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mercredi, 11 juin 2008

Unheilig - Maschine

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Unheilig - Maschine

 

“[D]e industrie is niet alleen de toepassing van de wetenschap, toepassing waarvan die laatste – op zichzelf – totaal onafhankelijk zou moeten zijn. Zij wordt er de bestaansreden en de rechtvaardiging van, zodanig dat hier nogmaals de normale betrekkingen omgekeerd blijken te worden. Datgene waarop de moderne wereld al haar krachten heeft toegepast, zelfs wanneer ze heeft beweerd aan wetenschap op haar manier te doen, is in werkelijkheid niets anders dan de ontwikkeling van de industrie en het ‘machinisme’. En door zo de materie te willen beheersen en haar naar hun gebruik te buigen zijn de mensen er alleen in geslaagd zich er de slaven van te maken. Zoals we in het begin zeiden: niet alleen hebben ze hun verstandelijke (als het nog toegelaten is zich van dat woord te bedienen in een dergelijk geval) ambities beperkt tot het uitvinden en bouwen van machines, maar ze zijn uiteindelijk zélf machines geworden. Inderdaad, de ‘specialisatie’ – zo geroemd door bepaalde sociologen onder de naam ‘arbeidsverdeling’ – heeft zich niet alleen opgedrongen aan geleerden, maar ook aan technici en zelfs aan arbeiders, en voor die laatsten is elke verstandelijke arbeid op die manier onmogelijk gemaakt. Heel anders dan de ambachtslui van vroeger, zijn zij niets anders dan de bedieners van machines. Zij vormen als het ware één geheel ermee. Zij moeten onophoudelijk – op een volledig mechanische manier – bepaalde gedetermineerde bewegingen herhalen om het minste tijdverlies te vermijden. Altijd dezelfde en altijd volbracht op dezelfde manier. Zo willen het tenminste de Amerikaanse methodes die aanzien worden als de hoogste graad van ‘vooruitgang’. Inderdaad, het gaat er alleen om zoveel mogelijk te produceren. Men bekommert zich weinig om de kwaliteit, het is enkel de kwantiteit die belangrijk is. We komen eens te meer terug op dezelfde vaststelling die we al gemaakt hebben in andere domeinen: de moderne beschaving is waarlijk wat men een kwantitatieve beschaving kan noemen, wat niets anders is dan een andere manier om te zeggen dat zij een materiële beschaving is”.

René Guénon, La crise du monde moderne, p. 153

mercredi, 04 juin 2008

Les Hindous comme "païens indiens"

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SYNERGIES EUROPéENNES – BRUXELLES – MAI 2004
COMMISSION “TRADITIONS”

Les hindous comme "païens indiens"

Par Koenraad Elst

Définition historique de « Hindou »

Dans les écritures hindoues, le mot « hindou » est introuvable. Pourtant, longtemps avant que les spécialistes occidentaux s’assoient pour inventer des définitions de « hindou », le terme était déjà porteur d’un sens déterminé. La procédure normale devrait être d’entendre cette version originale en premier. Elle fut apportée en Inde par les envahisseurs islamiques, et signifiait : « païen indien ».

Le terme « Hindou » est l’équivalent persan du terme indo-aryen « sindhu », « rivière », « l’Indus ». L’équivalence est une simple application de la relation phonétique régulière entre les branches indo-aryenne et iranienne de la famille linguistique indo-européenne : l’initiale [s] est conservée en indo-aryen mais se transforme en [h] en iranien, alors que les terminaisons aspirées comme [dh] sont conservées en indo-aryen mais perdent leur aspiration en iranien. Les Iraniens utilisaient le mot Hindu pour désigner la rivière Sindhu et les pays et populations situées autour et au-delà du Sindhu. Aux Perses, les Grecs empruntèrent le nom de la rivière et en firent Indos et le nom des gens et en firent Indoi, d’où l’anglais Indus, India, Indian.

Les Indiens de l’Asie du Sud-Est ne furent jamais connus sous le nom d’« hindous », mais les Arabes, les Turcs, les Mongols et les autres étrangers du nord et de l’ouest adoptèrent le nom perse pour désigner l’« Inde » et les « Indiens », c’est-à-dire Hind en arabe, Hindistan en turc. Xuan Zang (Huen Tsang, 7ème siècle apr. JC), qui était entré en Inde en passant par l’Asie Centrale de langue perse, mentionne à de nombreuses reprises que le nom Xin-du (chinois régulier venant du perse Hindu [1]) ou, comme il le corrige, Yin-du, est utilisé en-dehors de l’Inde mais est inconnu à l’intérieur du pays, parce que les natifs l’appellent Aryadesh ou Brahmarashtra [2]. Comme le dit Sita Ram Goel : « On peut donc dire que le mot ‘Hindu’ a acquis une connotation nationale, depuis l’époque de l’Avesta, bien que cela le fut seulement aux yeux des étrangers » [3]. Dans les prochains paragraphes, nous résumons ses découvertes concernant la préhistoire de l’actuel terme hindu.
Quand le bouddhisme s’implanta en Asie Centrale, et que les temples bouddhistes furent construits pour le culte des statues de Bouddha, les mazdéens donnèrent aux fidèles de cette religion indienne le nom de but-parast, « adorateurs de Bouddha », par opposition au mazdéen âtish-parast ou « adorateurs du feu ». Le terme but-parast en arriva à signifier plus généralement « adorateur d’idole », car à l’époque des invasions musulmanes, but était devenu le terme générique pour « idole », d’où but-khana, « temple à idole », et but-shikan, « briseur d’idole ». Ils ne faisaient aucune distinction entre les différentes sectes basées en Inde, et à l’époque où les Arabes et les Turcs persianisés envahirent l’Inde, le mot but-parast était appliqué au hasard à tous les incroyants indiens. Voyant que les brahmanes avaient des cérémonies du feu tout comme les mazdéens, les musulmans incluaient occasionnellement les païens indiens aussi dans la catégorie âtish-parast, à nouveau sans se préoccuper des distinctions entre les différentes sectes.

Les envahisseurs musulmans donnaient parfois aux païens d’Inde le nom de « Kafirs », incroyants en général, c’est-à-dire la même désignation religieuse qui fut utilisée pour les polythéistes d’Arabie ; mais souvent ils les appelaient « hindous », habitants de l’Hindoustan, c’est-à-dire une désignation ethno-géographique. Ainsi, ils donnèrent un contenu religieux précis à ce terme géographique : un hindou est tout Indien qui n’est pas juif, chrétien, musulman ou zoroastrien. En d’autres mots : tout Indien « païen », c’est-à-dire un Indien qui n’est ni un croyant des religions abrahamiques ni un païen iranien, est un hindou. Dans sa définition de « paganisme indien », l’hindouisme inclut toute la gamme depuis le culte animal jusqu’à la philosophie moniste des Upanishads, et depuis le sacrifice sanglant de la Shakti jusqu’à la non-violence extrême des jaïns.

Le terme Hindu était utilisé pour tous les Indiens qui étaient incroyants ou adorateurs d’idoles, incluant les bouddhistes, les jaïns, les « animistes » et plus tard les Sikhs, mais en les distinguant des Indiens chrétiens (ahl-i Nasâra ou Isâî), juifs (ahl-î-Yahûd ou banû Isrâîl), mazdéens (ahl-i Majûs ou âtish-parast) et bien sûr des musulmans eux-mêmes. De cette manière, au moins à l’époque de Al Biruni (début du 11ème siècle), le mot Hindu avait une signification religieuse-géographique distincte : un hindou est un Indien qui n’est ni musulman, ni juif, ni chrétien, ni zoroastrien [4].

Un critère sans ambiguïté

Les hindous ne s’appelèrent jamais eux-mêmes « hindous » avant que les envahisseurs musulmans n’arrivent et ne les désignent par ce terme persan [5]. Il ne s’ensuit pas que ceux que nous appellerions hindous par rétrospective n’avaient aucun sens de leur unité culturelle pan-hindoue, comme certains pourraient le conclure hâtivement ; simplement que le terme hindou n’était pas encore en usage. De même, les hindous appelaient ces nouveaux-venus des Turcs, mais cela n’exclut pas la reconnaissance de leur spécificité religieuse en tant que musulmans. Au contraire, même Timur, qui déclara très clairement dans ses mémoires qu’il venait en Inde pour mener une guerre religieuse contre les Incroyants, et qui libérait les captifs musulmans d’une cité conquise avant de passer les hindous survivants au fil de l’épée, parlait de ses propres forces comme des « Turcs », une désignation ethnique, plutôt que comme des « musulmans » [6]. Il ne faut pas confondre le terme avec le concept : l’absence du terme hindou ne prouve pas la non-existence d’un concept énoncé plus tard comme « Dharma hindou ».

D’autre part, pour ceux qui maintiennent qu’il n’y avait pas d’identité hindoue auparavant, la genèse du label hindou devrait suggérer une analogie avec le récit séculariste de la genèse de la nationalité indienne : les Indiens n’existent pas, mais la nationalité indienne fut forgée dans le creuset de la lutte commune contre les Britanniques [7]. De même, si l’hindouisme n’avait pas existé auparavant, alors rien n’aurait été plus efficace pour créer un sens commun de l’hindouité que d’être attaqués ensemble par le même ennemi, britannique ou musulman. Comme l’écrivit Veer Savarkar : « Les ennemis [islamiques] nous haïssaient en tant qu’hindous, et toute la famille de peuples et de races, de sectes et de croyances qui florissaient d’Attock à Cuttack fut soudain individualisée en un seul Etre » [8]. Ce n’est pas historique dans ses détails, mais c’est néanmoins en accord avec une vision largement répandue de la manière dont les nations sont créées : par une expérience commune, comme l’expérience profondément impliquante d’une guerre contre un ennemi commun.

Ainsi, un hindou n’était par définition ni un membre des religions abrahamiques, ni du paganisme quasi-monothéiste perse (le mazdéisme, mieux connu sous le nom de zoroastrisme). Mais un bouddhiste, un jaïn, un membre d’une tribu, étaient tous inclus dans le domaine sémantique du terme hindou. Bien que les premiers écrivains musulmans en Inde notèrent une différence superficielle entre brahmanes et bouddhistes, appelant ces derniers les « brahmanes au crâne rasé », ils ne virent pas d’opposition entre « hindous et bouddhistes » ou entre « hindous et membres des tribus », et plus tard les souverains musulmans ne virent pas non plus d’opposition entre « hindous et sikhs ». Au contraire, Al Biruni classe les bouddhistes parmi les sectes hindoues idolâtres : il décrit comment les idoles de Vishnou, de Surya, de Shiva, des « huit mères » et du Bouddha sont adorées par les Bhagavatas, c’est-à-dire les mages, les sadhous, les brahmanes et les chamans [9].
Tous les Indiens qui n’étaient ni des parsis, ni des juifs, ni des chrétiens ni des musulmans, étaient automatiquement des hindous. Ainsi, la définition originelle de hindou est : un Indien païen. Depuis le premier usage du terme hindou en Inde, une définition claire en a été donnée, et pour chaque communauté on peut facilement décider si elle cadre avec cette définition ou non. Tant pis si vous n’aimez pas l’étiquette : si vous cadrez avec la définition, vous tombez dans la catégorie hindoue. Les hindous n’ont pas choisi d’être appelés hindous : d’autres ont conçu le terme et sa définition, et les hindous se trouvèrent simplement porter ce label et l’acceptèrent progressivement.

Comme dans les manipulations de catégories de recensement de E.A. Gait, cette définition implique un « test » par lequel nous pouvons décider si quelqu’un est un hindou, sans s’occuper de savoir s’il utilise ou accepte lui-même le label. La différence est qu’ici le test ne fut pas conçu ad hoc pour prouver un point. C’est une authentique définition, générée par la rencontre, dans la vie réelle, des envahisseurs musulmans avec leur Autre : les Indiens païens natifs.

Qu’est-ce que le paganisme ?

Le terme païen est généralement utilisé pour les gens n’appartenant pas aux religions abrahamiques: le judaïsme, le christianisme et l’islam. Mais mieux qu’une simple convention, il pourrait y avoir une définition du terme païen. Et cette définition est facilement suggérée par la signification basique du mot. Comme son équivalent germanique Heathen, le mot latin paganus signifie littéralement : rural. Le christianisme commença comme un mouvement strictement urbain, et c’est seulement après avoir pris le pouvoir dans l’Empire Romain en 313 apr. JC qu’il commença à conquérir les campagnes [10].

L’association de chrétien avec urbain, de païen avec rural, est plus qu’un simple accident historique. Il est parfaitement logique que le paganisme soit né dans un environnement naturel, longtemps avant que l’homme ne vive dans des cités, et que le christianisme se répande dans les cités, où une grande population était concentrée. La raison est que le paganisme est basé sur la réalité immédiate, sur l’expérience humaine de la vie cyclique, des puissances de la nature, des phénomènes célestes : n’importe qui vivant n’importe où peut être frappé d’émerveillement devant ces réalités. Par contraste, le christianisme est quelque chose qui n’a jamais été découvert par quiconque : vous devez en avoir entendu parler par quelqu’un, par des prédicateurs qui allaient sur la place du marché où ils pouvaient trouver une large audience.

Les systèmes de croyance basés sur la « Révélation divine » se répandirent d’abord dans les centres de population, où un message pouvait être communiqué. Dans les campagnes européennes, les croyances et les pratiques païennes (bien que n’étant pas les plus sophistiquées, celles-ci ayant disparu en même temps que les élites païennes, souvent les premières à être converties) continuèrent, parfois sous un habillage chrétien, jusqu’à ce qu’elles soient rendues démodées durant les deux derniers siècles, non par le christianisme mais par la modernité.

Dans une certaine mesure, la même relation a existé entre le bouddhisme et l’hindouisme : le bouddhisme prosélyte fut un phénomène urbain, en grande partie parce qu’il était dépendant du patronage des marchands, des princes et de la charité ordinaire, et des concentrations humaines pour le recrutement de nouveaux moines. Le bouddhisme est un peu un cas hybride. C’est une « religion naturelle » en ce que tout individu pouvait s’asseoir sous un arbre et découvrir le processus de méditation par lui-même. De cette manière, le paganisme en tant que « religion naturelle » ou « spiritualité cosmique » s’étend des rituels orientés vers la nature aux hauteurs de la méditation, excluant seulement les révélations exclusives du monothéisme prophétique.

D’un autre coté, l’expérience de l’Illumination est une expérience beaucoup plus rare que l’expérience du cycle de vie ou du cycle de l’année, et dans cette mesure, le bouddhisme devait être prêché et propagé. Pour ce trait missionnaire, et pour son désintérêt basique envers les panthéons (ni à vénérer ni à rejeter), le bouddhisme est souvent traité comme séparé du paganisme ; les auteurs chrétiens hésitent aujourd’hui à l’appeler païen [11].

Le paganisme peut ainsi être défini comme tout le spectre de la religion « cosmique » (ou « universalisme ») par opposition aux religions « révélées », dont le message n’est pas intrinsèque à l’ordre du monde. Le monothéisme prophétique désacralise le cosmos en concentrant exclusivement le sacré dans une déité extra-cosmique : « N’adorez pas le soleil et la lune, mais adorez Allah qui les a créés » [12]. Le paganisme voit le sacré dans des manifestations d’ordre cosmique, de puissance cosmique, de beauté cosmique. Si la religion est définie comme une question de croyance en une révélation divine, alors on devrait dire qu’il existe une culture hindoue, mais pas de religion hindoue. En effet, des indologues perspicaces comme Frits Staal ont remarqué qu’à la différence du christianisme et de l’islam, l’hindouisme n’est en aucune manière une « religion » dans le sens d’un « système de croyance » [13].

Le point a aussi été fait par de nombreux représentants du renouveau hindou et sera répété plusieurs fois dans ces pages, mais pour l’instant nous citerons une formulation de quelqu’un qui était un rénovateur hindou dans le sens le plus constructif tout en restant éloigné des polémiques : le regretté Ekkirala Krishnamacharya, physicien, éducateur et Kulapati (recteur) du World Teacher Trust de Visakhapatnam, centre lié à la Théosophie. A une question sur « l’ancienne religion de l’Inde », il répondit :
« Il n’y avait pas de religion dans ce pays, et les Indiens n’avaient pas non plus besoin d’une religion. Les anciens Indiens avaient un code de lois à suivre. Il était établi en accord avec diverses vérités à l’œuvre dans la nature. La loi d’existence de la nature et de sa création était observée dans tous ses détails et la loi à suivre était copiée en accord avec elle. Cela était appelé Dharma. Le terme signifie ce qui porte et protège. C’est ce qui porte et protège quand nous le suivons. L’homme est honoré quand il l’honore. Il reçoit protection quand il le protège. Cela fut transformé en une constitution appelée Bharata Dharma. C’était le chemin de vie communément accepté dans tout le pays. Toute tentative de religion est naturellement limitée et étroite si on la compare à cela » [14].
Ainsi, le Dharma est ici défini comme le simple fait de vivre en accord avec les lois de la nature. Nous pouvons accepter cela comme une définition générale même avant de discuter ce que ces lois pourraient être précisément.

Néanmoins, le terme général païen ne doit pas être pris pour indiquer une seule « religion naturelle » : à l’intérieur du champ des traditions païennes, il y a aussi d’importantes différences, par ex. du végétarisme au cannibalisme. La différence réside dans la perception grossière ou subtile de ce qui constitue précisément les lois de la nature, l’ordre cosmique (ce que les Vedas appellent Rita). A un niveau très primitif, on pourrait dire que la « survie du meilleur » ou « le gros poisson mange le petit poisson » est la loi de la nature devant être suivie : cela donne au paganisme une forme caricaturale [15]. A un niveau plus civilisé, disons celui de la philosophie grecque, une compréhension convenablement plus raffinée des lois de la nature et de l’éthique humaine concomitante est développée. La distinction à laquelle prétend l’hindouisme est que par le yoga il a affiné la sensibilité humaine et rendu l’homme réceptif aux lois cosmiques plus subtiles, telles que l’unité ultime de tous les êtres sensibles, d’où la nécessité de la dayâ ou karunâ, la compassion.

Païens et hindous

En tant que concept, le paganisme est une corne d’abondance avec des phénomènes très divergents. Quand nous faisons un survol de la scène « néo-païenne » dans l’Occident moderne, nous trouvons un vaste champ de tendances : depuis les imitations carnavalesques des druides et des sorcières jusqu’aux efforts intellectuels à l’authenticité historique certifiée, et s’étendant sur tout le spectre politique, des néo-nazis et des rénovateurs ethniques aux féministes, aux écologistes et aux anarchistes hippies, tout autour d’un noyau principal de chercheurs apolitiques [16]. La grande finesse de la philosophie du Védanta, ou de la philosophie grecque « païenne », n’est en aucune façon un héritage commun de toutes les traditions païennes.

Pourtant, on pourrait dire que toutes ont une inspiration commune, et certains penseurs hindous ont développé la position selon laquelle l’hindouisme devrait tendre la main aux autres cultures et mouvements païens. Ram Swarup appelle les peuples qui ont perdu leur héritage païen à cause de l’invasion chrétienne ou islamique à « faire un pèlerinage à travers le temps » pour redécouvrir leurs anciens dieux [17]. A la différence de la plupart des nationalistes hindous dont l’horizon est limité aux frontières de l’Inde, il montre aussi une certaine connaissance des mouvements en Occident explorant réellement une renaissance de la spiritualité pré-chrétienne [18]. Ces dernières années, le VHP [Vishva Hindu Parishad, Union Mondiale Hindoue] a tenté d’établir des contacts avec le néo-paganisme organisé, mais il est trop tôt pour parler de résultats solides.

Il semblerait que pour une coopération réelle, les eaux entre le néo-paganisme occidental et l’hindouisme soient encore très profondes. De nombreux néo-païens rejettent des éléments du christianisme qui se trouvent être chers aux hindous sérieux, comme la sobriété et la retenue en matière de moralité sexuelle, et connaissent souvent très mal les traditions hindoues d’ascèse et de méditation. Les néo-païens racistes ne seraient de toute façon pas très intéressés à rencontrer des immigrés hindous à la peau sombre, et les néo-païens de gauche sont découragés par les reportages de journaux sur les pratiques obscurantistes et les conditions non-féministes dans la société hindoue. Mais le rapprochement hindou-païen a certainement un potentiel et pourrait bien s’épanouir dans un futur pas trop éloigné.

Polythéisme et monothéisme

Le livre de Ram Swarup : The Word as Revelation : Names of Gods [La parole en tant que révélation: les noms des dieux] est ce que vous pouvez trouver de plus proche d’une apologie du polythéisme, bien qu’il fasse aussi une place au monothéisme. Dans certains écrits « néo-païens » occidentaux, nous trouvons un rejet explicite du monothéisme en faveur du polythéisme [19]. En plus de cela, les auteurs néo-païens acceptent la vision chrétienne selon laquelle le christianisme est monothéiste alors que le paganisme est polythéiste ; ils acceptent les termes d’un débat dans lequel le christianisme proclame sa supériorité.

Par contraste, les philosophes hindous qui connaissent leur tradition ne tombent pas dans cette dichotomie du « mono-poly » : « Dans cette approche plus profonde, la distinction n’est pas entre un Vrai Dieu Unique et de Nombreux Faux Dieux ; elle est entre une voie de culte véridique et une voie de culte erronée. Partout où il y a de la sincérité, de la vérité et du don de soi dans le culte, ce culte atteint le vrai autel, quel que soit le nom que nous pouvons lui donner et quelle que soit la manière dont nous pouvons le concevoir. Mais s’il n’est pas sans désir, s’il y a de l’ego, de la fausseté, de la vanité et de la tromperie en lui, alors il est inutile même s’il est offert au Vrai Dieu, théologiquement parlant » [20].

Ce n’est pas soit « un » soit « beaucoup », c’est les deux à la fois : « comme le monothéisme, le polythéisme aussi a son motif spirituel. Si le monothéisme représente l’intuition de l’homme pour l’unité, le polythéisme représente son besoin de différenciation. La vie spirituelle est une mais elle est vaste et riche dans son expression (…) seule une certaine forme de polythéisme peut rendre justice à cette variété et à cette richesse (…) Un pur Dieu monothéiste, sans le soutien d’éléments polythéistes, tend à devenir sans vie et abstrait » [21]. Ram Swarup argue que cela est implicitement admis par les religions monothéistes, qui réintroduisent la diversité dans leur Dieu unique en donnant 101 noms différents à Allah, en Le laissant « émaner » dans la création à travers les étapes de « l’Arbre de Vie » dans la Kabbale juive, ou en percevant en lui une Trinité, ou en l’entourant d’une Vierge Mère et d’une foule céleste d’anges et de saints.

Cependant, « le monothéisme n’est pas complet sans un motif spirituel. L’Esprit est une unité. Il n’adore rien de moins que le Suprême. Le monothéisme exprime, bien que d’une manière inadéquate, cette intuition de l’homme pour le Suprême. » [22]. Une partie de la critique monothéiste envers le polythéisme est aussi bien prise : « De même, des dieux purement polythéistes sans aucun principe d’unité parmi eux perdent leur cohérence interne. Ils se désagrègent et ne servent aucun but spirituel » [23].

Mais d’après Ram Swarup, l’hindouisme a depuis longtemps dépassé les maladies d’enfance du polythéisme, dont des panthéons plus faibles sont affligés : « L’approche védique est probablement la meilleure. Elle apporte l’unité sans sacrifier la diversité. En fait, elle apporte une unité et une diversité plus profondes hors de la portée du monothéisme et du polythéisme ordinaires. Elle ne fait qu’un avec l’approche yogique ou mystique » [24].

De même, Sri Aurobindo avait déjà écrit : « Le polythéisme indien n’est pas le polythéisme populaire de l’ancienne Europe ; car ici l’adorateur de nombreux dieux sait toujours que toutes ses divinités sont des formes, des noms, des aspects et des pouvoirs de l’Unique ; ses dieux viennent de l’unique Purusha, ses déesses sont des énergies de l’unique Force divine ». Il ajoute une brève défense de l’« idolâtrie » : « Le culte indien des images n’est pas l’idolâtrie venant d’un esprit barbare ou sous-développé, car même le plus ignorant sait que l’image est un symbole et un support et qu’on peut la jeter quand on a fini de l’utiliser » [25]. Des dévots de dieux non-hindous diraient probablement la même chose pour leur propre tradition. En tous cas, dans le cas d’une renaissance païenne à l’échelle mondiale, l’hindouisme peut prétendre à un rôle de leadership naturel.

Le paganisme en danger, l’hindouisme à la rescousse

En même temps que d’autres représentants du renouveau hindou, Shrikant Talageri place l’hindouisme dans un continuum mondial du paganisme : « L’hindouisme est le nom de la forme territoriale indienne du Sanâtanism [religion éternelle] mondial (appelons-le paganisme). L’idéologie de l’Hindutva devrait donc être une idéologie universelle », et les représentants du renouveau hindou devraient être « le fer de lance d’une renaissance, d’un rajeunissement et d’une résurgence mondiale du spiritualisme, et de toutes les religions et cultures du monde qui existaient dans le monde entier avant l’arrivée d’idéologies impérialistes comme le christianisme, l’islam, le fascisme, le marxisme, etc. » [26]. Un peu comme Moscou pour le mouvement communiste mondial, l’Inde deviendrait le centre mondial de la renaissance païenne.

Pour mettre cette solidarité païenne en pratique, les rédacteurs du journal Young India suggèrent de créer deux, trois ou de nombreux Ayodhyas : « Il y a quelque 600 ans il y avait un grand temple païen au pied d’une colline sacrée à Vilnius, la capitale de la Lituanie. Il fut démoli, le grand prêtre fut banni (certains disent, tué), et une cathédrale fut construite à la place. Nous appelons le pape à rendre le lieu aux païens de Lituanie qui sont les possesseurs originels et historiques légaux de ce site sacré. Nous appelons aussi le pape à ne pas approuver plus longtemps cette profanation. Cela ne peut pas plaire à son Seigneur, Jésus Christ dans les Cieux, qui abhorrait la profanation et l’occupation des lieux saints des autres » [27]. Ce n’est peut-être pas le genre de renaissance religieuse que le monde attend ; ce n’est du moins pas le centre d’intérêt de Talageri dans le paganisme mondial.

Par « paganisme », les représentants du renouveau hindou ne désignent pas seulement les formes indo-européennes (donc liées au Veda) de la religion pré-chrétienne : « Les aborigènes d’Australie, les Indiens Rouges d’Amérique, les païens pré-islamiques d’Arabie, les Nègres d’Afrique regardent vers la société hindoue avec attente et espoir. Ils sont pleins d’espoir parce que seule la société hindoue de l’Inde a pu survivre aux tueries conjointes de l’islam, du christianisme et du marxisme » [28].
Un article remarquable dans cette liste est « les païens pré-islamiques d’Arabie ». Ils n’existent plus depuis le 7ème siècle, et à la différence de l’Europe, on ne connaît aucun mouvement de renouveau païen en Arabie. Ce n’est donc peut-être rien de plus qu’un exercice symbolique, mais les rénovateurs hindous veulent rendre justice au paganisme disparu d’Arabie.

Il est très commun de mentionner les païens d’Arabie, les ennemis du prophète Mahomet, en termes purement péjoratifs. Que cela soit fait dans des écrits islamiques est prévisible ; que des sécularistes indiens en fassent autant n’est guère surprenant. Mais c’est aussi très commun dans les publications spécialisées occidentales, par ex. un célèbre islamologue hollandais écrit : « La religion arabe était un polythéisme primitif, pauvre en religiosité réelle » [29]. De plus, il prend aussi pour argent comptant l’affirmation islamique selon laquelle la religion arabe était une dégénérescence de ce qui était originellement un monothéisme prophétique fondé par Abraham à la Mecque, une forme originelle de l’islam : « A travers le temps, parmi les Arabes, ce monothéisme originel a dégénéré en paganisme : la vraie connaissance a été perdue » [30].

Face à ce quasi-monopole de la version islamique de la nature du paganisme arabe du passé, quelques rénovateurs hindous, en particulier Sita Ram Goel, ont tenté de reconstruire le point de vue des païens arabes. Le sujet est digne d’un traitement détaillé, car c’est incontestablement l’une des contributions les plus originales du renouveau hindou, d’une importance universelle pour toute compréhension de la carrière du prophète et de l’islam ; cependant, je me limiterai ici à quelques points généraux.

Loin d’être à l’origine une forme du monothéisme abrahamique, le paganisme arabe était une religion cosmique, se concentrant largement sur le ciel étoilé, tout comme sa religion-sœur « sémitique » de Babylone, ou comme la religion védique [31]. Les Arabes avaient un panthéon comparable à celui des anciens Grecs ou Hindous, incarnant des notions métaphysiques, cosmologiques et éthiques. Tout comme l’Inde, « la totalité de leur pays était recouvertes de temples et de sanctuaires abritant des centaines de divinités avec de nombreux noms et formes » [32]. Après avoir énuméré ce qu’on connaît réellement du paganisme arabe, ainsi qu’une liste des déités arabes, Goel conclut : « Les déités énumérées dans les pages précédentes pourront sembler trop nombreuses aux esprits sous le charme du monothéisme. Le fait, cependant, est qu’elles sont bien trop peu nombreuses et qu’elles représentent seulement ce qui a été sauvé par l’érudition moderne à partir des immenses ruines causées par l’islam » [33].

La déité principale de la Kaaba, le lieu saint national arabe, était une déité mâle de la lune, Hubal, qui présente de nombreuses similarités avec Shiva ; en particulier le fait que dans les temples de ces deux déités, la mûrti (idole) centrale est une pierre non-sculptée. S’il serait exagéré de dire que la Kaaba était un temple de Shiva (une position prise par l’historien excentrique P.N. Oak), il y a une indéniable parenté typologique entre l’hindouisme et le paganisme arabe.

Si nous considérons les Grecs et les Hindous polythéistes comme des civilisés, Goel, qui rejette la description aujourd’hui classique des païens arabes comme étant une « populace querelleuse s’adonnant au culte des idoles », nous enjoint d’y réfléchir à deux fois avant de considérer les païens arabes comme des sauvages ayant un besoin urgent de la mission civilisatrice de Mahomet : « Ce n’est rien de moins qu’une calomnie de dire que les Arabes pré-islamiques étaient des barbares dépourvus de religion et de culture, à moins d’entendre par religion et culture ce que les théologiens musulmans entendent » [34].

Les Arabes païens eux-mêmes, pour le moins, se considéraient eux-mêmes comme très religieux, bien que pas au sens de « croyants ». Goel cite la réponse d’un prince arabe au roi de Perse qui lui avait dit à quel point il considérait les Arabes comme inférieurs : « Quelle nation pourrait-elle être mise avant les Arabes pour la force ou la beauté ou la piété, le courage, la générosité, la sagesse, la fierté ou la fidélité ? (…) Il était si généreux qu’il aurait tué le chameau qui était sa seule richesse pour donner un repas à l’étranger qui venait à lui la nuit. Aucun autre peuple n’avait une poésie si élaborée ou un langage si expressif que les leurs (…) Ils étaient si fidèles aux ordonnances de leur religion que si un homme rencontrait le meurtrier de son père, sans armes pendant l’un des mois sacrés, il ne lui faisait aucun mal. Un signe ou un regard de leur part constituait un engagement qui était absolument inviolable » [35].

Encore une fois, nous ne pouvons pas entrer ici dans les détails, mais il est important de noter que cette tendance non-nationaliste à l’intérieur du mouvement du renouveau hindou pense en termes mondiaux. L’un de ses objectifs, bien que pour l’instant conçu comme éloigné et théorique, est la restauration en Arabie, sinon de son ancienne religion, du moins d’une certaine forme de religion non-prophétique pluraliste. Il faut noter à quel point cette tendance ambitieuse est éloignée de la psychologie défensive et sombre de « l’hindouisme assiégé », bien qu’elle soit largement exprimée par les mêmes individus.

Notes:

 

[1] La transcription chinoise , aujourd’hui prononcée comme un [sh] cérébral, vient souvent d’un /h/ fortement aspiré, /x/. En chinois moderne, le nom de l’Inde est devenu Yin-du, sur la base de la prononciation non-aspirée proposée par Xuan Zang lui-même.
[2] Surendranath Sen: India though Chinese Eyes, p.59.
[3] S.R. Goel: Hindu Temples, vol.2 (2nd ed.), p.396. Le chapitre concerné a aussi été publié séparément : Hindus and Hinduism, Manipulation of Meanings (1993).
[4] L’existence pré-moderne du terme « hindou » fut reconnue, devant une audience déçue d’indologues (qui enseignent et écrivent habituellement que l’hindouisme est une « construction orientaliste » récente) par le Prof. David Lorenzen, dans un article sur la définition de « hindou », lu lors de la Conférence sur l’Asie du Sud en 1995 à Madison, Wisconsin.
[5] Je renonce à discuter des diverses propositions excentriques par des hindous pour expliquer Hindu comme un mot sanscrit, à savoir que Hindu serait dérivé du sanscrit hîna, « humble » (comme dans Hînayâna, le « petit véhicule »), ou la petite idée de Xuan Zang selon laquelle il serait dérivé de indu, « lune ».
[6] Une traduction anglaise de l’autobiographie de Timur, Malfuzat-i-Timuri, est donnée dans Elliott & Dowson: History of India, vol-3, 389-477. De même, durant la guerre civile yougoslave, les Serbes appelaient les musulmans les « Turcs », bien qu’ils ne parlaient pas de gens parlant le turc mais de gens professant l’islam.
[7] Non que je croie à ce récit. Que la nationalité indienne soit née ailleurs que dans la lutte pour la liberté est impliqué par le fait que la nation indienne ne fut en aucun cas unie dans cette lutte : de nombreux Indiens collaborèrent de tout cœur avec les Britanniques. Mais cela ne nie pas non plus leur nationalité commune, tout comme la division des Français en collaborateurs et en résistants sous l’occupation allemande (1940-44) ne prouve pas la non-existence de la nation française.
[8] V.D. Savarkar: Hindutva, p.45.
[9] Al Biruni : India, vol. 1, p. 121. Il attribue la division des hommes en sectes à nul autre que Rama. Les « Mages » sont les Maga Brahmanes, qui sont en effet des adorateurs de Surya, le soleil ; les « huit mères » sont les ashta-Lakshmî, habituellement décrites en même temps que le Sri Yantra (quatre triangles avec la pointe en haut et cinq avec la pointe en bas, entrelacés), et adorées par ex. dans le temple de Kanchi Shankaracharya.
[10] Un autre sens parfois donné à paganisme, et pas approfondi ici, est l’attachement religieux à des éléments « matériels » comme les prescriptions rituelles, par opposition à l’accent mis par les chrétiens sur « l’esprit » (en morale, sur « l’intention ») ; selon ce critère, le pur bouddhisme Theravada n’est pas païen, alors que le judaïsme orthodoxe l’est ; l’hindouisme du Védanta n’est pas païen, alors que l’hindouisme tantrique l’est ; les formes les plus austères du protestantisme ne sont pas païennes, alors que le catholicisme l’est avec ses sacrements.
[11] Par un exemple typique, Karen Armstrong, ancienne nonne catholique et aujourd’hui fidèle de l’islam, s’appelle elle-même une « monothéiste free-lance avec une influence bouddhiste » (parlant avec Ludo Abicht à la radio flamande, 1996).
[12] Coran 41:37.
[13] F. Staal: Een Wijsgeer in bet Oosten, p. 107-108. De même, dans son livre Le Corps Taoïste, Kristofer Schipper a fait la même remarque sur le taoïsme.
[14] E. Krishnamacharya: Our Heritage, p. 16.
[15] Dans ce sens, le communisme et le nazisme pourraient tous deux être considérés comme des formes (séculières, pseudo-scientifiques) de « paganisme », comme cela est fréquemment fait dans les textes chrétiens, par ex. dans le document du Vatican sur la responsabilité chrétienne pour l’Holocauste, mars 1998. Je trouve cet usage déroutant et donc indésirable, mais le point valable est que les deux idéologies se basaient elle-mêmes sur les « lois de la nature » (comprises d’un point de vue séculier), plus précisément comme les « lois de l’histoire » dans le cas du communisme.
[16] See e.g. G. Harvey & C. Hardman: Paganism Today, Vivianne Crowley: Principles of Paganism; G. Harvey: Speaking Earth, Listening People.
[17] Ram Swarup: The Word as Revelation: Names of Gods, p. 132.
[18] Ram Swarup correspondait avec Prudence Jones, deux fois présidente de la Pagan Federation, et avec Gudrun Kristin Magnusdottir, païenne islandaise auteur du livre Odsmal, qui relie la religion Asatru germanique à la méditation transcendantale et à d’autres traditions orientales. Son article « Of Hindus, Pagans and the Return of the Gods » (Hinduism Today, oct. 1991) a été reproduit dans le magazine anarcho-païen californien Green Egg, Noël 1991 et à nouveau en mars 1998.
[19] Par ex. Alain de Benoist : Comment peut-on être païen ?, un aspect de la polémique « mono-poly » qui anima les salons parisiens autour de 1980, où Bernard-Henry Lévy défendait le monothéisme, bien qu’un « monothéisme sans Dieu » : Le Testament de Dieu.
[20] Ram Swarup: Word as Revelation, p. 129.
[21] Ram Swarup: Word as Revelation, p. 128.
[22] Ram Swarup: Word as Revelation, p. 126.
[23] Ram Swarup: Word as Revelation, p. 128.
[24] Ram Swarup: Word as Revelation, p. 128.
[25] Sri Aurobindo: Foundations of Indian Culture, p. 135.
[26] S. Talageri dans S.R. Goel: Time for Stock-Taking, p.227. Sanâtanism : d’après Sanâtana Dharma, la religion « éternelle », l’auto-dénomination de l’hindouisme.
[27] Young India, April 1998, dernière page ; souligné dans l’original.
[28] Mayank Jain: "Let us fulfil the Sardar’s mission", Organiser, 21-12-1997.
[29] J.H. Kramers: De Koran (Dutch), p.viii.
[30] J.H. Kramers: De Koran, p.x.
[31] S.R. Goel: Hindu Temples, vol.2, p.266 et p.273-296, avec référence à F. Hommel dans The First Encyclopaedia of Islam, vol.1, p.377 ff., et à Shaikh Inayatullah: "Pre-Islamic Arabian Thought", dans M.M. Sharif, ed.: A History of Muslim Philosophy, Lahore 1961.
[32] S.R. Goel: Hindu Temples, vol.2, p.294.
[33] S.R. Goel: Hindu Temples, vol.2, p.294.
[34] S.R. Goel: Hindu Temples, vol.2, p.272.
[35] Cité dans D.S. Margoliouth: Mohammed and the Rise of Islam, p. 2-3, et dans Goel: Hindu Temples, vol. 2, p. 270
Cet article constitue le chapitre II du livre de Koenraad Elst : « Who is a Hindu ? »
   

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mardi, 03 juin 2008

Morts malfaisants dans le droit et les croyances des Romains

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Morts malfaisants dans le droit et les croyances des Romains

Les éditions Exergue viennent de rééditer une œuvre de ré­férence pour tous les folkloristes et depuis longtemps in­trou­vable: Les Morts malfaisants d'après le droit et les cro­yances populaires des Romains écrit en 1924 par Emile Job­bé-Duval. L'éditeur écrit: «Pour cette nouvelle édition, une préface de Claude Lecouteux, spécialiste renommé du fol­klore européen pré-chrétien et médiéval, vient rappeler l'im­portance de cet ouvrage, qui n'a rien perdu de sa fraî­cheur et de sa pertinence. De plus, toutes les citations lati­nes sont maintenant accompagnées de leur traduction fran­çaise. En revanche, les éditeurs ont jugé bon d'abréger cet ou­vrage d'un immense appendice qui ne traitait que de sub­ti­lités du droit romain, sans rien apporter de nouveau sur le plan de l'ethnohistoire proprement dite. Ce livre constitue une étude précise et exhaustive sur les croyances et cou­tu­mes des Romains relatives aux morts qui, par besoin de ven­geance ou tout autre attachement émotionnel, erraient près des vivants, menaçant en permanence leur santé et leur équilibre» (JdB).

Emile JOBBÉ-DUVAL, Les morts malfaisants d'après le droit et les croyances populaires des Romains, 2000, Edi­tions Exergur (298 rue Nicolas Parent, F-73.000 Chambéry), 206 p., 115 FF. A la même enseigne est paru Sauvages et velus. Yéti, Sasquash, Almasty, Barmanou, Bigfoot... En­quête sur des êtres que nous ne voulons pas voir de Jean Roche. Le livre est dédié à la mémoire de Vladimir Pouch­karev, disparu en 1978 dans une expédition solitaire au nord-ouest de la Sibérie pour tenter d'approcher ce qui fait l'objet du présent ouvrage. 222 pages. 129 FF.

