont constitué une civilisation qui a progressé en inversant les routes migratoires et en revenant en Irlande et dans la zone franco-cantabrique, emmenant dans leur sillage des éléments raciaux finno-asiatiques. En longeant le Rhin, ils ont traversé la Mer du Nord et soumis en Irlande le peuple nordique des Tuatha, venu de la zone inondée du Dogger Bank (Polsete-Land) et évoqué dans les traditions mythologiques celto-irlandaises. L'irruption des Celtes met fin à la culture matriarcale et monothéiste des Tuatha de l'ère mégalithique pour la remplacer par le patriarcat polythéiste d'origine asiatique, organisé par une caste de chamans, les druides. Wirth se réfère à Ammien Marcellin (1. XV, c.9, §4) pour étayer sa thèse: celui-ci parle des trois races de l'Irlande: l'autochtone, celle venue des «îles lointaines» et celle venue du Rhin, soit la sud-atlantique fomorienne, les Tuatha arcto-nordiques et les Celtes.

 

Le symbolisme graphique abstrait, que nous ont laissé ces peuples arcto-nordiques, temoigne d'une religiosité cosmique, d'un regard jeté sur le divin cosmique, d'une religiosité basée sur l'expérience du «mystère sacré» de la lumière boréale, de la renaissance solaire au solstice d'hiver. Dans cette religiosité, les hommes sont imbriqués entièrement dans la grande loi qui préside aux mutations cosmiques, marquée par l'éternel retour. La mort est alors un re-devenir (ein Wieder-Werden). Le divin est père, Weltgeist, depuis toujours présent et duquel procèdent toutes choses. Il envoie son fils, porteur de la «lumière des terres», pour se révéler aux hommes. Les hiéroglyphes qui expriment la présence de ce dieu impersonnel, qui se révèle par le soleil, se réfèrent au cycle annuel, aux rotations de l'univers, aux mutations incessantes qui l'animent, au cosmos, au ciel et à la terre. L'étymologie de tu-ath  (vieil-irl.), ou de ses équivalents lituanien (ta-uta), osque (to-uto), vieux-saxon (thi-od),  dérive des racines *ti, *to, *tu  (dieu) et *ot, *ut, *at  (vie, souffle, âme).

 

Ce peuple, connaisseur du «souffle divin», soit du mouvement des astres, a élaboré un système de signes correspondant à la position des planètes et des étoiles. Les modifications de ces systèmes de signes astronomiques étaient entraînées par les mouvements des corps célestes. Toute la civilisation mégalithique, explique Wirth, avant Renfrew, Hawkins et Deruelle, procède d'une religiosité astronomique. Elle est née en Europe occidentale et septentrionale et a essaimé dans le monde entier: en Amérique du Nord, au Maghreb (les mégalithes de l'Atlas), en Egypte, en Mésopotamie et, vraisemblablement, jusqu'en Indonésie et peut-être en Nouvelle-Zélande (les Maoris).

 

(Robert Steuckers).   

         

- Bibliographie: Pour une bibliographie très complète, se référer au travail d'Eberhard Baumann, Verzeichnis der Schriften von Herman Felix WIRTH Roeper Bosch von 1911 bis 1980 sowie die Schriften für, gegen, zu und über die Person und das Werk von Herman Wirth, Gesellschaft für Europäische Urgemeinschaftskunde e.V., Kolbenmoor, 1988. Notre liste ci-dessous ne reprend que les ouvrages principaux: Der Untergang des niederländischen Volksliedes, La Haye, 1911; Um die wissenschaftliche Erkenntnis und den nordischen Gedanken, Berlin, 1929 (?); Der Aufgang der Menschheit,  Iéna, 1928 (2ième éd., 1934); Die Heilige Urschrift der Menschheit,  Leipzig, 1931-36; Was heißt deutsch? Ein urgeistgeschichtlicher Rückblick zur Selbstbestimmung und Selbstbesinnung,  Iéna, 1931 (2ième éd., 1934); Führer durch die Erste urreligionsgeschichtliche Ausstellung "Der Heilbringer". Von Thule bis Galiläa und von Galiläa bis Thule, Berlin/Leipzig, 1933; Die Ura-Linda-Chronik,  Leipzig, 1933; Die Ura-Linda-Chronik. Textausgabe (texte de la Chronique d'Oera-Linda traduit par H.W.), Leipzig, 1933; Um den Ursinn des Menschseins,  Vienne, 1960; Der neue Externsteine-Führer, Marbourg, 1969; Allmutter. Die Entdeckung der "altitalischen" Inschriften in der Pfalz und ihre Deutung,  Marbourg, 1974; Führer durch das Ur-Europa-Museum mit Einführung in die Ursymbolik und Urreligion,  Marbourg, 1975; Europäische Urreligion und die Externsteine,  Vienne, 1980.

