lundi, 16 juin 2014
Laurent Fabius perd la bataille politique en Syrie
Laurent Fabius perd la bataille politique en Syrie après son échec militaire et diplomatique
Dans les médias français, comme France 24, farouchement hostiles au président syrien Bachar Al-Assad, les journalistes et spécialistes qui ont cru que le «régime de Damas» pouvait tomber ne peuvent cacher leur dépit. Un envoyé spécial de cette chaîne a carrément traité les Occidentaux d'hypocrites, ciblant plus particulièrement le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, suite à sa déclaration sur les élections en Syrie.
L’hypocrisie occidentale est également dénoncée par l’«opposition» créée à Paris par le président français et son ministre des Affaires étrangères. Ces «opposants» constatent que la «communauté internationale» est coincée et n’a pas envie que le «dictateur» parte, à cause du risque fatal que les «djihadistes» prennent sa place et s’installent au pouvoir à Damas.
C’est là que réside l’hypocrisie : un discours anti-Bachar Al-Assad, exprimé par une déclaration de Laurent Fabius qui décrit l’élection présidentielle syrienne comme une «mascarade», alors que dans les faits, les Occidentaux n’ont pas pu empêcher le gouvernement syrien d’organiser des élections qui étaient impensables pour l’«opposition». Tout ce beau monde, à partir de plateaux de télévision, notamment sur France 24, est obligé de reconnaître que l’opposition extérieure ne représente rien en Syrie et que, sans le soutien des dirigeants occidentaux, c’est une coquille vide.
Les «opposants» et leurs sponsors occidentaux en viennent enfin à admettre que l’alternative ne peut venir que de l’intérieur du pays et, sur ce terrain, la bataille politique est gagnée par le pouvoir en place, alors que la lutte antiterroriste marque des points.
Les dirigeants des pays occidentaux, principalement les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, et ceux de la Turquie, du Qatar et de l’Arabie Saoudite, qui en sont les instruments dans la région, ont subi une cuisante défaite politique en Syrie où le «régime», comme ils l’appellent, a réussi à organiser l’élection présidentielle malgré la guerre imposée par des groupes armés, les uns se prétendant «opposition», les autres se revendiquant carrément du terrorisme islamiste, mais tous soutenus par cette coalition de pays occidentaux et de pays de la région.
Pour la première fois dans l'histoire de la Syrie, en vertu de la nouvelle loi électorale, plusieurs candidatures étaient autorisées à se présenter à l’élection présidentielle. Hier, trois candidats étaient en lice : le chef d'Etat sortant Bachar Al-Assad, le professeur de l'université de Damas Hassan Al-Nouri et le député du parlement national Maher Al-Hajjar, issus tous deux de l’opposition intérieure. Le vote n’a pas été organisé dans les zones fortement soumises au terrorisme et qui ont été désertées par les populations, ce qui n’aura pas d’impact significatif sur le taux de participation, a expliqué le président de la Cour Suprême syrienne.
En organisant et en réussissant ce défi, le régime syrien vient de gagner une bataille politique après les batailles militaires sur le terrain et diplomatique aux Nations-Unis où Russes et Chinois ont réduit à néant les efforts français et britanniques de provoquer une intervention militaire étrangère dans ce pays.
La défaite des plans diaboliques occidentaux et, par voie de conséquence, du terrorisme en Syrie, n’est qu’une question de temps.
- Source : Kamel MOULFI
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dimanche, 15 juin 2014
Pourquoi le peuple fait secession?...
Pourquoi le peuple fait secession?...
Entretien avec Michel Maffesoli
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec le sociologue Michel Maffesoli, cueilli sur le site du Figaro et consacré aux résultats des élections européennes...
Michel Maffesoli vient de publier, avec Hélène Strohl, un essai intitulé Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014).
Abstention, vote FN : pourquoi le peuple fait sécession
Vous parlez dans votre livre Les nouveaux bien-pensants de «la secessio plebis, cette séparation politique d'un peuple ne se reconnaissant plus dans l'erratique discours d'une élite on ne peut plus déphasée.». A-t-on assisté dimanche 25 mai à l'éclatante manifestation de cette secessio plebis, tant par le score du Fn que par celui de l'abstention? Est-ce inquiétant?
Le résultat des élections de dimanche dernier traduit, d'une manière paroxystique, le décalage grandissant existant entre les élites et le peuple que celles-ci sont censées représenter. Élites? Intelligentsia? tous ceux qui ont le pouvoir de dire et celui de faire: politiques, journalistes, divers experts et autres hauts fonctionnaires.
Ce n'est pas la première fois, pour reprendre une expression classique de la pensée politique qu'une telle secessio plebis se manifeste.
C'est à partir d' une telle mise en perspective que l'on peut comprendre, à la fois, le vote du Front national, mais plus encore celui de l'abstention. (26,8 millions d'abstentions, 4,7 millions de votes FN). On a pu, à cet égard, remarquer que celle-ci était particulièrement forte chez les jeunes générations (73% d'abstentions pour les 18-35 ans). Tout cela, bien entendu ne manque pas d'être inquiétant. En tout cas nous force à penser, en profondeur, la nouvelle époque qui s'amorce. Puis-je, à cet égard, rappeler que ce mot tout à fait anodin: «époque», signifie en grec parenthèse . Et n'oublions pas qu'une parenthèse s'ouvre et une parenthèse se ferme. La parenthèse moderne est en train de se fermer et l'incapacité des élites à voir celle qui s'ouvre conduit aux conséquences que l'on vient d'énoncer. D'où la méfiance qu'elle suscitent, en particulier chez les jeunes générations qui, blogs, forums de discussion et autres sites communautaires aidant, ne s'en laissent plus conter!
Quels sont les ressorts profonds de cette rupture entre les élites et le peuple que vous décrivez? Est-ce un phénomène typiquement français?
Les racines d'une telle rupture, dans le sens fort du terme d'un tel désaccord, se trouvent, certainement, dans le fait que cette intelligentsia reste figée sur les certitudes théoriques qui lui paraissent comme autant d'assurances, mais qui en fait l'empêchent, tout simplement, d'accompagner les mutations dont il est vain de nier l'importance. On peut pourtant, quand on regarde sur la longue durée les histoires humaines, observer que le déclin d'un vivre-ensemble s'accompagne toujours de l'émergence d'une autre forme de socialité. Ce processus, je l'appelle saturation .C'est-à-dire qu'une nouvelle construction va s'élaborer à partir des éléments tombés en décadence.
Par exemple, à l'individualisme qui avait prévalu, succède un idéal communautaire qu'il est abusif et surtout dangereux de nommer communautarisme. En effet, dans tous les domaines, le «Nous» prévaut sur le «Je». C'est en comprenant un tel glissement que l'on peut saisir les nouvelles formes de solidarité, de générosité qui sont en train de s'élaborer sous nos yeux. De même, le rationalisme (c'est-à-dire une systématisation de la raison dans la vie sociale) est en train de laisser la place à une conception plus ouverte de la rationalité: pour user d'un oxymore, je dirais que ce qui est en jeu est le désir d'une raison sensible où l'imaginaire occupe une place de choix. Cela s'observe dans l'émergence des passions, des émotions collectives. C'est ainsi que les affects ne sont plus cantonnés derrière le mur de la vie privée, mais tendent à se capillariser dans l'ensemble du corps social. Et il est très réducteur de réduire, comme le font la plupart des politiques, les valeurs populaires au pouvoir d'achat et à la recherche de la sécurité économique. Enfin, le simple progressisme, la recherche de la société parfaite dans le futur, la tension vers les «lendemains qui chantent», tout cela est en train de laisser la place à une accentuation sur le présent, un vivre ici et maintenant et ce à partir des racines, à partir des traditions. Tout cela peut se résumer au travers du terme de progressivité qui insiste sur ce qu'on peut appeler l'enracinement dynamique. Le lieu fait lien!
La dilution des valeurs qui firent la modernité (individualisme, rationalisme, progressisme) serait la cause du rejet de l'Europe de Bruxelles?
Oui, l'accentuation d'une Europe purement institutionnelle au détriment d'un sentiment européen et d'une expression de la culture et de la tradition européennes vivantes ont certainement détourné nombre d'électeurs du vote.
Les élites ne comprennent pas un tel glissement. Elles méconnaissent l'importance de la communauté (le «Temps des tribus» est bien arrivé!), de l'émotionnel, d'un présent partagé . Elles sont, ainsi, éloignées de la vie de tous les jours, ce qui ne manque pas d'entraîner la rupture avec les conséquences que l'on voit. C'est en se contentant de répéter, mécaniquement, des mots incantatoires que, d'une manière inexorable, l'on se coupe de ce que Auguste Comte nommait le «pays réel». Quand ceux qui sont censés le faire ne savent plus dire ce qu'est la conscience collective il n'est plus étonnant que celle-ci n'ait plus confiance!
Vous avez dénoncé dans votre livre «les nouveaux bien-pensants», un entre-soi politico-médiatique en rupture totale avec la réalité. Qu'est-ce que cette bien-pensance que vous dénoncez? N'est-ce pas un mot galvaudé?
Certes la «Bienpensance» est un mot qui, utilisé sans distinction, peut devenir une formule vide de sens. Pour ma part, c'est en me souvenant des vigoureuses analyses de Georges Bernanos qui, dans ses écrits de combat, s'élevait contre les facilités de pensée et les divers conformismes du moment, que je reprends, à mon tour, ce terme. Et ce en rappelant que le conformisme logique, les «éléments de langage» et autre «langue de bois» favorisent un «entre-soi» . Une véritable endogamie engendrant une rupture totale entre le peuple et ceux qui sont censés le représenter.
Vilfredo Pareto, avec justesse et acuité, soulignait d'ailleurs que quand une époque s'achève, on voit s'amorcer une «circulation des élites». C'est quelque chose de cet ordre qu'il faut avoir à l'esprit, alors que les générations vieillissantes, et surtout figées sur leurs certitudes, s'accrochent à leur pouvoir, politique, économique, intellectuel, social. La pensée «établie» fonctionne à partir d'une conception moraliste du monde, c'est-à-dire, pour reprendre une expression de Max Weber, envisageant le monde comme «il devrait être» et non pas «comme il est». Ce faisant, ce dernier reprenait l'ironique remarque de Nietzsche parlant de la «moraline» suintant d'un corps moribond . C'est cette sécrétion nauséabonde qui fait fuir ceux qui ont envie de respirer un air pur. Peut-être est-ce en ayant cela à l'esprit que l'on peut comprendre le dégoût qui se manifeste vis-à-vis des diverses élites contemporaines.
Une conception morale de la politique qui propose de «changer l'homme..
On peut penser que les derniers débats dits sociétaux, c'est-à-dire ceux proposant une dénaturation de la structure anthropologique qu'est l'altérité sexuelle, la manie du niveau dans le rapport entre les sexes, obsession de l'asepsie sociale dans le domaine de santé et de prévention , tout cela tient moins du détournement: ne pas parler du chômage, que de cette volonté paranoïaque de plier la société à un modèle unique, considéré comme le meilleur.
En ce sens l'Europe, considérée par de nombreux Français comme responsables des multiples règlements régissant notre vie quotidienne, ( règlements souvent impulsés par nos bureaucrates nationaux) a payé ce refus d'une intrusion étatique dans l'intimité.
La montée du Front National traduit-elle un sentiment d'exaspération, de saturation par rapport à la politique politicienne des partis établis, ou bien une véritable adhésion aux thèses de Marine Le Pen? En d'autres termes: assiste-t-on à une «droitisation de la société» ou à un simple désir de changement?
Je ne suis pas certain que les exacerbations s'exprimant dans les diverses élections que l'on vient de vivre traduisent une adhésion aux thèses du Front national. Il est également trop facile, et cela s'inscrit bien dans la bienpensance, c'est-à-dire dans la routine philosophique, de croire que l'on assiste en France ou dans d'autres pays européens à «une droitisation de la société». De la même manière il est peut-être trop rapide de voir là un simple désir de changement. En fait, tout simplement, comme la représentation philosophique ( c'est-à-dire les systèmes de pensée hérités du 18ème et du 19ème siècles) ne parait plus pertinente, les peuples n'ont plus envie de se reconnaître dans une représentation politique restant figée sur un mode de pensée quelque peu obsolète. Il est fréquent de dénoncer, ou à tout le moins de moquer le bon sens populaire. Or celui-ci d'une manière plus ou moins souterraine est au cœur même du vivre-ensemble. On retrouve chez des auteurs aussi différents que Descartes ou Joseph de Maistre des analyses insistant sur la nécessité de s'accorder «à la droite raison et au bon sens réunis».
Pour ma part je considère que c'est cette conjonction qui s'exprime dans les diverses «humeurs» sociales dont on n'a pas fini de mesurer les effets. En bref, on ne supporte plus l'aspect péremptoire, intolérant de ce que Tacite nommait , «tristis arrogantia», l'arrogance triste de ces moralistes ayant, pour tous les problèmes, une réponse universelle . Solution, de surcroît, inefficace! Tout est bon pour leur rappeler leur impuissance.
Pour le dire en d'autres termes, la verticalité du pouvoir (politique, médiatique, universitaire, administratif) ne fait plus recette et il va falloir s'ajuster à une horizontalité de plus en plus importante dans nos sociétés. C'est cela la mutation de fond, et la rabattre sur une soit-disant adhésion aux thèses de Marine Le Pen est une pensée à courte vue. Élargissons le débat, sachons ,véritablement, penser de ce qui est en jeu . En son temps, Jean Baudrillard avait attiré l'attention sur le «ventre mou du social» ou sur les «majorités silencieuses». Voilà que ce silence devient assourdissant! Le lepénisme n'est qu'un pré-texte parmi d'autres ; il faut savoir repérer et lire le vrai «texte».
N'y a-t-il pas un danger à dire que le peuple a toujours raison, parce qu'il est peuple? Quand le FN se réclame systématiquement du «peuple», ne risque-t-il pas de basculer dans la démagogie pure?
Le FN sait être sensible au fait que c'est le peuple et ses valeurs qui sont au fondement même de tout vivre ensemble.
Les classiques de la pensée politique rappellent qu'il n'existe de Nation qu'à partir d'une «affectio societatis». Ce désir d'être et de vivre ensemble. C'est cela le peuple. Il est frappant d'observer que ces mots, en soi si riche de peuple ou de populaire, sont, la plupart du temps, interprétés par les élites en termes de populisme . Avec , bien sûr, la connotation péjorative que ne manque pas d'avoir un tel mot . C'est quand justement, l'élite ne sait plus dire ce qui est vécu que l'on peut voir le succès des diverses formes de démagogie. Je ne sais pas si le Front national dit que le peuple a toujours raison, mais ce qui est certain, c'est qu'il ne sert à rien de le diaboliser lorsque il rappelle que l'on ne peut penser et agir qu'en référence aux racines populaires.
Pour ma part, je considère que c'est si , et uniquement si, on sait s'accorder à de telles assises, que l'on pourra penser, avec justesse, le nouveau vivre-ensemble postmoderne en gestation. En rappelant que , lorsqu'on observe sur la longue durée les histoires humaines le pouvoir n'est légitime que lorsqu'il reste enraciné dans la puissance populaire . C'est cette constatation de bon sens que l'intelligentsia française tend à oublier ou qu'elle ne sait pas dire . Souvenons, ici, d'Albert Camus: «mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde». Aussi convient-il de trouver les mots pertinents qui, dés lors, deviendront paroles fondatrices.
Michel Maffesoli (FigaroVox, 30 mai 2014)
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samedi, 14 juin 2014
Non au Traité transatlantique !
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mardi, 10 juin 2014
Pourquoi De Gaulle n'a jamais commémoré le 6 juin
Pourquoi De Gaulle n'a jamais commémoré le 6 juin
Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com
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lundi, 09 juin 2014
Fête de la Courtoisie
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A Leveling Wind:Reading Camus’ The Stranger
A Leveling Wind:
Reading Camus’ The Stranger
By Greg Johnson
Ex: http://www.counter-currents.com
Albert Camus’ The Stranger [2] had a powerful effect on me when I first read it at the age of 18. Recently I had cause to pick it up again when I re-read Bill Hopkins’ The Leap! (a.k.a. The Divine and the Decay [3]) with the aim of writing an essay on it, and Hopkins’ manner of constructing a plot out of seemingly trivial, tedious, and disconnected events that suddenly come together in an emotionally shattering climax — a climax that seems utterly surprising yet in hindsight utterly inevitable — brought to mind The Stranger.
The Stranger is a literary presentation of atheistic existentialism as incarnated by Camus’ anti-hero Patrice Meursault, a Frenchman in Algiers who, through a chain of absurd contingencies, impulsively kills an Arab, yet is successfully portrayed as a depraved, cold-blooded killer who must be sentenced to death for the protection of society.
Yet the real danger Meursault poses is not to the lives of his fellow citizens, but to their worldview. He is an outsider (another translation of the French title L’Etranger). Meursault does not think and feel as other people do. He is an intelligent man denied higher education by poverty. He bases his beliefs on his own experiences, not on what other people believe. He does not believe in God or Providence or Progress.
Meursault sees life as a series of contingencies without an overall meaning or purpose, whereas his fellow men insist on seeing patterns of significance that simply do not exist, whether they be divine Providence, premeditated criminality, or the expressions of a depraved character. Thus, after a darkly comic trial, he is sentenced to die for what is essentially an act of manslaughter simply because he does not believe in God and did not cry at his mother’s funeral, which signify depravity to judge and jury alike.
There really is something unsettling about Meursault. Is he a sociopath, as the prosecutor claims? The answer is no. He does not lack feeling for his mother, for his elderly neighbor and his mangy dog, or for his mistress Marie. But he is emotionally distant and undemonstrative. I imagine him as a taciturn Nordic — a strong, silent type — who does not easily show or speak about his feelings. Indeed, he is not sure what certain words like “love” even mean. This does not mean he is incapable of love, but merely that he is loath to use words loosely.
Meursault’s characteristic idleness, benign indifference, and lack of ambition strike one as depressive. He turns down a promotion and a transfer to Paris because he is content where he is. On weekends, he lounges around smoking until noon, then whiles away the afternoon and evening watching the street. When he is in jail, he sleeps 16 hours a day.
But Meursault is not an unhappy man. He is never bored. The secret to his happiness lies in his ability to live in the present. Since he does not employ concepts he does not understand, he experiences the world directly, with a minimum of social mediation. He is intelligent, but not over-burdened with reflectiveness. When in jail, he occupies himself by recalling vivid, fine-grained experiences of ordinary things. He is complacent simply because he is easily contented. He is a particular kind of outsider: a naif, a savage — and to all appearances, not a particularly noble one.
Meursault’s naive immersion in the present may be his happiness, but it is also his undoing. He is rendered almost senseless by the oppressive Algerian sun — another reason to picture him as a Nordic rather than a Mediterranean type — particularly on the day of his mother’s funeral and on the day he shot the Arab. In both cases, he reflexively reacts to his environment, because his sun-baked brain is simply not capable of reflective action, of premeditated agency, of raising him out of sensuous immersion in the present. But others interpret his acts as springing from a lack of feeling rather than an excess — from premeditation rather than blind reflex.
Meursault is a kind of existentialist Christ who is martyred because of the threat that his naive authenticity poses to those who live second-hand, conventional lives. But Camus thinks that Meursault’s life is not exemplary until the very end of the book, when he overcomes his naivete and comes to reflectively understand and affirm the life he had previously lived only thoughtlessly.
After Meursault is condemned to die, he files an appeal then awaits either reprieve or execution. In his cell, he falls into a kind of hell built on the hope and desire to escape or master his fate. He lies awake all night because he knows that the executioner comes at dawn, and he does not want to be caught sleeping. Only when he knows that he has another 24 hours, does he allow himself to rest. During his waking hours, he runs through all the possible outcomes, trying to construct consoling arguments even in the face of the worst case scenario.
It is only when Meursault has to endure an exacerbating visit from a priest offering supernatural solace that he comes to his senses. In a burst of anger, he rejects the false hopes offered by the priest — and his own apparatus of false hopes as well. He realizes that all mankind erect such rationalizations as barriers to evade the certitude of death. We picture death as out there in the future somewhere, at a safe distance. Or we picture ourselves as somehow surviving it. But Meursault realizes that “From the dark horizon of my future a sort of slow, persistent wind had been blowing toward me, my whole life long, from the years that were to come. And in its path, that wind have leveled our all the ideas that people tried to foist on me in the equally unreal years that I was living through.” This wind, of course, is death, and it comes to us all. Or, to be more precisely, it is a possibility that we carry around inside ourselves at all times. It is a possibility that we must face up to.
