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lundi, 12 mai 2014

Le Bulletin célinien n°363 - mai 2014

Le Bulletin célinien n°363

mai 2014

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°363.

Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Bloc notes (In memoriam Serge Perrault — Vera Maurice)


- M. L. : François Gibault, notable hors norme


- Arina Istratova & Marc Laudelout : Rencontre avec Serge Perrault


- Eric Mazet : Le docteur Destouches à l'école de la Société des Nations


- M. L. : Jean Guenot

 

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.


Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).

Courriel : celinebc@skynet.be.

mercredi, 07 mai 2014

Un monde de moins en moins sédentaire

La revanche des nomades
 
Un monde de moins en moins sédentaire

Jean Ansar
Ex: http://metamag.fr
 
orsenna.pngLors d’une conférence de présentation de son dernier livre Mali ô Mali, l’académicien Eric Orsenna a développé l’une de ses réflexions sur l’évolution des sociétés. Elle mérite d’être reprise et méditée.

L’histoire du monde a été une histoire de migration avec une suprématie des nomades. L’apogée de l’impérialisme nomade terrorisant le monde agricole et urbain est sans doute à fixer lors des conquêtes mongoles pendant et après Gengis khan. La fortification et l’artillerie ont marqué le début du reflux des nomades. Le nomade a été marginalisé et parfois sédentarisé de force comme les indiens de l’Amérique du nord. Les peuples du désert que sont les Bédouins et les Touaregs ou ceux des steppes d'Asie centrale pratiquent encore ce mode de vie. Néanmoins, les États que ces nomades traversent tentent le plus souvent de les sédentariser.

Le nomadisme résiduel est une survivance du passé

L'humanité a vécu à l'état nomade durant tout le Paléolithique, avec l'Australopithèque, Homo habilis, Homo erectus, Homo heidelbergensis, Homo neandertalensis et, vers la fin du Paléolithique, avec Homo sapiens. Il y a ensuite l'époque mésolithique durant laquelle elle est devenue peu à peu semi-nomade pour commencer à se sédentariser durant le Néolithique.
Le nomadisme est souvent associé à une organisation sociale de type tribal ou à ce que les anthropologues appellent « une société segmentaire » c'est-à-dire une société structurée en lignages, clans, tribus et éventuellement confédérations tribales : de nos jours, seul ce type de sociétés pratique une économie nomade ou semi-nomade.

9782234063365FS.gifOr le nomadisme est de retour. C’est incontestable. Orsenna a raison et voit juste sur ce point. Le terrorisme islamiste est nomade et s’empare de territoires vastes où ses combattants font du nomadisme. La piraterie, nomadisme des mers est  également revenue. Les entreprises qui délocalisent sont nomades, la finance internationale est nomade et surtout le monde de l'internet est par définition un monde nomade. La civilisation sédentaire, quant à elle, doute de ses valeurs.

Le nomadisme islamiste est une résurgence du passé avec une forte identité religieuse, il s’oppose presque à l’autre nomadisme celui, sans racines historiques, de la technologie. Nomadisme du passé que l’on veut rétablir contre modernité coupé justement du passé.

On peut donc aller au-delà de la réflexion d’Orsenna et  considérer que le grand affrontement de demain sera entre un nomadisme du désert, un nomadisme archaïque et un nomadisme moderniste de la toile, de la finance et de la technologie. Quand le passé réinvente le futur, l’avenir peut vite se trouver dépassé.

Mali, ô Mali, d'Erik Orsenna, Editions Stock, 416 pages, 21.50€.

mardi, 06 mai 2014

Jean Anouilh, un classique au purgatoire

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Jean Anouilh, un classique au purgatoire

Ex: http://www.lespectacledumonde.fr
Sous un masque de « vieux boulevardier », Jean Anouilh ne cessa, en réalité, d’être un jeune insoumis, un « indécrottable » insurgé contre les idéologies modernes. Interprété, de son vivant, par les plus grands acteurs français et étrangers, il fut un des auteurs majeurs du XXe siècle. Le centenaire de sa naissance est célébré fort discrètement.

Le théâtre d’Anouilh, s’il traverse aujourd’hui, spécialement en France, un certain purgatoire tant sur scène que dans la critique, s’impose néanmoins comme l’un de plus représentatifs du XXe siècle. » Ainsi s’exprimait, en 2007, Bernard Beugnot dans son introduction aux Oeuvres complètes d’Anouilh, publiées dans la collection de la Pléiade à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort. Trois ans plus tard, à l’occasion, cette fois, du centenaire de sa naissance, ce constat reste, hélas, vrai. Seuls quelques spectacles – dont une remarquable reprise (qui s’est achevée le 30 mai) de Colombe (1951), à la Comédie des Champs- Elysées, mise en scène par Michel Fagadau, avec Anny Duperey et sa fille Sara Giraudeau, retransmise en direct, le 15 mai, sur France 2 – et un hommage prononcé par Michel Galabru, aux molières, le 25 avril, sont venus raviver sa mémoire.

N’était son Antigone, succès de librairie et fortune des éditions de la Table Ronde grâce aux professeurs de français, qui s’attarderait encore aujourd’hui à faire découvrir Anouilh à nos jeunes étudiants ? Ce désormais classique du théâtre attend toujours au « purgatoire » des scènes françaises. Pourtant, de son vivant, Anouilh a été interprété par les plus grands acteurs français et étrangers : Jean-Louis Barrault, Bernard Blier, Michel Bouquet, Pierre Brasseur, Suzanne Flon, Paul Meurisse, les Pitoëff, Madeleine Renaud, Jean Vilar, Michel Simon, Jean-Pierre Marielle, Michel Galabru, Richard Burton ou Laurence Olivier. Faut-il y voir là, comme pour Montherlant, mutatis mutandis, l’effet d’une certaine critique lui ayant taillé un costume de vulgaire boulevardier ? Aurait-il également pâti des mutations du théâtre contemporain opposant le théâtre dit littéraire au théâtre des metteurs en scène ? Certainement. Alors qu’on joue encore Ionesco ou Beckett, Anouilh reste peu joué malgré une oeuvre imposante : une cinquantaine de pièces écrites en un demi-siècle.

Son « tort » aura peut-être été d’arriver trop tard ou trop tôt. Né quatre ans avant la Première Guerre mondiale (il vit le jour à Bordeaux le 23 juin 1910), parvenu au faîte de sa carrière dès l’âge de trente ans, il appartient à une génération occultée par l’avant-garde qui s’emparera des scènes de l’après-guerre. Homme de tradition plutôt que de rupture, Anouilh est entré au théâtre dans l’ombre des maîtres d’avant-guerre et par la petite porte.

Fils d’un tailleur et d’une pianiste d’orchestre d’Arcachon, les premiers spectacles auxquels assiste le jeune homme sont des opérettes du casino de la ville. « Je crois (c’est assez sot), expliquera- t-il plus tard, que c’est ce qui m’a donné envie de faire du théâtre. » A dix ans, il écrit déjà des pièces en vers dans le style d’Edmond Rostand, et avoue avoir eu sa « première impression d’auteur dramatique » à seize ans, lorsqu’il réussit à écrire une pièce aussi longue qu’une vraie, intitulée la Femme sur la cheminée. Provincial « monté à Paris », il fait la connaissance de Jean-Louis Barrault au lycée Chaptal. Après avoir assez vite abandonné ses études de droit et fait une courte carrière de rédacteur en publicité, c’est grâce à Louis Jouvet qu’il pénètre dans le monde du théâtre. Engagé à la Comédie des Champs-Elysées pour lire les manuscrits et composer les salles des générales, il découvre le milieu théâtral parisien. « De vivre tous les jours dans un théâtre a failli me dégoûter de faire du théâtre », écrira-t-il à Pierre Fresnay. En effet, Jouvet se montre très dur avec lui. Il profitera, cependant, de cette expérience pour affiner son goût et son écriture.

C’est à cette même époque qu’il découvre l’auteur qui va transformer sa conception de l’écriture dramatique : Jean Giraudoux. Avec lui, il comprend enfin qu’il existe une langue poétique au théâtre, une langue artificielle, certes, mais plus authentique, plus précise aussi qu’une simple conversation écrite. Héritier du baroque, Anouilh considère que le théâtre n’a pas, en effet, à « faire bêtement vrai », à tendre au « réalisme », voire à ce voyeurisme de « l’œil collé au trou de la serrure », mais, au contraire, à saisir l’essentiel à travers le factice et le faux (dans la forme) afin de mettre en valeur un « vrai éternel ». « Siegfried [de Giraudoux] m’a révélé que le style, les idées peuvent avoir leur place dans une œuvre scénique. J’entends par style : le mot juste mis à sa place. » Cela restera un des modèles et une des règles d’écriture de celui qui affirmait que « le spectacle, fête des yeux, doit être aussi fête de l’esprit ». Le jeune dramaturge se situera donc dans cette tradition théâtrale française, ce théâtre du texte dit « littéraire » où l’expression compte beaucoup. A l’instar de Molière, Marivaux ou, plus tard, Musset puis, bien sûr, Giraudoux, Anouilh affectionne « la phrase courte, serrée, musclée […], la phrase construite, la phrase française complète, avec le mot, l’adjectif et le verbe ». Ce n’est pas pour rien que, selon ses dires, il aurait aimé vivre au XVIIIe siècle, le grand siècle de la conversation. Pour autant, il n’ignore pas les auteurs modernes, tels Pirandello ou, plus récents encore, Ionesco, Beckett, ou encore Adamov, partageant avec eux certaines préoccupations métaphysiques.

De fait, ses premières œuvres apparaissent marquées par l’existentialisme et une vision très pessimiste de la nature humaine. Ainsi en va-t-il, notamment, de l’Hermine, sa première œuvre sérieuse écrite alors qu’il travaillait encore chez Jouvet, et qui inaugure le cycle des « Pièces noires ». Séduit, Pierre Fresnay la montera au théâtre de l’œuvre en 1932. C’est un premier succès d’estime (37 représentations) mais, surtout, la révélation d’un nouvel auteur dramatique. Conquis par le romantisme encore juvénile qui se dégage de l’œuvre, Robert Brasillach parlera à son sujet de « mythe du baptême ». Déjà, en effet, cette pièce qui met en scène la soif de pureté absolue habitant les deux personnages – Frantz, un jeune homme pauvre tombé amoureux de Monime, une belle aristocrate –, donne le ton d’une œuvre qui sera marquée par une quête quasi mystique et impossible de l’absolu. Une quête notamment incarnée par des personnages féminins animés d’une grande force morale en même temps que d’une touchante fragilité : Thérèse dans la Sauvage (1938), Nathalie dans Ardèle ou la Marguerite (1948), Jeanne dans l’Alouette (1953) et, bien sûr, Eurydice et Antigone dans les pièces éponymes (1942 et 1944).

Mais le vrai premier succès de Jean Anouilh viendra quelques années plus tard, en 1937, avec le Voyageur sans bagage, une pièce mise en scène par Georges Pitoëff, qui le confirme comme un auteur dramatique à part entière. Inspirée de Siegfried, de Giraudoux, cette œuvre constitue un tournant dans la carrière d’Anouilh, qui prend alors conscience « d’avoir franchi une frontière, celle du réalisme ». Dans cette histoire d’un homme devenu amnésique qui refuse le poids de son passé et de sa famille, il réaffirme une thématique qui deviendra récurrente dans son théâtre.

L’année suivant cette réussite inattendue – près de 200 représentations ! –, le jeune auteur fait la connaissance d’André Barsacq, qui deviendra pendant une décennie son metteur en scène attitré. Leur collaboration commence avec le Rendez-Vous de Senlis, « pièce rose » mais teintée de noir qui représente une sorte de double inversé du Voyageur sans bagage. Cette fois, c’est Georges, le personnage principal, qui se construit un passé de rêve en engageant des comédiens afin de conquérir la belle Isabelle. Monté en 1941, c’est encore un succès critique et public qui consacre l’auteur comme un des meilleurs dramaturges contemporains.

C’est alors, en pleine Occupation, que lui vient le projet d’écrire une adaptation moderne de l’Antigone de Sophocle. La première de cette nouvelle Antigone aura lieu au théâtre de l’Atelier, en février 1944. C’est immédiatement un succès dû, en partie sans doute, au fait que la pièce a été – et reste encore – analysée en fonction du contexte politico-social du moment. Elle suscite des réactions contradictoires, mais l’ambiguïté du texte laisse toute liberté d’interprétation : Créon incarne-t-il Vichy et Antigone la Résistance ? Peut-être. Mais Breton ira jusqu’à écrire qu’elle était l’œuvre… d’un Waffen SS ! Longtemps – jusqu’à aujourd’hui ? –, certains feront peser sur Anouilh le soupçon de « collaboration » pour avoir fait représenter cette pièce à cette époque, mais aussi pour avoir livré des textes (uniquement littéraires) à Je suis partout et pour avoir signé, à la Libération, la pétition en faveur de la grâce de Brasillach. Les mêmes oublieront, évidemment, que, aux pires moments des persécutions antisémites, Anouilh cacha chez lui la femme d’André Barsacq, juive d’origine russe, et qu’il donna des nouvelles à la revue antinazie Marianne. Et les mêmes, en revanche, ne s’offusqueraient pas que, ayant fait représenter les Mouches, en 1943, puis Huis clos, en mai 1944, qu’ayant donné plusieurs articles à la revue Comoedia, contrôlée par la Propaganda-Staffel, Jean-Paul Sartre se fût métamorphosé en « héros » de la Résistance, allant jusqu’à siéger au Comité d’épuration des écrivains. Ces procès d’intention, l’exécution de Brasillach et, plus largement, les horreurs de l’Epuration venant après les horreurs de l’Occupation, laisseront en Anouilh des traces indélébiles et une amertume qui allait rehausser d’ironie une écriture déjà très noire. « J’ouvre les yeux, je vois partout la lâcheté, la délation, les règlements de comptes. Je suis d’un coup devenu vieux en 1944, voyant la France ignoble », confessera-t-il trente ans plus tard. De ce temps-là, les allusions sarcastiques aux représailles de 1944-1945 deviendront fréquentes, depuis Ornifle (1955) jusqu’à Tu étais si gentil quand tu étais petit (1972).

Avec Ardèle ou la Marguerite (1948), Anouilh inaugure la série des pièces dites « grinçantes », celles où éclateront avec le plus de brio ses réparties incorrectes, et qui culmineront avec Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes. Lors de sa création, en 1956, cette satire des tribunaux révolutionnaires de 1793 visant, en réalité, les cours de justice de l’Epuration, scandalise la critique, mais triomphe auprès du public : la pièce sera représentée un an et demi à guichets fermés. La comparaison qu’il dresse entre la Libération et la Terreur allait contribuer à asseoir la – mauvaise – réputation d’Anouilh, et faire de lui un véritable empêcheur de penser en rond sur scène.

antigone.jpgDeux ans plus tard, en 1959, il inaugure la série des « Nouvelles Pièces grinçantes » avec l’Hurluberlu ou le Réactionnaire amoureux, dont le titre constitue en soi une forme de provocation. Cycle qui devait se clore en 1970, avec les Poissons rouges ou Mon père ce héros, réquisitoire sévère et d’apparence cocasse contre une certaine forme de société, faisant allusion à Mai-68, mais aussi à la grande rupture de 1940- 45. Entre-temps, dans ses « Pièces costumées », il aura abordé des sujets historiques qui prouvent une belle maîtrise en la matière : l’Alouette (1953) – sur Jeanne d’Arc –, Becket ou l’Honneur de Dieu (1959) – sur le meurtre, en 1170, de l’archevêque de Cantorbéry –, la Foire d’empoigne (1962) – sur les Cent-Jours. Comédie-ballet, de moeurs ou d’intrigue, farce, drame, comédie ou tragédie, jusqu’à sa mort, en 1987, Anouilh aura touché à tous les genres de théâtre, ce qui ne facilitera pas la tâche des taxinomistes en chaire. S’il revendiquait pour lui-même le qualificatif de « vieux boulevardier indécrottable », c’était en pensant à la tradition italienne de la commedia dell’arte issue des atellanes latines dans le sillage de Molière, son maître. Mais, sous le masque du « vieux boulevardier », Anouilh révèle également une figure de jeune insoumis. Sensibilité inquiète et libertaire, révolté de l’intérieur à l’image de ses personnages féminins, Anouilh prône une insurrection des âmes contre la médiocrité, la banalité et la duplicité. Une insurrection tout aristocratique qui prend pour cible les lieux communs du progressisme sous toutes ses formes (égalitarisme, démocratisme, relativisme, etc.) et le range définitivement du côté des réactionnaires invétérés.

Pourtant, comme l’a noté Laurent Dandrieu dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles (« Anouilh ou la pureté impossible »), « sa description sans aménité du carcan de la famille et sa haine des valeurs bourgeoises auraient dû lui valoir des circonstances atténuantes » de la part de ses coreligionnaires de gauche. Mais non. Loin de l’avant-garde d’aprèsguerre, hors des modes et à l’écart des idéologies modernes, Anouilh reste un auteur singulier dans le théâtre français du XXe siècle, préservé des avanies du temps et des commentateurs. Son œuvre en conserve d’autant plus de fraîcheur et de profondeur, malgré certains aspects délicieusement désuets, et, à la relecture, aujourd’hui comme Jean Dutourd hier, on peut encore s’exclamer : « Que c’est délicieux et inattendu, un auteur qui défend la noblesse de caractère, l’insouciance, la légèreté, l’esprit contre la bassesse d’âme et la cuistrerie ! »

A lire Théâtre de Jean Anouilh, édition établie par Bernard Beugnot, Gallimard, collection la Pléiade (2007), 2 volumes : 1504 et 1584 pages, 69 € ; Pièces brillantes, Pièces grinçantes, Pièces roses, Pièces noires, Pièces costumées, Nouvelles Pièces grinçantes, Pièces baroques, Pièces secrètes, Pièces farceuses de Jean Anouilh, la Table Ronde, collection la Petite Vermillon (2008).
 

lundi, 05 mai 2014

Pierre Gripari, un Martien si fraternel

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Pierre Gripari, un Martien si fraternel

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Ex: http://www.lespectacledumonde.fr
Il y a exactement vingt ans, Pierre Gripari nous quittait. Les plus anciens lecteurs du Spectacle du Monde se souviennent certainement des portraits d’écrivains qu’il y donnait. Jean Dutourd a dit de lui qu’il fut, avec Alexandre Vialatte – autre collaborateur de haut vol de notre revue –, le grand méconnu des lettres françaises. Il est temps de le (re)découvrir.