 

- Sur Wirth: consulter la bibliographie complète de Eberhard Baumann (op. cit.); cf. également: Eberhard Baumann, Der Aufgang und Untergang der frühen Hochkulturen in Nord- und Mitteleuropa als Ausdruck umfassender oder geringer Selbstverwirklung (oder Bewußtseinsentfaltung) dargestellt am Beispiel des Erforschers der Symbolgeschichte Professor Dr. Herman Felix Wirth, Herborn-Schönbach, 1990 (disponible chez l'auteur: Dr. E. Baumann, Linzer Str. 12, D-8390 Passau). Cf. également: Walter Drees, Herman Wirth bewies: die arktisch-atlantische Kulturgrundlage schuf die Frau, Vlotho-Valdorf, chez l'auteur (Kleeweg 6, D-4973 Vlotho-Valdorf); Dr. A. Lambardt, Ursymbole der Megalithkultur. Zeugnisse der Geistesurgeschichte, Heitz u. Höffkes, Essen, s.d.       

 

 

lundi, 24 novembre 2008

Jean Markale le celtisant est mort

Jean Markale le celtisant est mort

 

Auteur d’une centaine d’ouvrages, notamment sur les Celtes, Jean Markale est mort hier matin, à l’hôpital d’Auray. Il avait quatre-vingts ans.

De son vrai nom Jacques Bertrand, Jean Markale avait, avant de se lancer dans l’écriture, exercé, pendant vingt-cinq ans, le métier de professeur de lettres classiques dans un collège parisien. Mais, en 1979, fort de son succès avec « La femme celte » (Payot), il avait arrêté l’enseignement et était venu s’installer à Camors, près d’Auray, le pays de ses ancêtres. C’est là qu’il écrira, à une cadence pour le moins soutenue, tous ses livres. Ses grandes spécialités : les Celtes, le mythe du Graal, l’histoire de la Bretagne, l’ésotérisme et les énigmes historiques. Autant de thèmes qu’il a développés à satiété et exploités sous différentes formes, en particulier à travers des « cycles » qui lui permettaient de laisser libre cours à sa verve épique et à son imagination.

Son manque de rigueur scientifique était, d’ailleurs, le reproche que lui faisaient ses nombreux détracteurs. Mais Markale s’en moquait : « Je préfère être considéré comme poète plutôt que comme chercheur ».

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vendredi, 21 novembre 2008

Savitri Devi: Hellénisme et hindouisme, la grande aventure

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Savitri Devi:

Hellénisme et hindouisme, la grande aventure

par Jean Mabire

Le goût très moderne pour le scandale et l’étrange peut parfois transfigurer les aventures intellectuelles les plus captivantes en trompeuse pâture médiatique. C'est ainsi que le livre de Nicholas Goodrick-Clarke, Hitler’s priestess, récemment traduit en français sous l’étiquette La prêtresse d’Hitler, risque d'attirer les amateurs d’ésotérisme de pacotille en dissimulant l’itinéraire absolument passionnant de cette Grecque, née en France, qui devait découvrir aux Indes le point d'ancrage d’une singulière croyance politico-religieuse.

Personne ne connaissait cette femme, auteur d’une vingtaine de livres, où un authentique chef-d’œuvre, L’Etang aux lotus, témoignage d’une fort poétique conversion, voisinait avec un portrait fabuleux du pharaon Akhenaton, fils du soleil s’il en fut, et des pamphlets d’une rare violence publiés après la guerre en éditions semi-clandestines.

Celle qui se faisait appeler Savitri Devi et épousa le militant nationaliste hindou Asit Krishna Mukherji devait, sur la fin de sa vie, fréquenter les milieux les plus extrémistes d’Europe et d’Amérique où elle passa pour une sorte d’illuminée.

Les chemins intellectuellement et spirituellement les plus insolites comme les plus dangereux qu’elle fréquenta par passion tout autant que par devoir, ne peuvent faire oublier les longues années où elle rechercha, toujours sincère, une sorte de foi indo-européenne exaltée, dont elle fut, plus qu’une prêtresse, un véritable « gourou », à la fois oriental et « polaire ».

L’hérédité est là. Implacable. Celle qui se fera un jour appeler Savitri Devi est née le 30 septembre 1905, dans le Rhône, d’une mère originaire de Cornouaille britannique nommée Nash et d'un père moitié italien de Londres [Lombardy—ed.] et moitié grec de Lyon, qui portait le nom de Portas. L’enfant reçoit le prénom de Maximiani, forme féminine hellénique de Maximien. En remontant fort loin dans le temps, elle pouvait se dire « nordique », Jutlandaise du côté maternel et Lombarde du côté paternel.

Elle était aussi « Barbare », influencée par les poèmes de Charles Leconte de Lisle, le dieu littéraire de sa jeunesse.

Curieusement, sa germanophilie remonte à un premier séjour en Grèce, où elle rêvait des Doriens sur les ruines de l’Acropole d'Athènes. De retour en France, elle devait acquérir la nationalité hellénique en 1928 par une démarche au consulat grec de Lyon, sa ville natale. De solides études la conduisent à un double doctorat en 1935, avec un essai critique sur son lointain compatriote Théophile Kaïris, poète et patriote, éveilleur du nationalisme hellénique, et une thèse sur La simplicité mathématique.