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vendredi, 30 mai 2008

Ernst L. Krause et le mythe de la "Fille-Soleil"

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Synergies Européennes – Bruxelles / Commission “Traditions” - Mars 2004

Ernst L. Krause : l’archéologue qui s’est penché sur les labyrinthes et le mythe de la “Fille-Soleil”

Le 22 novembre 1839, naissait à Zielenzig en Allemagne Ernst Ludwig Krause, qui sera le premier éditeur de la revue Kosmos, consacrée aux sciences naturelles et écologiques avant la lettre. Ernst L. Krause exprime sa pensée organiciste et écologiste dans un ouvrage en deux volumes, paru en 1876, réédité en 1906 : Werden und Vergehen (= Devenir et passer). Il se considérait comme un disciple du philosophe “tellurique” Carl Gustav Carus, qui avait développé au 19ième siècle, dans le sillage du romantisme, une “philosophie de la terre” et de la Vie, dont l’objectif était de faire table rase de toutes les abstractions philosophiques, désincarnées, déracinées, qui avait conduit la pensée européenne au nihilisme.

Mais, en dépit de son importance pour le développement de la pensée organique et pré-écologique, et pour les idées exprimées dans la revue Kosmos, Ernst L. Krause acquerra surtout la célébrité pour ses thèses audacieuses sur la préhistoire nord-européenne. Un Nord lointain, le “Tuisko-Land” était la patrie originelle des peuples européens, avançait-il, et, par voie de conséquence, le domaine initial des dieux tutélaires, lesquels ne sont rien d’autre que les aïeux divinisés de nos peuples. Pour étayer sa thèse, Krause s’est basé sur les Védas, l’Edda, l’Iliade et l’Odyssée, dont il était un fervent et attentif lecteur.

Sa thèse principale concerne cependant les labyrinthes, dont on a retrouvé un grand nombre en Europe du Nord, en Scandinavie. La construction de ces labyrinthes de pierres dressées repose sur un mythe très ancien, propre à ces régions : l’enlèvement et l’emprisonnement de la “Fille-Soleil” (Syrith, Brunhilde, Ariane, Hélène). Autour de ce mythe très ancien des peuples européens se sont développés toutes sortes de rites, rituels, danses (notamment des danses de l’épée), pour fêter, chaque année au printemps, la libération de la “Fille-Soleil”. Blanche-Neige n’est jamais qu’un conte enfantin qui reprend la même thématique. Blanche-Neige est effectivement une “Fille-Soleil”, qui sera libérée par le bon chasseur, pour rayonner et houspiller, par sa blanche beauté, la méchante reine, symbole de la lune hivernale, qui brille de ses plus beaux feux en janvier et en février, mais dont l’indéniable splendeur devra céder face à la Lumière, plus resplendissante encore, du Soleil, de la “Fille-Soleil”, qui revient, triomphante, libérée, chaque printemps. Ernst L. Krause meurt en 1903, en nous laissant une œuvre que redécouvrent aujourd’hui les spécialistes de la préhistoire et de la proto-histoire.
 

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dimanche, 25 mai 2008

Les mères et la virilité olympienne

LES MERES ET LA VIRILITE OLYMPIENNE

Introduction de Julius Evola

On peut dire de Johann Jakob Bachofen qu'il est une "découverte" de la culture européenne la plus récente. Contemporain de Nietzsche (puisqu'il naquit à Bâle en 1815 et y mourut en 1887), il appartient au même climat spirituel dans lequel La naissance de la tragédie du même Nietzsche, et la Psyché d'E. Rohde virent le jour. De son temps, l'œuvre de Bachofen n'éveilla quasiment aucun écho. Le grand public n'y eut pas accès, tandis que les "spécialistes" en fait d'histoire ancienne et d'archéologie y opposèrent une espèce de conjuration du silence motivée par l'originalité des méthodes et des conceptions de Bachofen par rapport aux leurs.

Aujourd'hui, son œuvre a été reprise par de nombreux auteurs et elle est considérée comme celle d'un précurseur et d'un chef d'école. Une 1ère réédition de morceaux choisis de Bachofen en 3 volumes est parue à Leipzig en 1926 ; due à C.A. Bernouilli, elle porte le titre de Urreligion und antike Symbole. Une 2nde, enrichie d'une ample étude introductive et intitulée Der Mythos von Orient und Okzident, fut assurée par A. Baümler, en 1926 également. Ajoutons qu'une réimpression de l'ensemble des ouvrages de Bachofen, devenus pratiquement introuvables dans l'édition originale, est actuellement en cours.

Maîtrisant parfaitement toutes les connaissances de l'archéologie et de la philologie de son temps, Bachofen s'est consacré à une interprétation originale des symboles, des mythes, des cultes et des formes juridiques des temps les plus reculés, interprétations particulièrement importantes par la quantité des thèmes et des référence qu'elle offre à quiconque entend s'ouvrir à une dimension quasiment insoupçonnée du monde des origines - au point d’apparaître comme une espèce d'histoire spirituelle secrète des civilisations antiques que masque l'histoire officielle, pourtant considérée par l’historiographie dite "critique" comme l'instance suprême.

Le fait que, par ailleurs, chez Bachofen, certaines déductions et certains points de détail soient inexacts, que quelques rapprochements pèchent par excès de simplification et qu’après lui, les historiens de l'Antiquité aient recueilli bien d'autres matériaux - tout ceci ne remet pas en question l'essentiel et n'autorise aucun de nos contemporains à juger "dépassées" ses œuvres maîtresses, fruits d’études approfondies et complexes et d'heureuses intuitions. De nos jours, Bachofen est aussi peu "dépassé" qu'un Fustel de Coulanges, un Max Muller ou un Schelling. Par rapport à ces auteurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux qui sont venus après auraient bien besoin de se mettre à la page ; car si leurs lunettes - c-à-d. leurs instruments critiques et analytiques - sont indubitablement plus perfectionnés, intérieu-rement, leur vue semble avoir singulièrement baissé. Quant à leurs recherches, qui sombrent si fréquemment dans une spécialisation opaque et sans âme, elles ne reflètent plus rien du pouvoir de synthèse et de la sûreté d'intuition de certains maîtres de jadis.

Ce qui est particulièrement digne d’intérêt chez Bachofen, c'est avant tout la MÉTHODE. Cette méthode est novatrice, révolutionnaire par rapport à la façon habituelle scolastique et académique, de considérer les anciennes civilisations, leurs cultes et leurs mythes, pour la simple raison qu'elle est "traditionnelle", au sens supérieur de ce terme. Nous voulons dire par là que la manière dont l'homme de toute civilisation traditionnelle, c-à-d. anti-individualiste et antirationaliste, affrontait le monde de la religion, des mythes et des symboles, est, dans ses grandes lignes, identique à celle adoptée par Bachofen pour tenter de découvrir le secret du monde des origines. La prémisse fondamentale de l'œuvre de Bachofen, c'est que le symbole et le mythe sont des témoignages dont toute recherche historique doit tenir sûrement compte. Ce ne sont pas des créations arbitraires, des projections fantaisistes de l'imagination poétique : ce sont, au contraire, des "représentations des expériences d'une race à la lumière de sa religiosité", lesquelles obéissent à une logique et à une loi bien déterminées. Par ailleurs, symboles, traditions et légendes ne doivent pas être considérés et mis en valeur en fonction de leur "historicité", au sens le plus étroit du terme : c'est précisément ici que réside le malentendu qui a empêché l'acquisition de connaissances précieuses. Ce n'est pas leur problématique signification historique, mais leur signification réelle de "faits spirituels" qu'il faut considérer.

À chaque fois que l'événement dûment enregistré et que le document "positif" cessent de nous parler, le mythe, le symbole et la légende s'offrent à nous, prêts à nous faire pénétrer une réalité plus profonde, secrète et essentielle : une réalité dont les traits extérieurs, historiques et tangibles des sociétés, des races et des civilisations passées ne sont qu'une conséquence. Dans cette optique, ceux-ci représentent assez fréquemment les seuls documents positifs que le passé a conservés. Bachofen observe très justement que l'on ne peut jamais se fier aveuglément à l'histoire : un événement peut, certes, laisser des traces, mais sa signification interne se perd, elle est emportée par le courant du temps au point d’être insaisissable et incompréhensible chaque fois que la tradition et le mythe ne l'ont pas fixée.

Dans les développements, les modifications, les oppositions et même les contradictions des divers symboles, mythes et traditions, nous pouvons en effet déceler les forces plus profondes, les "éléments premiers", spirituels et métaphysiques, qui agirent dans le cadre des cycles de civilisation primordiaux et dont ils déterminèrent les bouleversements les plus décisifs. C'est ainsi que s'ouvre devant nous la voie d'une MÉTAPHYSIQUE DE L'HISTOIRE qui, par la suite, n'est autre que l'histoire intégrale, où la dimension la plus importante - la 3ème dimension - est précisément mise en exergue. L'interprétation de l'histoire interne de Rome à laquelle se livre Bachofen, sur la base, justement, des mythes et des légendes de la romanité, est l'un des exemples les plus convaincants de la portée et de la fécondité d'une telle méthode.

En 2nd lieu, l'œuvre de Bachofen revêt une importance toute particulière sur le plan aussi bien d'une "mythologie de la civilisation" que d'une "typologie" et une "science des races de l'esprit". Se fondant sur les diverses formes que revêtirent jadis les rapports entre les sexes, les recherches de Bachofen mettent à jour l'existence de certaines formes, typiques et distinctes, de civilisation qui ramènent à autant d'idées centrales - liées, à leur tour, à des attitudes générales, attestées par autant de conceptions du monde, du destin, de l'au-delà, du droit, de la société. De telles idées ont quasiment valeur d' "archétypes", au sens platonicien : ce sont des forces formatrices riches de rapports analogiques avec les grandes forces des choses. Par la suite, elles se manifestent, chez les individus, sous la forme de divers modes d'être, de divers "styles" de l'âme : dans la façon de sentir, d'agir et de réagir.

C'est à ce type bien particulier de science que Bachofen ouvre la voie. Toutefois, il n'a pas su s'émanciper totalement du préjugé "évolu-tionniste" qui prévalait de son temps. C'est ainsi qu'il a été amené à croire que les diverses formes mises en évidence par lui, dans la direction indiquée plus haut, pouvaient se ranger dans une espèce de succession de stades liée à un "progrès" de la civilisation humaine en général. Si, sur le plan morphologique et typologique, la signification supérieure de ses recherches ne doit pas être remise en cause, une pareille limitation doit, bien entendu, être écartée.

Essentiellement, le monde analysé par Bachofen est celui des antiques civilisations méditerra-néennes. La multiplicité chaotique des cultes, des mythes, des symboles, des formes juridiques, des coutumes, etc., qu'elles nous proposent, se reconstitue dans les ouvrages de Bachofen pour faire finalement apparaître la permanence, sous des formes variées, de 2 idées fondamentales antithétiques : l'idée OLYMPIANO-VIRILE et l'idée TELLURICO-FEMININE. Une telle polarité peut également s'exprimer à travers les oppositions suivantes : civilisation des Héros et civilisation des Mères ; idée solaire et idée chtonico-lunaire ; droit patriarcal et matriarcat ; éthique aristocratique de la différence et promiscuité orgiastico-communautaire ; idéal olympien du "supramonde" et mysticisme panthéiste ; droit positif de l'IMPERIUM et droit naturel.

Bachofen a mis à jour l’ère gynécocratique, c-à-d. l’ère en laquelle le principe féminin est souverain, et à laquelle correspond un stade archaïque de la civilisation méditerranéenne, lié aux populations pélasgiques [= préhelléniques] ainsi qu'à un ensemble d'ethnies du bassin sud-oriental et asiatique de la Méditerranée. Bachofen a très justement relevé qu'aux origines, un ensemble d'éléments, divers mais concordants, renvoie chez ces peuples à l'idée centrale selon laquelle, à la source et à l'apex de toute chose, se tiendrait un principe féminin, une Déesse ou Femme divine incarnant les suprêmes valeurs de l'esprit. En face d'elle, ce n'est pas seulement le principe masculin mais également celui de la personnalité et de la différence qui apparaîtraient secondaires et contingents, soumis à la loi du devenir et de la déchéance - par opposition à l'éternité et à l'immutabilité propres à la Grande Matrice cosmique, à la Mère de la Vie.

Cette Mère est parfois la Terre, parfois la loi naturelle conçue comme un fait auquel les dieux eux-mêmes sont assujettis. Sous d'autres aspects (auxquels nous verrons que correspondent diverses différenciations), celle-ci est aussi bien Déméter, en tant que déesse de l'agriculture et de la terre mise en ordre, qu'Aphrodite-Astarté, en tant que principe d'ex-tases orgiastiques, d'abandons dionysiaques, de dérèglement hétaïrique dont la correspondance analogique est la flore sauvage des marais. Le caractère spécifique de ce cycle de civilisation consiste principalement dans le fait qu'il cantonne au domaine naturaliste et matérialiste tout ce qui est personnalité, virilité, différence : dans le fait, inversement, de mettre sous le signe féminin (féminin au sens le plus large) le domaine spirituel, au point d'en faire souvent, justement, un synonyme de promiscuité panthéiste et l’antithèse de tout ce qui est forme, droit positif, vocation héroïque d'une virilité au sens non matériel.

Extérieurement, l'expression la plus concrète de ce type de civilisation est le matriarcat et, de façon plus générale, la gynécocratie. La gynécocratie, c-à-d. la souveraineté de la femme, reflète la valeur mystique qu'une telle conception du monde lui attribue. Celle-ci peut cependant avoir pour contrepartie (en ses formes les plus basses) l'égalitarisme du droit naturel, l'universalisme et le communisme. Le peu de cas fait de tout ce qui est différencié, l'égalité de tous les individus devant la Matrice cosmique, principe maternel et "tellurique" (de tellus, terre) de la nature dont toute chose et tout être proviennent et en lequel ils se disséminent à nouveau au terme d'une existence éphémère, c'est cela que l'on trouve à la base de la promiscuité communautaire comme de celle, orgiastique, des fêtes lors desquelles on célébrait précisément, jadis, le retour à la Mère et à l'état naturel, et où toutes les distinctions sociales se voyaient temporairement abolies.

Le principe masculin n'a pas d'existence propre, il ne se suffit pas à lui-même. Sur le plan matériel, il n'a de valeur que comme instrument de la génération ; il se soumet au lien de la femme ou bien est tenu dans l'ombre par la luminosité démétrienne de la mère. Sur le plan spirituel, ce n'est qu'à travers une extase dionysiaque, rendue propice par des éléments sensualistes et féminins, qu'il faut recueillir le sens de ce qui est éternel et immuable, qu'il peut pressentir l'immortalité - laquelle n'a cependant rien à voir avec celle, céleste, des Olympiens et des Héros. Et même sur le plan social, l'homme, qui ne connaît rien d'autre que la loi brutale de la force et de la lutte, perçoit à travers la femme l'existence d'un ordre supérieur plus serein et supra-individuel ; il perçoit ce "mystère démétrien" qui, sous une forme ou sous une autre, constitua dans l'Antiquité la base et le soutien de la loi matriarcale et de la gynécocratie.

À ces conceptions s'oppose de façon très nette, dans l'ancien monde méditerranéen, le cycle de la civilisation olympiano-ouranienne. Le centre, ici, n'est plus constitué par les symboles de la Terre ou de la Lune, mais par ceux du Soleil ou des régions célestes ("ouraniens", du mot grec Ouranos) ; par la réalité non pas naturaliste et sensuelle, mais immatérielle ; non par le giron maternel, pas plus que par la virilité phallique qui en est la contrepartie, mais par la virilité ouranienne liée aux symboles du Soleil et de la Lune ; non par le symbolisme de la Nuit et de la Mère, mais par celui du Jour et du Père. Dans une telle civilisation, l'idéal suprême s'incarne précisément dans le monde ouranien, conçu comme celui d'entités lumineuses, immuables, détachées, privées de naissance - par opposition au monde inférieur des êtres qui naissent, deviennent et meurent, au fil d'une existence éphémère car toujours associée à la mort. La religion d'Apollon et de Zeus : tel est le point de référence suprême. C'est la spiritualité olympienne, la virilité immatérielle, le caractère solaire de dieux libérés du lien de la femme et de la mère, dont les attributs sont la paternité et la domination.

Les traces laissées par cette tradition, y compris dans la spéculation grecque, sont connues de tous, ou peu s'en faut : telles qu'elles furent conçues par les philosophes grecs, les notions de noûs et de "sphère intelligible" s'y rattachent directement. Mais Bachofen met en évidence bien d'autres expressions de cette tradition : le patriarcat, notamment en ses formes patriciennes, n'a pas d'autres prémisses. L'impulsion à dépasser la simple virilité "tellurique" (physique et phallique) dans l'optique d'une virilité héroïque ou spirituelle ; l'intégration de tout ce qui est forme et différence, au lieu d'en faire fi ; le mépris de la condition naturaliste ; le dépassement du droit naturel par, un droit positif ; l'idéal d'une formation de soi où l'état de nature, avec sa loi de la Mère et de la Terre, est remplacé par un nouvel ordonnancement, sous le signe du Soleil et des travaux symboliques d'un Héraklès, d'un Persée ou d'autres héros de la Lumière - tout ceci procède d'un type de civilisation identique.

Telle est la conception fondamentale de Bachofen. Et elle fournit la clef d'un type de recherches susceptible d'être étendues à des domaines beaucoup plus vastes que ceux considérés par le penseur bâlois, d'autant plus que, nous y avons fait allusion, Bachofen s'est uniquement servi de tels points de référence pour fixer les grandes lignes des conflits, des bouleversements et des transformations propres à l'histoire secrète de l'antique monde méditerranéen. En Grèce, contrastant avec les formes plus archaïques, aborigènes, liées au culte tellurico-maternel, irradia la lumière de la spiritualité héroïco-olympienne - mais la "civilisation des pères" y connut une brève existence. Minée par des processus d'involution, du fait qu'elle n'avait pas été étayée par une organisation politique solide, elle fut victime de la résurgence de cultes et de forces liés à la période précédente, pélasgico-orientale, qu'elle semblait avoir tout d'abord jugulés. L'idée qui la sous-tendait parvint à se transmettre à Rome où elle connut un développement beaucoup plus prometteur, si l'on se réfère à l'histoire, jusqu'à Auguste. A l'époque d'Auguste, Rome sembla, en effet, sur le point d'instaurer une nouvelle ère universelle qui conduirait à son terme cette mission - selon Bachofen, spécifiquement occidentale - pour laquelle la civilisation de l'Apollon delphique s'était montrée insuffisamment qualifiée.

Tels étant les principaux traits de la métaphysique de Bachofen quant à l'histoire méditerranéenne ancienne, il serait opportun de faire maintenant allusion aux autres possibilités qu'elle offre - une fois dépassé le cadre général "évolutionniste" dont nous parlions plus haut.

Des constatations de Bachofen, il ressort que s'est développée, par opposition aux fondements d'un monde plus archaïque imprégné d'une "civilisation de la Mère", une civilisation virile et paternelle qui la supplanta et la vainquit - même si, dans un 2ème temps et dans certaines régions, elle subit à nouveau des bouleversements au terme d'un cycle donné de civilisation. Tout ceci fut analysé par Bachofen par référence à une espèce de développement automatique advenu au sein d'une même famille ethnique. Il ramène donc essentiellement l'opposition entre ces 2 civilisations à celle existant entre 2 phases progressives et évolutives d'un processus unique - sans se demander COMMENT l'une avait pu procéder de l'autre.

Il convient, au contraire, de se poser cette question en faisant appel, pour y répondre, à l'ethnologie. Il ressort d'un ensemble de recherches ultérieures dans d'autres domaines, avec une marge de crédibilité suffisante, l'idée selon laquelle la civilisation méditerranéenne la plus archaïque, préhellénique, caractérisée par le culte de la Femme, du matriarcat, de la gynécocratie sociale ou spirituelle, serait liée à des influences pré-aryennes ou non aryennes - alors que la vision opposée du monde héroïque, solaire et olympien aurait une origine proprement aryenne. Au reste, ceci avait même été pressenti par Bachofen lorsqu'il mit en relation la 1ère civilisation avec les populations pélasgiques et qu'il observa que le culte le plus caractéristique du cycle héroïco-solaire, celui de l'Apollon de Delphes, avait des origines "hyperboréennes et thraces" - ce qui revient à dire nordico-aryennes. Ses préjugés évolu-tionnistes l'ont toutefois empêché d'approfondir ces données. Alors qu'il a accompli une œuvre géniale en ramenant les vestiges de la civilisation gynécocratique, parvenus jusqu'à nous, à l'unité archaïque à laquelle ils appartenaient, il a négligé de procéder de façon analogue en ce qui concerne les éléments solaires et olympiens qui avaient affleuré et s'étaient affirmés dans l'ancien monde méditerranéen. Ceci l'aurait amené à constater l'existence d'une civilisation olympienne et paternelle tout aussi archaïque, mais d'origine ethnique différente. Dans le bassin méditerranéen, les formes les plus pures de cette civilisation sont, par rapport à l'autre, plus récentes : mais "plus récentes" au sens relatif, du fait qu'elles apparurent seulement à un moment donné - et non pas au sens absolu, c'est-à-dire au sens qu'auparavant elles n'existèrent ou n'apparurent nulle part, sinon comme les ultérieurs "stades évolutifs" d'un même groupe ethnique. Le contraire pourrait être tout aussi vrai, à savoir que de nombreuses formes, rattachées par Bachofen au cycle de la Mère (à ses aspects supérieurs : lunaires et démétriens), pourraient être considérées, plutôt que réellement propres à une telle civilisation, comme les formes involutives de certains rameaux de la traditon solaire (ce qui correspondrait, entre autres, aux enseignements concernant les "quatre âges" que nous a transmis Hésiode), ou encore comme le produit d'interférences entre elle et la Tradition opposée.

Mais nous ne pouvons nous attarder davantage sur cette question dans la mesure où elle sort du cadre des recherches proprement dites de Bachofen et où, d'autre part, nous l'avons déjà traitée dans d'autres ouvrages (1). Quoiqu'il en soit, le travail effectué par Bachofen se révélera extrêmement utile, à titre préparatoire, pour celui qui souhaiterait, sur la base des traces constituées par les symboles, les rites, les institutions, les coutumes et les formes juridiques dérivant respectivement de la civilisation de la Mère et de la civilisation héroïco-solaire, identifier les influences spirituelles et les "races de l'es prit" antithétiques qui agirent dans l'ancien monde méditerranéen, l'Hellade et Rome comprises. Du fait des nouveaux matériaux recueillis entre-temps, une telle recherche pourrait obtenir des résultats absolument passionnants. En outre, il serait toujours possible de l'entreprendre, en partant des mêmes prémisses, vis-à-vis d'autres civilisations, européennes ou non européennes.

En ce qui concerne l'utilisation des conceptions de Bachofen sur le plan proprement morphologique et typologique, il conviendrait de noter que cet auteur ne s'est pas contenté de considérer les 2 seuls termes de l’antithèse - c-à-d. solaire et tellurique, principe viril ouranien-paternel et principe tellurico-maternel ; il s'est également penché sur des formes intermédiaires auxquelles correspondent les termes de démétrien (ou lunaire), d’amazonien, d'héroïque et de dionysien. Nous disposons donc, en tout, de 6 points de référence en fonction desquels on pourrait définir non seulement des types de civilisation, mais également des modes d'être spécifiques - au point de pouvoir parler d'un type d'homme solaire, lunaire, tellurique, amazonien, héroïque ou dionysien. Nous-mêmes, notamment dans l'ouvrage évoqué plus haut, nous avons cherché à développer, sur ces bases, une typologie particulière. Une fois encore, il s'agit là d'un nouveau domaine des sciences de l'esprit aux explorations desquels les conceptions de Bachofen peuvent fournir des points de référence précieux.

Enfin, il convient d'ajouter que ce type de recherches n'a pas seulement un intérêt rétrospectif dans le cadre de l'élaboration d'une histoire secrète du monde antique : il pourrait également s'avérer très utile à tous ceux qui s'efforcent de découvrir le véritable visage de l'époque que nous vivons et de formuler à la fois un diagnostic et un pronostic sur la civilisation occidentale dans son ensemble. Ici et là, dans ses ouvrages, Bachofen a pressenti l'existence de lois cycliques sous le poids desquelles, au terme d'un développement donné, certaines formes involutives et dégénérescentes représentent quasiment un retour de stades positifs jadis laissés derrière lui par le processus de développement général. Or, plus d'un auteur a relevé, dans le sillage de Bachofen, combien la civilisation occidentale contemporaine présente et reproduit de façon inquiétante les traits distinctifs d'une époque de la Mère, d'une époque tellurique et aphrodisienne, avec toutes les conséquences que cela implique.

Voici, par ex., ce qu'écrit Alfred Baümler dans l'introduction déjà citée à des morceaux choisis de Bachofen : "Un seul regard jeté, dans les rues de Berlin, Paris ou Londres, sur le visage d'un homme ou d'une femme moderne, suffit à se convaincre qu'aujourd'hui le culte d'Aphrodite est celui devant lequel Zeus ou Apollon doit laisser la place (...). C'est un fait patent que le monde contemporain présente tous les traits d'une époque gynécocratique. Au cœur d'une civilisation épuisée et décadente surgissent de nouveaux temples d'Isis et d'Astarté, de ces divinités maternelles asiatiques que l'on servait par l'orgie et le dérèglement, avec le sentiment d'un abandon sans espoir dans la jouissance. Le type de la femme fascinante est l'idole de notre temps et, les lèvres fardées, elle hante les villes d'Europe comme jadis Babylone. Et comme si elle voulait confirmer la profonde intuition de Bachofen, la dominatrice moderne de l'homme, ne cachant rien de ses charmes, porte dans ses bras un chien, symbole de la promiscuité sexuelle sans limites et des forces d'en-bas". Mais ce type d'analogie pourrait donner lieu à de bien plus vastes développements.

L'époque moderne est "tellurique" non seulement en ses aspects mécanicistes et matérialistes, mais encore, essentiellement, en, ses divers aspects activistes, dans son fatras de religions de la Vie, de l'Irrationnel et du Devenir - exactes antithèses de toute conception classique ou "olympienne" du monde. Un Keyserling, par ex., a cru pouvoir parler du caractère "tellurique" - c-à-d. irrationaliste, lié essentiellement à des formes de courage, de sacrifice, d'élan et de don de soi privées de toute référence vraiment transcendante - présenté par ce moderne mouvement de masse que l'on a appelé, de façon générale, le "révolution mondiale". Avec la démocratie, 1e marxisme et le communisme, l'Occident a fini par exhumer, sous des formes sécularisées et matérialisées, l'antique droit naturel, la loi égalitariste et anti-aristocratique de la Mère chthonienne qui stigmatise l’ "injustice" de toute différence : et le pouvoir si souvent accordé, sur cette base, à l'élément collectiviste semble proprement remettre en honneur l'ancien discrédit de l'individu propre à la conception tellurique.

Avec le romantisme moderne, voici que renaît Dionysos : il a la même passion pour l'informe, le confus, l'illimité ; on y trouve la même confusion entre sensation et esprit, la même opposition à l'idéal viril et apollinien de la clarté, de la forme de la limite. Nietzsche lui-même, grand admirateur de Dionysos, est une preuve vivante et tragique de l'incompréhension moderne pour un tel idéal et l'aspect tellurique de nombre de ses conceptions le montre bien. Par ailleurs, après avoir lu Bachofen, il n'est pas difficile de constater le caractère lunaire propre au type le plus répandu de la culture moderne : à savoir la culture basée sur un blafard et vide intellectualisme, la culture stérile, coupée de la vie, s'épuisant dans la critique, la spéculation abstraite et la vaine créativité esthétisante - culture qui, ici encore, est à mettre en relation étroite avec une civilisation qui a porté le raffinement de la vie matérielle à des formes extrêmes (selon la terminologie proprement bachofenienne, on dirait aphrodisiennes) et où la femme et la sensualité deviennent souvent des thèmes prédominants - au point de devenir quasiment pathologiques et obsessionnels.

Et là où la femme ne devient pas la nouvelle idole des masses sous 1a forme moderne, non plus des déesses mais des "divas" cinématographiques et autres apparitions aphrodisiennes envoûtantes, elle affirme fréquemment sa primauté sous de nouvelles formes amazoniennes. C'est ainsi qu'apparaît la femme moderne, masculinisée, sportive et garçonne - la femme qui se consacre exclusivement à l'épanouissement de son corps (trahissant ainsi la mission qui l'attend normalement dans une civilisation de type viril), qui s'émancipe, qui se rend indispensable et va jusqu'à faire irruption dans l’arène politique. Mais, cela non plus ne lui suffit pas.

Dans les sociétés anglo-saxonnes et surtout en Amérique, l'homme qui épuise sa vie et son temps dans l'abrutissement des affaires et la poursuite des richesses - richesses qui servent, pour une bonne part, à payer le luxe, les caprices, les vices et les "raffinements" féminins -, un tel homme, qui s'intéresse tout au plus au sport, a volontiers laissé à la femme le privilège, sinon le monopole, de s'occuper des "choses spirituelles". C'est pourquoi l'on voit surtout pulluler, dans ce type de société, les sectes "spiritualistes", spirites et occultistes où le fait que prédomine l'élément féminin est déjà en soi significatif (ce sont, par ex., 2 femmes, Madame Blavatsky et Madame Besant, qui ont fondé et dirigé ce qui prit le nom de Société Théosophique). Mais c'est pour bien d'autres raisons que cette simple circonstance que le néo-spiritualisme nous apparaît comme une espèce de réincarnation des vieux Mystères féminins : l'informe évasion de l'âme dans de nébuleuses expériences suprasensibles, la confusion entre médiumnité et spiritualité, l'évocation inconsciente d'influences réellement "infernales" et l'importance accordée à des doctrines telles que la réincarnation tendent à confirmer, dans ces courants pseudo-spiritualistes, la correspondance déjà évoquée et à démontrer que, dans ces aspirations déviées de dépasser le "matérialisme", le monde moderne n'a rien su trouver qui le remette en contact avec des traditions supérieures de caractère olympien et "solaire" (2).

Quant à la psychanalyse, avec la prééminence qu’elle accorde à l’inconscient par rapport au conscient, au côté "nocturne", souterrain, atavique, instinctif et sexuel de l’être humain par rapport à l'existence de veille, à la volonté, à la véritable personnalité, elle semble se référer proprement à la vieille doctrine de la Nuit sur le Jour, de l'obscurité des Mères sur les formes, supposées caduques et sans intérêt, qui émanent d'elle.

On doit reconnaître que de telles analogies ne sont ni extravagantes ni le fait de dilettantes ; elles ont une base considérable et sérieuse qui leur donne un caractère inquiétant, dans la mesure où, selon nous, la réapparition d'une ère gynécocratique ne peut signifier que la fin d'un cycle et l'écroulement des civilisations fondées sur une race d'ordre supérieur. Mais, nombre de conceptions de Bachofen, au même titre qu'elles nous permettent de mettre en évidence ces symptômes de décadence, nous indiquent également des points de référence en vue d'une réaction et d'une restauration éventuelles. Ils ne peuvent être constitués que par les valeurs "olympiennes" d'une nouvelle civilisation, anti-gynécocratique et virile. Tel est, pour Bachofen lui-même, le "mythe de l'Occident" - c'est-à-dire l'idée formatrice, l'idéal qui définirait ce qu'il y a de plus spécifiquement "occidental" dans l'histoire de la civilisation.

Pour Bachofen, nous l'avons vu, c'est Rome qui, au terme de la tentative de l'Hellade apollinienne, aurait assumé un tel idéal, aurait affirmé une "société du père" sur des bases universelles, au long d'une lutte tragique contre des forces qui, peu à peu, devaient à nouveau réaffleurer, puis se réaffirmer, dans tel ou tel domaine de la vie et de la société romaines. Celui qui est capable de pressentir la profonde vérité de cette vue de Bachofen voit s'ouvrir à lui un champ de recherches aussi vaste que passionnant : celui du repérage et de la découverte d'une romanité olympiano-paternelle, au sens supérieur. Cependant, après le massacre qu'une insipide et prétentieuse rhétorique a fait du nom de Rome, après ce qu'une érudition et ce qu'une historiographie académiques, plates et sans âme ont accompli pour nous faire ignorer tout ce que la romanité des origines possédait de lumineux, d'éternel et qui constituait sa véritable mission, comment mettre sérieusement en évidence l'importance qu'aurait, selon nous, une telle recherche et celle que revêt, dans cette optique, l'œuvre même de Bachofen de façon générale ?

Mais ce qui, pour un ensemble de facteurs en partie contingents, n'est peut-être pas possible aujourd'hui, il peut se faire que cela le soit demain, à une époque moins troublée. Avoir bien mis en évidence la dignité de la société virile et olympienne, c'est là l'un des plus grands mérites de l'œuvre de Bachofen - utile correctif à tant de déviations idéologiques et de vocations faussées propres aux temps modernes.

  1. Essentiellement dans Révolte contre le monde moderne

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dimanche, 11 mai 2008

Gilbert Durand sur la chasse

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Entretien avec Gilbert Durand sur la chasse

 

propos recueillis par Xavier Cheneseau

Gilbert Durand est un des grands intellectuels français de ce siècle. Il est l’un des fondateurs -en compagnie de Paul Deschamps et de Léon Cellier- du Centre de recherche sur l’imaginaire. Intellectuel de renommée mondiale, Gilbert Durand a été Membre du Comité national du CNRS et pendant 20 ans des Commissions nationales de recrutement de l’Enseignement supérieur. Commandeur des Palmes académiques, ses travaux sur les symboles, le mythe et l’imaginaire sont traduits en plus de dix langues. Ce grand penseur de cette fin de siècle a aussi un grand résistant et il a même été comme “ Justes parmi les nations. Gilbert Durand est notamment l’auteur de Les structures anthropologiques de l’imaginaire (1992), Dunod ; Les grands textes de la sociologie moderne (1969), Bordas ; L’imaginaire symbolique (1984), PUF ; Science de l’Homme et Tradition (1974), Dunod ; L’âme tigrée, les plurielles de Psyché (1981, Denoël ; La foi du cordonnier (1984), Denoël ; L’imaginaire, essai sur les sciences et la philosophie de l’image (1994), Hatier ; Introduction à la mythodologie. Mythe et Société (1995), Albin Michel…

1-    Pourquoi chassez-vous ? 

J’ai chassé jusqu’en 1995, date à laquelle j’ai “ raccroché le fusil ” devant l’invasion cynégétique du sanglier et de sachasse. Le “ pourquoi chasser ? ” est complexe : amour du plein air automnal en Savoie/Ain, affection pour mes chiens successifs, surprises délicieuses devant le lièvre qui déboîte ou la bécasse qui froufroute… Je partage peu les plaisirs collectifs de la battue cochonnière. J’aime la traque solitaire derrière le chien. La chasse est pour moi cure d’animalité solitaire !

 

2-    Quel est votre rapport avec la nature, et quelles sont les sensations spécifiques que vous procure la chasse ?

 

J’ai toujours été un “ rural ” mal à l’aise dans les villes bien que j’ai été “ visiting professor ” en d’inhumaines mégapoles comme Sao Paulo ou Tokyo. À mon âge, je cultive encore mon potager. Certes, il y a des “ sensations spécifiques ” de la chasse, surtout au chien d’arrêt. Sensation de vigilance attentive, sensations des pisteurs et des aléas de la piste, satisfaction devant le travail du chien, bien être du casse-croûte en plein air par un radieux midi de septembre savoisien…

 

3 - Selon vous, où se trouve le juste milieu entre les propos et attitudes des “extrême chasse” et les propos et attitudes des anti-chasse ?

 

Il me semble facile de trouver un “ juste milieu ” entre la “ viandardise ” et les niaiseries anti-chasse ! Vrais chasseurs et amoureux sincères de la campagne sont tributaires d’une même éthique : la protection du milieu naturel, son entretien et sa gestion. Je milite avec mes amis d’Action paysage contre la pollution publicitaire ! Le concept de “ plein air ” me semble un dogme fondamental pour tous ceux qui rencontrent l’enfermement citadin !

 

4 - Comprenez-vous comment nous en sommes arrivés au climat défavorable ambiant qui plane sur la chasse ?

 

Comme en beaucoup de choses ce sont des “ médias ” mal informés, incultes, qui ont dégradé le climat ! Les mensonges médiatiques, en matière de chasse, comme dans maints domaines (déforestation amazonienne, “ trou ” polaire de la couche d’ozone, holocauste du bétail atteint de fièvre aphteuse ” etc…etc !) ont perverti les réels problèmes. Les médias ”, surtout les plus rapides, et audiovisuels, purs produits urbains, sont loin du journal agricole qui prend son temps pour réfléchir !

 

5 - Comprenez-vous que ce climat fasse qu’un certain nombre de chasseurs en arrivent à êtres gênés d’avouer leurs pratiques ?

 

Oui, bien sûr ! La chasse, comme toute activité humaine exige une mise en ordre disciplinaire, un agencement quasi rituel des gestes et des comportements. Or, trop de “ porte-fusils ” manquent totalement d’éducation, y compris cynégétique !

 

6 - Pourtant, depuis toujours, l’homme a eu besoin de chasser pour se nourrir…

 

Incontestablement. Outre que tout rassemblement humain crée du social (certains disent du sociétal) la société des chasseurs dessine des hiérarchies ( ” rangs d’âge ”, habilité des tireurs, “ flair ” des pisteurs, etc…) ce qui est la marque de toute société humaine ou animale !

 

7 – Par là même, vous reconnaissez-vous un rôle social à la chasse ?  Ne pensez-vous pas qu’à l’instar du service national, la pratique de la chasse participe à un “brassage” important du Peuple Français ?

 

Bien sûr ! Je suis de ceux qui déplorent la catastrophe de la suppression de tout “ service national ” (pas forcément “ militaire ” effectuant le brassage fécond des populations et des stratifications sociales. Comme je viens de le souligner la société cynégétique, par son ample éventail d’âges, par son égalisation fonctionnelle (ce n’est pas le plus riche qui tire le mieux, et un bon bâtard vaut mieux qu’une pure race !) est bien ressentie par tout sociétaire comme un lieu –et même un centre- important de cohésion social…

 

8-- Si je vous dis que la chasse fait partie intégrante de notre culture, vous êtes d’accord avec cette affirmation ?

 

Oui, certes, la chasse est une culture, avec son langage, son vocabulaire, ses rites et ses coutumes. Toutefois l’urbanisation intensive de nos populations européennes contraint la chasse à n’être qu’une “ réaction rurale ” d’où le refuge urbain –et trompeur-- des écologismes. La chasse disparaît bien lorsque disparaît la campagne !

 

9--  Êtes vous d’accord avec moi si je vous dis que l’écologisme prospère faute d’une offre idéologique concurrente qui pour s’élaborer, ne saurait se limiter à “une réaction rurale” dont la base sociologique est en voie d’extinction et qui ne porte aucun projet même si elle ébauche une sensibilité. ?

 

L’écologisme est un palliatif urbain et très fantasmatique à l’extinction d’une population rurale qui vivait dans et par, pour et contre la nature.

 

10-- Vous sentez-vous écologiste ?

 

Bien sûr ! Toutefois il faut bien préciser : être “ écologiste ” c’est-à-dire protéger, conserver, gérer l’environnement naturel de l’espèce humaine n’est pas du tout pratiqué le culte idolâtrique d’une nature qui existerait en soi et pour soi ! Je ne suis pas de ceux qui ici, lors des aménagements hydroélectriques du Haut Rhône par la C.N.R. ont exigé, et obtenu, de cette dernière qu’elle repeigne en vert les lignes bétonnées du nouveau lit du Rhône, dans l’ignorance totale de ce que le ciment prend une “ patine ” rocheuse au bout de 3 à 4 années !

 

11-- Selon-vous, quelle évolution pourrait connaître la chasse française et européenne dans les années à venir ?

 

L’évolution de la chasse, spécialement en France, doit suivre pas à pas les contraintes nouvelles, hélas, qu’imposent les aménagements, trop souvent incontrôlés et anarchiques, de l’environnement… Bétonnages, goudronnages, rectifications des voies de communication qui s’accroissent avec la vitesse de liaison. À la raréfaction des sites naturels, donc cynégétiques, doit correspondre une réglementation de plus en plus contraignante et surtout, surtout, de plus en plus sectorielle et localisée.