Les gens ne veulent pas le croire, mais les Martiens existent, un homme les a rencontrés : l’écrivain Pierre Gripari. On raconte même qu’il en était peut-être un, lui l’auteur d’une mémorable trilogie martienne (Moi, Mitounet-Joli, 1982 ; le Septième Lot, 1986 ; et les Derniers Jours de l’Eternel, 1990). Tous ceux qui l’ont côtoyé vous le diront : Gripari ne vivait pas vraiment sur Terre, il y campait seulement, créature en transit, emprisonné dans le corps d’un auteur français, né, selon l’état civil, à Paris, le 7 janvier 1925, et mort – enlevé plutôt – dans cette même ville, le 23 décembre 1990, il y a tout juste vingt ans. Sur les registres, était inscrit qu’il avait pour mère et père « une sorcière viking » et « un magicien grec », mais en réalité, c’était un orphelin des étoiles qui a fait une longue escale sur notre planète.

Peut-être y a-t-il eu un malencontreux accident à sa naissance, un peu comme dans La vie est un long fleuve tranquille. On aurait alors interverti les bébés. Gripari se serait ainsi retrouvé avec des parents terrestres, lui l’extraterrestre. Disant cela, on ne brode pas sur un thème cher à l’auteur des Rêveries d’un Martien en exil (1976). Non, la révocation du monde est le préalable à l’œuvre griparienne. Elle est née d’un coup d’Etat : il n’y a rien, pas d’origine divine, ni d’ascendance humaine. 

De là vient que les héros de Gripari sont des enfants, des fées, des lutins, des animaux, des centaures et des surhommes. Telle était sa vraie famille. Son oeuvre est traversée par une volonté d’exhominisation. Les personnages aux noms et prénoms si cocasses qui la jalonnent le prouvent abondamment : dans la Vie, la Mort et la Résurrection de Socrate-Marie Gripotard (1968), le héros éponyme est un mutant nietzschéen ; Charles Creux, dans Frère Gaucher ou le Voyage en Chine (1975), un fantôme ; Roman Branchu, dans les Vies parallèles de Roman Branchu (1978), une probabilité déroutante dans un univers de possibles. 

Tout apparente Gripari aux créatures mythologiques dont il peuplait son univers, tour à tour cyclope, mère-grand, Petit Poucet, Chat botté, Merlin l’enchanteur. Un homme à la croisée des mondes, vivant dans plusieurs dimensions, chacune d’entre elles communiquant avec les autres. C’est cela le fantastique : la pluralité des mondes, l’aptitude à glisser d’un univers à l’autre, du réel à l’imaginaire, du mythique au fantastique, du trivial au poétique.

Gripari commençait sa phrase sur Terre et la finissait sur Mars. Ou plutôt l’inverse, tant il a su renverser la perspective habituelle de la science-fiction, un peu à la manière de Montesquieu dans les Lettres persanes : ce ne sont plus des hommes qui partent à la découverte des extraterrestres, mais des Martiens qui viennent explorer cette espèce étrange – l’homme.

pg27745.gifDans l’excellent petit ouvrage qu’ils viennent de lui consacrer, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa disparition, Anne Martin-Conrad et Jacques Marlaud nous rappellent quel homme étrange il fut, lui qui mena une vie ascétique de vieux garçon dans de modestes meublés sans confort, moitié Diogène des temps modernes vivant dans un tonneau sommairement aménagé, moitié franciscain parlant d’égal à égal à frère Martien et soeur Sorcière. C’est là qu’il vivait, dans un dénuement heureux, avec une table en Formica, pour prendre de frugaux repas, écrire et rêver, habillé comme un chiffonnier d’Emmaüs de chandails mités et de chemises qui sortaient du pantalon, toujours en espadrilles, été comme hiver, comme échappé d’un film de Jacques Tati, animal pataud habité par la grâce des poètes, dont le sourire désarmait les douaniers et les enfants.

Il était volontiers scabreux, souvent saugrenu, toujours lunaire, pareil, finalement, à son Pierrot la Lune (1963), titre de son premier livre, sa seule autobiographie. Il tutoyait tout le monde, à commencer par son lecteur, qu’il installait d’emblée dans une relation de fraternelle complicité. La voie haut perchée, faite pour réciter des fables d’Esope ou contrefaire des bruits d’animaux, il n’avait pas son pareil pour lire des textes, coassant, barrissant, mugissant, autant qu’il parlait. Ensuite, il partait d’un rire « hénaurme ». Ce n’était pas un rire, mais l’expectoration d’un ogre jovial. Tout était inattendu chez lui, comme en physique aléatoire. On ne savait jamais quelle direction allait emprunter sa conversation, ni quels contours dessineraient ses récits. Il était unique – on l’est tous, mais lui l’était superlativement. C’était un ovni qui professait des idées hétérodoxes dans tous les domaines, se définissant de préférence comme un homosexuel athée, misogyne et fasciste. Ce n’était pas une carte de visite qu’il vous jetait à la face, mais un casier judiciaire. Il était tout cela, certes, mais d’une façon si inhabituelle, si peu convenue, si peu bornée, qu’il intriguait et subjuguait jusqu’aux hétérosexuels les plus intransigeants et aux chrétiens les plus fervents.

Gripari a payé un lourd tribut à son inimitable liberté de ton. Quoiqu’il ait laissé derrière lui quelques-uns des livres les plus originaux de notre temps, la plupart de ses ouvrages sont confinés aux rayons pour enfants. L’oeuvre pour adultes, qui réunit pourtant des romans bizarres, des fantaisies géniales, des contes loufoques ou profonds, des dialogues hilarants, des pièces de théâtre ambitieuses ou légères – son premier succès a d’ailleurs été sur les planches, le Lieutenant Tenant (1962), qui lui vaudra l’amitié de Michel Déon –, des poèmes facétieux et drolatiques, cette oeuvre pléthorique reste dans l’ombre des Contes de la rue Broca (1967), adaptés à la télévision, et des Contes de la Folie- Méricourt (1983).

A l’heure où l’oeuvre de Sade a quitté l’enfer des bibliothèques, celle de Gripari est ainsi venue l’y remplacer. On la tient soigneusement à l’écart, trop dérangeante, comme sa Patrouille du conte (1982), parabole étourdissante et prémonitoire du politically correct à la française : une patrouille d’enfants reçoit pour mission d’aller faire la police dans le royaume si peu démocratique du conte ; sa feuille de route : l’épurer de tous ses reliquats féodaux et monarchiques. L’affaire tourne mal, comme on s’en doute.

Gripari racontait des histoires dont il était sûr « qu’elles ne sont jamais arrivées, qu’elles n’arriveront jamais », vivant de plain-pied dans le merveilleux, sans jamais tenir compte de l’absurde convention qui veut qu’il n’y ait qu’un niveau de réalité. Dès lors, tout devenait possible, la Terre pouvait être plate et l’Amérique ne pas exister, comme dans l’Incroyable Equipée de Phosphore Noloc (1964).

Ses romans sont des bric-à-brac enchantés, des bibliothèques remplies de vieux grimoires qui s’animent comme dans des histoires de revenants. Il y avait en lui quelque chose de jungien en cela qu’il considérait le matériau des contes et des mythes comme des invariants inscrits depuis toujours dans l’inconscient collectif de l’humanité. A charge pour nous de les revisiter. Ce qu’il fit. Mythologie grecque, cycle arthurien, sagas scandinaves, romantiques allemands (Hoffmann en tête), tout y passa.

On trouvait de tout dans sa boîte à malices d’écrivain. Il lisait dans le texte quantité de littératures étrangères. Cette curiosité le conduisit à écrire du théâtre selon les règles du Nô japonais, des poèmes érotiques, des romans par lettres, des fabliaux médiévaux, des chansons de geste. Mais la forme qu’il chérissait le plus, c’est le conte ; un genre qui remonte à la plus Haute Antiquité et à la plus lointaine enfance, à la fois sans âge et éternellement jeune. Ainsi de l’auteur de l’Arrière-Monde et autres diableries (1972) et des Contes cuistres (1987), grand prix de la nouvelle de l’Académie française. On ne le dira jamais assez, Gripari a été pour le XXe siècle ce que furent Charles Perrault pour le XVIIe siècle et les frères Grimm pour le XIXe siècle : le conteur, le diseur, le fabuliste de notre temps, celui qui donne à l’homme son indispensable nourriture onirique, l’architecte de nos songes.

C’était un décathlonien de la littérature, un auteur complet qui exerçait son art en généraliste, s’essayant à tous les genres littéraires, qu’il respectait scrupuleusement. Sur la forme. Pas sur le fond. C’est le fond qui est original chez lui. Sa langue procédait plus de la tradition orale que des écritures sophistiquées, privilégiant le rythme à la mélodie et l’expression dramatique aux effets de style. Grec d’origine, mais non byzantin. Si d’ailleurs il restait méditerranéen par la forme – claire et précise –, par le fond, il était celte, germanique, septentrional.

De toute sa tribu de personnages, un être, entre tous, se détache : Dieu. C’était pour lui le personnage de fiction par excellence, il le mettait en scène inlassablement. Yahvé, Zeus, Osiris, Baal, Allah, toujours le même, toujours recommencé, avec ou sans barbe, cruel ou facétieux. On pourrait presque dire de son œuvre qu’elle est une exégèse sauvage et romancée de la Bible, qu’il a lue et relue avec une sorte de virginité critique, même si sa lecture n’est pas sans rappeler celle de Marcion, l’un des premiers hérésiarques du christianisme.

Dans son esprit, la création du monde s’apparentait à un faux départ. Au commencement, il y eut un raté céleste, un couac divin, un accident originel, qu’il s’agisse de la Genèse, du big bang ou de la naissance de l’auteur. Quelque chose a cloché. Dieu créa le monde et il vit que cela n’était pas bon. Il faut tout reprendre à zéro, depuis le début. C’est là qu’intervient Gripari, démiurge bricoleur muni de sa baguette magique, comme dans Diable, Dieu et autres contes de menterie (1965).

Avec cela, joyeusement pessimiste. Si la vérité, c’est le vide absolu – et elle n’était rien d’autre pour lui –, il faut de toute urgence remplir ce vide, faute de quoi il nous absorbera, pareil à un trou noir. D’où sa fantaisie potache, ses contrepèteries incessantes, son « oui » nietzschéen au vide autant qu’à la vie. Quoique placidement désespérée, sa philosophie était amicale, allant chercher la sagesse là où elle s’est exprimée avec le plus de vigueur et de sérénité, chez Lucrèce, Maître Eckhart, Marc Aurèle, Epicure et quelques autres. Il a rassemblé leurs dits et paroles dans une anthologie, l’Evangile du rien (1980), qui dessine en creux le visage du récipiendaire, un peu comme dans Frère Gaucher, roman épistolaire où le personnage principal se dégage à partir des lettres qu’il reçoit.

Nul doute que le monde était pour lui froid, hostile, inhospitalier. Mais la littérature est là, qui le réchauffe. De tous les écrivains qu’il lisait et relisait jusqu’à plus soif, avec l’entrain d’un enfant que rien ne peut épuiser, c’était vers Dickens, l’écrivain chaleureux de l’enfance malheureuse, qu’il se tournait le plus souvent. Le vent mauvais, la pluie glacée, l’hiver de la vie s’arrêtent au seuil des livres de Dickens. On pourrait en dire autant de ceux de Gripari.

Gripari est entré en littérature comme on entre en religion. Le grand éditeur de sa vie, Vladimir Dimitrijevic, directeur de l’Age d’Homme, disait que « la littérature a été sa véritable patrie ». Il avait une confiance absolue en elle. « J’écris, confiait-il, pour être aimé longtemps après ma mort, comme j’ai aimé Dickens. J’écris pour faire du bien, comme Jack London m’a fait du bien, à quelques individus que je ne connaîtrai jamais, dont les pensées ne seront pas les miennes, qui vivront dans un monde que je ne puis concevoir. » Lui qui n’est plus, le voilà maintenant pareil à Dickens et Jack London, grand frère qui nous a précédés dans la grande aventure de la vie et se tient, tout sourires, au carrefour des existences, prêt à faire un bout de chemin avec chacun d’entre nous.

A lire Gripari, d’Anne Martin-Conrad et Jacques Marlaud, éditions Pardès, collection « Qui suis-je ? » (2010), 128 pages, 12 €.

samedi, 03 mai 2014

Albert Camus et l’ordre du monde

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Pierre Le Vigan:

Albert Camus et l’ordre du monde

Conférence au Cercle George Orwell, 9 avril 2014

Qu’est ce qui caractérise la pensée d’Albert Camus ? L’amour du monde et le souci de l’homme. En d’autres termes, c’est l’amour du monde et le souci de la justice. Plus encore, il convient de dire : l’amour du monde et le souci d’être juste. La justice n’est en effet pas une question extérieure à l’homme, c’est une exigence qu’il incombe à chacun de porter. De là est issue la conception camusienne de la responsabilité de l’homme. Il en ressort que l’écrivain Albert Camus rejette l’historicicisme. Il y a chez Camus une double dimension : éthique, et c’est le souci d’être juste qui doit animer l’homme, et esthétique. C’est cette vision esthétique qui va retenir notre attention. C’est la vision du monde de Camus, l’ordre du monde selon Camus.

Jean-Paul Sartre et Françis Jeanson ont reproché à Camus son « incompétence philosophique ». La mesure et la limite ne font pas une philosophie, suggèrent-ils. Mais Camus est loin de se borner à l’éloge au demeurant nécessaire de la limite, de la prudence (la phronesis) et au refus de la démesure (l’hubris).

Albert Camus refuse le culte de l’histoire, il récuse « ce jouet malfaisant qui s’appelle le progrès » et en refusant le culte de l’histoire rejette « les puissances d’abstraction et de mort ». Au-delà de l’histoire et du progrès, c’est au culte de la raison qu’il refuse de sacrifier. « Je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système », affirme-il. Camus choisit donc le monde contre l’histoire même si un jour il affirma le contraire (dans Le mythe de Sisyphe). En conséquence, il n’y a pour lui pas de violence légitime pour des raisons métaphysiques. La violence peut être nécessaire à un moment donné, rien de plus. L’histoire n’efface jamais la responsabilité humaine. Pourquoi ? Parce que c’est le monde, c’est le cosmos qui est à l’origine de tout, et non l’histoire.

A deux reprises, Albert Camus met en exergue des paroles d’Hölderlin. Dans L’Homme révolté il est question de « la terre grave et souffrante », dans L’été Camus écrit qu’un homme est « né pour un jour limpide ». L’œuvre de Camus est d’inspiration cosmique : « le vent finit toujours par y vaincre l’histoire » (Noces). Camus retourne même la formule de Terence « rien de ce qui est humain ne m’est étranger » pour expliquer que « rien de ce qui est barbare ne nous est étranger ». Camus fait l’éloge d’une « heureuse barbarie » initiale, primordiale. C’est que les puissances du monde renferment un « être plus secret ». La pensée de Camus est inspirée par « les jeux du soleil et de la mer ». Cela nous renvoie au quadriparti (Das Geviert) de Heidegger. Il s’agit des quatre « régions » du monde : la terre, le ciel, les hommes (les mortels) et les dieux (les immortels).

Chez Camus, le soleil renvoie au ciel, la mer renvoie à la terre. Restent les hommes et les dieux. « Les soupirs conjugués de la terre et du ciel couvrent les voix des dieux et exténuent les paroles des hommes » dit à ce propos Jean François Mattéi. Quand l’histoire se fait oublier (et le monde aide à vite l’oublier), il ne reste qu’un « grand silence lourd et sans fêlure ». Il y a un jeu amoureux entre la terre et le ciel, un ballet, une symphonie, un soupir réciproque, et n’oublions pas à ce moment que Camus avait travaillé sur Plotin, chez qui le soupir est une notion centrale. On pense aussi à Rainer Maria Rilke : «  Sur le soupir de l'amie / toute la nuit se soulève, / une caresse brève / parcourt le ciel ébloui. / C'est comme si dans l'univers / une force élémentaire / redevenait la mère / de tout amour qui se perd. » (Vergers).

Albert Camus évoque souvent « la grande respiration du monde », « le chant de la terre entière », la présence physique de la terre (et il ne faut pas oublier que cela inclue la mer chez Camus, c’est-à-dire le proche, le sensible, le charnel). Camus parle encore de la « vie à goût de pierre chaude ». Chaque jour, la terre renouvelle, dans ses noces avec le ciel, le miracle du premier matin du monde. Tout est écrit dans la description de cette fenêtre que fait Camus dans L’envers et l’endroit (1938) ; c’est une fenêtre par laquelle il voit un jardin, sent la « jubilation de l’air », voit cette « joie épandue sur le monde », sent le soleil entrer dans la pièce, l’habitat de l’homme envahi par l’ivresse du monde, le « ciel mêlé de larmes et de soleil », l’homme saisi par le cosmos, écoutant la leçon du soleil. C’est l’homme et sa pitié qui reçoivent le don royal de la plénitude du monde et c’est pourquoi il faut « imaginer Sisyphe heureux » (comme l’a dit le philosophe Kuki Shuzo avant Camus). Cet embrasement du monde amène les noces de l’homme et de la terre. C’est cela qu’il faut préserver.