C’est tout à la fois une littéraire, une scientifique et surtout une passionnée aux élans fort romantiques. De son enthousiasme pour la Grèce, elle tire un engouement pour l’aventure indo-européenne qui la conduira en Inde, où elle découvre l'immense richesse d’une culture païenne pré-chrétienne.

Elle se veut désormais citoyenne de l’Âryâvarta, nom traditionnel des territoires aryens de l’Asie du Sud où elle va rechercher « les dieux et les rites voisins de ceux de la Grèce antique, de la Rome antique et de la Germanie antique, que les gens de notre race ont possédés, avec le culte du Soleil, il y a six mille ans, et auxquels des millions d’êtres vivants de toutes les races restent attachés ».

Au printemps 1932, à 27 ans, elle accomplit ce que Lanza del Vasto nommera un jour « le pèlerinage aux sources ».

Elle n’est pas une touriste mais une croyante. Elle va rapidement apprendre les langues du pays, l’hindî et le bengali, et vivre dans l’âshram de Rabîndranâth Tagore à Shantiniketan, dans le Bengale. Elle part ensuite comme professeur dans un collège non loin de Delhi, où elle enseigne l’histoire.

Maximiani Portas prend alors le nom de Savitri Devi, en l’honneur de la divinité solaire féminine.

En 1940, elle fait paraître à Calcutta son premier livre, L’Etang aux lotus, où elle raconte dans un style très lyrique sa « conversion » à l’hindouisme, à la fin des années trente. Ce livre, publié en français, est à la fois récit de voyage et longue quête spirituelle d’une jeune femme qui va désormais vivre illuminée par une foi qui ne la quittera plus jamais :

« Si j’avais à me choisir une devise, je prendrais celle-ci : Pure, dure, sûre, en d’autres termes :  inaltérable. J’exprimerais par là l’idéal des Forts, de ceux que rien n’abat, que rien ne corrompt, que rien ne fait changer ; de ceux sur qui on peut compter, parce que leur vie est ordre et fidélité, à l’unisson avec l’éternel. »

Dès la fin de 1936, elle s’est fixée à Calcutta, où elle enseigne à ses nouveaux « compatriotes » l’hindouisme, « gardien de l’héritage aryen et védique depuis des siècles, essence même de l’Inde ».

Tout naturellement, sa vision religieuse est aussi une vision politique et elle s’implique totalement dans le nationalisme hindou et notamment dans le mouvement de D.V. Savarkar. L’Inde n'est pas seulement une patrie, une future nation, c’est aussi une véritable Terre Sainte, celle des Védas, des dieux et des héros.

Elle écrit, cette fois en anglais : A Warning to the Hindus, où elle critique les influences chrétiennes et musulmanes, dans une optique à la fois païenne et anticolonialiste. Elle épouse alors Asit Krishna Mukherji, un éditeur hindou, assez anti-britannique pour s’affirmer pro-germanique.

Du combat culturel et religieux, elle passe, sous son influence, à la lutte clandestine dans le sillage du chef nationaliste Subhas Chandra Bose, qui rêve d’une armée capable de libérer les Indes, avec l’aide des Allemands et des Japonais.

Savitri Devi, devenue militante, n’en poursuit pas moins sa grande quête spirituelle. Elle se passionne alors pour le pharaon égyptien Akhenaton, époux de la reine Néfertiti et fondateur d’une religion solaire vieille de 3.300 ans.

Son penchant pour ce souverain, qu’elle nomme « fils de Dieu », se double d’un véritable culte de la Nature qui la conduit à prendre la défense des animaux dans son livre Impeachment of Man, critique radicale de l’anthropocentrisme.

Le livre paraît en 1945. Elle vient d’avoir 40 ans et décide de partir en Europe, où elle veut voir ce que devient l'Allemagne de la défaite. Elle séjourne d’abord à Londres et à Lyon. Puis elle se rend dans les ruines du IIIe Reich. Elle affirme vivre alors dans le « Kali-Yuga », l’Age de Fer, d’où repartira un nouveau cycle : Ages d’Or, d’Argent et de Bronze.

Elle défend la théorie des trois types d’Hommes : les Hommes dans le Temps, les Hommes au-dessus du Temps et les Hommes contre le Temps. Elle s’exalte de plus en plus et considère désormais Hitler comme un « avatar », une réincarnation des héros indiens de la Bhagavad Gîtâ !

Ses propos et ses brochures lui vaudront d’être emprisonnée à Werl par les autorités de la zone d’occupation britannique qui l’accusent de néo-nazisme.

Libérée en 1949, elle va désormais se partager entre l’Inde, l’Europe et l’Amérique, écrivant des pamphlets politico-religieux d’une rare violence : Défiance (1950), Gold in the Furnace (1953), Pilgrimage (1958), The Lightning and the Sun (1958).

Tandis que ses livres paraissent à Calcutta, elle parcourt le monde au hasard de ses obsessions et de ses amitiés, rencontrant, sans discernement, quelques rescapés de l’aventure hitlérienne et bon nombre de néo-nazis, souvent parmi les plus folkloriques.