Chaque espace naturel et aménagé dicte des exigences propres. Il est totalement absurde de vouloir légiférer pour de trop vastes surfaces européennes… Encore plus absurde de vouloir délimiter politiquement et bureautiquement des sites qui ne se définissent que par leur contenu naturel : écologique, climatique, botanique, etc… C’est par “ massifs ” qualitatifs, régions typiques, habitat botanique et zoologique, que doivent se définir les “ lieux ” européens de la chasse, non par länder, départements, provinces bureaucratiquement administratives. Les fonctions de la nature ne sont pas passibles de l’autorité d’un préfet ou d’un maire !

 

12-- Pour vous, la chasse est donc avant tout un art de vivre…

 

C’est certain ! Or mieux : la chasse entre dans un art de vivre qui dépasse de beaucoup la pire ressource alimentaire et même cynégétique. Elle entre dans une harmonie d’activités humaines variées et même contrastées : labeurs agricoles, jardinage, loisirs et plein air, sports, gastronomie, élevage, etc…

 

13-- La chasse fait donc partie de nos traditions…

 

Incontestablement . Malgré l’industrialisation de l ‘élevage, la chasse persiste en Europe et au Canada, qui ont éradiqué depuis deux siècles disettes et famines…

 

14-- Pour vous, la nature est-elle source d’inspiration ?

 

La “ nature ” a toujours été, pour l’activité humaine, paradigme d’inspiration. Déjà nos ancêtres de Lascaux ou de Cro-Magnon ne se contentaient pas de tuer et manger bisons et aurochs : ils les dessinaient, les peignaient, et probablement les chantaient…

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       1515-- En quoi, selon vous la tradition peut-elle être une nostalgie de l’avenir ?

 

Toute “ tradition ” est commémoration : elle assure, et rassure, que l’avenir aura la sécurité et les stabilités d’hier…

 

16-- Que pensez-vous de l’expression politique qui s’exprime dans le vote CPNT ?

 

La philosophie des “ votations ” CPNT, C et P sont légitimement du côté prédateur de l’animal humain, N et T du côté conservateur. La philosophie de CPNT exige que prédation et conservation soient solidaires sous peine de s’anéantir l’une et l’autre.

 

17-- Quel est votre rapport à l’arme ?

 

Il est bien banal ! Pas plus que je n’ai jamais eu le culte –qui se respecte-- de la “ bagnole ”, je n’ai le culte du beau fusil. Certes, ayant déjà chassé avec des armes haut de gamme (Purden, Holland/Holland…) j’en ai apprécié les commodités, en particulier celle du système “ à platine ”. Mais une commodité presque semblable à la promptitude qu’accorde la platine, je le retrouve dans la grande légèreté du populaire Baby-Bretton.

 

Certes, moi chasseur de “ plume ” et au chien d’arrêt, j’ai quelquefois tué de grosses bêtes : 6 ou 7 sangliers ! 3 ou 4 chevreuils, mais par pure solidarité et civilité pour mon groupe de “ copains ” chasseurs.

 

18 Que répondez-vous à ceux qui affirment que ce plaisir est malsain ?

 

Je vous renvoie la question : Qu’est-ce donc qu’un “ plaisir malsain ” ? Je pense que c’est celui qui peut nuire à autrui… Le gibier, on le sait est “ res nullius ”, il n’appartient à personne. Alors, comment sa mort, par acte de chasse autorisé, sur un terrain privé (c’est -à-dire où est lié le droit de chasser…) pourrait nuire à quelqu’un ? La malséance n’apparaît que si la chasse s’érige en “ solution finale ” destructive tendant à anéantir une population, alors il y a privation de tout “ fruit ” pour autrui, même celui si modeste de contempler l’animal sauvage… Or tout chasseur qui respecte son action cynégétique et son droit se charge au contraire de protéger (j’ai jadis fait interdire totalement le tir de la gelinotte sur notre territoire…) faire croître, multiplier un gibier qu’il prélève de façon précautionneuse.

 

J’ai connu peu de chasseurs qui jouissent du seul meurtre de l’animal. La plupart du temps la joie du “ déduit de chasse ” vient soit de l’habileté satisfaite d’un tir, du pistage et de ses aléas bien accomplis, du travail des chiens récompensant un bon dressage, de la poétique des guérets, de la forêt, du marais, de l’étang à l’automne. Ce n’est jamais le tué qui prime, mais bien le pister, l’arrêter, le lever, le tirer…

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vendredi, 25 avril 2008

Il simbolo in Mircea Eliade

Il simbolo in Mircea Eliade

3.gifTratto, per gentile concessione dell’Autore, dal sito www.gianfrancobertagni.it; precedentemente pubblicato in ArKete 3 (1/1999).

Una delle principali scoperte che Mircea Eliade fa nel suo periodo indiano è l’importanza del simbolo. L’articolo presenta la teoria eliadiana del simbolo, elemento mediano tra il sacro e l’uomo. Particolare rilevanza riveste il ’sistema simbolico’ all’interno del quale ogni simbolo agisce e senza il quale questo perde il suo più profondo significato; e ancora l’«evoluzionismo simbolico» che sembra a volte presentarsi nell’opera eliadiana.

Da sottolineare inoltre l’operatività nascosta del simbolo, agente nella totalità della struttura psichica dell’uomo, e quindi non solo nella parte cosciente. Solo grazie al simbolo e al simbolismo all’uomo è permessa un’esperienza religiosa totale, nella quale il sacro sia «ovunque e in nessun luogo». Dopo il conseguimento della laurea in filosofia, il giovane Mircea Eliade il 20 novembre del 1928 parte per l’India. Vi permarrà per tre anni, e grazie al patrocinio del maharaja Manindra Chandra Nandy di Kassimbazar, potrà godere di una borsa di studio che gli permetterà di penetrare i segreti della lingua sanscrita e della filosofia indiana, sotto l’ammaestramento del professor Surendranath Dasgupta.

Cinquant’anni dopo, Eliade, in un’intervista con Claude-Henri Rocquet, ricordò l’importanza della sua esperienza indiana, nella quale venne a contatto con tre aspetti della spiritualità che saranno tra gli assunti metodologici del futuro storico delle religioni romeno. Egli scoprì quel tentativo tipico della religiosità indiana che consiste nel trasfigurare la vita dell’uomo in un’esperienza sacramantale. Per Eliade, del resto, l’esperienza religiosa tende alla santificazione dell’intera realtà; soprattutto l’uomo appartenente alle società arcaiche riusciva - secondo lo studioso romeno - a realizzare in qualsiasi ambito della sua vita (personale e sociale) una coesistenza tra il suo essere e la sfera del sacro, che lo proiettava in una situazione in cui realtà metafisica e libertà sono un tutt’uno: gli “atti elementari diventano, per il «primitivo», un rito; la sua mediazione aiuta l’uomo ad avvicinare la realtà, a inserirsi nell’ontico, liberandosi dagli automatismi (privi di contenuto e di significato) del divenire, del «profano», del nulla”[1].

Questo tipo di uomo era tale nella misura in cui non era naturale, inserito invece nella pienezza della realtà, realtà che per Eliade significa sacro, ontico. Inoltre, nella tipica contrapposizione eliadiana tra sacro e storia, se quest’ultima “è sempre una caduta del sacro, […] [esso] non cessa di manifestarsi, e in ogni sua nuova manifestazione riafferma la sua originaria tendenza a rivelarsi totalmente e perfettamente”[2]. Quindi il sacro si manifesta, ma soprattutto, continua a manifestarsi nelle più diverse forme, in forza della sua inesauribilità; ogni teofania, ogni cratofania, ogni ierofania indica il sacro, ma nello stesso tempo lo limita, indica cioè che quello che essa mostra non è il sacro originario. Appunto per questo, secondo Eliade, ogni esperienza religiosa tende, per sua natura, alla mistica, cioè ad un’esperienza spirituale totale e totalizzante: “Un’esperienza religiosa totale […], se riesce, porta all’esperienza mistica assoluta, che scopre e identifica il sacro dovunque e in nessun luogo nell’Universo”[3].

Eliade scopre, nella sua permanenza in India, anche l’importanza dell’uomo neolitico nelle successive fasi culturali dell’umanità. Quegli archetipi antichissimi, originari delle spiritualità arcaiche dei popoli, tornano con nuovi nomi anche nelle tradizioni religiose ad esse posteriori. Una volta conosciuto il mondo degli archetipi, l’uomo non potrà mai liberarsene; egli potrà viverlo ritualmente attraverso la riattualizzazione dei miti e la trasfigurazione del tempo profano in tempo sacro, potrà esserne contemporaneo grazie alla ripetizione dei gesti degli esseri soprannaturali per dare valore alle sue attività quotidiane, come potrà ritrovarli inconsciamente nella nostra epoca secolarizzata grazie ai sogni, alle opere artistiche o in quelle situazioni oggi desacralizzate ma originariamente religiose; in ogni caso, le intuizioni del mondo arcaico sopravvivono in ogni epoca: “L’uomo potrebbe sfuggire da ogni cosa, meno che dalle sue intuizioni archetipiche, create nel momento in cui ha preso coscienza della sua posizione nel Cosmo. […] La spiritualità arcaica, così come l’abbiamo decifrata, assetata di ontico, continua fino ai giorni nostri”[4].

Ma Eliade in India fa anche una scoperta che non meno di queste sarà fondamentale all’interno della sua teoria morfologica delle religioni. Eliade scopre il significato del simbolo. Nella sua intervista a Rocquet racconta come in Romania, prima della sua esperienza indiana, non si sentisse affatto attratto dalla vita religiosa, come interpretasse le icone che riempivano le chiese di Bucarest quasi alla stregua di idoli: “Ebbene, in India mi è capitato di vivere in un villaggio di Bengala e ho visto delle donne e delle ragazze che accarezzavano e decoravano un lingam, un simbolo fallico”. E capì allora il senso del simbolo, in quel caso del lingam. Quest’ultimo voleva dire molte cose: l’origine della vita, della creatività, della fertilità cosmiche; si trattava dell’epifania di Siva. “Allora questa possibilità di provare un’emozione religiosa in virtù dell’immagine e del simbolo, mi ha rivelato tutto un mondo di valori spirituali”.

E allora anche davanti ad un’icona il credente non vedrà semplicemente l’immagine di una donna con un bambino, ma vivrà l’esperienza del mistero della madre di Dio, della santa Sophia. “Immaginate l’importanza di questa scoperta, dell’importanza del simbolismo religioso nelle culture tradizionali nella mia formazione”[5]. Il lingam non è un feticcio: esso non viene venerato in se stesso, e questa è una caratteristica della ierofania. L’oggetto ierofanico mostra qualcosa di altro, trascende la sua materialità e oggettività, in quanto investito di una potenza che lo trasfigura; in forza di ciò non si può parlare di idolatria: “Mai un albero fu adorato unicamente per se stesso, sempre per quel che si «rivelava» per suo mezzo”[6]; e neppure si può parlare di panteismo: “Un solo oggetto (o simbolo) indica la presenza della Natura. Non si tratta dunque di un sentimento panteistico, simpatia o adorazione della natura, ma di un sentimento provocato dalla presenza del simbolo (ramo, albero, ecc.) e stimolato dall’attuazione del rito (processioni, lotte, gare, ecc.)”[7].

“Sovente, degli esseri, degli oggetti, delle azioni sono «potenti», hanno del mana, perché traggono la loro «potenza» da un principio che la precede e in un certo senso la fonda: un simbolo (un Essere supremo, un avvenimento mitico, ecc.)”[8]. E ancora: “L’efficacia delle pietre non è mai insita in loro; partecipano a un principio o incarnano un simbolo, esprimono una «simpatia» cosmica o traducono un’origine celeste. Queste pietre sono segni di una realtà spirituale diversa, o strumenti di una forza alla quale servono soltanto di ricettacolo”[9]. In queste ultime due citazioni abbiamo a che fare con un concetto di simbolo che si discosta in parte, come vedremo, da quello che comunemente utilizza Eliade, ma entrambe indicano quella peculiarità della ierofania che fa di essa ciò che è grazie ad una realtà che trascende quella in cui si viene a trovare l’oggetto investito di sacralità. E questa è la caratteristica principale del simbolo: “I simboli possono rivelare una modalità del reale o una struttura del mondo che non sono evidenti sul piano dell’esperienza immediata. […] I simboli religiosi […] svelano il lato miracoloso, inesplicabile della Vita e ad un tempo la dimensione sacramentale dell’esistenza umana”[10].

Per la mentalità arcaica, il mondo è un organismo nel quale tutto è collegato. Ogni segno ne richiama altri, e così i diversi piani della realtà comunicano tra loro. Se un solo oggetto indica la natura intera, ciò è dovuto alle caratteristiche del simbolo: “Se il Tutto esiste nell’interno di ciascun frammento significativo, questo […] avviene […] perché ogni frammento significativo ripete il Tutto”[11]. È allora possibile passare dal piano isolato del simbolo a quello del simbolismo; ed è proprio ciascuno dei suoi elementi che lo riassume e lo evoca interamente; non si può parlare di simbolo che sia isolato: “Non esiste simbolo, emblema o efficienza che sia monovalente o singolarizzato. Tutto è collegato, ogni cosa è legata alle altre, formando un insieme di struttura cosmica”[12]. Se ogni simbolo richiama un simbolismo, allora quest’ultimo può essere studiato solo attraverso un esame di tutti i simboli che ne costituiscono la trama: “Ogni simbolismo «fa sistema» e si può realmente comprenderlo soltanto nella misura in cui lo si considera nella totalità delle sue applicazioni particolari”[13]. Il motivo per cui il simbolismo non è solo un insieme, ma è un ’sistema’ è dato dal fatto che esso, come un organismo vivo, “permette la circolazione, il passaggio, da un livello all’altro, da un modo all’altro, integrando tutti questi livelli e piani, ma senza confonderli. La tendenza a coincidere col Tutto dev’essere intesa come tendenza a integrare il «tutto» in un sistema”[14].

Il simbolo non solo richiama una modalità trascendente quella profana, ma fa sì che anche la realtà quotidiana venga trasfigurata: “La multivalenza simbolica di un emblema o di una parola appartenente alle lingue arcaiche ci obbliga continuamente a notare che, per la coscienza che le formò, il mondo si rivelava come un tutto organico”[15]. La peculiarità di questo tipo di realtà, nella quale viene compresa e vissuta la forza del simbolo, è che i piani interferiscono tra loro; ad esempio: “La fecondità della donna influisce sulla fecondità dei campi, ma l’abbondanza della vegetazione, a sua volta, aiuta la donna a concepire”[16].

L’esempio classico, su cui Eliade torna più volte, è la luna: “La grande importanza della luna nelle mitologie arcaiche, e soprattutto l’integrazione in un unico ’sistema’, da parte del simbolismo lunare, di realtà diverse tra loro come la donna, le acque, la vegetazione, il serpente, la fertilità, la morte, la ‘ri-nascita’, ecc.”[17]. Ma qui è da sottolineare quanto non sia un semplice fatto naturale a connettere diverse realtà tra loro, ma un simbolismo, che forma quella rete di collegamenti, grazie alla quale si può parlare giustamente di ’sistema’. È il simbolismo, e non la luna, che fonda la possibilità, ad esempio, di legare la donna alla terra: “Un complesso simbolismo, dalla struttura antropocosmica, associa la donna e la sessualità ai ritmi lunari, alla Terra (assimilata alla matrice) e a ciò che dobbiamo chiamare il ‘mistero’ della vegetazione”[18]. La struttura simbolica di qualsiasi complesso religioso non è cioè una sorta di religione naturalistica, ma trova origine in una intuizione archetipica, pre-razionale, che è alla base della metafisica a struttura platonica della religiosità arcaica; la caduta del simbolismo in una interpretazione esclusivamente ‘fattuale’ è invece sinonimo di degradazione.

A riguardo delle origini del simbolismo della perla, Eliade evidenzia che esse non sono “empiriche, ma teoriche e metafisiche”; tuttavia “questo simbolismo, in seguito, fu interpretato, «vissuto» diversamente, poi degradato fino alle superstizioni e al valore economico-estetico che rappresenta per noi la perla”[19]. Anche considerando i rituali della vegetazione, rituali così intimamente connessi ad un certo periodo dell’anno, Eliade riafferma la priorità dell’intuizione metafisica: “La concezione teorica, metafisica, precede l’esperienza concreta e l’avvento della primavera”[20]. Infatti, “il simbolo non può essere il riflesso dei ritmi cosmici in quanto fenomeni naturali, in quanto un simbolo rivela sempre qualcosa di più che l’aspetto della vita cosmica che sta a rappresentare”[21]: il simbolo, nel pensiero arcaico - fondato sui complessi mitico-rituali e simbolici -, approda ad una metafisica sistematica che ripercorre l’intera vita religiosa. I simboli, i miti, i riti, attraverso diverse modalità, esprimono, “un complesso sistema di affermazioni coerenti sulla realtà ultima delle cose, sistema che può essere considerato come una vera e propria metafisica”[22].

Peculiare di questo tipo di metafisica è il basarsi su simboli e non esclusivamente su concetti, come accade nella prassi filosofica comune; è infatti proprio della mentalità primitiva il pensare per simboli, caratteristica che non preclude la possibilità di una logica soggiacente: “Il pensiero arcaico non procede esclusivamente per concetti o elementi concettuali, ma si serve anche e anzitutto di simboli. […] I simboli vengono «maneggiati» secondo una logica simbolica”[23]. Si può quindi parlare di una “logica del simbolo”[24], inseribile a pieno titolo tra i problemi essenzialmente filosofici: la “logica del simbolo esce dal campo della storia delle religioni propriamente detta e si schiera fra i problemi della filosofia”[25]. Ma soprattutto la possibilità di vedere nella logica dei simboli una vera e propria ontologia è data dal fatto che, essendo questi di tipo essenzialmente religioso, non possono che riguardare ciò che è il reale per definizione, cioè il sacro e ciò che da esso è investito: “Per i primitivi, i simboli sono sempre religiosi, poiché mirano o a qualcosa di reale, o a una struttura del mondo. Ora, ai livelli arcaici della cultura il reale - cioè il potente, il significativo, il vivente - equivale al sacro. […] Per questo i simboli religiosi arcaici implicano una ontologia”[26].

Attraverso il simbolo, il mondo diviene trasparente all’uomo e assume ai suoi occhi un significato: quell’universo di significati nel quale è immerso l’uomo delle società in cui il mito è cosa vivente “non è più una massa opaca di oggetti arbitrariamente gettati assieme, ma un Cosmo vivente, articolato e significativo. In ultima analisi, il Mondo si rivela come linguaggio”[27]. Un linguaggio che può essere inteso dall’uomo perché è da lui condiviso. Del resto, un’altra caratteristica del simbolo è che esso apre la realtà nella quale agisce; questo vale sia per l’uomo (”L’uomo non si sente rinchiuso nel suo modo d’esistenza; anch’egli è «aperto», comunica con il Mondo, perché utilizza lo stesso linguaggio: il simbolo”[28]), che per il mondo stesso: “Per il pensiero simbolico, il mondo non è solo «vivo», è anche «aperto»: un oggetto non è mai semplicemente se stesso (come accade per la coscienza moderna), è anche segno o ricettacolo di qualcos’altro, di una realtà che trascende il livello d’essere dell’oggetto”[29]. Il mondo, grazie al simbolo, svela all’uomo la sua apertura verso ciò che lo supera; vi è infatti tutta una serie di simbolismi che, nella varietà dei loro caratteri, sono accomunati dalla stessa descrizione della struttura del mondo: “Le ascensioni rituali al cielo avvengono sempre in un «centro» […] ogni abitazione umana è una imago mundi […] tutti questi simboli collegati e complementari presentano, ciascuno nella propria prospettiva, uno stesso significato: l’uomo può trascendere il mondo”[30].

Gianfranco Bertagni

Tratto, per gentile concessione dell’Autore, dal sito www.gianf rancobertagni.it; precedentemente pubblicato in ArKete 3 (1/1999).

NOTE

[1] Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, Boringhieri, 1988, p. 39.
[2] Id., Lo sciamanismo e le tecniche dell’estasi, Mediterranee, 1975, p. 15.
[3] Id., Spezzare il tetto della casa. La creatività e i suoi simboli, Jaca Book, 1988, p. 203.
[4] Id., I riti del costruire, Jaca Book, 1990, p. 111.
[5] Id., La prova del labirinto, Jaca Book, 1980, p. 54. Le pp. 53-58 sono dedicate a Le tre lezioni dell’India cui accenniamo.
[6] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 276.
[7] Ibidem, pp. 336-7.
[8] Id., Spezzare il tetto della casa, cit., p. 201.
[9] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 234.
[10] Id., Mefistofele e l’androgine, Mediterranee, 1971, pp. 189-90.
[11] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 277.
[12] Ibidem, pp. 160-1.
[13] Id., Miti, sogni e misteri, Rusconi, 1976, p. 137.
[14] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 470.
[15] Ibidem, p. 195.
[16] Ibidem, p. 369.
[17] Id., Storia delle credenze e delle idee religiose, vol. I: Dall’età della pietra ai misteri eleusini, Sansoni, 1979, p. 34.
[18] Ibidem, p. 53. È da sottolineare però anche una certa oscillazione in Eliade, per cui a volte sembra che sia proprio la luna a creare il suo simbolismo. Ad esempio nel passo seguente: “L’intuizione della Luna, in quanto norma dei ritmi e fonte di energie, di vita e di rigenerazione, ha intessuto realmente una rete fra tutti i piani cosmici, creando simmetrie, analogie e partecipazioni fra fenomeni infinitamente vari”: Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, cit., p. 176.
[19] Ibidem, p. 456.
[20] Ibidem, p. 339.
[21] Id., Immagini e simboli. Saggi sul simbolismo magico-religioso, TEA, 1993, p. 156.
[22] Id., Il mito dell’eterno ritorno, Rusconi, 1975, p. 15.
[23] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 40.
[24] Ibidem, p. 467.
[25] Ibidem, p. 471.
[26] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 190.
[27] Id., Mito e realtà, Borla, 1976, p. 175.
[28] Ibidem, pp. 176-7.
[29] Id., Arti del metallo e alchimia, Bollati Boringhieri, 1976, p. 127.
[30] Id., Miti, sogni e misteri, cit., p. 133.

Il linguaggio attraverso il quale il mondo si rivela non è equiparabile al linguaggio usuale, quotidiano, perché la realtà di cui esso comunica l’essenza non è quella profana: “Non si tratta di un linguaggio utilitario e oggettivo. Il simbolo non ricalca la realtà oggettiva. Esso rivela qualche cosa di più profondo e di più fondamentale”[31]. Infatti abbiamo già detto che la realtà di cui ci parlano i simboli non è quella evidente all’esperienza comune; è invece - per certi versi - il suo opposto: per essempio, è paradossale: “Forse la funzione più importante del simbolismo religioso (importante, soprattutto per via del ruolo che doveva avere nelle successive speculazioni filosofiche) è la sua capacità di esprimere alcune situazioni paradossali e alcune strutture della realtà ultima, altrimenti impossibili ad esprimere”[32]; come è paradossale la ierofania stessa, la quale rivela e cela allo stesso tempo il sacro.

La paradossalità è vissuta nella vita dell’uomo attraverso quelle situazioni che lo pongono di fronte ai suoi limiti e ai loro superamenti, e queste sono espresse dal simbolo: “I simboli esprimono generalmente delle situazioni limite; un simbolo ci guida sempre verso il mistero della nascita, dell’amore, della fecondità, del rinnovamento, della morte e della resurrezione, dell’iniziazione, del passaggio da un modo d’essere all’altro, ecc.”[33]. Ogni simbolo esprime una situazione limite, e in forza di questo ci è consentito, secondo Eliade, confrontare simboli appartenenti a tradizioni diverse: “Quando, facendo astrazione dalla «storia» che li separa, noi raffrontiamo un simbolo oceaniano a un simbolo dell’Asia settentrionale, ci riteniamo autorizzati a farlo non in quanto entrambi sarebbero il prodotto di una stessa «mentalità infantile», bensì perché il simbolo, in se stesso, esprime la presa di conoscenza di una situazione-limite”[34]. L’uomo, i suoi ostacoli, le sue necessità sono identici ovunque e in ogni tempo: i simboli lo dimostrano.

Il simbolismo, comunicandoci la nostra natura paradossale e limitata, ci mette in contatto con la nostra situazione esistenziale: “Lo studio del simbolismo persegue [lo scopo di] decifrare […] la situazione esistenziale che ne ha reso possibile la costituzione”[35]; è questo aspetto che tocca più da vicino la natura umana, facendo sì che essa si senta pienamente coinvolta, chiamata in causa: essa non ha più a che fare con qualcosa che le è esterno, ma che invece la investe totalmente. Anche per questo aspetto, il simbolismo non è oggettivo: così il simbolismo religioso ha un valore esistenziale, infatti “un simbolo allude sempre a una realtà o ad una situazione tale da impegnare l’esistenza umana”. È innanzi tutto qui che i simboli si distinguono dai concetti. Il simbolo non solo comunica ma “dà anche un significato all’esistenza umana”. Attraverso il simbolismo, l’uomo esce dalla sua contingenza particolare, cosmicizzandosi: “«Vivere» un simbolo e decifrarne correttamente il messaggio implica l’apertura verso lo Spirito e alla fine l’accesso all’universale”[36]. Il simbolo ci informa dell’uomo in quanto tale: è questo che sembra significare Eliade quando parla di «situazione esistenziale», «valore esistenziale», ecc. Questo tipo di uomo è quello che non è ancora stato degradato dalla storia, dai condizionamenti dei tempi e delle culture: prima di essere storico, l’uomo è simbolico, ed è in quest’ultima modalità che vanno ricercate le strutture più significative e profonde che lo costituiscono: “Il pensiero simbolico […] è connaturato all’essere umano: precede il linguaggio e il ragionamento discorsivo. […] Le immagini, i simboli, i miti […] rispondono a una necessità ed adempiono una funzione importante: mettere a nudo le modalità più segrete dell’essere. Ne consegue che il loro studio ci permette di conoscere meglio l’uomo, l’«uomo tout court», quello che non è ancora sceso a patti con le condizioni della storia. Ogni essere storico porta con sé una grande parte dell’umanità prima della Storia”[37].

Il simbolo non è l’archetipo: non ha quindi una realtà autonoma rispetto alla quale l’uomo non deve far altro che conoscerla e adeguarcisi; giustamente Roberto Scagno, il maggior conoscitore di Eliade in Italia, ha scritto: “Il simbolo non è sostanza metafisica, ma strumento umano di riflessione e comunicazione”[38]. È infatti l’uomo l’unico creatore di simboli, oltre che unico fruitore; quindi, a differenza dell’archetipo, “il simbolo appare come una costruzione della psiche”[39]. L’uomo si caratterizza per quella particolare facoltà creatrice di simboli che gli è connaturata: “Dato che l’uomo dispone di una facoltà creatrice di simboli (symbol-forming power), tutto ciò che compie è simbolico”[40]. Si tratta quindi di una facoltà continuamente attiva, in forza della quale Eliade può parlare dell’uomo come homo symbolicus; infatti “i simboli non scompaiono mai dall’attualità psichica”[41]. Se ogni attività umana implica un simbolismo, allora anche “ogni fatto religioso avrà necessariamente un carattere simbolico”[42]. Vi è poi un circolo vizioso - anzi, eliadianamente virtuoso - per il quale anche il fatto religioso stesso, simbolico in quanto proprio dell’uomo, porta quest’ultimo ad interpretarsi come simbolo, esperienza esistenziale che gli consente di sentirsi parte di quella rete di simboli per eccellenza che è l’universo: “L’esperienza magico-religiosa permette la trasformazione dell’uomo stesso in simbolo. […] L’uomo non sente più di essere un frammento impermeabile, è invece un Cosmo vivo, aperto a tutti gli altri Cosmi vivi che lo circondano”[43].

In quanto dato immediato della coscienza, il simbolismo “determina sia l’attività del […] subcosciente [dell’uomo], sia le più nobili espressioni della sua vita spirituale”[44]. Eliade considera gli archetipi influenti, oltre che sulla vita spirituale, anche su quella subcosciente. Essendo l’attività dei simboli anche inconscia, ed essendo l’uomo il produttore di simboli, anche in un periodo non religioso come quello moderno si può continuare a parlare di un uomo che, seppur profano, “rimanendo uomo, produce ugualmente simboli; si tratta però di simboli degradati, che, non essendo consapevolmente riconosciuti, non possono svolgere pienamente la loro funzione. Solo il simbolo religioso è vissuto coscientemente, nella pienezza del suo significato”[45]. Se il vero significato del simbolo lo si può cogliere solo attraverso la sua comprensione religiosa, anche qui si riscontra una equivalenza con l’analisi eliadiana degli archetipi: questi ultimi hanno la loro sede propria nel transconscio, e anche i simboli, per la loro logica che è altra rispetto a quella propria della ragione (ricordiamo che il simbolismo per Eliade è l’opposto del razionalismo), rimandano a quel centro psichico che permette all’uomo religioso di vivere una vita pienamente regolata ai paradigmi divini. Compresa la logica del simbolo solo retoricamente si può porre la seguente domanda: “determinate zone dell’inconscio individuale o collettivo sono dominate, a loro volta, dal logos, oppure ci troviamo davanti a manifestazioni di un transconscio?”[46].

Simbolo e ierofania assolvono entrambi allo stesso compito: infatti modificano la consistenza ontologica della realtà che investono. Se la ierofania è “ciò che mostra il sacro”, allora la sua dialettica paradossale consiste proprio nell’indicare, ad esempio, un oggetto come la sede del sacro: il finito diventa infinito, pur mantenendo le sue proprietà. L’oggetto quindi si trasforma in qualcosa di altro, pur rimanendo tale. Un analogo discorso si può fare anche nei riguardi del simbolo: “La sua funzione resta invariabile: trasformare un oggetto o un atto in qualche cosa di diverso da quel che sono nella prospettiva dell’esperienza profana”[47]. In questo senso, il simbolo non è altro che la naturale continuazione della rivelazione ierofanica: “Il simbolo prolunga la dialettica della ierofania: tutto quel che non è direttamente consacrato da una ierofania, diventa sacro grazie alla sua partecipazione a un simbolo”[48]. Se la ierofania si ferma nel rivelare il sacro in un sasso, in una persona, in un gesto, ecc., il simbolo ha in sé la capacità di riepilogare il Cosmo intero, attraverso un’infinità di collegamenti con altri simboli: questo fa sì che, come abbiamo già visto, ogni simbolo si richiami al simbolismo di cui fa parte. Attraverso le ierofanie, l’esperienza religiosa si frammenta in una infinita discontinuità; invece “il simbolismo tradisce il bisogno dell’uomo di prolungare all’infinito la ierofanizzazione del Mondo”. Grazie ad esso, traspare all’uomo “una tendenza a identificare questa ierofania col complesso dell’Universo”[49].

Se la storia delle religioni è essenzialmente storia delle ierofanie, l’esperienza religiosa, se vuole accedere a quella visione mistica della realtà caratteristica di chi vede ovunque il sacro, deve inserirsi in un simbolismo che permetta di non arrestarsi alle ierofanie, che realizzano e giustificano la differenza ontologica tra sacro e profano, ma che consenta di superarle grazie a una trasfigurazione dello stesso profano. “Per la mentalità arcaica, natura e simbolo coesistono”[50]. Nell’esperienza mistica, la natura è tutta divina, tutto è archetipo, tutto ierofania, non esiste più sopra e sotto: “Per i «primitivi» in genere non esiste una differenza netta fra «naturale» e «sovrannaturale», fra oggetto empirico e simbolo. Un oggetto diviene «se stesso» (cioè incorpora un valore) nella misura in cui riproduce un archetipo, ecc.”[51]. Il profano può aspirare ad una sorta di realtà solo in quanto traccia del sacro; questo gli è possibile unicamente grazie al simbolo, che rende evidente la complementarità tra sacro e profano, attraverso la quale il simbolismo si estende sulla totalità del reale. Perciò è da evitare il “credere che il simbolismo si riferisca unicamente alle realtà «spirituali». Per il pensiero arcaico una separazione del genere tra lo «spirituale» e il «materiale» non ha senso: i due piani sono complementari”[52].

Ma questa distinzione tra la capacità onnicomprensiva del simbolo e la frammentazione del sacro attraverso le ierofanie non deve però condurci a contrapporre, per così dire, una “interpretazione ierofanica” a una “interpretazione simbolistica”: il sacro, infatti, per sua essenza, cerca la sua massima rivelazione nella realtà. E questo tentativo non può che esplicitarsi nelle stesse ierofanie, che sono la sua originaria manifestazione: così “la massima parte delle ierofanie sono atte a diventare simboli”[53]. Le ierofanie divengono a volte simboli, ma anche i simboli diventano ierofanie: ciò è forse ancor più inevitabile. Del resto ierofania è tutto ciò che rivela il sacro; allora anche il simbolo dovrà avere carattere ierofanico. Infatti, grazie ad esso, ci sono rivelate diverse sfere della realtà sacra, che altrimenti - cioè rimanendo sul piano delle ierofanie pure - ci rimarrebbero oscure. Per questo, “il simbolo […], all’occorrenza, è esso stesso una ierofania, cioè […] rivela una realtà sacra o cosmologica che nessun’altra «manifestazione» è capace di rivelare”[54]. Ogni ierofania è per altro parte di un simbolismo coerente all’interno del quale riceve il suo più vero significato, grazie al fatto che proprio di quest’ultimo è la capacità di comunicare il sacro nel modo più estensivo possibile, rendendo del tutto espliciti l’insieme dei significati che in ogni ierofania sono a volte solo accennati e frammentati: i “diversi simbolismi possono con ragione considerarsi «sistemi» autonomi, nella misura in cui manifestano più chiaramente, più totalmente e con coerenza superiore quel che le ierofanie manifestano in modo particolare, locale, successivo”[55]. Perciò ogni ierofania va interpretata, quando è possibile, all’interno del sistema simbolico di cui fa parte, per coglierne il significato profondo.

Certo, come il simbolo, anche il simbolismo non è una realtà oggettivamente constatabile (il “simbolismo acquatico non è manifestato in nessun luogo in modo concreto, non ha «sostegno», è formato da un insieme di simboli interdipendenti e integrabili in un sistema; nondimeno è reale”[56]), ma è quella costruzione teorica che è compito dello storico delle religioni rilevare, affinché in ogni fatto religioso sia esplicito il fascio di significati e la serie di legami con altre sfere del sacro in esso contenute: questa costruzione è possibile perché “un simbolo rivela sempre […] l’unità fondamentale di parecchie zone del reale. […]; d’altra parte gli oggetti, diventando simboli, cioè segni di una realtà trascendente, annullano i loro limiti concreti, cessano di essere frammenti isolati, per integrarsi in un sistema”[57].

Il simbolo, oltre a richiamare altri simboli, riceve in sé i sempre nuovi significati di cui la storia lo investe nelle diverse tradizioni religiose: “Il simbolo è sempre aperto. […] L’interpretazione non è mai conclusa”[58]. Consideriamo, ad esempio, il simbolo dell’albero. Quest’ultimo rappresenta il Cosmo, nella sua inesauribile rigenerazione, simbolo a sua volta dell’eternità: allora, “l’albero-Cosmo può per questo diventare, su di un altro livello, albero della «Vita-senza-morte»”. Ma la vita eterna, nella metafisica arcaica, vuole significare la realtà assoluta, e dunque “l’albero diventa il simbolo di questa realtà («il centro del mondo»)”[59].

Sarà allora obbligatoria a chiunque voglia conoscere il significato di un qualsiasi simbolo religioso, compararne i diversi contenuti nelle varie tradizioni e anche in una stessa storia religiosa: “Un simbolo resta vuoto di senso, se non si analizza un numero molto grande di varianti. Ora, tra queste non esiste, talvolta, alcuna contiguità storica e ciò rende ancora più difficile il lavoro d’interpretazione”[60]. Il simbolismo che si ricaverà da questo approccio comparativo sarà necessariamente trans-culturale, trans-storico, nella certezza che, secondo l’impostazione eliadiana, la coerenza non potrà mai essere contraddetta, in forza di quei principi paradigmatici che sempre e comunque si rivelano identici a se stessi nel loro significato più profondo: “È in una prospettiva totale che racchiude la totalità delle culture che dobbiamo giudicare la fecondità di un simbolismo il quale esprime le strutture della vita cosmica e contemporaneamente rende intelligibile il modo di essere dell’uomo nel mondo”[61]. La comparazione però non si spinge fino all’appiattimento di qualsiasi significato ad un unicum: se da una parte, l’analisi delle diverse interpretazioni dello stesso simbolo ci indicano il suo valore archetipico, dall’altra essa sola ci consente di valutare correttamente e mettere in risalto quelle differenze ineliminabili dovute alla storia, all’ideologia religiosa di cui esso fa parte, ecc.: “La struttura di un simbolismo si lascia decifrare completamente solo quando si è analizzato un notevole numero di esempi. […] Solo dopo aver esaminato tutte le varianti, la diversità del significato di ognuna vien bene in rilievo”[62]. Così Eliade riassume la sua posizione rispetto alla comparazione tra i simboli: “Si cerca di ricostruire il significato simbolico di fatti religiosi in apparenza eterogenei ma strutturalmente collegati […]. Un tale procedimento non implica la riduzione di tutti i significati a un comune denominatore. Non si potrà insistere mai abbastanza sul fatto che la ricerca sulle strutture simboliche è un lavoro, non di riduzione ma di integrazione. Si paragonano e si confrontano due espressioni di uno stesso simbolo non per ridurle a una forma unica preesistente, ma per scoprire il processo grazie al quale una struttura può arricchirsi di nuovi significati”[63].

In che senso ‘può arricchirsi di nuovi significati’? Il significato permane al di là della mutevolezza dei significanti. Ma, oltre che permanere, viene maggiormente inteso, sempre più profondamente vissuto: il motivo è la dialettica caratteristica del sacro, che fa sì che esso non smetta mai di manifestarsi, cercando sempre nuove ierofanie, nel tentativo di totalizzarsi nell’intera realtà. A tale riguardo, sembra esservi a volte in Eliade una sorta di “evoluzionismo ierofanico”; “Le innumerevoli nuove manifestazioni del sacro ripetono […] altre innumerevoli manifestazioni di esso già contenute […] nel […] passato, nella […] «storia»: ma è parimenti vero che l’esistenza di questa storia non giunge fino a paralizzare la spontaneità delle ierofanie: una rivelazione più completa del sacro resta sempre possibile, in qualsiasi momento”[64].

Come nelle ierofanie, anche nei simboli, se da una parte il fascio di significati in essi contenuti sembra rifarsi al piano degli archetipi, dall’altra parte il vero senso del simbolo, la sua pienezza teoretica si rende evidente - a volte - solo nella sua maturità: “Il senso ultimo di certi simboli si manifesta soltanto nella loro «maturità», cioè quando si considera la loro funzione nelle operazioni più complesse dello spirito”[65]. Si può dunque parlare anche di «evoluzionismo simbolico», che comunque è un tutt’uno con la dialettica delle ierofanie, in quanto riconducibili entrambi in quella carica intrinseca del sacro per cui esso cerca di rivelarsi nel modo più aperto possibile. Questo tipo di evoluzionismo il più delle volte si presenta non solo come evoluzionismo metafisico, ma anche come evoluzionismo storico: ad esempio, l’ontofania del sasso cultuale “può modificare la sua «forma» nel corso della storia; lo stesso sasso”, se prima mostrava semplicemente che il sacro è cosa diversa dall’ambiente circostante, che, simile alla roccia, il sacro «è» di carattere assoluto, “potrà essere venerato, più tardi, non per quanto rivela in modo immediato (non più come ierofania elementare), ma perché è integrato in uno spazio sacro (tempio, altare, ecc.) o perché è considerato l’epifania di un dio, ecc.”[66].

