lundi, 16 septembre 2024
Périclès et la démocratie totalitaire
Périclès et la démocratie totalitaire
Nicolas Bonnal
L’expression "démocratie totalitaire" est de Bertrand de Jouvenel. Mais son inventeur est le bon vieux Périclès; l’explosion de la dépense publique, les grands travaux du Parthénon, la guerre interminable (pour la Grèce) du Péloponnèse, la transformation d’un grand peuple en plèbe d’assistés et d’accros au théâtre gratuit, c’est lui, idole par ailleurs de nos bons profs d’histoire, tous fonctionnaires.
John T. Flynn est lui un pamphlétaire de la première moitié du siècle dernier. Il a écrit après la Guerre un best-seller contre Roosevelt, The Roosevelt Myth. Dès les années trente, il reprochait au New Deal sa gabegie, son inutilité, sa dette immonde. Pour lui comme pour Georges Bernanos et les libertariens de haute école, New Deal, fascisme et socialisme incarnaient une seule et même chose, l’Etat moderne qui met fin à notre simple autonomie.
Dans ses Leçons oubliées, Flynn compare Roosevelt au fameux stratège athénien Périclès: dette énorme, gesticulations médiatiques, grands travaux, constructions de prestige, bases, colonies (les bases US !), et une belle guerre mondiale et surtout perpétuelle. Tout rapproche Périclès de Roosevelt, y compris le prestige historique de ces deux grandes et catastrophiques figures. Roosevelt démantela les empires coloniaux et brada notre Europe - comme Périclès la Grèce avec la Guerre du Péloponnèse.
Flynn se réfère à Plutarque, au merveilleux Plutarque.
On cite la Vie des hommes illustres, Périclès, chapitre IX et suivants.
« Beaucoup d'autres prétendent que c'est lui qui le premier habitua le peuple aux clérouchies, aux distributions d'argent pour le théâtre et autres indemnités diverses ; mesures qui, de sage et travailleur qu'il était, le rendirent prodigue et indocile. Demandons aux faits eux-mêmes les raisons de cette transformation. »
J’ai déjà cité Démosthène qui un siècle après Périclès se plaint dans la Réforme de la gabegie de l’argent public et du divertissement athénien. Plutarque encore :
« Périclès, vaincu en popularité, eut recours à des largesses faites avec les revenus de l’Etat. Le voilà sur-le-champ qui corrompt en grand toute la multitude avec les fonds des spectacles, avec des salaires attribués aux juges, par toutes sortes d'allocations et de largesses ; puis de cette multitude il se fait une arme contre l'Aréopage. Il n'en était pas membre, le sort ne l'ayant jamais désigné pour les fonctions d'archonte, de roi, de polémarque ou de thesmothète… ».
Périclès déclare des guerres juridiques et administratives, quand il ne chasse pas la concurrence politique par ostracisme:
« Ainsi Périclès, fort de l'appui du peuple, abattit la puissance de ce tribunal (l’aréopage). Il se vit dépossédé de la plupart de ses juridictions par l'entremise d'Ephialte; Cimon fut banni comme ami des Lacédémoniens, et ennemi de la démocratie (misodèmon), — Cimon qui ne le cédait à personne en naissance et en richesses, qui avait remporté de brillantes victoires sur les Barbares, qui avait rempli la ville de dépouilles et de trésors, comme je l'ai raconté dans sa Vie. — Tel était sur la multitude l'ascendant de Périclès (kratos en to démo Perikleou) ».
Puis Plutarque s’emporte, qui pourtant est fasciné par Périclès !
« XI Aussi Périclès, de plus en plus, lâcha la bride au peuple, et rechercha la popularité; il s'ingéniait pour qu'il y eût toujours à Athènes des assemblées générales, des banquets, de belles cérémonies, enfin il offrait à la ville toutes sortes de divertissements du meilleur goût. »
Mais ce spectaculaire beurre ne suffit pas. Guerre social-démocrate: on ajoute les canons et on joue au petit soldat, au colonisateur. Comme le disait Rothbard l’Etat militariste accompagne l’Etat socialiste.
« Chaque année, il envoyait soixante trières montées pendant huit mois par un grand nombre de citoyens qui recevaient un salaire… Il envoya en outre dans la Chersonèse mille colons; à Naxos, cinq cents; à Andros, deux cent cinquante.
En Thrace il prescrivit à mille citoyens d'habiter chez les Bisaltes ; il en envoya d'autres en Italie lors de la reconstruction de Sybaris sous le nom de Thurium: tout cela, pour alléger Athènes d'une populace sans ouvrage, et par là même remuante; pour soulager la misère du peuple et pour installer enfin, auprès des alliés (summaxois), comme garantie contre toute espèce de révolte, des garnisons, et par conséquent la crainte (phobos). »
La force athénienne repose bien sûr sur la terreur. Or quand on est le plus fort, on se sert le premier. On ruine le trésor de Délos pour édifier les babioles que vont adorer les touristes deux mille ans après:
XII Mais ce qui fit le plus de plaisir à Athènes, et ce qui devint le plus bel ornement de la ville ; ce qui fut pour tout l’univers un objet d’admiration ; la seule chose enfin qui atteste aujourd’hui la vérité de ce qu’on a dit de la puissance de la Grèce et de sa splendeur d’autrefois, ce fut la magnificence des édifices construits par Périclès. »
Certains esprits ne sont pas contents (Plutarque évoque les anciennes élites et les… poètes comiques !) :
« Et la Grèce n’a-t-elle pas raison de se croire insultée, et outrageusement tyrannisée, quand elle voit que les sommes déposées par elle dans le trésor commun, et qu’elle destinait à fournir aux frais des guerres nationales, nous les dépensons, nous, à couvrir notre ville de dorures et d’ornements recherchés, comme une femme coquette accablée sous le poids des pierreries ; à la parsemer de statues ; à construire des temples de mille talents ? »
Le bon Périclès trouve normal de s’être servi. Et comme n’importe quel président US qui nous invite à payer plus pour aller casser la gueule à notre voisin russe:
« Périclès tenait un tout autre langage : « Vous ne devez à vos alliés nul compte de ces deniers, disait-il au peuple, puisque c’est vous qui faites la guerre pour eux, et qui retenez les barbares loin de la Grèce, tandis qu’eux ne vous fournissent pas un cheval, pas un vaisseau, pas un homme, et qu’ils ne contribuent que de leur argent. Or, l’argent, du moment qu’il est donné, n’est plus à celui qui l’a donné, mais à celui qui l’a reçu, pourvu seulement que celui-ci remplisse les engagements qu’il a contractés en le recevant. Or, vous avez rempli tous vos engagements, en ce qui concerne la guerre. »
Les grands travaux occupent tout le monde, comme les gares et les barrages (ça se visite aussi, non?), et les aéroports et toutes les pyramides du Louvre. Périclès :
« Une foule de besoins nouveaux ont été créés, qui ont éveillé tous les talents, occupé tous les bras, et fait, de presque tous les citoyens, des salariés de l’État : ainsi, la ville ne tire que d’elle-même et ses embellissements et sa subsistance. Ceux que leur âge et leurs forces rendent propres au service militaire reçoivent, sur le fonds commun, la paye qui leur est due. Quant à la multitude des ouvriers que leurs professions exemptent présentement du service militaire, j’ai voulu qu’elle ne restât point privée des mêmes avantages, mais sans y faire participer la paresse et l’oisiveté. Voilà pourquoi j’ai entrepris, dans l’intérêt du peuple, ces grandes constructions, ces travaux de tous genres, qui réclament tous les arts et toutes les industries, et qui les réclameront longtemps. »
On ostracise les rares mécontents :
« Enfin, la lutte avec Thucydide (pas l’historien, un rival politique) en vient à un tel point que Périclès se résout à courir les risques de l'ostracisme, obtient le bannissement de son adversaire, qui est suivi de la dissolution du parti. »
Périclès semble gagner son pari avant la peste et les premières défaites. Il est le Roi du Monde façon Roosevelt:
« Il semblait qu’il n’y eût plus d’inimitiés politiques, et qu’il n’y eût désormais, dans Athènes, qu’un même sentiment, une même âme. On pourrait dire qu’alors Athènes, c’était Périclès. Gouvernement, finances, armées, trirèmes, empire des îles et de la mer, puissance absolue sur les Grecs, puissance absolue sur les nations barbares, sur tous les peuples soumis et muets, fortifiée par les amitiés, les alliances des rois puissants, il attira tout à lui, il tenait tout dans ses mains. »
Et la « mégalo-thymie », l’ubris de Fukuyama frappe la cité athénienne :
« Périclès inspirait à ses concitoyens une opinion de plus en plus haute d’eux-mêmes, en sorte qu’ils se croyaient appelés à une puissance plus grande encore. »
En dépit de ses dépenses et ses erreurs, Périclès est resté une figure de légende, comme ce FDR jugé le plus prestigieux des présidents US par la smalah des universitaires et des profs de collège; Roosevelt qui appauvrit son pays et l’endetta, qui aggrava la crise de 29 et la rendit pérenne, Roosevelt enfin qui provoqua le Japon de la manière la plus cynique (Morgenstern), massacra l’Allemagne prête à négocier dès 1943 et donna la moitié de l’Europe à Staline – et la Chine au maoïsme.
Ralph Raico remarque enfin que le complexe militaro-universitaire a fait de Truman un grand président américain: Otan, Corée, Hiroshima. Sans oublier le social et l’antiracisme, à l’armée puis partout.
Sources antiques et libertariennes :
PLUTARQUE, VIE DE PERICLES TRADUIT PAR UNE SOCIETE DE PROFESSEURS ET D’HELLENISTES – PARIS, LIBRAIRIE HACHETTE, 1893 (Gallica BNF)
Edition bilingue. Vie des Hommes Illustres. Traduction Alexis Pierron, 1853 (Remacle.org)
Démosthène – Discours sur les réformes publiques (Remacle.org)
John T. Flynn – A Roosevelt Myth; forgotten lessons. Mises.org
The costs of war; American pyrrhic victories, edited par John V. Denson
Ralph Raico- A libertarian rebuttal (Mises.org).
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lundi, 09 septembre 2024
Juin 1944, les Marocchinate sur l'île d'Elbe. Le drame d'Olimpia Mibelli Ferrini
Crimes de guerre
Juin 1944, les Marocchinate sur l'île d'Elbe. Le drame d'Olimpia Mibelli Ferrini
par Eugenio Pasquinucci
Source: https://www.destra.it/home/storie-italiane-giugno-1944-le-marocchinate-dellisola-delba/
Je suis en vacances sur l'île d'Elbe et un jour je demande à une connaissance locale si je pourrais avoir des nouvelles de la vie d'Olimpia Mibelli Ferrini, dont on a décidé de donner le nom à une rue de Portoferraio.
« Nous savons tous qui était Olimpia et quelle était son histoire. Je connais l'un de ses fils, mais il n'est pas là ».
Olimpia était la figure féminine emblématique des tragiques journées de l'île d'Elbe en juin 1944, au cours desquelles s'est déroulée l'opération Brassard. À l'époque, plusieurs milliers de soldats des troupes coloniales françaises, sénégalais et nord-africains, marocains, tunisiens et algériens, débarquent le 17 juin 1944 sur les plages minées de Marina di Campo, sur l'île d'Elbe. Les 500 premiers sautent sur les mines, car ils sont considérés par les Alliés comme de la simple chair à canon, mais les autres se jettent sur les lieux de l'île en faisant usage du permis de viol et de pillage délivré aux troupes par le commandement français. Après avoir vaincu la résistance des quelques défenseurs italiens et allemands, les assaillants n'hésitent pas à s'emparer de tout ce qui leur tombe sous la main.
Les maisons des insulaires furent dévalisées, les femmes presque toutes violées. De nombreuses femmes furent tuées suite aux violences subies par plusieurs soldats, certains hommes tentèrent de les défendre et furent tués à leur tour, dans certains cas également violés. Certaines femmes ont été sauvées parce qu'elles se sont échappées vers l'arrière-pays où elles ont été emmurées vivantes à l'intérieur de certaines maisons, avec une fissure dans le plafond qui leur permettait de respirer et d'obtenir de la nourriture.
Olimpia était une blanchisseuse de Portoferraio, mariée à un soldat de la République Sociale Italienne, qui, face à la convoitise débridée de certains soldats nord-africains, leur a offert son corps à condition qu'ils laissent tranquilles des jeunes filles qui avaient été prises pour cible.
Son sacrifice a permis de préserver certaines de ces jeunes filles, dont certaines étaient encore des enfants, et cela est devenu un acte symbolique digne d'être rappelé jusqu'à aujourd'hui, alors que la tradition orale n'a jamais manqué de faire connaître cette tragédie.
Ainsi, au milieu des rues de Portoferraio, lieu consacré à la mémoire de Cosimo de' Medici et de Napoléon Bonaparte, il y aura un espace dédié à Olimpia Mibelli Ferrini.
L'opération Brassard fut un débarquement inutile dans l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, voulu par les Français dans l'espoir d'annexer plus tard l'île d'Elbe en même temps que la Corse. Les habitants de l'île d'Elbe, qui auraient dû accueillir les troupes alliées en libérateurs, étaient impatients de s'en débarrasser, au prix de plus de 200 viols, auxquels s'ajoutent les morts et les suicides, les avortements et les infections vénériennes qui s'ensuivirent.
Dans les mois qui suivirent, plusieurs enfants naquirent, dont les traits somatiques rappelaient indubitablement les viols de l'époque, mais que les habitants de l'île d'Elbe accueillirent dans leur communauté avec le même amour que celui qu'ils réservaient aux autres.
La consécration du sacrifice d'Olimpia se veut non seulement le souvenir d'une femme courageuse, mais aussi une sorte de réparation pour la mémoire qui a trop souvent été refusée à ces événements, auxquels il semble que les présidents de la République aient été particulièrement insensibles au cours des 80 dernières années.
19:14 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, île d'elbe, deuxième guerre mondiale, crimes de guerre, seconde guerre mondiale, armée française, italie, troupes coloniales françaises | |
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lundi, 02 septembre 2024
Comment Tocqueville réfute la théorie de la conspiration
Comment Tocqueville réfute la théorie de la conspiration
Nicolas Bonnal
Personne n’a expliqué le monde dit moderne et les siècles dits démocratiques mieux qu’Alexis de Tocqueville. On peut se demander alors ce que ce grand esprit terrassé par le césarisme plébiscitaire des Bonaparte (qui stérilisa l’esprit français, en particulier l’esprit aristocratique qui est celui de la Liberté – voir Jouvenel) pouvait penser de la théorie du complot pour expliquer l’histoire. Or il n’y a pas à se le demander, car il a bien répondu sur ce point dans sa correspondance, à un ami visiblement « d’extrême-droite », le sympathique comte de Circourt, qui lui parlait de l’inévitable et fastidieux jésuite Barruel, auteur du pensum sur les conspirations maçonniques et illuminées pendant la révolution (dans le genre je préfère Robison -Proofs of a Conspiracy against all the Religions and Governments of Europe, carried on in the Secret Meetings of Free-Masons, Illuminati and Reading Societies, etc., collected from good authorities (1797)- ou même le Napoléon de Walter Scott, ou même Dumas et Balsamo).
Sur la gesticulation politique au XIXe siècle, Debord avait écrit dans ses Commentaires :
La « conception policière de l’histoire était au XIXe siècle une explication réactionnaire, et ridicule, alors que tant de puissants mouvements sociaux agitaient les masses (1). »
Mais les masses allaient mener au socialisme, à l’étatisme, au fascisme et au nazisme, en attendant le mondialisme télévisé. Relisez Ortega Y Gasset qui révéla leur perversion dans Révolte.
Tocqueville n’a donc pas lu le légendaire et sulfureux Barruel ; et d’expliquer pourquoi :
« J’en ai toujours été détourné par l’idée que celui-ci avait un point de départ essentiellement faux. Sa donnée première est que la révolution française (il est permis de dire aujourd’hui européenne) a été produite par une conspiration. Rien ne me paraît plus erroné (2). »
Car on oublie que conspirer signifie respirer ensemble. Les Français voulaient tous ou presque cette abomination. Le voyageur Young révéla l’instantané fanatisme de leur révolution dans ses voyages.
Tocqueville fait ensuite une concession rhétorique :
« Je ne dis pas qu’il n’y eût pas dans tout le cours du dix-huitième siècle des sociétés secrètes et des machinations souterraines tendant au renversement de l’ancien ordre social. Au-dessous de tous les grands mouvements qui agitent les esprits se trouvent toujours des menées cachées. C’est comme le sous-sol des révolutions. »
Il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne.
Mais Tocqueville rappelle l’essentiel. L’essentiel est qu’il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration quand la théorie de la constatation fonctionne. Les Français voulaient que ça saute, comme aujourd’hui ils veulent du Macron, du Reset, de la pénurie et des coupures de courant (oui, je sais, pas tous, mais la minorité de mécontents qui clique ne fait et ne fera pas la loi). Car on ne les refait pas les Français. La révolution-conspiration c’est quand la masse veut la même merde que l’élite. Aux mécontents de changer de pays.
Tocqueville ajoute superbement :
« Mais ce dont je suis convaincu, c’est que les sociétés secrètes dont on parle ont été les symptômes de la maladie et non la maladie elle-même, ses effets et non ses causes. Le changement des idées qui a fini par amener le changement dans les faits s’est opéré au grand jour par l’effort combiné de tout le monde, écrivains, nobles et princes, tous se poussant hors de la vieille société sans savoir dans quelle autre ils allaient entrer (3). »
Nouvelle société qui semblait inévitable. A cet égard Tocqueville souligne les caractères de la science historique :
« On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite. »
Notre écrivain ajoute :
« Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens en Turcs (4). »
Cette doctrine de la fatalité me paraît juste : tout empire, à commencer par l’étatisme, le bellicisme humanitaire et la tyrannie informatique, et l’on n’y peut rien : théorie de la constatation.
C’est l’historien de l’Espagne Stanley Payne qui, désespéré par l’anesthésie de cet ancien grand peuple, dénonce la torpeur de ces temps post-historiques. Raison de plus pour rendre hommage à la liquidation de la théorie du complot par Tocqueville : la masse suit, quand elle ne la précède pas, la mauvaise volonté de son élite. Plus antiraciste, plus féministe, plus véganienne et plus écologiste qu’elle, plus cybernétisée même, elle exige du Reset.
Ma solution ? Un voilier dans les sublimes fjords du Chili (pays le plus vacciné au monde…).
Notes:
1). Debord, Commentaires, XX.
2). Tocqueville, Correspondance, A M. LE COMTE DE CIRCOURT, Tocqueville, 14 juin 1852.
3). Ibid.
4). De la Démocratie en Amérique II, Première partie, CHAPITRE XX.
11:29 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, alexis de tocqueville, augustin barruel, conspiration, conspirationnisme | |
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jeudi, 29 août 2024
Le polémiqueur - Les cinq meilleurs livres d'Ernst Nolte
Le polémiqueur - Les cinq meilleurs livres d'Ernst Nolte
Source: https://www.freilich-magazin.com/kultur/der-streitbare-die-fuenf-besten-buecher-von-ernst-nolte
"Antisémite", "fasciste", "incendiaire intellectuel" - les critiques adressées à l'historien et philosophe Ernst Nolte (1923-2016) n'avaient pas de vocables assez durs pour mettre le public en garde contre ses écrits et ses travaux. Devenu célèbre pour son examen critique du nazisme et son rôle dans la «querelle des historiens» des années 1980, Nolte a créé les outils historico-politiques d'une nouvelle génération de la droite libérale et conservatrice. Mike Gutsing, rédacteur du magazine Freilich, a rassemblé les ouvrages les plus importants pour nous en dire quelques mots.
par Mike Gutsing
Le fascisme à son époque (1963)
Le premier ouvrage d'Ernst Nolte est aujourd'hui encore considéré comme un classique. Il avait déjà travaillé sur Le fascisme à son époque alors qu'il enseignait l'allemand, le latin et le grec au lycée à la fin des années 1950 et s'en était servi comme thèse de doctorat. Avec Der Faschismus in seiner Epoche, Nolte adopte une méthode de travail qui marquera toute son œuvre scientifique et qui compte encore aujourd'hui de nombreux adeptes dans et hors du milieu universitaire. Il interprète le phénomène de l'État nazi à partir de lui-même, analyse sa compréhension de lui-même et en déduit les particularités idéologiques. Jusqu'alors, le terme n'était connu que comme une auto-désignation du mouvement politique de Mussolini et comme un terme de combat de la gauche d'après-guerre, grâce à Nolte, le « fascisme » est devenu un terme d'analyse scientifique.
Contrairement à l'interprétation qu'en font ses contemporains, Nolte bouscule les schémas de pensée existants. Il affirme que le fascisme a été une réaction à certaines circonstances et crises historiques, et tente de mettre en lumière les similitudes et les différences entre les différents mouvements fascistes. L'idée selon laquelle les différentes formes de fascisme européen étaient des réactions au communisme soviétique russe est centrale. C'est notamment cette thèse qui a valu à l'ouvrage, et donc à Ernst Nolte, d'être sévèrement critiqué par les historiens.
L'Allemagne et la guerre froide (1974)
Près de trente ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde était à nouveau sur le point de connaître une conflagration mondiale. Les puissances du bloc formé par les États-Unis d'Amérique et l'Union soviétique se sont réarmées après les efforts de détente des années 60 et se sont livrées à une course au monde jusqu'alors inédite. Dans son livre L'Allemagne et la guerre froide, Ernst Nolte a analysé comme personne d'autre les relations tendues entre les deux grandes puissances. Selon Nolte, le conflit mondial n'est pas seulement une lutte d'influence, de ressources et d'hégémonie, mais aussi un combat d'idéologies. Pour lui, les « démocraties occidentales » sont en concurrence permanente avec leurs alternatives, qui ont pris la forme du nazisme et du communisme au 20ème siècle.
Dans L'Allemagne et la guerre froide, Nolte étudie également les circonstances géopolitiques qui ont conduit à la division de l'Allemagne. En tant qu'historien, il était au cœur de l'actualité, la double décision de l'OTAN ayant donné à de nombreux Allemands de l'Ouest l'impression d'être devenus tout à coup la première tranchée de la guerre froide. Nolte établit également un parallèle avec Israël, une comparaison qui a suscité l'étonnement et parfois l'admiration de nombreux critiques contemporains pour sa méthode de travail.
La guerre civile européenne (1987)
La fascination pour les pensées et les points de vue sous-jacents aux grandes évolutions du monde imprègne également l'œuvre la plus controversée de Nolte. Avec Der europäische Bürgerkrieg 1917-1945. Nationalsozialismus und Bolschewismus (La guerre civile européenne 1917-1945 - National-socialisme et bolchevisme ), il s'est propulsé au cœur de la querelle des historiens, exacerbée par le mouvement de 1968, sur la manière dont la recherche traite le national-socialisme. A sa critique centrale, selon laquelle l'historiographie de la RFA n'aurait pas dû adopter sans réflexion la perspective des puissances victorieuses, Ernst Nolte oppose dans ce livre un contraste en confrontant les deux adversaires de la « guerre civile ».
Avec sa thèse selon laquelle les camps de concentration nazis auraient été la réaction à l'archipel du Goulag des communistes, il fait tomber de son piédestal, selon de nombreux collègues, l'une des vaches sacrées de l'Allemagne d'après-guerre. Les recherches universitaires de Nolte sont perçues comme une attaque contre la souveraineté d'interprétation des intellectuels de la République fédérale d'Allemagne et interprétées comme une relativisation de l'Holocauste. Le conflit autour des déclarations de Nolte, souvent interprétées de manière délibérément erronée, continue d'assombrir le livre et son auteur. Il n'en reste pas moins un ouvrage de référence, non seulement pour les historiens spécialisés, mais aussi pour tous ceux qui souhaitent comprendre la pensée historique de Nolte.
La pensée historique au XXe siècle (1991)
A propos de l'ouvrage publié au début des années 1990 , Geschichtsdenken im 20. Jahrhundert. De Max Weber à Hans Jonas, il y a peu à dire. Non pas parce que le livre est seulement faible en contenu ou même en qualité, mais parce qu'il semble à première vue être l'étape logique après les débats autour de son dernier grand ouvrage, La guerre civile européenne. Ses contemporains l'ont qualifié de « costume d'Arlequin assez abscons » que l'homme, alors âgé de 68 ans, avait revêtu. Pour Nolte, il s'agissait de trouver des personnes partageant les mêmes idées que lui, qu'il voulait à présent dénicher dans le passé après les avoir vainement recherchées dans le présent.
Les « penseurs de l'histoire », comme les appelle Nolte, sont une espèce rare d'intellectuels, même parmi les 39 grands penseurs de la fin du 19ème siècle et du 20ème siècle, qui n'est pas totalement révolu, ils ne sont qu'une poignée. Si vous souhaitez comprendre la pensée de Nolte, vous ne pouvez pas passer à côté de ce livre.
Le troisième mouvement de résistance radicale : L'islamisme (2009)
Dans son œuvre tardive, Ernst Nolte a également cherché le point sensible. L'examen de l'islamisme, avec en toile de fond les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre internationale contre la terreur, n'est pas vraiment extravagant. Pour lui, l'islamisme, troisième idéologie après le bolchevisme et le nazisme, s'oppose fondamentalement à la démocratie libérale. Nolte reste impassible dans cette évaluation, il considère que le système de valeurs occidental n'est pas moins menaçant pour l'existence des pays marqués par l'islam, comme c'est le cas dans l'autre sens.
Tout au long de sa vie, ses détracteurs ont reproché à Nolte de s'intéresser davantage aux idéologies qu'à la réalité. Mais c'est justement La troisième résistance radicale: l'islamisme qui nous montre que l'idéologie et la réalité ne forment pas un couple antagoniste. Dans ce livre, Ernst Nolte révèle une fois de plus une manière de penser au-delà des perspectives préconçues. Si ses résultats peuvent être contestables, la grande qualité de sa méthode de travail et la force d'innovation de sa pensée ne le sont pas.
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samedi, 24 août 2024
Apogée du Saint-Empire médiéval ?
Saint Empire romain germanique
Apogée du Saint-Empire médiéval ?
Conrad II a inauguré le règne des Saliens. Il y a 1000 ans, il a été élevé au rang de roi/empereur romain-germanique
Wolfgang Kaufmann
Source: https://paz.de/artikel/hoehepunkt-der-mittelalterlichen-kaiserherrschaft-a12104.html
Le 13 juillet 1024, l'empereur romain-germanique Henri II meurt. Comme il n'avait pas de descendance, la dynastie des Ottoniens a pris fin avec lui (voir PAZ du 12 juillet).
Son successeur en tant que roi du royaume de Francie orientale fut élu il y a 1000 ans, le 4 septembre 1024, fils unique d'Henri de Spire et de son épouse Adélaïde de Metz, né vers l'an 990. Celui-ci régna ensuite sous le nom de Conrad II.
Conrad l'Ancien, comme on l'appelait également, était issu de la noble famille franque des Saliens, dont l'histoire remonte au 8ème siècle. L'empereur Othon Ier était son arrière-arrière-grand-père et la lignée de son épouse Gisèle de Souabe remontait jusqu'à Charlemagne. Le choix de Conrad ne résulte pas seulement de ses origines. Sa personnalité a également joué un rôle important dans ce choix. Il manquait certes d'éducation formelle, d'où son surnom insultant de « Rex Idiota », mais il compensait largement par son bon sens. De plus, Conrad a convaincu ses contemporains par son efficacité (Virtus) et sa droiture (Probitas).
Séparation de l'État et du souverain
Dans l'ensemble, le passage de la dynastie ottonienne à la dynastie salique s'est déroulé sans grand bouleversement, d'autant plus que le nouveau roi a d'abord agi de manière très similaire à son prédécesseur. Il commença par parcourir les principales régions du royaume pendant plusieurs mois pour recevoir les hommages de la haute noblesse, puis se rendit en Italie où il fut couronné roi des Lombards en 1026. Le dimanche de Pâques 1027, Conrad et Gisèle furent couronnés empereurs par le pape Jean XIX dans la basilique Saint-Pierre de Rome, une cérémonie qui fut l'une des plus brillantes de tout le Moyen Âge, à laquelle assistèrent notamment le roi d'Angleterre et du Danemark, Knut le Grand, le roi de Bourgogne Rodolphe III et un grand nombre d'archevêques.