Dans le quadriparti, il y a un équilibre à connaitre et à respecter. Le nazisme et, d’une manière générale, les totalitarismes ont consisté en une alliance entre les hommes et de faux dieux, des idoles en fait (la race, la société sans classe) au détriment de la terre c’est-à-dire du proche, du concret, du charnel, de l’immanent, et aussi au détriment du ciel, c’est-à-dire du transcendant. C’est pourquoi Camus ne choisit pas l’histoire contre le totalitarisme, c’est-à-dire une histoire contre une autre ; il choisit la justice comme figure humaine de la terre. « J’ai choisi la justice au contraire pour rester fidèle à la terre. » écrit-il dans Lettres à un ami allemand.

Ciel et terre, l’un n’est pas concevable sans l’autre, la terre se tourne vers le ciel, le ciel se penche sur la terre. Les noces du ciel et de la terre orchestrent celles de tout le quadriparti, c’est à dire incluent les vivants mortels que sont les hommes et les vivants immortels que sont les dieux. Ce sont ce que René Char appelle les « noces de la grenade cosmique ».

Chez Camus, cet ensemble prend une tournure particulière. Le ciel, c’est le père, ce père que Camus n’a pas connu et qui reste donc pour lui un silence, une énigme, tandis que la terre, c’est sa mère, et c’est la mer, l’élément liquide aussi, la mer dans laquelle on se baigne, et la mer d’où vient la vie. Ciel et terre, cela veut dire père et mère : le père de Camus était mort et sa mère, illettrée, ne savait déchiffrer les signes des hommes.

Les dieux, quant à eux, font signe mais ne disent rien et bien fol est celui qui croit savoir quel message ils délivreraient s’il leur convenait d’en signifier un. Pour Camus, comme pour Hölderlin, nous ne venons pas du ciel, la terre est « le pays natal » et c’est le but : « ce que tu cherches cela est proche et vient déjà à ta rencontre. » dit Hölderlin.

Où habitent les hommes et les dieux ? Dans l’entre-deux entre le ciel et la terre. L’Ouvert, c’est justement ce qui permet d’accueillir hommes et dieux, gestes des hommes et signes des dieux. Notre patrie est là, terre et ciel, terre sous le ciel, terre grande ouverte vers le ciel, « au milieu des astres impersonnels », écrit René Char, si souvent proche de Camus.

Mais voilà que risque de s’éteindre le chant nuptial du ciel, nous dit Camus, cette grande danse du quadriparti. Voici que s’absentent les dieux, et voici que les hommes oublient d’être au monde. Voici que l’homme, à sa fenêtre, ne découvre plus que sa propre image. Que sont les gestes des hommes sans signes divins ? Ces gestes ne peuplent plus l’Ouvert du sacré. Les dieux ne font plus lien entre le ciel et la terre. La terre ne fait alors plus signe vers le ciel. Aux hommes, la terre ne parle plus. Il ne reste que les grands « cris de pierre ».

Or, quand plus rien ne fait signe, c’est alors que les gestes deviennent insensés, c’est le meurtre gratuit de l’Arabe par Meursault dans L’étranger (en ce sens, qui est Meursault ? Celui qui ne triche pas, celui qui déchire le voile social. Il refuse les facilités sociales qui trouvent trop facilement un sens au monde), alors, ce sont les totalitarismes sanglants, alors, maintenant, c’est le totalitarisme liquide de notre époque, c’est le rêve insensé d’une plasticité totale de l’homme et l’idéologie « pourtoussiste » (mariage pour tous, procréation pour tous, choix de son sexe pour tous), comme si de petites gesticulations humaines pouvaient remplacer le grand murmure du monde. Nous sommes maintenant loin de Friedrich Hölderlin qui disait dans La mort d’Empédocle : « Et ouvertement je vouai mon coeur à la terre grave et souffrante, et souvent, dans la nuit sacrée, je lui promis de l’aimer fidèlement jusqu’à la mort, sans peur, avec son lourd fardeau de fatalité, et de ne mépriser aucune de ses énigmes. Ainsi, je me liai à elle d’un lien mortel. »

Oui, la beauté, c’est-à-dire en un sens la vérité de l’amour, a déserté le monde, mais nous savons une chose, elle est aussi réelle que le monde lui-même, nous ne savons pas si elle « sauvera le monde » mais nous savons que le monde ne se sauvera pas sans elle.

Pierre Le Vigan.

vendredi, 02 mai 2014

Rileggere Jean Raspail, profeta inascoltato

Rileggere Jean Raspail, profeta inascoltato

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Ex: http://www.centrostudilaruna.it

jean-raspailQuando apparve, nel 1973, per i tipi dell’editore Laffont di Parigi Il campo dei santi, il romanzo di Jean Raspail – classe 1925, oggi un arzillo signore di ottantotto anni – parve una specie di opera fantascientifica, se non proprio un semplice divertissement, una stramba allegoria che non ci riguardava affatto: invece il tempo si è incaricato di mostrare fino a che punto questo scrittore cattolico francese sia stato terribilmente lungimirante.

Nel romanzo si immagina che, in India, uno strano profeta inciti i suoi compatrioti a rifiutare la miseria per dirigersi in massa verso il benessere, cioè verso l’Europa: impossessatisi di una flotta di carrette del mare, i suoi seguaci si presentano davanti alle coste settentrionali del Mediterraneo e sbarcano pacificamente, ma irresistibilmente, accolti dalle buone intenzioni delle élites culturali che, non volendo passare per razziste, si prodigano per accogliere tutti. L’ondata migratoria è enorme e modifica radicalmente il quadro sociale, culturale, spirituale del vecchio continente; ma gli intellettuali, le organizzazioni umanitarie e i settori religiosi “progressisti” hanno deciso: in nome dei “diritti umani”, quegli stranieri non possono essere respinti, anzi li si deve accogliere con il massimo della buona volontà. Improvvisamente la società multietnica e multiculturale, della quale nessuno aveva mai parlato, almeno in Europa, diventa un valore decisivo, un elemento di civiltà del quale non si può fare a meno; e chi non è d’accordo, viene criminalizzato e trattato di conseguenza. Alcuni abitanti della Costa Azzurra, che tentano di opporsi allo sbarco massiccio sulle coste della loro regione, vengono addirittura bombardati dalla stessa aviazione francese: gli Stati hanno deciso che va bene così, che il nuovo ordine mondiale deve essere basato sul completo rimescolamento delle razze, delle fedi, delle culture, e che resistervi è un crimine.

Raspail immaginava questo scenario al principio degli anni Settanta, allorché l’immigrazione “extracomunitaria” in Europa era ancora un fenomeno estremamente limitato; eppure, a distanza di quarant’anni, bisogna constatare che egli ha visto chiaro come se avesse avuto la sfera di cristallo per leggere nel futuro. Nel suo Paese era già qualcuno, e ancor più avrebbe fatto parlare di sé negli anni seguenti: nel 1981 avrebbe vinto il Grand Prix dell’Accademia di Francia, con un romanzo incentrato sulla figura strana, ma realmente esistita, di Antoine de Tounens, “imperatore” francese della Patagonia nella seconda metà del XIX secolo. In Italia, invece, non ci si è accorti di lui, o si è preferito ignorarlo, in ossequio al dogma che vuole la cultura francese contemporanea tutta laica, progressista, e “gauchista”; dogma che ha “occultato”, per quanto possibile, al nostro pubblico, anche altri scrittori di vaglia, per esempio Renaud Camus, Jean Madiran e Dominique Venner (fino al clamoroso suicidio di quest’ultimo, nella Cattedrale di Notre Dame a Parigi). Solo nel 1998 una piccola casa editrice di estrema destra ha tradotto e pubblicato Il campo dei santi (il cui titolo si riferisce a un versetto del libro dell’Apocalisse, in cui si parla dell’assalto delle forze del male contro i seguaci di Cristo), a conferma – se mai ve ne fosse stato bisogno – che, in Italia, la cultura indipendente non esiste e le simpatie culturali sono sempre e solo di parrocchia, di fazione, di corrente. Resta il fatto che Jean Raspail, considerato uno dei maggiori scrittori francesi viventi, da noi continua ad essere pressoché sconosciuto: sono ben poche le persone colte che lo hanno letto o anche solo sentito nominare, che ne parlano, che discutono le sue tesi; quanto al grosso pubblico, non ne sa nulla, puramente e semplicemente.

jean raspail,lettres,lettres françaises,littérature,littérature françaiseÈ vero che anche in Francia, all’inizio, Il campo dei santi era stato accolto piuttosto in sordina; maggiore riscontro aveva avuto, chi sa perché, negli Stati Uniti; poi, però, poco a poco, ma irresistibilmente, il libro era stato richiesto, ristampato, venduto, anno dopo anno, fino a raggiungere una tiratura che, oggi, si calcola in mezzo milione di copie. Sarà perché i fatti gli hanno dato clamorosamente ragione; oppure perché, in Francia, un autore di valore, magari tardi, alla fine salta fuori; da noi, complice l’egemonia culturale della sinistra neo-marxista (anche se essa non si considera più tale), comprendente anche buona parte del mondo cattolico (che, del pari, ignora questo debito ideologico, almeno in apparenza), e l’inconsistenza intellettuale, e non solo intellettuale, della destra, è possibile, possibilissimo, che scrittori e filosofi eminenti restino sepolti, ignorati o dimenticati, a tempo indeterminato, anche dopo che nel resto del mondo si sono definitivamente affermati: un fenomeno, in verità, tutt’altro che recente, ma anzi tipico della nostra Repubblica letteraria, almeno a partire dal secondo dopoguerra – ma per molti aspetti, ancora più antico, e perfino anteriore al fascismo.

A parte il fatto che l’immigrazione massiccia, biblica, incontrollata, è oggi in gran parte di provenienza nordafricana e mediorientale (ma non solo), e non specificamente indiana o pakistana, si deve riconoscere che Raspail ha colto nel segno un fenomeno estremamente drammatico, che mette in forse la stessa sopravvivenza della civiltà europea, così come la conosciamo e così come le generazioni precedenti l’hanno sempre conosciuta, amata, coltivata. Non è questione di difendere il “predominio della razza bianca”, come ammonivano certi intellettuali europei e americani fin dai primi anni del Novecento (si pensi, per fare un nome, a Lothrop Stoddard), ma semplicemente di vedere se gli Europei hanno il diritto, oppure no, di scegliere liberamente e democraticamente il loro futuro; che, ormai, coincide con la sopravvivenza o meno della loro civiltà.

Una cultura progressista, buonista, follemente permissiva, cerca di presentare l’invasione del nostro continente – ché di una vera invasione si deve parlare, anche se, per adesso, relativamente pacifica – come qualcosa di assolutamente naturale, giusto e benefico: un evento che cambierà in meglio il nostro futuro, che arricchirà la nostra società, e che ci renderà finalmente, da ottusi e provinciali cultori del nostro angusto orticello, dei veri cittadini del mondo, dei veri e integrati protagonisti della globalizzazione.

Ma c’è di più: la messa al bando del dissenso, la criminalizzazione delle posizioni contrarie. In nome di un concetto totalitario e ipocrita della democrazia, si vuol far passare per incivile, razzista e reazionario chiunque nutra il benché minimo dubbio sulla bontà di questa operazione. Si invocano i rigori della legge contro i reati di opinione; si cerca di scavalcare il normale processo democratico, per mezzo di sortite demagogiche di esponenti delle istituzioni i quali danno per scontato che, in tempi brevi, i Parlamenti approveranno misure atte a facilitare l’invasione, e ne parlano come se tali modificazioni legislative siano sono questione di tempo. E la stessa pressione istituzionale, lo stesso ricatto etico vengono portati avanti anche su altri temi, in apparenza distanti da questo, ma in realtà legati da un filo sotterraneo, per esempio la parificazione delle unioni di fatto al matrimonio e, in particolare, il riconoscimento giuridico del matrimonio fra due persone dello stesso sesso, nonché il diritto di tali coppie di poter adottare dei bambini, al pari di qualunque altra copia regolarmente sposata.

Sono tutte novità che vanno nella direzione di provocare disorientamento e di indebolire la coesione spirituale e morale della società europea; sono tutte iniziative che nascono o dalla incosciente arroganza della cultura radicale, che vede la necessità di intraprendere ovunque battaglie per i diritti dei singoli, e mai si preoccupa dei doveri, né della tutela della società nel suo insieme, vista, semmai, quest’ultima, come una semplice dispensatrice di riconoscimenti giuridici; oppure da un disegno intenzionale di poteri occulti, essenzialmente di natura finanziaria, che si servono dello strumento mediatico, della politica, perfino della religione, per sovvertire l’ordine e i principi sui quali da sempre riposa la nostra civiltà e per creare le condizioni favorevoli all’instaurazione di un totalitarismo strisciante e non conclamato, ma ancor più capillare e tirannico di quelli, di triste memoria, che hanno funestato il XX secolo.

Il fatto che un autore come Jean Raspail non sia conosciuto quasi da nessuno in Italia, e che il suo libro più profetico e conturbante sia stato messo in commercio solo da una piccola casa editrice politicamente estremista, è la dimostrazione del fatto che i meccanismi di tale totalitarismo si sono già messi in moto, sono già attivi e operanti e riescono già a controllare, in larga misura, quel che l’opinione pubblica deve sapere e quello che deve ignorare. Quando proprio un evento o una idea non possono essere interamente occultati, si ricorre alla tattica di deformarli, di stravolgerli, di presentarli in maniera tale da suscitare sdegno, repulsione, condanna; si fa leva sul ricatto buonista: se ti presti ad ascoltare certi discorsi, allora vuol dire che non sei una brava persona. Perché le brave persone porgono sempre l’altra guancia, aprono sempre la porta di casa a chiunque vi bussi, magari in piena notte ed anche – forse – ai peggiori malintenzionati: grosso fraintendimento della morale evangelica, la quale chiede, semmai, tali comportamenti al singolo individuo, non glieli impone e tanto meno pretende di imporli alla società nel suo insieme, come se il credente avesse il diritto di decidere per tutti gli altri su questioni di importanza vitale.

Eppure è una cosa piuttosto evidente: io posso anche scegliere di far entrare in casa mia chiunque, di cedergli le stanze migliori, di ritirarmi a vivere nello sgabuzzino, per accogliere il maggior numero possibile di immigrati; ma non ho alcun diritto di non tener conto dei diritti, dei sentimenti, della sicurezza dei miei figli, dei miei vicini, dei miei concittadini, specialmente se dalle mie decisioni dipendono il loro bene, la loro stessa sopravvivenza. Accogliere un lebbroso, un delinquente evaso, un malato di mente, può essere un gesto sublime oppure un gesto di somma incoscienza: sia come sia, è un gesto che riguarda me solo, finché le possibili conseguenze riguardano me solo; ma riguarda anche tutti gli altri, allorché le possibili (e prevedibili) conseguenze coinvolgono anche tutti gli altri.

Certo, vi sono molti stranieri che emigrano in cerca di lavoro, che sono delle brave persone, che chiedono solo di guadagnarsi il pane onestamente: non vi sono solo dei pazzi che se ne vanno in giro brandendo il piccone, a massacrare il primo che passa (come pure è avvenuto, ed è cronaca abbastanza recente, anche se già quasi dimenticata dai mass media). Questo è ovvio. Ma resta il fatto che milioni e milioni di persone che pretendono – non chiedono, pretendono – di rifarsi un futuro invadendo l’Europa, e sia pure pacificamente, pongono una serie di problemi politici, economici, sociali, culturali, gravissimi, che non é possibile prendere alla leggera e non è onesto minimizzare, così come non è onesto ricattare l’opinione pubblica con la minaccia di considerare intollerante, inospitale e razzista chiunque metta in guardia contro i rischi e contro gli effetti negativi che già si registrano in tutti i campi, da quello della criminalità a quello della crisi dei posti di lavoro.

Giorno dopo giorno, mese dopo mese, anno dopo anno, la marea sta avanzando e sta sommergendo gli abitanti originari dell’Europa, grazie anche al tasso d’incremento demografico molto più alto dei nuovi arrivati, mentre in molti Paesi del vecchio continente, compreso il nostro, esso era ormai giunto al saldo negativo. Fra alcuni decenni l’Europa sarà un continente solo parzialmente europeo e fra meno di un secolo gli Europei saranno una minoranza, forse tollerata, forse discriminata, comunque una minoranza soggetta alla volontà della maggioranza. È questo che vogliamo? È questo che vogliono i nostri intellettuali, i nostri legislatori, il nostro clero?

Intendiamoci: non sarà la fine del mondo. Il mondo ha conosciuto altri e ben più drammatici fenomeni di migrazione di massa: ha visto sorgere società miste, ha assistito alle loro difficoltà, alle loro convulsioni, alle loro trasformazioni; ha visto sorgere nuove civiltà e scomparire le vecchie, e non sempre la cosa ha presentato solo aspetti negativi, almeno nel lungo periodo (il che significa che quanti hanno vissuto tali trasformazioni, i problemi li hanno vissuti eccome). Sarà, molto più semplicemente, la fine dell’Europa. L’Europa diventerà una espressione geografica: non sarà più un continente specifico, con la sua storia, con le sue tradizioni, con le sue lingue e con il collante della civiltà cristiana. Sarà un’altra cosa: un’appendice dell’Asia e dell’Africa, in tutti i sensi.

Una tale eventualità non implica per forza, lo ripetiamo, una apocalisse, ma certamente implica una trasformazione quale, oggi, pochi riescono a immaginare e nessuno possiede gli strumenti per sapere quali costi imporrà a noi stessi, e soprattutto ai nostri figli e ai nostri nipoti: costi economici, sociali, morali, spirituali. Forse, per fare un esempio, un medico che si rifiuterà di infibulare una ragazzina somala in una struttura ospedaliera pubblica, secondo le richieste della famiglia di lei, si vedrà denunciato, processato e condannato, nonché sottoposto a un linciaggio morale per il suo comportamento intollerabilmente eurocentrico e razzista. Forse.

Non amiamo fare i profeti di sventura, né spaventare alcuno, quando ci sarebbe bisogno, semmai, di ragionare con la massima calma e lucidità. Ma questi sono i veri termini del problema, piaccia o no.