Part of Pascal’s wager is that if we believe in Christianity and turn out to be wrong, we will have lost nothing. Camus disagrees: if we believe in any system of false consolation in the face of death, we will still die, but he will have lost everything — everything real — for we will never have truly lived in the real world around us. Hope for an unreal world deprives us of the real one. So perhaps we should at least try to live without supernatural consolation. But to do that, we must embrace the leveling wind, allowing it to carry away false hopes. We must squarely confront the terrifying contingency and finitude of life. We must let go of our fear of death in order to truly live life. For if we cease to fear death, we should be free of all lesser fears as well, which will give us the freedom to make the most of our lives. But this does not merely allow us to accept death, but to love it as a principle of freedom.
This realization brings Meursault peace. He understand why his mother, as she neared her death in an old folks’ home took on a fiance: “With death so near, mother must have felt like someone on the brink of freedom, ready to start life all over again. No one, no more in the world, had any right to weep for her.” And Meursault did not weep, although at the time he did not know the reason why.
Now that Meursault had faced his mortality, he too “felt ready to start life all over again. It was as if that great rush of anger had washed me clean, emptied me of hope . . .” It is the the absence of false hope that allows him to face death and to experience freedom. The priest mentions that he is certain that Meursault’s appeal will be granted, but at this point, it does not matter, because whether his death comes sooner or later, Meursault has embraced his death as a potentiality he carries at all time.
He continues: “. . . gazing up at the dark sky spangled with its signs and stars, for the first time, the first, I laid my heart open to the benign indifference of the universe. To feel it so like myself, indeed, so brotherly, made me realize I’d been happy, and that I was happy still.” Meursault had always lived his life as if the universe were benignly indifferent, i.e., there is no cosmic plan, divine or secular, but merely a play of contingencies. To “lay his heart open” to such a universe means that Meursault is for the first time coming to reflective awareness of the previously unstated presuppositions of his life. And he realizes that his life is good. That he was happy, and that he is happy still.
The Stranger ends with defiant, enigmatic words: “For all to be accomplished, for me to be less lonely, all that remained to hope was that on the day of my execution there should be a huge crowd of spectators and that they should greet me with howls of execration.” Why would Meursault be more lonely if his fellow men did not hate him? Because he has embraced his mortality and recognized his kinship with a Godless, aimless universe. He is no longer a stranger to the real world. Thus his estrangement from the unfree, inauthentic human world that condemned him is complete.
Note: There are several translations of The Stranger [2]. On purely literary grounds, I prefer Stuart Gilbert’s 1946 Knopf translation over more recent efforts.
Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com
URL to article: http://www.counter-currents.com/2014/06/a-leveling-wind-reading-camus-the-stranger/
URLs in this post:
[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/camus.jpg
[2] The Stranger: http://www.amazon.com/s/?_encoding=UTF8&camp=1789&creative=390957&field-keywords=camus%20the%20stranger&linkCode=ur2&tag=countecurrenp-20&url=search-alias%3Daps&linkId=23VGRUP4OUGOL7ME
[3] The Divine and the Decay: http://www.counter-currents.com/tag/the-divine-and-the-decay/
00:05 Publié dans Littérature, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, philosophie, lettres, albert camus, france, lettres françaises, littérature française | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 07 juin 2014
Taguieff et l'antifascisme...
Taguieff et l'antifascisme...
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Pierre-André Taguieff, cueilli sur le site du Figaro et consacré au Front national et à l'antifascisme... Pierre-André Taguieff vien de publier Du diable en politique - Réflexions sur l'antilepénisme ordinaire.
FigaroVox: Votre livre décrit la mécanique diabolisatrice à l'œuvre dans le paysage politique français depuis trente ans, qui renvoie systématiquement le Front national aux «heures les plus sombres» et à la «bête immonde». Pouvez-vous nous décrire ce processus de diabolisation?
Pierre-André TAGUIEFF: La diabolisation implique de réduire un individu ou un groupe à une manifestation du Mal ou à une incarnation du diable, et d'en tirer les conséquences pratiques, à savoir l'élimination de l'entité diabolisée. Dans les systèmes totalitaires, la diabolisation des opposants se traduit par leur extermination physique. Dans les démocraties pluralistes, les adversaires diabolisés sont en principe exclus du jeu démocratique, mis à l'écart du système politique. La diabolisation constitue ainsi une méthode d'illégitimation d'un adversaire, d'un concurrent, d'un contradicteur, qui sont ainsi transformés en ennemis redoutables et haïssables. En outre, diaboliser l'autre (l'opposant ou le différent), c'est se classer soi-même dans la catégorie des représentants ou des combattants du Bien. C'est donc se donner une légitimité, voire une respectabilité à bon compte.
Lorsqu'elle prend pour cible le Front national, la diabolisation consiste à retourner contre ce parti ses propres méthodes de combat idéologique. Comme la plupart des mouvements nationalistes, le FN diabolise ses ennemis en les désignant, d'une part, en tant que responsables du désordre à l'intérieur de la nation, un désordre facteur d'affaiblissement ou de déclin, et, d'autre part, en tant qu'incarnant une menace pour la survie de la nation. Disons, pour préciser, que le désordre intérieur est attribué à une immigration jugée non intégrable, et que la mondialisation et la construction européenne sont dénoncées comme des menaces pesant sur l'indépendance et l'identité nationales. Mais si les nationalistes diabolisent les ennemis du peuple, à l'intérieur, ou ceux de la nation, à l'extérieur, ils sont eux-mêmes fortement diabolisés en retour, étant accusés notamment d'être partisans de la fermeture sur soi de la nation, de se montrer xénophobes ou racistes, et surtout d'être des fauteurs de guerre, en alimentant les peurs et les haines entre groupes, ou en diffusant la vision d'un conflit «naturel» entre les nations définies comme rivales. En France, l'antinationalisme est devenu idéologiquement hégémonique à la faveur de la construction européenne. Les nations étant perçues comme des obstacles à cette dernière, le sentiment national lui-même a été réduit par les élites dirigeantes et discutantes à une survivance nuisible d'un passé heureusement révolu, à un archaïsme détestable. Le problème, c'est que le sentiment de l'appartenance nationale, qui revient à celui de posséder une identité nationale, n'a nullement disparu de l'opinion, et, plus profondément, des mentalités ou des croyances culturelles. À partir de 1983-1984, le mouvement lepéniste a incarné tout ce rejetaient et méprisaient les élites antinationalistes ainsi que les héritiers de gauche du vieil antifascisme. D'où la dénonciation du FN comme «fasciste», stigmatisation qui l'a isolé dans le système des alliances politiques. Mais, en même temps, le FN a pu s'efforcer, non sans succès, de monopoliser le sentiment national dans tous ses aspects. Ainsi, à la diabolisation par le FN a répondu celle du FN, faisant surgir un cercle polémique vicieux qui ne cesse de compliquer l'interaction entre le FN et ses ennemis, et d'engendrer des effets pervers.
La «reductio ad Hitlerum» avait déjà été dénoncé par Leo Strauss en son temps. Qu'apporte votre livre de nouveau?
En 1953, au début de son grand livre intitulé Droit naturel et histoire, Leo Strauss, agacé par les clichés d'une rhétorique antifasciste fonctionnant à vide et devenue l'instrument privilégié du terrorisme intellectuel, avait pointé le problème en donnant une dénomination suggestive à ce qui lui paraissait être un raisonnement fallacieux: «reductio ad Hitlerum». Dans un contexte où l'antifascisme consensuel était devenu une forme de conformisme idéologique justifiant tous les amalgames polémiques, le philosophe juif émigré aux Etats-Unis faisait cette mise en garde d'ordre méthodologique: «Il n'est malheureusement pas inutile d'ajouter qu'au cours de notre examen nous devrons éviter l'erreur, si souvent commise ces dernières années, de substituer à la reductio ad absurdum la reductio ad Hitlerum. Qu'Hitler ait partagé une opinion ne suffit pas à la réfuter.» L'accent est mis sur la valeur de vérité d'un énoncé quelconque. Disons, pour simplifier la question à des fins pédagogiques, que la reductio ad Hitlerum consiste pour Strauss à juger fausse toute assertion, comme «La Grande-Bretagne est une île», que le Führer croyait vraie. Inférence illustrant à quel point l'endoctrinement idéologique peut rendre stupides ceux qu'il aveugle. Il s'agissait d'ailleurs pour Strauss d'une remarque marginale dans un livre de philosophie politique consacré notamment à la discussion des thèses de Max Weber, ce qui explique qu'il n'ait pas développé l'analyse du type d'amalgame polémique qu'il avait brièvement caractérisé, à savoir la diabolisation de type antifasciste. Car aujourd'hui, lorsqu'on dénonce à juste titre la reductio ad Hitlerum, on vise un sophisme beaucoup plus pernicieux, qu'on peut illustrer par ce syllogisme défectueux: «Hitler aimait les chiens (ou Wagner) ; X aime aussi les chiens (ou Wagner) ; donc X est un disciple d'Hitler». Je soulignerai au passage le fait que diaboliser un individu ou un mouvement politique quelconque en l'assimilant à Hitler ou au nazisme, c'est banaliser le nazisme.
C'est à Léon Poliakov qu'on doit l'analyse pionnière de la diabolisation, mode de fabrication d'ennemis absolus. Mais, dans ses travaux des années 1970 et 1980 sur la «causalité diabolique», l'historien de l'antisémitisme avait surtout étudié la diabolisation des Juifs, des jésuites et des francs-maçons, à travers les «théories du complot» qui les prenaient pour cibles. Dans l'après-1945, ce sont principalement les nationalistes, eux-mêmes grands diabolisateurs de leurs adversaires, qui ont été diabolisés par leurs ennemis, qui les percevaient comme des héritiers des fascistes ou des nazis.
L'assimilation abusive d'un quelconque adversaire à Hitler, pris comme incarnation du diable, en vue de le disqualifier, reste une opération rhétorique banale, qu'on peut observer aujourd'hui dans les affrontements politiques, voire dans les débats intellectuels en Europe et ailleurs. Le discours antifasciste continue de fonctionner en l'absence de fascismes réels, ce qui pousse les diabolisateurs à inventer sans cesse de nouveaux fascismes imaginaires. Cette bataille contre des néo-fascismes fictifs relève de ce que j'ai appelé le néo-antifascisme, dont l'antilepénisme ordinaire est, en France, la principale figure. Dans mes analyses des amalgames polémiques en politique, je distingue quatre principes de réduction de l'adversaire qu'il s'agit de transformer en ennemi répulsif, méprisable ou haïssable, à exclure ou à neutraliser: le diabolique (ou le démoniaque), le bestial, le criminel et le pathologique. D'où autant de manières de dénoncer les figures du Mal politique: diabolisation, bestialisation, criminalisation et pathologisation. Dans le discours antilepéniste «classique», on retrouve, diversement combinées, ces quatre stratégies de délégitimation. Mais ce discours, adapté à la personnalité de Jean-Marie Le Pen dont il caricature certains traits de caractère ou de comportement, s'est avéré moins crédible face à celle de Marine Le Pen. C'est ce qui explique en partie la relative et récente normalisation du FN. Celle-ci illustre la perte d'efficacité symbolique de la rhétorique néo-antifasciste en France, en même temps qu'elle nous rappelle l'importance de la personnalité des leaders politiques imaginée à travers leur visibilité médiatique.
L' «antilepénisme ordinaire» a-t-il fonctionné contre le Front national comme l'espéraient ses initiateurs?
Fondé sur la diabolisation et l'appel au front républicain, conformément à la tradition antifasciste, l'antilepénisme standard, s'il a pu contenir provisoirement le FN en l'empêchant de conclure des alliances avec les partis de droite, a engendré nombre d'effets pervers dont témoigne son actuel dynamisme. C'est par la diabolisation de Jean-Marie Le Pen que ce dernier est devenu célèbre et que le FN est sorti de la marginalité. Ce maître de la provocation qu'est Le Pen a su prendre la posture du diabolisé, la mettre en scène comme une injustice ou une forme de persécution, attirer ainsi la compassion ou la sympathie, et finir par retourner l'attaque en composante de son charisme. Les antilepénistes n'avaient pas prévu que leur cible principale pourrait se présenter glorieusement comme une victime injustement accusée et comme un héros, un «résistant», voire comme un héritier de la «Résistance», face aux nouveaux ennemis supposés de la France. En outre, l'antilepénisme diabolisateur a eu pour effet d'installer le FN au centre de la vie politique française, de fixer l'attention inquiète de tous les acteurs politiques sur son évolution à travers les élections et les sondages. Depuis la fin des années 1980, la France politique a semblé vivre à l'heure du FN.
Répéter un slogan aussi dérisoire que «F comme fasciste, N comme nazi», totalement décalé par rapport à la réalité du mouvement lepéniste, c'était courir à l'échec: un tel excès dans l'accusation a rendu celle-ci insignifiante. Et ce, d'autant plus que l'image de Marine Le Pen s'est montrée imperméable à ces attaques hyperboliques. Le FN a fini par retourner à son profit la stigmatisation: la victime présumée du «Système» s'est posée en alternative globale à ce dernier, et ce, d'une façon crédible pour une importante partie de l'opinion. Bref, la propagande antilepéniste, qui se proposait de faire disparaître le FN de l'espace politique français ou de le marginaliser fortement, aura globalement joué le rôle d'un puissant facteur de la montée du FN. Paradoxe comique pour les uns, tragique pour les autres.
Votre livre n'arrive-t-il pas trop tard, après que la stratégie de dédiabolisation engagée par Marine Le Pen après 2002 a porté ses fruits? (34% des Français déclarent adhérer aux valeurs du Front national). L'antifascisme que vous décrivez n'est-il pas une attitude médiatique résiduelle?
Je ne le crois pas. D'une part, la normalisation du FN est loin d'être achevée: la figure de Marine Le Pen reste fortement rejetée, dès lors qu'elle ne symbolise plus seulement une opposition radicale au pouvoir socialiste. D'autre part, faute d'imagination, la gauche et l'extrême gauche sont vouées à répéter pieusement, d'une façon commémorative, les rites de conjuration du Mal politique. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, un discours de propagande ne disparaît pas pour la seule raison qu'il est devenu inefficace. Car il peut faire tradition, comme c'est le cas pour le discours antifasciste, dont les versions successives constituent autant de recyclages. La tradition, c'est ce qui se répète, en rassemblant et rassurant une communauté de croyants ou de militants. En outre, la relative normalisation du FN n'est pas le simple effet de la décision prise par Marine Le Pen, reprenant sur ce point le projet défini par Bruno Mégret dans les années 1990, de «dédiaboliser» le FN. On ne se «dédiabolise» pas à volonté: de multiples facteurs sont en jeu dans l'affaire, qui ne dépendent pas seulement des désirs de tel ou tel leader, aussi bon stratège idéologique soit-il. Le retrait progressif de Jean-Marie Le Pen est simplement dû à l'âge avancé du personnage provocateur. Il a provoqué un appel d'air pour le parti qu'il plombait. Le renouvellement et le rajeunissement des cadres, des adhérents et des sympathisants du FN, à l'image de Marine, ont joué un rôle majeur. Quant au contexte des années 2000, de la prise de conscience de la menace islamiste à la perte de confiance dans les élites nationales européistes, en passant par l'expérience inquiétante de la crise financière de 2008, qui a favorisé le retour de l'anticapitalisme et la diffusion des idées protectionnistes, il a globalement profité au nouveau FN. Dos au mur, les ennemis du FN continuent de lancer leurs anathèmes et de proférer leurs injures ou leurs imprécations rituelles (le FN «fasciste», «d'extrême droite», «raciste», etc.), rêvant toujours de faire interdire le parti qu'ils prétendent, depuis trente ans, éliminer de l'espace politique. Ils ne veulent pas discuter, critiquer, argumenter, ils rêvent de brûler les nouveaux hérétiques. À la force du préjugé s'ajoute celle de l'habitude, qui, chez les âmes mortes, est l'unique principe d'action. Une âme morte, disait Péguy, est une «âme extrêmement habituée».
N'y a t-il pas derrière ce discours angélique de l'antilepénisme primaire une stratégie plus cynique consistant faire monter le FN pour diviser la droite et affaiblir la droite traditionnelle?
C'est en effet l'une des hypothèses que je retiens. Contrairement aux apparences, le néo-antifascisme ne se réduit pas à une posture morale inefficace censée être honorable, il constitue une stratégie politique. L'un des objectifs du néo-antifascisme instrumentalisé par la gauche, c'est de restructurer l'espace politique autour d'un affrontement entre le PS et le FN, ce qui suppose un FN fort et une UMP affaiblie. Il s'agit donc de favoriser par divers moyens le dynamisme du FN tout en provoquant l'explosion de l'UMP, minée par ses divisions idéologiques et la rivalité de ses dirigeants. L'objectif est de faire disparaître la droite libérale comme force politique concurrente du PS. Il avait été formulé à la fin des années 1980 par les antiracistes mitterrandiens: faire qu'il n'y ait «rien entre le FN et nous». Ce qui supposait un double processus: le ralliement d'une grande partie de la droite (une fois en miettes) à l'extrême droite, et la redéfinition de l'extrême droite forte comme représentant la (nouvelle) droite. C'est la raison pour laquelle les stratèges machiavéliens du PS, formés à l'école mitterrandienne, ne s'émeuvent guère de la «montée du FN», ni de l'échec de la diabolisation qu'ils ont privilégiée en tant que stratégie anti-FN, et qui a contribué à ladite «montée». Ils savent que le seul moyen de gagner l'élection présidentielle de 2017, malgré l'impopularité de la gauche au pouvoir, c'est de faire précisément «monter» le FN pour provoquer l'élimination au premier tour du principal candidat de droite libérale, avant de l'emporter face à une Marine Le Pen jugée incapable de rassembler suffisamment, et rejouant ainsi malgré elle, mutatis mutandis, le rôle de son père en avril 2002. Le «front républicain», en tant que front du refus coalisant toutes les forces rejetant absolument le FN, ne peut vraiment fonctionner qu'au deuxième tour d'une élection présidentielle.
Les machiavéliens de gauche, lucides et cyniques, qui misent sur le renforcement du FN, savent qu'il suffit pour cela de le combattre d'une façon magique en suivant la stratégie diabolisatrice qui l'a rendu attractif. À cet égard, on notera que le PS et le FN ont des objectifs convergents, à commencer par l'éclatement de l'UMP, suivi par le ralliement d'une partie des cadres et des adhérents à gauche ou au centre, et d'une autre partie au FN. Le nouveau bipartisme opposerait une droite nationale à une gauche européiste.
«Totalement dédiabolisé, le FN perdrait une grande partie de son attractivité», écrivez-vous. Pourquoi le «diable» attire-t-il tant en politique?
Dans le charisme politique, il y a nécessairement une dimension démoniaque, perçue autant par les admirateurs du chef charismatique que par ses ennemis. Les grands démagogues et les pires dictateurs sont dotés d'un fort charisme. Ils sont porteurs d'une promesse de rupture salvatrice et de changement bénéfique. Ils sont perçus dans l'ambivalence: on attend d'eux de grandes choses, car ils promettent que l'impossible est désormais possible, et la déception qu'ils finissent par provoquer est d'autant plus profonde. L'admiration amoureuse se retourne souvent en haine et en ressentiment. Or, le propre du FN comme entreprise politique familiale, c'est qu'il existe en raison du charisme de ses dirigeants, Le Pen père ou Le Pen fille. Ils ne sont pas jugés sur leur action politique ou leur gestion des affaires publiques, mais sur leur discours de combat, leurs intentions affichées, leurs promesses alléchantes et tranchantes. Qui ne reconnaît les multiples menaces pesant sur la société française? Qui n'est pas d'accord avec le projet de «sauver la France»? Mais, pour séduire, il faut présenter un visage qui se distingue fortement de la masse grégaire des acteurs politiques formatés. La mal-pensance affichée des leaders du FN fait partie de leur prestige ou de leur capital symbolique, elle les distingue des autres leaders politiques. Sans écart socialement visible et régulièrement affirmé par rapport à la norme idéologique et politique, sans sa dimension «luciférienne», le FN ne pourrait exercer la moindre séduction. Il lui faut faire peur à certains pour attirer les autres. Donc alimenter en permanence une réputation de non-conformisme. Il y a là une stratégie d'auto-stigmatisation ou d'auto-diabolisation plus ou moins contrôlée (d'où ce qu'il est convenu d'appeler les «dérapages», inévitables). Les démagogues à l'eau de rose, ou couleur rose bonbon, sont dénués d'attrait. Ils ne produisent ni amour, ni haine. Après leur petite heure de célébrité médiatique, ils disparaissent rapidement dans le trou noir de leur affligeante normalité.