Elle vit chichement de son métier d’institutrice et fera plusieurs séjours dans des asiles de vieillards indigents, alors qu’elle est devenue presque aveugle. Elle meurt chez une amie, dans un petit village anglais de l’Essex, le 22 octobre 1982, à l’âge de 77 ans.

Si le livre, assez hostile, que lui a consacré Nicholas Goodrick-Clarke la qualifie de « prêtresse d’Hitler », il aurait peut-être été plus juste de la présenter comme « prophétesse du New Age et de l’écologie profonde »


Publié dans la série de Jean Mabire, « Que lire ? », volume 7, 2003.

mardi, 28 octobre 2008

Bruno Favrit: le recours aux montagnes

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Bruno Favrit

trouvé sur : http://archaion.hautetfort.com

Le recours aux montagnes

 

Auteur entre autres d’un essai remarqué sur Nietzsche et d’un court roman de guerre, Bruno Favrit est à la fois un homme à la culture aussi profonde qu’originale et un alpiniste chevronné. Avec Ceux d’En Haut, son récent recueil de nouvelles, il nous offre un hymne à la haute montagne en tant qu’école de vie, car l’ascension s’y révèle surtout comme une rude initiation à une vision du monde spartiate. Des Cévennes au Caucase, ses héros, solitaires ou groupés en phalanstères (voire en patrouilles), affrontent la montagne pour mieux échapper aux blandices d’une modernité pour laquelle B. Favrit éprouve une tendresse limitée. Sveltes et bronzés (y compris sur le plan mental), ces jeunes gens qui comptent dans leurs rangs quelques troublantes amazones choisissent  -ou refusent - cette conversion « hérakléenne » qui fascine cet écrivain pétri de pensée antique. Celui-ci tente en fait de mettre en pratique la sentence de Malraux : « approfondir sa communion ou cultiver sa différence ». Aussi, chez ses personnages, le panthéisme vécu sous la morsure du gel ou du soleil invaincu débouche-t-il sur la solitude des sommets. Quant aux culs de plomb, ceux qui sont morts sans le savoir, malheur à eux ! Livre  attachant, d’un courage certain - qui pourrait toutefois être plus serein, au ton moins polémique, mais Favrit se veut disciple d’Héraclite - et à mille lieues de la chiennerie dominante, Ceux d’En Haut illustre la permanence d’une posture à la fois stoïcienne et épicurienne (somptueuse évocation d’un festin solsticial). Bel exemple de refus de l’aliénation techno-marchande, de quête de l’excellence et d’exaltation du « divin imprévu » cher à Stendhal, ce livre tonifiera tous ceux que tente la méditation du haut des cimes.

 

Christopher Gérard

 

Bruno Favrit, Ceux d’En Haut, Ed. Auda Isarn, 194 pages, 18€

 

Rencontre avec Bruno Favrit

Propos recueillis par Christopher Gérard

 

Qui êtes-vous ? Comment vous définiriez-vous ? Les grandes étapes de votre itinéraire littéraire et spirituel ?

 

S'il me faut absolument répondre, je dirai : un passionné qui accepte de connaître ce qui veut le réduire pour mieux s'en défaire ensuite. Former une réponse plus complète m'épuiserait assurément. Parce que je n'ai pas cessé, comme dirait Hamsun, de constituer un petit sujet d'étonnement pour moi-même. Ce qui, en un sens, peut être bon signe, si cela signifie qu'à l'échelle d'une vie, rien n'est jamais acquis mais rien n'est jamais achevé.

Pour ce qui est des grandes étapes de mon itinéraire, je ne serai guère plus affirmatif. Il y a une sorte de constante mue par une soif originelle. Un phénomène dont l'explication est au-dessus de mon entendement mais dont je suis conscient qu'il n'a rien d'exceptionnel pour qui est à l'écoute. Je peux tout de même citer le passage par le scoutisme. Je crois que je me suis aussi construit dans ce mouvement qui n'eut alors pour moi absolument rien d'ordinaire. Mais je n'ai lu les romans de Foncine et de Dalens que bien plus tard : je m'appliquais à vivre la réalité avant tout. A quinze ans, il y a eu Nietzsche. Je ne comprenais pas tout, évidemment, mais je percevais que se tenait dans le Crépuscule des idoles et le Zarathoustra une éthique très différente de tout ce qui m'avait été enseigné jusque-là. Cette lecture m'a donné le goût d'aborder les écrits d'autres maîtres d'élévation sans renoncer pour autant à parcourir les forêts et les crêtes. La fréquentation de la Phusis, la Nature sous son acception la plus large, m'a appris l'essentiel, enseignement que la société moderne ne propose plus. Cette immersion m'a également aidé à penser par moi-même en me tenant éloigné des absolutismes tels l'empirisme et les ''valeurs'' spéculatives.

Spirituellement, le qualificatif de panthéiste me convient. Pour ne pas se laisser accaparer par le dogme il faut se construire sa vision du monde en convoquant ses évidences instinctive et héréditaires.

 

Les grandes lectures ?

