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jeudi, 09 novembre 2017

Suffisante Catalogne pleine d’insuffisances. Jusqu’où ira le bluff catalan?

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Suffisante Catalogne pleine d’insuffisances. Jusqu’où ira le bluff catalan?

par Gustin Sintaud

Ex: https://metamag.fr

Aujourd’hui, l’extravagante fuite très léninienne  de Carles Puigdemont, accompagné de certains de ses ministres, ne serait-elle pas d’une intelligence rouée ? Le chef suprême de l’irréelle république catalane, pseudo-libérée de la tutelle de l’État Espagnol, a-t-il, par cette dérobade, stoppé le rêve séparatiste catalan, ou plutôt jusqu’à quand ?

Pour éviter une poursuite judiciaire pour sédition et rébellion à son encontre et échapper, de sa retraite belge, à un légal procès pour ses délictueux agissements, le madré meneur de toute cette agitation, préfère se soustraire à ses responsabilités : pas fou le stratège à l’aspect minable d’un petit bureaucrate sans relief !

Certes, il n’a rien du tribun persuasif, ni d’un charismatique meneur d’hommes, mais ne nous trompons pas, le rusé est un fieffé manipulateur ! De sa quiète retraite, ce fade personnage poursuit méthodiquement son combat occulte et cherche à peaufiner une stature de révolutionnaire vertueux, quand il affirme n’agir ainsi qu’en toute bonne foi pour vouloir absolument éviter d’éventuelles suites violentes au processus qu’il a généré et amené, jusqu’ici sans grand risque, à ce point de grave rupture.

On pourrait le lui reprocher, si ce n’était qu’astucieux prétexte, de l’énoncer trop tardivement, après n’avoir cessé de jeter de l’huile sur le brasier qu’il a consciencieusement allumé et minutieusement attisé. Comment s’est-il drapé dans un accoutrement de pure et noble démocrate ! Fort de ce trouble bon droit, il va même jusqu’à affirmer perfidement son accord pour les élections proposées pour le 21 Décembre 2017 par l’exécutif madrilène dont il promet même d’admettre la sentence populaire ; mais, par ailleurs, il continue de se retrancher derrière l’incontournable résultat très contestable du référendum du 1er octobre qu’il avait organisé fort litigieusement de son propre chef. De là- bas, bien tranquille le drôle , il sera toujours prêt à parler et agir, soit pour en profiter si cela le conforte, soit pour en contester la validité : à l’abri, il se tient en vaillante réserve.

Mais pour bien percevoir l’esprit de cet agenceur tortueux, il suffit, pour ne point se laisser trop abuser par son doux machiavélisme, d’ausculter les tenants du système qu’il a patiemment suggéré et dont il use, depuis le début, pour pouvoir animer le problème catalan si déstabilisant.

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On s’est efforcé, sous sa baguette de chef d’orchestre, de créer un fausse réalité car totalement dépourvue de solides fondations ; pour compenser cette légèreté remarquable, il faut mentir effrontément, tricher sans le moindre soupçon de probité : la catalogne chérie par une bande de militants peut scrupuleux, comment aurait-elle sa vérité encensée ? Sur quoi s’est -on appuyé pour la stipuler ? Qu’en est-il vraiment de cette histoire revendiquée, de ce peuple catalan ayant la prétention au droit de disposer de lui-même, et de cette nation si mise en avant ? Que savoir aussi sur cette langue catalane comme exclusive et suffisante spécificité ?

Les derniers bonshommes cathares, pourchassés dans le royaume de France, avaient le réflexe de se réfugier au-delà des Pyrénées. Ils y trouvaient accueil sympathique, amitiés protectrices auprès d’une population « cousine » par sa façon de vivre, de semblable mentalité, et surtout dont-ils partageaient totalement le moyen oral de communication usuelle, le même dialecte de langue d’oc.

Ce langage commun était un dérivé de la koïné d’oc du XIIIe siècle ; il s’utilisait quasi uniformément depuis le territoire qui devint l’espace catalan français par le traité des Pyrénées de 1659, et surtout le nord-est de la péninsule ibérique jusqu’à Elche, comme l’atteste toujours le dialecte patoisant valencien.

Le parlé courant aujourd’hui, plus en Catalogne espagnole que Française, est toujours assez proche de ce dialecte d’oc médiéval, même s’il s’est quelque peu distancé de l’actuel occitan moyen, comme l’a toujours affirmé feu le Professeur Robert Laffon grand spécialiste de la langue occitane, animateur charismatique de l’IEO (Institut d’Etudes Occitanes), et expert reconnu de tous le dialectes et patois d’oc. Ce langage sert toujours, plus ou moins harmonieusement, dans les échanges quotidiens, avec le Français en Pyrénées orientales et Cerdagne en territoire Français, et avec le Castillan en catalogne hispanique et un peu plus au sud.


L’usage de ce moyen de communication vernaculaire semble l’argument le moins contestable pour être brandi comme l’élément le plus manifeste d’une unité catalane. Est-il suffisant pour donner tout son sens et sa crédibilité à une nation à par entière ? Depuis quand la réalité linguistique serait-elle seule déterminante pour signifier une nation ? Bien d’autres paramètres, qui doivent lui être associés, semblent tout aussi indispensables : une probante spécifique culture doit tout autant se partager, comme il faut qu’une histoire reconnue comme constituante puisse animer la juste volonté nationale d’une population.

Cette Catalogne qui exige bruyamment et véhémentement son indépendance pour s’extraire de l’Espagne et en divorcer constitutionnellement , ne veut plus se contenter de la large autonomie qu’elle acquit en 1979, comme la lui avait consenti la constitution Espagnole d’après Franquisme de 1978. Celle-ci lui abandonnait toute latitude pour décider et gérer son éducation, sa santé publique, son économie, une large part de son administration, jusqu’à lui permettre une police régionale propre.

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La Catalogne de Puigdemont affirme donc son idée de nation catalane, accomplie pour prétendre à l’indépendance pleine et entière, en commençant par se référer à la constitution de l’Espagne, en ce qu’elle précise que l’État espagnol intègre la « nation catalane ». Que dire de cette argutie qui utilise abusivement à son avantage un terme utile lors de la rédaction d’un ensemble, alors qu’elle ne veut rien reconnaître du tout dont elle le tire ?

Cette discutable prétention de pseudo-nation par ses instigateurs n’en n’est pas à un paradoxe près : leur Catalogne séparatiste, indépendantiste ne se proclame et ne se reconnaît que selon des dispositions espagnoles. Ainsi se satisfait-elle pour son territoire propre des quatre seules provinces administratives que l’État espagnol lui a concédées : celles de Barcelone, de Gérone, de Lérida, et Tarragone …., exit tout ou partie du Levant, malgré toute son ancienneté catalane et son parlé valencien …

De même, comme il ne suffit pas de clamer l’existence d’une histoire catalane efficiente pour lui accorder une plus notable ancienne réalité que sa récente historicité référentielle ; et le délégué pour la catalogne en France a beau assurer les « dix siècles de l’histoire de la catalogne » sur LCI, le 19.10.2017, il ne fait qu’agiter une contre vérité comme assertion non contestable.


Après avoir fait partie de la province ibérique de l’Empire romain, sans statut particulier, elle servit de marche francque jusqu’au IXe siècle, toujours sans notable particularité. Son territoire actuel fut ensuite conquis et occupé par les Wisigoths, puis elle devint dépendante, comme presque toute la superficie de la péninsule ibérique, des envahisseurs arabo-maures, servant alors surtout de base arrière pour raids et razzias de ces Mahométans sur le sud de l’ex Galo-romania.

Ce n’est qu’en 1137, après le début de la Reconquista qu’elle fut annexée au royaume d’Aragon où elle se fondit, alors qu’une part faisait partie de celui de Majorque de 1276 à 1344. Le traité de Pyrénées de 1659 amputa la zone de parlé catalan de son espace transpyrénéen que le roi d’Espagne céda au royaume de France.

Comme tous les corridors géographiques pratiques pour passages, souvent axes faciles pour invasions successives, la catalogne n’exista jamais réellement comme ensemble politique ni entité spécifique ; elle ne fut qu’un territoire peu précisément défini, diversement occupé et gouverné, rarement unitairement.

Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que la partie ibérique catalane, après un remarquable essor économique, aurait pris conscience de sa nouvelle dimension. Elle put entrevoir de réelles intéressantes possibilités qui, associées à de réelles caractéristiques linguistiques et ethniques, ont certainement engendré des balbutiements de prétentions d’autonomie et d’aspirations à plus de liberté. Celles-ci se seraient déjà manifestées durant l’intrusion armée française de Louis XIV en « 1756 ».

Dès lors, étape par étape, la velléité de se prendre librement en charge se développa systématiquement, tout d’abord en privilégiant le catalan comme aspect linguistique déterminant, c’était sa revendication première. Toutes ses manigances impérieuses parvinrent à l’obtenir comme langue officielle en 1967 ; elle avait été revendiquée fortement mais vainement, tant auprès de la république du Frente popular, alors que catalogne et Barcelone se révélaient des centres actifs républicano-anarchistes, que sous la moins condescendante autarcie franquiste si vilipendée : ces deux types totalement différents de gouvernances tout autant unionistes espagnoles, avaient pressenti avec détestation, sous ces futiles revendications, une toute autre détermination de sécession, bien plus profonde, viscéralement destabilisatrice.

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Par- delà tous ces subterfuges pour obtenir tout en excitant et gagnant une population en mal de reconnaissance, et particulièrement inquiétée par les secousses espagnoles d’un crise économique et financière mondiale sauvage, les instigateurs veulent exacerber les revendications primaires en argumentant avec insistance sur la réussite économique et financière exceptionnelle de leur Catalogne, utilisée abusivement par une Espagne centraliste plus nécessiteuse. Ce type de propos incendiaires en un si morose climat général qui ne connaît que balbutiante et très incertaine reprise de sortie de crise, ne permet guère de rêver autrement qu’à travers la bien facile émancipation proposée. Pour cette population habilement aiguillonnée de la sorte, il ne peut plus être question de nationalisme espagnol, et moins encore d’une nécessaire solidarité.

Il est vrai qu’avec son agriculture variée de belle performance, une industrie moderne efficace, une croissance économique appréciable, à plus de trois points, une infrastructure auto-routière, routière, et ferroviaire bien modernisée, des ports de pointe, un niveau de vie moyen à l’égal de ceux des nations européennes les plus dynamiques, bien supérieur à celui de tout le reste de l’Espagne, la population de Catalogne, ne retient rien d’autre que ces atouts, si bien qu’ainsi obnubilée, elle ne peut ni percevoir ni comprendre tous les avantages et bénéfices que sa Catalogne, intégrée à l’Espagne, et grâce à celle-ci, à l’Union européenne, tire de son actuelle situation.

Que l’on se défie, avec raison des États-nations pour un avenir plus performant de l’Europe politique, que l’on ait aussi bon droit de rêver d’une Europe fédérale des régions comme plus vraie, plus juste et plus forte des réalités populaires qui la composeraient, dans tous les cas, ces options s’attachent à une commune démarche identitaire ; cela ne se constate pas du tout dans l’agitation catalane actuelle, sinon peu franchement, ou bien fourbement.

Dans son très utilitaire attachement au respect démocratiste à la mode de la bien pensance, surtout pour faire apprécier le score en faveur de l’indépendance comme seul acceptable objectif, l’ayant droit à un bulletin de vote dans l’urne référendaire s’est défini en personne majeure oeuvrant en sol catalan. Ce qui signifie que les penseurs de la future république catalane n’ont cure de véritable identité toute catalane, puisque leur citoyen de plein droit futur serait quelles que soient ses origines nationales ou ethniques, quelle que puisse être sa langue parlée, sa suffisante connaissance du catalan, son ancienneté participative dans le champ culturel purement catalan… C’est exactement conforme à la nouvelle tendance moralisatrice de juger politiquement incorrect concevoir quelque vérité fondatrice à la notion d’identité populaire stricte ; il faut assurément lui préférer un virtualité de faits sans rappel de racine ou âme particulière !

Dans ce cas catalan, on se prévaut d’identitarisme revendicatif seulement pour donner force à une contestation courbe, alors qu’on se moque profondément de sa propre identité. Alors suffira-t-il de préférer le symbole de l’âne catalan, à afficher ostensiblement, à celui du torro bravo espagnol, pour être reconnu comme pur Catalan séparatiste, que l’on soit tout autre, même noir ou marron… (on avait déjà, par autoritaire décision de l’exécutif et du législatif catalans, pour se couper résolument du culturel hautement espagnol, interdit la corrida dans toutes les places de tous le villages et de toutes les villes catalanes, et ainsi sanctionné comme ignoble collaborateur le séculaire et vivant aficion catalan!) . Dans cette très spécieuse dynamique, il est gentiment envisageable d’imaginer une perceptive républicaine où pourraient être proscrits flamenco et sévillanes pour n’être tolérées que sardanes !

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Regretté Salvador Dali, marquis Grand d’Espagne, tout aussi illustre et fier catalan, peintre génial célébrateur tant de l’Espagne que de votre Catalogne natale, vous qui gisez sous votre dalle mortuaire de votre musée voulu par vous à Figueres, tout proche de votre chère résidence de Purto Llegat sur le cabo Creus, vous devez vous insurger dans votre fosse, en constatant tout ce remue-ménage , et ces grotesques manifestations d’un pseudo-peuple catalan indépendantiste, agitations absurdes , dangereuses revendications, telles celles du CUP. ce petit parti ultra d’extrème gauche. Il est à penser que votre collègue illustre peintre, Pablo Picasso, lui le contestataire espagnol intransigeant, ne comprendrait rien non plus à cette démarche insensée de sécession. En définitive, ne doit-on retenir, qu’à partir d’une indéniable originalité catalane dans le royaume espagnol, l’idée de l’existence d’un peuple catalan homogène, absolument déterminé à promouvoir l’idéologie minoritaire de politiques rouées et de groupes de pression intéressés et cupides, est fallacieuse !

Mais quand bien même tous les vrais Catalans soutiendraient le retors Puigdemont et sa clique hétéroclite mais décidée à gérer une Catalogne indépendante et républicaine, et auraient voté en faveur de son indépendance, la seule volonté populaire n’a jamais attesté seule d’une nation, sauf dans l’inepte conception du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », qui brilla pour accompagner les décolonisations ! Ici n’ont plus, point de génération spontanée acceptable, n’en déplaise au grand prestidigitateur et vrai apprenti sorcier, Carles Puigdemeont, comme à ses intraitables collaborateurs, entre autres les deux Jordi : Sanchez et Cuixart, qui ont précédé en prison espagnole, le vice- président du gouvernement de la Généralitat de Catalogne et tous ses ministres restés en Espagne, à l’inverse du fourbe enfui à l’étranger, qui préfère, à l’ombre carcérale, la lumière médiatique dont-il sait utiliser toutes les possibilités.

Puigdemont sait parfaitement qu’encore ni l’Espagne ni l’Europe ne peuvent le suivre, avec le plus petit soupçon d’intérêt ou de complaisance. Sa tentative de démolition programmée déstabilise un trop fragile équilibre devenu quasi-naturel et vital ; tout autant le succès de sa démarche bousculerait un quiétude difficilement acquise entre véritables et stables Etats-Nations d’Europe, pacification bien déréglée déjà par les régionalismes libérés dans les Balkans lors de l’implosion de l’ex-Yougoslavie, et sapée particulièrement avec l’insensée reconnaissance du Kosovo.

Aucune identité régionale même bien réelle, forte, pleine ne supporte agréablement le carcan d’un État-nation trop centralisateur, mais Basques de part et d’autre de la frontière franco-espagnole, Corses, Bretons même les plus bretonnants, Ecossais, Flamands de Belgique, Lombards et Vénitians de la ligue du nord en Italie…. ne peuvent s’extraire de l’actuel système politique européen, peu confortable pour eux et bien d’autres, fort critiquable somme toute, sans ébranler dangereusement l’ensemble. Presque toute l’Europe l’a clairement signifié en soutenant l’intraitable réaction de Mariano Rajoy qui venait de recevoir en outre l ‘approbation de ses opposants : P.S.O.E. , Podémos, Ciudadamos.

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En jouant avec le feu, Puigdemont a bien déstabilisé l’économie catalane, si flambante il y a peu ; elle commence même à vaciller sérieusement avec le risque de sortie du confort d’avant l’idée d’indépendance et de sécession. S’il espère encore, malgré cet avertissement, arriver à ses fins tortueuses ce sera la preuve du nihilisme à peine et mal dissimulé de la folle programmation de son passage en force, énorme coup de bluff comme au poker menteur avec peuple, histoire et nation catalans totalement préfabriqués et ne servant qu’à dissimuler autres objectifs et prétentions moins avouables.


Même si l’on peut croire, avec le politologue Fernendo Vallespin que : « Puigdemont joue plus à capter l’attention médiatique qu’à échapper à la justice », on le suivra encore plus quant il écrit : « c’est une guerre médiatique, le récit de la Généralitat à été d’essayer de présenter l’État espagnol comme un état oppresseur. », afin de tout circonscrire de l’honnêteté des partisans de l’indépendance catalane à tout prix.

« L’ingénuité » de Puigdemont, selon l’ex-ministre des entreprises du gouvernement catalan, Santi Villa cacherait-elle un manque « d’intelligence politique » de ce prince de luminosité tamisée . En cela, il est permis d’en douter !

vendredi, 03 novembre 2017

Stolypine l’incompris

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Stolypine l’incompris

Article rédigé le 14 septembre 2017, anniversaire de l’attentat contre Stolypine qui mourra le 18 septembre 1911 des suites de sa blessure.

Dans le numéro 74 de la revue « Cahiers du mouvement ouvrier », une intéressante interview de Jean-Jacques Marie, son directeur de publication, à l’occasion de la parution de son livre, « La Guerre des Russes blancs (1917-1920) ». Jean-Jacques Marie est l’auteur d’un autre livre sur cette guerre, « La Guerre Civile russe (1917-1922). Armées paysannes rouges, blanches et vertes ». Il a tenu à prolonger cette étude en calant cette guerre non plus entre 1917 et 1922 mais entre 1917 et 1920, et il précise pourquoi.

JJM-RB.jpgDe fait, cette guerre se prolongea bien jusqu’en 1922 ; mais en 1920, la dernière armée de Russes blancs, celle de Wrangel, est battue et quitte la Crimée. Il reste certes des bandes armées mais plus d’armées. Les puissances étrangères qui soutiennent les Russes blancs l’ont compris, à commencer par la France et la Grande-Bretagne qui aident les forces de Wrangel à fuir avant d’abandonner le terrain et de remplacer sans tarder la pression militaire par la pression économique. Les techniques de combat sont rudimentaires et le grand nombre de victimes (environ quatre millions cinq cent mille) est beaucoup plus le fait des épidémies de typhus et de choléra, sans compter l’absence presque totale de soins pour les blessés, que des combats eux-mêmes. Il faudrait par ailleurs évoquer le rôle de la Légion tchécoslovaque (entre trente et quarante mille hommes), d’anciens prisonniers de guerre de l’armée austro-hongroise.

Dans cette dernière étude, Jean-Jacques Marie écrit que Lénine était prêt à accepter un « Brest-Litovsk de l’intérieur », qu’à la mi-janvier 1919 Lloyd George et le président Wilson avaient proposé une conférence rassemblant les représentants des diverses forces en présence en Russie, dont les bolcheviks. Lénine commence par repousser plutôt sèchement cette proposition. Un mois plus tard, il est inquiet de la double offensive alors victorieuse de Koltchak à l’Est et de Denikine au Sud et se montre prêt à l’accepter. L’envoyé du président Wilson avait proposé un armistice entre les forces combattant en Russie, armistice suivi d’une conférence, armistice qui s’accompagnerait d’un statu quo : chaque force conserverait son territoire au moment de la signature, le blocus du pays serait levé et tous les gouvernements russes se reconnaîtraient responsables des dettes de l’Empire. Lénine est donc prêt à signer un Brest-Litovsk de l’intérieur avec Denikine et Koltchak qui, sûrs de leur victoire, refusent de traiter avec ces bolcheviks qu’ils méprisent. Nous sommes en 1919. En novembre 1920, Lénine dira : « Il y a dix-huit mois nous voulions signer une paix qui accordait une immense partie du territoire à Denikine et Koltchak. Ils s’y sont refusés et ils ont tout perdu. »

Jean-Jacques Marie avance des explications pertinentes sur les causes de la défaite des Russes blancs, des causes que Denikine formule (implicitement) dans un livre de quelque deux mille pages consacré à cette guerre civile.

Cette période de l’histoire de la Russie me conduit à la période qui l’a immédiatement précédée, avec une figure centrale bien oubliée, injustement oubliée : Stolypine.

Stolypine m’intéresse depuis longtemps, comme m’intéresse depuis longtemps Miguel Primo de Rivera, deux hommes tragiques, soit des hommes de bonne volonté restés incompris de tous et oubliés. Stolypine est encore perçu comme un défenseur de l’ordre ancien. Il est vrai que sans son action, le pouvoir tsariste aurait probablement disparu dès les années 1905-1907…

On oublie (à moins qu’on ne veuille le reconnaître) que Stolypine fut aussi un réformateur, et pas un timide. Il fut détesté des révolutionnaires (car monarchiste) et des conservateurs (car réformateur). Il fut un homme de terrain ; il parcourait les campagnes, entrant en relation directe avec les paysans. Tout en s’efforçant de remettre de l’ordre, et d’une manière forte, en tant que ministre de l’Intérieur puis en tant que Premier ministre, il s’attela à une réforme fondamentale de la propriété paysanne et à la transformation de l’autocratie en un type de gouvernement ouvert à la représentation populaire. Il envisageait la Douma comme nécessaire au fonctionnement du Gouvernement.

Ce gentilhomme rural avait une vision ample et précise de la société russe, une société composée d’une énorme masse paysanne à peine sortie du servage et dispersée sur un territoire immense. Au sommet, une aristocratie plutôt occidentalisée et peu soucieuse des affaires du pays. Entre les deux, un énorme appareil administratif, inerte et diversement corrompu. La structure même de cette société la faisait osciller entre l’autocratie et les désordres extrêmes.

Stolypine empruntait aussi peu que possible les couloirs des administrations et il détestait la paperasserie. Il avait compris que dans ce pays essentiellement paysan, l’amélioration de la société dans son ensemble passait par une profonde réforme agraire.

Vyacheslav_von_Plehve.jpgPeu après sa nomination en 1904 comme gouverneur de la province de Saratov, le ministre de l’Intérieur Viatcheslav Plehve (photo) est assassiné. L’année suivante le général Viktor Sakharov est victime d’un attentat chez Stolypine, Stolypine qui a déjà échappé à trois tentatives d’assassinat, sans compter les courriers anonymes menaçant jusqu’à ses enfants.

Stolypine n’hésite pas à s’adresser directement aux émeutiers, sans arme et en laissant derrière lui l’escorte des Cosaques. Les récits de sa détermination et de son courage deviennent un sujet de conversation à la cour du tsar. Le 9 mai 1906, à la veille de l’ouverture de la première Douma, Nicolas II le nomme ministre de l’Intérieur dans un pays en proie à des violences qui ne cessent de se multiplier. Cette Douma incapable de gouverner est dissoute le 9 juillet 1906. Les violences se multiplient. Le 12 août 1906, une explosion détruit une partie de la résidence de Stolypine à Saint-Pétersbourg, tuant et blessant près de soixante personnes, parmi lesquelles sa fille qui restera infirme. Dans les campagnes sévissent des bandes armées. La deuxième Douma se réunit en février 1907. Elle se montre encore plus impuissante que l’autre face à la virulence des partis révolutionnaires, des partis qui avaient pu participer en toute légalité aux élections. Le 16 juin 1907, elle est dissoute. La troisième Douma est élue en novembre 1907, avec cette fois un système électoral capable de lui donner une majorité de gouvernement.

Contrairement au tsar et à une partie de l’aristocratie, Stolypine apprécie et défend la vie parlementaire. Il participe avec entrain aux débats pour s’expliquer sur sa politique. Il sait par ailleurs que le travail parlementaire est un moyen de former d’authentiques hommes d’État, des hommes dont manque tant la Russie.

La dissolution de la deuxième Douma correspond à une baisse de l’activité révolutionnaire (commencée en janvier 1905). L’arrestation de leaders ne provoque aucune réaction dans la population. A partir de 1908, les grèves deviennent fort rares. Les effectifs des partis révolutionnaires, considérables après 1905, fondent. Lénine, inquiet, observe le succès des réformes menées par Stolypine, l’amenant même à envisager de renoncer à tout programme agraire. Sur le site AgoraVox, un article signé « Le pire cauchemar de Lénine » et signé Yannick Harrel, un cauchemar qui portait un nom : Piotr Stolypine :

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/l...

Le tsar lui-même est subjugué par l’énergie de son ministre dont il soutient les réformes, comme celles du 9 novembre 1906, du 14 juin 1910 et du 29 mai 1911 qui élargissent les possibilités de sortir du mir, une communauté villageoise où tous vivent pour tous dans un système de mutualisation du travail et de la production. Jusqu’à la Révolution d’Octobre, neuf millions de paysans deviennent propriétaires de leurs terres et leur rendement va vite s’avérer bien supérieur à celui des terres gérées par le mir. Et ce sont eux, les koulaks, que les bolcheviks réduiront méthodiquement, implacablement. Koulak, une accusation qui suffira à vous condamner à mort, à la prison ou à la déportation et dès la fin des années 1920. En 1917, les bolcheviks avaient commencé à faire d’eux des boucs-émissaires, une image de propagande qu’ils ne cesseront d’amplifier jusqu’à la liquidation de ces « ennemis de classe », de ces « exploiteurs ». Le tsar soutient son ministre dont les réformes déplaisent à nombre de grands aristocrates. Mais Stolypine a d’autres ennemis, plus dangereux, notamment chez les Cent-Noirs qui jugent que la popularité de Stolypine porte préjudice au tsar en personne.

Ce qui suit est sombre, sordide même en regard de l’œuvre de modernisation accomplie par Stolypine, une œuvre qui n’en était qu’à ses débuts et qui aurait probablement pu éviter la Révolution d’Octobre et la venue au pouvoir des Bolcheviks.

raspoutine6.jpgL’impératrice devint peu à peu implacablement hostile à Stolypine, une hostilité sur fond d’hémophilie, celle de son fils, un secret qui ne sortait pas du cercle étroit de la famille impériale et dont Stolypine ne sut jamais rien, ce qui lui rendit incompréhensible et insupportable la présence de Raspoutine au Palais, Raspoutine dont il ignorait les pouvoirs de thaumaturge. L’eût-il su, il aurait sans doute agi autrement. Il se montrait avant tout soucieux de la réputation de la famille impériale, une réputation qui se dégradait avec la présence de Raspoutine considéré comme un débauché, une rumeur dont le bien-fondé n’a pas été établi. Quoiqu’il en soit, Stolypine était sensible à cette rumeur qui se répandait, et il chargea le colonel Guérassimov, responsable de l’Okhrana, de lui faire un rapport sur ce personnage, un rapport peu favorable qu’il présenta au tsar qui en prit connaissance sans lui donner suite et en continuant à taire la maladie de son fils. Stolypine prit alors la décision de faire éloigner Raspoutine de Saint-Pétersbourg, une mission qu’il confia au colonel Guérassimov. L’impératrice protesta mais le tsar refusa de désavouer son ministre ; et elle se mit à haïr Stolypine en qui elle vit celui privait son fils ce qui le maintenait en vie.

La tragédie de Stolypine a plusieurs noms, l’un d’eux est Raspoutine. Raspoutine et ceux de son cercle décident d’écarter le colonel Guérassimov et de le remplacer, avec l’appui de l’impératrice, par le général Kourlov qui avait été gouverneur de Minsk lors des pogroms de 1905 et qui n’avait rien fait pour s’y opposer. Cet homme sans principe n’est soucieux que de son avancement.

Autre nom de la tragédie Stolypine : Dmitri Bogrov, indicateur de police chevronné et… révolutionnaire exemplaire. J’ai lu que par cet acte il voulait venger la mort des Juifs victimes de pogroms, mais aussi qu’en bon révolutionnaire il voulait empêcher toute réforme « bourgeoise » et, de la sorte, hâter la révolution et sa violence. On a également dit qu’il aurait bénéficié (à son insu) de l’appui d’éléments de l’Okhrana hostiles aux réformes agraires de Stolypine et à son parlementarisme. Les hypothèses continuent à faire la ronde, avec, bien sûr, celles qui flirtent plus ou moins ostensiblement avec la théorie de la conspiration (ou du complot). A l’appui de cette théorie, l’extrême rapidité du jugement et de l’exécution de l’assassin ainsi qu’une enquête ajournée sur ordre de Nicolas II en personne.

Kiev, 14 septembre 1911. Stolypine accompagne le tsar pour célébrer des actes officiels. Le général Kourlov qui est en charge de la sécurité et qui a fait converger vers Kiev quelque deux mille policiers et gendarmes afin de renforcer les effectifs locaux n’a pas cru bon d’affecter un seul de ses hommes à la protection de Stolypine, alors que le risque d’attentat est jugé élevé.

Bogrov1910.jpgSoirée du 14 septembre. Dmitri Bogrov prétexte un attentat en préparation dont il démasquera sur place les suspects, un coup de bluff. Ainsi obtient-il une invitation délivrée par l’Okhrana. Il atteint Stolypine sans peine, d’une balle dans la poitrine. Il mourra quatre jours plus tard, le 18. Dmitri Bogrov venait d’assassiner un homme qui s’était employé à alléger la législation contraignante qui pesait sur les Juifs de l’Empire.

Les Russes ne comprirent probablement pas qui ils perdaient. On avait probablement mieux compris la valeur de cet homme à l’étranger, car l’activité considérable de Stolypine ne s’était pas limitée à la politique intérieure. Son ministère avait connu la crise bosniaque, en 1909. Il avait réussi à préserver la paix en obtenant de la Serbie qu’elle négociât avec l’Autriche-Hongrie, affermissant ainsi les relations avec l’Allemagne sans compromettre celles avec la France. Je crois pouvoir affirmer sans forcer la note que cet assassinat fut l’une des causes de la Première Guerre mondiale.

Stolypine est boudé par nombre d’intellectuels « distingués », et déjà parce que Soljenitsyne l’admirait et pour diverses raisons. Concernant les motivations de l’assassin Dmitri Bognov, Soljenitsyne en avance deux principales :

1 – Les réformes de Stolypine, notamment les réformes relatives à la question agraire, risquaient de porter préjudice à la vigueur révolutionnaire en Russie, une appréciation courant chez les révolutionnaires d’alors.

2 – Le deuxième motif invoqué par Soljenitsyne me semble plus contestable, et même tiré par les cheveux. Selon lui Dmitri Bognov jugeait que Stolypine était antisémite, non parce qu’il avait pris des mesures dans ce sens (rappelons que Stolypine voulait débarrasser son pays des entraves que la loi plaçait autour des Juifs) mais parce qu’il se préoccupait exclusivement de promouvoir la nature russe de l’État (?). Il me semble que Soljenitsyne donne trop d’importance au mobile juif de l’assassin. Je m’empresse de préciser qu’à aucun moment Soljenitsyne n’attaque l’assassin parce qu’il est juif, accusant ainsi « les Juifs » d’être responsables de la mort de Stolypine, comme le fait ouvertement Holodomorinfo.com, un site particulièrement délirant revêtu des oripeaux d’une vaste pseudo-culture.

Olivier Ypsilantis  

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500 jaar Untergang des Abendlandes

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500 jaar Untergang des Abendlandes

door Rik Van Goor

Ex: http://www.novini.nl

Gisteren zou precies vijfhonderd jaar geleden de Reformatie hebben plaatsgevonden. Het begin zou het apocriefe spijkeren van 95 stellingen op de deur van de slotkapel van Wittenberg zijn geweest, door een zekere Maarten Luther. Zoals gezegd, de gebeurtenis is apocrief. En zelfs het aantal stellingen wordt betwist. Immers, de eerste versie, die van de 95 stellingen kon nauwelijks ‘protestants’ worden genoemd, zodat men de radicalere en latere versie, die van 97 of zelfs van 99 stellingen liever voor ogen houdt in de kritiek op de katholieke Kerk van toen en van nu.

Dat we vandaag de dag zo uitgebreid stilstaan bij een ‘reformatie’ van vijfhonderd jaar geleden is onderdeel van een ziekte die sinds de negentiende eeuw over ons is gekomen en die door de historicus Eric Hobsbawm werd aangeduid met de term ‘invented tradition’: uitgevonden of geconstrueerde traditie. In elkaar geknutseld om volkeren en culturen een (alternatieve) identiteit te verschaffen. Niet alleen om ze steeds te laten stilstaan bij een verleden, maar ook om ze zo te doen beseffen hoe ver vrijheid, vooruitgang en ontwikkeling zijn voortgeschreden om ons te bevrijden van achterlijkheid, middeleeuwsigheid en allerlei kwaad.

Volksliederen werden gecomponeerd, feestdagen ingevoerd en in Nederland werd een term als de Tachtigjarige Oorlog geïntroduceerd door de liberale historicus Robert Fruin. Sprookjes van burgerlijkheid, Hollandse koopmansgeest en een ‘Gouden Eeuw’ werden via school en academie en protestantse kansels over de hoofden van het volk heengegoten.

In Duitsland deed men daar niet voor onder. En één van de sprookjes die men daar formuleerde was die van ‘het protestantisme’. Waar in de zestiende en zeventiende eeuw lutheranen, calvinisten en doopsgezinden elkaar als ketters beschouwden en verder geen enkele belangstelling in elkaar hadden, kwamen de liberale theologen met de vlag ‘protestantisme’. In de oorlog tegen de katholieke Kerk werden lutherse en calvinistische ‘protestanten’ samengesmeed tot ‘protestanten’ die tezamen het nog verse nationalisme, liberalisme, de vooruitgang en Pruisische hegemonie moeten vooruitstuwen en versterken. Een klimaat werd geschapen waarin de geschiedenis werd gezien in een opgaande lijn, via het achterlijke jodendom (de term ‘woestijngodsdienst’ werd toen gemunt), via het achterlijke katholicisme naar het superieure cultuurchristendom van het moderne protestantisme.

Wat is en wat was protestantisme? Eigenlijk niets substantieels. Het is vooral een term die aanduidde en aanduidt wat men níet wil zijn: Rooms-katholiek. Het is zoals met ‘atheïsme’: men formuleert de eigen positie c.q. identiteit met datgene waar men tegen is, namelijk het godsgeloof dat men verwerpt. Of een nog actueler voorbeeld is een term uit de transgenderbeweging: ‘non-binair’: men is geen van beide (man of vrouw) en dat is dan de ‘seksuele’ identiteit. Zo is het ook met protestantisme: men is iets niet, en alles wat fout is projecteert men op dit grote ‘Niet’ om zo alles wat goed is zichzelf toe te eigenen.

De keuze voor Luther is niet slechts historisch bepaald. Ironisch genoeg laat ze zien hoe moderne ‘protestanten’ zijn vervreemd van hun werkelijke traditie, zoals die van het calvinisme. Een keuze voor Luther bevestigt de streep die menig ‘protestant’ door zijn of haar eigen geloof heeft gezet. Het is tevens een streep door de afzwakkingen van latere lutheranen, zoals Melanchton, van de leer van Luther die zelfs voor hen te gortig was.

En Luther was gortig. Het verstand was volgens hem een ‘hoer’, er is geen goede schepping of zoiets als scheppingsordeningen of natuurwetten die het goede leven in zich bergen. Er is geen universele Kerk of Europese geloofsgemeenschap: er is geen Avondland. Er zijn slechts subjecten die zich moeten onderwerpen aan machten, zoals die van de overheid en een ondergeschikte kerk. Er is het gevoel en het besef dat er grenzen nodig zijn: constructies om de mens in toom te houden, zoals vervat in wetten of dogmatieken.

Met de breuk die Luther sloeg in de Avondlandtraditie werd de eenheid van Europa, van het leven opgeheven, werd het evenwicht tussen de terreinen van het leven verstoord ten gunste van de macht van de politiek en de machthebbers. Ontevreden boeren werden het ene moment door Luther opgejut in opstand te komen om meteen daarna door hem verraden te worden door zich achter de machthebbers te stellen die de opstandige boeren afmaakten.

Wat een incident had kunnen zijn, werd illustratief voor de consequentieloosheid van zijn theologie die de revolutie en repressie van de ontluikende klassenstrijd zowel kon stimuleren als afremmen. De eenheid was weg en de dialectiek van Wet en Evangelie, totale verdorvenheid en genade baande de weg voor de typische Duitse geest van de negentiende eeuw die alleen nog maar kon denken in dialectiek en grootse en diepgaande tegenstellingen. Men denke aan Hegel en Marx, maar ook aan Nietzsche.

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De erfenis van Luther manifesteerde zich al vrij snel na zijn dood enerzijds in sentimentaliteit c.q. piëtisme, en anderzijds in de doodse rationaliteit van het dogmatisme: de voorlopers van Romantiek en Verlichting. De eenheid van het levensgevoel was weg, de ziel werd tot centrifuge en de harmonie van het klassieke christendom moest het onderspit delven. Politiek gezien werd het Duitsland van Luther het bruggenhoofd van de opkomende machtspolitiek van Hobbes. Waar deze in Engeland werd bestreden door zowel katholieken als calvinisten, kreeg zijn loutere machtsdenken weerklank in Duitsland en via Duitsland in Nederland. Zoals de historicus E.H. Kossmann uitvoerig heeft beschreven.

Het fijnzinnige politieke denken van klassieke denkers als Althusius, maar ook van de Spaanse school van Salamanca, werd teniet gedaan door een steriel staatsalmachtsdenken dat via lutherse streken de weg vrijmaakte voor verlichte despoten, grootschalige oorlogen en bureaucratische apparaten: moreel blind en blind voor ‘Gott oder Teufel’ (cf. Max Weber).

Vijfhonderd jaar ‘Reformatie’ is dan ook vijfhonderd jaar ondergang van het Avondland. Wie dat viert, maar ondertussen wel Spengler heeft aangeschaft (ook zo’n hype, net als 500 jaar Reformatie en vele andere hypes) of een conservatieve treurzang doet klinken over de ondergang van ons Westen, heeft dan vermoedelijk ook een gaatje in het hoofd. Waarschijnlijk die van de spijker die bij het aantimmeren van kweetniethoeveel stellingen te ver is doorgetimmerd en tot een typisch Avondlandse hersenbeschadiging heeft geleid.

jeudi, 02 novembre 2017

Messianic Communism in the Protestant Reformation

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Messianic Communism in the Protestant Reformation

[This article is excerpted from An Austrian Perspective on the History of Economic Thought, vol. 1, Economic Thought Before Adam Smith.]

Communist Zealots: the Anabaptists

Sometimes Martin Luther must have felt that he had loosed the whirlwind, even opened the gates of Hell. Shortly after Luther launched the Reformation, various Anabaptist sects appeared and spread throughout Germany. The Anabaptists believed in predestination of the elect, but they also believed, in contrast to Luther, that they knew infallibly who the elect were: i.e., themselves. The sign of that election was in an emotional, mystical conversion process, that of being “born again,” baptized in the Holy Spirit. Such baptism must be adult and not among infants; more to the point, it meant that only the elect are to be sect members who obey the multifarious rules and creeds of the Church. The idea of the sect, in contrast to Catholicism, Lutheranism, or Calvinism, was not comprehensive Church membership in the society. The sect was to be distinctly separate, for the elect only.

Given that creed, there were two ways that Anabaptism could and did go. Most Anabaptists, like the Mennonites or Amish, became virtual anarchists. They tried to separate themselves as much as possible from a necessarily sinful state and society, and engaged in nonviolent resistance to the state’s decrees.

The other route, taken by another wing of Anabaptists, was to try to seize power in the state and to shape up the majority by extreme coercion: in short, ultratheocracy. As Monsignor Knox incisively points out, even when Calvin established a theocracy in Geneva, it had to pale beside one which might be established by a prophet enjoying continuous, new, mystical revelation.

As Knox points out, in his usual scintillating style: 

in Calvin’s Geneva … and in the Puritan colonies of America, the left wing of the Reformation signalized its ascendancy by enforcing the rigorism of its morals with every available machinery of discipline; by excommunication, or, if that failed, by secular punishment. Under such discipline sin became a crime, to be punished by the elect with an intolerable self-righteousness…

I have called this rigorist attitude a pale shadow of the theocratic principle, because a full-blooded theocracy demands the presence of a divinely inspired leader or leaders, to whom government belongs by right of mystical illumination. The great Reformers were not, it must be insisted, men of this calibre; they were pundits, men of the new learning…1

And so one of the crucial differences between the Anabaptists and the more conservative reformers was that the former claimed continuing mystical revelation to themselves, forcing men such as Luther and Calvin to fall back on the Bible alone as the first as well as the last revelation.

The first leader of the ultratheocrat wing of the Anabaptists was Thomas Müntzer (c. 1489–1525). Born into comfort in Stolberg in Thuringia, Müntzer studied at the Universities of Leipzig and Frankfurt, and became highly learned in the scriptures, the classics, theology, and in the writings of the German mystics. Becoming a follower almost as soon as Luther launched the Reformation in 1520, Müntzer was recommended by Luther for the pastorate in the city of Zwickau. Zwickau was near the Bohemian border, and there the restless Müntzer was converted by the weaver and adept Niklas Storch, who had been in Bohemia, to the old Taborite doctrine that had flourished in Bohemia a century earlier. This doctrine consisted essentially of a continuing mystical revelation and the necessity for the elect to seize power and impose a society of theocratic communism by brutal force of arms. Furthermore, marriage was to be prohibited, and each man was to be able to have any woman at his will.

The passive wing of Anabaptists were voluntary anarchocommunists, who wished to live peacefully by themselves; but Müntzer adopted the Storch vision of blood and coercion. Defecting very rapidly from Lutheranism, Müntzer felt himself to be the coming prophet, and his teachings now began to emphasize a war of blood and extermination to be waged by the elect against the sinners. Müntzer claimed that the “living Christ” had permanently entered his own soul; endowed thereby with perfect insight into the divine will, Müntzer asserted himself to be uniquely qualified to fulfil the divine mission. He even spoke of himself as “becoming God.” Abandoning the world of learning, Müntzer was now ready for action.

In 1521, only a year after his arrival, the town council of Zwickau took fright at these increasingly popular ravings and ordered Müntzer’s expulsion from the city. In protest, a large number of the populace, in particular the weavers, led by Niklas Storch, rose in revolt, but the rising was put down. At that point, Müntzer hied himself to Prague, searching for Taborite remnants in the capital of Bohemia. Speaking in peasant metaphors, he declared that harvest time is here, “so God himself has hired me for his harvest. I have sharpened my scythe, for my thoughts are most strongly fixed on the truth, and my lips, hands, skin, hair, soul, body, life curse the unbelievers.” Müntzer, however, found no Taborite remnants; it did not help the prophet’s popularity that he knew no Czech, and had to preach with the aid of an interpreter. And so he was duly expelled from Prague.

After wandering around central Germany in poverty for several years, signing himself “Christ’s messenger,” Müntzer in 1523 gained a ministerial position in the small Thuringian town of Allstedt. There he established a wide reputation as a preacher employing the vernacular, and began to attract a large following of uneducated miners, whom he formed into a revolutionary organization called “The League of the Elect.”

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A turning point in Müntzer’s stormy career came a year later, when Duke John, a prince of Saxony and a Lutheran, hearing alarming rumours about him, came to little Allstedt and asked Müntzer to preach him a sermon. This was Müntzer’s opportunity, and he seized it. He laid it on the line: he called upon the Saxon princes to make their choice and take their stand, either as servants of God or of the Devil. If the Saxon princes are to take their stand with God, then they “must lay on with the sword.” “Don’t let them live any longer,” counselled our prophet, “the evil-doers who turn us away from God. For a godless man has no right to live if he hinders the godly.” Müntzer’s definition of the “godless,” of course, was all-inclusive. “The sword is necessary to exterminate” priests, monks and godless rulers. But, Müntzer warned, if the princes of Saxony fail in this task, if they falter, “the sword shall be taken from them … If they resist, let them be slaughtered without mercy….” Müntzer then returned to his favorite harvest-time analogy: “At the harvest-time, one must pluck the weeds out of God’s vineyard … For the ungodly have no right to live, save what the Elect chooses to allow them…. “In this way the millennium, the thousand-year Kingdom of God on earth, would be ushered in. But one key requisite is necessary for the princes to perform that task successfully; they must have at their elbow a priest/prophet (guess who!) to inspire and guide their efforts.

Oddly enough for an era when no First Amendment restrained rulers from dealing sternly with heresy, Duke John seemed not to care about Müntzer’s frenetic ultimatum. Even after Müntzer proceeded to preach a sermon proclaiming the imminent overthrow of all tyrants and the beginning of the messianic kingdom, the duke did nothing. Finally, under the insistent prodding of Luther that Müntzer was becoming dangerous, Duke John told the prophet to refrain from any provocative preaching until his case was decided by his brother, the elector.

“The clergy, which constituted the ruling elite of the state, exempted themselves from taxation while imposing very heavy taxes on the rest of the populace.”

This mild reaction by the Saxon princes, however, was enough to set Thomas Müntzer on his final revolutionary road. The princes had proved themselves untrustworthy; the mass of the poor were now to make the revolution. The poor were the elect, and would establish a rule of compulsory egalitarian communism, a world where all things would be owned in common by all, where everyone would be equal in everything and each person would receive according to his need. But not yet. For even the poor must first be broken of worldly desires and frivolous enjoyments, and must recognize the leadership of a new “servant of God” who “must stand forth in the spirit of Elijah … and set things in motion.” (Again, guess who!)

Seeing Saxony as inhospitable, Müntzer climbed over the town wall of Allstedt and moved in 1524 to the Thuringian city of Muhlhausen. An expert in fishing in troubled waters, Müntzer found a friendly home in Muhlhausen, which had been in a state of political turmoil for over a year. Preaching the impending extermination of the ungodly, Müntzer paraded around the town at the head of an armed band, carrying in front of him a red crucifix and a naked sword. Expelled from Muhlhausen after a revolt by his allies was suppressed, Müntzer went to Nuremberg, which in turn expelled him after he published some revolutionary pamphlets. After wandering through southwestern Germany, Müntzer was invited back to Muhlhausen in February 1525, where a revolutionary group had taken over.

Thomas Müntzer and his allies proceeded to impose a communist regime on the city of Muhlhausen. The monasteries were seized, and all property was decreed to be in common, and the consequence, as a contemporary observer noted, was that “he so affected the folk that no one wanted to work.” The result was that the theory of communism and love quickly became in practice an alibi for systemic theft:

when anyone needed food or clothing he went to a rich man and demanded it of him in Christ’s name, for Christ had commanded that all should share with the needy. And what was not given freely was taken by force. Many acted thus … Thomas [Müntzer] instituted this brigandage and multiplied it every day.2

At that point, the great Peasants’ War erupted throughout Germany, a rebellion launched by the peasantry in favor of their local autonomy and in opposition to the new centralizing, high-tax, absolutist rule of the German princes. Throughout Germany, the princes crushed the feebly armed peasantry with great brutality, massacring about 100,000 peasants in the process. In Thuringia, the army of the princes confronted the peasants on May 15 with a great deal of artillery and 2,000 cavalry, luxuries denied to the peasantry. The landgrave of Hesse, commander of the princes’ army, offered amnesty to the peasants if they would hand over Müntzer and his immediate followers. The peasants were strongly tempted, but Müntzer, holding aloft his naked sword, gave his last flaming speech, declaring that God had personally promised him victory; that he would catch all the enemy cannon balls in the sleeves of his cloak; that God would protect them all. Just at the strategic moment of Müntzer’s speech, a rainbow appeared in the heavens, and Müntzer had previously adopted the rainbow as the symbol of his movement. To the credulous and confused peasantry, this seemed a veritable sign from Heaven. Unfortunately, the sign didn’t work, and the princes’ army crushed the peasants, killing 5,000 while losing only half a dozen men. Müntzer himself fled and hid, but was captured a few days later, tortured into confession, and then executed.

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Thomas Müntzer and his signs may have been defeated, and his body may have moldered in the grave, but his soul kept marching on. Not only was his spirit kept alive by followers in his own day, but also by Marxist historians from Engels to the present day, who saw in this deluded mystic an epitome of social revolution and the class struggle, and a forerunner of the chiliastic prophesies of the “communist stage” of the supposedly inevitable Marxian future.

The Müntzerian cause was soon picked up by a former disciple, the bookbinder Hans Hut. Hut claimed to be a prophet sent by God to announce that at Whitsuntide, 1528, Christ would return to earth and give the power to enforce justice to Hut and his following of rebaptized saints. The saints would then “take up double-edged swords” and wreak God’s vengeance on priests, pastors, kings and nobles. Hut and his followers would then “establish the rule of Hans Hut on earth,” with Muhlhausen as the favored capital. Christ was then to establish a millennium marked by communism and free love. Hut was captured in 1527 (before Jesus had had a chance to return), imprisoned at Augsburg, and killed trying to escape. For a year or two, Huttian followers kept emerging, at Augsburg, Nuremberg, and Esslingen, in southern Germany, threatening to set up their communist Kingdom of God by force of arms. But by 1530 they were smashed and suppressed by the alarmed authorities. Müntzerian-type Anabaptism was now to move to northwestern Germany.

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Totalitarian Communism in Münster

Northwestern Germany in that era was dotted by a number of small ecclesiastical states, each run by a prince-bishop. The state was run by aristocratic clerics, who elected one of their own as bishop. Generally, these bishops were secular lords who were not ordained. By bargaining over taxes, the capital city of each of these states had usually wrested for itself a degree of autonomy. The clergy, which constituted the ruling elite of the state, exempted themselves from taxation while imposing very heavy taxes on the rest of the populace. Generally, the capital cities came to be run by their own power elite, an oligarchy of guilds, which used government power to cartellize their various professions and occupations.

The largest of these ecclesiastical states in northwest Germany was the bishopric of Münster, and its capital city of Münster, a town of some 10,000 people, was run by the town guilds. The Münster guilds were particularly exercised by the economic competition of the monks, who were not forced to obey guild restrictions and regulations.

During the Peasants’ War, the capital cities of several of these states, including Münster, took the opportunity to rise in revolt, and the bishop of Münster was forced to make numerous concessions. With the crushing of the rebellion, however, the bishop took back the concessions, and reestablished the old regime. By 1532, however, the guilds, supported by the people, were able to fight back and take over the town, soon forcing the bishop to recognize Münster officially as a Lutheran city.

It was not destined to remain so for long, however. From all over the northwest, hordes of Anabaptist enthusiasts flooded into Münster, seeking the onset of the New Jerusalem. From the northern Netherlands came hundreds of Melchiorites, followers of the itinerant visionary Melchior Hoffmann. Hoffmann, an uneducated furrier’s apprentice from Swabia in southern Germany, had for years wandered through Europe preaching the imminence of the Second Coming, which he had concluded from his researches would occur in 1533, the fifteenth centenary of the death of Jesus. Melchiorism had flourished in the northern Netherlands, and many adepts now poured into Münster, rapidly converting the poorer classes of the town.

Meanwhile, the Anabaptist cause in Münster received a shot in the arm, when the eloquent and popular young minister Bernt Rothmann, a highly educated son of a town blacksmith, converted to Anabaptism. Originally a Catholic priest, Rothmann had become a friend of Luther and the head of the Lutheran movement in Münster. Converted to Anabaptism, Rothmann lent his eloquent preaching to the cause of communism as it had supposedly existed in the primitive Christian Church, holding everything in common with no Mine and Thine and giving to each according to his “need.” In response to Rothmann’s reputation, thousands flocked to Münster, hundreds of the poor, the rootless, those hopelessly in debt, and “people who, having run through the fortunes of their parents, were earning nothing by their own industry….” People, in general, who were attracted by the idea of “plundering and robbing the clergy and the richer burghers.” The horrified burghers tried to drive out Rothmann and the Anabaptist preachers, but to no avail.