Au cours de la période qui suivit, Conrad imposa ses exigences de souveraineté malgré l'opposition des ducs Ernst de Souabe, Adalbero de Carinthie et Udalrich de Bohême, ainsi que du roi de Pologne Mieszko II. En outre, en 1033, il triompha dans la lutte pour la couronne royale de Bourgogne, devenue vacante après la mort de Rodolphe III. C'est ainsi qu'apparut pour la première fois l'idée d'une « triade de royaumes » réunissant les royaumes de Francie orientale et d'Allemagne, d'Italie et de Bourgogne.
En décembre 1036, Conrad se rendit une seconde fois en Italie pour servir de médiateur dans le conflit qui opposait la petite noblesse locale à l'archevêque de Milan et à d'autres prélats. Ce faisant, il abandonna la ligne de la politique ecclésiastique des Ottoniens qu'il avait d'abord poursuivie. En effet, sa loi de mai 1037, qui garantissait à tous les vassaux l'hérédité de leurs fiefs et la protection contre leur retrait arbitraire, visait clairement les grands seigneurs féodaux, parmi lesquels figuraient aussi et surtout les évêques.
A son retour d'Italie, Conrad II a célébré le Noël de l'année 1038 à Goslar. Les prochaines étapes de l'empereur furent Nimègue et Utrecht, où il mourut le 4 juin 1039, de manière relativement soudaine et inattendue, à l'âge d'environ 50 ans, probablement de la goutte. Sa dépouille fut suivie d'un cortège funèbre qui dura un mois pour se rendre à Spire, ville qui, sous Conrad, était passée du statut de pauvre « ville des vaches » à celui de métropole et dont la magnifique cathédrale devint finalement le lieu de sépulture de tous les empereurs saliens.
Parmi les legs les plus importants de Conrad II, outre la loi sur l'hérédité des fiefs qui marqua l'ascension de la chevalerie, on trouve l'abstraction de la notion d'État, la transpersonnalisation de l'Empire. Conrad défendait le point de vue selon lequel l'empire était une institution autonome, qui possédait également un caractère juridique autonome, non lié à la personne du souverain concerné. Cela semble incroyablement moderne si l'on considère que des siècles plus tard, à la haute époque de l'absolutisme, un roi français prétendait être l'État.
La relativisation par Conrad de son propre rôle de souverain, qui rappelle presque le célèbre mot de Frédéric le Grand selon lequel il est le premier serviteur de son État, était déjà illustrée par sa légendaire métaphore du bateau de l'été 1025. À cette époque, il rencontra à Constance des nobles de la ville italienne de Pavie qui, après la mort du prédécesseur de Conrad, Henri II, avaient rasé le palais royal et impérial sur place et défendirent cette action en arguant qu'ils n'avaient lésé aucun souverain. Ce à quoi Conrad répondit : « Si le roi est mort, l'empire demeure, tout comme demeure un navire dont le pilote est tombé ». Il ne fait donc aucun doute que les Paviens ont gravement péché.
Concentration du pouvoir chez l'empereur
Moins modeste était la tendance de Conrad à concentrer le pouvoir et à gouverner de bout en bout. Le règne du premier salien se caractérise par une centralisation des droits de souveraineté entre les mains du roi ou de l'empereur. Il contrôla si étroitement l'attribution des duchés que les ducs devinrent quasiment des vice-rois ou des gouverneurs. En même temps, il réussit à faire passer tous les ducs qui s'opposaient à sa politique non seulement pour des adversaires personnels, mais aussi pour des ennemis de l'État.
Conrad a agi de manière tout aussi cohérente vis-à-vis de l'Église impériale. Celle-ci avait le devoir d'assurer le « service royal ». Cela comprenait l'hébergement de la cour royale ainsi que la mise à disposition de troupes militaires. Comme pour le second état, Conrad ne tolérait pas d'opposition au premier. Le Salien n'hésitait pas à réprimander certains clercs récalcitrants, comme l'archevêque Aribert de Milan.
Pour toutes ces raisons, certains historiens considèrent les années de règne de Conrad comme l'apogée du Saint-Empire médiéval. Avec une durée d'un peu plus de cent ans, le règne des Saliens, dynastie fondée par Conrad, est à peu près aussi long que celui des Ottoniens qui l'ont précédé. La mort prématurée par cancer de l'empereur Henri V, qui n'avait pas d'enfant, à l'âge de 40 ans environ, mit fin à cette ère en 1125. Après un épisode d'une douzaine d'années, celui du règne de Lothaire III, de la lignée des Sipplinburger, la dynastie des Stauffer prit le relais, à commencer par Conrad III. Si ce dernier n'était pas un Salien, il descendait tout de même de Conrad II par lignée maternelle.
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vendredi, 23 août 2024
Stand Watie, le Cherokee qui devint général confédéré
Stand Watie, le Cherokee qui devint général confédéré
par Emiliano Calemma
Source: https://www.destra.it/home/storie-damerica-stand-watie-il-cherokee-che-divenne-generale-confederato/
Stand Watie est un nom qui ne dit pas grand-chose aux lecteurs italiens, mais son histoire est pleine de charme et une grande partie de sa vie se lit comme un véritable roman d'aventures. Parmi les plus belles.
Stand Watie appartenait à la tribu amérindienne des Cherokee et son nom d'origine était De-ga-ta-ga (Il se tient debout). Il est né en 1806 et a été dès son plus jeune âge un indigène « à contre-courant ». Les Cherokees, une tribu originaire de Géorgie, se sont divisés en deux factions opposées lorsque le gouvernement fédéral, après la découverte de riches gisements d'or sur le territoire des Cherokees, a demandé aux indigènes de se déplacer plus à l'ouest. Watie pense que la seule solution pour éviter le massacre de son peuple est de signer un traité et de se déplacer pacifiquement vers l'ouest, sur le territoire de l'actuel Oklahoma. La faction adverse, dirigée par John Ross, s'oppose à tout accord et jure de se venger de Watie. Ce dernier s'installe à l'ouest en 1837 avec une partie de la population cherokee, tandis que Ross reste dans les territoires d'origine. C'est un désastre. En 1838, l'armée fédérale entreprend l'expulsion forcée de Ross et de son peuple et sur les 15.000 Cherokees qui se mettent en route, 4000 meurent (le chemin parcouru s'appellera la « Piste des larmes »).
Ross, qui a perdu sa femme lors de la traversée vers l'ouest, au lieu de rendre le gouvernement fédéral responsable de la tragédie, se retourne contre la famille Watie et c'est le frère, le cousin et l'oncle de Stand qui en pâtissent. Ce dernier devient alors un ennemi acharné de la faction Ross (pour des raisons personnelles évidentes) et du gouvernement fédéral (coupable d'avoir massacré les Cherokee malgré un accord spécifique). Il devient alors un leader politique reconnu au sein du Conseil tribal entre 1845 et 1861.
En 1861, lors du déclenchement de la fameuse guerre de sécession américaine, Stand Watie décide de se ranger du côté des États confédérés, déclarant que le véritable ennemi des indigènes est le gouvernement fédéral et non les États du Sud. De nombreuses autres tribus firent le même choix et l'armée confédérée put ainsi compter sur le soutien de la plupart des peuples Cherokee, Choctaw, Chickasaw, Seminole, Catawba et Creek.
Stand Watie crée le premier régiment d'indigènes, les Cherokee Mounted Rifles, et assure dans un premier temps le contrôle des territoires indiens qui font partie de la Confédération, en garantissant l'ordre et la vigilance. Il est nommé colonel le 12 juillet 1861 et est élu chef de tous les Cherokees en 1862. Par la suite, il se distingue comme un vaillant commandant de terrain, doué d'une intelligence tactique et d'une grande audace. En mars 1862, lors de la bataille de Pea Ridge (Arkansas), alors que l'armée confédérée décide de battre en retraite, les hommes commandés par Watie capturent tout un bataillon d'artillerie de l'Union. De succès en succès, Watie devient général de brigade et est l'un des plus féroces combattants de l'armée confédérée. Ses troupes participent à 18 batailles et à d'innombrables affrontements armés, dont elles sortent presque toujours victorieuses.
Watie gagne le respect de tous les autres généraux par ses exploits : la capture du bateau à vapeur JR Williams et celle du convoi ferroviaire à Cabin Creek restent inoubliables aux États-Unis. Watie a tellement épousé la cause confédérée qu'il a refusé de reconnaître la victoire de l'Union et a maintenu ses troupes sur le champ de bataille pendant plus d'un mois, alors que le général Edmund Kirby Smith s'était déjà rendu à l'armée de l'Union.
Malgré la capitulation finale signée par le général Lee à Appomattox, Watie fut le dernier général confédéré à déposer les armes, 75 jours après la signature.
À la fin de la guerre, Watie retourne dans son territoire indien et reconstruit son ancienne maison, que le gouvernement fédéral avait rasée en signe de disgrâce. Son dernier acte public fut de représenter les Cherokees du Sud lors des négociations du traité de reconstruction des Cherokees en 1866. Il n'y avait cependant pas grand-chose à négocier. Le nouveau gouvernement des États-Unis dépouille les Cherokees de toutes leurs possessions en échange de leur réadmission dans l'Union sans autre conséquence.
Stand Watie est mort dans sa maison de Honey Creek en 1871.
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dimanche, 11 août 2024
La crise de l'Ossétie du Sud en 2008: la première guerre par procuration entre l'OTAN et la Russie
La crise de l'Ossétie du Sud en 2008: la première guerre par procuration entre l'OTAN et la Russie
Filip Martens
Il y aura 16 ans, en août 2008, que la Russie a lancé sa première grande opération militaire extérieure du 21ème siècle. Cette opération a eu lieu après l'invasion de la région sécessionniste d'Ossétie du Sud par la Géorgie, État satellite des États-Unis. Au cours de cette opération, dix soldats de la paix russes ont été tués. Cela a marqué le début de la première guerre par procuration entre l'Occident et la Russie.
La guerre entre la Russie et la Géorgie a été la plus grande démonstration de la puissance militaire russe depuis la fin de la guerre froide. Pour la Russie, ce conflit revêt une importance particulière: il a non seulement marqué le début de la confrontation actuelle avec l'Occident, mais il a également conduit à une modernisation radicale de l'armée russe.
Après sa défaite pendant la guerre froide, qui a entraîné la désintégration de l'empire russe qu'était l'URSS, cette guerre a redonné confiance à la Russie. Elle a montré clairement qu'elle répondrait sans crainte à toute attaque occidentale contre ses intérêts dans l'ex-URSS.
La guerre peut être située dans le contexte de la stratégie américaine d'encerclement de la Russie. La guerre en Géorgie s'est avérée être un avant-goût de l'actuelle guerre russo-ukrainienne.
Contexte
Les origines de la crise en Ossétie du Sud doivent être recherchées dans la période d'implosion de l'URSS. Des conflits anciens et profondément enracinés, qui avaient sommeillé pendant des décennies et avaient été de facto "gelés" par l'appareil d'État répressif, ont alors repris vie.
L'Ossétie du Sud était jusqu'alors une province autonome au sein de la république soviétique de Géorgie. Avec une superficie de 3900 km² et 98.000 habitants en 1989, il s'agissait d'une petite région montagneuse du Caucase du Sud. L'Ossétie du Sud a mené une existence paisible jusqu'en 1989, lorsque Zviad Gamsachoerdia, président de la république soviétique de Géorgie, a proclamé le géorgien - qui appartient aux langues caucasiennes - langue officielle de toute la république soviétique. Il va sans dire que cela a provoqué des troubles en Ossétie du Sud. La demande subséquente à Gamsachoerdia de reconnaître l'ossète - qui appartient aux langues iraniennes - comme langue officielle dans sa province autonome n'a pas été acceptée.
En décembre 1990, la République soviétique de Géorgie a retiré son autonomie à la province d'Ossétie du Sud. Cette décision a ravivé les tensions historiques entre les Géorgiens et les Ossètes et a conduit à une guerre civile, qui a éclaté le 5 janvier 1991. Le 29 mai 1992, la république d'Ossétie du Sud a déclaré son indépendance. La guerre civile s'est terminée le 14 juillet 1992 par un cessez-le-feu et l'installation d'une force russe de maintien de la paix de 500 soldats, stationnée sur place avec l'accord de la Géorgie et de l'Ossétie du Sud. Les 16 années suivantes se sont déroulées dans la paix.
Le président Mikhaïl Saakachvili, marionnette de l'Occident
En 2003, les États-Unis ont porté au pouvoir en Géorgie l'avocat géorgien Mikhaïl Saakachvili, formé en France et aux États-Unis, à la faveur d'une révolution dite "de couleur" [1]. Saakashvili a été marié à la Néerlandaise Sandra Roelofs de novembre 1993 à octobre 2021. En tant que troisième président de la Géorgie indépendante, Saakashvili a mis en œuvre des réformes majeures. Il a également orienté le pays vers l'Occident et plus particulièrement vers les États-Unis.
Saakashvili a réformé l'armée géorgienne, auparavant mal organisée et sous-armée, en vue de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN (lire : déploiement dans des conflits étrangers) et de la reprise par la force du contrôle des régions renégates d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud. Les troupes géorgiennes ont été formées par les États-Unis dans le cadre du Georgia Train and Equip Program (GTEP) et du Georgia Sustainment and Stability Operations Program (GSSOP). La Géorgie a porté ses dépenses militaires à plus de 7% du PIB, ce qui est assez élevé. À titre de comparaison, aux Pays-Bas, ces dépenses étaient de 1,47% et 1,66% du PIB en 2022 et 2023, respectivement, alors que la norme de l'OTAN est de 2% du PIB. Le budget militaire de la Géorgie est passé de 18 millions de dollars en 2002 à 780 millions de dollars en 2007 [2] L'armée a été équipée par Israël (y compris d'avions espions sans pilote) et les États-Unis, tandis que 1000 à 1300 instructeurs militaires israéliens et américains se trouvaient en Géorgie. Les troupes géorgiennes ont participé à la Force d'occupation du Kosovo (KFOR) de l'OTAN dans la province serbe du Kosovo et aux guerres américaines en Irak et en Afghanistan.
Le précédent du Kosovo
En violation du droit international, les pays occidentaux ont déclaré l'indépendance de la province serbe du Kosovo, illégalement occupée par l'OTAN depuis 1999, le 17 février 2008. Pour prendre le contrôle de ce territoire serbe, l'OTAN avait mené une guerre d'agression tout aussi illégale contre la Serbie avec une force particulièrement importante. En effet, l'OTAN n'avait pas reçu l'autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU, pourtant nécessaire en vertu du droit international, ce qui fait de cette guerre une violation du droit international.
Le président Poutine a déclaré que l'indépendance illégale du Kosovo constituait un terrible précédent qui détruirait tout le système actuel des relations internationales. Il a également averti que cela pourrait revenir comme un boomerang dans la figure de l'Occident en renforçant les revendications d'indépendance des régions séparatistes d'Europe occidentale. C'est d'ailleurs pour cette raison que cinq États membres de l'UE - l'Espagne, la Slovaquie, la Roumanie, la Grèce et Chypre - refusent toujours de reconnaître le Kosovo en tant qu'État indépendant. M. Poutine a également laissé entendre que la Russie pourrait imiter l'Occident en appliquant la même logique aux revendications d'indépendance de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud et de la Transnistrie, qui se sont séparées des anciennes républiques soviétiques de Géorgie et de Moldavie.
L'Occident, hautain, a rejeté les critiques russes, déclarant catégoriquement que le précédent du Kosovo ne serait qu'un "événement unique" qui ne créerait "pas de précédent". En qualifiant également l'événement illégal du Kosovo d'"unique", l'hypocrisie typique de l'Occident a été une fois de plus mise en évidence : "Avec cette exception unique, l'Union européenne continue de défendre l'inviolabilité territoriale des États en vertu du droit international" [3], ce qui constitue un nouvel exemple de la politique de deux poids deux mesures pour laquelle l'Occident est si méprisé au niveau international.
La Russie a ensuite été davantage provoquée par l'Occident: en avril 2008, le sommet de l'OTAN à Bucarest a évoqué la perspective à long terme d'une adhésion à l'OTAN de la Géorgie et de l'Ukraine. La Russie a évidemment réagi négativement, car elle y voyait une menace.
Le 7 mai 2008, l'ancien premier ministre Dmitri Medvedev est devenu le nouveau président de la Russie. Il a nommé son prédécesseur Vladimir Poutine au poste de premier ministre.
La guerre des cinq jours (8-12 août 2008)
Le 7 août 2008, en fin de soirée, la Géorgie a annoncé une opération militaire visant à ramener l'Ossétie du Sud sous son contrôle. Vers 23 h 35, l'armée géorgienne a déjà commencé les tirs d'artillerie. En raison de l'imprécision particulièrement élevée de l'artillerie géorgienne, pratiquement aucune cible militaire n'a été touchée. Les civils d'Ossétie du Sud ont cependant fui en masse. Quelques heures plus tard, le 8 août 2008 à 2 h 30, une offensive terrestre a été lancée contre les 500 soldats russes chargés du maintien de la paix et les quelque 2500 soldats d'Ossétie du Sud. L'intention des Géorgiens était de s'emparer de la capitale de l'Ossétie du Sud, Tschinval, et du tunnel de Roki.
Le tunnel de Roki est un tunnel situé à 2000 mètres d'altitude dans les montagnes du Caucase, qui fait partie de la route transcaucasienne et constitue la seule liaison terrestre entre l'Ossétie du Sud et la Russie. En s'emparant du tunnel de Roki, la Géorgie voulait isoler et forcer les forces de maintien de la paix russes en Ossétie du Sud à capituler, et bloquer l'approvisionnement des forces russes de maintien de la paix.
Le moment de l'offensive était très bien choisi : toute l'attention internationale était concentrée sur les 29ème Jeux olympiques de Pékin, qui devaient commencer le 8 août 2008 au soir, le président Medvedev était en vacances, le premier ministre Poutine était arrivé à Pékin le 7 août 2008 pour assister à l'ouverture des Jeux olympiques et à Pékin - qui a quatre heures d'avance sur la Géorgie en raison du décalage horaire - c'est donc au milieu de la nuit que l'offensive a commencé (lire : le premier ministre Poutine et tous les membres de la délégation russe étaient plongés dans un profond sommeil).
Le 8 août 2008, à 15 heures, les troupes géorgiennes s'étaient emparées d'une grande partie de Tschinval et de huit villages environnants. Cependant, le plan militaire géorgien a échoué. Le quartier général des forces russes de maintien de la paix à Tschinval n'a pas pu être pris. Et surtout, les Géorgiens n'ont pas réussi à s'emparer du tunnel de Roki, ce qui n'a pas empêché l'acheminement des renforts russes. De violents combats de rue ont fait rage à Tschinval, au cours desquels les troupes géorgiennes ont subi des pertes importantes. En outre, six chars et quatre véhicules blindés géorgiens ont été détruits.
Surprise, la Russie réagit tardivement et maladroitement, mais avec une énorme puissance. Deux colonnes de chars ont été envoyées en Ossétie du Sud par le tunnel de Roki. Vers 18 heures, les chars russes encerclent Tschinval et bombardent les positions géorgiennes. L'aviation russe bombarde les troupes et l'artillerie géorgiennes, mais subit elle-même des pertes inattendues du fait des tirs antiaériens géorgiens. Dans la soirée, les troupes géorgiennes sont chassées de Tschinval.
Après avoir dégagé les troupes russes et sud-ossètes assiégées à Tschinval, l'armée russe a avancé de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie vers la Géorgie. La Russie a éliminé les défenses antiaériennes géorgiennes, acquis la supériorité aérienne sur la Géorgie et coulé un navire géorgien en mer Noire. Après le 10 août 2008, l'armée géorgienne s'est effondrée et a été désarmée par les Russes.
La contre-réaction réussie de la Russie a surpris à la fois les États-Unis et la Géorgie. L'armée géorgienne a été détruite en seulement cinq jours (du 8 au 12 août 2008). Bien que les vieux chars soviétiques de l'armée russe aient souffert de nombreuses pannes et que les troupes russes aient manqué d'armes avancées et de moyens de communication militaires solides, le moral élevé des troupes a permis une victoire rapide.
La guerre entre la Russie et la Géorgie s'est terminée par un cessez-le-feu négocié par l'UE. Le 26 août 2008, deux jours après la fin des Jeux olympiques de Pékin et deux jours avant le 8ème sommet annuel de l'Organisation de coopération de Shanghai [4] au Tadjikistan, la Russie a reconnu l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud. La Chine a envoyé un million de dollars d'aide humanitaire à l'Ossétie du Sud, gravement dévastée, ce pourquoi la Russie a publiquement remercié la Chine.
La guerre a révélé les nombreux problèmes de l'armée russe et a conduit à l'élaboration d'un plan d'amélioration. La victoire sur la Géorgie n'est pas due à la puissance de combat de l'armée, mais à la qualité personnelle de ses troupes. Au cours des années suivantes, la Russie a procédé à d'importantes réformes de son armée.
Pour la première fois depuis la chute de l'URSS, la Russie riposte activement aux pressions occidentales. Les tensions n'ont fait qu'augmenter au cours des années suivantes, mais la Russie a de plus en plus riposté. En effet, les projets d'expansion de l'OTAN vers l'Est constituent une menace directe pour la sécurité de la Russie.
Contexte géopolitique : un bouclier antimissile américain contre la Russie
On peut se demander pourquoi les États-Unis ont ordonné à un petit pays comme la Géorgie (3,8 millions d'habitants en 2008) d'attaquer une superpuissance comme la Russie (143 millions d'habitants en 2008). C'est à peu près la même chose que si le Grand-Duché de Luxembourg envahissait l'Allemagne ou la France. On ne savait que trop bien que la Russie riposterait durement et avec certitude. La seule surprise était que cela se produise si rapidement.
Cependant, cette attaque géorgienne contre la Russie est beaucoup moins absurde d'un point de vue géopolitique. En effet, depuis plusieurs années, les États-Unis ont fait de tous les voisins de la Russie - y compris la Géorgie - des États satellites, une sorte d'encerclement de la Russie. Dans le même temps, les Américains mettaient en place un bouclier antimissile chez les voisins occidentaux de la Russie - en l'occurrence la Pologne et la République tchèque - censé intercepter les missiles nucléaires de l'Iran, que le président américain George Bush Jr avait qualifié d'"État voyou". Cependant, un rapport de la CIA datant de 2003, qui n'a fait surface qu'en 2007, concluait déjà que l'Iran ne pouvait pas produire d'armes nucléaires et ne représentait absolument aucun danger pour l'Occident. Le bouclier antimissile américain était donc manifestement dirigé contre la Russie.
Il va sans dire que la Russie était farouchement opposée à ce bouclier antimissile, ce qui a rendu l'adoption du bouclier par les États-Unis quelque peu difficile sur le plan politique, car les craintes russes semblaient fondées. Toutefois, l'attaque géorgienne, à première vue insensée, et la contre-réaction militaire russe certaine ont donné aux États-Unis l'occasion de critiquer vivement la Russie sur la scène internationale, mais aussi et surtout ... finalement et maintenant sans aucune réfutation de la part d'autres pays, de faire passer le bouclier antimissile et de resserrer encore davantage les liens avec les voisins de la Russie. Ainsi, dès le 14 août 2008, soit deux jours à peine après la guerre, les Américains ont conclu un accord final avec la Pologne sur l'installation sur le territoire polonais d'une partie du bouclier antimissile américain et sur le renforcement de la coopération militaire polono-américaine. La mainmise des États-Unis sur l'Europe a donc été considérablement renforcée par la guerre de cinq jours. Et cela n'augurait rien de bon pour l'avenir, même à l'époque...
En outre, l'invasion de l'Ossétie du Sud par la Géorgie a montré aux États-Unis jusqu'où ils pouvaient aller dans les territoires ex-soviétiques. Les Américains ont pu se faire une idée des capacités de défense de la Russie : comment la Russie réagissait, si elle disposait de ressources suffisantes pour le faire, comment l'armée russe gérerait l'invasion et de combien de temps elle aurait besoin pour le faire.
En outre, les États-Unis et l'OTAN souhaitaient que la question de l'Ossétie du Sud soit résolue afin que la Géorgie puisse adhérer à l'OTAN. En effet, le traité de l'OTAN stipule qu'un pays qui ne contrôle pas pleinement son territoire ne peut pas adhérer à l'OTAN.
La chute de Saakashvili
Depuis le 1er octobre 2021, Mikhaïl Saakachvili purge en Géorgie une peine de six ans de prison pour agression physique aggravée et corruption. En outre, des enquêtes sont en cours contre lui pour enrichissement illégal, cambriolage, violation de la constitution, entrée illégale dans le pays et usage illégal de la force contre des journalistes, des hommes politiques et des manifestants pacifiques. Pour cela, Saakashvili risque encore cinq à huit ans de prison.
Fait remarquable, le bureau du procureur de Géorgie a invité trois experts internationaux hautement qualifiés à évaluer les preuves dans les affaires pénales contre Saakashvili : Paul Coffey (ancien chef de la division de la criminalité organisée et de l'extorsion du ministère américain de la justice), Moshe Lador (ancien procureur d'Israël) et Geoffrey Nice (procureur général adjoint du Tribunal pénal international des Nations unies pour l'ex-Yougoslavie). Selon leur évaluation, les preuves étaient suffisantes pour engager des poursuites pénales contre Saakashvili [5].
Bien que Saakashvili soit aujourd'hui en prison, son héritage toxique se fait encore sentir. En effet, il est très difficile de réparer les crimes de son règne sur la Géorgie.
Prélude à la guerre russo-ukrainienne
La guerre des cinq jours de 2008 n'est pas d'une ampleur comparable à la guerre russo-ukrainienne. Mais comme la Géorgie à l'époque, l'Ukraine est également un État satellite des États-Unis. Contrairement à la guerre de cinq jours, qui ressemblait davantage à un test, l'intention réelle des États-Unis avec la guerre par procuration en Ukraine est d'épuiser la Russie - en termes de main-d'œuvre, de finances, d'économie et d'équipement militaire - et, de préférence, de la désintégrer.
Les États-Unis n'ont pas réussi à faire de la Géorgie un État anti-russe. Tout d'abord, le peuple géorgien n'était pas favorable à un conflit avec la Russie. Le pays était truffé d'une élite pro-occidentale dont les actions étaient contraires aux intérêts de la Géorgie. En outre, les Géorgiens et les Russes partagent plus de 200 ans d'histoire commune ainsi que la foi orthodoxe. Ces facteurs ont évidemment une influence durable. Il était donc impossible d'opposer les Géorgiens à la Russie.
En revanche, l'Occident a réussi à creuser un fossé entre la Russie et l'Ukraine après la deuxième révolution colorée ukrainienne en 2014 [6], en installant à Kiev un régime d'apparatchiks complaisants, qui s'est manifesté comme un adversaire enragé de la Russie en termes d'idéologie, de religion et d'interprétation de l'histoire commune russo-ukrainienne. En outre, les États-Unis et l'OTAN ont considérablement armé et entraîné l'armée ukrainienne, transformant l'Ukraine en un bastion anti-russe.
Cela n'a été possible qu'en raison des conditions culturelles et historiques. En effet, il existe deux cultures très différentes en Ukraine.
Primo, la Galicie orientale et la Wolhynie, à l'extrême ouest de l'Ukraine, étaient des régions orthodoxes jusqu'au XVIe siècle. Depuis lors, ces régions sont passées à l'Église catholique tout en conservant leurs rites orthodoxes. Elles appartiennent à l'Église catholique byzantine et sont également appelées uniates - anciens orthodoxes unis à Rome. En conséquence, ils se sont orientés vers l'Occident et ont développé une hostilité à l'égard de la Russie. En Galicie orientale et en Wolhynie, un nationalisme extrémiste s'est développé dans l'entre-deux-guerres et pendant la Seconde Guerre mondiale, collaborant avec l'Allemagne et commettant d'atroces meurtres de masse contre la minorité ethnique polonaise. La domination occidentale sur l'Ukraine s'appuie également sur ces régions. Il n'y a rien de tel en Géorgie.