Si tratta però di un evoluzionismo molto particolare: a volte cioè sembra che un’immagine, un simbolo, siano naturalmente portati a includere certi significati, e che se essi diverranno espliciti solo da un certo momento storico, ciò comunque vorrà dire che non potevano che essere contenuti in quel particolare simbolo, e non in altri: per esempio, la rivelazione portata dalla fede (l'’invenzione’ del giudaismo), “non distruggeva i significati «primari» delle Immagini[67], ma si limitava semplicemente ad aggiungere ad esse un nuovo valore”; resta però sempre vero che “ogni nuova messa in valore è sempre stata condizionata dalla struttura stessa dell’Immagine, a tal punto che di un’Immagine si può dire che essa attende che il suo significato si compia”[68]. Più spesso invece Eliade, facendosi aiutare dai risultati della psicologia del profondo, indica la totalità dei significati residente da sempre nel simbolo: alcuni sarebbero vissuti in modo cosciente, altri in modo incosciente, ma tutti assolverebbero alla loro funzione nella vita spirituale dell’uomo. Nella conclusione di un articolo sul simbolismo religioso Eliade si chiede se i ’significati superiori’ dei simboli, espliciti nella piena maturità di questi ultimi, non fossero già impliciti, quindi almeno in vago modo percepiti anche dagli uomini appartenenti alle culture più arcaiche. Il problema è assai arduo, perché - continua Eliade - il simbolo agisce all’interno di tutta la struttura psichica: quindi il messaggio di un simbolo non si può circoscriverlo ai significati di cui si è coscienti. Quindi abbiamo a che fare con due conseguenze: “1) Se a un certo punto della storia un simbolo religioso ha potuto esprimere con chiarezza un significato trascendente, si è autorizzati a supporre che in un’epoca anteriore questo significato ha potuto essere oscuramente presentito”; inoltre, come avevamo avuto già modo di rilevare, “2) per decifrare un simbolo religioso, non basta prendere in considerazione tutti i suoi contesti, bisogna anche, e soprattutto, riflettere sui significati che esso ha avuto in quella che si potrebbe chiamare la sua «maturità»”[69].

In Eliade dunque il cosiddetto ‘terrore della storia’, su cui lo studioso romeno spesso si è soffermato, coesiste con una sotterranea consapevolezza della positività del procedere storico, nel senso di portatore di nuovi valori, nella sempre nuova e sempre più matura interpretazione dei simboli. La sua idea secondo la quale sarebbe la religiosità cosmica immanente al mondo a informare l’uomo della sua situazione esistenziale, fa sì che egli tenti di limitare di molto tutti quei valori religiosi che invece vengono comunicati attraverso la storia: i simboli derivanti, in certo modo, dalla storia sono dichiarati come “molto meno frequenti dei simboli a struttura cosmica o di quelli che si riferiscono alla condizione umana”[70]. Eliade si dichiara disinteressato a ciò che può costituire la storia di un simbolo; il suo Trattato ne è l’esempio classico. Spesso dichiara che se si dovrà fare una storia delle religioni, prima sarà necessario comprendere da dentro le strutture e i significati delle diverse esperienze religiose: “Il problema della «storia» dei motivi interessa la nostra ricerca soltanto in via sussidiaria. […] Quel che ci interessa per ora è di sapere quale fu la funzione religiosa”[71]. Per altro verso, anche quei simboli che provengono da una storia recente, sistematizzatori di quelle nuove acquisizioni che l’uomo ha avuto - per esempio, nell’ambito della tecnica - sono diventati simboli religiosi grazie alla loro funzione di creatori di cultura. Se una parte di realtà è fondata dal simbolo in un certo periodo storico, allora esso, rivestito del suo carattere sacro (in quanto solo il sacro è reale e il reale è tale in quanto rimanda al sacro), esce dal tempo, portandosi nella sua sede originaria, cioè nell’illud tempus: “Certi simboli legati a fatti recenti di cultura, pur essendo situati nel tempo storico sono divenuti simboli religiosi per aver contribuito a «fondare il mondo», nel senso da permettere a nuovi mondi rivelati dall’agricoltura, dall’addomesticamento degli animali, dalla regalità, di «parlare», di rivelarsi agli uomini, svelando nello stesso punto nuove situazioni umane. In altre parole, i simboli legati a fasi recenti di cultura si sono costituiti allo stesso modo dei simboli più arcaici, cioè come il risultato di tensioni esistenziali e di assunzioni totali del mondo. Quale pur sia la storia di un simbolo religioso, la sua funzione è sempre la stessa”[72].

In questa ermeneutica del simbolo, ogni documento costituisce un prezioso elemento: l’eterogeneità dei significati compresi in un simbolo ci è evidente anche dalla diversificazione delle fonti di cui disponiamo: le diverse provenienze e i diversi contenuti dei documenti sono da considerare “indispensabili, non soltanto per ricostruire la storia di una ierofania, ma anzitutto perché concorrono a costruire le modalità del sacro rivelate attraverso questa ierofania”[73]. Tale eterogeneità dei documenti è indispensabile non solo per una completa comprensione del simbolo , ma anche per una più generale morfologia del sacro: in essa, simbolo, mito e rito devono essere gli imprescindibili strumenti di lavoro dello storico delle religioni. Infatti ognuno di questi generi di documenti mostra regioni del sacro di cui gli altri non partecipano o partecipano solo in maniera implicita e nascosta: solo essi, presi insieme, possono “rivelarci tutte le modalità del sacro, perché un simbolo o un mito lasciano trasparire nettamente le modalità che un rito non può manifestare, che nel rito sono solo implicite”, così come anche “un simbolo non potrà mai rivelare tutto quel che rivela il rito”[74].

Il mondo (e il sacro in esso presente tramite la dialettica delle ierofanie) comunica la sua struttura profonda all’uomo attraverso questa triade di filtri: “Attraverso i simboli il mondo […] si «rivela»”[75] e “tramite il mito e il rito «il mondo ‘parla’ all’uomo»”[76].

Gianfranco Bertagni

NOTE

[31] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 189.
[32] Ibidem, p. 192.
[33] Id., Spezzare il tetto della casa, cit., p. 225.
[34] Id., Immagini e simboli, cit., p. 156.
[35] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., pp. 187-8.
[36] Ibidem, pp. 194-5.
[37] Id., Immagini e simboli, cit., p. 16.
[38] Roberto Scagno, «Mircea Eliade: un Ulisse romeno tra Oriente e Occidente», in: L. Arcella, P. Pisi, R. Scagno (a cura di), Confronto con Mircea Eliade. Archetipi mitici e identità storica, Jaca Book, 1998, p. 23.
[39] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 157.
[40] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 178.
[41] Id., Immagini e simboli, cit., p. 19.
[42] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 186.
[43] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., pp. 473-4. È invece propria dell’uomo moderno (in quanto irreligioso), l’”esistenza frantumata e straniata”, Ibidem.
[44] Ibidem, pp. 43-4.
[45] Natale Spineto, «La ‘nostalgia del paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», in: “Filosofia e Teologia”, n. 2, 1992, p. 302.
[46] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 37.
[47] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 462.
[48] Ibidem.
[49] Ibidem, pp. 464-5.
[50] Ibidem, p. 275.
[51] Id., Lo sciamanismo, cit., p. 287 (nota 15).
[52] Id., Immagini e simboli, cit., p. 157.
[53] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 463.
[54] Ibidem.
[55] Ibidem, p. 466.
[56] Ibidem.
[57] Ibidem, p. 469.
[58] Id., La prova del labirinto, cit., p. 121.
[59] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 275.
[60] Id., Arti del metallo e alchimia, cit., p. 63.
[61] Id., La nostalgia delle origini. Storia e significato nella religione, Morcelliana, 1972, p. 188.
[62] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 185.
[63] Ibidem, p. 188.
[64] Id., Lo sciamanismo, cit., p. 15.
[65] Id., Miti, sogni e misteri, cit., p. 140.
[66] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 31. Il corsivo è nostro.
[67] L’immagine è simbolo. Spesso Eliade parla indifferentemente di ’simbolo’ e di ‘immagine’. Del resto è proprio dell’immagine rimandare ad altro. Cfr. Natale Spineto, «La ‘nostalgia del paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», cit., p. 302-3.
[68] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 142.
[69] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., pp. 198-9.
[70] Ibidem, p. 196.
[71] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 273.
[72] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 197.
[73] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 11.
[74] Ibidem, p. 13.
[75] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 189.
[76] Natale Spineto, «La ‘nostalgia delle origini’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», cit., p. 313.

RIFERIMENTI BIBLIOGRAFICI

Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, Bollati Boringhieri, 1972.
Mircea Eliade, Lo Sciamanismo e le tecniche dell’estasi, Mediterranee, 1975.
Mircea Eliade, Spezzare il tetto della casa. La creatività e i suoi simboli, Jaca Book, 1988.
Mircea Eliade, I riti del costruire, Jaca Book, 1990.
Mircea Eliade, La prova del labirinto, Jaca Book, 1980.
Mircea Eliade, Mefistofele e l’androgine, Mediterranee, 1971.
Mircea Eliade, Miti, sogni e misteri, Rusconi, 1976.
Mircea Eliade, Storia delle credenze e delle idee religiose. I. Dall’età della pietra ai misteri eleusini, Sansoni, 1979.
Mircea Eliade, Immagini e simboli. Saggi sul simbolismo magico-religioso, TEA, 1993.
Mircea Eliade, Il mito dell’eterno ritorno, Rusconi, 1975.
Mircea Eliade, Mito e realtà, Borla, 1966.
Mircea Eliade, Arti del metallo e alchimia, Bollati Boringhieri, 1987.
Mircea Eliade, La nostalgia delle origini. Storia e significato nella religione, Morcelliana, 1972.
L. Arcella, P. Pisi, R. Scagno (a cura di), Confronto con Mircea Eliade. Archetipi mitici e identità storica, Jaca Book, 1998.
Natale Spineto, La ‘nostalgia del Paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade, in Filosofia e Teologia, n. 2., 1992, pp. 296-319

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lundi, 21 avril 2008

Gli Arii nell'Oceano Pacifico

Gli Arii nell’Oceano Pacifico

1937evola_copertina.jpgDi Alfonso De Filippi

Chi avrà letto Il mito del sangue di Julius Evola (se ne veda l’edizione del 1942 riproposta nel 1995 dalle edizioni SeaR di Borzano) ricorderà certamente l’esposizione fatta dall’Autore delle affascinanti (e troppo spesso eccessivamente fantasiose) teorie di Herman Wirth. Lo studioso olandese, dopo aver evocato la famosa “Patria Artica” e l’Atlantide di Platone aveva supposto che numerose migrazioni avessero portato gli Arii fin nelle regioni più remote se non nell’Australia (Evola, op. cit., p. 177).

Senza risalire, almeno per ora, a tempi così remoti (e “favolosi”), possiamo dire che gli esploratori europei ebbero spesso modo di notare tra gli isolani del Pacifico, specie tra i ceti più elevati, elementi assai simili agli Europoidi. Nel suo Viaggio attorno al mondo (1772) il francese Louis Antoine Comte de Bouganville scriveva che “gli abitanti di Thaiti consistono in due razze di uomini molto diverse tra loro… la prima produce uomini di grande taglia, ed è molto comune vederli misurare dal metro e 80 di altezza in su. Non ho mai visto uomini fatti meglio. La seconda razza è di taglia media, con capelli crespi e non differiscono molto, per il colore della pelle, dai mulatti” (cit. da A. Salza, Atlante delle popolazioni, ed. Garzanti, Milano 1997, p. 259).

Più recentemente l’antropologo francese Luois Figuier (Le razze umane, fratelli Treves, Milano 1874) scriveva a proposito degli abitanti della Micronesia: “I capi… sono più bianchi e meglio fatti degli altri isolani” (p. 244), e intorno alle donne di Thaiti (p. 240): “Il colore della loro pelle ordinariamente color rame chiaro. Alcune tuttavia sono rimarchevoli per la bianchezza e specialmente le spose dei capi”. C.P. Masica, The Indo-Aryan Languages L’italiano M. Canella nel suo Razze umane estinte e viventi (Sansoni, Firenze 1942, p. 248) scriveva: “…il biondismo dei Polinesiani, frequente pare in passato e del quale si è conservato il ricordo nelle tradizioni e nei miti, ha fatto supporre l’esistenza di un elemento nordico e protonordico nei loro antenati”.

Altri dati li forniva Alain de Benoist nel suo Visto da Destra (Akropolis, Napoli 1981, p. 91): “In un resoconto di Pedro Fernandez de Quiros, che fu pilota di Alvaro Mendana de Neira all’epoca in cui questi scoprì le Isole Salomone, si può leggere che “Gli indigeni dell’Isola della Maddalena sono quasi bianchi. Hanno i lineamenti regolari e gradevoli, dei begli occhi, lo sguardo dolce, i denti bianchi e ben sistemati. La maggioranza ha capelli biondi…”. Esistono decine di testimonianze di questo genere che riguardano le isole Sandwich, le Molucche, le Marchesi… ancora nel 1902 Paul Huguenon osservava che le famiglie dei grandi capi di Nouka Hiva (una delle Isole Marchesi) si chiamano Arri, il loro colorito è più chiaro, gli occhi sono bluastri, i capelli tendono verso il rosso”. Abbiamo ripreso questi vecchi appunti dopo la lettura di R. Thorsten, Lords of the Soil. The Story of Turehv. The White Tangata Whenua, edito dalla neozelandese Spectrum Press e ottenibile dalla Renaissance Press (P.O. box 1627 Papaparaumu Beach, New Zealand - di quest’ultima segnaliamo il catalogo assai interessante).

L’autore inizia prendendo in esame alcune leggende dei Maori della Nuova Zelanda in cui si fa cenno, talvolta in toni fiabeschi, a genti che avrebbero preceduto i Maori stessi nell’occupazione di tali isole così da poter essere considerati gli autentici “Signori della Terra” o “Tangata Whenua”. Costoro, talvolta, verrebbero descritti di carnagione chiara, capelli biondi o rossi e occhi azzurri. Trasparirebbe perciò il ricordo di abitatori precedenti detti anche “Turehu” o “Patapairehe”, i cui caratteri “caucasoidi” riapparirebbero saltuariamente, ancor oggi, tra i Maori anche dove questi sarebbero, ancora, immuni da incrocî coi i successivi colonizzatori europei. Le leggende narrerebbero anche di una sanguinosa battaglia detta “dei 5 forti” nella quale i Maori travolsero le difese dei loro predecessori bianchi. Per tentare una spiegazione l’autore tratta delle ardite ipotesi del famoso Thor Heyerdal che credeva di poter collegare i “Bianchi” delle isole del Pacifico con quegli individui assai simili agli europei che gli invasori spagnoli avrebbero notato tra l’aristocrazia dell’Impero Inca. Scriveva l’Heyerdal (Aku-Aku, ed. Martello, Milano 1958, pp. 413-414): “Quando gli Spagnoli scoprirono il Regno degli Incas, Pedro Pizarro scrisse che, sebbene gli Indiani della Ande fossero scuri e di piccola statura i componenti della famiglia regnante degli Incas erano alti e di pelle più chiara degli stessi Spagnoli”.

Lo studioso norvegese ipotizzava infatti un preistorico impero marittimo nordeuropeo esteso a gran parte del mondo. Se è discutibile l’ipotesi di migrazioni dal Sud America al Pacifico, sono senz’altro interessanti le pagine che l’Heyerdal dedicò all’Isola di Pasqua (Rapa Nui). La cultura di quest’isola sarebbe crollata anche a causa della lotta che avrebbe opposto una casta dirigente di aspetto simile a quella degli Europei (le “orecchie lunghe”) a una popolazione più scura (le “orecchie corte”). Ma le vicende di Rapa Nui meritano, senz’altro, che vi si ritorni in futuro.

Il Thorsten chiedendosi a quanto remota antichità possa risalire la presenza di bianchi nelle isole del Pacifico giunge a ipotizzare che essa possa, in primo luogo, ricollegarsi all’espansione della “cultura megalitica” alla quale potrebbero attribuirsi varî siti archeologici, in realtà alquanto misteriosi, presenti in alcune isole del Pacifico. A proposito egli cita un significativo brano dal volume del prof. J. Mc Millan Brown, Maori and Polinesian: “… questa abilità nel trasportare enormi lastre di pietra nei tempi antichi deve essere stata… possesso di un determinato tipo di uomini.

Non si tratta di uno stadio nell’evoluzione di tutte le razze. Le uniche zone abitate da mongolodii in ui se ne ritrovano tracce sono le steppe dell’Asia, la Siberia meridionale, la Mongolia, la Manciuria, la Corea, il Giappone e la Malesia, l’America Centrale e il Perù. E l’esistenza di genti dal cranio allungato, capelli ondulati e carnagione chiara in parti isolate di queste regioni indica che lo strato mongoloide è posteriore rispetto a un caucasoide precedente. Dovunque… la traccia della Civiltà Megalitica appare, si può dedurre che ivi sia stata presente la parte caucasica dell’Umanità. In breve si può dire che si tratti di una traccia caucasica attraverso il pianeta”. Lasciando da parte il fatto che il termine “caucasico” è ormai del tutto superato, si può dire che tutto ciò sia assai suggestivo anche se necessitante di ulteriori prove. J. P. Mallory (ed.), Encyclopedia of Indo-European Culture Proseguendo, il Nostro ipotizza che la stessa Nuova Zelanda sia stata raggiunta, nell’antichità, da navigatori fenici ed egizî.

Più che di Egizî, secondo l’Autore, si dovrebbe parlare di Egitto-libici. Sarebbero stati discendenti di quei “Popoli del Mare” che avevano tentato di invadere il Delta del Nilo verso il 1200 a.C. e che, a quanto pare, sarebbero stati, almeno in parte, indoeuropei. Scriveva J. Vercoutter ne L’Antico Egitto (Garzanti, Milano 1960, p. 84): “Tribù ariane si erano sparse in tutta l’Europa meridionale e traversando il mare erano venute a occupare la Libia. Subito cominciarono a cercare di infiltrarsi in Egitto”. Dei “Popoli del Mare” scriveva Gerard Herm (Il mistero dei Celti, Garzanti, Milano 1975): “A contingenti (dei “Popoli del Mare”, N.d.A.) riuscì di fondare la Lega delle Città Filistee… mentre altri si unirono nel Libano ai Cananei aiutandoli all’edificazione del loro Impero commerciale, quello fenicio… erano infatti in grado di costruire navi necessarie per una simile impresa, molto meglio di qualsiasi altro popolo indigeno del Mediterraneo”. È anche da pensare a influssi dell’India, è infatti possibile che l’espansione indù che fu all’origine della civiltà Khmer nell’attuale Cambogia ed ebbe grande influenza sulle culture indonesiane, sia giunta anche a toccare l’Oceania.

E, infine, non si vede perché non si possa ipotizzare che i Vichinghi siano giunti molto più lontano di quanto comunemente si pensi. Ipotesi affascinanti sulle quali potremo ritornare più dettagliatamente in futuro. Quello che ci pare l’aspetto più significativo è il fatto che le testimonianze degli esploratori europei sulla presenza di elementi più o meno simili agli Europei riguardino soprattutto le famiglie dei capi e le “aristocrazie” in genere. Fenomeni simili si riscontrano anche nel sistema indiano delle caste, tra le varie popolazioni africane e, mutatis mutandis, tra gli Afro-americani degli USA. È un fatto sul quale invitiamo i lettori a riflettere.

Alfonso De Filippi

Tratto da Algiza 14, pp. 8-9.

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dimanche, 20 avril 2008

Semitic Monotheism : Root of Intolerance in India

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SEMITIC MONOTHEISM:
THE ROOT OF INTOLERANCE IN INDIA

By S. GURUMURTHY (from : http://www.bjp.org )

S. Gurumurthy argues that the monotheistic Semitic religions of what he calls "the West" brought intolerance to India. Traditionally, Gurumurthy argues, Indian culture was characterized by a liberal pluralism stemming from the polytheism of Hindu beliefs.

In the history of human civilization there have been two distinct ways of life -- the eastern and the Semitic. If we look at the history of India and of its people on the one hand and at the history of Semitic societies on the other, we find a glaring difference. In India the society and individual form the center of gravity, the fulcrum around which the polity revolves, and the state is merely a residuary concept. On the other hand, in the Semitic tradition the state wields all the power and forms the soul and the backbone of the polity. In India, temporal power was located in the lowest units of society, which developed into a highly decentralized social network. This was the very reverse of the centralized power structures that evolved in the Semitic tradition of the West. We had decentralizing institutions, of castes, of localities, of sects belonging to different faiths; of groups of people gathering around a particular deity or around a particular individual. Society was a collection of multitudes of self-contained social molecules, spontaneously linked together by socio spiritual thoughts, symbols, centers of pilgrimage, and sages. In the West the most important, and often the only, link between different institutions of the society was the state.

THE RESIDUAL STATE

Of course, the state also existed in India in the past, but only as a residual institution. It had a very limited role to perform. Even the origin of the state is said to be in the perceived necessity of an institution to perform the residual supervisory functions that became necessary because a small number of people could not harmonize with the rest in the self- regulating, self-operating and self powered functioning of the society. The state was to look after the spill-over functions that escaped the self-regulating mechanisms of the society. The Mahabharata, in the Santiparva, defines the functions of the state precisely thus. The state was to ensure that the one who strays away from public ethics does not tread on others. There was perhaps no necessity for the state at one point in our social history. The evolution of society to a point where certain individuals came to be at cross purposes with the society because of the erosion of dharmic, or ethical values, introduced the need for a limited arbiter to deal with "outlaws" who would not agree to be bound by dharma. That task was entrusted to the state. This appears to be the origin of the state here. So the society or the group, at whatever level it functioned, was the dominant reality and the state was a residual authority. The society had an identity distinct from the state. Social relations as well as religious and cultural bonds transcended the bounds of the state.

DHARMA VS. SOCIAL CONTRACT

People in the Semitic society, on the other hand, seem to have burdened themselves with the state the moment they graduated from tribalism and nomadic life to a settled existence. Thus the Semitic society never knew how to live by self-regulation. People never knew how to exist together unless their lives were ordered through the coercive institution of the state. The concept of self-regulation, the concept of dharma, the personal and public norms of action and thought that we have inherited from time immemorial, did not have any chance to evolve. Instead what evolved, for example in the Christian West, was the "social contract" theory of the state. And this became the basis of the nation state that dominated during the era of Western hegemony. But even before that, a mighty state, a nation-less state, had already evolved in the West. It was a state that cut across all nations, all societies, all ethnicities, all faiths, all races. This was the kind of state developed by the Romans. The statecraft of the Romans purveyed power and power alone. Later, after the collapse of the nationless state, tribal nationalism began to be assertive. This nation state, whose power was legitimated according to socio-religious criteria, became the model for the Semitic society. Far from being an arbiter, the state became the initiator, the fulcrum of the society.

STATELY RELIGION

Western society thus became largely a state construct. Even geography and history began to follow state power. In the scheme of things, the king symbolized total power, the army became crucial to the polity, and the police indispensable. The throne of the king became more important than the Church, and his word more important than the Bible, forcing even the Church to acquire stately attributes and begin competing with the state. That is why the first Church was founded in Rome. Because of the social recognition of state power and the importance that it had acquired, religion had to go to the seat of the state. That is how Rome, and not Bethlehem, became the center of Christian thought. The Church developed as a state-like institution, as an alternative and a competing institution. The Church began to mimic the state, and the Archbishop competed with the King. And finally religion itself became a competitor of the state. Naturally there were conflicts between these two powerful institutions -- between the state and the Church, and between the King and the Archbishop. Both owed allegiance to the same faith, the same book, the same prophet -- and yet they could not agree on who should wield ultimate power. They fought in order to decide who amongst them would be the legitimate representative of the faith. And, in their ^ght, both invoked the same God. The result was a society that was at war with itself; a society in which the stately religion was at war with the religious state. The result also was centralism and exclusivism, not only in thought, but also in the institutional arrangements. Out of such war within itself -- including between Christianity and Islam -- Semitic society evolved its centralist and exclusivist institutions that are now peddled as the panacea for the ills of all societies. As the monotheistic civilization rapidly evolved a theocratic state, it ruled out all plurality in thought. There could not be any doubt, there could not be a second thought competing with the one approved and patronized by the state, and there could not even be a second institution representing the same faith. The possibility of different religions or different attitudes to life evolving in the same society was made minimal. No one could disagree with the established doctrine without inviting terrible retribution. Whenever any semblance of plurality surfaced anywhere, it was subjected to immediate annihilation. The entire social, political and religious power of the Semitic society gravitated toward and became slowly and finally manifest in the unitary state. Thus single-dimensional universality, far more than plurality, is the key feature of Western society. The West, in fact, spawned a power-oriented, power-driven, and power-inspired civilization which sought and enforced thoughts, books, and institutions.

GUARDIAN SAGES

This unity of the Semitic state and the Semitic society proved to be its strength as a conquering power. But this was also its weakness. The moment the state became weak or collapsed anywhere, the society there also followed the fate of the state. In India, society was supported by institutions other than the state. Not just one, but hundreds and even thousands of institutions flourished within the polity and none of them had or needed to use any coercive power. Indian civilization -- culture, arts, music, and the collective life of the people guardianship of the people and of the public mind was not entrusted to the state. In fact, it was the sages, and not the state, who were seen as the guardians of the public mind. When offending forces, whether Sakas or Huns or any others, came from abroad, this society -- which was not organized as a powerful state and was without a powerful army or arms and ammunition of a kind that could meet such vast brute forces coming from outside -- found its institutions of state severely damaged. But that did not lead to the collapse of the society. The society not only survived when the institutions of the state collapsed, but in the course of time it also assimilated the alien groups and digested them into inseparable parts of the social stream. Later invaders into India were not mere gangs of armed tribes, but highly motivated theocratic war-mongers. The Indian states, which were mere residues of the Indian society, caved in before them too. But the society survived even these crusaders. In contrast, the state-oriented and state-initiated civilizations, societies and cultures of the West invariably were annihilated with the collapse of the state. Whether the Romans, the Greeks or the Christians, or the later followers of Islam, or the modern Marxists -- none of them could survive as a viable civilization once the state they had constructed collapsed. When a Semitic king won and wiped out another, it was not just another state that was wiped out, but all social bearings and moorings of the society -- all its literature, art, music, culture and language. Everything relating to the society was extinguished. In the West of today, there are no remnants of what would have been the products of Western civilization 1500 years ago. The Semitic virtue rejected all new and fresh thought. Consequently, any fresh thought could prevail only by annihilating its predecessor. At one time only one thought could hold sway. There was no scope for a second.

EASTERN PLURALISM

In the East, more specifically in India, there prevailed a society and a social mind which thrived and happily grew within a multiplicity of thoughts. "Ano bhadrah kratavo yantu visatah" ("let noble thoughts come in from all directions of the universe") went the Rigvedic invocation. We, therefore, welcomed all, whether it was the Parsis who came fleeing from the slaughter of Islamic theocratic marauders and received protection here for their race and their religion, or the Jews who were slaughtered and maimed everywhere else in the world. They all found a secure refuge here along with their culture, civilization, religion and the book. Even the Shia Muslims, fearing annihilation by their coreligionists, sought shelter in Gujarat and constituted the first influx of Muslims into India. Refugee people, refugee religions, refugee cultures and civilizations came here, took root and established a workable, amicable relationship with their neighborhood. They did not -- even now they do not -- find this society alien or foreign. They could grow as constituent parts of an assimilative society and under an umbrella of thought that appreciated their different ways. When first Christianity, and later Islam, came to India as purely religious concerns, they too found the same assimilative openness. The early Christians and Muslims arriving on the west coast of India did not find anything hostile in the social atmosphere here. They found a welcoming and receptive atmosphere in which the Hindus happily offered them temple lands for building a church or a mosque. (Even today in the localities of Tamilnadu temple lands are offered for construction of mosques). It was only the later theocratic incursions by the Mughals and the British that introduced theological and cultural maladjustments, creating conflict between the assimilative and inclusive native ways of the East and the exclusive and annihilative instincts of Islam and even Christianity. Until this occurred, the native society assimilated the new thoughts and fresh inputs, and had no difficulty in keeping intact its social harmony within the plurality of thoughts and faiths. This openness to foreign thoughts, faiths and people did not happen because of legislation, or a secular constitution or the teachings of secular leaders and parties. We did not display this openness because of any civilizing inspiration and wisdom which we happened to have received from the West. Yet, we are somehow made to believe, and we do, that we have become a somewhat civilized people and have come to learn to live together in harmony with others only through the civilization, the language, the statecraft and the societal influence of the West! It is a myth that has become an inseparable component of the intellectual baggage that most of us carry.

SURVIVING THE SEMITIC ONSLAUGHT

Religious fanaticism, invaded us and extinguished our states and institutions, our society could still survive and preserve its multidimensional life largely intact. Our survival has been accompanied, however, with an extraordinary sense of guilt. In our own eyes, we remain a society yet to be fully civilized. This is because, as the state in India quickly became an instrument in the hands of the invaders and colonizers, we were saddled not just with an unresponsive state, but a state hostile to the nation itself. A state-less society in India would have fared better. Such a paradox has existed nowhere else in the history of the world. When we look at the history of any other country, we find that whenever an overpowering alien state came into being, it wiped out everything that it saw as a native thought or institution. And if the natives insisted on holding on to their thought and institutions, then they were wiped out. But the Indian society survived under an alien and hostile state for hundreds of years, albeit at the price of having today lost almost all initiative and self confidence as a civilization.

GIVE ME YOUR PERSECUTED

How did the assimilative Hindu cultural convictions fare in practice, not just in theory and in the archives? This is probably best seen by comparing the Iranians of today with the Parsis of India. A few thousand of them who came here and who now number 200,000 have lived in a congenial atmosphere. They have not been subjected to any hostility to convert, or to give up their cultural or even racial distinction. They have had every chance, as much as the natives had, to prosper and evolve. And they did. They have lived and prospered here for 1500 years, more or less the same way as they would have lived and prospered in their own lands, had those lands not been ravaged by Islam. Compare an average Parsi with an average Iranian. Does the Persian society today display any native attributes of the kind that the Parsis, living in the Indian society, have managed to preserve? One can ^nd no trace of those original native attributes in the Iranian society today. That is because not only the native institutions, native faiths and native literature, but also the native mind and all vestiges of native originality were wiped out by Islam. That society was converted and made into a uniform outfit in form, shape and mental condition. On that condition alone would Islam accept it. What Islam did to the natives in Egypt, Afghanistan and Persia, or what Christianity did to the Red Indians in America, or what Christianity and Islam did to each other in Europe, or the Catholics did to Protestants, or the Sunnis did to Shias and the Kurds and the Ahmedias, or what the Shias did to the Bahais, was identical. In every case the annihilation of the other was attempted -- annihilation of other thoughts, other thinkers and other followers. The essential thrust of the Semitic civilizational effort, including the latest effort of Marxist monotheism, has been to enforce uniformity, and failing that, to annihilate. How can the West claim that it taught us how to lead a pluralistic life? If you look at history, you find that they were the ones who could not, and never did, tolerate any kind of plurality, either in the religious or the secular domain. If it has dawned upon them today that they have to live with plurality, it must be because of the violence they have had to commit against themselves and each other. The mass slaughter which the Western society has been subjected to by the adherents of different religious thoughts and by different tyrants is unimaginable, and perhaps they are now sick of this slaughter and violence. But the view we get, and are asked to subscribe to, is that the "civilized" West was a peaceful society, and that we brutes down here never knew how to live at peace with ourselves and our neighbors until liberated by the literate. What a paradox!

TEMPORAL POWER

The foundation of the Semitic system is laid on temporal power. For acceptance and survival in this system even religion had to marry and stick to temporal authority at the cost of losing its spiritual moorings. It was with this power -- first the state power, which still later was converted into technological power -- that the Christian West was able to establish its dominance. This brute dominance was clothed in the garb of modernity and presented as the civilization of the world. The aggressively organized Western society, through its powerful arm of the state, was able to overcome and subordinate the expressions of the self- governing decentralized society of the East that did not care to have the protection of a centralized state. Our society, unorganized in the physical sense, although it was much more organized in a civilizational sense, had a more evolved mind. But it did not have the muscle; it did not have the fire power. Perhaps because of the Buddhist influence, our society acquired disproportionately high Brahmatejas, Brahminical piety and authority, which eroded the Kshatravirya, the temporal war-making power. So it caved in and ceded temporal authority to the more powerful state and the statecraft that came from outside. The society that caves in is, in terms of the current global rules, a defeated society. This society cannot produce or generate the kind of self-confidence which is required in the modern world.

DYNAMIC CHRISTIANS, STAGNANT MUSLIMS

The nation-state was so powerful, that other countries, like India, could not stand against it. And when the nation-state concept was powered by religious exclusivism it had no equal. When religion acquired the state, the church itself was the first victim of that acquisition. Christianity suffered from the Christian state. It had to struggle not only against Islamic states and Islamic society, but also against itself. As a consequence, it underwent a process of moderation. First, it experienced dissent, then renaissance through arts, music and culture. Thus Christianity was able to overcome the effect of theocratic statecraft by slowly evolving as a society not entirely identified with the state. First the state began to dominate over the Church on the principle of separation between the religious and temporal authorities. The result was the evolution of the secular state. Thus the King wrested the secular power from the Archbishop. Then through democratic movements following the French Revolution, the people wrested power from the King. Later commerce invaded public life as the prime thrust of the Christian West. The theocratic state abdicated in favor of a secular state, the secular state gave way to democracy and later democracy gave way to commerce. Then power shifted from commerce to technology. And now in the Christian West, the state and the society are largely powered by commerce and technology. The Christian West today is even prepared to give up the concept of the nation-state to promote commerce fueled by technological advance. Look at the consolidation that is taking place between Mexico, Canada and the United States of America around trade, and the kind of pyramidal politico economic consolidation that is taking place in Western Europe. All this is oriented towards only one thing West.

ISLAM REMAINED UNCHANGED

While the Christian West has evolved dynamically over the past few centuries, the story of Islam is one of 1500 years of unmitigated stagnation. There has never been a successful attempt from within Islam to start the flow, so to speak. Anyone who attempted to start even a variant of the mainstream flow -- anyone who merely attempted to reinterpret the same book and the same prophet -- was disposed of with such severity that it set an example and a warning to anyone who would dare to cross the line. Some, who merely said that it was not necessary for the Islamic Kingdom to be ruled by the Prophet's own descendants were wiped out. Some others said that the Prophet himself may come again -- not that somebody else might come, but the Prophet himself may be reborn. They were also wiped out. The Sunnis, the Shias, the Ahmedias, the Bahais -- all of whom trusted the same prophet, revered the same book and were loyal to the same revelation -- were all physically and spiritually maimed. From the earliest times, Islam has proved itself incapable of producing an internal evolution; internally legitimized change has not been possible since all change is instantly regarded as an act of apostasy. Every change was -- and is -- put down with bloodshed. In contrast, the Hindu ethos changed continuously. Though, it was always change with continuity: from ritualistic life, to agnostic Buddhism, to the Ahimsa of Mahavira, to the intellect of Sankara, to the devotion of Ramanuja, and finally to the modern movements of social reform. In India, all these changes have occurred without the shedding of a single drop of blood. Islam, on the other hand retains its changelessness, despite the spilling of so much blood all around. It is the changelessness of Islam -- its equal revulsion towards dissent within and towards non-Islamic thoughts without -- that has made it a problem for the whole world.

ISLAM IN INDIA

The encounter between the inclusive and assimilative heritage of India and exclusive Islam, which had nothing but theological dislike for the native faiths, was a tussle between two unequals. On the one side there was the inclusive, universal and spiritually powerful -- but temporally unorganized - native Hindu thought. And on the other side there was the temporally organized and powerful -- but spiritually exclusive and isolated -- Islam. Islam subordinated, for some time and in some areas, the Hindu temporal power, but it could not erode Hindu spiritual power. If anything, the Hindu spiritual power incubated the offending faith and delivered a milder form of Islam -- Sufism. However, the physical encounter was one of the bloodiest in human history. We survived this test by fire and sword. But the battle left behind an unassimilated Islamic society within India. The problem has existed since then, to this day.

ISLAM, INDIA AND THE CHRISTIAN WEST

The Hindu renaissance in India is the Indian contribution to an evolving global attitude that calls for a review of the conservative and extremist Islamic attitudes towards non-Islamic faiths and societies. The whole world is now concerned with the prospect of extremist Islam becoming a problem by sanctifying religious terrorism. So long as the red flag was flying atop the Kremlin, the Christian West tried to project communism as the greatest enemy of world peace. It originally promoted Islam and Islamic fundamentalism against the fanaticism of communism. The West knew it could match communism in the market-place, in technology, in commerce, and even in war, but it had no means of combating communism on the emotive plane. So they structured a green Islamic belt -- from Tunisia to Indonesia -- to serve as a bulwark against Marxist thought. But that has changed now. When communism collapsed, extremist Islam with its terrorist tendencies instantly emerged in the mind of the Christian West as the major threat to the world.

HINDUS SURVIVED MUSLIM INVASION

We must realize that we have a problem on hand in India, the problem of a stagnant and conservative Islamic society. The secular leaders and parties tell us that the problem on our hands is not Islamic fundamentalism, but the Hindutva ideology. This view is good only for gathering votes. The fact is that we have a fundamentalist Muslim problem, and our problem cannot be divorced from the international Islamic politics and the world's reaction to it. To understand the problem and to undertake the task of solving it successfully, we must know the nature of Hindu society and its encounter with Islam in India. As a nation, we are heckled by the secularist historians and commentators: "You are caste-oriented, you are a country with 900 languages, and most of them with no script," they say. "You can't even communicate in one language, you don't have a common religious book which all may follow. You are not a nation at all. In contrast, look at the unity of Islam and its brotherhood." But the apparently unorganized and diverse Hindu society is perhaps the only society in the world that faced, and then survived, the Islamic theocratic invasion. We, the Hindu nation, have survived because of the very differences that seem to divide us. It is in some ways a mind- boggling phenomenon: For 500 to 600 years we survived the invasion of Islam as no other society did. The whole of Arabia, which had a very evolved civilization, was run over in a matter of just 20 years. Persia collapsed within 50 years. Buddhist Afghans put up a brave resistance for 300 years but, in the end, they also collapsed. In all of these countries today there remains nothing pre- Islamic worth the name save for some broken down architectural monuments from their pre-Islamic past. How did our society survive the Islamic onslaught? We have survived not only physically, but intellectually too. We have preserved our culture. The kind of music that was heard 1500 years ago is heard even today. Much of the literature too remains available along with the original phonetic intonations. So the Indian society continued to function under a hostile occupation even without a protective state. Or rather, we survived because our soul did not reside in an organized state, but in an organized national consciousness, in shared feelings of what constitutes human life in this universe that happens to be such a wonderfully varied manifestation of the divine, of Brahman.

HINDUTVA AS INDIA'S ANCHOR

The assimilative Hindu cultural and civilizational ethos is the only basis for any durable personal and social interaction between the Muslims and the rest of our countrymen. This societal assimilative realization is the basis for Indian nationalism, and only an inclusive Hindutva can assimilate an exclusive Islam by making the Muslims conscious of their Hindu ancestry and heritage. A national effort is called for to break Islamic exclusivism and enshrine the assimilative Hindutva. This alone constitutes true nationalism and true national integration. This is the only way to protect the plurality of thoughts and institutions in this country. To the extent secularism advances Islamic isolation and exclusivism, it damages Hindu inclusiveness and its assimilative qualities. And in this sense secularism as practiced until now conflicts with Indin nationalism. Inclusive and assimilative Hindutva is the socio-cultural nationalism of India. So long as our national leaders ignore this eternal truth, national integration will keep eluding us.

Center for Policy Studies, Madras.
1993.

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jeudi, 10 avril 2008

Quête spirituelle: au coeur du labyrinthe

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Christophe Levalois: «Au cœur du labyrinthe». Méditations sur la Quête spirituelle

 

Fort élégant et sobre, dans le sens traditionnel de ces ter­mes, tant par la présentation que par le choix de la typo­gra­phie, c'est un substantiel volume de poèmes que nous offre Christophe Levalois, qui a déjà publié plusieurs remarqua­bles études, traduites en plusieurs langues, sur différents as­pects des doctrines traditionnelles.

 

Retenons principalement: un petit ouvrage d'une rayonnante clarté sur le symbolisme du Pôle (Nord) (l), et l'origine my­thique d'une terre correspondante, dans les expressions du divin d'Orient ou d'Occident. Plusieurs études sur la royauté (2) dans son acception la plus élevée, une participation passionnante à une Enquête sur la Tradition aujourd'hui (3), un ouvrage capital par sa densité et sa concision sur la crise du monde moderne (4) à l'aune des principes des diverses formes du Sacré, et un volume sur les mythes et traditions du loup (5) où la rigueur de l'exposition des données histo­ri­ques ne le cède en rien à celui de la connaissance des cou­tumes, des légendes et des symboles de cet animal noble, so­lidaire et courageux qui, nous dit l'auteur, «servit de modè­le aux redoutables confréries guerrières indo-européennes».

 

Notre époque a bien du mal à apprécier la poésie, sans doute parce qu'elle a autant de difficulté à appréhender de façon orthodoxe l'intériorité des doctrines traditionnelles. Préférant leur substituer soit de laborieux exercices de lan­ga­ge, soit les fadaises du New Age . Rien de cela ici, et nous n'irons pas par quatre chemins pour dire ce que nous a­vons ressenti à la lecture méditative de ces pages magni­fi­ques où se mêle avec bonheur la moelle de l'authenticité du message au miel harmonieux du style et du choix des mots. Cette quête, telle un rayon solaire immanent à la Vérité, re­joint le centre du flamboiement et étincelle par les arabes­ques qu'elle tisse sur l'être et l'univers.