* * *

Tratto, con il gentile consenso dell’Autore, dal sito Arianna Editrice.

mardi, 15 avril 2014

Le programme socialiste de CÉLINE

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Le programme socialiste de CÉLINE

par Jacqueline MORAND (1972)

Ex: http://www.lepetitcelinien.com

 
L'analyse faite par Céline de la situation sociale est, nous avons pu le constater, extrêmement sombre, et la critique qui l'accompagne très virulente; A l'ampleur des récriminations devrait logiquement correspondre d'importants projets de réforme. Ce n'est pas le cas. Le « programme » socialiste de Céline est un ensemble assez confus de propositions diverses, qui prennent souvent la forme d'aspirations idéalisées présentées un peu au hasard, et qui ne sont ni appuyées par une démonstration rigoureuse, ni assorties de précisions, ce qu'on ne peut manquer de regretter. Cette disproportion est fréquente chez les pamphlétaires et tout spécialement chez les polémistes des années 30. Deux directions se distinguent dans le programme socialiste de Céline. Elles donnent la réplique aux procès intentés au communisme et au matérialisme. C'est d'une part l'égalitarisme et le communisme « Labiche», d'autre part, le spiritualisme.

L'égalitarisme et le communisme « Labiche »

Dans une interview, accordé en 1941 à Claude Jamet, Céline prononçait cette phrase qui devait servir de titre à un article paru peu après : « L'égalitarisme ou la mort ». Il l'annonçait ainsi, expliquant qu'il s'agissait d'une solution apportée aux maux dénoncés du communisme: 
« Contre le jazz, il n'y a que le jazz hot... On ne renversera le communisme qu'en le dépassant, en en faisant plus... Contre la communisme, je ne vois rien que la Révolution, mais alors là, pardon ! La vraie ! Surcommunisme1 ! » 
Déjà, dans Bagatelles pour un massacre Céline avait affirmé sa vocation égalitariste. Il disait avoir découvert très jeune l'inégalité sociale, constatait qu'il avait toujours eu des besoins matériels modestes, et se tenait prêt au garde à vous, « le plus grand partageux qu'on aura jamais connu ».
 
Tant qu'on a pas tout donné, on n'a rien donné, poursuivait-il, et « Débrouillard » doit être supprimé en même temps que « Crédit »
 
C'est dans Les Beaux draps qu'il précise son égalitarisme. L'avènement de la justice sociale absolue est la première étape de la rénovation de la société. « Tant qu'on a pas ouvert Pognon », rien de sérieux ne peut être entrepris. Ce sera la « Révolution moyenneuse », programme ambitieux et brutale que Céline envisage ainsi : Un salaire national identique pour tous, qui varie entre 50 frs salaire minimum et 100 frs salaire maximum par jour. Un semblable maximum de 100 frs est prévu pour les rentes et les revenus. Le surplus passe à l'Etat. Un aménagement familial complète le système : accroissement progressif du salaire en fonction du nombre d'enfants avec un maximum de 300 frs par jour pour les familles nombreuses. Céline avait ici à l'esprit la crise de natalité qui sévissait en France, Egalité absolue pour tous, dictateur, génie ou terrassier, égalité physiologique, devant la faim et le besoin, telle est la première et necessaire condition à l'avènement de la justice sociale. Un tel programme est brutal et ne manquera pas de soulever des protestations, Céline prévoit celles de l'« Elite », terme vague, englobant ceux qui assuement des responsabilités de direction et commandement. L'élite s'insurge, trouve que les « 100 frs » ne conviennent pas à son nécessaire prestige, qu'il est insensé qu'un Directeur des Chemins de fer soit plus médiocrement salarié que son lampiste lorsque ce dernier est père de famille nombreuse. Mais l'élite c'est l'exemple, et Céline poursuit : 
« C'est là qu'on va voir ce que ça pèse non dans les mots, mais dans les faits l'amour de la France... l'enfiévrante passion du bien général... le culte patriote... le désintéressement sacré... les plus hautes cimes d'abnégation... Ah ! ça va être un bon moment ! » (Les Beaux draps, p. 181) 
Après ce « bon moment », et sur ces bases égalitaristes, Céline établit son communisme « Labiche ».
 
Le communisme « Labiche » c'est un communisme petit bourgeois, c'est-à-dire adapté à l'homme et à ses aspirations fondamentales, telles que les conçoit l'écrivain fondées tout spécialement sur le besoin de sécurité. Dans ce système tout le monde sera petit propriétaire : pavillon et jardin de 500 mètres, transmissibles héréditairement et assurés contre les risques et l'accaparement. Le problème de la sécurité est un des soucis majeurs des Français, dont 90 sur 100 rêvent d'« être et de mourir fonctionnaire ». Céline admet cette préoccupation élémentaire, car constate-t-il ironiquement : 
« C'est toujours des douillets nantis, des fils bien dotés d'archevêques qui vous parlent des beautés de l'angoisse. » (Les Beaux draps, p. 140) 
Sans qu'il développe cette idée Céline paraît souhaiter l'établissement d'un système de Sécurité sociale très poussé, protégeant contre le maximum de risques en particulier ceux de chômage, maladie et vieillesse.
 
Pour assurer la sécurité de l'emploi et le fonctionnement de son régime de salaire national unique, il préconise des mesures d'inspiration communiste : nationalisation des banques, mines, chemins de fer, assurances, grands magasins, industries..., kolkozification de l'agriculture. Il pense supprimer ainsi le chômage et s'intéresse encore aux paresseux qu'il met en prison, aux malades qu'il soigne, et aux poètes, qu'il occupe à faire des dessins animés aptes à relever le niveau des âmes.
 
Dans un chapitre des Beaux draps, Céline pose la question du nombre d'heures de travail à imposer à l'ouvrier. Ironisant sur les « jeunes redresseurs », qui pleins de bonne foi parmi leurs statistiques invoquent le travail salut, le travail fétiche et remède de la France, il leur oppose les « pas abstraits », ceux qui vont « trimer la chose ». L'usine est un mal nécessaire qu'il faut accepter mais sans le dissimuler sous de flatteuses descriptions. 35 heures de travail lui semblent alors le maximum que puisse supporter un homme, ouvrier d'usine ou employé de magasin, qui doit affronter le bavardage des clientes « aussi casse crâne qu'une essoreuse broyeuse à bennes ».
 
Tel se présente le communisme « Labiche » de Céline : répartition égalitaire des biens, aménagement du travail, des loisirs, de l'habitation en vue de satisfaire aux besoins de sécurité et petit confort dont l'écrivain imagine l'homme avide. Comment apprécier un tel programme ? Il est aisé, et la plupart des commentateurs de Céline ont fait ce choix, de sourire avec indulgence aux errances de l'auteur turbulent devenu rêveur naïf et, avec en exergue les poètes occupés à faire des dessins animés, de ranger ce communisme « Labiche » parmi les utopies inoffensives et désuètes. S'il ne convient certes pas d'ôter à ces propositions leur caractère de simples esquisses ou ébauches et si l'on doit regretter le silence de l'écrivain quant aux modalités d'application et aux possibilités de réalisation de son programme, il convient aussi de mettre en valeur un aspect habituellement négligé de ce système : le communisme « Labiche » est révolutionnaire. C'est une coupure nette et brutale avec le système social en vigueur, un bouleversement de l'organisation économique, une mutation profonde des rapports sociaux. Nationalisation, kolkozification, salaire unique, le socialisme de Céline va, sur tous ces problèmes au delà du communisme, l'application d'un tel programme se voulant immédiate, et l'écrivain se disant prêt pour sa part. Sous des apparences anodines, le communisme « Labiche » est en réalité « explosif ». Mis en pratique, il se rapprocherait plus de la révolution permanente chinoise que du communisme soviétique. Mais il s'accompagne de recherches spiritualistes, assorties de propositions qui le transforment très sensiblement.

Le spiritualisme

Le programme, auquel nous avons donné cette qualification très générale de « spiritualisme », consiste en l'ébauche des solutions proposées aux maux dénoncés du matérialisme. Le portrait type d'un Céline rustre, grossier, haineux, avide, acharné destructeur, subit une métamorphose. Le calculateur s'avère naïf, le nihiliste se perd en vastes projets, le haineux devient homme de foi. Il fait sienne la belle maxime de Gaston Bachelard : « Rendre heureuse l'imagination2 ». Ces aspirations idéalistes font de lui à la fois un homme du passé et un visionnaire. Le passé se confond pour lui avec le Moyen Âge, siècle de foi, et cet appel à une tradition ancienne a lui-même une signification révolutionnaire selon la démonstration de Peguy. La vision c'est celle du douloureux prophète de la faillite du matérialisme et de l'homme-robot, qui tente de leur opposer la renaissance spiritualiste des assoiffés d'idéal.
 
Le programme spiritualiste est exposé dans Les Beaux draps. La rénovation spirituelle y est entreprise à partir de deux institutions : la famille et l'école.
 
Céline constate avec amertume la crise de la natalité que traverse la France : « L'entrain à la vie n'existe plus. » Il ironise sur le Code de la famille, que le décret-loi du 29 juillet 1939 venait d'instaurer, le traite d'« éthique et chafoin », « code de ratatinés discutailleux préservatifs ». Il s'emporte contre les « décrets de pudeur », inspirés, dit-il, par la richissime maîtresse d'un président du conseil. Tout ceci n'est que tartufferies, le programme familial de Céline est beaucoup plus ambitieux. Il s'agit en somme de recréer la France à partir de la notion de famille. Toutes les familles de France seront réunies en une seule avec « égalité de ressources, de droit, de fraternité ».
 
Le salaire national unique permettra l'égalité des ressources et l'avènement de la respectabilité dans un pays : 
« où y aura plus du tout de bâtards, de cendrillons, de poil de carotte, de bagnes d'enfants, "d'Assistance", où la soupe serait la même pour tous. » (Les Beaux draps, p. 152) 
Programme noble et généreux, difficile à mettre en pratique, les exigences et les espoirs de Céline ne semblent pas connaître de limites ; le prouvent bien ses propos sur la fraternité et l'altruisme absolu qu'il voudrait voir régner entre les familles. Il faut, précise-t-il, que les enfants des autres vous deviennent presque aussi chers que vos propres enfants. Le grand bouleversement social s'analyse en un avènement de « papas et mamans partout ». L'espérance d'un tel altruisme, d'une telle communion entre les hommes, est réellement surprenante sous le plume de Céline, une telle candeur naïve surprend. Les Beaux draps datent de 1941, et l'introduction du « familialisme » dans la politique était à la mode avec Vichy. Céline sans doute s'en inspirait, le laisserait penser cette phrase, qu'il ne précise d'ailleurs pas :
« une seule famille, un seul papa dictateur et respecté » (Les Beaux draps, p. 152)
Il s'attarde plus longuement sur la question scolaire. Dans Bagatelles pour un massacre il s'était déjà livré à de violentes attaques contre le système d'enseignement, en particulier le lycée, qu'il opposait à l'école communale. Il se laissait entraîner par les mots, le rythme de la phrase et la condition des jeunes lycéens devenait cette fresque quasi dantesque :
« Ils resteront affublés, ravis, pénétrés, solennels encuistrés de toutes leurs membrures... soufflés de vide gréco-romain, de cette "humanité" bouffonne, cette fausse humilité, cette fantastique friperie gratuite, prétentieux roucoulis de formules, abrutissant tambourin d'axiomes, maniée, brandie d'âge en âge, pour l'abrutissment des jeunes, par la pire clique parasiteuse, phrasuleuse, sournoise, retranchée, politicarde, théorique vermoulue, profiteuse, inextirpable, retorse, incompétente, énucoïde, de l'Univers : le Corps stupide enseignant... » (Bagatelles pour un massacre, p. 106)
Ces anathèmes contre le système scolaire en vigueur et contre les professeurs, qui n'auront pas plus de force en mai 1968, avaient déjà été lancés par de nombreux écrivains et en particulier « le fils de la rempailleuse de chaise ». Par ailleurs un rapprochement pourrait être fait entre Céline et J. Vallès, dont les jeunesses sinon les tempéraments présentent beaucoup de points de communs : même enfances non bourgeoises, mêmes souvenirs cruels sur la famille3, même apprentissage de la vie par les petits métiers pittoresques4, même mépris pour le collège et les humanités classiques clamé par ces autodidactes à demi. C'est ainsi que J. Vallès dédiera l'un des ouvrages de sa trilogie, Le Bachelier, « A tous ceux qui, nourris de grec et de latin, sont morts de faim. »
 
Pour Céline une politique de rénovation doit être entreprise à partir de l'enfance, « notre seul salut ». Rejoignant les théories freudiennes, il prétend qu'à l'âge de douze ans un homme est émotivement achevé. Or l'enfance est menacée par le système scolaire en vigueur. « Grande mutilante de la jeunesse », l'école transforme les jeunes enfants poètes et guillerets en, en cancres butés presque parfaits vieillards à l'âge de douze ans. C'est l'interpellation fameuse : « O pions fabricants de déserts ! » Rien ne peut se faire sans ou hors l'école, il convient donc de la rénover, de la recréer entièrement, d'en faire un lieu heureux et fructueux à l'âme : « L'école doit devenir magique ou disparaître, bagne figé. »
 
L'école formera l'enfant aux seules choses « utiles » dans la vie : le goût, l'enthousiasme, la passion. (On connait le mépris affiché par Céline à l'égard du mot « utile », d'où le paradoxe de son emploi ici.) 
 
La formule célinienne pour que soit réalisé un tel programme est la suivante : « Le Salut par les Beaux Arts », salut de l'homme et de la société à qui on fait retrouver gaîté et force créatrice. L'école doit s'efforcer d'épanouir la musique intérieure que chacun porte en soi, écho timide du bonheur. Il faut préserver le rêve de l'enfant, inculquer à l'élève le goût des fables, des légendes, du merveilleux qui le délivrera de l'angoisse, dont le chaos de la civilisation mécanique l'accable. L'école ne s'organisera pas :
« à partir des sciences exactes, du Code civil, où des morales impassibles, mais reprenant tout des Beaux-Arts, de l'enthousiasme, de l'émotion du don vivant de création, du charme de race, toutes les bonnes choses dont on ne veut plus. » (Les Beaux draps, p. 169)
Les programmes scolaires se consacreront aux disciplines traditionnelles, mais donneront la primeur à celles susceptibles d'épanouir l'enfant dans ce qu'il a de plus vital. Ils développeront son goût, sa sensibilité, son sens artistique en faisant une large place à l'enseignment de la musique, de la peinture, de la danse... et à certaines disciplines communautaires : chants en choeur, ballets... Il ne faut pas croire que la qualité d'artiste est exceptionnellement accordée à l'individu, bien au contraire. Tout le monde naît artiste :
 « tout homme ayant un coeur qui bat possède aussi sa chanson, sa petite musique personnelle, son rythme enchanteur au fond de ses 36°8, autrement il vivrait pas. » (Les Beaux draps, p. 171)
Boileau, Goethe ont exprimé cette même idée, et aussi Proudhon écrivant : « Nous avons tous le germe5. » 
 
Les programmes scolaires s'attacheront ensuite à l'épanouissement physique de l'enfant en accordant une large place à la pratique assidue des sports :
« Il faut réapprendre à créer, à deviner humblement, passionnément, aux sources du corps... Que le corps reprenne goût de vivre, retrouve son plaisir, son rythme, sa verve déchue, les enchantements de son essor... L'esprit suivra bien !... L'esprit c'est un corps parfait... » (Les Beaux draps, p. 175)
C'est une confusion de la beauté plastique et morale. L'écrivain qui fréquentait et affectionnait les milieux de la danse paraît s'inspirer ici de certaines théories chorégraphiques. Cet appel au développement de la pratique des sports était un des lieux communs des politiciens de l'époque, hommes du Front populaire ou de la droite.
 
L'école enfin, se consacre à l'épanouissement moral de l'enfant. L'intransigeance et la rigueur des aspirations céliniennes le rangent d'emblée parmi les plus sévères moralistes C'est ainsi qu'il exige la « ferveur pour le gratuit » qui « seul est divin », détachement à la fois des biens matériels et des mesquineries du caractère, morale de la grandeur et de la noblesse de coeur. Il prêche le « culte des grands caractères », l'étude pour l'exemple de la vie des ancêtres éminents. C'est une morale ambitieuse, l'écrivain se laisse même aller à parler du « culte de la perfection ».
 
Un tel programme exige des maîtres de qualité. Quelle plus belle définition donner des « vrais professeurs » :
« Gens au cours du merveilleux, de l'art d'échauffer la vie, non la refroidir, de choyer les enthousiasmes, non les raplatir, l'enthousiasme le "Dieu en nous", aux désirs de la Beauté devancer couleurs et harpes, hommes à recueillir les féeries qui prennent source à l'enfance. » (Les Beaux draps, p. 177)
L'enfant ira à l'école jusqu'à 15, 16 ans ; une telle prolongation de la durée des études est aujourd'hui officiellement admise.
 
Il y a du religieux dans un tel système éducatif, initiation, catéchuménat où l'on compte plus sur la générosité et l'enthousiasme que sur l'énergie et l'ambition des élèves, où le beau se trouve intimement confondu avec le bien, l'artiste avec le moraliste et le mystique. Beaucoup d'écrivains et de sociologues ont fait cette association et se sont dans ce but, attachés à tenter d'introduire l'art dans la politique sociale. On peut encore évoquer Proudhon et ses Principes de l'art. Mais cette rénovation, Céline ne l'envisage que sous l'angle du système d'éducation des enfants et ne se soucie pas de rechercher d'autres encadrements la prolongeant au niveau des adultes. Si l'on devait réaliser son programme socialiste, cette lacune se révélerait grave.
 
La société rénovée idéale telle que le conçut Céline se présenterait donc ainsi. L'enfance est heureuse : une famille que ne tourmentent pas les soucis matériels, une école où sont entretenus la gaîté, l'enthousiasme, les rêves, et épanouie la petite « musique intérieure » de chacun. L'adolescent ne connaît pas les soucis de recherche d'emploi (les nationalisations ont selon Céline supprimé le chômage). L'adulte n'a plus de tourments matériels immédiats ou futurs : petit confort et retraite assurés par le « communisme Labiche ». L'altruisme et la bonne entente règnent entre les individus qui sont préservés au mieux des déviations néfastes du caractère : envie, jalousie, corruption, par l'égalité établie devant l'argent. C'est une société heureuse, formée de sociétaires heureux.
 