Vous dénoncez dans votre livre la dissymétrie entre une «extrême droite» diabolisée et une extrême gauche pardonnée de ses excès. D'où vient ce «deux poids deux mesures»?
C'est là un héritage de l'antifascisme soviétique, dont les idéologues et propagandistes, depuis les années 1950, n'ont cessé de marginaliser ou de calomnier en France la position antitotalitaire ou anti-extrémiste pour camoufler la criminalité du communisme, et permettre à la gauche de se «ressourcer» régulièrement en revenant à Marx ou à tel ou tel théoricien révolutionnaire et anticapitaliste (Lénine, Trotski, Gramsci, etc.). Il importe à une partie de la gauche de laisser ouverte la voie d'un retour éventuel à l'idée communiste, donc de ne pas diaboliser le communisme, en dépit de ses crimes, comme elle diabolise le fascisme, et plus particulièrement le nazisme. Cette gauche nostalgique suppose que l'idée ou l'utopie communiste est bonne en elle-même, et que seules ses réalisations historiques ont échoué. Alors qu'elle postule que le nazisme est en lui-même un mal, qu'il incarne même le Mal absolu. Ce traitement asymétrique est caractéristique de l'antifascisme dans toutes ses variantes, et nous rappelle que, comme l'avait bien vu George Orwell, la gauche est antifasciste mais non antitotalitaire. J'ajouterai qu'elle voit le «fascisme» là où il n'est pas (Raymond Aron et le général de Gaulle ont été traités de «fascistes»), et que, simultanément, elle ne voit pas le fascisme où il est, par exemple dans le chavisme tant admiré par Jean-Luc Mélenchon. Une admiration partagée par le polémiste Alain Soral qui se définit lui-même, pas seulement par provocation, comme «national-socialiste».
«Nous vivons dans un univers de spectres, où aux fascismes imaginaires font écho des antifascismes imaginaires d'aujourd'hui», écrivez-vous. Pourquoi l'antifascisme idéologique a-t-il survécu à la mort du fascisme politique alors que l'anticommunisme a, lui, disparu suite à l'effondrement du bloc soviétique?
L'antifascisme imaginaire, ou si l'on préfère l'imaginaire antifasciste, dont la diabolisation du fait national est aujourd'hui la principale illustration, c'est ce qui reste du communisme dans les esprits. L'antinationalisme est progressivement devenu la principale reformulation du vieil antifascisme. Mais les antinationalistes en sont venus à diaboliser la nation comme telle. C'est ce que j'ai appelé naguère, au début des années 1990, l'«antinationisme», qui s'est transformé en idéologie dominante dans les milieux européistes. La projection sur la nation de tous les traits répulsifs du «fascisme» en est le principe moteur. Dans la rhétorique de combat centrée sur la dénonciation des «eurosceptiques» ou des «europhobes», c'est bien le sentiment national qui est incriminé, au point d'être criminalisé. De la même manière, la reformulation antiraciste de l'antifascisme, qui se traduit principalement par la célébration de l'immigration comme méthode de salut, est centrée sur la diabolisation de la nation comme identité collective et souveraineté. Comme l'existence même des frontières nationales, la distinction simple entre nationaux et étrangers est considérée par les «antinationistes» comme un scandale. Pour ces nouveaux utopistes, il faut que disparaissent les États-nations pour que l'humanité s'unifie à travers la multiplication des processus migratoires sans contrôles ni limites. Leur rêve est d'instaurer une démocratie cosmopolite, dans un espace post-national qu'ils s'efforcent de construire en délégitimant le sentiment national tout en érigeant l'immigration de masse en fatalité et en phénomène intrinsèquement bon ou bénéfique.
Il faut relever ce grand paradoxe: alors que jamais, depuis 1945, le nationalisme ne s'est mieux porté en Europe, la diabolisation du nationalisme et du sentiment national est devenue la posture idéologique dominante dans le monde des élites. Si un fait observable prouve la coupure entre les peuples et les élites, entre les «localisés» d'en bas et les «mondialisés» d'en haut, entre les «enracinés» et les «nomades», c'est bien celui-là. La diabolisation néo-antifasciste de la nation est contre-productive à l'heure où l'Union européenne ne fait plus rêver la majorité des Français, qui doutent majoritairement des vertus de l'euro.
Un autre paradoxe saute aux yeux, et fait sourire. Chassé par la porte au nom de la morale, le nationalisme revient par la fenêtre au nom du réalisme politique. Dans leurs attaques contre le FN, les antinationalistes déclarés prétendent monopoliser l'attachement patriotique et incarner les «valeurs de la France». Ils retournent ainsi la chimère de «l'anti-France» contre les nationalistes français qui l'avaient beaucoup utilisée. Le sentiment national supposé honteux quand il est attribué au FN se transforme soudainement en une légitime fierté d'être français, claironnée par les dénonciateurs occasionnels de «l'anti-France» nouvelle à visage lepéniste. On ne compte plus les leaders politiques et les intellectuels s'indignant publiquement de l'existence d'une «extrême droite» qui, selon eux, véhicule des idées qui «ne sont pas les valeurs de la France». Et qui ne craignent pas de dénoncer avec vigueur le «Front anti-national». Bref, on rejoue l'opposition mythique entre les deux France, la bonne (ici l'anti-lepéniste) et la mauvaise (ici la «lepénisée»). À travers ce retour du réprimé national après transvaluation intéressée, le nationalisme se venge. Non sans ironie objective.
Vous dites que le FN n'est plus d'extrême droite. Doit-on se débarrasser définitivement de la catégorie «extrême droite» dans l'analyse politique?
Je suis plus nuancé. Et aussi trop peu naïf pour croire qu'on puisse se passer, selon notre bon plaisir d'intellectuels critiques, des idées reçues, des habitudes de pensée et des stéréotypes sans lesquels la communication politique serait impossible. Je montre d'abord que l'expression «extrême droite» fonctionne comme une étiquette polémique, destinée à disqualifier un adversaire, et qu'elle enveloppe une notion confuse. Elle n'est pas le produit de la conceptualisation rigoureuse d'un phénomène politique bien identifié, mais une expression douteuse reçue en héritage et reprise sans examen critique. À l'analyse, on se rend vite compte qu'elle fonctionne comme un quasi-synonyme de «fascisme», avec la suggestion trompeuse que le fascisme serait intrinsèquement de droite ou essentiellement situé à droite, ou, selon le cliché actuellement en vogue, «à droite de la droite». La pensée paresseuse consiste à qualifier de «fascistes» ceux qu'on perçoit comme des ennemis: les nationalistes pour les antinationalistes, les islamistes pour les anti-islamistes, etc. Le mot est mis à toutes les sauces, et il n'éclaire en rien les phénomènes qu'on veut avant tout stigmatiser. C'est là faire l'économie d'un travail intellectuel difficile sur les catégorisations historiques et politiques, impliquant de se passer des outils ordinaires du discours polémique. Car il n'est pas question de jeter aux orties le mot «fascisme», en raison de ses mauvais usages. Il s'agit de le définir de la façon la plus rigoureuse, en sachant qu'on ne peut satisfaire tous les spécialistes, ni bien sûr les «antifascistes» (qui, eux, croient tout savoir sur la question). Disons, pour aller vite, et en privilégiant les critères doctrinaux, qu'il s'agit d'un nationalisme d'orientation révolutionnaire, anti-libéral, autoritaire et étatiste (ou dirigiste), prônant un socialisme dans les limites de la nation, à tendance totalitaire, et susceptible de prendre des formes historiques diverses. Le situer «à droite» ne permet pas de mieux identifier ou expliquer le phénomène fasciste, bien au contraire. Ce dernier apparaît plutôt comme un produit pathologique dérivé de la gauche révolutionnaire, lorsqu'elle épouse les passions nationalistes. C'est en tout cas ce que suggère la trajectoire intellectuelle et politique de Mussolini. Ce qui est sûr, c'est que, dans l'expression «extrême droite», le qualificatif «extrême» est dénué d'une signification claire et invariable. Il s'agit d'une image interprétable de diverses manières. Cela suffit à rendre son emploi douteux, source d'équivoques. L'appartenance supposée de «l'extrême droite» à la droite est à la fois une idée reçue et une idée fausse.
Comment qualifier désormais le parti de Marine Le Pen?
Il s'agit toujours d'un parti nationaliste, à la fois souverainiste et identitaire, donc anti-européiste, «antimondialiste» et anti-immigration, dont le leader se caractérise par son style populiste, jumelant l'appel au peuple, le culte du peuple et le rejet des élites en place. En 1984, j'ai proposé de le catégoriser comme «national-populiste», et je pense que cette catégorisation est toujours la moins mauvaise. Mais il faut tenir compte de la grande transformation du programme de ce parti, dont le contenu idéologique a été modifié par intégration de thèmes ou d'orientations empruntés à la gauche républicaine (la laïcité par exemple) ou à l'extrême gauche anticapitaliste (la dénonciation du «néo-libéralisme»). Dans ces conditions, il faut reposer les questions simples, certes avec une feinte naïveté: pourquoi continuer à situer le FN «à droite»? En quoi peut-il être dit extrémiste? Qu'est-ce que l'extrémisme? Et qu'est-ce que «l'extrême droite»? Dans Du diable en politique, je m'efforce de répondre à ces questions que les leaders politiques et les commentateurs de la vie politique se gardent de poser. Ils savent obscurément qu'ils ne peuvent y répondre clairement et d'une seule voix.
Vous parlez d'un «parti de la peur». Mais à vous lire, jouer sur les peurs n'est pas le monopole du Front National...
La politique de la peur est la norme implicite régissant les affrontements politiques. Les peurs les plus contradictoires dominent le paysage politique, tandis qu'un sentiment polymorphe d'insécurité colore le champ de l'imaginaire social. C'est ainsi qu'à la peur d'une immigration de masse répond celle d'une xénophobie de masse. Mais c'est la peur de perdre quelque chose qui donne le ton. De l'identité nationale aux acquis sociaux. Par peur de sortir du jeu, les acteurs politiques font un usage démagogique des peurs plutôt que des rêves. Les uns jouent sur la peur de l'effondrement de l'euro, les autres sur la peur d'une sortie de l'euro, d'autres encore sur la peur des effets négatifs de l'euro. Comme la peur du «terrorisme» ou de la «finance», la peur de «l'extrême droite» ou de «l'extrémisme» est une passion alimentée, entretenue ou réveillée par ceux qui ont intérêt à l'exploiter. C'est ainsi que les Français apeurés sont traités par les nouveaux démagogues comme une masse de petits vieux jouisseurs, sans convictions ni projets, vulnérables, sans courage, tiraillés par des peurs contradictoires, oscillant entre une crédulité infantile et un scepticisme incapacitant. Le mépris du citoyen est l'effet immédiat de la corruption de la démocratie par des élites dirigeantes élues grâce à leurs talents démagogiques avant de gouverner en orchestrant un mélange de craintes et d'espoirs.
La diabolisation ne semble pas toucher uniquement le FN, mais quiconque «dérape» sur le chemin du politiquement correct. L'information continue semble accélérer la mécanique diabolisatrice et nous offrir chaque semaine un nouveau diable médiatique: un jour Zemmour, l'autre Finkielkraut, ou encore récemment le député Thierry Mariani… Selon vous, ce phénomène va-t-il s'amplifier?
Des années 1990 aux années 2010, le discours néo-antifasciste est passé de la dénonciation de la «lepénisation des esprits» à celle de la «droitisation» des élites intellectuelles et politiques, accusation vague permettant de discréditer n'importe quel adversaire ou rival. Le terrorisme intellectuel reste cependant l'apanage de la gauche et de l'extrême gauche, qui peuvent compter sur l'appui des «modérés» du centre et de la droite opportuniste. Plus l'espace des débats est dominé par le culte du consensus minimal sur le bon fonctionnement des institutions démocratiques et les bienfaits de l'Union européenne, et plus s'exacerbe le besoin de créer des distinctions, des oppositions, des alternatives. L'uniformisation idéologique est le bruit de fond sur lequel se détache la petite musique des mouvements souverainistes et identitaires, qui restent minoritaires. Mais les réactions des défenseurs de la Voie unique sont vives. La moindre réserve sur les positions politiquement correctes concernant l'Europe, l'immigration ou les minorités est perçue comme une opinion abjecte, voire un délit, qui suscite une indignation hyperbolique et, de plus ou plus souvent, des poursuites devant les tribunaux. Dans une France sous l'emprise des minorités sectaires et tyranniques qui imposent leurs valeurs et leurs normes, l'espace public s'empoisonne lentement. Les débats s'enlisent dans les échanges de clichés et de platitudes. L'auto-censure est de rigueur dans une société de surveillance réciproque. Les esprits libres se gardent de participer aux débats publics, abandonnant le terrain médiatique à de grotesques personnages incultes ou à demi cultivés, histrions littéraires, amuseurs engagés ou commissaires politiques qui n'existent que par l'insulte, l'indignation feinte, l'imprécation ou la provocation. J'oubliais les donneurs de leçons de tous âges. Quand des esprits libres prennent le risque de descendre dans l'arène, ils sont immanquablement voués à être dénoncés, calomniés, diffamés. La menace de diabolisation produit une intimidation telle qu'elle garantit la promotion de la médiocrité. Seuls des «experts» sans couleur ni odeur prolifèrent dans le paysage. C'est ainsi que s'accélère le déclin de la France intellectuelle.
À vous lire, on a parfois l'impression que vous voyez la vie politique comme un spectacle où des comédiens plus ou moins doués font carrière à coup de mensonges et de promesses intenables. Les leaders politiques ne sont-ils que des démagogues sans scrupules?
Si les démagogues sont nombreux, les médiocres sont encore plus nombreux, qu'ils soient démagogues ou non. Dans les démocraties modernes, les démagogues prennent souvent le visage de faux prophètes, annonçant de grands «changements» porteurs de promesses alléchantes. Comment peut-on ne pas se soucier de plaire lorsqu'on s'engage dans une compétition électorale? Il y a là une contrainte fonctionnelle: l'obligation de séduire pousse à trop promettre, à beaucoup mentir et à calomnier ses adversaires. Aujourd'hui, se nourrissant du désarroi et de l'anxiété suscités par la crise multidimensionnelle, de dérisoires prophètes de bonheur ou de malheur prolifèrent, dans tous les domaines, mais surtout en politique. La sagesse pratique consiste à se garder de les prendre au sérieux. Les plus dangereux sont les prophètes de bonheur, ces camelots qui, au nom du dieu «Progrès», vantent et vendent un quelconque avenir meilleur, alors que le piteux état du présent porte l'empreinte de leur impuissance ou de leur incompétence. Face aux marchands de mondes meilleurs («Demain, tout ira bien»), c'est avec l'ironie requise qu'il faut suivre l'injonction de l'évangéliste Matthieu (7.15-16), d'une éternelle actualité: «Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons?» Il faut donc juger les dirigeants sur les résultats de leur action politique, et non pas sur leur charme personnel, leurs intentions bonnes ou leurs projets séduisants.
Pierre-André Taguieff (FigaroVox, 23 mai 2014)
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vendredi, 06 juin 2014
Le hollandisme, maladie infantile du socialisme...
Le hollandisme, maladie infantile du socialisme...
par Jean-Paul Brighelli
Ex: http://metapoinfo.hautetfort.com
Vous pouvez découvrir ci-dessous un texte décapant, et assez étonnant, de Jean-Paul Brighelli, qui sur le site de Causeur règle violemment son compte au parti socialiste et à son gauchisme culturel.
Professeur en classes préparatoires, défenseur de l'élitisme républicain, Jean-Paul Brighelli est l'auteur, notamment, de nombreux essais sur le système éducatif, comme La fabrique du crétin : la mort programmée de l'école (Jean-Claude Gawsewitch, 2005). Il est également l'auteur de La société pornographique (Bourin, 2012).
La droite est le nouveau véhicule des ambitions révolutionnaires
Jean-Pierre le Goff, dont le petit doigt est à lui seul plus cultivé, politiquement parlant, que l’ensemble du gouvernement, s’est récemment fendu d’une analyse de la politique « sociétale » du gouvernement dont je ne saurais trop recommander la lecture aux gens intelligents qui viennent faire un tour sur Bonnet d’âne. L’auteur de La Barbarie douce (1999 — remarquable analyse de ce qu’une certaine gauche pédago a fait de l’école, sous prétexte de faire réussir tout le monde à l’occasion de la semaine des quatre jeudis) y dissipe avec une grande rigueur le rideau de fumée qu’un parti social-démocrate — le PS et ses alliés —, qui a renoncé à tout vrai principe de gauche, a développé pour camoufler le fait qu’il a renoncé à toute intervention crédible dans le domaine économique — le seul susceptible de faire bouillir la marmite des damnés de la terre — et classes moyennes comprises, cela finit par faire du monde.
Résumons : les lois sur le mariage gay, par exemple, sont des manifestations typiques de ce gauchisme culturel que dénonçait Lénine en 1920 — une déviation qui sous prétexte de « pureté » révolutionnaire, feint d’oublier que le facteur économique est déterminant en dernière instance — et pas l’autorisation de passer ou non devant un maire (et, in fine, devant un juge aux Affaires familiales), ou l’affirmation un peu péremptoire qu’un double cunni peut engendrer des bébés (ou en donne l’autorisation, ce qui revient au même). Ce qui aurait été vraiment révolutionnaire (un terme incompatible avec les libéraux au pouvoir, nous sommes bien d’accord), c’eût été de proclamer la non-nécessité du mariage bourgeois, et l’égalité des droits pour tous : le prolétariat, qui n’avait pas les moyens de s’offrir une dot, a inventé l’union libre de fait bien avant que les pseudo-libertaires ne s’en emparent.
Le Goff ou moi — question de génération — avons expérimenté jusqu’au dégoût les impasses du gauchisme culturel, qui à se vouloir pur et sans compromission avec les « partis bourgeois » (c’est tout le sens de la diatribe de Lénine) a fini par sombrer dans la collaboration de classe la plus honteuse : on évite de s’allier au P«C»F, comme on écrivait à l’époque, on critique le Programme commun, on se croit révolutionnaire parce qu’on lit le Monde et on finit suceur de barreau de chaise à Libé ou publiciste chez… Publicis. Ou prof sur le Net, jusqu’auboutiste des causes les plus variées et les plus avariées qui n’ont jamais qu’un seul objet (et la plupart de leurs thuriféraires ont si peu de conscience politique qu’ils ne s’en aperçoivent pas) : défendre l’état des choses, la répartition actuelle du capital, la « rigueur budgétaire » et l’Europe de Juncker-Schulz.
Quitte à paraître plus léniniste que Vladimir Ilitch, je voudrais le répéter encore et encore : le seul problème, c’est de donner à manger à ceux qui ont faim. Et cela fait du monde, en France même : on s’occupera du reste du monde ultérieurement, l’alter-mondialisme est une déviation majeure qui permet de se préoccuper des « étrangers », des primo-arrivants, des manouches et de ceux qui croient que Yannick Noah est un artiste, au lieu d’imposer une politique qui redonne au moins l’espoir de grignoter un peu de l’immense fortune française — la redistribution oui, les réformes Taubira (la femme qui ne sait pas chanter la Marseillaise, et encore moins l’Internationale) non. Évidemment, il est plus simple d’amuser le peuple, via des journalistes incompétents et / ou complices, avec des écrans de fumée, en espérant que cela vous donnera une chance en 2017, qu’avec une réduction visible des inégalités.
Au passage je préfère être dans ma peau que dans celle de Thomas Piketty, qui s’est décarcassé à prouver à ses anciens amis qu’une autre politique économique est nécessaire (et possible), et qui est le plus grand cocu de l’arrivée de la « Gauche » au pouvoir et qui a bien compris, en allant vendre sa salade aux USA, qu’il est possible de travailler avec des capitalistes intelligents, en attendant de prendre le pouvoir pour de bon, mais pas avec des « socialistes » français obsédés par les sondages, aveuglés d’ambitions minuscules et de mauvaise foi — définitivement disqualifiés.