 

Sans doute peut-on se prononcer sur les livres essentiels à ce que l'on éprouve le besoin de les relire. Nietzsche continue à me soutenir. Mais également des penseurs comme Schopenhauer et Cioran. Sans oublier la philosophie antique. C'est la partie métaphysique de cette aventure qui me paraît déterminante. (Je reste assez insensible à l'épistémologie, sans doute parce que mon côté pyrrhonien m'inspire une confiance modérée dans le résultat.) Pour le style : Saint-Simon, Chateaubriand, Rousseau, Mérimée, Barrès, Montherlant. Bien que lisant peu de romans, des auteurs comme Giono, Hamsun ou Lawrence me touchent. J'affectionne aussi l'oeuvre où l'auteur se met à nu ; Henry Miller, Jack Kerouac, Blaise Cendrars, Gabriel Matzneff, furent pour moi de véritables révélations en la matière. Il me semble en effet important de rester plongé dans le réel. Mais un réel qui sait s'accommoder de la métaphysique et des mythes, eux-mêmes à considérer comme une réalité conceptualisée. Je peux citer également Alain Daniélou, Mircea Eliade, Fernando Pessoa, Hermann de Keyserling, Joseph Conrad.

 

Les grandes rencontres ?

 

Cette question renvoie pour moi à la précédente : qu'importe que les auteurs que nous relisons aient ''disparus'', leur talent demeure face à la grande majorité de nos contemporains qui excellent en mondanités et courent après les prix. Un livre et la confrontation peut avoir lieu. Mes plus grandes rencontres, je les ai faites aussi dans la fréquentation de sites préservés comme en Irlande, en Laponie, sur les grands causses ou les pentes des Alpes. J'aime la magie des lieux. J'aime voir où ont vécu, où ont écrit ceux qui m'ont marqué. L'Engadine d'Ainsi parlait Zarathoustra, le Valais de Derborence, le Montmartre de Jours tranquilles à Clichy, le quartier latin qui a vu naître Nous n'irons plus au Luxembourg et De l'inconvénient d'être né, la Bourgogne des Etoiles de Compostelle, les Calanques de Bourlinguer, le Vercors d'Un roi sans divertissement, le Montserrat d'Un Voyageur solitaire est un diable.

 

 

Après un essai sur Nietzsche et une synthèse sur le vitalisme, vous publiez un recueil de nouvelles dont le personnage principal est la montagne. Vous inscrivez-vous dans la lignée d’un Frison-Roche ou d’autres écrivains de la montagne ? D’où vous est venue cette passion ?

 

J'ai lu Frison-Roche, mais des écrivains comme Saint-Loup, Ramuz ou Buzzati me paraissent bien plus indispensables. Et un Reinhold Messner, même s'il n'a pas un style inoubliable, est à lire parce qu'il décrit dans ses livres une expérience personnelle réellement nietzschéenne. De là à dire que je m'inscris dans cette lignée d'écrivains, nous dirons que je m'efforce de m'y inscrire, conscient de mes faiblesses. Sur ce point, je me qualifierai plus convenablement de questeur qui s'essaye à l'écriture sans y consacrer tout le temps qu'il faudrait...

Quant à ma passion pour la montagne, elle est née d'une ascension en falaise, dans laquelle m'avaient entraîné deux amis, et d'un séjour estival dans les Alpes suisses où j'ai découvert que ce qui pouvait se faire sur le calcaire à 120 mètres de hauteur se trouvait démultiplié en terme de sensations sur le granit à 3000. J'ai vite ressenti le besoin de ne me détacher jamais longtemps des verticalités et de garder le spectacle de ces virginités ''à portée de main''. Je suis devenu, comme on dit aujourd'hui, un addict. L'escalade et l'alpinisme constituent un moyen idéal de trouver l'air pur, la beauté et de tester sa détermination. Cette nécessité n'a pas été exposée uniquement dans Ceux d'en haut qui a eu un précédent. Les Nouvelles des dieux et des montagnes, parues en 2004, rendaient déjà hommage à l'altitude. J'ai tenté d'y montrer qu'elle est aussi un moyen de fréquenter la divinité.

 

 

Les hommes et les femmes que le lecteur croise dans votre livre ont tous en commun de manifester une forme plus ou moins ouverte de rébellion contre le monde moderne.

 

Pour ce qui est de mon époque, ce n'est pas tant qu'elle me désespère – chacun trouve midi à sa porte – ; je souhaite seulement être le moins possible corrompu par elle. Du moins tenté-je de ne pas céder à ses triviales injonctions. Pas de propriété, pas de stock-options, pas d'idées arrêtées sur les vices ou les vertus (d'autant plus que je crois en la relativité des valeurs). Comme dit Marcel Conche, un des rares philosophes actuels remarquables : « Il faut se retirer de tout ce qui a une signification maintenant, mais n’en aura plus demain. » Cela est vrai pour l'action comme pour la connaissance. Mes personnages me ressemblent parce que je les ai fréquentés ou qu'ils sont un peu de moi-même. Je m'inspire de la réalité pour les mettre en scène. La ''révolte contre le monde moderne'' n'est pas qu'une forme de littérature. Bien qu'ils se fassent, hélas ! rares, il y a encore des corps et des esprits  vitalisés en ce bas monde.