In 1533, Melchior Hoffmann, sure that the Second Coming would happen any day, returned to Strasbourg, where he had had great success, calling himself the Prophet Elias. He was promptly clapped into jail, and remained there until his death a decade later.

Hoffmann, for all the similarities with the others, was a peaceful man who counselled nonviolence to his followers; after all, if Jesus were imminently due to return, why commit against unbelievers? Hoffmann’s imprisonment, and of course the fact that 1533 came and went without a Second Coming, discredited Melchior, and so his Münster followers turned to far more violent, post-millennialist prophets who believed that they would have to establish the Kingdom by fire and sword.

The new leader of the coercive Anabaptists was a Dutch baker from Haarlem, one Jan Matthys (Matthyszoon). Reviving the spirit of Thomas Müntzer, Matthys sent out missionaries or “apostles” from Haarlem to rebaptize everyone they could, and to appoint “bishops” with the power to baptize. When the new apostles reached Münster in early 1534, they were greeted, as we might expect, with enormous enthusiasm. Caught up in the frenzy, even Rothmann was rebaptized once again, followed by many ex-nuns and a large part of the population. Within a week the apostles had rebaptized 1 400 people.

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Another apostle soon arrived, a young man of 25 who had been converted and baptized by Matthys only a couple of months earlier. This was Jan Bockelson (Bockelszoon, Beukelsz), who was soon to become known in song and story as Johann of Leyden. Though handsome and eloquent, Bockelson was a troubled soul, having been born the illegitimate son of the mayor of a Dutch village by a woman serf from Westphalia. Bockelson began life as an apprentice tailor, married a rich widow, but then went bankrupt when he set himself up as a self-employed merchant.

In February 1534, Bockelson won the support of the wealthy cloth merchant Bernt Knipperdollinck, the powerful leader of the Münster guilds, and shrewdly married Knipperdollinck’s daughter. On February 8, son-in-law and father-in-law ran wildly through the streets together, calling upon everyone to repent. After much frenzy, mass writhing on the ground, and the seeing of apocalyptic visions, the Anabaptists rose up and seized the town hall, winning legal recognition for their movement.

In response to this successful uprising, many wealthy Lutherans left town, and the Anabaptists, feeling exuberant, sent messengers to surrounding areas summoning everyone to come to Münster. The rest of the world, they proclaimed, would be destroyed in a month or two; only Münster would be saved, to become the New Jerusalem. Thousands poured in from as far away as Flanders and Frisia in the northern Netherlands. As a result, the Anabaptists soon won a majority on the town council, and this success was followed three days later, on February 24, by an orgy of looting of books, statues and paintings from the churches and throughout the town. Soon Jan Matthys himself arrived, a tall, gaunt man with a long black beard. Matthys, aided by Bockelson, quickly became the virtual dictator of the town. The coercive Anabaptists had at last seized a city. The Great Communist Experiment could now begin.

The first mighty program of this rigid theocracy was, of course, to purge the New Jerusalem of the unclean and the ungodly, as a prelude to their ultimate extermination throughout the world. Matthys called therefore for the execution of all remaining Catholics and Lutherans, but Knipperdollinck’s cooler head prevailed, since he warned Matthys that slaughtering all other Christians than themselves might cause the rest of the world to become edgy, and they might all come and crush the New Jerusalem in its cradle. It was therefore decided to do the next best thing, and on February 27 the Catholic and Lutherans were driven out of the city, in the midst of a horrendous snowstorm. In a deed prefiguring communist Cambodia, all non-Anabaptists, including old people, invalids, babies and pregnant women were driven into the snowstorm, and all were forced to leave behind all their money, property, food and clothing. The remaining Lutherans and Catholics were compulsorily rebaptized, and all refusing this ministration were put to death.

The expulsion of all Lutherans and Catholics was enough for the bishop, who began a long military siege of the town the next day, on February 28. With every person drafted for siege work, Jan Matthys launched his totalitarian communist social revolution.

The first step was to confiscate the property of the expelled. All their worldly goods were placed in central depots, and the poor were encouraged to take “according to their needs,” the “needs” to be interpreted by seven appointed “deacons” chosen by Matthys. When a blacksmith protested at these measures imposed by Dutch foreigners, Matthys arrested the courageous smithy. Summoning the entire population of the town, Matthys personally stabbed, shot, and killed the “godless” blacksmith, as well as throwing into prison several eminent citizens who had protested against his treatment. The crowd was warned to profit by this public execution, and they obediently sang a hymn in honour of the killing.

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A key part of the Anabaptist reign of terror in Münster was now unveiled. Unerringly, just as in the case of the Cambodian communists four-and-a-half centuries later, the new ruling elite realized that the abolition of the private ownership of money would reduce the population to total slavish dependence on the men of power. And so Matthys, Rothmann and others launched a propaganda campaign that it was unchristian to own money privately; that all money should be held in “common,” which in practice meant that all money whatsoever must be handed over to Matthys and his ruling clique. Several Anabaptists who kept or hid their money were arrested and then terrorized into crawling to Matthys on their knees, begging forgiveness and beseeching him to intercede with God on their behalf. Matthys then graciously “forgave” the sinners.

After two months of severe and unrelenting pressure, a combination of propaganda about the Christianity of abolishing private money, and threats and terror against those who failed to surrender, the private ownership of money was effectively abolished in Münster. The government seized all the money and used it to buy or hire goods from the outside world. Wages were doled out in kind by the only remaining employer: the theocratic Anabaptist state.

Food was confiscated from private homes, and rationed according to the will of the government deacons. Also, to accommodate the immigrants, all private homes were effectively communized, with everyone permitted to quarter themselves anywhere; it was now illegal to close, let alone lock, doors. Communal dining-halls were established, where people ate together to readings from the Old Testament.

This compulsory communism and reign of terror was carried out in the name of community and Christian “love.” All this communization was considered the first giant steps toward total egalitarian communism, where, as Rothmann put it, “all things were to be in common, there was to be no private property and nobody was to do any more work, but simply trust in God.” The workless part, of course, somehow never arrived.

A pamphlet sent in October 1534 to other Anabaptist communities hailed the new order of Christian love through terror:

For not only have we put all our belongings into a common pool under the care of deacons, and live from it according to our need; we praise God through Christ with one heart and mind and are eager to help one another with every kind of service.

And accordingly, everything which has served the purposes of selfseeking and private property, such as buying and selling, working for money, taking interest and practising usury … or eating and drinking the sweat of the poor … and indeed everything which offends against love – all such things are abolished amongst us by the power of love and community.

With high consistency, the Anabaptists of Münster made no pretence about preserving intellectual freedom while communizing all material property. For the Anabaptists boasted of their lack of education, and claimed that it was the unlearned and the unwashed who would be the elect of the world. The Anabaptist mob took particular delight in burning all the books and manuscripts in the cathedral library, and finally, in mid-March 1534, Matthys outlawed all books except the Good Book – the Bible. To symbolize a total break with the sinful past, all privately and publicly owned books were thrown upon a great communal bonfire. All this ensured, of course, that the only theology or interpretation of the scriptures open to the Münsterites was that of Matthys and the other Anabaptist preachers.

At the end of March, however, Matthys’s swollen hubris laid him low. Convinced at Eastertime that God had ordered him and a few of the faithful to lift the bishop’s siege and liberate the town, Matthys and a few others rushed out of the gates at the besieging army, and were literally hacked to pieces. In an age when the idea of full religious liberty was virtually unknown, one can imagine that any Anabaptists whom the more orthodox Christians might get hold of would not earn a very kindly reward.

The death of Matthys left Münster in the hands of young Bockelson. And if Matthys had chastised the people of Münster with whips, Bockelson would chastise them with scorpions. Bockelson wasted little time in mourning his mentor. He preached to the faithful: “God will give you another Prophet who will be more powerful.” How could this young enthusiast top his master? Early in May, Bockelson caught the attention of the town by running naked through the streets in a frenzy, falling then into a silent three-day ecstasy. When he rose again, he announced to the entire populace a new dispensation that God had revealed to him. With God at his elbow, Bockelson abolished the old functioning town offices of council and burgomasters, and installed a new ruling council of 12 elders, with himself, of course, as the eldest of the elders. The elders were now given total authority over the life and death, the property and the spirit, of every inhabitant of Münster. A strict system of forced labour was imposed, with all artisans not drafted into the military now public employees, working for the community for no monetary reward. This meant, of course, that the guilds were now abolished.

The totalitarianism in Münster was now complete. Death was now the punishment for virtually every independent act, good or bad. Capital punishment was decreed for the high crimes of murder, theft, lying, avarice, and quarreling! Also death was decreed for every conceivable kind of insubordination: the young against their parents, wives against their husbands and, of course, anyone at all against the chosen representatives of God on earth, the totalitarian government of Münster. Bernt Knipperdollinck was appointed high executioner to enforce the decrees.

The only aspect of life previously left untouched was sex, and this now came under the hammer of Bockelson’s total despotism. The only sexual relation permitted was marriage between two Anabaptists. Sex in any other form, including marriage with one of the “godless,” was a capital crime. But soon Bockelson went beyond this rather old-fashioned credo, and decided to establish compulsory polygamy in Münster. Since many of the expellees had left their wives and daughters behind, Münster now had three times as many marriageable women as men, so that polygamy had become technologically feasible. Bockelson converted the other rather startled preachers by citing polygamy among the patriarchs of Israel, as well as by threatening dissenters with death.

Compulsory polygamy was a bit too much for many of the Münsterites, who launched a rebellion in protest. The rebellion, however, was quickly crushed and most of the rebels put to death. Execution was also the fate of any further dissenters. And so by August 1534, polygamy was coercively established in Münster. As one might expect, young Bockelson took an instant liking to the new regime, and before long he had a harem of 15 wives, including Divara, the beautiful young widow of Jan Matthys. The rest of the male population also began to take to the new decree as ducks to water. Many of the women did not take as kindly to the new dispensation, and so the elders passed a law ordering compulsory marriage for every women under (and presumably also over) a certain age, which usually meant being a compulsory third or fourth wife.

Moreover, since marriage among the godless was not only invalid but also illegal, the wives of the expellees now became fair game, and were forced to “marry” good Anabaptists. Refusal to comply with the new law was punishable, of course, by death, and a number of women were actually executed as a result. Those “old” wives who resented the new wives coming into their household were also suppressed, and their quarreling was made a capital crime. Many women were executed for quarreling.

But the long arm of the state could reach only just so far and, in their first internal setback, Bockelson and his men had to relent, and permit divorce. Indeed, the ceremony of marriage was now outlawed totally, and divorce made very easy. As a result, Münster now fell under a regime of what amounted to compulsory free love. And so, within the space of only a few months, a rigid puritanism had been transmuted into a regime of compulsory promiscuity.

Meanwhile, Bockelson proved to be an excellent organizer of a besieged city. Compulsory labour, military and civilian, was strictly enforced. The bishop’s army consisted of poorly and irregularly paid mercenaries, and Bockelson was able to induce many of them to desert by offering them regular pay (pay for money, that is, in contrast to Bockelson’s rigid internal moneyless communism). Drunken ex-mercenaries were, however, shot immediately. When the bishop fired pamphlets into the town offering a general amnesty in return for surrender, Bockelson made reading such pamphlets a crime punishable by – of course – death.

At the end of August 1534, the bishop’s armies were in disarray and the siege temporarily lifted. Jan Bockelson seized this opportunity to carry his “egalitarian” communist revolution one step further: he had himself named king and Messiah of the Last Days.

Proclaiming himself king might have appeared tacky and perhaps even illegitimate. And so Bockelson had one Dusentschur, a goldsmith from a nearby town and a self-proclaimed prophet, do the job for him. At the beginning of September, Dusentschur announced to one and all a new revelation: Jan Bockelson was to be king of the whole world, the heir of King David, to keep that Throne until God himself reclaimed his Kingdom. Unsurprisingly, Bockelson confirmed that he himself had had the very same revelation. Dusentschur then presented a sword of justice to Bockelson, anointed him, and proclaimed him king of the world. Bockelson, of course, was momentarily modest; he prostrated himself and asked guidance from God. But he made sure to get that guidance swiftly. And it turned out, mirabile dictu, that Dusentschur was right. Bockelson proclaimed to the crowd that God had now given him “power over all nations of the earth’; anyone who might dare to resist the will of God “shall without delay be put to death with the sword.”

And so, despite a few mumbled protests, Jan Bockelson was declared king of the world and Messiah, and the Anabaptist preachers of Münster explained to their bemused flock that Bockelson was indeed the Messiah as foretold in the Old Testament. Bockelson was rightfully ruler of the entire world, both temporal and spiritual.

It often happens with “egalitarians” that a hole, a special escape hatch from the drab uniformity of life, is created – for themselves. And so it was with King Bockelson. It was, after all, important to emphasize in every way the importance of the Messiah’s advent. And so Bockelson wore the finest robes, metals and jewellery; he appointed courtiers and gentlemen-at-arms, who also appeared in splendid finery. King Bockelson’s chief wife, Divara, was proclaimed queen of the world, and she too was dressed in great finery and had a suite of courtiers and followers. This luxurious court of some two hundred people was housed in fine mansions requisitioned for the occasion. A throne draped with a cloth of gold was established in the public square, and King Bockelson would hold court there, wearing a crown and carrying a sceptre. A royal bodyguard protected the entire procession. All Bockelson’s loyal aides were suitably rewarded with high status and finery: Knipperdollinck was the chief minister, and Rothmann royal orator.

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If communism is the perfect society, somebody must be able to enjoy its fruits; and who better but the Messiah and his courtiers? Though private property in money was abolished, the confiscated gold and silver was now minted into ornamental coins for the glory of the new king. All horses were confiscated to build up the king’s armed squadron. Also, names in Münster were transformed; all the streets were renamed; Sundays and feastdays were abolished; and all new-born children were named personally by the king in accordance with a special pattern.

“Some of the main victims to be executed were women: women who were killed for denying their husbands their marital rights, for insulting a preacher, or for daring to practice bigamy — polygamy, of course, being solely a male privilege.”

In a starving slave society such as communist Münster, not all citizens could live in the luxury enjoyed by the king and his court; indeed, the new ruling class was now imposing a rigid class oligarchy seldom seen before. So that the king and his nobles might live in high luxury, rigorous austerity was imposed on everyone else in Münster. The subject population had already been robbed of their houses and much of their food; now all superfluous luxury among the masses was outlawed. Clothing and bedding were severely rationed, and all “surplus” turned over to King Bockelson under pain of death. Every house was searched thoroughly and 83 wagonloads of “surplus” clothing collected.

It is not surprising that the deluded masses of Münster began to grumble at being forced to live in abject poverty while the king and his courtiers lived in extreme luxury on the proceeds of their confiscated belongings. And so Bockelson had to beam them some propaganda to explain the new system. The explanation was this: it was all right for Bockelson to live in pomp and luxury because he was already completely dead to the world and the flesh. Since he was dead to the world, in a deep sense his luxury didn’t count. In the style of every guru who has ever lived in luxury among his credulous followers, he explained that for him material objects had no value. How such “logic” can ever fool anyone passes understanding. More important, Bockelson assured his subjects that he and his court were only the advance guard of the new order; soon, they too would be living in the same millennial luxury. Under their new order, the people of Münster would forge outward, armed with God’s will, and conquer the entire world, exterminating the unrighteous, after which Jesus would return and they would all live in luxury and perfection. Equal communism with great luxury for all would then be achieved.

Greater dissent meant, of course, greater terror, and King Bockelson’s reign of “love” intensified its intimidation and slaughter. As soon as he proclaimed the monarchy, the prophet Dusentschur announced a new divine revelation: all who persisted in disagreeing with or disobeying King Bockelson would be put to death, and their very memory blotted out. They would be extirpated forever. Some of the main victims to be executed were women: women who were killed for denying their husbands their marital rights, for insulting a preacher, or for daring to practice bigamy – polygamy, of course, being solely a male privilege.

Despite his continual preaching about marching forth to conquer the world, King Bockelson was not crazy enough to attempt that feat, especially since the bishop’s army was again besieging the town. Instead, he shrewdly used much of the expropriated gold and silver to send out apostles and pamphlets to surrounding areas of Europe, attempting to rouse the masses for Anabaptist revolution. The propaganda had considerable effect, and serious mass risings occurred throughout Holland and northwestern Germany during January 1535. A thousand armed Anabaptists gathered under the leadership of someone who called himself Christ, son of God; and serious Anabaptist rebellions took place in west Frisia, in the town of Minden, and even in the great city of Amsterdam, where the rebels managed to capture the town hall. All these risings were eventually suppressed, with the considerable help of betrayal to the various authorities of the names of the rebels and of the location of their munition dumps.

“At all times the king and his court ate and drank well, while famine and devastation raged throughout the town of Münster, and the masses ate literally everything, even inedible, they could lay their hands on.”

The princes of northwestern Europe by this time had had enough; and all the states of the Holy Roman Empire agreed to supply troops to crush the monstrous and hellish regime at Münster. For the first time, in January 1535, Münster was totally and successfully blockaded and cut off from the outside world. The Establishment then proceeded to starve the population of Münster into submission. Food shortages appeared immediately, and the crisis was met with characteristic vigour: all remaining food was confiscated, and all horses killed, for the benefit of feeding the king, his royal court and his armed guards. At all times the king and his court ate and drank well, while famine and devastation raged throughout the town of Münster, and the masses ate literally everything, even inedible, they could lay their hands on.

King Bockelson kept his rule by beaming continual propaganda and promises to the starving masses. God would definitely save them by Easter, or else he would have himself burnt in the public square. When Easter came and went, Bockelson craftily explained that he had meant only “spiritual” salvation. He promised that God would change cobblestones to bread, and of course that did not come to pass either. Finally, Bockelson, long fascinated with the theatre, ordered his starving subjects to engage in three days of dancing and athletics. Dramatic performances were held, as well as a Black Mass. Starvation, however, was now becoming all-pervasive.

divara_van_haarlem_large.jpgThe poor hapless people of Münster were now doomed totally. The bishop kept firing leaflets into the town promising a general amnesty if the people would only revolt and depose King Bockelson and his court and hand them over. To guard against such a threat, Bockelson stepped up his reign of terror still further. In early May, he divided the town into 12 sections, and placed a “duke” over each one with an armed force of 24 men. The dukes were foreigners like himself; as Dutch immigrants they were likely to be loyal to Bockelson. Each duke was strictly forbidden to leave his section, and the dukes, in turn, prohibited any meetings whatsoever of even a few people. No one was allowed to leave town, and any caught plotting to leave, helping anyone else to leave, or criticizing the king, was instantly beheaded, usually by King Bockelson himself. By mid-June such deeds were occurring daily, with the body often quartered and nailed up as a warning to the masses.

Bockelson would undoubtedly have let the entire population starve to death rather than surrender; but two escapees betrayed weak spots in the town’s defence, and on the night of June 24, 1535, the nightmare New Jerusalem at last came to a bloody end. The last several hundred Anabaptist fighters surrendered under an amnesty and were promptly massacred, and Queen Divara was beheaded. As for ex-King Bockelson, he was led about on a chain, and the following January, along with Knipperdollinck, was publicly tortured to death, and their bodies suspended in cages from a church tower.

The old Establishment of Münster was duly restored and the city became Catholic once more. The stars were once again in their courses, and the events of 1534–35 understandably led to an abiding distrust of mysticism and enthusiast movements throughout Protestant Europe.

This article is excerpted from An Austrian Perspective on the History of Economic Thought, vol. 1, Economic Thought Before Adam Smith.

La Bandera Jeanne d’Arc, des monarchistes français engagés dans la guerre d’Espagne

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La Bandera Jeanne d’Arc, des monarchistes français engagés dans la guerre d’Espagne

par Frederic de Natal

Ex: http://www.vexilla-galliae.fr

Après avoir été l’otage des militaires (1923-1930), le roi Alphonse XIII tente de reprendre les rênes d’une monarchie constitutionnelle malmenée depuis un siècle par différents pronunciamientos, 3 guerres carlistes et une éphémère république. L’Espagne est divisée et les élections d’avril 1931 vont signer la fin de la monarchie espagnole des Bourbons. Avec le départ du roi, une nouvelle république qui sombre dans l‘instabilité et l’anarchie politique. La guerre civile éclate en 1936 et va jeter les espagnols dans un violent combat fratricide.

falange_1.jpgLes républicains comme les nationalistes tentent de rallier les différents pays européens à leur cause respective. En France, les élections du 3 mai 1936 ont porté au pouvoir une coalition de partis de gauche. Le Front populaire répond, d’abord dans un premier temps, favorablement à la demande de son homologue espagnol avant de faire machine arrière devant la forte opposition de droite qui oscille du côté des nationalistes conduit par le général Francisco Bahamonde y Franco.  Parmi les partisans de ce général entré en sédition, le mouvement monarchiste Action française (AF) de Charles Maurras.  Son organe de presse éponyme lance une virulente attaque dans ses colonnes contre les républicains et lance des appels aux dons.

Avec l’échec de la prise du palais Bourbon qui a ruiné tout espoir de retour de la monarchie lors de la journée du 6 février 1934, les camelots du roi bouillonnent. Si la France ne leur donne pas l’opportunité de se mesurer militairement aux républicains, devant se contenter de quelques combats de rues et autres paires de gifles retentissantes, l’Espagne va offrir à ces monarchistes l’opportunité de prouver leur ardeur au combat. Cette guerre, au quelle on les a préparé depuis une décennie, va bientôt prendre les allures d’une croisade pour cette fameuse ligue de l’entre-deux-guerres, bientôt rejointe par celle du Parti social Français (ex Croix de feu) ou du Parti populaire français.

Composée de français venus de toute la France et des confins de l’empire colonial (Montpellier, Paris, Marseille, Besançon, Ajaccio, Alger ou Casablanca, la Bandera (ou Phalange) Jeanne d’Arc (Bandera Juana de Arco) allait bientôt être portée sur les fonts baptismaux du monarcho-nationalisme. Rassemblant plus de 500 volontaires français (dont Yves Bernanos, le fils de Georges,  un des théoriciens de l’AF), belges et suisses, elle est commandée par le capitaine Henri Bonneville de Marsangy qui a recruté bon nombre de ces volontaires avec l’aide de l’architecte bonapartiste et futur président du conseil municipal de Paris, Charles Trochu. Ce monarchiste d’Action française a 19 ans lorsqu’il s’engage en 1914 dans la cavalerie de l’armée française. Cité 5 fois pour actes de bravoure, il côtoie de prestigieux noms de l’armée comme Weygand, de la Rocque ou même un certain capitaine de Gaulle. Mais sa hiérarchie se méfie de ce jeune officier dont les convictions politiques sont trop éloignées de la république et freine ses promotions. Henri Bonneville de Marsangy décide donc de démissionner peu avant le déclenchement de la guerre d’Espagne.

La France décide d’appliquer un principe de neutralité face à ce conflit qui frappe à ses frontière mais par un habile tour de passe- passe légal va honorer un contrat signé en 1935 qui prévoyait à l’Espagne une importante livraison d’armes. La révélation de cet accord commercial coïncide avec les informations relayées par la presse française concernant les crimes perpétrés par les forces républicaines. En Catalogne, les anarchistes et les communistes incendient des églises et tuent des prêtres.  Même la Sagrada Familia, en cours de construction, est l’objet de la vindicte des républicains qui n’hésitent pas à s’entretuer eux-mêmes. Cette « Terreur rouge » force Bonneville de Marsangy à réagir. D’abord journaliste de guerre sous les pseudonymes de Guillaume de Brassy et François de Roussemeau, il écrit pour « l’Action française » et « Matin » avant de se muer en combattant néo-chouan.

Parmi les Tercios, l’unité de la Légion étrangère espagnole qui se démarque par ses hommes au poitrail découvert, qui cohabite avec la Bandera Jeanne d’Arc, son fanion dénote. C’est un drapeau tricolore sur lequel on a cousu une fleur de lys sur sa partie blanche. Parmi les monarchistes, Bonneville de Marsangy force le respect. Il a le caractère romantique et guerrier que l’on prête aux héros des guerres de Vendée et de la Chouannerie. Il mène ses troupes à l’assaut de l’Alcazar de Tolède qu’il libère aux côtés des carlistes et des franquistes. Mais ses exploits militaires se termineront tragiquement le 10 février 1937 à la bataille de San Fernando. Il ne se relèvera pas de ses blessures.

brigades_internationales_de_franco-sylvain_roussillon.jpgSi d’autres officiers marquent la vie de cette brigade de volontaires monarchistes, tel que le général (cagoulard) Lavigne-Delville (1866-1957), elle n’échappe aux dissensions internes. Chaque groupe nationaliste tentant de s’approprier un leadership à peine reconnu par l’état-major franquiste, quelque peu agacé par l’esprit gaulois de ces volontaires qui s’entendent que trop avec les requetés carlistes. Si ces « légitimistes espagnols » ont rallié le général Franco c’est autant par haine de la république  qu’ils entendent restaurer la monarchie au profit du prince Charles –Alphonse de Bourbon. Franco se méfie de ces monarchistes traditionalistes mais ne peut « se payer le luxe » de s’en séparer. Le prétendant carliste est aussi un roi de France (Charles XII) pour la minorité légitimiste française présente au sein de ces volontaires. Face aux camelots du roi, ceux que l’on surnomme les « aplhonsistes » se distinguent par le port du béret vert que l’on retrouve chez les monarchistes de la Rénovation espagnole.  Un soutien logique attendu quand on sait que légitimistes français et carlistes partageaient les mêmes convictions et que ces deux groupes s’étaient retrouvés sur les mêmes champs de batailles lors des 3 guerres carlistes qui mèneront un de leur champion (don Carlos VII ou Charles XI) sur un éphémère trône d’Espagne à la fin du XIXème siècle.

En décembre 1937, la phalange monarchiste française est placée sous la direction d’un commandement espagnol. Elle a été missionnée à diverses reprises pour saboter avec succès les sources d’approvisionnement des républicains mais se plaint de ne pas être affectée au front. Finalement, elle participera à la bataille de Teruel le 6 février 1938 où elle subira de lourdes pertes.

Durant la guerre d’Espagne, plus de 50% de ses effectifs décéderont au combat mais le triomphe du nationalisme franquiste viendra couronner les efforts de ces croisés anti-communistes qui avaient placé leurs convictions royalistes sous la bannière de la pucelle d’Orléans. La France reconnaitra d’ailleurs en mars 1939, l’Espagne de Franco et s’empressera de nommer comme ambassadeur de France à Madrid, un héros (controversé) de la première guerre mondiale : le maréchal Philippe Pétain.

Que deviennent alors ces engagés de la Bandera Jeanne d’Arc après leur démobilisation, que l’extrême-droite française mythifiera au cours de la seconde moitié du XXème siècle mais que l‘histoire de France a volontairement occulté au profit des Brigades internationales. Avec le déclenchement de la seconde guerre mondiale, certains vont s’engager dans la résistance (comme le député Michel de Camaret, camelot du roi qui fera une carrière diplomatique (ministre, consul, sera sur le front indochinois aux côtés du fils de Bonneville de Marsangy [il perdra la vie à Diên Biên Phu] avant d’être élu sous l’étiquette du Front national de 1984 à sa mort en 1987. Ou encore Luc Robet (1913-1992), partisans des thèses d’Albert de Mun, qui restera célèbre pour avoir fondé un groupe de résistants monarchistes en Bretagne) d’autres dans la Légion des volontaires français (Noël de Tissot, disparu mystérieusement en 1944 ou le milicien Jacques-Flavien Boiré de Lafaye [1914-2002]).

Longtemps ignorés par les livres d’histoire traitant de la guerre d’Espagne, les monarchistes français de la Bandera Jeanne d’Arc ont retrouvé toute leur place dans un ouvrage paru sous le titre « Les Brigades internationales de Franco »  en 2012. Son auteur ? Sylvain Roussillon. Le seul, loin d’être un inconnu de l’histoire politique de l’Action française et un spécialiste du Carlisme, qui pouvait rendre hommage et justice à un pan méconnu de l’histoire monarchiste française où orléanistes, légitimistes et nationalistes se mêleront pour la défense d’une valeur commune : la restauration de l’état constitutionnel, catholique et légitime aboli par les partis républicains.

Frederic de Natal

 

mardi, 31 octobre 2017

Entrevista a don Serafín Fanjul

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Entrevista a don Serafín Fanjul

El Catoblepas

Ex: http://www.nodulo.org

El catedrático de Literatura Árabe de la UAM responde a las preguntas que le formula El Catoblepas sobre el islamismo y España

Serafín Fanjul es Catedrático de Literatura Árabe en la Universidad Autónoma de Madrid, autor de Al-Andalus contra España. La forja de un mito (Siglo XXI, 2000), así como de diversos estudios literarios (Literatura popular árabe, Canciones populares árabes, El mawwal egipcio) y de varias traducciones de obras cimeras de la literatura árabe (Libro de los avaros de al-Yahiz, A través del Islam de Ibn Batuta, Maqamas de al-Hamadani o Descripción general del África de Juan León Africano); también ha publicado un libro de relatos breves (El retorno de Xan Furabolos) y dos novelas (Los de Chile y Habanera de Alberto García). Ha participado, con una ponencia titulada «Al-Andalus, punta de lanza», en los Segundos Encuentros de «Filosofía crítica del presente» que, con el título de Guerra y Globalización, organizó Nódulo materialista en Madrid los días 15 y 16 de Marzo de 2004. Con ocasión de esta participación le fue solicitada una entrevista que concedió gustosamente, y que El Catoblepas publica a continuación. Vaya nuestro agradecimiento pues al Profesor Fanjul por su generosa contribución.

Usted es Catedrático de Literatura Árabe por la Universidad Autónoma de Madrid: ¿se considera usted un «arabista»? ¿Podría elaborar una breve historia de su disciplina en España, o por lo menos mencionar aquellos hitos que la jalonen, así como indicar, si existen, las diferencias entre su institucionalización en España respecto a su institucionalización en el resto de Europa? ¿A quién o quiénes consideraría usted como sus «maestros»?

fanjullibro.jpgLo de ser o no un «arabista» es una cuestión de perspectiva y de lo que queramos indicar con la palabra. En la actualidad, cualquier licenciado al que un periódico encarga un comentario ya se considera tal y arabista era don Emilio García Gómez que dedicó toda su larga vida a los estudios árabes. Si no se utiliza como una condecoración o signo distintivo especialísimo, sino como lo que debe ser, una mera descripción, sí creo que soy bastante arabista, aunque no le otorgue mayor importancia a esta clase de catalogaciones. Sí rechazo algo que se está haciendo mucho ahora y es afirmar «los arabistas dicen esto o aquello» sobre el tema que sea. Ni hay opiniones unánimes ni es deseable que las haya. Bien es cierto que no faltan quienes pretenden pastorearnos de un modo más bien ridículo enviándonos –sobre todo por emilio– comunicados, condenas y declaraciones retóricas contra Israel, Estados Unidos o José Mª Aznar para que manifestemos nuestra fervorosa adhesión a las tonterías que se les ocurren, tonterías –además– nada inocentes ni desinteresadas.

Elaborar una historia del arabismo español requiere demasiado espacio. Remito a los trabajos de Manuela Manzanares (Instituto Hispano-Arabe de Cultura, Madrid 1971) y de James T. Monroe y al articulito de Bernabé López (Revista Awraq, vol XI, 1990, Instituto de Cooperación con el Mundo Arabe), aunque éste último adolece de una ideologización muy del gusto progre del momento, muy correcto políticamente. También puede verse el artículo de Miguel Cruz Hernández «Los estudios islamológicos en España en los siglos XIX y XX» (Actas del VII Seminario de Historia de la Filosofía Española e Iberoamericana).

El orientalismo y el arabismo europeos nacieron a principios del XIX como consecuencia de la acción colonial de las potencias europeas sobre el norte de Africa y el Oriente Próximo. Es normal que así fuera: mejor conocer para mejor dominar. Por suerte los científicos, meros aficionados en los inicios, terminaron por valorar y dar vida propia a las materias que estaban estudiando (Filología, Arqueología, Historia, Literatura, Antropología, Etnografía, &c.) y desarrollaron, en líneas generales, una labor muy honrada y muy útil de salvamento, edición, difusión de infinidad de materiales de todo tipo. Algo que los árabes no han apreciado ni agradecido. Muy al contrario, pensaban –y piensan– que aquel esfuerzo no tenía más objetivo que perjudicarles, lo cual es una distorsión lamentabilísima. Yo mismo he señalado más arriba que las directrices originales marchaban por esa vía, en exceso teórica. La realidad desbordó las previsiones y creo que la inmensa mayoría de los profesionales ha trabajado –y trabaja– por puro amor al conocimiento y a descubrir mundos insospechados. A muchos árabes, no a todos, esto no les cabe en la cabeza y se equivocan. Las Mil y Una Noches nunca han sido valoradas por la sociedad culta árabe y se salvaron por el empeño de Galland, un cónsul francés, y por la buena acogida que tuvieron en Europa. Bien es cierto que difunde una imagen de la sociedad árabe demasiado fabulosa, de cuento, como lo que son. Y así hay que entenderlas, no como un trasunto verídico de la sociedad, aunque algo tengan de eso.

En España el arabismo, cuya necesidad ya se había intuido en tiempos de Carlos III con la iniciación de la catalogación de los manuscritos de El Escorial por el sacerdote libanés Cassiri, no surge hasta bien entrado el siglo XIX con los primeros trabajos de Gayangos (a Conde no sé si se le puede tomar muy en serio) y después de Simonet y Codera. En medio hay unos cuantos nombres que podrían clasificarse, según la expresión de García Gómez, de anfibios. Aquí había una peculiaridad que se podía explotar distinta de los móviles europeos: la existencia en la Península de un islam local en tiempos pretéritos. Así,se enfocó todo durante muchos años a los estudios andalusíes, lo cual es lógico y bueno. Quizá el error consista en ceñirse sólo y exclusivamente a ese capítulo. Sin embargo, a partir de los años sesenta del siglo XX, la multiplicación de especialistas y la extensión de los estudios árabes en el plano administrativo facilitó la apertura de otras vías de trabajo. Bienvenidas sean. Todas.

Indirectamente, soy discípulo de don Emilio García Gómez aunque nunca me dio clases por encontrarse desempeñando una función de embajador mientras yo estudiaba. A don Elías Téres Sádaba lo recuerdo con mucho afecto y respeto por su gran calidad profesional y su honradez intelectual y humana, me ayudó de forma muy desinteresada y sin pretender ejercer cacicato de ningún género sobre mí, algo excepcional en nuestra Universidad. Por lo demás, hube de dar muchos palos de ciego para aprender cosas que deberían haberme enseñado mis supuestos mentores del tiempo. Yo elegí mis temas de estudio y los fui modificando en función de las posibilidades reales y concretas que tenía, viviendo en Madrid en los años setenta y ochenta, pero siempre con una idea muy clara: sin independencia no vale la pena ser arabista ni nada. Y eso no se perdona.

Un argumento muy común, usado para resaltar la importancia del denominado legado andalusí en España, es la existencia de un vocabulario de raíz arábiga en el español, caso de palabras tales como algarabía, alcázar, &c. Lo mismo ocurre con otros componentes culturales... Según lo entiende usted, ¿qué hay de realidad y de imaginario en esta influencia?

Este del léxico es un argumento típico y tópico de gentes que no saben ni árabe ni lingüística. Cifrar el «legado andalusí» en el vocabulario de origen árabe es desconocer que 1.º) el léxico es el elemento que más fluctúa y cambia en toda lengua; 2.º) el hecho de que una palabra sea de origen árabe ni siquiera implica que el objeto que designa lo sea (el caso de aceituna es paradigmático y que, por cierto, coexiste con el doblete «oliva» en la misma Andalucía); 3.º) Es normal que determinadas técnicas agrícolas, médicas o de construcción en la Edad Media se sirvieran de léxico árabe por la importancia que en su desempeño tuvo entonces la comunidad musulmana o hispanoárabe; 4.º) El peso de ese léxico está en declive constante desde el siglo XIII (en el cual, ver los estudios de Sola y Neuvonen, era el 0,4% de los textos conservados; en Cervantes es el 0,5%); 5.º) De las 4.000 voces de etimología árabe, en la actualidad no creo que se utilice, en el español vivo, ni el 10%; 6.º) No hay léxico de etimología árabe en la vida espiritual, se circunscribe a cuestiones muy materiales; 7.º) El afrancesamiento de la sociedad española no procede de que digamos batalla, centinela, bayoneta o jardín, sino de que hayamos asumido y adoptado los modos de comportamiento, la extensión social de la conducta de la sociedad «francesa» o, más bien, europea y occidental de los siglos XIX y XX.

Sea como fuera el concepto de «legado» indicaría que los españoles actuales recibimos en herencia la «cultura andalusí», estando obligados, por tanto, a conservarla como tales herederos suyos. Sin embargo, cuando se habla de la influencia griega y romana, no se habla en estos términos. ¿Somos herederos, tenemos tal «responsabilidad»?

No creo que debamos convertir en un programa la conservación de tal o cual cultura. Eso es negar el concepto mismo de cultura, meterla en un pozo al que echamos agua a diario para que no se mustie. No hace falta estar diciendo a todas horas que pertenecemos a la cultura neolatina, sencillamente porque eso es así. Mal asunto es que haya que «defender « una cultura con vallas y cortafuegos y trincheras y comisarios. Eso están haciendo los separatistas de distintos pelajes con el resultado de un empobrecimiento cultural de sus propias sociedades: peor para ellos y para sus «países». Otra cosa es que nos abrumen con falsificaciones que intentan suplantar a la realidad, caso de las «raíces árabes» de Andalucía y, si nos descuidamos, de toda España. Me da risa, por lo esperpéntico, cuando leo a un señor de La Coruña afirmar que somos moros, incluido él. A estos extremos lleva el dejarse arrastrar por tópicos y modas del momento, para caer bien, estar al día, no desentonar

Usted ha escrito una serie de obras, Al-Andalus frente a España y La quimera de al-Andalus, las más conocidas, criticando el mito que representa Al-Andalus como una convivencia armoniosa y tolerante entre culturas. Se dice que el gato fue «creado» para que el hombre pudiese acariciar un león: ¿podría decirse que el mito de al-Andalus nace, en el XIX, como una especie de Oriente inofensivo, para solaz y recreo de los «intelectuales y artistas» europeos? ¿Es el llamado «legado andalusí» nuestro caballo de Troya?

Esa idea del Oriente inofensivo personificado en al-Andalus (edulcorado, embellecido) es buena. García Gómez tiene un párrafo –que cito en La Quimera de al-Andalus– que va por ese camino. No quiero hacer caricatura de don Emilio, pero en el fondo lo reconoce y él mismo se recreó, para su uso particular, una historia y una literatura de al-Andalus muy limada y capada de asperezas. Al-Andalus, como todas las sociedades medievales, fue brutalísimo e insufrible para nuestros actuales conceptos de vida. Será «caballo de Troya» si se lo permitimos a los mixtificadores que, en realidad, son pocos. Aunque les sigue una caterva de escritores, periodistas y políticos que no saben de lo que hablan.

Hay obras, como la de Olagüe, que niegan el que la España visigoda haya sido «conquistada» por los musulmanes, sino que más bien fue el descontento de la población hispano-romana con los visigodos dirigentes lo que dio lugar a la presencia de los musulmanes en la Península. Según se sostiene desde estas posiciones, la «conquista» del 711 es un invento retrospectivo para justificar la «Reconquista»: ¿cómo ve este asunto?

Lo de Olagüe es una majadería que no se puede tomar en serio.

En La quimera de al-Andalus dedica un capítulo a Los Moriscos y América, así se titula. Usted ha escrito una novela, Los de Chile (Libertarias/Prodhufi, 1994), de tema americano. ¿Qué hay de presencia morisca en la conquista americana?

fanjulandalus.jpgNo voy a exponer aquí el contenido de ese capítulo dedicado a los moriscos en América: es excesivamente largo. Pero sí puedo aclarar que mis conclusiones, después de dos años de trabajo (para un solo capítulo) son difíciles de modificar. La presencia de moriscos es irrelevante, aunque las comunidades árabes de América y los siempre temibles divulgadores se apliquen a repetir lo contrario por tierra, mar y aire. Sin probar nada, claro. Como «se sabe que fue así» no hay que demostrar nada.

En uno de sus Episodios Nacionales, Benito Pérez Galdós narra la vida de un español convertido al judaísmo en la ciudad marroquí de Tetuán, hacia el año 1859. Este español, en tanto que judío, es siervo de un musulmán y recibe un trato análogo al que podríamos dispensar a un animal doméstico o de compañía. ¿Este trato, según lo describe Galdós, que los musulmanes otorgan a los judíos es pura literatura o es algo que se puede constatar históricamente? En su último libro, La quimera de al-Andalus, da una pinceladas acerca de la trayectoria de Maimónides en este sentido: ¿podría recordarlas aquí?

El trato recibido por los judíos en la sociedad de predominio islámico es malo y el hecho, innegable, de que en la sociedad europea cristiana medieval fuese peor en muchos momentos, no lo convierte en bueno. Sobre esto recomiendo leer el libro de Bernard Lewis «Los judíos del islam», que además de maravillosamente documentado, es una obra ponderada y muy objetiva. Las persecuciones abundaron, el trato sistemático vejatorio, también. Maimónides es un ejemplo –muy utilizado por los propagandistas de Las Tres Culturas, paradójicamente como prueba de convivencia– de intelectual coaccionado, forzado a emigrar, a hacerse musulmán y finalmente procesado por haber vuelto al judaísmo. Yo no sé de qué hablan quienes esgrimen su caso como muestra de tolerancia islámica. No sé si es ignorancia o cara dura, o las dos cosas.

En uno de los capítulos de su último libro habla de la visión que de al-Andalus se hace en las escuelas de países como Túnez y Siria. ¿Cómo se interpreta desde la instrucción pública marroquí?

Con menos virulencia que en países inmersos en el nacionalismo chovinista como es el caso de Siria o Iraq pero también con exageración del carácter paradisíaco y de la usurpación que los «cristianos» perpetramos.

Uno de los casos más notorios y polémicos de la inadaptación del Islam a las sociedades laicas del presente es el del chador, pañuelo que obligatoriamente llevan las mujeres árabes cubriendo su cabeza. Muchos grupos han hablado de intolerancia por la reciente prohibición de esta prenda en Francia. Otros, apelando al pasado inmediato, señalan que en Francia se pasó con gran facilidad del chador a la ablación del clítoris. ¿Qué representa realmente el chador dentro de la moral islámica?, ¿hasta dónde llega su «obligatoriedad» en las sociedades musulmanas?

El hiyab –que no chador, que es persa– se considera piadoso y como sucede con toda posibilidad acaba convirtiéndose en obligación por parte de los más rigoristas y estos suelen trazar las líneas de conducta general en sociedades sometidas por el miedo, como es el caso de las muy numerosas comunidades de inmigrantes que han formado guetos muy cerrados en Francia y en España estamos en vías de conseguir que formen, dada la inhibición y apatía de los poderes públicos. La ablación es otro asunto y no todos los árabes, ni menos aun todos los musulmanes, la practican. Por fortuna, porque de lo contrario veríamos a las feministas multiculturalistas defendiéndola como algo excelente y prueba de la liberación de la mujer en el Tercer Mundo. Por desgracia no estoy exagerando. Eso hacen con respecto al «hiyab» cuando, de hecho, es una muestra de sumisión y obediencia a su dueño (padre, marido, hermano, tío): sus encantos sólo pueden verlos estos familiares. Y los servidores eunucos, está buena la observación. La ablación es una costumbre ancestral del Valle del Nilo y en él se practica desde tiempos faraónicos. Se ha extendido al Africa Negra, pero no es un ritual islámico. Sin embargo, el islam oficial, el que manda, en Egipto se aferra a ella como medio de control de las mujeres. El gran Shej de al-Azhar (en El Cairo) la defendía con argumentos como amenazar con el sida a las mujeres que se libraran de ella, es decir que lo contraerían y contagiarían a sus maridos, o sea condena de soltería perpetua. Casi ná.

Solemos comprobar que, cuando un grupo radical islámico comete un atentado, lo realiza por medio de la inmolación de un suicida, ya sea cargado de explosivos, o pilotando un vehículo, avión, &c. Este comportamiento es impensable en una sociedad cristiana, en la que vemos como carente de sentido el matarse uno mismo. De hecho, grupos terroristas como ETA jamás han practicado este tipo de atentados suicidas. ¿Es el fenómeno de la inmolación algo inherente a la sociedad islámica o puede considerarse una mera contingencia o, más bien, una necesidad provocada por su «desesperación», como señalan los defensores de grupos como el palestino?

El suicidio como método de acción terrorista no es inherente al islam, aunque históricamente lo practicaran los asesinos de Persia y Siria en sus atentados políticos, pues se daba por segura la muerte del terrorista. El convencimiento de ir al Cielo facilita mucho tal burrada. Los círculos oficiales islámicos dicen condenarlo pero la realidad es que no hacen nada por impedirlo. Y su actitud –y actuación– sería determinante.

El Islam: ¿«sometimiento»?, ¿«paz»?, ¿las dos cosas?... La yihad: ¿esfuerzo?, ¿guerra santa?, ¿las dos cosas?...

fanjulquimera.jpg«Islam» en árabe significa «sumisión». Pertenece a la misma raíz verbal de «paz», pero significa sumisión. Contar otra cosa es salirse por peteneras. «Yihad» significa, sobre todo y antes que nada, «guerra santa o combate por la fe», como se prefiera. También vale lo de las peteneras.

Con motivo de la guerra de Iraq y posterior ocupación, los medios de comunicación han mencionado repetidas veces la existencia de dos grupos islamistas enfrentados en ese país: sunnitas (que parecen ser partidarios del depuesto Sadam Hussein) y chiitas, representados principalmente por clérigos y que piden el reconocimiento de Iraq como república islámica. En el norte, como es sabido, están los kurdos... ¿Podría explicar qué diferencias políticas y religiosas existen entre estas dos corrientes islamistas, y cuál es la relación de cada una con los kurdos?

La diferencia fundamental (aparte algunos detalles litúrgicos o de tabúes alimentarios) estriba en que los chíies mantienen la idea del derecho al califato de Alí (yerno de Mahoma) por encima de los otros sucesores. Alí fue depuesto por Muawiya tras aceptar un arbitraje en Siffin y finalmente asesinado. También fue muerto su hijo Husein en Kerbela. En este pleito dinástico del siglo VII se basa la diferencia fundamental entre unos y otros. La Chía también esta subdividida en múltiples grupos y en la principal subsiste algo más semejante al clero cristiano. En la Sunna, en teoría, no hay clero. Los kurdos son sunníes pero anteponen su condición étnica y cultural a la adscripción religiosa. Los chiíes sí estaban mayoritariamente enfrentados a Saddam Husein.

Además de sunnitas y chiitas, los musulmanes aparecen divididos en distintos grupos, de distinto rango, Wahabíes, Hermanos Musulmanes, Malikíes, El Tabligh..., algunos incluidos en otros, otros enfrentados entre sí... Muchas veces se dice que no existe en el Islam la unidad que se le otorga desde el Occidente cristiano (de igual manera que en el «Occidente cristiano» no existe unidad: católicos, ortodoxos, protestantes; españoles, franceses, yanquis, británicos;...). Se dice también que la política, digamos «El Estado», fue una creación de Occidente para dividir a los musulmanes...: así como franceses, italianos, alemanes... son distinciones reales, marroquíes, argelinos, iraníes, saudíes... serían categorías «occidentales» proyectadas sobre los islamitas para dividirlos... En fin, ¿cree usted que «musulmán» y «cristiano» son conceptos suficientes como para significar las realidades que se supone soportan?, es decir, ¿hay claridad y distinción en tales conceptos según las realidades que denotan, o, al contrario, la realidad es más «compleja», como se suele decir, de tal modo que no puede ser medida en absoluto por tal distinción?

La realidad es compleja pero no imposible de aprehender. Las diferencias internas del islam que tanto esgrimen los multiculturalistas occidentales sin profundizar en ellas no son más que un pretexto para relativizar todo y agarrarse en cada momento a lo que mejor les conviene. Hay unos cuantos principios básicos –y actuaciones consiguientes– en los cuales coinciden todos los musulmanes prácticamente y eso son habas contadas. Aparte cuestiones básicas de dogma que, obviamente, son iguales para todos y de coincidencia en los ritos (los cinco pilares famosos), hay cuestiones muy comunes: la inferioridad de la mujer (se disfrace como se disfrace, por lo común poco), la relación distante y nada amistosa con las otras religiones y la persecución a muerte de los apóstatas, por poner algunos ejemplos concretos.

¿Qué papel puede desempeñar una comunidad islámica de cerca de 1.800 millones de adeptos en la actual globalización capitalista liderada por Estados Unidos? ¿Cree usted, o mejor aún, sabe si existe alguna capacidad de articulación de esta gran masa de islamistas, más allá del fenómeno fundamentalista con el que suele manifestarse?

Que yo sepa, los musulmanes oscilan entre 1000 millones de personas y 1100, lo que no es poco. Aparte de la fuerza de la creencia religiosa no veo ningún movimiento ni idea política capaz de aglutinarles, como no sea la fuerza del resentimiento contra Occidente. Dilucidar la justicia o injusticia, o la base lógica de tales sentimientos requeriría entrar en todos los casos, uno por uno y cotejar los matices.

Por último, desde la «Semana Trágica», pasando por la «Marcha Verde», Perejil, los atentados de la «Casa España» en Casablanca, hasta el 11M: ¿cómo ve la relación entre España y Marruecos y en qué situación cree se encuentra España en estos momentos tras las decisiones tomadas por el nuevo gobierno?

La relación de España con Marruecos ha sido y va a seguir siendo conflictiva, diga lo que quiera el actual gobierno, tan aficionado como es a ignorar los problemas, sonreír y decir que aquí no pasa nada. Lo único que conseguirán con su inhibición y falta de respuesta al acoso permanente de Marruecos es que los problemas crezcan y que quienes estén en La Moncloa dentro de veinte años –si por entonces sigue habiendo Moncloa y un presidente en ella– deban dar respuestas mucho más duras que las que ahora serían suficientes para detener el empujón. España puede ofrecer inversiones (ya hay muchas), un cupo legal y reglamentado de inmigrantes, asistencia cultural y técnica, apoyo político ante Europa (Marruecos ya tiene el apoyo de Francia y Estados Unidos pero tal vez el nuestro no sobre), acuerdos comerciales ventajosos, &c. Marruecos debe ofrecer el corte desde su lado de la inmigración ilegal y del tráfico de drogas, renuncia a la anexión de Ceuta y Melilla, tratados pesqueros razonables y justos para todos, control de todo tipo de delincuencia. Pero no creo que el gobierno actual vaya a hacer otra cosa sino rendirse, ante un oponente mucho más débil. Qué divertido.

dimanche, 29 octobre 2017

Kemal et le communisme

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Kemal et le communisme

Par Lukas Tsiptsios

Ex: http://www.lesclesdumoyenorient.com

Le kémalisme est incontournable pour comprendre l’histoire de la Turquie contemporaine, tandis que son fondateur Mustafa Kemal devenu Atatürk (père des Turcs), est lui toujours incontournable dans l’espace public turc. Mouvement nationaliste dans la continuité des Jeunes Turcs, né pour fonder un Etat-nation turc souverain quand les puissances impérialistes démantelaient l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, le kémalisme devient rapidement un allié objectif de la Russie soviétique de Lénine. De ce fait, des rapprochements, même idéologiques, entre kémalisme et bolchévisme ont souvent pu être recherchés (1). Il faudrait néanmoins questionner plus profondément ce rapport à l’antiimpérialisme et au communisme. Le kémalisme étant idéologiquement fluctuant et difficilement cernable, un retour sur les conceptions et les pratiques de Mustafa Kemal lui-même, est ici nécessaire pour comprendre cette alliance a priori contre nature.