Deuxièmement, le reste de l'Ukraine - y compris le Donbass, la Crimée, la Novorossiya [7] et la Malorossiya [8] - est un territoire orthodoxe russophone, dont les habitants sont traditionnellement orientés vers la Russie. La capitale Kiev et la région environnante sont également russophones.
Lorsque les États-Unis parlent de droits de l'homme, ils parlent en fait de droits miniers. Les Américains alimentent la question des droits de l'homme avec l'intention réelle de mettre la main sur les ressources naturelles du pays en question. Les États-Unis ont mis le feu à l'Ukraine parce qu'ils veulent mettre la main sur les ressources naturelles du Donbass et de la Sibérie. Le président Poutine et l'armée russe s'y opposent.
Le président russe de l'époque, M. Medvedev, a déclaré à l'occasion du 15ème anniversaire de la guerre des cinq jours en 2023: "Il y a exactement 15 ans, la Russie a réagi de manière décisive à la lâche attaque contre Tschinval et a expulsé l'agresseur. Derrière l'idiot Saakashvili se cachait l'Occident collectif, qui tentait déjà à l'époque d'enflammer la situation à proximité immédiate des frontières de la Russie. (...). Aujourd'hui, les États-Unis et leurs vassaux (...) mènent à nouveau une guerre criminelle (...) pour tenter de faire disparaître la Russie de la surface de la terre. L'ensemble du système de l'OTAN se bat pratiquement ouvertement contre nous. Nous disposons de suffisamment de troupes pour mener à bien toutes les tâches de l'opération militaire spéciale. Comme en août 2008, nos ennemis seront écrasés et la Russie parviendra à la paix selon ses propres termes. La victoire est à nous !" [9].
Notes:
[1] Les révolutions de couleur portent des noms différents selon les pays. La version géorgienne a été baptisée "révolution des roses". Un an plus tard, la "révolution orange" a eu lieu en Ukraine
[2] En 2022, il était tombé à 1,869 % du PIB.
[3] Réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne du 18 février 2008.
[4] C'est-à-dire une organisation eurasienne de coopération politique, économique et sécuritaire. Plus précisément, cela comprend l'échange de renseignements et la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. En 2008, la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan en étaient membres. Aujourd'hui, l'Inde, le Pakistan, l'Iran et la Biélorussie en sont également membres.
[5] Déclaration du bureau du procureur de Géorgie, datée du 1er octobre 2021.
[6] La première révolution colorée ukrainienne a eu lieu en 2004 et est appelée "révolution orange". La deuxième révolution ukrainienne de 2014 est appelée "révolution de Maïdan".
[7] C'est-à-dire la Nouvelle Russie. Cette région comprend le sud de l'Ukraine.
[8] C'est-à-dire la Petite Russie. Cette zone comprend le nord-est de l'Ukraine (y compris la capitale Kiev).
[9] Compte télégraphique de Dmitri Medvedev, daté du 8 août 2023.
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jeudi, 25 juillet 2024
Romanité sacrée et religion d'État
Romanité sacrée et religion d'État
Par Luca Leonello Rimbotti
Source: https://www.centroitalicum.com/romanita-sacra-e-religione-dello-stato/
Bonaiuti et Pettazzoni, deux bâtisseurs d'identité
Les civilisations se mesurent aussi et surtout à la manière dont elles abordent la question de l'identité. Les institutions vitales et grandissantes ont dans l'identification des caractères nationaux et populaires l'une de leurs fonctions les plus importantes. Au contraire, comme chacun le constate à notre époque, les sociétés en désintégration ne font que se prosterner devant l'autre, confondre ou même effacer les traces du long chemin commun, donnant naissance à ce sentiment de culpabilité ou Selbsthass (haine de soi), dans lequel Freud trouvait déjà des preuves de l'effondrement consciencieux des peuples et des individus. La recherche du sacré, l'excavation de dépôts mémoriels collectifs, l'effort de protection et de valorisation des symboles de l'histoire, sont autant de motifs de croissance, d'une culture qui se diffuse et se renforce, enrichissant la vie et la vie politique d'un savoir commun.
C'est sous le signe de la confrontation et, le cas échéant, du conflit bénéfique, que se déploie l'activité d'une Kultur créatrice. Le retour à la source de l'individuation s'accompagne de la volonté de s'opposer au lent déclin des valeurs, préférant vivre un coucher de soleil lumineux plutôt qu'une ruine sans honneur. La société contemporaine a aussi besoin du sacré. Surtout la société contemporaine, qui est quotidiennement marquée par les attaques d'une massification toujours plus plébéienne, à l'enseigne de ce cosmopolitisme matérialiste et ennemi du mythe qui a tout nivelé et privé de sens.
Lorsque, par exemple, Ernesto Bonaiuti (photo) - le prêtre moderniste, excommunié en 1926 et relevé de ses fonctions d'enseignant à partir de 1929, notamment pour avoir refusé de prêter serment au régime fasciste - professait la nécessité d'étudier la religion comme un fait en soi et non comme un acte de foi, il réalisait en réalité une opération culturelle de grande importance: la réintroduction de la prise en charge du sacré dans la société. Malgré les accusations de l'Eglise (et indirectement du régime, qui devient son allié seulement à partir de 1929), Bonaiuti n'a pas véhiculé la sécularisation, mais a lancé une conception du sacré qui devait être autre chose que le confessionnalisme.
Contre le temporalisme papal, devait passer l'idée de la religion comme fait social. Ce n'est pas rien. La « sécularisation des sciences religieuses », dans la perspective de Bonaiuti, devait conduire à la libération des énergies liées au sacré, tout en les inscrivant dans des catégories politiques et non cléricales. Sur ce point, non pas paradoxalement, mais tout naturellement, l'hérétique Bonaiuti croise la lecture historique faite par le fascisme.
La rédaction des Accords du Latran, si elle contraignit l'Italie à certaines servitudes (instruction religieuse dans les écoles, lois sur le mariage, favoritisme au profit des instituts catholiques, subventions, privilèges : en un mot, l'« étatisation » du catholicisme), au point qu'il y eut des moments de grave rupture idéologique (comme par exemple dans le cas de Giovanni Gentile), en revanche, elle ne contraignit pas beaucoup le régime.
L'indépendantisme fasciste à l'égard de l'Eglise (dont témoignent les tensions avec l'Action catholique vers 1931), s'inspirait des déclarations de Mussolini lui-même qui, dans certains discours prononcés quelques mois après la Conciliation, avait affirmé la supériorité historique de Rome sur le christianisme, proclamant que la parole du Christ, sans l'union avec la Ville éternelle, qui en élargissait le message, serait restée une modeste affaire de sectarisme levantin: seule Rome, comme Paul de Tarse l'avait bien deviné, ferait d'une hérésie juive la religion de l'État romain universel. Cela mettait à mal le récit de la continuité entre la communauté chrétienne primitive et l'Église, qui apparaissait ainsi beaucoup plus romaine que catholique.
Certains historiens ont insisté sur le fait que Bonaiuti, officiellement « persécuté » par le régime fasciste, était en fait son soutien idéologique sur le point fondamental de la primauté politique de l'État sur la confession. Bonaiuti le « persécuté », qui écrivait pourtant dans des journaux fascistes (peut-être en signant de ses seules initiales, mais, de fait, il écrivait bel et bien dans ces journaux) comme le « Corriere Padano » du féal de Bottai Nello Quilici, ou dans « La Stampa » dirigée par des pontes comme Malaparte et Augusto Turati, ce Bonaiuti icône de l'antifascisme posthume, disait des choses étonnamment dans la ligne, et il ne tarissait pas d'éloges sur le régime. D'ailleurs :
Les Accords du Latran étaient aussi présentés, presque paradoxalement, comme un encouragement à la liberté de recherche, une persuasion que Bonaiuti nourrissait, au moins par moments, même en privé.
Selon lui, dans les mots du leader du fascisme prenait forme « l'action unificatrice de Rome » et le rêve d'une primauté italienne renouvelée dans les sciences religieuses [1].
Ce jugement, au lieu d'opposer le régime à l'histoire et à la morale, l'inclut pleinement parmi les facteurs de consolidation non seulement de l'identité religieuse, mais aussi de la fonction historique, élevée à la dimension universelle.
On connaît d'ailleurs les arguments de Mussolini à cette époque sur la possibilité pour le fascisme de profiter de la visibilité mondiale garantie par le catholicisme romain, dont l'« impérialisme » éthique aurait pu facilement être flanqué de ce que l'on appelait pour l'instant l'« impérialisme spirituel » de l'Italie fasciste.
Quoi qu'il en soit, le fait que « l'historien “hérétique” ait pris le parti de l'État fasciste contre les prétentions ecclésiastiques », réveillant également l'intérêt de Gentile, signifie que l'histoire enregistre souvent des cas de convergence de vues politiques et idéales, même de la part de sujets provenant de milieux différents, ou divisés par des jugements divergents sur de simples détails.
Bonaiuti, en effet, ne s'oppose même pas à la polémique sur le nouveau paganisme germanique, qu'il considère, à l'instar de la majorité de la culture fasciste, comme un fragment moderne de la Réforme luthérienne, qui a trouvé dans la polémique antiromaine le point d'appui de sa propre révolte. C'est précisément dans la proposition d'une centralité renouvelée de la romanitas, opposée à la paganitas nationale-socialiste, que Bonaiuti s'est trouvé aux côtés de ceux qui (pas nécessairement depuis les rivages clérico-fascistes) différenciaient l'Italie romaine du nouveau Reich naissant, dont le racisme remontait directement à Luther et à la constitution ethnique ancestrale du germanisme, jugée immuable, ce qui lui permettait d'affirmer
la permanence inaltérable des caractéristiques primitives de la spiritualité collective germanique à travers les siècles, et donc sa résurgence impétueuse et incontestée dans les idéaux et les programmes du nazisme [2].
Ce qui, à vrai dire, était plutôt un argument fort des néo-païens emmenés par Rosenberg : le national-socialisme comme vecteur d'une identité raciale inaltérable. Dans ce sillage, la même guerre d'Éthiopie de 1935-36, insérée par Bonaiuti dans la tradition de Dante sur l'empire comme « moyen providentiel » pour la rédemption de l'humanité, fut jugée positivement, au point de se joindre à la condamnation de la Société des Nations à Genève, accusée par le prêtre moderniste d'être un repaire calviniste qui s'efforçait de s'opposer à l'avancée légitime de la nouvelle Italie vers l'empire. A l'avènement de celui-ci, en mai 1936, Bonaiuti ne manqua pas de revendiquer les justes titres de la romanitas renouvelée de Mussolini, en se référant directement à saint Augustin et à son éloge de la Rome césarienne et de son « expansion providentielle ». Sur ce point, il faut le dire, Bonaiuti s'est trouvé aux côtés de l'Église qui, à l'instar de la puissante Curie milanaise, s'est distinguée en bénissant les Chemises noires en partance pour l'Abyssinie, où elles allaient non pas imposer un régime brutal, mais y apporter la lumière de Rome, chrétienne et fasciste, « par laquelle le Christ est romain », pourrait-on dire, à la suite d'Alighieri.
Les études historico-religieuses comme moment essentiel de revigoration d'une idéologie identitaire radicale. C'est aussi le cas d'un autre grand interprète du sacré dans l'histoire moderne, Pettazzoni (photo, ci-dessus), académicien d'Italie depuis 1933.
Avec ce grand connaisseur des spiritualités anciennes (de la Sardaigne primitive à la Grèce, à l'Iran et au Japon), l'importance de la religion en tant que fait national est confirmée. Chaque peuple emprunte son propre chemin vers le sacré selon les coordonnées de sa spécificité. Une sorte de « religion d'État », qu'il s'agisse du shintoïsme japonais, de la paganitas hellénique ou du zoroastrisme, des phénomènes qui portent à chaque fois les stigmates d'une culture, non reproductible dans son unicité. L'objectif scientifique de Pettazzoni était de conjuguer la religiosité d'État avec celle du salut individuel, afin de rendre compte de ces grandes religions politiques dont les civilisations du passé ont témoigné. À commencer, pour nous Occidentaux, par le culte impérial augustéen, auquel la fusion avec le christianisme opérée par Constantin allait générer dans la « religion de l'homme » la qualification d'un pouvoir supplémentaire, donné par une « religion officielle de l'État ». Comme pour le shintoïsme, Rome pourrait donc voir le culte privé élevé au rang de doctrine civile et de dogme d'État. De ces aspects, ignorant délibérément les apories historiques, Pettazzoni a relevé la caractéristique du communautarisme et de l'offrande héroïque de soi, cette énergie de l'esprit intérieur qui fait de l'homme un prêtre de la patrie et un témoin du sacrifice volontaire.
Même, en ces temps de projection faustienne vers l'illimité, Pettazzoni préfigure un régime fasciste capable d'assumer ces héritages romano-païens, de dépasser le confessionnalisme injecté par le Concordat, et d'espérer une Italie ramenée aux héroïsmes des pères, comme cela se passe au Japon en ces années de mysticisme surhumaniste. Le dépassement du christianisme et sa dilution espérée dans un système de religiosité nationale, à préférer au radicalisme d'un certain national-socialisme néo-païen, devaient, selon le savant, donner vie à quelque chose qui puisse orienter l'Italie vers le culte de la sacralité de la lignée divine: si le christianisme universel semblait refroidir les instincts nationaux-populaires, la « religion d'État », qui connaissait les voies de la collectivité, les libérait positivement [3].
Comme Giuseppe Tucci (photo), l'autre grand orientaliste de l'époque et son jeune collègue enseignant à La Sapienza, Pettazzoni devait envisager de dépasser le christianisme par le chrisme d'un paganisme renouvelé, afin de générer cette religion de l'État populaire qui aurait en son centre la mystique héroïque « de la mort en armes ».
L'éthique héroïque du Japon impérial, incarnée dans le code guerrier traditionnel, était considérée comme un objectif que les Italiens de l'époque pouvaient atteindre: « Le Buscidô propose un idéal qui a des racines solides même dans cette mère des héros qu'est l'Italie et que tous les grands peuples connaissent » [4].
Cela aurait donné à la guerre de l'Axe, alors en cours, le visage d'un « acte liturgique » qui avait sa source originelle dans le « patrimoine civique-religieux archaïque ».
De cette manière, les connotations archaïques du millénarisme historique, consacré aux énergies énigmatiques de la création, qui, comme dans le zoroastrisme iranien, interprétait la vie comme une lutte inépuisable, auraient été ravivées : « la lutte humaine n'est qu'un épisode de la lutte cosmique entre le principe du bien et le principe du mal » [5].
Des formulations aussi grandioses paraissent incompréhensibles aujourd'hui, en raison de la domination débordante de la pensée séculière et mécaniste. Ces conceptions seraient les filles de mondes lointains et mythologiques, et pour la plupart, narcotisés par les fumées cosmopolites, elles peuvent sembler les divagations d'esprits enfiévrés. Le fait que des génies de premier plan, versés dans l'étude scientifique des faits anthropologiques, se soient consacrés à elles semble un paradoxe. En effet, il n'est pas rare que, lorsqu'une culture vaincue montre ses facettes faites d'une puissance imaginative rendue inerte par le temps, elle apparaisse totalement incompréhensible à une postérité inculte, qui se rassemble autour d'elle dans l'incrédulité.
Notes:
[1] Matteo Caponi, Il fascismo e gli studi storico-religiosi : appunti sul discorso pubblico di Ernesto Bonaiuti e Raffaele Pettazzoni, in Paola S. Salvatori (ed.), Il fascismo e la storia, Scuola Normale Superiore, Pisa 2020, pp. 169-170.
[2] Ernesto Bonaiuti, Paganesimo, germanesimo, nazismo, Bompiani, Milan 1946, p. 7. Mais la première version de ce texte remonte à l'avant-guerre. Cf. également la récente réédition du même titre, BookTime, Milan 2019.
[3] Cf. Caponi, cité, p. 181 : « Comme on pouvait le lire dans un volume de propagande de 1942, le fascisme était appelé à s'approcher de l'esprit japonais ».
[4] Giuseppe Tucci, Il Buscidô [1942], in Sul Giappone. Il Buscidô e altri scritti, Edizioni Settimo Sigillo, Rome 2006, p. 86.
[5] Raffaele Pettazzoni, La religione di Zarathustra [1920], Arnaldo Forni Editore, éd. anast. 1979, Bologne, p. 86.
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Le jacobitisme ou légitimisme écossais
Le jacobitisme ou légitimisme écossais
A propos des jacobites
Enric Ravello Barber
Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2024/07/jacobimo-el-legitimismo-escoces-ye.html
Robert le Bruce - le roi écossais rendu célèbre par le film Braveheart - était mort sans enfant, il n'avait qu'une fille de sa première épouse, enlevée à l'âge de 10 ans par le roi d'Angleterre et emprisonnée dans un couvent. Elle a cependant pu retourner sur la terre de ses pères après la victoire écossaise de Bannockbrun. Installée en Écosse, elle épouse quelques années plus tard Walter le Stward qui, à sa mort, laisse à son fils Robert II (1371-1390) l'héritage, inaugurant ainsi une dynastie qui sera la plus décisive pour le destin de l'Écosse: les Stuart.
C'est une descendante de Robert II Stward, la célèbre Marie, Reine d'Écosse, qui, éduquée en France, changea le nom de Stward en celui, plus francisé, de « Stuard » par lequel la dynastie serait désormais connue. Marie Stuart (1542-1587), sans doute la plus célèbre des reines écossaises, est une catholique convaincue et fière de l'indépendance et de la souveraineté de son pays, ce qui lui vaut des problèmes et des heurts avec sa cousine, la puissante reine d'Angleterre Élisabeth I, anglicane et farouchement anticatholique.
Marie d'Écosse - comme on l'appelait aussi - dut faire face à des révoltes contre elle, principalement organisées par des nobles écossais protestants. Elle est contrainte d'abdiquer en faveur de son fils Jacques Ier Stuart et de s'enfuir. S'installant en Angleterre, elle cherche la protection d'Élisabeth Ire. Son caractère impulsif avait permis à Marie de revendiquer le trône d'Angleterre avant son exil, et de nombreux catholiques anglais la considéraient comme la reine légitime au plus fort des conflits interreligieux et anticatholiques en Angleterre. Élisabeth Ire la considéra donc comme une menace et la confina dans divers palais et châteaux à l'intérieur du pays ; dix-huit ans plus tard, elle la fit décapiter sous l'inculpation de conspiration.
Le fils de Marie Stuart avait été proclamé roi d'Écosse, après son exil, à l'âge de un an. Devenu majeur en 1567, il règne sous le nom de Jacques VI d'Écosse. Mais le destin et la légitimité dynastique font qu'il hérite non seulement du trône écossais de sa mère, mais aussi, par droit légitime, de celui de sa tante Élisabeth Ire et qu'il est proclamé roi d'Angleterre en 1603 sous le nom de Jacques Ier (tableau, ci-dessous). C'est le premier moment d'unité entre l'Écosse et l'Angleterre.
Le Pays de Galles faisait partie du royaume anglais depuis la mort de son dernier roi Owain Glyn Dwr en 1416 et le roi d'Angleterre était également roi d'Irlande. En réalité, si l'on s'en tient strictement aux faits, c'est un roi et une dynastie écossais qui réunissent le royaume d'Angleterre dans sa couronne, ce qui en fait une « annexion » écossaise plutôt qu'une unification anglaise, mais la différence démographique et économique entre les deux pays est énorme et le roi installe sa cour à Londres, de sorte que le pouvoir royal se déplace vers l'Angleterre. Le prochain et dernier acte d'unité sera l'union des parlements en 1707, qui accentuera encore cette domination anglaise.
Jacques VI - Jacques Ier pour les Anglais - se proclame « Rex Britanniae Magnae et Franciae et Hibernae » (roi de Grande-Bretagne, de France et d'Irlande). La France était un titre nostalgique de l'ancienne revendication de l'Empire angevin anglo-français, mais la Grande-Bretagne était un terme inventé par Jacques VI lui-même, faisant clairement référence à son désir d'unifier la plus grande des îles britanniques.
Contrairement à sa mère, Jacques VI-I est protestant - ce qui facilite son accession au trône d'Angleterre - mais, en raison du passé de sa dynastie, il est accueilli avec espoir par les nombreux catholiques anglais accablés par leur sort sous le règne d'Élisabeth Ire. Jacques Ier n'abrogea pas les lois anti-catholiques, même s'il est vrai que c'est sous la pression des catholiques. De plus, c'est lui - également roi d'Irlande - qui, en 1603, a lancé la campagne de colonisation de l'Ulster par les protestants anglais et surtout écossais afin d'étouffer les révoltes des catholiques irlandais, donnant naissance à un problème qui s'est aggravé au cours des siècles suivants et qui est encore actif aujourd'hui.
À sa mort, son fils Charles Ier Stuart (tableau, ci-dessus), également protestant et accusé par le Parlement de tendances autoritaires, lui succède. Arrêté, il est décapité sur ordre du Parlement; après son exécution, l'Angleterre - et non l'Écosse - est devenue une république dirigée par le « puritain anglican » britannique Oliver Cromwell, tristement célèbre pour de nombreuses choses, dont le projet de génocide contre les Irlandais.
Après la mort de Cromwell, l'Angleterre a restauré la monarchie avec une continuité dynastique sous la forme de Charles II - fils de l'ancien et qui avait conservé le trône écossais depuis la mort de son père - également protestant.
Le monarque suivant à monter sur le trône est son fils Jacques VII, et c'est là que le problème se pose: Jacques II-VII, également un Stuart, est - contrairement à ses prédécesseurs et comme son ancêtre Marie Stuart - un catholique militant, ce qui contraste avec la grande majorité de ses sujets anglais (anglicans) et une grande partie des Écossais (presbytériens). Le Parlement anglais, à majorité protestante, n'accepte pas ce Stuart et la « Glorieuse Révolution » éclate contre lui. Le Parlement nomme reine sa fille protestante et son mari, le protestant néerlandais Guillaume d'Orange, de la dynastie électorale allemande du Hanovre. Jacques II-VII part en exil et le nouveau couple royal est également reconnu en Écosse - à la demande des nobles presbytériens. Par la revendication des droits.
En Écosse, où Jacques II sera le dernier roi à porter le titre de roi d'Écosse, utilisé depuis l'unification du royaume en 843 par Kenneth MacAlpin - le roi qui a réuni Pictes et Écossais dans le royaume d'Albe. Une grande partie de la population écossaise ne reconnaît pas les nouveaux monarques anglo-néerlandais.
Le soutien à la Maison Stuart est écrasant dans les Highlands, la région où l'héritage celtique, la confession catholique et la langue gaélique sont les plus forts. Les Highlanders se mobilisent militairement pour défendre la légitimité des Stuart. Désormais, les aspirants Stuart se battront pour reconquérir le trône écossais - théoriquement le trône anglais aussi, mais dans ce cas, les chances et les soutiens sont quasi nuls - et s'appelleront désormais « Jacobites », en référence à Jacques II. C'est là que le jacobitisme, Na Seumasaich en gaélique écossais, est véritablement né; la lutte pour la restauration des Stuart a duré de nombreuses années mais n'a jamais atteint son but.
Face à cette lutte pour les trônes, un affrontement entre Hanovriens et Jacobites s'engage, dont l'une des premières batailles est celle de Killercranke, au cours de laquelle le Highlander Rob Roy, entré dans la légende, fait partie du contingent jacobite. Mais Jacques II ne parvient pas à défendre sa cause et s'exile en France, où il meurt en 1701. Les Hanovre deviennent rois d'Angleterre.
En 1706, le Parlement écossais reconnaît les Hanovre comme rois. En 1707, l'union des parlements anglais et écossais est approuvée, entraînant de facto l'absorption du parlement écossais par le parlement anglais, le nouveau parlement unitaire ayant son siège permanent à Londres. C'est à partir de ce moment que l'on peut parler d'unification de l'État britannique. Dès lors, les jacobites, opposés à cette union que les presbytériens avaient soutenue en Écosse, associent la lutte pour la légitimité écossaise à la lutte pour l'indépendance de l'Écosse.
Depuis lors, l'histoire de l'Écosse a vu s'aiguiser la guerre entre les Highlanders jacobites et les « tuniques rouges » hanovriennes.
Jacques II avait eu un fils et successeur, Jacques III (1688-1756), qui, en 1708, quitta son exil français pour reconquérir le trône d'Écosse. Il débarque avec une armée franco-écossaise de 5000 hommes et ses premiers succès l'amènent à se proclamer Jacques VIII d'Écosse - sans la moindre référence à ses prétentions au trône d'Angleterre en tant que Jacques III - manifestant ainsi sa volonté d'être le roi d'une Écosse indépendante. Cependant, ses erreurs stratégiques entraînent sa défaite et il abdique en faveur du dernier espoir jacobite, son fils Charles Edward Stuart (1766-1788), également connu sous le nom de Bonnie Charlie, « le jeune prétendant » ou « le jeune gentleman ».
Charles « Bonnie » Edward Stuart (tableau ci-dessus) avait des capacités militaires bien supérieures à celles de son père. À la tête d'une armée de 8000 hommes, il pénètre dans l'arrière-pays anglais, prend Manchester et arrive aux portes de Londres, mais il manque de troupes et surtout d'artillerie pour prendre la capitale britannique. Il décide de se replier sur Édimbourg et, de là, de maintenir et de défendre son trône d'une Écosse indépendante. L'Angleterre passe à l'offensive et des batailles s'ensuivent, la bataille de Flakrik Muir, le 19 juillet 1746, étant la dernière victoire jacobite. L'Angleterre n'a aucun mal à couvrir ses lourdes pertes, ce que l'armée écossaise jacobite ne peut faire.
Le 16 avril de la même année, la dernière bataille de Culloden a eu lieu, le jour le plus triste de l'histoire écossaise. L'armée jacobite subit une lourde défaite et le général anglais victorieux gagne le surnom de « boucher de Culloden ». Les Jacobites, coiffés de bérets bleus, vêtus de vareuses blanches et, pour beaucoup d'entre eux, de leur kilt de clan, ont été écrasés par les Redcoats dans ce qui fut à ce jour la dernière grande bataille sur le sol britannique.
La défaite a laissé une profonde mémoire collective, le célèbre chanteur américain d'origine (partiellement) écossaise, Elvis Presley a cherché et trouvé le nom de ses ancêtres qui s'étaient battus du côté jacobite.
Après la défaite, les Anglais pratiquent une sale politique de la terre brûlée dans toute l'Écosse. En 1746, Bonnie Prince Charlie s'embarque pour l'exil français. Le jacobitisme est terminé.
Certains de ses partisans se réfugient à Naples, en France, en Prusse, en Pologne et dans la Russie de Pierre le Grand, qui les avait soutenus. Ils sont les moins nombreux, la grande majorité reste en Écosse. Des années plus tard, Henry Benedict Stuart (1788-1807) (portrait, ci-dessus), second fils de Jacques III, frère de Bonnie Charlie, et archevêque catholique d'York, revendique le trône d'Angleterre - sous le nom d'Henry IX - et d'Écosse - sous le nom d'Henry I - mais ne fait pas de véritable tentative. C'est l'épilogue d'une histoire qui s'est déjà achevée.
De par sa nature politique et dynastique, le jacobitisme a également une présence collatérale dans les autres territoires de la monarchie britannique.
En Irlande (Seacaibíteachas, Na Séamusaig, en gaélique irlandais), son influence sur le mouvement nationaliste-catholique ultérieur est historiquement contestée. S'il est vrai qu'il bénéficiait d'un certain soutien protestant, celui-ci était numériquement très faible dans l'île d'émeraude, et s'il est également vrai que le jacobitisme doit être compris dans le contexte d'affrontements dynastiques, il est indubitablement vrai que, comme le dit l'historien Vincent Morely, « le jacobitisme en Irlande soulignait l'origine milésienne (celtique) des Stuarts, leur loyauté envers le catholicisme et envers l'Irlande en tant que royaume indépendant ». Les poètes irlandais, en particulier dans le comté de Munster, appelaient les Stuart « taoiseach na nGaoidheal », c'est-à-dire « les chefs des Gaëls ».