Mélenchon a raté le coche : à faire du Parti de Gauche le véhicule d’une ambition personnelle, il n’est pas parvenu à présenter ses propositions économiques comme une solution aux difficultés croissantes des Français. La seule qui a capitalisé sur le sentiment intense de frustration, c’est Marine Le Pen. Calcul ou retournement, le FN tient ces temps-ci un discours anticapitaliste très drôle à entendre, pour qui se rappelle ses prises de position ultra-libérales d’il y a quelques années. De même, il (ou le Comité Racine qui théorise pour lui) a sur l’Ecole des positions que 90% des profs approuvent, en le disant ou sans le dire — et les 10% qui restent sont juste les hommes-liges du PS et des Verts, ceux qui ont ou qui espèrent des positions compatibles avec leur petitesse conceptuelle, pas avec le bien public, et certainement pas avec celui des élèves.
Alors soyons tout à fait clair : si demain je pense qu’une alliance tactique avec des partis de droite (un ticket Juppé-Bayrou, mais aussi bien un infléchissement du Bleu-Marine) peut faire avancer la cause de ceux qui souffrent réellement, victimes des dégraissages des grandes entreprises, de la politique de déflation systématique, ou des prétextes démagogico-pédagogiques qui théorisent le succès de tous afin de réaliser la réussite des mêmes, eh bien je m’allierai, et sans un battement de cils. Parce que toute alliance avec le PS est devenue impossible (et depuis plusieurs années, depuis l’ère Jospin en fait), et que persister à se vouloir « de gauche » avec les guignols sanglants qui nous gouvernent est une entreprise illusoire : la Droite est aujourd’hui — parce que les uns sont en crise, et que les autres ont faim de pouvoir — le véhicule le plus commode des ambitions réellement révolutionnaires.
Jean-Paul Brighelli (Causeur, 3 juin 2014)
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Pensée dominante versus liberté de l'information
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jeudi, 05 juin 2014
SPLEEN DE MAI : ENTRE POPULISME ET PARALYSIE
SPLEEN DE MAI : ENTRE POPULISME ET PARALYSIE
Comment sauver la France ?
Michel Lhomme
Ex: http://metamag.fr
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mercredi, 04 juin 2014
L'historien israélien voit en Marine Le Pen et le FN les enfants du fascisme
L'historien israélien voit en Marine Le Pen et le FN les enfants du fascisme.
Pierre-André Taguieff lui répond vertement et réfute toute reductio ad Hitlerum.
Ex: http://www.lepoint.fr
Dans ces brèves réactions critiques aux propos de Zeev Sternhell portant notamment sur sa conception du fascisme et plus largement du mouvement des idées politiques depuis la fin du XVIIIe siècle, tels qu'on les rencontre dans son livre d'entretiens récemment paru, Histoire et Lumières. Changer le monde par la raison (Paris, Albin Michel), ainsi que dans plusieurs interviews (parues dans L'Humanité, Le Nouvel Observateur, Le Monde, Le Point, etc.), je m'en tiendrai à certains points de désaccord fondamentaux, osant à l'occasion quelques pointes ironiques. Je dois préciser d'entrée de jeu que je partage certaines analyses de l'historien des idées politiques, et que j'ai reconnu, dans certains de mes livres (Les Contre-Réactionnaires, en 2007, ou Du diable en politique, en 2014), le grand ébranlement des idées reçues sur "le fascisme" que les travaux de l'historien israélien ont provoqué en mettant en évidence, après George L. Mosse et A. James Gregor, la dimension culturelle et l'orientation révolutionnaire du fascisme. Mais je considère globalement comme une impasse sa manière de faire de l'histoire, sur la base de tris sélectifs dans des textes trop vite lus, ou interprétés d'une façon douteuse (prendre l'emploi du mot "race" comme indicateur de "racisme", sans tenir compte du contexte), et de quelques dogmes empruntés aux idéologies politiques "progressistes" appréciées par le citoyen engagé Sternhell, intellectuel de gauche israélien de culture française.
Je considère également comme une somme d'erreurs d'analyse le modèle sternhellien du "fascisme", fondé sur la thèse selon laquelle le "fascisme" serait né en France avant 1914, le "fascisme français" dérivant dès lors d'un proto-fascisme ou pré-fascisme qui se serait constitué entre le milieu des années 1880 et la veille de la Première Guerre mondiale. Comme l'a bien vu Jacques Julliard, il s'agissait là d'une construction douteuse, de l'invention d'un "fascisme imaginaire". Cette somme d'erreurs non reconnues par Sternhell, en dépit des arguments avancés par de très nombreux historiens, s'est transformée chez lui en une sorte d'illusion intellectuelle motrice, dotée d'une valeur existentielle. Critiquer les thèses dogmatiques de Sternhell devient dès lors un crime de lèse-majesté, dénoncé avec indignation, véhémence et virulence par l'historien convaincu qu'un complot franco-français, dont le siège serait l'Institut d'études politiques de Paris, a été organisé contre lui depuis le début des années 1980. Voilà qui ne favorise pas la discussion sereine sur le mode d'un échange d'arguments rationnels.
L'incarnation du Mal en politique
Je ne cacherai pas le double sentiment de surprise et de déception qui m'a saisi d'une façon croissante à la lecture des ouvrages publiés par Sternhell à partir de 1983, date de parution de Ni droite ni gauche. L'idéologie fasciste en France. Car j'étais alors le lecteur admiratif, bien que déjà sceptique sur la vision attrape-tout du "fascisme" qui s'en dégageait, des deux premiers ouvrages de l'historien, Maurice Barrès et le nationalisme français (1972) et La Droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme (1978). Il est surprenant en effet de voir un universitaire comme Sternhell substituer au regard critique et exigeant qu'on attend d'un historien le regard d'un militant de gauche qui, nourri de stéréotypes et de clichés hérités de la vulgate progressiste, dénonce avec indignation ce qu'il pense être l'incarnation du Mal en politique. Celui qui se donne pour un historien des idées politiques exprime sur un ton dogmatique une vision simpliste et manichéenne de l'histoire depuis le XVIIIe siècle, fondée sur l'opposition entre les bonnes Lumières et le mauvais nationalisme dérivé des "Anti-Lumières" (où un Herder en morceaux polémiquement choisis joue le rôle de l'inspirateur diabolique), opposition qu'il érige en clé de l'histoire moderne et contemporaine, oubliant au passage les origines jacobines (donc "illuministes") dudit nationalisme. En diabolisant la nation, en fantasmant le sentiment national comme intrinsèquement xénophobe, il en arrive à paraître confondre nationalisme et racisme, qu'il réduit sommairement à un "déterminisme biologique". Mais cela ne l'empêche pas de reconnaître que "le fascisme n'inclut pas nécessairement le déterminisme biologique", contrairement au nazisme, et de poser que "le fascisme est avant tout un nationalisme". Et de rappeler que, pour lui, "le fascisme se cristallise comme une synthèse de nationalisme intégral, de nationalisme organique qui, en lui-même, constitue un rejet des Lumières franco-kantiennes et une [sic : de la] révision antirationaliste, "antimatérialiste" du marxisme". On en infère que le bon marxisme est pour l'historien engagé un marxisme non "révisé", résolument "matérialiste" et "rationaliste", disons plus exactement scientiste. Autant dire le bon vieux marxisme soviétique. Mais il est vrai que Sternhell est un spécialiste du fascisme français, non du marxisme, encore moins du marxisme soviétique. S'il parle volontiers d'un peu de tout, on ne saurait lui faire grief de n'être pas un spécialiste de tout.
Une quatrième droite ?
Sternhell croit voir dans ce qu'il appelle la "droite révolutionnaire", née selon lui en France entre les années 1880 et la veille de la Première Guerre mondiale, à la fois une nouvelle synthèse idéologico-politique illustrant la tradition des "Anti-Lumières" et les origines intellectuelles du "fascisme". Le choix de la dénomination "droite révolutionnaire" est dicté par la volonté de l'historien d'ajouter une quatrième droite à la typologie trinitaire de René Rémond (légitimistes, orléanistes, bonapartistes). Il aurait pu aussi bien opter pour la dénomination "nationalisme révolutionnaire", ou pour celle de "nationalisme populiste" (ou encore celle de "national-populisme"). Mais il voulait à tout prix inscrire le pré-fascisme français qu'il croyait avoir identifié dans l'espace des droites, souligner l'appartenance à l'espace droitier de la supposée configuration pré-fasciste. Pour l'homme de gauche qu'il est avant tout, l'expression du Mal politique devait être située à droite. Sa définition du "fascisme", héritier supposé de la "droite révolutionnaire", est d'une surprenante plasticité : elle oscille entre le mariage du nationalisme xénophobe et du socialisme et le "ni droite ni gauche", ou plus précisément le double rejet du libéralisme (de la démocratie libérale/pluraliste) et du marxisme (non révisé). Le nationalisme de la terre et des morts, amalgamé avec celui du sol et du sang, serait donc, surgissant à la fin du XIXe siècle, le principal héritage politique des Anti-Lumières. Il s'opposerait autant à l'individualisme libéral qu'au rationalisme, aux droits de l'homme qu'à la Révolution française et à son héritage, et bien sûr à la croyance au progrès dans l'Histoire. Sans oublier "la démocratie", invoquée sans la moindre analyse de ses multiples interprétations contradictoires.
Sternhell est donc mû par la foi naïve des adeptes du "progressisme" standard, pour lesquels la "droite" incarne le Mal et la gauche le Bien. Au nom de ce qu'il appelle "les valeurs des Lumières" ou "les valeurs humanistes", il appelle la gauche à rester fidèle au "véritable héritage des Lumières", qu'il définit comme suit, le 12 août 2013, dans le journal communiste L'Humanité : "Les hommes, êtres rationnels et autonomes, sont capables de se construire un monde meilleur." Il redécouvre ainsi, avec la touchante naïveté de l'intellectuel engagé, le message ressassé par les néo-communistes des années 1990 (le slogan "Un autre monde est possible") : après avoir fait entrer de force la justice parmi les "valeurs des Lumières", oubliant donc les prophètes juifs, précurseurs brouillons des modernes et lumineux Diderot, Rousseau et Voltaire, il affirme doctement que "la justice signifie que l'on refuse l'idée que le monde tel qu'il est soit le seul possible". Il réécrit sans le savoir, croyant faire oeuvre scientifique, une histoire de France en noir et blanc, selon le Bien et le Mal, illustrant le point de vue moral et l'indignation rétrospective jusqu'à la caricature.
Sternhell, plus militant qu'historien
L'historien est assurément un moraliste, mais un piètre moraliste, comme l'est tout militant à oeillères se réclamant avec arrogance du "Progrès" ou de la "Raison", installé confortablement dans le Bien et jetant l'anathème sur les figures de son ennemi plus ou moins imaginaire, qu'il criminalise, bestialise ou diabolise. L'historien partisan et combattant défend un universalisme abstrait dont il ne voit pas l'envers, à savoir le projet de créer l'homme nouveau, le citoyen "régénéré", ainsi que les prétentions messianiques et l'impérialisme guerrier qui en dérive. On connaît pourtant les ravages causés par les projets modernes de rééduquer les humains réels, différents et inégaux, pour les conformer à un modèle normatif de l'humanité faisant prévaloir l'unité et l'égalité. D'où l'idéal de la table rase, dont le citoyen "pur", sans qualités, est le produit rêvé : il s'agit d'en finir avec un passé dépassé, avec les attributs archaïques de l'humain d'avant les Lumières que sont (je cite) "l'histoire, la culture, la langue ou la religion". Mais, dès lors, s'il faut faire abstraction de toutes ces caractéristiques des humains concrets, on ne comprend pas l'engagement de l'individu Sternhell en faveur du sionisme, c'est-à-dire du nationalisme juif. Si l'on ne doit voir que de l'humain en général en tout homme, s'il faut "faire table rase" de tous les héritages et de toutes les appartenances, la figure du Juif doit être chassée comme une survivance, un archaïsme dangereux. Ce qui distingue les humains et fonde les différences intergroupales est ainsi dénoncé comme ce qui "sépare", qui serait l'expression du Mal. Retour du diable : le mot diábolos (en grec) ou diabolus (en latin) ne signifie-t-il pas "celui qui divise" ? Libérer le Juif, c'est le libérer de sa particularité, c'est-à-dire de sa judéité. Donc, refuser à tout prix le sionisme, qui présuppose la judéité de ceux qui s'y engagent.
Comment Sternhell peut-il se dire (encore) "sioniste" ? Ce "sioniste de toujours", car telle est l'image qu'il veut donner de lui-même, ne cache pas cependant qu'il est un déçu du sionisme. Et ce, jusqu'à laisser entendre qu'il désespère d'Israël, où les droites triomphent. Dans un article paru le 1er avril 2011 dans le quotidien gauchiste Haaretz, "L'Anachronisme d'Israël", Sternhell prend le visage d'un prophète progressiste condamnant son pays sur le même ton que les pires ennemis d'Israël, et va jusqu'à justifier les campagnes en faveur de la délégitimation de l'État juif, qu'il dénonce comme une détestable résurgence d'un passé dépassé : "Lentement, mais sûrement, Israël est en passe d'acquérir un statut d'anachronisme. [...] Alors que les pays occidentaux se sont libérés de leur domination sur d'autres peuples, Israël, lui, prend forme quasi coloniale [...] Existe-t-il ailleurs en Occident un tel anachronisme ? Le colonialisme implantatoire est aujourd'hui la raison principale, et souvent même la seule, de l'opposition frisant parfois l'hostilité [sic] que suscite Israël dans de larges cercles de l'intelligentsia occidentale. Ce ne sont pas les ennemis du sionisme ou les antisémites qui provoquent la délégitimation d'Israël. C'est de ses propres mains, Israël lui-même."
"Israël est aujourd'hui à l'extrême droite du spectre politique"
Dans Histoire et Lumières, le militant Sternhell va plus loin, en énonçant froidement : "Ce qui se profile à l'horizon est désormais un État d'apartheid contre lequel il faudra lutter." L'image de l'apartheid empruntée à la propagande palestinienne semble l'empêcher de voir la réalité de la menace islamiste croissante, au Proche-Orient comme ailleurs. Dans Haaretz, le 1er novembre 2013, il ne rejette pas la thèse d'extrême gauche, largement diffusée par les milieux islamistes et pro-palestiniens, selon laquelle l'islamophobie serait en train de prendre aujourd'hui "la place de l'antisémitisme en tant que maladie du corps social". Dans le même article, il n'hésite pas à affirmer, à propos de Marine Le Pen, que, "comparée à la plupart des membres du gouvernement et de la Knesset, cette dernière ressemble à une dangereuse gauchiste". Bref, "Israël est aujourd'hui à l'extrême droite du spectre politique", et, pour lui, cela signifie que la politique d'Israël est raciste et xénophobe. Sternhell donne ainsi sa caution au thème majeur de l'actuelle propagande "antisioniste" : l'accusation de "racisme" et d'"apartheid" visant l'État d'Israël. Un tel aveuglement idéologique est inquiétant, en même temps qu'il témoigne du ralliement de certains intellectuels israéliens à la vulgate "antisioniste". C'est, pour ces intellectuels citoyens d'un État hautement diabolisé, la condition à remplir pour bénéficier d'une large audience à l'étranger. Qu'il s'agisse de Shlomo Sand, d'Ilan Pappé, de Michel Warschawski ou de Zeev Sternhell, la dénonciation publique d'Israël représente pour eux une garantie de bonne réception médiatique dans les démocraties occidentales, où la diabolisation d'Israël s'est banalisée dans les milieux politique et culturel. La figure d'un sioniste profondément déçu comme Sternhell a vraisemblablement plus d'attraits pour le public israélophobe occidental que celle d'un antisioniste déclaré. Et son statut d'historien israélien du fascisme devenu célèbre par la contestation même de ses thèses lui confère une crédibilité incomparablement plus grande que celle qu'on accorde à un universitaire français ou belge engagé dans la propagande anti-israélienne.
Étrangement, tout à sa célébration des "principes des Lumières", Sternhell fait l'impasse sur la judéophobie des Lumières, comme s'il n'avait pas sérieusement lu Voltaire et d'Holbach, ni leurs continuateurs au XIXe siècle. D'où la sentence qui peut être retournée comme un gant : "Quand on s'attaque aux principes des Lumières, l'antisémitisme n'est jamais loin." On pourrait tout autant affirmer que lorsqu'on se prosterne trop devant les Lumières et l'universalisme abstrait qu'elles imposent, l'antisémitisme n'est pas loin. On connaît la thèse centrale de l'antisémitisme "de Voltaire à Wagner" (comme disait Léon Poliakov), en passant par le jeune Marx : "le Juif" doit dépouiller sa particularité pour devenir un homme universel, pour rejoindre enfin le genre humain. S'il veut être pleinement homme, il doit cesser d'être juif. Mais Sternhell, en polémiste, recourt à la méthode de diabolisation : il tend à réduire tous les ennemis désignés à un ennemi unique, qui serait à la fois nationaliste, xénophobe, raciste et antisémite, et indistinctement anti-Lumières, anti-rationaliste, anti-progressiste (ou réactionnaire), antidémocrate, antimarxiste et antilibéral. C'est pourquoi il dédouane Voltaire, en réduisant sa haine des Juifs, comme peuple et comme communauté de croyants, à un simple aspect de l'"horreur" qu'il éprouvait pour "la religion tout court". En matière de judéophobie, il accable Herder et excuse Voltaire, pour sauver sa vision manichéenne des deux traditions qu'il distingue sans esprit de finesse, sans nuances, les Lumières et les Anti-Lumières, sans apercevoir les chevauchements entre les pensées des auteurs qu'il épingle, se contentant d'opposer les bons aux mauvais. Comme si l'important était de préserver le dogme fondamental de son catéchisme "progressiste". Insensible aux nuances, l'historien se montre aussi imperméable aux ambiguïtés.
À la fin de son livre d'entretiens, Histoire et Lumières, où, avec une naïveté confondante, il fait l'éloge du progrès et du "marxisme humaniste", Sternhell nous offre un morceau d'anthologie, quelque chose comme une réminiscence de la pensée-Garaudy des années 1970, avant la conversion du célèbre stalinien de dialogue à l'islam et à l'antisionisme radical. Il s'agit cependant d'un garaudysme simplifié, comme on peut en juger : "La critique du progrès est une impasse, car les gens ont besoin d'une vie meilleure. Une société meilleure, plus juste, voilà ce qu'est le progrès. Dans ce sens, je dois préciser que le marxisme tel que je l'entends, un marxisme qui fournirait une méthode à un socialisme capable de se mesurer aux dures réalités de notre temps, demeure un espoir, alors qu'il n'y a pas d'espoir dans le nationalisme. Le marxisme humaniste, dont le socialisme français portait les traits caractéristiques pendant longtemps, n'est pas mort. [...] La seule armature conceptuelle qui permette d'envisager un monde plus juste et plus humain reste le socialisme enraciné dans un marxisme modernisé, parce que seul le marxisme remet en cause le capitalisme."
Il déplore le "recul" des "idées" de gauche et d'extrême gauche
Bref, à ses yeux, le marxisme reste une "boussole", permettant aux hommes de "construire leur avenir", qui doit bien sûr être "meilleur". C'est ce que l'intellectuel engagé appelle le "progrès". La vulgate progressiste teintée de marxisme définit le "socialisme" ou la "gauche" dont Sternhell se montre un fervent défenseur. Comme les nostalgiques contemporains du communisme (Alain Badiou, Slavoj Zizek et quelques autres), Sternhell veut à tout prix préserver l'"idée", l'"idéal ou l'"hypothèse" communiste, lui conserver le statut symbolique privilégié d'un possible recours après l'échec, qu'il espère, du "libéralisme" ou du "capitalisme". Il s'efforce ainsi de ressusciter la thèse sartrienne, devenue slogan, du marxisme comme "horizon indépassable de notre temps". Ce faisant, il aménage et "humanise" le bon vieux marxisme orthodoxe, celui de l'époque stalinienne, dont il ne connaît guère que les versions françaises, qu'il semble considérer comme les indépassables "Lumières marxo-françaises", pour paraphraser une expression qu'il affectionne.
Le militant marxo-progressiste n'en aime pas moins flirter avec la philosophie, qui se réduit pour lui à une énumération de mots magiques en "isme" et de gros concepts qui sonnent creux, comme lorsqu'il déplore le "recul" des "idées" de gauche et d'extrême gauche : "Il y a un recul des idées fondamentales des Lumières franco-kantiennes, de l'universalisme, de l'individualisme, de l'idée de progrès, de la croyance que les hommes sont les mêmes d'un bout à l'autre du monde." Pour dénoncer ce déclin intellectuel, Sternhell n'évite pas d'employer la métaphore usée de "crispation", visant particulièrement la France : "Nous vivons un moment de crispation qui atteint le rationalisme. [...] La gauche n'ose pas se lever contre cette idée fausse entre toutes selon laquelle le capitalisme et l'économie de marché portent la liberté." Il faudrait donc inciter nos contemporains à sortir de ce triste état de "crispation", délivrer le rationalisme (lequel ?) de son emprise, et voir dans le marché la route vers la servitude. Autre signe du déclin impliqué par le recul des "idées" situées du bon côté : "L'idée que la France est et doit rester chrétienne est plus répandue que ce que l'on pense." On en frémit.