Ainsi l'amer inquisiteur des vices de la nature humaine, déterministe quant à la fatalité de ces vils instincts, semble bien verser, quand il aborde les problèmes collectifs, dans l'utopisme le plus complet. L'opposition est totale entre le réalisme cruel et noir, avec lequel le romancier analyse l'individu, et l'idéalisme confiant et naïf qu'il apporte à ses projets de réforme des sociétés, dans Les Beaux draps. Le socialisme de Céline est bien dans la tradition du socialisme français et on ne peut manquer de faire des rapprochements avec certains précurseurs du XIXè siècle (en ne retenant par leur foi envers le progrès et la science) tels Fourrier, « un des plus grands satiriques de tous les temps » selon Engels, Proudhon, L'Egalitaire, Etienne Cabet, Pierre Leroux..., ces solitaires du socialisme, aux conceptions certes très différentes mais marquées du sceau commun de l'utopisme.
 
Un qualificatif conviendrait bien au socialisme de Céline, c'est celui de populiste. On a souvent fait du romancier du Voyage un populiste6, le rapprochant de ce mouvement littéraire, défini dans un manifeste paru en 1930 à l'initiative d'André Thérive et Léon Lemonnier. Ce mouvement prétendait susciter des oeuvres tirant leur inspiration directement du peuple et s'insurgeait contre le naturalisme jugé artificiel. Par une analogie accidentelle (il n'y a pas de rapport entre le mouvement littéraire français et le mouvement politique russe) on pourrait rapprocher le socialisme de Céline du socialisme dit populiste, mouvement qui s'exprima avec le plus de vigueur en Russie au siècle dernier.
 
Ce socialisme est affectif, ses caractères spiritualistes et moraux sont très accentués, il donne à la politique des bases émotionnelles et la confusion signalée par M. J. Touchard, à propos de l'esprit de 487, entre le « peuple-prolétariat » et le « peuple-humanité » apparaît ici totale. Les socialistes populistes affichent une méfiance absolue envers les idéologies, la science et, arguant du primat du social, prétendent mépriser la politique. Ils seront traités d'utopistes par les marxistes qui leur opposent un socialisme scientifique.
 
Les idées socialistes de Céline ont donc à première vue un aspect incontestablement démodé, en ce qu'elles évoquent l'utopisme et l'humanitarisme généreux tout autant que vague de certains précurseurs du XIXè siècle beaucoup plus que les combats menés dans l'entre-deux guerres par les partis et les syndicats représentant les travailleurs, classe organisée et poursuivant des objectifs politiques précis. Pourtant ce socialisme célinien soutenu par un ardent spiritualisme peut aussi faire figure d'avant-garde. Les révoltes de la seconde moitié du XXè siècle ne sont plus seulement économiques et politiques mais aussi métaphysiques. Les sociétés tout aussi désemparés que les hommes paraissent de plus en plus hantées par cette « sensation que la matière prolifère aux dépens de l'esprit... peur en somme que la vie ne devienne mort8 ». Les socialismes de demain pourraient s'inspirer d'une éthique spiritualiste et le témoignage de Céline trouve parfaitement sa place dans cette réponse, encore mal formulée, au désarroi d'une époque.
Jacqueline MORAND, Les idées politiques de Céline, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1972. (Réédition en 2010 chez Écriture)
 
Disponible sur Amazon.fr.

 

Notes
1- Germinal, n°1, 28 avril 1944.
2- Gaston Bachelard, Le Matérialisme rationnel, PUF, 1953, p. 18.
3- On peut distinguer à cet égard les écrivains déterminés contre leur enfance : Stendhal, J. Vallès, Céline... et ceux qui en gardent la nostalgie : Mauriac, Bernanos...
4- J. Vallès raconte dans Jacques Vingtras, que, demi-nu dans une baignoire, il fut employé à faire de la figuration pour le lancement publicitaire de la revue La Nymphe.
5- P.-J. Proudhon, Correspondance, t. II, p. 49.
6- cf. P. De Boisdeffre, Histoire vivante de la littérature d'aujourd'hui.
7- J. Touchard, Histoire des idées politiques, Coll. Thémis, PUF, 1965, p. 581
8- E. Ionesco, interview dans L'Express, 5-11 octobre 1970, p. 172.

lundi, 14 avril 2014

Balzac et les fondements de la société

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Balzac et les fondements de la société
 
par Gérard Baudin
 
Ex: http://anti-mythes.blogspot.com

 
Il n’y a de solide et de durable que ce qui est naturel, et la chose la plus naturelle en politique est la famille. La Famille doit être le point de départ de toutes les Institutions. Un effet universel démontre une cause universelle ; et ce que vous avez signalé de toutes parts vient du Principe social même, qui est sans force parce qu’il a pris le Libre-Arbitre pour base, et que le Libre-Arbitre est père de l’Individualisme. Faire dépendre le bonheur de la sécurité, de l’intelligence, de la capacité de tous, n’est pas aussi sage que de faire dépendre le bonheur de la sécurité, de l’intelligence des institutions et de la capacité d’un seul. On trouve plus facilement la sagesse chez un homme que chez toute une nation. Les peuples ont un coeur et n’ont pas d’yeux, ils sentent et ne voient pas. Les gouvernements doivent voir et ne jamais se déterminer par les sentiments. Il y a donc une évidente contradiction entre les premiers mouvements des masses et l’action du pouvoir qui doit en déterminer la force et l’unité. Rencontrer un grand prince est un effet du hasard, pour garder votre langage ; mais se fier à une assemblée quelconque, fût-elle composée d’honnêtes gens, est une folie.
Honoré de Balzac

Ce texte est emprunté à un dialogue du Curé de village, roman de Balzac daté de 1839, où l’intrigue n’est qu’un prétexte à la présentation d’idées chères à l’auteur. L’analyse des dégâts économiques et sociaux causés par le libéralisme, une hostilité au règne de l’Argent qui va jusqu’au dégoût ont attiré à Balzac la sympathie de penseurs marxistes comme Lukacs, Wurmser ou Barbéris. Déjà Friedrich Engels, admirateur de sa “dialectique révolutionnaire”, voyait en Balzac un théoricien de la lutte des classes, qui a parfaitement décrit et condamné le pouvoir avilissant de l’argent. Victor Hugo n’avait-il pas dit : « À son insu, qu’il le veuille ou non, qu’il y consente ou non, l’auteur de cette oeuvre immense et étrange est de la forte race des écrivains révolutionnaires. Balzac va droit au but. Il saisit corps à corps la Société moderne. »

On en est arrivé au point que la critique moderne passe souvent sous silence la partie positive de la pensée du romancier, pensée royaliste et catholique, pour ne voir qu’une critique de l’Argent qui, coupée de ses origines, passe pour révolutionnaire.

Balzac commence par affirmer que la famille est la cellule de base de la société et que c’est un fait naturel. Nous sommes déjà loin de l’individualisme du Contrat social. Il voit, à l’origine de la thèse libérale, le Libre-Arbitre, la pensée autonome, indépendante de toute structure sociale et de toute discipline intellectuelle extérieure à l’individu. Il découle de cette thèse libérale que chacun possède un droit égal de participer à la direction de la Cité.

L’Ordre naturel

Balzac va réfuter cette conséquence de l’individualisme antisocial. « On trouve plus facilement la sagesse chez un homme que chez toute une nation. » De cette proposition découle une critique de la démocratie : on ne peut se fier ni au peuple en général ni à ses représentants. L’opinion publique est une réaction épidermique des masses à laquelle Balzac oppose la décision prise en toute connaissance de cause (« les gouvernements doivent voir et ne jamais se déterminer par les sentiments ») par un gouvernement indépendant.

Le texte se termine par une critique du régime d’assemblée. On trouve parfois un grand prince mais jamais une bonne assemblée, « fût-elle composée d’honnêtes gens ». On pense à l’assemblée élue en 1871 sans combinaisons électorales, la plus honnête et la plus représentative que la France ait jamais eue, et qui ne sut que montrer l’impuissance inhérente à cette institution. Balzac aurait apprécié à sa juste valeur le mirage des “bonnes élections”.

L’Or ou le Sang

Il faut étudier dans Balzac les bouleversements sociaux liés à la Révolution, en particulier les conséquences de la vente des biens nationaux. Citons La Rabouilleuse, Une ténébreuse affaire. Plus connu encore, le Père Grandet « eut pour un morceau de pain, légalement, sinon légitimement, les plus beaux vignobles de l’arrondissement ».

Dans le Bal de Sceaux, un des romans les plus importants pour comprendre ses idées politiques, nous avons une approbation sans réserve de la sagesse politique de Louis XVIII, ni libéral, ni ultra, sachant, si nécessaire, mettre un frein aux ambitions exagérées de ses protégés.

Il déclare dans l’avant-propos de La Comédie humaine : « J’écris à la lueur de deux vérités éternelles, la religion et la monarchie, deux nécessités que les événements contemporains proclament et vers lesquels tout écrivain de bon sens doit essayer de ramener notre pays. » Ainsi, loin d’être révolutionnaire, la peinture balzacienne de la société annonce les fortes analyses de Charles Maurras dans L’Avenir de l’Intelligence : le pouvoir bienfaisant de la famille, de l’hérédité ou la grossière dictature des richesses, l’Or ou le Sang.

Gérard Baudin
L’Action Française 2000 n° 2740 – du 17 janvier au 6 février 2008

dimanche, 06 avril 2014

Le Bulletin célinien n°362

Le Bulletin célinien n°362
avril 2014
 
 
 Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Bloc-notes (Sigmaringen de Pierre Assouline)
- Entretien avec Pierre Assouline
- Christian Senn : Décevant Luchini
- M. L. : Célébration des maudits
- Pierre Lalanne : Céline et Léautaud
- Frédéric Saenen : Un céliniste est né…
- François Lecomte : Michel Mohrt
- M. L. : « L’Année Céline 2012 »

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.
Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).
Courriel : celinebc@skynet.be.

mardi, 11 mars 2014

Bulletin célinien n°361

Le Bulletin célinien n°361 - mars 2014

Vient de paraître :

Le Bulletin célinien n°361.

Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes (« Le Festin des loups »)
- Robert Le Blanc : Céline et les hommes de Marianne. Berl, Malraux, Fernandez
- Éric Mazet : Embarquement pour l’apocalypse. Janvier – décembre 1929

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.


Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement annuel (11 numéros) : 55 €.

samedi, 01 mars 2014

Der Bürgerkrieg kommt

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Der Bürgerkrieg kommt

von Johannes Schüller

Ex: http://www.blauenarzisse.de

BN-​Gespräch. Richard Millet gehört zu den bekanntesten Schriftstellern Frankreichs. Jetzt ist seine rechte Schrift, Verlorene Posten, auf Deutsch erschienen. Ein Interview zu Europas Zukunft.

In Ihrem Essay Literarischer Gesang auf Anders Breivik, der Sie ins literarische Abseits brachte, bezeichnen Sie den Massenmörder Breivik als „Henker und Opfer, Symptom und unmögliche Kur” der multikulturellen Gesellschaft. Welche tragischen Figuren und Massaker wird es zukünftig geben?

Die Breiviks und Mohammed Merahs (islamistischer Attentäter von Toulouse, J. S.) werden zunehmen, sofern man nicht einsehen will, dass Europa nicht Amerika ist. Multikulturalismus verkörpert das Scheitern der Nationen, die sich jeweils auf einem einzigen Volk gründen. Ein latenter Bürgerkrieg ist im Kommen.

Ist dieser latente Bürgerkrieg in Frankreich nicht schon längst im Gange? Was bleibt den Franzosen noch, um ihre Heimat zu schützen?

Der Bürgerkrieg findet auf eine gewisse Art und Weise bereits seit 1789 statt. Aber jetzt ist es ein Krieg ohne Namen, in dem das französische Volk gar nicht mehr als solches besteht.

Welche Rolle wird dabei die islamische Kultur spielen?

Es gibt keine islamische Kultur in Europa, sondern einen politischen Angriff. Er wird durch Länder geführt, von denen man sehen wird, dass sie Feinde sind, nämlich Katar, Saudi-Arabien, Kuwait, Pakistan, Algerien. Sie finanzieren den islamischen Terrorismus und den Krieg der Bäuche in Europa. Dieser Krieg findet in Frankreich auch auf Rechtsebene statt, insbesondere in den Einrichtungen öffentlicher Bildung. All das, was der Islam in Europa darstellt, ist weitgehend negativ.

Sie nennen die Literatur und den tradierten Sprachbestand als einen der letzten Rückzugsräume eines europäischen, christlichen Erbes. Lässt sich die große Krise unseres Kontinents politisch nicht mehr lösen?

Es gibt keinen politischen Willen, diese Krise zu lösen. Europa wird geteilt und seine Intellektuellen unterhalten sich nicht mehr miteinander. Es gibt sogar einen Willen, nicht mehr man selbst zu sein, also eine Ablehnung des christlichen und humanistischen Erbes, die eine neue Art des Totalitarismus darstellt. Jeder wünscht sich, amerikanisch zu sein: also ohne Gedächtnis.

Viele Politiker und Parteien kämpfen gegen die ethnische Krise. Vor der Europawahl befürworten zum Beispiel laut aktueller Umfrage circa 34 Prozent der Franzosen die Positionen des Front National. Ist das alles nichts wert?

Der Front National stellt kulturell nichts dar. Nun ist der jetzige Krieg allerdings besonders kulturell: Und zwar in dem Sinne, nach dem Antonio Gramsci die kulturelle Macht als Beherrschungsinstrument definierte. Die Allianz aus Sozialisten und Rechten (gemeint ist hier die bürgerlich-​konservative UMP in Frankreich, J. S.) besitzt diese Macht, folglich ist alles verloren.

Wie stehen Sie zum Freitod Dominique Venners in der Pariser Kathedrale Notre-​Dame? Handelte es sich um einen Akt der Verzweiflung oder ein souveränes Symbol gegen den Untergang Frankreichs?verloreneposten

Der Katholik in mir kann in diesem Selbstmord nur eine Verzweiflungstat sehen und politisch ist es sinnlos. Auch Notre-Dame zu wählen, um zu sterben, ist ein Fehler. Da hätten sich das Pariser Rathaus oder der Eiffelturm besser geeignet.

Eine der Ursachen des Niedergangs ist das, was Sie als „Horizontalisierung” bzw. „Gleichmacherei” erkennen . Hat diese Idee nicht in unserer Kultur ihre Wurzeln? Haben wir uns damit selbst den Tod vorbereitet?

Das Gleichheitsverlangen darf nicht mit dem ideologischen Egalitarismus verwechselt werden und zwar auf dieselbe Art und Weise wie das demokratische Ideal nicht jene „Tyrannei der Mehrheit bedeuten kann, vor der sich schon Tocqueville ängstigte. Der ideologische Egalitarismus ist derzeit in den Ländern am Werk, die man westliche Demokratien nennt, die in Wirklichkeit aber durch die Finanzmärkte regiert werden.

Auch der Niedergang der französischen Sprache erscheint aus der Sicht Ihres Verlorenen Posten unausweichlich. Warum schreiben Sie noch?

Ich schreibe, um zu vollenden, was ich begonnen habe: für die Ehre und dafür, dem Feind nicht das Feld zu überlassen. Und ich schreibe, um einen gewissen, bald verlorenen Stand der französischen Sprache noch ein wenig erklingen zu lassen.

Das literarische Erbe Frankreichs und Deutschland gehört zu unseren letzten sicheren Beständen. Welche Schriftsteller können Sie also jungen, deutschen Lesern empfehlen?

Alle wahrhaften Zeitgenossen, von Homer bis Peter Handke, von Dante bis Marcel Proust, von Shakespeare bis W. G. Sebald, von Blaise Pascal bis Friedrich Nietzsche, von Honoré de Balzacbis Paul Celan.

Monsieur Millet, merci beaucoup!

Anm. d. Red.: Verlorene Posten, die aktuelle deutsche Übersetzung der wichtigsten politischen Essays von Millet, gibt es hier.

mardi, 25 février 2014

Le Miel de Slobodan Despot

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Le Miel de Slobodan Despot
 
Un voyage initiatique
 
Claude Lenormand
Ex: http://metamag.fr

sloboban-despot-xenia-roman-miel-cover.jpg« Il est des pays où les autobus ont la vie plus longue que les frontières » et aussi « Chacun de nos gestes compte ». Première et dernière phrases du premier roman de Slobodan Despot publié chez Gallimard dans la prestigieuse collection blanche. Embarquement immédiat pour un grand livre.


Dès les premiers mots nous rentrons en écriture comme on rentre dans une forêt ou comme on aborde un paysage de montagne. Une écriture souple, douce comme celle du chat qui avance à pas comptés ; une écriture dense aussi, et le chat se fait félin de grande taille, non pas agressif mais interrogateur et d’abord sur lui-même. Par le bercement des mots (mais pas de pathos, toujours au plus près de l’histoire) l’auteur nous fait cheminer à ses côtés comme des amis devenus proches. Cheminer en territoire dangereux car la Krajina serbe occupée par les croates après les guerres yougoslaves n’est pas un endroit recommandé pour un apiculteur serbe et son fils. Un apiculteur oublié par sa famille dont le cadet devra le retrouver. 


Nous croiserons des russes, des hongrois, des croates, des serbes. Presque tous sont à l’aune de ce moment de l’histoire, compliqués, vénaux, pillards, parfois amicaux voire franchement comiques « des forces de la nature et des êtres tourmentés » comme la famille de l’apiculteur oublié. Sortant de la guerre « dans l’odeur de boucherie et de désinfectant », les adultes ont été contaminés, « le malheur de cette terre était contagieux ».