En Angleterre et au Pays de Galles - qui, rappelons-le, fait partie du royaume d'Angleterre - le jacobitisme n'avait que peu de soutien, et celui qu'il avait était associé aux Tories, parce qu'ils étaient d'accord sur l'idée d'une monarchie de droit divin. Mais ce sont ces mêmes conservateurs qui, en 1701, ont adopté l'Act of Settlement, en vertu duquel aucun catholique ne pouvait accéder au trône d'Angleterre.
Le jacobitisme est l'un des grands mouvements légitimistes de l'Europe moderne. En ce sens, on peut établir des similitudes avec l'austriacisme dans la guerre de succession de la monarchie espagnole et même avec le carlisme ultérieur - ainsi qu'avec la Vendée contre-révolutionnaire française.
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dimanche, 30 juin 2024
70 ans de coups d'État organisés par la CIA au Guatemala
70 ans de coups d'État organisés par la CIA au Guatemala
Leonid Savin
Source: https://www.geopolitika.ru/article/70-let-organizovannogo-cru-perevorota-v-gvatemale
Après la victoire de Jacobo Arbenz (photo) aux élections de 1951, le Guatemala a commencé à mettre en œuvre diverses réformes. Il est révélateur qu'à l'époque, le Guatemala ait voté à l'ONU contre l'Union soviétique, mais la politique intérieure, malgré la rhétorique d'Arbenz sur son désir d'aligner le pays sur les États capitalistes développés, était orientée vers le social. Le fait est qu'au Guatemala, comme dans plusieurs pays d'Amérique centrale, une grande partie des terres appartenait aux latifundios, et le gouvernement a commencé à acheter les parcelles inutilisées et à les donner à la population indigène.
Du point de vue de l'économie de marché, ces mesures sont censées accroître la productivité des terres agricoles. Mais du point de vue des intérêts américains, pas du tout. En effet, d'immenses territoires au Guatemala appartenaient à l'entreprise américaine United Fruit Company, qui utilisait divers stratagèmes pour éviter de payer des impôts. Sur les 220.000 hectares que possédait la société, seuls 15% étaient cultivés ; le reste était en friche et donc soumis au décret 900 sur la réforme agraire de 1952.
Grâce à des contacts directs au sein de l'administration de la Maison Blanche, comme c'est le cas pour les grandes entreprises américaines en général, la société a lancé une campagne de relations publiques musclée contre le président guatémaltèque Arbenz, le présentant comme un ardent communiste. À cette fin, la United Fruit Company a engagé Edward Bernays, un célèbre spécialiste des relations publiques et auteur des livres Propaganda et Shaping Public Opinion, qui a commencé à promouvoir le mythe de la menace communiste. Les États-Unis étant guidés par la doctrine Monroe et considérant l'Amérique latine comme leur arrière-cour, l'affaire prend une tournure géopolitique.
En 1953, la CIA s'est impliquée et a commencé à planifier un coup d'État au Guatemala. On sait que plus d'une centaine d'agents du service de renseignement américain ont participé à l'élaboration de l'opération et que le budget total a été estimé entre cinq et sept millions de dollars américains.
Ce plan contenait une liste de personnes qui devaient être physiquement éliminées après un coup d'État réussi. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit par la suite.
Inspiré par le renversement réussi du Premier ministre iranien démocratiquement élu, Mossadeq, le président américain Dwight Eisenhower a accepté avec joie le plan de coup d'État. En novembre 1953, Eisenhower a remplacé l'ambassadeur au Guatemala par John Purefoy, qui a réprimé les mouvements démocratiques en Grèce et facilité la montée au pouvoir des hommes-satellites américains.
Le même modèle sera utilisé près de 20 ans plus tard, lorsque l'ancien ambassadeur des États-Unis en Indonésie, Marshall Green, qui avait participé à l'organisation d'un coup d'État contre Suharto en 1965, sera envoyé d'urgence en Australie pour écarter du pouvoir le Premier ministre Hugh (Gough) Whitlam (photo), qui avait engagé des réformes politiques et était sur le point d'adhérer au mouvement des non-alignés.
Fait révélateur, Arbenz n'a pu être évincé que lors de la troisième tentative, bien qu'il l'ait appris à l'avance et qu'il l'ait annoncé dans les médias pour tenter d'empêcher un coup d'État. Néanmoins, les États-Unis ont poursuivi leurs activités subversives sous le nom d'opération PBHistory, en recourant à la fois à des opérations psychologiques et à des interventions directes. Après avoir obtenu le soutien d'un petit groupe de rebelles qui se trouvaient à l'étranger, les États-Unis ont lancé, le 18 juin 1954, une intervention militaire, imposé un blocus naval et procédé à un bombardement aérien du Guatemala.
Les dirigeants guatémaltèques ont tenté de soulever la question de l'inadmissibilité de l'agression armée à l'ONU, en soulignant le rôle du Nicaragua et du Honduras, qui étaient à l'époque des marionnettes obéissantes des États-Unis et d'où étaient envoyés les saboteurs. Un débat a eu lieu au Conseil de sécurité des Nations unies, où l'Union soviétique s'est ralliée à la position du Guatemala et a opposé son veto à la proposition américaine de soumettre la question à l'Organisation des États américains (qui était une autre entité contrôlée par Washington). Lorsque la France et la Grande-Bretagne ont répondu à la proposition du Guatemala de mener une enquête approfondie, les États-Unis ont opposé leur veto, ce qui constituait un précédent d'alliés militaires et politiques ne se soutenant pas les uns les autres. Alors que des discussions étaient en cours pour savoir qui et comment enquêter (les États-Unis ont délibérément retardé le processus), le coup d'État était en fait déjà terminé.
Il convient de noter que l'avantage militaire était du côté du gouvernement officiel: il n'a perdu que quelques morts, tandis que de l'autre côté, plus d'une centaine de rebelles et d'agents de la CIA ont été tués et capturés, et plusieurs avions de guerre américains ont été abattus.
Malgré les appels des partis de gauche à ne pas démissionner de la présidence et à continuer à résister (d'ailleurs, parmi les militants politiques de gauche de l'époque dans le pays se trouvait le médecin argentin Ernesto Guevara, qui s'est rendu au Mexique et y a rejoint les révolutionnaires cubains - il a tiré une sérieuse leçon des actions du gouvernement guatémaltèque, et son expérience a probablement contribué plus tard à empêcher l'intervention des États-Unis à Cuba après la victoire de la révolution). Le 27 juin 1954, Arbenz a tout de même démissionné. Le colonel Diaz, qui avait auparavant soutenu Arbenz, est devenu chef du gouvernement pendant une courte période.
Mais les États-Unis ne se satisfont pas de cette option et intronisent Carlos Castillo Armas (photo), un ancien officier de l'armée guatémaltèque en exil depuis 1949 après une tentative de coup d'État ratée. À partir de ce moment, des purges politiques et des persécutions ont commencé dans le pays. La réciproque n'étant pas vraie, une guerre civile a éclaté dans le pays.
Dans le même temps, les États-Unis ont soutenu activement la dictature et ont contribué à la création d'escadrons de la mort chargés de l'assassinat ciblé des opposants politiques et de toute personne suspecte. Parmi ces personnes suspectes se trouvaient des villages entiers de Mayas, considérés comme loyaux envers les rebelles de la guérilla. On estime que plus de 200.000 civils ont été tués, mais ce chiffre est probablement beaucoup plus élevé.
En outre, la Maison Blanche était convaincue, sur la base d'une autre expérience de coup d'État réussi, que ce mécanisme était tout à fait acceptable pour des opérations visant à renverser des régimes indésirables pour les États-Unis, où qu'ils se trouvent. Cela a eu des conséquences considérables dans le monde entier.
Les États-Unis ont d'ailleurs reconnu leur culpabilité dans la violence au Guatemala et dans les pays d'Amérique centrale. En mars 1999, Bill Clinton a présenté des excuses officielles au peuple guatémaltèque, déclarant que "soutenir les agences militaires et de renseignement qui ont perpétré la violence et la répression généralisée était une erreur, et que les États-Unis ne devaient pas la répéter".
Mais comme l'ont montré les décennies suivantes, il ne s'agissait que d'un euphémisme d'ordre diplomatique. Les États-Unis continuent de soutenir des régimes répressifs, l'ex-Ukraine en étant un excellent exemple. Mais aujourd'hui, ils ne le font plus sous couvert de lutte contre la "menace communiste", mais contre la "menace d'agression et d'invasion de l'Europe par la Russie".
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mercredi, 19 juin 2024
Pourquoi l'Angleterre a-t-elle réussi ?
Pourquoi l'Angleterre a-t-elle réussi?
Mikhail Deliaghine
Source: https://www.geopolitika.ru/it/article/perche-linghilterra-ha-avuto-successo
L'accession de la Grande-Bretagne au leadership mondial (en surmontant tous les concurrents et obstacles - des Pays-Bas, de l'Espagne et de la France à la Chine et à l'Inde), son maintien à long terme de son leadership et son maintien d'un rôle mondial malgré l'effondrement de son empire (signalé par le tristement célèbre Brexit) est une leçon d'une importance historique mondiale.
Ce pays (contrairement à la Russie, aux États-Unis, à la Chine et à l'Inde) n'a jamais disposé de ressources exceptionnelles. Le charbon était important, mais pas tant que cela. Même au début du XVIIIe siècle, l'Angleterre n'avait pas la puissance coloniale de l'Espagne, ni la puissance militaire de la France, ni la puissance économique des Pays-Bas. Minée par une succession de révolutions et de guerres, politiquement instable et déchirée par des conflits religieux, elle était pauvre.
Pourquoi, en moins d'un siècle, a-t-elle acquis une puissance destructrice et est-elle devenue non seulement le "maître des mers", mais aussi "l'atelier du monde", le pionnier de la révolution industrielle, la locomotive du développement technologique et social mondial ?
Le facteur clé de la supériorité stratégique britannique est la capacité de l'élite britannique à utiliser les structures de réseau existantes (ou créées par elle), qu'il s'agisse de banques, de pirates des mers, de francs-maçons ou de sociétés marchandes. Leurs fondements ont été transformés en un sujet d'action stratégique : un groupe stable au sein de l'élite, uni par des intérêts à long terme et capable de reproduire son influence.
Mais le chemin pour parvenir à cette capacité a été semé d'embûches.
La première étape a été l'auto-extinction de l'élite féodale lors de la guerre des Roses blanche et rouge (1455-1487). Le déficit de l'élite a créé un mécanisme social unique : la noblesse anglaise, contrairement à la noblesse continentale, était un espace patrimonial ouvert désormais aux riches marchands et paysans. Les marchands, les plus avantagés par la guerre, ne rejoignent pas la noblesse de manière exceptionnelle et moyennant paiement, mais rejoignent ses rangs légalement et en masse. En s'appuyant sur cette nouvelle noblesse, l'absolutisme s'est appuyé à la fois sur les marchands et sur les riches paysans, élargissant ainsi sa base sociale à une échelle inimaginable à l'époque. Cette noblesse s'est développée à partir du marché, au lieu d'y être hostile (comme la noblesse continentale).
Le développement du capitalisme en l'absence de résistance féodale a détruit la paysannerie en tant que classe sociale (comme elle a été éliminée près d'un demi-millénaire plus tard lors de l'"annulation" de la Grande Dépression aux États-Unis, contrairement à la collectivisation soviétique), plaçant le village sur une base capitaliste.
La répression prolongée et impitoyable des pauvres et leur extermination, l'encouragement et la défense totale de la richesse ont façonné le caractère national anglais - respectueux des lois, obstiné, fier de son pouvoir en tant que tel, respectueux des droits de ses compatriotes et refusant tous les autres. La richesse est devenue un facteur de compétitivité du pays, bien illustré par la parabole de la pelouse anglaise qu'il faut tondre tous les jours pendant 300 années consécutives.
Le développement du capitalisme, sans se heurter à la résistance des seigneurs féodaux, crée une communauté d'intérêts fondamentale entre des forces politiques opposées, leur permettant d'éviter les affrontements frontaux au nom d'un objectif commun : le profit. À la fin du XVIIe siècle, un État civil s'est ainsi constitué, non pas affaibli mais renforcé par les luttes politiques internes.
L'unité patriotique de l'élite managériale et commerciale s'est faite autour d'un intérêt stratégique commun : l'utilisation commune de l'État comme outil de la concurrence extérieure. La réalisation même de cette unité a facilité le compromis systématique et la résolution des conflits internes par le biais d'un mécanisme politique universel : l'expansion extérieure commune.
La collaboration entre les factions belligérantes a permis la création d'un mécanisme financier unique : une banque centrale privée. Son paradoxe et son importance résident dans le fait que n'importe lequel de ses engagements (billets de banque), à partir du moment où il est émis, est en fin de compte une dette de l'État envers son détenteur, mais peut être émis sans le consentement de l'État.
La création de la Banque d'Angleterre est une fraude vertigineuse (le capital est versé à un faible taux, ce qui permet aux fondateurs de réaliser un bénéfice immédiat de 140 %), justifiée par un changement qualitatif du caractère de l'État : implicitement, le roi est inclus dans les fondateurs avec une part importante.
Par conséquent, son abandon du pouvoir politique absolu (suite à la Glorieuse Révolution) s'est accompagné de sa prise de possession (avec la fondation de la Banque d'Angleterre) par un certain pouvoir économique. De cette manière, le fameux "système d'équilibre des pouvoirs" en politique a reçu un complément harmonieux, quoique secret, en économie.
La noblesse, ayant cédé une partie du pouvoir politique au capital commercial et financier, a repris en retour une partie du pouvoir économique et, au lieu de lutter contre le capital, a fusionné avec lui dans un mécanisme unique de pouvoir économique ("combinaison politique", comme l'académicien Andrei Fursov a appelé l'union des princes et des boyards de la principauté de Moscou).
Cela a rendu possible la création de la dette publique en tant qu'instrument de développement. Alors que dans les monarchies ordinaires, le crédit de l'État plaçait le monarque devant un choix douloureux : rembourser la dette ou mettre le créancier en prison, en Angleterre, l'État, en la personne du Parlement, était crédité par le monarque lui-même, en la personne de la Banque d'Angleterre. En conséquence, la dette était parfaitement remboursée et accumulait tous les capitaux libres de l'époque (comme, jusqu'à récemment, la dette des États-Unis), garantissant le pouvoir de l'État et le réarmement technique rapide de l'Angleterre au cours de la révolution industrielle. Tout le monde pouvait construire des machines à vapeur, mais seule l'Angleterre avait les moyens d'en équiper de nombreuses usines.
La création d'une banque centrale privée était la privatisation d'un nouveau type d'État : l'État de Machiavel (formalisé par la paix de Westphalie plus d'un siècle après que le génie florentin l'ait conçu), séparé du monarque en tant qu'institution publique plutôt que privée. En Angleterre, cette privatisation a eu lieu presque au moment de sa création et est devenue un facteur de pouvoir futur, car les privatiseurs se sont perçus comme faisant partie intégrante de l'Angleterre, sans autre identité que celle de l'Angleterre (en dépit de leur composition ethnique et même confessionnelle variée).
Le rôle exceptionnel de la science est tout aussi important. Au cours des longs et terribles cataclysmes sociaux du Moyen Âge, toutes les institutions sociales ont été irrémédiablement discréditées. Le roi, les églises, l'aristocratie, les tribunaux, le parlement, les marchands ont tous commis des crimes impensables et leurs représentants étaient inaptes à jouer le rôle d'arbitre dans les conflits d'intérêts à l'intérieur du pays : personne ne les croyait.
Et comme l'accomplissement de cette fonction était nécessaire à la société, l'arbitre devint l'homme de lettres, classe alliant l'intelligence à l'indépendance due au détachement des litiges quotidiens. L'appel du pouvoir à l'autorité des savants est devenu un facteur de formation de la morale publique, en tant que reconnaissance par le pouvoir de la vérité indépendante de lui. C'est aussi la reconnaissance de la valeur indépendante du savoir, même s'il n'est pas appliqué.
L'autorité des scientifiques a rendu les autorités réceptives à l'application des réalisations scientifiques, y compris dans le domaine de l'ingénierie sociale, qui a permis aux Britanniques de régner sur des colonies colossales dans le passé et leur permet d'influencer le monde dans le présent.
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Tacite et le mauvais pullulement des lois
Tacite et le mauvais pullulement des lois
Nicolas Bonnal
On connaît tous le taoïsme et la fameuse sentence du maître chinois : plus se développent les règlements, plus pullulent les voleurs. Et on connaît aussi Tacite – qui écrit la même chose. Ce n’est pas la première fois que la science traditionnelle chinoise rejoint la romaine : on a le Feng Shui tout entier chez Vitruve, qui consacre un de ses livres à l’astrologie, et au positionnement des planètes et des bâtisses ; et on a aussi le cousin de Sun Tsu, un auteur romain donc jamais lu, celui des Stratagèmes (je vous conseille de le lire, car les romains ont à leur actif plus de victoires que le reste du monde réuni, chinois compris) : j’ai nommé Frontin.
Mais lisons Tacite (voyez notre texte sur Calgacus contre l’impérialisme), auteur incroyable et réactionnaire impénitent (Histoires, III), marqueur absolu de notre présent permanent :
« XXV. On parla ensuite d'adoucir la loi Papia Poppea qu'Auguste, déjà vieux, avait ajoutée aux lois Juliennes, pour assurer la punition du célibat et accroître les revenus du trésor public. Cette loi ne faisait pas contracter plus de mariages ni élever plus d'enfants (on gagnait trop à être sans héritiers); mais elle multipliait les périls autour des citoyens, et, interprétée par les délateurs, il n'était pas de maison qu'elle ne bouleversât : alors les lois étaient devenues un fléau, comme autrefois les vices. Cette réflexion me conduit à remonter aux sources de la législation, et aux causes qui ont amené cette multitude infinie de lois différentes. »
Puis rappelons cette magnifique digression de Tacite sur les lois :
« XXVI. Les premiers hommes, encore exempts de passions désordonnées, menaient une vie pure, innocente, et libre par là même de châtiments et de contrainte. Les récompenses non plus n'étaient pas nécessaires, puisqu'on pratiquait la vertu par instinct ; et comme on ne désirait rien de contraire au bon ordre, rien n'était interdit par la crainte. »
On se rapproche du début des Métamorphoses et de l’imparable description de l’âge d’or :
« Quand l'égalité disparut, et qu'à la place de la modération et de l’honneur régnèrent l'ambition et la force, des monarchies s'établirent, et chez beaucoup de peuples elles se sont perpétuées. D'autres dès l'origine ou après s'être lassés de la royauté, préférèrent des lois. Elles furent simples d'abord et conformes à l'esprit de ces siècles grossiers. La renommée a célébré surtout celles que Minos donna aux Crétois, Lycurgue aux Spartiates, et plus tard Solon aux Athéniens : celles-ci sont déjà plus raffinées et en plus grand nombre. Chez nous, Romulus n'eut de règle que sa volonté. Numa, qui vint après, imposa au peuple le frein de la religion et des lois divines : quelques principes furent trouvés par Tullus et par Ancus; mais le premier de nos législateurs fut Servius Tullius, aux institutions duquel les rois même devaient obéissance. »
Quand la société devient folle, la romaine notamment, elle devient folle de lois. On rappelle Tocqueville : « il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s’oppose sans cesse à ce qu’on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. »
Tocqueville avait bien expliqué à l’un de ses cousins que l’on quittait aux temps modernes la liberté médiévale pour retourner au despotisme antique. Mais restons sur Tacite :
« XXVII. Après l'expulsion de Tarquin, le peuple, en vue d'assurer sa liberté et d'affermir la concorde, se donna, contre les entreprises des patriciens, de nombreuses garanties. Des décemvirs furent créés, qui, empruntant aux législations étrangères ce qu'elles avaient de meilleur, en formèrent les Douze Tables, dernières lois dont l'équité soit le fondement, car si celles qui suivirent eurent quelquefois pour but de réprimer les crimes, plus souvent aussi, nées de la division entre les ordres, d'une ambition illicite, de l'envie de bannir d'illustres citoyens ou de quelque motif également condamnable, elles furent l'ouvrage de la violence. »
Les lois pullulent et sont contradictoires :
« De là les Gracques et Saturninus semant le trouble dans la multitude ; et Drusus non moins prodigue de concessions au nom du sénat ; et les alliés gâtés par les promesses, frustrés par les désaveux. Ni la guerre italique, ni la guerre civile, qui la suivit de près n'empêchèrent d'éclore une foule de lois, souvent contradictoires; jusqu'à ce que L. Sylla, dictateur, après en avoir aboli, changé, ajouté un grand nombre, fît trêve aux nouveautés, mais non pour longtemps, car les séditieuses propositions de Lépidus (1) éclatèrent aussitôt, et la licence ne tarda pas à être rendue aux tribuns d'agiter le peuple au gré de leur caprice.
Et arrive la formule célèbre :
« Alors on ne se borna plus à ordonner pour tous ; on statua même contre un seul, et jamais les lois ne furent plus multipliées que quand l'État fut le plus corrompu. »
A transmettre à Bruxelles-Paris-Washington-ONU…
Allez, un peu de latin (sans faire du Goscinny) :
... et corruptissima re publica plurimae leges…
Sources principales :
https://remacle.org/bloodwolf/historiens/tacite/annales3....
https://www.thelatinlibrary.com/tacitus/tac.ann3.shtml#27
https://lesakerfrancophone.fr/comment-lempire-us-plagie-l...
https://www.amazon.fr/Petits-%C3%A9crits-libertariens-Con...
http://www.bouquineux.com/index.php?telecharger=1985&...
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dimanche, 16 juin 2024
L'Entente, croquemitaine géopolitique
L'Entente, croquemitaine géopolitique
Alexander Shirokorad
Source: https://geoestrategia.es/noticia/42768/historia/la-entente-no-es-el-primer-monstruo-geopolitico.html
Voilà que, 120 ans plus tard, un article paraît dans le Telegraph, signé par les ministres des affaires étrangères britannique et français, David Cameron et Stéphane Sejourné.
"Il n'est pas moins important pour nous aujourd'hui que pour nos prédécesseurs de mettre de côté les vieilles différences et d'établir une longue amitié, que nous célébrons aujourd'hui non seulement comme un rappel de l'"entente cordiale", mais aussi comme "un aperçu de la future Entente", déclarent les ministres à l'unanimité.
Soldats français et nord-africains à Odessa, mars 1919.
Je voudrais rappeler que l'année dernière, lors d'une visite officielle à Paris, le roi d'Angleterre Charles III a commenté le "consentement cordial" en prononçant un discours au château de Versailles : "Les liens qui unissent nos peuples sont innombrables. Ils représentent la force vitale de notre accord sincère, inspiré par mon arrière-arrière-grand-père, le roi Édouard VII. Nous avons tous la responsabilité de renforcer nos amitiés afin qu'elles soient prêtes à relever les défis du 21ème siècle".
Comme on le voit, la tendance à recréer l'Entente est assez sérieuse, malgré la réputation ternie de cette structure géopolitique. Rappelons que pendant un certain temps, la Russie a également rejoint l'Entente, ce qui n'a pas empêché l'Angleterre et la France de soutenir les groupes d'opposition des grands-ducs et des députés de la Douma depuis 1915. Ce n'est pas un hasard si c'est l'officier de renseignement britannique, le lieutenant Oswald Rayner, qui a abattu Grigori Raspoutine.
Dans un article du Daily Telegraph, les ministres des affaires étrangères britannique et français, David Cameron et Stéphane Sejourné, appellent donc à la formation d'une "Entente renouvelée" pour lutter contre la Russie.
Le 23 décembre 1917, un accord franco-britannique sur la division de la Russie en sphères d'influence est conclu à Paris. Depuis 70 ans, les historiens soviétiques répètent à la population que l'Entente n'a envoyé ses troupes en Russie que pour ramener l'ancien régime, remettre les usines aux capitalistes et leurs biens aux propriétaires terriens.
Mais le ministre britannique de la guerre, Winston Churchill, a été très franc : "Ce serait une erreur de croire que, pendant la guerre civile en Russie, nous avons combattu pour une cause blanche. Au contraire, les Blancs se sont battus pour nos intérêts".
Soldats géorgiens à Sotchi (1918).
Notons qu'en 1918-1920, la Grande-Bretagne et la France ont aidé les Blancs, puis ont maintenu leur neutralité ou leur ont joué de mauvais tours. Mais il n'y a pas eu un seul cas où les troupes de l'Entente se sont battues contre les séparatistes. La situation de l'été 1918 en est un exemple. Les nationalistes géorgiens s'emparent de Sotchi et de Touapse. Anton Denikin, qui commandait alors l'armée des volontaires, se mit en colère et expulsa les Géorgiens de Sotchi. Cependant, l'Angleterre menace l'armée des volontaires d'une guerre si elle continue à avancer vers le sud.
Octobre 1919. L'armée occidentale du lieutenant général Prince Avalov (photo) avance vers Riga. Les Anglo-Français transfèrent d'urgence des armes aux États baltes. L'escadre anglo-française ouvre le feu sur les troupes d'Avalov qui avancent. Une batterie d'artillerie hippomobile se précipite alors au bord de l'eau et tire à bout portant sur les croiseurs de l'Entente.....
Aujourd'hui, un monument a été inauguré sur la base navale lettone, avec une longue liste de "héros de l'Entente" tombés au combat, "victimes de la terreur blanche". N'est-il pas vrai qu'il n'y a rien à ajouter ?
En effet, l'Angleterre et la France n'ont pas eu besoin de la Russie tsariste, dénikinienne, soviétique ou autre. En 1918-1920, l'objectif de l'Entente était de désintégrer la Russie en autant d'États "indépendants" que possible. Je ne peux pas deviner comment, mais l'histoire des États baltes aurait pris un chemin complètement différent si l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie étaient devenues des républiques soviétiques non pas en 1940, mais en 1922.
Naturellement, l'objectif de l'Entente était une banale rapine. Personnellement, je considère que la campagne britannique "pour les zipuns" en Russie a été dans l'ensemble un succès. Ainsi, l'intervention britannique s'est amortie au moins une fois et demie grâce à l'exportation massive de pétrole, de minerais, d'or, de fourrures, au détournement de navires à vapeur, etc.
Mais surtout, l'Entente a donné naissance au prédateur traité de Versailles.
Immédiatement après la conférence de Versailles, le maréchal français Ferdinand Foch a déclaré : "Versailles n'est pas la paix, mais un armistice de 20 ans". Et lors de la conférence elle-même, le Premier ministre britannique Lloyd George a dit au Premier ministre français Georges Clemenceau, qui voulait inclure les terres habitées par les Allemands en Pologne : "Ne créez pas une nouvelle Alsace-Lorraine". Ainsi, le maréchal français et le Premier ministre britannique ont prédit avec précision le moment (1939) et la raison (Pologne) du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Dans le même temps, l'Angleterre et la France reprochaient exclusivement à leurs adversaires le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Mais au début de la conférence de Versailles, dans les quatre empires, à la fin de 1919, les dirigeants responsables du déclenchement de la guerre ont été exécutés ou ont fui le pays. Des personnes qui s'étaient opposées à la guerre à l'automne 1914 sont arrivées au pouvoir.
Alors pourquoi l'Entente n'accepterait-elle pas le plan de paix proposé par Lénine en novembre 1917 "sans annexions ni indemnités" ? Comment le caporal retraité Adolf Hitler aurait-il fini ses jours dans ce cas ? Artiste moyen ? Chef d'un parti d'une centaine ou de deux marginaux ?
Supposons que le 9 novembre 1923 à Munich, lors de la fusillade lors d'une manifestation nazie, Hitler n'aurait pas été légèrement blessé, mais tué. Il existe d'ailleurs une version selon laquelle le garde blanc Scheubner-Richter (photo) aurait recouvert le Führer de son corps. Et alors ? Il n'y aurait donc pas eu de Seconde Guerre mondiale ? Bien sûr qu'il y en aurait eu une, mais avec un autre Führer : Ernst Röhm, Joseph Goebbels ou quelqu'un d'autre.