Sternhell ne peut se passer d'ennemis
Lorsqu'il traite du FN, Sternhell projette ses schémas interprétatifs rigides sur des phénomènes qu'il connaît insuffisamment, n'ayant jamais étudié spécifiquement les mouvements nationalistes français de l'après-1945. Il se contente d'émettre son diagnostic attendu : "fascisme". C'est l'un des principaux noms de son ennemi principal, dont la France serait, selon lui, le berceau, notamment avec le culte barrésien de la Terre et des Morts, et ce qu'il pense être une vision organique de la nation, qu'il conçoit d'une façon confuse comme une "unité homogène" (un "corps" n'est pourtant pas "homogène"), dotée d'une "âme" (l'expression "l'âme de la France" devient donc suspecte, "pré-fasciste"). Cette insistance sur le déterminisme biologique lui fait négliger la principale source intellectuelle du fascisme historique (mussolinien) et du nazisme : la conception social-darwiniste de la lutte pour la vie, impliquant une redéfinition du "progrès" comme effet de la concurrence inter-individuelle et inter-groupale. En outre, sa thèse sur le "pré-fascisme" français le conduit à une vision anhistorique du fascisme, à une méconnaissance du rôle moteur joué par la Première Guerre mondiale, école de violence technicisée, dont les vertus "héroïques" constituent la transfiguration fascistoïde. Le fascisme comme le national-socialisme sont inexplicables sans la prise en compte de l'expérience, durant les années de guerre, de l'égalité et de la solidarité des combattants, de ce "socialisme" de guerre qui fait naître le désintéressement et l'esprit de sacrifice, en même temps qu'il inculque le respect de l'autorité et le sens de la discipline. Tel fut le véritable "berceau" de l'esprit fasciste. On est en droit de s'étonner du fait qu'un militant sioniste (donc nationaliste) comme Sternhell, qui s'est engagé dans l'armée israélienne et a participé à plusieurs affrontements armés en reconnaissant que la vie militaire lui plaisait "beaucoup" ("Mes supérieurs directs m'ont dit que j'étais fait pour elle, que j'aimais ça, et que cela se voyait"), n'ait tiré aucune leçon de cette expérience militaire personnelle dans ses travaux d'historien. On peut faire l'hypothèse qu'entre cette expérience du combat qu'il présente positivement et l'engagement pacifiste affiché du cofondateur du mouvement La Paix maintenant, la contradiction était telle qu'il ne pouvait échapper à une situation de dissonance cognitive.
Comme les nationalistes, selon lui, Sternhell ne peut se passer d'ennemis, et il en voit beaucoup et partout. Posant avec autorité que le FN est la nouvelle figure française du "fascisme", il est assuré d'être applaudi par l'ensemble des médias de gauche et par la plupart des acteurs de la gauche plurielle. Au cours de sa tournée en France, l'historien engagé dénonce à son tour comme "fasciste" le parti nationaliste qu'une propagande néo-antifasciste aveugle a contribué à placer au centre de l'espace politique français. Il donne sa caution au présupposé de la stratégie anti-FN qui a constitué l'opium du peuple de gauche depuis une trentaine d'années. Intervenant ici en militant plutôt qu'en historien scrupuleux, il ne se soucie pas de faire les distinctions fines et les analyses nuancées qui s'imposent à propos d'un parti qui n'a cessé de se métamorphoser depuis sa création en octobre 1972. Mais surtout, rien ne permet d'affirmer que le FN se situe dans la filiation de la "droite révolutionnaire", comme configuration "pré-fasciste". Sternhell réitère ainsi sa lourde erreur d'interprétation des Croix-de-Feu et du Parti social français (PSF) qui leur ont succédé, mouvement conservateur, anti-parlementaire et autoritaire, donc bonapartiste, qu'il a hâtivement catégorisé comme "fasciste". En quoi le mouvement du colonel de La Rocque était-il "révolutionnaire" ? La même question se pose pour le FN.
L'hostilité au FN ne devrait pas conduire à le méconnaître
Sternhell reconnaît des changements dans l'évolution du FN, mais nie cependant que celui-ci ait changé. Et de reprendre à son compte le dogme néo-antifasciste fondamental, celui du non-changement du parti lepéniste : "Le FN n'a pas changé (de nature)", lequel peut s'énoncer sous la forme d'un dicton adapté au contexte : "Tel père, telle fille" (on n'échappe pas à la filiation ou à l'hérédité familiale). Pour mobiliser les militants, sans se soucier de la vérité, le discours de propagande est voué à répéter paresseusement que "rien ne change" du côté de la "bête immonde". Bref, le diable reste le diable, et il doit le rester, surtout quand il veut faire croire qu'il n'existe pas. Manuel Valls déclarait le 21 mai 2014 : "Le FN, avec Marine Le Pen, n'a pas changé." Mais la réitération d'un dogme n'est pas une démonstration. Et le champ d'exercice de l'efficacité symbolique du cliché ne dépasse pas le cercle des convaincus, qui ne cesse lui-même de se réduire.
L'hostilité au FN ne devrait pas conduire à le méconnaître ni à le réduire à du supposé "bien connu". Le dire une fois de plus "fasciste" ne fait pas avancer la connaissance. Ni reculer le phénomène ainsi baptisé. Seuls les derniers héritiers de la propagande communiste continuent de diaboliser le FN en le dénonçant comme "fasciste". La reductio ad Hitlerum a fait son temps. L'antifascisme incantatoire ne fonctionne plus. Le dynamisme du FN en témoigne. Il faut repartir de la réalité sociopolitique, analyser sans oeillères le FN dans ses évolutions récentes, le comparer avec d'autres partis-mouvements en Europe, dire clairement et précisément en quoi son projet politique est inacceptable, et inventer des stratégies de lutte, intellectuelles et politiques, contre cette formation nationale-populiste qui a su adapter son offre politique aux attentes ou aux demandes de son électorat potentiel. Face au FN, il s'agit d'imaginer, et non plus de commémorer et de ressasser platement, indéfiniment.
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vendredi, 30 mai 2014
LE SOUVERAINISME, UN SUICIDE POUR L'EUROPE
Yann Louarn
Ex: http://metamag.fr
Alors qu'une vague dite « souverainiste » s'apprêterait à déferler lors des élections Européennes de dimanche prochain, les défenseurs d'une Europe unie semblent avoir du mal à se faire entendre tant l'idée Européenne est actuellement incarnée par la Commission de Bruxelles ,constituée de membres nommés par les gouvernements souverains des Etats d'Europe , et par une alliance économique et politique inféodée aux intérêts américains et aux marchés économiques mondiaux.
Pourtant, cette construction européenne possède une légitimité notamment au regard de l'histoire de sa civilisation pluri-millénaire. Celle-ci a vu en permanence les peuples d'Europe s'unir, partager, inventer, construire ensemble, découvrir le monde, sans empêcher toutefois les guerres fratricides et les conflits de pouvoir. Ainsi, le siècle de 1914 aura connu deux guerres civiles qui ont anéanti des millions d'Européens, dont une bonne partie de l'élite du début du siècle dernier. Il aura pourtant été à la fois le siècle du grand suicide des peuples Européens par la guerre et celui porteur d'une volonté d'apaisement et de construction d'un ensemble politique et économique cohérent, enraciné, fort. C'est contre cela que se sont opposés les gouvernements français, anglais et allemands, pourtant censés être les moteurs de l'Europe et cela depuis des décennies. C'est le fruit de leur asservissement économique sans conditions aux USA depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Ils s'y sont opposés en fabriquant des institutions technocratiques, sans légitimité populaire , mais surtout en effaçant toute trace de leur passé commun, leurs traditions, leur civilisation, leurs religions ce qui devrait pourtant constituer la base de l'Union des Européens.
Ils s'y sont opposés en élargissant sans cesse un espace considéré comme uniquement économique et en affichant, depuis plusieurs décennies, la volonté de faire entrer la Turquie, c'est à dire en réalité l'empire Ottoman, ennemi historique de la civilisation européenne, dans cet ensemble « sans âme ».
Ils s'y sont opposés en laissant l'Amérique mener plusieurs guerres et même en y collaborant sur le sol Européen, comme en Serbie, au Kosovo, mais aussi des guerres d'influence, comme en Ukraine, au détriment de la Russie.
Ils s'y sont opposés en ouvrant grand les frontières de l'Europe, en favorisant l'immigration massive venue prioritairement de l'Afrique ou du Maghreb pour la France, de Turquie pour l'Allemagne et d'Asie pour l'Angleterre. Une immigration qui, petit à petit, est apparue aux peuples d'Europe comme la volonté d'une minorité de les remplacer purement et simplement par d'autres populations. Il est ainsi devenu courant de Birmingham à Bruxelles en passant par certains quartiers parisiens ou berlinois, que les Européens de souche soient minoritaires.
Ils s'y sont opposés car, au final, ces dirigeants des pays européens n'étaient que des souverainistes défendant leurs intérêts économiques propres et ceux d'une petite oligarchie dominante aujourd'hui. Mme Le Pen, M. Mélenchon ou M. De Villiers, comme M. Farage au Royaume-Uni, ne sont en fait que leurs enfants.
Des enfants contestataires certes : mais que défendent-ils au juste ?
La souveraineté de leur petite Nation en tant qu'espace géographique et entité historique face à l'union nécessaire des peuples Européens en vue de constituer une Europe souveraine et puissante. Celle-la même qu'ils refusent aux petites patries qui constituent la France ou l'Angleterre, comme en témoigne la volonté de Madame Le Pen de supprimer les régions, de ne pas reconnaître les langues régionales ou celle de M. Farage d'appeler à voter contre l'indépendance de l'Ecosse.
Ces « souverainistes » pour lesquels de nombreux européens s'apprêtent à voter et qui disent être le dernier rempart de leur peuple ( contre qui ? contre quoi ? ) sont en réalité le couteau qui pourrait provoquer le suicide de tout un continent. Un suicide pour lequel, néanmoins, les principaux responsables se trouvent au sein de la Commission de Bruxelles et dans les milieux qui ont construit cette Europe technocratique.
Ce que veut M. Farage aujourd'hui ? Empêcher les immigrés d'Europe de l'Est de se rendre en Angleterre, leur enlever tous droits sociaux, les « mettre à la mer ». Mais où était ce Monsieur à l'époque où toute l'Angleterre s'indignait contre les propos d'Enoch Powell, qui avait prédit « l'invasion du pays » par les peuples du Tiers-Monde ? Où était M. Farage lorsque des pans entiers de la Grande-Bretagne sont tombés sous la coupe islamique et asiatique ? Il ne parlait pas. Il se taisait. Et aujourd'hui, c'est une pakistanaise responsable des jeunes de son parti, l'UKIP, qui demanderait aux citoyens anglais d'aller voter pour renvoyer « chez eux » des Européens de l'Est.
Tout comme aujourd'hui, des dirigeants du Front National, vont prôner une « tolérance zéro » envers les Roms et une restriction de l'immigration venant de l'Europe de l'Est. C'est également le parti de Marine Le Pen qui s'accroche aux DOM-TOM français, derniers vestiges d'un colonialisme dont toute l'Europe paye aujourd'hui les conséquences, et qui dans le même temps refuse qu'un Grec ou qu'un Allemand participe aux décisions collectives de l'Union des Européens.
Lorsque Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche et souverainiste jacobin lui aussi, déclare que les Français sont plus proches culturellement de la Méditerranée, du Maghreb et de l'Afrique que de l'Estonie ou de l'Ukraine et qu'ils ont un avenir commun, il ne dit pas autre chose que ces souverainistes « de droite », nostalgiques d'une époque révolue, accrochés à leurs dogmes ( et notamment celui de la France universelle ou celui de l'Angleterre conquérante ) et aveugles aux grands bouleversements, notamment démographique, de l'histoire à venir.
Quelles conséquences, quel impact sur la vie des Européens auraient une victoire ou une percée des souverainistes aux élections ? Le taux de chômage massif diminuera t-il parce que Madame Le Pen et M. Farage vont s'asseoir un peu plus souvent et avec un plus grand nombre de députés au Parlement européen ? Les banques cesseront-elles de prêter à intérêt à des Etats qui assurent pourtant leur survie ? Les millions d'étrangers extra-européens, qui souhaitent pénétrer en Europe dans ce qu'ils croient être un Eldorado, y renonceront t-ils spontanément ? Les mosquées qui fleurissent dans toute l'Europe fermeront t-elles leurs portes ? Les campagnes se repeupleront-elles par miracle ?
Non bien entendu. Car le Parlement européen ne possède aucun pouvoir mais surtout parce que ces souverainistes n'entendent aucunement renverser les élites qu'elles jugent pourtant à raison illégitimes.
Ces mêmes souverainistes n'entendent pas non plus inverser le processus migratoire qui conduit au grand remplacement en cours en Europe, puisque et Mme Le Pen et M. Farage sont des partisans acharnés de l'assimilation et d'une société dans laquelle le drapeau National est plus important que l'identité régionale, ethnique, religieuse ou culturelle.
Penser le contraire, croire dans une sortie de l'Europe qui briserait irrémédiablement l'avenir commun des peuples qui la constituent, c'est se mentir à soi-même, c'est accepter simplement et fatalement qu'après la chute de l'Empire Romain, après les guerres fratricides du 20ème siècle, l'Europe et les Européens en finissent définitivement avec leur histoire et leur civilisation dans un magma à côté duquel la guerre des Balkans ressemblerait au paradis sur terre.
Changer l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui, cela va de soi. Mais pour cela, encore faut t-il aimer les peuples qui la constituent et épouser l'idée d'une Europe-puissance.
« Quand les barbares étaient aux portes de l'Empire, les Romains discutaient du sexe des anges ».
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Paniek Engelse en Franse regeringen na overwinning anti-EU partijen
Britten zijn massa-immigratie helemaal zat
Le Figaro: Regering Hollande ‘bedrukt en radeloos’
Nederland uitzondering in EU met winst eurofielen
Sombere gezichten bij premier David Cameron (R) en Nick Klegg, wiens Liberaal-democratische partij (de Britse D66) compleet werd weggevaagd.
In Groot Brittannië en Frankrijk lijkt er paniek uitgebroken in de zittende regeringen na de enorme overwinningen van de anti-EU partijen. De Britse UKIP van Nigel Farage en het Franse Front National van Marine Le Pen werden in hun thuislanden de grootste partij, terwijl de zittende regeringspartijen een verpletterende nederlaag leden. De boodschap van de kiezers is overduidelijk: wij willen niet meer, maar minder Brussel – véél minder, en wij willen onafhankelijk en democratisch blijven.
Geschokt na overwinning Farage
Voor het eerst sinds 1910 werd in het Verenigd Koninkrijk een andere partij dan de Conservatieven of socialisten (Labour) de winnaar van de nationale verkiezingen. De UKIP, die zo snel mogelijk uit de EU wil treden, kreeg de meeste afgevaardigden, terwijl de liberaal-democratische regeringspartij (de Britse D66) bijna al zijn zetels in het Europarlement kwijtraakte.
Premier David Cameron was zichtbaar geschokt. Hij probeerde Farage te beledigen, maar zijn woorden kwamen eerder als een compliment over. Hij noemde Farage ‘geen eenvoudige gozer uit de pub’, zoals hij zichzelf graag afschildert, maar een ‘geslepen politicus die voor alles een politieke tactiek gebruikt’.
Dat is nu juist de kracht van Nigel Farage. Hij weet hoe het politieke systeem werkt, profiteert er zelf ook van, en is juist vanwege die kennis zo gevaarlijk voor de gevestigde globalistische orde. Bovendien beloofde Farage de Britten dat ‘dit nog niet alles is’, en hij ook bij de parlementsverkiezingen in 2015 op een overtuigende overwinning aast.
‘Het volksleger heeft gesproken’
‘Het volksleger van de UKIP heeft vanavond gesproken en heeft het meest verbazingwekkende resultaat dat we in de afgelopen 100 jaar hebben gezien geleverd,’ aldus de EU-criticus. Verwacht wordt dat de roep om een referendum over de EU na zijn klinkende overwinning alleen maar krachtiger zal worden. Cameron had reeds ingestemd met een referendum, maar pas in 2017, in de hoop dat de ergste anti-Brusselse storm dan voorbij zal zijn.
Britten zijn massa-immigratie helemaal zat
Volgens het UKIP, dat zich baseert op onafhankelijke onderzoeken, zal de welvaart in Groot Brittannië door het verlaten van de EU weer toenemen. Ook zal het land democratisch(er) worden. Belangrijkste reden waarom de Britten massaal op hem stemden was de enorme onvrede over de massa-immigratie. Zo kwamen er dankzij de Brusselse wetten vorig jaar 27% meer migranten uit arme EU-landen zoals Roemenië en Bulgarije. Hierdoor is de sociale zekerheid onder grote druk komen te staan, en voelen de Britten zich bedreigd in hun nationale identiteit.
Om kiezers terug te winnen hebben de Conservatieven nu maatregelen aangekondigd om de toestroom van arme EU-burgers tegen te houden. Volgens de Sunday Telegraph zullen werklozen voortaan na 6 maanden het land uit worden gezet. Daarnaast moeten immigranten aantonen dat ze voldoende eigen vermogen hebben. (1)
Regering Hollande ‘radeloos’ na overwinning Le Pen
In Frankrijk heeft president Francois Hollande een heuse crisisbijeenkomst met zijn belangrijkste ministers georganiseerd vanwege de verpletterende nederlaag die zijn socialistische partij leed. Nieuwe verkiezingen, zoals Front National leider Marine Le Pen als absolute winnaar eist, wil Hollande dan ook ten koste van alles voorkomen.
Premier Manuel Valls beloofde de Fransen onmiddellijk forse belastingverlagingen. Wie dat moet gaan betalen is echter volstrekt onduidelijk. De Franse staatsfinanciën zijn een ongekende puinhoop, reden waarom Parijs regelmatig eist dat de Europese Centrale Bank de geldkranen nog verder opendraait.
Volgens de oudste Franse krant Le Figaro is de stemming in de regering Hollande ‘bedrukt en radeloos’, en hangen er spreekwoordelijke ‘zwarte sluiers’ voor het Champs Élysée. De afstraffing door de kiezers kwam bij de socialisten zó hard aan, dat ze niet eens proberen deze goed te praten. Le Figaro: ‘Dit is een oorvijg voor Europa, een verdere terugslag voor ons en een motie van wantrouwen tegen Hollande. De keizer is zijn kleren kwijt (lett. de koning is naakt).’
Hele EU zelfde beeld, uitgezonderd Nederland
In bijna heel Europa boekten de anti-EU partijen winst. Het extreemlinkse Griekse Syriza kreeg 26%-28% van de stemmen en werden de grootste partij. In Spanje verloren de conservatieven en socialisten zoveel, dat ze voor het eerst in de geschiedenis samen minder dan 50% van de stemmen kregen. Twee linkse partijen kregen kwamen op respectievelijk 10% en 8% uit.
In Italië behaalde Beppe Grillo’s M5S 25,5% en werd daarmee de tweede partij van het land, achter de sociaaldemocraten (34,5%) (3). Ook in België (NV-A), Oostenrijk (FPÖ), en Duitsland (AfD, 7%) wonnen de eurosceptici in meer of mindere mate. In Finland verdubbelden de ‘Ware Finnen’ hun Europese zetels weliswaar van 1 naar 2, maar vergeleken met de 20% bij de parlementsverkiezingen in 2011 was dat een flinke tegenvaller.
Nederland was feitelijk het enige land waar de meest eurofiele partij, D66, stemmen won, en de enige anti-EU partij PVV juist een zetel kwijtraakte. Om een bekende uitspraak van Louis van Gaal te parafraseren: ‘Zijn jullie nou zo slim, of zijn wij nou zo dom?’ Zijn wij Nederlanders het slimste jongetje van de EU-klas, zoals Den Haag zich doorgaans graag presenteert, of presenteert ons volk zich toch weer als die klassieke ‘dumme Holländer’, die altijd alles beter menen te weten, maar feitelijk van klok noch klepel weten?