Mais pas tous. L’apiculteur est une nature contemplative (comme l’auteur lui-même auteur d’un Valais Mystique dont le titre indique la tonalité). Il « passait tout son temps à ausculter les essaims et à contempler leur danse chargée de sens ». Les insectes ont plus de bon sens que les humains dans leurs guerres fratricides. Sans dévoiler l’intrigue, le lecteur rencontrera la magnifique Véra, la guérisseuse, l’herboriste traditionnelle, figure de la Grande Mère et de  la magicienne. C’est elle qui sauvera le vieil apiculteur. Elle aussi, la consolatrice qui saura soigner le témoin (l’auteur) auquel elle raconte l’histoire. Le miel est aussi ce qui guérit, cicatrise, soigne. Dans ce premier roman Slobodan Despot soigne peut-être aussi ses propres blessures, parvient à une sorte de rédemption personnelle et littéraire. Oui, chacun de nos gestes compte, chacun des mots de ce roman compte. Un premier roman qui oblige Slobodan Despot à son devoir d’écrivain. Montez dans l’autobus, le voyage commence. 

Le Miel, de Slobodan Despot, décembre 2013, Gallimard, 13,90€.


ENTRETIEN REALISE PAR CLAUDE LENORMAND POUR METAMAG


Le miel a t-il une signification mythique ou mythologique pour vous?

Pour qui n'en aurait-il pas? Depuis la "terre du lait et du miel" de la Bible, il est symbole d'abondance, de santé, voire d'éternité. Cela dit, dans le corps de mon récit, le miel exerce une fonction tout à fait concrète, entre baume, monnaie d'échange et pierre d'achoppement.


Quelle est la part de souvenirs personnels dans le livre?

Comme dans tout roman, on investit beaucoup de soi-même dans un récit. Par-delà les faits et les personnages évoqués, l'interprétation, la tonalité, l'atmosphère sont souvent profondément influencées par le vécu personnel. Cela dit, la trame de cette parabole qu'est le «Miel» est essentiellement fondée sur une histoire vraie que j'ai recueillie auprès d'une personne qui m'a soigné.


Comment concilier son métier d'éditeur et celui d'écrivain?

Comment? Je suis en train de le découvrir. Nombre d'écrivains sont aussi éditeurs — au sens où ils lisent, sélectionnent et accompagnent les textes des autres. Qu'on songe, en particulier, aux grands éditeurs de la NRF. Ma position est toutefois différente. Dans ma petite structure, je suis à la fois l'«editor» et le «publisher», l'entrepreneur. Les obligations pratiques et les soucis d'un patron de PME ont tendance à envahir tout son temps et à peupler en permanence sa conscience. Il faudra bien cloisonner tout cela...


Quelles sont vos références littéraires? Vos grands auteurs?

Vaste question! Je me rends compte sur le tard que le cours de ma vie a été influencé de manière prépondérante par mes lectures littéraires, et non par les idées ou les situations sociales. Et que j'ai été stupide de croire que d'autres choses pouvaient avoir plus d'importance.J'ai toujours préféré les grandes gestes à la littérature nombriliste, les sentiments généreux à l'encre de fiel et les histoires bien narrées aux exercices de style et à l'écriture pour l'écriture. Les auteurs de ma jeunesse m'ont accompagné jusqu'à ce jour, de Melville à Hugo et de Tolstoï à Hardy. La tradition littéraire serbe, très riche et fondée sur des valeurs épiques, a toujours occupé dans ma bibliothèque une place éminente. En particulier Milos Tsernanski (Miloš Crnjanski), l’аuteur de «Migrations», à la prose incroyablement musicale, évocatrice et poétique, que j'ai eu le bonheur de traduire, ou Andrić à l'austère et sage élégance.


A cela j'ajouterai, comme un trait un peu excentrique, une passion pour les créateurs d'atmosphères, quel que soit le genre où ils s'ébattent. Je pense par exemple à Modiano, Proust ou Simenon. Et pour les démonologues comme Huysmans, les sœurs Brontë ou Léonid Andréiev. Et pour les visionnaires qui ont cartographié le suicide de l'humanité, comme Philip K. Dick ou le C. S. Lewis de la «Trilogie cosmique». Et pour les fantastiques, explicites comme Lovecraft et Jean Ray ou sous-entendus comme Henry James. D'une manière générale, le haut du panier, dans ma bibliothèque idéale, est tenu par les ouvrages parcourus de part en part par une passion ardente et totale. Si je pouvais déployer, même dans une nouvelle, l'énergie titanesque qu'Emily a insufflée aux cinq cents pages des «Hauts de Hurlevent», je considérerais mon destin comme accompli. Le sien l'a du reste été, pour l'éternité, grâce à ce seul livre.


Vos projets littéraires maintenant?

Trois romans, une biographie, une pièce burlesco-philosophique et un essai curieux et éclectique sur la Serbie. L'entrée en littérature m'a enjoint, pour la première fois, de ménager ma santé.

vendredi, 07 février 2014

Y' en a que ça emmerde...

jeudi, 06 février 2014

Bulletin célinien n°360

Le Bulletin célinien n°360

février 2014

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°360.

Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Céline, Émile Brami et l’édition
- François Marchetti : Le géant, le professeur et l’enfant
- Ole Seyffart Sørensen : Première rencontre
- Gauthier Ambrus : La force poétique des latrines (dans Voyage au bout de la nuit)
- François Lecomte : Céline et le Droit
- M. L. : Quand Jacques Chardonne enjoignait Paul Morand de répondre à Céline
- Éric Mazet : Céline et Gance. Quelques notes pour une biographie imaginaire

 

Le Bulletin célinien, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77 BE 1200 Bruxelles.
Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement annuel (11 numéros) : 55 €. 

mercredi, 05 février 2014

Céline, l'anarchico conservatore

mardi, 04 février 2014

"Gwaz-Ru" d'Hervé Jaouen

Nicolas Scouarnec, alias Gwaz-Ru, “l’homme rouge”, a quitté sa campagne de Briec et la servitude du métier de journalier pour s’embaucher comme manoeuvre dans le bâtiment. A Quimper, il se syndique, fraye avec le Parti communiste, côtoie des nationalistes bretons, rencontre la femme de sa vie et fonde une famille nombreuse. Il traversera les périodes troubles de l’entre-deux-guerres, de l’Occupation et de la Libération sans se départir de son esprit frondeur, allant de bonheurs en désillusions mais restant ce qu’il est : un rebelle à tous les pouvoirs, excepté celui qu’exerce sur lui le travail de la terre. Au bout de sa quête d’un monde meilleur, trouvera-t-il son jardin à cultiver une terre qui lui appartienne ? Né à Quimper, Hervé Jaouen est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages (romans, polars, récits de voyages, livres pour la jeunesse…). Il partage son inspiration entre l’Irlande, célébrée dans des romans tels que L’Adieu au Connemara ou Le Testament des McGovern. Gwaz-Ru est un nouveau volume de la magistrale fresque romanesque des Scouarnec-Gwenan, après Les Filles de Roz-Kelenn, Ceux de Ker-Askol, Les Soeurs Gwenan et Ceux de Menglazeg.

Nicolas Scouarnec, alias Gwaz-Ru, “l’homme rouge”, a quitté sa campagne de Briec et la servitude du métier de journalier pour s’embaucher comme manoeuvre dans le bâtiment. A Quimper, il se syndique, fraye avec le Parti communiste, côtoie des nationalistes bretons, rencontre la femme de sa vie et fonde une famille nombreuse. Il traversera les périodes troubles de l’entre-deux-guerres, de l’Occupation et de la Libération sans se départir de son esprit frondeur, allant de bonheurs en désillusions mais restant ce qu’il est : un rebelle à tous les pouvoirs, excepté celui qu’exerce sur lui le travail de la terre. Au bout de sa quête d’un monde meilleur, trouvera-t-il son jardin à cultiver une terre qui lui appartienne ?

Né à Quimper, Hervé Jaouen est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages (romans, polars, récits de voyages, livres pour la jeunesse…). Il partage son inspiration entre l’Irlande, célébrée dans des romans tels que L’Adieu au Connemara ou Le Testament des McGovern. Gwaz-Ru est un nouveau volume de la magistrale fresque romanesque des Scouarnec-Gwenan, après Les Filles de Roz-Kelenn, Ceux de Ker-Askol, Les Soeurs Gwenan et Ceux de Menglazeg.

mardi, 21 janvier 2014

Bulletin Célinien, janvier 2014

Le Bulletin célinien n°359

janvier 2014

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°359.

Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Proust et Céline
- Éric Mazet : Un entretien retrouvé (1956)
- Christian Senn : Théâtre. « Voyages au bout de la nuit »
- David Alliot : Éloge des chasseurs de feu (La vente Villepin)
- M. L. : Lucien Rebatet a enfin sa société d’études
- Henri Thyssens : Un roman sur l’assassinat de Denoël
- Éric Mazet : Entre Céline et Mahé au « Balajo » avec Jo France et Jo Privat
- M. L. : Photos d’écrivains (Louis Monier) 

Le Bulletin célinien, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77 BE 1200 Bruxelles.
Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement annuel (11 numéros) : 55 €.

lundi, 20 janvier 2014

Henri Mondor et Céline

 

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Henri Mondor et Céline

 

par Marc Laudelout

 

   C’est au printemps 2011, lors du colloque « Céline à l’épreuve », que Cécile Leblanc, agrégée de lettres classiques, nous  présenta la  correspondance  Céline – Henri Mondor. Mise sous scellés à la bibliothèque Jacques Doucet pour la période légale de 50 ans après la mort du destinataire, elle fait enfin l’objet d’une édition soignée dans la collection « Blanche » de Gallimard ¹.

 

Multiacadémicien (Académie française, Académie de médecine et Académie des sciences) et grand officier de la Légion d’honneur, on imagine mal aujourd’hui le prestige dont jouissait le professeur Henri Mondor après la guerre. Raison pour laquelle Gaston Gallimard tenait beaucoup à ce qu’il rédigeât la préface à l’édition de Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit dans la Pléiade. Ce fut chose faite, non sans quelques hésitations, et ce à la grande satisfaction de Céline. Lequel mourut malheureusement un an avant que le volume sorte des presses de l’imprimerie Darantière à Dijon, en avril 1962. Mondor, lui, trépassa précisément ce mois-là. C’est dès 1950 que Céline lui écrivit, l’académicien ayant accepté d’intervenir en sa faveur auprès de la Cour de justice.  Eut-il  quelque  sympathie idéologique pour  l’exilé ? Cécile Leblanc évoque ses « entrées dans les milieux de droite ou d’extrême droite » mais sans en dire davantage.  Connivence avec  l’Action Française ?  Lorsque  l’hebdomadaire  Aspects de la France consacre un article à Normance, Céline écrit à Mondor : « Grâce à vous sans doute j’ai eu cet article de l’AF. » Quoiqu’il en soit, l’académicien ne ménagea pas sa peine pour soutenir l’écrivain, allant même jusqu’à présider un éphémère « Comité d’amateurs des écrits de Céline » imaginé par Dubuffet au début des années cinquante. Fidèle à sa légende, Céline accable son correspondant de plaintes, d’éloges, de remerciements éperdus et... d’indications biographiques fallacieuses. Celles-ci seront répercutées telles quelles dans la fameuse préface, Mondor y reproduisant de larges extraits de cette correspondance. Celle-ci vaut surtout, vous l’aurez deviné, pour sa qualité d’écriture. Les formules jaillissent sous la plume, telle celle-ci à propos de Gaston Gallimard : « Depuis qu’il m’a refusé le Voyage il ne peut s’empêcher de me refuser tout ! le pli est pris ! ». Ou celle-là : « Actuellement partout le national Sartrisme remplace avec quelle fougue le national Socialisme pendu ! »  Drôle et lyrique. Ainsi, quand Mondor le compare à Hugo : « Crèvent les autres ! tous ! de jalousie, d’ulcères d’envie, de tout fétides néos [abréviation médicale pour « néoplasme », indique judicieusement l’éditrice] de rage ! L’Olympe à nous ! Mille reconnaissances pour ce plus qu’humain message, annonciateur des faveurs du Parnasse et de la confusion, écrabouillerie, compoterie de tous mes haineux ! »

Et, lorsqu’en janvier 1960 Henri Mondor lui adresse la préface tant attendue, l’érudition le dispute à l’ironie : « Si j’osais, je la ferais encadrer et la porterais en “attestation” sur la poitrine, selon la coutume des vétérans d’autrefois et aveugles du Pont des Arts ». Celui qui se désignait comme « minable pustuleux poëtasseux » aura contracté une dette incontestable envers le « grand savant, couvert de gloire ». Un demi-siècle plus tard, c’est Céline, glorieux et réprouvé, qui triomphe.

 

Marc LAUDELOUT

 

• Louis-Ferdinand CÉLINE, Lettres à Henri Mondor, Gallimard, 2013, 170 pages, 3 illustrations.

 

1. L’édition originale, réservée aux membres du  Cercle de la Pléiade, est parue au printemps dernier. Tirage à 2000 exemplaires hors commerce sur Rives vergé. Relevons une petite erreur, page 59 : ce n’est pas un chapitre de Guignol’s band mais de Casse-pipe que Jean Paulhan publia en 1948 dans les Cahiers de la Pléiade.

 

→ Voir aussi Marc Laudelout, « Hommage à Henri Mondor », Le Bulletin célinien, n° 138, mars 1994, pp. 6-9.

 

dimanche, 19 janvier 2014

Proust et Céline

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Proust et Céline

 

par Marc Laudelout

 

   Opposer Proust à Céline aura été une constante de la critique depuis près d’un siècle. Dès 1932, Léon Daudet écrivait ceci : « Proust, avec toute sa puissance, que j’ai célébrée un des premiers, c’est aussi un recueil de toutes les observations et médisances salonnières dans une société en décomposition. Il est le Balzac du papotage. De là une certaine fatigue dont M. Céline  va  libérer sa génération ¹. » Céline lui-même s’est voulu en quelque sorte l’antithèse de celui qu’il considéra parfois comme un rival. Mais les auteurs d’un récent Dictionnaire amoureux de Proust ² ont tort de croire qu’il n’a jamais varié dans ses appréciations. Il fut un temps où Céline se devait de s’opposer à lui pour édifier une œuvre aussi émotive que celle de son illustre aîné mais assurément moins bavarde, ou à tout le moins ne se perdant pas dans les dédales d’une infinie introspection. À la fin de sa vie, Céline admettra que « Proust est le dernier, le grand écrivain de notre génération ³ », ce qui n’est tout de même pas rien. L’un des co-auteurs de ce dictionnaire note que les ressemblances entre les deux œuvres sont plus grandes qu’on ne le croit généralement. Et d’affirmer, par exemple, que la compassion de Bardamu à l’égard du sergent Alcide s’applique exactement à celle éprouvée par le baron de Charlus envers les soldats de la Grande Guerre. Et que le fameux aphorisme célinien, « La grande défaite, en tout, c’est d’oublier », est une phrase que Proust aurait pu signer, voulant dire par là que tous deux détestent l’oubli – ce qui n’est pas faux mais n’a rien d’original.

 

   Voilà un rapprochement qui aurait le don d’exaspérer l’inénarrable Charles Dantzig, proustolâtre éperdu et anticélinien primaire. Anxieux, il imagine, dans un avenir proche, l’équivalent (anti)proustien du Contre Céline qui nous fut infligé il y a une quinzaine d’années : « J’ai été frappé au moment d’une querelle littéraire contre le réalisme, que j’ai eue il y a quelques mois, de voir qu’on s’en servait pour défendre Céline au détriment de Proust. Dans les temps haineux qui se sont réveillés, je ne serais pas surpris si, dans cinq ans, paraissait un pamphlet contre Proust, la mollesse et la décadence. Et on regrettera alors ce qui, rétrospectivement, sera devenue une époque. L’époque “Proust friendly”  4». Allusion, on l’aura compris, à l’expression « gay friendly » chère à l’auteur ; « les temps haineux » évoquant les manifestations contre « le mariage pour tous ». Cela étant, c’est méconnaître l’œuvre célinienne que de la réduire au « réalisme » ; hier au « populisme ». Déjà dans un de ses bouquins, ne faisait-il pas sien le commentaire navrant d’un Malraux vieillissant qui comparait la verve de Céline à celle d’un chauffeur de taxi ?  Ailleurs il qualifie  Céline et Beethoven  de  « génies  des adolescents incultes 5» [sic]. Lorsque la bêtise culmine à ce point, on demeure sans voix.

 

Marc LAUDELOUT

 

1. Léon Daudet, « L.-F. Céline : “Voyage au bout de la nuit” », Candide, 22 décembre 1932.

 

2. Jean-Paul et Raphaël Enthoven, Dictionnaire amoureux de Proust, Plon / Grasset, 2013. Voir les propos du second [sur Proust et Céline] recueillis par Philippe Delaroche, « L’autre questionnaire de Proust », Lire, n° 419, octobre 2013, p. 8. Sur les deux auteurs, voir le portrait qu’en dresse Emmanuel Ratier dans Faits & Documents, n° 368, 15 décembre-15 janvier 2013 (B.P. 254-09, 75424 Paris Cedex 09).

 

3. Jean Guenot (éd.), Céline à Meudon (Transcription des entretiens avec Jacques d’Arribehaude et Jean Guenot), Éd. Guenot, 1995.

 

4. Charles Dantzig, Émission « Secret professionnel » (Du côté de chez Swann), France Culture, 6 octobre 2013. Cette émission peut actuellement être écoutée sur le site internet de France Culture.