Et s'il y avait eu une unification des socialistes et des communistes aux élections de 1932, ils auraient obtenu 37,3 % des voix, alors que les nazis n'en auraient obtenu que 33 %. Ernst Thälmann serait peut-être devenu chancelier du Reich et les Juifs n'auraient pas été dans des camps de concentration, mais au Reichstag et au gouvernement. Mais la Seconde Guerre mondiale aurait quand même eu lieu.
Ainsi, jusqu'en 1934, les sociaux-démocrates autrichiens considèrent l'Anschluss comme leur principal objectif. À la fin des années 1920, Thälmann affirme que Hitler ne s'oppose que verbalement à l'Angleterre et à la France, mais qu'il est en réalité leur protégé.
Ernst Thälmann (photo) déclare officiellement : "L'Allemagne soviétique ne paiera pas un pfennig de réparations.... Nous, communistes, ne reconnaissons aucune annexion forcée d'un peuple ou d'une partie d'un peuple à un autre État-nation, nous ne reconnaissons aucune frontière tracée sans le consentement de la majorité réelle de la population..... Nous, les communistes, sommes contre le démembrement territorial et le pillage de l'Allemagne effectués sur la base du traité de Versailles qui nous a été imposé par la force".
Ainsi, même si les communistes et les socialistes avaient gagné en Allemagne, la Seconde Guerre mondiale aurait quand même eu lieu. Mais dans ce cas, l'issue aurait certainement été différente.
Avec le traité de Versailles, les États de l'Entente ont jeté les bases d'une nouvelle Grande Guerre. C'était une conséquence inévitable des processus historiques. Mais toutes sortes de Hitler, Pilsudski, Mussolini, Thälmann, von Papen, Antonescu et autres ont été des accidents historiques. Ils ne pouvaient que modifier légèrement l'élan de la guerre et le cours des hostilités. Mais personne n'a pu les empêcher.
Et aujourd'hui, pour faire revivre l'Entente, il est nécessaire de porter un puissant coup de propagande aux mythes occidentaux. Il n'est pas nécessaire d'inventer quoi que ce soit. L'Entente a commis un crime monstrueux contre l'Allemagne, la Russie, la Chine, l'Indochine et d'autres pays d'Asie et d'Afrique.
La vérité sur les atrocités commises par l'Entente au 20ème siècle peut, sinon arrêter, du moins compliquer sa renaissance en 2024.
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Les vanités du gaullisme et du souverainisme
Les vanités du gaullisme et du souverainisme
Nicolas Bonnal
Il y a un mantra souverainiste en France en ce moment, lié au désespoir d’une petite partie de l’opinion (la majorité reste hypnotisée ou anesthésiée). Evidemment il est platonicien et ne risque pas d’accoucher dans la réalité.
On nous répète donc qu’en sortant de l’Europe on résoudrait tous nos problèmes. Or il me semble que cette Europe techno-jacobine dirigée par les Delors, les Breton et les Lagarde elle a été bien francisée. C’est Varoufakis qui me le fit comprendre dans son livre sur le minotaure (européen). Il écrivait même que la surclasse de hauts fonctionnaires français désirait entrer dans l’euro pour profiter du boom immobilier (celui des résidences secondaires notamment) qui s’ensuivrait.
Je ne vois pas en plus en quoi les énarques, Asselineau, Florian, Dupont-Aignan, etc., qui totalisent 1% à chaque élection (je sais, elles sont truquées…) et désirent le Frexit (on ne pouvait pas trouver un mot plus sexy et franchouillard que celui calqué sur le raté Brexit – voir Todd – des Britanniques, qui n’a profité qu’à la City, à l’inflation et aux migrants, comme annoncé par Valérie Bugault ?) dirigeraient la France mieux que les confrères énarques qui veulent rester européens. Tous énarques, tous souverainistes !
La France c’est depuis des centaines d'années un coq hérétique, un pays centralisé, autoritaire, avec une armée de fonctionnaires, un administration qui marche plus ou moins bien, et depuis peu une dette et une immigration qui sont incontrôlables. Sur le reste on relira mon Coq hérétique (qui fut référencé par le Figaro, VA et par mon ami Laughland) et mes textes sur Marx (et son armée de fonctionnaires) ou Gobineau. Tiens, redonnons cet extrait, de Gobineau dans sa lettre à Tocqueville :
« Vous avez admirablement montré que la révolution française n’avait rien inventé et que ses amis comme ses ennemis ont également tort de lui attribuer le retour à la loi romaine, la centralisation, le gouvernement des comités, l’absorption des droits privés dans le droit unique de l’État, que sais-je encore ? L’omnipotence du pouvoir individuel ou multiple, et ce qui est pire, la conviction générale que tout cela est bien et qu’il n’y a rien de mieux. Vous avez très bien dit que la notion de l’utilité publique qui peut du jour au lendemain mettre chacun hors de sa maison, parce que l’ingénieur le veut, tout le monde trouvant cela très naturel, et considérant, républicain ou monarchique, cette monstruosité comme de droit social, vous avez très bien dit qu’elle était de beaucoup antérieure à 89 et, de plus, vous l’avez si solidement prouvé, qu’il est impossible aujourd’hui, après vous, de refaire les histoires de la révolution comme on les a faites jusqu’à présent. Bref, on finira par convenir que le père des révolutionnaires et des destructeurs fut Philippe le Bel. »
Et il résume, assez génialement je dois dire, le présent perpétuel des Français (Lettre de Téhéran, le 29 novembre 1856) :
"Un peuple qui, avec la République, le gouvernement représentatif ou l’Empire, conservera toujours pieusement un amour immodéré pour l’intervention de l’Etat en toutes ses affaires, pour la gendarmerie, pour l’obéissance passive au collecteur, à l’ingénieur, qui ne comprend plus l’administration municipale, et pour qui la centralisation absolue et sans réplique est le dernier mot du bien, ce peuple-là, non seulement n’aura jamais d’institutions libres, mais ne comprendra même jamais ce que c’est. Au fond, il aura toujours le même gouvernement sous différents noms… ".
La sortie de l’Europe ? Je lui souhaite du plaisir à la France avec ses casseroles de retraités, de branchés, de bobos, d’immigrés, de fonctionnaires, de chômeurs, de dettes, de DOM-TOM, de règlements, et de sous-culture étatisée ad vitam…
Mais voyons pour le gaullisme. Le problème c’est déjà que tous s’en réclament : les huns et les autres si j’ose dire. Et la Marine à la peine (qui se rapproche de Leyen maintenant, via Meloni, féminisme oblige), et le macaron, et les républicains, et les gauchistes, qui oublient que cette référence un peu usée tout de même a créé le parti (UDR, RPR qu’importe) qui a cautionné toutes les gabegies européennes, migratoires et socialistes. L’accélération de la chute française date moins de Mitterrand que de Chirac et son néo-gaullisme d’opérette (Chirac ridiculisa le pauvre Todd et sa fracture sociale) qui visait la Russie (réécoutez-le, bon Dieu) lors de la pitoyable reprise des essais nucléaires en 1996.
Mais allons au fond et succinctement, quitte à choquer les ânes sensibles :
La surestimation du gaullisme certes ne frappe pas assez les bons esprits qui sont surtout des esprits distraits. Car De Gaulle, c’est la Libération et la Grandeur de la France, De Gaulle, c’est la prospérité et la voix de la France libre (bis), De Gaulle, c’est une époque bénie… Or dans les années soixante toute l’Europe en voie de destruction se développait. Elle était vraiment décadente cette Europe, quoiqu’en pense le poireau Aron. La vraie révolution culturelle avait lieu en Occident et pas en Chine : c’est le marxiste Eric Hobsbawn qui nous l’a démontré dans son âge des extrêmes. Sur les ratages du gaullisme pendant la guerre, lire et méditer l’indispensable Kerillis, lui-même héros de guerre, journaliste et expert militaire.
En fait le gaullisme repose sur une hypnose collective proche de celle de 1789, de Napoléon ou de la République dont le Général se réclama toujours. Le Français adore être hypnotisé (comme l’Anglo-Saxon sa parèdre) et Macluhan le décrit très bien (la Galaxie Gutenberg, Edition Biblis, p. 399-408) dans ses chapitres sur le nationalisme, basés sur l’extraordinaire historien US Carleton Hayes.
Je n’ai aucune envie de m’étendre sur cette question qui mériterait un bon livre – un de plus… Mais au moins rappelons les faits principaux :
– De Gaulle, c’est une Résistance et une Libération bâclées : voyez par exemple le livre de Kerillis, De Gaulle dictateur (mal titré hélas). De Gaulle c’est une malédiction portée sur l’extrême-droite collabo et une sanctuarisation de la Résistance dont se réclament tous les escrocs qui nous gouvernent. Ses Mémoires de guerre sont le livre de chevet jamais lu de chaque président. De Gaulle c’est aussi l’oubli de la trahison et de la désertion des communistes qui se sont chargés ensuite de l’épuration qui ne cessera jamais. J’aime la courageuse expression d’Audiard : « je suis un antigaulliste du 18 juin ». On brûle ses films ?
– De Gaulle, c’est aussi la trahison des pieds noirs et la perte brutale, sanglante et bâclée de l’Algérie (voyez les livres publiés par mon éditeur Dualpha notamment celui de Manuel Gomez). Le gâchis a été total, et on en paiera toujours le prix.
– De Gaulle, c’est les Trente Glorieuses (disparition des paysans et mauvais traitements des ouvriers) et la destruction de la France rurale traditionnelle, la transformation et l’américanisation d’un Hexagone mué en France défigurée pour reprendre le titre d’une émission célèbre de Michel Péricard (photo), lui-même gaulliste. Comparez Farrebique et Biquefarre. Voyez mon livre sur la destruction de la France au cinéma.
– De Gaulle, c’est aussi le début de l’interminable immigration africaine qui suit la décolonisation ratée – Audiard s’en moque dans son libertaire et jubilatoire Vive la France. Les cinéastes ont bien vu les maléfices en œuvre sous de Gaulle : voyez Weekend ou Deux ou trois choses de Godard sans oublier Alphaville ; voyez Play Time de Jacques Tati, le début de Mélodie en sous-sol…
– Sur le plan des Français, on voit une détérioration du matériel humain: société de consommateurs, d’assistés, de téléphages et d’automobilistes. L’enlaidissement du pays modernisé entraîne l’enlaidissement des gens, la fin de l’élégance parisienne et le déclin de la culture française. Voyez Debord qui rejoint Pierre Etaix ou Jacques Tati. Et ne parlons pas de mai 68, de l’explosion de la pornographie et de la destruction finale de Paris sous Pompidou, ancien laquais de Rothschild (pour ceux qui se plaindraient de l’autre). De Gaulle nous laissa aussi Chirac et Giscard…
– Déclin de la culture? Lisez mon livre sur la comédie musicale. Paris enlaidi cesse d’influencer ou d’inspirer les créateurs américains. Eric Zemmour – et j’y reviendrai – en parle très bien dans son livre sur la Mélancolie française: Malraux a tourné le dos à la France traditionnelle (Chirac aussi avec ses arts premiers) et africanisé notre culture. Sinistre politique de l’Etat culturel livré au gauchisme (dixit Debré lui-même) via les MJC.
– Enfin sur le plan de la vie politique, on souffre de cette catastrophique constitution et des éternels effets du scrutin majoritaire. On a Macron et on le garde. On a créé la constitution la plus dangereuse du monde et on continue de la défendre…
– Politique étrangère ? On a gardé l’Otan, l’Europe : quant à la politique arabe… Le Québec libre aussi aura fait long feu. Le tiers-mondisme diplomatique héritier pathétique de la décolonisation ne mena nulle part. Mais il énervait les Américains…
– On relira avec intérêt notre texte sur Michel Debré qui voyait l’effondrement français arriver avec cette Cinquième. De Gaulle œuvra en destructeur ET en fantôme.
Mais De Gaulle comprit le piège ; et j’ai décrit cette prise de conscience du premier concerné, le général lui-même. Je me cite alors :
De Gaulle échoue – mais il en ressort qu’on ne pouvait qu’échouer. Sur le referendum – sa porte de sortie comme on sait – nous sommes clairement informés (citation déjà reprise par Philippe Grasset) :
«J’expose au Général que le but de ma visite est de préciser les conditions qui peuvent permettre le succès, du référendum. Interruption du Général : « Je ne souhaite pas que le référendum réussisse. La France et le monde sont dans une situation où il n’y a plus rien à faire et en face des appétits, des aspirations, en face du fait que toutes les sociétés se contestent elles-mêmes, rien ne peut être fait, pas plus qu’on ne pouvait faire quelque chose contre la rupture du barrage de Fréjus. Il n’y aura bientôt plus de gouvernement anglais; le gouvernement allemand est impuissant ; le gouvernement italien sera difficile à faire; même le président des Etats-Unis ne sera bientôt plus qu’un personnage pour la parade.
Le monde entier est comme un fleuve qui ne veut pas rencontrer d’obstacle ni même se tenir entre des môles. Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de son destin (p.112). »
On répète parce que c’est merveilleux :
« Je n’ai plus rien à faire là-dedans, donc il faut que je m’en aille et, pour m’en aller, je n’ai pas d’autre formule que de faire le peuple français juge lui-même de son destin. »
Allez, on se rassure : l’héritier Debré fit 1% des voix aux présidentielles de 1981.
C’est Douglas Reed, l’auteur de la Controverse de Sion qui avait dit une très bonne chose sur la France après l’opération tragi-comique de Suez en 56 : c’est la terre du fiasco récurrent.
« La France n’avait pas plus à perdre, malheureusement, que la dame dans la chanson de soldat qui « avait encore oublié son nom » : par sa révolution, la France restait la terre du fiasco récurrent, à jamais incapable de se relever de l’abattement spirituel où elle se trouvait. Pendant 160 ans, elle essaya toutes les formes de gouvernement humainement imaginables et ne trouva de revigoration et de nouvelle assurance dans aucune. »
Et en route pour un énième front républicain des gauchistes au service du pouvoir financier…
Sources principales :
https://www.dedefensa.org/article/tocqueville-et-gobineau...
https://www.dedefensa.org/article/debre-et-le-general-fac...
Cliquer pour accéder à Douglas%20Reed%20-%20La%20Controverse%20de%20Sion.pdf
https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/europeenn...
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lundi, 20 mai 2024
Darya Douguina: Le platonisme politique de l'empereur Julien
Le platonisme politique de l'empereur Julien
Daria Douguina
Source: https://www.geopolitika.ru/el/article/o-politikos-platonismos-toy-aytokratora-ioylianoy
Résumé
Cet article traite de la réalisation de la philosophie politique du néoplatonisme de l'empereur Flavius Claudius Julianus. Son règne n'était pas une tentative de restauration ou de rétablissement du paganisme, mais plutôt une tentative d'établir une métaphysique et des thèmes religieux entièrement nouveaux, qui ne cadraient ni avec le christianisme, qui n'avait pas encore acquis une plate-forme politique solide, ni avec le paganisme, qui perdait rapidement son pouvoir d'antan. La catégorie centrale de la philosophie politique de Julien est l'idée d'un « médiateur », le « Roi-Soleil », qui incarne une forme et une fonction métaphysiquement nécessaires pour le monde, à l'instar du « philosophe-gemon » de Platon, qui relie les mondes intelligible et matériel.
Selon le principe platonicien de l'homologie du métaphysique et du politique, Julien voit le Soleil comme un élément de la hiérarchie universelle, assurant le lien entre le monde intelligible et le monde matériel, ainsi que la figure politique du dirigeant, le roi, qui, dans la philosophie politique de Julien, devient le traducteur des idées. Julien devient le traducteur des idées dans le monde non éclairé, qui est éloigné de l'Un.
L'objectif principal de cet article est de reconstruire la philosophie politique de l'empereur Julien et de trouver sa place dans le paysage de l'enseignement néoplatonicien. Le règne court mais illustre de Julien fut une tentative de construire une Platonopolis universelle basée sur les principes de l'État de Platon. Nombre des principes développés dans la philosophie politique de Julien seront finalement absorbés par le christianisme, remplaçant l'édifice croulant de l'antiquité.
Introduction
Les historiens du platonisme tardif adoptent souvent l'approche selon laquelle le néoplatonisme n'inclurait pas le niveau politique dans sa sphère d'intérêt et serait exclusivement contemplatif, se concentrant sur l'Un apophatique (En), la hiérarchie des émanations et les pratiques théurgiques. Ce point de vue est soutenu, en particulier, par l'historien allemand du platonisme, Ehrhardt [Ehrhardt, 1953]. Cette position est critiquée à plusieurs reprises dans Platonopolis : Platonic Political Philosophy in Late Antiquity de Dominic O'Meara [O'Meara, 2003]. L'empereur Julien (331 ou 332-363), qui a non seulement proposé une version développée de la théorie politique néoplatonicienne, mais a également pris un certain nombre de mesures décisives en vue de son application pratique dans l'administration de l'empire, est l'un des arguments décisifs à cet égard.
Partie principale
L'empereur Flavius Claudius Julianus, représentant de l'école néoplatonicienne de Pergame, est l'image d'un platonicien qui a non seulement réfléchi à la nécessité pour un philosophe d'être un homme politique, mais qui a également été, pendant une période brève mais très vivante, en tant qu'empereur de l'Empire romain, un empereur qui a incarné dans sa propre forme le projet politique de l'État idéal de Platon. Cette combinaison d'un culte élevé de la vie contemplative et d'un service politique est rare (il y a eu très peu d'hégémons philosophes dans l'histoire de l'Empire romain - l'un d'entre eux étant Marc Aurèle, un penseur qui, à bien des égards, a inspiré Julien). « Les rêveurs de ce genre se trouvent rarement parmi les princes : c'est pourquoi nous devons l'honorer [l'empereur Julien] », [Duruy, 1883] - observe l'historien français Victor Duruy. Une différence frappante par rapport à ses prédécesseurs serait son obsession très réelle pour la philosophie, dont l'expression la plus élevée était, aux yeux de Julien lui-même, les enseignements néoplatoniciens. Le jeune empereur est particulièrement fasciné par Jamblique (245/280 - 325/330), un représentant de l'école syrienne du néoplatonisme. L'école de Pergame, dont Julien était lui-même issu, était une sorte de ramification de l'école syrienne, et Jamblique y était considéré comme une autorité incontestée.
Pour Julien, Jamblique était le modèle du « secret et de la perfection » [Julien, 2016], et il trouvait dans ses écrits « la seule sagesse parfaite que l'homme puisse découvrir ». Cependant, le biographe de Julien, Jacques Benoist-Méchin [Benoist-Méchin, 2001], observe que Julien ne se contente pas de reprendre et de reproduire les enseignements de Jamblique, mais qu'il les complète et les développe, en élaborant la doctrine de l'élément médian (« monde intermédiaire »), le Roi Soleil (en trois dimensions), détaillant ainsi le paysage métaphysique de la philosophie néoplatonicienne.
L'hypostase la plus élevée du Soleil était le Soleil apophatique, identique à l'Un (En) de Plotin. Le Soleil intermédiaire était la Lumière métaphysique, qui relie les mondes perçus mentalement (noétiques) à l'univers. Enfin, le troisième aspect du Soleil était le Soleil du monde corporel visible, qui représentait la limite inférieure des émanations du Principe absolu.
Pour Julien, la question de la connexion entre le monde théorique et le monde matériel (c'est-à-dire le problème du « Soleil du milieu ») devient la question principale. Il y cherche une réponse à la fois ontologique et politique. Pour lui, comme pour tout platonicien, les niveaux politique et ontologique sont liés et homologues. Le médiateur, le Soleil pour Julien, est une figure à la fois métaphysique et politique, le roi (à propos du Soleil, Julien utilise les noms - roi - seigneur - lord, et les verbes garder - je suis gardien, seigneur, et diriger/conduire - je gère, je dirige, j'avance). Les parallèles entre le Soleil et la figure du souverain imprègnent l'ensemble de l'hymne « Au Roi-Soleil ». Par exemple : "Le Soleil est l'un des hommes les plus importants et les plus puissants de l'humanité". « Les planètes mènent autour de lui [le Soleil] une danse ronde, gardant leurs distances, comme autour de leur roi » [Julian, 2016]. Tout comme le Soleil, le dieu Soleil, agit comme un traducteur d'idées dans le monde sensuel, l'empereur-philosophe est le compagnon, l'escorte du roi Soleil. Il est le « compagnon » (suiveur) que Julien appelle lui-même au début de l'hymne [ibid]. Dans chaque souverain, note Julien dans son traité « Sur les actes du souverain et du royaume », il doit y avoir « un serviteur et un voyant du roi des dieux [Hélios] ». [C'est également du roi Hélios que proviennent la sagesse et la connaissance, ainsi que la substance, adoptées par Athéna, la déesse patronne de la ville et des États: dans la conception de Julien, le Soleil apparaît également comme le fondateur de Rome : Julien prend pour preuve le mythe selon lequel l'âme de Romulus est descendue du Soleil. « L'étroite convergence du Soleil et de la Lune <...> a rendu possible la descente de son âme sur terre et son ascension de la terre après la destruction de la partie mortelle de son corps par le feu de la foudre » [ibid.].
L'unité de la Lumière conçue métaphysiquement, symbolisée par le Soleil, imprègne tout le système de la philosophie de Julien. Selon la vision néoplatonicienne, l'unité est toujours apophatique et ne peut être atteinte que tangentiellement. La forme la plus élevée de l'unité est accessible par l'unité, par la communion avec l'Un. Ainsi, l'univers semble concentré, attiré par l'Un, mais sans jamais l'atteindre. Par ailleurs, le statut suprême du Roi-Soleil chez Julien est apophatique. La nature de la lumière provient de cette obscurité apophatique du Soleil invisible et de là, elle imprègne tous les autres niveaux de la création. L'État, compris comme un empire, c'est-à-dire le rassemblement de la multitude des peuples dans l'unité, est un genre. Il n'est pas l'unité elle-même ni la Lumière elle-même, mais la volonté de l'atteindre, le mouvement vers elle. De même que l'âme ou l'essence du roi descend des sphères supérieures, de même le royaume lui-même tend vers le roi comme source, ce qui donne à la politique sa grâce générative.
Julien s'est fixé la tâche presque impossible de réaliser l'idéal platonicien du roi philosophe dans le contexte de l'Empire romain réel du 4ème siècle, au milieu de la puissance et de l'influence toujours croissantes du christianisme, pour devenir le « compagnon » du Soleil, qui serait le garant de la justice (droiture). « Son principal moteur était un sens des responsabilités aussi fort que celui du philosophe sur le trône, Marc Aurèle, que le philosophe idolâtrait. » [Zalinsky, 2016].
Pendant l'année et demie de son règne impérial (et avant d'être César en Gaule pendant plusieurs années), Julien, guidé par les principes de la politique platonicienne (comme le note à juste titre Walter Hyde, « Julien mettait la théorie platonicienne en pratique » [Hyde, 1843]), il tenta d'harmoniser le système politique avec l'idéal philosophique fixé par la tradition philosophique platonicienne [Athanasiadis, 1981], et y parvint en partie.
Un homme politique accompli apparaît également comme un chef militaire doué (brillantes victoires en Gaule sur les Germains, commandement efficace de l'armée jusqu'à sa mort - jusqu'à la bataille finale contre les Perses, au cours de laquelle l'empereur fut tué), et un réformateur radical de la foi païenne, qui perdait de sa force face à l'avènement de la nouvelle religion chrétienne, encore obscure (à l'époque, elle était fragmentée par d'innombrables sectes, rameutant des foules qui se battaient violemment entre elles). Julien n'était pas seulement un souverain laïc, il essayait aussi d'incarner l'image idéale du philosophe-roi dans sa vision ontologique - universelle - du monde, en stricte conformité avec les lois symboliques du néoplatonisme. La tolérance religieuse affichée par Julien reposait également sur des convictions philosophiques profondes. Il ne s'agit pas d'un simple rejet de la christianisation de l'empire au profit de la laïcité, ni même d'une substitution d'une religion à une autre. Dans la pensée de Julien, la foi, la religion, le pouvoir - le domaine de l'opinion (la gloire) - doivent être subordonnés à l'autorité suprême, le roi de l'univers, « celui autour duquel tout est ». Mais cette soumission ne pouvait être formelle, car toute la structure hiérarchique de l'autorité souveraine - le Roi-Soleil - était ouverte par le haut, c'est-à-dire générationnelle. Dans la structure de la philosophie néoplatonicienne, on ne peut être sûr que d'un mouvement vers l'Un, mais pas de l'Un lui-même, qui est inatteignable. Par conséquent, le modèle politique de Julien représentait le début d'un « empire ouvert », où l'impératif était la poursuite de la sagesse, mais pas la sagesse elle-même, parce qu'en fin de compte elle ne pouvait être incorporée dans aucun ensemble de doctrines - non seulement chrétiennes, mais aussi païennes. Mais la conclusion de cette ouverture était à l'opposé des tendances séculaires de l'ère moderne : la sainteté et le principe de la lumière doivent prévaloir, et c'est l'impératif de la philosophie politique de Julien, sauf que cette règle ne peut être fixée dans des lois immuables. Le sens de la Lumière, c'est qu'elle est vivante. Et donc l'empire ouvert et son souverain doivent être vivants. C'est ici que le sens même de la philosophie, son sens le plus profond, est rétabli. La philosophie est l'amour de la sagesse, le mouvement vers elle. C'est la recherche de la Lumière, pour servir le Roi Soleil, pour l'accompagner. Mais si l'on formalise cette sagesse, ce n'est plus de la philosophie, c'est du sophisme. C'est sans doute ce qui éloigne Julien du christianisme. S'enfermant dans une doctrine stricte, l'agenouillement de l'empire ouvert... est remplacé par un code aliéné, et l'empire se ferme ainsi par le haut, perdant sa sainteté globale au profit d'une seule version possible de la religion. Le domaine de l'opinion (la gloire) est consciemment le domaine du relatif, du contingent. Il doit être orienté en direction du Soleil, auquel cas l'opinion devient orthodoxie (ortho-glorieuse), « opinion juste », mais qui n'est encore qu'une opinion.
Ce qui est intéressant dans le destin de Julien, c'est qu'il n'avait pas d'ambition particulière pour le pouvoir, qu'il s'occupait surtout de philosophie et qu'il était impressionné par les rituels de nature théurgique. Julien était avant tout un philosophe et ce n'est qu'en raison de la fatalité du destin, des présages et de la voie choisie pour lui par le souverain Hélios. Dans son « éloge de Julien », Livanius observe : « il ne cherchait pas la domination, mais la prospérité des cités » [Libanius, 2014], et plus tôt, l'orateur note que s'il y avait eu un autre candidat au trône à l'époque de Julien qui aurait pu revitaliser l'hellénisme, Julien aurait « constamment évité le pouvoir ». Julien était un philosophe, condamné par la Divine Providence à la descente, à la réprobation, et sa mission avait donc un caractère créatif et sotériologique. Il était condamné à devenir un souverain en raison de sa nature philosophique, un compagnon du Soleil.
La « place médiane » du Soleil, dont nous avons parlé plus haut, son leadership correspond à la position du philosophe-roi dans l'état idéal. Comme le Soleil, dans sa propre activité créatrice, qui crée ou orne de nombreuses espèces ("car une espèce (eidos), il l'a perfectionnée, d'autres, il les a produites, d'autres encore, il les a ornées, d'autres, enfin, il les a éveillées [dans la vie et l'identité], de sorte qu'il n'y a pas d'espèces (eidoi) qui ne soient pas des espèces dans la vie et l'identité, de sorte qu'il n'y a pas une seule chose qui, en dehors de la puissance créatrice émanant du Soleil, ait pu surgir ou naître » [Julian, 2016]); le philosophe donne aux possessions leur juste démarcation. Lui, « l'intermédiaire », est le passeur de la connaissance véritable de la nature secrète des choses et l'organisateur de l'ordre sur la base de cette connaissance véritable. Le Soleil y est également associé par Julien à Apollon (1), qui a établi sur toute la terre des divinations qui donneront aux hommes la vérité divinement inspirée. L'empereur croit également que le Soleil-Apollon est le géniteur du peuple romain, ce qui ajoute à la doctrine politique de Julien le statut de « sélection divine » des Romains.