 

 

Ce qui frappe aussi à la lecture de votre recueil, c’est votre proximité avec la Grèce ancienne, celle d’Héraclite. Comment expliquez-vous ce trait plus qu’original ?

 

Héraclite ! Il est présent dans la nouvelle ''La Voie hérakléenne'', mais aussi dans Vitalisme et vitalité. Tout ce qui nous reste de lui est constitué de fragments que les doxographes et les philosophes ont sauvé de l'oubli, ''dégraissant'' au passage sa pensée. Cela donne du coup à ses écrits une dimension exceptionnelle. Un présent inestimable pour un âge perclus de discours et de circonlocutions où nul ne ressent plus le besoin de lutter contre l'encombrement et la superfluité. Le vieux sage païen a influencé Platon mais aussi Char et Heidegger, ce qui n'est pas rien. Autant de richesse dans une petite centaine d'aphorismes, il n'y avait que de la Grèce antique qu'un tel héritage pouvait nous venir.

 

Vos projets ?

 

Beaucoup trop. J'avance toujours sur plusieurs fronts au gré de mon inspiration... et de mes dispositions à l'éparpillement ! Selon le vieux précepte antique, je pars du principe que naviguer est nécessaire si l'on veut aborder de nouveaux rivages et ne pas s'émousser dans les béatitudes que ces temps encouragent. Alors cinglons au large et tentons de nouvelles expériences. En ce moment, je me consacre plus particulièrement à la composition d'aphorismes. Un travail en chantier depuis des années qui impose des choix; polir, élaguer, supprimer. Encore et toujours la tentation d'une forme d'allégement.

Quelques projets aussi de grandes voies où je puisse me perdre pour me trouver. Tant que les dieux me donnent l'énergie d'aller par ce moyen à leur rencontre, je n'y renonce pas.

 

Avignon, printemps 2008

jeudi, 23 octobre 2008

Fosco Maraini

 


Fosco Maraini est né à Florence, le 15 novembre 1912. C'est un ethnologue, orientaliste, alpiniste et écrivain italien. Il est le fils du sculpteur Antonio Maraini et de l’écrivain Yoi Crosse. L’une de ses filles, Dacia Maraini, est devenue écrivain.

Poussé par une immense curiosité pour l’Orient, il embarque en 1934 comme professeur d’anglais sur l’Amerigo Vespucci, navire école de la marine italienne. Il découvre l’Égypte, le Liban, la Syrie et la Turquie. En 1937, diplômé en sciences naturelles et anthropologie à l’Université de Florence, il rejoint l’équipe de l’orientaliste Giuseppe Tucci et part au Tibet. Il se consacrera désormais à l’ethnologique et à l’étude des cultures orientales.

Juste avant la Seconde Guerre mondiale, il s’installe au Japon pour enseigner l’anglais à l’Université de Kyōto. Mais le 11 septembre 1943, après l'armistice signée par l'Italie, le Japon oblige les ressortissants italiens à prêter serment à la République de Salo. Enfant du fascisme, il s’oppose à cette république fantoche et est alors interné avec toute sa famille dans un camp d’internement à Nagoya. Quand la guerre prend fin il revient en Italie, puis repart vers ses destinations de prédilection : Tibet, Japon, Corée...

Il enseigne le japonais à l’Université de Florence. Il est considéré comme l’un des plus grands experts de la culture aïnoue, peuple du nord du Japon. En 1958, Maraini, alpiniste accompli, est invité par le Club alpin italien à participer à l’ascension du Gasherbrum IV (7 980 m) dans le massif du Karakoram.

Il décède dans sa ville natale de Florence le 8 juin 2004 à l'age de 91 ans.

Il est l’auteur de nombreuses photographies prises en Asie centrale, au Japon et au Tibet, ainsi que dans les massifs du Karakoram et de l’Hindou Kouch. Sa production photographique fera l’objet de nombreuses expositions en Europe et au Japon. Il est l’auteur d’ouvrages ethnologiques, ainsi que d’œuvres littéraires (romans et poésie). En voici 3 publiés en Français :

  • Tibet secret (Segreto Tibet), préface de Bernard Berenson, traduction de Juliette Bertrand (ouvrage orné de 68 héliogravures d’après les photographies de l’auteur), Arthaud, Grenoble, 1954.
  • Japon (Ore giapponesi), traduction de Angélique Lévi (ouvrage orné de 79 photographies de l’auteur), Arthaud, Paris, 1969.
  • Le Nuvolaire. Principes de nubignose, Rome 1995, Clémence Hiver éditeur, Sauve (Gard) 1999 

dimanche, 19 octobre 2008

De l'Irlande païenne à l'Irlande chrétienne

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Historique , de l’Irlande païenne à l’Irlande chrétienne

Trouvé sur: http://scenehurlante.hautetfort.com

La conversion des îles britanniques


A l'aube de l'ère chrétienne, toutes les zones anciennement celtisées ont été conquises ou sont en passe de l'être, que ce soit par les romains ou par d'autres. La Gaule se latinise à grande vitesse, et la Bretagne a déjà vu les premières incursions romaines. Au même moment, à plusieurs centaines de kilomètres de là, un petit juif barbu s'apprête à changer la face du monde. .