Xander
(1) Deutsche Wirtschafts Nachrichten
(2) Deutsche Wirtschafts Nachrichten
(3) Deutsche Wirtschafts Nachrichten
(4) Deutsche Wirtschafts Nachrichten
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lundi, 26 mai 2014
Raymond Aron, penseur machiavélien...
Raymond Aron, penseur machiavélien...
par Arnaud Imatz
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous un article remarquable d'Arnaud Imatz, cueilli sur Polémia et consacré à Raymond Aron comme penseur du politique... L'œuvre de Raymond Aron est énorme, mais on pourra retenir en particulier Penser la guerre, Clausewitz ou Paix et guerre entre les nations...
Raymond Aron, penseur machiavélien
A l’occasion du trentième anniversaire de la disparition de Raymond Aron (1905-1983) les éloges pompeux, grandiloquents, voire dithyrambiques, n’ont pas manqué. « Modèle d’intégrité intellectuelle », « héros d’intelligence », « immense talent », « figure majeure de la pensée française du XXe siècle », tels sont les qualificatifs flatteurs qu’on a pu lire sous les plumes des nombreux « spécialistes » et disciples patentés du célèbre philosophe, sociologue et journaliste. Cette emphase, digne des intellectuels des régimes totalitaires (et donc fort peu aronienne), prête à sourire lorsqu’on sait que l’auteur de « L’Opium des intellectuels » se voyait affublé, il n’y a pas si longtemps, des épithètes les plus insultantes. On se souvient de ces légions d’intellectuels dogmatiques (parfois les mêmes), qui imposaient avec fruition l’adage : « Il vaut mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron ». Mais oublions la désagréable compagnie de ces courtisans et opportunistes et félicitons-nous de ces éloges somme toute sans barguigner. Raymond Aron mérite d’être honoré à double titre : d’une part, parce qu’il nous a offert une interprétation magistrale de son époque et cela en pleine période de terrorisme intellectuel et d’intoxication freudo-marxiste et, d’autre part, parce qu’il nous a légué une méthode de recherche et d’analyse de la réalité historique particulièrement utile pour comprendre notre époque.
On déplorera cependant qu’une grande partie de la bibliographie aronienne soit aujourd’hui tombée dans une vision consensuelle, adaptative, neutraliste et finalement déformatrice de sa pensée. L’objectif de la manœuvre est évidemment clair : présenter un Raymond Aron parfaitement lisse, « politiquement correct », une image acceptable par tous, ou presque, du héraut de la communauté spirituelle internationale de la pensée libérale et sociale-démocrate
Réalisme machiavélien versus machiavélisme :
Anticommuniste « sans remords », atlantiste « résolu », Aron est à l’évidence un continuateur de la tradition libérale, minoritaire en France, qui va de Montesquieu à Elie Halévy en passant par Tocqueville. Il se disait même social-démocrate, ou plus exactement keynésien en matière économique. Il acceptait l’économie mixte et une certaine dose d’interventionnisme de l’Etat. Mais son libéralisme politique ne doit pas pour autant se confondre, comme le prétendent certains, avec le réductionnisme économique de l’Ecole autrichienne (von Mises, Hayek), ni avec l’anarcho-capitalisme des libertariens (Rothbard, Hoppe), ni avec le social-libéralisme de Bouglé, ni avec le néo-social démocratisme d’Habermas. Aron se sépare de tous ces auteurs et de leurs écoles de pensée en raison de leur incapacité à comprendre l’autonomie et la légitimité du politique dans l’histoire.
Le réalisme politique de Raymond Aron, aspect le moins célébré et le moins étudié de ses écrits (trente-cinq livres, plus de deux cents articles scientifiques et d’innombrables articles de journaux), est capital pour ceux qui veulent vraiment comprendre et apprécier l’originalité et la portée de son œuvre. La dimension tragique et pessimiste, clairement assumée, n’est pas chez lui accidentelle ou contingente ; elle est fondamentale voire essentielle. Aron s’est intéressé à Machiavel et au machiavélisme, très tôt, dès le printemps 1937 (1). Avec Montesquieu, Clausewitz, Tocqueville, Pareto, Marx et Weber, Machiavel fut l’un de ses principaux interlocuteurs. Les affinités pour la pensée du Florentin furent chez lui d’abord répulsives en raison de sa formation socialiste, mais bien vite elles se transformèrent en affinités électives. La conversion au machiavélisme politique, face à l’idéalisme ingénu de ses adversaires, date très exactement de la « drôle de guerre ». C’est alors qu’Aron comprend que pour survivre les régimes démocratiques doivent être capables des mêmes vertus politiques que les régimes totalitaires (notamment en matière de politiques sociales et démographiques et de lutte contre le chômage). La nécessité d’un minimum de foi et de volonté commune relève pour lui de l’évidence. Il préconise dès lors de remédier aux défaillances de la démocratie libérale en lui insufflant une dose de décisionnisme. Les valeurs d’une saine religion civile doivent animer impérativement les démocraties libérales. Elles seules sont capables, selon lui, de galvaniser l’esprit public dans une situation de survie nationale.
L’Espagnol Jerónimo Molina Cano (2), un des plus grands connaisseurs du réalisme politique, souligne que le libéral Aron figure en bonne place dans toutes les généalogies des penseurs machiavéliens. Il écrit justement à ce propos : « On peut extraire des pages des livres que sont Polémiques, L’Homme contre les tyrans, Les guerres en chaîne, Démocratie et totalitarisme ou encore Machiavel et les tyrannies modernes, des affirmations convaincantes sur la primauté du politique, l’impossibilité du choix inconditionnel des moyens de l’action politique, la condition oligarchique de tout régime, l’accidentalité des formes de gouvernement, la corruption inéluctable de tout pouvoir politique, etc ».
Mais qu’entend-on exactement par réalisme politique ou tradition de pensée machiavélienne (non-machiavélique) de la politique ? Il ne s’agit pas d’une école homogène, ni d’une famille intellectuelle unitaire. C’est seulement un habitus mental, une disposition intellectuelle et un point de vue d’étude ou de recherche qui vise à éclairer les règles que suit la politique. Il suffit de jeter un rapide coup œil sur l’imposante liste des auteurs étudiés par les divers participants au Congrès international, Il realismo politico: temi, figura e prospettive di ricerca (octobre 2013), organisé par Alessandro Campi et la revue de La Società Italiana di Scienza Politica, pour se convaincre de la diversité et de l’importance de cette tradition de pensée (3)
Le réalisme politique ne se réduit pas à la défense du statu quo ou à la défense de l’ordre établi comme le prétendent ses adversaires. Il n’est pas la doctrine qui justifie la situation des hommes au pouvoir. Il est une méthode d’analyse et de critique de tout pouvoir constitué. Le machiavélisme vulgaire et caricatural n’est au fond que le cynisme des amoureux de la justice abstraite. Le véritable réalisme politique part de l’évidence des faits, mais ne se rend pas devant eux. Il ne se désintéresse pas des fins dernières et se distingue en cela du pseudo-réalisme de type cynique. Le réaliste politique peut être un idéaliste ou tout au moins un homme avec des principes, une morale, une profonde conscience des devoirs et des responsabilités de l’action politique. L’œuvre de Baltazar Gracian, pour ne citer qu’elle, montre que la prudence, la sagesse, l’équilibre, le sens de la responsabilité et la fermeté de caractère sont les clefs du réalisme.
Raymond Aron s’est toujours démarqué de l’image du machiavéliste cynique, qui réduit la politique à la seule volonté de puissance, au règne et au culte de la force à l’état pur. Il refuse ce machiavélisme vulgaire et caricatural : la conception darwinienne de l’homme, la simple technique de conquête du pouvoir, l’instrument de manipulation du peuple, la manière totalement amorale ou immorale de comprendre la lutte politique.
Julien Freund, autre penseur machiavélien majeur de langue française de l’après deuxième guerre mondiale, auteur du magistral L’Essence du politique (1965), souligne lui aussi, tout à la fois, l’importance de la finalité propre à la politique, le bien commun (la politique au service de l’homme, la politique dont la mission n’est pas de changer l’homme ou de le rendre meilleur, mais d’organiser les conditions de la coexistence humaine, de mettre en forme la collectivité, d’assurer la concorde intérieure et la sécurité extérieure) et la nécessité vitale des finalités non politiques (le bonheur, la justice).
A dire vrai, le juif-agnostique et libéral classique, Raymond Aron, rédacteur de La France libre à Londres et le catholique, conservateur-libéral, ancien résistant, Julien Freund, se retrouvent sur un bon nombre de points. Il en est ainsi de l’attachement aux libertés individuelles et au partage du pouvoir, de l’affirmation de la nécessité de l’autorité de l’Etat, de la confiance dans la politique pour maintenir l’ordre social, du refus du dépérissement utopique du politique et du rejet du « Tout est politique » ou du « Tout est idéologie », chemin inévitable du totalitarisme. Pour les deux politologues, l’ordre politique, avec ses nécessités et ses valeurs, ne constitue pas la totalité de l’existence humaine. Scientifiquement, il est impossible de prononcer un jugement catégorique sur la convenance de l’un ou l’autre des régimes en place. Il n’y a pas de régime optimal ou parfait. A leurs yeux la société libérale est une société de conflits, et ces conflits doivent être canalisés, réglementés, institutionnalisés. Ils doivent être résolus autant que possible sans violence. Le conservateur-libéral, Freund, ne se sépare vraiment du libéral politique, Aron, que dans sa critique plus musclée de l’altération du libéralisme : son évolution vers la défiance à l’égard de la politique comme de l’Etat, sa transformation du principe de tolérance en principe de permissivité, son scepticisme à l’égard de l’idée du progrès (alors qu’Aron, sensible aux désillusions du progrès, veut néanmoins encore y croire), sa méfiance des excès de l’individualisme, son incapacité à penser suffisamment l’existence des relations extérieures communautaires et la diversité et l’identité des collectivités humaines. Le manque de vertu civique, d’indépendance et de responsabilité personnelle et la trahison ou la dépolitisation des élites constituent, selon Freund, le problème majeur des démocraties parlementaires modernes.
Il convient de rappeler ici le fameux dialogue entre le philosophe hégélien, socialiste et pacifiste Jean Hyppolite et Julien Freund. C’était le jour de la soutenance de thèse de Freund (le 26 juin 1965) (4), et le futur professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg articulait sa réflexion autour de trois principes qu’il jugeait constitutifs de la politique : souveraineté/obéissance, public/privé et ami/ennemi. Raymond Aron, directeur de thèse, présidait le jury composé de cinq membres.
Hyppolite, heurté au plus profond de sa sensibilité et de ses convictions, dit à Freund : « Sur la question de la catégorie de l’ami-ennemi [catégorie que l’on sait tirée des travaux de Carl Schmitt, qui insiste sur le fait que l’essence de la politique n’est pas l’inimitié mais la distinction entre ami et ennemi et qui exclue l’élimination absolue de l’ennemi (nda)] si vous avez vraiment raison, il ne me reste plus qu’à aller cultiver mon jardin. »
Freund réplique : « Ecoutez, Monsieur Hyppolite, vous avez dit […] que vous aviez commis une erreur à propos de Kelsen. Je crois que vous êtes en train de commettre une autre erreur, car vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi, comme tous les pacifistes. Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en aurons pas, raisonnez-vous. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitiés. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin ».
Hyppolite, agacé, répond alors de façon pathétique : « Dans ce cas, il ne me reste plus qu’à me suicider. »
Et Raymond Aron de conclure: « Votre position est dramatique et typique de nombreux professeurs. Vous préférez vous anéantir plutôt que de reconnaître que la politique réelle obéit à des règles qui ne correspondent pas à vos normes idéales ».
Ces mots résument assez bien le thème de cet article. Mais pour être mieux compris, encore faut-il tenter de dresser le catalogue des points qui relient Aron à la tradition machiavélienne.
Aron et les principales idées de la tradition machiavélienne :
Sept repères peuvent être indiqués :
1. L’idée de l’existence d’une nature humaine. L’étude de la politique ne peut pas faire l’économie d’une vision de l’homme. « L’homme est dans l’histoire. L’homme est historique. L’homme est histoire », nous dit Aron. La nature humaine demeure inaltérable dans le temps. Les pulsions humaines expliquent en partie le caractère instable des institutions politiques et le caractère conflictuel de la politique. Il peut y avoir des phases exceptionnelles d’équilibre relativement satisfaisant de l’ordre politique, mais la stabilité définitive, la fin de l’Histoire, relève du rêve, de l’utopie, de la mystification ou de la manipulation idéologique.
2. L’affirmation de l’autonomie du politique voire de la relative suprématie de la politique sur les autres sphères de l’activité humaine (économie, culture, morale, religion). Aron ne prétend pas substituer un déterminisme par un autre, mais reconnaître que la politique est plus importante que les autres activités parce qu’elle affecte directement le sens de l’existence. Elle est la caractéristique fondamentale d’une collectivité, la condition essentielle de la coopération entre les hommes. Aron proclame, en outre, la primauté de la politique extérieure sur la politique intérieure. Il ne s’agit pas chez lui de préférer le bien commun à la puissance ou la gloire, mais de comprendre que la puissance est la condition du bien commun.
3. Le caractère inévitable de la classe politique, de l’oligarchie et de la division gouvernants-gouvernés. Aron, comme toute une pléiade d’auteurs aux sensibilités très différentes, tels Carlyle, Ostrogorsky, Spengler, Schmitt, Weber, Madariaga, Vegas Latapie, Evola, Duguit, De Man ou Laski, sait les limites et le caractère nettement oligarchique de la démocratie parlementaire. Pareto, Mosca, Michels ont souligné l’existence d’une véritable loi d’airain de l’oligarchie. De manière tout aussi explicite, le philosophe politique Gonzalo Fernández de la Mora parle de « démocratie résiduelle », se résumant, selon lui, à l’opportunité que les oligarchies partitocratiques offrent aux gouvernés de se prononcer sur une option, généralement limitée, après avoir procédé à une opération d’ « information » de l’opinion publique (5)
(NdlR: le point 4 n'apparaît ni sur le site "metapoinfos" ni sur celui de "polemia")
5. La reconnaissance de la nature intrinsèquement conflictuelle de la politique. La vie sera toujours le théâtre de conflits et de différences. Les passions, la multiplicité des fins, le choix des moyens disponibles, etc., sont le fondement d’une perpétuelle dialectique universelle. Imaginer un monde politique sans adversaires, sans tensions, sans conflits, c’est comme se représenter une morale sans la présence du mal ou une esthétique sans laideur. La politique au sens traditionnel est la grande « neutralisatrice » des conflits. Voilà pourquoi la résistance systématique à toute forme de pouvoir peut constituer une excellente méthode pour accélérer la corruption du pouvoir et entraîner sa substitution par d’autres formes de pouvoir beaucoup plus problématiques et despotiques. Enfin, ce n’est pas parce qu’un peuple perd la force ou la volonté de survivre ou de s’affirmer dans la sphère politique que la politique va disparaître du monde. Qui peut croire qu’à défaut de la persistance des anciennes nations de nouveaux groupes de peuples ne se formeront pas et ne tendront pas à s’exclure réciproquement ? Le mondialisme, débilité intellectuelle, est le propre des ignorants du passé de l’humanité. L’histoire n’est pas tendre… malheur au fort qui devient faible !
6. Le rejet de toute interprétation mono-causale de la politique comme partiale et arbitraire. Les explications mono-causales « en dernière instance » par l’économie, par la politique, par la culture, par la morale, etc., n’ont aucun sens. Aron refuse sans la moindre ambiguïté de subordonner la politique à l’économie. Selon lui, la politique n’est jamais réductible à l’économie, bien que la lutte pour la possession du pouvoir soit liée de multiples manières au mode de production et à la répartition des richesses. La surestimation de l’économie est l’erreur radicale, la mystification majeure d’Auguste Comte, de Karl Marx et de tant de philosophes et économistes modernes. Aron nie que les régimes d’économie dirigée soient la cause des tyrannies politiques. La planification et la tyrannie ont souvent une origine commune, mais la semi-planification ou la planification indicative ne conduisent pas nécessairement à la planification totale et à la tyrannie comme le prétendent Hayek et les ultralibéraux de l’Ecole autrichienne. L’expérience de l’histoire (Espagne de Franco, Chili de Pinochet, République populaire de Chine actuelle, etc.) montre qu’il n’existe pas de lien causal nécessaire entre un type d’économie et un régime politique déterminé.
7. Le scepticisme en matière de formes de gouvernement. Aron s’affirme libéral politique, mais il reconnaît la pluralité des régimes politiques, chacun conçu comme une solution contingente et singulière, comme une réponse transitoire à l’éternel problème du politique. Tous les régimes sont par ailleurs également soumis à l’usure du temps et à la corruption. Aron est enfin plutôt indifférent, sinon hostile, au clivage gauche-droite. Dans la Préface à L’Opium des intellectuels, il écrit : « On n’apportera quelque clarté dans la confusion des querelles françaises qu’en rejetant ces concepts équivoques [de droite et de gauche] ». On sait d’ailleurs qu’Aron appréciait La Révolte des masses, de José Ortega y Gasset, et faisait grand cas de son célèbre aphorisme : « Être de gauche ou être de droite c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile ; toutes deux, en effet, sont des formes d’hémiplégie morale ».
Arrivé à ce point de la démonstration, il n’est peut être pas inutile d’esquisser une seconde comparaison, un second rapprochement, plus inattendu, mais tout aussi valable, celui du libéral politique Aron et du national-libéral, conservateur résolu, que fut Jules Monnerot. Monnerot, le grand censuré, honni et exclus de l’Université française, l’auteur génial de Sociologie du communisme (1949) et de Sociologie de la Révolution (1969), le résistant, l’activiste de la deuxième guerre mondiale, le premier franc-tireur intellectuel important contre la politique eschatologique, contre les religions totalitaires du salut collectif, Monnerot, l’esprit libre et indépendant, qui fut du petit nombre de ceux qui représentèrent dignement la philosophie et la sociologie politique de langue française dans les années 1945-1960, Monnerot, la bête noire « fasciste » des marxistes, crypto-marxistes et gauchistes, parce qu’il dénonça trop tôt l’essence religieuse du communisme et fut ensuite un précurseur de la dissidence contre « la pensée unique » et le multiculturalisme de la fin du XXe siècle. Comparer Aron et Monnerot, alors que le premier, professeur à la Sorbonne et au Collège de France, s’est toujours gardé de citer le second, conscient qu’il était de n’avoir pas la force de briser le terrible cordon sanitaire dressé autour de son collègue (?), comparer deux figures aussi inégales en réputation académique et médiatique (?), voilà de quoi offusquer les mandarins et autres gardiens du temple. Et pourtant, Monnerot, victime de la censure mais bon prince et surtout bien plus tolérant que ses censeurs, ne déclarait-il pas encore quelques années avant de mourir : « La pensée occidentale n’admet pas ce qui doit entraîner la suppression intellectuelle, voire physique, du réfractaire à la vérité… la pensée occidentale admet une sorte de pluralisme et de perspectivisme – c’est d’ailleurs la lignée intellectuelle à laquelle on peut me rattacher (6) » ?
Les atteintes à la liberté d’expression, la censure, sont à l’évidence de tous les lieux et de toutes les époques. Au sein de l’Université française, la fréquentation affichée de certains auteurs a toujours attiré les foudres, le reproche moraliste et finalement l’ostracisme actif du coupable. Mais les universitaires qui avaient vingt ans en 1968 et qui n’étaient pas aveuglés par l’idéologie savent combien les intellectuels non conformistes, ouvertement opposés à la doxa freudo-marxiste, devaient alors savoir faire preuve de détermination et de courage (7)
On comprend d’autant mieux la bienveillance et le respect que professent les esprits indépendants de ma génération pour les maîtres d’hygiène intellectuelle que sont les réalistes politiques (machiavéliens, antimachiavéliques) Raymond Aron, Julien Freund et Jules Monnerot. Aron, pour ne citer ici que lui, nous donna deux dernières leçons de rigueur et de probité à la veille de sa disparition. A l’occasion de la publication de L’Idéologie française, de Bernard-Henri Lévy, il n’hésita pas à écrire que l’auteur « viole toutes les règles de l’interprétation honnête et de la méthode historique » (Express, février 1981). Deux ans plus tard, le 17 octobre 1983, il témoigna en faveur de son ami Bertrand de Jouvenel contre l’historien israélien Zeev Sternhell qui prétendait que l’auteur de Du Pouvoir avait manifesté des sympathies pro-nazies en tant que théoricien majeur du fascisme français. A la barre, il dénonça de sa voix ferme « l’amalgame au nom de la vérité historique ». Puis, sortant du Palais de justice de Paris, il prononça ces derniers mots : « Je crois que je suis arrivé à dire l’essentiel », avant de s’éteindre terrassé par une crise cardiaque. Ces déclarations ne sauraient s’oublier !