 

Questionnement du Sphinx

 

Précipitez-vous auprès de l'éditeur, car comme bien des re­cueils de poésie le tirage est limité, et nous ne saurions trop insister sur la belle et nue qualité de ces textes, qui vous feront entrer dans le prochain millénaire, un peu plus serein et avec, chevillé au cœur, la sensation d'avoir franchi com­me un pont sur l'invisible. Quatre parties, qui sont comme les balises du travail alchimique, respectivement intitulées, «I, Retournement, II, Mort et rectification, III, Cheminement, et IV, La lumière du cœur », l'ensemble couronné par une ou­verture ou un «portique», —à l'image du célèbre questionne­ment du Sphinx—, et des citations des plus beaux écrits de mystiques, pour entrer en douceur dans la quête spirituelle et au cœur de «ce» labyrinthe.

 

Comme l'avait écrit Frithjof Schuon dans un hommage au Shaykh Ahmad al-Alawî décédé: «Il arrive parfois, à notre é­poque où le doute et l'esprit utilitaire s'étendent en une cou­che uniforme toujours plus envahissante, que nous ayons des contacts avec des mondes dont la vie coule encore, sem­blables aux lourds fleuves d'Asie, selon des rythmes sé­culaires» (6). Le poème «L'Anneau d'or » par exemple, nous mets en relation immédiate avec ces mondes dont Schuon nous parle, tout en secouant l'acédie, le relâchement qui sans cesse nous guette, cf., «Naître une deuxième fois», «Re­composer dans l'harmonie», et appeler à notre vigilance autant qu'à notre sens du discernement entre l'Absolu de Dieu et la relativité de notre humaine condition. Or le rythme «sé­culaire» ou pérenne, est le lieu possible où se déploie la parole, levain de la langue parce que nativité du Réel inté­gral. Il y a ici une alternance des modes qui métamorphose le «métal» du mental dans l'or de la quête où se transfigure l'être profond.

 

Devenir un souffle

 

Pour franchir la porte —entre toute au cœur du labyrinthe— qua­trième et qui clôt (momentanément) le livre, une citation en provenance du Mahâbhârata: «Là nul n'était supérieur aux autres, tous avaient même luminosité (...)». Comment ac­quérir cette luminosité? Dans «Ici et là» l'auteur nous murmure qu'il faut: «Avoir des certitudes qui meurent, Et se renouvellent à chaque instant. Se débarrasser de l'être, Il finit par encombrer. Devenir un souffle».

 

Il n'est pas assuré, avec le nivellement du mode de vie mo­derne, que tous comprennent la signification d'une pareille sentence, comme nous l'enjoint le Mahâbhârata, et selon l'ex­pression miroitée et métaphorique de Christophe Leva­lois. Peut-être pourrait-on se risquer au commentaire sui­vant: c'est par leur participation originelle à la dimension pro­prement miraculeuse de l'existence que «les créatures, quel­les qu'elles soient, sont rigoureusement égales. L'existence, ou encore, comme dit Frithjof Schuon, la non-inexistance, con­stitue une différentielle radicale d'avec le néant. De ce point de vue, il n'y a pas de plus ou de moins» (7). Néan­moins, il est de la nature de l'homme de transcender l'œuvre au noir dont il est composé, et c'est ce que confirme le poè­me «Du visible à l'invisible », qui nous propose «d'Etre un pont», afin que «Rayonne un anneau d'or, (...) soigneuse­ment déposé, (...) [que] l'on ne regarde pas avec l'œil du premier corps» («L'Anneau d'Or»), [mais] «Par les ailes de l'es­prit, Où il n'y a finalement plus rien» («Du cœur de l'être»), et où l'on peut, «Rassembler le tout, Et le laisser. Pour un presque rien, Qui est plus que tout» («Rassembler ce qui est épars»).

 

Bien des sons et des accents de ces poèmes, gorgé de ma­gie polaire, de la tendresse simple et altière des sous-bois, nous ont rappelé le grand écrivain norvégien Tarjei Vesaas et son Palais de glace (8).

 

Ce petit volume étincelant, s'achève (ou s'ouvre à nouveau?) sur ce splendide extrait d'une des Odes mystiques de cet É­veillé qu'était Djalâl-od-Dîn Rûmî: «Quand tu auras trans­cendé la condition de l'homme, tu deviendras, sans nul dou­te, un ange. Alors, tu en auras fini avec la terre; ta demeure sera le ciel. Dépasse même la condition angélique; pénètre dans cet océan, afin que ta goutte d'eau puisse devenir une mer».

 

Supplément au n°4, de la revue Tradition, ce volume est à com­mander auprès du Cercle «SOL INVICTUS», c/o, M. Arnaud Guyot-Jeannin, 1 rue du Bois-de-Boulogne, F-92.200 Neuilly-sur-Seine, France. Prix: FF 60.- frais d'envoi en plus.

 

© Olivier DARD, Genève, décembre 1999.

 

(1)  Voir La Terre de lumière, le Nord et l'origine, Bordeaux, Éditions PCL, 1985.

(2) Entre autre, Symbolisme de la décapitation du roi, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1992; Principes immémoriaux de la royauté, Éditions Le Léopard d'Or, Paris, 1989.

(3) Publiée sous la direction d'Arnaud Guyot-Jeannin, Enquête sur La Tradition aujourd'hui, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1996.

(4) Les temps de confusion: essai sur la fin du monde moderne, Éditions Guy Trédaniel, Paris, 1991. Par ses citations extraites des meilleu­res sources, ce livre met utilement et avec une bienheureuse effica­cité les «pendules à l'heure», dans la perspective ouverte par Re­né Guénon, Julius Evola ou Ananda K. Coomaraswamy, en ce qui con­cerne toutes sortes de divagations et d'erreurs dans lesquelles sont tombées les sociétés occidentales depuis l'avènement de «l'Age som­bre» encore appelé Kali-Yuga par les Hindous.

(5) Le loup, mythes et traditions, Éditions Le Courrier du Livre, Paris, 1997.

(6) ...Rahimahu Allah («Qu'Allah lui soit miséricordieux!») in: revue Les Cahiers du Sud, août-septembre 1935.

(7) Jean Borella, «Logique du Non-Dualisme», page 20, in: Connais­sance des religions, Vol. III/n°4, mars 1988.

(8) Traduit du norvégien par Élisabeth Eydoux, introduction et chro­no­logie par Régis Boyer, Editions Garnier-Flammarion, n°423, Paris, 1985.  

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dimanche, 06 avril 2008

Comment fonctionne la pensée racialisante en Chine?

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Moestasjrik/’t Pallieterke :

Comment fonctionne la pensée racialisante en Chine

 

La pensée chinoise pré-moderne, quand elle aborde la question des peuples étrangers, oscille entre deux pôles : elle se présente parfois comme un ethno-racisme, la plupart du temps comme un « universalisme de civilisation ». Cet « universalisme de civilisation » est l’idéal du confucianisme : la civilisation du milieu intègre graduellement toutes les tribus de la périphérie, soit les barbares des « si yi », ou des « quatre directions (du vent) ». Cette approche des barbares s’appelait « yong xia bian yi », soit « utiliser les mœurs chinoises pour transformer les barbares ». Les minorités intérieures « hanhua », deviennent chinoises, tandis que les étrangers « laihua », vont et viennent.

 

Les étrangers, hors milieu, dans une telle vision, n’ont pas d’identité digne d’être mentionnée, sauf qu’ils ne sont pas chinois ou ne sont qu’au début du processus qui fera à terme d’eux des Chinois. Si tout se déroule correctement, l’ensemble de l’humanité finira par participer à la civilisation (chinoise). L’harmonie universelle sera alors un fait acquis, et chacun sera heureux. Je vous le dis directement : je trouve que ce scénario est lumineux. Mutatis mutandis, nous pourrions nous-mêmes reprendre cette approche pour résoudre la problématique de nos propres relations difficiles avec les peuples qui sont nos voisins et que nous jugeons moins civilisés, de même qu’avec nos immigrés. L’Empire romain a du reste mené une politique similaire à l’endroit des Germains, Sarmates et autres peuples cavaliers turbulents.

 

Le grand exemple historique d’une intégration réussie des barbares au sein de la civilisation chinoise est celui de la dynastie Zhou (du 12ième au 3ième siècle av. J. C.). Pendant le deuxième millénaire avant J. C., cette dynastie relevait d’une tribu barbare errant le long de la frontière occidentale de l’Empire chinois qui s’est progressivement sinisée en servant l’Empereur Shang ; cette tribu montait la garde sur les marges de l’Empire face aux « vrais barbares ». Dans le langage de l’Europe féodale, nous dirions que le chef Zhou était un « markgraaf », un « comte des marches ». Lorsque les Shang entrèrent en décadence, les Zhou commirent un coup d’Etat, péripétie de l’histoire chinoise qui forme l’arrière-plan du livre des oracles bien connu, le Yijing (ou « I Tjing »), ou « Livre des Transformations ». Les débuts du régime des Zhou seront considérés plus tard par le confucianisme féodal et conservateur comme l’idéal d’une société ordonnée et équilibrée.

 

Cependant, tous les peuples barbares ne se laissèrent pas aussi aisément domestiquer. Certains d’entre eux restèrent menaçants, pendant des siècles, le long des frontières, comme les Huns contre qui la Grand Muraille de Chine fut construite. D’autres réussirent même à occuper certaines parties de l’Empire. Deux d’entre eux purent même soumettre la Chine toute entière : les Mongols, qui formèrent par après la dynastie Yuan (1277-1367) et les Mandchous qui donnèrent la dynastie Qing (1644-1911). Ces deux peuples menèrent, en tant que castes dominantes, une sorte de politique d’apartheid à l’encontre des Chinois. Sous la République populaire, ils furent rapidement sinisés, une promotion que l’on réservait également aux Tibétains. Quand un long combat opposait la Chine à des peuples étrangers ou quand elle était occupée par ces derniers, une sorte de conscience raciale émergeait. Dans la pensée racialisante qui en découlait, on se mit rapidement à faire le lien entre l’aspect (physique) de l’étranger et son manque de culture chinoise : « S’il n’est pas de notre race, alors son cœur et son esprit sont autres », dit une chronique féodale du 4ième siècle avant J.C.

 

Caractéristiques et couleurs

 

Les barbares vivant dans la sphère d’influence chinoise sont désignés par leur propre nom ethnique, ou désignés collectivement par l’expression de « barbares cuits » ; les barbares de l’extérieur sont, eux, les « barbares crus », ou, plus habituellement, les « diables » ou les « bêtes ». Dans les idéogrammes chinois, on ajoutait à la graphie de leur nom le signe signifiant « reptile » pour désigner les barbares du sud, ou les signes signifiant « chèvre » ou « chien » pour les barbares du nord. Les Japonais et leurs collaborateurs chinois, pendant la seconde guerre mondiale, firent de même avec les caractères « Ying », pour les Anglais, et « Mei », pour les Américains. Cette façon de procéder perpétuait en fait l’habitude primitive et universelle de ne considérer que son propre peuple comme humain.

 

Parfois les barbares sont désignés par des caractéristiques corporelles. Pour ce qui concerne les couleurs, le blanc, pour la peau, est la couleur des Chinois, à côté du jaune solaire, couleur symbolique du « milieu ». Le noir ou toute autre couleur sombre désigne les divers peuples barbares : par exemple, les méridionaux foncés d’Indonésie et, après les importations d’esclaves par les Portugais, les étrangers venus d’Afrique. Les couleurs sombres désignent aussi les ressortissants d’Asie centrale qui sont à peine plus basanés que les Chinois, notamment les robustes Tibétains, qui leur font peur. Les étiquettes colorées, attribuées aux peuples, étaient donc fantaisistes : ainsi les peuples d’Inde méridionale et d’Arabie étaient décrits comme « violets ». Les esclaves, quelle qu’ait été leur race, qui travaillaient en plein soleil, se voyaient attribuer le terme de « faces de suie ». Les Blancs étaient décrits comme froids, grands, velus, barbus, roux, « blancs comme la cendre » et « aux yeux de couleur ». Parfois les peuples se voyaient attribuer une couleur qui n’était pas celle de leur peau, de leur aspect extérieur, mais qui faisait référence au point cardinal dont ils provenaient : ceux de l’Est étaient « verts-bleus », ceux du sud, « rouges », ceux de l’ouest, « blancs », ceux du nord, « noirs » et ceux du milieu, « jaunes ». Sans doute parce que les Mongols utilisaient le même langage pour leur propre Empire, le terme de « Russie Blanche » ou « Biélorussie », signifierait en fait « Russie occidentale ».

 

Mis à part les invasions militaires étrangères, l’introduction pacifique du bouddhisme indien en Chine donna lieu à des spéculations inamicales relatives aux différences raciales. D’après les exposants du taoïsme chinois, le bouddhisme était inadapté à la nature raciale des Chinois. Bouddha avait dû inventer des règles très strictes contre la violence, l’avidité et le vice parce que son propre peuple était un ramassis de sauvages et ne connaissait pas la mesure, alors que les Chinois, eux, possédaient par eux-mêmes le sens de la mesure et de l’harmonie.

 

En bref, comme le reste de l’humanité, les Chinois ont eu tendance, eux aussi, à procéder à des distinctions d’ordre racial. Aux 19ième et 20ième siècles, ce racisme de circonstances, dépourvu de systématicité, deviendra une pensée racialiste quasi scientifique.

 

Moestasjrik / ‘t Pallieterke.

(article paru dans « ‘ t Pallieterke », Anvers, 26 mars 2008, traduction française : Robert Steuckers).

 

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dimanche, 23 mars 2008

Entretien avec Christophe Gérard

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Christopher Gérard: Parcours d'un païen

 

Acte un. Imaginez un gamin, douze ans à peine, pas­sionné d'archéologie, penché sur le squelette d'un guer­rier franc enterré là depuis quoi ? dix, quinze siècles... L'enfant, pas encore un adolescent, s'active pour mettre à jour les restes du vieux Belge qui en son temps dut être un rude gaillard ardennais. Pour Christopher —car vous l'aurez deviné, c'est de lui qu'il sagit— plus qu'une pièce de musée c'est une authentique relique qu'il est en train d'exhumer. Mieux: qu'il ressuscite. Premier senti­ment de religiosité, et déjà, confusément, le sens du tra­gique. L'alchimie s'opère.

 

Acte deux, quelques années ont passé. Nous retrouvons Christopher, jeune homme toujours passionné de fouilles, dégageant du chantier où il s'affaire une pièce de monnaie romaine du règne de Constantin. On lui a dit que ces rui­nes, tout ce qu'il reste d'un édifice jadis magnifique, re­montent aux premiers chrétiens et à leur frénésie destruc­trice. Pourquoi un tel déchaînement de violence ? Il frotte la pièce, parvient à lire l'inscription qui y est martelée. En bon latiniste qu'il est, il n'éprouve aucune peine à la tra­dui­re. Soli Invicto Coniti. Sans qu'il s'en rende bien compte, quel­que chose se produit en lui, comme une prise de cons­cience qui va déterminer toute sa vie. Sa religion est faite.

 

Si vous demandez à Christopher Gérard ce qu'il fait dans la vie, question typiquement occidentale qu'il déteste, sa ré­pon­se sera invariablement la même: «archéologue de la mé­moire». Avec ça, vous serez bien avancé. Demandez-lui plu­tôt qui il est, et d'où il vient. Là, il vous répondra tout ac­cent dehors: «Moi, Irlandais, Germain et Hellène»! Né new-yorkais en 1962, d'un père belge et d'une mère d'ori­gi­ne irlandaise, Christopher Gérard n'attend pas sa première année pour faire son grand retour sur le Vieux Continent. Il n'en bougera plus que pour effectuer deux voyages en Inde, ce qui, pour Gérard l'indo-européen revient au même, ou à peu près. Une fois diplômé de l'Université Libre de Bruxel­les (licence de philologie), Gérard se lance dans l'enseigne­ment. Mais pas n'importe lequel, celui de la plus vieille sa­gesse européenne, celle que lui a révélé sa double forma­tion et d'historien et d'helléniste-latiniste. Par des moyens modernes, Christopher Gérard entend diffuser la vision du mon­de qui est la sienne, la vision archaïque d'avant l'arri­vée des chrétiens.

 

Le chemin de Wilflingen et la naissance d'Antaios

 

Ne manquant pas d'ambition et prenant son courage à deux mains, il prend la route de Wilflingen en 1992 après Jésus Christ (la précision a son importance) et frappe à la porte d'Ernst Jünger, pour obtenir de lui l'autorisation de repren­dre à son compte la publication d'Antaios, revue détudes po­lythéistes que le nonagénaire auteur du Traité du rebelle avait cofondé et animé avec Mircea Eliade de 59 à 71. Jün­ger accepte. Le premier numéro d'Antaios nouvelle formule paraît sous le parrainage de l'anarque le 8 novembre 1992. Une date des plus symboliques; le 1600ème anniversaire de l'in­terdiction du paganisme par l'empereur chrétien Théo­do­se, le 8 novembre 392. Antaios se veut une source d'in­spi­ration pour préparer le XXIème siècle, dont on sait de­puis Jünger qu'il sera celui des Titans, et le XXIIème siècle, ce­lui des Dieux, toujours selon Jünger. Depuis, Antaios s'ho­nore d'accueillir dans ses pages Michel Maffesoli, Alain Daniélou, Arto Paasilina, Robert Turcan, Gabriel Matzneff, ou Jean-Claude Albert-Weill, et publie des inédits de Cio­ran, Michaux, Borges, F.G. Jünger, Evola et Ziegler. Existe aussi pour soutenir la revue une Société d'Etudes Polythéi­stes, fondée en 1998, un 8 novembre également.

 

Le paganisme selon Christopher Gérard? L'expression, su­per­be, est de lui: «redevenir soi-même macrocosme». Pas de divinité tutélaire, ni menu à la carte, façon New Age. Pas question de se convertir au brahmanisme ou à l'hin­douis­me. Ridicule! Pas de mythe de l'Age d'Or. Pas d'illusion sur la technique, mais pas de blocage mental dessus. Pas d'i­dolâtrie non plus. «Méden agan» (rien de trop). Prier une multitude de dieux revient toujours à vénérer le seul et mê­me dieu démultiplié en autant de services à rendre. Non, le paganisme vrai consiste à révérer l'un et son con­trai­re, Apollon et Artémis, Sol et Luna, tous participant d'un même ordre du monde harmonieux, dans une pratique per­sonnelle, libre et joyeusement acceptée. Une ascèse, un combat aussi, contre le monothéisme génocidaire, l'ho­mo­généisation, les idéologies modernes. Rien de plus éloi­gné du paganisme que le fanatisme, le sectarisme reli­gieux. Cest pourquoi Gérard n'aime pas le mot foi, et lui pré­fère fides (sa devise, «Fides aeterna»).

 

Et n'allez pas lui dire que le monde est désenchanté, lui vous rétorquera crépuscule en bord de mer, brâme du cerf au petit matin, bruissement du vent dans les branches, chant du ruisseau. Entretien (propos recueillis par Laurent SCHANG).

 

Le Baucent: Pour ceux qui ne vous connaîtraient pas en­core, Christopher Gérard, pourquoi ce titre, Parcours païen ?

 

Christopher Gérard: Parcours païen est un recueil de tex­tes illustrant le réveil des Dieux dans la conscience d'un jeu­ne Européen d'aujourd'hui. La pensée grecque, surtout celle des présocratiques (sans oublier l'héritage tragique), l'empereur Julien, le souvenir de fouilles archéologiques menées durant l'adolescence, la figure solaire de Mithra, des voyages aux Indes sur les traces d'Alain Daniélou, l'Ir­lan­­de ancestrale, tous ces éléments à première vue dis­pa­ra­tes, mais d'une cohérence souterraine, composent le pay­sa­ge mental d'un «Païen» d'aujourd'hui. La vision proposée est donc personnelle: il s'agit bien d'un itinéraire peu banal et d'un témoignage, celui de la permanence d'un courant polythéiste en Europe.

 

En rassemblant ces textes, j'ai voulu offrir au lecteur des pi­­stes de réflexion et montrer que le Paganisme est à la fois civilisateur et apaisant. Trop de malentendus, de ca­ri­ca­tures l'ont rendu «suspect» et il était temps d'en finir avec toute une bimbeloterie pseudo-païenne.

 

Le paganisme: une intelligence profonde de la Vie

 

Ce recours à la mémoire païenne constitue un idéal de rési­stance aux ravages de la modernité. Prenons un exemple: les Grecs nous ont livré comme principale leçon de ne se laisser arrêter par aucune question, de refuser tout dogma­tisme. Or notre modernité, héritière d'un Christianisme dé­sincarné (protestantisé), se fonde sur des dogmes: auto­no­mie de l'individu, mythe du progrès, etc. Etre Païen, c'est opposer à ces chimères les cycles éternels, la souveraineté de la personne, c'est-à-dire des hommes et des femmes de chair et de sang qui héritent, maintiennent et transmettent des traditions, une lignée, un patrimoine au sens large. Je lisais il y a peu le beau roman d'un authentique Païen, Jean-Louis Curtis, Le Mauvais Choix (Flammarion 1984). E­coutons ce que cet homme remarquable hélas disparu dit du Paganisme: «On discerne dans le Paganisme une grâce quasi miraculeuse, une intelligence profonde de la vie, du bonheur de vivre. Alors point de religion contraignante, mais seulement des fables gracieuses ou terribles, (...) des choses de beauté qui étaient à la portée de tous». Curtis voit bien que les utopies, ces maladies de l'intelligence, vo­missent le sacré parce qu'elle y voient une menace. Etre Païen aujourd'hui, c'est refuser les utopies, la marchan­disa­tion du monde et le déclin de la civilisation européenne. Le Paganisme aujourd'hui, c'est être à la fois archaïque et fu­tu­riste, comme dirait Guillaume Faye. C'est aussi reven­di­quer haut et fort une souveraineté attaquée de toutes parts.

 

Je vous signale qu'en plus, l'ouvrage comprend une défense de l'Empire: du Brabant à la Zélande, de la Lorraine au Limbourg, nous sommes tous les héritiers d'une civilisation prestigieuse. Il nous appartient de rétablir l'axe carolin­gien, pivot d'un ordre continental digne de ce nom. Ad­ve­niet Imperium!

 

Parcours païen est le premier titre d'une nouvelle collec­tion que je dirige aux éditions L'Age d'Homme intitulée An­taios qui, comme l'indique clairement son Manifeste po­ly­théiste est d'affirmer de façon sereine, par le biais de tra­vaux sérieux dans le cadre de l'érudition sauvage que «les Dieux sont fiction, mais non fabulation» (Ernst Jünger).

 

Le B.: Vous citez abondamment Ernst Jünger et on com­prend pourquoi. Mais que pensez-vous de son com­pa­triote Hermann Hesse, dont l'œuvre immense, disponible au format de poche, présente bien des similitudes avec cel­le de Jünger, en particulier s'agissant de la vision du monde, et ce malgré deux cheminements dans le siècle à l'op­posé l'un de l'autre ? Je pense à Siddharta, Demian, ou Le Loup des steppes.

 

C.G.: Vous avez raison de faire référence à cet écrivain «alémanique», que Jean Mabire définit très justement dans Que lire II (1995) comme «le plus fidèle disciple de Nietz­sche, mais aussi des romantiques allemands». La lecture de Siddhartha m'a bouleversé autant que celle de Sur les fa­laises de marbre. Hesse, comme Jünger est l'un des grands éveilleurs de l'aire germanique: tout jeune Européen doit avoir lu Le Loup des steppes, Le Voyage en Orient, Le jeu des perles de verre,... J'empoigne mon exemplaire annoté de Siddhartha et je tombe sur ces li­gnes: «Qu'un héron vînt à passer au-dessus de la forêt de bambous et Siddhartha s'identifiait aussitôt à l'oiseau, il vo­lait avec lui au-dessus des forêts et des montagnes, il de­ve­nait héron, vivait de poissons, souffrait sa faim, parlait son langage et mourait de sa mort». Quelle plus belle évocation du Paganisme?

 

Le B.: Récemment j'ai vu un documentaire sur le dé­cryp­tage par Champollion de la pierre de Rosette. Sa métho­de aujourd'hui est connue: comparer les textes grecs gra­­vés sur la pierre à ceux en caractères hiéroglyphi­ques. Après coup je me suis souvenu de ce que disait Si­mone Weil, qui affirmait un siècle après Champollion, que la Grèce n'aurait pu exister philosophiquement, re­li­gieu­sement et métaphysiquement sans l'apport de l'E­gyp­te, qu'elle n'en est en quelque sorte que la fille aînée. Propos pour le moins déconcertants, en tout cas pour moi, et qui rappellent la thèse controversée du livre Black Athena. Votre avis sur la question? 

 

Dans le même ordre d'idées, que faut-il penser de l'inter­prétation chrétienne, en particulier développée par Si­mo­ne Weil, qui veut que la Grèce ait trouvé la finalité de son œuvre intellectuelle et spirituelle dans le catho­licis­me, via le judaïsme des intellectuels gréco-latinisés, les Fla­vius Josèphe d'Egypte et d'Israël?

 

C.G.: Je connais mal l'œuvre de Simone Weil, mais com­ment ne pas partager sa méfiance pour les sociétés indus­trielles en tant que systèmes aliénants? L'Enracinement, écrit à Londres en 1943 peu avant sa mort, comporte des pa­ges splendides que tout dissident peut faire siennes. Ceci dit, son pacifisme, son admiration pour la révolution bol­che­vique ne me séduisent pas ni surtout son lent suicide et son goût de la mortification. Sur le plan religieux, elle se dé­finit davantage comme «helléno-chrétienne» que comme disciple de l'Ancien Testament, ce en quoi elle renie ses an­cê­tres juifs. Je ne crois pas à la théorie à la mode chez di­vers Catholiques de la «préparation évangélique», vieux thè­me de la propagande chrétienne depuis le IIIe siècle: la pensée et les rites du Paganisme auraient préparé le triom­phe nécessaire et absolu du fils d'un charpentier palestinien en qui le Dieu créateur de l'univers se serait incarné pour assurer, par le biais d'un supplice infamant, le salut indivi­duel de milliards d'individus décédés, vivants et à naître. Se­lon ces justifications a posteriori déguisées en thèses pro­vi­dentialistes, le seul Catholicisme (Protestants et Or­tho­doxes comptent pour du beurre) serait l'horizon indépas­sable de la pensée (même prétention à la perfection dans le marxisme!). Pour un Païen conséquent, du IVe ou du XXe siècle, ce ne sont là que fantasmagories, bricolage théolo­gique et syncrétisme stratégique en vue du contrôle des es­prits (l'appropriation du platonisme par les Philon, Clément dAlexandrie et autres penseurs chrétiens, l'organisation du culte des saints pour satisfaire les attentes des paysans, par exemple). Entreprise qui trahit une origine bien humai­ne.

 

Paganisme éternel et christianisme cosmique

 

Le Paganisme éternel est une religiosité cosmique et poly­théiste, une Tradition sans début ni fin, ignorant le Dieu créateur extérieur à sa création, le dogme (tombeau de la pensée), le prosélytisme (signe d'une faiblesse intrinsèque, d'un doute fondamental), le sens linéaire de l'histoire, etc. Que des influences de la Grèce sur l'Egypte et vice versa (et sans doute de l'Inde sur la Grèce et l'Egypte) aient été im­portantes, c'est une évidence: le monde antique est fait de ces correspondances mystérieuses. Mais cela ne doit pas nous entraîner dans un confusionnisme qui, s'il peut se ré­véler socialement acceptable, n'en demeure pas moins un malentendu, bref une impasse de la pensée. Si le paysan eu­ropéen pouvait jadis être l'adepte parfaitement incons­cient et sincère de ce que M. Eliade appelle justement le Christianisme cosmique (qui n'a rien à voir avec les Evan­giles!), un Européen cultivé d'aujourd'hui doit être cohérent et opérer un choix entre le culte exclusif du Crucifié censé nous sauver d'un hypothétique péché originel et les reli­gions cosmiques qui constituent l'authentique Traditio pe­ren­nis. Si des rites, des lieux et des mythes préchrétiens (idem dans le Judaïsme et l'Islam qui se sont nourris des traditions antérieures) ont été superficiellement revêtus d'un vernis chrétien et donc récupérés, cela ne fait pas d'eux des rites, des lieux et des mythes chrétiens. Chartres est moins chré­tien que traditionnel. Que le culte de la Vier­ge recouvre ce­lui, originel, de la Grande Déesse, ne fait pas de celle-ci la mère du Nazaréen. En ce sens, les Pro­tes­tants sont d'ail­leurs plus cohérents. Je préfère évidemment la posture ba­roque, qui n'est plus celle de l'Eglise actuelle, de plus en plus infectée d'esprit protestant! Mais l'am­bi­va­lence baro­que est-elle possible aujourd'hui?

 

Le B.: Cette année encore, la fête d'Halloween a connu un record d'affluence. Que pensez-vous de ces festivités essentiellement commerciales en provenance des Etats-Unis, et de leur condamnation par l'Eglise en tant que manifestation du Paganisme, à l'image, paraîtrait-il, de la Gay Pride?

 

C.G.: Je vous avoue que je lis peu la «grande» presse (je lui préfère de modestes bulletins rédigés par des hommes de conviction comme votre Baucent), je n'ai pas la télévision (je tiens à mon intégrité mentale) et je n'écoute jamais la radio (je pratique l'écologie active: éviter toute forme de pollution, y compris sonore). Tout ce tumulte dont vous par­lez m'est donc étranger. J'ai bien aperçu lors de prome­nades cette avalanche de citrouilles et de sorcières, ces figurines plutôt kitsch. Que dire? Je ne fête pas Halloween déguisé en sorcière avide de chouingomme, mais la Samain, antique fête des Druides et des Guerriers, qui est en fait une veillée d'armes. Le premier novembre, pour les Celtes, est une date plus importante que le Solstice d'hiver. Pen­dant quelques jours, les hommes ont accès, sans risque de sacrilège, à l'Autre Monde, celui des Dieux. Le temps est sus­pendu et bien des barrières sont momen­tanément le­vées. La Samain est un moment décisif dans la lutte éter­nelle des Dieux contre les forces du néant; elle est aussi le prologue à l'obscurité qui s'étend. La fête per­met à tous de se préparer à triompher des obstacles: il s'a­git, oui, d'une veillée d'armes, d'où la Mort n'est pas absen­te, mais sans rien de lugubre ni de ludique. C'est vous dire si je ne me reconnais pas dans les enfan­tillages venus des States, cette débauche de consumérisme et d'infantilisme (soyons en­fantins, peut-être, mais pas in­fan­tiles!). La Sa­main est tra­gi­que, Halloween, c'est kitsch. C'est comme si nous com­parions le Tokay à je ne sais quelle mixture bru­nâtre à bulles.

 

Quant aux imprécations de l'Eglise, elles sont fort am­bi­guës. Une chose est de condamner la grotesque gay pride et l'invasion des citrouilles —symbole de crétinisation—, mais de là à parler de Paganisme... Le culte de la mar­chandise, du Veau d'or, la dépravation ou l'exhibitionnisme n'ont strictement rien de païen. Je suis pour ma part le pre­mier à rejeter ces ferments de décadence. Mais le clergé fait mine de confondre la plus ancienne religion du monde (qu'ils ont pillée sans vergogne) avec les pires ma­ni­festations de l'âge sombre. Ce qui dérange en fait ce cler­gé, c'est la vitesse avec laquelle une fête celtique (instru­men­talisée par les mercantis) efface la lugubre Toussaint. C'est de voir que l'imprégnation chrétienne cède si vite la place à de très archaïques archétypes, que la teinture chré­tienne disparaît sous les assauts inlassables du vent et de la pluie. La même remarque peut s'appliquer aux soirées techno: ce n'est pas ma tasse de Bushmills, Dieux merci, mais il est clair que l'ombre de Dionysos s'étend sur ces fê­tes crépusculaires. Heureux retour des temps.

 

Propos recueillis par Laurent SCHANG, le 8 novembre 2000, anniversaire de l'interdiction de tous les cultes païens par Théodose (392).

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vendredi, 14 mars 2008

Evola: Die Lehre der "integralen Tradition"

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»Cavalcare la tigre«
Julius Evola und die Lehre der »integralen Tradition«

Das Leben des Barons Giulio Cesare Andrea Evola steht im Zeichen der Tradition. Er beschwor das Wesen des Politischen auf geistiger Grundlage, gegen Chauvinismus und bourgeoisen Nützlichkeitsmaterialismus. Als Vertreter des aristokratischen Prinzips und Befürworter einer auf dem Sakralen gründenden elitären Haltung war er einer der schärfsten systemimmanenten Kritiker des Faschismus – und zugleich Berater Benito Mussolinis.

Julius Evola wurde am 19. Mai 1898 in Rom geboren. Den Ersten Weltkrieg verbrachte er als Artillerieoffizier an der Front. Anschließend beteiligte er sich an den avantgardistischen Kulturbewegungen des Dadaismus und Futurismus. Anfang der zwanziger Jahre wandte er sich jedoch von der Kunst ab und begann ein Ingenieurstudium, das er aber kurz vor Beendigung abbrach. Daraufhin widmete er sich der Philosophie.
Ende 1926 bildete sich in Rom unter Leitung von Evola die »Gruppe von Ur«, die sich in magischen Übungen und Initiationsriten übte. Nach Zerfall der Gruppe beschäftigte sich Evola mit den Grundlagen der Tradition und faßte seine Erkenntnisse in den Werken »Die hermetische Tradition« (1931), »Das Mysterium des Grals« (1937) und »Lo yoga della potenza« (1949) zusammen.
Julius Evola wurde streng katholisch erzogen, wandte sich aber bereits in früher Jugend vom Katholizismus ab und der heidnischen Antike zu. Sehr großen Einfluß hatten die Schriften Meister Eckharts auf ihn ausgeübt, die er auf Deutsch las. Eine andere Einflußquelle war der Taoismus. Ausgehend vom Hauptwerk Lao Tses, dem »Tao Te King«, schreibt Evola in seinem Buch »Heidnischer Imperialismus«: »Die Überlegenheit beruht nicht auf Macht, sondern die Macht auf der Überlegenheit.« Demzufolge geht Evola grundsätzlich von der Überlegenheit geistiger über materielle Kräfte aus.

Evola und der Faschismus

Daraus ergab sich auch Evolas Haltung zum Faschismus. Diese war nicht unkritisch, aber er glaubte, daß eine Korrektur genügen müsse, um den Faschismus in die richtigen Bahnen zu lenken. Für Evola war klar – und da stimmte er mit Mussolini überein –, daß die römische Antike die eigentliche große Zeit war und es seitdem nur einen kulturellen Abstieg gab. Er ist damit einer der prominentesten Vertreter des Kulturpessimismus.
Bereits seit 1929 schrieb Evola von der aufbrechenden Gefahr, daß sich »Amerikanismus« und »Bolschewismus« die Welt aufteilen könnten. Dabei würde Europa verlieren – und mit Europa meinte er vor allem das Europa mit antikem Bezug.

»Revolte gegen die moderne Welt«

Eines der berühmtesten Werke Julius Evolas ist die »Revolte gegen die moderne Welt«: Das 1934 erschienene Buch gilt als sein Hauptwerk. Darin lehnt er alles Moderne ab. Er vermißt das »Sakrale« der Antike. Evola versteht sich als Traditionalist. Der demokratische Gedanke, daß die Macht eines Herrschers von den Untertanen käme, ist ihm völlig fremd. Das »Königtum« erwächst ihm nicht aus der Basis, sondern aus der aristokratischen Einstellung, aus dem Geist, aus der »Rasse« des Herrschers. So lehnt er nicht nur die Demokratien ab, wie wir sie heute als solche verstehen, sondern auch alle anderen Theorien, die im Namen des Volkes handeln, also auch Kommunismus und Nationalsozialismus. Die Französische Revolution und die aus ihr kommende Moderne erscheint ihm als Wurzel des Übels. Bemerkenswert ist, daß Evola den Begriff der »Nation« – da aus der Französischen Revolution kommend – ablehnte und stattdessen ein Vertreter des Reichsbegriffes war. Dies war auch einer der wesentlichen Punkte, die ihn vom modernistischen Flügel des Faschismus trennten.
Obwohl seit frühester Jugend ein Bewunderer Deutschlands, lehnte Evola den Nationalsozialismus wegen seiner modernistischen und biologistischen Ausrichtung grundsätzlich ab. Gleichwohl sah er in den Überlegungen Heinrich Himmlers, einen Ordensstaat der SS zu errichten, etwas Bewundernswertes. Umgekehrt war das Verhältnis der SS-Führung zu Evola ambivalent. Einerseits wurde er von dieser bei seinen Vortragsreisen in Deutschland nach Möglichkeit behindert; andererseits war Himmler ein eifriger Leser seiner Werke, welcher auch seiner persönlichen Umgebung die Lektüre anordnete. Himmler war vor allem von den esoterischen Zügen Evolas und dessen asiatischen Bezügen angetan.

Evola in der Zeit nach den Zweiten Weltkrieg

Nachdem Julius Evola bei Recherchen im Archiv der SS- Organisation »Ahnenerbe« in Wien 1944 bei einem Bombenangriff schwer verletzt worden war und zeitlebens querschnittsgelähmt blieb, kehrte er erst 1947 nach Rom zurück. 1951 wurde ihm wegen »Verherrlichung des Faschismus« und »Bildung einer faschistischen Verschwörung« der Prozeß gemacht, in dem er allerdings freigesprochen wurde. Danach wirkte er insbesondere bei den Bestrebungen des italienischen MSI in den fünfziger Jahren, eine Europäische Soziale Bewegung zu schaffen, mit.
Der sogenannten Studentenrevolte, die mit dem Jahr 1968 verknüpft ist, stimmte Evola zu. Er galt bei den – zumeist linken – Studenten als eine Art »Anarchist von Rechts«, und sein Buch »Cavalcare la tigre« – 1968 erschienen – wurde an den Universitäten begeistert gelesen. Insbesondere die Wendung gegen den »Konsumterror« entsprach den Ideen und Gedanken Evolas, jedoch kritisierte er die Oberflächlichkeit der 68er. Julius Evola starb am 11. Juni 1974 in Rom.

»Cavalcare la tigre« (»Den Tiger reiten«)

»Den Tiger reiten« kann man sowohl als gegenwartsbezogene Ergänzung zu den Hauptwerken Evolas lesen oder auch völlig ohne deren Kenntnis, einfach als ein Mensch, der sich in der modernen Welt nicht zuhause fühlt, der aber davon überzeugt ist, daß es in dieser Welt keinen Raum gibt, um eine neue, ganz andere Ordnung zu errichten. Dieses Buch ist daher ein nihilistisches, das auf den Umschlag des aktiven Nihilismus in ein Positives abzielt.
Der Ausgangspunkt des Werkes ist demgemäß auch nicht eine Doktrin, sondern eine Haltung: die innere Distanz. Da Evola die modernen Phänomene abklopft, ihre Unzulänglichkeit und Widersprüchlichkeit aufdeckt und zugleich zeigt, wie weit man an ihnen bei Wahrung der inneren Distanz teilhaben kann, um ihnen schließlich eine andere Richtung zu geben – und sie eben wie einen Tiger zu lenken –, scheint untergründig die traditionelle Welt auf, was womöglich eindrücklicher ist, als wenn diese lehrbuchmäßig aufgegliedert würde.
Die bürgerlichen Konventionen der üblichen »Rechtskultur« kommen zumeist überhaupt nicht in den Blick, nur dann, wenn Evola seine Kritik an Jugendkult, Zügellosigkeit und Verweigerungshaltung von diesen scharf abgrenzt. Nicht eine Wiedererrichtung einer irgendwie konservativen Gesellschaftsordnung wird angepeilt, sondern die Errichtung einer inneren Ordnung in der Freiheit von der äußeren Pseudo-Ordnung.
Da Julius Evola von einem zyklischen Verlauf der Weltgeschichte ausgeht – von den »vier Weltzeitaltern« – und sich die Menschheit zur Zeit im »dunklen Weltzeitalter« befindet – dem »Kali – yuga« der altindischen Überlieferung –, lehnt er jegliche restaurative Bestrebungen hin zu überkommenen Ordnungen ab und befürwortet stattdessen – ähnlich wie Nietzsche –, den Verfall sogar noch zu beschleunigen, damit das »dunkle Zeitalter« endlich seinem Ende entgegengeht und Platz macht für ein neues »goldenes Zeitalter«. Doch solange der derzeitige Zustand noch anhält, soll der Mensch, der sich der Tradition verpflichtet fühlt, in »innerer Distanz« zu seiner heutigen Umwelt verharren. Wie diese innere Distanz im einzelnen aussehen kann, darüber sagt Evola nichts aus.