Traditionnellement, le 17 mars, jour de la saint Patrick, est fête nationale en Irlande. On attribue à ce fils de fonctionnaire romain (né vers 385, mort vers 461) la conversion au christianisme des Irlandais. Une conversion qui ne s'est pas fait sans difficultés. En effet, après avoir vécu jusqu'à l'âge de seize ans dans un petit village du pays de Galles, saint Patrick est enlevé par des pirates Irlandais qui l'emmènent chez eux où ils le gardent prisonnier pendant six ans. Une fois libéré, saint Patrick regagne l'Angleterre. C'est alors qu'il a des visions dans lesquelles les Irlandais l'implorent de revenir. Dans un premier temps, il passe en Gaule et est ordonné diacre à Auxerre. Après cette première mission, il fait un voyage à Rome, entre 441 et 443, et, de retour en Irlande, établit son siège épiscopal à Armagh - il aurait installé son église dans la grange de son premier fidèle converti. Divisant l'Irlande en diocèses - qui correspondent aux royaumes des rois celtiques -, il fixe les structures de I'Eglise irlandaise. Son histoire s'entremêle avec les légendes irlandaises.

Quoi qu'il en soit sur la réalité historique du personnage, et bien que certains doutent de son existence, la réalité de la conversion - plutôt rapide - de l'Irlande reste indiscutable. Au tournant du Ve siècle, toute l'élite de la vieille Erinn est dévouée au Christ. Comme en Gaule, les masses paysannes mettront plus longtemps à se tourner vers le Dieu d'Abraham. En France, au bas Moyen-Âge, certain adoraient encore sources ou arbres, pierres ou collines, et l'on trouve encore parfois des bas relief d'inspiration païenne, notamment celtique dans certaines constructions des XIe-XIIe siècle, y compris dans des édifices religieux (on peut en voir quelques-uns sur les façades des églises irlandaises, ou en France, dans la chapelle de la nécropole de Saint Floret, dans le Puy de Dome).

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Le monachisme irlandais


Dès les origines, le clergé Irlandais adopta des rites et des pratiques assez librement inspirées du rite romain, et de manière générale afficha une certaine émancipation par rapport à la puissance tutélaire romaine. Cela lui valu de nombreux rappels à l'ordre qui ne restèrent pas éternellement sans conséquences, puisqu'au XIIe siècle, c'est avec la bénédiction du Pape que les franco-normands (devenus les anglo-normands) prirent pied en terre d'Irlande, avec pour mission - entre autres - de remettre l'Eglise d'Irlande au pas.
On peut peut-être attribuer l'extraordinaire réussite du christianisme dans les pays celtes à la profonde spiritualité de ces peuples, qui les a fait recevoir le dogme chrétien comme conforme à une certaines vision de leurs conceptions métaphysisques. On peut pour mémoire rappeler que le paganisme celtique croyait à l'immortalité des âmes, comme le christianisme. Certes, de nombreux peuples y croyaient, mais sans que cela recouvre la même importance. De même, les celtes partageaient avec le monothéisme juif, et par conséquent chrétien, l'interdiction de la représentation anthropomorphique des Dieux. Et de manière plus concrète, la figure du Druide celte ressemble de près par son importance sociologique à la figure du prêtre chrétien. Dans peu d'autres peuples on ne retrouve une telle prééminence de la fonction religieuse, prééminence qui se prolonge à l'époque chrétienne dans les ministres du culte. Si la conversion de l'île d'Irlande a pu être aussi rapide, c'est que Saint Patrick - ou les séides de l'Eglise, s'il n'a pas existé - a su à qui s'adresser en premier lieu : c'est vers les druides qu'il a tourné ses premiers efforts, entraînant avec eux l'élite aristocratique.

L'exubérance de l'art chrétien irlandais
En outre, l'apparition du christianisme en Irlande coïncide peu ou prou avec le développement d'une certaine forme d'art sacré, qui trouvera son apothéose dans les magnifiques manuscrits des VIIIe-IXe siècles, comme le Livre de Kells (photos à droite et ci dessous), qui reste aux yeux de tous le plus bel exemple de l'enluminure chrétienne, et qui constitue dans l'absolu une oeuvre d'art unique. Cet ouvrage est actuellement détenu par le Trinity College à Dublin. De manière globale, les " siècles obscurs " de l'Europe continentale furent en Irlande ceux d'une apothéose spirituelle qui amena les monastères irlandais à devenir des centres religieux de première importance, parmi lesquels le plus célèbre reste celui de Clonmacnoise (près d'Athlone, en République d'Irlande), dont la réputation et l'influence dépassa de loin les limites étroites de leur île. Nombreux furent les moines irlandais qui se répandirent sur le continent pour fonder ordres monastiques, missions évangélisatrices,... Les magnifiques enluminures des moines irlandais eurent elles aussi une influence artistique que l'on imagine pas : certains chercheurs font des rapprochements entre celles ci et celles des chrétiens d'Egypte, les coptes.