Pour Jerónimo Molina Cano, spécialiste du machiavélisme aronien, le réalisme politique du fondateur de la revue Commentaire constitue la voie de connaissance la plus adéquate pour explorer la « verita effetuale della cosa ». Ajoutons, pour notre part, que Raymond Aron, ex-président de l’Académie des sciences morales et politiques de France, n’était pas seulement un brillant intellectuel, mais d’abord et avant tout un homme, tout un Homme, « todo un caballero », comme disent les Espagnols.
Arnaud Imatz (Polémia, 16 janvier 2014)
Notes :
1) Par une curieuse coïncidence, l’année 2013 a été marquée à la fois par la célébration du 500eanniversaire du Prince de Nicolas Machiavel (avec une exposition Il Principe di Machiavello e il suo tempo 1513-2013 (Rome, avril-juin 2013) et par le 30e anniversaire de la mort de l’un de ses lecteurs et commentateurs majeurs, Raymond Aron (célébré le 17 octobre 2013)
2) Jerónimo Molina Cano, Raymond Aron, realista político. Del maquiavelismo a la crítica de las religiones seculares, Madrid, Ediciones Sequitur, 2013. Professeur de sociologie et de politique sociale à l’Université de Murcie, directeur de la revue Empresas Políticas, Molina Cano est un disciple du politologue Dalmacio Negro Pavón, professeur à l’Université Complutense et à l’Université CEU San Pablo de Madrid.
3) Les précurseurs de cette école de pensée sont Han Fei Zi, Thucydide, Aristote, Kautilya (Chânakya), Ibn Khaldoun, Nicolas Machiavel, Gabriel Naudé, Hobbes, Tocqueville. Parmi ses figures contemporaines ou modernes les plus représentatives on peut citer : Raymond Aron, Gaston Bouthoul, Jacob Burckhardt, James Burnham, Filippo Burzio, Federico Chabod, Benedetto Croce, Gonzalo Fernández de la Mora, Julien Freund, Paul Gottfried, Bertrand de Jouvenel, Günter Maschke, H. J. Mackinder, John Mearsheimer, Robert Michels, Gianfranco Miglio, Jules Monnerot, Gaetano Mosca, Dalmacio Negro Pavón, Reinhold Niebuhr, Michael Oakeshott, Vilfredo Pareto, Paul Piccone, Giuseppe Rensi, Giovanni Sartori, Carl Schmitt, Nicholas J. Spykman, Leo Strauss, Piet Tommissen, Gioacchino Volpe, Eric Voegelin, Max Weber et Simone Weil.
4) Ce dialogue est cité dans les livres de Jerónimo Molina, Julien Freund, lo político y la política, Madrid, Sequitur, 2000, Sébastien de la Touanne, Julien Freund, penseur « machiavélien » de la politique, Paris, L’Harmattan, 2005 et P.-A. Taguieff, Julien Freund. Au cœur du politique, Paris, La Table Ronde, 2008.
5) Gonzalo Fernández de la Mora, La partitocracia (La particratie), Madrid, Instituto de Estudios Politicos, 1977.
6) Entretien de Jules Monnerot avec Jean-José Marchand pour Les archives du XXe siècle de la Télévision française, 1988.
7) Par curiosité, j’ai exhumé les vieilles éditions des manuels d’Histoire des idées politiques de Touchard et de Prélot, que j’utilisais à la veille de ma soutenance de thèse de doctorat d’Etat, en 1975. Il n’y est fait mention ni de Monnerot, ni de Freund !
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samedi, 24 mai 2014
Exposition: Mousquetaires
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vendredi, 23 mai 2014
Rébellion n°64
Sortie du numéro 64
de la revue Rébellion
EDITO : Survie du capitalisme ou du genre humain ?
DOSSIER : Abattre la théorie du Genre
Un combat spirituel ou un combat scientifique ? par David L'Epée.
Rencontre avec Farida Belghoul.
Pornographie. l'autre discours dominent par Terouga
HISTOIRE : Harro-Shulze Boysen. Un national-bolchevik dans l'orchestre rouge
( partie 2)
Nationalisme russe à l'époque soviétique par David l'Epée.
MUSIQUE : Assaut électronique et musique bruitiste par Diaphane Polaris
Sinweldi. la guerre comme hygiène du monde.
Disponible contre 4 euros à notre adresse :
Rébellion c/o BP 62124 - 31020 TOULOUSE cedex 02
Pour s'abonner :
http://rebellion.hautetfort.com
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mercredi, 21 mai 2014
Les Chinois sont effarés par le laxisme des autorités françaises!
Pékin va envoyer des agents patrouiller avec leurs homologues français pour assurer la protection des touristes chinois cet été. Un abandon de souveraineté ?
Là n’est pas vraiment le problème. Mais comprenons d’abord la disposition d’esprit des Chinois envers la France. Pour maintes raisons : Dès le XVIIe siècle, dialogue riche et profond entre Louis XIV et le 2e empereur Qing (Mandchou), Kangxi, deux souverains qui règneront longtemps (Louis XIV, 54 ans ; Kangxi, 62 ans) et s’écriront souvent. Vive admiration des élites chinoises pour la civilisation française, seule jugée égale de la culture chinoise. Cette année, 50e anniversaire de la reconnaissance de la Chine populaire par le général De Gaulle… les Chinois idéalisent la France et s’y rendre est pour eux, un vrai rêve.
D’où un réel et sérieux traumatisme quand ils s’y font dépouiller par des racailles ou des bandes criminelles nomades. Bien entendu, la présence de ces policiers chinois est purement symbolique ; elle vise surtout à rassurer et apaiser des touristes qui, vu leurs moyens, viennent d’usage une seule fois en France, et tiennent à ce que cela demeure pour eux un superbe souvenir.
Certains comparent cette initiative avec les policiers roumains venus épauler la police française pour lutter contre la délinquance nomade en France : ce n’est pourtant pas la même chose ! Ici, il s’agit de coopérer pour mieux cerner les délinquants. Là, c’est pour protéger des touristes étrangers… La France n’est plus capable de protéger toute seule la population présente sur son territoire ?En France, la police, la gendarmerie, sont très capables de tout cela. Mais bien sûr, depuis deux ans, la justice française est en roue libre et, sous l’impulsion de la sinistre Mme Taubira et de sa cour, a pratiquement cessé d’agir. Pour les voyous autochtones ou allogènes, la justice française est devenue une bouffonnerie, voire une sorte de bon génie familier et tutélaire, peu menaçant ou dangereux, sauf parfois, très temporairement.
Là est le problème. Et comme en même temps, les polices des pays voisins font preuve de plus de fermeté – exigence, bien sûr, de populations qui se lassent d’être pillées – cela crée un appel d’air et les voyous de la zone Schengen affluent en France, du fait de la seule loi criminelle absolument irréfutable : l’effet de déplacement.
La police française semble avoir une réputation de laxisme en Chine… Justifiée selon vous ?
Pas du tout. Là dessus, je parle en connaissance de cause, ayant une longue pratique du dialogue avec les autorités chinoises concernées par la sécurité. Celles-ci, qui se méfient plutôt des polices des pays anglo-saxons, ont un grand respect pour le professionnalisme des policiers et gendarmes français, avec lesquels elles coopèrent volontiers ; elles demandent toujours plus d’échanges, de formations, etc.
Les Chinois sont en revanche effarés – et pas seuls – par le laxisme et l’aboulie des autorités françaises, devant les émeutes qui secouent fréquemment notre pays, les milliers de voitures incendiées, etc. En privé, entre « vieux amis », ils nous bombardent de questions : pourquoi laisser s’accomplir toutes ces exactions sans réagir ? Pourquoi avoir des forces de sécurité d’une telle qualité, si c’est pour les laisser bras ballants, interdites devant des incendiaires et des bandits qui leur tirent dessus ? Ainsi, c’est plutôt la classe politique française qu’ils ont du mal à comprendre, que nos forces de sécurité qui, une fois encore, sont très appréciées en Chine.
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lundi, 19 mai 2014
Marion Sigaut - les Lumières: un antihumanisme...
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dimanche, 18 mai 2014
Sur le nihilisme européen...
Sur le nihilisme européen...
Nous vous signalons la parution du septième numéro (Hiver 2014) de la belle revue Figures de proues, dirigée par Pierre Bagnuls. On y découvrira des textes choisis et une foule de citations sur le thème de l'Europe et du nihilisme européen, agrémentés par de superbes illustrations en couleurs. Du beau travail !
Il est possible de s'abonner ou de commander ce numéro (ainsi que les numéros précédents) sur le site de la revue : Figures de proues
Au sommaire :
Éditorial
• Europe - 9 novembre 1989: la cicatrice concentrationnaire fut
symboliquement refermée par Pierre BagnulsL'auteur, la société, la liberté
• La pensée remonte les fleuves par Charles-Ferdinand Ramuz
Figure
• Face au soleil de minuit: un solstice d'été septentrional d'après Marc Augier, par Pierre Bagnuls
Hommage
• En mémoire de Dominique Venner par Pierre Bagnuls
Les sources vives
• Le nihilisme est devant la porte: d'où nous vient ce plus inquiétant de tous les hôtes? par Pierre Bagnuls
Textes fondateurs
• Changement de paradigme et crise de la conscience européenne par Alexandre Koyré
• Commencer avec le soleil par David Herbert Lawrence
• Le monde paraît sans valeur par Friedrich Nietzsche
• Fondements du nihilisme européen par Jean-Edouard Spenlé
• Tout est venu à l'Europe et tout en est venu par Paul Valéry
• Quels rêves a faits l'homme? par Paul Valéry
•Ce que nous savons, ce que nous pouvons, a fini par s'opposer à ce que nous sommes par Paul Valéry
Texte dé-fondateur
• Extraits des discours sur l'Europe de Julien Benda
Propos sur la dé-fondation européenne
• Des dangers d'une intelligence désincarnée et inorganique:
le nihilisme en pensées et en actes par Pierre Bagnuls
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21 mai : manifestation contre le gender à Lyon
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samedi, 17 mai 2014
Diaboliser et être diabolisé, le cercle de la haine
Front national: diaboliser et être diabolisé, le cercle de la haine
Ex: http://huffingtonpost.fr
Pierre-André Taguieff est l'auteur du livre Du diable en politique. Réflexions sur l'antilepénisme ordinaire, Paris, qui parait le 15 mai chez CNRS Éditions.Voici plusieurs extraits en exclusivité pour le Huffington Post.
On peut définir la diabolisation comme un acte de discours à visée polémique consistant à transformer en diable, ou en représentant du Mal, un adversaire, individuel ou collectif, traité en ennemi absolu. Elle représente une forme de catégorisation négative d'un individu ou d'un groupe humain, dans le cadre d'un conflit ou d'un affrontement. Elle implique une déshumanisation de l'autre, qui fait l'objet d'une réduction (à une figure non humaine) et d'une reconstruction, faisant surgir une altérité intrinsèquement négative et chimérique. Les propagandes politiques y recourent, comme les propagandes de guerre. Il s'agit à la fois de faire peur et de faire haïr, pour faire agir dans un certain sens. La diabolisation constitue donc une méthode d'illégitimation d'un adversaire, d'un opposant, d'un concurrent, d'un contradicteur, qui sont par là même transformés en ennemis, et en ennemis redoutables.
Diaboliser, c'est dénoncer et condamner un individu ou un groupe assimilé à une incarnation du Mal. Et, partant, créer un ennemi absolu, absolument redoutable et haïssable, contre lequel tout est permis. Celui qui diabolise l'autre (l'opposant ou le différent) se classe par là même dans la catégorie des représentants du Bien, voire des combattants du Bien. (...)
La diabolisation de l'ennemi est une opération qui fait partie de la logique du nationalisme, dont la stratégie est d'abord défensive. Les nationalistes désignent leurs ennemis, d'une part, en tant que responsables du désordre à l'intérieur de la nation, un désordre facteur d'affaiblissement ou de déclin, et, d'autre part, en tant qu'incarnant une menace pour la survie de la nation. Si les nationalistes diabolisent les ennemis du peuple, à l'intérieur, ou ceux de la nation, à l'extérieur, ils sont eux-mêmes fortement diabolisés en retour. Ils sont accusés notamment d'être partisans de la fermeture sur soi de la nation, de se montrer xénophobes ou racistes, et surtout d'être des fauteurs de guerre. D'où le cercle vicieux de la diabolisation, vouée au mauvais infini de la rivalité mimétique : la diabolisation appelle la diabolisation. Diaboliser l'autre, c'est inciter l'autre à nous diaboliser en retour. Il en va de la diabolisation comme de la haine ou de l'intolérance, créatrices de cercles vicieux. « L'intolérance provoque l'intolérance », notait Anatole Leroy-Beaulieu à l'époque de l'affaire Dreyfus (...)
Lorsqu'on aborde le cas du Front national, on rencontre une interaction polémique complexe entre diabolisateurs et diabolisés. Car les leaders du FN, à commencer par Jean-Marie Le Pen, n'ont cessé de diaboliser leurs adversaires et leurs rivaux, sans compter les renégats de leur mouvement. Ils diabolisent aussi les causes supposées des malheurs ou du déclin de la France. Comme le rappelle Pascal Perrineau (La France au Front, Paris, Fayard, 2014), « le Front national excelle plus que toute autre force politique à stigmatiser des "diables" et des ennemis à livrer à la vindicte populaire : les multinationales, l'Europe, la mondialisation, le "libre-échangisme", l'"euromondialisme", l'islamisme, les communautarismes, l'"UMPS", mais aussi la "Caste", les élites, les eurocrates, l'"hyperclasse", les califats, l'"Établissement", les immigrés, les technocrates... » En outre, c'est par la diabolisation de son président que le FN est sorti de la marginalité. Le diabolisateur Le Pen semble avoir joué la carte de sa propre diabolisation par ses adversaires politiques. On se souvient des provocations verbales de Jean-Marie Le Pen, amateur de jeux de mots douteux (« Durafour crématoire ») et de formules minimisant ou mettant en doute le génocide nazi des Juifs d'Europe (l'affaire dite du « point de détail »). L'auto-diabolisation volontaire par la provocation systématique aurait ainsi représenté un outil tactique pour percer le mur du silence ou de l'indifférence, l'un des stratagèmes utilisés par un Le Pen en quête de visibilité médiatique. La diabolisation provoquée peut donc faire l'objet d'un choix stratégique. Prendre la posture du diabolisé et la mettre en scène, c'est se présenter glorieusement comme une victime injustement accusée et comme un héros, un « résistant ». Bref, le fait d'être traité comme une figure du diable devient une preuve qu'on est le contraire du diable. La diabolisation se retourne en mode de transfiguration. La mauvaise réputation s'avère bonne pour la réputation, et se traduit par l'acquisition d'un prestige, donc d'un capital d'autorité charismatique. Ami de Jean-Marie Le Pen, Dieudonné a reconnu lui-même, dans une interview accordée à Alger, en février 2005, au journaliste Hakim Kateb, que la diabolisation médiatique pouvait avoir, dans le cas de Le Pen comme dans le sien, des effets de séduction, et constituer un puissant outil de popularité : « Les gens en France votent de plus en plus pour Le Pen. Cet ancien d'Algérie était présent au second tour. Ça prouve bien que les gens n'écoutent plus les médias. Et plus ils cassent Le Pen, plus les gens votent pour lui. Plus on me casse moi, plus on vient me voir. Ils sont en train de perdre leur pouvoir, les sionistes. Tant mieux. »
La diabolisation de Le Pen, commencée en 1983-1984, a eu pour effet pervers d'accélérer puis de renforcer la promotion médiatique du leader national-populiste. Autrement dit, Le Pen doit principalement sa notoriété médiatique aux attaques diabolisantes dont il a fait l'objet. C'est pourquoi, si l'on considère les stratèges du FN comme des acteurs rationnels et passablement cyniques, l'on peut se demander si leur volonté déclarée de « dédiaboliser » leur parti n'est pas empreinte de mauvaise foi. Elle ne serait dans ce cas qu'une tactique permettant de diaboliser en retour les diabolisateurs antilepénistes. (...)
La diabolisation, dans la concurrence politique, peut donc être un atout : la figure d'un personnage diabolisé attire, séduit, voire fascine. La diabolisation est un ingrédient de toute figure charismatique. Il en va de même pour un parti : la diabolisation constitue un puissant facteur de son attractivité. Le simple fait d'être perçu comme n'étant pas un parti comme les autres lui confère de la séduction. L'écart par rapport à la norme, serait-ce un écart perçu négativement, suffit à provoquer une attirance. Avec cependant un prix à payer : la relative mais permanente marginalisation du diabolisé, serait-il devenu une figure populaire. C'est le cas, jusqu'à nouvel ordre, du FN. On ne séduit pas sans prendre le risque de provoquer des rejets et de multiplier ses ennemis. Il se trouve par ailleurs qu'on ne peut se « dédiaboliser » soi-même, par une décision prenant l'allure d'un projet à réaliser. Dans ce qui a été diabolisé, il reste toujours une diabolisation résiduelle. Le « pli » persiste. Mais cette « dédiabolisation » incomplète du FN présente l'avantage de lui conserver sa saillance : l'acquisition d'une totale respectabilité le banaliserait. Totalement « dédiabolisé », le FN perdrait une grande partie de son attractivité. Il lui faut trouver un équilibre pour persister dans l'existence politique : ni trop, ni trop peu, que ce soit dans la diabolisation ou dans la « dédiabolisation ». Tel est le paradoxe dont l'existence du FN est l'illustration. (...)
Étudier la diabolisation, c'est, pour l'essentiel, chercher à déterminer « le mécanisme psycho-social par lequel une communauté devient objet de haine » (Raymond Aron). (...) Diaboliser, c'est inciter à la haine en transformant un individu ou un groupe en ennemi du genre humain. Dans un article paru en 1955, Aron notait : « Le phénomène décisif ce sont les haines abstraites, les haines de quelque chose que l'on ne connaît pas et sur quoi on projette toutes les réserves de haine que les hommes semblent porter au fond d'eux-mêmes. » La haine elle-même, aussi abstraite soit-elle, est empreinte de sacré, comme si elle était contaminée par la sacralité de la Cause et du combat mené. Avec les mobilisations inspirées par la doctrine de la guerre sacrée, qui permet de transformer toute lutte en croisade, c'est le plus précieux des héritages culturels et politiques de l'Europe qui est jeté aux poubelles de l'Histoire : la séparation des sphères (sécularisation ou laïcité), le pluralisme et la tolérance, le respect de l'adversaire, le sens du débat, le désir de trouver un accord avec l'adversaire, la recherche du compromis. Voilà qui exalte moins les exaltés que l'esprit manichéen, l'engagement total dans un combat sacré et le désir d'anéantir l'ennemi absolu.
La vision extrémiste du monde consiste à voir des ennemis partout, qu'ils soient ceux d'en haut (les « puissants »), ceux d'à côté (les concurrents dangereux) ou ceux d'en face (les « envahisseurs »). Ces figures de l'ennemi absolu ont un premier caractère commun : leur capacité de se dissimuler, de porter des « masques ». Elles représentent des forces et des puissances cachées, souterraines, occultes. Leur deuxième trait commun est qu'elles sont censées conspirer contre les peuples ou le genre humain. C'est pourquoi l'extrémisme politique est inséparable d'une perception conspirationniste de la marche de l'Histoire, machine à fabriquer des ennemis absolus, qu'il s'agit d'abord identifier, en leur arrachant leurs « masques », ennemis qu'il faut ensuite éliminer et non pas simplement vaincre, et encore moins convaincre. Défini dans le langage symbolique des adeptes du combat sacré, l'objectif final est de « nettoyer » ou de « purifier » la terre des créatures « nuisibles » qui la « souillent ».