Communisme et nationalistes

Lorsque Mustafa Kemal (1881-1938) débarque à Samsun le 19 mai 1919, s’opposant toujours plus ouvertement au pouvoir du sultan Mehmed VI, la Russie soviétique de Lénine se trouve au cœur de la guerre civile qui l’oppose aux armées blanches, aux forces paysannes, mais aussi aux troupes étrangères coalisées, chargées d’empêcher toute propagation bolchévique. C’est un moment où, alors même que les bolchéviks luttent à mort pour leur survie politique (et physique), ils peuvent toujours espérer une révolution mondiale. La contre-offensive de l’Armée rouge en Pologne en 1920 a pu offrir un vague espoir d’une prise militaire de Berlin et d’une diffusion révolutionnaire en Europe, un an après la révolte spartakiste, la République des conseils de Bavière, de Hongrie ou de Slovaquie. A l’effervescence révolutionnaire européenne, s’ajoutent les mouvements nationalistes qui se structurent progressivement dans le monde sous domination européenne. La doctrine boukharo-léniniste (2), qui s’institue alors comme la règle dans le champ marxiste de la IIIe Internationale (Komintern), voit dans ces mouvements nationalistes une dynamique révolutionnaire à laquelle le mouvement ouvrier doit s’allier, afin de vaincre les forces et les intérêts impérialistes.

« Réussirons-nous à unir ce courant immense du mouvement national-révolutionnaire sans cesse croissant, au courant général et bien plus puissant du mouvement prolétarien, qui s’assigne des tâches purement communistes ? Cette union est nécessaire et inévitable… » dit Zinoviev, président du Komintern, au premier congrès des organisations communistes et révolutionnaires de l’Extrême-Orient en 1922 (3).

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De leur côté, les mouvements nationalistes perçoivent bien souvent la Révolution d’Octobre comme une source d’espoir, voire d’inspiration. Le zèle affiché du Komintern quant à la décolonisation, pousse même beaucoup vers son giron. Les nationalistes des Indes néerlandaises du Sarekat Islam se retrouvant bien souvent dans le Partai Komunis Indonesia en 1920. De même pour beaucoup de nationalistes en Indochine, qui comme Nguyễn Ái Quốc (futur Hô Chi Minh), alors fameux pour ses Revendications du peuple annamite de 1919, constatant les insuffisances du Parti national vietnamien (VNQDĐ), fonde le Parti communiste indochinois après avoir participé à la mission Borodine, mission du Komintern consistant à soutenir les nationalistes chinois du Guomindang de Sun Yat-Sen (4).

Dans ce contexte de révolution mondiale et de libération nationale des peuples sous domination étrangère, il est bien souvent question dans les débats du Komintern d’un horizon communiste particulier aux populations musulmanes. L’idée d’un « communisme musulman » suscite une certaine forme d’enthousiasme, de même que le djihad peut alors être considéré comme nécessaire au processus révolutionnaire, ainsi que le présente Mirsäyet Soltanğäliev au premier congrès des peuples d’Orient à Bakou en 1920 (5). C’est ce potentiel révolutionnaire que le Komintern pense retrouver chez les nationalistes turcs, représentés par Mustafa Kemal à Ankara, contre le pouvoir impérial libéral de Constantinople, qui sous le contrôle des forces de l’Entente (notamment du Corps expéditionnaire d’occupation de Constantinople, hériter de l’Armée française d’Orient), tentait de se reprendre après la période jeune-turque (entre 1908 et 1918), tout en négociant de manière inégale les traités de paix qui assuraient le démembrement de l’Empire ottoman.

Indépendance turque et Russie soviétique

La révolution nationale de Kemal entamée en 1919, pouvait alors être perçue ainsi par le Komintern. Joignant un discours antiimpérialiste refusant les traités des vainqueurs de la Première Guerre mondiale (vue comme la guerre impérialiste par excellence), à la défense du califat malgré son opposition au gouvernement du sultan, Kemal et la Grande Assemblée nationale de Turquie (GANT) d’Ankara ont pu être un symbole d’espérance pour beaucoup de mouvements musulmans. D’où un soutien financier abondant de l’étranger, notamment des musulmans d’Asie centrale et d’Inde, dont 125 000£ par le simple comité indien Khilafat (6) jusqu’en 1922.

Kemal affiche donc dans un premier temps un « panislamisme dévot » (7) et libérateur, malgré son scientisme et son turquisme (8). Il l’associe à une rhétorique antiimpérialiste et socialiste, se rapprochant ainsi de la Russie soviétique, tout en éliminant toute autre concurrence réellement communiste en interne. Il était celui qui apparaissait combattant (tout comme l’Armée rouge) contre les grandes puissances impérialistes liguées pour dépecer l’Empire, ouvertement ou derrière la Grèce vénizéliste aux ambitions expansionnistes en Anatolie, désirant réaliser sa Grande Idée. Profitant des négociations et forte du soutien franco-britannique, les armées du Royaume hellène débarquent à Smyrne en mai 1919, avant d’entamer les premières offensives l’année d’après. Du résultat de cette guerre gréco-turque, dépendait fondamentalement l’existence d’un éventuel Etat-nation turc tel que l’envisageait Kemal. Ce sont donc les circonstances qui ont poussé la Grande Assemblée nationale de Turquie vers la Russie soviétique, seul Etat disposé à l’aider compte tenu des conditions. Le traité de Moscou de mars 1921 qui en découle permet au gouvernement turc d’Ankara d’avoir une reconnaissance officielle internationale, mais surtout des financements en roubles-or, ainsi qu’un règlement des frontières caucasiennes, finalement délimitées lors du traité de Kars d’octobre 1921 (9). Ainsi, avec ces traités, le traité de Sèvres de 1920 qui découpe l’Empire ottoman entre les grandes puissances (France, Royaume-Uni, Italie et la Grèce vénizéliste soutenue par les deux premières) en ne laissant aux Turcs qu’un étroit espace en Anatolie, est rendu caduc. Les forces kémalistes maintenant financées (10) et équipées par la Russie, ayant gagné la guerre turco-arménienne la même année, pouvaient se focaliser sur le front anatolien contre la Grèce et finalement gagner la guerre en 1922.

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Quant à la Russie soviétique, ayant établi sa domination sur la Transcaucasie soviétisée dans le même temps (grâce aux avancées kémalistes en Arménie qui lui a permis de la soviétiser (11)), elle disposait d’une frontière méridionale stable, mais surtout d’un premier allié, ayant à court terme les mêmes objectifs et les mêmes ennemis. C’est donc une alliance pragmatique et les Soviétiques sont très vite conscients de leurs divergences idéologiques avec le nationalisme kémaliste, dont les accents socialistes n’ont été que rhétoriques. En soi, c’est là un premier acte réaliste de l’Etat soviétique, pour sa survie dans les relations internationales, conduit par le pragmatisme léniniste, plus qu’un réel accomplissement d’un objectif du Komintern.

Le pragmatisme de Kemal

L’alliance de Kemal avec les bolcheviks pourrait être vue comme une alliance contre-nature si la première caractéristique politique du futur Atatürk n’était pas son pragmatisme radical. Sa formation intellectuelle est celle d’un officier jeune-turc de Roumélie (12) : scientiste, turquiste, très élitiste, prônant un darwinisme social, moderniste certes, mais hostile au marxisme qu’il méprise sans réellement chercher à le comprendre (13). Mais son but étant la construction d’un Etat-nation turc homogène et moderne, occidentalisé sans pour autant dépendre des intérêts occidentaux, il doit accepter dans un premier temps le compromis religieux, mais aussi bolchevique, quand bien même préfère-t-il la révolution de Meiji au Japon à la révolution d’Octobre. Kemal parvient néanmoins à repousser ses attentes d’un Etat laïc et scientiste pour se faire le défenseur du califat et instituer une procédure à la GANT (avec prières et utilisation politique des oulémas), plus religieuse que jamais l’Empire d’Abdülhamid II ne l’avait été. De même a-t-il été capable de repousser ses ambitions et ses discours turquistes, pour parvenir à un accord avec la Russie soviétique. En revanche, cette alliance pragmatique n’a jamais empêché Kemal de toujours rechercher un rapprochement avec les Etats-Unis ou n’importe quelle démocratie libérale, afin d’œuvrer toujours plus largement à la reconnaissance internationale de la Turquie républicaine.

Fort de son titre de Gazi acquis à la suite de la bataille de Sakarya en 1921 contre les Grecs, Kemal pouvait à la fin de la guerre gréco-turque, prétendre à une triple légitimité : militaire, politique et religieuse. Il avait sauvé la nation turque face aux menaces étrangères, affirmé l’existence de la nouvelle République sur la scène internationale avec le traité de Lausanne de 1923, tout en restaurant (jusqu’au 3 mars 1924, date de son abolition) le califat avec des compétences strictement limitées au plan spirituel. Le traité de Lausanne, officialisant la fin de l’Empire ottoman, permet à la fois à la nouvelle république de s’affirmer indépendante et souveraine dans les relations internationales, mais aussi de régler (selon les juristes internationalistes du temps) le problème du caractère multiethnique de la population du territoire turc, par un échange de populations avec la Grèce sur un critère apparemment objectif fondé sur la religion. Censée pacifier la région, cette décision frappe deux millions d’habitants, déplacés des deux pays, laissant ainsi théoriquement deux Etats ethniquement homogènes. C’était là nécessaire pour le projet nationaliste turquiste de Kemal, profondément hostile au cosmopolitisme ottoman, qui entrait dans le prolongement des politiques d’ingénierie démographique des Jeunes Turcs entrepris dès 1914 (14). De plus, la reconnaissance internationale à Lausanne libérait Kemal de son allié soviétique, qui ne lui était plus forcément nécessaire pour la survie de la République désormais en paix.

Les conditions lui étaient alors favorables pour entamer sa propre politique de modernisation et de laïcisation de la Turquie, avec l’aide et les investissements de la nouvelle URSS, tout en menant une politique violemment anticommuniste en interne. Ainsi, quand bien même Kemal honore ses alliés soviétiques en représentant Frounze (15) et Vorochilov (16) sur le Cumhuriyet Anıtı (« Monument de la République », érigé en 1928 sur la Place Taksim), « chacun doit comprendre qu’en Turquie même le communisme est notre affaire » (17) écrivait-il dans le même temps. C’est pourquoi avait-il formé un parti communiste fantoche (non reconnu par le Komintern), afin de combattre le Parti communiste de Turquie (TKP), qu’il devait théoriquement accepter sous la pression de Moscou. Finalement, la répression, les assassinats politiques n’ont jamais cessé, alors que l’alliance de fait entre la Turquie kémaliste et l’URSS de Staline elle, prend fin en 1936 sans grande émotion, avec la convention de Montreux. Le parcours de Nâzım Hikmet, qui alternait les années d’exil et de prison (15 ans au total) du fait de son appartenance au TKP, illustre bien ce rapport conflictuel et contradictoire du kémalisme des premières années avec le communisme.

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Conclusion

Il s’agissait là de se demander si Kemal et le kémalisme avaient pu être influencés ou liés d’une quelconque façon au communisme. Il est certain que les origines mêmes de la pensée de Kemal, nationaliste, élitiste et scientiste, le placent idéologiquement à des lieues du marxisme ou du bolchévisme. Cependant, sa pratique politique et son pragmatisme radical, ont pu, dans le cadre de certaines circonstances et rapports de forces donnés, le rapprocher de la Russie de Lénine. Ce rapprochement a provoqué des inflexions rhétoriques qui ont pu troubler la définition qu’on donne au kémalisme, allant même jusqu’à trouver des points communs idéologiques des deux courants politiques. Pourtant, il n’y a en réalité que le pragmatisme de Kemal, seule constante de son courant, qui puisse expliquer son alliance avec les bolchéviks. Tout comme le péronisme, on peut donc se réclamer du kémalisme de l’extrême-droite à la gauche, car il ne propose pas réellement un ancrage idéologique profond et dépasse de ce fait largement les clivages communs du champ politique des démocraties occidentales. Une interprétation du kémalisme comme étant une expérience nationaliste d’inspiration marxiste ou même tout simplement socialiste, serait donc définitivement à écarter.

- Kemal : de Mustafa à Atatürk (première partie)
- Kemal : de Kemal Pacha à Kemal Atatürk (deuxième partie)
- Tancrède Josseran, La nouvelle puissance turque : l’adieu à Mustapha Kemal
- La Révolution anatolienne, Dix ans qui ont changé la Turquie

Notes :
(1) Notamment G. S. Harris, The Origins of Communism in Turkey, Stanford, Hoover Institution, 1967, ou encore Rasih Nuri İleri, Atatürk ve Komünizm (Ataturk et le communisme), Istanbul, 1970.
(2) L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme en étant certainement l’essai de synthèse le plus connu.
(3) Hélène Carrère d’Encausse, Stuart Schram, Le marxisme et l’Asie, 1853-1964, Paris, Armand Colin, 1965.
(4) Nora Wang, L’Asie orientale du milieu du 19e siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 2000.
(5) Congress of the Peoples of the East, Baku, September 1920 : Stenographic Report, trad. Brian Pearce, Londres, New Park, 1977.
Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay, Sultan Galiev. Le père de la révolution tiers-mondiste, Paris, Fayard, coll. les Inconnus de l’histoire, 1986.
(6) Naem Qureshi, Pan-Islam in British Indian Politics : A Study of the Khilafat Movement, 1918-1924, Leyde, Brill, 1999.
(7) Şükrü Hanioğlu, Atatürk   : une biographie intellectuelle, Paris, Fayard, 2016, p. 102.
(8) Idéologie nationaliste popularisée par les Jeunes Turcs, visant à unir les peuples turciques (sur un critère ethnique voire racial) au sein d’un même Etat panturquiste.
(9) Traité de Kars, 1921 [En ligne], wikisource [consulté le 29 juillet 2017], https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Kars_-_1921
(10) 10 millions de roubles-or.
(11) Anahide Ter Minassian, La République d’Arménie, Paris, Edition Complexe, 1989.
(12) Partie européenne de l’Empire ottoman, qu’on appelle aussi Macédoine.
(13) La biographie intellectuelle de Şükrü Hanioğlu, Atatürk   : une biographie intellectuelle est particulièrement explicite à ce propos, se fondant notamment sur ses discours, ses écrits, mais aussi ses annotations.
(14) Nikos Sigalas et Alexandre Toumarkine, « Ingénierie démographique, génocide, nettoyage ethnique. Les paradigmes dominants pour l’étude de la violence sur les populations minoritaires en Turquie et dans les Balkans », European Journal of Turkish Studies [En ligne], 7, 2008.
(15) Membre du Comité central du Parti bolchévique qui visite Ankara en 1921, avant de devenir membre du Politburo et Commissaire du peuple pour l’Armée.
(16) Membre du Comité central du Parti bolchévique, Commissaire du peuple aux Affaires intérieures avant de remplacer Frounze à sa mort en 1925.
(17) Mehmet Perinçek, Atatürk’ün Sovyetler’le Görüşmeleri, p. 273.

Bibliographie :
- Hamit Bozarslan, Histoire de la Turquie, de l’Empire à nos jours, Paris, Taillandier 2013.
- Paul Dumont, Mustapha Kemal invente la Turquie moderne, Bruxelles, Complexe, 1983, nouv. éd. 1997 et 2006.
- Paul Dumont, Du socialisme ottoman à l’internationalisme anatolien, Istanbul, ISIS, 1997.
- Paul Dumont, « L’axe Moscou-Ankara, les relations turco-soviétiques de 1919 à 1922 », dans les Cahiers du monde russe et soviétique, volume 18, numéro 3, Paris, 1977, p 165-193.
- Şükrü Hanioğlu, Atatürk   : une biographie intellectuelle, Paris, Fayard, 2016.
- Kerslake C., Oktem K., Robins P. (Eds.) Turkey’s Engagement with Modernity. Conflict and Change in the Twentieth Century. Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2010
- Erik J. Zürcher (Ed.), Turkey in the Twentieth Century. La Turquie au vingtième siècle, Berlin, Schwarz, 2008.

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jeudi, 26 octobre 2017

Les élections en Autriche ou le grand retour de l’Empire Austro-Hongrois

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Les élections en Autriche ou le grand retour de l’Empire Austro-Hongrois

Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends la victoire de la Droite en Tchéquie. Voila qui ne fait que renforcer la thèse que je développe ci-dessous.

Nous venons d’avoir des élections en Autriche  où la Droite l’a emporté de façon écrasante et bien entendu la presse française nous a ressorti sa bouillie habituelle : le fascisme, voir le nazisme était de retour, la bête immonde dont le ventre était encore fécond refaisait son apparition mais heureusement l’Europe était là qui allait intervenir pour que tout cela ne finisse pas trop mal… et que sais je encore. De toute façon, continuent nos journalistes, l’Autriche est un petit pays et la seule chose qui compte ce sont les négociations entre les « grands » c’est-à-dire la France éternelle, représentée par notre Jupiter national et l’Allemagne impériale sous la direction de madame Merkel.

Pour remettre ces flagorneries en perspective, rappelons que Madame Merkel a subi une défaite historique lors des élections Outre Rhin et que les seuls qui font semblant de prendre au sérieux monsieur Macron sont les hommes de Davos et leurs stipendiés dans nos media. Ce qu’il y a de merveilleux avec nos journalistes c’est d’abord à quel point ils sont prévisibles, ressortant à tout propos la grille de lecture qui leur a été imposée depuis les années Mitterrand par la gauche « intellectuelle », c’est-à-dire  celle  ne voyant de danger pour la démocratie que dans le catholicisme, mais aussi, comme ils sont historiquement ignares, on les voit incapables de décrire des bouleversements politiques ou géopolitiques qui se passent sous leurs yeux et auxquels ils ne comprennent rien.

Le lecteur devrait quand même se rendre compte qu’après 15 ans de crises  et de mensonges d’une Europe menée par les Oints Du Seigneur et autres hommes de Davos que le couple franco-allemand n’a été jamais aussi faible et avec un prestige aussi entamé et que jamais l’Europe n a été aussi divisée et de façon irréparable. J’en veux pour preuve les élections autrichiennes et maintenant les élections Tchèques.

Qu’annoncent’ elles ?

Tout simplement la résurrection de l’Autriche-Hongrie (catholique) assassinée par la France (radicale) grâce au traité de Versailles en 1919.

Revenons à l’Autriche-Hongrie historique, celle d’avant 1919.

Quelle était son rôle dans l’Europe d’alors ?

La réponse est simple : elle n’avait pas un rôle mais deux.

  1. Fédérer toutes les petites nationalités d’Europe centrale pour les protéger soit des Russes soit des Allemands, soit le plus souvent des deux à la fois.
  2. Protéger l’Europe contre l’envahissement des Turcs. Si Vienne tombait, l’Italie tombait et avec elle Rome, centre de la Chrétienté.

Arrive le traité de Versailles et le démantèlement de l’Autriche-Hongrie, le rêve des diplomates français depuis Richelieu qui donc n’avaient que quelques siècles de retard en ce cas d’espèce, ce qui est peu pour le Quai d’Orsay.

Résultat ? Chacune des nations dans l’Est de l’Europe tombe d’abord sous la dictature Hitlérienne avant que de passer sous la dictature communiste. Et après Hitler, ils se tapent Staline sans que les Européens disent un mot ou ne fassent un geste (Bien entendu, nous ne ferons rien…).

Arrive la chute du mur de Berlin.

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Les Nations de l’est retrouvent leur indépendance et se précipitent vers l’Europe, persuadées qu’elles étaient que cela garantirait leur souveraineté.

Voila qui se vérifia pendant quelques années, mais elles déchantèrent assez vite. Depuis l’arrivée du traité de Lisbonne et de ses abandons de souveraineté divers et variés, le jeu a changé. En fait, l’Europe telle qu’elle se bâtit à Bruxelles est devenue la principale menace pesant sur la souveraineté de ces pays. Et tous ces pays qui ont retrouvé leur liberté il y a à peine trente ans n’ont aucune, mais aucune envie de la voir disparaitre et d’être gouvernés à nouveau par des gens non élus.  Ils ont déjà donné…

Certes ces technocrates sont à Bruxelles plutôt qu’à Moscou, mais non élus et non virables ils resteront. Voila qui leur rappelle de fort mauvais souvenirs. Et, depuis le traité de Lisbonne, les partis pro européens se ramassent claque sur claque en Pologne, en Hongrie, en  Autriche et aux dernières nouvelles en Tchéquie, le bon élève de la classe.

Mais la coupe a vraiment débordé lors de la crise créée de toutes pieces par madame Merkel  invitant  tous les immigrés du monde entier à se précipiter en Allemagne et en Europe, ce qu’elle  annonça sans aucune consultation  et sans demander l’avis d’un seul autre pays Européen. Avoir un gouvernant allemand qui prend des décisions affectant l’ensemble du continent européen sans demander l’avis de quiconque, voila qui a du rappeler à tous ces pays de fort mauvais souvenirs.

Et du coup, ces pays ont créé un « sous- ensemble » qu’ils ont appelé le « groupe de Visegrad « qui comprend la Tchéquie, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie.

Imaginons que l’Autriche les rejoigne et hop revoilà l’Autriche Hongrie renaissant de ses cendres (que le lecteur regarde une carte), ce qui va bouleverser le paysage diplomatique un peu comme la chute du mur de Berlin l’a fait.

Rappelons quels étaient les objectifs de la diplomatie de l’ancienne Autriche-Hongrie.

  • Se protéger, et de ce fait protéger l’Europe, contre une invasion des Turcs. Remplacer Turc par Immigré et voila qui explique la quasi-totalité des votes en Hongrie, en Pologne, en Tchéquie, en Autriche s’opposant au monopole sur le contrôle de l’immigration que s’est arrogé Bruxelles sans que personne ne lui en ait jamais donné le pouvoir de façon démocratique. Et tous de rappeler que l’Europe est chrétienne et qu’elle s’est constituée en partie au moins en se battant contre les musulmans. Quelque part, ces pays nous rappellent que le devoir de mémoire existe et que Turcs et Musulmans ont commis de bien grands crimes pendant des siècles en Europe, sans que s’ils s’en soient jamais excusés…
  • Se protéger contre les grandes puissances qui les cernait et qui avait une tendance certaine à piétiner à la moindre occasion leurs libertés, en se souvenant que la Prusse était Protestante et la Russie Orthodoxe, ce qui ne plaisait guère à toute cette région majoritairement Catholique. Une petite anecdote à ce sujet. Lors de son premier voyage en France, Jean- Paul II demanda à voir Robert d’Autriche (le frère d’Otto, héritier de la couronne des Habsbourg) qui y vivait. Robert accepta bien sur et rendit visite au Pape. Jean Paul II voulait simplement lui remettre le sabre d’officier de son père qui avait servi dans l’armée Autrichienne pendant la première guerre mondiale. Voila qui en dit long…Tous ces pays sont donc vent debout contre le coup d’état organisé à  Bruxelles depuis la chute du mur de Berlin, non seulement contre leur souveraineté mais aussi contre leur identité dont ils aiment à rappeler qu’elle est  en grande partie Catholique.

En termes pratiques qu’est que cela veut dire ?

  1. Tout d’abord que les élections autrichiennes et Tchèques sont un DESASTRE pour Bruxelles et pour la Commission. Il parait inévitable que ce monstre juridique ne rendant de compte à  personne et mené par 27 individus que personne n’a  élu et que personne ne peut virer va repasser sous le contrôle des Etats souverains d’une façon ou d’une autre.
  2. Le mythe d’un Droit Européen s’appliquant à tout le monde « de façon impériale, impérieuse et sans appel » va voler en éclats, puisque tous ces pays vont exiger que la souveraineté nationale soit seule légitime puisque elle seule repose sur le vote. Il n’y aucune légitimité dans un «projet historique» qui serait inéluctable comme l’ont montré le Reich de mille ans d’Hitler ou le cauchemar Marxiste de l’URSS. Le projet Européen de l’inévitable émergence d’une nation européenne est du même acabit et subira le même sort. Voici donc que se dessine enfin la fin d’un gouvernement des juges et des technocrates, aussi odieux que non démocratique.
  3. La vision du monde soutenue par les hommes de Davos et les Oints du Seigneur qui refusent l’idée même de Patrie et de Religion comme ciments de la volonté de ‘VIVRE ENSEMBLE » et qui haïssait les peuples européens au point même de vouloir procéder à leurs remplacements est en train de s’écrouler un peu comme l’URSS l’a fait avant elle. Nous arrivons peut-être à la fin de la pensée unique qui après tout n’est rien d’autre qu’une absence assez remarquable de pensée.
  4. En gros, l’Europe des Nations est de retour et c’est bien sur le moment qu’a choisi la France, dont les élites sont toujours en retard d’une guerre pour élire (mais assez mal) un fanatique de la Nation Europe qui n’a jamais existé que dans leurs cerveaux embrumés de premier de la classe.
  5. Si l’idée même de Nation Européenne a pris un coup mortel, comme je le crois, alors, à quoi peut bien servir l’Euro qui après tout était le premier pas vers cette nation ? L’Euro a toujours été une solution à la recherche d’un problème. Aujourd’hui, il n’a plus de raison d’être puisque l’Etat Européen n’existera jamais mais il reste bien sur le principal obstacle au retour de la démocratie en Europe …

Pour terminer sur une note financière, ce qui est mon péché mignon, je verrai bien les lecteurs de l’IDL se constituer un portefeuille «  Empire Austro Hongrois », dont le futur apparait brillant et j’y mettrais les indices Hongrois, Autrichien, Tchèque, Polonais …

Et je me suis amusé à en calculer la performance depuis cinq ans …

Depuis le coup mortel porté par le Brexit à la Commission, il s’est plutôt bien comporté, ce qui n’étonnera que ceux qui lisent le FT ou le Monde.

L'histoire à l'épreuve de l'Europe selon Denis Crouzet

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L'histoire à l'épreuve de l'Europe selon Denis Crouzet

L’historien français Denis Crouzet, spécialiste mondialement reconnu du XVIe siècle français et européen, livre ici en avant-première au Grand Continent l’avant-propos d’Historiens d’Europe, historiens de l’Europe, ouvrage qu’il a dirigé, à paraître le 5 octobre prochain chez Champ Vallon et dédié à la place de l’Europe comme échelle et objet géopolitiques dans la pensée de nombre des plus célèbres historiens européens du XXe siècle.

Cet avant-propos est l’occasion d’une réflexion d’une formidable richesse problématique sur la possibilité d’écrire une nouvelle histoire de l’Europe. Dans la lignée des préoccupations du Grand Continent, entre les apories d’une accumulation d’histoires nationales autosuffisantes et, parfois, les insuffisances théoriques d’une histoire globale automotrice ou réduite à une somme d’histoires parallèles, Denis Crouzet nous invite, fort de quarante années de recherches consacrées notamment à une analyse anthropologique des phénomènes de violence et de pacification en France et en Europe, à considérer les inestimables vertus heuristiques d’une échelle d’analyse intermédiaire européenne dans la compréhension des phénomènes historiques.

Loin de sacrifier aux mythes d’une Europe donnée en propre ou de la lente genèse d’une civilisation partagée, c’est peut-être surtout dans le cadre d’un « jeu d’échelle » que Denis Crouzet envisage l’Europe. Aux prémisses du raisonnement est l’impossibilité de donner sens à des phénomènes historiques sans les inscrire dans un cadre de compréhension qui est avant tout celui de l’Europe davantage peut-être que celui du monde et en tout cas de la nation. C’est parce que l’Europe est par nature une succession de contingences historiques qu’elle est d’ailleurs la métaphore même de l’histoire et mérite donc de sortir de l’impensé et du refoulé. C’est parce qu’à rebours de toute téléologie elle est non hypostase mais hypothèse qu’elle éclaire peut-être si bien le passé. Elle permettrait de réévaluer à la hausse les mérites d’une histoire qui, sans être utilitariste, refuserait en tout cas de définir son objet comme l’impératif catégorique et autosuffisant de la simple connaissance historique et viserait plutôt l’hypothétique, condition d’une pensée libre et vivante intéressée au contemporain et à ses enjeux géopolitiques. Une histoire « thérapie », magister vitæ, serait donc possible en somme, entendu qu’en empruntant ce chemin de sortie de la plus sèche neutralité axiologique positiviste l’on ne débouche pas sur une essentialisation civilisationnelle de l’Europe mais sur une ligne de crête où résonne depuis la vallée de l’histoire l’écho de la quête, depuis le XVIe siècle et l’éclatement de la chrétienté, d’une unité et d’une totalité d’être ; au bout de cette ligne, le sommet de l’universel ? – P.S.


 

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L’intuition qui a donné naissance à la rencontre d’où est issu ce livre est que la crise idéologique subie par l’Europe actuelle relève autant d’un déficit d’historicisation, et donc de nomination, que de la projection de peurs ambiantes ou de fictions négatives issues moins de l’Europe même que d’une fantasmagorie excitatoire liée à l’accélération d’un processus de globalisation. Un processus qui n’est jamais qu’une mise en hypervisibilité, peut-être plus perceptible qu’auparavant, de faits de longue durée que, pourtant, un simplisme démagogique porte à ignorer, à dissimuler, à encore charger de culpabilité. Tout se passe comme si s’était produite la dilatation d’un vide dans la mémoire, un trou noir, une sorte de maladie d’Alzheimer lentement infusée dans les sphères de la pensée commune par des procédures tant conscientes qu’inconscientes, aux ressorts paniques.

Il n’est pas alors étonnant que l’Europe en vienne toujours plus subrepticement à être appréhendée en tant qu’une déraison de l’histoire, le contresens d’une histoire que l’imaginaire ne voudrait voir programmée simultanément, téléologiquement et antinomiquement, qu’en termes de « nation » ou de « patrie », voire plus encore naïvement d’« identité ». C’est-à-dire d’une forme d’atomisation ou d’absolutisation contradictoire du concept de culture démocratique dans laquelle prime l’égalité des individus et qui est conditionnée par, précisément, l’acceptation de la désidentification. L’identité est la relation toujours expansive, sans limite, de la relation à l’autre, et non pas un cercle clos et fini relevant d’un refoulement loin de soi de l’altérité. Elle est par là même mobile et transgressive, moins composite que composée et, pourrait-on dire, de l’ordre de l’irreprésentable, l’indicible tant elle se doit de s’excentrer.

Il ne s’agit pas ici de dire que l’Europe souffre d’un manque d’histoire et que là se trouverait l’explication de la distorsion qui ouvre à tous les possibles négativistes. Là n’est pas le problème, car l’Europe est aussi victime d’un trop d’histoire qui n’est pas, précisément, son histoire, qui l’oblitère plus qu’elle ne l’éclaire. Parce qu’il faut postuler que son histoire ne peut pas s’écrire avec les normes convenues et les outils conventionnels.

Ceci parce que l’histoire n’a pas inventé de manière efficace un discours pouvant « conscientiser » l’Europe autrement que comme une discontinuité d’états, plus ou moins fragiles ou provisoires, de conscience ou de non-conscience de soi. Tout le problème, qui ouvre aux dérives néo-identitaires, relève du langage et de sa dispersion sémiotique. L’Europe est réduite bien souvent à un agrégat d’histoires parallèlement concordantes, quand sa virtualité n’est pas artificieusement rapportée aux concepts problématiques de « civilisation » et de « culture » qui, lentement, au fil des siècles, auraient suivi une progression ascendante conduisant à une situation actuelle voyant le continent osciller entre le méta-national et le global. Plusieurs axes énonciatifs ont été valorisés dans cette double optique.

Une constatation préliminaire intéresse le premier de ces axes. Il n’existe pas d’histoire générale récente de l’Europe en français qui puisse prétendre être à jour des problématiques et des évolutions récentes de la discipline pas plus que présenter un champ interprétatif nouveau adapté aux doutes, aux interrogations du présent. Ainsi le fil directeur apparaît ici être une certaine désidéologisation. Si, peut-être, la conceptualisation « moderniste » d’une histoire de l’Europe peut remonter à François Guizot et à l’Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la Révolution française (1838), il n’en est pas moins vrai que rien de véritablement ambitieux n’a été écrit depuis la grande tentative du grand historien belge Henri Pirenne et les quatre volumes de l’Histoire de l’Europe – dont le premier volume seul (jusqu’au XVIe siècle) est en réalité de sa plume. Cette histoire est européenne en ce qu’elle appréhende de manière transversale l’ensemble des phénomènes structurant le continent depuis la fin du monde romain, qu’ils soient d’ordre intellectuel ou religieux, socio-économique ou politique. Elle est européenne en ce qu’elle met en rapport ces phénomènes structurants avec l’espace européen dans sa totalité et à travers les configurations successives qu’ils contribuent à déterminer, y compris les divisions qu’ils ont générées.

Cette démarche a servi de modèle à bien des tentatives ultérieures qui n’en ont guère dépassé les fondements ou la méthode. Certes, on peut noter l’existence d’une Histoire générale de l’Europe en trois volumes sous la direction de Georges Livet et Roland Mousnier (Paris, 1980), qui suit une segmentation triséquentielle très classique (« L’Europe des origines au début du XIVe siècle » ; « L’Europe du début du XIVe siècle à la fin du XVIIIe siècle » ; « L’Europe de 1789 à nos jours »). Conçue selon les mêmes normes et entrant dans la sphère des manuels de vulgarisation, on citera l’Histoire de l’Europe donnée par Serge Berstein et Pierre Milza (tome 1 : « L’héritage antique » ; tome 2 : « De l’Empire romain à l’Europe, Ve-XIVe siècle » ; tome 3 : « États et identité européenne, XIVe siècle-1815 » ; tome 4 : « Nationalismes et concerts européens 1815-1919 », etc.). Mais on en demeure à des problématiques périodisées et surtout à des cadres hypothético-déductifs peu renouvelés, quand le créneau chronologique ne se limite pas aux XIXe et XXe siècles – cf. Jean- Michel Gaillard et Antony Rowley, L’Histoire du continent européen (1850-2000) (Paris, 2001). Le principe de base est celui, au sein d’une temporalité qui est présumée posséder une unité d’action, de la succession d’études de cas territoriaux ou étatiques. Dans le même filon d’une temporalité coagulée et coupée en tranches, il est possible d’évoquer un ouvrage synthétique : Histoire de l’Europe de Jean Carpentier et François Lebrun (dir.) (Paris, 1992). Enfin, peut être relevée une tentative d’écriture européenne, qui reste toutefois éclatée en histoires nationales tout en n’échappant pas totalement à une certaine tentation téléologique, l’Histoire de l’Europe par douze historiens européens, sous la direction de Frédéric Delouche (Paris, 1992).

Puis, alors que précisément l’Europe devenait une réalité toujours plus politique, rien ou presque rien, ou des livres qui, sous le couvert d’une globalité européenne, période par période historiographique, sont des successions de monographies « nationales » et débouchent téléologiquement sur la césure d’après une seconde guerre mondiale pensée comme ouvrant sur un moment de sublimation ; ceci, alors que prolifèrent parallèlement les histoires « nationales » retraçant bien souvent, par exemple pour ce qui est de la France, les données présupposées d’une construction logique reposant sur divers enracinements originels et enquêtant, jusqu’à aujourd’hui, sur les conditions ayant présidé à cette logique et sur les permanences ou les ruptures… Sans se poser la question que l’histoire et la logique des continuités ne sont pas synonymes…

7667884.jpgLa même constatation d’une situation de relative déshérence historiographique et surtout de la priorité donnée au choix de coupures par périodes (Renaissance, XVIIe siècle) peut être constatée pour ce qui est de la recherche anglo-saxonne, après les deux volumes de l’History of Europe de H. A. L. Fisher (Londres, 1935). Citons l’exemple de la Short Oxford History of Europe qui, si elle est récente, n’en est pas moins très traditionnelle dans sa conception clivant le passé en grandes séquences classiques si ce n’est anachronisantes, à commencer par « Classical Greece » ou « Roman Europe » ; citons aussi, plus originales, les New Approaches to European History de Cambridge Uni- versity Press et les Fontana History of Europe Series qui reposent sur un projet thématico-chronologique. À quoi s’ajoute The Penguin History of Europe, de J. M. Roberts (1996), fort heureusement renouvelée dans les Penguin History of Europe Series grâce aux contributions de grands spécialistes comme Chris Wickham ou Mark Greengrass. Là est le paradoxe, c’est la Grande-Bretagne du Brexit d’aujourd’hui qui a donné récemment les ouvrages scientifiques les plus parachevés sur une Europe désanachronisée et pensée comme une totalité d’histoire ayant fonctionné plus sur des connexions que sur des spécificités ou sur des collections de particularités. Pour aller dans cette direction, l’histoire de l’Europe se trouve travaillée outre-Manche surtout systématiquement sur le plan de l’histoire économique, avec The Cambridge Economic History of Europe et The Fontana Economic History of Europe. Un peu à part, original, et soupçonné aujourd’hui d’européo-centrisme parce que donnant le primat à la question de l’exceptionnalité du continent désormais passé de mode, il y a le livre important d’Eric Jones, The European Miracle (Cambridge, 1981) à l’inverse du plus superficiel Europe. A History, de Norman Davies (Oxford, 1996). Il faudrait signaler encore Eugen Weber et Une histoire de l’Europe, Paris (2 vol., Paris, 1986-1987), qui insiste sur le concept postromantique d’héritage légué au monde mais noie le lecteur sous une avalanche factuelle donnant une certaine invisibilité à l’objet même Europe.

Pour ce qui est de la production allemande, mêmes stratégies d’édition et d’écriture par voie de compartimentages spatio-temporels, avec, par exemple, les sept tomes du Handbuch der europaïschen Geschichte, publié par Theodor Schieder (Stuttgart, 1968-1991) ou les dix volumes du Handbuch der Geschichte Europas, dirigé par Peter Bickle (Stuttgart, 2000). L’histoire en tranches face à laquelle s’est dressé Wolfgang Schmale, dans sa Geschichte Europas (Stuttgart, 2000), qui est peut-être le seul pari vraiment « européiste » mais ayant privilégié l’angle culturel pour le moins réductionniste. Pour l’Italie, il faudrait citer bien sûr ensuite la récente Storia d’Europa de Giuseppe Galasso (Bari, 2001) qui envisage l’Europe comme sous l’angle de « contrasioni e di espansioni di un grande spazio di civiltà ». Le thème problématique d’un espace de convergence postulée entre une identité géographique et une identité qui serait « psychoculturelle ». Le mythe de la civilisation partagée… Un autre danger…

Second axe : arrêtons-nous sur la tradition de l’essai centré sur l’histoire d’une conscience ou d’une préconscience européenne. Y appartiennent des livres importants, au premier rang desquels figure l’ouvrage de Lucien Febvre, L’Europe, genèse d’une civilisation. Ce cours, professé au Collège de France en 1944-1945, pose l’Europe non comme un déterminisme, géographique, naturel voire biologique, mais comme un fait historique qui doit être analysé en termes de culture, de civilisation, et au final, de manière implicite, de projet politique relevant d’une série de dynamiques. Doit être encore citée de manière privilégiée la Storia dell’idea d’Europa de Federico Chabod (1961), qui a une tonalité particulière dans la mesure où l’important de la démonstration tient dans la succession et la réaccommodation de valeurs morales et spirituelles d’identification collective depuis le temps des Grecs jusqu’au XVIIIe siècle. Jean-Baptiste Duroselle a fait figure de pionnier tant en 1965 dans son Idée d’Europe dans l’Histoire, mettant en relief une conscience commune, que dans L’Europe, histoire de ses peuples (Paris, 1990), qui se situe dans la perspective de Pirenne et de Febvre ; y est dégagée une succession de scansions, depuis les mégalithes ou l’expansion celte jusqu’à la démocratisation des nations de l’Est, qui ont fini par déterminer un mouvement de dépassement des langues, des cultures, des conflits politiques ou économiques. Et là encore, on retrouve le mythe de la civilisation partagée…

9782070719365_1_75.jpgOn peut, entre autres travaux individuels ou collectifs, ajouter à cette sphère d’écriture Krzysztof Pomian, L’Europe et ses nations (Paris, 1990), puis Jacques Le Goff, La Vieille Europe et la nôtre (Paris, 1994) ou L’Europe est-elle née au Moyen Âge ? (Paris, Seuil, 2003). L’ouvrage de Denis de Rougemont, Vingt-huit siècles de l’Europe, la conscience européenne à travers les textes d’Hésiode à nos jours (Paris, 1961), est un produit militant issu de la réflexion de l’un des fondateurs du projet européen de l’après-1945. Notons encore Identités nationales et conscience européenne, sous la direction de Joseph Rovan et Gilbert Krebs (Paris, 1992). Et encore, L’Europe dans son histoire. La vision d’Alphonse Dupront, publié par François Crouzet et François Furet (Paris, 1998). Ou Penser l’Europe, d’Edgar Morin (Paris, 1987), qui met l’accent sur la complexité européenne, et sur le dialogue des pluralités ou l’interculturalité étant le moteur interne de l’histoire de l’Europe, « unitas multiplex ».

En troisième lieu, il faut relever l’axe très actif de l’histoire de la construction européenne, donc une histoire du terminus ad quem à épistémologie courte. Une étonnante prolifération d’ouvrages oscillant entre manuels et études d’intérêt général. Citons entre autres, et au milieu d’un océan textuel, Pierre Gerbet, La Construction de l’Europe (Paris, 1996), Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire de l’Europe contemporaine (2 t., Paris, 1992), Marie-Thérèse Bitsch, Histoire de la construction européenne, Paris, 1996, Gérard Bossuat, Les Fondateurs de l’Europe (Paris, 1994), P. Fabre, Histoire de l’Europe au XXe siècle, 1945-1974 (2 vol., Paris, 1995), Michel Foucher, Fragments d’Europe (Paris, 1993), etc. Une prolifération d’ouvrages érudits dont le propre est de gommer ou estomper, au profit d’analyses détaillées des mécanismes du processus de la construction européenne, la durée longue et en conséquence le questionnaire de la dialectique des possibles en amont de l’immédiate contemporanéité. Tout se passe comme si l’histoire de l’Europe devait être écrite et sur-écrite de manière nécessairement positiviste, sans qu’il soit tenu compte de la réflexion de Mark Mazower, pour qui la question est de savoir si « l’Europe a une histoire au sens habituel du mot1 ».

Le danger serait de partir à la recherche d’un invariant identifié, qui serait appelé Europe, qui aurait une histoire plus ou moins sinusoïdale, mais qui aurait « une histoire » en développement fait d’avancées et retraites, d’émergences et d’occultations, donc de significations et de désignifications se neutralisant dans une logique de l’incertitude ; alors qu’il faudrait articuler précisément « histoire » à ce qui serait sa négation même, une aporie autogénérée d’une pluralité de contingences négatives ou positives. Aporie au sens donné par Diodore Kronos dans l’analyse de Jules Vuillemin  : « Est contingent ce qui est possible et ce qui est non nécessaire, c’est-à-dire la conjonction logique de ce qui est ou sera et de ce qui n’est pas ou ne sera pas. Cette définition a pour effet qu’est contingent ce qui n’est pas et sera ou ce qui est et ne sera pas ou ce qui sera et ne sera pas2. »

En quatrième lieu, un autre axe a pris forme autour d’histoires de l’Europe œuvrant sur la longue durée mais en se fixant sur une chronologie particularisée pour les uns, autour d’une approche thématique pour d’autres. Citons, à titre d’exemples, les ouvrages qui ont fait le choix, sur une période distincte, d’analyser, dans les années 1960-1970, l’Europe par le biais de la problématique de la « civilisation » : La Civilisation de l’Occident médiéval (Jacques Le Goff), La Civilisation de la Renaissance (Jean Delumeau), La Civilisation de l’Europe classique (Pierre Chaunu), La Civilisation de l’Europe des Lumières (Pierre Chaunu), L’Europe des Lumières (Jean Meyer, 1989), Napoléon et l’Europe. Regards d’historiens (Thierry Lentz dir., Paris, 2004), etc. D’autres ont pris le parti d’analyser l’histoire européenne sous l’angle des villes, avec l’Histoire de l’Europe urbaine, sous la direction de Jean-Luc Pinol, Paris 2003 (t. I, « De l’antiquité au XVIIIe siècle, genèse des villes européennes » ; t. II, « De l’Ancien Régime à nos jours. Expansion et limites d’un modèle »)…

51CKH8GF8EL._SX327_BO1,204,203,200_.jpgOn pourrait encore évoquer le centrage sur la démographie, avec l’Histoire des populations de l’Europe éditée par Jean-Pierre Bardet et Jacques Dupaquier (3 vol., Paris, 1997), sur l’histoire de l’écosystème, avec l’Histoire de l’environnement européen de Robert Delort (préface de Jacques Le Goff, Paris, 2001). L’Europe peut encore s’écrire dans la longue durée de son histoire économique tendant vers une « unité organique » malgré ses « diversités », avec L’Histoire de l’économie européenne 1000-2000 de François Crouzet (Paris, 2000) : « On essaiera constamment de considérer l’Europe comme un ensemble, et de prêter attention aux relations entre ses diverses parties : au commerce intra-européen, qui s’est développé de bonne heure, notamment sur la base des dotations différentes en ressources de l’Europe du Nord et de celle du Sud ; à la diffusion des institutions, des organisations et des technologies, aux migrations de main-d’œuvre et de capitaux. On recherchera les forces qui ont rapproché les régions européennes et contribué à créer une économie européenne intégrée – même si ce ne fut que de façon lâche. Cependant, ni les forces centrifuges, ni les rapports avec le monde extérieur ne seront négligés… ». D’autres enquêtes se sont fixées dans la problématique de Les Racines de l’identité européenne, de Francis Dumont (Paris, 1999) ou de La Conscience européenne au XVIe siècle de Françoise Autrand et Nicole Cazauran (éd.) (Paris, 1983) ; ou dans le champ de l’histoire des relations internationales avec L’Ordre européen du XVIe au XXe siècle, dirigé par Georges-Henri Soutou (Paris, 1998) ou La Société des princes (Paris, 1999), de Lucien Bély.

L’Europe, malgré toutes ces tentatives, pâtit donc de la dispersion ou de la division de son histoire, d’une dramatique occultation de sens tenant en grande partie à ce que cette histoire est le contraire de ce qu’elle devrait chercher à être. Elle pâtit de ce que son histoire est écrite comme si elle était n’importe quelle histoire. Alors qu’elle doit s’analyser différenciellement. Écrire l’histoire revient à produire un système de contingences et intermittences multiples et pas seulement à fabriquer un discours cumulatif de données inspirant des parallélismes ou des convergences. Et c’est ce « faire comprendre » qui a manqué et qui toujours manque aujourd’hui. Le projet de ceux qui ont pris part à la confection de cet ouvrage est de prendre part à une autre écriture de l’histoire de l’Europe, qui serait « nouvelle » parce qu’elle serait moins facticiste ou téléologique que dialectique.

Le but est de fournir au lectorat universitaire comme non universitaire les lignes de forces d’une anthropologie historique des possibles, qui ne doit pas être subvertie par les forces démagogiques qui instrumentent les incertitudes, les angoisses, les fixations collectives. L’Europe ne serait pas alors à évaluer sous l’angle d’une quête de ses origines, de sa lente maturation, de ses échecs, de ses antagonismes internes, de ses expériences plus ou moins brèves et marquantes. L’Europe historique a en effet un trait comme structurel : elle est contingence et par là même elle se révèle en tant qu’herméneutique. Il y eut une Europe des humanistes, une Europe de la république des Lettres, une Europe des idéaux de 1789…, comme il y a eu à partir de 1951 et de la CECA le déclenchement de la mise en œuvre d’une Europe économique. Comme il y a eu une Europe des clivages de religion, des nations et nationalismes, des haines et des atrocités… L’Europe existe aussi, c’est ce que l’on tend à ignorer ou euphémiser, dans le sang et la violence.

C’est cette discontinuité dans l’ambivalence, qui est bien souvent gommée au profit d’une téléologie simpliste. D’où l’hypothèse que pour trouver un point d’origine à une réflexion qui se prévaut d’une histoire « magister vitæ », il faut aller vers les grands historiens qui ont tous croisé durant le XXe siècle, avec une intensité variable et des modes de polarisation différents, la nécessité herméneutique des possibles contingents de l’Europe ; qui ont pensé par l’Europe et pour certains pour l’Europe, parce que l’Europe donnait sens à l’histoire qu’ils entendaient réécrire ou reconstruire, donnait sens tout simplement. L’histoire est une succession de possibles plus ou moins réalisés et donc plus ou moins perdus, et l’Europe est alors la métaphore de l’histoire. Elle existe parce qu’elle se confond avec l’histoire.

C’est dans cette perspective qu’ont été ainsi distinguées dix-neuf grandes figures britanniques, allemandes, hollandaises, belges, italiennes, russes et bien sûr françaises qui, selon des stratégies différenciées, ont été conduites de manière plus ou moins parachevée et englobante à observer ou constater que l’Europe pouvait ou pourrait avoir eu sur le long comme les moyen et court termes une histoire conjointe transcendant les frontières établies et surtout les cadres analytiques présumés. Une histoire collective permettant autant de regarder vers un avenir dédramatisé que de déphaser dialectiquement l’étude de chaque construction géopolitique du passé vers la structure métasignifiante qu’est ou a été le cadre européen. Si l’on y réfléchit, tous ces grands historiens ont participé au grand changement de l’épistémologie historique parce que l’Europe, avec plus ou moins de centralité ou d’intensité, s’est glissée entre eux et leurs objets de recherche, qu’elle les a guidés dans leurs analyses de manière directe ou indirecte. Il ne s’est pas agi de faire l’inventaire de « tous » les historiens ayant intégré l’Europe dans leur épistémologie, mais de travailler sur les caractérisations et les déterminations d’approches tentant de produire l’Europe comme relevant autant de la distinction d’un référent commun que de mises en problèmes ouvrant au dépassement des habitus historiographiques et opérant sur les plans soit autonomes soit solidaires de l’histoire économique, sociale, culturelle, politique… De la nécessité donc de l’Europe dans la conscience des Européens parce que leur histoire, à tous ses niveaux travaillée et expertisée scientifiquement par les plus grands historiens, se pense par l’Europe, qu’ils ont été et sont historiquement des Européens de la dialectique des possibles et des impossibles de l’Europe, dans les temps de paix comme de guerre, malgré eux bien souvent…

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Répétons-le, il ne s’est agi ici que de procéder par une sorte de carottage dans les profondeurs du discours historique, car l’objectif n’a pas été de dresser un inventaire de tous les grands historiens ayant pensé par ou pour l’Europe. L’exhaustivité aurait entraîné trop loin, jusqu’à une remontée vers la seconde moitié du XVIe siècle ; alors les inventeurs de l’histoire parfaite tentaient en effet de tirer les leçons de la fin de l’unité chrétienne et des atroces déchirements qui étaient vécus dans le présent en opérant un dépassement géopolitique, comme Lancelot Voisin de La Popelinière avec L’histoire de France enrichie des plus notables occurrances survenues ez provinces de l’Europe & pays voisins, soit en paix soit en guerre : tant pour le fait séculier qu’eclésiastic. Quand les rêves les plus destructeurs et barbares s’emparaient des imaginaires dans le royaume de France du temps des guerres de Religion, l’Europe autorisait la prise de conscience d’une unité qui était douloureuse certes, mais aidait ceux qui étaient persécutés et qui étaient troublés au point de voir l’avenir fermé, à conserver l’espérance. Il aurait donc été possible de s’engager dans cette veine herméneutique sur la longue durée et de composer un ouvrage sur la distanciation positive que l’Europe a pu générer par rapport à l’immédiateté de son histoire. Une Europe qui était une thérapie.

Mais il a été préféré de mettre en action une dynamique de focalisation sur certains des historiens ayant participé du grand renouvellement historiographique du XXe siècle. Des historiens ayant mis en œuvre des procédures décentrant leur écriture de l’histoire « nationale » ou campaniliste ou de l’histoire globale (histoire des civilisations, World History, Connected History…) ; ceci soit en expérimentant que c’est par le détour obligé vers l’Europe que peuvent se construire les processus de compréhension de l’histoire dans tous ses points d’imputation, soit en usant d’une optique européenne leur permettant de penser ou de repenser un passé qui serait matriciel dans le présent de l’Europe en fonction de la détection de possibles contingents, et donc un futur en rupture avec les drames et conflits que cette dernière a connus. L’Europe donc pour penser l’histoire, ou l’histoire pour penser l’Europe. L’Europe pour ne pas rester enfermé en soi, mais pour se situer dans toutes les virtualités de ce « soi ». 