Evolas Anhänger – unterschiedliche Strömungen

Dies führt dazu, daß es sowohl »kontemplative« als auch »aktivistische« Anhänger Evolas gibt. Erstere berufen sich zu Recht auf - besonders den »späten« – Evola, da dieser Zeit seines Lebens kleine Gruppen von »Jüngern« um sich scharte, aber insbesondere in seinen letzten Lebensjahren noch den Plan verfolgte, einen neuen – allerdings »heidnischen« – Ritterorden zu gründen. Letztere nehmen die nihilistischen Aspekte von Evolas Gedanken auf, gehen aber noch einen Schritt weiter, um schließlich dem apolitischen Individualismus eine neue politische Front entgegenzusetzen.
Hauptvertreter dieser Strömung war der Italiener Franco Freda mit seinem 1969 erschienenen Buch »La disintegrazione del sistema«. Unmittelbar als Reaktion auf Evolas Buch hatte dieser brillante Kopf der jungen italienischen radikalen Rechten den Text »Per un radicalismo di destra: Cavalcare la tigre« verfasst und gründete die Gruppo di Ar. In der »Disintegration des Systems« proklamierte Freda einen Standpunkt der Tradition völlig außerhalb des Systems und den Zusammenschluß aller systemfeindlichen Kräfte, ob sie in der bürgerlichen Welt als »links« oder »rechts« gelten mögen.
Der »authentische Staat« wird in der Konzeption Fredas nicht von dieser oder jener Ideologie gebildet. Sein Herz ist eine Macht, die die irdische und individuelle Ebene übersteigt. Gerade deshalb basiert er – und das heißt seine Ordnung und Hierarchie – nicht auf Besitzverhältnissen, sondern die materiellen Reichtümer gehören dem Staat und damit allen seinen Angehörigen, also dem Volk. Freda spricht deshalb vom Volksstaat und entwirft eine Art spartanischen Sozialismus, angelehnt an das Vorbild des platonischen Idealstaates. Von unmittelbarer Relevanz war jedoch der offene Aufruf zur Zerstörung des bürgerlichen Systems, mit dem der Text endet: »Es ist schlußendlich notwendig, für die Zerstörung des Systems die wirklich geeigneten Ziele in einer radikalen Weise zu präzisieren. Die Taktiken zu verlassen, die für die legalistischen Zwänge oder die reformistischen Illusionen ausreichen: ohne irgendeine – schuldige – Unentschlossenheit gegenüber der Anwendung all der drastischen und resoluten Mittel, die den Hindernissen entsprechen, die es zu überwinden gilt und die von der Großartigkeit des Ziels verlangt werden.«
Evola selbst konnte und wollte solchen radikalen Gedankengängen nicht folgen und warnte vor einer »maoistischen Schwärmerei«. Aber der tiefer liegende Konflikt bleibt bestehen: Wie weit kann der Mensch der Tradition sich mit dem antagonistischen politischen Gegner einlassen, um das System zu überwinden, das beide als Gefängnis ansehen? Und wie sieht es mit ausländischen Bezugspunkten aus? Und schließlich: die Volksstaat – Konzeption nicht nach dem bürgerlichen Nationalismus des 19. Jahrhunderts, sondern im Rückgriff auf Sparta und Platons »Politeia« als Gegenpol zu dem – oder auch als Rückzug aus dem – sich auflösenden bürgerlichen System.
Diese Fragestellungen haben sich nach dem Untergang des kommunistischen Systems durch den »Endsieg des Kapitalismus« und dem aus diesem Anlaß vom Sieger proklamierten »Ende der Geschichte« neu gestellt. In der Frontstellung seit dem Beginn des imperialistischen Krieges gegen die islamische Welt stellt sich die noch dringendere Frage, wie eine Verbindung mit dieser zustande kommen kann, um das Joch des Systems abzuwerfen, ohne daß die eigene Identität dabei verloren geht.
Auch wenn Evolas Gegenwartsanalyse selbst einer Anpassung an die neue Lage bedürfte, so gibt sie doch eine deutliche Orientierung, in welchem Sinne diese Anpassung zu erfolgen hat.

Günther Schwemmer

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jeudi, 13 mars 2008

Le Zen en guerre

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Le Zen en guerre

 

Moine soto zen depuis 1964, Brian Victoria pu­blie Le Zen en guerre. Ce livre est intéressant en dépit de sa tonalité politiquement trop cor­recte. J. P. Berthon écrit en préface: « L'une des caractéristiques du bouddhisme japonais con­cerne son étroite relation avec l'Etat. Ce der­nier lui exprime souvent son soutien, tout en le contrôlant au niveau de son clergé et de ses organisations. En retour, le bouddhisme a tou­jours offert au pouvoir son support spirituel. Dans certains cas, comme celui de l'école de Ni­chiren et de sa revendication de l’“établisse­ment de la Loi juste pour la paix dans le pays” au XIIIè siècle, le bouddhisme put même pren­dre à l'occasion des accents menaçants en de­mandant des réformes immédiates de la part de l'Etat. Ce que propose le bouddhisme de l’é­poque Meiji, ce sont, également, des "doctrines pour temps de guerre" qui entraînent l’ensem­ble des sectes dans le sillage du système impé­rial sans que les savants des études bouddhi­ques ne fassent entendre la moindre voix dis­sonante à l'encontre de ce choix pour le moins singulier. L'aventure militariste à laquelle fut as­socié le bouddhisme japonais au cours de la pre­mière moitié du XXe siècle ne manquera pas d’intriguer le lecteur occidental » (JdB).

 

Brian VICTORIA , Le Zen en guerre 1868-1945. Le Seuil. 2001. 368 pages. 138 FF.

 

L’opinion de Jean DESSALLE :

 

Le découpage temporel est un exercice délicat. Le risque est toujours de construire un récit à par­tir d’une idéologie ou d’un savoir actuel qui amè­nent à opérer un tri regrettable parmi les do­cu­ments. La dénonciation du bouddhisme en tant que moyen psychique de la plus efficace des cultures militaires, celle des bushis nip­pons, oublie la dimension d’experts martiaux à la limite des capacités humaines qu’ils ont in­carnée. Parallèlement, le bouddhisme n’a-t-il pas porté, depuis vingt-trois siècles, l’expan­sion politique d’empires parmi les plus vastes qui aient jamais existé ?  Comment l’auteur s’é­tonne-t-il que cette philosophie et cette psy­chologie aient si bien servi les arts de la poli­ti­que, de la guerre, comme d’ailleurs ceux de l’es­thétique, malgré la non-violence, le déta­che­ment et l’introspection de la pensée com­plè­te ? N’en est-il pas de même en Occident avec les monothéismes ? Il est normal que les phi­losophes bouddhistes se soient posées la ques­tion de la compatibilité avec les multiples dimensions de la vie sociale et aient apporté une réponse. D’autant que le bouddhisme n’est pas un dogme et n’en contient pas ; qu’il ne dis­pose même pas d’écritures saintes : tous les tex­tes ne font que proposer et préconiser (JD).

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mercredi, 12 mars 2008

B. Rio: l'Arbre philosophal

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Entretien avec Bernard Rio :

«L'arbre philosophal»

Q. : Pouvez-vous nous dire votre forma­tion et vos rencontres ?

Je crois volontiers que la formation où qu’elle ait lieu et de quelque ordre qu’elle soit est à l’instar des rencontres un jeu de hasards élec­tifs, une sorte de jeu de l’oie dont la règle ap­pa­rente ne peut contrecarrer une volonté im­pé­rieuse et une fantaisie supérieure qui nous é­chappent. Né en Bretagne, dans une vieille ci­té médiévale endommagée par la guerre, ma pre­mière éducation a naturellement été in­fluen­cée par mon environnement familial et géo­graphique. A une petite distance de la mai­son familiale, un lieu-dit porte le nom de Mané Sa­lut, la montagne du Salut qui doit son topo­ny­me à l’itinérance religieuse des anciens Bre­tons. Depuis le moyen âge, le pèlerin avait ici cou­tume de saluer le clocher de Notre-Dame du Paradis qu’il découvrait au sommet de la col­line. Après s’être signé et avoir entonné un can­tique, il descendait dans la vallée du Blavet à la manière dont tout pèlerin sur le chemin de dieu pénètre dans un territoire consacré. Sur la ri­ve gauche du Blavet, face à la flamboyante ba­silique, s’élève une chapelle rudimentaire dé­­diée à Saint-Caradec, un saint du cinquième siè­cle typiquement breton c’est-à-dire anachro­ni­quement païen puisqu’il s’agit de l’avatar du dieu Caratacos. Si j’ai choisi de faire cette di­gression, c’est que je suis intimement per­sua­dé que nous portons en nous un héritage im­ma­nent et immémorial qui transparaît au fil du temps et de nos rencontres.

William Butler Yeats : porte ouverte sur les mythes vivants

Ces riches heures sont nombreuses. Je citerai en premier lieu le sculpteur Raffig Tullou (1909-1990), fondateur du mouvement arti­sti­que des seiz breur, de l’association historique du Koun breizh et de la confraternité spirituelle Kredenn geltiek, un personnage attachant dont l’ir­révérence intellectuelle a contribué à me fai­re prendre des chemins de traverse. Il y a aus­si ma rencontre avec l’Irlande en 1979 et la dé­­couverte de l’œuvre de William Butler Yeats qui m’a ouvert la porte à des mythes que je qua­lifierai de vivants. C’est à cette période que nous avons fondé avec quelques amis la revue Ar­tus. Les maoïstes et les staliniens tenaient l’u­niversité tandis que nous réinventions une dis­sidence culturelle.

Q. : Les correspondances entre les tradi­tions européennes vous ont-elles fasciné pour des raisons philosophiques ou au­tres?

Au fur et à mesure que j’avance dans une ap­pré­hension de la matière celtique, j’ai le senti­ment que l’horizon s’élargit. Quelques auteurs fé­­tiches que sont l’Irlandais Yeats, le Gallois Po­wys, les Bretons Chateaubriand et Gracq, le Brit­to-Français Danielou m’ont mené dans d’au­­tres lieux et en d’autres siècles. La poésie de Yeats m’a conduit aux récits mythologiques ir­landais, les romans inspirés de Powys m’ont ouvert une voie médiévale et arthurienne, Cha­teaubriand a insinué une piste géopolitique. N’a-t-il pas déjà écrit l’essentiel sur les rela­tions conflictuelles entre la Turquie et l’Europe dans Mémoires d’Outre-Tombe ! Pour revenir à vo­tre question, c’est en étudiant ma parcelle de territoire armoricain que je me suis inté­res­sé curieusement et naturellement aux tradi­tions celtiques insulaires, puis aux traditions eu­ro­péennes et enfin au domaine indo-euro­péen.

Le bouillonnement des années 70 et 80

Q. : Qui vous a initié au comparatisme?  Quand avez-vous découvert Dumézil?

Retrouver un nom, une date, un titre ou un in­stant précis me laisse aujourd’hui perplexe. Je ne peux pas désigner avec certitude la pater­nité de ma démarche. Elle s’inscrit dans un mou­­ve­ment, dans une période : la fin des an­nées soixante-dix et le début des années qua­tre-vingt, avec le bouillonnement de la nou­vel­le droite. La boîte de Pandore était alors ouver­te. La multiplication des publications et des col­­loques m’a occupé et rassasié pendant plu­sieurs années. Je me souviens notamment d’u­ne communication de Louis Rougier qui m’avait grandement impressionné. C’est à cette pério­de que j’ai lu les travaux de Georges Dumézil ain­si que ceux de Julius Evola, René Guénon, Mir­cea Eliade sans oublier le fameux « Que-sais-je ? » de Jean Haudry sur les Indo-Eu­ro­péens et la première version des Druides de Christian-J. Guyonvarc’h publiée par ses soins et dédicacée après une conférence où nous n’é­tions pas dix. Mon appétit était grand et je dé­vorais tout ce qui passait à ma portée, d’Ez­ra Pound à Emil Cioran sans omettre les celti­sants Georges Dottin, d’Arbois de Jubainville, Jo­seph Vendryes, Joseph Loth…

Mesure du monde, vitalité du quotidien

Q. : Le structuralisme vous a-t-il parfois ten­té? Pourquoi rejetteriez-vous Durk­heim, Frazer, Freud ?

D’emblée je dirai que la littérature m’a amené à la philosophie et que la mythologie m’a libéré du folklore. Je reconnais qu’Heidegger et Du­mé­zil ont chacun à leur manière et dans leurs do­­maines respectifs renouvelé notre perception de la « structure » européenne, en apportant par leur vision cohérente une réponse savante et pertinente au matérialisme du vingtième siè­cle. Nonobstant la fulgurance intellectuelle de leurs travaux, mes affinités me poussent da­vantage vers des auteurs dont l’attitude et la for­me de leurs écrits, peut être moins sa­van­tes, me semblent plus en adéquation avec ma sen­sibilité. Je veux ici parler de William Butler Yeats, de John Cowper Powys, d’Aldo Leopold ou d’Henry David Thoreau… J’admire leur me­su­re du monde, la vitalité de leur quotidien, le plaisir et la magie qui imprègnent leurs écrits. En ce qui concerne Durkheim, Freud et Frazer, ils doivent être replacés dans leur contexte so­cial. Je serai plus complaisant avec James Geor­ge Frazer que je relis épisodiquement. Re­la­tivisons certains propos en nous disant que bien peu de critiques d’aujourd’hui auraient a­lors individuellement disposé du savoir ency­clo­pédique de Frazer et osé se lancer dans une telle extravagance éditoriale durant cette ère vic­torienne. Frazer a, à sa manière, ouvert une voie même s’il y a juxtaposé l’incomparable.

Q. : Quelle est la limite de votre compa­ra­tisme? Doit-il demeurer circonscrit à un do­maine? Ou peut-on opter légitimement pour la comparaison généralisée? A quel moment avez-vous choisi?

La limite que l’on se donne est un prétexte pour ne pas se faire taper sur les doigts par les « spé­cialistes », un conformisme qui cache une fri­losité intellectuelle et un manque d’intuition. La marge fait toujours partie de la page et elle n’est pas seulement réservée aux annotations des professeurs. Pourquoi devrions-nous tous sui­vre la même route et le même sens de cir­culation au même moment ? La seule restric­tion qui vaille est la rigueur du cheminement in­tellectuel et non pas la nature de la com­pa­rai­son. Il faut sans cesse apprendre auprès des spécialistes pour élargir son champ d’investi­ga­tions et renouveler ses questions. J’ai encore beau­coup à apprendre dans une multitude de do­­­maines et je trouve passionnant les com­pa­raisons osées par certains, je pense ainsi aux pistes mythologiques à la question épisté­mo­lo­gique ! Il faut parfois se perdre dans la forêt pour trouver son chemin.

Je considère mes « travaux » comme des balbutiements…

Q. : Pourriez-vous nous indiquer vos tâ­ton­ne­ments et le rôle qu’ils ont tenu dans la genèse de vos propres travaux ?

Le sentiment d’avancer dans le brouillard ne me quitte pas. Cette incertitude omniprésente est une nécessité. L’étude succède à l’interro­gation de départ et je ne sais toujours pas où elle peut mener. Il faut sans cesse chercher des repères pour prendre la bonne direction mais tel un archéologue je ne suis jamais as­su­ré de piocher dans la bonne parcelle. Je ne con­nais pas ce que je cherche. Il me faut sans arrêt valider les matériaux que j’utilise. Ne dis­po­sant pas d’étudiants pour déblayer le terrain, cha­que étude demande du temps. Je suis mon idée en arpentant toutes les pistes qui me vien­nent à l’esprit, j’amasse alors dans ma be­sa­ce des matériaux divers que je sors en vrac sur ma table à l’issue de la cueillette. Je trie, je com­pare. C’est ainsi que je travaille. Je con­si­dère chacune de mes recherches comme une ex­périmentation Il faut douter pour com­men­cer une recherche sinon je me contenterai des pu­blications d’autrui. Je suis d’ailleurs surpris que des auteurs plus qualifiés que moi puissent prêter un intérêt à mes balbutiements car je con­sidère mes « travaux » comme des bal­bu­tiements.

Mandarins jaloux et évêché rouge

Q. : Quelles sont vos relations avec les en­seignants des disciplines académiques ? Êtes-vous tenu à l’écart ? Vos travaux sont-ils jugés aventureux? Quelles sont vos relations avec la Société Internatio­na­le des Études Indo-Européennes ?

Je lis avec attention ce qui paraît dans le do­mai­ne celtique et indo-européen et lorsque j’em­prunte quoique ce soit à autrui je me fais une obligation de référencer ma source. Par ail­leurs lorsque dans le cadre de mes re­cher­ches, je ne trouve pas dans un ouvrage la ré­pon­se à une question qui me taraude l’esprit, j’é­­cris à plus émérite que moi. Les spécialistes ne sont heureusement pas tous aussi engoncés dans un corset académique, certains prennent la peine de me répondre. J’ai aussi eu le plaisir d’ac­cueillir plusieurs « sommités » lors de col­lo­­ques en Bretagne, notamment le professeur Jean Haudry qui m’a fait le grand honneur de ré­­pondre à une invitation en 2000. D’autres spé­cialistes comme le professeur Louis Prat ont ai­mablement collaboré à la revue que j’anime. Cet­te promiscuité ne plaît pas à quelques man­darins jaloux de leurs prérogatives mais que vou­lez-vous que j’y fasse ! L’objet de mes re­cherches me vaut quelques inimitiés et une re­lative mise à l’écart. La Bretagne demeure une ter­re cléricale, la couleur politique de l’évêché a viré du blanc au rouge mais rien n’a changé dans son comportement exclusif et arbitraire.

Q. : Quels principes vous guident quand vous abordez un mythe ou quand vous com­parez divers récits, voire des élé­ments hétérogènes comme un récit et un rite ? Pourriez-vous résumer votre métho­de ?

Je commence d’abord par relever tous les faits, sym­boles et croyances présents dans le mythe ou le conte. Je compare ensuite ces éléments pour dégager un concept et déterminer la co­hé­rence de ces éléments par rapport à la struc­ture du récit. J’étudie isolément chaque fait pour lui trouver une concordance avec le ré­cit. Cette étude peut être multiple : sym­bo­li­que, linguistique, calendaire… Il s’agit de vé­ri­fier la spécificité de cet élément dans une tra­me en multipliant les analyses. S’il apparaît que des éléments sont interchangeables avec d’au­tres récits, je confronte alors les concepts en les superposant et en les juxtaposant. L’ob­jet de ces comparaisons et croisements multi­ples est de retrouver le sens originel du mythe et de tenter une explication de son évolution. Cet­te grille de décryptage est facile d’emploi et per­met d’identifier la nature du texte en le dé­gageant de son vernis clérical et «folklorique». Le mythe mais aussi le conte ou le rite n’ont rien de superficiel ou d’aléatoire, ils corres­pon­dent à un imaginaire structuré. Ils répondent et fonctionnent comme un apprentissage cultu­rel.

Q. : Comment se renseigner sur le poly­théisme européen ? Peut-on le connaître ? Existe-t-il des manuels valables ?

L’étude du polythéisme est aujourd’hui aisée. Pour limiter mon propos à la matière celtique, dis­ponible en langue française, les travaux de Christian-J. Guyonvarc’h sont indispensables. On peut y ajouter ceux du professeur Pierre-Y­ves Lambert dans le registre brittonique, de Jean-Louis Bruneaux dans le domaine gaulois mais aussi des études comme L’Aurore celti­que de Philippe Jouët ou celle de Jean-Claude Lo­zac’hmeur sur les origines indo-européennes de la légende du Graal…

Nous sommes au bord d’un précipice

Q. : Quels rapports établissez-vous entre la connaissance des mythes et légendes in­­do-européennes et la société actuelle ? Les Européens pourraient-ils former une gran­de société homogène ? Un sentiment de solidarité a-t-il déjà uni les peuples d’Eu­rope ?

La société occidentale actuelle n’a appa­rem­ment plus grand chose de commun avec le mon­de structuré des indo-européens de l’an­ti­qui­té. Nous vivons dans un monde marchand qui est régi selon des normes marchandes. Il n’y a donc plus de place pour le sacré mais uni­quement la place pour le « business » dans cet­te société matérialiste et individualiste. C’est vrai pour l’Europe entière, de l’Irlande à la Grèce, de l’Espagne à la Finlande. Nous som­mes au bord d’un précipice. « Mais, écrit A­lain Danielou, ce cataclysme ne sera dû qu’à nos erreurs et c’est la folie des hommes qui en dé­terminera le moment ». L’appréhension des my­thes et des légendes n’a par conséquent au­cun intérêt quantifiable dans ce système son­nant et trébuchant, il s’agit même d’une dé­vian­ce suspecte dans cet espace de prédateurs sans foi ni loi. Les mythes sont aujourd’hui niés, les rites abandonnés car dépourvus d’«in­térêt». Telle est la religion d’aujourd’hui. Si nous quittons le champ des apparences, la con­naissance des mythes et des légendes reste ce­pendant fondamentale pour l’homme et la so­ciété. C’est un apprentissage qui peut se muer en une quête. Apprendre à lire un conte, ap­prendre à décrypter une symbolique, c’est pous­ser une porte, c’est faire un pas en avant, c’est se réapproprier et accomplir les rites… De­­puis que j’ai franchi cette frontière im­ma­té­riel­le, je n’ai pas voulu refermer la porte, je n’ai pas pu revenir en arrière car le mythe est de­venu réalité vivante. Ma perception du mon­de a évolué, elle est devenue moins idéolo­gi­que, plus concrète, plus sensée. C’est un mon­de du détail innombrable. Mea maxima culpa. Je peux désormais être suspecté de paganisme à l’instar de tous les Européens qui regardent de l’autre côté du miroir et dont je me sens so­li­daire.

Prendre le temps de marcher en tournant et en virant

Q. : Quels rapports établissez-vous entre ana­lyse et synthèse ? L’érudition, si ma­l­traitée aujourd’hui, serait-elle une forme po­lie du désespoir ? Si vous aviez à re­com­mencer, choisiriez-vous la même voie de recherche ?

Thèse, antithèse, synthèse… Ce sont des outils préa­lables à l’analyse. L’Occidental a, à mon avis, besoin d’une méthode scolaire pour met­tre en place ses idées dans un environnement « cartésien ».  C’est un préambule pour forger ses propres outils, se débarrasser, le moment ve­nu, des préjugés et partir à la conquête de son monde intérieur. Il n’y a pas de désespoir dans la recherche mais un espoir sans illusion. C’est une démarche intellectuelle et spirituelle qui a des incidences matérielles. Elle ne s’ap­pa­­rente pas à une fuite mais à une marche en a­vant. Je n’ai rien à recommencer ou à re­gret­ter car chaque orage, chaque cul de sac offrent des détours, des pauses, des silences et des in­terrogations éprouvantes. Les anciens che­mins suivaient les courbes du paysage, cou­raient le long des rivières, passaient les es­tuai­res à marée basse. Il faut prendre le temps de marcher en tournant et virant. La ligne droite se­rait à mes yeux synonyme d’ennui ou de vé­ri­té, que mon dieu avant tous les dieux me gar­de de l’un et de l’autre.

Q. : Quelle impression vous laissent les scien­ces humaines actuelles ? Votre tra­vail est-il un plaisir ? Une ascèse ? Est-ce très dur d’avancer ? Avez-vous des mo­ments de doute?

Mes occupations m’éloignent des sciences hu­mai­nes actuelles à moins que ce ne soit l’in­ver­se ? Les parodies religieuses occidentales m’in­dif­fèrent également. Je discerne dans une égli­se catholique épurée de ses reliques païennes un déclin qui me semble irrémédiable tandis que les groupes néopaïens se gargarisent d’é­phé­mères gesticulations ô combien étrangères au sacré. La tentation est grande de s’isoler dans son travail mais le plaisir de partager une in­terrogation reste pour moi primordial. La com­­paraison des recherches entre amis s’avère tou­jours instructive et je ne conçois pas mes pe­tits travaux comme un plaisir solitaire. Quit­te à me répéter, je perçois l’étude comme un mo­yen de cheminer et non comme un but. Elle doit, par conséquent, être une aventure et une dis­cipline, un mélange d’excitation et de sé­ré­ni­té avec l’incertitude permanente. Cette in­cer­ti­tude, elle seule, peut, je crois, préserver de l’il­lusion et de la suffisance. L’étude n’a pas non plus lieu d’être coupée du monde mais doit s’ins­crire dans un espace foisonnant, s’ex­pri­mer avec et par la nature. L’approche spé­cu­la­ti­ve vise paradoxalement à une mise en mou­ve­ment de l’homme extrait de son environ­ne­ment par la philosophie cartésienne, elle vise à sa réintégration dans les élémentaires. Les mots seuls ne suffisent pas à dire le langage des sens et ce travail de recherche devrait per­mettre une libération a contrario de l’aliénation inhérente à la société marchande et à l’oppor­tu­nisme paresseux de l’espèce humaine. La na­ture sauvage permet à l’homme « éveillé » de con­juguer ses paradoxes, de goûter à des joies in­dicibles, d’approcher la divinité. Après avoir ap­pris dans les livres, il reste à apprendre le lan­gage de la forêt, de l’océan… La mémoire d’un chêne vénérable vaut, je le pense, le sa­voir d’un professeur. Le doute est permis mais le chemin du monde est ouvert à qui veut s’y aventurer.

 

(propos recueillis par Jean DESSALLE).

 

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dimanche, 09 mars 2008

Nagarjuna, doctrine de la vacuité

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Nagarjuna, doctrine de la vacuité

Jean-Marc Vivenza publie une très bonne étude sur Nâgârjuna et la doctrine de la vacuité. Moi­ne bouddhiste du IIe-IIIe siècle, il est consi­dé­ré comme le grand métaphysicien du boud­dhis­me Mahâyâna. Une métaphysique qui ne con­cerne pas seulement les bouddhistes com­me le remarque fort justement l'auteur qui é­crit: «... l'enseignement de Nâgârjuna n'est pas détachable, isolable d'un contexte religieux spécifique, d'une tradition spirituelle bien pré­ci­se, qui joueront un rôle éminemment impor­tant, tant dans sa formation que dans l'expres­sion de son discours. Mais il ne serait pas ju­ste, il ne serait pas objectif de ne pas recon­naî­tre, de ne pas percevoir la portée d'une telle pensée, portée dont la validité ne s'arrête pas aux frontières du seul bouddhisme, mais dé­bor­de très largement sur les larges domaines de la pensée philosophique universelle (...). On peut l'affirmer sans crainte, Nâgârjuna se pro­po­se rien de moins que d'offrir la possibilité d'un nouveau rapport à l'être, non par une on­to­logie particulière, mais par l'auto-abolition de l'ontologie commune, non par une ontologie né­­gative, mais par la négation de toute on­to­lo­gie possible. Pensée vide du vide, la doctrine de la vacuité est une pensée de l'au-delà de l'ê­tre et du non-être. Une pensée souveraine de la nescience, une science libératrice de "non-pensée"» (JdB).

Jean-Marc VIVENZA, Nâgârjuna et la doc­tri­ne de la vacuité, 2001, Editions Albin Michel, 250 pages, 120 FF.                      

 

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mercredi, 27 février 2008

A. Romualdi: Introduccion a Gobineau

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Introduccion a: Arthur de Gobineau; la desigualdad de las razas

Adriano ROMUALDI

Hay libros que actúan sobre la realidad de muchos de los hechos políticos y que, saliendo del círculo estrecho de la discusión, se convierten en idea-fuerza, mitos, sangre que alimenta los procesos históricos. El más típico es indudablemente El Capital de Marx, un estudio histórico-económico que se ha convertido en dogma religioso, arma de batalla, evangelio del vuelco mundial de todos los valores cumplimentado por la casta servil. A estos libros pertenece el Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas del conde de Gobineau, ignorado durante el tiempo que el autor vivió pero que - difundido en Alemania después de su muerte - fue destinado a transformarse en un de las más poderosas idea-fuerza del siglo XX: el mito de la sangre del nacionalsocialismo alemán.

Arturo de Gobineau nace en Ville d’Avray en el 1816 de una familia de antiguo origen normando. Poco antes de morir, en el Histoire d’Ottar Jara él revivirá los hechos del conquistador vikingo que arribó a las costas de Francia dando origen a su familia. El padre de Gobineau fue capitán en el Guardia Real de Carlo X. Después de la revolución del 1830 se apartó a vivir en Bretaña mientras el hijo fue a estudiar a Suiza. Aquí Gobineau aprendió el alemán y tuvo modo de asomarse a las vastas perspectivas que la filología germánica abrió en aquellos años. Ya Federico Schlegel en su Ueber die Sprache und Weisheit der Inder enseñó la afinidad entre las lenguas europeas y el sánscrito planteando una migración aria de Asia a Europa; en 1816, Bopp con su gramática comparada del griego, sánscrito, persa, griego, latino y gótico fundó la filología indoeuropea; por su parte, los hermanos Grimm redescubrieron el Edda y poesía germánica haciendo revivir el antiguo heroísmo y la primordial mitología germánica mientras Kart O. Müller halló en los dorios (Die Dorier, 1824) el alma nórdica de la antigua Grecia. Así, Gobineau tuvo modo que familiarizarse desde la adolescencia con un mundo que la cultura europea iba lentamente asimilado.

En 1834 Gobineau va a París. No es rico, y trata de hacerse paso como escritor y periodista. De sus obras literarias de entonces, Le prisionnier chancheux, Ternote, Mademoiselle Irnois, Les aventures de Nicolas Belavoir, E’Abbaye de Thyphanes, muchas páginas han resistido la usura del tiempo.

Un artículo aparecido en la Revue de deux mondes lo puso en contacto con Alexis de Tocqueville, el famoso autor de La democracia en América, también él de antigua estirpe normanda. Esta amistad les unió toda la vida a pesar de las fuertes diferencias de opinión entre los dos hombres: Tocqueville, el aristócrata que se resigna, y - sea incluso con melancolía - acepta la democracia como una realidad del mundo moderno y Gobineau, el aristócrata que se rebela e identifica la civilización con la obra de una raza de señores.

Fue Tocqueville, nombrado Ministro de Exteriores, quien llamó al amigo como jefe de gabinete. En vísperas del golpe de estado napoleónico Tocqueville dimitió; En cambio Gobineau hizo buen cara al cesarismo que - si bien no le reportaba a la predilecta monarquía feudal - al menos colocaba las esposas a la democracia y al parlamentarismo. Entró en diplomacia y fue como primer secretario a tomar la delegación de Berna. Es en Berna que escribió el Essai sur el inégalité des races humaines, cuyos dos primeros volúmenes aparecieron en el 1853, los segundos en 1855.

El ensayo retoma los movimientos del gran descubrimiento de la unidad indoeuropea, es decir de una gran familia aria extendida desde Islandia hasta la India. La palabra latina pater, el gótico fadar, el griego patér, los sánscritos pitar se revelan como derivaciones de un único vocablo originario. Pero si ha existido una lengua primordial de la que se han ramificado varios lenguajes, también habrá existido un estirpe primordial que - moviendose desde su patria originaria - difundirá este lengua en el vasto espacio existente entre Escandinavia y el Ganges. Es el pueblo que se dio el nombre de ario, término con el que los dominadores se designaban a sí mismos en contraposición a los indígenas de las tierras conquistadas (compara el persa y el sánscrito arya = noble, puro; el griego àristos = el mejor; el latino herus = dueño; el tudesco Ehre = honor).

Es aquí donde se encauza el razonamiento de Gobineau, movilizando a favor de sus tesis los antiguos textos indios nos muestra a estos arios prehistóricos - altos, rubios y con los ojos azules - penetrando en la India, en Persia, en Grecia, en Italia para hacer florecer las grandes civilizaciones antiguas. Con una demostración muy forzada también las civilizaciones egipcia, babilonia y china son explicadas con el recurso de la sangre aria. Cada civilización surge de una conquista aria, de la organización impuesta por una elite de señores nórdicos sobre una masa.

Si comparamos entre si a las tres grandes familias raciales del mundo la superioridad del ario nos aparecerá evidente. El negro de frente huidiza lleva en el cráneo "los índices de energías groseramente potentes". "Si sus facultades intelectuales son mediocres - Gobineau escribe - o hasta nulas, él posee en el deseo… una intensidad a menudo terrible". Consecuentemente, la raza negra es una raza intensamente sensual, radicalmente emotiva, pero falta de voluntad y de claridad organizadora. El amarillo se distingue intensamente del negro. Aquí los rasgos de la cara son endulzados, redondeados, y expresan una vocación a la paciencia, a la resignación, a una tenacidad fanática, pero que él diferencia de la verdadera voluntad creadora. También aquí tenemos que ver a una raza de segundo orden, una especie infinitamente menos vulgar que la negra, pero falta de aquella osadía, de aquella dureza, de aquella cortante, heroica, inteligencia que se expresan en el rostro fino y afilado del ario.

La civilización es pues un legado de sangre y se pierde con el mezcolanza de la sangre. Ésta es la explicación que Gobineau nos ofrece de la tragedia de la historia del mundo.

Su clave es el concepto de la degeneración, en el sentido propio de esta palabra, que se expresa en el alejamiento un género de su tipo originario (los alemanes hablarán de Entnordung, de desnorcización). Los pueblos antiguos han desaparecido porque han perdido su integridad nórdica, e igualmente puede ocurrir a los modernos. "Si el imperio de Darío todavía hubiera podido poner en campo a la batalla de Arbela persas auténticos, a verdaderos arios; si los romanos del basto Impero hubieran tenido un senado y una milicia formadas por elementos raciales iguales a los que existieron al tiempo de los Fabios, su dominación no habría tenido nunca fin."

Pero la suerte que ha arrollado las antiguas culturas también nos amenaza. La democratización de Europa, iniciada con la revolución francesa, representa la revuelta de las masas serviles, con sus valores hedonísticos y pacifistas, contra los ideales heroicos de las aristocracias nórdicas de origen germánico. La igualdad, que un tiempo era sólo un mito, amenaza de convertirse en realidad en el infernal caldero donde lo superior se mezcla con lo inferior y lo que es noble se empantana en lo innoble.

El Essai sur el inégalité des races humaines, si en muchos rasgos aparece hoy envejecido, conserva una sustancial validez. Gobineau tiene el gran mérito de haber afrontado por primera vez el problema de la crisis de la civilización en general, y de la occidental en particular. En un siglo atontado por el mito plebeyo del progreso, él osó proclamar el fatal ocaso de cada cultura y la naturaleza senil y crepuscular de la civilización ciudadana y racionalista. Sin el libro de Gobineau, sin los graves, solemnes golpes que repican en el preludio del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, y en aquellas páginas en que se contempla la ruina de las civilizaciones, toda la moderna literatura de las crisis de Spengler, a Huizinga, a Evola resulta inimaginable.

Falta valorar la solución que Gobineau ha ofrecido problema de la decadencia de la civilización. A menudo es simplista. El mito ario, queda como indispensable instrumento para la comprensión de la civilización occidental, no se puede explicar mecánicamente el nacimiento de las varias civilizaciones del globo. Gobineau se encarama sobre los espejos para encontrar un origen ario a las civilizaciones egipcia, babilona, chino. Aunque muchos recientes estudios ayudarían a sus tesis (piénsese en la hipótesis de un Heine-Geldern sobre una migración indo-europea de la región póntica a China, o a la comprobación de un elemento ario en el seno a los casitas que invadieron Babilonia y a los hyksos que dominaron Egipto), queda el simplismo de los métodos demostrativos gobinianos. Además, los materiales arqueológicos y filológicos de que él se servirá son completamente inadecuados frente a la masa de los datos de que disponemos hoy (1).

Y sin embargo, la idea de un diferente origen de las razas está demostrada por los estudios más recientes en la materia (Véase Coon. L’origene delle razze, Bombiani 1970), mientras que las estadísticas sobre los cocientes de inteligencia asignan un valor cuantitativo inferior a los negros con respecto de los blancos y a los amarillos. Mientras la civilización blanca arrastra en su movimiento a los pueblos de color, ellos se revelan en su mayor parte imitadores y parásitos, de lo que no hay duda que de que el mestizaje de la humanidad blanca conduciría a un estancamiento, si no a un retroceso. La crisis de las cepas germánicas y anglosajonas, a cuya voluntad e iniciativa se debe el dominio euro-americano sobre el mundo, y que en el tipo blanco representan el elemento más puro, es seguro la más dramática situación desde los principios de la historia.

La gran obra del Ensayo sobre la desigualdad de la razas fue terminada. Pero la cultura francesa no se dio cuenta.

Tocqueville intentó consolar a Gobineau profetizando que este libro sería introducido en Francia desde Alemania: fue en efecto una respuesta a un problema surgido en la cultura alemana, y de ella habría regresado a Francia, desde Alemania: fue en efecto una respuesta a problemas surgidos en la cultura alemana, y en ella habría sido discutida. De Berna, Gobineau pasó a Fráncfort, luego - como ministro plenipotenciario - a Teherán, Atenas, Rio de Janeiro y Estocolmo. El tiempo que estuvo en Persia le permitió dedicarse a sus predilectos estudios orientalísticos. El Traité des écritures cuneiformes, La Historie des Perses, Réligions et philosophie dans l’Asia centrale. También escribió las Nouvelles Asiatiques y, siempre en literatura, la novela Adelaida, el poema Amadis, el fresco histórico sobre La Renassance y la que es quizás su novela mejor lograda: Les Pleiades.

La guerra franco-prusiana le sorprende en el castillo de Trye que formaba parte del antiguo dominio de Ottar Jara y que él adquirió. No se hacía graciosas ilusiones (un biógrafo suyo cuenta: "El canto de la Marsellesa, los gritos: a Berlín!, repugnaron a su naturaleza. No le dio el nombre de patriotismo a esas sobreexcitaciones peligrosas, demasiado ayuntamientos con las razas latinas. Donde divisó síntomas funestos"), pero en su calidad de alcalde organizó la resistencia civil contra el invasor. Sobrevenidos los prusianos, se comporta con gran dignidad y, aunque se valiera de la lengua alemana como la suya propia, nunca quiso hablar con ellos otra que el francés.

El desastre del los años 70 y la suspensión de su candidatura a la Academia de Francia le disgustaron completamente. La misión a Estocolmo, en aquella Escandinavia que quiso como a una segunda patria, le fue de algún consuelo, hasta que en el 1877 fue jubilado anticipadamente. Para Gobineau transcurrieron los últimos años de su vida entre Francia e Italia. En Venecia conoció a Richard Wagner el cual dijo de él: "Gobineau es mi único contemporáneo". Un reconocimiento basado en una recíproca afinidad. Ambos advirtieron el atractivo romántico de los orígenes primordiales: los tonos profundos que se vislumbran en los abismos del caudal de El oro del Rin son los mismos que repican en el Essai sur el inégalité des races humaines. Fue Wagner quien presentó a Gobineau al profesor Schemann de Freiburg, el cual fundaría el Gobineau-Archiv.

Gobineau murió de repente en Turín en el octubre de 1882. Nadie pareció darse cuenta de su desaparición. Fue universalmente admirado como un hombre de espíritu y como brillante conversador. Años después, fue cuando en la universidad comenzaron a haber cursos sobre de él, Anatole France dijo: " Je el ai connu. El venait chez el princesse Matilde. Ello était un grand diable, parfaitement simple et très spirituel. On savait qu'il écrivait des livres, maíz personne de ello les avait lus. ¿Alors, el avait du génie? Comme c’est curieux."

Fueron los alemanes los que lo valorizaron. Wagner le abrió las columnas del Bayreuther Blätter: ahora el wagneriano Hans von Wolzogen, Ludwig Schemann, Houston Stewart Chamberlain anunciaron su obra. Fue Ludwig Schemann quien fundó el culto a Gobineau instituyendo un archivo cerca de la universidad de Estrasburgo, entonces alemana. En el 1896 Schemann fundó el Gobineau-Vereinigung que difundiría el gobinismo en toda Alemania. En el 1914 pudo contar con una red influyente de protectores y amistades; el Kaiser mismo la subvencionó y buena parte del cuerpo enseñante fue influido por sus ideas.

Sobre la estela de la obra de Gobineau nació el racismo: Vacher de Lapouge, Penka, Pösche, Wilser, Woltmann, H. S. Chamberlain y luego - después de la guerra - Rosenberg, Hans F. K. Günther, Clauss retomaron las intuiciones gobinianas y las amplificaron en un vasto organismo doctrinal. En el 1933 el Nacionalsocialismo - asumiendo el poder en Alemania - reconoció oficialmente la ideología de la raza. Se realizó así lo que Wittgenstein había profetizado a Gobineau: "Vos os decís un hombre del pasado, pero en realidad sois un hombre del futuro."