Le Soleil-Zeus apparaît également comme le détenteur de l'autorité royale. Et même le dieu des mystères nocturnes Dionysos, qui devient chez Julien une autre incarnation du Soleil, le Soleil-Dionysos, est interprété comme une continuation du même principe directeur au plus profond des mondes matériels. Zeus, Apollon et Dionysos, selon Julien, marquent les trois moments du demi-dieu politique qu'est le souverain parfait. En tant que Zeus, il gouverne le monde. En tant qu'Apollon, il rédige les lois et fait respecter l'axe vertical sacré dans l'empire solaire. En tant que Dionysos, il protège les religions, les cultes et les arts, supervise les mystères et ordonne les liturgies.
Certains éléments suggèrent que l'image du Soleil médiateur a tellement impressionné l'empereur que, lorsqu'il a réformé l'armée, il a remplacé l'inscription chrétienne sur les armoiries impériales, « En Tuto Nika », par une inscription mithriaque « Sol invictus ». Il est évident que l'image de Mithra est prise ici comme une métaphore philosophique, et non comme une indication que c'est le mithraïsme qui a inspiré les réformes politico-religieuses de Julien. Sol Invictus est le Roi-Soleil lui-même dans sa nature originelle généralisée. Il pourrait servir de dénominateur commun aux différentes images religieuses - dans l'esprit de la synthèse néoplatonicienne ou de celle du néoplatonicien Proclus qui l'appellera plus tard « théologie platonicienne » [Proclus, 2001].
Dans le cas de cette substitution de Sol Invictus à In hoc signo vinci, qui est parfois interprétée comme l'exemple le plus clair de « restauration païenne », nous pouvons voir autre chose: non pas la substitution d'un culte à un autre, mais l'invocation d'une source philosophique commune à diverses religions et croyances. De même que l'empire rassemble les peuples et les royaumes, une sainteté impériale totale élève toutes les formes privées à une source généalogique. Après tout, la croix est aussi un symbole solaire et, dans l'emblème impérial, elle était étroitement associée à l'épisode de la victoire militaire et à l'épanouissement politique de Rome sous Constantin.
Conclusion
L'ère julienne a été une tentative de construction d'un empire mondial - une Platonopolis: En véritable platonicien, il tente de couvrir et de réformer tous les domaines - religieux (2) (introduction des rites de pénitence, de la charité, moralisation par Julien des cultes païens officiels, décret de tolérance), dans la vie du palais (rationalisation du personnel de la cour, invitation de philosophes, rhéteurs et prêtres nobles au palais, rétablissement du Sénat dans sa position et son autorité antérieures) et dans l'économie (rétablissement du droit civil des municipalités de percevoir des impôts au profit des cités). Mais le cours de l'histoire était déjà prédéterminé. Le christianisme, tout en reprenant certains éléments de l'hellénisme (notamment en incorporant la doctrine de la royauté platonicienne et en assimilant les meilleurs éléments de la mystique et de la théologie néoplatoniciennes), démolit irrémédiablement l'édifice croulant de l'antiquité.
L'historien Inge observe que Julien « a été conservateur quand il n'y avait plus rien à conserver » [Inge, 1900]. L'époque de Julien est révolue et un nouveau souverain vient au monde. Désormais, la sainteté impériale et la mission métaphysique de l'empereur étaient interprétées dans un contexte chrétien étroit - comme la figure du possesseur (possessor), le « conservateur/katechon », dont la sémantique était déterminée par la structure de l'eschatologie chrétienne, où l'empereur orthodoxe, tel qu'interprété par Jean Chrysostome, était considéré comme le principal obstacle à l'avènement de l'Antéchrist. Mais même dans cette notion de « possesseur », on peut voir de lointains échos de l'ontologie politique du Roi-Soleil, puisque dans le monde byzantin, l'empire devient également un phénomène métaphysique et acquiert ainsi un caractère philosophique. Mais il s'agit désormais d'une version essentiellement réduite du platonisme politique, plus privée et dogmatiquement définie par la portée universelle de la philosophie politique de l'empereur Julien.
Notes:
(1) Dans la « Politeia » de Platon, Apollon occupe également une position centrale : c'est lui qui est identifié dans le livre IV comme le seul véritable législateur. Les lois de l'État idéal, selon Socrate, doivent être promulguées non pas sur la base de « capacités préexistantes » ou de la volonté unique d'un individu, mais sur la base d'un principe divin transcendant. Ainsi, les lois de l'État peuvent être comprises comme des prophéties delphiques qui, dans l'image d'un État idéal, auraient le monopole de l'interprétation par le philosophe-roi.
(2) La religion païenne s'est considérablement affaiblie au quatrième siècle. Zelinsky, dans son ouvrage « L'Empire romain », note qu'à l'époque de Julien, « la vue du plus grand temple du monde antique, le temple d'Apollon à Delphes, provoquait la consternation ». « Julien, désireux d'entendre la voix des oracles de Delphes, y envoya ses oracles, la dernière Pythie se montrant digne de ses prédécesseurs. La réponse fut triste :
«Είπατε τω βασιλήι , χαμαί πέσε δαίδαλος αυλά, Ουκέτι Φοίβος έχει καλύβαν ου μαντίδα δάφνην, ου παγάν λαλεούσαν, απέσβετο και λάλον ύδωρ» {stm. « Dis au roi : les riches cours ont été démolies, Phoebus n'a plus de hutte, ni de laurier de prophète, ni de fontaine qui gargouille, et l'eau méliorative a été battue », Nouvelle traduction grecque, N. Kazantzakis }
(Cité dans : Zelinsky F.F. Roman Empire. op. cit. p.425).
Bibliographie
Julien l'Apostat. M. : Molodaya gvardiya, 2001. 74 p.
Zelinsky F.F. L'Empire romain. Saint-Pétersbourg : Aelteia, 2016. 488 p.
Libanius. Discours. Saint-Pétersbourg : Quadrivium, 2014. volume I. 760 p.
Proclus. Théologie platonicienne. SPb : Letny Sad, 2001. 624 c.
Julien. La collection complète des créations. SPb : Quadrivium, 2016. 1088 c.
Athanassiadi P. Julian : An Intellectual Biography. Oxford : Clarendon Press, 1981. 245 p.
Bowersock G. Julian the Apostate, Londres, 1978. 152 p.
Duruy V. Annuaire de l'Association pour l'encouragement des études grecques en France // Revue des Études Grecques. 1883. vol. 17. p. 319-323.
Ehrhardt A. La philosophie politique du néo-platonisme // Mélanges V. Arangio-Ruiz, Naples, 1953.
Gardner A. Julian Philosopher and Emperor and the Last Struggle of Paganism Against Christianity, London : G.P. Putnam's Son, 1895. 464 p.
Hyde W. Emperor Julian // The classical weekly. 1843. Vol. 37. No. 3.
Inge W.R. The Permanent Influence of Neoplatonism upon Christianity // The American Journal of Theology. 1900. Vol. 4. No. 2.
O'Meara D.J. Platonopolis : Platonic Political Philosophy in Late Antiquity, Oxford : Clarendon Press, 2003. 264 p.
Veyne P. L'Empire Gréco-Romain, Paris : Seuil, 2005. 876 p.
Traduction éditée par Rigas Akraios
à partir d'ici : http://publishing-vak.ru/file/archive-philosophy-2018-2/4...
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jeudi, 09 mai 2024
Sur le pantouranisme
Sur le pantouranisme
Filip Martens
Touran était le nom que les peuples iraniens donnaient à l'Asie centrale dans l'Antiquité. Le pan-touranisme vise à réunir tous les peuples turcs et autres peuples altaïques en une seule unité politique et/ou culturelle sous le nom de Touran. Cette unité couvre une vaste région qui s'étend de la Turquie à l'océan Arctique, en passant par le Caucase, le nord-ouest de l'Iran et l'Asie centrale. Pour certains pan-turanistes, elle inclut également l'ancienne Europe ottomane du sud-est, ce qui témoigne clairement d'un irrédentisme.
L'émergence du pan-turanisme
Cette idéologie est apparue à la fin du siècle dernier parmi les officiers nationalistes ottomans et l'intelligentsia. Ils voulaient réunir tous les peuples turcs dans une entité politique s'étendant du Bosphore aux montagnes de l'Altaï. À partir de 1911 environ, le terme « Touran » a été utilisé pour englober tous les peuples turcs, c'est-à-dire y compris ceux qui se trouvaient en dehors du Touran historique (c'est-à-dire en Asie centrale).
Pendant la Première Guerre mondiale, l'élite nationaliste ottomane a propagé ce pan-touranisme parmi les peuples turcs de la Russie tsariste pour les inciter à se révolter et pour annexer le Caucase et l'Asie centrale.
Après la Première Guerre mondiale et la guerre d'indépendance turque qui s'ensuivit, Mustafa Kemal Atatürk fonda la république de Turquie. Il encourage le pan-touranisme pour remplacer l'identité ottomane-islamique de la population par une identité turco-laïque. Désormais, ce n'est plus la religion (l'islam sunnite) mais la nation qui doit assurer l'unité.
Interdiction du pan-touranisme en URSS
Les peuples turcs représentent environ 10% de la population de la jeune URSS, ce qui en fait le deuxième groupe ethnique après les peuples slaves. Ils habitaient le « ventre mou » de l'URSS, c'est-à-dire les régions vulnérables du Caucase et de l'Asie centrale où se trouvaient de riches ressources pétrolières, notamment dans la région azerbaïdjanaise de Bakou et la région kazakhe d'Emba.
La révolution d'octobre a suscité le nationalisme et le séparatisme parmi les peuples turcs (et les autres peuples non russes) de l'URSS. La révolution a transformé l'empire russe centralisé en un État fédéral et a également conduit à la création d'une série de républiques soviétiques et de régions autonomes fondées sur des critères ethniques. La république kémaliste de Turquie, qui venait d'émerger de l'Empire ottoman moribond, a exercé un effet d'attraction sur les peuples turcs d'URSS. La Turquie a également manifesté un vif intérêt mutuel pour les « peuples frères » d'URSS.
Il n'est pas surprenant que le 10ème congrès du parti communiste de l'URSS, en 1921, ait condamné le pan-touranisme comme « une tendance au nationalisme démocratique bourgeois ». En raison de la menace que le pan-touranisme représentait pour l'URSS, la propagande soviétique en a fait une étiquette politique terrifiante. Le pan-touranisme a été l'accusation la plus couramment utilisée dans la répression sévère des élites des peuples turcs en URSS dans les années 1930.
Tentative allemande de balkanisation de l'URSS à l'aide du pan-touranisme
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Turquie est restée officiellement neutre, les guerres précédentes ayant entraîné des pertes territoriales considérables et d'énormes souffrances. Sur le plan idéologique, cependant, le national-socialisme allemand et le kémalisme turc présentent de fortes similitudes. En outre, l'Allemagne a été le principal partenaire commercial de la Turquie dans les années 1930. Le 18 juin 1941, quatre jours avant le début de l'opération Barbarossa, l'Allemagne et la Turquie signent un pacte de non-agression.
L'opération Barbarossa est une tentative allemande de destruction de la Russie. Cette invasion à grande échelle de l'URSS visait à l'éliminer en tant que superpuissance concurrente, en annexant certains pays et en en colonisant d'autres, en expulsant et en soumettant en partie la population, ainsi qu'en s'emparant des produits agricoles et des matières premières.
Bien que la Turquie n'ait jamais participé à la guerre, elle a d'abord travaillé en étroite collaboration avec l'Allemagne. La Turquie a fourni des renseignements et vendu de grandes quantités de chrome à l'Allemagne. La Turquie a également fourni un plan de propagande pan-turc, qui a été très utile à l'Allemagne dans les régions occupées de l'URSS. L'Allemagne a ainsi recruté des « Osttruppen » pour la Wehrmacht (environ 250.000 hommes) et pour la Waffen-SS (environ 8000 hommes) parmi les soldats soviétiques prisonniers de guerre, originaires des peuples turcs d'URSS.
En échange, l'Allemagne promet de rendre indépendants les territoires habités par les peuples turcs en URSS. Ces États turcs feront partie de la sphère d'influence de la Turquie. Il n'est donc pas exagéré de dire que la Turquie était un « pays neutre de l'Axe » pendant la (première moitié de la) Seconde Guerre mondiale.
Ces bonnes relations entre l'Allemagne et la Turquie ont toutefois fait disparaître les bonnes relations entre la Turquie et l'URSS, qui remontaient à la guerre d'indépendance turque. L'URSS, alors nouvellement créée, avait fourni de grandes quantités d'armes et financé les forces kémalistes de Mustafa Kemal Atatürk.
Au cours de l'été 1942, alors que l'armée allemande avance vers Stalingrad et le Caucase, la Turquie considère la guerre avec l'URSS comme presque inévitable. Les Soviétiques ont mené une attaque ratée contre l'ambassadeur allemand en Turquie en février 1942 et ont également coulé le navire roumain SS Struma dans les eaux territoriales turques. L'armée turque positionne des centaines de milliers de soldats à la frontière orientale dans le but de s'emparer du Caucase du Sud, et en particulier des riches champs pétrolifères de Bakou.
1944 : Le pan-touranisme est interdit en Turquie
Après la conquête/reconquête par les Alliés de toute l'Afrique du Nord en novembre 1942-mai 1943 et du sud de la Russie en février 1943, de bonnes relations se développent entre la Turquie et les Alliés libéraux (États-Unis et Grande-Bretagne). La Turquie a reçu une aide financière et militaire de leur part. Le président américain Roosevelt, le premier ministre britannique Churchill et le président turc Inönü ont discuté de la participation de la Turquie à la guerre du côté des Alliés lors de la deuxième conférence du Caire en décembre 1943. Le pan-touranisme a été interdit par Inönü au printemps 1944. Les partisans du pan-touranisme ont été emprisonnés. En août 1944, lorsque l'invasion des Balkans par les Alliés a commencé et que la défaite allemande était inévitable, la Turquie a rompu toutes ses relations avec l'Allemagne.
Le 23 février 1945, la Turquie déclare finalement la guerre à l'Allemagne (et au Japon) car la conférence de Yalta (4-11 février 1945) stipule que seuls les pays officiellement en guerre contre l'Allemagne et le Japon au 1er mars 1945 seront admis au sein des Nations unies naissantes. Il s'agissait donc d'un acte purement symbolique. Les troupes turques n'ont jamais participé à la guerre.
La guerre s'est terminée par la destruction complète de l'Allemagne et la prise de Berlin par l'Armée rouge. Le 24 octobre 1945, la Turquie a signé la Charte des Nations unies en tant que l'un des 51 États fondateurs.
L'après-URSS
L'implosion de l'URSS en 1991 a créé de nouvelles opportunités pour le pan-touranisme. Les républiques soviétiques du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan, du Kirghizstan, du Turkménistan et de l'Azerbaïdjan, habitées par des Turcs, sont devenues indépendantes. Les républiques russes du Tatarstan, de Bachkirie, de Tchouvachie, de Yakoutie, de Khakassie et de Touva, également habitées par des peuples turcs, sont restées dans le giron de la Russie.
Les pan-touranistes prônent l'unification - essentiellement culturelle - des différents États turcs. Le 12 juillet 1993, la Turquie, les nouveaux États turcs et certaines républiques russes ont créé l'Organisation internationale de la culture turque. Il s'agit d'une organisation de coopération culturelle. Le 3 octobre 2009, la Turquie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Kirghizstan et l'Azerbaïdjan ont créé l'Organisation des États turcs. Il s'agit d'un organe consultatif entre les États turcophones.
Dans la Turquie contemporaine, le pan-touranisme est un élément important de l'idéologie du Parti du mouvement nationaliste (MHP), dont le mouvement de jeunesse est connu sous le nom de « Loups gris ». Cette dernière organisation porte le nom d'une louve grise - appelée Asena - qui, dans le mythe d'origine préislamique des peuples turcs et altaïques, a conduit les tribus prototurques en voie de disparition hors des étendues sauvages de Sibérie et d'Asie centrale. Asena est utilisée comme symbole par les loups gris.
Le pan-touranisme, une menace pour la Russie, la Chine et l'Iran
Bien que le pan-touranisme ne vise pas explicitement l'éclatement de la Russie, dans le cas d'une union politique de tous les territoires turcs, il y contribue largement de facto. Après tout, une proportion importante des minorités russes sont turques. Il va sans dire que la Russie s'oppose au pan-touranisme. Si les anciennes républiques soviétiques turques et les républiques russes habitées par des Turcs devaient s'unir à la Turquie, ce serait au détriment de la Russie et de la sphère d'influence russe. En effet, la Russie est traditionnellement le principal partenaire commercial de ces régions: toutes les infrastructures de transport les relient à la Russie. En outre, le pan-touranisme revendique également la Crimée - anciennement habitée par les Tatars de Crimée - et d'autres territoires russes qui sont stratégiquement importants pour la Russie.
La Chine et l'Iran s'opposent également au pan-touranisme. En effet, la province chinoise du Xinjiang - appelée Turkestan oriental par les pan-touranistes - est habitée par des minorités turques, à savoir des Ouïghours, des Kazakhs, des Kirghizes, des Ouzbeks et des Tatars. Environ 18% de la population iranienne appartient à des minorités turques, principalement des Azerbaïdjanais, des Qashqai et des Turkmènes.
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mercredi, 08 mai 2024
Marx et le Lumpenproletariat
Marx et le Lumpenproletariat
par Joakim Andersen
Source: https://motpol.nu/oskorei/2024/05/01/marx-och-trasproletariatet/
Le 1er mai, il est de tradition d'écrire un texte sur le mouvement ouvrier et le socialisme, souvent sur Karl Marx et sur Friedrich Engels. Par coïncidence, le texte de cette année portera sur le point de vue des deux hommes à barbe sur ce que l'on appelle le "prolétariat en haillons" (le Lumpenproletariat). Dans les premiers temps du mouvement ouvrier, il y a eu un débat sur son potentiel révolutionnaire. L'anarchiste Bakounine le décrivait comme « la fleur du prolétariat », « la populace, presque insensible à la civilisation bourgeoise », et qualifiait son potentiel révolutionnaire d'important. Derrière cette évaluation, on peut percevoir la psychologie et l'équation personnelle de Bakounine, dont certains aspects sont réapparus sous une forme banalisée dans le contexte de la gauche de 1968.
Face à Bakounine, on est tenté de poser Karl Marx, décrit par Bakounine comme le pire des deux mondes, à la fois le monde juif et le monde allemand. Il y avait là un élément de confusion conceptuelle, Bakounine et Marx semblant parler en partie de groupes sociaux différents lorsqu'ils évoquaient le Lumpenproletariat. Quoi qu'il en soit, pour Marx, le "prolétariat en haillons" n'était en aucun cas une fleur, mais plutôt une masse d'ordures moralement et socialement en décomposition. Dans son langage gothique habituel, il parle, dans Le dix-huitième Brumaire de Louis Bonaparte, de « oisifs ruinés, aux moyens d'existence et à la descendance équivoques [...] d'éléments abandonnés et aventureux de la bourgeoisie [...], de vagabonds, de soldats réformés, de taulards libérés, de forçats évadés, d'escrocs, de lazzarone, de pickpockets, de faux-monnayeurs, de prostituées, de tenanciers de bordels, de portefaix, de littérateurs, de proxénètes, de chiffonniers, de tire-laine, de plafonneurs, de mendiants, bref... » : toute cette masse indéterminée, hétéroclite, errante, que les Français appellent la Bohème. « Dans ce contexte, il est intéressant de noter l'affinité sociale et mentale que Marx a soulignée entre les « voyous » du prolétariat en haillons et les « voyous » que Napoléon III et les capitalistes financiers, les parasites, étaient enclins à se trouver les uns les autres. Ceci est susceptible d'être pertinent également dans les analyses des strates hautes et basses du « transferiat » et de l'alliance entre « Brahmanes, ilotes et dalits ».
La définition du Lumpenproletariat donnée par Marx a varié. Il s'agit tantôt des restes des couches précapitalistes, tantôt des couches moralement inférieures composées de « criminels, vagabonds et prostituées », tantôt d'un terme collectif désignant des groupes fondamentalement différents. Paradoxalement, il partageait l'opinion de la bourgeoisie selon laquelle le Lumpenproletariat était une classe dangereuse. Cela est en partie lié à son anthropologie et à l'accent mis sur la capacité de lutte disciplinée que l'on y trouve. Elle est également liée à sa compréhension de la réalité matérielle du Lumpenproletariat, de ses « conditions de vie ». Ils étaient habitués à vivre de l'aumône, d'une manière ou d'une autre, de la part des autorités. Les Lumpenprolétaires pouvaient donc parfois être entraînés par un mouvement révolutionnaire, mais ils étaient tout aussi susceptibles d'être achetés par la réaction. Il faut également mentionner ici le conflit latent entre la classe ouvrière et les nombreux ragamuffins (va-nus-pieds) qui la parasitent de facto (comparez avec la catégorie des bandits antisociaux de Hobsbawm).
Engels a également tracé une ligne de démarcation claire entre la classe ouvrière et le Lumpenproletariat, et a mis en garde contre les alliances avec ce dernier. Il a écrit, de manière moins politiquement correcte, que « le Lumpenproletariat, ce ramassis d'éléments désintégrés de toutes les classes, qui établit son quartier général dans chaque grande ville, est le pire de tous les alliés possibles. C'est un appendice corvéable et totalement éhonté. Si, pendant la Révolution, les ouvriers français ont écrit « Mort aux voleurs » sur leurs maisons, et en ont même abattu beaucoup, ce n'est pas par enthousiasme pour la propriété, mais parce qu'ils ont jugé à juste titre nécessaire de tenir cette bande à distance ».
Les avertissements de Marx et Engels ont longtemps été pris au sérieux par le mouvement ouvrier, souvent au point de se stériliser plutôt que de s'allier au prolétariat. Cependant, un changement peut être identifié en relation avec les tendances de 1968, bien que la fascination pour les « éléments de désintégration » de différentes sortes remonte au moins à l'avant-garde de l'entre-deux-guerres. Herbert Marcuse était un représentant de la nouvelle vision du Lumpenproletariat, Frantz Fanon en était un autre (bien que sa définition soit en fait plus proche de celle de Bakounine).
Herbert Marcuse et Frantz Fanon
Fanon est moins intéressant ici que Marcuse et que la nouvelle gauche à laquelle il est associé ; nous pouvons y noter comment les strates sociales, qui n'étaient pas elles-mêmes des travailleurs, étaient incapables de faire la distinction entre « pauvres » et « classe ouvrière ». Une tendance à associer ses propres couches psychologiques primitives à des couches sociales perçues comme primitives est également perceptible, notamment dans le contexte de 1968. Debord et Becker-Ho, par exemple, ont identifié des éléments de "vie précapitaliste" et des idéaux guerriers dans l'« argot ». Mais ce qui a dominé, c'est que des strates et des individus au psychisme déséquilibré ont romantisé des couches sociales auxquelles ils attachaient des espoirs irréalistes. A notre époque, c'est devenu autre chose que le naïf « laissez partir les prisonniers, c'est à nous » des années 70, car une dimension ethnique s'y est ajoutée. Les classes moyennes anémiées romantisent et projettent leurs propres impulsions non seulement sur de petits groupes de clochards et de « voleurs » autochtones, mais aussi sur d'importantes strates démographiques d'origine non européenne. Le Lumpenproletariat de Marx se confond aujourd'hui en grande partie avec ses fuidhirs.
Guy Debord et Alice Becker-Ho
Nous pouvons constater que la « gauche » établie a renversé Marx; il s'agit de classes moyennes, y compris de bureaucrates qui font rarement partie de la classe ouvrière et qui ne peuvent donc pas reconnaître la différence entre « pauvres » et « classe ouvrière ». En même temps, ce sont les classes moyennes qui sont en partie en conflit d'intérêt avec la classe ouvrière autochtone au sens large, ce qui rend tentant de s'allier à la fois symboliquement et en réalité avec leurs autres rivaux. Les tendances psychiques infantiles et primitives que nous pouvons identifier chez Marcuse sont toujours présentes dans ces strates moyennes, ce qui signifie qu'elles sont facilement projetées sur les strates ethno-sociales. Dans l'ensemble, il s'agit d'un cocktail puissant qui, d'une part, mélange les cartes et défend les strates lumpenprolétariennes en tant que « classe ouvrière » et, d'autre part, réduit au silence ou légitime les comportements lumpenprolétariens. Dans le même temps, la sous-classe indigène et sa vulnérabilité sont souvent rendues invisibles; elles ne s'intègrent pas dans les nouveaux récits.
En conclusion, nous notons que le « Lumpenproletariat » est en fait un concept du 19ème siècle. Il a pu être utile pour saisir les tendances et les pièges du jeune mouvement ouvrier, mais la situation est aujourd'hui quelque peu différente. La « réaction », que Marx et Engels craignaient, de voir les Lazzarone se vendre à un autre, plutôt que de défendre violemment la papauté, la classe inférieure ethnicisée d'aujourd'hui échange des transferts contre des votes en faveur de la social-démocratie. Le facteur ethnique, qui apparaît chez Marx dans plusieurs contextes comme primordial par rapport à la classe, signifie également que nous avons affaire à quelque chose de nouveau. Quoi qu'il en soit, ceux qui le souhaitent peuvent utiliser Marx et Engels pour contrer les tentatives récurrentes d'assimiler la « classe ouvrière » à des éléments purement lumpenprolétariens. Leur perspective reste un point de départ fructueux pour comprendre la relation entre les classes inférieures ethnicisées et certaines classes moyennes. La distinction faite par Evola entre deux tendances anti-bourgeoises constitue un complément utile. L'une aspire à quelque chose de plus élevé que le bourgeois, l'autre à quelque chose de plus bas.
13:00 Publié dans Histoire, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : karl marx, prolétariat, marxisme, lumpenproletariat, histoire, socialisme, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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jeudi, 25 avril 2024
Nous et les Perses
Nous et les Perses
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/noi-e-i-persiani/
L'Iran. Iran... il est facile de dire Iran aujourd'hui. Sur toutes les lèvres, cité à l'envi. Mais combien savent vraiment, même parmi les experts, ce qu'est l'Iran ? Et combien son histoire séculaire a contribué à notre civilisation ? À la civilisation occidentale/hespériale, je veux dire. Celle que l'on fait commencer généralement par la Grèce. Et les Iraniens, sous la forme des Perses, ne sont que marginalement inclus dans notre récit scolaire. Ils sont surtout représentés comme des ennemis. Un peu comme des extraterrestres.
L'une des mystifications de l'histoire opérée, surtout récemment, par nous... les Occidentaux.
Je me souviens d'un roman de Gore Vidal, un excentrique et brillant écrivain américain d'origine vénitienne Création. Il m'a révélé pour la première fois que les Perses n'étaient pas les "barbares" arrêtés aux Thermopyles par le courageux Léonidas et ses trois cents guerriers. Il s'agissait d'une civilisation très ancienne. Et, à bien des égards, l'une de nos matrices.
L'Athènes de Périclès. Le génie d'Ictinos et de Phidias. Mais elle est venue après la Persépolis achéménide. Dont elle a imité les bâtiments et les temples. En utilisant toutefois du marbre. Et non du bois et du stuc comme dans la capitale de l'empire perse.
Démocrite, le philosophe que nous considérons comme le premier théoricien de l'atomisme, était originaire d'Abdère. Mais, comme son maître Leucippe, il semble avoir voyagé loin. Peut-être jusqu'en Inde. Plus probablement jusqu'en Perse. Où il avait rencontré les idées de Gosala, un élève de Mahavira le Jiaina (statue, ci-dessus), surnommé "le mangeur d'atomes". Pendant des siècles, l'empire perse a été le trait d'union entre la civilisation grecque et l'Orient. Une chaîne de transmission d'idées, de philosophies, de modèles artistiques et culturels.
La Perse n'était pas considérée comme étrangère par les Grecs. Au contraire, elle était leur voisine. Avec lequel on pouvait se confondre, certes. Mais elle n'en était pas moins une source d'échanges continus dans tous les domaines.
Juste quatre souvenirs, des fragments, jetés au hasard. Dire que l'Iran n'est pas, et n'a jamais été, quelque chose de lointain et d'étranger. Tout au long de son histoire complexe. Pleine de contradictions.