Il a fallu procéder à des choix. Georges Duby, pour ne citer que lui, est un des grands absents du livre, tout comme Benedetto Croce, ou Alphonse Dupront qui n’a pas été retenu puisque ayant donné occasion à une publication axée précisément sur son « européité » – L’Europe dans son histoire. La vision d’Alphonse Dupront (Paris, PUF, 1998). Quant à un autre grand absent du livre, Marc Bloch, c’est une absence subie qui doit être cette fois déplorée puisque l’auteur de la communication, pourtant spécialiste incontesté et donc incontournable, n’a pas daigné rendre son texte.

Le principe a été empiriquement d’isoler quelques parcours intellectuels qui ont lié la quête d’une alternative aux déchirements guerriers et nationalistes ayant affecté historiquement le continent au XXe siècle, et une écriture s’étant donné pour objectif le discernement, par voie comparatiste ou structuraliste et hors de toute téléologie, de ce que l’on peut appeler un « sens » transcendant les spécificités et les différences. L’Europe comme « matrice d’unité » s’imposant à l’écriture même à la fois de son histoire et de l’histoire, et dont l’évocation des jeux possibles et impossibles est aujourd’hui nécessaire en un temps peut-être périlleux de fragilisation. Comme quoi la nécessité exige bien, comme cela a été entrevu, une herméneutique de la contingence.

L’Europe n’a pas été alors pour nombre d’historiens l’objet d’une déclaration de foi les portant à chercher dans l’histoire un sens leur permettant de poser les cadres d’un dépassement heuristique. Elle a bien souvent été moins une finalité qu’un instrument cognitif fournissant un support ou une impulsion à leur réflexion, selon des objectifs et des procédures très variables, voire multiples. Une « matrice nourricière » selon l’expression d’Alphonse Dupront.

Elle peut se dissimuler, d’après Jean-Pierre Poussou, dans l’arrière-fond du travail du grand historien Trevelyan3 et ce à travers une fascination pour une Italie qui serait portée à « importer le modèle anglais sur le continent » et, de la sorte, à initier une autre histoire européenne, le paradigme libéral d’une supériorité de la civilisation anglaise s’enracinant dans les autres paradigmes de la république romaine et des républiques de la Renaissance signifiant l’avenir de l’histoire. Paradoxalement ou du moins en apparence, l’affirmation d’une supériorité britannique s’accompagne d’un regard sur l’Europe.

Pour le Russe Aaron Gourevitch, décrypté par son ancien secrétaire Pavel Ouvarov, ce furent sans doute ses propres études sur l’Angleterre du haut Moyen Âge puis sur la Scandinavie qui l’entraînèrent dans une mutation heuristique capitale remettant en cause les postulats marxistes obligés et façonnant une image de l’Europe médiévale concordant avec celle que présentait synchroniquement Jacques Le Goff. L’Europe, parce qu’elle avait un rôle historique particularisé dont l’anthropologie permettait de dessiner les contours et parce qu’elle nécessitait de penser autrement, fut ainsi l’agent d’une grande remise en cause idéologique anticipatrice puis accompagnatrice de l’effondrement de l’URSS. Un effondrement qui rendit à l’Europe une partie d’elle-même.

Quant à John Bossy, on peut deviner qu’il polarisa ses enquêtes sur l’Europe moderne parce que l’Angleterre, son premier champ d’études, le conduisit à faire le tableau d’un catholicisme résiduel, fonctionnant en parallèle des sectes protestantes, et que cette situation de marge sollicitait à ses yeux la remontée dans un espace-temps européen antérieur aux ruptures du XVIe siècle ; d’où la nécessité d’analyser, dans leurs impacts civilisationnels, les mécanismes des changements religieux conditionnant le phénomène de grand basculement d’un temps vers un autre. Seule l’Europe semble permettre de penser et de comprendre, et pour l’historien, de compenser, selon Joseph Bergin, la sensation de « vide » que pouvait éprouver un catholique dans un univers majoritairement protestant. Elle renvoie en tant qu’objet analytique à des expériences personnelles diverses et divergentes mais surtout à la prise de conscience de la nécessité de comprendre celles-ci à partir du principe d’un dépassement géopolitique qui fait donc dialoguer le passé avec le présent et le présent avec le passé.

41LnlLCKwkL._SX290_BO1,204,203,200_.jpgOn peut poursuivre avec Ernst Kantorowicz et son parcours qui le mène tout d’abord de Frédéric II, empereur-sauveur, et d’un attachement à un Reich imaginé régénérateur, de la foi dans le génie de la nation allemande, au boycott de ses cours par les étudiants nazis, puis à son exfiltration d’Allemagne. Parvenu aux USA et nommé à Berkeley, il doit affronter le maccarthysme en se faisant le défenseur d’une conception européenne de l’université à laquelle il reste attaché. Et son œuvre, qui est alimentée de multiples sources puisées dans des espaces et des temps différents, Gérald Chaix l’écrit, dépasse les évidences dans un paradoxe apparent : parce que sa « perspective est d’emblée européenne, même si, dans sa lecture impériale, il attribue à une Allemagne imprégnée de romanité un destin privilégié. Elle le demeure lorsque les circonstances, mais aussi ses propres choix, l’en éloignent. Elle se précise lorsque étudiant la conception anglaise des deux corps du roi, il situe explicitement celle-ci dans la construction chronologique et géographique d’une histoire européenne nullement close sur elle-même. » Kantorowicz pense par l’Europe. L’Europe conditionne sa pensée et son inventivité d’historien.

C’est paradoxalement encore que Reinhardt Koselleck a posé les fondements, ambigus sans aucun doute parce que déterminés au sein d’une dialectique plus ou moins consciente de la culpabilité/déculpabilisation, si l’on suit l’étude de Thomas Maissen, d’une construction conceptuelle certifiant que c’est par l’Europe que s’expliquerait l’aventure nazie inscrite dans un phénomène de « guerre civile » européenne ayant désormais réalisé sa migration dans une guerre civile mondiale, mais enracinée dans le champ conceptuel de Lumières du XVIIIe siècle qui ont été européennes. Ici l’Europe fixe l’écriture parce qu’elle sert à déspécifier une histoire, à la désintégrer en la sortant en quelque sorte d’elle-même, de ses jeux particularisés.

À l’inverse, peut-on souligner à travers l’analyse de Jean-François Dunyach, le travail de Hugh Trevor-Roper sur la crise générale du XVIIe siècle, s’il permet de définir une Europe frappée par un continuum de crise, de scansions ayant des origines et des conséquences identifiables selon les différents pays, n’en ouvre pas moins à la valorisation d’« une communauté, unique, de destins au pluriel » et donc à la restitution d’une histoire dialectique qui fait travailler ensemble l’unité et la multiplicité.

Et avec Robert Lopez, Jean-Claude Marie Vigueur démontre que l’Europe médiévale est un moyen de penser l’histoire à l’échelle du monde puisqu’elle permet de partir à la recherche de ce qui a fait sa spécificité, l’essor de l’individualisme et donc ce que l’on pourrait appeler un état d’esprit. L’Europe autorise la désignation de ce qu’il faudrait nommer « une révolution mentale » articulée à la révolution commerciale, il faut aussi voir que le processus de changement doit être mis en rapport avec les grandes catastrophes qui ont marqué le reste du monde et dont l’Europe n’a pas connu l’intensité destructrice. Finalement l’histoire de l’Europe aide à saisir le pourquoi de l’agencement du mouvement en histoire et donc de la dynamique dialectique des contingences. Elle veut moins assurer d’une identité que produire une théorie expérimentale de l’histoire mettant en avant la part de l’individualisme.

La réflexion de Fernand Braudel, originellement méfiant quant à déterminer ce que peut être l’Europe face à l’unité qu’il détecte dans la Méditerranée, est aussi une réflexion sur le « mouvement », le changement qui donne « un destin » à l’Europe. Sans l’Europe rien ne peut se comprendre car l’Europe est investiguée comme devenant la « plus vaste Europe » qui tend à se confondre avec le monde ; elle ne se caractérise plus par sa géographie continentale car elle est un cheminement vers la totalité, vers le sens de l’histoire. Elle fait glisser l’historien vers une forme de philosophie de l’histoire, de la nécessité de l’histoire telle qu’elle s’est à l’échelle du monde inventée. Ainsi pour Braudel, la grammaire de l’Europe serait devenue la grammaire du monde, et le monde serait devenu l’Europe dans une sorte d’englobement rétroactive d’une totalité par une autre. Où l’on retrouve toujours et encore, d’une autre façon proposée, l’idée que l’Europe, pour les historiens, a été le moyen pour penser l’histoire, parvenir à la conceptualiser dans une dialectique mettant en action le particulier et le général, l’un et le tout. À la faire basculer dans une « nouvelle histoire ».

Johan-Huizinga-1872-1945-historian.jpgPenser par l’Europe, mais aussi penser pour l’Europe. La seconde partie du livre s’attache à une autre modalité de mise en problème historique de l’Europe. Avec en ouverture bien sûr, Johan Huizinga qui traduit une volonté d’écrire une histoire de l’Europe dans la perspective d’une fin de durée, un « automne » du Moyen Âge d’abord franco-bourguignon caractérisé par une exacerbation d’affects contradictoires, l’exubérance d’une vie contrastée mais commune. Et ensuite, après les idéaux chevaleresques, il y eut les idéaux renaissants qui transcendèrent la diversité des hommes et des nations. Et Jean-Baptiste Delzant d’insister sur un point : l’Europe de Huizinga est d’abord un « esprit » transhistorique qui en appelle à un « besoin d’unité civilisatrice » et donc à une exigence morale partagée et conceptualisée, entre autres, par Érasme. L’histoire apparaît tel un bouclier, une mise en défense contre les idéologies négatives ultranationalistes, contre les ruines qui en adviennent et en sont advenues au cours du XXe siècle, et pour Huyzinga, de ce fait, elle a un avenir et un présent : « donner corps à une unité désirée… ».

Henri Pirenne et son Histoire de l’Europe peuvent alors intervenir. Marc Boone et Sarah Keymeulen, d’emblée, insistent sur l’aspect thérapeutique de l’écriture, qui fait penser l’Europe comme « une communauté dynamique » se renouvelant après des séquences de dépressivité dont l’une, celle d’après 1918 et plus encore des années trente, contraint l’historien belge de la Belgique, avec d’autres, à repenser son métier dans le sens d’une dénonciation des divagations racisto-nationalistes des nazis. Mais cette prise de position résolument « internationaliste », humaniste, libérale et pacifiste se combine avec une affirmation de la Belgique comme môle symbolique : « l’idée d’une certaine Europe ne servait pas uniquement à démontrer l’existence d’une identité belge […], mais également à souligner la mission diplomatique du pays pour promouvoir en Europe la coopération, la paix et le progrès ». L’historien est le révélateur d’un fonctionnement du particulier au général et du général au particulier…

Il n’est peut-être pas absurde alors de faire un parallèle avec Norbert Elias, parvenant à une histoire européenne par les biais de la sociologie, de la psychologie, des émotions, mais aussi guidé, selon Francisco Bethencourt, sans aucun doute dans la mise en exergue de la formation d’une civilisation des mœurs courant en Europe depuis Érasme par le désir d’identification historique d’un contre-monde qu’il subissait et qui l’avait chassé de son Allemagne natale. Ou plutôt d’une contre-impulsion replaçant la violence au cœur de la vie des hommes. Car la civilisation des mœurs sur laquelle Elias se met au travail, et qu’il scrute attentivement, associe une pacification des relations sociales à une régulation passant par l’autocontrainte des individus. L’histoire à nouveau comme une thérapie qui ne se dit pas, mais qui cherche à analyser la disciplination sociale jadis structurée autour des pouvoirs étatiques au moment même où elle se défait en une sauvagerie encadrée, légitimée par des idéologues animés par une pensée mortifère et criminelle. Ou plutôt en une décivilisation des mœurs.

Si l’histoire s’écrit comme une défense face à l’angoisse de voir un monde se défaire, à la peur, elle peut aussi être édictée par un désir militant d’action et donc de paix. Et alors il est difficile de savoir ce qui guide la pensée de Henri Hauser, ce qui façonne son engagement d’historien, du passé et de ses conflits, de ses développements économiques ou de ses modes de domination, ou du présent. Comme l’écrit Claire Dolan, « L’histoire devient alors le témoin des idées qu’il défend », mais ses idées, par exemple celles qui touchent à l’application du droit et qui lui font mettre en avant le principe de compromis, lui viennent aussi de son expérience de l’analyse historique. « Par l’histoire, Hauser place donc la France au cœur d’un ensemble beaucoup plus vaste dont il faudra gérer les relations entre les éléments. L’apport français est intellectuel, il fournit les arguments pour penser l’Europe, mais laisse aux diplomates le soin d’en imaginer l’organisation concrète. »

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Federico Chabod

En Italie, il y a eu Federico Chabod qui s’attacha à construire le lien opératoire du Risorgimento et du Rinascimento, en passant par les Lumières et la Révolution française. Donc une autre voie analytique intégrant cependant un cadre dialectique puisque sans l’Italie, rien n’aurait pu être possible mais puisque aussi sans l’Europe il n’y aurait eu, en Italie et ailleurs, que de la non-conscience de soi. Le Prince de Machiavel, si l’on suit Guido Castelnuovo, joue alors comme paradigme donné par l’Italie à l’Europe puisque posant les fondations d’un mode de pensée et d’action défini, au-delà de la morale, par « la liberté et la grandeur de l’action politique, la force et l’autorité du pouvoir central ». L’histoire est, pour Chabod, l’histoire de l’idée d’Europe, de ses « traditions morales et culturelles, nous oserions dire plus que son présent, son passé… », mais dans une nécessité de s’interroger sur ce qu’a pu être la trame inventive d’une conscience de l’Europe et sur ce que cette conscience peut dicter au présent comme sens… Un Chabod proche d’Alphonse Dupront dans son épistémologie mettant en valeur le concept de « matrice ».

Avec Lucien Febvre, l’historien « pour l’Europe » acquiert une grande densité, même si le livre qui aurait pu être écrit n’a jamais vu le jour. L’Europe est une « civilisation », mais dont les points d’ancrage sont des terres et des eaux méditerranéennes, puis des tracés de voies et de routes dans l’espace, et enfin des métissages advenus avec les invasions. Febvre s’engage dans une vision filmographique, d’une Europe carolingienne qui doit son unité à l’Église avant tout, une Europe dont le tissé de la trame passe et repasse du politique au religieux, puis à l’économique et au culturel : jusqu’à, après la Renaissance, un XVIIIe siècle au cours duquel l’Europe est devenue une « patrie ». Le grand drame découle de l’événement pourtant positif qu’a été la Révolution, avec l’émergence des nations et des nationalismes, quand deviennent anachroniques les rêves d’équilibre et de paix et quand le malheur surgit d’une succession de guerres intraeuropéennes. L’historien se voit donc récepteur d’une mission, la mission de comprendre comment un sens de l’histoire s’est perdu et comment un autre sens a pu prendre le dessus, et donc empêcher que par l’oubli du passé les chemins de la haine demeurent libres d’accès. D’où un appel, parce que l’Europe est aussi mondiale, à produire de l’espoir, en créant une Europe. L’historien se doit d’inventer une herméneutique que lui seul peut agencer et qu’il a le devoir éthique de formuler, car lui seul connaît les mystères du passé puisqu’il a secoué les blocages d’une histoire engoncée dans ses anachronismes structurels et dans ses illusions facticistes. « Penser l’Europe, pour Febvre, c’est aussi la penser en fonction des cadres de pensées, de l’outillage mental qui forment l’architecture d’une civilisation. »

Avec Eric Hobsbawm examiné par Mark Greengrass, un autre paradigme est à l’œuvre, parce que jouent le marxisme et donc un engagement politique affirmé. L’Europe est présente d’abord parce que l’historien a vécu une vie européenne et qu’en conséquence sa propre expérience formate son écriture, et aussi parce que l’internationalisme faisait partie de lui-même ; mais elle s’estompa dans la mesure où ce sont les mutations du monde qui se lisent pour lui au filtre des événements européens et de la pluralité historique des transformations révolutionnaires que ces derniers suggèrent. Ce qui compte plutôt alors, c’est « la diversité et le caractère indéterminé des “nombreuses Europes” » qui jouent historiquement ; et alors le fait essentiel est que l’Europe, moins qu’un « sujet d’étude », est un « processus ».

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Pierre Chaunu

Ces Europes plurielles, elles sont mises en scène par Pierre Chaunu dont Yann Rodier reconstitue les cheminements intellectuels : impossibilité de penser l’Europe moderne sans faire référence à l’européanisation du monde, impossible de penser la modernité européenne sans postuler que ses origines sont d’ordre démographique, impossible de penser l’Europe triomphante sans intégrer dans son histoire sa « révolution » scientifique ; impossible de penser l’Europe sans partir de son histoire religieuse pour assimiler ce qu’a été un « système de civilisation » lisible des débuts de l’âge classique à l’âge des Lumières ; impossible de lire l’histoire du temps présent sans user de la focale de l’histoire du passé, sans donc faire mouvement vers une écriture qui n’a de sens que son présent et qui rêve prophétiquement d’une Europe confédérale marquant une ultime étape de la modernité dans la transition de l’État nation à une communauté humaine du futur. Une Europe qui transcenderait l’angoisse d’une décadence que l’histoire suggère aussi à l’historien…

L’itinéraire de Jean-Baptiste Duroselle retient ensuite l’attention de Laurence Badel. Flexible et évolutive au fur et à mesure que les années avancent, l’histoire se fixe la visée de venir en appui de la construction européenne, jusqu’à aller vers la vision d’une identité de longue durée qui serait celle d’une « civilisation européenne » intégratrice. « En historien engagé, Duroselle alimente le topos de l’heure, celui de l’Europe “close”, de l’Europe-forteresse qui s’est développé au tournant des années 1980-1990, en Europe et sur d’autres continents et, contre “Bruxelles”, il prend position pour la transformation de l’Europe en une confédération qui respecterait la diversité des cultures et institutions nationales et serait susceptible de susciter la “passion des peuples”. »

Cette succession de grandes figures s’achève avec Jacques Le Goff. Être historien de l’Europe médiévale, c’était, selon Jacques Chiffoleau, entrer dans un monde parallèle de l’Europe scindée par un mur et dire que ce mur n’était pas inéluctable. Aborder ensuite l’histoire de l’Europe médiévale par le biais de l’anthropologie, c’était briser les clivages de frontières temporelles et spatiales, briser des champs épistémologiques étroits et dépassés. Enfin quand commence à s’obscurcir ou se complexifier l’horizon européen, écrire l’histoire, c’était écrire une histoire pour l’Europe. « Faire l’Europe par l’histoire et imaginer ce que peut être l’Europe, dans l’oscillation entre unité et diversité, à travers ce qu’a pu être son Moyen Âge – peut-être mythifié, euphémisé toutefois. Une histoire qui n’est pas d’abord politique mais plutôt culturelle, même si les difficultés de la construction européenne renvoient toujours au poids des états nationaux. »

Ainsi se clôt ce livre, sur l’hypothèse que si aujourd’hui il y a une crise du projet européen, c’est aussi parce que l’histoire n’accomplit plus son travail…, qu’elle tend à ne pas poursuivre dans les chemins parcourus au XXe siècle par de grands historiens en dépassant leurs intuitions : c’est-à-dire en appréhendant l’Europe non pas comme une fin, mais comme le premier pallier d’une anthropologie humaniste de la globalité permettant d’aller dans un second mouvement vers la certitude d’une universalité4Screenshot 2017-08-24 23.44.37

Denis Crouzet (dir.), Historiens d’Europe, historiens de l’Europe. Défense et illustration de l’histoire de l’Europe, Ceyzérieu, Champ Vallon, 5 octobre 2017, 388 p., ici p. 7-21.

Reproduction avec l’aimable autorisation de l’auteur et de Champ Vallon. En dehors des italiques, les emphases sont celles du GEG. 


Denis Crouzet est professeur d’histoire moderne à l’université Paris-Sorbonne, titulaire de la chaire d’histoire du XVIe siècle, Corresponding Fellow de la British Academy et auteur d’une œuvre immense consacrée à l’anthropologie des violences religieuses, aux processus de pacification en Europe, à l’histoire des imaginaires et à la pensée politique des débuts de l’époque moderne. Ses ouvrages incluent notamment Les guerriers de Dieu : la violence au temps des troubles de religion, vers 1525-vers 1610 (Champ Vallon, 1990, rééd. 2005), La nuit de la Saint-Barthélemy : un rêve perdu de la Renaissance (Fayard, 1994), La Sagesse et le Malheur : Michel de l’Hospital, chancelier de France (Champ Vallon, 1998), Dieu en ses royaumes : une histoire des guerres de Religion (Champ Vallon, 2008) et Charles Quint : empereur d’une fin des temps (Odile Jacob, 2016). Avec Jean-Marie Le Gall, il est également l’auteur d’un essai sur le rôle que peut jouer l’histoire dans la compréhension de la violence sacrale contemporaine (Au péril des guerres de Religion, PUF, 2015).

Nous reviendrons prochainement plus en détail avec Denis Crouzet sur le contenu de l’ouvrage et sur le tissage de nouveaux liens entre histoire et géopolitique de l’Europe. L’abonnement à notre lettre hebdomadaire vous permettra d’en être tenu informé.

Der blinde Seher: Ernst Niekisch revisited

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Der blinde Seher: Ernst Niekisch revisited

In einem Kommentar in Tichys Einblick stand neulich zu lesen, dass selbst ein Rücktritt der Kanzlerin an der Gesamtlage wenig ändern würde, da links-liberales Gedankengut immer noch zu tief in den maßgebenden Teilen der Gesellschaft verankert sei.

Erst eine Art „Langer Marsch“ durch die Köpfe und Herzen der Menschen könne nachhaltige Veränderung bringen oder aber, gleichsam als Abkürzung, Krieg und/oder Revolution. Warum letzteres unter jetzigen (west-)deutschen Verhältnissen eher unwahrscheinlich ist, hat Ernst Niekisch gegen Ende seines bewegten Lebens vorausgesehen.

Der schwer zu klassifizierende Publizist und Politiker, der heute im Zuge von Querfront-Strategien wieder herangezogen wird, war ein Enttäuschter der Geschichte, zumal der deutschen. Nirgendwo richtig zu Hause und von den Strapazen der NS-Haft gezeichnet, verlor er zum Schluss sein Augenlicht, was sein politisches Gespür allerdings umso schärfer werden ließ. Gleich einem prosaisch-preußischen Homer sah er statt Götter Ideen auf den Schlachtfeldern der Geschichte gegeneinander streiten. Die bürgerliche Ideologie in all ihren Verkleidungen und Verästelungen nahm für ihn die Rolle des Trojanischen Pferdes ein. Sie verhinderte immer wieder den ersehnten revolutionären Durchbruch – bis heute.

Auf der Suche nach der Revolution

Ernst Niekisch war geborener und stolzer Preuße, der die erste Zeit seines politischen Wirkens allerdings im „Feindesland“, nämlich in Bayern zubrachte. Er kommt am 23. Mai 1889 in kleinbürgerlichen Verhältnissen in Trebnitz/Schlesien zu Welt und bleibt zeitlebens ein erklärter Feind bürgerlicher Wertvorstellungen. 1908 als Einjährig-Freiwilliger eingezogen und im Ersten Weltkrieg in der Etappe eingesetzt, verabscheute er Militarismus und Pazifismus gleichermaßen.

Kein Rassist, aber vom Adel der preußischen Rasse überzeugt, wird er zum nationalen, nicht-marxistischen Sozialisten, der zeitweise von einem preußisch-russischen Agrarimperium schwärmt. Die Kriegseuphorie des Sommers 1914 lässt ihn vergleichsweise kalt, während ihn der Ausbruch der Oktoberrevolution 1917 in Russland mit Begeisterung erfüllt und in die Politik treibt. Es ist mehr Ehrgeiz und nicht wirkliche Überzeugung, die Niekisch 1917 in die SPD eintreten lässt, liebäugelt er doch bereits mit einem Einzug in eine künftige Regierung. „Ich meine, es müsste sich nun endlich meine Zeit erfüllen“, schreibt er, vor Sendungsbewusstsein strotzend, in sein Tagebuch.

Rätebewegung

In der Phase der Arbeiter- und Soldatenräte wird er in einer Augsburger Kaserne zum Vorsitzenden des dortigen Rates gewählt. Niekisch steht für eine Revolution ohne Kommunismus, obwohl er den Marxismus vor allem für seine soziale Diagnostik schätzt. Die Moskau-Hörigkeit der späteren KPD wird er hingegen ablehnen. Die Rätebewegung sieht er als Plattform, um das „nötige Gemeinschafts- und Brüderlichkeitsgefühl“ unter den Deutschen zu erwecken. Doch ist er in seiner Politik nicht konsequent genug, da er in einer vermittelnden Position gegenüber der bayerischen Landesregierung verharrt und die letzte Radikalität in der Praxis scheut.

Nach Ende der Münchener Räterepublik wird er verhaftet und zu einer Gefängnisstrafe verurteilt, die er u.a. zusammen mit dem Anarchisten Erich Mühsam verbüßt. Zuvor war Niekisch in die Redaktion der USPD-nahen Zeitung Umschau eingetreten, bevor er im Jahre 1926 die SPD ganz verlassen wird, um einem drohenden Rauswurf zuvorzukommen. Da hatte er sich unter dem Einfluss von Oswald Spengler schon zum sozialistischen Nationalisten gewandelt. Ähnlich Hitler, den er schon vor 1933 bekämpft, tritt er bald darauf in eine Splitterpartei ein, die er gemäß seinen Vorstellungen umzuwandeln gedenkt: der sogenannten Alten Sozialdemokratischen Partei, die sich als Alternative zu NSDAP und SPD positionieren will.

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Im Widerstand zusammen mit den Gebrüdern Jünger

Ernst Niekisch nimmt in dieser Phase auch Fühlung zu den diversen paramilitärischen Bünden auf, wie dem Bund Oberland, dem Wehrwolf oder dem Jungdeutschen Orden, da er vor allem die Entfesselung aller revolutionären Energien auf nationaler Ebene vorantreiben will. Von manchen dieser Organisationen lässt er sogar die Parteiveranstaltungen bewachen, auf denen auch das Horst-Wessel-Lied erklingt. Aber anders als Hitler ist Niekisch bei seinen Projekten allenfalls mäßig erfolgreich. Bekannter wird er in dieser Zeit vor allem durch seine Zeitschrift Widerstand, für die er u.a. die Gebrüder Jünger als Autoren gewinnen kann.

Auch diesem Projekt, das gleichwohl wie nichts zuvor und danach mit seinem Namen verknüpft bleiben sollte, ist kein langes Leben beschieden. Die anhebende NS-Diktatur ist ihm nicht revolutionär genug und Hitler wird in den Augen des Preußen Niekisch stets ein überspannter österreichischer Kleinbürger bleiben, dessen dogmatischer Rassismus ihm letztlich fremd ist. Ernst Niekisch geht in die innere Emigration, kann aber einen Kreis ehemaliger politischer Gefährten bei der Stange halten.

1939 wird er wegen Verschwörungsabsichten vom Regime zu lebenslänglichem Zuchthaus verurteilt. Die Solidarität unter den kommunistischen Häftlingen wird ihn tief beeindrucken, so dass er sich nach seiner Befreiung dem neuen SED-Regime der beginnenden DDR zur Verfügung stellt. Es folgen Tätigkeiten als Dozent sowie als Volkskammerabgeordneter der herrschenden Einheitspartei. Obwohl eine Anbindung an Russland zu den Konstanten in Niekischs geopolitischen Ansichten zählt, protestiert er gegen die gewaltsame Niederschlagung des Aufstands vom 17. Juni 1953 und gilt in der SED fortan als eigenbrötlerischer Sektierer. 1963 zieht er nach Westberlin und muss von nun an in der ungeliebten Bundesrepublik auf demütigende Weise jahrelang für sich und seine Frau eine Rente einklagen.

Die Geschichte als Feind

Dass eine Revolution nach dem Geschmack Niekischs in Deutschland weitgehend ausblieb, versucht er immer wieder in seinen Schriften zu ergründen. Er ist fast so etwas wie ein permanent Ernüchterter, der sich nach dem Rausch sehnt. Diese Enttäuschung über den Gang der Dinge in Deutschland macht aus dem glücklosen Politiker den Publizisten Niekisch, der bald zu jedem Gebiet der Ideengeschichte etwas zu sagen weiß. Dabei stößt er immer wieder auf den spezifisch kleinbürgerlichen Geist, welcher in der deutschen Geschichte den großen Wurf, das tollkühne Wagnis der Freiheit bestenfalls in Ansätzen zugelassen hat. Ein Gedanke, der ihn nicht mehr loslassen sollte.

220px-Widerstand.jpg„Das preußische Schwert fand kein fruchtbares Verhältnis zum Geiste“, so verkündet der Autor der Deutschen Daseinsverfehlung sein Urteil gleich zu Beginn seiner Abhandlung. Das Bürgertum war die Quelle von Ideen, welche die althergebrachten und gottgewollt geglaubten Ordnungen ins Wanken bringen sollte – nur in den deutschen Territorien nicht. Jedenfalls nicht auf diese Länder und ihre Herren, die Landesfürsten, bezogen. Die Reformation als theologisch-politische Befreiung vom supranationalen Joch Roms übertrug sich nicht auf die deutschen Territorialfürsten.

Im Gegenteil, das erwachende Bürgertum trat in die Gefolgschaft der Höfe und sicherte somit den Erfolg der Reformation und erbte dafür einen Charakterzug, der bis heute, wenn auch in völlig anderer Gewandung, hervorsticht: den Gehorsam gegenüber der Obrigkeit. Man denke hier nur an Luthers Rolle in den Bauernkriegen. Für Ernst Niekisch hat das deutsche Bürgertum auf die Revolution verzichtet und die politische Macht dem Adel überlassen (mit Ausläufern bis 1848). Ideen hatten demzufolge in deutschen Gebieten nur die Chance, von der herrschenden Aristokratie zu eigen gemacht zu werden. Als Beispiel führt der Autor den Preußenkönig Friedrich II. an, der die Aufklärung mit dem Militarismus seines Vaters zu paaren versuchte.

Das Volk als kämpferische Klasse

Es ging also letztlich immer nur „von oben“ herab. Im erstarkenden Preußen kam hinzu, dass dort der Bürger immer auch Soldat war und die Gewalt bzw. die militärische Stärke die Rolle der Idee einnahm. Parallel dazu verlegte sich das aufstrebende Bürgertum, hier im Einklang mit dem Bürgertum anderer Länder, auf das Gebiet der Wirtschaft und nahm hier bald die Rolle des Adels an, „denn auch die bürgerliche Gesellschaft brauchte, wie die feudale Gesellschaft, Menschen, denen das Mark aus den Knochen gesogen werden konnte“, so Niekisch in sozialistischer Aufwallung. Ab diesem Punkt argumentiert er über weite Strecken entlang klassisch marxistischer Parameter. Der sich langsam etablierende bürgerliche Zuschnitt der Demokratie (fast) allerorten ist nach ihm nichts anderes, als ein subtiler Wechsel der Methodik.

Die wachsende Zahl der Proletarier bleibt wirksam ausgeschlossen, obwohl ihm formalpolitisch alle Rechte zugestanden werden. Schlimmer noch: Es bleibt im ideellen Einflussbereich des Bürgertums, dessen Wertvorstellungen es bewusst oder unbewusst übernimmt. Ein proletarisches Klassenbewusstsein, das die Stärke einer einheitlichen Masse in die Waagschale werfen könnte, kommt wenn überhaupt nur in Ansätzen zustande. Der kommunistische Internationalismus ist in Niekischs Augen zudem ein nutzloser ideeller Fremdkörper im deutschen (und nicht nur deutschen) Proletariat. Ernst Niekisch will das Volk als Klasse und zwar als eine kämpferische.

In späterer Zeit wird er auf die USA blicken, deren Marshall-Plan er als Bestechungsgeld an die Deutschen verachtet. Gleichzeitig erkennt er die Cleverness der USA an, sich die Arbeiterklasse gefügig zu machen und die kommunistische Bedrohung im Inland weitgehend auszuschalten. Das amerikanische Modell der von ihm so genannten Clerk-Demokratie lässt jede Widerstandsbewegung wie eine Welle sich totlaufen.

Die Clerk-Demokratie: eine totalitäre Phantasterei?

Die Niekisch-Biografin Birgit Rätsch-Langejürgen schreibt über Niekischs späte Weltsicht: „Es war keine Traumwelt, keine bessere Welt, vielmehr verstieg er sich wie ehedem zu totalitären Phantastereien“. Wer auf den heutigen Zuschnitt der westeuropäisch-amerikanischen Gesellschaft blickt, findet Niekischs Überlegungen weniger als Phantasterei denn als realitätsnahe Prognose. Mit dem englischen Begriff „Clerk“ fasst Niekisch die Gesamtheit aller sachbearbeitenden Dienstleistungen einer zunehmend technokratischen Welt zusammen, was ziemlich genau auf heutiges wie zukünftiges Wirtschaften zutrifft.

Bereits 1935 beschreibt er in der Manier eines H. G. Wells in Die Dritte Imperiale Figur die Fusion zwischen Geist und Funktion im Typus des Funktionärs, den er kurzerhand als „Barbaren modernen Zuschnitts“ bezeichnet. Die einzige Revolution, die hier noch stattfindet, ist die technologische. Ihr fügt sich alles. „Das Dasein muß präzis, im Sinne einer Maschine, funktionieren“, schreibt Niekisch und fügt hinzu, dass diese Revolution um die Welt gehen und den Menschen ganz neu konstituieren werde.

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Später wird Niekisch in seiner Schau präziser. Der innere Zusammenhalt der Clerk-Gesellschaften funktioniert fast wie autogenes Training. Entlang der Phasen Mechanisierung, Typisierung und Normierung entsteht ein Menschentypus, dem auf der einen Seite jede Behaglichkeit in Aussicht gestellt wird oder real zur Verfügung steht, von dem aber auf der anderen Seite totale Unterordnung unter die laufenden Wirtschaftsprozesse gefordert wird. Damit dies möglichst reibungslos vonstattengeht, muss jeder Widerstandswille gleichsam in Watte erstickt bzw. subjektiv als sinnlos und ungerechtfertigt erlebt werden. „Das Behagen am gehobenen Lebensstandard, das Wohlgefühl einer verhältnismäßigen Gesichertheit erstickt den Kampfgeist; man ahnt, daß man, wenn man ihn noch pflegte, vieles aufs Spiel setzen würde“, so Niekisch in einem Aufsatz über die Clerkisierung.

Das Sterben der Ideen

Revolutionen entstehen nach Niekisch fast immer aus Verzweiflung heraus. Wichtig sei, dass die eigentlichen Mächte, die über die Zustände wachen, im Hintergrund bleiben, denn diese Gleichschaltung soll auf freiwilliger Basis erfolgen und möglichst unbemerkt bleiben. Wer das erreichen will, muss bestrebt sein, den Menschen in seinen Schwächen zu packen, ihn auf breiter Front zu entpolitisieren, ihn zu entmündigen, ihn von Verantwortung zu entlasten oder besser noch ihn zum Komplizen seiner eigenen Entmenschlichung zu machen.

Letzteres geht am besten durch den Einsatz dessen, was das Bürgertum groß gemacht hat: einer Idee. Denn, so Niekisch, „der liberale Mensch steht unausgesetzt unter der Kontrolle eines Menschenbildes“. Wenn das Menschenbild politisch edel erscheint, ist man eher geneigt, die wirtschaftliche Ausbeutung für seine vermeintliche Realisierung hinzunehmen. Letztlich führen diese Ideen zum Sterben der Ideen als solchen, was den Machtverwaltern nur recht sein kann. Der Clerk ist eine Schattengestalt in einem Schattenreich unter künstlicher Beleuchtung. Will er zu sich selbst zurückkehren, will er im Willen zum Widerstand sein Menschsein zurückerlangen, möge er sich am Wort des französischen Revolutionärs Camille Desmoulins aufrichten, der einmal gesagt haben soll: „Die Dinge erscheinen uns nur riesig, weil wir auf unseren Knien sind; lasst uns aufstehen!“

In BN-Anstoß VIII mit dem Titel Aufstand des Geistes. Konservative Revolutionäre im Profil (2016 erschienen) finden sich zehn Portraits über Denker, die wir wiederentdecken müssen. Niekisch ist auch dabei. Hier bestellen!

Maledetti ma troppo geniali, gli autori collaborazionisti oltre ogni censura

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Maledetti ma troppo geniali, gli autori collaborazionisti oltre ogni censura

Ex: http://www.secoloditalia.it

Scrittori maledetti o pensatori incompresi? Sognatori da assolvere o complici delle nefandezze dei totalitarismi del XX secolo da condannare senza appello? E’ la domanda che percorre il libro del giornalista Andrea Colombo dal titolo I maledetti. Dalla parte sbagliata della storia (Lindau) che offre al lettore un profilo biografico e di inquadramento storico di poeti, intellettuali, artisti e operatori culturali che a vario titolo furono coinvolti con il fascismo e con il nazionalsocialismo.

histoire,europe,littérature,lettresSu molti dei nomi studiati da Colombo grava ancora una damnatio memoriae non scalfita dal tempo, su altri il pregiudizio è caduto lasciando spazio ad analisi più riflessive e distaccate. Del resto, come avverte l’autore, gli stessi intellettuali che avevano creduto nel sogno nazionalrivoluzionario di Hitler e Mussolini scelsero destini diversi nel dopoguerra: “C’è chi fuggirà da quel sogno diventato incubo, e tenterà di nascondere per tutta la vita le sue simpatie giovanili, come Lorenz. Chi invece, come Evola, non rinuncerà alle sue idee neanche dopo il 1945… Pound, infine, negli anni della vecchiaia si chiuderà in un mutismo enigmatico. Un tempus tacendi che segnerà la fine definitiva del tragico sogno“.

Differente la sorte degli scrittori collaborazionisti: Robert Brasillach (che l’autore inserisce tra i rappresentanti del nazismo gay) dovrà affrontare il plotone d’esecuzione il 6 febbraio del 1945, un mese dopo Céline e sua moglie fuggono a Copenaghen, dove lo scrittore francese sarà arrestato a dicembre, il 23 aprile dello stesso anno Ezra Pound pubblica l’ultimo articolo per la stampa della Rsi, intitolato “Appunti economici: brani d’attualità” per essere poi a sua volta arrestato il 3 maggio a Rapallo, nel maggio dello stesso anno Leni Riefenstahl viene fatta prigioniera prima dagli americani e poi dai francesi mentre Knut Hamsun, prima di essere internato in un manicomio criminale a Oslo, farà in tempo il 7 maggio a dettare un necrologio per Hitler in cui definisce il dittatore “pioniere dell’umanità”. L’anno seguente, a dicembre, il grande filosofo Martin Heidegger sarà interdetto dall’insegnamento in quanto dichiarato dalla commissione di epurazione un “nazista tipico”.

Il poeta Gottfried Benn dovrà attendere gli anni Cinquanta per una completa riabilitazione, molto meno di Giovanni Gentile (ucciso da un partigiano nel 1944) il cui pensiero e la cui dirittura morale saranno rivalutati e compresi a pieno solo negli anni Sessanta e Settanta del Novecento grazie agli studi di Augusto Del Noce e poi di Sergio Romano. L’etologo Konrad Lorenz farà dimenticare la sua giovanile adesione al nazionalsocialismo capeggiando i cortei ecologisti contro il nucleare, lo storico delle religioni Mircea Eliade, titolare di una cattedra a Chicago, sarà perseguitato dai fantasmi del suo passato di aderente alla Guardia di Ferro grazie a un dossier contro di lui pubblicato in Romania nel 1972.

Ma i nomi di questi personaggi dicono molto di più del coinvolgimento politico durato una stagione: parlano per loro le opere scritte, i pensieri lasciati in eredità oltre le etichette, la fulminante genialità di cui nessuno vuole ancora privarsi nonostante i tardivi ostracismi.

E così questi “maledetti” attraverseranno il dopoguerra sempre camminando tra le minacce di un’oscurantista censura, ma prendendosi qualche rivincita, come quando Leni Riefenstahl venne a Roma negli anni Novanta per una mostra di sue fotografie su una tribù africana invitata dall’assessore alla Cultura (Gianni Borgna) di un sindaco di sinistra. Ma ancora nel 2007 Jodie Foster dovrà rinunciare a fare un film su questa regista geniale cui la storia del cinema deve moltissimo. L’impronta di maledetti non si cancella, allora, ma più che rappresentare un marchio d’infamia diviene stigma di grettezza intellettuale, di incapacità di riconoscere il vero talento e di liberarsi degli spettri del passato.

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mercredi, 25 octobre 2017

Charles Quint : empereur d'une fin des temps

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Charles Quint : empereur d'une fin des temps

Auteur : Denis Crouzet
Editeur : Odile Jacob
Nombre de pages : 450
 
Ex: http://www.famillechretienne.fr

L’historien Denis Crouzet brosse un portrait saisissant de Charles Quint dans le contexte de la fin de la chrétienté.

Quand le pape Benoît XVI a renoncé à la charge pontificale en février 2013, le philosophe Alain Finkielkraut compara le geste du pape allemand à celui de l’empereur Charles Quint. Le 25 octobre 1555, dans son palais bruxellois, le vieil homme s’adressait ainsi à la cour impériale : « Je me sens maintenant si fatigué que je ne saurais vous être d’aucun secours, comme vous le voyez vous-même. Épuisé et brisé comme je le suis, j’aurais des comptes à rendre à Dieu et aux hommes si je ne renonçais à gouverner. » Tout comme Benoît XVI, l’homme pleura amèrement après cette annonce, puis se retira dans un monastère.

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L’un et l’autre ne peuvent se comprendre qu’à travers la mission qu’ils estimaient avoir reçue de Dieu. L’historien Denis Crouzet nous la décrit dans son dernier essai. Un ouvrage dense, à la lecture exigeante, mais d’une richesse incomparable. Plutôt que de céder à la facilité du genre biographique, l’auteur nous transporte sur une courte période allant de 1545 à 1552. Sept années d’un règne qui en compte trente-six. L’époque est l’un des moments charnières de l’Histoire européenne et de la civilisation : dans sa lutte contre les princes protestants réunis dans la ligue de Smalkalde, Charles Quint semble avoir remporté la victoire à Mühlberg en 1547. Mais en 1552, le traité de Passau établit définitivement le célèbre principe : « Tel prince, telle religion. » Il s’agit du jour où « tout bascule », puisque l’Europe chrétienne n’est plus, déchirée entre catholiques et protestants.

Certes, l’empereur Charles Quint vit une époque qui sait le glorifier, mais ce personnage impénétrable cachait en lui une peur face au tragique de l’Histoire : « Une épreuve dramatique toujours recommencée, durant laquelle ce qui a été gagné est sous tension d’être perdu, bien vite. » Plus Bourguignon que Habsbourg, il est la parfaite illustration du mot de Boileau : « Rarement un esprit ose être ce qu’il est. » Mais il savait aller de l’avant, sous la contrainte, imitant par ailleurs le Christ fait homme. Stoïque, mais chrétien.  

Christophe Dickes

mardi, 24 octobre 2017

Friedrich Schleiermacher: The Father of Modern Theology & a Prophet of German Nationalism

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Friedrich Schleiermacher:
The Father of Modern Theology & a Prophet of German Nationalism

Part 1

“I feel sure that Germany, the kernel of Europe, will arise once more in a new and beautiful state, but when this will happen, and whether the country will not first have to experience even greater difficulties […] God alone knows.” — Friedrich Schleiermacher, 1806[1] [3]

“. . . were you not mine, I should not have felt so conscious of how true is my patriotism and my courage. As it is, however, I know that I may place myself on a level with whomsoever it may be, that I am worthy of having a country I can call my own, and that I am worthy of being a husband and a father. […] Now, this is just my vocation – to represent more clearly that which dwells in all true human beings, and to bring it home to their consciences.” — Friedrich Schleiermacher, in a letter to his wife to be, Henriette von Willich, 1808[2] [4]

Friedrich Schleiermacher is generally recognized as the father of modern theology,[3] [5] and considered the most influential Protestant theologian since John Calvin. At the beginning of the nineteenth century, Schleiermacher redirected the course of Protestant theology by breaking the stalemate of rationalism and orthodoxy.[4] [6] The rise of neo-orthodoxy in the twentieth century, led by Karl Barth, was in many ways a reaction to the influence of Schleiermacher. After World War Two, Schleiermacher was treated with suspicion, since he was a Romantic, a German idealist, and an advocate of nationalism, culturally conditioned Protestantism, and the German Volksgeist.[5] [7] To him, the essence of religion was an inward disposition of piety, rather than outward practices or written dogmas.[6] [8]

Early Life

Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher was born in 1768 in the Silesian town of Breslau in Prussia (now Wroclaw in Poland). He was the son of a Reformed pastor who served as a chaplain in the Prussian army.[7] [9] At fourteen, Schleiermacher was placed in a school of the Moravian Brethren, or Herrnhuters, a Pietist congregation. The Moravians emphasized an intense devotion to Jesus and a vivid communion with him, resulting in the immediate presence of God, experienced within the self. This had a profound influence on Schleiermacher. At the Moravian school he also got a humanistic education based on the study of Latin and Greek.[8] [10] He enrolled in a Moravian seminary at sixteen to become a pastor. At the seminary, the students were forbidden from reading modern writers like Goethe, or the investigations of modern theologians and philosophers into the Christian system and the human mind. Schleiermacher asked his father for permission to enroll at the University of Halle instead, telling him that he no longer believed in Christ’s vicarious atonement. His father reluctantly agreed, believing that “pride, egotism, and intolerance” had taken possession of him.[9] [11] “Go then into the world whose approval you desire,” he told his son.[10] [12]

Schleiermacher matriculated at Halle in 1787. The leading philosopher at Halle then was Johann August Eberhard, who acquainted his students with a thorough knowledge of Kant’s philosophical system, and introduced them to the history of philosophy, and philosophers like Plato and Aristotle. For many years, Schleiermacher devoted himself to the study of Kant’s philosophy,[11] [13] and for a while he thought he’d lost all faith except in Kantian ethics.[12] [14]

In 1796, Schleiermacher moved to Berlin when he was appointed as a Reformed chaplain at Berlin’s main hospital, the Charité Hospital. There, he became acquainted with a circle of Romantics, who sought unity in their lives by completely devoting themselves to something they thought worthy of devotion. Their ideas centered around inward feeling, idealism and the growth of individuality. There, Schleiermacher met the poet Friedrich Schlegel who became his friend and had a significant influence on him.[13] [15] Schleiermacher understood individuality to be the designation of each individual in the order of things by divine providence: “Your obligation is to be what the consciousness of your being bids you to be and become.”[14] [16] His relationship with the Romantics was somewhat ambivalent. He noted that all people with artistic nature had “at least some stirrings of piety.” But ultimately, Schleiermacher wrote, “imaginative natures fail in penetrative spirit, in capacity for mastering the essential.” Wilhelm Dilthey wrote about Schleiermacher’s time with the Romantics: “Like every genius he was lonely in their midst and yet needed them. He lived among them as a sober man among dreamers.”[15] [17] Schleiermacher was repeatedly embarrassed and humiliated by their social impropriety and inability to function in the real world.[16] [18]

Together, Schleiermacher and Friedrich Schlegel decided to begin the monumental task of producing the first German translation of Plato’s works. But Schleiermacher could not count on Schlegel, and soon he had had to work on the translation alone. The work took many years and the volumes were published intermittently between 1804 and 1828, although not all dialogues were translated. Still today, Schleiermacher’s translations are the most sold paperback editions of Plato in Germany and are authoritative translations for scholars. Dilthey claimed that through them, “knowledge of Greek philosophy first became possible.”[17] [19] The work on the translation was to have a profound effect on the development of Schleiermacher’s philosophy.

The Speeches on Religion

Bothered by the Romantics’ hostility toward religion, Schleiermacher wrote his most famous work, On Religion: Speeches to Its Cultured Despisers (Über die Religion: Reden an die Gebildeten unter ihren Verächtern), in 1799, which made him instantly famous. In it, Schleiermacher attempted to discern the spirit or idea of pure religion, just as Kant had done for pure reason. In this early work his philosophical and theological ideas were still unformed and would evolve in the following years.

9780521357890-us-300.jpgSchleiermacher thought that the Romantics’ criticism of religion applied only to external factors such as dogmas, opinions, and practices, which determine the social and historical form of religions. Religion was about the source of the external factors. He noted that, “as the childhood images of God and immortality vanished before my doubting eyes, piety remained.”[18] [20] He distinguished religion from “vain mythology” that conceived God as an outside being who interfered in history or natural events, although he thought Christianity should retain its mythical aspects and language as long as it was recognized as myth. Beliefs or knowledge about the nature of reality were also to be separated from religion.[19] [21] After Kant, the old-world view with its metaphysical idea of God was no longer possible. Martin Redeker explains: “On the basis of critical transcendental philosophy God cannot be the object of human knowledge, since human knowledge is bound to space and time and the categories of reason, i.e., the finite world.”[20] [22]

True religion, according to Schleiermacher was the “immediate consciousness of the universal being of all finite things in and through the infinite, of all temporal things in and through the eternal.”[21] [23] Feeling was the essence of his idea of religion, feeling of the eternal in all that has life and being. Feeling was only religious though, if it imparted a revelation of the spirit of the whole. That was God, the highest unity, being felt.[22] [24] Schleiermacher defined feeling as the pre-conceptual organ of subjective receptivity that makes thought and experience possible. Feeling is self-consciousness itself, the unifying property of the self that pre-reflectively apprehends the world as a whole.[23] [25] It is the primal act of the spirit before reality is divided into subject and object. An existential experience of revelation is the basis of faith and the certainty of salvation, not correct doctrines or theological formulations.[24] [26]

In contrast to Romantic religious individualism, Schleiermacher claimed that religion was social or nothing at all, since it was “man’s nature to be social.” The more one is stirred by religious feelings, “the more strongly his drive toward sociality comes into play.” A religious person, therefore, must interact with other people and do his part in the Christian church, which is the social form of the idea of true religion. Although, corruption is to be expected when the eternal steps down into the sphere of the temporal and must adapt to historical and political realities.[25] [27]  What characterizes Christianity is the conflict of the infinite and finite in human history, and through Christ’s reconciliation this conflict is overcome. Thus, Christianity is by nature a polemical religion, critical of culture, of religion, and above all of itself.[26] [28]

Many readers, including Johann Wolfgang von Goethe, found Schleiermacher’s account of the essence of religion wonderful, but his attempt to justify church Christianity disappointing. Georg W. F. Hegel admired On Religion, but later the admiration would turn to hate. It has been suggested that it was partly because Hegel envied Schleiermacher’s work on Plato, Heraclitus, and the dialectic, although their later rivalry at the University of Berlin seems an adequate cause.[27] [29]

In this early work, Schleiermacher shows some prejudice toward his neighboring countries, when he asks who could fathom his testimony: “To whom should I turn if not to the sons of Germany? Where else is an audience for my speech? It is not blind predilection […] that makes me speak thus, but the deep conviction that you alone are capable, as well as worthy, of having awakened in you the sense for holy and divine things.”[28] [30] According to Schleiermacher, the English, “whom many unduly honor,” are incapable of attaining true religion, for they are driven by the pursuit of “gain and enjoyment.” He continues, “their zeal for knowledge is only a sham fight, their worldly wisdom a false jewel, […] and their sacred freedom itself too often and too easily serves self-interest. They are never in earnest with anything that goes beyond palpable utility.”[29] [31] The French are worse: “On them, one who honors religion can hardly endure to look, for in every act and almost in every word, they tread its holiest ordinances under foot.” The “barbarous indifference” of the French people and the “witty frivolity” of their intellectuals towards the historical events taking place in France at the time, (the French Revolutionary Wars) shows how little disposition they have for true religion. “What does religion abhor more than that unbridled arrogance by which the leaders of the French people defy the eternal laws of our world? What does religion more keenly instill than that humble, considerate moderation for which they do not seem to have even the faintest feeling?”[30] [32]

Professor at Halle and Christmas Eve

In 1804, the Prussian government called Schleiermacher to the University of Halle as professor and university preacher.[31] [33] The following year, he wrote Christmas Eve (Die Weihnachtsfeier), a work in the style of Plato’s dialogues. It is a conversation among a group of friends gathered on Christmas eve, discussing the meaning of the Christmas celebration and Christ’s birth.[32] [34]

10954134.jpgThe dialogue begins with the historical criticism of the Enlightenment, claiming that although the Christmas celebration is a powerful and vital present reality, it is hardly based on historical fact. The birth of Christ is only a legend. Schleiermacher rejects the historical empiricism of the Enlightenment since it results only in the discovery of insignificant causes for important events and the outcome of history becomes accidental. This is not good enough, “for history derives from epic and mythology, and these clearly lead to the identity of appearance and idea.” Therefore, he says, “it is precisely the task of history to make the particular immortal. Thus, the particular first gets its position and distinct existence in history by means of a higher treatment.”[33] [35]

Speculation and empiricism must be combined for historical understanding: “However weak the historical traces may be if viewed critically, the celebration does not depend on these but the necessary idea of a Redeemer.”[34] [36] Since men lack the unity and harmony of primordial nature and whose nature is the separation of spirit and flesh, they need redemption.[35] [37] The birth of Christ, “is founded more upon an eternal decree than upon definite, individual fact, and on this account cannot be spoken of in a definite moment but is rather elevated above temporal history and must be maintained mystically.” Festivals like Christmas simply create their own historical background.[36] [38] But the myth of Christmas is far from arbitrary: “Something inward must lie at its basis, otherwise it could never be effective nor endure. This inner something, however, can be nothing else than the ground of all joy itself.”[37] [39]

Schleiermacher understands Christmas as the event when eternal being enters the finite becoming of history, influenced by the Platonic ideas, the archetypes of pure being. The spirit thus reveals himself in history and brings mankind to self-consciousness.[38] [40] The celebration of the eternal is what sets Christmas apart from other festivals.