De plus, alors qu'ils enluminaient les plus beaux exemplaires de la Bible, les moines irlandais eurent aussi l'excellente idée de coucher par écrit les légendes et la mythologie irlandaise avant qu'elle ne se transforme en simple conte pour enfant. Ce travail a permis de sauver la trace précise d'une mythologie indo-européenne riche et grandiose. A titre de comparaison, on ne sait rien ou presque des Dieux Gaulois, à l'exception de quelques noms ou de grandes figures. A ce titre, les moines irlandais méritent la reconnaissance, car plus que leurs homologues du continent, ils ont eu à coeur de respecter et de préserver une structure sociale et une civilisation ancienne.

 

Christianisme et spiritualité celte


Mais ce qui a provoqué une certaine renaissance des nations celtes dans les îles, c'est aussi le départ des légions romaines. Leur départ de l'île de Bretagne, notamment, vit l'apparition des épopées arthuriennes, que l'on ne présente plus. Au même moment, le royaume de Bretagne s'étendait au continent, lorsque les iliens retournèrent en nombre s'installer dans la péninsule armoriquaine, donnant ainsi naissance à la Bretagne continentale.

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En outre, il ne faut pas se leurrer non plus : si l'apparition du christianisme a pu redonner une certaine vigueur à la société irlandaise, il ne faut pas oublier que ce fut au prix de la disparition de l'antique paganisme celtique, qui avait ses vertus, tout autant -voire plus- que le christianisme. Nous ne reviendrons pas sur les remarques que nous avons déjà formulé sur la nature intrinsèquement exclusive et close du discours monothéiste, en ce sens que le monothéisme ne tolère pas la diversité, quoi que nombreux soient ceux qui l'en défendent. Sur le caractère totalitaire du christianisme, et du monothéisme de manière générale, l'Histoire a été assez éloquente, et il n'est pas nécessaire de multiplier les exemples. Qui plus est, le mode de pensée binaire et manichéen du christianisme (bien/mal ; juste/injuste ; vrai/faux ; ...), qui l'est plus encore sans doute que dans le judaïsme ou l'islam, a aboli un mode de pensée sans doute plus riche et plus subtil sur bien des points. Certes, rien ne dit que la société aurait été meilleure, surtout si l'on considère que la religion elle même n'est qu'une superstructure, et que la forme de la société est essentiellement dictée par le mode de production. Mais en tout cas, on se serait peut être un peu plus amusé...

Ces motifs, pour la plupart sculptés sur des plaques de chancel, sont de pures abstractions. Ils ont un parallèle dans l’enluminure avec ce qu’on appelle les tapis d’ornement. La discussion a été vive pendant longtemps sur la signification implicite de ces panneaux. Leur datation a rejeté l’argument de la crise iconoclaste car bien trop tardive pour en constituer une explication. Bien que ce rejet de l’image figurative ait été latent durant de longues périodes puisque celui-ci existait dans la culture antique perse et se propageait avec les armées arabes islamisées, il ne saurait constituer une réponse suffisante car il a été démontré précédemment que l’entrelacs n’était particulier à aucun pays ni aucune civilisation et qu’on le retrouvait sous différentes formes sur les quatre coins du globe. En fait, tous les arts abstraits fondés sur la géométrie reflètent la science primitive de l’homme en lien avec l’observation des astres. L’astronomie ou la prévision des phénomènes de l’univers a mis en évidence la notion de cycles. Toutes les grandes civilisations se sont penchées sur cette science qui ne se comprenait que par la logique mathématique et son expression schématique : la géométrie. Dans l’art, reflet de l’esprit humain utilisant le schéma de la symbolique, l’astronomie pouvait se résumer dans ces figures religieuses qu’étaient les svastikas, yin et yang, triskels, roues solaires et entrelacs. Toutes mettent en place une idée de mouvement, de cycles et les civilisations qui les ont générées procèdent d’une expérience commune.

vendredi, 03 octobre 2008

Histoire des Sikhs

 

Synergies Européennes - Ecole des cadres - Wallonie/Lorraine - Octobre 2008 - Ouvrages à lire

Table des matières

DU NANAK PANTH AU KHALSA
Le Panjab : région, histoire et cultures
Les débuts du Panth (vers 1500-1606)
La transformation du Panth et la formation du Khâlsâ (1606-1708)
DE LA CONQUETE DU PANJAB A LA PARTITION
Des révoltes paysannes au royaume du Panjab et aux guerres anglo-sikhes (1708-1849)
De l'annexion du Panjab aux lendemains de la Grande Guerre (1849-1919)
Dans la lutte pour l'interdépendance (1920-1947)
DE L'INDEPENDANCE A NOS JOURS
Les sikhs dans l'Inde indépendante
Les sikhs dans la société indienne et dans le monde
Pratiques religieuses et culture

Broché
Paru le: 02/04/2008
Editeur : Albin Michel
Collection : Planète Inde
ISBN : 978-2-226-18282-1
EAN : 9782226182821
Nb. de pages : 375 pages
Prix: 24,00 Euro