C'est un autre visage de notre propre civilisation.
Lisez Rumi. Vous y trouverez d'extraordinaires consonances artistiques et spirituelles avec Dante et Cavalcanti. Qui, lui non plus, ne l'a pas connu. Mais l'atmosphère culturelle et spirituelle était similaire. Si ce n'est identique.
Lisez Nezami. Ferdowsi le céleste. Lisez Shah Nameh, le Livre des Rois. Et vous y trouverez Alexandre le Grand, transformé en figure mythique. De l'épos iranien.
Puis, vous vous arrêtez à l'image déformée que nous transmettent les médias. Et qui pourrait, d'une certaine manière, être résumée dans le film de Snyder "The 300". Basé sur le roman graphique du génial Frank Miller.
Les Perses sont l'ennemi absolu. Barbares, corrompus, despotiques.
L'horrible Orient contre notre civilisation démocratique.
Ce n'était pas le cas. Cela n'a jamais été le cas. Et ce n'est pas non plus le cas aujourd'hui.
18:33 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : histoire, civilisation persane, civilisation iranienne, perse, iran | |
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vendredi, 12 avril 2024
Le système de l'histoire mondiale: notes sur les cycles de l'évolution historique
Le système de l'histoire mondiale: notes sur les cycles de l'évolution historique
par GEOPOLITICUS
Source: https://geoestrategia.es/noticia/42568/geoestrategia/el-sistema-de-la-historia-mundial:-notas-sobre-los-ciclos-de-cambio-historico.html
Lorsque nous parlons de l'avancement de l'histoire ou de l'essor et du déclin des civilisations, nous pouvons adopter différentes approches pour maîtriser l'ampleur et l'immensité du sujet: nous pouvons adopter ce que nous pourrions appeler une approche linéaire, comme celle d'Arnold Toynbee, et étudier chaque unité de civilisation en détail, en explorant chaque facette de la culture de manière complexe; ou nous pouvons adopter ce que nous appelons aujourd'hui l'approche des systèmes mondiaux, qui considère chaque culture et/ou civilisation comme faisant partie d'un ensemble plus vaste, d'un système mondial de civilisation, et étudier les interactions de ces cultures et régions de civilisation, ainsi que les influences qu'elles ont eues l'une sur l'autre.
Il ne s'agit pas d'un scénario du type "l'un ou l'autre", car les deux approches se complètent et sont même nécessaires l'une à l'autre. L'une génère ce que nous pourrions appeler nos données, l'autre contribue à l'élaboration de nos théories sur l'évolution de l'histoire mondiale.
Tous les historiens, quelle que soit leur école de pensée, s'accordent à dire que ce facteur de changement est une constante cruciale tout au long de l'histoire.
Le changement est donc une constante.
Si vous y réfléchissez, toute l'histoire est, en fait, l'histoire du changement : pensez à Hérodote, largement reconnu comme le père de l'histoire (et, pour certains, comme le premier érudit de la géopolitique). Je pense que l'histoire selon Hérodote est la meilleure démonstration d'une approche large de la géopolitique, embrassant l'immensité (territoriale), par rapport à Thucydide, qui adopte une approche étroite, ou devrions-nous dire, centrée sur le théâtre régional. Encore une fois, comme l'école linéaire de l'histoire et l'approche des systèmes mondiaux, les deux sont nécessaires et se complètent.
Les mondes d'Hérodote
Les principales enquêtes des Histoires d'Hérodote s'articulent principalement autour des changements dans la dynamique du pouvoir relatif entre les civilisations. Il examine la montée de l'Empire perse et la façon dont le pouvoir perse a été renversé par un nouveau type de pouvoir, celui des Grecs. Il étudie également la civilisation égyptienne et tente de comprendre comment une civilisation aussi ancienne et grandiose a été réduite à une situation de misère et d'asservissement. Il examine ensuite les cultures périphériques, telles que celle des Scythes, et étudie la manière dont leur société était organisée, de sorte qu'eux aussi, comme les Grecs, ont pu résister à la puissance écrasante des Perses.
Si Hérodote aborde de nombreux thèmes importants, dont certains sont d'ordre philosophique, ce qui nous intéresse également en tant que spécialistes de la géopolitique, c'est l'importance qu'il accorde au facteur crucial de l'adaptation des sociétés à la géographie dans laquelle elles vivent: pour l'Égypte, il parle de l'importance du Nil, pour les Scythes, de la géographie des steppes, puis, dans la description des batailles entre Grecs et Perses, il mentionne l'adaptation de chacun à son terrain respectif: le domaine maritime pour les Grecs péninsulaires et le vaste intérieur (tellurique) pour la puissance terrestre des Perses. Pour une analyse plus complexe de cette question, il faut toutefois se tourner vers Thucydide.
L'historien, en tant qu'observateur, voit différentes régions du monde, comment les sociétés s'y adaptent, comment cette adaptation leur permet d'exploiter différents types de pouvoir et de ressources, et comment ces différentes régions et ces sociétés adaptées différemment interagissent les unes avec les autres.
Si la grande guerre entre les Perses et les Grecs est le thème central de l'Histoire, les interactions qui intéressent Hérodote ne se limitent pas à la guerre: il s'intéresse également aux interactions culturelles, notamment entre l'Égypte et la Grèce, mais aussi, en arrière-plan, entre les peuples des steppes, les Perses et les Mèdes. Et aussi, ce qui est intéressant, entre des régions unies à la suite de mouvements systémiques globaux, entre les Indiens qui apparaissent dans les sources historiques occidentales pour la première fois depuis la chute des premières civilisations antiques, et les peuples du monde méditerranéen en général.
Cette approche globale des systèmes dans le monde est donc essentielle pour comprendre les grandes lignes du mouvement de l'histoire à l'échelle mondiale, et ce depuis le début, lorsque l'histoire a commencé à être écrite.
Mais nous ne voulons pas minimiser la valeur de l'approche linéaire et ciblée, alors voyons maintenant comment les deux peuvent se compléter.
Les deux voies ne font qu'une
Dans mes présentations précédentes sur "l'histoire profonde" des civilisations, j'ai essayé d'explorer et de comprendre la dynamique cruciale de l'adaptation des premières civilisations aux géographies dans lesquelles elles se sont enracinées et ont développé des structures durables qui persistent à travers le temps: à titre d'exemple, nous pouvons nous référer à l'évolution des temples sumériens, en particulier en tant qu'institutions générant une organisation bureaucratique (voir ma présentation: Dieux, céréales et gouvernement: https://www.youtube.com/watch?v=pNWrsl2yCXc), et à la dynamique qui évolue progressivement, qu'il s'agisse de concurrence ou de coopération, entre les institutions du temple et l'institution de la royauté. C'est ce que l'on pourrait appeler le couple temple-palais, qui a toujours joué un rôle très important dans l'histoire de l'humanité et qui continue de le faire aujourd'hui.
En Égypte, nous avons vu une façon de s'approprier cette dynamique temple-palais pour construire le pouvoir de l'État: en fusionnant littéralement le temple et le palais en une seule institution, celle du roi-dieu. Nous avons vu comment les rois conquérants y parvenaient grâce à un processus que nous appelons la géopolitique divine (pour la présentation, suivez ce lien: https://www.youtube.com/watch?v=henLRyPiVy4 ) de guerre au nom des dieux, présentée comme une guerre littérale entre dieux, et dans laquelle un dieu prenait progressivement l'ascendant sur un autre, soit en le détruisant, soit même en s'appropriant des dieux concurrents dans le panthéon de la religion officielle de l'État, qui peut ensuite être régularisé en commandant de grandes œuvres architecturales, comme les pyramides égyptiennes de l'Ancien Empire, transformant le pays tout entier en patrimoine du Roi-Dieu.
Nous avons aussi vu, comme Hérodote l'a également souligné, comment la centralité du Nil, en tant qu'autoroute du sud au nord, a facilité ce processus d'intégration lorsque les puissantes dynasties du sud, issues des terres frontalières de Nubie, ont d'abord pu consolider leur pouvoir, puis, sous le règne de Narmer, l'étendre jusqu'à la Méditerranée. Dans la phase suivante de l'histoire égyptienne, nous assistons à une projection du pouvoir du nord vers le sud. Le pouvoir circulait également le long des routes commerciales. Le Nil étant la route centrale, celui qui contrôlait le Nil contrôlait toute l'Égypte. Mais les rois méridionaux de la dynastie de Narmer avaient également bâti leur pouvoir en dominant les routes commerciales qui partaient du Sahara et allaient jusqu'à la mer Rouge.
En effet, le Sahara abritait autrefois de grandes civilisations, avant l'essor de l'Égypte, mais une grande sécheresse et la désertification ont tourné la page et quitté ce chapitre de l'histoire avant qu'il n'ait pu se développer. Cela nous amène à un autre facteur crucial de l'histoire: les longs cycles du changement climatique.
Toute la civilisation humaine s'est en quelque sorte développée dans le cadre d'un tel cycle, c'est-à-dire le réchauffement de la Terre après la fin de la période glaciaire; voir la première présentation de la série "Deep History" ici: https://www.youtube.com/watch?v=XhjeDUhx8x0. Des cycles localisés dans différentes régions du monde ont également des effets cruciaux sur la trajectoire de l'histoire mondiale, comme l'assèchement du Sahara et un changement hypothétique du cycle de la mousson, c'est-à-dire des pluies saisonnières dans l'océan Indien au moment du déclin de la civilisation de la vallée de l'Indus.
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mercredi, 27 mars 2024
Les racines occultes du bolchevisme
Les racines occultes du bolchevisme
par Joakim Andersen
Source: https://motpol.nu/oskorei/2024/03/10/bolsjevismens-ockulta-rotter/
La plupart des gens auront entendu parler de diverses interprétations des "racines occultes du nazisme", de l'imaginatif Spear of Destiny de Trevor Ravenscroft au plus académique Occult Roots of Nazism de Nicholas Goodrick-Clarke. La fascination de la culture populaire pour le sujet suggère également que l'inconscient collectif aime associer les nazis, les Allemands et les SS à l'occultisme et à la magie. Nous n'avons ni l'espace ni la capacité de développer ici dans quelle mesure cela est lié à de multiples niveaux de projection, à une incapacité à expliquer rationnellement certains phénomènes historiques, à des stéréotypes inversés d'Allemands magiques, ou à d'autres facteurs. Néanmoins, le sujet est à la fois intéressant et fructueux, non seulement les racines occultes du national-socialisme méritent d'être explorées plus avant, même si elles sont souvent réservées à des traditions politiques et idéologiques marginales ou diabolisées. Les racines occultes bien réelles du libéralisme dans diverses sociétés secrètes, par exemple, sont un domaine où l'on est vite catalogué comme conspirationniste si l'on s'y intéresse.
Une tradition politique souvent considérée comme rationnelle, à la limite de l'absence d'émotions, est le bolchevisme, souvent associé par les siens à un socialisme scientifique plutôt qu'utopique. En même temps, on sait relativement peu de choses en Occident sur les racines du bolchevisme, à l'exception peut-être des théories de quelques Allemands à barbe vénérable. Comme pour le national-socialisme et le libéralisme, ces racines sont multiples, et les racines occultes ne sont pas les seules ni même les plus fortes, mais le bolchevisme a également un certain nombre de racines occultes intéressantes. Ces racines sont examinées en détail par Stephen E. Flowers dans The Occult Roots of Bolshevism, sous-titré From Cosmist Philosophy to Magical Marxism. Flowers est une connaissance précieuse ; en tant que runologue, magicien des runes et païen, il devrait déjà être connu des lecteurs les plus dévoués de notre site Motpol. C'est un auteur prolifique ; son point de vue et ses connaissances le rendent particulièrement apte à écrire sur le sujet des racines occultes. Flowers note d'emblée que son objectif est de fournir un compte rendu factuel du sujet, ce qui en fait une bonne lecture pour les communistes également.
Le bolchevisme russe avait trois racines principales: outre le marxisme, il y avait le nativisme russe et le cosmisme russe. En ce qui concerne le nativisme, les bolcheviks ont joué pendant un certain temps avec l'idée d'utiliser le folklore slave, le rodnovery, à leurs fins. Flowers décrit brièvement un certain nombre d'éléments occultes chez Marx, notamment sa "sympathie pour le diable" dans sa jeunesse, l'influence de l'hermétisme à travers Hegel et l'élément du "matérialisme mystique". Ce dernier est aujourd'hui tellement normalisé qu'il nous échappe facilement, mais l'idée que l'histoire est guidée par des forces matérielles cachées/occultes dans une certaine direction est, à bien des égards, une innovation à la fois radicale et mystique. En tentant d'identifier le cœur de la "magie rouge", Flowers note qu'elle peut être résumée par les mots "Pouvoir- Temps - Pouvoir+". Le groupe qui manque initialement de pouvoir, comme le prolétariat, gagne du pouvoir avec le temps. Il s'agit d'une "incantation sorcière" plutôt que d'une prophétie. Elle dissimule également les dirigeants et les magiciens des mots qui dirigent le processus et en tirent profit.
Relativement peu connu en Occident, mais tout aussi influent sur le bolchevisme que les ariosophes sur le national-socialisme, est le cosmisme. Il s'agit d'une tradition d'idées décentralisée dans laquelle Nikolaï Fedorov, entre autres, a joué un rôle important. Le cosmisme a pris forme à peu près en même temps que le marxisme. Il était futuriste et visait une "évolution active", identifiant la mortalité humaine comme la racine de la plupart des maux du monde. La mission commune de l'humanité est donc de combattre et de vaincre la mort, par la médecine, la recherche, le contrôle de la nature et la colonisation d'autres planètes. Les cosmistes s'intéressaient à tout, du clonage aux transfusions sanguines en passant par les voyages dans l'espace, la biosphère et la noosphère. Une grande partie de ces éléments semble être pertinente même à notre époque : la noosphère rappelle l'internet et l'IA ; la recherche visant à arrêter le vieillissement est également une forme de cosmisme. En même temps, il était parfaitement possible d'être à la fois cosmiste et orthodoxe ; Fedorov a rompu avec son ami Tolstoï, par exemple, lorsque ce dernier a critiqué l'État et l'Église. Mais l'influence du cosmisme anthropocentrique et cosmocentrique sur le bolchevisme a été significative.
Flowers décrit également l'"âge d'argent" russe, vers 1890-1914, lorsque les décadents et les symbolistes occupaient une place prépondérante dans l'avant-garde artistique et culturelle. Parmi eux figurent des magiciens noirs et des bolcheviks comme Brioussov, des musiciens influencés par la théosophie comme Scriabine, des mystiques comme Soloviev et des artistes comme le couple Roehrich, ainsi que le bolchevik et éminent spécialiste des fusées Tsiolkovski, qui était clairement influencé par le cosmisme. De nombreux bolcheviks évoluaient dans ou autour de ces cercles. Pendant son exil en Suisse, Lénine fait la connaissance d'ésotéristes, dont l'ariosophe Lanz von Liebenfels, et cultive un personnage qui lui vaut d'être qualifié d'Antéchrist par ses amis et ses ennemis.
Son secrétaire, Bonch-Bruevich, ne s'intéressait pas seulement aux sectes religieuses russes persécutées, mais croyait aussi qu'elles avaient un potentiel révolutionnaire, interviewant Raspoutine et vivant pendant un certain temps avec les Doukhobors. Alexandre Bogdanov, qui fut un temps le rival de Lénine à la tête des bolcheviks, a contribué à développer Proletkult, un projet visant à créer une nouvelle culture prolétarienne. Le projet est influencé par le cosmisme ; Bogdanov écrit également des ouvrages de science-fiction, comme L'Étoile rouge en 1908. Son beau-frère, Lunacharsky, est à la fois franc-maçon et marxiste ; son domaine d'intérêt est la "construction de dieux". L'athéisme ne suffit pas, une société socialiste a besoin d'un dieu socialiste, de rites et de prières socialistes. Fait intéressant, et suspect aux yeux des bolcheviks plus orthodoxes, il identifiait les éléments religieux ou mystiques de Marx comme l'inévitabilité de la révolution. Toutefois, il n'a pas tourné ces idées contre le marxisme, mais les a utilisées dans le projet de construction d'une nouvelle "religion". Flowers montre comment cette approche a influencé la politique soviétique à plusieurs reprises.
L'ancien bolchevik Gleb Boky (photo) est également intéressant dans ce contexte. Il était à la fois un tchékiste brutal, peut-être l'architecte du système du goulag, et s'intéressait à la recherche parapsychologique. Il a notamment participé à des expériences sur les techniques bouddhistes dans les laboratoires secrets du NKVD et a planifié un voyage en Asie centrale pour trouver Shambala. La tentative de Boky de combiner le tantrisme du Kalachakra et le marxisme-léninisme a pris fin brutalement en 1937 lorsque Staline l'a fait fusiller. Dans ce contexte, Staline n'est pas totalement atypique. Il critiquait le cosmisme, mais il était superstitieux, avait une sorcière personnelle et avait probablement connu Gurdjieff dans sa jeunesse. Flowers souligne également son obsession pour le langage et les mots, une sorte de magie des mots.
Les sections consacrées à l'Union soviétique post-stalinienne et à la Russie post-soviétique sont courtes mais concises. La renaissance rapide de la foi orthodoxe, de la rodnovery et du cosmisme s'explique en partie par le fait que de nombreux membres du parti y étaient également attachés à l'époque soviétique. Nous apprenons que Poutine a inscrit plusieurs cosmistes sur les listes de lecture des gouverneurs locaux, ainsi qu'une brève présentation d'Alexandre Douguine. Même Askr Svarte, connu des amis d'Arktos, fait une brève apparition.
Dans l'ensemble, il s'agit d'une étude passionnante et précieuse du bolchevisme, dans laquelle Flowers parvient à "décoder son "ADN" culturel et idéologique profondément ancré". Cette étude est d'autant plus pertinente que la "magie rouge" développée par les bolcheviks par le biais du symbolisme, de la magie des mots et de la formule "Pouvoir- Temps - Pouvoir+" imprègne aujourd'hui des pans entiers de l'Occident. Flowers écrit que "les modes opératoires utilisés par les bolcheviks se sont infiltrés dans tous les aspects de la culture", d'abord parce que le NSDAP a copié en partie les méthodes du mouvement auquel il constituait à bien des égards une contre-réaction. Aujourd'hui, cependant, la vision du monde et les méthodes sont devenues normalisées dans la plupart des institutions occidentales, bien que Flowers note que "Power- Time - Power+" et la magie rouge sont désormais appliquées aux minorités ethniques, religieuses et sexuelles plutôt qu'à la classe ouvrière. Le seul inconvénient de ce livre est qu'il est court (128 pages). Des sujets fascinants, tels que les tendances contemporaines au "marxisme magique", ne peuvent donc être que résumés ou même évoqués. Toutefois, les informations qu'il contient, ainsi que l'analyse et la perspective de Flowers, en font un ouvrage qui vaut la peine d'être lu.
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vendredi, 22 mars 2024
Maxime du Camp et l’éternel ridicule français en 1870
Maxime du Camp et l’éternel ridicule français en 1870
Nicolas Bonnal
On a du mal à percevoir l’absence de mouvement sous le mouvement.
1870, la fête impériale, l’art de bien rigoler…
On laisse écrire Maxime du Camp.
Sur Bismarck :
« Bismarck fut habile, il agit envers nous comme en 1866 il avait agi à l'égard de l'Autriche. Quand il eut machiné son plan et préparé ses pièges, il se fit déclarer la guerre et prit l'attitude d'un pauvre homme réduit à la défensive; il mit les torts d'apparence de notre côté. Comme un pêcheur consommé, il conduisit le poisson dans la nasse sans que celui-ci s'en aperçût. »
Après une belle phrase sur notre esprit de décision :
« Il avait pris pour une démonstration de notre force ce qui n'était qu'une preuve de l'inconséquence de notre caractère. »
Maxime du Camp passe par l’Allemagne et il découvre que cette nation est scientifique, organisée et disciplinée, mais pas seulement : elle est inspirée spirituellement et elle chante bien :
« J'entendis de loin une mélopée lente et grandiose, qui montait dans les airs comme la voix d'un chœur invisible. Des enfants couraient dans la direction du bruit; le chant se rapprochait, s'accentuait, vibrait avec un accent religieux et profond dont je me sentis remué. Je reconnus le Choral de Luther, que psalmodiait un régiment en venant prendre garnison dans la citadelle que ce pauvre général Mack nous a jadis si facilement abandonnée. Je fus très ému, je l'avoue, et je me demandai quel caractère allait revêtir cette guerre pour laquelle les hommes marchaient en chantant des psaumes. »
Après on va faire la comparaison avec Paris et sa salade impériale :
« Après avoir rapidement traversé la Suisse, j'arrivai à Paris, que l'empereur avait quitté deux jours auparavant.
Là le spectacle était autre : le soir, sur les boulevards, on buvait de l'absinthe en agaçant les filles; des hommes en blouse, vautrés dans des voitures découvertes, braillaient la Marseillaise. Qui donc avait vieilli, le chant national ou moi? Je ne sais. Il me déplut et je lui trouvai un air provocant qui ne s'adressait pas à l'ennemi. »
C’est Tartarin contre Siegfried. Et si Tartarin était l’essence de la France moderne (voyez mon texte sur Tartarin dans les Alpes) ? J’ai cité plusieurs fois cette ligne de Céline :
« Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes. »
Voilà celle de Maxime du Camp en 1870 :
« Se souvient-on aujourd'hui de la frénésie dont la population fut atteinte? On se croyait tellement certain de la victoire, que les adversaires systématiques de l'empire, — les irréconciliables, — demandaient la paix. »
Après la reddition de Sedan, la république arrive avec ses bienfaits ! Première divine surprise :
« Le 4 septembre, j'étais au Journal des Débats; cette fois c'était bien fini; la révolution tendait la main à l'invasion et complétait son œuvre. La plupart de ceux qui se trouvaient dans le bureau de rédaction étaient accablés.
Quelqu'un entra et dit : « C'est égal, nous voilà débarrassés des Bonaparte! ». Oui, débarrassés des Bonaparte, mais débarrassés aussi de l'Alsace, de la Lorraine, débarrassés de cinq milliards, de beaucoup de monuments de Paris que l'on a brûlés et de quelques honnêtes gens que l'on a massacrés. »
Une belle phrase sur la France :
« La France était comme ces hommes frappés de la foudre qui gardent l'apparence de la vie et tombent en poussière dès qu'on les touche ».
Après on cherche comme toujours des excuses (euro, Bruxelles, etc.) :
« La nation crie, pleure, se désespère, déclare qu'elle est innocente et que l'empire seul est coupable. La nation a tort; elle a eu ses destinées entre les mains, qu'en a-t-elle fait? Nous mourrons par hypertrophie d'ignorance et de présomption. »
Du Camp se met à rêver :
« La France a cherché les réformes politiques : néant; elle a cherché les réformes sociales : néant; mais les réformes morales qui seules peuvent la sauver, elle n'y pense même pas. Si j'étais le maître, je traiterais tout de suite, quitte à subir des conditions léonines, car l'issue de la guerre ne peut actuellement être douteuse, et plus nous prolongerons la lutte, plus les conditions seront dures; puis je ferais des lois draconiennes pour organiser le service militaire et l'enseignement, l'enseignement surtout, non seulement scientifique, mais moral. C'est la morale qui forge les caractères et ce sont les caractères qui font les nations. »
Maxime du Camp comprend enfin :
On ne fera pas cela, sois en certain; on va expliquer au peuple français qu'il est le premier peuple du monde, qu'il a été trahi, qu'il a été livré, en un mot qu'il est indemne, et le peuple français continuera à croupir dans l'ignorance, à avoir le moins d'enfants possible, à boire de l'absinthe et à courir les donzelles. Nous mourrons, parce que nous sommes agités sans but et que la danse de Saint-Guy n'est pas le mouvement; nous n'avons pas d'hommes, parce que nous n'avons pas d'idées; nous n'avons pas de principes, parce que nous n'avons pas de mœurs. »
Dans mon livre sur Céline, j’ai évoqué le latin conifié par les mots. Idem ici :
« Nous sommes saturés de rhétorique; nous avons des façades de croyance, d'opinion, de dévouement; derrière il n'y a rien. Tout est faux, tout est théâtral, nous sommes des Latins; chez nous, comme pour le baron, tout est « pour paraître ». C'est la fin du monde. Il y a une phrase des Mémoires d’outre-tombe qui m'obsède et sonne en moi comme un glas funèbre :
« Il ne serait pas étonnant qu'un peuple âgé de quatorze siècles, qui a terminé cette longue carrière par une explosion de miracles, fût arrivé à son terme. »
Du Camp a une bonne idée qui eût pu éviter des déboires, et il prévoit même l’espace vital et sa conquête à venir :
« Au lieu de ces territoires, offrir nos colonies, en vertu de ce principe qu'il vaut mieux se faire couper les cheveux que de se laisser couper la tête. Malgré sa richesse, l'Allemagne étouffe, parce qu'elle n'a pas la vraie mer, qui est l'Océan; elle est insuffisante à consommer ses produits, qu'elle n'écoule que difficilement; elle est trop restreinte pour sa population, qui est forcée d'émigrer en Amérique. On peut donc la tenter sérieusement en lui proposant nos colonies des Antilles et nos stations dans l'Indochine. »
Évidemment il y a un risque avec… l’Angleterre !
« Si elle consent à cet échange (et je crois qu'on peut l'y amener), elle voudra devenir une puissance maritime de premier ordre et elle aura alors à s'entendre avec l'Angleterre. »
Du Camp dans ces lignes géniales prévoit donc la guerre Allemagne-Angleterre (voyez Preparata et quelques autres) et aussi la haine franco-allemande qui va dévaster l’Europe :
« Toute gentillesse, comme eût dit Montaigne, est perdue pour longtemps, un monde va commencer; on élèvera les enfants dans la haine des Prussiens ! »
La France commence à creuser sa tombe. Et quand elle touche le fond, elle creuse encore ! Du Camp :
« Rien de ce que Flaubert avait rêvé ne se réalisa, le quelque chose qui lui avait promis la victoire s'était trompé; de défaite en défaite on descendit jusqu'à l'endroit où la terre manque sous les pieds. »
La guerre de 1870 a tué la France, c’est mon sentiment. Après nous sommes en république, et la troisième république, ce n’est plus la nation ni la patrie. Elle tue net Mérimée et achève Théophile Gautier :
« La guerre, la révolution du 4 septembre, la Commune ont porté à Théophile Gautier un coup dont il a toujours souffert; il a traîné, ou plutôt il s'est traîné jusqu'à la tombe, languissant, enveloppé d'ombre, parlant peu et n'ayant plus guère que des regrets. »
Sources
Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, II, p.348-sq (archive.org)
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jeudi, 21 mars 2024
À la découverte d’un conflit oublié
À la découverte d’un conflit oublié
par Georges FELTIN-TRACOL
Dans sa longue histoire belliqueuse, la France a fait la guerre à presque tous les peuples de la planète, directement ou quand ces derniers étaient des possessions coloniales de puissances européennes. Bien des Français pensent cependant que seules les États-Unis d’Amérique ont échappé à cet esprit guerrier.
Le livre d’Éric Schnakenbourg, professeur d’histoire moderne à l’Université de Nantes, rétablit une vérité oubliée. On ignore en effet qu’à la fin du XVIIIe siècle, les marines étatsunienne et française s’affrontent en Atlantique Nord, en mer des Caraïbes et aux Antilles. L’auteur rappelle que « construit en 1954, le Mémorial du corps des Marines des États-Unis […] est dédié à tous les Marines qui sont morts au service de leur pays depuis 1775. Le piédestal porte l’inscription des différentes guerres auxquelles ils ont participé. Il y a, d’abord, la guerre d’Indépendance (1775 – 1783), puis la French Naval War (1798 – 1801). La première guerre dans laquelle les États-Unis, comme nation indépendante, furent engagés les opposa à la France (p. 11) ».
À la « Guerre navale française », les historiens préfèrent parler de « Quasi-Guerre », d’où le titre de son ouvrage : La Quasi-Guerre. Le conflit entre la France et les États-Unis 1796 – 1800 (Tallandier, 2024, 320 p., 22,50 €). Pourquoi cette expression ? Parce que, d’une part, il n’y eut jamais de déclaration officielle de guerre, soit par la France, soit par les États-Unis, et, d’autre part, les combats uniquement en haute-mer causèrent une centaine de morts.