El batalla de Gobineau no fue en vano. Él escribió: "Quand la vie n'est pas un bataille, ell n'est rien."

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Las citas aquí indicadas están sacadas del primer libro del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, Ediciones de Ar, Padua 1964.

(1) Una exposición moderna de las migraciones arias y su importancia para la civilización he tratado de exponerla en mi "Introduzzione al problema indoeuropeo" en el prólogo al libro de Hans F. K. Günther, Religiosità indoeuropea, Edizioni de Ar, Padua 1970. A ella me remito para quién de este ensayo sobre Gobineau le llevara el deseo de conocer los puntos de vista más recientes en arqueología, filología y antropología.

vendredi, 22 février 2008

Introduction à l'oeuvre de L. F. Clauss

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Robert Steuckers:

Introduction à l'œuvre de Ludwig Ferdinand CLAUSS  (1892-1974)

Né le 8 février 1892 à Offenburg dans la région du Taunus, l'anthropologue Ludwig Ferdinand Clauss est rapidement devenu l'un des raciologues et des islamologues les plus réputés de l'entre-deux-guerres, cumulant dans son œuvre une approche spirituelle et caractérielle des diverses composantes raciales de la population européenne, d'une part, et une étude approfondie de la psyché bédouine, après de longs séjours au sein des tribus de la Transjordanie. L'originalité de sa méthode d'investigation raciologique a été de renoncer à tous les zoologismes des théories raciales conventionnelles, nées dans la foulée du darwinisme, où l'homme est simplement un animal plus évolué que les autres. Clauss renonce aux comparaisons trop faciles entre l'homme et l'animal et focalise ses recherches sur les expressions du visage et du corps qui sont spécifiquement humaines ainsi que sur l'âme et le caractère.

Il exploite donc les différents aspects de la phénoménologie pour élaborer une raciologie psychologisante (ou une «psycho-raciologie») qui conduit à comprendre l'autre sans jamais le haïr. Dans une telle optique, admettre la différence, insurmontable et incontournable, de l'Autre, c'est accepter la pluralité des données humaines, la variété des façons d'être-homme, et refuser toute logique d'homologation et de centralisation coercitive.

 

Ludwig Ferdinand Clauss était un disciple du grand philosophe et phénoménologue Edmund Husserl. Il a également été influencé par Ewald Banse (1883-1953), un géographe qui avait étudié avant lui les impacts du paysage sur la psychologie, de l'écologie sur le mental. Ses théories cadraient mal avec celles, biologisantes, du national-socialisme. Les adversaires de Clauss considéraient qu'il réhabilitait le dualisme corps/âme, cher aux doctrines religieuses chrétiennes, parce que, contrairement aux darwiniens stricto sensu, il considérait que les dimensions psychiques et spirituelles de l'homme appartenaient à un niveau différent de celui de leurs caractéristiques corporelles, somatiques et biologiques. Clauss, en effet, démontrait que les corps, donc les traits raciaux, étaient le mode et le terrain d'expression d'une réalité spirituelle/psychique. En dernière instance, ce sont donc l'esprit (Geist)  et l'âme (Seele)  qui donnent forme au corps et sont primordiaux. D'après les théories post-phénoménologiques de Clauss, une race qui nous est étrangère, différente, doit être évaluée, non pas au départ de son extériorité corporelle, de ses traits raciaux somatiques, mais de son intériorité psychique. L'anthropologue doit dès lors vivre dans l'environnement naturel et immédiat de la race qu'il étudie. Raison pour laquelle Clauss, influencé par l'air du temps en Allemagne, commence par étudier l'élément nordique de la population allemande dans son propre biotope, constatant que cette composante ethnique germano-scandinave est une “race tendue vers l'action” concrète, avec un élan froid et un souci des résultats tangibles. Le milieu géographique premier de la race nordique est la Forêt (hercynienne), qui recouvrait l'Europe centrale dans la proto-histoire.

 

La Grande Forêt hercynienne a marqué les Européens de souche nordique comme le désert a marqué les Arabes et les Bédouins. La trace littéraire la plus significative qui atteste de cette nostalgie de la Forêt primordiale chez les Germains se trouve dans le premier livre évoquant le récit de l'Evangile en langue germanique, rédigé sous l'ordre de Louis le Pieux. Cet ouvrage, intitulé le Heliand (= Le Sauveur), conte, sur un mode épique très prisé des Germains de l'antiquité tardive et du haut moyen âge, les épisodes de la vie de Jésus, qui y a non pas les traits d'un prophète proche-oriental mais ceux d'un sage itinérant doté de qualités guerrières et d'un charisme lumineux, capable d'entraîner dans son sillage une phalange de disciples solides et vigoureux. Pour traduire les passages relatifs à la retraite de quarante jours que fit Jésus dans le désert, le traducteur du haut moyen âge ne parle pas du désert en utilisant un vocable germanique qui traduirait et désignerait une vaste étendue de sable et de roches, désolée et infertile, sans végétation ni ombre. Il écrit sinweldi, ce qui signifie la «forêt sans fin», touffue et impénétrable, couverte d'une grande variété d'essences, abritant d'innombrables formes de vie. Ainsi, pour méditer, pour se retrouver seul, face à Dieu, face à la virginité inconditionnée des éléments, le Germain retourne, non pas au désert, qu'il ne connaît pas, mais à la grande forêt primordiale. La forêt est protectrice et en sortir équivaut à retourner dans un “espace non protégé” (voir la légende du noble saxon Robin des Bois et la fascination qu'elle continue à exercer sur l'imaginaire des enfants et des adolescents).

 

L'idée de forêt protectrice est fondamentalement différente de celle du désert qui donne accès à l'Absolu: elle implique une vision du monde plus plurielle, vénérant une assez grande multiplicité de formes de vie végétale et animale, coordonnée en un tout organique, englobant et protecteur.

 

L' homo europeus ou germanicus n'a toutefois pas eu le temps de forger et de codifier une spiritualité complète et absolue de la forêt et, aujourd'hui, lui qui ne connaît pas le désert de l'intérieur, au contraire du Bédouin et de l'Arabe, n'a plus de forêt pour entrer en contact avec l'Inconditionné. Et quand Ernst Jünger parle de “recourir à la forêt”, d'adopter la démarche du Waldgänger, il formule une abstraction, une belle abstraction, mais rien qu'une abstraction puisque la forêt n'est plus, si ce n'est dans de lointains souvenirs ataviques et refoulés. Les descendants des hommes de la forêt ont inventé la technique, la mécanique (L. F. Clauss dit la  Mechanei), qui se veut un ersatz de la nature, un palliatif censé résoudre tous les problèmes de la vie, mais qui, finalement, n'est jamais qu'une construction et non pas une germination, dotée d'une mémoire intérieure (d'un code génétique). Leurs ancêtres, les Croisés retranchés dans le krak des Chevaliers, avaient fléchi devant le désert et devant son implacabilité. Preuve que les psychés humaines ne sont pas transposables arbitrairement, qu'un homme de la Forêt ne devient pas un homme du Désert et vice-versa, au gré de ses pérégrinations sur la surface de la Terre.

 

A terme, la spiritualité du Bédouin développe un “style prophétique” (Offenbarungsstil), parfaitement adapté au paysage désertique, et à la notion d'absolu qu'il éveille en l'âme, mais qui n'est pas exportable dans d'autres territoires. Le télescopage entre ce prophétisme d'origine arabe, sémitique, bédouine et l'esprit européen, plus sédentaire, provoque un déséquilibre religieux, voire une certaine angoisse existentielle, exprimée dans les diverses formes de christianisme en Europe.  

 

Clauss a donc appliqué concrètement —et personnellement—  sa méthode de psycho-raciologie en allant vivre parmi les Bédouins du désert du Néguev, en se convertissant à l'Islam et en adoptant leur mode de vie. Il a tiré de cette expérience une vision intérieure de l'arabité et une compréhension directe des bases psychologiques de l'Islam, bases qui révèlent l'origine désertique de cette religion universelle.

 

Sous le IIIième Reich, Clauss a tenté de faire passer sa méthodologie et sa théorie des caractères dans les instances officielles. En vain. Il a perdu sa position à l'université parce qu'il a refusé de rompre ses relations avec son amie et collaboratrice Margarete Landé, de confession israélite, et l'a cachée jusqu'à la fin de la guerre. Pour cette raison, les autorités israéliennes ont fait planter un arbre en son honneur à Yad Vashem en 1979. L'amitié qui liait Clauss à Margarete Landé ne l'a toutefois pas empêché de servir fidèlement son pays en étant attaché au Département VI C 13 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt), en tant que spécialiste que Moyen-Orient.

 

Après la chute du IIIième Reich, Clauss rédige plusieurs romans ayant pour thèmes le désert et le monde arabe, remet ses travaux à jour et publie une étude très approfondie sur l'Islam, qu'il est un des rares Allemands à connaître de l'intérieur. La mystique arabe/bédouine du désert débouche sur une adoration de l'Inconditionné, sur une soumission du croyant à cet Inconditionné. Pour le Bédouin, c'est-à-dire l'Arabe le plus authentique, l'idéal de perfection pour l'homme, c'est de se libérer des “conditionnements” qui l'entravent dans son élan vers l'Absolu. L'homme parfait est celui qui se montre capable de dépasser ses passions, ses émotions, ses intérêts. L'élément fondamental du divin, dans cette optique, est l' istignâ, l'absence totale de besoins. Car Dieu, qui est l'Inconditionné, n'a pas de besoins, il ne doit rien à personne. Seule la créature est redevable: elle est responsable de façonner sa vie, reçue de Dieu, de façon à ce qu'elle plaise à Dieu. Ce travail de façonnage constant se dirige contre les incompétences, le laisser-aller, la négligence, auxquels l'homme succombe trop souvent, perdant l'humilité et la conscience de son indigence ontologique. C'est contre ceux qui veulent persister dans cette erreur et cette prétention que l'Islam appelle à la Jihad. Le croyant veut se soumettre à l'ordre immuable et généreux que Dieu a créé pour l'homme et doit lutter contre les fabrications des “associateurs”, qui composent des arguments qui vont dans le sens de leurs intérêts, de leurs passions mal dominées. La domination des “associateurs” conduit au chaos et au déclin. Réflexions importantes à l'heure où les diasporas musulmanes sont sollicitées de l'intérieur et de l'extérieur par toutes sortes de manipulateurs idéologiques et médiatiques et finissent pas excuser ici chez les leurs ce qu'ils ne leur pardonneraient pas là-bas chez elles. Clauss a été fasciné par cette exigence éthique, incompatible avec les modes de fonctionnement de la politicaille européenne conventionnelle. C'est sans doute ce qu'on ne lui a pas pardonné.

 

Ludwig Ferdinand Clauss meurt le 13 janvier 1974 à Huppert dans le Taunus. Considéré par les Musulmans comme un des leurs, par les Européens enracinés comme l'homme qui a le mieux explicité les caractères des ethnies de base de l'Europe, par les Juifs comme un Juste à qui on rend un hommage sobre et touchant en Israël, a récemment été vilipendé par des journalistes qui se piquent d'anti-fascisme à Paris, dont René Schérer, qui utilise le pseudonyme de «René Monzat». Pour ce Schérer-Monzat, Clauss, raciologue, aurait été tout bonnement un fanatique nazi, puisque les préoccupations d'ordre raciologique ne seraient que le fait des seuls tenants de cette idéologie, vaincue en 1945. Schérer-Monzat s'avère l'une de ces pitoyables victimes du manichéisme et de l'inculture contemporains, où la reductio ad Hitlerum devient une manie lassante. Au contraire, Clauss, bien davantage que tous les petits écrivaillons qui se piquent d'anti-fascisme, est le penseur du respect de l'Autre, respect qui ne peut se concrétiser qu'en replaçant cet Autre dans son contexte primordial, qu'en allant à l'Autre en fusionnant avec son milieu originel. Edicter des fusions, brasser dans le désordre, vouloir expérimenter des mélanges impossibles, n'est pas une preuve de respect de l'altérité des cultures qui nous sont étrangères.

 

Robert STEUCKERS.  

 

-Bibliographie:

Die nordische Seele. Artung. Prägung. Ausdruck, 1923; Fremde Schönheit. Eine Betrachtung seelischer Stilgesetze, 1928; Rasse und Seele. Eine Einführung in die Gegenwart, 1926; Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, 1937; Als Beduine unter Beduine, 1931; Die nordische Seele, 1932; Die nordische Seele. Eine Einführung in die Rassenseelenkunde, 1940 (édition complétée de la précédente); Rassenseelenforschung im täglichen Leben, 1934; Vorschule der Rassenkunde auf der Grundlage praktischer Menschenbeobachtung,  1934 (en collaboration avec Arthur Hoffmann); Rasse und Charakter, Erster Teil: Das lebendige Antlitz, 1936 (la deuxième partie n'est pas parue); Rasse ist Gestalt, 1937; Semiten der Wüste unter sich. Miterlebnisse eines Rassenforschers, 1937; Rassenseele und Einzelmensch, 1938; König und Kerl, 1948 (œuvre dramatique); Thuruja,  1950 (roman); Verhüllte Häupter, 1955 (roman); Die Wüste frei machen, 1956 (roman); Flucht in die Wüste, 1960-63 (version pour la jeunesse de Verhüllte Häupter); Die Seele des Andern. Wege zum Verstehen im Abend- und Morgenland, 1958; Die Weltstunde des Islams, 1963.

 

- Sur Ludwig Ferdinand Clauss:

Julius Evola, Il mito del sangue,  Ar, Padoue, 1978 (trad.franç., Le mythe du sang, Editions de l'Homme Libre, Paris, 1999); Julius Evola, «F. L. Clauss: Rasse und Charakter», recension dans Bibliografia fascista, Anno 1936-XI (repris dans Julius Evola, Esplorazioni e disamine. Gli scritti di “Bibliografia fascista”, Volume I, 1934-IX - 1939-XIV, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma, 1994);  Léon Poliakov/Joseph Wulf, Das Dritte Reich und seine Denker. Dokumente und Berichte, Fourier, Wiesbaden, 1989 (2ième éd.) (Poliakov et Wulf reproduisent un document émanant du Dr. Walter Gross et datant du 28 mars 1941, où il est question de mettre Clauss à l'écart et de passer ses œuvres sous silence parce qu'il n'adhère pas au matérialisme biologique, parce qu'il est «vaniteux» et qu'il a une maîtresse juive); Robert Steuckers, «L'Islam dans les travaux de Ludwig Ferdinand Clauss», in Vouloir, n°89/92, juillet 1992.       

jeudi, 21 février 2008

La tradicion perenne en A. Romuladi

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La tradicion perenne

en Adriano Romualdi

Tommaso ROMANO

Fue a finales de los años sesenta, frecuentar un Liceo en Palermo –como dirigente de la Giovane Italia– a partir del 1968, era peligroso. Lo que me salvó entonces a mí y a parte de los jóvenes de Destra, de la deriva nihilista y violenta (pensemos en Magiameli y en Concutelli), fue precisamente el encuentro decisivo con Adriano Romualdi a través del símbolo de una época que fueron las noventa paginas publicadas, por el nunca suficientemente recordado ingeniero Giovanni Volpe en la "Collezione Europa", bajo el título de Julius Evola: l’uomo e l’opera en el año fatídico de 1968, septuagésimo del Maestro nacido en Roma –quizás por voluntad del Hado– pero ciertamente de la muy siciliana familia de los Guisi, provincia de Palermo.

Aquella pequeña obra, cuando yo tenía catorce años, me hizo descubrir al barón, que después habría conocido y frecuentado durante los últimos tres años de su vida, reeditando, entonces, en mi neo-nata Edizione Thule, dos pequeñas obras que el mismo Evola quiso titular como Note sulla Monarchia (1972) y Prospettive sui Miti della Spiritualità Eroica (1973). Pero fue al principio de los años 70, cuando tuve experiencia asociativa y formativa de mi juventud. Esto es, la participación activa en el Centro siciliano di Studi Tradizionali de la calle General Atreva en Palermo animado por Gaspare Canonizzo (benemérito y todavía hoy un coherente y combativo Director de Via della Tradizione) y Orazio Sbacchi, hombre de indudable profundidad intelectual, con otros bravos amigos como Salvador Ruta de Messina, Felice Cammerata, Lorenzo Giordano, Guido Laure, Angelo Cona, Francesco Ragonese, Alfredo Montini, Pier Luigi Aurea. Fue precisamente con el grupo palermitano y con la revista de Canizzo, en la que Adriano Romualdi comenzó a colaborar tempranamente. Y fue gracias al profesor Giuseppe Tricoli, historiador y hombre político de una raza desaparecida, que Adriano Romualdi pudo ser nombrado, en la Facultad de Magisterio de Palermo, profesor adjunto ordinario. Y fue Tricoli quien corrigió con amor y rigor el volumen póstumo, querido por su padre, Il Fascismo come fenomemo europeo. Entre el “Centro” de calle Atreva y los paseos palermitanos surgió un intensa camaradería con Adriano y me gusta recordar el día entero transcurrido con Él en el Monte Pellegrino, a la búsqueda de los mitos que acompañan la época de los grafitos de las grutas del Addarra, el sagrado monte palermitano.

Adriano Romualdi, no sólo porque fue un muy digno hijo de Pino (al que incluso tuve el honor de frecuentar y luego publicar, su Intervista sull’Europa), fue ciertamente un hombre de la Derecha radical europea, ni patriotera ni conservadora (aunque, con reserva, Adriano admiró el conservadorismo de Giusseppe Prezzolini), heredero, sin banales nostalgias, de los muchos y variados «fascismos». Lo que intentaba Adriano, hombre sin embargo sabiamente templado, era reconducir, resumir y actualizar el «problema del la Tradición europea». Sobre estos temas, llevó a cabo muchas búsquedas, filológicamente irreprochables, e indudablemente motivadas por un pathos viril y consciente, en una palabra clásico. A la decadencia de la Europa de aquellos años (de esta Europa de nuestro tiempo de los mercaderes y los banqueros, de los agnósticos y de los mentecatos de la política, es superfluo hablar, ¡basta con constatar!), Romualdi opuso la raíz del mito y la historia eterna. Contra la lectura racionalista e iluminista, localizó cautelosamente los símbolos permanentes, los valores fundamentales. Consciente del ocaso de Spengler, Romualdi quiso citar a los Maestros clásicos y los «buenos» del Romanticismo, pero sobre todo propugnó, como a Su Mayor y Maestro Evola, la revuelta contra el mundo moderno, activa y contemplativa al mismo tiempo. Adriano, lo escribió y me lo expresó muchas veces, la lectura cautísima, de René Guénon, de la Crisis y sus aspectos nivelados, no bastaba.

El guerrero, el caballero tenía que ser (sin ilusiones de Victoria, porque ésta poco contaba) libre y determinado, fuerte en la fe y hábil en la espada. Un combatiente, no un soñador.

La «Tradición Perenne» en Adriano Romualdi es ciertamente dinámica, revolucionaria en la acepción –también nietzcheana– del «eterno retorno» al punto originario.

Es precisamente en las páginas palermitanas de Via della Tradizione, donde Romualdi traza un cuadro orgánico del mundo de la Tradición con un largo ensayo publicado en tres partes: en los números 3, 4 y 5 –es decir desde el número de julio de1971 al número de enero-marzo de 1972–, con el título Sul problema de una Tradizione Europea. Bien entendida, sin sustraer nada a la tradición específica de la otra Europa, y por tanto, espiritual y civilizadora, escribe, al «espiritualismo genérico y anti-histórico que pudiera degradarse y llegar a ser una "segunda religiosidad" de función antioccidental».

El objetivo de Romualdi, hablando de Tradición y de Europa, está dirigido a «intentar una síntesis cuyo significado sea la identificación de una tradición europea».

Para dar un contenido, un sentido a tal hipótesis, para hacer brillar tal fundamento que como un resto precioso debe señalarse, Romualdi no identifica en la ecuación «cristianismo-civilización europea», porque ya en el mundo clásico grecorromano o en los pueblos del Norte, pero incluso también a los que llama los «occidentales del Oriente», es decir de India y Persia, juegan «un papel de primer plano en la definición de una espiritualidad indoeuropea y blanca», basada en el Orden. En efecto cita el Himno a Mitra y Varuna: «Con el Orden vosotros sujetáis todo el mundo. En el cielo vosotros colocáis el chispeante carro del Norte». «Esta concepción del orden – continuaba Romualdi– es distinta a una actitud quietista e inmovilista. Al contrario, esta es una intuición sobre multiplicidad del ser por la que cualquier riesgo, pérdida o herida se vanifican frente al principio reintegrador del Todo». No al azar cita luego los versos de Goethe del Eins un dalles. En buena sustancia los europeos, Romualdi dice, son el «pueblo de la luz».

«El pueblo destinado a llevar el logos, la ley, el orden, la medida. El pueblo que ha divinificado al Cielo frente a la Tierra, el Día frente a la Noche. La raza olímpica por excelencia». Es una elección, continua, destinada a señalar una orientación durante milenios; contra la nivelación y a la promiscuidad, está el orden de la luz, la familia y el Estado. La decadencia en la «fraternidad» espuria, tiene en el cristianísimo de los orígenes –para Romualdi– la articulación de una abjuración del clasicismo en su sentido extenso, con nuevos modelos espirituales y sociales. Es sólo alrededor del año mil cuando las «generaciones románico-germánicas emprenden, cada vez más rápidamente, un proceso de reasimilación del cristianismo»; será, todavía dice, bajo la mirada clara de los rostros góticos del cristianismo en el que se «alumbra su sustancia y se hace olímpico» y con ello «la restauración de un Imperio que es romano y sagrado a un tiempo. Así, al pacifismo cosmopolita del primer cristianismo, sucede el movimiento de la guerra santa y la bernardiniana laus novae militiae».

La concepción orgánica del kosmos propia de la cultura griega reflorece, a través de los estudios aristotélicos en Santo Tomás de Aquino. Con ello, la cultura clásica recobra el dominio del espíritu europeo mucho antes del Renacimiento y en un contexto menos individualista e intelectualista. Es por esto que la estación medieval de la civilización europea, lejos del ser aquella abstracta «negación del mundo», es en realidad la de una integración del kosmos visible en lo ininteligible. No es de extrañar que Romualdi cite, copiosamente, en este sentido, el itinerarium mentis in Deum de san Buenaventura y con él, Dante en la dimensión no fideística sino la de la recta ratio, como «certeza de cosas esperadas y argumento de lo que se tiene apariencia»

El discurso de la edad media religiosa es para Nuestro autor (Romualdi) «siempre en función de una lógica del orden (…) la antigua vocación a la racionalidad olímpica resurge y, con la misma pasión geométrica que proyectó en el espacio las columnas dóricas, se mide el kosmos con la valiente matemática de las catedrales góticas. En tal modo el cristianísimo, romanizado en los órdenes jerárquicos, germanizado en la sustancia humana y helenizado por la continua transfusión de aristotelismo y neoplatonicismo, que adquiere plena ciudadanía en Europa». Romualdi en todo caso subraya que «la letra del dogma cristiano choca contra una metafísica originaria» y por ejemplo toma en consideración, siguiendo la estela de Evola, la mística medieval europea, que tendería a «evadirse del cuadro del cristianismo»: cita Meister Eckart y al «centro del alma» de Plotino, para llegar a la afirmación «pagana» que «el hombre noble es el que se aventura en esta zona que lo hace idéntico a Dios».

En todo caso, «el injerto de la religiosidad cristiana en la sustancia espiritual europea es un hecho innegable» y dura hasta el final del siglo XVIII, cuando «el concepto de cristiandad: un ecumene unida no sólo por una religión, sino por una costumbre de mansedumbre y firmeza alejada de cada exceso y que opone de hecho al cristiano, como el europeo al bárbaro. Es en este sentido que Nietzsche alabó el auténtico cristiano como uno de los tipos más respetables de la civilización europea. Frente al salvaje, pero también al turco y al oriental, el cristiano se definía por la «medida» en el practica de la fe y en el comportamiento; es esta mayor medida o pureza que es sentida inmediatamente como el carácter de la civilitas europea de raíz cristiana. Así, la cristiandad deviene la fórmula en que se recogen las características del “Homo Aeropaeus”». Pero el cristianismo, en tal acepción, para Romualdi, no es más que una estación, incluso importante, de la vuelta al Clasicismo, del «canon clásico». La crítica que Romualdi le hace al hombre europeo de los últimos cientos de años (estamos a principio de los años setenta) está motivada fuertemente (no tanto a los efectos de la reforma, ni a Napoleón -pongamos- a Cavour, personajes que podrían admirarse) sino en que «la curación es un patrimonio exclusivo del enfermo». Está aquí la clave de la investigación y de la perspectiva romualdiana: no considerar –contra escolásticas a menudo embalsamadas– el ciclo como conclusivo. Más bien el problema no se soluciona en la abstracción existencialista y/o espiritualista sino «en encontrar una forma espiritual capaz de contener tres o más milenios de espiritualidad europea».

Una forma no sincretista, sino «activa en un mundo cuyo tema central es del dominio de las fuerzas elementales. La invasión de lo elemental -técnica, distancia, excitación - parece ser la característica de nuestra época. Esto hace necesaria una capacidad de disciplina y ejemplificación ajena de toda caída espiritualista. Un estilo que casi quiera coger de las luces blancas, firmes y metálicas de cierta modernidad, el presagio de un nuevo clasicismo. El estilo de una metafísica del esfuerzo y la formación del sí mismo».

Fundir «claridad antigua y audacia moderna» es, para Adriano Romualdi, la temática propuesta para una «nueva espiritualidad europea». En eso es profeta y anticipador, también en retomar y mirar la naturaleza «como manantial de meditación religiosa. La niebla en los bosques por la mañana, los perfiles sauros de los montes nos hablan de pureza y distancia».

Incluso insistiendo sobre el «Hombre blanco» de modo determinista, con los límites de una investigación que tuvo que desenvolverse y principalmente caracterizarse, la aportación innovadora hacia una Tradición perenne, es una importante y decisiva contribución innovadora a cualquier estéril y paralizante ortodoxia. De Platón y Nietzsche, de Evola a los combatientes del honor de Europa, refulge a los despavoridos, a los traidores, la coherencia adamantina de Adriano Romualdi y con él la búsqueda de nuevas vías de la Tradición y la Política, en mayúsculas, «destinada a ser nuestro destino» según sus palabras. Tendremos, teníamos, necesitamos del ejemplo y de la enseñanza de Adriano Romualdi a treinta años de su trágica desaparición, para no ceder, para no enterrar en el fraccionamiento infantil, un elevado mensaje. Encontrar el fundamento de la política es, por lo tanto –hoy en estos tiempos oscuro para nuestra Patria– volver viviente la perenne Tradición de los Padres y darle renovado sentido.

Tommaso Romano.

mardi, 19 février 2008

Rabbi Ovadia et les querelles entre théologiens en Israël

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Rabbi Ovadia Joseph et les querelles entre théologiens en Israël

 

Depuis toujours, Israël a deux Grands Rabbins: le premier est le chef spirituel de la communauté askhénaze (c'est-à-dire la communauté originaire d'Europe), et le second est le chef spirituel de la communauté sépharade (orientale). Les communautés sépharades ont été dispersées de la côte atlantique du Maroc jusqu'au Yémen et à l'Iran. Le terme "sé­pharade" vient du nom arabe de l'Espagne ("Sfarad"). Une bonne partie des Juifs d'Orient sont les descendants des Juifs chassés d'Espagne par l'Inquisition.

 

A peu d'exceptions, comme les communautés de Salonique et de Rome, les Juifs sépharades n'ont pratiquement pas eu à souffrir de l'holocauste. Celui-ci a été essentiellement di­rigé contre la diaspora juive d'Europe.

 

Un équilibre entre les deux communautés

 

Israël est sans hésitation une création des Juifs askhénazes. Ce n'est qu'après la fondation de l'Etat d'Israël qu'un fort contingent d'immigrants sépharades, chassés des pays ara­bes, s'est installé dans le pays. A un certain moment de l'his­toire d'Israël, il y eu un équilibre démographique entre les deux communautés. Cet équilibre a toutefois été rompu ré­cemment au profit des Juifs askhénazes, à la suite de l'é­mi­gration massive vers Israël des membres de la com­mu­nau­té juive de l'ex-Union Soviétique.

 

La plupart des Juifs sépharades étaient pauvres, peu scola­risés et qualifiés, et, avant leur arrivée en Israël, n'avaient eu que peu de contacts avec le monde moderne occidental. A leur arrivée, on les aspergeait de DDT pour les débar­ras­ser de leurs poux et on les envoyait dans des camps d'immi­grants rudimentaires, installés dans le désert du Néguev. Ils vivaient au sein de grandes familles claniques et ont peu contribué à la mise en forme du nouvel Etat moderne. La plu­part d'entre eux ont toujours voté traditionnellement pour les partis conservateurs, car ils ne savaient pas très bien que faire des idées socialistes propagées par les tra­vail­listes, piliers du nouvel Etat.

 

Séculiers et orthodoxes

 

Les césures qui traversent la société israélienne sont nom­breuses et ne se limitent pas à la séparation qui existe de fait entre les Askhénazes et les Sépharades. D'autres cliva­ges sont vivaces, comme par exemple celui qui sépare les sé­culiers des orthodoxes. Tant l'orthodoxie askhénaze que l'orthodoxie sépharade ont tenté, dès le départ, de s'ar­ti­cu­ler politiquement, en créant leurs propres partis. Le grou­pe­ment askhénaze le plus connu est le "Parti national re­li­gieux", dont le leader fut, pendant longtemps, Joseph Burg, originaire de Dresde. Son fils fut pendant un temps le por­te-paroles du Parlement israélien. La formation politique des orthodoxes sépharades est le parti "Shas", fondé en 1984; c'est l'œuvre d'un ex-Grand Rabbin sépharade, Ovadia Joseph, âgé de 79 ans.

 

Le Shas, parti social et sépharade

 

Le Shas offre au prolétariat sépharade un mixte complexe de foi religieuse, de fierté ethnique et de compassion so­cia­le. Les succès du Shas reposent sur une recette, éga­lement appliquée par les partis fondamentalistes du monde arabe, que ce soient les frères musulmans, la Djihad isla­mique ou le Hizbollah. Le Shas, par exemple, chasse les dro­gués de la rue, réceptionne les détenus à leur sortie de pri­son, dès qu'ils franchissent le portail de la maison d'ar­rêt, et les accueille dans des écoles religieuses, aide les pro­stituées à commencer une nouvelle vie. Le Shas a fondé des crèches, des jardins d'enfants et a développé son pro­pre système scolaire. Pour pouvoir financer ses programmes sociaux, le Shas a toutefois besoin de l'argent de l'Etat. Ce be­soin a fait de lui un partenaire potentiel de tout gou­ver­nement, peu importe que celui-ci soit dirigé par les tra­vail­listes de gauche ou par le Likoud de droite. Le Shas peut se montrer modéré dans ses revendications religieuses ou po­li­tiques, il montre une évidente souplesse dans les négo­cia­tions, pour pouvoir obtenir les fonds qu'il ne pourrait obte­nir autrement; dans le fonctionnement d'une démocratie par­lementaire, il est l'exemple classique du parti qui fait pen­cher la balance du côté qui l'agrée. Avec ses dix-sept par­lementaires, il est le troisième parti du pays, sans le­quel les coalitions ne verraient le jour qu'avec les plus ex­trê­mes difficultés. Cette position, le Shas l'a exploitée à fond sous la direction spirituelle et politique de Rabbi Jo­seph, maître dans l'art politique d'exercer des pressions. Que ce soit pour le financement d'écoles ou pour libérer les étu­diants des "Yeshivas" du service militaire, le Shas n'a né­gligé aucun moyen. Arie Deri, ancien ministre et président du parti grâce à l'appui de Rabbi Joseph, était un homme au charisme immense, un brillant élève et protégé d'Ovadia Joseph, a été condamné en avril 1999 à quatre ans de pri­son, pour escroquerie et détournement de fonds au profit des institutions appartenant au parti.

 

Rabbi Joseph, né à Bagdad, est un homme doué d'une mé­moire prodigieuse pour retenir des textes, s'est rangé dans le camp des "colombes", en posant un jugement dit "hala­khique"  —équivalent de la fatwa d'un haut dignitaire de l'Islam—  selon lequel la vie humaine a plus de valeur que la possession de territoires, et, qu'en conséquence le principe "des terres contre la paix", utilisé dans les pourparlers avec les Palestiniens, est théologiquement justifié.

 

Quand Rabbi Joseph se mue en ultra du néo-nationalisme israélien

 

Mais lorsque avant la conférence de Camp David, quand on commençait à s'apercevoir qu'Ehud Barak était prêt à briser le tabou de “Jérusalem”, intangible jusqu'alors, Rabbi Jo­seph a changé de cap, une nouvelle fois, et a ordonné à ses mi­nistres du Shas de quitter le gouvernement. Rabbi Joseph se transforme alors en nationaliste, voire en raciste dans tous les sens du terme.

 

Ce samedi-là, après qu'ait commencé la fête du Sabbat, le Rabbi se sert des deux stations de radio du Shas et d'un chaîne de télévision par satellite établie à l'étranger, pour diffuser sa doctrine. Le 5 août, il prononce un prêche qui dé­passe en intensité tout ce qu'il avait jamais dit aupa­ra­vant, étant considéré comme une “bouche paisible”; il in­sulte les juges de ce monde, usant des expressions bibli­ques les plus obscènes.

 

Quand il parlait de l'intention de Barak, de partager Jéru­sa­lem, ses sentiments s'échauffaient outre mesure, alors qu'il était plutôt connu auparavant pour la modération de ses pro­pos. Il traitait le premier ministre israélien de “cinglé qui courait derrière les Arabes”. Mais, ajoutait-il, les Ara­bes sont des “serpents”. Barak amènerait dès lors “les ser­pents dans notre voisinage”. “Mais qui pourrait donc bien vivre à côté de serpents?”. Pire: “Les fils d'Ismaël (c'est-à-dire les Arabes) sont tous mauvais, tous sont des ennemis d'Is­raël”. “Le Tout Puissant  —Loué soit son Nom—  regrette d'a­voir un jour créé ces Ismaëlites”.

 

Se réincarner pour expier?

 

Mais ces dérapages bibliques et racistes n'ont pas ému ou­tre mesure l'opinion publique juive, qu'elle soit d'Israël ou de la diaspora. Ce sont les propos de Rabbi Ovadia Joseph sur l'Holocauste qui ont provoqué une vive émotion. Ju­geons-en: “Les six millions de malheureux Juifs, assassinés par les méchants Nazis  —que leur nom puisse être biffé—  sont-ils morts pour rien? Non. Ils étaient les réincarnations d'âmes antérieures, qui avaient commis péché, qui étaient devenues séculières, qui avait accepté des choses inter­di­tes, qui avaient commis ce qui ne pouvait pas être commis, et qui donc s'étaient réincarnées pour expier”. Le lende­main, le Rabbi tenta de modérer ses propos a posteriori, voire de déclarer saintes les victimes de l'holocauste: en vain! Le djinn était sorti de la bouteille!

 

Effectivement, de tels propos sont forts et ne peuvent que sus­citer l'émotion chez les Juifs. D'abord parce que dans la théologie juive, on ne trouve aucune doctrine de la réin­carnation. Certes, de telles doctrines existent dans les bran­ches mystiques du judaïsme, notamment dans le Livre de Zohar ou chez certains kabbalistes. On y parle de “re­tour des âmes”. Mais la théologie juive “classique” ne con­naît pas de renaissance des âmes, ni d'ailleurs ne pos­sède de doctrine sur une vie après la mort.

 

Après l'holocauste, un vif débat, un débat déchirant, a ani­mé la communauté des théologiens juifs; et en son sein, des voix ont effectivement affirmé que les souffrances en­durées par le judaïsme étaient les conséquences de péchés commis. C'est notamment la conviction des rabbins qui pen­sent ne pas pouvoir accuser Dieu d'être “responsable” de ce qui s'est passé, et cherchent dès lors la responsabilité chez les hommes. D'autres pensent que Dieu a oublié ses enfants élus. Quelques rabbins jugent qu'il est trop tôt pour pouvoir interpréter l'holocauste, car, en fin de compte, di­sent-ils au risque de choquer bon nombre de consciences, celui-ci pourrait “s'avérer positif pour les Juifs”. Le Rebbe de Satmar, Teitelbaum, a enseigné, à un certain moment, que l'holocauste était une punition infligée par Dieu pour châ­tier les menées sionistes, car l'Etat des Juifs ne pourra exister qu'avec l'arrivée du Messie. Beaucoup d'orthodoxes sont ainsi devenus athées après l'holocauste (de même, au sein du christianisme, on a parlé d'une “théologie de la mort de Dieu”, après la seconde guerre mondiale).

 

Le thème de la “deuxième élection”

 

Le motif caché de ces écarts de langage du Rabbi Ovadia Jo­seph provient sans doute d'une sorte de frustration parti­cu­lière. En pratique, pendant des décennies, les Juifs sé­pha­rades ont été largement exclus des débats exégétiques sur l'holocauste. Ce débat, surtout dans la communauté jui­ve américaine, à induit l'émergence d'une conscience nou­vel­le qui évoquait une “deuxième élection”. L'holocauste, dans cette perspective, est un événement unique (et in­com­parable) dans toute l'histoire du monde, pense la nou­velle théologie juive, et ceux qui ont traversé l'unicité in­comparable de cette souffrance, sont eux-mêmes des êtres uniques et incomparables; c'est plus précisément le sen­timent d'une “deuxième élection”, qui ne concerne pas les Sépharades, pour des raisons historiques évidentes: ils en sont donc exclus. Adolf Eichmann n'a évidemment pas eu l'oc­casion, ni les moyens, de déporter les Juifs du Maroc ou du Yémen. Cette exclusion des Juifs sépharades de la “deuxième élection” fâche le Rabbi Ovadia Joseph à tel point, dixit le député de la Knesset Joseph Lapid, “qu'il justifie a posteriori l'antisémitisme de Hitler”, qui, lui aus­si, disait que les Juifs dans leur ensemble étaient “mau­vais”, des “pécheurs”. D'autres observateurs israëliens pen­sent que Rabbi Ovadia Joseph est, plus simplement, un vieux monsieur, devenu sénile, voire bouffon.

 

Ivan DENES.

(article paru dans Zur Zeit, Vienne, n°35-36/2000).

 

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jeudi, 31 janvier 2008

Jeunes filles porte-bannière

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Willy FRESON:

SOUS L'EGIDE DE WOTAN: les jeunes filles porte-étendard dans les tribus germaniques

Les démocraties égalitaires contemporaines nous avaient déjà gratifiés de la guerre totale, c'est-à-dire de la guerre pour tous. Depuis peu, en Europe, elles ont peaufiné leur logique maniaque, en étendant aux femmes le douteux 'droit' de porter l'uniforme et les armes.

Y a-t-il là un quelconque souci d'affermir l'institution militaire et policière ? Ou de répondre à une impérieuse nécessité de défense nationale ? En aucune façon, bien sûr. Seules des considérations idéologiques obsessionnelles ont présidé à cette nouvelle et mirifique avancée des 'droits imprescriptibles'. Sur le thème 'Les femmes et la guerre', on lira dans La Nouvelle Revue d'Histoire (n°2, sept-oct 2002) le compte-rendu du livre de l'auteur israélien Martin van Creveld et la table ronde qui lui est consacrée. Les femmes en armes constituent donc un sujet d'actualité qu'on ne saurait ignorer, puisque désormais cet intéressant spectacle s'offre quotidiennement dans nos rues, avec, il est vrai, d'autres réalisations de cette modernité qui fait le charme de la vie urbaine.

Cependant, mon propos ne sera pas d'épiloguer plus longuement sur le présent et l'avenir de la question, mais bien plutôt de saisir le prétexte de ce point d'actualité, pour en évoquer certains aspects anciens. Que peut dire l'historien sur les femmes et la guerre, dans le lointain passé des peuples européens, c'est-à-dire bien avant que le chaos de la 'modernité' ne déstructure ces derniers ? Certes, le champ d'investigation est vaste, mais les sources ne répondent pas toujours à l'attente. Néanmoins, les textes, et plus encore l'archéologie, offrent parfois des ressources inattendues. Par exemple, dans le cas du monde germanique ancien, l'information est d'origine romaine. C'est donc d'abord, par-dessus les épaules des légionnaires, que nous aurons l'occasion de contempler les cadavres meurtris de femmes germaniques tuées au combat, en compagnie de leurs congénères masculins.