Some, to be sure have attempted to transfer the widespread joy that belongs to the Christmas season to the New Year, the day on which the changes and contrasts of time are pre-eminent. […] The New Year is devoted to the renewal of what is only transitory. Therefore, it is especially appropriate that those who, lacking stability of character, live only from year to year should make an especially joyful day of it. All human beings are subject to the shifts of time. That goes without saying. However, some of the rest of us do not desire to have our live in what is only transitory.[39] [41]

The joy of Christmas bespeaks an original undivided human nature where the antitheses between time and eternity, thought and being have been overcome, an eternal life in our temporal existence.[40] [42] The celebration of Christmas also brings to the fore the divine relationship of mother and child. Mary symbolizes every mother, and mother’s love for her child is the eternal element in every woman’s life, the essence of her being.[41] [43]

Schleiermacher’s life changed when Napoleon defeated the Prussian army in 1806. After battles in the streets, Halle was captured and occupied. Schleiermacher’s house was plundered and occupied by French soldiers.[42] [44] “Unlike Goethe and Hegel, who admired the French conqueror, Schleiermacher seethed with rage at the crushing of old Prussia.”[43] [45] When he was asked by a French official to witness Napoleon’s entry into the city, Schleiermacher asked to be excused. The students were expelled and the University dissolved. Yet Schleiermacher remained, convinced that greatness awaited Prussia and Germany. The destruction of Prussia was only a transition, the old and feeble had to fall for something stronger to emerge. He wrote: “The scourge must pass over everything that is German; only under this condition can something thoroughly beautiful later arise out of this. Bless those who will live to see it; but those who die, may they die in faith.”[44] [46] He was convinced that God had ordained that Germany, this glorious cultural entity, would also be realized politically.[45] [47]

Prussia’s defeat and Napoleon’s occupation brought Schleiermacher to consciousness of the spirit of nationalism. He joined the movement for reform in Prussia, based on the emerging Protestant ethics, and the values of Volk, state, and fatherland. Schleiermacher’s ethics had until then been based on individuality. The individual self now found its freedom by serving the nation and the state. Moreover, Providence was at work in history as peoples and states evolved into social individuals. The old idea of history as a process of continuous perfection, harmony, and peace, gave way to a history as a life of struggle, decisions, and sacrifice, but also catastrophe and destruction. This was the will of God for the realization of justice and truth.[46] [48] In the collapse of the Prussian state, Schleiermacher sensed the will of God leading his people through defeat to victory. Germans had to recognize God’s work in the ethos and spirit of the German nation and the historical state, and obey his will. God would protect those who wanted to preserve themselves, and their unique meaning and spirit. For the fatherland and its freedom, one must risk his life. A Christian cannot rely on others or only himself, but should trust in the power of God when standing up for his Fatherland.[47] [49]

Up until the defeat, Schleiermacher had seen Prussia as his Fatherland, but he now started to question its existence. He wondered whether God was using the defeat to awaken the Prussian people to their destiny in Germany. This humiliation could only have been prevented by a unified Germany.[48] [50] He felt that the struggle of nationalism had been made almost impossible by the Enlightenment, its ideas masked decay with a false sense of progress. “Every last moment is supposed to have been full of progress. Oh, how much I despise this generation, which adorns itself more shamelessly than any other ever did.”[49] [51]

Professor at the University of Berlin

The University of Berlin was founded in 1809 by Wilhelm von Humboldt. Schleiermacher played an important role in the founding of the university, working as one of Humboldt’s closest collaborators. Schleiermacher, like Fichte, opposed the idea of the university as a technical school of higher learning and special studies, based on those that had been established in France after the Revolution. Science was supposed to be universal and coherent, a unified and universal system of man’s total knowledge.[50] [52]

220px-Friedrich_Daniel_Ernst_Schleiermacher_2.jpgSchleiermacher and Fichte based their idea of university on the transcendental idealist philosophy and its new conception of science. A mere technical academy could not represent the totality of knowledge. According to Schleiermacher, “the totality of knowledge should be shown by perceiving the principles as well as the outline of all learning in such a way that one develops the ability to pursue each sphere of knowledge on his own.” All genuine and creative scholarly work must be rooted in the scientific spirit as expressed in philosophy.[51] [53] The philosophical faculty was to predominate over the other faculties in the university because, “there is no productive scientific capacity in the absence of the speculative spirit.”[52] [54] The students were to be captivated by the idea of knowledge, and all specialized learning was to be understood in accordance with the entire framework of knowledge. From this, the students would derive the impulse for their own research.[53] [55]

In 1810, Schleiermacher joined the Prussian Academy of Sciences and became permanent secretary of the philosophical division in 1814. There he worked to establish a new field, cultural-historical studies, in which he emphasized a new study of antiquity that combined philosophy with the history of philosophy, law, and art. A critical edition of Aristotle’s works was also prepared at his recommendation. Because of the importance of the new studies, Schleiermacher urged the appointment of Hegel to Berlin, but Hegel became isolated, and they had no personal relationship.[54] [56] Hegel soon took issue with Schleiermacher’s theology of feeling and blasted Schleiermacher in every lecture cycle.[55] [57] Schleiermacher, in turn made sure that Hegel was kept out of the Academy of Sciences, ostensibly on the grounds that Hegel’s speculative philosophy was no science.[56] [58]

Schleiermacher served as a pastor alongside his academic appointments his whole career. During the French occupation he used his pulpit in the Berlin Charité to raise the spirits of his congregation and instill in them the spirit of nationalism. The philosopher Henrik Steffens, a friend of Schleiermacher’s, described his sermons thus: “How he elevated and settled the mind of [Berlin’s] citizens […]; through him Berlin was as if transformed […]. His commanding, refreshing, always joyful spirit was like a courageous army in that most troubled time.”[57] [59] In 1808 he joined a secret group of agitators, who sought to prepare a popular uprising and a war against Napoleon. There he befriended prominent patriots like general Gerhard von Scharnhorst and field marshal August von Gneisenau, whose names were later given to famous German battleships. Political maneuvers of Russia and Austria ruined the work of the secret group and the possibility of war against Napoleon would have to wait a few years.[58] [60]

Then in 1813, Prussia prepared to fight Napoleon again. That year, Schleiermacher preached a sermon before young soldiers in Berlin who were going to fight the coming war. He told them that they should think only of the nation when fighting. That should be their inspiration for bravery. They were fighting for the Fatherland and not for personal liberties. If a soldier died fighting to preserve his personal liberties, his death was a total waste since one had to be alive to enjoy the liberty. To die fighting for the Fatherland, on the other hand, was only an “utterly insignificant casualty.” Schleiermacher, valued death from a mystical point of view, as it united the soul with God. He knew what tragedy the death of a soldier was, but he wanted them to know that the only meaningful death for a soldier would be for the sake of the Fatherland. He himself served in the Landsturm reserve unit for the defense of Berlin. The Landsturm was supposed to be a second line of defense behind the newly established Landwehr.[59] [61]

The struggle against France and the ineffective political organization in Prussia caused Schleiermacher to begin to question the rule by divine right, on which the monarchy was based. Germany was ruled by many monarchs who all claimed to rule by the will of God, but to Schleiermacher, God would only approve a unified Germany. A rule by a monarch was only justified by the will of the nation as expressed in its traditions. He also blamed the conceited aristocracy for Germany’s troubles, for they were more concerned with their own status than with the welfare of the Fatherland. [60] [62]

It was during a crisis period over the defense of Berlin that Schleiermacher also noted that one particular group was very unwilling to participate in the Landsturm reserve units. He had no sympathy for those who left Berlin only to avoid their obligations, and conspicuous among them were the Jews. In 1799, Schleiermacher had advocated full civil rights for the Jews. Now he saw no place for them in Prussia, nor could he foresee one in a unified Germany. Before 1813 he had also never criticized Jewish theology, traditions, or culture. That was to change too.[61] [63]

In the summer of 1813, Schleiermacher was appointed as a journalist and editor of a newspaper called The Prussian Correspondent, where he began to criticize the Prussian government for its handling of the war. He regarded a peace treaty with France as a betrayal since it would doom the chance to unify Germany. King Friedrich Wilhelm was furious with Schleiermacher and had him dismissed from the newspaper and expelled from Berlin. The order was later eased, and Schleiermacher got to stay and keep his position in the University and as pastor.[62] [64]

After the defeat of Napoleon in 1814, a period of reaction began in Prussia, and Schleiermacher found himself almost an enemy of the state. Despite official opposition and knowing that he would never live to see the unification of Germany, Schleiermacher still preached and taught the ideals of German nationalism in the church and in his lectures. He decided to be patient and prepare the groundwork for a unified German state, or as much as the Prussian government would tolerate.[63] [65] For fifteen years he had to live with the fear of persecution, and many friends and colleagues were forced to choose between him and the government.[64] [66] Yet he remained publicly committed to German nationalism, certain that those who frustrated the nationalist effort would ultimately have to answer to God for their crime.[65] [67] We now turn to Schleiermacher’s ideas as they appear in his mature writings.

Notes

[1] [68] Jerry F. Dawson, Friedrich Schleiermacher: The Evolution of a Nationalist, (Austin: University of Texas Press, 1966), p. 66.

[2] [69] Friedrich Schleiermacher, The Life of Schleiermacher, as Unfolded in His Autobiography and Letters, vol. II, trans. Frederica Rowan, (London: Smith, Elder and Co., 1860), p. 125.

[3] [70] Jacqueline Marina, “Introduction”, The Cambridge Companion to Friedrich Schleiermacher, ed. Jacqueline Marina, (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), p. 1.

[4] [71] Richard R. Niebuhr, Schleiermacher on Christ and Religion, (London: SCM Press LTD, 1964), p. 6.

[5] [72] Niebuhr, p. 12.

[6] [73] Robert Merrihew Adams, “Faith and Religious Knowledge”, The Cambridge Companion to Friedrich Schleiermacher, ed. Jacqueline Marina, (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), p. 37.

[7] [74] Robert P. Scharlemann, “Friedrich Schleiermacher”, Encyclopædia Britannica, (2006, September 22), retrieved from https://www.britannica.com/biography/Friedrich-Schleiermacher.

[8] [75] Martin Redeker, 9-10.

[9] [76] Gary Dorrien, Kantian Reason and Hegelian Spirit: The Idealistic Logic of Modern Theology, (Chichester: John Wiley & Sons, 2015), p. 86.

[10] [77] Martin Redeker, Schleiermacher: Life and Thought, trans. John Wallhausser, (Philadelphia: Fortress Press, 1973, p. 14.

[11] [78] Redeker, p. 15.

[12] [79] Dorrien, p. 87.

[13] [80] Dorrien, pp. 88-89.

[14] [81] Redeker, p. 22.

[15] [82] Redeker, pp. 62-63.

[16] [83] Dawson, p. 47.

[17] [84] Julia A. Lamm, “Schleiermacher as Plato Scholar, The Journal of Religion, Vol. 80, No. 2, (Chicago: The University of Chicago Press, 2000), pp. 206-207.

[18] [85] Dorrien, pp. 89-90.

[19] [86] Dorrien, p. 93.

[20] [87] Redeker, p. 38.

[21] [88] Dorrien, p. 92.

[22] [89] Dorrien, p. 93.

[23] [90] Dorrien p. 93.

[24] [91] Redker, p. 39-40.

[25] [92] Dorrien, pp. 93-94.

[26] [93] Redeker p. 48.

[27] [94] Michael Inwood, “German Philosophy”, The Oxford Companion to Phiosophy, ed. Ted Honderich, (Oxford: Oxford University Press, 2005), p. 336.

[28] [95] Friedrich Schleiermacher, On Religion: Speeches to its Cultured Despisers, trans. John Oman, (London: Kegan Paul, Trench, Trübner & Co., 1893), p. 9.

[29] [96] Schleiermacher, On Religion, pp. 9-10.

[30] [97] Dorrien, p. 94.

[31] [98] Redeker, p. 76.

[32] [99] Redeker, p. 82.

[33] [100] Redeker, p. 83.

[34] [101] Redeker, p. 83.

[35] [102] Redeker, p. 83.

[36] [103] Niebuhr, pp. 60-61.

[37] [104] Niebuhr, pp. 62-63.

[38] [105] Redeker, p. 85.

[39] [106] Friedrich Schleiermacher, Christmas Eve Celebration: A Dialogue, trans. Terrence N. Tice, (Eugene: Cascade Books, 2010), pp. 75-76.

[40] [107] Niebuhr, p. 63.

[41] [108] Redeker, p. 82.

[42] [109] Redeker, p. 86.

[43] [110] Dorrien, p. 96.

[44] [111] Redeker, p. 86.

[45] [112] Dorrien, pp. 96-97.

[46] [113] Redeker, p. 88.

[47] [114] Redeker, p. 89.

[48] [115] Dawson, pp. 63-64.

[49] [116] Dawson, p. 41.

[50] [117] Redeker, pp. 95-96.

[51] [118] Redeker, p. 96.

[52] [119] Redeker, p. 96.

[53] [120] Redeker, p. 97.

[54] [121] Redeker, p. 186.

[55] [122] Dorrien, p. 212.

[56] [123] Dorrien, p. 208.

[57] [124] Redeker, p. 91.

[58] [125] Redeker, p. 91.

[59] [126] Dawson, p. 104.

[60] [127] Dawson, pp. 108-110

[61] [128] Dawspon p. 115.

[62] [129] Dawspon pp. 118-120.

[63] [130] Dawspon pp. 123-124.

[64] [131] Dawspon p. 132.

[65] [132] Dawspon p. 98.

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Friedrich Schleiermacher:
The Father of Modern Theology & a Prophet of German Nationalism

Part 2

Schleiermacher’s Philosophy of Mind

According to Schleiermacher, the task of philosophy is the “immersion of the Spirit into the innermost depths of itself and of things in order to fathom the relations of their [spirit and nature] being-together.”[1] [3] Schleiermacher’s philosophy, like German idealism in general, was very influenced by, and a reaction to, the critical transcendental philosophy of Immanuel Kant. His philosophy was also influenced by Plato, of whom Schleiermacher was the chief scholar in Germany in his time.[2] [4] In his major work, The Christian Faith (Der christliche Glaube), published in 1821–22, Schleiermacher put forth his philosophy of consciousness.

The experience of consciousness discloses that it has both an unchanging identity and is also changing and various in its different moments. The two constitutive elements of self-consciousness are, according to Schleiermacher, the self-caused element and the non-self-caused element, the ego and other. The self is constituted only in relation to an other, it cannot be thought of without an object.[3] [5] He says:

Now these two elements, as they exist together in the temporal self-consciousness, correspond in the subject [to] its receptivity and its activity. […] The common element in all those determinations of self-consciousness which predominantly express a receptivity affected from some outside quarter is the feeling of dependence. On the other hand, the common element in all those determinations which predominantly express spontaneous movement and activity is the feeling of freedom.[4] [6]

Self-consciousness, “which accompanies our whole existence, […] is itself precisely a consciousness of absolute dependence; for it is the consciousness that the whole of our spontaneous activity comes from a source outside of us in just the same sense in which anything towards which we should have a feeling of absolute freedom must have proceeded entirely from ourselves.”[5] [7] But a feeling of absolute freedom is impossible since it would require consciousness without an object.[6] [8] Schleiermacher adds that, “the whence of our receptive and active existence, as implied in this self-consciousness, is to be designated by the word ‘God’, and that is for us the really original signification of that word. […] To feel oneself absolutely dependent and to be conscious of being in relation with God are one and the same thing.”[7] [9]

It is therefore not an object which is the determinative element in the feeling of absolute dependence, but a transcendental eternal and absolute now, which can only be God. God is the absolute infinite unity, the decisive power which unifies the inherent contradictions in the world, e.g., thought and being, reason and sensibility, ego and other. God thus vitally permeates the world and creates and preserves life. Schleiermacher describes the feeling of absolute dependence as an “immediate existential relation.”[8] [10] According to him, self-consciousness has two levels, the sensible, dealing with objects, perceptions and ideas, and the immediate self-consciousness which grounds and unifies thinking and willing. Feeling is related to immediate self-consciousness, the pre-conceptual and undivided essence of the self, before there is an ego and other.[9] [11]

Theology and Philosophy of Religion

Schleiermacher defined theology as self-reflection of the church, or believers, on their own beliefs and practice. Church teaching, worship and polity is to be analyzed phenomenologically and pneumatically. Church life is to be unified with the scientific spirit. Faith and a critical spirit of inquiry are not contradictory, although church-mindedness is a precondition of theology.[10] [12]

517v45Um+vL.jpgSchleiermacher does away with the reliance on scriptural proof or the creeds as the basic structure of his theology. Faith is not awakened by obedience to doctrinal norms, but through a community of believers and their relation to the Redeemer. Scripture and creeds take on a special meaning only after one has been brought to faith.[11] [13] Availing himself of the new concept of science from German transcendental philosophy, Schleiermacher’s theology is determined by the differentiation between idea and appearance, and by the idea of an organic whole. Attempting to overcome the opposition between a historical-empirical approach on the one hand, and metaphysical speculation about God on the other, the idea, or the nature and truth of Christianity, becomes manifest in the present and historical life of Christianity.[12] [14]

For Schleiermacher, the omnipotence of God does not mean that God can do whatever he wills, but rather that he is the cause of everything. A scientific worldview based on critical transcendental philosophy should not necessarily end in pantheism or atheism, but be open to the reality of God as the Lord of nature and history. Schleiermacher wanted to make clear that religion is a necessary element of human life in history, that it alone provides the foundation for the unity of the human spirit with the ground of being, thus protecting human life from degeneration.[13] [15] God as the world’s unity and totality is the power that brings together the antithesis of matter and spirit, and is the source of all finite life.[14] [16]

Man is, however, unaware of God as the vital power and is unable to have a relationship with him. This, Schleiermacher calls unredeemed God-consciousness, or sin. Only through redemption in Christ, can the God-consciousness be restored, and God’s omnipotence and final purpose be comprehended. It is the experience of a living communion with Christ and the unity with God as the ground of being that is the new assurance of faith.[15] [17] In Christ was first formed the perfect and archetypal God-consciousness, and through the Christian community, preaching, and the Gospel stories, this God-consciousness is awakened in the believer and a relationship established.[16] [18]

Schleiermacher does not consider Christianity to be a continuation of Judaism. The essential element in the both religions is eternally constituted, meaning that if they did not exist or have a historical beginning, they would have to be created by necessity. But rather than being a religion, Judaism represents for Schleiermacher the absence of religion:

Judaism has long been a dead religion, and those who still wear its livery only sit lamenting at the imperishable mummy, bewailing its departure and the mournful state of being left behind. But I do not talk about it as were it in some way a predecessor of Christianity: I hate such historical connections in religion; its necessity is one that is far higher and eternal, and every beginning in it is original […] the whole thing [is] such a strange example of the corruption and total disappearance of religion.[17] [19]

He also held that among the early Christians, heathens had less to overcome than the Jews, which is why more heathens became Christians. Jews found it very difficult forsake their law and Abrahamic promises.[18] [20] Schleiermacher identified the New Testament exclusively as the Christian canon.[19] [21] His hermeneutical rule for Old Testament exegesis was: “Whatever is most definitely Jewish has least value.”[20] [22] He even found it hard to believe that Jesus had much in common with the people among whom he was born:

And where indeed was that narrowing and isolating race-prejudice keener than just where our Lord was born? The nation that regarded all other nations as unclean, and avoided intercourse with them; […] such a people could not of themselves have produced, nurtured and instructed Him who is the Fountain of universal love.[21] [23]

Schleiermacher’s Hermeneutics

Friedrich Schleiermacher has had a great influence on the field of hermeneutics. Richard E. Palmer, in his book Hermeneutics, states: “Schleiermacher […] is properly regarded as the father of modern hermeneutics as a general study.”[22] [24] According to Schleiermacher, hermeneutics is to be both creative and scientific, it is the imaginative reconstruction of the writer’s selfhood. It therefore ventures beyond the principles of philological science and becomes an art.[23] [25] Johann Gottfried Herder was a primary influence on the hermeneutical thinking of Schleiermacher.[24] [26]

Thinking has, according to Schleiermacher, a moral and historical character that involves an awareness of the relatedness of the individual consciousness to a community of other minds. Thinking also necessarily involves an awareness of conflict between the judgements of one’s own self and those of others. The self is then situated in a dialogical relation where it struggles to overcome conflict. Thought is a constant reproduction of the social matrix in which the self finds itself and from which the impulse to critical reflection stems. Thinking also involves the mediation of one’s thoughts and to deposit them in the public language and to respond to the thoughts of others. And since all men learn to speak within some given, historical language, their historical mold also impresses their thinking.[25] [27]

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The interpreter, Schleiermacher claims, must master the grammar of the language of the author he is studying, as well as the history and physical conditions of the language. The author is to be considered as an expression of the language or an event in its life. The language is moreover an inheritance that qualifies the author’s spirit and demarcates the direction and progress of his thought. A thorough knowledge of the author’s language is therefore required to know the limits of his mind and to avoid anachronism in textual exegesis. Schleiermacher stated that the goal of hermeneutics is “to understand the text just as well and then better than the author himself understood it.” That is, the interpreter must be conscious of the history of the language and culture of the author, things that the author may have been unconscious of.[26] [28] In addition, the text of an author also arises from his own being and inner history, which is separate from the history of the language. Therefore, acquaintance with the author’s own personal history is required, helping the interpreter to fathom the author’s sense of identity and purpose.[27] [29]

What Schleiermacer called the psychological method deals with an author’s decision, or his freedom. Its goal is “the thorough understanding of the style.” He explains this further:

We are accustomed to understand by ‘style’ only the way in which the language is handled. But thoughts and language always inform each other, and the distinctive way in which the object is grasped informs the arrangement [of the elements of the composition] and thereby also the handling of the language.[28] [30]

The task of the psychological method is twofold. One part, which he calls the “technical” method, is to analyze the form in which the author organizes and presents his thoughts. The other part, the “pure psychological” part, is the attempt to fully grasp the significance of the author’s decision to make this particular writing and to communicate these ideas. They mean little if the interpreter can’t understand why and how a rational will chose them as his instruments.[29] [31]

Schleiermacher defined interpretation as an art, and therefore the interpreter must possess certain talents that only a few have in the requisite measure. He must not only have an extensive knowledge of the language, but also be able to grasp the language as a vital reality and to penetrate “into the core of the language in its relation to thought.” He must have the ability to gain a direct understanding of men and to grasp the “genuine meaning of a man and his distinctive characteristics in relation to the [essential] idea [Begriff] of the man.”[30] [32]

Schleiermacher extended the concept of the so called “hermeneutic circle,” the idea that the understanding of the whole text is gathered from the individual parts, and then each part is interpreted in light of the whole. It is not enough for Schleiermacher, to interpret the part in light of the whole text, but the whole text must also be interpreted in light of the author’s whole mind and being and his historical linguistic and cultural setting. The hermeneutic circle is in fact much more than a tool for interpretation. It is an essential part of the mind. “Every child comes to understand the meanings of words only through hermeneutics,” Schleiermacher wrote.[31] [33] Hermeneutics is how any understanding is possible at all through a dialogical process, it is the art of understanding. In conversation, we construct the meaning of a sentence by hearing a series of words that otherwise would have little meaning individually.[32] [34] Sometimes, we can know what our interlocutor wants to say and even construct the development of his thought before we have heard the whole speech.[33] [35] According to Hans-Georg Gadamer:

Schleiermacher’s grounding of understanding on dialogue and on interhuman understanding establishes a foundation for hermeneutics at a deeper level than before, and in a way that allows one to erect a system that is scientific and scholarly on a hermeneutical basis. Hermeneutics becomes the foundation not just for theology but for all historically based humanistic disciplines.[34] [36]

Philosophical Ethics, or Reason in History

Schleiermacher defined ethics thus: “Ethics, as the depiction of the way in which reason and nature coexist, is the science [of the principles of] history.”[35] [37] He does not conceive of ethics as a normative science that only deals with the “ought to be,” rather, it is to deal with the “is,” like the natural sciences. He has therefore little sympathy with Kant’s categorical imperative. Morality is not to obey any specific commands, it is a principle that permeates all of life.[36] [38] Ethics is the science of the organizing activity of the ideal principle in nature.[37] [39]

Schleiermacher divides science into two main branches, ethics and physics:

Ethics is, accordingly, the representation of being under the power of reason, that is from that side in which, in the co-inherence of the polarity, reason is the active term, and the real that which is acted upon; and physics is the representation of finite being under the power of nature, that is, as the real is the active term and the ideal that which is acted upon.[38] [40]

9780061300363-us-300.jpgSchleiermacher constructs his theory of ethics on the fundamental antithesis of ideal and real. All finite being never represents the pure unity of the ideal and real. Its actual existence cannot be inferred from its form and its form cannot be inferred from its existence. Both ideal and real fall outside of human experience, which is limited to that which is involved in becoming. The intellect can never grasp it and reduce it to a single term. Therefore, we cannot ascribe primacy to either form without matter or matter without form, since both transcend our experience. This is so because of our own existence in body and soul. Experience cannot be reduced to either pure reason or pure matter.[39] [41] Therefore, all real knowledge is only possible within the world and is delimited by human history.[40] [42]

Schleiermacher says: “The work which is the activity of the spiritual [ideal] within nature is always shape; the work of the material [real] in reason is always consciousness.”[41] [43] He continues:

Body and soul in man is the highest tension of the antithesis, a twofold interpenetration of the objective [real] and the spiritual [ideal]. We see it diminish in the animal and the vegetable world, but we never see it quite disappear. Where there is form, there is also consciousness corresponding to it, and vice versa. This antithesis, which was first found in our own being […] extends through the whole of reality.[42] [44]

In this world of human experience, the world of becoming, it is the real which predominates in everything over the ideal, except in human beings. Man alone express the proper nature of the ideal principle, he is the turning point. Man manifests the ideal principle through the knowledge process, as thought organizes experience into science. Thought, the work of reason in man, is what prevents total chaos in human conduct, a conflict of purposes. Reason thus manifests itself in advanced social life, the organization of the state, commerce and the exploitation of natural resources for its ends.[43] [45] Schleiermacher divides ethics into branches such as industry, agriculture, commerce, science, art, religion, and friendship, according to the impact of the ideal principle on nature.[44] [46]

Schleiermacher was influenced by the idea, or form, of the good in Plato’s Republic, a book he considered “the most glorious composition of antiquity.” Man, as a reflection of the divine world, with the ability to regulate himself, inwardly and outwardly, according to the pattern of eternal ideas, was the most important, yet undeveloped implication of the idea of the good in the history of ethics, Schleiermacher thought.[45] [47] But for him, it meant not conformity to a universal maxim of reason, but the concrete realization of the rational principle through man. Man is thus an organism of reason, and through him reason finds concrete expression in institutions, such as family, nation, university and state. He defines the good simply as the progressive organization of nature by reason. Everything which is produced in this process is good, and everyone who works toward its end partakes in the good itself.[46] [48]

According to Schleiermacher, reason is given to us only through our embodiment and natural constitution, which cannot be dismissed as mere accidents, but are essential to the life of the soul. The soul is then, always rooted in a particular man, his family, nation and race, and shares in his destiny. Man is therefore never an absolute agent but is defined by his historical, social and biological setting.[47] [49] Our existence is also ethically, always an expression and extension of the organizing wills of others. Primarily, of our parents through procreation, but of other members of the community and nation from which we come and exist. The individual begins his life already as an organized being, he is determined both by the soul-body existence, and by the character and destiny his community.[48] [50] Schleiermacher rejects the basis of the social contract theory, that the freedom of the natural man is inimical to social order. Society is rather an expression of freedom, not a limitation of it.[49] [51]

Man and State

For Schleiermacher, mankind is not an abstract universal idea about the human race or the essence of man. Mankind has a concrete being whose essence is expressed in three forms of community: in friendship, marriage, and Fatherland. Against the spirit of the Enlightenment, he did not think that the sole purpose of man was the progressive domination of nature, increased well-being and the advance of civilization. Martin Redeker explains:

The national state, for instance, is not a necessary evil, not an external community of the material world for the increase of property and protection against misfortune and calamity. The state is the finest work of human art by which man raises his being to the highest level. The state is for Schleiermacher the concretion of mankind as moral community and higher life.[50] [52]

According to Schleiermacher, a state is necessary if a society is to progress beyond a certain point. His idea of society and the state is very influenced by his reading of The Republic. When a state is established, the customs of the social organism are sanctioned and expressed in its laws. The state thus furthers the ends of the organism and expresses its individuality, it represents the completion of the good life.[51] [53] He wrote: “When such an institution is founded, it is one of the greatest steps forward possible for our race. […] It follows that patriotism is good, and those who think it is not for them are like guests or aliens.”[52] [54] The idea of a multi-ethnic state did not impress Schleiermacher:

Variation in political dignity is always a sign that several hordes have been fused together. […] Particularity in common is the basis of the state, partly to the extent that it is also a family bond and partly because only to that extent will every individual posit the totality of the external sphere of the state as his own moral, particular sphere (that is, as absolutely holy and inviolable), for on this alone does the defence of the state rest.[53] [55]

The state must be active in the life of the nation, otherwise the nation will degenerate: “To transform the state into a mere legal institution, […] would be to reverse the direction of the ethical process.”[54] [56] Schleiermacher also claims that: “Essentially people and soil belong together. […] State is the identity of people and soil. […] The determining power of the soil is an essential element in the character of the people…”[55] [57] War for living space is justified:

Every state needs a sufficiency of soil because it ought not to be dependent [on others] for its essential needs. These essential needs increase, however, if the community of peoples gains in size. The state strives to push back its frontiers, in order to acquire what is lacking; these are wars of need. Thus we can distinguish three different sorts of natural warfare: wars of unification which form the state, frontier wars, or wars which maintain a state of equilibrium, and wars of need which defend the state; the usual distinction, on the other hand, between offensive wars and defensive ones, is an entirely empty one.[56] [58]

Schleiermacher.jpgFolk traditions (Volkstümlichkeit) and race mark the boundaries for the possibility of a moral community according to Schleiermacher: “. . . people from different folk traditions, or who speak different languages, and to an even greater extent people of different races, find themselves separated in a way that is specifically different to any other. It is within these natural boundaries that moral relationships are determined . . .”[57] [59] It is history and geography that make a nation, they can never be brought about deliberately, “on the contrary, the fusing of different elements into a single people can only come about where it is physically predetermined, only ever, no doubt, within the confines of the race; for a people has never yet been formed from half-breeds.”[58] [60] The separation of the races is part of the divine order, “. . . for God has imparted to each its own nature, and has therefore marked out bounds and limits for the habitations of the different races of men on the face of the earth.”[59] [61] The idea of a state is inherent in the nature of a race and it is actualized by a powerful leader when the time is right:

Let us now suppose that some person for the first time combines a naturally cohesive group into a civil community (legend tells of such cases in plenty); what happens is that the idea of the state first comes to consciousness in him, and takes possession of his personality as its immediate dwelling place. Then he assumes the rest into the living fellowship of the idea. He does so by making them clearly conscious of the unsatisfactoriness of their present condition by effective speech. The power remains with the founder of forming in them the idea which is the innermost principle of his own life, and of assuming them into the fellowship of that life. The result is, not only that there arises among them a new corporate life, in complete contrast to the old, but also that each of them becomes in themselves new persons – that is to say, citizens. And everything resulting from this is the corporate life – developing variously with the process of time, yet remaining essentially the same – of this idea which emerged at that particular point of time, but was always predestined in the nature of that particular racial stock.[60] [62]

Schleiermacher’s ideal ruler is the philosopher king of The Republic, who is the source of all freedom and justice, who has no private interest above the state, and who personifies the spirit of the nation.[61] [63]

The End of Schleiermacher’s Life

A wave of revolutions went through Europe in 1830 and 1831. Schleiermacher was deeply hurt by the prospect of seeing the German people having to go through revolutions before a unified Germany could be realized. In September 1832, seventeen months before his death, he wrote in a letter to his wife Henriette: “It often makes me sad to think, that after all our bright hopes and good beginnings, I shall, when I depart this life, leave our German world in such a precarious state – for this will most probably be my lot.”[62] [64]

Although Schleiermacher never lived to see the unification of Germany himself, he used his sermons and classes to infuse his listeners with the ideals of German nationalism. Some of them would be influential in German politics in the following decades. It seems providential almost, that in Schleiermacher’s confirmation class of 1830 was one sixteen year old, Otto von Bismarck, who would later realize what Schleiermacher had long believed was God’s destiny for Germany.[63] [65] Many Prussians who knew little of Schleiermacher’s theology, recognized him as a national hero and patriot.[64] [66]

Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher died in February 1834 from pneumonia. On the day of his funeral around 30,000 Berliners joined the funeral procession, including the king, which was unparalleled at the time for an academic.[65] [67] His friend, Steffens reported of the funeral:

Never has a funeral similar to this taken place. It was not something arranged but a completely unconscious, natural outpouring of mourning love, an inner boundless feeling which gripped the entire city and gathered about his grave; these were hours of inward unity such as have never been seen in a metropolis of modern times.[66] [68]

Notes

[1] [69] Redeker, p. 185.

[2] [70] Redeker, p. 154.

[3] [71] Dorrien, p. 100.

[4] [72] Friedrich Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, ed. Keith W. Clements (Minneapolis: Fortress Press, 1991), p. 100.

[5] [73] Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, p. 103.

[6] [74] Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, p. 102.

[7] [75] Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, pp. 103-104.

[8] [76] Redeker, p. 114.

[9] [77] Dorrien, pp. 100-101.

[10] [78] Redeker, p. 105.

[11] [79] Redeker, p. 107.

[12] [80] Redeker p. 107.

[13] [81] Redeker, p. 111.

[14] [82] Redeker, p. 122.

[15] [83] Redeker, p. 123.

[16] [84] Redeker, p. 132.

[17] [85] Anders Gerdmar, The Roots of Theological Anti-Semitism: German Biblical Interpretation and the Jews, from Herder and Semler to Kittel and Bultmann (Leiden: Brill, 2009), p. 65.

[18] [86] Dorrien, p. 102.

[19] [87] Christine Helmer, “Exegetical Theology and the New Testament,” The Cambridge Companion to Schleiermacehr, ed. Jacqueline Marina (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), p. 236.

[20] [88] Dorrien, p. 102.

[21] [89] Friedrich Schleiermacher, Selected Sermons of Schleiermacher, trans. Mary F. Wilson (Eugene, Or.: Wipf and Stock Publishers, 2004), p. 292.

[22] [90] Richard E. Palmer, Hermeneutics: Interpretation Theory in Schleiermacher, Dilthey, Heidegger and Gadamer (Evanston: Northwestern University Press, 1969), p. 97.

[23] [91] Niebuhr, p. 79.

[24] [92] Michael Forster, “Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher,” Stanford Encyclopedia of Philosophy (September 20, 2017), retrieved from https://plato.stanford.edu/entries/schleiermacher/ [93].

[25] [94] Niebuhr, p. 81.

[26] [95] Niebuhr, p. 83.

[27] [96] Niebuhr, p. 84.

[28] [97] Niebuhr, p. 84.

[29] [98] Niebuhr, p. 84.

[30] [99] Niebuhr, p. 85.

[31] [100] Friedrich Schleiermacher, Hermeneutics: The Handwritten Manuscripts, ed. Heinz Kimmerle, trans. James Duke and Jack Forstman (Missoula, Mt.: Scholars Press, 1977), p. 52.

[32] [101] Palmer, p. 86.

[33] [102] Niebuhr, p. 86.

[34] [103] Hans-Georg Gadamer, “Classical and Philosophical Hermeneutics,” Theory, Culture and Society, vol. 23, no. 1 (January 2006), p. 35.

[35] [104] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 8.

[36] [105] Redeker, p. 159.

[37] [106] Richard B. Brandt, The Philosophy of Schleiermacher: The Development of His Theory of Scientific and Religious Knowledge (New York: Harper & Brothers Publishers, 1941), pp. 170-71.

[38] [107] Niebuhr, p. 105.

[39] [108] Niebuhr, p. 98.

[40] [109] Niebuhr, p. 102.

[41] [110] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, trans. Louise Adey Huish (Cambridge: Cambridge University Press, 2002), p. 148.

[42] [111] Brandt, p. 254.

[43] [112] Brandt, pp. 255-56.

[44] [113] Brandt, p. 171.

[45] [114] Niebuhr, p. 95.

[46] [115] Brandt, p. 173.

[47] [116] Niebuhr, p. 104.

[48] [117] Niebuhr, pp. 114-15.

[49] [118] Niebuhr, p. 117.

[50] [119] Redeker, 57.

[51] [120] Theodore Vial, “Schleiermacher and the State,” The Cambridge Companion to Friedrich Schleiermacher, ed. Jacqueline Marina (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), pp. 272-73.

[52] [121] Theodore Vial, p. 277.

[53] [122] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 72.

[54] [123] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 74.

[55] [124] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, pp. 77-78.

[56] [125] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p 79.

[57] [126] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 201.

[58] [127] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 202.

[59] [128] Friedrich Schleiermacher, Selected Sermons of Schleiermacher, p. 73.

[60] [129] Friedrich Schleiermacher, The Christian Faith, eds. H. R. Mackintosh and J. S. Stewart (London: T&T Clark, 1928), p. 429.

[61] [130] Dawson, p. 151.

[62] [131] Dawson, p. 158.

[63] [132] Redeker, p. 205.

[64] [133] Dorrien, p. 206.

[65] [134] Dorrien, p. 206.

[66] [135] Redeker, p. 213.

 

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vendredi, 20 octobre 2017

Yannick Sauveur présente Jean Thiriart

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Yannick Sauveur présente Jean Thiriart

Entretien avec Yannick Sauveur, biographe de Jean Thiriart

Propos recueillis par Robert Steuckers

Comment avez-vous connu l’œuvre politique de Jean Thiriart, dans quel contexte l’avez-vous rencontrée, ensuite comment avez-vous connu personnellement Jean Thiriart ? Vous évoquez des balades en forêt et en mer…

En France, le militant de base ignorait l’existence tant de Jeune Europe que de Jean Thiriart, d’une part en raison de l’interdiction de Jeune Europe mais également du fait du black out des organisations françaises concurrentes, j’aurai l’occasion d’y revenir plus tard. J’ai donc fait la connaissance avec les idées de Thiriart assez tardivement, en fait quand j’ai rejoint l’Organisation Lutte du Peuple (en 1972, je crois) qui avait été fondée par Yves Bataille, lequel venait de quitter Ordre Nouveau. Grâce à Yves Bataille, l’OLP a produit un discours européiste cohérent dans la filiation des idées exprimées dans le livre de Thiriart : Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe, Bruxelles, 1964.

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Par ailleurs, Lotta di Popolo en Italie, antérieure à l’OLP France, puisque sa création est grosso modo concomitante de la disparition de Giovane Europa, était dans la filiation directe des idées développées en Italie par les dirigeants italiens de Giovane Europa, dont il faut rappeler que c’était le réseau le plus important en Europe avec ses propres publications dont La Nazione Europea. À l’occasion d’un périple dans plusieurs pays d’Europe, Yves Bataille, quelques militants de l’OLP et moi-même, nous avons souhaité rencontrer Jean Thiriart, lequel était retiré, à l’époque, de toute activité politique. Nous l’avons vu à son magasin (Opterion, avenue Louise), ce qui n’était évidemment pas le meilleur endroit pour faire connaissance. L’accueil fut plutôt froid. À cela plusieurs raisons : Thiriart était méfiant de nature et, trop absorbé par ses activités optométriques, ne voulait plus entendre parler de politique. Sa femme, Alice, qui n’était pas sans influence sur lui, craignait plus que tout que le virus de la politique le reprît. En fait, ainsi qu’il l’expliquera plus tard, il ne voulait plus être chef de mouvement et il se méfiait terriblement des militants, jeunes de surcroît, et le fait de nous être présentés à plusieurs n’était pas forcément la meilleure idée pour une entrée en matière. Bref, cela aurait pu être sans lendemain si je n’avais tenté de reprendre contact personnellement (à l’été 1974, de mémoire) et là, ô surprise, j’ai trouvé un autre homme, d’un contact facile voire chaleureux. L’homme privé était infiniment différent de l’homme public et ceux qui ont pu le côtoyer dans ces circonstances sont unanimes pour reconnaître l’empathie qui se dégageait du personnage. Dès lors, nos relations ont duré jusqu’à sa mort, en novembre 1992.

Effectivement, nous nous rencontrions chez lui, mais nous ne faisions qu’y passer, et soit nous allions faire du bateau en mer du Nord (son bateau était à Nieuwpoort), soit nous allions marcher (parfois faire du ski) dans les Ardennes belges où il avait son camping-car. Alice avait de réels talents de cuisinière et après une marche de 20 à 25 kilomètres à un pas soutenu, un repas copieux était le bienvenu. Il nous est arrivé également de nous rencontrer en forêt de Compiègne mais également, assez fréquemment, chez moi, lors de ses venues au salon de la navigation. Il avait l’habitude d’apporter deux saumons fumés et deux bouteilles de champagne pour quatre. C’est dire qu’avec le temps, une certaine proximité s’est installée.    

Vous évoquez -et vous promettez d’approfondir-  l’histoire des initiatives européistes d’avant-guerre et l’existence de l’AGRA (« Amis du Grand Reich Allemand »), où Thiriart aurait milité pendant la deuxième occupation allemande de la Belgique. Que représentent ces mouvements ? Que voulaient-ils atteindre ? Y a-t-il, finalement, une filiation avec le corpus des idées de Thiriart ?

Thiriart a effectivement appartenu aux « Amis du Grand Reich Allemand » (AGRA) qui a été présentée comme étant la « collaboration de gauche » par opposition à REX (Léon Degrelle). C’est en raison de son appartenance à l’AGRA qu’il est arrêté et condamné. Il ne semble pas qu’il ait eu une grande activité politique pendant la guerre et lui-même, dans une lettre adressée au journaliste Abramowicz (1992), écrit : « ma collaboration à l’AGRA était quasi nulle. C’est là une façade sans plus ». C’est effectivement vraisemblable dans la mesure où il a été condamné à une peine relativement légère (et il comparait libre à son procès) dans un pays où les tribunaux avaient plutôt la main lourde (plus qu’en France). Mes centres d’intérêt ne m’ont pas porté à étudier les mouvements collaborationnistes en Belgique, en général ni  l’AGRA en particulier, mes renseignements sont des plus succincts. Il est vrai aussi que l’AGRA, à la différence de REX, est assez confidentielle, les Allemands souhaitant sans doute, via l’AGRA, contrebalancer l’influence de Rex. Je ne pense pas que son appartenance à l’AGRA ait eu une influence quelconque dans le corpus des idées de Thiriart. À mon sens, la construction idéologique de Thiriart ne viendra que beaucoup plus tard. Ses lectures en prison (1944-45) sont assez classiques : Nietzsche, Platon, Bergson, Marc-Aurèle, André Gide, Aldous Huxley, Anatole France,… Ce sont des lectures littéraires, philosophiques.

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S’il fallait trouver une filiation, il faudrait plutôt la rechercher auprès de l’Union Jeune Europe et des époux Didier (Lucienne et Edouard) qui publient à Bruxelles le bulletin Jeune Europe (26 numéros entre janvier 1933 et juin 1936). Les époux Didier vont être très actifs avant et pendant la guerre jusqu’à créer en 1941 la Société Anonyme des Éditions de la Toison d’Or. Or, Thiriart ne pouvait pas ne pas connaître cette Jeune Europe et curieusement, il n’en parle pas, ne la cite pas alors qu’il mentionne La Jeune Europe (d’un intérêt assez limité) éditée à Berlin pendant la guerre par les Échanges culturels inter-universitaires. Je n’ai pas d’explication au fait que Thiriart occulte la Jeune Europe des époux Didier. Elle n’est citée qu’une seule fois, à savoir dans un numéro de L’Europe Communautaire (mars 1965), mais le paragraphe relatif à cette « deuxième apparition » de « Jeune Europe » (la « première apparition » étant la « Jeune Europe » de Mazzini) est purement et simplement barrée dans l’exemplaire  personnel de la collection Thiriart.

Vous parlez de Thiriart comme d’un personnage qui a évolué dans sa pensée, sa vision d’Europe, sa vision géopolitique. Quelles sont les principales étapes de cette évolution ?

Il y a aussi une autre évolution de Thiriart dont vous ne parlez pas et qui est celle de l’homme. Chef de mouvement, homme d’action voire activiste, il l’est pendant cette phase de son activité politique, la plus connue, celle qui va de 1960 à 1969. Thiriart ne manquera jamais une occasion d’évoquer cette évolution, en l’espèce une rupture, pour exprimer en premier lieu le fait qu’il ne reviendrait plus jamais à la tête d’un mouvement ou parti politique, en second lieu qu’il allait pouvoir dire et écrire le fond de sa pensée alors qu’auparavant, il était prisonnier d’une clientèle. Parlant de cette époque (les années 60), il n’aura pas de mots assez durs pour les « petits imbéciles de l’extrême-droite », le « carnaval romantique » (Guevara, Mao, Drieu, Brasillach).

S’agissant de l’évolution de sa pensée, elle est progressive et se fait par étapes même si très rapidement, la tendance européenne du mouvement est présente dès le début du mouvement via une Chronique de la Nation Européenne écrite par Thiriart sous pseudonyme. Très vite également, il développe le fait que le Congo n’est pas un problème belge, que l’Algérie n’est pas un problème français. Le combat pour l’Algérie française doit se situer à l’échelle européenne. L’Algérie est européenne. Le raisonnement de Thiriart constitue, pour l’époque, incontestablement une originalité.

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Le rapport Thiriart/Bardèche est intéressant. Quel fut-il ?

Thiriart avait une relative admiration pour Maurice Bardèche, il écrira d’ailleurs : Sur le plan intellectuel je n’ai rencontré que deux hommes de valeur : Bardèche et Mosley.

Thiriart et Bardèche n’ont guère eu de contacts, ils se sont rencontrés au début des années cinquante en Espagne. Lors de la reprise de contact au début des années quatre-vingt, Thiriart évoque l’ouvrage en chantier, celui de l’Europe de Vladivostock à Dublin.  Bardèche montre un certain scepticisme : Je ne vois pas très bien comment on peut répercuter vos idées ni même comment on peut parvenir à les faire connaître au public. Votre analyse géopolitique et stratégique me paraît malheureusement excellente, mais je ne suis pas du tout d’accord avec les données psychologiques. Le marxisme-léninisme est une religion et procède comme toutes les grandes religions conquérantes. Elle n’offre pas d’autre alternative que celle qui était offerte autrefois par l’Islam : conversion ou extermination. Ce choix final me paraît avoir une certaine importance dans notre détermination. En fait, les deux hommes sont sur des longueurs d’ondes différentes. L’intellectuel littéraire qu’est Bardèche ne peut évidemment souscrire aux thèses de l’homme d’action qu’est Thiriart ni à ce qu’écrit (20/11/1981) ce dernier à Bardèche dont il faut rappeler qu’il est le fondateur et directeur de Défense de l’Occident (sic) : l’Occident doit crever. Il ne faut rien faire pour le sauver. En clair, deux visions opposées : l’une de droite assez classique, l’autre révolutionnaire et pratique. Malgré cette opposition non dissimulée, Thiriart reconnait une qualité à Bardèche : le courage.

Au détour d’un paragraphe, vous parlez de l’intérêt que Thiriart portait à la Chine. Cela n’a jamais vraiment transparu dans ses écrits. Qu’en dites-vous après avoir examiné toutes ses archives ?

Effectivement, cet intérêt ne transpire pas dans ses écrits politiques. Je pense que Thiriart était assez pudique et il avait le souci de mettre une barrière entre vie privée et vie publique. Dans son journal, il évoque « mon ami le peintre chinois » qu’il connaissait déjà en 1942, Thiriart a alors vingt ans. Ce peintre s’appelle SADJI (ou SHA QI), il est né en 1914, donc de huit ans plus âgé que Thiriart. Il vit en Belgique. C’est un peintre d’un certain renom (peinture, dessin, aquarelle). Artprice, le leader de l’information sur le marché de l’art, recense 465 adjudications des œuvres de cet artiste (315 en peinture, 150 en dessin-aquarelle). Jean Thiriart a été initié à l’écriture chinoise grâce à son ami Sadji et il va l’étudier pendant trois années (Je connais particulièrement bien l’histoire de la Chine pour avoir été pendant 3 ans, dans ma jeunesse, un étudiant en écriture chinoise, in 106 réponses à Mugarza, p.149). Grâce à Sadji (ou indépendamment ?), Thiriart va s’intéresser à  la culture chinoise, il avait lu les ouvrages du sinologue Marcel Granet (1884-1940) qui continuent de faire autorité, notamment La pensée chinoise, Paris, 1934.) SADJI, qui avait fait un portrait de Thiriart, est mort en 2005.

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Un autoportrait du peintre Sadji

Les rapports complexes entre Thiriart et les mouvements français plus ou moins équivalents devraient intéresser tout observateur des marginalités politiques. Quel regard portez-vous sur ces rapports complexes, aujourd’hui, en 2017 ?

Rapports complexes, oui , ils le furent. Quelles sont les responsabilités des uns et des autres ?

Le temps a passé, bien des acteurs de l’époque ne sont plus. Pour ma part, je n’ai pas vécu cette période (début et milieu des années 60). Avec le recul, les passions n’étant plus de mise, il est plus facile d’évoquer avec quelque objectivité les relations entre  Thiriart et les mouvements français.

Avant toute chose, on ne peut oublier que Thiriart a très largement ouvert les colonnes de sa presse aux responsables politiques français dont il est permis de penser qu’ils ont une certaine proximité avec les vues de Thiriart , qu’il s’agisse de Jeune Nation, de la Fédération des Étudiants Nationalistes (FEN), du Front National pour l’Algérie Française, des jeunes du MP 13. Dominique Venner, Pierre Poujade, s’expriment dans Nation Belgique. Il ne faut pas oublier non plus le soutien indéfectible de Thiriart et de son mouvement à l’OAS (reproduction et diffusion du journal de l’OAS-Edition métropolitaine, Appel de la France, sous forme d’un supplément gratuit à Nation Belgique, tiré à 15 000 exemplaires).