 

5. Idem, Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, Grasset, 2009.

mercredi, 15 janvier 2014

F. Luchini: Voyage au bout de la nuit

lundi, 30 décembre 2013

Chronique littéraire: Maurice Bardèche, Suzanne et le Taudis

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Chronique littéraire: Maurice Bardèche, Suzanne et le Taudis, Plon, 1957

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

 « Je rendais grâce au ciel d’avoir fait de moi un cuistre obscur. Et aussi de m’avoir donné un taudis d’une pièce et demie, quand la moitié de l’Europe logeait dans des caves. »

1 – Maurice Bardèche et la politique

2 – Le Taudis, frêle esquif au milieu des flots tumultueux

3 – Un récit sur la condition de l’écrivain dissident

1 – Maurice Bardèche et la politique

Maurice Bardèche.jpgLa production littéraire de Maurice Bardèche ayant trait à la politique, radicale dans son fond et souvent très attrayante dans sa forme, n’est pas le fruit de l’assimilation particulièrement réussie de la pensée d’illustres prédécesseurs maurassiens, ni même la somme d’un nombre quelconque de réflexions antérieures, forgées à chaud à cette époque désormais révolue où l’expression « presse d’opinion » avait encore un sens. Au contraire, comme le révèle Jacques Bardèche, son propre fils, dans l’entrevue qu’il a bien voulu accorder à nos camarades de MZ récemment, Maurice Bardèche a commencé à vraiment s’intéresser à la politique à partir d’un moment historique bien précis : l’exécution de son ami et beau-frère Robert Brasillach, le 6 février 1945. De fil en aiguille, la pensée politique de Bardèche a donc émergé en réaction à un certain nombre d’événements, qu’il juge insupportables : l’exécution sommaire et injustifiée de son ami, les horreurs de l’épuration, le climat d’hypocrisie exacerbée d’après-guerre… Pour autant, jamais la plume de Bardèche n’accouche de propos haineux, contrairement à ce que laisse souvent entendre une certaine littérature engagée à gauche. Bien loin des pamphlets outranciers de Céline, des présages sombres et du pessimisme de Drieu, des intransigeances de Rebatet ou de Coston, la prose de Bardèche invite souvent le lecteur à entrevoir des rivages plus sereins : la recherche d’une forme d’équilibre, de justice, ou tout simplement de common decency, pour reprendre la formule d’Orwell. La pensée de Bardèche, c’est peut-être d’abord l’expression du bon sens appliquée à la politique. C’est un véritable antidote à la langue de bois.

Suzanne et le Taudis s’inscrit parfaitement bien dans cette forme littéraire très particulière, issue d’une radicalité qui ne sacrifie jamais à l’outrance ou à la provocation. Il en résulte un véritable pamphlet dans un gant de velours

2 - Le Taudis, frêle esquif au milieu des flots tumultueux

D’un point de vue formel, Suzanne et le Taudis se présente comme un récit plein de saveurs axé sur les conditions matérielles de Maurice Bardèche et de sa femme, Suzanne, la sœur de Robert Brasillach, après que le couple, qui habitait jusqu'alors avec celui-ci, se soit vu dépossédé de son appartement, "réputé être indispensable aux nécessités de la Défense nationale" au moment de la Libération.

De logis insalubre en appartement de fortune, en passant, bien sûr, par la case prison, sans jamais d'atermoiements, toujours avec un ton caustique, Bardèche nous livre un florilège de souvenirs où l’on entrevoit pêle-mêle d’indolentes femmes de chambres, de vertueux jeunes garçons animés d’idéaux maudits, d’improbables compagnons de cellules, mais aussi de bien espiègles marmots.

On croise au fil des pages de nombreux intellectuels plus ou moins proches de Bardèche : François Brigneau, Roland Laudenbach, le célèbre dessinateur Jean Effel, Marcelle Tassencourt et Thierry Maulnier, Henri Poulain, ou encore Marcel Aymé, à propos duquel Bardèche écrit : « il a l’air d’un saint de pierre du douzième siècle. Il est long, stylisé, hiératique, il s’assied tout droit, les mains sagement posées sur les genoux comme un pharaon et il fait descendre sur ses yeux une sorte de taie épaisse pour laquelle le nom de paupière m’a toujours paru un peu faible ». Cette icône byzantine incarnée, sans partager nécessairement les idées politiques de Bardèche, engage pourtant une campagne en faveur de celui-ci à l’occasion de son procès, dans un article publié dans Carrefour le 26 mars 1952, intitulé « La Liberté de l’écrivain est menacée ».

On découvre aussi dans ce roman, bien entendu, Suzanne, toute entière dévouée à l'éducation de ses enfants, fière, pragmatique, essayant tant bien que mal d'endiguer le flot continuel de trouvailles plus ou moins bien venues de la part de sa progéniture, au milieu des intellectuels pas toujours fréquentables que Bardèche recevait parfois chez lui. A ce titre, on pourra louer la lucidité de l’auteur quant aux travers récurrents et indéboulonnables des individus, parfois tout à fait valeureux mais bien trop souvent en dehors du réel, qui se réclamaient du fascisme encore après la guerre. Bardèche fustige leurs travers d'alcooliques ou leurs élans despotiques sans pour autant leur tourner le dos, à aucun moment.

A travers ces tranches de vie tour à tour drôles, touchantes, poignantes, Maurice Bardèche, de son style limpide, dresse l’autoportrait d’un écrivain voué à l’exclusion et à la misère, un homme sincère et droit dans ses bottes, volontiers porté sur l’autodérision, terriblement humain, au fond.

3 – Un récit sur la condition de l’écrivain dissident

Maurice Bardèche aurait pu poursuivre la très belle carrière qu’il s’était taillée avant la guerre. Successivement élève de ENS, agrégé de Lettres, docteur ès Lettres, professeur à la Sorbonne puis à l’université de Lille, on lui doit d’admirables ouvrages encore aujourd’hui unanimement reconnus sur Balzac, Flaubert, Stendhal, Bloy et Céline.

En mettant son talent au service d’une cause, Bardèche sait qu’il ne retrouvera jamais le confort matériel, la stabilité, la quiétude de sa vie d’autrefois. A travers Suzanne et le Taudis, Bardèche nous laisse entrevoir ce que la condition des hommes, et plus particulièrement des écrivains, qui osent se compromettre, peut avoir d’instable et de précaire. Le système a bien senti que la plume de Bardèche cherchait à lui chatouiller le menton ; il a donc tout mis en oeuvre, non pas seulement pour ôter cette plume, mais aussi pour rendre l'existence de celui qui la maniait aussi inconfortable que possible.

Il est très intéressant de constater qu’à la fin de son ouvrage, paru en 1957, Bardèche invoque les noms de Bernanos, de Maurras, de Péguy, et aussi de Céline. Il reconnait en effet chez ces écrivains une forme d’engagement absolu, inconditionnel, qui prévaut sur les contingences quotidienne. Or, le même Céline finit par tomber en disgrâce aux yeux de Bardèche, comme on l’apprend dans la biographie remarquable qu’il lui consacre en 1986. Bardèche  confirme sa prise de position à l’occasion de son apparition sur le plateau de la mémorable émission d’Apostrophes, le 3 avril 1987, devant un BHL qui manque de s’étrangler d’indignation – mais pas pour prendre la défense de Céline, comme vous pouvez l’imaginer.

Pourquoi cette soudaine volte-face de la part d’un écrivain d’ordinaire si constant dans ses choix ? Il faut dire que le professeur Destouches a bien changé, entre les prises de positions franchement assumées de Voyage au Bout de la Nuit et la surenchère stylistique de Féerie pour une autre fois, dans lequel Céline choisit d’endosser le rôle de la victime qu’on voue aux feux de la Géhenne. On imagine aisément que les persécutions modernes aient été difficiles à supporter pour les écrivains modernes à contre-courant des idées reçues, et bien loin de nous l’idée de jeter la pierre à l’une ou l’autre de ces figures illustres. Bardèche pourtant, dans son dénuement quasi monacal, apparait dans la tourmente avec un éclat bien différent de celui de Céline, exilé au Danemark, tout engoncé, à la fin de sa vie, dans un nombrilisme maladif.

Maurice Bardèche me rappelle toujours Diogène, même si l’auteur de Suzanne et le Taudis est peut-être un peu trop bonne pâte pour être un authentique cynique. Le taudis de l’un valait bien le tonneau de l’autre, en tout cas, et l’image résume fort bien le propos du livre, posé sous forme de morale à la fin de l’ouvrage, mais que les militants d’aujourd’hui devraient sans doute méditer comme une problématique essentielle du combat qu’ils mènent aujourd’hui : celui qui ne pratique pas la langue de bois et qu’anime le désir de lutter contre le système doit s’attendre au retour de flamme. Adopter la position d’un dissident comporte des risques qu’il faut avoir le cran d’assumer, sans chercher à se réfugier derrière de fallacieux prétextes…

Sans aller jusqu’à prendre le radicalisme de Bardèche pour un modèle absolu, on peut lire Suzanne et le Taudis comme une belle leçon d’humilité, et se souvenir que l’engagement le plus total jeté à la face de tous sur Facebook ne vaut strictement rien si c’est une intransigeance de façade qui ne trouve jamais à s’exprimer dans la vie quotidienne.

Lyderic

samedi, 21 décembre 2013

Richard Millet über Terrorismus und Literatur

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Richard Millet über Terrorismus und Literatur

Martin Lichtmesz

Ex: http://www.sezession.de

(Im Netz-Tagebuch veröffentlicht am 27. November 2012, jetzt wieder aktuell aufgrund einer Diskussion über die eben auf Deutsch erschienen Essays Richard Millets [2])

Unmittelbar nach der Tat bezeichnete der deutsche Komponist Karlheinz Stockhausen den Terroranschlag vom 11. September 2001 als „das größte Kunstwerk, was es je gegeben hat“. Den Zusatz „jetzt müssen Sie alle Ihr Gehirn umstellen“ vorausgeschickt, sagte er im Wortlaut:

Daß also Geister in einem Akt etwas vollbringen, was wir in der Musik nie träumen könnten, daß Leute zehn Jahre üben wie verrückt, total fanatisch, für ein Konzert. Und dann sterben. Und das ist das größte Kunstwerk, das es überhaupt gibt für den ganzen Kosmos. Stellen Sie sich das doch vor, was da passiert ist. Das sind also Leute, die sind so konzentriert auf dieses eine, auf die eine Aufführung, und dann werden fünftausend Leute in die Auferstehung gejagt. In einem Moment. Das könnte ich nicht. Dagegen sind wir gar nichts, also als Komponisten. … Ein Verbrechen ist es deshalb, weil die Menschen nicht einverstanden waren. Die sind nicht in das Konzert gekommen. Das ist klar. Und es hat ihnen niemand angekündigt, ihr könntet dabei draufgehen.

Stockhausen kam damit trotz großer Empörung gerade noch davon – als Abgesandten des Sirius [3] schützte ihn die Narrenfreiheit des Avantgardisten. Kurz darauf erregte auch der postmoderne Philosoph Jean Baudrillard [4] erhebliche Irritation, als er in einem Artikel für die Tageszeitung Le Monde den Terroranschlag als eine Art Hyper-Event, als „Mutter aller Events“ beschrieb. Während noch alle Welt unter Schock stand, und in Deutschland betappert „Wir sind alle Amerikaner!“ gestammelt wurde, versuchte Baudrillard, die Tat mit kaltem Auge als Menetekel und Symbol zu lesen, als Ernte der Drachensaat eines selbstzerstörerischen Westens.

Der Spiegel interviewte [5] Baudrillard zu diesen Thesen:

SPIEGEL: Monsieur Baudrillard, Sie haben die Attentate vom 11. September in New York und Washington als das „absolute Ereignis“ beschrieben. Sie haben die USA beschuldigt, durch ihre unerträgliche hegemoniale Übermacht den unwiderstehlichen Wunsch nach ihrer Zerstörung zu wecken. Jetzt, wo die Herrschaft der Taliban kläglich zusammengebrochen ist, Bin Laden nichts mehr als ein gehetzter Flüchtling ist, ­ müssen Sie nicht alles widerrufen?

Baudrillard: Ich habe nichts verherrlicht, niemanden angeklagt und nichts gerechtfertigt. Man darf den Botschafter nicht mit seiner Kunde verwechseln. Ich bemühe mich, einen Prozess zu analysieren: den der Globalisierung, die durch ihre schrankenlose Ausdehnung die Bedingungen für ihre eigene Zerstörung schafft.

SPIEGEL: Lenken Sie damit nicht einfach ab von der Tatsache, dass identifizierbare Verbrecher und Terroristen für die Anschläge verantwortlich sind?

Baudrillard: Natürlich gibt es handelnde Akteure, aber der Geist des Terrorismus und der Panik reicht weit über sie hinaus. Der Krieg der Amerikaner konzentriert sich auf ein sichtbares Objekt, das sie zerschmettern möchten. Doch das Ereignis vom 11. September in all seiner symbolischen Bedeutung lässt sich so nicht auslöschen. Die Bomben auf Afghanistan sind eine völlig unzulängliche Ersatzhandlung.

SPIEGEL: Warum können Sie nicht einfach akzeptieren, dass die Zerstörung des World Trade Center die willkürliche, irrationale Tat einiger verblendeter Fanatiker war?

Baudrillard: Eine gute Frage, aber selbst wenn es sich um eine bloße Katastrophe gehandelt hätte, bliebe die symbolische Bedeutung des Ereignisses erhalten. Nur so erklärt sich auch seine Faszination. Hier ist etwas geschehen, das bei weitem den Willen der Akteure übersteigt. Es gibt eine universelle Allergie gegen eine endgültige Ordnung, gegen eine endgültige Macht, und die Zwillingstürme des World Trade Center verkörperten diese endgültige Ordnung in vollkommener Weise.

SPIEGEL: Demnach erklären Sie den terroristischen Wahn als unausweichliche Reaktion auf ein System, das selbst größenwahnsinnig geworden ist?

Baudrillard: Das System selbst in seinem totalen Anspruch hat die objektiven Bedingungen dieses furchtbaren Gegenschlags geschaffen. Der immanente Irrsinn der Globalisierung bringt Wahnsinnige hervor, so wie eine unausgeglichene Gesellschaft Delinquenten und Psychopathen erzeugt. In Wahrheit sind diese aber nur die Symptome des Übels. Der Terrorismus ist überall, wie ein Virus. Er braucht Afghanistan nicht als Heimstatt.

Irgendwo in der Mitte zwischen Baudrillard und Stockhausen stossen wir auf den österreichischen Künstler und Medientheoretiker Peter Weibel, [6] der vor einem Jahr in einem Interview mit dem Standard das Auftreten von Amokläufern und Attentätern in Europa als Symptome eines zerfallenden Systems deutete:

  Das Problem ist: Je länger es dauert, bis das System implodiert, desto höher sind die Kosten. Die Armut wird steigen, damit steigt in der Gesellschaft das Konfliktpotential. Denken wir doch nur an die Attentate in Norwegen und Lüttich. Man kann es sich einfach machen und sagen: Anders Brevik und Nordine Amrani sind geisteskranke Individuen. Aber diese Attentäter nahmen Tendenzen, Slogans, Gedankengut auf. Brevik hat ein Manifest mit 1500 Seiten geschrieben. Und durch ihre psychische Kondition wurde dieses Gedankengut verzerrt. Amrani und Brevik hätten es aber nicht verzerren können, wenn nicht etwas zum Verzerren da gewesen wäre. Jetzt versucht man, Menschen wie Brevik zu isolieren – und übersieht, dass das Pathologische nicht in ihnen, sondern in der Gesellschaft ist. Sie sind nur das Fieberthermometer. Wenn wir nicht bald eine Lösung finden, werden solche Attentate zunehmen. Und das wäre für mich ein Symptom für die sich abzeichnende Instabilität des Systems.

Weibel ist ein Veteran des „Wiener Aktionismus“ [7]- man begegnet ihm auch als Gesprächspartner Lutz Dammbecks [8] in dessen legendärer Dokumentarstudie „Das Meisterspiel“ (1998), die unter anderem die alte Frage der Avantgarde nach dem Aufbrechen und Sprengen der traditionellen Grenzen der Kunst umkreiste.

Im Zentrum des Films stand ein Akt von ästhetischem „Terrorismus“: Ein unbekannter Täter [9] war im September 1994 in das Atelier des als „Übermaler“ fremder Gemälde bekannt gewordenen Arnulf Rainer eingedrungen, und hatte dessen Bilder seinerseits mit schwarzer Farbe übermalt (wie übrigens auch einmal der „Pornojäger“ Martin Humer ein Bild von Otto Mühl „zugenitscht“ [10] hat), eines davon mit der Persiflage eines Satzes aus der Autobiographie eines bekannten verhinderten Künstlers versehen, der sich später unter anderem in der „Ästhetisierung der Politik“  [11] einen Namen gemacht hat, in großen roten Lettern:

Und da beschloß er, Aktionist zu sein.

Etwa ein Jahr später wurde der Polizei ein „Bekennerschreiben“ [12]zugesandt, in der Tat eine kenntnisreiche, manifestartige Fundamentalkritik bestimmter Tendenzen der modernen Kunst. Ob tatsächlich der Autor des Traktats mit dem Übermaler des Übermalers identisch war, bleibt bis heute ungeklärt (manche vermuten, daß niemand anders als Rainer selbst hinter der Aktion steckte).

Zeitgleich wurde Österreich von einer geheimnisvollen Briefbombenserie [13] mit fremdenfeindlichem Hintergrund heimgesucht, die ebenfalls von Manifesten (und sogar schwarzen Texttafeln) begleitet wurde. Das führte Dammbeck zu der Frage, ob es sich hierbei nicht auch um eine Art von blutiger „Konzeptkunst“ handeln könne.

Der 1953 geborene französische Romancier und Essayist Richard Millet steht also mit seinem im August des Jahres erschienenen Essay mit dem irritierenden Titel „Literarische Lobrede auf Anders Breivik“ durchaus in einer langen intellektuellen Tradition. Im Gegensatz zu Stockhausen und Baudrillard ist er aber nicht bloß mit einem blauen Auge davongekommen.

Alain de Benoist berichtete [15] über die massive mediale Diffamierungs- und Ausgrenzungskampagne, die wider Millet einsetzte, und ihn schließlich seine Position als Lektor von Gallimard kostete (unter anderem hatte er die Herausgabe des Schlagers Die Wohlgesinnten von Jonathan Littell maßgeblich mitverantwortet).