Le choc des grandes invasions barbares

Dion Cassius, sénateur romain originaire d'Asie Mineure, écrivit en grec, vers 230 de notre ère, une Histoire romaine, qui constitue une de nos sources principales sur le sujet. Son oeuvre, comme tant d'autres, nous est malheureusement parvenue mutilée par les siècles. C'est dommage, car il y rapportait des événements qui lui avaient été contemporains, entre autres l'épisode fameux connu sous le nom de 'Guerre des Marcomans', premier acte des Grandes Invasions, qui allaient semer le chaos dans l'Empire et mettre à jamais l'Europe en miettes. Cette geste sanglante peut se résumer ainsi: de 166 à 180, les peuples barbares du centre de l'Europe s'ébranlèrent de proche en proche et franchirent en masse les frontières de l'Empire romain, sur le Danube et dans les Carpates. En 170, les Balkans et la Grèce furent razziés. La même année, des bandes germaniques firent même irruption en Vénétie, semant une terreur d'autant plus incontrôlée que l'Italie n'avait plus subi d'invasion étrangère depuis près de trois siècles. Ce passé, lointain déjà, avait été témoin de la ruée des Cimbres et de leurs alliés, premiers Germains à avoir pris d'assaut le monde méditerranéen.

Dans les deux cas, la machine de guerre romaine vint à bout des envahisseurs, mais au prix de combats meurtriers et de lourdes pertes. Dès 171, l'empereur Marc-Aurèle prenait ses quartiers à Carnuntum, sur le Danube -non loin de l'actuelle Bratislava- et ses troupes rejetaient l'ennemi sur l'autre rive. Puis, l'année suivante, les armées romaines franchirent le fleuve et occupèrent le pays des Marcomans et celui des Quades (Moravie et Slovaquie). C'étaient les principaux meneurs de la coalition barbare, qui comprenait une foule de peuples, dont les Lombards, les Vandales, les Hermundures, les Daces 'libres' et les Sarmates. Ce ne fut pas sans mal. Progressant dans l'axe de la 'route de l'ambre', immémoriale liaison entre l'Adriatique et la Baltique, les légions menèrent durant des années une lutte sans merci contre un adversaire féroce, une éreintante guérilla entre monts de Bohème et vallées des Carpates.

Du tumulte de ces combats témoignent les scènes pathétiques de la Colonne Aurélienne, à Rome, et les inscriptions mentionnant nombre de généraux romains tués dans les batailles, et les couches de cendres, dégagées par les archéologues, sur les sites des villages germaniques au nord du Danube. Quant aux sources littéraires, elles sont d'une maigreur déplorable, eu égard à l'importance cruciale de ces événements pour l'histoire subséquente de l'Europe. Sur le sujet, Dion Cassius est un témoin irremplaçable, bien que le récit qu'il fit du règne de Marc-Aurèle ne subsiste plus qu'à l'état de bribes. C'est précisément un de ces fragments que je prendrai comme point de départ, pour introduire quelques réflexions sur un aspect peu connu, mais assez singulier, de la vie sociale des anciens peuples d'Europe.

Des cadavres de femmes en armes

Il s'agit de onze mots préservés par l'abréviateur byzantin Xiliphin (Dion, 71, 3, 2/Boissevain, III, 251) et qu'on peut traduire comme suit: 'parmi les cadavres des Barbares, on trouva même des femmes en armes'. C'est là un des rares témoignages littéraires antiques qui nous présente des femmes combattantes, intégrées dans un groupe de guerriers, ceci dans le contexte des guerres du 2e siècle évoqué plus haut. Manifestement, l'anecdote a été préservée parce qu'elle rapportait un trait curieux, éminemment barbare, qui choquait l'entendement des Anciens. La tradition grecque voyait, d'ailleurs, dans la guerre au féminin un fait exotique propre à distinguer le civilisé du non-civilisé. Elle n'appréhendait le phénomène qu'au travers de la légende des Amazones, fiction littéraire souvent exploitée, mais qui reposait sur une réalité historique mal comprise et enracinée dans le milieu des nomades iraniens (Scythes, Alano-Sarmates).

Une distinction s'impose cependant. Mon propos porte sur les femmes guerrières, c'est-à-dire sur celles qui portaient les armes et participaient aux combats dans les rangs des formations militaires traditionnelles de leurs ethnies, de manière quasi-institutionnelle. Ce phénomène est peu mentionné dans les textes. Ceux-ci sont, par contre, plus prolixes lorsqu'il s'agit de mettre en scène des femmes -mères, épouses ou filles- sortant de leur rôle naturel et participant peu ou prou aux combats, avant tout sous la pression d'événements contraignants. Un cas célèbre est celui des femmes cimbres, dans la plaine du Pô, en 101 avant notre ère. Plutarque et Orose nous les décrivent, hurlantes et gesticulantes, tentant de rétablir une ligne de défense sur le cercle de leurs chariots, alors que les rangs des Cimbres viennent d'être enfoncés par les légions du consul Marius. Le récit de la bataille s'achève sur un massacre général et sur le spectacle des soldats romains lancés au pas de course, qui égorgeant et décapitant les malheureuses, avant d'assister au suicide des survivantes, exécutant leurs propres enfants. L'année précédente, les femmes des Ambrons s'étaient comportées avec une semblable détermination face aux soldats du même Marius. On se rappellera aussi le rôle de soutien joué par les femmes bituriges, lors de l'assaut tenté par les légionnaires de César sur Avaricum (Bourges).

Des guerrières avérées

Tout autre est évidemment le cas des guerrières avérées, qui participent en première ligne et qui, en toute hypothèse, jouent un rôle particulier dans l'organisation des contingents germaniques. Ce rôle n'a sans doute fait que croître à la faveur des grands mouvements de peuples guerriers, qui se déploient en Europe centrale et orientale dès la veille des Guerres Marcomanniques et qui connaîtront leurs paroxysmes au 3e et au 5e siècles. Ainsi, cent ans après la contre-offensive victorieuse de Marc-Aurèle, la situation stratégique de l'Empire romain s'est considérablement détériorée. Durant une bonne part du 3e siècle, un ouragan d'assauts répétés s'est déchaîné sur toute la frontière européenne, depuis la mer du Nord jusqu'au piémont du Caucase. En particulier, la puissante confédération gothique, issue des régions baltiques, s'est établie alors en Ukraine et Roumanie actuelles, lançant, à partir de là, de profondes razzias vers les Balkans, l'Asie Mineure, l'Egée et même la Méditerranée orientale. La situation ne fut rétablie, en partie, que par les puissantes contre-offensives menées par les empereurs Claude 'le Gothique' et Aurélien.

Ce dernier s'illustra, entre autres, par de nombreuses victoires et par un triomphe fameux à Rome, en 274, où figurèrent les rebelles Tétricus et Zénobie, le dernier empereur 'gaulois' et la célèbre reine de Palmyre. Mais surtout, nous rapporte l'Histoire Auguste (Aurélien, 34, 34,1), on fit aussi défiler dix femmes dont il s'était emparé -alors que beaucoup avaient été tuées- tandis qu'elles combattaient, habillées en hommes, parmi les Goths, une pancarte indiquant qu'elles appartenaient à la race des Amazones. Cette mention, plus explicite que celle de Dion, intègre tous les éléments évoqués plus haut: des guerrières combattant avec les hommes dans le même appareil, assimilées aux Amazones -cadre de référence obligé de la culture antique- et présentées comme une curiosité dans le défilé des captifs, avant de finir en anecdote piquante dans les récits de l'historiographie gréco-latine.

Les rumeurs de cette tradition perdureront durant des générations, puisqu'on en retrouve encore l'écho, à la fin du 8e siècle, chez Paul Diacre, qui écrit: On raconte que, lors d'une expédition avec leur roi, les Lombards, arrivés à un fleuve, s'en virent bloquer la traversée par les Amazones et que Lamissio fit le coup de poing avec la plus forte d'entre elles et la tua, se gagnant l'éloge et la gloire et procurant le passage aux Lombards (..). Cette partie du récit ne repose sans doute que sur une vérité bien mince. Tous ceux qui connaissent ces vieilles histoires savent bien que le peuple des Amazones a été détruit bien avant que ces faits aient pu se produire; à moins peut-être que, dans ces lieux mal connus et à peine mentionnés par l'hitoriographie où sont censés s'être déroulés ces événements, n'aient existé jusqu'à cette date des femmes de ce genre. J'ai effectivement, moi aussi, entendu dire qu'un peuple de ces femmes existe encore aujourd'hui dans les profondeurs de la Germanie. (Histoire des Lombards, 1, 15). Rappelons que ces lignes furent écrites par un auteur, lui-même d'origine lombarde, qui était un familier de Charles le Grand, alors que celui-ci menait ses guerres de terreur contre les Saxons demeurés 'païens'.

Des cadavres qui parlent

Si on a vite épuisé les ressources de la tradition littéraire -que je me suis efforcé de replacer dans leur contexte historique-, on se console sans peine avec les données de l'archéologie, laquelle fournit sans conteste le clou de la documentation. Le sol européen a, en effet, livré une catégorie toute particulière de fossiles humains, dans un état de conservation remarquable. Il s'agit de la série dite 'hommes des tourbières' (Moorleichen, Bog peoples, Moseliget), collection impressionnante de cadavres, conservés grâce aux conditions physico-chimiques favorables du milieu des tourbières d'Europe centrale et septentrionale. Un dénombrement, effectué en 1975, arrivait au chiffre de 1.620 cas, mis au jour principalement en Allemagne et au Danemark (4 cas en Belgique). Les découvertes n'ont pas cessé depuis, avec, par exemple, l'homme de Lindow Moss, en Angleterre (un druide, semble-t-il) ou le cas, spécial, de l'homme des glaces, 'Ötzi', au Tyrol. J'ai personnellement le souvenir poignant de la jeune fille de Windeby, que j'ai longuement contemplée au château Gottorf, à Schleswig. De cette collection, une série limitée de cas -mais néanmoins significative- relève de notre propos.

- Il y a tout d'abord trois cadavres de jeunes filles, trouvés dans le Halverder Moor (arr. de Tecklenburg, Westphalie) et qui datent des environs de 350 avant notre ère. Elles reposaient en compagnie de huit jeunes hommes, équipés de boucliers, d'épées et de lances, les filles ajoutant à cet appareil des arcs et des flèches. Les hommes portaient de longs pantalons de laine. Leurs compagnes complétaient cette tenue de vestes sans manches. Les onze corps étaient percés de coups.

- A Spelle, non loin du site précédent, mais en Basse-Saxe (arr. de Lingen), on a découvert seize corps portant des blessures de combat, dont ceux de deux filles âgées de 18 à 20 ans. Les morts reposaient avec leurs épées et des boucliers brisés, les filles avaient en sus des arcs et des flèches. A côté de chacune d'elles gisait une lance doublée d'une hampe fichée verticalement et dont l'extrémité supérieure était pourrie, montrant que les bois avaient été intentionnellement visibles en surface. Les faits datent du tournant de notre ère.

- Dans le Bruchbergmoor, à l'ouest des monts du Harz (Bad Grund, Basse-Saxe), on a exhumé trois hommes et quatre jeunes filles, armées et habillées comme leurs compagnons, dont l'un portait un collier garni d'une pièce d'or à l'effigie d'un empereur romain. Les sept individus avaient succombé à des coups d'épée.

- Le Kapermoor (Gollensdorf, arr. d'Osterburg, Saxe) a livré les corps d'une jeune fille et de deux hommes. Tous trois portaient des pantalons de cuir -la fille avec une veste. Ils avaient des blessures infligées de taille à l'épée. L'étrange demoiselle tenait une lance dans la main droite. Elle portait une épée à la hanche et elle était recouverte d'un bouclier brisé. Le fer de ses armes était incrusté de signes runiques damasquinés d'argent. L'ensemble a été daté du début du 3e siècle.

- Est particulièrement remarquable le corps d'une jeune fille retrouvé à Dätgen l (près de Rendsburg, Schleswig-Holstein) et qui date des environs de l'an 600 de notre ère. La jeune fille, vêtue de cuir, reposait sur un bouclier quadrangulaire aux bords arrondis. Dans sa main, elle portait une lance sur laquelle -fait singulier- avait été fiché un chapeau de feutre. Elle reposait criblée de flèches, aux côtés de six hommes, eux aussi percés de flèches et de coups d'épées.

- Tout aussi insolite est le cas de la jeune fille du Haselmoor (Kochel, arr. de Bad Tölz, Bavière), daté du 7e siècle. Elle tenait des deux mains une forte hampe de bois, présentant sur le haut de profondes entailles et tranchée d'un puissant coup de taille un peu au-dessus de sa tête. L'autopsie minutieuse du corps a révélé un hymen encore intact. La jouvencelle et le jeune homme étendu à ses côtés portaient comme vêtement des pantalons de cuir et des chaussures basses à lacets, complété pour la fille d'une veste de cuir sans manche. Les corps, frappés de coups d'épée, reposaient sur des boucliers tendus de cuir.

- Enfin, signalons le cas de la jeune fille de Linum (arr. de l'Osthavelland, Brandebourg). Elle portait une épée fixée à une ceinture serrant un pantalon de cuir, dans lequel était rentré une longue veste de laine sans manches. Dans sa main, elle tenait un arc. Tout près, un carquois était encore pourvu de quelques flèches. Elle avait été atteinte de plusieurs de ces traits.

Des vierges porte-bannière ?

L'interprétation de cet ensemble de faits bien documentés requiert prudence et nuance. Parmi tous ces corps de jeunes femmes, il faut sans doute faire une différence entre celles qui combattirent en nombre plus ou moins important dans les rangs des hommes, sans qu'on puisse, dans l'état de nos sources, préciser les modalités de leur rôle, et, d'autre part, celles qui semblent avoir exercé individuellement une fonction spécifique dans un cadre, par ailleurs, masculin. Le premier cas se rencontre à des titres divers et dans des contextes variés chez certains peuples, anciens ou non. Le second cas, dont relèvent les trouvailles de Dätgen l et Haselmoor, mérite plus d'attention, car il peut être éclairé par des données nettement plus récentes.

En effet, durant tout le dernier siècle du moyen âge, les Frisons du pays de Wursten, à l'embouchure de la Weser, avaient défendu leurs libertés contre les convoitises des évêques de Brême. La bataille décisive n'avait été livrée qu'en 1517, sur le Wreeder Siel. Le porte-enseigne de l'armée frisonne n'était autre qu'une jeune fille, qui se fit tuer en tentant de préserver jusqu'au bout son enseigne, la heirfona. Ce mot frison signifie 'la fille de l'armée' et désigne aussi bien la porteuse de l'emblème que l'enseigne elle-même. Cette dernière consistait, chez les Frisons du moyen âge, en une hampe de bois surmontée d'un chapeau sur-dimensionné. De tels couvre-chefs ont été retrouvés par deux fois en Frise Orientale et l'expression coutumière appelant au rassemblement du peuple se disait thene hôd upstêta, "dresser le chapeau". On ne s'avancera donc pas trop en concluant que les jeunes filles de Dätgen et de Haselmoor furent, elles aussi, des porte-enseigne de troupes guerrières, la seconde ayant manifestement subi le même sort que la heirfona frisonne: massacrée en cherchant à sauver son enseigne, dont le sommet -avec le chapeau ?- fut tranché par les assaillants.

Donne-nous la vaillance au combat

Dans tous les cas, il est important de noter qu'il s'agit de très jeunes filles, probablement vierges comme semble le confirmer le rapport médical du Haselmoor. Ce détail oriente plutôt vers une signification religieuse liée au culte de Wotan. Ce dieu, polymorphe et multifonctionnel, avait pris, en effet, depuis les 2e et 1er siècles avant notre ère, un caractère de plus en plus belliqueux, pour apparaître finalement comme le dieu par excellence de la guerre. Les Gefolgschaften, continuant les compagnonnages celtiques, se placèrent tout naturellement sous son égide et les guerriers morts au combat bénéficièrent de toute sa bienveillance. Ainsi, Wotan les accueillait auprès de lui dans le 'Valhalle' et, par ailleurs, ne se privait pas d'intervenir à son gré sur les champs de bataille, pour influer aussi bien sur les destins collectifs que sur le sort des individus. Mais il agissait à distance, par l'intermédiaire de figures féminines, les Valkyries. A l'origine, démons funèbres chargés de 'choisir les morts' (ce que signifie leur nom), ces fidèles du dieu borgne furent, par la suite, perçues comme de jeunes vierges guerrières, soutenant les mortels dans les combats et guidant les héros morts vers le Valhalle, où elles assuraient le service.

Dès lors, la 'militarisation' croissante des sociétés germaniques, durant les siècles de l'Empire romain, a dû entraîner l'incorporation d'un certain nombre de jeunes femmes dans les associations guerrières qui se regroupaient autour de chefs renommés. Héroïnes en herbe, n'est-il pas vraisemblable que ces femmes aient espéré suivre leurs compagnons, par delà la mort, pour rejoindre les banquets tumultueux du Valhalle -et pour devenir de nouvelles Valkyries ? L'hypothèse a toute chance de se vérifier, au moins dans le type de la heirfona dont la virginité avait sans aucun doute valeur sacrée, conférant force et protection à la troupe ainsi vouée au dieu de la guerre. Est en tout cas remarquable la pérennité de cette tradition païenne, jusqu'au sortir du moyen âge chrétien ! Songeons que la heirfona frisonne tomba l'année même où un moine fanatique nommé Luther afficha ses récriminations à Wittenberg, départ de la 'Réforme' et coup bas à la Renaissance !

Sans conteste, la documentation disponible aujourd'hui, toute fragmentaire et énigmatique qu'elle soit, permet de mieux discerner le rôle persistant que joua l'élément féminin dans l'organisation guerrière des peuples germaniques. Ce rôle peut être qualifié d'organique, puisqu'étroitement associé, en toute complémentarité, à la vie politique et religieuse de la communauté ethnique: la guerre restait une affaire d'hommes, mais un ensemble de représentations mentales, dont le détail nous échappe, faisait qu'un certain nombre de femmes étaient amenées -sous des conditions précises- à participer aux activités guerrières. Si maintenant on passe d'une marge de la vielle Germanie à une autre, de la Frise à la Lorraine, on ne pourra pas se retenir d'évoquer l'exemple d'une autre pucelle, apparue comme par enchantement dans 'l'Histoire de France', pour entraîner d'autres bandes armées dans le sillage de son étendard. Insolite dans le cadre chrétien français, Jeanne d'Arc ne pourrait-elle être un avatar occidental de la heirfona germanique, surgissant elle aussi de la plus profonde mémoire européenne ? La question mériterait un examen attentif. Je ne bouderai pas, en tout cas, la secrète jubilation d'entrevoir, derrière la sainte de Domrémy, l'ombre formidable du dieu borgne aux corbeaux, l'Odin des sagas scandinaves.

Willy Fréson

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mardi, 29 janvier 2008

Shambala: la Voie du Guerrier

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Shambhala : la voie du guerrier

Le tibétain Chögyam Trungpa fut le premier à apporter la sagesse de son pays en Occident. Il fonda ainsi de nombreux centres boud­dhistes. Il enseigna aussi "la voie du guerrier" ou pratique Sham­bha­la, un enseignement basé sur des traditions antérieures à la venue du Bouddhisme au Tibet. Son élève et ami Jeremy Hayward vient de publier Le monde sacré de Shambhala que l'éditeur résume ainsi: « La pratique Shambhala appelle "voie du guerrier" l'effort con­senti pour vivre pleinement, chaque jour. Agir en guerrier ou en guerrière, c'est oser vivre avec authenticité, douceur et courage, même quand des obstacles internes nous empêchent d'attein­dre notre véritable potentiel. Ce guide pratique, qui va de pair avec le classique Shambhala: la voie sacrée du guerrier (Points Sa­ges­ses, Seuil), est le premier ouvrage à proposer point par point des in­structions sur l'art du guerrier de Shambhala. Alliant la pratique boud­dhique de l'attention à des enseignements chamaniques pré-boud­dhiques, l'apprentissage Shambhala enseigne les méthodes pour invoquer de puissantes énergies naturelles en vue d'une trans­formation personnelle et collective. La voie du guerrier n'a pas pour objectif le retrait du monde. Elle veut, au contraire, en faire un lieu plus propice à l'éveil pour soi et pour autrui. Pour attein­dre cette fin, les enseignements Shambhala considèrent que tout  —y compris les engagements que peuvent être la carrière ou la vie fa­miliale—  fait partie de la voie. Sur le chemin du guerrier, on ap­prend à unir l'esprit, le corps et les émotions en un tout har­monieux. Dans Le monde sacré de Shambhala, Jeremy Hayward éclaire la forte et élégante philosophie Shambhala par le biais de li­gnes directrices éminemment pratiques, de méditations, d'intuitions, d'anec­dotes et d'exercices d'attention ». Ce livre permettra aux rê­veurs qui se croient des guerriers, parce qu'ils ont lu Saint-Loup ou E­vola, d'aborder réellement la voie du Guerrier (JdB).

Jeremy HAYWARD, Le monde sacré de Shambhala, Editions du Seuil, 1998, 364 pages, 148 FF.

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vendredi, 25 janvier 2008

Joseph Görres

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25 janvier 1776, naissance à Coblence en Rhénanie du philosophe Joseph Görres.

Au début de sa grande carrière de penseur politique et de théologien, il montre un enthousiasme pour la révolution française et pour le “Club des Jacobins” qui sévit dans sa ville natale, bientôt annexée à la “République”. Il part à Paris pour plaider cette annexion de la Rhénanie mais revient dégoûté des mœurs politiques parisiennes.

Görres avait imaginé que la révolution allait avoir un effet bénéfique sur le plan éthique. Elle n’a généré pourtant que corruption et déni de droit et de justice. Pendant la première décennie du 19ième siècle, il se retire, entièrement désillusionné, de la politique et s’adonne aux études philosophiques, pour découvrir la “Naturphilosophie” de Schelling, le renouveau romantique allemand et la pensée mystique médiévale, ce qui l’amène, tout naturellement, à rejeter les principes secs et froids de la pseudo-pensée des “Lumières”.

Dès 1814, il fonde le journal “Rheinischer Merkur”, autour duquel se forme un club politique original, critique à l’endroit des folies révolutionnaires, mais non adepte de la restauration pure et simple. Au nom d’une pensée romantique, organique et mystique, il critique sévèrement cette volonté arbitraire de restauration. Son journal est interdit et il est contraint à l’exil, en Suisse et en Alsace.

Rappelé par le roi de Bavière à Munich, pour une fonction d’enseignant, il y approfondit ses études sur la mystique et sur l’œuvre de Saint François d’Assise. La vie de Görres est donc un itinéraire intéressant, dans la mesure où il prouve que les philosophades des Lumières ne valent que ce qu’elles valent, c’est-à-dire pas grand chose sinon rien, et que le recours à l’essence de l’Europe passe par une redécouverte du patrimoine mystique. Pour en savoir plus, cf.: www.bautz.de

mercredi, 23 janvier 2008

Entretien avec Thomas Molnar

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Entretien avec Thomas Molnar :

Crise spirituelle, mondialisme et Europe

 

Q. : Pour vous la disparition du spirituel et du sacré dans notre société a-t-elle pour cause la modernité ?

 

ThM : Je préfère inverser les termes et dire que la modernité se dé­finit comme la disparition du spirituel et du sacré dans notre société. Il s'agit d'un réseau de pensée qui s'est substitué graduelle­ment —peu importe le moment du débat historique— aux réseaux tra­dition­nels et en a redéfini les termes et la signification.

 

Q. : Comment  l'Eglise universelle peut-elle s'opposer au mondialisme ?

 

ThM : Elle ne s'y oppose guère sauf dans certains cas et certains moments, et là aussi d'une manière plutôt inefficace. Ayant accepté, avec enthousiasme ou résignation, sa nouvelle position de lobby (depuis Vatican II), l'Eglise s'intègre à la société civile, ses présupposés philosophiques, sa mentalité, sa politique. Un jour, un chan­gement pourra, bien sûr, intervenir, mais pas avant que la struc­ture de la société civile elle-même ne démontre ses propres insuf­fisan­ces. Donc, le changement ne viendra pas de l'Eglise dont le personnel perd la foi et se bureaucratise. Dans l'avenir prévisible, les grandes initiatives culturelles et spirituelles n'émaneront pas de l'E­glise. Plus ou moins consciente de cette réalité, l'Eglise se rallie en ce moment au mondialisme, religion nouvelle des siècles devant nous.

 

Q. :  S'opposer au modernisme et au mondialisme, n'est-ce pas refuser le progrès ?

 

ThM : Le mondialisme rétrécit le progrès, il ne s'identifie plus à lui. C'est que la bureaucratie universelle et ses immenses lourdeurs et notoires incompétences bloquent les initiatives dont la source ultime est l'individu, le petit groupe, la continuité, l'indépendance régionale, enfin la souveraineté de l'Etat face aux pressions impérialistes et idéologiques. Aujourd'hui, le "progrès" (terme particulièrement pau­vre et ne recouvrant aucune réalité intelligible) s'inverse, la société perd ses assises, l'anarchie règne. Nous allons vers le phalanstère sans âme. Bientôt viendra l'épuisement technologique, car l'élan né­cessaire pour toute chose humaine même matérielle, s'amoindrira, s'essoufflera. L'homme désacralisé ne connaît que la routine, assas­sine de l'âme.

 

Q. :  A vous lire, il semble que le sacré n'est pas divin. Pouvez-vous expliquer cette approche ?

 

ThM : Le sacré n'est pas divin dans le sens "substantiel" du mot ; il médiatise le divin, il l'active en quelque sorte. D'abord, le sacré change d'une religion à l'autre, il attire et ordonne d'autres groupes humains (Chartres a été bâtie sur un lieu déjà sacré pour les druides, mais ces sacrés superposés n'expriment pas la même "sacralité"). Le sacré nous révèle la présence divine, cependant le lieu, le temps, les objets, les actes sacralisateurs varient.

 

Q. : Croyez-vous à une régénération du spirituel et du sacré en France et en Europe ?

 

ThM : Il n'existe pas de technique de régénération spirituelle techni­que que l'on utilise à volonté. L'Europe vit aujourd'hui à l'ombre des E­tats-Unis ; elle importe les idées et les choses dont elle pense avoir besoin. Elle est donc menée par la mode qui est le déchet de la civi­li­sation d'outre-mer. Bref, l'Europe ne croit pas à sa propre identité, et en­core moins à ce qui la dépasse : une transcendance ou un telos. "L'unité" européenne n'est qu'un leurre, on joue à l'Amé­rique, on fait sem­blant d'être adulte. En réalité, on tourne le dos au pas­sé gréco-chré­tien et le plus grotesque de tout, on veut déses­pé­rément devenir un "creuset", rêve américain qui agonise déjà là-bas.

 

Tout cela n'exclut pas la régénération, qui part toujours d'un élan iné­dit, de la méditation d'un petit groupe. Aussi ne sommes-nous pas ca­pa­bles de le prévoir, de faire des projets, en un mot de décider du choix d'une technique efficace. Sans parler du fait que la structure démocratique neutralise les éventuels grands esprits qui nous sor­tir­aient du marasme. Sur le marché des soi-disant "valeurs", on nous im­pose la plus chétive, les fausses valeurs qui court-circuitent les meilleures volontés et les talents authentiques. Si le sacré a une chance de resurgir sur le sol européen, le premier signe en sera le NON à l'imitation. Ce que je dis n'est pas nouveau, mais force m'est de constater dans les "deux Europes", Est et Ouest, l'impression du déjà-vu : l'Europe, dans son ensemble c'est Athènes plongée dans la décadence et l'Amérique, nouvelle Rome, mais d'ores et déjà à son dé­clin. La régénération ne peut être qu'imprévue.

 

Q. : Sans ce renouveau spirituel, que peut-il se passer en France et Europe ?

 

A court terme, des possibilités politiques existent, et la France pourrait y apporter sa part. L'Europe qui se prépare sera germanique et anglo-saxonne, la surpuissance de la moitié nord se trouve déjà programmée. Or, c'est la rupture de l'équilibre historique, car la latinitas n'a jamais été à tel point refoulée que de nos jours. La France pourrait donc redevenir l'atelier politico-culturel de la nouvelle Europe, grâce à son esprit et son intelligence des réalités dans leurs profondeurs. Bientôt, l'Europe en aura assez des nouveaux maîtres qui apportent l'esprit de géométrie, la bureaucratie la plus lourde, la mécanisation de l'âme. La France doit être celle qui crie « Halte ! » et, pour cela, pénétrer le continent, porteuse et l'alternative.

 

(propos recueillis par Xavier CHENESEAU ;  celui-ci en détient le © ; pour toute reproduction ou traduction, lui écrire via la rédaction).

 

Notre invité en quelques livres :

 

1968 - Sartre, philosophe de la contestation

1970 - La gauche vue d'en face

1972 - La contre révolution

1974 - L'animal politique

1976 - Dieu et la connaissance du réel

1976 - Le socialisme sans visage

1978 - Le modèle défiguré, l'Amérique de Tocqueville à Carter

1982 - Le Dieu immanent

1982 - L'Eclipse du sacré

1990 - L'Europe entre parenthèses

1991 - L'américanologie, le triomphe d'un modèle planétaire ?

1991 - L'hégémonie libérale

1996 - La modernité et ses antidotes

 

A signaler la parution prochaine, aux Editions l'Age d'Homme, de deux nouveaux ouvrages de Thomas Molnar : Moi, Symmaque et L'âme et la machine.

 

mardi, 22 janvier 2008

Sur Ernst Kantorowicz

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Stefan PIETSCHMANN :

Ernst Kantorowicz, biographe de Frédéric II de Hohenstaufen

„Vivet et non vivit“ (= Il vit et n’a pas vécu). A la fin de sa monumentale monographie consacrée à Frédéric II, Ernst Kantorowicz a placé cette citation latine, car il était indubitablement animé par une intention mystique : le mythe de l’Empereur Hohenstaufen, figure clef, est rappelé ainsi à la vie, au-delà des siècles, au-delà de la mort physique. Dès la parution de ce maître ouvrage en 1927, Ernst Kantorowicz acquiert d’un coup la célébrité.

Ernst Hartwig Kantorowicz, né en mai 1895 à Posen, est issu d’une vieille famille juive en vue. Après avoir passé son « Abitur » en 1913, il entame des études d’ingénieur commercial à Hambourg, afin de pouvoir, plus tard, gérer l’entreprise familiale, une fabrique de spiritueux. Dès qu’éclate la première guerre mondiale, Kantorowicz se présente comme volontaire au 20ième Régiment d’Artillerie de campagne de Posnanie, où il servira jusqu’à la fin des hostilités. Il revient du combat la poitrine constellée de décorations. En mai 1918, il s’était inscrit à l’Université de Berlin, en faculté de philosophie. C’est dans la capitale qu’il vécut la révolution, ce qui l’amena à retourner dans sa province natale de Posnanie, pour s’engager immédiatement dans un Corps Franc, dont le but était de défendre les revendications allemandes dans cette région de l’Est du Reich. Au cours du printemps 1919, il est engagé contre les Spartakistes à Berlin, et puis, en mai, alors qu’il étudie les sciences économiques, contre la République des Conseils à Munich.

Il déménage ensuite à Heidelberg. Il fait connaissance avec le poète Stefan George et, immédiatement après avoir remis sa thèse de doctorat (sur « L’essence des associations musulmanes d’artisans »), se consacre au thème de sa vie : la figure de l’Empereur Frédéric II de Hohenstaufen.

Indubitablement, il a été amené à ce choix, inspiré par les poèmes de Stefan George. Dans son poème « Rom-Fahrer », George avait averti ses disciples en faisant allusion au destin tragique de l’Empereur Frédéric II et de son petit-fils Konradin. « La grandeur des grandeurs de Frédéric, véritable nostalgie des peuples » est une nouvelle fois évoquée dans le poème « Die Gräber in Speier ». George y rappelle la figure de ce petit-fils de Béatrice de Bourgogne, dont la tombe est à Spire (Speyer) ; elle avait été la seconde épouse de Frédéric Barberousse. George voyait dans le règne de Frédéric II revivre la politique générale des Empereurs germaniques issus de ces premières lignées que furent les Carolingiens, les Ottoniens et les Saliens, une politique générale couplée au sens impérial et romain de l’Etat, à la culture grecque et orientale.

La fin des grands temps

Dans ses « Conversations avec Stefan George », Edith Landmann fait dire au poète ce qu’il ressentait face à la figure de Frédéric II, des Allemands en général. Question d’Edith Landmann : «Vous avez évoqué le passage de la belle ère allemande médiévale à l’époque plus prosaïque de Rudolf von Habsburg… ». Réponse de George : « Ce Rudolf était déjà un roi bourgeois. Avec lui, c’est autre chose. Les grands temps sont passés. C’est insaisissable, ce qui s’est passé là ; pourra-t-on jamais revenir au-delà de cette césure ? La meilleure explication de ce passage me semble celle-ci : à certaines époques, les dieux visitent un pays et quand ils repartent, les hauts temps s’évanouissent ». Le « Frédéric II » d’Ernst Kantorowicz décrit le déclin des Staufen, et fait de cette description une lecture si captivante, qu’elle ne laisse aucun lecteur indifférent. « Quelle impression cela a fait sur les Italiens, la mort de ce bel homme ! Les Allemands, en revanche, lui ont comme tapé sur l’épaule, en lui demandant de restreindre ses élans et en lui disant : tu aurais mieux fait de rester au pays, voilà ce qui arrive quand on ne le fait pas ». « Cette phrase, écrit Edith Landmann, m’est restée gravée dans la mémoire… ». 

Stefan George disait de Kantorowicz qu’il était « ce que les Français nomment un ‘Chevalier’ » et, ajoutait-il, « il était si entièrement ‘Chevalier’, qu’on ne s’en apercevait plus ». Homme du monde, très élégant dans le choix de ses vêtements, dans sa gestuelle quotidienne, dans son langage ; il avait tout, dit le germaniste Boehringer, d’un escrimeur, virtuose du fleuret. « Son intelligence, qui avait la faculté de pénétrer profondément en toute matière, se doublait d’une étonnante capacité à percevoir les choses dans leurs interrelations ; c’est sur ces facultés intellectuelles-là que repose sa vision et sa présentation si grandioses et si vivantes de l’histoire ».

Le livre consacré à Frédéric II de Hohenstaufen, Kantorowicz l’a écrit, pour l’essentiel, dans son appartement de Heidelberg, charmante petite ville universitaire où George, lui aussi, tenait ses quartiers à l’époque, du moins pendant quelques étés jusqu’en 1926. Plusieurs passages du livre en témoignent. Stefan George et les frères von Stauffenberg en ont corrigé les épreuves et négocié sa publication auprès des éditeurs.

L’Allemagne secrète à Naples et à Palerme

Le livre contient une sorte de préambule, dont le style et la teneur sont typiques du Cercle de Stefan George : « Lorsqu’en mai 1924, le Royaume d’Italie a célébré le 700ième anniversaire de la fondation de l’Université de Naples, que Frédéric II de Hohenstaufen avait fondée, on a trouvé, au pied du sarcophage de l’Empereur, dans la cathédrale de Palerme, une couronne portant l’inscription suivante : ‘A ses empereurs et héros, l’Allemagne secrète’ (= Das Geheime Deutschland) ». Cette couronne et ce bandeau votif avaient été déposés, selon toute vraisemblance, par des amis de George, qui séjournaient vers Pâques 1924 à Palerme : parmi eux, il y avait Ernst Kantorowicz. Son mérite demeurera, d’avoir ramené au présent la figure sublime de Frédéric II, grâce aux stupéfiantes facultés de son intelligence critique, à la pertinence profonde de son questionnement. L’Etat, construit en Sicile par Frédéric II, fondé et gouverné par le truchement de la Constitution de Melfi, selon les lois de la raison, se référait à l’antiquité, jugée en son temps « païenne ». Ce « paganisme » antique et ce recours à la raison politique contribuèrent à faire de lui, pour ses ennemis, un « hérétique ». Il n’y avait pourtant rien d’autre d’ « hérétique », chez lui, que d’être simplement en avance sur son temps. Quelques siècles plus tard, personne n’aurait parlé de ‘stupor mundi’, en faisant référence à l’œuvre qu’il avait bâtie. Frédéric II nous interpelle, nous et nos contemporains, dans tous les domaines qu’il a touchés, tout simplement parce que sa pensée, sa sensibilité, sa volonté et son action anticipaient les époques qui allaient advenir, après l’ère proprement médiévale.

En décembre 1933, Stefan George meurt à Minusio en Suisse, sur un territoire politiquement neutre, afin d’échapper aux honneurs que n’auraient pas manqué de lui réserver le nouveau régime national-socialiste. La veillée funèbre du poète fut assumée par Ernst Kantorowicz, Claus von Stauffenberg et quelques autres. Il faut rappeler ici que c’est justement Kantorowicz, et non pas seulement Stefan George, qui a conforté les trois frères von Stauffenberg dans la certitude, mythique, qu’ils étaient les descendants des Staufer et donc, possédaient un sang royal.

Les différends d’ordre idéologique avaient pourtant déjà profondément divisé l’ « Etat », c’est-à-dire le Cercle de George, ce que ressentaient tout particulièrement les amis, sympathisants et membres de confession israélite qui étaient restés en Allemagne entre 1936 et 1938. Tout en ressassant ses souvenirs sur ces clivages qui divisaient cruellement le Cercle, Edgar Salin expliqua plus tard à Berlin, en quelques lignes poignantes, les sentiments de Kantorowicz, qui venait, lui, d’émigrer aux Etats-Unis en 1938 : « Il avait été profondément marqué par l’affliction générale qui avait uni dans la douleur tous ceux qui firent partie du Cercle mais avaient été séparés par les circonstances politiques. Mais lorsqu’il se hissa dans le train pour quitter la Suisse, il vit, à une autre fenêtre du wagon, un des ‘amis’ lever le bras à la nouvelle mode qui régnait alors en Allemagne, et deux autres, plus jeunes, répondant à son salut depuis le quai, de la même manière ». Ces deux jeunes hommes étaient ceux qui avaient soigné et aidé George, dans les derniers mois de sa vie, à Minusio.

En novembre 1938, Kantorowicz réussit à quitter l’Allemagne, grâce à son ami le Comte Albrecht von Bernstorff, qui fut assassiné en 1945 dans la prison de Berlin Moabit. En passant d’abord par l’Angleterre, son exil finit par le conduire aux Etats-Unis où il enseigna, dès 1939, à l’Université de Berkeley.

Refus des injonctions maccarthystes

En 1951, une fois de plus, Kantorowicz agit de cette manière chevaleresque, qu’admirait tant chez lui Stefan George : c’était à l’époque où sévissait la commission McCarthy. Comme en Allemagne en 1933, Kantorowicz demeura fidèle à lui-même et refusa de prêter le serment d’allégeance et de loyauté que les Etats-Unis exigeaient des professeurs. Il fut licencié sur le champ.

On est touché de constater combien les traces de la vision politico-mythique de George persistent dans l’œuvre de Kantorowicz, tant d’années après la mort du poète. Kantorowicz est resté fidèle à l’ « Allemagne secrète », à ce Reich de mystères et de mythes. Dans ses derniers ouvrages, il prouve encore qu’il ne cesse de servir ces mythes, d’explorer et d’étayer les concepts éducateurs et pédagogiques préconisés par le Cercle de Stefan George. A partir de l’automne 1951, il travaille à l’ « Institute for Advanced Study » à Princeton. En 1957, le deuxième de ses deux ouvrages majeurs sort de presse, intitulé « The King’s Two Bodies », « Les deux corps du Roi », qui ne fut traduit en allemand qu’en 1991 ! C’est un immense travail synoptique, composé d’innombrables pièces formant, toutes ensemble, une magnifique mosaïque, qui n’est pas toujours aisée à comprendre dans chacun de ses éléments. Tentons de cerner le noyau même de ce maître ouvrage en donnant ses sources principales : le point de départ de la quête de Kantorowicz se situe dans la « doctrine des deux natures » de l’église primitive, où le Christ est à la fois Dieu et homme ; ensuite dans les oeuvres des juristes de Cour anglais de l’époque des Tudor, qui avaient élaboré une « christologie royale » très sophistiquée.

En 1963, Ernst Kantorowicz rejoint Stefan George dans la mort. Il avait été un grand historien juif et allemand et aussi un patriote animé par une foi nationale infaillible.

Stefan PIETSCHMANN.

(article paru dans l’hebdomadaire berlinois « Junge Freiheit », n°30/2000 ; trad. franç. : Robert Steuckers).