Pour répondre à votre question, j’observe que vous évoquez « les mouvements français plus ou moins équivalents », ce qui laisse place à pas mal d’ambiguïtés et m’amène à l’analyse suivante. Quand Thiriart reprend l’action politique avec le CADBA d’abord, avec le MAC ensuite, il n’est pas encore le personnage public qu’il va devenir. Les mouvements qu’il co-anime sont typiquement de droite voire d’extrême droite et de ce point de vue assez comparables à leurs alter ego français, d’où la proximité évoquée précédemment. C’est l’évolution assez rapide de Thiriart qui va entraîner un écart de plus en plus grand, disons schématiquement, entre le discours classique d’extrême droite de la plupart des mouvements français et notamment Europe Action et le discours européen de Thiriart avec cette volonté affichée de dépasser les cadres nationaux. Il y a véritablement deux lignes bien différentes et Thiriart n’a peut être pas su se détacher suffisamment de cette extrême droite qu’il haïssait foncièrement. Il est assez paradoxal que ceux là même qui, en France, dénigraient et/ou se gaussaient de l’évolution de Thiriart, viendront (bien) plus tard sur ses positions, je pense aux héritiers d’Europe Action, FEN et autres. Il était également de bon ton dans la presse dite « nationale » de moquer le prétendu virage « gaulliste » de Thiriart là où simplement, en dehors de tous schématismes politiciens, il fait la part des différentes facettes de la politique du général de Gaulle, en particulier, les aspects positifs de la politique extérieure du général. Il n’est jamais bon d’avoir raison trop tôt. Qui aujourd’hui, en France, ne reconnaît pas le bien fondé de la politique étrangère du général de Gaulle, y compris de la part de ses détracteurs de l’époque. Je rappelle que Thiriart écrivait (22/11/1963) : Par contre, de Gaulle a cent fois raison de prendre ses distances à l’égard de Washington, il a cent fois raison de se méfier des Anglais, il a mille fois raison de vouloir un armement atomique, français de naissance, inéluctablement européen de croissance. Cela étant, au-delà de la franche hostilité ou de l’indifférence à l’égard de Thiriart de la part des « mouvements français plus ou moins équivalents », à ma connaissance, parmi ces anciens encore en activité aujourd’hui, aucun n’a exprimé publiquement sa dette envers Thiriart.

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Un numéro de la revue "Forces nouvelles" (Bruxelles), avec un très long interview de Jean Thiriart

Comment expliquez-vous que « Jeune Europe » n’a jamais connu une renaissance, alors que l’Europe eurocratique de Bruxelles et de Strasbourg s’est tout à la fois construite, en s’agrandissant, et déconstruite, en perdant tout crédit dans le grand public ? Cette absence d’un mouvement européen réellement politique et géopolitique, tant sur l’échiquier politique européen que dans les marges extra-parlementaires des Etats nationaux, explique-t-elle le déclin dramatique de l’Europe d’aujourd’hui ?

Je crois que la question que vous posez se résume malheureusement au fait que l’Europe ne passionne pas (et n’a jamais passionné) les foules. C’était d’autant plus vrai au temps de Jeune Europe, dans les années 60,  qu’un mouvement révolutionnaire avait peu de chance de percer dans une société en pleine croissance économique. Depuis les choses ont bien changé, la société du spectacle est passée par là et la lobotomisation généralisée des masses n’est guère favorable à une renaissance européenne tant que n’existe pas une situation de détresse. Les élites, dans tous les milieux, ont bien évidemment intérêt au maintien de ce statu quo qui les arrange bien. Du côté des adversaires de l’Europe de Bruxelles, on trouve un peu tout : des rivalités d’ego, un manque (ou absence) de cohérence politique, de la paresse intellectuelle.

Tout d’abord, on a la caricature de l’anti Europe avec les mouvements et partis nationalistes, le repli hexagonal. L’exemple en est fourni par le Front National qui me semble être l’exemple même du degré zéro de la politique.  Il se présente (ou prétend être) un parti anti Système, ce qu’il n’est pas, et cannibalise un capital de voix, non négligeable, en pure perte. Il est le repoussoir idéal qui… consolide le Système. Du côté des souverainistes, de droite ou de gauche, (Chevènement, de Villiers, Dupont-Aignan, Asselineau, Nikonoff,…), leur condamnation (légitime) de l’Europe de Bruxelles les amène à une certaine myopie intellectuelle et une incapacité à penser une Europe indépendante. Enfin, certains de nos amis, dont la sincérité européenne n’est pas en cause, tout en étant partisans d’un État européen, se sont déclarés favorables aux diverses consultations (référendum Maastricht, 1992, référendum traité établissant une constitution pour l’Europe, 2005) car selon eux, il faudrait faire confiance aux structures (à l’effet de masse), avec lesquelles l’avènement d’un Etat européen se fera, inévitablement et mécaniquement. Je n’ai pas besoin de préciser que je ne partage absolument pas cette vision pour le moins optimiste ( !). Les faits, l’évolution de cette Europe-croupion, le déclin dramatique de cette Europe… rien ne semble devoir ébranler les certitudes de ces « Européens ». Je mentionne au passage que même Thiriart, point sur lequel j’étais en désaccord avec lui, était partisan du Oui (pro Maastricht) au référendum de 1992. L'effet de masse n'a nullement empêché la vassalisation, toujours plus grande, de l'Europe à l'égard de la puissance américaine.

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Un exemplaire de la revue espagnole "Elementos" qui ne parait que sur la grande toile. Ce numéro est entièrement consacré à Jean Thiriart

Estimez-vous ou non que la revue de géopolitique italienne « Eurasia », patronnée par Claudio Mutti, est le seul avatar positif de « Jeune Europe » de nos jours ?

Vous avez raison d’évoquer Eurasia, l’excellente revue animée par l’infatigable Claudio Mutti qui est sans doute un des plus anciens militants de Jeune Europe encore en activité. Cela étant, ma connaissance du champ politique européen ne me permet pas d’affirmer avec certitude l’inexistence d’autres avatars de « Jeune Europe ».

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Comptez-vous rédiger un ouvrage plus complet sur Thiriart, sur « Jeune Europe » ainsi que sur les antécédents « jeune-européistes » d’avant-guerre et sur les avatars malheureux du « thiriartisme » après la disparition de « Jeune Europe » et après la mort de son fondateur et impulseur ?

Avant d’écrire un livre sur Thiriart, il me paraîtrait important d’éditer (ou rééditer) ses écrits, à commencer par les éditoriaux de La Nation Européenne ainsi que 106 réponses à Mugarza, Responses to 14 questions submitted by Gene H. Hogberg pour la revue américaine The Plain Truth. On pourrait y ajouter l’interview publiée dans Les Cahiers du CDPU (1976), les articles parus dans la revue Nationalisme et République (1992). Pour ma part, j’ai obtenu d’un éditeur ami la publication de L’Empire Euro-soviétique. Ce texte qui date de 1985 n’a jamais été publié. Malgré les bouleversements géopolitiques intervenus, ce texte garde, me semble-t-il toute sa valeur de témoignage. Le jeune (ou moins jeune) lecteur découvrira, avec bonheur je l’espère, la vision de grande politique de Thiriart et sa clairvoyance et sa capacité à se projeter dans la longue durée, en dehors des idéologies et des contingences politiciennes (évidemment !). Naturellement, ce texte sera accompagné des observations, notes, mise en perspective nécessaires à une bonne compréhension. En revanche, je ne vois guère d’intérêt à rééditer les écrits antérieurs à La Nation Européenne, qu’il s’agisse du livre Un Empire de 400 millions d’hommes L’Europe (1964) ou de la brochure La grande nation, L’Europe unitaire de Brest à Bucarest-65 thèses sur l’Europe (1965).

Je n’ai pas connaissance qu’il y ait eu quoi que ce soit d’intéressant après la disparition de Jeune Europe et/ou après la mort de Thiriart. Les rares tentatives sont demeurées groupusculaires et n’ont jamais atteint un niveau satisfaisant tant sur le plan de l’organisation supranationale qu’en ce qui concerne la production intellectuelle.

Les antécédents Jeune Europe de l’entre-deux guerres, je pense notamment à la tentative des époux Didier en Belgique, mériteraient assurément une étude approfondie.

vendredi, 06 octobre 2017

L’énigme alawite

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L’énigme alawite

par Georges FELTIN-TRACOL

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Dans le monde arabo-musulman, le terme « alaouite » désigne l’actuelle dynastie royale marocaine en référence à son fondateur, descendant de Mahomet, venu sur la demande des tribus locales, d’où son titre de « Commandeur des croyants », ce qui lui permet de contenir les poussées islamistes.

alawites.jpgLe mot mentionne ensuite une communauté ethno-religieuse surtout présente en Syrie et au Liban. Abdallah Naaman étudie ce groupe peu connu pour lequel il remplace les lettres o et u par un w : Les Alawites. Histoire mouvementée d’une communauté mystérieuse (Éditions Érick Bonnier, coll. « Encre d’Orient », 359 p., 20 €). L’ouvrage se compose de deux parties inégales. L’une revient longuement sur le déclenchement de la guerre civile syrienne. Démocrate et laïque, l’auteur récuse les supposés rebelles et vrais terroristes islamistes sans pour autant soutenir le gouvernement légitime du président Bachar al-Assad. Très critique envers Israël et l’Arabie Saoudite, il n’hésite pas à qualifier Nicolas Sarkozy de « burlesque », Laurent Fabius de « mouche du coche (p. 200) » et à dénoncer le philosophe botulien Bernard-Henri Lévy qu’il considère comme un « affabulateur (p. 201) » et un « malhonnête homme à la chemise blanche immaculée que d’aucuns traitent d’imposteur intellectuel de la nouvelle philosophie (p. 201) ». Cependant, hors de ces quelques vérités très incorrectes, l’autre partie s’attache à découvrir un peuple mystérieux.

Dissidence religieuse qui mêlent rites animistes, musulmans, chrétiens et zoroastriens d’où la célébration des fêtes de Noël et du Nouvel An solaire perse, les Alawites vivent surtout confinés dans les montagnes abruptes du littoral méditerranéen. Toujours méprisée et en conflit permanent avec leurs voisins chiites ismaéliens qui croient en sept imams à la différence des Iraniens, imamites, qui en vénèrent douze, la communauté alawite « longtemps tenue dans une dépendance étroite, sut conserver une vie religieuse, discrète, sinon active. Face à tous les conquérants, les Alawites sont restés immuablement attachés à leur sol, labourant leurs champs, cultivant leur tabac, leurs vignes et leurs oliviers, et gardant au fond d’eux-mêmes l’empreinte et les souvenirs des vieux cultes (p. 330) ».

Après 1918, la France, devenue puissance mandataire au Levant, tente un éphémère État alawite avant de le fondre dans un État syrien à majorité sunnite, soit les oppresseurs habituels. Les jeunes Alawites s’engagent alors en nombre dès cette époque dans l’armée ainsi que dans deux partis politiques rivaux qui proposent un projet laïque intégrateur : le Parti nationaliste social syrien favorable à une Grande Syrie pré-arabe, et le Baas panarabe. Dans les années 1960, les militants baasistes s’emparent du pouvoir à Damas. Puis, après de féroces luttes intestines, en 1970, l’Alawite baasiste Hafez al-Assad devient l’homme fort de la Syrie. Ce baasiste qui a épousé une ancienne militante du Parti nationaliste social syrien donne aux Alawites la direction du pays tout en s’ouvrant aux autres minorités religieuses chrétiennes, druzes et chiites et en s’entendant avec une large partie de la population sunnite.

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Drapeau des Alaouites sous le mandat français en Syrie

Les Alawites demeurent une énigme spirituelle, ethnologique et culturelle. Hostiles au prosélytisme, ils gardent secrète leur foi qui baigne dans un ésotérisme complexe mâtiné de croyances autour de la réincarnation de l’âme. Oscillant depuis des siècles entre certaines écoles sunnites modérées et des tendances chiites imamites, les Alawites souhaitent principalement se protéger des multiples menaces qui les entourent. Avec raison, car cette communauté très particulière incarne une part de cette diversité humaine que le monde ultra-moderne entend éradiquer. Voilà pourquoi il faut défendre les Alawites.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 46, diffusée sur Radio-Libertés, le 29 septembre 2017.

mardi, 03 octobre 2017

De Gaulle, Roosevelt et l'AMGOT

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De Gaulle, Roosevelt et l'AMGOT

Ex: http://www.dedefensa.org

1er octobre 2017 – J’aimerais bien que ce soit en signe ironique fait au livre de Philippe Roger, L’ennemi américain, qu’Éric Branca a donné comme titre à son livre L’ami américain. (*) Le livre de Roger, publié avec grand fracas et grand succès au moment (en 2002) où la France s’opposait aux premières actions déstructurantes US de l’époque 9/11(préparation de l’invasion de l’Irak), constituait une des armes de communication essentielles des proaméricanistes français soutenus par les influences qu’il faut et dont on retrouve la parentèle de l’époque, contre de Gaulle certes, dans le livre de Branca. On peut par ailleurs penser que ce livre de Branca fait partie d’une réaction actuelle, ou dirais-je plus prudemment une tentative de réaction tant est forte la mainmise du Système sur les psychologies, contre l’extraordinaire puissance de l’influence et de la référence américaniste sur la direction politique française, étalée littéralement comme on est beurré sur une tartine, lors des présidences Sarkozy-Hollande. (On sait ce qu’on en pense ici, à dedefensa.org, d’une façon très générale, il suffit de lire l’article “PolitiqueSystème (II)” du Glossaire.dde.)

Là-dessus me vient une autre réflexion liminaire, qui va compléter la première. Il s’agit d’une observation de Chateaubriand dans un article de 1824 : « Le public a sans cesse besoin qu’on lui remette en mémoire les choses mêmes dont il est tous les jours occupé. Il lit vite et mal : il est distrait et oublieux. » Cette remarque vaut pour tout ce monde qui est lecteur souvent pressé lorsqu’il s’agit de suivre des événements courants ou même de l’historique qui vous sert dans votre quotidien, quoique certes avec des degrés selon les lecteurs ; certes (suite), la remarque vaut pour moi comme elle vaut pour tout lecteur, y compris celui de dedefensa.org. Elle a joué à plein et s’est vérifiée pour ce cas, à propos de ma lecture du livre de Branca. Pour autant, je suis loin de l’avoir fini puisque j’en suis à la page 80, juste passé l’exposé sur l’AMGOT (acronyme US pour Allied Military Government of Occupied Territories). Mais c’est justement ce dont il s’agit et dont je souhaite vous entretenir.

(J’avertis ici le lecteur que je lui parle moins du livre de Branca que de mon propre comportement de lecteur. Je ne suis pas là pour vous dire que le livre de Branca est du génie pur, ou qu’il ne l’est pas du tout ; d’ailleurs, en juger dans un sens ou l’autre à la page 80 alors qu’il en compte 380, cela serait bien audacieux... Je parle d’un effet de la lecture qui, soudain, illumine une perception et lui donne un sens qu’on ne soupçonnait pas jusqu’ici. Il est plus question du lecteur que de l’écrivain, même en ayant bien entendu à l’esprit cette évidence que s’il n’y avait pas l’écrivain il n’y aurait pas de lecteur.)

L’AMGOT, donc... C’est l’acronyme du programme générique que l’administration Roosevelt avait décidé d’appliquer dans les pays européens et autres soudain privés de leurs cadres de direction et de gestion, et occupés par l’armée US (par “les armées alliées”). On comprend qu’il s’agit des pays vaincus, puisque vaincus comme ils le sont par une destruction complète et une reddition sans condition, et une haine furieuse par-dessus le marché, cela signifie qu’ils sont complètement déstructurés et qu’il importe de leur imposer des structures. Ce sera l’AMGOT, et l’AMGOT est donc bien la recette pour gérer les pays ennemis et vaincus avant qu’ils ne se rétablissent avec, on l’espère fermement, un régime complètement reconnaissant et souriant vis-à-vis du vainqueur d’hier. C’est bien ce traitement que Roosevelt veut appliquer aussi à la France, comme si la France était un “pays ennemi et vaincu” par les USA, alors qu’elle le fut par l’Allemagne nazie.

Il ne s'agit pas de croire, contrairement à ce qu’on pourrait être poussé à conclure aussitôt, que Branca apporte des révélations sur cette affaire, ni même ce qu’on pourrait considérer comme une “perception nouvelle”. Tous les détails qu’il donne sont en général connus, et d’ailleurs souvent référencés. Plutôt, il s’agit du rythme de l’exposé, du récit, qui fait qu’on est conduit à donner une place et une importance différentes à l’AMGOT, et soudain à réaliser l’ampleur et la profondeur de l’infamie de la démarche de Roosevelt. Cette perception est bien entendu renforcée par les détails que j’évoquais plus haut, mais qui sont concentrés en quelques pages (de la page 74 à la page 80). Soudain, il nous est rappelé que, du côté anglo-saxon, il n’a pas manqué de voix de haute volée pour dénoncer la chose ; Eden dans le mode tonitruant chez les Britanniques, et Churchill tout de même et indirectement ; surtout, des militaires du côté US, et notamment les trois grands chefs, Eisenhower (**), Marshall et MacArthur, qui étaient scandalisés par les intentions du président. (***)

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L’ensemble de la lecture fait que j’ai perçu, dans cette dynamique, l’affaire AMGOT comme le point culminant de l’affrontement entre Roosevelt et de Gaulle, alors qe cette affaire était jusqu’alors plutôt un épisode parmi d’autres dans l’histoire de leur mésentente. C’est toujours “l’histoire de leur mésentente”, mais dans ce cas l’AMGOT, qui revient effectivement à l’asservissement et à l’humiliation d’une grande nation amie affaiblie tragiquement par des événements épouvantables, se révèle comme un acte de brigandage, une piraterie internationale qui, à elle seule, justifie toute l’inimitié de De Gaulle pour la politique américaniste et le système de l’américanisme, ce que lui reprochèrent souvent des fractions de la droite, pétainistes et héritiers des pétainistes en tête.

(Au reste, les “pétainistes” sont, dans ce cas des relations avec Roosevelt, les meilleurs amis du président US, à un point qui est là aussi du domaine de la révélation, qui devient quasiment une parentèle avec les Chambrun [René de Chambrun, gendre de Laval et de descendance directe du La Fayette de la Guerre d’Indépendance américaine]. Ils sont rejoints par une constellation de personnalités qui ne sont pas directement pétainistes, qui ont même prétendu entrer “en résistance“, mais qui sont tout de même du même parti, – dans ce cas, le “parti de l’étranger”, toujours très puissant en France... Cela va d’Alexis Léger [St-John Perse] à Jean Monnet.)

On comprend combien le cynisme, l’arrogance et la tromperie sont une composante essentielle de la “politique libérale” des soi-disant dirigeants progressistes US, de Wilson à Obama (mise à part l’une ou l’autre exception heureuse, – en fait, seulement Carter à cet égard) ; cette politique qui se couvre inconsciemment, comme par privilège assuré, du manteau de la vertu et de l’exceptionnalisme pour mieux assurer ses coups en traître, et qui représente certes le mieux la tendance au globalisme et le débouché inévitable sur le simulacre de la postmodernité et du progressisme-sociétal. En un sens, Roosevelt entendait, avec AMGOT, traiter la France comme ils ont traité l’Irak qui s’était pourtant battu en leur nom contre l’Iran pendant huit années.

Peut-être reste-t-il à rechercher la cause initiale de l’antipathie de Roosevelt pour de Gaulle (cela va dans ce sens), qui ne craignait pas de toucher jusqu’au grotesque dès l’origine et relevait pour certains détails plus de la psychiatrie que de la politique. (Lors de leur première rencontre, des officiers du Secret Service étaient dissimulés derrière diverses tentures, armés de mitraillette. Sans doute craignait-on que ce coupe-jarret de De Gaulle n’agressât Roosevelt ou ne le prît en otage.) Je pense et penche simplement pour l’influence de ses “amis” français (Monnet, Chambrun, etc.) qui, eux, haïssaient de Gaulle (surtout Monnet) et purent largement faire leur travail avant que les événements n’amènent les deux hommes (de Gaulle et Roosevelt) à devoir se connaître, s’arranger ou s’affronter, etc. Bateleur éblouissant, orateur naturellement et presque vertueusement démagogique, magicien du verbe, Roosevelt est de cette même espèce qu’un Obama, avec la même tendance politique vue plus haut, caractérisée par l’arrogance et la sûreté de soi, aimant à se forger une opinion préjugée à partir du jugement des autres pour paraître assuré à ses propres yeux, sans nécessité de consulter la réalité mais au contraire semblant la maîtriser par avance.

Ainsi justifierais-je la citation de Chateaubriand faite au début de cette page, mais en la retournant pour lui donner un sens positif. Il est vrai que le lecteur (dans ce cas, le mot est plus approprié que “public”) « a sans cesse besoin qu’on lui remette en mémoire les choses mêmes dont il est tous les jours occupé... » (Certes, les rapports entre de Gaulle et Roosevelt ne m’occupent pas tous les jours, mais elles sont dans le courant général de mes réflexions, comme je le suggère moi-même en faisant le parallèle entre l’AMGOT et l’Irak.) Ce rafraîchissement de la mémoire n’est pas, dans ce cas, pour rattraper une distraction ou un oubli, mais pour susciter à partir des souvenirs enfuis et d’un récit nouveau d’une chose connue des perspectives inédites et remarquables.

J’insiste bien sur le rôle du lecteur dans ce cas : il n’est pas assuré que Bronca partage la même analyse de l’importance de l’AMGOT, ou de sa signification, etc. Il reste qu’il a suscité dans un esprit étranger des orientations intuitives et des mécanismes inédits ; sa mission, dans ce sens, est accomplie.

Notes

(*) Il faut signaler que c’est aussi le titre du livre de Justine Faure, chez Tallandier, en 2004 : L’ami américain – La Tchécoslovaquie, enjeu de la diplomatie américaine. La législation sur la protection (droits d’auteur) des titres d’“œuvres de création” est assez complexe pour permettre cette sorte de “doublon” involontaire.

(**) Pour Eisenhower, on voit souvent ces liens d’estime avec de Gaulle, notamment lorsque, en août 1944, il donne son accord sans en référer à Roosevelt pour que la 2ème DB française soit autorisée à entrer la première dans Paris, et non une division US comme primitivement prévu. Eisenhower prend cette décision sans en référer à Roosevelt, estimant probablement qu’il aurait essuyé un refus et que la seule issue était de placer le président devant un fait accompli qu’il ne pourrait pas décemment dénoncer.

(***) D’une façon générale, on peut faire l’hypothèse que cette réaction des trois chefs est largement alimentée par leur service à tous trois, en 1917-1918 en France, et leur perception de la puissance et de la gloire de l’armée française et de la France à cette époque. Il y ainsi la fraternité d'armes et le sens que le comportement d'une telle puissance collective que celle manifestée par la France en 1918 est l'indice certain d'une souveraineté qu'il importe absolument de respecter.

jeudi, 28 septembre 2017

Le terreau français du fascisme

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Le terreau français du fascisme

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Aujourd’hui caution morale de la gauche pacifiste israélienne, favorable à un compromis avec les Palestiniens, l’historien Zeev Sternhell suscita au début des années 1980 un grand émoi au sein même de l’Université française. Après l’étude de Maurice Barrès (1), puis des mouvements d’avant 1914 qu’il range dans une quatrième droite (2), d’où une forte controverse avec l’interprétation classique de René Rémond (3), il clôt sa recherche par Ni droite ni gauche. L’idéologie du fascisme en France, dans lequel Sternhell assimile peu ou prou les « non-conformistes des années 1930 » à une manifestation spécifiquement française du vaste phénomène européen, voire planétaire, que fut le fascisme.

En son temps, Armin Mohler et Robert Steuckers publièrent ensemble un opuscule critique sur cet essai d’histoire des idées politiques. Les Éditions du Lore viennent de le rééditer sous le titre de Généalogie du fascisme français. À rebours de certaines analyses contestant les conclusions de l’auteur, Armin Mohler et Robert Steuckers démontrent plutôt que si le fascisme s’est cristallisé en Italie, son équivalent existait déjà en France à la « Belle Époque ».

Des convergences nationales-révolutionnaires

Auteur d’une somme magistrale sur la Révolution conservatrice allemande, Armin Mohler rédige une longue et stimulante recension pour la revue jeune-conservatrice de Munich, Criticón. « À la suite de Gramsci (et a fortiori de l’inspirateur de ce communiste italien, Georges Sorel), relève-t-il, Sternhell se rallie à la conception historiographico-philosophique qui veut que les idées ne soient pas le reflet des réalités, mais l’inverse (p. 2). » Il en découle un net désintérêt chez Sternhell de tout fascisme non politique, exprimé par exemple en littérature par Céline et Lucien Rebatet.

Pour Robert Steuckers qui offre un remarquable compte-rendu synthétique sur cette thèse osée, « quels sont les fondements du fascisme français, quelles sont les racines, au XIXe siècle, de ces fondements ? (p. 21) » Zeev Sternhell ausculte en effet une période déterminante pour la pensée politique contemporaine française. Après un examen politico-chronologique, on en vient à distinguer « trois générations de fascistes (p. 7) » : les courants boulangiste et anti-dreyfusard; une Action française activiste et révolutionnaire et des syndicats « Jaunes » remuants avant 1914; enfin, après 1918, un fort prisme fasciste chez des « propagateurs d’idées (p. 7) ». L’approche n’est pas exhaustive, car Sternhell « ne ressent aucune envie de perdre son temps à étudier ce fascisme folklorique de quelques illuminés qui jouent aux brigands, fascisme caricatural dont les médias font leurs choux gras (p. 7) », observe Armin Mohler.

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Robert Steuckers relève que de l’« aventure boulangiste, Sternhell retient surtout que les masses sont friandes de deux choses : un socialisme concret, pas trop abstrait, pas trop bavard, pas trop théorique et un nationalisme volontaire car elles savent instinctivement, qu’au fond, société et nation sont quasi identiques. Que ce sont des valeurs collectives et non individualistes. L’ennemi, pour ces masses parisiennes, c’est la classe qui a pour philosophie le libéralisme et l’individualisme, donc l’égoïsme, et qui met cette philosophie en pratique, avec, pour corollaire, les résultats sociaux désastreux dont la classe ouvrière se souvient encore (p. 22) ». Outre le rôle fondateur du boulangisme, Robert Steuckers se penche sur les autres éléments politiques constitutifs de ce « pré-fascisme » hexagonal.

Un anti-bourgeoisme assumé

Ainsi évoque-t-il l’antisémitisme de gauche et le racisme socialiste défendus par Blanqui, Toussenel, Tridon, Vacher de Lapouge, le grand attrait des œuvres de Richard Wagner, « l’impact de Gustave Le Bon (p. 30) », « l’influence prépondérante de Jules Soury (p. 32) » et l’apport fondamental d’un Hippolyte Taine qu’« on ne considère guère […] comme l’un des précurseurs du fascisme (p. 31) ». Il évoque aussi l’extrême gauche antidémocratique qui, avec Hubert Lagardelle, Roberto Michels et Georges Sorel, façonne un environnement porteur. Maurice Barrès et la frange révolutionnaire de la mouvance maurrassienne participent à l’étonnante réalisation d’une pensée politique spécifique au nouveau siècle.

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« Cette gauche sociale et cette “ droite ” traditionaliste, poursuit Robert Steuckers, non indifférente à la question ouvrière, se dressent donc conjointement face aux idéologies et aux acteurs politiques qui observent, pour leur strict intérêt personnel et financier, les soi-disant lois du marché (pp. 42 – 43) ». Néanmoins, « ce qui m’a frappé aussi chez Sternhell, tempère Armin Mohler, c’est l’insistance qu’il met à montrer la relative indépendance du fascisme vis-à-vis de la conjoncture. […] Il ne croit pas que la naissance du fascisme soit due à la pression de crises économiques et, assez étonnament, estime que la Première Guerre mondiale (ou tout autre conflit) a eu peu d’influence sur l’émergence du phénomène (p. 9) ».

Par ailleurs, ni Zeev Sternhell, ni Armin Mohler, ni même Robert Steuckers n’expliquent la réussite du fascisme en Italie et son échec en France. Ce serait sortir de l’ouvrage pour de vaines spéculations uchroniques. Outre des faits politiques, économiques, démographiques et sociologiques différentes de part et d’autre des Alpes, l’échec d’un fascisme en France se comprend par le légalisme et la loyauté des catholiques. Entre 1870, année où l’armée italienne s’empare des derniers territoires des États de l’Église, et 1929, date de la signature des accords du Latran qui règlent la lancinante « question romaine », les catholiques italiens ne participent guère à la vie politique du jeune État italien. À la demande des souverains pontifes successifs, ils rechignent à s’engager pour des institutions qu’ils jugent hostiles au Saint-Siège.

Mortel Ralliement

Cette opposition n’existe plus en France depuis qu’en 1893, le pape Léon XIII ordonna le funeste « Ralliement » des fidèles catholiques à la République sans obtenir la moindre contrepartie. La loi de séparation de 1905 et la crise des inventaires (sans oublier l’affaire des fiches) suscitées par des autorités laïcardes et anticléricales n’arrêteront pas les catholiques français dans leur capitulation politique totale. Leur obéissance aveugle aboutira en août 1914 à une « Union sacrée » mortifère qui verra le hobereau légitimiste breton mourir dans les tranchées pour un drapeau tricolore honni par Henri V… Le coup de grâce viendra en décembre 1926 avec la mise à l’Index de L’Action française et des écrits de Charles Maurras. Le « catho-masochisme » n’émerge donc pas avec La Manif pour Tous et son incapacité criante à renverser le moindre pouvoir établi.

Tandis que le militant conservateur plonge dans la résignation, voire le découragement, le fasciste entend, lui, « créer un “ homme nouveau ”, explique Mohler, un homme porteur de vertus classiques antibourgeoises, des vertus héroïques, un homme à l’énergie toujours en éveil, qui a le sens du devoir et du sacrifice (p. 17) ». Tout le contraire du contre-révolutionnaire qui parie sur une transcendance politique. « La qualité suprême, pour un fasciste, ajoute Mohler, c’est d’avoir la foi dans la force de la volonté, d’une volonté capable de donner forme au monde de la matière et de briser sa résistance (p. 17). » À une certaine contemplation militante impolitique, le fasciste agit en faustien. Robert Steuckers souligne même que « la marque du socialisme révisionniste est telle qu’aucune équation entre fascisme et conservatisme ne s’avère possible (p. 58) ».

La « Droite révolutionnaire » existe belle et bien. C’est l’une des matrices du fascisme italien. Cette brochure « démontre au lecteur que le fascisme est une idéologie comme les autres et non une aberration vis-à-vis de lois de l’histoire soi-disant infaillibles (p. 66) ».

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Zeev Sternhell, Maurice Barrès et le nationalisme français, Armand Colin, 1972.

2 : Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire, 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Éditions du Seuil, 1978.

3 : René Rémond, Les droites en France, Aubier Montaigne, 1982.

• Armin Mohler – Robert Steuckers, Généalogie du fascisme français. Dérives autour du travail de Zeev Sternhell, Les Éditions du Lore, 2017, 62 p., 12 €.

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Pour commander l'ouvrage:

http://www.ladiffusiondulore.fr/home/654-genealogie-du-fa...

 

samedi, 23 septembre 2017

Jean Mabire par Georges FELTIN-TRACOL

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Jean Mabire

par Georges FELTIN-TRACOL

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Jean Mabire (1927 – 2006) n’est pas un inconnu pour les auditeurs de Radio Courtoisie. Un mercredi soir au début des années 2000 dans le cadre du « Libre-Journal de Serge de Beketch » animé pour la circonstance par Bernard Lugan, Jean Mabire retraça son parcours au cours des trois heures d’émission.

Journaliste et écrivain, Jean Mabire fut souvent perçu pour ce qu’il n’était pas. Auteur d’une importante œuvre historique sur les unités, allemandes, françaises et européennes, de la Waffen SS, il passait pour germanophile alors qu’en bon Normand, il était surtout anglophile… Dans son roman fantastique, Les paras perdus, le comte Tancrède de Lisle qui « considérait l’annexion de la Normandie par Philippe Auguste en 1204 comme un simple brigandage militaire et ne reconnaissait pour souverain légitime que le roi d’Angleterre qui portait toujours officiellement le titre de duc de Normandie (Club France Loisirs, 1987, p. 23) », présente de nombreux traits de « Maît’Jean ».

Bien que né à Paris, Jean Mabire rencontre de nombreux érudits locaux et aime l’histoire normande, ses terroirs et son peuple. Dès 1949 paraît la revue régionaliste Viking. La Normandie était sa véritable patrie au point qu’il refusât toujours la carte nationale d’identité pour le passeport… Toutefois, à l’instar de son écrivain favori, Pierre Drieu La Rochelle, à qui il consacra son premier livre, Drieu parmi nous (1963), Jean Mabire se sent très tôt pleinement européen. Après son rappel en Algérie où il pourchassa le fellagha à la frontière tunisienne, il souhaite « profiter de la défaite de l’Algérie française pour engager les survivants de cette aventure sur la voie de la France européenne (La torche et le glaive. L’écrivain, la politique et l’espérance, Éditions Libres Opinions, 1994, p. 13) ». En juillet 1965, il fit paraître dans la revue de Maurice Bardèche, Défense de l’Occident, un détonnant « De l’Algérie algérienne à l’Europe européenne ».

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Il assume à partir de juin 1965 la rédaction en chef d’Europe Action. Un an plus tard, il sort aux Éditions Saint-Just, un recueil d’articles politiques : L’écrivain, la politique et l’espérance, préfacé par Fabrice Laroche (alias Alain de Benoist), et réédité en 1994 dans une version augmentée et sous un nouveau titre, La torche et le glaive. La préface de 1994 souligne que « l’Europe […] ne pouvait être que celle des régions ou, mieux encore, celle des peuples (p. 14) ». Proche du Mouvement Normand, cofondateur du GRECE et contributeur de nombreux articles littéraires pour la revue Éléments, Jean Mabire milite un temps au Parti fédéraliste européen qui présenta à la présidentielle de 1974 Guy Héraud. Président d’honneur du mouvement Terre et Peuple de Pierre Vial, il dresse jusqu’à sa disparition en 2006 le portrait de grands éveilleurs de peuples (le Provençal Frédéric Mistral, le chanteur kabyle Lounès Matoub, l’Irlandais Patrick Pearse…) dans les numéros trimestriels de la revue éponyme.

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Ami personnel de Jean-Marie Le Pen connu sur les bancs de l’université, Jean Mabire offre à National Hebdo des « Libres propos » de septembre 1990 (et non fin 1980 comme on le lit sur sa fiche du détestable Wikipedia) à mai 1991. Il doit cependant les arrêter parce que des lecteurs et des responsables frontistes n’apprécient guère sa satisfaction de voir le gouvernement socialiste de 1991 reconnaître la réalité du peuple corse. Il bifurque alors vers la littérature et entreprend les fameux Que lire ?, véritable encyclopédie de poche biographique d’écrivains français et européens.

Encyclopédiste, Jean Mabire l’était assurément. Outre la Normandie et l’histoire contemporaine, il romança entre autres l’incroyable vie du baron von Ungern-Sternberg, relata L’Été rouge de Pékin où s’unirent Européens et Américains du Nord confrontés au soulèvement des Boxers chinois en 1900, s’intéressa à la mer et aux marins (le navigateur Halvard Mabire est son fils), vanta un paganisme serein et enraciné et célébra le socialisme. « Je suis socialiste et […] serai toujours solidaire du monde du travail contre le monde de l’argent. Toujours dans le camp des mineurs en grève et jamais dans celui de la haute banque et de l’industrie lourde. […] Nous savons qu’il n’y aura jamais d’accord possible entre le travailleur et l’exploiteur, entre la ménagère et le parasite, entre les hommes qui peinent et entre les hommes qui s’enrichissent de leur peine. Proudhon le savait avant Marx, et Sorel nous le disait mieux que Marx (La torche et le glaive, op. cit., p. 78). »

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Quelques scribouillards universitaires l’accusèrent d’avoir réactivé le néo-fascisme en Europe. Or, dès 1964, il traitait de « L’impasse fasciste ». « Je ne suis pas fasciste, écrit-il, car le fascisme n’a pas réussi à surmonter ses contradictions internes et a échoué dans sa double ambition d’accomplir la révolution socialiste et d’unifier le continent européen. […] Finalement le fascisme n’a été ni socialiste ni européen (La torche et le glaive, op. cit., pp. 77 – 78). » Jean Mabire a en revanche toujours soutenu une « nouvelle Europe unifiée et fédéraliste [qui] verra la constitution d’une armée unique et d’une économie commune, elle réalisera l’intégration totale de tous les problèmes continentaux. Mais en même temps elle devra proclamer le respect absolu des cultures originales, des traditions populaires ou des langues minoritaires. Les États-Unis d’Europe verront naître ou renaître un État basque, un État breton, un État croate ou un État ukrainien (La torche et le glaive, op. cit., p. 81) ». Jean Mabire était plus qu’un formidable visionnaire, il fut lui aussi un formidable éveilleur de la longue mémoire albo-européenne.

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 8, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 15 août 2017 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

vendredi, 15 septembre 2017

Dominique Lormier déconstruit le « Mythe du Sauveur Américain »

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Simulacre-USA, à l’origine : Dominique Lormier déconstruit le « Mythe du Sauveur Américain »

14 juin 2017 – Il est entendu que John “Black Jack” Pershing débarquant du bateau et posant le pied sur le sol français, et proclamant “Lafayette, We Are Here” (ce qu’il n’ jamais dit, la chose ayant été dite avant lui par Charles E. Stanton et réattribuée, mythe déjà en formation, à Pershing par un officier des RP) ; les Sammies défilant par milliers dans les villes françaises en 1917, les journaux français chantant la gloire de la bannière étoilée illustrent l’événement du début de l’hégémonie de communication des USA sur la France (sur l’Europe), qui s’illustre par l’acte décisif qui permit la victoire de 1918. Je ne discuterais pas la première proposition, mais en remplaçant le mot “hégémonie” par l’expression “simulacre d’hégémonie” ; quant à la seconde, elle est outrageusement fausse, un mythe, une idole de la nouvelle religion transatlantique à laquelle la France en premier fit acte de “servitude volontaire”.

Il est important de déconstruire cette architecture subversive de déconstruction de la vérité historique (“déconstruire une déconstruction”). Il est essentiel de savoir que les USA jouèrent un rôle opérationnel très mineur, – à peine supérieur à celui des valeureux Belges, qui sont tout de même dans une autre échelle de puissance, – dans la victoire de 1918. Au contraire, cette victoire fut assurée pour l’essentiel par une armée française irrésistible, absolument transformée, reconstituée, renée en une puissance opérationnelle, humaine et industrielle, comme la première armée du monde après la terrible année 1917 (Le Chemin des Dames suivi des mutineries) ; et l’armée française secondée dans l’irrésistible victoire stupidement sacrifiée sur l’autel d’une diplomatie où la trahison s’exprima de tous les côtés chez les Alliés, par la participation étonnante de puissance et de courage de l’armée italienne contre l’Autriche-Hongrie.

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Un petit bouquin qui ne paye pas de mine vous règle tout cela, allant dans le sens que j’ai toujours eu intuitivement à partir de certains faits militaires avérés. L’intérêt du Mythe du Sauveur Américain – Essai sur une imposture historique de Dominique Lormier (*) est dans ceci qu’il nous donne une synthèse rapide du phénomène (l’imposture), charpentée sur une multitude de détails essentiels et de citations venues des archives, sur les effectifs, les matériels, la répartition des forces, les opérations et les chefs qui les dirigèrent, durant cette période décisive entre la fin du printemps 1918 (avril-mai) et l’armistice du 11 novembre. Une place essentielle est faite sur la posture des forces américaines, leurs effectifs, leurs opérations, leur comportement.


Le livre commence par un chapitre consacré aux opérations entre le 21 mars et le 1er mai 1918, ou comment l’armée française sauva l’armée britannique du désastre sans la moindre participation américaine. (Foch comme généralissime des forces alliées depuis mars joua un rôle d’influence prépondérant dans cette opération, convainquant un Pétain [commandant en chef de l’armée française] qui pensait à garder ses forces de réserve essentiellement pour couvrir Paris, d’en détacher une partie pour soutenir l’aile droite des Britanniques, avec leur VIème Armée en pleine déroute.) Le 1er mai 1918, les Français tiennent 700 des 850 kilomètres du front de l’Ouest, alignant 110 divisions, avec 12 divisions belges, 46 britanniques, 4 américaines et 2 italiennes, contre 204 divisions allemandes. Le 1er août 1918, il y a 1.300.000 soldats américains en France, mais seulement 150.000 ont été engagés dans les combats. Ce contingent a participé avec grand courage à la deuxième victoire de la Marne de juillet, la bataille décisive de la fin du conflit, alors que les Français alignent 1.100.000 combattants qui se battent non moins courageusement dans cette même bataille. Le 1er novembre 1918 sur la ligne du front de l’Ouest en France, l’armée américaine aligne 400.000 combattants, dont 200.000 considérés comme non encore aguerris, tandis que l’armée française déploie 2.600.000 combattants, l’armée britannique 1.700.000, l’armée belge 170.000 et l’armée italienne 60.000. La France dispose d’une écrasante supériorité matérielle qu’elle utilise avec une souplesse et une efficacité exceptionnelles. (Pour les chars par exemple, 2.600 suppléés par les 610 de l’armée britannique, et 250 chars français livrés aux Américains, contre 50 chars du côté allemand)

 

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Directement derrière l’armée française, on trouve comme contributrice essentielle à la victoire générale l’armée italienne avec ses 2.204.000 combattants, qui obtient la capitulation de l’Autriche-Hongrie huit jours avant l’armistice du 11 novembre. Lormier insiste sur la façon indigne dont l’Italie fut et reste traitée dans l’historiographie de la Grande Guerre, y compris par des historiens français, et bien entendu abondamment par les historiens anglo-saxons qui limitent la vista et la puissance des forces alliées dans la Grande Guerre aux seuls Britanniques renforcés par les glorieux Américains. Il cite les observations admiratives du courage des Italiens de Pétain et de Mangin, et rapporte cette note du maréchal Hindenburg : « Beaucoup plus que l’engagement de quelques divisions américaines sur le front occidental, ce fut la défaite de notre allié austro-hongrois contre l’Italie qui nous poussa à conclure aussi rapidement un armistice avec les Alliés. La perte d’une soixantaine de divisions austro-hongroises était pour nous un désastre irrémédiable… »


A la litanie des chiffres absolument impressionnants s’ajoute celle des faiblesses de l’armée US. L’amateurisme des Américains, leur absence d’organisation, leurs difficultés à mettre en place des commandements capables de maîtriser les opérations, leurs déficiences en matériels, leurs erreurs tactiques, le peu d’attention portée aux pertes par Pershing, tout cela doit être pris en compte pour pulvériser le mythe qui a été imposé à nos mémoires, sans pour autant ignorer le courage exceptionnel que montrèrent certaines unités, notamment durant la deuxième bataille de la Marne, et le combat légendaire livré par une brigade des Marines dans la bataille du bois de Belleau.


Ainsi pulvérise-t-on le mythe simplement en découvrant ce qui, justement, a permis au mythe de s’installer, confirmant le caractère absolument inverti de la modernité et l’avantage donné au simulacre contre le modèle. Les difficultés américaines à s’adapter et à intégrer les enseignements des détachements (français) chargés de les entraîner, leur tendance à ajouter du poids là où la qualité ne s’affirme pas et à mettre l’accent sur l’abondance de la logistique pour dissimuler la faiblesse de la participation au combat, – ce qui débouche sur une armée d’un million six cent mille hommes installée en France pour 400.000 soldats déployés sur le front et en réserve opérationnelle le 11 novembre, – tout cela donne à la population et aux différents moyens de communication (presse & le reste) l’impression d’une force gigantesque installée en France, en cela véritable simulacre. Les consignes du pouvoir politique d’acclamation et de publicité exaltées de l’aide US font le reste, dans une occurrence où les chefs militaires les plus expérimentés ne sont parfois pas en reste.


(La phrase de Pétain après sa prise du commandement en chef et l’apaisement des mutineries en juin-juillet 1917 pour résumer sa stratégie, — « J’attends les chars et les Américains », – est extrêmement malheureuse, parce qu’à moitié vraie et à moitié fausse : qu’il ait attendu les chars, tout le monde le comprend et partage cette attente, d’autant que les Français produisent les meilleurs chars, très rapidement, et sont les plus habiles à en comprendre l’emploi et l’efficacité. Mais “attendre les Américains” ? A part l’apport psychologique de cette attente en 1917 où le moral français était très atteint, c’était bien inutile et l’on comprend aisément que le but prioritaire de Pershing en France était de constituer et de garder à tout pris l’autonomie de son armée de l’emprise des Alliés, pour imposer à Washington D.C. le fait accompli de l’installation d’une grande institution militaire. Pour le reste, Pershing comme Wilson était persuadé que la guerre durerait jusqu’à la fin de 1919 et consacrerait opérationnellement la prédominance institutionnelle de l’U.S. Army.)

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L’entreprise de la construction du mythe de l’invincibilité de la puissance de l’américanisme (utilement complété par le “déclinisme” français débouchant sur l’auto-flagellation actuelle) qui va empoisonner tout le XXème siècle jusqu’à nous, et qui se poursuit en ce début de XXIème siècle, cette construction s’achève par la faute majeure du pouvoir politique, notamment le français qui ne semble pas avoir réalisé que la puissance française sur le terrain lui donnait la capacité d’imposer une nouvelle situation stratégique pour la victoire, qui aurait totalement modifié la suite. Les grands chefs militaires (Foch, Pétain, Mangin, Castelnau) jugèrent catastrophique que l’armistice ait empêché « la puissante offensive en Lorraine [sous les ordres de Castelnau], avec les VIIIème et Xème armées françaises, regroupant 20 divisions et 600 chars. Ce coup de grâce devant permettre d’envahir l’Allemagne, uniquement avec des unités françaises, n’aura pas lieu. [… Les chefs militaires] estiment que c’est une faute capitale d’annuler cette offensive. En effet, l’Allemagne préserve pour le moment son territoire de toute occupation étrangère, donnant ainsi le sentiment à la population et à ses militaires qu’elle n’a pas été réellement vaincue. »


Les pacifistes sont satisfaits de terminer au plus vite “la der des ders” et, quant aux autres dont nous-mêmes, nous héritâmes de Hitler & le reste en prime.

Note
(*) Le Mythe du Sauveur Américain – Essai sur une imposture historique de Dominique Lormier, éditions Pierre de Taillac, Paris 2017.

dimanche, 10 septembre 2017

GLOIRES ET MISÈRES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE ESPAGNOLE

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GLOIRES ET MISÈRES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE ESPAGNOLE

Ex: http://www.cerclearistote.com

À la suite du double attentat islamiste ou islamique (?) de Las Ramblas de Barcelone et de Cambrils, le 17 août 2017, les Mossos d’Esquadra (force de police de la Catalogne) ont abattu cinq terroristes. Quatre l’ont été par un même agent de la force publique, un ancien légionnaire espagnol. À cette occasion, plusieurs lecteurs m’ont interrogé sur l’origine et l’existence de la Légion étrangère espagnole corps de soldats professionnels crée il y a près d’un siècle sur le modèle de la Légion étrangère française. Voici la réponse [1].

À l’instar de son aînée française, la Légion étrangère espagnole est très tôt entrée dans la légende. Notamment, grâce au célèbre roman français de Pierre Mac Orlan, La Bandera (1931), et, plus encore, à l’adaptation de celui-ci au cinéma, quatre ans plus tard, par Julien Duvivier. Ayant rencontré un immense succès, ce film met en scène l’histoire d’un jeune homme, Pierre Gilieth (Jean Gabin), qui, accusé de meurtre, s’enfuit à Barcelone pour s’engager dans le Tercio de extranjeros (« Tercio des étrangers »). Attiré par la prime juteuse offerte à qui permettra de le capturer, l’indicateur de police Fernando Lucas (Robert Le Vigan) se lance sur les traces du présumé coupable.

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Figure au grand cœur, Pierre Gilieth s’éprend de la belle Aischa Slaoui (Annabella) qu’il épouse avec l’espoir de refaire sa vie. Mais le terrible destin ne cesse de le rattraper. Il tombe bientôt en héros sous les balles des rebelles du Rif, rédimé par son sacrifice, non sans avoir, avant de mourir, serré la main de Lucas devenu compagnon de combat. Seul survivant de la section décimée, l’ex-chasseur de prime énumère la longue liste des « morts au champ d’honneur » ; Pierre Gilieth est décoré et promu au grade de caporal à titre posthume.

Julien Duvivier avait obtenu l’autorisation et l’aide du gouvernement de la République espagnole pour réaliser ce film. Plusieurs scènes furent tournées sur le territoire du Maroc sous protectorat espagnol, en particulier près du quartier général de la Légion. Deux détails anodins éclairent, d’une certaine manière, la nature des controverses dont le Tercio allait être ultérieurement l’objet : d’abord, l’apparition fugace d’un officier borgne et manchot, claire allusion à son fondateur, José Millán-Astray ; ensuite, la dédicace appuyée à son commandant de 1923 à 1926, le lieutenant-colonel Francisco Franco -, qui sera supprimée du générique au lendemain du « soulèvement national » de juillet 1936.

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À l’origine de l’épopée légionnaire espagnole il y a donc José Millán-Astray y Terreros [2], un officier cabossé et couturé de partout. Né le 5 juillet 1879, il est le fils d’un avocat et écrivain. Entré, après avoir entamé des études de droit à contrecœur, à l’Académie d’infanterie de Tolède, admis, à dix-sept ans à l’École supérieure de guerre, il s’engage comme volontaire aux Philippines où son courage et sa volonté lui valent la Gran Cruz de Maria Cristina (Grand croix de Marie Christine de Habsbourg, alors reine régente).
De retour en Espagne, le jeune José réintègre l’École de guerre dont il sort, en 1909, officier diplômé d’état-major. Capitaine puis commandant, il fait carrière dans les regulares, les troupes indigènes d’Afrique réputées pour leur combativité, notamment à la tête du 2e tabor de Larache (1915), un bataillon de goumiers marocains sous encadrement espagnol. Au Maroc, il se couvre de gloire : blessé quatre fois, il perd un bras, un œil et une partie de la mâchoire. Cela lui vaut la Médaille militaire.

L’année 1919 se révèle décisive. Tirant les leçons des échecs du contingent en Afrique du Nord et des troubles sociopolitiques qu’ils ont suscités dans la Péninsule, Millán-Astray estime que la solution réside dans la création d’un corps de soldats professionnels, sur le modèle de la Légion étrangère française. Enthousiaste, opiniâtre et persuasif, il obtient un entretien avec le ministre de la Guerre, le général Tovar, qui ordonne à l’état-major d’étudier son projet. Le haut commissaire espagnol au Maroc, le général Dámaso Berenguer, lui apporte son soutien et, le 5 septembre 1919, il part pour Alger, à la tête d’une commission chargée d’étudier le fonctionnement de la Légion française. « On nous reçut avec beaucoup d’amabilité et de camaraderie, écrira Millán-Astray dans son livre La Légion (1923). Par la suite, nous apprîmes que cet accueil si cordial était dû à la reconnaissance des Français pour l’action de notre roi en faveur de leurs prisonniers pendant la guerre européenne ». De retour le 27 octobre, il transmet son étude aux autorités madrilènes. Le 7 janvier 1920, il est nommé lieutenant-colonel et, le 28 du même mois, un décret royal crée le Tercio de Extranjeros.

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Aux XVIe et XVIIe siècles, sous les Habsbourg, les « tercios » étaient les unités d’élite de l’armée espagnole. Composés de volontaires, souvent comparés aux légions romaines et aux phalanges macédoniennes, ils assurèrent, pendant plus d’un siècle, l’hégémonie militaire de l’Espagne. C’est donc en référence à ce passé prestigieux que fut choisi le nom du nouveau corps. Crée en 1920 par Alphonse XIII et son ministre de la guerre le vicomte d’Éza, Le Tercio de Extranjeros deviendra le Tercio de Marruecos, en 1925, puis la Legión, en 1937.

C’est cependant le 20 septembre 1920, jour de l’engagement du premier légionnaire, qui sera retenu comme date de naissance officielle de la Légion étrangère espagnole. Le lieutenant-colonel Millán-Astray en prend le commandement, choisissant comme premier adjoint le commandant Francisco Franco. Comme lui, ce dernier s’est couvert de gloire en Afrique. Grièvement blessé au ventre alors qu’il était jeune lieutenant des regulares, détenteur de deux médailles militaires et décoré de la Légion d’honneur par la France, il va gravir tous les grades et devenir, à trente-trois ans, le plus jeune général d’Europe.

Franco est l’organisateur de la Légion, mais c’est Millán-Astray qui lui imprime son caractère et sa physionomie. Notamment en rédigeant un credo du légionnaire, largement inspiré du Bushido, le code d’honneur médiéval du chevalier nippon au XIIe siècle redéfini à l’aube du XXe siècle par le général Nogi Maresuke, le vainqueur de Port Arthur lors de la Première Guerre sino-japonaise (1894). À l’esprit de camaraderie et de solidarité sans condition, au culte de la bravoure et du sacrifice, s’ajoutait un souverain mépris de la mort (et non son apologie, comme on l’affirme parfois au prix d’un contresens), exprimé, notamment, par le célèbre cri « Viva la muerte ! » (« Vive la mort ! ».)

Pendant quelques mois, les hommes du Tercio entonnent une version adaptée de La Madelon. Mais très vite ils adoptent deux chants plus en accord avec leur style de vie : Le fiancé de la mort et La chanson du légionnaire. Outre un pas de défilé plus rapide que celui des autres unités — à l’inverse de leurs homologues français —, un point essentiel distingue les légionnaires espagnols : la place accordée à la religion. « Pour être un bon chevalier légionnaire, écrivait encore récemment le commandant Fernando Jorge Perez Blanca, il faut seulement être un bon chrétien et un bon Espagnol de naissance ou d’adoption ». Ainsi la Légion est-elle omniprésente lors des processions de la Semaine sainte. À cette occasion, ses hommes rendent hommage au Cristo de la Buena Muerte (Christ de la Bonne Mort) qu’ils portent tour à tour sur l’épaule ou à bout de bras, déclenchant les acclamations de la foule. Une tradition qui s’enracine au plus profond de l’histoire et de l’âme espagnole. Au XVIe siècle, le plus grand général des Tercios, l’italien Alexandre Farnèse (1545-1592), gouverneur des Pays-Bas, ami du fils de Charles Quint don Juan d’Autriche, lui-même vainqueur de Lépante, n’avait-il pas pour habitude de faire agenouiller ses soldats avant de combattre pour prier la Vierge Marie et l’apôtre Saint-Jacques, patron de l’Espagne ?

Le premier quartier du Tercio est établi sur le mont Garcia Aldave, à Ceuta. Une position occupée par l’Espagne depuis 1860 et qui lui permet de contrôler le détroit de Gibraltar. Les légionnaires s’y maintiendront jusqu’en 2008. De sa fondation, en 1920, jusqu’à la fin du conflit, en 1927, le Tercio participe à toute la guerre du Rif contre Abdelkrim. En juillet 1923, Franco – devenu entre-temps colonel — succède comme commandant au lieutenant-colonel Rafael Valenzuela (qui avait lui-même succédé à Millán-Astray), tombé à la tête de ses hommes à Tizzi Azza. Il s’illustre, en septembre 1925, lors du débarquement dans la baie d’Alhucemas, entre Ceuta et Melilla. Engageant 13 000 Espagnols, sous les ordres du général Miguel Primo de Rivera, et un petit contingent français, cette opération est une des plus célèbres de la Légion espagnole. Il s’agit aussi du premier débarquement aéronaval de l’histoire (il sera étudié lors de la préparation du débarquement de 1944 en Normandie). La part décisive qu’il y a prise vaut à Franco d’être élevé, en février 1926, au grade de général de Brigade.

Au lendemain de la chute d’Alphonse XIII et de l’avènement de la IIe République (1931), les Cortès décident de réformer l’armée afin de se débarrasser d’officiers jugés peu fiables. La fin de la guerre du Rif permet de réduire les effectifs militaires à commencer par ceux du Tercio. Une période délicate semble s’annoncer pour celui-ci. Mais, en octobre 1934, le gouvernement de la République (une coalition de radicaux et de libéraux conservateurs), fait appel aux légionnaires et aux troupes indigènes pour affronter un soulèvement révolutionnaire socialiste rapidement circonscrit aux Asturies [3]. Les 3e, 5e et 6e banderas étouffent l’insurrection. Coordonnant les opérations depuis Madrid, le général Franco apparaît alors comme le défenseur de la légalité, le « sauveur de la République », face aux factieux d’un parti socialiste bolchevisé appuyé par les communistes et, dans une moindre mesure, par les anarchistes.

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Les 17 et 18 juillet 1936, lorsqu’éclate l’insurrection contre le gouvernement issu de la victoire électorale du Frente popular cinq mois plus tôt, le Tercio est sous les ordres du colonel, plus tard général, Juan Yagüe. Il le restera jusqu’à la fin de la guerre civile, en 1939. Il s’agit du seul officier supérieur ouvertement national syndicaliste, admirateur déclaré du fondateur de la Phalange, José Antonio Primo de Rivera [4]. Pour nombre de jeunes officiers africanistes, farouchement anticommunistes mais non moins partisans de réformes sociales radicales, il est une sorte d’icône vivante.

Pendant la guerre civile, les légionnaires de Yagüe sont engagés dans plus de 3000 actions. Au début des hostilités, la Légion est composée de 6 banderas. À la fin, elle atteint son effectif maximum avec 18 banderas. Après avoir assuré le succès initial du soulèvement dans la zone du protectorat, le Tercio joue un rôle clé dans son extension en Espagne proprement dite. Notamment en assurant, dans des conditions particulièrement périlleuses, le transport aérien de plus de 2000 légionnaires de Tétouan à Séville — un millier d’autres étant acheminé par mer. Onze ans après le premier débarquement aéronaval d’Alhucemas, la Légion espagnole est ainsi l’auteur du premier pont aérien de l’histoire. Et dès septembre, elle contribue puissamment à la libération de l’Alcazar de Tolède, qui était encerclé depuis deux mois par les troupes gouvernementales et les miliciens du Frente popular. On les retrouvera, ensuite, en première ligne, lors des terribles combats pour la prise de Madrid. Son nom, entre autres, est associé aux batailles de Brunete, Jarama, Aragon Teruel, de l’Ebre, etc.

Parmi les nombreux volontaires qui intègrent des unités légionnaires, il ne faut pas oublier les Viriatos portugais et la Compagnie française Jeanne d’Arc [5]. Plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, des légionnaires seront présents sur le Front de l’Est, d’abord dans la Division bleue (1941-1943) puis dans la Légion bleue (1943-1944).

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Tragédie pour l’Espagne, la guerre civile fut aussi une tragédie pour sa Légion étrangère. Deux épisodes ont alors terni sa réputation. Le premier est le massacre de quelque 500 prisonniers par les hommes de Yagüe après la prise de Badajoz, le 14 août 1936. Le second est la célèbre altercation entre Millán-Astray, — devenu général de brigade — et le philosophe catholique-libéral, Miguel de Unamuno dans l’amphithéâtre de l’université de Salamanque, le 12 octobre 1936, lors de la « fête de la race » ou « de l’hispanité ». Le professeur Maldonado ayant critiqué vertement les Basques et les Catalans, Unamuno prend courageusement leur défense, sans se laisser impressionner par le cri de « Viva la muerte ! », qui retentit dans la foule. Il prend même directement à partie Millán-Astray en fustigeant : « le mutilé, sans la grandeur de Cervantès, qui trouve un réconfort dans la multiplication des invalides en Espagne ». Laissant alors éclater sa colère, ce dernier lance : « ¡ Muera la intelectualidad traidora ! » (« Mort à l’intellectualité traîtresse ! » que l’on a souvent traduit improprement — à dessein — par « Mort à l’intelligence ! »). Nombreux sont désormais les adversaires du fondateur de la Légion, y compris dans l’armée, qui ne se privent pas de le traiter d’histrion et de provocateur. Placé quelques mois à la tête du service de presse et de propagande, puis député aux Cortès, il est finalement écarté et nommé directeur du corps des mutilés de guerre.

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Après la Seconde Guerre mondiale, la Légion se recentre sur sa base marocaine d’origine. Mais l’heure est à la décolonisation. Comme la France, l’Espagne accorde l’indépendance au Maroc, en 1956, gardant toutefois les territoires d’Ifni et le Sahara occidental. Mais ceux-ci entrent bientôt en rébellion. En novembre 1957, la Légion doit dégager les villes de Sidi Ifni et d’El Aiun, encerclées par les indépendantistes. Le territoire d’Ifni sera finalement cédé au Maroc, douze ans plus tard, par les accords de Fez. Reste le Sahara occidental, revendiqué tant par le royaume chérifien et la Mauritanie que par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie. En 1973, la Légion est à nouveau mobilisée pour faire face aux premières attaques du Front Polisario. Profitant de l’isolement international de l’Espagne et de la lente agonie de son vieux Caudillo, le Maroc organise alors la fameuse « Marche verte », vers le Sahara, au cours de laquelle les légionnaires canalisent et repoussent plusieurs dizaines de milliers de marcheurs. Deux ans plus tard, l’Espagne se retire définitivement du Sahara au profit du Maroc et de la Mauritanie. Le Tercio se replie sur Melilla, Ceuta et l’île de Fuerteventura, dans l’archipel des Canaries.

La paix revenue, la Légion doit affronter de nouvelles difficultés. Aux problèmes d’adaptation et de frustration, s’ajoute, dans les années 1980, l’hostilité de plusieurs membres des gouvernements socialistes et, surtout, de certains milieux médiatiques qui, mettant en cause son passé et son recrutement (il lui est reproché notamment de recruter des « délinquants »), réclament sa dissolution. Le corps fait face à ces attaques en renonçant à certaines de ses particularités, ou en les altérant. Ainsi, la possibilité pour les hommes du rang de devenir sous-officiers, voire lieutenants ou capitaines, est-elle supprimée. Surtout, l’engagement des étrangers est-il restreint aux seuls Hispano-Américains et Guinéo-Équatoriens.

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Mais à partir des années 1990, à la faveur des nouvelles obligations internationales de l’Espagne, la Légion va devenir incontournable. L’histoire, dit-on, balbutie. Ici, elle se répète. Les mêmes causes engendrent les mêmes effets. À nouveau l’hostilité à l’appel du contingent impose le recours aux volontaires et professionnels. Avec les parachutistes d’infanterie de marine et les forces spéciales, la Légion demeure l’une des rares unités espagnoles performantes et efficaces. À l’instar des légionnaires français, ses 4000 hommes et leur savoir-faire sont indispensables aux missions de l’Organisation des Nations Unies (ONU), de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou de l’Union européenne. C’est ainsi que, depuis vingt ans, de la Bosnie-Herzégovine à l’Afghanistan, en passant par le Kosovo, l’Irak, la République démocratique du Congo et le Liban, la Légion étrangère espagnole ne cesse plus d’être sollicitée.

Arnaud Imatz

[1] Une première version abrégée de cet article a été publiée dans Le Spectacle du Monde, nº 592, septembre 2012.
[2] Sur le sujet on peut lire en particulier : José Luis Rodriguez Jiménez ¡ A mi la legión ! De Millán-Astray a las misiones de paz, Barcelone, Planeta, 2005 et Luis Togores, Millán-Astray: Legionario, Madrid, La Esfera de los libros, 2003. Il existe un livre sur les Espagnols engagés dans la Légion étrangère française : Joaquin Mañes Postigo, Españoles en la legión extranjera francesa, Barcelone, Inédita Ediciones, 2009.
[3] Sur les origines et les antécédents de la guerre d’Espagne, on peut se reporter au livre de Stanley Payne, La guerre d’Espagne. L’histoire face à la confusion mémorielle, préface d’Arnaud Imatz, Paris, Le Cerf, 2010.
[4] Voir Luis Togores, Yagüe : El general falangista de Franco, Madrid, La Esfera de los Libros, 2010.
[5] Sylvain Roussillon leur a consacré deux chapitres dans son livre, Les brigades internationales de Franco, Paris, Via Romana, 2012.

lundi, 04 septembre 2017

Le despotisme éclairé et ses avatars modernes

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Le despotisme éclairé et ses avatars modernes

Bernard Plouvier,

auteur, essayiste

Ex: https://metamag.fr

« Quant à moi, j’aime l’État plus que mon âme », Niccolo Machiavel

Qu’est-ce qui différencie le populisme du despotisme éclairé ? Le but ! Ce n’est pas le bien de la Nation qui est la cible visée par ce dernier système politique, mais la puissance et la grandeur de l’État. Machiavel, théoricien de ce type de gouvernement, pose en principe que le bon « Prince » dirige avec douceur quand il le peut, avec ruse le plus souvent, avec brutalité au besoin, mais toujours avec le souci de l’efficacité.

Les despotes éclairés sont les dévots de la raison d’État, réagissant en idéalistes pragmatiques, qui estiment que la fin justifie et ennoblit les moyens. Tout ce qui est profitable ou simplement utile à l’État devient, ipso facto, licite. Le succès fait disparaître jusqu’au souvenir des crimes qui ont paru nécessaires à l’obtention du résultat. Est beau, juste et noble ce qui a réussi. C’est un peu trop vite confondre l’État et le Bien commun. L’État n’est jamais qu’un moyen… il n’y a pas que les adeptes du despotisme éclairé qui oublient cette notion. C’est, en principe, le bien de la Nation qu’un bon gouvernement doit rechercher : c’est la définition du populisme !

Les despotes éclairés du XVIIIe siècle – Frédéric II de Prusse, Joseph II, antépénultième empereur romain de langue germanique, Pierre le Grand au début du siècle et Catherine II de Russie à la fin, Gustave III de Suède, le marquis de Pombal au Portugal ou Robert Turgot – réalisèrent des expériences politiques fort rationnelles, où un monarque héréditaire (ou un grand ministre agissant en son nom) luttait contre les féodalités nobiliaires, judiciaires et cléricales, en s’appuyant sur la fraction la plus dynamique du peuple aux plans économique et intellectuel, dans le but de moderniser l’État et d’en accroître la puissance et le prestige, voire l’étendue.

L’expression « despote éclairé » n’est pas « une création d’un historien allemand du XIXe siècle », comme l’a écrit un docte universitaire : sa sottise fut immédiatement reprise par ses confrères historiens. En réalité, on la trouve, dès 1758, sous la plume de l’ami de Diderot, Melchior von Grimm, dans sa Correspondance littéraire. On peut en faire remonter la préhistoire au cardinal de Richelieu, même si les historiens, recopiant les Mémoires de Frédéric II, en bornent l’ancienneté au règne personnel de Louis XIV, aidé de grands ministres (Colbert, Louvois et Vauban sont les plus connus) et de quelques littérateurs (‘’Molière’’, Boileau, Racine ou La Fontaine), utiles à la gloire de son règne.

Dans ce système, le monarque (ou son substitut) s’appuie sur des hommes de talent qui ont réussi dans les affaires (manufacturiers, négociants et armateurs, grands administrateurs) ou qui sont des penseurs originaux (les physiocrates français, ou la trinité enluminée : Montesquieu, ‘’Voltaire’’ et Diderot ; ailleurs : les idées de Thomas Hobbes ou les écrits et la personne de Julien Onfroy de La Mettrie). Ces hommes sont moins des conseillers que des incitateurs, remerciés avec plus ou moins de chaleur une fois que le maître a remporté ses premiers succès, dont il ne veut partager la gloire avec personne.

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Affirmer que le despote éclairé s’appuie sur la bourgeoisie pour contrer la noblesse et le haut-clergé, c’est faire preuve d’une grande simplicité et d’un défaut de documentation : tous les monarques médiévaux ont utilisé ce moyen pour asseoir leur pouvoir personnel et s’opposer aux grands prédateurs féodaux.

Certains appuis des monarques « éclairés » proviennent de milieu pauvre, de la caste nobiliaire ou du vivier clérical. Denis Diderot est issu du monde de l’artisanat peu aisé, ce qui ne l’empêche pas de conseiller Catherine II ; l’abbé Ferdinando Galiani et de nombreux aristocrates jouent un rôle de premier plan en Suède, en Autriche-Hongrie et surtout en Prusse et en Russie.

Seuls les corps constitués (assemblées du clergé, cour des pairs et parlements) sont repoussés par les monarques réformateurs qui veulent substituer au système des castes privilégiées le service de l’État, comme cela existe, depuis le XVe siècle, à Florence. Une bureaucratie zélée remplace les hiérarques traditionnels, avantageusement et à meilleur coût. Partout, le mot d’ordre est de laïciser, de moderniser, d’améliorer dans toutes les activités : de l’agriculture au commerce et aux manufactures, aussi bien qu’en matière de justice, d’enseignement, d’hygiène publique et d’art militaire ou de navigation. On casse les féodalités et l’on accroît les rentrées fiscales. Quand c’est possible, on étend le territoire.

Le despotisme éclairé, c’est le culte de l’État, fort, centralisé, uniformisé, ce qui fâche les membres des minorités ethniques qui veulent à toute force « cultiver leur différence », et de l’État moderne appliquant les innovations techniques et ne repoussant pas les idées originales, ce qui irrite les réactionnaires.

Le budget est maintenu en équilibre et la balance commerciale idéalement excédentaire, du moins en période de paix : c’est un héritage de Colbert. C’est ce qu’Antonio de Oliveira Salazar, à mi-chemin du populisme et du despotisme éclairé au XXe siècle, appelait « une politique nationale de vérité » : on règle ses dépenses sur ses recettes et l’on gère l’État comme le bon père de famille le fait (en principe) de son ménage.

Le menu peuple est protégé des fantaisies des nobles et du clergé ; il devient leur égal face à la Justice. En revanche, il doit travailler, obéir aux lois et fournir toujours plus de soldats et de marins, sans grogner et, si possible, avec enthousiasme. La promotion sociale des sujets de haute valeur est assurée : ce type de gouvernement modère les conséquences de la stratification en castes (liées à la naissance) et en classes (liées au niveau de fortune). De ce fait, il instaure un certain degré de méritocratie, du moins pour ceux qui se plient en tous points au monarque, qui, pour se vouloir éclairé par les lumières de la raison, n’en reste pas moins un despote ombrageux.

À la suite de Frédéric II, on a voulu définir ce régime par une phrase lapidaire autant que cynique : « Tout pour le peuple. Rien par le peuple » . En réalité, la formulation exacte serait : « Tout pour l’État », le monarque en étant le premier serviteur. Hegel l’a fort bien compris et en a formulé la théorie, vers 1820. Dans le despotisme éclairé, le souverain veut améliorer les conditions de vie de la majorité de ses sujets (idéalement, celle de tous), mais il ne demande nullement l’avis du peuple. Tout au plus, les élites sont-elles consultées de loin en loin, lorsque le monarque le décide.

L’armée n’intervient que pour défendre les frontières ou agrandir le territoire national : le despotisme éclairé n’a rien d’une dictature militaire. Même en Prusse, il existe beaucoup plus de fonctionnaires civils que d’officiers.

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Dans tous les cas, le despote éclairé ne sort pas du cadre de l’autocratie, de la monarchie absolue. De ce fait, les réformes sont abolies dès qu’au despote succède un monarque faible ou traditionaliste, trop facilement ému par les jérémiades ou les menaces des grands féodaux et du haut-clergé. Le système ne persiste qu’en Prusse où, un demi-siècle après le Grand Frédéric, Bismarck puis Guillaume II transcendent son œuvre, en y adjoignant une protection sociale, bien avant l’action des réformistes du XXe siècle.

Le despotisme éclairé est le système qui définit le moins mal le régime franquiste en Espagne qui ne fut pas une dictature populiste, ainsi que les expériences de divers Caudillos latino-américains durant le XIXe siècle : Simon Bolivar dans la fugace Grande-Colombie, Gabriel Moreno en Équateur, José Rodriguez de Francia au Paraguay, ou, au Mexique, le moderniste Porfirio Diaz, renversé par le  richissime socialiste, vaniteux et entouré d’affairistes, Francisco Madero, associé puis ennemi de l’Indien raciste et sanguinaire Emiliano Zapata, qui rêvait d’en revenir au mode de vie paléolithique des chasseurs-cueilleurs, ou encore la tentative du dernier Shah d’Iran, Mohamed Reza, de moderniser son État et sa Nation, en dépit d’un fanatisme religieux omniprésent et qui réussit à balayer son régime.

Les dictateurs « fous de dieu », qui furent si nombreux de la Renaissance du Quattrocento (Jérôme Savonarole) et de l’époque moderne (Oliver Cromwell) jusqu’à nos jours (les chefs d’État de l’islam djihadiste), sont généralement opposés aux riches (de nos jours : les grands capitalistes, les maîtres des multinationales) et aux rhéteurs ineptes des parlements, mais ce sont avant tout des théocrates hallucinés, des fanatiques, nullement des populistes, encore moins des individus éclairés par la raison. S’il leur arrive, inconstamment, d’entreprendre des réformes pour améliorer le sort de leur Nation, ce n’est nullement leur but premier : le triomphe de leur conception de la divinité est l’unique préoccupation de ces fous furieux.


Les sanglantes dictatures marxistes furent très exactement calquées sur ce fanatisme d’essence religieuse. L’athéisme ne fait rien à l’affaire : les sanguinaires disciples de Marx et d’Engels, qui avaient tous leur herméneutique très personnelle des textes sacrés de l’utopie communiste, voulaient imposer le bonheur sur Terre aux élus, issus d’un prolétariat de fantaisie. L’absurde berquinade dégénéra en génocides, en dantesques règlements de comptes avec les « ennemis de classes » et les « déviationnistes ». L’Inquisition catholique, même celle du marrane Thomas de Torquemada, ne fut qu’amusette comparée aux ignominies des polices politiques de chaque « paradis des travailleurs ».

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À l’opposé, les « révolutionnaires-conservateurs » européens, au XXe siècle, ne furent que des réactionnaires, issus de milieux fortunés et/ou cultivés, haïssant la plèbe et reprochant au IIIe Reich sa politique de fusion des castes et des classes sociales : Oswald Spengler, Ernst Jünger, Ernst von Salomon, Julius Evola n’en finissent pas d’agonir « l’aspect prolétarien et même vulgaire du national-socialisme ». Ce sont des nostalgiques du despotisme éclairé, mais nullement des héritiers de la centralisation jacobine de 1792-94 : le jacobinisme fut, avant tout, la mise en tutelle de l’Éxécutif par le Législatif.

Le mot d’ordre de ces esthètes a été donné en 1934 par l’un des précieux ridicules de la vie littéraire française, Abel Bonnard : « Une nation peut se sauver sans le secours d’un grand homme, elle ne le peut sans l’existence d’une élite ». C’est une phrase entièrement démentie par l’histoire des civilisations : tout système stable voit fleurir une élite d’administrateurs et de cadres, de scientifiques et de techniciens… quant à savoir si les purs intellectuels sont utiles à la Nation et à l’État, c’est une question qui risque de tourner à l’aporie.

Au XXe siècle, en Ibérie et en Amérique latine, les néo-despotes militaires se sont limités à réprimer l’agit-prop communiste, de façon d’ailleurs bien moins brutale que n’auraient agi les marxistes s’ils étaient parvenus au Pouvoir. L’opinion publique, désinformée par des clowns fort malhonnêtes, en a fait des monstres, alors qu’ils sont parvenus à éviter à leurs peuples la barbarie marxiste.

D’une manière générale, les nombreuses dictatures antimarxistes du XXe siècle, dites contre-révolutionnaires, comme celle des colonels grecs durant les années 1970 ou celle des généraux et amiraux chiliens ayant mis fin au règne chaotique de Salvator Allende, elles n’eurent rien de « populiste », étant l’expression de l’omnipotence du capitalisme cosmopolite, soutenu par la puissance de l’US-Army et de la ribambelle des services secrets des USA.

Le chevalier dans l’imaginaire européen

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Le chevalier dans l’imaginaire européen

par Paul-Georges Sansonnetti

Ex: https://www.theatrum-belli.com


Malgré l’envahissement des sociétés modernes et, en conséquence, de l’existence quotidienne par les sciences et les techniques, le chevalier demeure un personnage exemplaire car nimbé d’un prestige qui joint les contingences de l’humain aux orbes de la métaphysique. Prestige qui, dans toute l’Europe et bien au-delà, devait survivre à la disparition de l’ancien régime royal et féodal ou, selon les nations, à sa transformation en monarchie constitutionnelle. C’est pourquoi, par exemple, la République française a le pouvoir de conférer, entre autres, le titre de « chevalier de la Légion d’Honneur ». De plus, à travers notre « vieux continent », comme disent les natifs d’outre Atlantique (qui, eux aussi, associent médailles et chevalerie), des ordres célèbres issus du Moyen Âge – de la Toison d’Or à la Jarretière en passant par Calatrava – existent toujours. Tout cela semble dire que l’image du chevalier manifeste quelque chose de fondamental et, de la sorte, d’indissociable de l’identité européenne.

Dans l’imagination populaire, où se télescopent reliquats de l’Histoire, séquences de cinéma, séries télé et album de B.D. (pardon, de « romans graphiques », selon la dénomination désormais académique), le chevalier est un personnage possédant un ensemble de qualités qui font de lui un être hors du commun, différencié du troupeau de l’humanité ordinaire. À l’exemple de Bayard, « sans peur et sans reproches », on l’imagine prêt à défendre « la veuve et l’orphelin » ; il est le « chic type » qui, semblablement à Martin de Tours, saint patron de notre nation, se montre immédiatement secourable au malheureux quémandant secours. Jadis, il y a trente ans, tout personnage sympathique et courageux qui, de façon fictionnelle ou tangible captivait le public, participait un peu – sinon beaucoup – de la figure du chevalier. Ainsi, sur le petit écran, Tanguy et Laverdure étaient-ils Les Chevaliers du ciel, tandis que le refrain du générique de Starsky et Hutch qualifiait ces policiers de « chevaliers qui n’ont jamais peur de rien ! ». Certes, la comparaison est outrée mais néanmoins fort significative. De façon émouvante, Georges Rémi, alias Hergé, en rédigeant une lettre à son fils Tintin, écrit que la carrière qui attendait ce dernier devait être journalistique mais qu’en réalité elle fut au service de la chevalerie (1). Et même dans l’univers futur que déploie la plus célèbre saga du Septième Art – Star Wars, rassemblant des fans par millions sur toute la planète – l’harmonie et la pax profunda galactique dépendent de l’ordre de chevalerie Jédi.

« CHEVALIER » RIME AVEC « JUSTICIER »

Nous avons brièvement fait allusion aux qualités du chevalier. Trois d’entre elles émergent et caractérisent le comportement existentiel de ce personnage. En premier le courage, ce « cœur » immortalisant le Rodrigue de Pierre Corneille et qui, dans l’esprit des anciens, impliquait aussi la générosité. Le courage se raréfiant, il ne reste du « cœur » que sa synonymie de générosité ; ce qu’illustre « les restos du cœur » à l’initiative de Coluche. Selon le monde médiéval, celui qui n’est pas avare de son sang est obligatoirement généreux. En second intervient la droiture, qualité exigeant que l’on ne transige pas et que symbolise l’épée du chevalier. Puis s’impose l’humilité, car le chevalier véritable s’interdit tout sentiment d’orgueil, toute hubris aurait dit les Grecs par la voix d’Hésiode. Courage, droiture et humilité, ouvrent une brèche dans la densité de ce que d’aucuns, usant d’un néologisme, nommeront l’ « égoïté », le haïssable « moi-je ». Par ces trois notions, le chevalier prend ses distances d’avec « l’humain trop humain », insatiable accumulateur de médiocrité, dénoncé par Fréderic Nietzsche, le « philosophe au marteau ».

Refuser l’hubris et même la combattre farouchement, tant en soi-même qu’à l’extérieur, dans la société, implique de vivre guidé par la diké, c’est-à-dire la justice, affirme encore Hésiode (2). De fait, le chevalier est, par excellence, l’individu qui s’efforce d’avoir en toute circonstance une attitude juste. Gouvernant spirituellement la chevalerie, saint Michel archange tient, comme Thémis, la balance et l’épée. Parce qu’il préside à la psychostasie du Jugement Dernier, la seule référence à sa personne nécessite de se comporter avec équité. Le chevalier est obligatoirement un justicier.

Nous venons de citer Hésiode à propos de ces antinomiques polarités que constituent l’hubris et la dyké. Il nous faut revenir sur ce que cet auteur en dit afin de découvrir l’un des soubassements possibles de la chevalerie. Hésiode considère en effet que l’hubris est symptomatique d’une humanité éloignée de l’Âge d’Or. Toutes les conséquences négatives de cette démesure de l’« égoïté » allaient se précipiter durant le dernier Âge voué au métal du dieu de la guerre, Arès. C’est la raison pour laquelle Zeus, dont Thémis fut une épouse, donna naissance aux héros « ceux-là mêmes qu’on nomme demi-dieux » (3). Les armes à la main, ils œuvrent pour la dyké, même si certains d’entre eux sombrent parfois dans l’hubris (4). Ancêtre d’Héraclès, le modèle même du héros pourrait se nommer Persée. Il annonce les chevaliers de légende en ce que, vainqueur de deux monstres, on le voit brandir l’épée et monter Pégase, le plus mythique de tous les chevaux (5) puisque les ailes dont il est pourvu font que son galop devient un envol. Blasonnant de la tête de Méduse (6), le bouclier offert par Athéna, Persée se révèle un justicier dès lors qu’il renverse la tyrannie que Polydectès exerçait sur l’île de Sériphos et qu’il chassera Acrisios de la cité d’Argos. Le mythe de Persée est apparu d’une telle importance aux yeux des Grecs que pas moins de cinq constellations, sur les quinze principales constituant l’hémisphère boréal, au-dessus du zodiaque, lui sont consacrées (7). C’est également porté par Pégase que Bellérophon affrontera une horreur — et erreur — génétique, la chimère.

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LE CHEVAL ET L’ÉPÉE

L’équipement du chevalier pourrait se ramener à sa monture et à l’épée (8). Dans l’ancien monde, tout objet, parallèlement à sa destination utilitaire, pouvait revêtir une signification symbolique. Cette omniprésence du symbole contribuait à une mise en mémoire de ce qui s’imposait comme essentiel, fondamental même, pour les individus et la société qu’ils composaient. Un cheval ou une épée relèvent de l’utilitaire : avec un coursier, on augmente les possibilités de couvrir de longues distances et, par une arme, on peut sauvegarder son intégrité corporelle. Mais l’animal et l’objet se chargent également de significations symboliques explicitant ce que Mircea Eliade nommerait un « changement radical de statut ontologique » (9).

Le cheval, « la plus belle conquête de l’homme » selon un dicton bien connu, permet donc d’aller plus vite et plus loin. Ce qui sous-entend que le dressage de l’équidé confère une capacité à outrepasser le conditionnement temporel et spatial. La monture représente le corps d’un individu – sa composante animale (10) – et l’équitation est métaphorique d’une totale maîtrise des instincts inhérents au corps. La maîtrise, voilà le mot clef. Le chevalier idéal se distingue du commun des mortels ou même d’un simple cavalier par la faculté de se dominer, de posséder le commandement absolu sur son corps et sur le psychisme que conditionne la densité physiologique (11). Ajoutons que le déplacement du cheval s’opère selon un triple mode : le pas, le trot et le galop. Le pas s’accorde au rythme de l’homme et, par conséquent, au monde des corps physiques, au domaine matériel qui nous entoure. Le trot représenterait le monde subtil, celui de l’âme ou, si l’on préfère et pour se rapprocher de l’interprétation des anciens, du « Double », le corps de nature subtile, la « physiologie mystique » (12) dirait encore Eliade. Enfin, le galop qui, métaphoriquement, à l’image de Pégase, faisant que le coursier s’envole, correspond à l’illimité des corps glorieux, là où règne la pure lumière divine (13). Ces trois états résument la constitution de l’être et de ce qui, au-delà du perceptible, appartient à l’éternité.

Celui qui possède la maîtrise qu’illustre l’équitation a le droit de porter une arme, en l’occurrence l’épée. Par la brillance de sa lame, l’épée apparaît métaphorique d’un éclairement car l’acier bien fourbi reflète la lumière et se confond avec. Comme le note Gilbert Durand, cette arme — surtout brandie par un chevalier — se mue en un « symbole de rectitude morale » (14). Dans Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, le maître d’armes de Perceval, lors de l’adoubement chevaleresque de son élève, lui dit qu’avec l’épée « il lui confère l’ordre le plus élevé que Dieu ait établi et créé, l’ordre de chevalerie qui n’admet aucune bassesse » (15). Gilbert Durand ajouterait que « La transcendance est toujours armée » (16). D’autant plus que dans le symbolisme chrétien, saint Paul nous le rappelle (17), l’épée c’est le Verbe ; ce que confirme saint Jean l’Évangéliste lors de sa vision d’un être au corps glorieux dont le visage ressemblait « au soleil lorsqu’il luit dans sa force » tandis que « de sa bouche sortait un glaive aigu à double tranchant » (18). Le Verbe, autrement dit la parole, ce qui implique l’écriture et les mots qui naissent des lettres, se change en épée ; comme pour dire que, selon l’ancien monde, le langage à la source d’une civilisation est indissociable de la lumineuse rectitude joignant, par l’ethos qu’elle nécessite, l’humain au divin.

Prenant en quelque sorte le relais des helléniques pourfendeurs de monstres, le Christianisme suscite, sous l’autorité de l’Archange de justice, toute une phalange de saints combattants : Georges, Théodore, Victor, si bien nommé, ou encore Véran. À côté de ces bienheureux en armes, le chevalier idéal, tel que le Moyen Âge l’a imaginé et que le monde moderne en rêve encore, s’oriente spirituellement vers une source de clarté divine. D’autant plus qu’à la même époque, passage du XIIè au XIIIè siècle, surgissent les cathédrales gothiques – vouée à la lumière de par la prépondérance des vitraux — et toute une littérature chevaleresque consacrée à un objet illuminant comme l’astre diurne et synonyme de suprême connaissance : le Graal.

Pour les auteurs de ces récits en vers ou en prose, il ne fait aucun doute que le but et l’idéal de toute chevalerie consiste à rejoindre un calice miraculeux. Mais qu’est-ce que le Graal ? Le symbole d’une transformation radicale de l’être, sa rencontre avec le principe divin qu’il porte en lui. Mon regretté maître en Sorbonne, Jean Marx, disait que la signification du Graal était exposée sur une pièce archéologique d’une extrême importance découverte au Danemark et datée du premier siècle avant notre ère. Il s’agit du célèbre chaudron celtique de Gundestrup (19) dont la signification rituelle ne fait aucun doute puisque huit divinités, occupant sa surface extérieure, le situe symboliquement in medio mundi dès lors qu’elles semblent regarder vers les directions cardinales et intermédiaires de l’espace.

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Une scène décorant l’intérieur révèle ce que sous-entend la chevalerie. Même si l’image qui va retenir notre attention est très antérieure à l’institution chevaleresque, elle traduit très précisément la symbolique du Graal (20). Cette scène est séparée en deux registres par un motif végétal disposé à l’horizontale. Le registre inférieur montre une file de guerriers s’avançant, sous la conduite d’un officier ou, peut-être, d’un officiant, vers un personnage d’une taille formidable qui les empoignent l’un après l’autre pour les tremper, tête la première, dans un récipient disposé devant lui. Pareil personnage n’est autre que le Dagda (littéralement, « dieu bon »), maître de l’éternité, du savoir total et des guerriers (21). Ce récipient, l’un des attributs du dieu, est le chaudron d’abondance (22), de résurrection et d’immortalité. De cette « trempe », les guerriers ressortent, sur le registre supérieur, d’une part, changés en cavaliers et, d’autre part, casqués : ce ne sont plus de simples fantassins, les pieds en contact avec la terre, mais des êtres que la maîtrise d’une monture emporte en sens inverse que leurs compagnons du registre inférieur. Quant au casque les coiffant, sa signification pourrait être la suivante : de par le fait que la tête de chacun de ces guerriers a été plongée dans le chaudron, ils ressortent le mental désormais protégé, armé, « blindé » pourrait-on dire et, de la sorte, définitivement à l’abri de toute faiblesse (23). Ajoutons que les différents motifs ornant les casques (un oiseau, un sanglier, des cornes de cerf et un cimier en crin de cheval) personnalisent chacun des cavaliers, comme le ferait un blason (24). Cette cavalerie issue d’une seconde naissance – spirituelle – annonce la chevalerie du Graal.

On pourrait dire que, par l’ascèse chevaleresque, se produit intérieurement une distanciation d’avec cette « égoïté » déjà mentionnée. Distanciation faisant éclore des états de conscience que l’ancien monde assimilait à un autre corps, de nature non plus physique, bien entendu, mais subtile. Selon les peuples, on l’a nommé eidolon (dans la Grèce antique), delba (chez les Celtes d’Irlande), hamr ou, sous son aspect supérieur, fylgja (chez les Vikings) et Régis Boyer, approfondissant l’étude de ces deux derniers termes, intitule précisément son ouvrage Le Monde du Double (25). La tradition chrétienne ne fera pas exception puisque l’âme sera perçue comme la duplication immatérielle du corps physique ainsi que, par exemple, le montre un chapiteau de la basilique romane de Vézelay représentant la mort d’un avare. Un petit personnage à l’image du mourant sort de sa bouche, illustrant ainsi la formule « rendre l’âme ».

Ce thème du Double est explicite dans la mythologie grecque avec les Dioscures. Castor, le mortel, accède à l’immortalité par son frère Pollux qui, lui, est immortel. Précision importante, ils patronnent les cavaliers et, au ciel étoilé, constituent le signe astrologique des Gémeaux. Le symbolisme qu’exprime cette figure céleste sera repris par le Moyen Âge puisque Castor et Pollux sont sculptés au portail occidental de la cathédrale de Chartres sous l’aspect de deux jeunes gens qui, par un geste rituel (26), sont positionnés de telle façon que chacun apparaît comme le reflet de l’autre dans un miroir. Ils tiennent devant eux un écu. Un unique écu alors qu’ils sont deux ? Ce qui signifie bien qu’il n’y a en réalité qu’un seul personnage. Plus tardif (XIIIè siècle) que cette sculpture mais s’en inspirant peut-être, l’un des sceaux de l’Ordre du Temple montre deux chevaliers tout équipés montés sur un même cheval (27). Remplaçant l’unique écu, la monture laisse supposer qu’il n’y a en réalité qu’un cavalier mais figuré avec son Double – rendu visible – comme à Chartres. Ainsi que le fit remarquer Gilbert Durand après publication de l’un de mes ouvrages (28), cette image de deux combattants sur la même monture rappelle fortement ce que l’on voit sur deux pièces archéologiques datant de la période des invasions germaniques et découvertes en des lieux éloignés l’un de l’autre (29). Elles montrent exactement la même figuration d’un cavalier renversant son adversaire tandis que, derrière lui sur le cheval, un personnage de taille réduite l’aide à tenir fermement sa lance dans le combat. Ce personnage n’est autre que sa fylgja (littéralement, « accompagnatrice »), terme évoqué plus haut et désignant le Double ou corps subtil d’un être (30).

Durant l’expédition des Argonautes, les têtes de Castor et Pollux furent illuminées par le phénomène appelé « feu de Saint Elme ». Ce qui fait immédiatement songer à la descente du feu du Saint Esprit sur tête des Apôtres lors de la Pentecôte, fête célébrée au début ou, approximativement, au milieu de la période astrologique des Gémeaux. Or, c’est précisément ce moment de l’année que choisit l’enchanteur Merlin pour créer la fameuse Table Ronde destinée à rassembler les meilleurs d’entre les chevaliers. Ainsi que nous l’avons dit dans d’autres études, Merlin pourrait être considéré comme bien autre chose qu’un sage doté d’un prodigieux savoir. On l’a considéré comme l’héritier et le continuateur du druidisme. Disons que, comme son nom latinisé (chez Geoffroy de Monmouth) l’indique, il serait le détenteur de ce que l’on nomme, depuis René Guénon, la Tradition primordiale (31) synonyme d’Âge originel ou, pour se référer une fois encore à Hésiode, d’Âge d’Or.

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Ce n’est pas non plus par hasard si Chrétien de Troyes, dans le récit qui inaugure le cycle du Graal, fait arriver son héros, Perceval, dans un énigmatique château — véritable temple de la connaissance suprême — un soir de Pentecôte (32). Là, il assistera au cortège du Graal. Dans diverses études, il nous a été donné de montrer toute l’importance de ce singulier procession où sont portés cinq objets éminemment symboliques. Il ne fait guère de doute que l’auteur de ce récit compose une scène d’une importance extrême permettant d’entrevoir à quelle signification d’ordre initiatique se réfère ce modèle idéal de chevalerie qu’illumine le Graal. Nous en sommes arrivés à la conclusion suivante : par la disposition des cinq personnages qui le constituent, ce cortège stylise la silhouette de quelqu’un se tenant debout et levant ses bras en V, de façon à former un caractère runique, le quinzième de l’écriture germanique de la période des invasions. On pourrait s’étonner du rapprochement que nous établissons entre cette lettre d’un alphabet païen qui avait disparu depuis six siècles au moins et ce conte médiéval tout empreint de religiosité christique. Mais ce serait oublier ce qui a été dit un peu plus haut concernant l’image du combattant chevauchant avec sa fylgja et que l’on retrouve sur le sceau templier. D’autant plus que le caractère runique tracé par le cortège du Graal renvoie à la symbolique des Dioscures version germanique (33), comme le font remarquer d’éminents runologues parmi lesquels Lucien Musset (34) et Wolfgang Krause (35). De plus, Chrétien de Troyes introduit dans ce cortège une composante directement allusive aux Gémeaux. En effet, après le porteur de la lance qui saigne surnaturellement (36), « parurent deux autres jeunes gens tenant des chandeliers d’or pur (…) Ces jeunes gens, qui tenaient les chandeliers, étaient d’une grande beauté » (37). Nous sommes tentés de dire que cette beauté fait songer à Castor et Pollux puisqu’on les représente, nous dit P. Commelin, « sous la figure de robustes adolescents d’une irréprochable beauté » (38).

Si l’on admet que le cortège du Graal stylise à l’extrême la silhouette d’un personnage aux bras levés, le précieux calice occupe la place du cœur. Le Graal étant d’or fin (39), on pourrait dire qu’il évoque l’Âge que blasonne ce même métal. D’une part, le cortège trace la silhouette du Double et, d’autre part, le Graal, en constituant le cœur de cette autre corporéité, annonce la transformation du Double en corps glorieux et, de la sorte, la réintégration de l’Âge d’Or (40).

À travers les images chargées de symboles des récits arthuriens, le but initiatique de la chevalerie consistait à proposer une vision héroïque de l’existence tournée vers l’idée d’une possible restauration des temps primordiaux. Restauration qu’énoncent le Grec Hésiode ou le Romain Virgile (41) et qui, dans l’Apocalypse de Jean, se traduit par l’apparition de la Jérusalem céleste dont le matériaux singulier — cet « or pur, pareil à du pur cristal » (42) – est évocateur de l’Âge originel. Chrétien de Troyes fait allusion au fait que l’Âge comparé au métal solaire reviendra et, ainsi, ensevelira celui voué au Fer ; et ce par l’armure du chevalier destiné à restaurer le royaume du Graal. En effet, Perceval porte un haubert dont les mailles de fer sont recouvertes d’or (43).

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L’image du chevalier idéal se présente donc comme indissociables d’un supposé Âge d’Or. Dans l’imaginaire médiéval, ce thème d’un commencement merveilleux fit se confondre le Jardin d’Éden et des données issues du paganisme telles que l’apollinienne Hyperborée ou les îles du Nord du monde du légendaire irlandais (44). C’est probablement la raison pour laquelle la légende envoie saint Brandan découvrir le Paradis terrestre dans une région septentrionale sinon polaire (45). L’éthique chevaleresque pourrait alors être définie comme la tentative de parvenir à cette rupture de niveau ontologique qu’énonce Éliade et qui, tout en suscitant la mémoire des origines, ferait en sorte de préparer à un retour du fondement originel de toute civilisation. Issu de l’Antiquité et repris par le Moyen Âge cette conception de l’existence et de l’Histoire replace l’identité européenne dans un contexte non point évolutionniste mais conforme à ce que l’on pu nommer, avec René Guénon, la Tradition.

Paul-Georges SANSONETTI

  • Diplômé de l’Ecole du Louvre,
  • Diplômé de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes,
  • Doctorat de Lettres de 3eme Cycle

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NOTES :

(1) Lettre reproduite dans l’ouvrage de Numa Sadoul intitulé Tintin et moi, entretiens avec Hergé, Editions Casterman (2000), p. 254.

(2) Cf. Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Editions Maspéro (Paris, 1965), p. 18.

(3) Dans Les Travaux et les Jours, Editions Librairie Générale Française (Paris, 1999), p. 102, vers 157-160.

(4) Ainsi, sous les murs de Troie, pour certains d’entre eux.

(5) Avec Sleipnir (littéralement, « Glissant »), le cheval à huit jambes du dieu scandinave Odinn. Or, Odinn est le maître de la noblesse, classe sociale destinée à incarner la fonction guerrière et, selon les circonstances, à assumer l’autorité spirituelle que confèrent des étapes initiatiques.

(6) On sait que le regard de Méduse, la Gorgone, changeait en pierre les infortunés qui la rencontraient. Persée en la décapitant grâce aux armes divines (le bouclier miroir donné par Athéna et le glaive par Hermès) montre qu’il est capable de neutraliser la pétrification qu’opère cette créature monstrueuse dont, se confondant avec sa chevelure, les nœuds de vipères traduisent un mental horriblement venimeux. Cette neutralisation de ce que l’on nommerait un pouvoir incapacitant donne naissance à Pégase, autrement dit à la jonction entre terre et ciel ou, si l’on préfère, entre les humains (mortels) et les Olympiens (immortels). La sienne (tenant la tête de Méduse), Pégase, Danaé et ses parents, Céphée et Cassiopée.

(8) La lance accompagne souvent l’épée mais sa signification est la même. Dans les deux cas, il s’agit d’une arme droite symbolisant la rectitude.

(9) Dans Le sacré et le Profane, Edition Gallimard (Paris, 1969), p. 156.

(10) Telle est probablement la signification du centaure, créature tantôt négative, l’être prisonnier de ses pulsions animales (on songe à ces centaures ivres qui s’emparent des femmes Lapithes ou encore à Nessus enlevant Déjanire), tantôt exemplaire si les instincts sont totalement maîtrisés (ainsi pour Chiron, initiateur d’Héraclès et d’Achille, devenu le signe astrologique du Sagittaire).

(11) On aura compris que l’équitation est métaphorique du yoga. De plus, la représentation de la Tempérance montre que cette figure féminine tient un mors comme attribut emblématique. Sur ce thème, cf P-G. Sansonetti, Chevalerie du Graal et Lumière de Gloire, Editions Exèdre (Menton, 2004), p. 240 et suivantes.

(12) Dans Le Yoga, immortalité et liberté, Editions Payot (Paris, 1968), p. 239.

(13) Sur un plan iconographique médiéval, ce monde radieux car divin est traduit par l’auréole dorée des saints personnages et par le ciel d’or entourant les figures de la Trinité ou les entités angéliques. Ce même procédé intervient dans les mosaïques byzantines et dans l’art orthodoxes ainsi que dans certaines miniatures persanes ; cf Henri Corbin, Terre céleste et Corps de résurrection, Editions Buchet-Chastel (Paris, 1961), p. 44.

(14) Dans Les Structures Anthropologiques de l’Imaginaire, Editions Bordas (Paris, 1973), p. 189.

(15) Transcription en prose moderne par Jacques Ribard, Editions Honoré Champion (Paris-Genève, 1997), p. 44.

(16) Les Structures Anthropologiques de l’Imaginaire, op. cit., p. 179.

(17) Epître aux Théssaloniciens, 4, 8.

(18) Apocalypse, 1, 16.

(19) Du nom de la localité où il fut mis à jour. Cet objet est conservé au Nationalmuseet de Copenhague mais une réplique existe au Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye (dans la grande salle d’archéologie comparée).

(20) Pour une étude plus détaillée de cette scène, nous ne pouvons que renvoyer à notre ouvrage, déjà mentionné, Chevalerie du Graal et Lumière de Gloire, p. 91 et suivantes.

(21) Cf. Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc’h, Les Druides, Editions Ouest France (Rennes, 1986), p. 379.

(22) Equivalent celtique de l’inépuisable corne d’abondance dans la tradition grecque. On notera que le chaudron de Gundestrup contient l’image d’un autre chaudron, divin celui-là.

(23) Ce qui n’est pas sans évoquer l’image de Pallas Athéna, toujours casquée car déesse de l’intelligence armée.

(24) A propos de l’oiseau blasonnant le premier cavalier, on a retrouvé dans un site celtique de Roumanie (à Ciumesti) un casque d’apparat surmonté d’un oiseau métallique aux ailes articulées. Peut-être s’agit-il de la représentation d’un corbeau, animal dédié au dieu Lug. Porté par le second cavalier, le sanglier, très fréquent dans l’art celte, relève d’un symbolisme polaire car associé à la notion de terre originelle et de lumière (l’accentuation des soies dorsale évoque une radiance de la colonne vertébrale) ; sur le sanglier, cf. René Guénon, le chapitre XXIV des Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Edition Gallimard (Paris, 1965). Le casque du troisième porte des cornes de cerf, emblème du dieu forestier Cernunnos précisément représenté dans la décoration intérieure (et sans doute aussi extérieure) du chaudron. Enfin, le quatrième cavalier arbore un cimier assez semblable à ceux ombrageant les casques grecs ou italiques. Comme il ne peut s’agir que de crin de cheval, le symbolisme renvoie à ce dernier animal consacré à la déesse cavalière Epona. Il n’est sans doute pas inutile de signaler que le motif végétal isolant l’un de l’autre les deux registres possède trois racines qui jouxtent le chaudron ; on nous précise ainsi que pareille figuration s’identifie avec ce que contient et représente le récipient : la « force vitale » (source d’abondance et de résurrection) souvent figurée par l’Arbre Axe du monde qui, marquant l’invariable milieu de toute chose, joint la terre au ciel. Sans doute s’agit-il d’un tel Arbre qui, ici, est stylisé en une simple ligne végétale ramifiée. Si cet Arbre fait corps avec le chaudron, cela signifie que ceux dont la tête est plongée dedans en ressortiront définitivement porteurs de ce que l’Arbre symbolise. La notion de jonction entre l’humain et le divin est donc indissociable de cette « proto-chevalerie » conçue par la tradition celtique. Dans le récit intitulé La Queste del Saint Graal, il est question de passer de la chevalerie terrestre à la chevalerie « célestielle ».

(25) Editions Berg International (Paris, 1986). Cette silhouette aux bras en V est celle du crucifié. Toutefois, l’iconographie chrétienne présente parfois Jésus non point sur la croix mais sur un une sorte d’Y (comme le montre la mitre de Saint Charles Borromeo, dans le trésor de la cathédrale de Milan) ou carrément sur ce qui ressemble fort à la rune quinzième (ainsi, dans l’église San Andrea à Pistoie, sur la chaire en marbre par Jean de Pise, réalisée en 1301 ; ou encore, dans la cathédrale de Cologne, le Christ dit « de la peste » datant aussi du XIVème siècle). On pourrait également citer, du XIIème siècle et légèrement antérieur à l’œuvre de Chrétien de Troyes, sur le tympan du monastère de Ganagobie, la singularité de l’auréole du Christ : au lieu de comporter une croix, cette auréole est marquée par un tracé évocateur de la rune quinze.

(26) Tous deux portent une main à leur épaule : la senestre à l’épaule droite pour le premier et la dextre à l’épaule gauche pour le second. Ils indiquent ainsi la clavicule — du latin clavicula, « petite clef » – comme pour avertir celui qui les contemple que cette sculpture nécessite des clefs de lecture. Le « meuble » héraldique déployé sur leur écu résume tout un processus alchimique reflétant la transmutation de l’homme mortel en un être immortel. En effet, ce meuble est intitulé « rais d’escarboucle » et, en alchimie, l’escarboucle est synonyme de pierre philosophale, le Grand Œuvre sensé conférer l’immortalité.