L’université hexagonale traite peu ce sujet. En revanche, l’historiographie anglo-saxonne déborde. Cette étude passionnante plonge le lecteur dans les méandres complexes d’un « proto-conflit » aux retentissements politiques, militaires, économiques, diplomatiques et financiers considérables.
La « Quasi-Guerre » s’apparente à une guerre de course classique. On y trouve des corsaires qui cherchent en priorité à interrompre les échanges commerciaux entre l’Angleterre et ses terres antillaises. Dans le contexte de la Révolution française, les marins français veulent aussi protéger leurs riches îles sucrières. Or, le 19 novembre 1794, les États-Unis signent avec l’Angleterre le traité de Jay dont les articles prévus contredisent, selon Paris, le traité commercial franco-américain de 1778. Jay n’empêche pas la Royal Navy d’enrôler de force sur ses bâtiments des citoyens américains perçus comme des sujets rétifs de Sa Gracieuse Majesté.
Par ailleurs, les tensions révolutionnaires en Europe ont de vives répercussions dans la vie politique de la jeune république américaine. Les Républicains – à ne pas confondre avec l’actuel parti républicain – suivent Thomas Jefferson (en haut) et s’inspirent de l’exemple français, y compris des sans-culottes jacobins. Ils se mobilisent contre les Fédéralistes de John Adams (en bas) qui développent une interprétation aristocratique de la Constitution de 1787. Leurs détracteurs les qualifient d’« Anglo-Fédéralistes »...
La lourde dette financière des États-Unis envers la France, la lenteur des communications, les maladresses des représentants français, la complexe affaire XYZ et le souci des États-Unis de conserver leur neutralité active et lucrative favorable aux flux commerciaux transatlantiques attisent les tensions franco-américaines. L’ouvrage ne verse pas dans l’« histoire-bataille ». Grâce à la consultation d’archives inédites, l’auteur s’intéresse au sort des Français présents aux États-Unis et des Étatsuniens installés en France. Plusieurs États fédérés se rallient à une francophobie exacerbée. Celle-ci est pourtant ancienne et fréquente. On peut sur ce point reprocher à l’auteur d’évacuer le féroce sentiment anti-français qui animait George Washington. Avant d’être le chef indépendantiste, il s’est formé à l’art de la guerre sous l’uniforme anglais avant même le début de la Guerre de Sept Ans (1756 – 1763), cette première guerre mondiale.
Mis sous pression, le gouvernement fédéral révoque ainsi l’autorisation accordée aux consuls d’exercer leurs fonctions. Les Fédéralistes au pouvoir adoptent en outre des lois d’exception: exclusion de tout étranger dangereux pour la sécurité nationale et la paix; arrestation et expulsion de tout étranger de plus de 14 ans dont le pays serait en guerre contre les États-Unis; définition de la sédition perçue « comme une trahison au service de la France (p. 200) ». Aujourd’hui perdurent toujours ces mesures légales déjà appliquées dans l’histoire: « internement de cent vingt mille Américains d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale au nom des lois sur les étrangers de 1798, ou encore des poursuites qu’aurait encourues Elon Musk en vertu du Logan Act de 1798, s’il avait été confirmé qu’il avait appelé Vladimir Poutine pour parler de paix dans le contexte de la guerre entre la Russie et l’Ukraine à l’automne 2022 (p. 245) ».
Cependant, les relations ne sont pas totalement rompues. Ministre des Relations extérieures de la République française, Talleyrand négocie avec difficulté avec trois émissaires étatsuniens. Il revient finalement au Premier Consul Napoléon Bonaparte de régler ce conflit. Le retour de la paix en mer impliquera en 1804 la vente du très vaste territoire de Louisiane. La Quasi-Guerre contraint enfin le gouvernement fédéral à lancer l’US Navy.
Les États-Unis remportent donc la Quasi-Guerre. Malgré leurs intentions isolationnistes, ils acquièrent un statut de puissance à la fois terrestre et océanique. Il est néanmoins dommage qu’Éric Schnakenbourg n’explique pas qu’un troisième conflit – la Seconde Guerre d’Indépendance contre la Grande-Bretagne (1812 - 1815) - fort bien étudié par Sylvain Roussillon en 2012, va accélérer les ambitions géopolitiques des États-Unis. Ils s’intéresseront bientôt à tout l’hémisphère occidental. Il en découlera - au-delà d’une fermeture formelle et partielle (les intérêts économiques priment sur les intérêts étatiques) - la doctrine Monroe en 1823, puis la « Destinée Manifeste » vers 1845. La Quasi-Guerre confirme surtout que la plus grave erreur de Louis XVI fut d’intervenir aux côtés des Insurgents américains.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 106, mise en ligne le 12 mars 2024 sur Radio Méridien Zéro.
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jeudi, 07 mars 2024
Notes pour l'histoire du pétrole au Mexique
Notes pour l'histoire du pétrole au Mexique
Par Gastón Pardo
Source: https://www.facebook.com/gaston.pardo.733
1900
En mai, le pétrolier nord-américain Edward L. Doheny (photo) se rend au Mexique pour explorer les émanations de pétrole dans la région de Huasteca Potosina. Après avoir acquis les droits sur plusieurs terrains de la région, il crée en novembre, dans la ville de Los Angeles, la Mexican Petroleum Company of California et commence à l'exploiter.
1901
La première loi sur le pétrole est publiée en décembre. Elle permet à l'exécutif fédéral d'accorder des permis à des particuliers et à des sociétés organisées pour l'exploration et l'exploitation de terres appartenant à l'État fédéral.
Weetman D. Pearson, un entrepreneur anglais qui a réalisé d'importants travaux publics pour le gouvernement mexicain par l'intermédiaire de sa société d'ingénierie S. Pearson & Son, entame des activités de prospection et d'exploitation pétrolières dans la région de l'isthme de Tehuantepec, dans le sud de l'État de Veracruz. Le gouvernement mexicain et les ressortissants mexicains ne sont en rien concerner au début de la production de pétrole.
1904
Le géologue mexicain Ezequiel Ordóñez localise le puits prolifique de La Pez pour le compte de la Mexican Petroleum Company, situé dans le champ pétrolifère d'El Ébano, dont la production est estimée à 1500 barils par jour, la première production importante au Mexique. En novembre, S. Pearson & Son obtient sa première production commerciale dans les champs de San Cristobal, dans la région de l'isthme de Tehuantepec.
1908
Le puits Dos Bocas à San Diego de la Mar, Veracruz, appartenant à S. Pearson & Son, jaillit pour la première fois du sol avec un débit sans précédent de 100.000 barils par jour. Bien qu'un incendie ait failli anéantir toute sa production, le puits a définitivement prouvé la richesse pétrolière du pays. En mars, la première raffinerie de Pearson commence à fonctionner à Minatitlán. En août, Pearson crée la Compañía Mexicana de Petróleo El Águila.
1910
Le puits Casiano n° 7 de la Huasteca Petroleum Company, entreprise créée par Doheny en 1907 comme filiale de la Mexican Petroleum Company, fait jaillir 60.000 barils par jour. En décembre, le puits Potrero del Llano No. 4, propriété de la Mexican Petroleum Company El Aguila, produit à un rythme de 100.000 barils par jour. À la fin de la décennie, El Aguila et La Huasteca sont les compagnies qui dominent l'industrie pétrolière.
1911
Le boom de la production entraîne l'expansion des compagnies Doheny et Pearson. Début des exportations de pétrole mexicain vers les États-Unis, l'Europe et l'Amérique latine. La production globale de l'industrie passe de 3,6 millions de barils par an en 1910 à 12,5 millions en 1911.
1912
Le gouvernement de Francisco I. Madero décrète, sous la forme d'un impôt spécial sur les timbres, le premier impôt sur la production de pétrole brut.
1915
L'extraordinaire productivité des gisements mexicains attire un nombre croissant de compagnies pétrolières, dont la Compañía Petrolera La Corona, la Compañía Transcontinental de Petróleo, la Penn Mex Fuel Company et la Mexican Gulf Oil Company. Au cours de cette année, Venustiano Carranza met en œuvre la régularisation et le contrôle de l'industrie pétrolière par l'intermédiaire du Secrétariat au développement. La Commission technique du pétrole est également créée, première étape du projet de restructuration des relations entre les compagnies pétrolières et le gouvernement.
1916
Le puits Cerro Azul numéro 4, appartenant à la Huasteca Petroleum Company, jaillit à Tepetzintla avec une production de 260.000 barils par jour, devenant ainsi l'un des gisements souterrains les plus importants de l'histoire de l'exploitation pétrolière. Confiant dans la croissance de sa production, le magnat Doheny étend ses activités au-delà de l'Atlantique en organisant la British Mexican Petroleum Company pour distribuer ses produits sur le marché britannique.
1917
Venustiano Carranza promulgue la Constitution politique des États-Unis du Mexique, réformant celle de 1857. L'article 27 restitue à la nation la propriété des richesses du sous-sol. Plusieurs des principales compagnies pétrolières se regroupent pour former l'Association des producteurs de pétrole du Mexique, en réaction à la promulgation de la nouvelle constitution mexicaine.
1918
Carranza impose de nouvelles taxes à l'industrie pétrolière: un droit de location annuel et une redevance de 5 % sur tous les terrains pétroliers exploités par les propriétaires de surface ou leurs bailleurs. Weetman D. Pearson transfère le contrôle de la compagnie pétrolière mexicaine El Aguila à Royal Dutch/Shell.
1921
Fin du premier boom pétrolier. La production totale atteint cette année le chiffre record de 193,4 millions de barils, une quantité qui ne sera atteinte que des années après l'expropriation de l'industrie. Le Mexique est alors le deuxième producteur mondial de pétrole. À cette époque, plus de 200 compagnies pétrolières privées opèrent dans le pays.
1938
Le gouvernement du général Lázaro Cárdenas exproprie le pétrole et, au lieu d'établir la Common Law, qui donne aux citoyens propriétaires de terrains pétrolifères le droit d'exploiter l'hydrocarbure dans des conditions industrielles, comme c'est le cas dans les pays anglo-saxons, il rétablit la loi espagnole, qui donne à la monarchie le droit exclusif d'extraire les biens du sous-sol, en désignant la "nation" comme l'autorité à l'origine du processus de production.
2024
Pour la première fois dans l'histoire, Petróleos Mexicanos conjugue nationalisme énergétique et augmentation de la production d'hydrocarbures. Le directeur général de l'entreprise, l'ingénieur Octavio Romero Oropeza, est chargé du boom pétrolier dans le sud et le sud-est du Mexique.
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mardi, 27 février 2024
Les "gens dits de couleur" dans l'empire mongol
Les "gens dits de couleur" dans l'empire mongol
par Jonas Åberg
Source: https://motpol.nu/jonas-aberg/2024/02/04/fargat-folk/
Dans son ouvrage China : A History, riche et bien écrit, qui, contrairement à la plupart des autres livres, accorde une place proportionnelle à l'histoire de la Chine avant le 19ème siècle ; si l'accent doit être mis sur les événements antérieurs, c'est bien dans le cas de la Chine, étant donné la durée et la continuité de l'histoire chinoise et la documentation exceptionnellement riche disponible, John Keay raconte comment Kubilaï Khan et ses conquérants mongols ont divisé leurs subordonnés en une hiérarchie à quatre niveaux, où la couleur, ou plus précisément la couleur des yeux, était l'une des bases de la division.
On dirait une histoire tirée des voyages de Marco Polo, mais elle est dûment documentée dans des sources historiques, généralement reconnues. Au sommet de la hiérarchie se trouvaient bien sûr les Mongols, mais juste en dessous d'eux se trouvaient les "gens aux yeux colorés", c'est-à-dire les personnes ayant une couleur d'yeux différente de celle des yeux bruns ou, en d'autres termes, non colorés, de la majorité des Chinois ("Yeux incolores" et "peuple incolore" me semblent être des concepts nouveaux et passionnants. Certes, nous parlons métaphoriquement de personnes incolores par opposition aux personnes colorées, mais une personne incolore est plus susceptible d'être pâle qu'incolore).
Ce groupe privilégié comprenait les peuples géographiquement proches et peut-être apparentés aux Mongols, tels que les Ouïghours et certains peuples musulmans d'Asie centrale et, comme l'ajoute Keay, "des bizarreries telles que la famille Polo". Alors que la troisième strate était constituée des Chinois Han des provinces septentrionales précédemment conquises et pacifiées, la dernière strate, la plus basse, était composée des habitants de la Chine méridionale nouvellement conquise et densément peuplée. Placer trois couvercles hiérarchiques sur le chaudron démographique de ce qui était jusqu'à récemment l'empire méridional de la dynastie Song semble à la fois judicieux et, suivant la logique de la métaphore, risqué. Les fonctions de ce système hiérarchique comprenaient, à l'époque moderne, des privilèges en matière d'éducation et des avantages dans les nominations universitaires. Les personnes aux yeux colorés recevaient un quota dans les écoles chinoises, recevaient une éducation adaptée à leurs conditions et à leurs capacités ; entre autres, elles évitaient les exercices d'écriture de fiction qui constituaient autrefois l'élément dominant de l'éducation des fonctionnaires chinois, et elles recevaient également un examen plus léger avec une note de passage inférieure à celle des Chinois Han.
En d'autres termes, il semble qu'il y ait plus à apprendre sur la "discrimination positive" pour les fonctionnaires de l'éducation dans notre monde occidental multiculturel ! Cependant, le système mongol n'avait pas pour but de régner par la division ou de remplacer la population chinoise indigène, dont ils connaissaient parfaitement les capacités et le haut niveau de connaissances, comme en témoignent leurs privilèges en matière d'éducation, par des personnes aux yeux colorés. Au contraire, l'objectif le plus immédiat était de renforcer leur propre pouvoir et de maintenir l'ordre dans l'empire vaste et peuplé en associant certaines minorités stratégiquement importantes et en les plaçant dans une position de dépendance. "Les Mongols, les Ouïgours, les lamas tibétains, les chrétiens nestoriens et les musulmans d'Asie centrale jouissaient à la cour, au gouvernement et dans les forces armées d'une influence tout à fait disproportionnée par rapport à leur nombre.
"La diversité religieuse et ethnique n'était pas seulement tolérée, mais positivement encouragée pour faire contrepoids à la prépondérance numérique et éducative de la Chine" (p. 368). Bien que la domination des Mongols sur la Chine n'ait pas duré aussi longtemps qu'ils l'avaient imaginé, à savoir un peu plus de 80 ans, il est difficile de remettre en question la rationalité de leur politique de privilèges fondée sur un code de couleur. Ils étaient trop peu nombreux pour maintenir leur identité et leur domination à long terme sans cette politique, ou sans quelque chose de similaire. Mais leur anticipation du racisme libéral moderne présente des aspects amusants, notamment pour votre serviteur qui, en appliquant les principes mongols, se retrouverait rapidement et de manière amusante du côté des privilégiés. Cela vous plairait-il ? Oui, pourquoi pas ? C'est enfin mon tour ! Accepteriez-vous les avantages offerts ? Bien sûr ! "Chacun pour soi", disait Bouddha.
À propos de l'auteur : Jonas Åberg
Jonas Åberg est né et a grandi dans une ville, Malmö. Il a une formation de bibliothécaire et travaille dans ce domaine depuis une dizaine d'années. La philosophie et la politique sont deux domaines qui l'ont toujours profondément intéressé - le premier par désir, le second par irritation. Pendant quelques années, il a été doctorant en philosophie. Sur le plan politique, il est conservateur avec des tendances libertaires, car il pense que l'histoire et la culture ne sont pas créées par le peuple, mais à travers lui par des dirigeants créatifs. Jonas Åberg descend d'agriculteurs et de commerçants de Skåne (de Scanie), ce dont il est naturellement fier. Culturellement, il se sent plus proche de l'antiquité grecque et romaine - telle qu'elle a été affinée par le temps - que de ses contemporains, et il pense que l'admiration pour la grandeur humaine est une condition essentielle de la santé et de la vitalité spirituelles. Celui qui n'est pas capable d'admirer les autres se méprisera lui-même - consciemment ou inconsciemment. Et ceux qui se méprisent eux-mêmes détesteront la vie. Alors que l'amour de la vie s'exprime par des opinions et des valeurs conservatrices, la haine de la vie s'exprime par le radicalisme politique. "Pour ceux qui en sont capables, le monde est bon", écrit Ekelund. Cette devise peut sembler dangereusement pacifiante. Ceux qui essaient de s'y conformer le savent mieux que quiconque.
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jeudi, 15 février 2024
Les trois moments du péronisme
Les trois moments du péronisme
Enric Ravello Barber
Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2024/02/los-tres-momentos-del-peronismo.html
Nous remercions Pablo Anzaldi, docteur en sciences politiques et militant péroniste, pour sa collaboration à l'élaboration de cet article.
"Pour ce grand Argentin qui a su conquérir la grande masse du peuple en luttant contre le capital".
Marche péroniste.
La naissance d'une nation
En 1816, la province de Río de la Plata, successeur politique de la vice-royauté espagnole de La Plata, proclame son indépendance. Le nouvel État contrôlait effectivement le centre de l'Argentine, la ville de Buenos Aires, l'Uruguay, mais pas de grandes régions de l'Argentine actuelle telles que El Chaco, La Pampa et encore moins la Patagonie. Le général San Martin était le héros de l'indépendance nationale.
À cette époque, la population argentine d'origine espagnole provenait de quatre points : la ville de Mendoza (qui avait été chilienne), le Paraguay, la vice-royauté du Pérou et le noyau fondateur de la ville de Buenos Aires.
En 1833, Juan Manuel de Rosas (illustration) lance la "campagne du désert", qui consiste à contrôler efficacement le centre de l'Argentine, qui comptait jusqu'alors une population indienne peu nombreuse et dispersée. Le projet politique de Rosas ne se limitait pas à l'Argentine, mais à la construction d'une grande puissance biocéanique appelée "Provinces unies du Sud", qui inclurait le sud du Brésil, le Paraguay, la Bolivie, le Chili, l'Uruguay et l'Argentine. Bien entendu, le Royaume-Uni n'a laissé aucune chance à ce projet, allant même jusqu'à manœuvrer pour arracher à l'Argentine ce qui est aujourd'hui l'Uruguay et le rendre "indépendant" en tant qu'État.
En 1862, il adopte le nom définitif de République argentine.
Dans les années 1970, le général Julio Argentino Roca (1879) a mené une seconde et définitive campagne de conquête des régions désertiques et a fait de l'Argentine un État moderne avec toutes ses caractéristiques et ses éléments.
Le fascisme argentin des années 1930 a revendiqué le projet des Provinces unies du Sud et s'est inscrit dans la ligne politique de San Martín, Rosas, dans laquelle Perón se reconnaîtra plus tard.
Entre 1880 et 1892, l'Argentine a été la destination d'une énorme immigration européenne qui a changé à jamais la physionomie du pays, le même phénomène s'étant produit au Portugal et dans le sud du Brésil. Cette immigration était principalement composée d'Italiens, suivis d'Espagnols et, dans une moindre mesure, d'Allemands, d'Irlandais, d'Anglais et de Français. Il s'agissait de la deuxième vague européenne en Argentine ; il y en a eu une troisième, beaucoup plus petite, composée principalement d'Allemands, d'Italiens et de Croates exilés suite à la Seconde Guerre mondiale.
Dans ces années-là, l'Argentine était le pays le plus riche du monde. Nous avons assisté à une véritable explosion, non seulement économique, mais aussi culturelle, philosophique et artistique. Pendant quelques années, Buenos Aires est devenue la première ville de la civilisation européenne.
Cependant, un problème structurel s'est posé dès le départ. La distribution des terres agricoles, après les campagnes de conquête des régions désertiques, avait créé une classe sociale, la dénommée "oligarchie" d'origine créole-espagnole, qui se consacrait à l'exportation de produits agricoles et d'élevage à grande échelle, dans un contexte de libre-échange et avec le Royaume-Uni comme principal acheteur.
Pendant la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle l'Argentine était neutre, les oligarchies se sont enrichies en exportant de la viande et des céréales vers les marchés européens, mais - et c'est là le défaut endémique de l'histoire économique de l'Argentine - elles n'ont fait aucun effort pour industrialiser le pays. L'excédent économique du secteur primaire n'a pas été investi - comme cela se faisait ailleurs dans le monde - dans la création d'un secteur secondaire puissant qui aurait signifié un saut qualitatif pour l'économie nationale.
Pour mettre fin à la décennie dite infâme, pleine de troubles et de tensions sociales, l'armée a organisé en 1943 un coup d'État militaire, coordonné par ses deux factions internes: les libéraux et les nationalistes. Le gouvernement militaire nomme l'un de ses officiers de l'aile nationaliste, le colonel Juan Domingo Perón, à la tête du ministère du travail et de la guerre, ce qui fait de lui le vice-président de facto. Perón développe une législation à fort contenu social et très favorable au travailleur argentin, ce qui lui vaut de se mettre à dos l'oligarchie en place, elle aussi traditionnellement anglophile, alors que Perón est clairement en faveur des puissances de l'Axe. Un nouveau coup d'État militaire à la fin de l'année 1945 met fin à son gouvernement et Perón est emprisonné.
Le péronisme classique 1946-1955
Le 17 octobre 1945, connu dans le calendrier péroniste sous le nom de "Jour de la loyauté", une grande manifestation de travailleurs nationalistes argentins aboutit à la libération de Perón. Après quelques mois de réflexion, Perón décide de se présenter aux élections présidentielles de 1946, son adversaire Branden étant soutenu par toutes les forces anti-péronistes du pays et, de façon claire et publique, par l'ambassade des États-Unis. Le slogan électoral choisi par Perón était clairement "Branden ou moi". Le résultat fut de 53,71 % en faveur du général Perón, inaugurant ce que l'on appelle le "péronisme classique" (1946-55). Cette même année, Perón, veuf depuis 1938, épouse une jeune et courageuse idéaliste, Eva Duarte, ancienne actrice en difficulté.
L'action politique de Perón s'articulait autour de trois points qu'il ne manquait pas de répéter comme base de sa conception politique et de son programme de gouvernement
- la souveraineté politique
- l'indépendance économique
- la justice sociale.
Son épouse, Eva Duarte de Perón, se voit confier les postes de présidente du puissant syndicat national-populaire CGT, de présidente de la Fundación de Ayuda Social, organisation très importante en Argentine à l'époque, et de présidente du Parti des femmes péronistes, poste qui n'est guère plus que symbolique. Son rôle social et politique exceptionnel dans la défense des classes les plus défavorisées, "los descamisados", et sa confrontation avec l'armée, qu'elle préconisait de remplacer par une milice nationale-populaire armée, lui ont valu l'amour et le dévouement de la majorité des Argentins, qui l'appelaient affectueusement Evita, mais aussi l'inimitié de l'oligarchie réactionnaire, qui s'est déchaînée contre son mari.
L'Argentine pleure la mort d'Evita en 1952. La distance de l'Église à l'égard de Perón s'intensifie; elle ne tolère pas le "culte civique" d'Evita, qui, rappelons-le, a joué un rôle décisif dans l'approbation de la loi sur le divorce en Argentine. En 1954, des actes de violence commis par les "commandos civils" ont commencé à éclater dans toute l'Argentine et la synergie entre l'Église et les éléments réactionnaires et libéraux contre Perón s'est intensifiée. Une série de coups d'État échouent et Perón, qui bénéficie encore du soutien de la majorité, est conscient du grand risque d'une guerre civile sanglante. Pour éviter cela, Perón démissionne et part en exil; les conditions, qu'il avait posées, de respecter son héritage politique ne sont pas suivies d'effet par la nouvelle junte militaire libérale au pouvoir.
L'exil 1956-1973
Son exil marque le début de la deuxième phase du péronisme, qui s'étend de 1955 à son retour triomphal en 1973.
Perón s'exile d'abord au Paraguay, où il est accueilli par son ami Stroessner, mais la proximité de l'Argentine et la connaissance de tentatives d'assassinat par le nouveau gouvernement de la Casa Rosada l'obligent à choisir une autre destination: la République dominicaine. Il y rencontre Isabel, qui deviendra sa troisième épouse et la première femme présidente de la République argentine. Après un bref séjour dans le Venezuela de Marcos Pérez, il s'installe en Espagne en 1960. Franco l'autorise à vivre en Espagne, mais sans jouer aucun rôle politique, ce que Perón fait depuis sa résidence de Puerta de Hierro (Madrid).
Perón laisse le commandement de la résistance péroniste en Argentine à l'un de ses cadres les plus courageux et les mieux préparés intellectuellement, John William Cooke, un Argentin d'origine irlandaise. Et c'est là que commence un sérieux problème. Cooke a voyagé à Cuba, a été fasciné par la révolution castriste et s'est déclaré marxiste-léniniste, affirmant que le péronisme devait se muer et réaliser la même révolution marxiste en Argentine, et est également devenu un ami personnel du philosophe français Sartre, pour lequel Perón éprouvait un profond mépris. Perón rejeta catégoriquement cette approche, démit Cooke de ses fonctions et le remplaça par le social-nationaliste Alberto Brito Lima (photo, ci-dessous).
La dérive de Cooke préfigure le grand problème interne auquel Perón et le péronisme seront confrontés dans les années suivantes. La naissance du mouvement montonero. Il faut être clair et concret. Les Montoneros étaient une organisation criminelle marxiste-léniniste qui prétendait défendre un "péronisme sans Perón" qui n'était en réalité rien d'autre que la stratégie cubaine de création d'une révolution communiste en Argentine. Les Montoneros ont affronté Perón et ont été objectivement alliés aux forces antinationales et antisociales opposées au général. La tension entre Perón et ses fidèles nationaux-populaires et les Montoneros marxistes s'accroît rapidement, un fossé infranchissable les sépare. Les affrontements entre les Montoneros et les organisations nationales-péronistes: la Garde de fer, la Concentration universitaire argentine, le Commandement organisateur et les Montoneros-Lealtad (scission fidèle au général), prennent des allures de guerre civile.
Du retour triomphal au coup d'État des "gorillas" (1973-1976)
Le 20 juin 1973, Perón fait un retour triomphal à Buenos Aires. Avant de quitter Madrid pour retourner à Buenos Aires, il ordonne que l'estrade où il prononcera son premier discours sur le sol argentin soit occupée exclusivement par des partisans péronistes et il oppose son veto à la présence des Montoneros. Le même jour, les Montoneros tentent de prendre d'assaut la scène pour manipuler la présence de Perón. D'importants affrontements armés opposent les Montoneros aux milices nationales-populaires péronistes, faisant 69 morts et 135 blessés, en grande majorité des Montoneros.
Pour se venger, les Montoneros assassinent José Ignacio Rucci, le principal dirigeant du syndicat péroniste CGT et la personne en qui le général Perón avait confiance pour poursuivre son travail social et politique national avec sa troisième épouse, Isabel de Perón. Lors des élections présidentielles de 1974, Isabel Martínez de Perón (photo), soutenue par son mari, a remporté 62% des voix et est devenue la première femme présidente de l'Argentine. L'Argentine connaît alors des années difficiles et des violences éclatent. En 1974, Perón signe un document appelé Acta reservada dans lequel il ordonne de combattre les organisations marxistes par tous les moyens nécessaires, en faisant référence aux Montoneros et à l'ERP (1).
Perón meurt le 1er juillet 1974 et l'instabilité et la violence deviennent insupportables. En 1976, le secteur libéral de l'armée - les Gorillas (2) - a organisé un coup d'État et la junte militaire a été formée. La Junte des Gorillas a initié une forte répression anti-péroniste qui ne s'est achevée qu'avec la fin de la dictature en 1981.
Notes:
(1) Ejercito Revolucionario del Pueblo, une organisation terroriste trotskiste qui entretenait de bonnes relations avec les Montoneros.
(2). Gorilla : militaire anti-péroniste, libéral et atlantiste.
20:09 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juan peron, peronisme, argentine, amérique latine, amérique du sud, amérique ibérique, histoire | |
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