Über den Inhalt des Essays gelogen [16] wurde auch in der deutschen Presse, die Millet übrigens bisher recht wohlgesonnen (no pun intended) war. Seinen Roman Die drei Schwestern Piale [17] (1998) pries die Süddeutsche Zeitung als „Kunstwerk von seltener Geschliffenheit und Eleganz“, und die Zeit lobte Der Stolz der Familie Pythre (2001) für seine „klare und leuchtende Sprache“. Die Sprache und ihr Verfall zur Schablone der „Allgemeinheiten“ ist ein wesentliches Thema Millets: so seines Großessays „Langue Fantôme“ (Phantomsprache), zu dem die „Éloge littéraire“ nur eine kurze Bonusbeigabe ist (beide Texte sind neben weiteren Essays nun erschienen im Verlag Antaios: Verlorene Posten. Schriftsteller, Waldgänger, Partisan [18])

In der Tat wird bei der Lektüre des inkriminierten Textes schnell klar, daß der Titel nicht nur ironisch, sondern geradewegs sarkastisch gemeint ist: in einer Zeit, in der die Sprache, die Kultur und die Literatur [19] massiv verfallen und zerstört werden, kann man auch einen destruktiven Akt wie den Breiviks als „literarisch“ bezeichnen. Den Begriff der „Literatur“ faßt Millet dabei recht weit, gebraucht ihn geradezu synonym mit „Kultur“ selbst. In seinem Essay schreibt er:

Die Herrschaft der Zahl, der Multikulturalismus, die Horizontalität, der Taumel der Erschöpfung und der Verlust des Sinns, sowie das, was Renaud Camus die „Entzivilisierung“ nennt, zusammen mit seinem Korollarium, dem „großen Bevölkerungausstausch“: all dies bedeutet die Niederlage der Literatur.

In der aktuellen Jungen Freiheit (48/12) findet sich ein lesenwertes Interview mit Millet, in dem er den Hintergrund seines Aufsatzes erläutert:

Man muß sich dem Abscheulichen stellen, dem Unentschuldbaren. Dostojewski lieferte in den „Dämonen“ sehr gute Porträts von Monstern, Truman Capote in „Kaltblütig“. Von Breivik zu sprechen bedeutet also eine Methode, um vom Bösen [20] zu sprechen. Ist das nicht die Aufgabe des Schriftstellers? (…)

Breivik ist ein verfehlter Schriftsteller – er selbst definierte sich im Laufe seines Prozesses als Schriftsteller. Meine „Eloge“ ist offensichtlich ironisch. Breivik symbolisiert den Tod der europäischen Kultur. Ich wollte zeigen, daß Literatur und noch viel mehr Kultur im Abendland keinen Wert mehr besitzen und daß es der Tod derselben ist, der das Vordringen des Multikulturalismus ermöglicht. Breivik und der Multikulturalismus verkörpern den Tod der Literatur insoweit, als daß letztere eine der gehobensten Ausdrucksformen dieser Kultur ist.

Breivik und sein algerisch-islamisches Pendant Mohammed Merah, der im März 2012 in Frankreich sieben Menschen erschoß, darunter drei jüdische Kinder, nennt er

…. Kriminelle, die die Schuld verbrecherischen Denkens zu Fragen der Nation und der Zivilisation tragen. Während Merah zum Dunstkreis
des internationalen islamischen Terrorismus gehört und Breivik zur Dekadenz, die er anprangert, so sind doch beide das Symbol eines Bürgerkriegs. Eines Bürgerkrieges, der noch nicht benannt wurde, weil das die Propaganda untersagt.

Dennoch ist er real: Die französischen Vorstädte befinden sich in der Gewalt von Jugoslawen oder Libanesen, da hier das Gesetz der Republik von Immigranten und einheimischen Taugenichtsen, die keinerlei Wunsch zur Integration haben, zum Versagen gebracht wird. Wenn Sie bewaffnete Soldatenpatrouillen in der U-Bahn, auf Bahnhöfen, im Hof des Louvre sehen, glauben Sie das sei Disneyland? Nein, sie sind die Konsequenz des islamistischen Terrors und der passiven Anwesenheit der Moslems, die den Islamismus auf hiesigem Boden mehr oder weniger begünstigen.

Nicht anders also als der oben zitierte Peter Weibel hebt Millet in seinem umstrittenen Essay hervor, daß es sich bei dem Attentäter um einen gescheiterten Autor handelt, als Verfasser eines „naiven“ 1,500-seitigen „Paste & Copy“-Kompendiums, dessen Machart ein durch und durch „wikipedisiertes“ Gehirn erkennen läßt. Seine Tat habe eine gewisse „formale Perfektion“ gezeigt, lange vorbereitet und wohl durchdacht in Bezug auf das, was sie mit Blut und Massenmord „kommunizieren“ wollte – durchaus vergleichbar mit der präzise gewählten Symbolik der Ziele des „9/11″-Attentats.

Und wie Weibel sieht auch Millet Breivik als Ausgeburt und Spiegel einer pathologischen Gesellschaft, als „Symptom für die sich abzeichnende Instabilität des Systems“:

Breivik  ist in erster Linie ein exemplarisches Produkt der abendländischen Dekadenz im Habitus eines amerikanisierten Kleinbürgers… Er ist nicht nur das Kind der Zerrüttung der Familie, sondern auch des ideologisch-ethnischen Bruchs, den die außereuropäische Einwanderung nach Europa über fünfzig Jahre hinweg verursacht hat, und der lange vorbereitet wurde durch die Einwirkung der amerikanischen Massenunkultur, der ultimativen Konsequenz des Marshallplanes: des Planes einer absoluten Herrschaft des globalisierten Marktes, der Europa enthistorisiert, auf der wirtschaftlichen, kulturellen und ohne Zweifel auch ethnischen Ebene.  (…)

Gleich Baudrillard sieht er in dem Terrorakt das grausame Wirken der Nemesis, die sich das System durch seinen eigenen Wahnsinn und seine Maßlosigkeit selbst heraufbeschworen hat:

Breivik ist zweifellos das, was Norwegen verdiente und was unsere Gesellschaften erwartet, die sich unablässig blind stellen, um sich besser selbst verleugnen zu können. (…)

Der Sommer (2011) brachte uns die Nuklearkatastrophe von Fukushima, das Abgleiten der internationalen Politik in die Lächerlichkeit durch die Affäre Strauss-Kahn, dem sozio-priapischen Terroristen und bisher ungewürdigten Gegenstück zu dem christdemokratischen Erotomanen Berlusconi, und, am Morgen nach dem Massaker von Utoya, den Tod von Amy Winehouse, der Breivik beinahe die Schau stahl, vor allem aber den vulkanartigen Ausbruch einer Finanzkrise, die seit dem Jahr 2008 vor sich hinschwelte, und die momentan dabei ist, Europa endgültig in die Knie zu zwingen.

Daß eine Finanzkrise dieses Ausmaßes auch den Bankrott der Zivilisation selbst offenbart, wollen nur die Schwachköpfe nicht sehen.  Breivik ist, soviel steht fest, ein verzweifeltes und entmutigendes Symbol für die europäische Unterschätzung der Verheerungen des Multikulturalismus; auch das Symbol einer Niederlage des Geistes vor dem Profit des Geldes. Die finanzielle Krise ist eine Krise des Sinns, der Werte, also auch der Literatur.

Millet verzeichnet in diesem Zusammenhang die seit etwa zwei Jahrzehnten ansteigende Ausbreitung von Massenmorden „amerikanischen“ Stils (sozusagen „à la Columbine“) gerade in jenen (nord-)europäischen Ländern, die lange Zeit als sozial und politisch stabil galten: England, Schweiz, Frankreich, Deutschland und Finnland.

Dabei sieht Millet in Breivik nun durchaus keinen „Warhol des Anti-Multikulturalismus“, der nur auf seine 15 Minuten Ruhm aus gewesen sei und „l‘art pour l‘art“ betrieben hätte:

Weit entfernt, ein Konzeptkünstler zu sein, glaubte Breivik nicht an das, was Baudrillard die „Duplizität“ der zeitgenössischen Kunst nannte, mit ihrem Bekenntnis zur „Nichtigkeit, zur Bedeutungslosigkeit, zum Non-sens, da man ja bereits nichtig ist“  – die in der Tat jeglichen künstlerischen und existenziellen Ansatz zunichte macht. (…)

Er hat auch nicht bloß jene nach Breton einfachste surreale Geste nachvollzogen, die darin bestehe, „wahllos mit dem Revolver in die Menge zu feuern“; er hat auch nicht Cioran [21] beim Wort genommen, der einmal schrieb, daß jeder Mensch, der noch bei Sinnen ist, schon aufgrund der Tatsache, sich auf einer Straße zu befinden, Ausrottungsgelüste bekommen müsse. Beide Sentenzen, sowohl Ciorans und als auch Bretons, wurden bisher viel zu wenig vor dem Untergrund der Kriege und Genozide des 20. Jahrhunderts gelesen, mit Adornos Diktum vom Ende der Kultur „nach Auschwitz“ im Hinterkopf.

Die Ausrottung als literarisches Motiv: das ist das Unrechtfertigbare schlechthin, und dieses beinhaltet die von Breivik indirekt (und gewiß unbeabsichtigt) aufgerollte Frage [22] nach dem Problem der globalen Überbevölkerung und der ökologischen Katastrophe, die sich verkoppelt mit jener nach der demographischen Entvölkerung Europas und der Zerstörung der Homogenität der europäischen Gesellschaften, wie in Norwegen, Finnland, Schweden, Dänemark, Holland, allesamt Länder, in denen jene, die man schamhaft als Populisten bezeichnet, in die Regierungen gewählt wurden.  (…)

Millet sieht einen engen Zusammenhang zwischen dem biologischen Tod Europas und dem vorangehenden Tod seiner Seele durch den Materialismus und die Verleugnung und Demontage seiner Identität. Auch im JF-Interview findet er hierfür drastische, harte Worte:

Die Europäer beklagen permanent ihr Schicksal. Spricht man zu ihnen von Zivilisation [23], antworten sie mit Ökonomie, sozial und ethisch, das heißt mit alltäglichstem Materialismus. Sie sind verfehlte Amerikaner so wie Breivik ein verfehlter Autor ist. Von dem Moment an, wo man sich selbst verleugnet, egal ob Franzose, Deutscher oder Europäer, begibt man sich in eine freiwillige Sklaverei, vollzieht die Unterwerfung der Gegenwart unter die Irrealität. Man selbst zu sein wird eine Art Schändlichkeit.

Würde ist das Empfinden für das, was man denen schuldet, die uns vorausgegangen sind, deren Erbe, die europäische Zivilisation, wir übernommen haben und deren Wurzeln christlich sind. Hat nicht Georges Bernanos gesagt, daß die moderne Zivilisation eine Verschwörung gegen jedwede Art von geistigem Leben ist?

Und er betont den bitteren Preis, den in Frankreich jeder zahlen muß, der es wagt, sich diesem Themenkomplex abseits der vorgeschriebenen Sprachregelungen zu nähern:

Die Gegenwartsliteratur kann sich damit nur unter der Maßgabe der politischen Korrektheit beschäftigen. Zu viele Journalisten fürchten die Justiz, falls sie sich solcher Themen annehmen. Die Darstellung des Ausländers, des Migranten, des illegalen Einwanderers muß explizit stark positiv erfolgen. Sagen Sie etwas anderes, laufen Sie Gefahr, als Faschist, ein anderes Wort für Rassist, beschimpft zu werden, was grotesk ist. Die Zensur hat ihre Form geändert: ständige Selbstzensur und Unterwerfung unter die Welt-Ideologie, post-rassistisch, postmenschlich. Die wenigen Intellektuellen, die es wagen, das Gegenteil zu denken – Alain Finkielkraut, Renaud Camus, Robert Redeker, ich selbst – werden vom größten Teil der Medien gehaßt.

 

Buchempfehlungen: Frank Lisson: Die Verachtung des Eigenen [24], Fjordman: Europa verteidigen [25] und natürlich Richard Millets Essay-Sammlung selbst: Verlorene Posten. Schriftsteller, Waldgänger, Partisan [18].

Bild: „Das Meisterspiel“ (1998), Regie: Lutz Dammbeck.


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[1] Image: http://www.sezession.de/34913/richard-millet-uber-terrorismus-und-literatur.html/richard-millet

[2] Essays Richard Millets: http://antaios.de/detail/index/sArticle/1430/sCategory/6

[3] Abgesandten des Sirius: http://de.wikipedia.org/wiki/Karlheinz_Stockhausen#Stockhausens_Weltsicht

[4] Jean Baudrillard: http://www.egs.edu/faculty/jean-baudrillard/articles/der-geist-des-terrorismus-teil-1/

[5] interviewte: http://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/jean-baudrillard-das-ist-der-vierte-weltkrieg-a-177013.html

[6] Peter Weibel,: http://www.sezession.de/29640/peter-weibel-uber-die-instabilitat-des-systems.html

[7] „Wiener Aktionismus“ : http://de.wikipedia.org/wiki/Wiener_Aktionismus

[8] Lutz Dammbecks: http://absolutmedien.com/main.php?view=film&id=1433&list=thema&list_item=23

[9] unbekannter Täter: http://www.sezession.de/2693/fanal-und-irrlicht.html

[10] „zugenitscht“: http://www.ifs.tuwien.ac.at/~andi/somlib/data/standard_1999/files/19990324.202.HTM

[11] „Ästhetisierung der Politik“ : http://de.wikipedia.org/wiki/Das_Kunstwerk_im_Zeitalter_seiner_technischen_Reproduzierbarkeit

[12] „Bekennerschreiben“ : http://www.herakleskonzept.de/material/index.php/bekennerschreiben-fall-rainer.html

[13] Briefbombenserie: http://de.wikipedia.org/wiki/Franz_Fuchs_%28Attent%C3%A4ter%29

[14] Image: http://www.sezession.de/34913/richard-millet-uber-terrorismus-und-literatur.html/bummsti

[15] berichtete: http://www.jf-archiv.de/archiv12/201240092848.htm

[16] gelogen: http://www.welt.de/kultur/article108888385/Pariser-Schriftsteller-lobt-Breivik-als-Kuenstler.html

[17] Die drei Schwestern Piale: http://antaios.de/buecherschraenke/schoene-literatur/1444/die-drei-schwestern-piale

[18] Verlorene Posten. Schriftsteller, Waldgänger, Partisan: http://antaios.de/gesamtverzeichnis-antaios/antaios-essay/1430/verlorene-posten.-schriftsteller-waldgaenger-partisan?c=24

[19] Sprache, die Kultur und die Literatur: http://www.faz.net/aktuell/feuilleton/gespraech-mit-richard-millet-was-breivik-uns-sagen-wollte-11896090.html

[20] Bösen: http://www.faz.net/aktuell/feuilleton/buecher/rezensionen/belletristik/peter-andre-alt-aesthetik-des-boesen-die-weltliteratur-ist-boese-dran-11080879.html

[21] Cioran: http://www.sezession.de/5050/autorenportrait-emil-cioran.html

[22] Frage: http://www.arktos.com/pentti-linkola-can-life-prevail.html

[23] Zivilisation: http://www.youtube.com/results?search_query=civilisation+kenneth+clark&oq=civilisation+kennet&gs_l=youtube-reduced.1.0.0i19l4.737.7216.0.8953.21.10.1.10.11.1.220.1423.3j5j2.10.0...0.0...1ac.1.a3ocNkS4PV0

[24] Die Verachtung des Eigenen: http://antaios.de/gesamtverzeichnis-antaios/einzeltitel/1130/die-verachtung-des-eigenen?c=21

[25] Europa verteidigen: http://antaios.de/gesamtverzeichnis-antaios/antaios-thema/1128/europa-verteidigen.-zehn-texte?c=13

samedi, 14 décembre 2013

Bulletin célinien n°358 / Déc. 2013

Le Bulletin célinien n°358 - décembre 2013

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°358.

Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Céline et Henri Mondor
- M. L. : Nadeau, Céline et Hindus dans « Combat »
- Éric Mazet : Céline’s Jazz Band
- M. L. : Le bel idéal de Jean Guenot
- M. L. : Gabriel Chevallier à redécouvrir
- Pierre de Bonneville : Match Cendrars – Céline
- Actualité célinienne

Le Bulletin célinien, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77 BE 1200 Bruxelles.
Courriel : celinebc@skynet.be. Abonnement annuel (11 numéros) : 55 €.
Numéro-specimen : 6 €.

Louis-Ferdinand CÉLINE : «Entretien avec Marc HANREZ» (1959)

Louis-Ferdinand CÉLINE : «Entretien avec Marc HANREZ» (1959)

 
Entretien de CÉLINE avec Marc HANREZ enregistré à Meudon en 1959 : « Ces propos ont été enregistrés au domicile de Céline en mars 1959 (d'où le chant du perroquet et la sonnerie du téléphone, avec les intonations, les interruptions, etc...). Sauf au tout début, et encore ! je n'avais pas préparé notre entretien. Il s'est donc improvisé autour des questions qui me venaient à l'esprit. Mais Céline, à sa table de travail, bloqué par les fils de l'appareil et du micro, a très vite et très volontiers joué le jeu. Si cela se termine en queue de poisson, c'est parce que, ayant remarqué sa fatigue, j'avais préféré nous en tenir là. Il faut prendre cet entretien pour ce qu'il est, et ne pas y chercher des intentions journalistiques. »

Marc HANREZ

Merci à Marc Hanrez et à http://www.lepetitcelinien.com

mardi, 03 décembre 2013

Vincenot: voilà ce que vous allez devenir...

 
« Voilà ce que vous allez devenir, messieurs, si vous vous laissez manipuler par les collectivistes, les théoriciens, les savants… Bientôt on vous fabriquera des hommes dans des flacons, sur commande, spécialisés dans l’œuf et dûment conditionnés dès l’enfance… Déjà on retire à vos femmes leur rôle maternel, déjà on les contraint à des travaux cycliques, déjà on limite votre travail à un ou deux gestes, toujours les mêmes ; déjà on vous abrutit par la drogue, la politique et la spécialisation pour que vous soyez mûrs et fin prêts pour la banalisation. »


Henri Vincenot


Source: http://zentropaville.tumblr.com