(27) 0n a interprété le fait que deux Templiers enfourchent un même cheval comme un symbole de pauvreté de l’Ordre. Cette assertion tient d’autant moins qu’à l’époque où ce sceau était en usage le Temple possédait une fortune considérable.

(28) Graal et Alchimie, Editions Berg International (Paris, 1992).

(29) Il s’agit d’abord d’une bractéate en or trouvée à Pliezhausen, dans le Wurtemberg (Allemagne). Le motif qu’elle porte est reproduit de façon répétitive sur le casque découvert à Sutton Hoo, Suffolk (Angletrre), dans la tombe d’un prince anglo-saxon enterré probablement en 625. Le fait que nous soyons en présence de deux représentations exactement semblables montre toute l’importance de ce motif et tendrait à prouver que les artistes (ou artisans) reproduisaient scrupuleusement certains modèles d’inspiration initiatique.

(30) Le mot fylgja est norrois mais il correspond au gothique fulgja et, dans la terminologie concernant ce qu’il conviendrait de nommer, avec Mircea Eliade, la « physiologie subtile » (Le Yoga, op.cit., p. 81), correspond à l’aspect supérieur du Double. On peut voir au Musée de Berlin une tête d’argile très schématiquement façonnée sur laquelle sont répartis cinq caractères runiques formant approximativement le mot fulgja. Comme on peut le lire sous la reproduction photographique de cet objet dans la Mythologie Générale, Editions Larousse (Paris, 1936), p. 247, « cette statuette représenterait sous un aspect concret, la partie immatérielle d’un être vivant ».

(31) Cf diverses études dans lesquelles nous avons montré que ce nom latinisé, Merlinus, occultait la notion de Tradition primordiale ou, ce qui revient au même, de Pôle ; cf., par exemple, notre article consacré au film de Peter Jackson, Le Seigneur des Anneaux dans le n° 22 de la revue Liber Mirabilis (saison 2001-2002), p. 34.

(32) Entre autres à l’occasion d’un article intitulé Les symboles dans le cortège du Graal, pour la revue Histoire et images médiévales (Février-Mars 2006), p. 39.

(33) Rappelons que Tacite établit un parallèle entre les Dioscures et les Alci que « l’on vénère comme deux frères, comme deux jeunes hommes » ; chapitre XLIII de De Germania, Editions Les Belles Lettres (Paris, 1967), p. 97.

(34) Dans Introduction à la Runologie, Editions Aubier Montaigne (Paris, 1976), p. 137.

(35) Cf son ouvrage Les Runes, Editions du Porte-Glaive (Paris, 1995), p.36.

(36) Il s’agit de la lance du centurion Longin qui perça le flanc du Christ lors de la crucifixion.

(37) Le Conte du Graal, traduit en français moderne par Jacques Ribard, Editions Honoré Champion (Paris, 1997), p. 70.

(38) Mythologie grecque et romaine, Edition Pocket (Paris, 1994), p. 354.

(39) Vers n° 3233 de l’Edition William Roach

(40) N’oublions pas que le symbolisme chrétien avait incorporé la doctrine des quatre Âges symbolisés par des métaux, à la fois par la connaissance du texte d’Hésiode et par le passage du livre de Daniel où, dans le songe de Nabuchodonosor, il est question de la statue dont la tête est d’or, la poitrine d’argent, le ventre et les cuisses d’airain et les mollets de fer.

(41) Dans ses Bucoliques, quatrième églogue, le poète annonce la naissance de l’enfant qui va « bannir le siècle de fer et ramener l’Âge d’Or (…) Cet enfant vivra de la vie des dieux » ; traduction de M. Charpentier de Saint Prest, Editions Garnier frères (Paris). On sait que Chrétien de Troyes avait lu Virgile, comme le montre le vers 9059 où il cite les noms de Lavinie et d’Énée, personnages de l’Énéide.

(42) 21 – 18, Bible du chanoine Crampon.

(43) « Une(s) armes totes dorees. » dit le texte original ? Vers 40

(44) Il est question, dans le Lebor Gabala, de quatre îles au Nord du monde où se trouvait le chaudron de résurrection et siège de l’enseignement druidique ; cf. Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc’h, Les Druides, op. cit., p. 305. Cette thématique d’un lieu mystérieux situé « quelque part » dans l’extrême Nord et qui, singulièrement verdoyant (le nom même de Groenland a suscité des interrogations), serait le siège d’une connaissance supra-humaine rejoint l’ultima Thulé des auteurs grecs et latins, de Pythéas et Sénèque à Virgile qui, dans ses Georgiques (1, 30), situe cette contrée « aux extrémités du monde ».

(45) Le Voyage de Saint Brandan par Benedeit, Edition 10/18, bibliothèque médiévale (Paris, 1984).

samedi, 26 août 2017

The Lincoln Myth: Ideological Cornerstone of the America Empire

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The Lincoln Myth: Ideological Cornerstone of the America Empire

“Lincoln is theology, not historiology. He is a faith, he is a church, he is a religion, and he has his own priests and acolytes, most of whom . . . are passionately opposed to anybody telling the truth about him . . . with rare exceptions, you can’t believe what any major Lincoln scholar tells you about Abraham Lincoln and race.”–Lerone Bennett, Jr., Forced into Glory, p. 114

The author of the above quotation, Lerone Bennett, Jr., was the executive editor of Ebony magazine for several decades, beginning in 1958. He is a distinguished African-American author of numerous books, including a biography of Martin Luther King, Jr. He spent twenty years researching and writing his book, Forced into Glory: Abraham Lincoln’s White Dream, from which he drew the above conclusion about the so-called Lincoln scholars and how they have lied about Lincoln for generations. For obvious reasons, Mr. Bennett is incensed over how so many lies have been told about Lincoln and race.

Few Americans have ever been taught the truth about Lincoln and race, but it is all right there in The Collected Works of Abraham Lincoln (CW), and in his actions and behavior throughout his life. For example, he said the following:

“Free them [i.e. the slaves] and make them politically and socially our equals? My own feelings will not admit of this . . . . We cannot then make them equals” (CW, vol. II, p. 256.

“What I would most desire would be the separation of the white and black races” (CW, vol. II, p. 521).

“I have no purpose to introduce political and social equality between the white and black races . . . . I, as well as Judge Douglas, am in favor of the race to which I belong, having the superior position. I have never said anything to the contrary” (CW, vol. III, p, 16). (Has there ever been a clearer definition of “white supremacist”?). 

“I am not, nor ever have been in favor of bringing about in any way the social and political equality of the white and black races . . . . I am not nor ever have been in favor of making voters or jurors of negroes, nor of qualifying them to hold office, nor to intermarry with white people” (CW, vol. III, pp. 145-146).

“I will to the very last stand by the law of this state [Illinois], which forbids the marrying of white people with negroes” (CW, vol. III, p. 146).

“Senator Douglas remarked . . . that . . . this government was made for the white people and not for the negroes. Why, in point of mere fact, I think so too” (CW, vol. II, p. 281)

Lincoln was also a lifelong advocate of “colonization,” or the deportation of black people from America. He was a “manager” of the Illinois Colonization Society, which procured tax funding to deport the small number of free blacks residing in the state. He also supported the Illinois constitution, which in 1848 was amended to prohibit the immigration of black people into the state. He made numerous speeches about “colonization.” “I have said that the separation of the races is the only perfect preventive of amalgamation . . . . such separation must be effected by colonization” (CW, vol. II, p. 409). And, “Let us be brought to believe it is morally right, and . . . favorable to . . . our interest, to transfer the African to his native clime” (CW, vol. II, p. 409). Note how Lincoln referred to black people as “the African,” as though they were alien creatures. “The place I am thinking about having for a colony,” he said, “is in Central America. It is nearer to us than Liberia” (CW, vol. V, pp. 373-374).

Bennett also documents how Lincoln so habitually used the N word that his cabinet members – and many others – were shocked by his crudeness, even during a time of pervasive white supremacy, North and South. He was also a very big fan of “black face” minstrel shows, writes Bennett.

For generations, the so-called Lincoln scholars claimed without any documentation that Lincoln suddenly gave up on his “dream” of deporting all the black people sometime in the middle of the war, even though he allocated millions of dollars for a “colonization” program in Liberia during his administration. But the book Colonization After Emancipation by Phillip Magness and Sebastian Page, drawing on documents from the British and American national archives, proved that Lincoln was hard at work until his dying day plotting with Secretary of State William Seward the deportation of all the freed slaves. The documents produced in this book show Lincoln’s negotiations with European governments to purchase land in Central America and elsewhere for “colonization.” They were even counting how many ships it would take to complete the task.

Lincoln’s first inaugural address, delivered on March 4, 1861, is probably the most powerful defense of slavery ever made by an American politician. In the speech Lincoln denies having any intention to interfere with Southern slavery; supports the federal Fugitive Slave Clause of the Constitution, which compelled citizens of non-slave states to capture runaway slaves; and also supported a constitutional amendment known as the Corwin Amendment that would have prohibited the federal government from ever interfering in Southern slavery, thereby enshrining it explicitly in the text of the U.S. Constitution.

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Lincoln stated at the outset of his first inaugural address that “I have no purpose, directly or indirectly, to interfere with the institution of slavery in the States where it exists. I believe I have no lawful right to do so, and I have no inclination to do so.” Furthermore, “Those who nominated and elected me did so with full knowledge that I had made this and many similar declarations and had never recanted them; and more than this, they placed in the [Republican Party] platform for my acceptance, and as a law to themselves and to me, the clear and emphatic resolution which I now read: Resolved, that the maintenance inviolate of the rights of the States, and especially the right of each state to order and control its own domestic institutions according to its own judgment exclusively, is essential to the balance of power on which the perfection and endurance of our political fabric depend . . .” By “domestic institutions” Lincoln meant slavery.

Lincoln also strongly supported the Fugitive Slave Clause and the 1850 Fugitive Slave Act in his first inaugural address by reminding his audience that the Clause is a part of the Constitution that he, and all members of Congress, swore to defend. In fact, the Fugitive Slave Act was strongly enforced all during the Lincoln administration, as documented by the scholarly book, The Slave Catchers, by historian Stanley Campbell (University of North Carolina Press, 2011). “The Fugitive Slave Law remained in force and was executed by federal marshals” all during the Lincoln regime, writes Campbell. For example, he writes that “the docket for the [Superior] Court [of the District of Columbia] listed the claims of twenty-eight different slave owners for 101 runaway slaves. In the two months following the court’s decision [that the law was applicable to the District], 26 fugitive slaves were returned to their owners . . .” This was in Washington, D.C., Lincoln’s own residence.

Near the end of his first inaugural address (seven paragraphs from the end) Lincoln makes his most powerful defense of slavery by saying: “I understand a proposed amendment to the Constitution . . . has passed Congress, to the effect that the Federal Government shall never interfere with the domestic institutions of the States, including that of persons held to service [i.e., slaves]. To avoid misconstruction of what I have said, I depart from my purpose not to speak of particular amendments so far as to say that, holding such a provision to now be implied constitutional law, I have no objection to its being made express and irrevocable” (emphasis added).

The Corwin Amendment, named for Rep. Thomas Corwin of Ohio, said:“No amendment shall be made to the Constitution which shall authorize or give to Congress the power to abolish or interfere, within any state, the domestic institutions thereof, including that of persons held to labor [i.e., slaves] or service by the laws of said State.” 

After all the Southern members of Congress had left, the exclusively-Northern U.S. Congress voted in favor of the Corwin Amendment by a vote of 133-65 in the House of Representatives on February 28, 1861, and by a vote of 24-12 in the U.S. Senate on March 2, two days before Lincoln’s inauguration.

Lincoln lied in his first inaugural address when he said that he had not seen the Corwin Amendment. Not only did he support the amendment in his speech; it was his idea, as documented by Doris Kearns-Goodwin in her worshipful book on Lincoln entitled Team of Rivals. Based on primary sources, Goodwin writes on page 296 that after he was elected and before he was inaugurated Lincoln “instructed Seward to introduce these proposals in the Senate Committee of Thirteen without indicating they issued from Springfield.” “These proposals” were 1) the Corwin Amendment; and 2) a federal law to nullify personal liberty laws created by several states to allow them to nullify the Fugitive Slave Act.

In 1860-61 Lincoln and the Republican Party fiercely defended Southern slavery while only opposing the extension of slavery into the new territories. They gave three reasons for this:

(1) “Many northern whites . . . wanted to keep slaves out of the [new territories] in order to keep blacks out. The North was a pervasively racist society . . . . Bigots, they sought to bar African-American slaves from the West,” wrote University of Virginia historian Michael Holt in his book, The Fate of Their Country (p. 27).

(2) Northerners did not want to have to compete for jobs with black people, free or slave. Lincoln himself said that “we” want to preserve the territories for “free white labor”.

(3) If slaves were brought into the territories it could inflate the congressional representation of the Democratic Party once a territory became a state because of the three-fifths clause of the Constitution that counted five slaves as three persons for purposes of determining how many congressional representatives each state would have. The Republican Party feared that this might further block their economic policy agenda of high protectionist tariffs to protect Northern manufacturers from competition; corporate welfare for road, canal, and railroad-building corporations; a national bank; and a giving away, rather than selling, of federal land (mostly to mining, timber, and railroad corporations). Professor Holt quotes Ohio Congressman Joshua Giddings explaining: “To give the south the preponderance of political power would be itself to surrender our tariff, our internal improvements [a.k.a. corporate welfare], our distribution of proceeds of public lands . . .” (p. 28).

Lincoln called the Emancipation Proclamation a “war measure,” which meant that if the war ended the next day, it would become null and void. It only applied to “rebel territory” and specifically exempted by name areas of the South that were under Union Army control at the time, such as most of the parishes of Louisiana; and entire states like West Virginia, the last slave state to enter the union, having been created during the war by the Republican Party. That is why historian James Randall wrote that it “freed no one.” The apparent purpose was to incite slave rebellions, which it failed to do. Slavery was finally ended in 1866 by the Thirteenth Amendment to the Constitution, with virtually no assistance from Lincoln, as described by Pulitzer prize-winning Lincoln biographer David Donald in his book, Lincoln. On page 545 of his magnum opus David Donald writes of how Lincoln refused to lift a finger to help the genuine abolitionists accumulate votes in Congress for the Thirteenth Amendment. Stories that he did help, such as the false tale told in Steven Spielberg’s movie about Lincoln, are based on pure “gossip,” not documented history, wrote Donald.

Lincoln Promises War Over Tax Collection

In contrast to his compromising stance on slavery, Lincoln was totally and completely uncompromising on the issue of tax collection in his first inaugural address, literally threatening war over it. For decades, Northerners had been attempting to plunder Southerners (and others) with high protectionist tariffs. There was almost a war of secession in the late 1820s over the “Tariff of Abominations” of 1828 that increased the average tariff rate (essentially a sales tax in imports) to 45%. The agricultural South would have been forced to pay higher prices for clothing, farm tools, shoes, and myriad other manufactured products that they purchased mostly from Northern businesses. South Carolina nullified the tariff, refusing to collect it, and a compromise was eventually reached to reduce the tariff rate over a ten-year period.

By 1857 the average tariff rate had declined to about 15%, and tariff revenues accounted for at least 90% of all federal tax revenue. This was the high water mark of free trade in the nineteenth century. Then, with the Republican Party in control of Congress and the White House, the average tariff rate was increased, by 1863, back up to 47%, starting with the Morrill Tariff, which was signed into law on March 2, 1861, two days before Lincoln’s inauguration by Pennsylvania steel industry protectionist President James Buchanan. (It had first passed in the House of Representatives during the 1859-60 session).

Understanding that the Southern states that had seceded and had no intention of continuing to send tariff revenues to Washington, D.C., Lincoln threatened war over it. “[T]here needs to be no bloodshed or violence,” he said in his first inaugural address, “and there shall be none unless it is forced upon the national authority.”

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And what could “force” the “national authority” to commit acts of “violence” and “bloodshed”? Lincoln explained in the next sentence: “The power confided in me will be used to hold, occupy, and possess the property and places belonging to the Government and to collect the duties and imposts; but beyond what may be necessary for these objects, there will be no invasion, no using of force against or among the people anywhere.” “Pay up or die; the American union is no longer voluntary” was his principal message. In Lincoln’s mind, the union was more like what would become the Soviet union than the original, voluntary union of the founding fathers. He kept his promise by invading the Southern states with an initial 75,000 troops after duping South Carolinians into firing upon Fort Sumter (where no one was harmed, let alone killed).

The Stated Purpose of the War

The U.S. Senate issued a War Aims Resolution that said: “[T]his war is not waged . . . in any spirit of oppression, or for any purpose of conquest or subjugation, or purpose of overthrowing or interfering with the rights or established institutions of those [Southern] states, but to defend . . . the Constitution, and to preserve the Union . . .” By “established institutions” of the Southern states they meant slavery.

Like the U.S. Senate, Lincoln also clearly stated that the purpose of the war was to “save the union” and not to interfere with Southern slavery. In a famous August 22, 1862 letter to New York Tribune editor Horace Greeley, he wrote that:

“My paramount objective in this struggle is to save the Union, and it is not either to save or destroy slavery. If I could save the Union without freeing any slave I would do it; and if I could save it by freeing some and leaving others alone I would also do that.” Of course, Lincoln’s war destroyed the voluntary union of the founding fathers and replaced it with an involuntary union held together by threat of invasion, bloodshed, conquest, and subjugation.

The Very Definition of Treason

Treason is defined by Article 3, Section 3 of the U.S. Constitution as follows: “Treason against the United States, shall consist only in levying War against them, or in adhering to their Enemies, giving them Aid and Comfort.” The most important word here is “them.” As in all the founding documents, “United States” is always in the plural, signifying that the “free and independent states,” as they are called in the Declaration of Independence, are united in forming a compact or confederacy with other states. Levying war against “them” means levying war against individual states, not something called “the United States government.” Therefore, Lincoln’s invasion and levying of war upon the Southern states is the very definition of treason in the Constitution.

Lincoln took it upon himself to arbitrarily redefine treason, not by amending the Constitution, but by using brute military force. His new definition was any criticism of himself, his administration, and his policies. He illegally suspended the writ of Habeas Corpus (illegal according to this own attorney general, Robert Bates) and had the military arrest and imprison without due process tens of thousands of Northern-state citizens, including newspaper editors, the Maryland legislature, the mayor of Baltimore, the grandson of Francis Scott Key who was a Baltimore newspaper editor, Congressman Clement L. Vallandigham of Ohio, his chief critic in the U.S. Congress, and essentially anyone overheard criticizing the government. (See Freedom Under Lincoln by Dean Sprague and Constitutional Problems Under Lincoln by James Randall).

More than 300 Northern newspapers were shut down for criticizing the Lincoln regime as documented by James Randall, the preeminent Lincoln scholar of the twentieth century.

Lincoln’s Real Agenda: A Mercantilist Empire

Lincoln began his political career in 1832 as a Whig. Northern Whigs like Lincoln were the party of the corporate plutocracy who wanted to use the coercive powers of government to line the pockets of their big business benefactors (and of themselves). They proclaimed to stand for what their political predecessor, Alexander Hamilton, called the “American System.” This was really an Americanized version of the rotten, corrupt system of British “mercantilism” that the colonists had rebelled against. Its planks included protectionist tariffs to benefit Northern manufacturers and their banking and insurance industry business associates; a government-run national bank to provide cheap credit to politically-connected businesses; and “internal improvement subsidies,” which we today would call “corporate welfare,” for canal-, road-, and railroad-building corporations. So when Lincoln first ran for political office in Illinois in 1832 he announced: “I am humble Abraham Lincoln. I have been solicited by many friends to become a candidate for the legislature. My politics are short and sweet, like the old woman’s dance. I am in favor of a national bank . . . in favor of the internal improvements system and a high protective tariff.” He would devote his entire political career for the next twenty-nine years on that agenda.

The major opposition to Lincoln’s agenda of a mercantilist empire modeled after the British empire had always been from the South, as Presidents Jefferson, Madison, Monroe, Jackson, and Tyler, among others, vetoed or obstructed Whig and later, Republican, legislation. There were Southern supporters of this agenda, and Northern, Jeffersonian opponents of it, but it is nevertheless true that the overwhelming opposition to this Northern, Hamiltonian scheme came from the Jeffersonian South.

Henry Clay was the leader of the Whigs until his death in 1852, and Lincoln once claimed that he got all of his political ideas from Clay, who he eulogized as “the beau ideal of a statesman.” In reality, the Hamilton/Clay/Lincoln “American System” was best described by Edgar Lee Masters, who was Clarence Darrow’s law partner and a renowned playwright (author of The Spoon River Anthology). In his book, Lincoln the Man (p. 27), Masters wrote that:“Henry clay was the champion of that political system which doles favors to the strong in order to win and to keep their adherence to the government. His system offered shelter to devious schemes and corrupt enterprises . . . He was the beloved son of Alexander Hamilton with his corrupt funding schemes, his superstitions concerning the advantage of a public debt, and a people taxed to make profits for enterprises that cannot stand alone. His example and his doctrines led to the creation of a party that had not platform to announce, because its principles were plunder and nothing else.”

This was the agenda that Abraham Lincoln devoted his entire political life to. The “American System” was finally fully enacted with Lincoln’s Pacific Railroad Bill, which led to historic corruption during the Grant administration with its gargantuan subsidies to railroad corporations and others; fifty years of high, protectionist tariffs that continued to plunder Agricultural America, especially the South and the Mid-West, for the benefit of the industrial North; the nationalization of the money supply with the National Currency Acts and Legal Tender Acts; and the beginnings of a welfare state with veterans’ pensions. Most importantly, the system of federalism that was established by the founding fathers was all but destroyed with a massive shift in political power to Washington, D.C. and away from the people, due to the abolition (at gunpoint) of the rights of nullification and secession.

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Lincoln’ Biggest Failure

Slavery was ended peacefully everywhere else in the world during the nineteenth century. This includes Massachusetts, Rhode Island, Connecticut, and New York, where slaves were once used to build slave ships that sailed out of New York, Providence, Hartford, Providence, and Boston harbors. There were still slaves in New York City as late as 1853.

Nobel prize-winning economist Robert Fogel and co-author Stanley Engerman, in their book, Time on the Cross, describe how the British, Spanish, and French empires, as well as the Swedes, Danes, and Dutch, ended slavery peacefully during the nineteenth century. Whenever slaves did participate in wars in Central America and elsewhere, it was because they were promised freedom by one side in the war; the purpose of the wars, however, was never to free the slaves.

The British simply used tax dollars to purchase the freedom of the slaves and then legally ended the practice. The cost of the “Civil War” to Northern taxpayers alone would have been sufficient to achieve the same thing in the U.S. Instead, the slaves were used as political pawns in a war that ended with the death of as many as 850,000 Americans according to the latest research (the number was 620,000 for the past 100 years or so), with more than double that amount maimed for life, physically and psychologically. (Lincoln did make a speech in favor of “compensated emancipation” in the border states but insisted that it be accompanied by deportation of any emancipated slaves. He never used his “legendary” political skills, however, to achieve any such outcome, as a real statesman would have done – minus the deportation).

The Glory of the Coming of the Lord?

By the mid nineteenth century the world had evolved such that international law and the laws of war condemned the waging of war on civilians. It was widely recognized that civilians would always become casualties in any war, but to intentionally target them was a war crime.

The Lincoln regime reversed that progress and paved the way for all the gross wartime atrocities of the twentieth century by waging war on Southern civilians for four long years. Rape, pillage, plunder, the bombing and burning of entire cities populated only by civilians was the Lincolnian way of waging war – not on foreign invaders but on his own fellow American citizens. (Lincoln did not consider secession to be legal; therefore, he thought of all citizens of the Southern states to be American citizens, not citizens of the Confederate government).

General Sherman said in a letter to his wife that his purpose was “extermination, not of soldiers alone, that is the least part of the trouble, but the people” (Letter from Sherman to Mrs. Sherman, July 31, 1862). Two years later, he would order his artillery officers to use the homes of Atlanta occupied by women and children as target practice for four days, while much of the rest of the city was a conflagration. The remaining residents were then kicked out of their homes – in November with the onset of winter. Ninety percent of Atlanta was demolished after the Confederate army had left the city.

General Philip Sheridan similarly terrorized the civilians of the Shenandoah Valley in Virginia. All of this led historian Lee Kennett, in his biography of Sherman, to honestly state that “had the Confederates somehow won, had their victory put them in position to bring their chief opponents before some sort of tribunal, they would have found themselves justified . . . in stringing up President Lincoln and the entire Union high command for violation of the laws of war, specifically for waging war against noncombatants” (Lee Kennett, Marching Through Georgia: The Story of Soldiers and Civilians During Sherman’s Campaign, p. 286).

About All Those Statues

Professor Murray N. Rothbard (1926-1995) was perhaps the most famous academic libertarian in the world during the last half of the twentieth century. A renowned Austrian School economist, he also wrote widely on historical topics, especially war and foreign policy. In a 1994 essay entitled “Just War” (online at https://mises.org/library/just-war), Rothbard argued that the only two American wars that would qualify as just wars (defined as wars to ward off a threat of coercive domination) were the American Revolution and the South’s side in the American “Civil War.” Without getting into his detailed explanation of this, his conclusion is especially relevant and worth quoting at length:

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“[I]n this War Between the States, the South may have fought for its sacred honor, but the Northern war was the very opposite of honorable. We remember the care with which the civilized nations had developed classical international law. Above all, civilians must not be targeted; wars must be limited. But the North insisted on creating a conscript army, a nation in arms, and broke the 19th-century rules of war by specifically plundering and slaughtering civilians, by destroying civilian life and institutions so as to reduce the South to submission. Sherman’s famous march through Georgia was one of the great war crimes, and crimes against humanity, of the past century-and-a-half. Because by targeting and butchering civilians, Lincoln and Grant and Sherman paved the way for all the genocidal horrors of the monstrous 20th century. . . . As Lord Acton, the great libertarian historian, put it, the historian, in the last analysis, must be a moral judge. The muse of the historian, he wrote, is not Clio but Rhadamanthus, the legendary avenger of innocent blood. In that spirit, we must always remember, we must never forget, we must put in the dock and hang higher than Haman, those who, in modern times, opened the Pandora’s Box of genocide and the extermination of civilians: Sherman, Grant, and Lincoln.

Perhaps, some day, their statues will be toppled and melted down; their insignias and battle flag will be desecrated, and their war songs tossed into the fire.

Perhaps, some day. But in the meantime, and for the past 150 years, the mountain of lies that has concocted the Lincoln Myth has been invoked over and over again to “justify” war after war, all disguised as some great moral crusade, but in reality merely a tool to enrich the already wealthy-beyond-their-wildest-dreams military/industrial complex and its political promoter class. As Robert Penn Warren wrote in his 1960 book, The Legacy of the Civil War, the Lincoln Myth, painstakingly fabricated by the Republican Party, long ago created a “psychological heritage” that contends that “the Northerner, with his Treasury of Virtue” caused by his victory in the “Civil War,” feels as though he has “an indulgence, a plenary indulgence, for all sins past, present, and future.” This “indulgence,” wrote Warren, “is the justification for our crusades of 1917-1918 and 1941-1945 and our diplomacy of righteousness, with the slogan of unconditional surrender and universal rehabilitation for others” (emphasis added). Robert Penn Warren believed that most Americans were content with all of these lies about their own history, the work of what he called “the manipulations of propaganda specialists,” referring to those who describe themselves as “Lincoln scholars.”

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jeudi, 24 août 2017

Homage to Henning Eichberg (1942-2017)

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Homage to Henning Eichberg (1942-2017)

by Arne Schimmer
Ex: https://institutenr.org

“Wer trägt die schwarze Fahne heut’ durch die gespalt’ne Nation?
Who carries the black flag today in the divided nation?
Wer sprengt die Ketten, wer haut darein und kämpft für die Revolution?
Who breaks the chains, who strikes forward and struggles for the revolution?
Bist du dabei, bin ich dabei, heut’ oder morgen schon?
Do you, do I, today or maybe tomorrow?
Wann stürzt im Lande die Fremdherrschaft vor der deutschen Revolution?
When will foreign domination in this country fall before the blows of the German revolution?
Hervor, Leute, hervor – hervor!
Onward, lads, onward – onward!
Die schwarze Fahne empor!
Hold high the black flag!
Denn überall wo das Unrecht herrscht, geht die Fahne der Freiheit empor!
Everywhere where unrighteousness rules, raise high the flag of freedom!”

Every nationalist militant knew the words of this third stanza of the song: it was the unofficial anthem of the entire movement, so to speak. Henning Eichberg, who composed its text, was the principal thinker of the German national-revolutionary movement in West Germany, during the 60s and 70s. This theorist ended up emigrating to Denmark to become a member of the Socialistisk Folkeparti (Socialist People’s Party). At the end of his life, one could say that he belonged entirely to the political left of his new country. Despite this astonishing transition in the political landscape of Germany and Scandinavia, the key concepts of the “Nation” and “People” (“Nation” and “Volk”) remained cornerstones of his scientific and political interests.

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These two key concepts came directly from his idiosyncratic past, his biographical itinerary. Henning Eichberg was born on December 1st 1942 in Schweidnitz in Silesia. His family left the region before the end of the war and settled in Saxony. Even when Eichberg began his political mutation and fully and entirely became a man of the left, he never stopped considering himself as a Silesian, as he recalls elsewhere in an interview accorded to the magazine Ökologie in 1998: “At the start of the project of modernity, peoples rose and sought to make themselves subjects of history, they marched in the name of liberty, equality, and fraternity … but this third value was forgotten: precisely, brotherhood, sisterhood, the communitarian feeling, or to mark it in red letters, solidarity … That’s why we must restart the project of modernity from zero. The preceding project lead to the murder of entire peoples, ethnic cleansing. Genocide and ethnocide are diametrically opposed to fraternity. That’s why I hold onto my Silesian identity, so that it is not forgotten. Silesia will not die with the old generation. The American Indian didn’t die at Wounded Knee either.”

From Adenauer’s CDU to Pure Nationalism

In 1950, the family of the young Henning Eichberg moved to Hamburg. In a retrospective interview given in 2010, he reminded his readers that he never felt at home in West Germany. In the 1950s, the young man Eichberg sought to become involved in the Adenauer era. He joined the Christian democratic CDU and obtained the rank of reserve officer in the Bundeswehr. Yet his reflections and observations made him realize one thing: the parties of the CDU only envisioned German reunification from an entirely theoretical point of view; moreover the increasing Americanization of the country particularly disturbed him. At the start of the 1960s, Eichberg reoriented himself politically bit by bit. This labor of reflection lead him to call himself a “national revolutionary.” His character attracted attention as he produced an enormous amount of work as publicist in these years, notably writing in the magazines Nation Europa, Deutscher Studenten-Anzeiger, Deutsche National-Zeitung und Soldatenzeitung and for a very important theoretical organ despite its niche style: Junges Forum. He quite justly acquired the reputation of being the principal theorist of the national-revolutionary movement in West Germany. In a work devoted to this movement, the very attentive observer of German extra-parliamentary movements Günter Bartsch vividly describes him as the “Rudi Dutschke of the right,” in his reference work “Revolution von rechts? Ideologie und Organisation der Neuen Rechte.” Some of his texts, written under the pseudonym Hartwig Singer were truly the foundational texts of a new political theory at the time. He then had the ambition to develop a theoretical corpus for German nationalism that could stay the course and endure. This corpus must, in his opinion, answer all the great questions of the moment and enter into serious competition with the ideas proposed by the “new left.”

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The Western Characteristic

Happy are those who still posses the little black books entitled Junge Kritik, which Eichberg edited at the time, today the younger people have enormous difficulty finding them even in specialized bookstores! The owners of these precious booklets can measure the quality of Eichberg’s thoughts, unequaled in Germany in the 1950s and 60s. There Eichberg raised nationalism to a very respectable theoretical level: in his proofs, he starts from the postulate of a “Western characteristic,” the origin of the psychology and mores of the peoples of Europe, from which one could also deduce the emergence of typically European / Western phenomena like technology. Eichberg sought to deploy his political efforts to keep these traits of the European psyche intact in the framework of industrial societies, which all need to renew themselves from their identitarian origins.

But even while he was becoming the principal theoretical innovator of the nationalist camp in Germany at the time, Eichberg had already branched out into certain circles of the “new left” in Hamburg, who were also fighting against imperialism, especially American imperialism. These circles were “Club Lynx” and Arie Goral’s Galerie. Though Eichberg portrayed himself as a radical anticommunist in the 1960s, that didn’t prevent him from finding many positive ideas in the emerging 68er movement, because they raised a “revolt against the establishment.” He said an authentic right would never defend this establishment. Consequently, he made the watchword of this new anarchic left his own: “Disorder is the first duty!” However at the same time, Eichberg rejected conventional “socialism” and argued for a “European socialism” which was simultaneously a modern nationalism. He then referred to the left wing of the NSDAP in the 1920s.

Another revealing discovery by Eichberg in 1966: his participation in the summer camp of the French youth who militated within the “Fédération des Etudiants Nationalistes” (FEN). He was impressed by the revolutionary determination of French militant but also their will to reconnect with the socialist and syndicalist traditions of their country. Eichberg saw a “new socialism for the Europeans of tomorrow” emerging. These years saw the emergence of the ideal of a “European Nation” among French and German nationalists.

Observers of Eichberg’s path will remark with interest that he had not entirely passed to the new left by the end of the 1960s. He had good reasons not to take the plunge. In principle, he saluted the merits of the left-wing revolt, which had shaken the political edifice of West Germany, but he also criticized the indifference the leftists displayed to the position of their own people. Eichberg thought that that leftist students militated in “diversions” when they rose up for Mao’s China or Ho Chi Minh’s Vietnam instead of fighting firstly or at least simultaneously for the reunification of Germany, itself an emblematic victim of Soviet and American imperialism. Eichberg deplored the fact that the left wing opposition didn’t harmonize its struggle for the liberation of Vietnam with the struggle for the liberation of Germany. So at first Eichberg retained his basic opinions: create a “new right” in parallel (and not necessarily in opposition) to the “new left” but a new right where militants must be both “nationalists” and “socialists,” as Günter Bartsch recounts in the book I just mentioned. Thus Eichberg held his distance in the 1960s and 70s.

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The Magazine “Wir Selbst” as a new tribune for Eichberg

Among the mythic actions that one mentions regarding Eichberg in the framework of his “new right,” there is a protest against the conferences held by Willy Brandt with the DDR’s Prime Minister Willi Stroph in Kassel in 1970. The group assembled by Eichberg distributed tracts entitled: “The division of Germany is the division of the German proletariat.” Two years later, Eichberg drafted the founding program of a movement, Aktion Neue Rechte, whose first principle would be “the nationalism of liberation” (Befreiungsnationalismus). This “nationalism of liberation” would spread in a Europe and a world divided into two blocs, one communist, the other capitalist. This incapacitating and humiliating division thus demanded the German people’s unconditional solidarity with the combat of all ethnic minorities within states, with all the peoples deprived of their national sovereignty by the American and Soviet superpowers, also victims of this duopoly. In 1974, the militants around Eichberg founded Sache des Volkes/ Nationalrevolutionäre Aufbauorganisation (Cause of the People/National Revolutionary Construction Organization – SdV/NRAO). Eichberg clearly intended to pursue one goal: encourage the political left to take the national question into consideration. Starting from this moment, he was a persona grata in certain circles of the left. He could publish his articles in some of their organs like Pflasterstrand, das da and Ästhetik & Kommunikation. He participated in the inaugural congress of the Green Party in 1979 in Baden – Wurttemberg. He then cultivated the hope of seeing a “third way” emerge from the ecological movement, distant from the fixed ideas of the right and left. But alas, he rapidly had to note that it was an error: henceforth, he would consider the Green Party as a new bourgeois party.

Eichberg was fascinated by Rudi Dutschke’s evolution. In his last years and especially before his death, the late leader of the Berlin student protesters increasingly emphasized the idea of German national self-determination in his political thought. In 1979, Siegfried Bublies founded the magazine Wir Selbst, with a national-revolutionary inspiration as Eichberg intended. Bublies had been a permanent fixture of the “Young National Democrats” in Rhineland – Palatinate. This well organized organ would become Eichberg’s principal tribune from where he would spread his non-conformist ideas.

In this magazine, Eichberg could display his always innovative ideas, which challenged and provoked but also forced the reader to reflect, to review his unrefined convictions. Eichberg’s thought was a thought in motion, nothing frozen in immobile concepts. He didn’t affirm a concept of “nation,” but he sought, with his readers, to define something organic and living: national identity. He probed every approach to re-root the people despite the deracinating context of late capitalist industrial society, in order to relieve the loss of countries and regions under the blows of globalization and Americanization.
Ultimately, Eichberg gave up seeking to influence the German political scene. In 1982, he definitively emigrated to Denmark where he received a professorship at the university of Odense. In his Danish exile, he clearly broke more and more with right wing milieus. Much later, his former disciples would learn with stupefaction that he argued for a multicultural society in his own way. From his Danish professorship, Eichberg would acquire an international scientific renown. He became specialist in “body culture” and sport. All that was distant from the theories he professed in the columns of Wir Selbst or Volkslust. His theories on sport and body culture are very interesting but their very acute scientific character obviously doesn’t electrify militants like the innovative and pioneering texts of the national-revolutionary faction he boldly drafted in the 1960s, 70s, and 80s.

Henning Eichberg passed away in Odense in Denmark on April 22nd, 2017.

Wer trägt die schwarze Fahne

1. Wer trägt die schwarze Fahne dort durch Schleswig und Holsteiner Land?
Das sind die Bauern, das ist Claus Heim, der trägt sie in der Hand.
Sie pfändeten ihnen die Höfe weg, da bombten sie die Behörden entzwei.
Im Jahr achtundzwanzig erhoben sie sich gegen Zinsdruck und Ausbeuterei.
/ : Hervor, Leute hervor, hervor! Die schwarze Fahne empor! Denn überall,
wo das Unrecht herrscht, geht die schwarze Fahne empor.

(Who carries the black flag in the lands of Schleswig and Holstein?
It’s the peasants, Claus Heim carries it in hand.
Their farms mortgaged and taken, they blew up the government agencies!
In the year of 28, they rose against interest and exploitation)

2. Wer trägt die schwarze Fahne dort durch das Westfalenland?
Das ist der Kumpel von der Ruhr, er trägt sie in der Hand.
Sie schlossen ihnen die Zechen zu, das war das letzte mal;
im Jahr sechsundsechzig erhoben sie sich gegen Bonn und das Kapital.
/ : Hervor, Leute hervor, hervor! Die schwarze Fahne empor! Denn überall,
wo das Unrecht herrscht, geht die schwarze Fahne empor.

(Who carries the black flag in the land of Westphalia?
It’s the coal-miner of the Ruhr, he carries it in hand.
They’ve closed his mines, it’s the last time;
In the year of 66 they rose against Bonn and Capital.)

3. Wer trägt die schwarze Fahne heut` durch die gespalt`ne Nation?
Wer sprengt die Ketten, wer haut darein und kämpft für die Revolution?
Bist du dabei, bin ich dabei, heut` oder morgen schon?
Wann stürzt im Land die Fremdherrschaft vor der deutschen Revolution?
/ : Hervor, Leute hervor, hervor! Die schwarze Fahne empor! Denn überall,
wo das Unrecht herrscht, geht die Fahne der Freiheit empor.

Source: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2017/08/17/h...

dimanche, 20 août 2017

The Netherlands in the Napoleonic Wars

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The Netherlands in the Napoleonic Wars

Ex: http://madmonarchist.blogspot.com
 
At the time of the outbreak of the French Revolution, The Netherlands was still a republic, albeit a very business-minded republic with a prince, usually, holding the place of honor in government. This was the United Provinces, as they were often called, though some still referred to the area as the Spanish Netherlands to differentiate the lands from Belgium which was known as the Austrian Netherlands. Both areas were to see rebellions and upheavals and their destinies would prove to be intertwined. In the Austrian Netherlands, Catholics and leftist republicans joined forced in opposition to Emperor Joseph II to proclaim the independence of the “United States of Belgium” which was eventually suppressed by Emperor Leopold II. The trouble brewing in Belgium, where Catholic opposition to the Emperor brought about a common cause with the dissident, revolutionary sect, was the primary reason why Joseph II was probably the most anti-American and pro-British monarch on the continent during the American War for Independence as he feared the precedent this would set for his Belgian subjects.

In the United Provinces, there had long been a tension, periodically breaking out into violence, between the republican faction and the royalist faction (or ‘Orange party’) of Dutch politics with the republicans wanting to keep the country a republic and, indeed, make it even more republican while the Orange party wanted to empower the Prince of Orange and make him king. The American War for Independence also highlighted this division as the Prince of Orange, Willem V, favored the British while the republican government favored the American patriots and ultimately succeeded in bringing the Dutch republic into the war against Britain alongside the American rebels (though the Dutch did not benefit by it). As in Belgium, the Dutch republicans seem to have been inspired by the American example as illustrated by how they began calling themselves the Patriot party in opposition to the Orange party. They became even bolder until finally clashes broke out between the Patriots and the Dutch army which tended to be loyal to the Prince of Orange. The situation became so serious that it took an armed intervention by King Friedrich Wilhelm II of Prussia to see the Dutch patriots cleared out.

Prince Willem V was thus in control but only by the grace of Prussian bayonets when the French Revolution began to come to a boil and, given recent events, he was well aware of the danger of such ideology spreading. In 1792 the French declared war on Austria and prepared to invade Belgium where they expected popular support. The Prince of Orange, not being in the strongest position, held back. However, 1793 saw the regicide of King Louis XVI of France and every royal in Europe was instantly made aware of how serious this situation was. On February 1, the United Provinces, led by Prince Willem V, declared war on the French Republic, joining the “War of the First Coalition”. There was, originally, some success when an Austrian-Dutch army led by the Prince of Coburg defeated the French under General Charles Dummouriez at the Battle of Neerwinden on March 18 in Belgium, however the Prince of Orange and his Dutch troops were defeated at Menin on September 3 and another Austro-Dutch army was defeated by the French at the Battle of Wattignies in October. The Austrians on their own, as well as the British and their German comrades did no better in the face of the mass conscript armies of France.

1794 saw the last of the coalition forces driven from Belgium and the country was annexed to the French Republic and would remain so for quite some time. That same year, French forces under General Charles Pichegru invaded the Netherlands along with a contingent of anti-Orange Dutch patriots led by General Herman Willem Daendels in a surprise attack during the harsh winter. Local republican revolutionaries rose up in support of the invaders, making things even more difficult. Whereas, in the past, the French had been traditional enemies of the Dutch, the French had made themselves the most acceptable allies for Dutch, Protestant, republicans by embracing republicanism and tearing down the Catholic Church as well the monarchy. The French republicans declared that they had come to “liberate” the Netherlands and in 1795 declared the country the Batavian Republic. Defeated from without and betrayed from within, Prince Willem V was forced to go into exile in England. The new French-backed Batavian Republic was declared a “sister republic” of France, one of many such puppet-republics the French established in the wake of their armies.
 

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However, not everyone felt “liberated” by this turn of events. The behavior of the French republicans won them few friends outside the already ideologically committed and the French also annexed Flanders, Maastricht, Venlo and part of Walcheren with Flushing to France. The British, however, still had a good intelligence service operating in the area and took notice of the growing Dutch discontent with their so-called liberators and in 1799, as part of the War of the Second Coalition, launched a joint invasion of the Batavian Republic along with an Imperial Russian Army force. The British were led by the “Grand Old” Duke of York and the Russians by General Johann H. von Fersen. They were met by a Franco-Batavian (Dutch) force of about equal size but, after initial success, in battles lasting from August to November, the Anglo-Russian army was ultimately forced to retreat, leaving the Netherlands once again to the First French Republic and their local collaborators. The House of Orange had not been mere spectators to these events as the Hereditary Prince of Orange, later Willem VI, participated in the campaign alongside the British and Russians. In fact, he was instrumental in the seizure of a naval squadron known as the “Vlieter Incident” with the ships ultimately being sold to the Royal Navy.

The Prince of Orange also wrote a series of letters in 1795 known as the “Kew Letters” while in exile, instructing the governors of the Dutch colonies overseas to resist the French and cooperate with the British, in his capacity as Captain-General of the Dutch armed forces, in the hope of keeping these territories from being controlled by the Batavian Republic. Malacca, Amboina and West Sumatra (in the Dutch East Indies) did so and surrendered to the British without opposition. Cochin, or Dutch Malabar in India, on the other hand, required some “persuasion” from the Royal Artillery but, in the end, the Dutch holdings in India and Ceylon were captured by the British. Also in 1795 the British sent an expedition to seize control of the Dutch Cape Colony at the bottom of Africa. The local Dutch forces offered determined resistance but were finally compelled to surrender on September 15. Later, the British would hand the cape over to the Batavian Republic as part of a peace agreement and so another expedition would have to take it back again. When the Napoleonic Wars finally ended, the British would give back the Dutch colonies they seized, but not all of them, keeping some, such as the Cape colony, for themselves as it was a highly prized strategic chokepoint, controlling access to and from the Indian Ocean and south Atlantic.

Meanwhile, in 1803, Jan Rudiger Schimmelpenninck was elected President of the Batavian Republic but things began to change thanks to the grander aspirations of one Napoleon Bonaparte. After succeeding in making himself “Emperor of the French”, the client republics that France had set in neighboring countries suddenly received an upgrade to become client monarchies. In 1806 the Batavian Republic, at the behest of its French masters, became the Kingdom of Holland and the Emperor Napoleon awarded the new Dutch kingdom to his brother Louis (originally Luigi) who became King Ludwig I of Holland (or to be more precise, Lodewijk I). This led to a rather unusual situation as the new King Ludwig proved to be quite popular with his new Dutch subjects. Unlike, for instance, Napoleon’s older brother who became King of Spain, many Dutch people embraced their new monarch or, at least, did not dislike or oppose him. To his credit, Ludwig I took his new position seriously and tried to be a good king. That, however, ultimately led to trouble with his brother. King Ludwig I was supposed to be little more than a puppet but he was a puppet who tried to pull his own strings and when Dutch and French interests conflicted, Napoleon expected French interests to prevail. However, his brother actually stood up for Dutch interests which caused Napoleon no small amount of frustration (and at a time when he had much to be frustrated about).

Louis_Napoleon.jpgThis tension between the two Bonaparte brothers was exacerbated by the effort of the Emperor Napoleon to defeat Britain by means of economic strangulation. He instituted the Continental System which forbid France and all countries controlled by or allied with France from trading with the British which, as it turned out, proved more ruinous for the continent than it did for Britain and particularly for The Netherlands which had a heavily trade-based economy. Needless to say, smuggling soon reached epidemic proportions because of this and Napoleon was so desperate to stamp it out that in 1810 he simply annexed the Kingdom of Holland and it was absorbed into the French Empire. The former King Ludwig I, by then none too popular with his brother, fled into exile in the Austrian Empire and remained there for the rest of his life. So it was that, until 1813, the Dutch, willingly or not, mostly fought alongside the French under Napoleon. For some, this did not seem all that unnatural given the long history of Anglo-Dutch rivalry and warfare.

Because of this situation, there were prominent Dutch military men on both sides of the conflict. General Jan Willem Janssens had fought against the British at the Cape Colony and Java, was made Secretary-General for War for the Kingdom of Holland by Louis Bonaparte and then, after annexation, fought for Napoleon under Ney in the War of the Sixth Coalition. He would later serve as War Minister for the Kingdom of the United Netherlands in the last campaign against Napoleon. General David Hendrik Chasse, regarded by many as the best Dutch soldier of the period, was from the Patriot party and commanded the Dutch brigade that fought for Napoleon in Spain for which exploits he was elevated to baron. He carried on in French service after the annexation but remained bitter about it though he won decorations and promotions for outstanding service, even being credited with saving the French army at the Battle of Maya. For his offensive spirit and fierce attacks, Napoleon nicknamed him, “General Bayonet”. He too though would later fight against Napoleon as commander of the Third Netherlands Division during the Waterloo campaign. Later still, he would defend Antwerp during the Belgian Revolution.

One soldier of the Dutch army who fought against the French revolutionaries as well as Napoleon the whole way was not actually Dutch but a Swiss professional soldier; Jean Victor de Constant Rebecque. He first came to France as part of the Swiss Guard protecting the King. He survived the massacre of his regiment during the Revolution and from there was employed by the Dutch, serving in the regiment of Prince Frederick. When the French conquered the United Provinces, he served with the British and later the Prussians before returning to the British along with the Prince of Orange during the Peninsular War under the Duke of Wellington. After the downfall of Napoleon, according to a previous agreement by the major allied powers, the former United Provinces as well as Belgium were to be united into one country with the Prince of Orange as its monarch. This would be the Kingdom of the United Netherlands which would officially come into being in 1815, combining the Seven Provinces, Belgium and Nassau, though Nassau would later be traded for Luxembourg. This was because the allies wanted a strong monarchy as a buffer between the French and the Germans. Rebecque was instrumental in organizing the Dutch-Belgian army and would serve as Quartermaster-General and chief aid to the Prince of Orange (commander of the Allied I Corps) in the Waterloo campaign.

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Prince Willem V of Orange was long since gone by then, having died in exile in Germany in 1806 (in fact, his body was only reburied in The Netherlands in the 1950’s). He was succeeded by his son Prince Willem VI of Orange, however, in 1813 he had, with the downturn of fortune for Napoleon, returned to the Netherlands and received quite a warm welcome, almost everyone by that time having turned against the French. In 1815, with the support of the allies, he proclaimed himself King Willem I of the United Netherlands, also becoming, in due course, Grand Duke of Luxembourg. His son and heir was the Prince of Orange who would fight on more than one battlefield as chief deputy to the Duke of Wellington with his old military tutor Rebecque as his ‘right hand man’. Unfortunately, the military reputation of the Dutch, particularly as it concerns the Waterloo campaign, has suffered considerably and quite unjustly at the hands of their British allies, both in accounts from participants, post-war historians and even television filmmakers.

Probably because so many had fought with the French, the British may not have been inclined to trust the Dutch too much and, in addition, there was the already mentioned long history of Anglo-Dutch rivalry in trade, colonial expansion and naval supremacy. Whatever the cause, the British quite unfairly ridiculed and derided the Dutch participation in the Waterloo campaign. More recently, historians have done serious research, not simply repeating what others wrote before them and have found that the standard British version of events was not true, indeed, in some cases was shown to be impossible. The truth is that the Dutch-Belgian army played a critical part in the final campaign against Napoleon. Indeed, if Rebecque had not countermanded an order from Wellington so that the Dutch-Belgian troops stayed and fought at the crossroads of Quatre Bras, the British would not have been able to occupy the choice position that Wellington had picked out to do battle at Waterloo. The Prince of Orange himself, has often been portrayed in a grossly exaggerated way as being totally incompetent. This is also not true. Though the Prince of Orange certainly made some mistakes, they were not due to incompetence but simply to his lack of experience.
 

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As it happened, the troops with the orange cockades acquitted themselves well and, again, if the Dutch forces had not held off the French for as long as they did at Quatre Bras, the subsequent defeat of Napoleon at Waterloo might never have happened. However, it did and so King Willem I was secure on his throne, achieving what almost all the Princes of Orange before him had dreamed of since the winning of Dutch independence. As things were established, he was also pretty much an absolute monarch, though that situation would not survive him. The French Revolution and Napoleonic Wars could be seen as the fire in which the modern Kingdom of the Netherlands was forged. At the beginning of the era, they were a republic, the Seven Provinces which was often called the United Provinces but which were far from united. Crippled by the feuds between the orange and patriot parties, the country was an easy victim of the revolutionary French. However, they endured and finally fought their way back, emerging as a strong and, mostly, united kingdom. Belgium and Luxembourg was part from them in time but for the Netherlands itself, the Napoleonic Wars were a pivotal moment in history. The Dutch had gone in as a republic but emerged as a monarchy.

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