On peut caractériser cette configuration idéologique comme impolitique, dans la mesure où elle récuse par principe toute recherche du compromis, rendant ainsi impossible la transformation des adversaires en interlocuteurs respectables, qui, dans une société libre, ouvre la voie à la paix civile. L'intransigeance et le fanatisme transforment les antagonismes en guerres d'extermination. Entre adversaires, la discussion loyale, la volonté de se mettre d'accord au moins sur les raisons du désaccord et la recherche du compromis constituent le seul fondement de la paix dans la nation comme de la paix entre les nations. Un conflit, quand aucun compromis n'est possible, prend nécessairement la figure d'une guerre sans fin. Refuser en principe le compromis, c'est refuser la paix, s'il est vrai, comme l'a établi Julien Freund, que « la paix est inévitablement un compromis ou elle n'est rien, sinon une utopie et une chimère ». La paix, comme la guerre, étant « une affaire politique », précise Freund, « on ne peut l'établir autrement que par les moyens de la politique ». Et le respect de ce principe vaut pour prévenir les guerres civiles, qu'elles soient « chaudes », « froides » ou verbales.
La politique ne se confond pas avec la morale, mais leurs valeurs et leurs normes respectives interfèrent entre elles. On peut modéliser leurs relations par une intersection entre deux cercles ou deux sphères, comme le propose Paul Ricœur. L'écart entre morale et politique ne saurait être effacé, en ce que, comme le note Ricœur, « la morale de conviction et la morale de responsabilité ne peuvent entièrement fusionner». La tâche qu'on peut se donner est de tout faire pour que ces interférences prennent l'allure d'un cercle vertueux. Si la vraie morale se moque de la morale, et, a fortiori, du moralisme, l'un des premiers principes de la (vraie) morale pourrait se formuler comme suit : « Ne retrancher personne de l'humanité. » Nul homme ne devrait pouvoir être dit « de trop » parce ce qu'il serait l'incarnation d'une figure satanique ou d'une « sous-humanité ». Ce serait congédier enfin la diabolisation comme mode d'exclusion de certaines catégories d'humains et comme méthode de non résolution des problèmes de société.
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vendredi, 16 mai 2014
Les Mistral pour la Russie : un enjeu stratégique majeur pour la France
Les Mistral pour la Russie: un enjeu stratégique majeur pour la France
par Aymeric Chauprade
En mars au journal de TF1, le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius déclairait que « La France pourrait annuler les ventes des deux BPC si la Russie ne changeait pas de politique à l’égard de l’Ukraine et de la Crimée. »Les BPC, c’est-à-dire les Bâtiments de projection et de commandement, les deux navires militaires de type Mistral commandés en 2011 à la DCN (Direction des constructions navales).
Cette décision serait catastrophique à plusieurs égards. Pour le contrat lui-même bien sûr, qui pèse 1,2 milliards d’euros et qui conditionne un millier d’emplois à Saint-Nazaire. Il faudrait rendre l’argent déjà versé (la moitié), renvoyer la poupe des navires (construite en Russie) et s’acquitter d’importantes indemnités. En outre la France perdrait ses droits sur les plans du Mistral, déjà remis à la Russie, qui pourrait alors les construire elle-même. Une telle décision nous fermerait également la porte à tout futur contrat avec la Russie et notamment à son immense programme de réarmement naval (civil et militaire), estimé à plus de 50 milliards de dollars. Nos concurrents n’attendent que cela !
Mais au-delà, c’est la parole de la France qui est en jeu. Plusieurs contrats importants sont en cours de négociation, citons les 126 avions Rafale avec l’Inde pour un montant de 12 milliards d’euros, une série de contrats libanais financés par l’Arabie Saoudite pour 3 milliards de dollars, deux satellites espions avec les Emirats arabes unis… Mettons-nous à la place de ces pays, vont-ils s’engager plus loin sachant que ces méga-contrats peuvent être remis en cause du jour au lendemain pour des raisons diplomatiques ?
Car revenons à la source du problème : la Russie n’a pas militairement envahi la Crimée, auquel cas la question pourrait se poser, elle a simplement accepté le rattachement, après un référendum, de cette région très majoritairement peuplée de Russes et arbitrairement annexée à l’Ukraine en 1954. Si les différents diplomatiques, qui font partie de la vie des nations, même lorsqu’elles sont proches, doivent se traduire par des ruptures de contrats d’armement, autant faire une croix sur la capacité exportatrice de notre industrie de la défense ! Et au final sacrifier toute notre filière et perdre notre statut de puissance car, rappelons-le, ce secteur représente 165.000 emplois directs et autant d’emplois indirects, un chiffre d’affaire global de 17,5 milliards d’euros dont environ 30% est réalisé à l’exportation. La France est le quatrième exportateur d’armes mondial, derrière les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie et ce résultat prouve l’excellence de nos industriels, que ce soit nos grands groupes ou notre réseau de PME. Se couper de cette compétition internationale à cause de revirements diplomatiques, perdre nos clients en rompant unilatéralement des contrats pourtant signés aurait des effets destructeurs sur l’ensemble de cet écosystème. Des milliers d’emplois seraient en jeu, mais aussi la place de la France dans le monde.
Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian a fait savoir que « la question de la suspension se posera au mois d’octobre » (date de livraison du premier BPC), « à condition que ce soit dans un ensemble de mesures » prises notamment au niveau européen. Il soumet ainsi la France à une décision prise à Bruxelles, ce qui est tout à fait inacceptable. La réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN en 2009 ne suffit pas, il faut qu’en plus elle fasse dépendre ses décisions de nature militaire de l’Union européenne ! Une UE qui ne possède pas de politique claire au niveau stratégique et demeure surtout inféodée aux intérêts américains (cf le Traité transatlantique), qui est tiraillée entre les intérêts contradictoires de ses membres, et qui s’incarne dans une personnalité controversée, aussi transparente que maladroite, à savoir Catherine Ashton. Et il faudrait que Paris abandonne encore sa souveraineté et se détermine par rapport à cet attelage qui ne sait pas où il va.
Dans ce domaine comme dans les autres, la France doit retrouver son indépendance, défendre ses intérêts stratégiques, penser en termes géopolitiques, dans la longue durée et non pas en fonction des émois soulevés par les journaux télévisés. L’industrie de la défense joue un rôle capital dans notre économie, par la place importante qu’elle occupe, par sa capacité exportatrice, on l’a dit, également par ses recherches en haute technologie qui profitent au secteur civil. Remettre en cause la livraison des deux navires commandés par la Russie reviendrait à se tirer une balle dans le pied, et dans cette optique tous les patriotes doivent clairement signifier au gouvernement qu’il fait fausse route.
Aymeric Chauprade
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jeudi, 15 mai 2014
Dominique Venner: un fabuleux professeur d’énergie…
Entretien avec Jean-Yves Le Gallou
Dominique Venner: un fabuleux professeur d’énergie…
Ex: http://www.voxnr.com
Jean-Yves Le Gallou, vous allez assister, samedi 17 mai à 14 h 30, au colloque consacré à Dominique Venner, à la Maison de la chimie à Paris à l’invitation de l’Association pour l’histoire. Expliquez-nous pourquoi…
Il y a un an, j’ai eu l’honneur, avec Bernard Lugan, Philippe Conrad et Fabrice Lesade, de partager avec Dominique Venner son dernier déjeuner. Je n’oublie pas l’accolade – l’abrazo – qu’il nous a donnée lorsqu’il est parti vers son destin. Ce sont des moments qui marquent un homme pour le restant de sa vie.
Que retenez-vous de Dominique Venner ?
Un grand écrivain. Un historien méditatif. Un professeur d’énergie.
Un grand écrivain ?
Dominique Venner était un merveilleux conteur. Son Dictionnaire amoureux de la chasse, notamment, est admirable. Je le dis avec d’autant plus de force que je ne suis pas moi-même chasseur. Mais on y trouve une formidable leçon sur les relations de l’homme à la nature, à l’animal et aux traditions.
Un historien méditatif ?
Dominique Venner a apporté un regard lumineux sur 30.000 ans d’histoire européenne dans Histoire et tradition des Européens. Avec lui, nous savons d’où nous venons. Et pourquoi nous devons refuser le grand effacement et le Grand Remplacement. « Les racines des civilisations ne disparaissent pas tant que n’a pas disparu le peuple qui en était la matrice. » Pour Dominique Venner, « l’historien méditatif […] [est] créateur de sens, éveilleur de rêves ».
Nous devons aussi à Dominique Venner Le Siècle de 1914, un livre, là aussi, d’une lumineuse clarté. En 1914, l’Europe est une société traditionnelle avec ses monarques et ses aristocrates, ses paysans et ses soldats, tous attachés à leur lignée et aux valeurs d’effort, de courage et d’honneur. Les combats de 1914 industrialisent la mort (80 % de tués par éclats d’obus) et la figure du héros cède la place à celle de la chair à canon. Les grands empires s’effondrent et le chaos s’installe au cœur de l’Europe.
Sur les ruines du monde ancien, quatre idéologies naissent et s’opposent. Le fascisme (que Dominique Venner distingue avec finesse du nazisme), le national–socialisme, le communisme et le wilsonisme, c’est-à-dire le mondialisme anglo-saxon, surgissent de ses décombres et s’affrontent. Les trois premières ont disparu. La quatrième est à bout de souffle. L’empire américain ne sera pas éternel et l’Europe sortira de sa « dormition ».
Reste le professeur d’énergie…
Ce sera le thème du colloque (1) qui se tiendra samedi 17 mai à 14 h 30 sur le thème « Dominique Venner, écrivain et historien au cœur rebelle ». Cela correspond à la réédition de son très beau livre Le Cœur rebelle.
Voici quelques maximes extraites de l’œuvre de Dominique Venner, d’Un samouraï d’Occident, en particulier : « Exister, c’est combattre ce qui me nie », « Une action politique n’est pas concevable sans le préalable d’une mystique », « Être un insoumis : préférer se mettre le monde à dos que se mettre à plat ventre », « Être un insoumis : être à soi-même sa propre norme par rapport à une norme supérieure », « Être un insoumis : veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse », « L’opposant radical doit puiser en lui-même ses justifications, affronter la réprobation générale, l’aversion du grand nombre et une répression sans éclat ». De belles leçons d’énergie, assurément !
Comment interpréter son geste sacrificiel ?
Dominique Venner s’en est expliqué lorsqu’il a déclaré (dans une vidéo aujourd’hui disponible), quelques semaines avant le 21 mai 2013 : « Il est parfois nécessaire que des hommes se sacrifient […], sacrifier sa vie, mettre sa vie en jeu, la sienne, pas celle des autres, sacrifier sa vie pour authentifier ses paroles, créer aussi peut-être un choc. » Ce propos du samouraï d’Occident éclaire aussi son geste : « Si l’emblème des samouraïs est la fleur de cerisier qui tombe avant d’être fanée, ce n’est pas un hasard. »
Vous comprenez cela ?
Oui, lorsque j’étais étudiant, j’ai eu deux « professeurs d’énergie » : Nietzsche et Barrès. Mais avec toujours un peu de gêne pour Barrès. Voilà un homme qui a chanté les valeurs héroïques et qui, à l’aube de la guerre de 1914, s’est engagé à… publier un éditorial par jour. Ce qui lui valut le méchant surnom de « rossignol des cimetières ». Certes, Barrès avait dépassé 50 ans et rien ne l’obligeait à partir sur le front. Mais Émile Driant, député, avait 59 ans en 1914. Il s’est néanmoins engagé et est mort en héros à la tête de ses chasseurs, au bois des Caures, en retardant de manière décisive l’avance allemande sur Verdun.
Je crois que Dominique Venner avait le souci de l’exemplarité, le souci de montrer que ses écrits n’étaient pas des paroles en l’air. C’est aussi pour cela qu’il a choisi de mourir en combattant, à 78 ans.
Un geste qui a pu choquer les catholiques…
Bien sûr. Je le comprends parfaitement. Mais j’ai été frappé par l’empathie qu’ont montrée beaucoup de mes amis catholiques en la circonstance. La difficulté et la force du geste n’ont échappé à personne. Elles ont souligné l’adéquation entre l’homme et l’œuvre. Le cœur rebelle est mort en insoumis. On lit désormais Dominique Venner avec plus de conviction encore : on a la certitude absolue de la vérité de l’homme.
notes |
(1) http://www.dominiquevenner.fr/2014/04/colloque-dominique-venner-ecrivain-et-historien-au-coeur-rebelle-le-17-mai-2014-a-paris/ |
source |
Boulevard Voltaire :: lien
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samedi, 10 mai 2014
Comment l'ONG United Against Nuclear Iran verrouille le marché iranien au profit des États-Unis
Comment l'ONG United Against Nuclear Iran verrouille le marché iranien au profit des États-Unis
Au lendemain du voyage de prospection en Iran organisé par le MEDEF et auquel ont participé plus d’une centaine d’entreprises françaises, l’organisation United Against Nuclear Iran a lancé une campagne de dénonciations et de menaces à l’encontre des principales entreprises ayant participé à ce voyage ( France Campaign ). Cette campagne est une attaque informationnelle, assumée par l’ONG, visant à empêcher toute implantation ou prospection d’entreprise étrangère en Iran dans le but affiché du respect des sanctions internationales imposées à l’Iran. Cependant, à l’heure où l’Iran multiplie les signes de bonne volonté et de coopération à l’égard de la communauté internationale, il convient de décrypter les objectifs réels de cette organisation et son rôle dans la conquête du marché iranien.
L’offensive informationnelle par le biais d’une ONG
United Against Nuclear Iran est une ONG américaine fondée en 2008 en amont de la visite du Président Mahmoud Ahmadinejad au siège de l’ONU. Elle se présente comme une organisation de conseil non partisane à but non-lucratif dont l’objectif premier est de lutter contre l’acquisition par l’Iran de la bombe atomique. Son action vise à sensibiliser sur les risques de la prolifération nucléaire en Iran et à dénoncer les atteintes aux Droits de l’Homme du régime iranien et son financement du terrorisme international. Quatre types d’actions sont principalement menées : soutien aux ONG américaines locales souhaitant mener des actions contre le régime iranien : (« Grassroots advocacy »), lobbying politique et juridique afin de renforcer les lois et sanctions à l’égard de l’Iran (« Legislation »), publication de rapports et de données sur le régime iranien (« Ressources ») et une large campagne contre les entreprises implantées ou cherchant à s’implanter en Iran (« Corporate Campaign »).
Cette campagne qui comprend la « France campaign » actuellement en cours, s’appuie sur le principe d’action «Name and Shame » visant à dénoncer et menacer publiquement toute entreprise implantée ou ayant des projets d’implantation en Iran. Depuis la création de UANI plus de 21 campagnes ont été menées obligeant, selon le site de l’UANI, plus de 50 entreprises à se retirer ou à suspendre leurs activités ou projets d’implantation en Iran dont Shell, Caterpillar, KPMG, ABB, Peugeot, Renault etc. Le mode opératoire de cette campagne consiste à envoyer une lettre personnalisée aux principaux dirigeants des entreprises ciblées et à communiquer publiquement et a posteriori autour de cet envoi. L’argumentaire est toujours le même. Il rappelle les sanctions internationales à l’encontre de l’Iran et dénonce les manquements aux Droits de l’Homme du régime iranien ainsi que les liens et financements de ce dernier au terrorisme international. A travers ce qui peut apparaître comme une diabolisation de l’Iran, l’UANI souligne les risques à la réputation pour les entreprises visées et menace les intérêts et activités de celles-ci sur le territoire américain.
Dans le cadre de la « France Campaign » lancée en février 2014, l’UANI attaque, à l’heure actuelle et selon son site, onze entreprises: Veolia, GDF Suez, Alstom, Alcatel-Lucent, Peugeot, Renault, NFM, Safran, CGA-CGM, Bureau Veritas, Aquiva. Quatre de ces entreprises ont déjà répondu à la lettre dont trois annonçant qu’elles suspendent leurs prospections ou rompent leurs contrats avec l’Iran (CMA-CGM, Bureau Veritas, Safran). Cette ONG est ainsi suffisamment puissante pour parvenir à détourner nombres d’entreprise de leurs ambitions iraniennes.
UANI : Bras armé de Washington ?
Alors que les sanctions contre l’Iran ont été partiellement levées pour une durée de 6 mois le 20 janvier 2014 et qu’un accord définitif sur le nucléaire iranien permettant la levée totale de ces sanctions est attendu d’ici le 20 juillet 2014, les menaces et actions menées par cette ONG sont de nature à ralentir fortement toute pénétration française, et plus largement non-américaine, sur le marché iranien. Cet obstacle affiché pose la question de la partialité de cette organisation et des finalités réelles de son action. A ce titre, certaines sources dénoncent les relations fortes de l’ONG avec l’administration américaine et l’accuse de n’être que le « bras armé » de Washington pour la préservation des intérêts économiques américains en Iran. En effet, la direction de l’UANI est principalement composée d’anciens membres de l’administration Bush et des services de renseignement américains, britanniques et israéliens. Le président, Mike Wallace, est l'ancien ambassadeur des États-Unis à l'ONU, sous le président Georges W. Bush. Parmi les membres de son conseil consultatif, se trouve notamment James Woolsey, directeur de la CIA du président Bill Clinton et sous-secrétaire de l'US Navy sous le président Jimmy Carter; ainsi que Meïr Dagan, chef du Mossad sous trois Premier ministres d'Israël. Par ailleurs, les actions menées dans le cadre de la « Corporate campaign » visent majoritairement des entreprises non-américaines. Enfin, alors que plusieurs entreprises européennes et japonaises ont annoncé leur retrait ou la rupture de leurs contrats et prospections en Iran, certaines entreprises américaines pénètrent et se développent discrètement sur le marché iranien. En effet, alors que Peugeot a dû suspendre, en 2012, sous la pression de l’UANI ses activités avec son partenaire « Iran Khodro », General Motors est entré en contact fin 2013 avec ce même partenaire, « Iran Khodro » et serait, selon des sources locales, en train de négocier des contrats de partenariat pour le marché iranien. De même, le 5 avril dernier Washington a autorisé Boeing à vendre des pièces détachées d’avion de ligne à l’Iran. Boeing serait également en train de se positionner pour le remplacement de la flotte d’Iran Air.
La montée en puissance de l’influence informationnelle
Ainsi, l’ouverture du marché iranien est lancée et apparaît inéluctable. La levée progressive des sanctions ouvre des perspectives pour un marché de 80 millions de consommateurs. Plusieurs délégations européennes (anglaises, allemandes, italiennes, belges….) ont effectué récemment des voyages de prospections en Iran afin de tisser des liens commerciaux en vue d’une levée complète des sanctions. De son côté, l’Iran multiplie les signes de bonne volonté dans la progression des négociations autour du nucléaire. Le 9 avril dernier, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khameni a renouvelé son soutien aux négociations nucléaires et rappelé que la politique irrévocable de la République Islamique est de ne pas posséder d’armes nucléaires. Le 14 avril, en pleine crise ukrainienne, le Premier ministre iranien s’est présenté comme un partenaire potentiel pour les approvisionnements en gaz de l’Europe : « L’Iran peut être un partenaire fiable, sûr et de long terme de l’Europe […] nous avons les réserves énergétiques et nous avons les plans pour une telle coopération ». L’Iran est en passe de devenir non seulement incontournable en raison des débouchés qu’elle offre mais potentiellement stratégique pour l’Europe. La question n’est plus dès lors « doit-on y aller ? » mais déjà « quelle stratégie de développement en Iran ? »1. Or c’est en autre au travers de l’arme informationnelle utilisée de manière directe ou indirecte par les sphères économique, politique et sociale que se joue d’ores et déjà la partition du gâteau économique iranien.
- Source : Infoguerre
00:05 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, iran, europe, états-unis, affaires européennes, france, guerre informationnelle, guerre économique, ong | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La démocratie fatiguée: quelles solutions?
Etienne Chouard /
David Van Reybrouck
La démocratie fatiguée: quelles solutions?
Les associations constituante.be et grappe ont organisé ce vendredi 18 avril 2014 au sein de l’Université Libre de Bruxelles une rencontre-débat entre le français Etienne Chouard et le belge David Van Reybrouck.
La conférence, intitulée « La Démocratie fatiguée : Quelles solutions ? », a connu un très grand succès avec un peu plus de 300 personnes venus écouter, mais aussi participer à ce débat. Les deux invités – qui se connaissaient mais se voyaient pour la première fois -, nous ont fait partager un savoureux moment où chacun questionnait l’autre tout en faisant avancer le débat.
Cette conférence fera partie d’une des plus passionnantes qui nous aura été donné de voir sur la démocratie participative et le tirage au sort.
A diffuser très largement (tel un Gentil Virus !)
PS : La seconde partie, avec les questions du public, sera publiée dans les prochains jours.
E.I. Anass
00:05 Publié dans Actualité, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, france, belgique, europe, affaires européenne, démocratie, démocratie participative, théorie politique, politologie, sciences politiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook