Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 19 avril 2016

Théologie de l'histoire et crise de civilisation de Juan Donoso Cortès

DCportrait.jpg

Théologie de l'histoire et crise de civilisation de Juan Donoso Cortès

Ex: http://www.juanasensio.com

Publié dans la collection que dirige Chantal Delsol, La Nuit surveillée, il faut espérer que ce livre, qui regroupe quelques-uns des textes les plus connus de Juan Donoso Cortès, redonne à cet auteur majeur de la pensée politique une place qu'il n'aurait jamais dû perdre, du moins en France, où les haines idéologiques sont aussi tenaces que, bien souvent, infondées, et suffisent à expliquer ce genre d'occultation, par stupidité intellectuelle et paresse crasse.

Dans une longue et intéressante introduction qui aurait toutefois mérité d'être relue plus attentivement qu'elle ne l'a été (1), Arnaud Imatz prend le soin de distinguer la pensée du marquis de Valdegamas de celle de l'éminent juriste Carl Schmitt, de laquelle elle a pourtant été, à juste titre, plus d'une fois rapprochée (2), bien trop souvent hélas dans le seul but de pouvoir commodément détester l'un et l'autre de ces grands penseurs : «La décision ultime du marquis de Valdegamas est plus que politique, elle est religieuse. Il faut donc distinguer soigneusement la théologie politique classique du catholique Donoso de l'anthropologie politique moderne du juriste, par ailleurs catholique, Carl Schmitt» (pp. 48-9). Cette distinction me semble assez superficielle car, in fine, c'est bien un horizon politique que convoque la pensée de Carl Schmitt.

Retraçant en détail l'évolution spirituelle, donc politique, de Donoso Cortès, qui «ne croit plus en la loi de perfectibilité et de développement progressif, matériel et moral, de l'homme et de la société», et a «perdu la foi aveugle en la possibilité de recréer l'«homme nouveau», parce qu'il a retrouvé la foi absolue en Dieu» (p. 51), Arnaud Imatz n'hésite pas à affirmer qu'il nous a légué «un message d'une étonnante actualité», dont l'essentiel «tient en peu de mots : la religion est la clef de l'histoire, la clef de toutes les cultures et civilisations connues. Une société qui perd sa religion tôt ou tard perd sa culture. Les idées fondamentales qui configurent l'Europe et la civilisation occidentale sont pratiquement toutes d'origine chrétienne ou ont été réélaborées ou réadaptées par le christianisme. Le déclin de l'Europe et de la civilisation a pour origine la séparation de la religion et de la culture, la sécularisation, la rébellion ou la négation des racines chrétiennes» (p. 88).

Nous pourrions de fait trouver, dans certaines études de l'historien anglo-saxon Christopher Dawson, disciple de Lord Acton, comme The Making of Europe. An introduction to the History of European Unity ou bien encore Religion and the Rise of Western Culture, les prolongements, si apparemment peu acceptés par une partie des élites intellectuelles et politiques européennes (et singulièrement françaises) des thèses de Donoso Cortès : l'Europe, si elle est européenne donc civilisée, l'est parce que le christianisme l'a sauvée de la barbarie et a permis de conserver, tout le en le transformant profondément, les génies grec et romain.

L'auteur développe ces idées, de façon magistrale et le plus souvent au moyen d'images frappantes, dans le premier des textes regroupés dans notre livre, le fameux et si décrié Discours sur la dictature datant de 1849, tout entier résumé dans une phrase, qualifiée de «mot formidable» par l'auteur en personne : «Quand la légalité suffit pour sauver la société, la légalité; quand elle ne suffit pas, la dictature» (p. 95). Donoso Cortès poursuit son développement, affirmant que «la dictature, en certaines circonstances, en des circonstances données, comme celles, par exemple, où nous sommes (3), est un gouvernement aussi légitime, aussi bon, aussi avantageux que tout autre, un gouvernement rationnel qui peut se défendre en théorie comme en pratique» (ibid.). Très vite, éclatent les fulgurances dont l'auteur parsème ses discours. Ainsi, parlant de la Révolution française, Donoso Cortès affirme que : «La république avait dit qu'elle venait établir dans le monde le règne de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, trois dogmes qui ne viennent pas de la république et qui viennent du Calvaire» (p. 99).

DC1-2204097987.jpgEt Donoso Cortès de continuer son analyse, en clamant que les révolutions «sont la maladie des peuples riches, des peuples libres», le monde ancien étant «un monde où les esclaves composaient la majeure partie du genre humain», le «germe des révolutions n'étant pas dans l'esclavage», malgré l'exemple de Spartacus qui ne fit que fomenter quelque guerre civile : «Non, Messieurs, le germe des révolutions n'est pas dans l'esclavage, n'est pas dans la misère; le germe des révolutions est dans les désirs de la multitude surexcitée par les tribuns qui l'exploitent à leur profit. Vous serez comme les riches, telle est la formule des révolutions socialistes contre les classes moyennes. Vous serez comme les nobles, telle est la formule des révolutions des classes moyennes contre les classes nobiliaires. Vous serez comme les rois, telle est la formule des révolutions des classes aristocratiques contre les rois» (p. 100), et l'auteur de conclure sa gradation par l'image logique, théologique : «Vous serez comme des dieux, telle est la formule de la première révolte du premier homme contre Dieu. Depuis Adam, le premier rebelle, jusqu'à Proudhon, le dernier impie, telle est la formule de toutes les révolutions» (p. 101).

Les parallélismes sont un procédé constant de l'art oratoire (mais aussi de ses textes écrits) de Donoso Cortès, qui cite dans la suite de son texte l'exemple de la France : «C'est un fait historique, un fait connu, un fait incontestable, que la mission providentielle de la France est d'être l'instrument de la Providence pour la propagation des idées nouvelles, soit politiques, soit religieuses et sociales. Dans les temps modernes, trois grandes idées ont envahi l'Europe : l'idée catholique, l'idée philosophie, l'idée révolutionnaire. Or, dans ces trois périodes, toujours la France s'est faite homme pour propager ces idées. Charlemagne a été la France faite pour propager l'idée catholique; Voltaire a été la France faite homme pour propager l'idée philosophique; Napoléon a été la France faite homme pour propager l'idée révolutionnaire» (p. 102).

Ces parallélismes, Donoso Cortès va une nouvelle fois les utiliser de façon saisissante lorsque, après avoir affirmé que, la racine chrétienne de l'Europe étant de plus en plus mise à nu, nous nous dirigeons «à grands pas à la constitution d'un despotisme, le plus gigantesque et le plus destructeur que les hommes aient jamais vu» (p. 105), puisqu'il ne suffit plus désormais aux gouvernements d'être absolus, mais qu'«ils demand[ent] et obti[ennent] le privilège d'avoir au service de leur absolutisme un million de bras» (p. 108), et puis ce ne fut pas assez «pour les gouvernements d'avoir un million de bras, d'avoir un million d'yeux; ils voulurent avoir un million d'oreilles» (ibid.), l'auteur poursuivant sa démonstration en posant que deux répressions, et deux seulement, sont possibles, l'une intérieure, la répression religieuse, l'autre extérieure, la répression politique : «Elles sont de telle nature, que, lorsque le thermomètre religieux s'élève, le thermomètre de la répression baisse, et que, réciproquement, lorsque le thermomètre religieux baisse, le thermomètre politique, la répression politique, la tyrannie monte» (pp. 105-6).

Je laisse au lecteur le plaisir de découvrir la suite du raisonnement de Donoso Cortès, évoquant l'exemple du Christ, «Celui qui n'a vécu que pour faire le bien, qui n'a ouvert la bouche que pour bénir, qui ne fit de prodiges que pour délivrer les pécheurs du péché, les morts de la mort» (p. 106), Celui, donc, qui en incarnant le maximum de répression religieuse intérieure, offrit la plus grande liberté, soit le minimum de répression politique extérieure. Le christianisme est l'école de la liberté, du moins, dans un premier temps essentiel, intérieure. Et un homme libre ne pourra jamais se soumettre à quelque pouvoir que ce soit, puisqu'il rend à Dieu ce qui est à Dieu.

Il me semble plus intéressant de remarquer que c'est à partir de ces analyses que Donoso Cortès tire pour l'Europe des conséquences (plus que des prévisions, allions-nous dire) extrêmes, que nous pouvons considérer comme l'acmé de son discours : «Les voies sont préparées pour un tyran gigantesque, colossal, universel, immense; tout est préparé pour cela. Remarquez-le bien, il n'y a déjà plus de résistances ni morales ni matérielles. Il n'y a plus de résistances matérielles : les bateaux à vapeur et les chemins de fer ont supprimé les frontières, et le télégraphe électrique a supprimé les distances. Il n'y a plus de résistances morales : tous les esprits sont divisés, tous les patriotismes sont morts», l'auteur concluant son discours sur une note très sombre, en affirmant que seule une réaction salutaire, c'est-à-dire religieuse, pourrait sauver le monde : «Je réponds avec la plus profonde tristesse : je ne la crois pas probable. J'ai vu, j'ai connu beaucoup d'hommes qui, après s'être éloignés de la foi, y sont revenus; malheureusement je n'ai jamais vu de peuple qui soit revenu à la foi après l'avoir perdue» (p. 109). L'Europe est donc mûre, et de fait elle l'a été au 20e siècle, pour être déchirée et quasiment détruite par les dictatures ayant l'ambition de régner sur la Terre entière, parce que l'Europe n'est plus chrétienne, parce que l'homme européen a perdu sa foi, sa liberté.

Dans son Discours sur la situation de l'Europe prononcé à la Chambre des députés le 30 janvier 1850, Donoso Cortès affirme que les questions économiques, pour importantes qu'elles sont dans l'administration d'un pays, doivent être replacées au rang qui est le leur : «[...] si l'on parle de ces hommes de colossale stature, fondateurs d'empire, civilisateurs de monarchies, civilisateurs des peuples, qui, à divers titres, ont reçu une mission providentielle à diverses époques et pour diverses fins; s'il s'agit de ces grands hommes qui sont comme le patrimoine et la gloire des générations humaines; s'il s'agit, pour le dire en un mot, de cette dynastie magnifique qui part de Moïse pour arriver à Napoléon en passant par Charlemagne; s'il s'agit de ces hommes immortels, [alors nul] homme, entre ceux qui sont arrivés à l'immortalité, n'a basé sa gloire sur la vérité économique; tous ont fondé les nations sur la base de la vérité sociale, sur la base de la vérité religieuse» (pp. 119-20).

De grands hommes, ceux que Thomas Carlyle évoquera dans un livre magnifique, c'est bien ce qui manque à la tête des gouvernements des pays européens selon Donoso Cortès qui se plaint de «l'état de l'Europe» (p. 121) et n'hésite pas à écrire que Dieu lui-même semble empêcher la naissance de tout grand homme : «Messieurs, où un seul homme suffirait pour sauver la société, cet homme n'existe pas, ou bien, s'il existe, Dieu dissout pour lui un peu de poison dans les airs» (p. 122). Curieuse fatalité chez le penseur, dont témoigne cette phrase lapidaire, comme si Donoso Cortès, qui pourtant s'investit dans une magnifique carrière politique, ne le faisait qu'en sachant pertinemment que son combat était par avance perdu.

La suite du texte nous éclaire. Une fois de plus, Donoso Cortès affirme que, au-delà même des apparences, la source des maux qui ravagent l'Europe, partant l'absence de grands hommes, doit être recherchée sous la surface : «La vraie cause de ce mal grave et profond, c'est que l'idée de l'autorité divine et de l'autorité humaine a disparu. Voilà le mal qui travaille l'Europe, la société, le monde; et voilà pourquoi, Messieurs, les peuples sont ingouvernables» (p. 123).

Dès lors, l'auteur peut déployer son génie des parallélismes (4), en faisant remarquer que «l'affirmation politique n'est que la conséquence de l'affirmation religieuse», la monarchie, qu'elle soit absolue ou constitutionnelle, n'étant en somme que la forme terrestre d'une réalité divine : «Il y a, dis-je, trois affirmations. Première affirmation : Un Dieu personnel existe, et ce Dieu est présent partout. Deuxième affirmation : Ce Dieu personnel, qui est partout, règne au ciel et sur la terre. Troisième affirmation : Ce Dieu qui règne au ciel et sur la terre gouverne absolument les choses divines et humaines» (p. 125), ces trois affirmations étant en quelque sorte simplement décalquées au niveau politique, le roi étant «présent partout par le moyen de ses agents», qui «règne sur ses sujets» et les gouverne.
 

isafercardddd.jpg

À ces trois affirmations qui se sont déployées dans la «période de civilisation, que j'ai appelée affirmative, progressive, catholique» nous dit Donoso Cortès, correspondent trois négations qui sont apparues dans la période que Donoso Cortès a appelée «négative, révolutionnaire», lesquelles se traduisent par trois régimes politiques différents, celui du déiste, celui du panthéiste et enfin celui de l'athée (cf. pp. 126-7). Nous n'examinerons pas en détail l'exposition de ces correspondances structurelles entre la société religieuse et la société politique, qui se concluent néanmoins par une phrase que l'on dirait avoir été écrite par Ernest Hello : «Ainsi, une négation appelle une négation, comme un abîme appelle un abîme. Au-delà de cette négation [l'athéisme] qui est l'abîme, il n'y a rien, rien que ténèbres, et ténèbres palpables» (p. 127).

Dans son Discours sur la situation de l'Espagne lui aussi prononcé devant l'Assemblée le 30 décembre 1850, Donoso Cortès repose selon ses dires la très vieille question de savoir ce qui, pour une nation, constitue «l'appui, le fondement le plus sûr, le plus inébranlable» : l'ordre matériel ou bien l'ordre moral, «la force et l'industrie ou la vérité et la vertu ?» (p. 153). L'auteur définit l'ordre matériel, constitué comme une «partie constitutive, quoique la moindre, de l'ordre véritable, lequel n'est autre que l'union des intelligences dans le vrai, des volontés dans l'honnête, des esprits dans le juste» (p. 140), alors même que cet ordre matériel est devenu prééminent dans la société contemporaine, la «politique des intérêts matériels [étant] arrivée ici à la dernière et à la plus redoutable de ses évolutions, à cette évolution en vertu de laquelle on cesse de parler même de ces intérêts pour ne s'occuper que du suprême intérêt des peuples en décadence, de l'intérêt dont toute l'expression et tout l'apaisement est dans les jouissances matérielles» (p. 142).

La leçon d'économie de Donoso Cortès est assez sommaire car, s'il s'agit de «savoir quel est le moyen de régulariser dans la société la distribution la plus équitable de la richesse», c'est encore le catholicisme qui a trouvé la solution, grâce à l'aumône : «C'est en vain que les philosophes (5) s'épuisent en théories, c'est en vain que les socialistes s'agitent; sans l'aumône, sans la charité, il n'y a pas, il ne peut y avoir de distribution équitable de la richesse. Dieu seul pouvait résoudre ce problème, qui est le problème de l'humanité et de l'histoire» (p. 155).

Dieu seul ? Quelques hommes d'exception selon l'auteur, comme le duc de Valence qu'il évoque, donnant par la même occasion la meilleure définition du grand homme politique que nous évoquions plus haut : «Néanmoins, quelle que soit son intelligence, son activité est encore plus grande; c'est un homme qui comprend, mais surtout c'est un homme qui agit. Que dis-je ? qui agit, il ne cesse jamais d'agir, jamais, en aucun moment, qu'il veille ou qu'il dorme. Par un phénomène moins extraordinaire qu'il ne paraît l'être au premier abord, cette même activité, qui accélère sa mort, lui conserve la vie. Son intelligence devant se mettre au pas de son activité, le duc ne peut pas s'arrêter, c'est-à-dire réfléchir; il lui faut improviser. Le duc est un improvisateur universel, et tout ce qui l'interrompt, tout ce qui lui fait perdre le fil de son improvisation, est son ennemi» (p. 159).

C'est sans doute dans sa célèbre lettre au Cardinal Fornari, écrite en 1852 (et d'abord publiée par L'Âge d'homme en 1990), que Donoso Cortès résume le plus parfaitement sa pensée, qui peut tenir dans ces quelques mots d'Arnaud Imatz : «la théologie est la science qui conditionne toutes les autres sciences humaines; les erreurs des idéologies modernes ont toutes pour origine les deux mêmes principes : le déisme et le naturalisme qui s'opposent aux dogmes chrétiens que sont la providence de Dieu et le péché originel» (p. 165).

Une fois de plus, l'auteur y affirme que seules les questions théologiques sont prégnantes, desquelles toutes les autres, dont évidemment les «questions politiques et sociales» découlent, à la suite de «transformations lentes et successives» (p. 167). Et l'auteur d'affirmer que les «erreurs contemporaines sont infinies : mais toutes, si l'on veut bien y faire attention, prennent leur origine et se résolvent dans deux négations suprêmes, l'une relative à Dieu, l'autre relative à l'homme. La société nie de Dieu qu'il ait aucun souci de ses créatures; elle nie de l'homme qu'il soit conçu dans le péché. Son orgueil a dit deux choses à l'homme de nos jours, qui les as crues toutes deux, à savoir, qu'il est sans souillure et qu'il n'a pas besoin de Dieu; qu'il est fort et qu'il est beau : c'est pourquoi nous le voyons enflé de son pouvoir et épris de sa beauté» (ibid.).

De la négation du péché proviennent d'autres négations (cf. pp. 167-8), tout comme de la négation du surnaturel provient par exemple le fait que la religion soit «convertie en un déisme vague», l'homme, qui n'a désormais plus «besoin de l'Église, enfermée dans son sanctuaire, ni de Dieu, prisonnier dans son ciel comme Encelade sous son rocher», tournant «ses yeux vers la terre» et se consacrant exclusivement «au culte des intérêts matériels : c'est l'époque des systèmes utilitaires, des grands développements du commerce, des fièvres de l'industrie, des insolences des riches et des impatiences des pauvres» (p. 171).

Dès lors, dans des pages mémorables tout autant que prophétiques à mes yeux, Donoso Cortès analyse deux de ces négations modernes ayant leur explication et leur origine dans les «erreurs religieuses». Ainsi, les «socialistes ne se contentent pas de reléguer Dieu dans le ciel; ils vont plus loin, ils font profession publique d'athéisme, ils nient Dieu en tout. La négation de Dieu, source et origine de toute autorité, étant admise, la logique exige la négation absolue de l'autorité même; la négation de la paternité universelle entraîne la négation de la paternité domestique; la négation de l'autorité religieuse entraîne la négation de l'autorité politique». Donoso Cortès ramasse admirablement sa pensée par la phrase de conclusion de ce passage, qui eût pu servir d'introduction à l'un de nos articles sur la piété en époques troubles : «Quand l'homme se trouve sans Dieu, aussitôt le sujet se trouve sans roi et le fils sans père» (p. 176).

Les communistes ne sont pas épargnés, et dans les lignes qui suivent, nous croyons lire le sombre pressentiment de ce qui doit arriver, comme l'écrivait Goya en titre de l'une de ses gravures, la vision des immenses charniers et des massacres à l'échelle de pays qui viendraient finalement assez vite, ravageant une Europe et même un monde contaminé par la peste bubonique des lendemains qui chantent : «Dans ce système, ce qui n'est pas le tout n'est pas Dieu, quoique participant de la Divinité, et ce qui n'est pas Dieu n'est rien, parce qu'il n'y a rien hors de Dieu, qui est tout. De là le superbe mépris des communistes pour l'homme et leur négation insolente de la liberté humaine; de là ces aspirations immenses à la domination universelle par la future démagogie, qui s'étendra sur tous les continents et jusqu'aux dernières limites de la terre; de là ces projets d'une folie furieuse, qui prétend mêler et confondre toutes les familles, toutes les classes, tous les peuples, toutes les races d'hommes, pour les broyer ensemble dans le grand mortier de la révolution, afin que de ce sombre et sanglant chaos sorte un jour le Dieu unique, vainqueur de tout ce qui est divers; le Dieu universel, vainqueur de tout ce qui est particulier; le Dieu éternel, sans commencement ni fin, vainqueur de tout ce qui naît et passe; le Dieu Démagogie annoncé par les derniers prophètes, astre unique du firmament futur, qui apparaîtra porté par la tempête, couronné d'éclairs et servi par les ouragans. La démagogie est le grand Tout, le vrai Dieu, Dieu armé d'un seul attribut, l'omnipotence, et affranchi de la bonté, de la miséricorde, de l'amour, ces trois grandes faiblesses du Dieu catholique» (pp. 176-7).

Le penseur de la dictature annonce ensuite de quelle matière froide et métallique sera composée l'empire universel : «le grand empire antichrétien sera un empire démagogique (6) colossal, gouverné par un plébéien de grandeur satanique, l'homme de péché» (p. 177). Qui ne songe ici à Dostoïevski, à Soloviev ou au David Jones de la magnifique Visite du Tribun évoquant justement l'Antichrist ? Qui ne songe encore à l'exemple de Carl Schmitt parlant du mystérieux katechon qui permet de retenir le ravage ?

Quoi qu'il en soit, Donoso Cortès donne de cet empire universel une vision saisissante, lorsqu'il le rapporte au mythe de Babel, dans l'une de ses Pensées établies à partir des notes trouvées dans ses archives : «Le monde rêve d'une unité gigantesque que Dieu ne veut pas et qu'il ne permettra pas, parce qu'elle serait le temple de l'orgueil. C'est là, en toutes choses, le péché du siècle. La folie de l'unité s'est emparée de tous en tout : unité de codes, unité de modes, unité de civilisation, unité d'administration, unité de commerce, unité d'industrie, unité de littérature, unité de langue. Cette unité est réprouvée, elle ne sera que l'unité de la confusion. Le fils se hâte de quitter le foyer paternel pour se lancer dans la société, qui est l'unité supérieure de la famille. Le paysan abandonne son village et s'en va à la ville, pour échanger l'unité municipale contre l'unité nationale. Tous les peuples passent leurs frontières et se mêlent les uns aux autres. C'est la Babel de la Bible» (p. 236).

babel1997.jpg

C'est dans ce même texte que Donoso Cortès reprend les trois erreurs politiques découlant des erreurs religieuses («Il n'y a qu'à savoir ce qui s'affirme ou se nie de Dieu dans les régions religieuses, pour savoir ce qui s'affirme ou se nie du gouvernement dans les régions politiques», p. 178) que nous avons détaillées plus haut, et c'est dans ce même texte que nous croyons lire Léon Bloy lorsqu'il écrit : «L'empire absolu de Dieu sur les grands événements historiques qu'il opère et qu'il permet est sa prérogative incommunicable : l'histoire est comme le miroir où Dieu regarde extérieurement ses desseins; quand l'homme affirme que c'est lui qui fait les événements et qui tisse la trame merveilleuse de l'histoire, sa prétention est donc insensée : tout ce qu'il peut faire est de tisser pour lui seul la trame de celles de ses actions qui sont contraires aux divins commandements, et d'aider à tisser la trame de celles qui sont conformes à la volonté divine» (p. 182).

Le reste des textes regroupés dans cet ouvrage intelligemment conçu ne nous apporte pas d'éléments nouveaux par rapport à ceux que nous venons d'exposer même si, dans l'une de ses lettres datant du 26 mai 1849 adressée à Montalembert, Donoso Cortès réaffirme que l'homme sans Dieu ne peut être destiné qu'à sombrer dans le gouffre de la barbarie : «L'homme a voulu être libre ? Il le sera. Il abhorre les liens ? Ils tomberont tous en poussière à ses pieds. Un jour, pour essayer sa liberté, il a voulu tuer son Dieu. Ne l'a-t-il pas fait ? Ne l'a-t-il pas crucifié entre deux voleurs ? Des légions d'anges sont-elles descendues du ciel pour défendre le juste mourant sur la terre ? Eh bien, pourquoi descendraient-elles aujourd'hui qu'il s'agit, non pas du crucifiement de Dieu, mais du crucifiement de l'homme par l'homme ? Pourquoi descendraient-elles aujourd'hui quand notre conscience nous crie si haut que, dans cette grande tragédie, personne ne mérite leur intervention, ni ceux qui doivent être les victimes, ni ceux qui doivent être les bourreaux ?» (pp. 190-1).
 
D'autres passages extraits de cette correspondance semblent annoncer les fulgurances de Léon Bloy, comme celui-ci : «La vérité est dans l'identité substantielle des événements, voilée et comme cachée par la variété infinie des formes» (p. 192) ou bien encore, à propos des révolutions, cette sentence : «Les révolutions sont les fanaux de la Providence et de l'histoire» (ibid.).

Notes

(1) Ainsi, nous notons par exemple plusieurs dates erronées (cf. pp. 17 ou 20). Cf. encore p. 30 : «quelques soient les circonstances» au lieu de quelles que soient, bien sûr.

(2) Le Cerf a également publié en 2011 un ouvrage, très richement commenté par Bernard Bourdin, recueillant plusieurs études de Carl Schmitt sur Donoso Cortès, in La Visibilité de l'Église – Catholicisme romain et forme politique – Donoso Cortés.

(3) Arnaud Imatz nous rappelle que le général Narváez, alors président du Gouvernement, avait réprimé énergiquement les insurrections de Madrid, Barcelone, Valence et Séville, fomentées par les libéraux-progressistes.

(4) Voir ainsi, dans le même discours, le passage suivant, qui établit un parallèle entre le soldat et le prêtre : «Le christianisme civilise le monde; il l'a civilisé par trois moyens : en faisant de l'autorité une chose inviolable; en faisant de l'obéissance une chose sainte; en faisant de l'abnégation et du sacrifice, ou, pour mieux dire, de la charité, une chose divine [...]. Eh bien, et ici se trouve la solution de ce grand problème, les idées de l'inviolabilité de l'autorité, de la sainteté de l'obéissance et de la divinité du sacrifice, ces idées ne sont plus aujourd'hui dans la société civile, elles se sont réfugiées dans les temples, où l'on adore le Dieu de justice et de miséricorde, et dans les camps militaire, où l'on adore le Dieu fort, le Dieu des batailles, sous les symboles de la gloire» (p. 133).

(5) À strictement parler, Donoso Cortès ne témoigne d'aucune haine pour la philosophie, sauf à confondre celle-ci avec la sophistique : «Derrière les sophistes viennent toujours les barbares envoyés par Dieu pour couper avec leur épée le fil de l'argument» (p. 199). La position réelle de l'auteur, sur cette question qui pourrait le faire passer pour quelque illuminé rejetant la raison est à vrai dire assez simple, telle que lui-même l'expose : «Voilà toute ma doctrine : le triomphe naturel du mal sur le bien, et le triomphe surnaturel de Dieu sur le mal. Là se trouve la condamnation de tous les systèmes de progrès au moyen desquels les modernes philosophes, trompeurs de profession, endorment les peuples, ces enfants qui ne sortent jamais de l'enfance» (p. 206, l'auteur souligne). C'est un peu plus loin, dans cette même Lettre ouverte aux rédacteurs d'El País et d'El Heraldo datant de 1849 que Donsos Cortès écrit encore : «Mais, si la philosophie consiste à connaître Dieu sans le secours de Dieu, l'homme sans le secours de [C]elui qui l'a formé, et la société sans le secours de Celui qui la gouverne par l'action mystérieuse et souveraine de sa Providence; si, par philosophie, on entend la science qui consiste en une triple création : la création divine, la création sociale et la création humaine, je nie résolument cette création, cette science et cette philosophie. Voilà ce que je nie, et pas autre chose : ce qui veut dire que je nie tous les systèmes rationalistes, lesquels reposent sur ce principe absurde : que la raison est indépendante de Dieu et que toutes choses relèvent de sa compétence» (p. 210, j'ai rétabli la majuscule à Celui).

(6) Le rôle de la presse, plusieurs fois brocardé, n'est pas négligeable selon l'auteur dans la venue certaine de cet empire, tant la responsabilité métaphysique du journaliste ne peut être niée aux yeux de l'auteur : «Les sociétés modernes ont conféré à tous le pouvoir d'être journalistes, et aux journalistes la charge redoutable d'enseigner les nations, c'est-à-dire la charge même que Jésus-Christ confia à ses apôtres. Je ne veux pas, en ce moment, porter un jugement sur cette institution, je me borne à vous en faire remarquer la grandeur : votre profession est à la fois une sorte de sacerdoce civil et une milice» (p. 212).

lundi, 18 avril 2016

Communication contre politique Discours publicitaire et déni du réel

shutterstock_218342101.jpg

Communication contre politique

Discours publicitaire et déni du réel
 
par François-Bernard Huyghe
Ex: http://www.huyghe.fr

Sur l'espace d'une semaine, la gauche ou ce qu'il est convenu d'appeler la gauche, commet trois erreurs de communication majeures. C'est du moins ce que disent les médias, unanimes à fustiger la ringardise de la forme et l'inefficacité du discours. Cela ne signifie pas que la droite ne pourrait faire pire, mais cela indique que la rhétorique des détenteurs du pouvoir - surtout lorsqu'ils veulent reconquérir les classes ou les courants culturels sur qui ils estiment devoir compter de droit-, échoue systématiquement. Mais est-ce une question de "com" ?

Passons rapidement sur l'échec de la "Belle alliance populaire", réunion de bistrot (ce n'est pas une injure : cela se passait au Paname Café) sensée rajeunir une version branchée de la gauche plurielle. Sur les trois points ("beauté", unité et popularité), les uns ont ironisé sur le caractère "populaire", d'un rassemblement qui réunit des ministres, des membres de la bourgeoisie d'État, des dirigeants d'association subventionnées, des représentants "de la société civile" très cathodiques, mais guère de prolétaires. Les autres ont fait remarquer que la dimension unitaire d'un rassemblement de gens qui sont déjà rassemblés par des intérêts communs et coopèrent au quotidien est un peu redondante : ils n'ont guère besoin "d'élaborer une alternative au libéralisme ambiant et au nationalisme montant", ou de démarches innovantes et de "coconstruction politique", pour continuer à se redire ce qu'ils se disent depuis quelques années. Pour notre part, c'est la dimension "esthétique" de la chose qui nous le plus surpris, sauf à trouver un sens symbolique pop au logo du mouvement visiblement inspiré de la marque Celio.

Le second échec de la semaine est celui du président dont l'émission ne réussit ni à rassembler un taux d'audience décent, ni à faire la première page des journaux, ni surtout à changer l'opinion de qui que ce soit. Il est vrai que l'exercice qui consistait- en récitant chaque fois sa fiche chiffrée par son cabinet et en réaffirmant que le mal n'est que dans nos esprits (la France a d'énormes atouts, la situation commence à s'améliorer) - à rassurer des gens qui vivent des drames ou des angoisses tout à fait réels a ses limites. L'empathie est surjouée - on comprend la patronne, la mère de jihadiste, l'électeur FN, le jeune qui va retourner à la Bastille peut-être pour scander "tout le monde déteste le PS", on est du côté de tout le monde et face à nulle part- et surtout dialoguer ne consiste pas à assurer aux gens que l'on compatit et qu'avec un peu de pédagogie, ils vont se sentir mieux. Le style très technocratique de la démonstration faisait penser aux pires prestations de Giscard d'Estaing initiant des citoyens aux "réalités" du monde et de l'économie, c'est-à-dire à des nécessités. À trop refuser le principe d'autorité (ce qui encourageait ses interlocuteurs à le traiter de manière quasi agressive), à vouloir être trop "proche des gens", toujours dans la compassion, et surtout à ne rien dire que "nous allons faire plus du même", chiffres à l'appui, le président échouait dans une mission qui était peut-être impossible.

Troisième faute, reconnue hautement, celle d'Emmanuel Macron. L'homme qui fait se pâmer les rédactions avec des idées comme "ni droite, ni gauche, en marche", ou "ayons des idées nouvelles, accueillons tous les talents et dépassons tous les clivages" avait commencé par produire un clip qui n'était pas sans évoquer les publicités des banques ou de Coca Cola des année 80 (il empruntait pas mal de plans à des banques d'images américaines). Mais sa "bêtise" reconnue consistait surtout à se faire encenser par Paris Match dans un style qui, lui, évoque le marketing politique à la Kennedy : couple idéal en dépit de la différence d'âge, introduction dans l'intimité familiale, sourire perpétuel, autocongratulation, sans oublier les indispensables allusion à la modernité et au dynamisme de gens en accord avec leur époque. Rebelotte lorsque le jeune surdoué plein de galanterie révèle qu'il s'agit d'une "bêtise" de sa femme pas très habituée au système médiatique et que l'on ne recourra plus jamais à cette stratégie (ah bon, c'était une stratégie).

Dans tout ce qui précède, il y a des maladresses personnelles (ou celles des spin doctors surpayés qui ont concocté tout cela) et il y a, ce n'est pas très original de la dire, la traduction d'un incroyable fossé entre la vision du monde des élites et celle du peuple. Mais, au-delà des petits gags sur lesquels il est facile d'ironiser, un symptôme plus grave : ces gens sont entrés en post-politique. Ils vivent mentalement dans un monde régi par l'économie en dernière instance, un monde parachevé où il suffit d'un peu plus de gouvernance d'Europe et de PNB pour que les choses s'arrangent, un monde où il n'y a pas d'intérêts divergents ni d'ennemis mais des problèmes à résoudre tantôt par une gestion plus "moderne" et une meilleure allocation des ressources, tantôt par un peu de pédagogie (chasser les peurs, comprendre ses atouts, éclairer les "gens" tentés par le populisme ou le découragement...). C'est peut-être ce monde-là auquel ne croient plus que ceux qui en agitent le fantôme.

jeudi, 14 avril 2016

Attentats à Paris et à Bruxelles : «C'est l'ennemi qui nous désigne»

mael06b24ff94e7bc2aefe7ecb2e7c4.jpg

Attentats à Paris et à Bruxelles : «C'est l'ennemi qui nous désigne»

Par Mathieu Bock-Côté

Ex: http://www.lefigaro.fr

FIGAROVOX/ANALYSE:

Pour comprendre la guerre qui oppose l'Europe à l'islamisme, Mathieu Bock-Côté nous invite à redécouvrir Julien Freund.


Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Son prochain livre Le multiculturalisme comme religion politique paraît le 18 avril aux éditions du Cerf.


julfs.jpgPendant un bon moment, la figure de Julien Freund (1921-1993) a été oubliée. Il était même absent du Dictionnaire des intellectuels français paru en 1996 au Seuil, sous la direction de Jacques Julliard et Michel Winock, comme si sa contribution à la vie des idées et à la compréhension du monde était insignifiante. Son œuvre n'était pas rééditée depuis 1986. L'ancien résistant devenu philosophe qui refusait les mondanités parisiennes et la vision de la respectabilité idéologique qui les accompagne œuvrait plutôt en solitaire à une réflexion centrée sur la nature du politique, sur la signification profonde de cette sphère de l'activité humaine.

Son souvenir a pourtant commencé à rejaillir ces dernières années. Après avoir réédité chez Dalloz en 2004 son maître ouvrage, L'essence du politique, Pierre-André Taguieff lui consacrait un petit ouvrage remarquablement informé, Julien Freund: au cœur du politique, à La Table Ronde en 2008. En 2010, certains des meilleurs universitaires français, parmi lesquels Gil Delannoi, Chantal Delsol et Philippe Raynaud, se rassemblaient dans un colloque consacré à son œuvre, dont les actes seront publiés en 2010 chez Berg international. Son œuvre scientifique y était explorée très largement.

Mais ce sont les événements récents qui nous obligent à redécouvrir une philosophie politique particulièrement utile pour comprendre notre époque. L'intérêt académique que Freund pouvait susciter se transforme en intérêt existentiel, dans une époque marquée par le terrorisme islamiste et le sentiment de plus en plus intime qu'ont les pays occidentaux d'être entraînés dans la spirale régressive de la décadence et de l'impuissance historique. Freund, qui était clairement de sensibilité conservatrice, est un penseur du conflit et de son caractère insurmontable dans les affaires humaines.

Dans son plus récent ouvrage, Malaise dans la démocratie (Stock, 2016), et dès les premières pages, Jean-Pierre Le Goff nous rappelle ainsi, en se référant directement à Freund, que quoi qu'en pensent les pacifistes qui s'imaginent qu'on peut neutraliser l'inimitié par l'amour et la fraternité, si l'ennemi décide de nous faire la guerre, nous serons en guerre de facto. Selon la formule forte de Freund, «c'est l'ennemi qui vous désigne». C'est aussi en se référant au concept d'ennemi chez Freund qu'Alain Finkielkraut se référait ouvertement à sa pensée dans le numéro de février de La Nef.

En d'autres mots, Freund ne croyait pas que l'humanité transcenderait un jour la guerre même si d'une époque à l'autre, elle se métamorphosait. Le conflit, selon lui, était constitutif de la pluralité humaine. Et contre le progressisme qui s'imagine pouvoir dissoudre la pluralité humaine dans une forme d'universalisme juridique ou économique et le conflit politique dans le dialogue et l'ouverture à l'autre, Freund rappelait que la guerre était un fait politique insurmontable et que l'accepter ne voulait pas dire pour autant la désirer. C'était une philosophie politique tragique. Mais une philosophie politique sérieuse peut-elle ne pas l'être?

La scène commence à être connue et Alain Finkielkraut l'évoquait justement dans son entretien de La Nef. Freund l'a racontée dans un beau texte consacré à son directeur de thèse, Raymond Aron. Au moment de sa soutenance de thèse, Freund voit son ancien directeur, Jean Hyppolite, s'opposer à sa vision tragique du politique, en confessant son espoir de voir un jour l'humanité se réconcilier. Le politique, un jour, ne serait plus une affaire de vie et de mort. La guerre serait un moment de l'histoire humaine mais un jour, elle aurait un terme. L'humanité était appelée, tôt ou tard, à la réconciliation finale. Le sens de l'histoire en voudrait ainsi.

Freund répondra qu'il n'en croyait rien et que si l'ennemi vous désigne, vous le serez malgré vos plus grandes déclarations d'amitié. Dans une ultime protestation, Hyppolite dira qu'il ne lui reste plus qu'à se réfugier dans son jardin. Freund aura pourtant le dernier mot: si l'ennemi le veut vraiment, il ira chercher Jean Hyppolite dans son jardin. Jean Hyppolite répondra terriblement: «dans ce cas, il ne me reste plus qu'à me suicider». Il préférait s'anéantir par fidélité à ses principes plutôt que vivre dans le monde réel, qui exige justement qu'on compose avec lui, en acceptant qu'il ne se laissera jamais absorber par un fantasme irénique.

La chose est particulièrement éclairante devant l'islamisme qui vient aujourd'hui tuer les Occidentaux dans leurs jardins. Les élites occidentales, avec une obstination suicidaire, s'entêtent à ne pas nommer l'ennemi. Devant des attentats comme ceux de Bruxelles ou de Paris, elles préfèrent s'imaginer une lutte philosophique entre la démocratie et le terrorisme, entre la société ouverte et le fanatisme, entre la civilisation et la barbarie. On oublie pourtant que le terrorisme n'est qu'une arme et qu'on n'est jamais fanatique qu'à partir d'une religion ou idéologie particulière. Ce n'est pas le terrorisme générique qui frappe les villes européennes en leur cœur.

On peut voir là l'étrange manie des Occidentaux de traduire toutes les réalités sociales et politiques dans une forme d'universalisme radical qui les rend incapables de penser la pluralité humaine et les conflits qu'elle peut engendrer. En se délivrant de l'universalisme radical qui culmine dans la logique des droits de l'homme, les Occidentaux auraient l'impression de commettre un scandale philosophique. La promesse la plus intime de la modernité n'est-elle pas celle de l'avènement du citoyen du monde? Celui qui confessera douter de cette parousie droit-de-l'hommiste sera accusé de complaisance réactionnaire. Ce sera le cas de Freund.

Un pays incapable de nommer ses ennemis, et qui retourne contre lui la violence qu'on lui inflige, se condamne à une inévitable décadence. C'est ce portrait que donnent les nations européennes lorsqu'elles s'imaginent toujours que l'islamisme trouve sa source dans l'islamophobie et l'exclusion sociale. On n'imagine pas les nations occidentales s'entêter durablement à refuser de particulariser l'ennemi et à ne pas entendre les raisons que donnent les islamistes lorsqu'ils mitraillent Paris ou se font exploser à Bruxelles. À moins qu'elles n'aient justement le réflexe de Jean Hyppolite et préfèrent se laisser mourir plutôt que renoncer à leurs fantasmes?

Dans La fin de la renaissance, un essai paru en 1980, Freund commentait avec dépit le mauvais sort de la civilisation européenne: «Il y a, malgré une énergie apparente, comme un affadissement de la volonté des populations de l'Europe. Cet amollissement se manifeste dans les domaines les plus divers, par exemple la facilité avec laquelle les Européens acceptent de se laisser culpabiliser, ou bien l'abandon à une jouissance immédiate et capricieuse, […] ou encore les justifications d'une violence terroriste, quand certains intellectuels ne l'approuvent pas directement. Les Européens seraient-ils même encore capables de mener une guerre»?

On peut voir dans cette dévitalisation le symptôme d'une perte d'identité, comme le suggérait Freund dans Politique et impolitique. «Quels que soient les groupements et la civilisation, quelles que soient les générations et les circonstances, la perte du sentiment d'identité collective est génératrice et amplificatrice de détresse et d'angoisse. Elle est annonciatrice d'une vie indigente et appauvrie et, à la longue, d'une dévitalisation, éventuellement, de la mort d'un peuple ou d'une civilisation. Mais il arrive heureusement que l'identité collective se réfugie aussi dans un sommeil plus ou moins long avec un réveil brutal si, durant ce temps, elle a été trop asservie».

Le retour à Freund est salutaire pour quiconque veut se délivrer de l'illusion progressiste de la paix perpétuelle et de l'humanité réconciliée. À travers sa méditation sur la violence et la guerre, sur la décadence et l'impuissance politique, sur la pluralité humaine et le rôle vital des identités historiques, Freund permet de jeter un nouveau regard sur l'époque et plus encore, sur les fondements du politique, ceux qu'on ne peut oublier sans se condamner à ne rien comprendre au monde dans lequel nous vivons. Si l'œuvre de Freund trouve aujourd'hui à renaître, c'est qu'elle nous pousse à renouer avec le réel.

milruec3570bccfaf2d5561.jpg

Jean-Yves Pranchère: «La tension entre droits de l’homme et droits des peuples est irréductible»

pran24139.jpg

Jean-Yves Pranchère: «La tension entre droits de l’homme et droits des peuples est irréductible»

Jean-Yves Pranchère est professeur de théorie politique à l’Université libre de Bruxelles. Spécialiste de la pensée contre-révolutionnaire, il a notamment publié L’Autorité contre les Lumières : la philosophie de Joseph de Maistre (Droz, 2004) et Louis de Bonald, Réflexions sur l’accord des dogmes de la religion avec la raison (Éditions du Cerf, 2012). Son dernier livre Le Procès des droits de l’homme (Seuil, 2016), écrit avec Justine Lacroix, se propose d’analyser les différentes critiques formulées à l’égard de l’idéal des Lumières.

pran2021181005.jpgPHILITT : L’une des critiques récurrentes formulées à l’égard des droits de l’homme soutient que ces derniers sont avant tout des droits individuels et que, en cela, ils participent au démantèlement des sociétés. Quelle est la validité et la limite de cette critique ?

Jean-Yves Pranchère : L’un des motifs du livre que Justine Lacroix et moi avons écrit à quatre mains (il est permis de parler ainsi quand on use de claviers) tient justement à notre perplexité devant le succès contemporain de cette critique. On la réfère parfois à Tocqueville, en oubliant que celui-ci tenait la pratique des droits pour le cœur du lien social démocratique et disait que « l’idée de droits n’est pas autre chose que la vertu introduite dans le monde politique ». Le thème des « droits contre la société » remonte plutôt à Louis de Bonald, à Joseph de Maistre et à Auguste Comte, qui ont répété la critique contre-révolutionnaire de l’individualisme en lui donnant un fondement sociologique et non plus théologique. Auteurs auxquels on peut ajouter ceux qui, au XXe siècle, ont donné à cette critique des formes inattendues, néo-païennes (Maurras, Heidegger) ou catholiques-hérétiques, marcionites (Carl Schmitt1). Tous ont en commun d’avoir été des penseurs conséquents, qui ne reculaient pas devant les implications de leurs propres positions.

Par exemple, lorsque Maistre dénonçait les droits de l’homme comme une « insurrection contre Dieu », il était autorisé à voir en eux une pièce d’un vaste démantèlement social, puisqu’il apercevait dans la Déclaration, « symbole » du processus révolutionnaire (au sens où on parle du « symbole de la foi »), un événement métaphysique qui appelait une élucidation métaphysique.

Bonald, qui opposait de même aux droits de l’homme les « droits de Dieu » ou de la société, en concluait, avec une logique implacable, à la priorité absolue de la lutte contre la légalisation du divorce — il fit d’ailleurs voter en 1816 la loi supprimant celui-ci. Car le divorce était pour lui, par excellence, le droit qui exerce comme tel un effet de décomposition sociale en attaquant la cellule sociale primitive et essentielle. Presque aussi fondamentale était à ses yeux la question du droit d’aînesse : comme le répétera son disciple Balzac, accorder aux enfants une égalité de droit à l’héritage revient à détruire la société en remplaçant les positions et les « personnes sociales » par de purs individus indifférents à leurs rôles sociaux.

Ceux qui reprennent aujourd’hui la critique des effets antisociaux des droits de l’homme ne sont pas prêts à assumer la charge traditionaliste ou métaphysique que cette critique avait chez Bonald et Maistre. Personne ne veut interdire le divorce et rétablir le droit d’aînesse. Personne ne prend au sérieux la religion positive de Comte — dont on ne voit que la loufoquerie et dont on oublie qu’elle est très logiquement déduite par Comte de la thèse du primat absolu des devoirs sociaux (et de l’unité spirituelle de la société) sur les droits des individus.

D’où ce paradoxe : le thème de la contradiction entre droits individuels et unité sociale se diffuse, mais il reste un thème flottant — un thème « diffus », justement, sans contenu précis. D’une position métaphysique ou sociologique forte, celle des traditionalistes et du positivisme comtien, on est passé à une sorte de critique chagrine de l’air du temps et de la « psychologie contemporaine ».

Mais cette critique n’a-t-elle pas sa pertinence ?

Le délitement des droits sociaux la rend de plus en plus irréelle. Nous n’assistons pas tant à une « prolifération des droits » qu’à une précarisation généralisée, qui dégrade les droits subsistants en biens négociables et résiliables dans des échanges2. Et des années 1970 à aujourd’hui, le fait saillant est surtout le passage d’un état d’insurrection larvée, qui suscitait alors le diagnostic angoissé d’une « crise de la gouvernabilité », à une dépolitisation qui assure l’efficacité de la gouvernance par la passivité des populations.

On pourrait évoquer ici un symptôme d’autant plus parlant qu’il fait l’objet d’un gigantesque refoulement dans la conscience collective : la disparition de ce qui a été la revendication de tous les mouvements socialistes du XIXe siècle, à commencer par le saint-simonisme, à savoir l’abolition de l’héritage. Le socialisme a tenu pour évidente l’idée que l’égalité effective des droits exigeait la suppression de l’héritage : c’était là le principe de l’identité entre socialisme et individualisme authentique, si fortement affirmée par Jaurès dans son article « Socialisme et liberté » de 1898. Inversement, le centre de la critique traditionaliste, comme on le voit chez Burke, a été la thèse que les droits de l’homme mettent en danger l’héritage. Bizarrement, le fait que le programme d’une abolition de l’héritage ait disparu de la scène politique ne calme pas les craintes conservatrices quant à la destruction individualiste des sociétés qui serait en cours.

Aujourd’hui, les droits de l’homme semblent avoir pris le pas sur les droits du citoyen. Quel risque encourons-nous à les dissocier ?

Le risque de les falsifier et de les annuler en les vidant de leur sens. Les droits de l’homme se sont toujours définis comme indissolublement liés à des droits du citoyen. La nature de ce lien est assurément problématique, ce pourquoi les droits de l’homme font l’objet d’un conflit permanent des interprétations. Mais il leur est essentiel que l’homme ne soit pas dissocié du citoyen, soit que les droits du citoyen soient perçus comme le prolongement des droits de l’homme (libéralisme démocratique), soit que les droits de l’homme soient pensés comme les conditions que doit se donner la citoyenneté pour être effective (démocratie égalitaire).

La séparation des deux correspond à leur interprétation libérale étroite : cette interprétation, qui est la véritable cible de Marx dans Sur la question juive — puisqu’il s’agissait pour Marx de refuser que le « droit de l’homme de la propriété » ne prive les droits politiques du citoyen de toute « force sociale » —, est celle que défendait Burke contre les révolutionnaires français. Car Burke, défenseur de la singularité des « droits des Anglais », ne récusait pas l’idée des « droits de l’humanité », dont il se faisait au même moment le défenseur dans ses plaidoyers contre le gouverneur des Indes Hastings. Il s’en prenait aux « droits de l’homme français », c’est-à-dire à une idée des droits de l’homme exigeant partout l’égalité des droits et la démocratie politique.

Edmund-Burke-portrait-006.jpg

Burke, qui se disait en accord parfait avec Montesquieu et Adam Smith, refusait que les droits de l’homme puissent désigner davantage qu’une limite morale des gouvernements. Leur contenu légitime était selon lui l’idée d’une libre dignité humaine que toute société décente doit respecter — aux côtés d’autres valeurs de rang égal telles que les bonnes mœurs, les croyances religieuses, la prospérité du commerce, la majesté du parlement et du roi, etc. Mais cette dignité excluait l’égalité des droits et la souveraineté du peuple. L’ordre social, soulignait Burke, ne naît pas des volontés individuelles mais du jeu spontané de ces facteurs multiples que sont l’inégalité des héritages et des statuts, les fictions nationales, la main invisible du marché, la tradition souple de la jurisprudence. Cet ordre social, qui a pour effet d’assurer le respect des droits généraux de l’humanité, ne se construit pas sur eux à la façon dont on déduit le particulier de l’universel.

Mais cela vaut-il encore aujourd’hui ?

Friedrich Hayek, très pur représentant du néolibéralisme, a salué en Burke un parfait libéral. De fait, Burke fournit le modèle d’une articulation entre libéralisme du marché et conservatisme politique : les droits ne sont qu’une fonction de l’ordre économique et social, qui suppose que les libertés marchandes soient liées par leur adhésion aux fictions d’autorité d’une morale partagée.

Le paradoxe est que certaines critiques contemporaines des droits de l’homme, qui se présentent comme des critiques du néolibéralisme, réactivent des thèmes qui sont au fond burkéens. C’est ainsi que Régis Debray, dans Que vive la République, entend défendre l’héritage jacobin au nom de la nécessité des filiations, des « mythes collectifs » et d’une sacralité nationale. Ou que Marcel Gauchet, dans son récent Comprendre le malheur français, identifie les droits de l’homme à l’idéal d’une pure société de marché, alors même que le soutien accordé à Pinochet par les Chicago boys et par Hayek n’a pas vraiment témoigné d’un « droit-de-l’hommisme » acharné.

Il est assez étrange de voir se développer ainsi une « critique du néolibéralisme » qui mobilise en fait, contre l’ainsi nommé « droit-de-l’hommisme », les mêmes thèmes burkéens qui font florès dans la littérature néolibérale et néoconservatrice, en particulier l’idée que la « puissance de se gouverner » suppose une identité commune et un sens du dévouement que le narcissisme des droits mettrait en danger.

Le droit naturel, sur lequel s’appuie la Déclaration des droits de l’homme, postule que certains droits sont susceptibles de convenir à l’homme en général. À cela, Maistre répond, dans une formule célèbre, qu’il a vu des Français, des Italiens et des Russes mais jamais d’homme abstrait. Dans quelle mesure peut-il y avoir tension entre les droits de l’homme et le droit des peuples ?

La notion (polysémique) de « droit naturel » doit être utilisée avec prudence. Claude Lefort a soutenu au début des années 19803 que la Déclaration de 1789 ne relevait pas du droit naturel, malgré la présence dans le texte de « droits naturels » inaliénables — mais qui ne sont « naturels » que d’être inaliénables et n’impliquent aucune référence à un état de nature, à un contrat social ou à une nature humaine. La belle étude que Marcel Gauchet a consacré à La Révolution des droits de l’homme a confirmé cette intuition en montrant que les rédacteurs de la Déclaration avaient été constamment travaillés par l’idée que les droits qu’ils déclaraient étaient les « droits de l’homme en société ». L’opposition entre révolutionnaires et contre-révolutionnaires ne recoupe donc pas une opposition simple entre « droit naturel » et « droit historique ». C’est d’ailleurs au nom d’une idée du droit naturel, c’est-à-dire de l’ordre éternel et universel de toutes les sociétés, que Bonald s’oppose à la démocratie révolutionnaire.

Quant à la tension entre droits de l’homme et droits des peuples, elle est en un sens irréductible. C’est la tension de l’universel et de son inscription particulière : tension constitutive de ce que Hannah Arendt nomme la condition politique de la pluralité. La tension ne doit pas être réduite (il n’y a pas à céder au fantasme de l’État mondial ou de la fin de l’histoire) mais « tenue » dans sa fécondité. C’est, nous a-t-il semblé, le sens de la formule avancée par Arendt proposant de penser les droits de l’homme à partir du « droit d’avoir des droits » : formule qui lie l’universalité des droits à la pluralité des formes de leur inscription politique — et qui souligne le caractère cardinal du droit à faire partie d’une collectivité politique.

Cela étant, la phrase de Maistre pourrait nous conduire vers une tension plus spécifique : celle qui concerne les droits individuels et les droits culturels. On sait que les politiques multiculturalistes consistent à assurer certains droits des cultures au détriment de certains droits individuels : par exemple, au Québec, le droit des individus en matière scolaire est limité par l’obligation faite aux francophones de scolariser leurs enfants dans des écoles francophones.

Mais, là encore, la tension doit pouvoir être « tenue » par une conception politique des droits de l’homme qui inscrit ceux-ci dans le geste collectif par lequel les citoyens se reconnaissent des droits les uns aux autres. On peut noter ici que Claude Lévi-Strauss, qui est allé très loin dans la défense du droit des identités culturelles (dans un livre tardif4, il n’hésite pas à se réclamer de Gobineau pour exprimer sa peur des effets entropiques du métissage des cultures), n’a pas pour autant récusé l’idée des droits de l’homme : il a proposé de les penser comme un cas du « droit des espèces à la vie », en faisant valoir l’argument que, dans le cas des hommes, chaque individu était à lui seul une espèce et une culture5. Mais notre livre tendrait plutôt à penser les droits culturels dans leur statut et leur limite de conditions de l’exercice de l’autonomie.

maistre-kiosque.jpg

Maistre s’inquiétait des velléités impérialistes liées à l’idéologie des droits de l’homme. L’histoire ne lui donne-t-elle pas raison ? Les droits de l’homme ont servi d’arme idéologique ces dernières décennies pour mener des guerres d’intervention avec les conséquences que l’on connaît…

La critique de l’impérialisme révolutionnaire est un des moments les plus forts de l’œuvre de Maistre — ainsi que de Burke, dont les Lettres sur une paix régicide ont été décrites par un républicain aussi convaincu que Pocock comme une critique prémonitoire du totalitarisme. On ne voit pas comment donner tort à Maistre lorsque celui-ci s’indigne de la façon dont la Convention a appliqué le statut d’émigrés aux habitants des pays annexés par la France qui avaient fui pour ne pas devenir Français. Il était aberrant de procéder à des sortes de naturalisations rétroactives, contre la volonté des individus concernés, de manière à les traiter non en étrangers mais en traîtres à une patrie qui n’avait jamais été la leur !

Mais la thèse de Burke et de Maistre est beaucoup plus forte : elle est que la Déclaration de 1789, parce qu’elle ne reconnaît le droit d’exister qu’aux seuls États conformes à l’idée des droits de l’homme, devait déboucher sur la « guerre civile du genre humain » (Maistre). Comme le dira Péguy dans L’Argent, mais en éloge plutôt qu’en réprobation : « Il y a dans la Déclaration des droits de l’homme de quoi faire la guerre à tout le monde, pendant la durée de tout le monde. »

Cela autorise-t-il à conclure à un lien d’essence entre droits de l’homme et impérialisme ? Il se trouve que la thèse de Maistre et de Burke a été reprise par Carl Schmitt, dans les années 20, afin d’absoudre les violations du droit international par l’Allemagne en 1914, puis, à partir de 1933, afin de justifier… l’impérialisme nazi. Force est donc de constater que l’impérialisme, qui est une possibilité de tout régime politique, est susceptible d’investir aussi bien l’universalisme (via le thème de la mission civilisatrice, de la croisade religieuse ou de l’exportation de la démocratie) que le particularisme (via les thèmes de l’espace vital, de l’affirmation nationale ou de la guerre des races).

On peut assurément soutenir qu’une version des droits de l’homme, celle qui les lie à l’utopie d’un État mondial, est particulièrement exposée au risque de la dérive impérialiste. Mais cette version ne peut pas passer pour la vérité de l’idée elle-même. Et il est douteux que les droits de l’homme soient l’alibi le plus approprié pour les menées impériales : dans les dernières années, ils ont été un discours adopté de manière forcée plutôt qu’un véritable moteur. Pour preuve, l’invocation des droits de l’homme par George W. Bush pour justifier l’invasion de l’Irak a eu les traits grotesques et sinistres d’un mensonge patent. Une politique de prédation, qui a pour hauts faits Guantánamo et Abou Ghraib, et qui débouche sur un chaos sanglant où les libertés élémentaires sont bafouées, n’a aucun titre à se prévaloir des droits de l’homme.

Les droits de l’homme ont subi des attaques de tous les bords politiques : libéral, réactionnaire, marxiste… Peut-on distinguer un élément commun à ces critiques qui ont des objectifs différents ?

Un des étonnements qu’on rencontre quand on étudie les critiques des droits de l’homme, c’est le recoupement, parfois à la limite de l’indiscernabilité, entre les argumentaires d’auteurs que tout oppose politiquement. Il n’y a presque pas un argument de Burke contre les droits de l’homme qui ne se retrouve chez Bentham, lequel est pourtant un démocrate convaincu.

Bien sûr, tout est dans le « presque » : alors que Burke critique la « métaphysique des droits » au nom d’une idée de l’utilité collective établie par l’histoire et la tradition, Bentham critique la « métaphysique des droits » au nom d’une idée de l’utilité collective établie par la raison… et récusant la tradition comme un simple résidu de la stupidité des ancêtres. Du point de vue de la « quantité textuelle », la différence est infime : elle n’occupe que quelques lignes. Mais elle signale que la quasi-identité des arguments s’insère dans des dispositifs théoriques incompatibles.

Dès lors, il est plus intéressant de se pencher sur les dispositifs théoriques sous-jacents que sur les « éléments communs » qui risquent de faire illusion. Par exemple, l’apparence d’une proximité entre Burke et Marx (auxquels on attribue parfois un même souci de la « communauté » menacée par les droits) se défait dès lors qu’est posée la question du statut du droit de propriété chez les deux penseurs : la crainte de Burke est que les droits de l’homme ne conduisent qu’à la déstabilisation du droit de propriété qui est selon lui la pierre angulaire de tout ordre social ; la critique de Marx vise au contraire le fait que la Déclaration de 1789, en sacralisant le droit de propriété, conduit à éterniser la division des classes qui rend impossible l’égalité des droits.

Plutôt qu’un « élément commun », il faut sans doute chercher à dégager les lignes du champ où s’inscrivent les positions en présence. C’est cette cartographie que Justine Lacroix et moi avons tenté de faire, tout en prenant position afin de nous situer dans notre carte — et de situer ainsi cette carte elle-même, pour la soumettre à la discussion critique. Refaire cette carte dans le cadre de cet entretien est impossible ; mais disons qu’un des ressorts de la configuration du champ des critiques des droits de l’homme tient dans la nature de la relation qui est faite entre l’homme et le citoyen, et dans le type d’universalité et de particularité qui est attribué à l’un et à l’autre.

weilpmfr83-emmanuelpolancopm-weil.jpg

Dans votre livre, vous n’évoquez pas le cas de Simone Weil qui, dans L’Enracinement, se propose de substituer aux droits de l’homme des devoirs envers les êtres humains. Dans quelle tradition s’inscrit-elle ?

Il y a d’autres d’auteurs encore que nous n’évoquons pas ! Par exemple Claude Lévi-Strauss, évoqué plus haut, qui est pourtant une des sources de certaines critiques « culturalistes » de « l’ethnocentrisme » des droits de l’homme. C’est que notre but n’était pas de proposer un panorama exhaustif, qui aurait demandé des milliers de pages (et il a déjà été assez difficile de faire tenir la matière que nous avions à traiter dans un nombre de pages raisonnable), mais d’établir les types des critiques qui nous semblaient les plus cohérentes et systématiques — ou, pour ainsi dire, de fixer les couleurs fondamentales à partir desquelles se compose le riche et vaste spectre historique des nuances et des couleurs intermédiaires. La généalogie vise alors à dresser des arrière-plans conceptuels qui ont leurs contraintes structurelles, mais non à reconduire les penseurs et leurs lecteurs à des traditions auxquelles ils seraient pour ainsi dire assignés : cartographier doit servir à faciliter l’invention de trajets, voire à projeter des recompositions de paysages.

Et donc, je ne sais pas s’il faut inscrire Simone Weil dans une tradition, ou bien étudier la façon dont elle déjoue peut-être les traditions où elle s’inscrit : il faudrait la relire de près. Mais le thème de la substitution, aux droits de l’homme, des devoirs envers les êtres humains se présente d’emblée comme la reprise d’un thème commun aux socialistes d’origine saint-simonienne et aux progressistes d’ascendance traditionaliste tels que Comte. Je formulerais l’hypothèse, si vous me passez l’expression, qu’on pourrait voir dans les thèses de Simone Weil quelque chose comme la formulation d’un « socialisme bonaldien ».

De fait, il y avait une paradoxale virtualité « socialiste » dans le catholicisme traditionaliste ; à preuve l’évolution de Lamennais, conduit par son propre traditionalisme à rompre avec le catholicisme pour rejoindre la démocratie sociale. Et Proudhon a commencé par être bonaldien ! Simone Weil, qui est restée jusqu’au bout une chrétienne sans Église, se situe sans doute dans cet espace-là. À vérifier — ou à infirmer.

Finalement, critiquer les droits de l’homme n’est-il pas le signe d’une bonne santé intellectuelle ?

La critique est toujours un signe de bonne santé. Et c’est justement le signe de la vitalité des droits de l’homme que leur capacité à constamment susciter la critique en vue de leur redéfinition. Comme l’avait montré Marcel Gauchet dans La Révolution des droits de l’homme, la plupart des critiques des droits de l’homme ont été formulées, dès les débats de l’été 1789, par les mêmes révolutionnaires qui ont rédigé la Déclaration dans la conscience des tensions qui la traversaient. Les droits de l’homme engagent dès leur proclamation leur propre critique ; il faut s’en réjouir et faire en sorte qu’ils soient, plutôt que la formule de notre bonne conscience, l’écharde démocratique dans la chair libérale de nos sociétés.

Notes de bas de page

1 Voir Tristan Storme, Carl Schmitt et le marcionisme, Paris, Cerf, 2008.

2 Voir Antoine Garapon, « Michel Foucault visionnaire du droit contemporain », Raisons politiques 52/2013.

3 Voir ses articles rassemblés dans L’Invention démocratique, Paris, Fayard, 1981, et dans Essais sur le politique, Paris, Seuil, 1986.

4 Claude Lévi-Strauss, De près et de loin, entretiens avec Didier Eribon, Paris, Odile Jacon, 1988.

5 Claude Lévi-Strauss, Le regard éloigné, Paris, Plon, 1983.

mercredi, 13 avril 2016

Het enigma Victor Leemans

leemans.gif

Door: Karl Drabbe

Het enigma Victor Leemans

Ex: http://www.doorbraak.de

Van nationaalsocialist tot Europees Parlementsvoorzitter. Filosoof en socioloog Victor Leemans was van vele markten thuis.

Victor-Leemans.jpgSyndicalisten en sociologen hebben nooit bij bosjes rondgelopen in de Vlaamse Beweging. Victor Leemans bundelde de drie eigenschappen. Hij was een Vlaams-nationalist, studeerde sociologie, en ijverde voor het samensmelten van de katholieke en de meer autoritair-Vlaamse syndicaten tijdens de Tweede Wereldoorlog.

Leemans is het typische van de rechtse, nationaal denkende intellectueel, zoals het interbellum er wel meerdere voortbracht, maar slechts weinige in Vlaanderen. Hij stond met beide voeten in de Conservatieve Revolutie, en eindigde als senator voor de CVP en zelfs de eerste voorzitter van het Europees Parlement. Een opvallende carrière en toch is het zoeken naar biografische informatie te vergelijken met de spreekwoordelijke zoektocht naar een speld in een hooiberg.

Wijlen professor Piet Tommissen is decennia bezig geweest met de biografie van Victor Leemans. Of hij ooit tot schrijven is toegekomen, weet ik niet. Maar Leemans' naam viel in elk gesprek met Tommissen. Of er met het door hem verzamelde materiaal ooit een biografisch werk zal (kunnen) gemaakt worden, is maar de vraag.

Alvast Pieter Jan Verstraete - zowat de hofbiograaf van de Vlaamse Beweging uit interbellum en WO II - vond het zijn plicht om die leemte op te vullen. Want veel meer dan een lemma in de Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging was er niet. Met het 40 blz. tellende brochure hebben we nu iets meer over Leemans. Maar helaas nog veel te weinig.

Waarom helaas? Enkele weken terug stelde Patrick Loobuyck - de godsdienstwetenschapper en filosoof van de UAntwerpen die het LEF-vak bedacht - de vraag op Twitter of er ook 'rechtse sociologen' zijn. De vraag sloeg op vandaag, als ik antwoordde dat alvast Lode Claes en Victor Leemans géén linkse jongens waren.

Lezing van Verstraetes ondertussen biografisch verschenen schets, leert dat ook dat weer met een flinke korrel zout moet genomen worden. Leemans publiceerde immers zijn eerste artikels in De Gids op Maatschappelijk Gebied, wat vandaag het studieblad is van debeweging.net (het vroegere ACW). 

Leemans kwam van het Wase platteland (Stekene), werd onderwijzer en actief in de 'Jonge Wacht' en het Davidsfonds ginds. Als schrijver kon hij terecht in het nieuwe weekblad Jong Dietschland, in het interbellum een erg gezaghebbend leidend katholiek en Vlaams-nationalistisch blad met medewerkers als Cyriel Verschaeve en Maurits Geerardyn. In dat blad publiceerde Leemans over de Duitse en de Oostenrijkse corporatistische beweging en zette hij uiteen wat er in Duitsland en Italië allemaal aan het gebeuren was. Fascisme en nationaalsocialisme fascineerden hem in die mate dat hij die 'stelsels' wel moést beschrijven. 

In de jaren 1930 ging Leemans in Berlijn en Münster sociologie studeren. Hij woonde volksmeetings van de NSDAP bij, zag Adolf Hitler spreken. Hij bracht er verslag over uit in De Standaard en - eens terug in Vlaanderen - voor allerlei verenigingen en in velerlei tijdschriften. Nationaalsocialisme kreeg in zijn ogen een plaats in het nationale Duitse socialisme, zoals decennia na hem socioloog J.A.A. Van Doorn dat ook schreef.

Leemans schreef over corporatisme, economie, socialisme, sociologie. Zijn Politieke sociologie is allicht zijn belangrijkste werk, dat ook een hele generatie jonge intellectuelen, vooral studenten aan de KU Leuven inspireerde. De Politieke Academie van het KVHV, waar Lode Claes een rol speelde, hing aan Leemans' lippen.

leemans2.jpg

Na de oprichting in 1933 kon het VNV hem niet bekoren. Pas in 1936 zet hij een stap in de richting van die partij. 'Hij aanvaarde de leiding te willen nemen van de nieuw opgerichte Vlaamsche Arbeidsorde.' Nochtans grossierde het VNV allesbehalve in intellectuelen. Waarom dan die zet? Verstraete speculeert: 'misschien zocht hij een vaste bron van inkomsten om zijn groeiend gezin te kunnen onderhouden.'

Tijdens de Tweede Wereldoorlog werd hij secretaris-generaal van Economische Zaken. Het zijn de secretarissen-generaal die de uitvoerende macht bevolken tijdens de oorlog. Leemans zat na verloop van tijd op één lijn met de Belgische economische elite die in België was gebleven tijdens de oorlog. Politici hadden België verlaten, de industriëlen voerden - conform de zogenaamde Galopin-doctrine - een accommodatiepolitiek, daarbij geholpen door een Leemans die in die functie veel verantwoordelijkheidszin aan de dag legde.

Dat laatste is dan ook de reden waarom hij aan de terreur van de straatrepressie kon ontkomen. Zijn echtgenote overleed in januari 1945 wel aan de mishandelingen. Maar Leemans en zijn kinderen werden nadien door de politie beschermd. Eén jaar gevangenisstraf was zijn deel. In mei 1948 werd hij 'door de krijgsraad definitief buiten vervolging gesteld'. 

Nadien ging het snel. Opgepikt door de katholieke werkgeversvereniging Landelijk Algemeen Verbond van Christelijke Werkgevers, werd hij door de CVP binnengehaald als 'verruimer' met Vlaams-nationale collaboratieachtergrond om de CVP te helpen een absolute meerderheid te halen in 1949. De CVP misgunde de 'scheurmakers' van de Vlaamse Concentratie electoraal succes en plaatste daartoe onder andere Victor Leemans en Joz. Custers op de lijst. Leemans werd senator in 1949 en fractievoorzitter in de Senaat in 1964. In 1958 trok hij naar het Europees Parlement (dat toen nog niet rechtstreeks verkozen werd), waar hij het tot voorzitter schopte in 1965. Oud-weerstanders verslikten zich dat een 'volbloed nazi' voorzitter kon worden.

De Vlaams-nationalistische catacombenpers van de eerste naoorlogse dagen stak de draak met de 'overloper' en bedacht hem met koosnaampjes als 'De Grote Denker' en 'de filosoof van Stekene'. De filosoof schreef inderdaad na de oorlog studies over Kierkegaard en had een economische rubriek in De Standaard.

Over zijn denken en op de inhoud van zijn publicaties gaat Verstraete in deze bescheiden brochure niet in. Het zou nochtans een meerwaarde zijn voor de geschiedschrijving van de geesteswetenschappen in het interbellum in Vlaanderen. Over de revolutie van rechts is nog te weinig gepubliceerd. Olivier Boehme vermeldt hem zijdelings in zijn gelijknamige boek. Mark Van den Wijngaert beschrijft Leemans' rol als secretaris-generaal goed in Nood breekt wet. Het is wachten op de intellectuele biografie van Leemans.

Het boekje is te verkrijgen via overschrijving van 6,85 euro op rek. BE64462728679152 van Pieter Jan Verstraete; pieterjan.verstraete@skynet.be

Beoordeling : * * *
Titel boek : Victor Leemans
Subtitel boek : Een biografische kennismaking
Auteur : Pieter Jan Verstraete
Uitgever :
Aantal pagina's : 40
Prijs : 6.85 €
ISBN nummer :
Uitgavejaar : 2016

mardi, 12 avril 2016

Robert Stark interviews Paul Gottfried about his book Fascism: The Career of a Concept

pgott_e791ab626e6785062374d45b25cc6e7f.jpg

Robert Stark interviews Paul Gottfried about his book Fascism: The Career of a Concept

Listen Here!

Robert Stark and co-host Alex von Goldstein talk to Professor Paul Gottfried about his latest book Fascism: The Career of a Concept

Ex: http://www.attackthesystem.com

pgfasccQXL._SY344_BO1,204,203,200_.jpgTopics include:

How Fascism is used as a pejorative to describe any opposing political movement

Defining Fascism and how most people who use the term cannot define it

Mussolini’s Italy as the truest form of fascism

How Hitler was not a generic Fascist and that

Franco in Spain was not a Fascist at all

Ernst Nolte‘s Fascism In Its Epoch and his view that fascism was a counter-revolutionary movement to socialism

Non European movements influenced by Fascism such as Black Nationalist Marcus Garvey, Zionist Ze’ev Jabotinsky, and the Hindutva movement in India

The de-Nazification process in postwar Germany and how it had a delayed effect

The Frankfurt School(Cultural Marxist) who have used anti-Fascism to shape the political discourse

Cultural Marxist versus Traditional Marxist and how the former abandoned economic issues

How mainstream conservatives also missuse the term (ex.Eco-fascism, Islamo-Fascism, Liberal Fascism)

The myth that fascism was on the left

How conservatives have adopted the values and rhetoric of the left

Paul Gottfried’s article Will a Trump Victory Actually Dislodge the Neocons?

mardi, 29 mars 2016

Julien Rochedy: l'Etat contre le peuple

Carrefour de l'Horloge

Julien Rochedy

L'Etat contre le Peuple

dimanche, 27 mars 2016

Attacking National Leaders Through ‘Psychological Pincers’

Psychological_Warfare.jpg

Attacking National Leaders Through ‘Psychological Pincers’

SouthFront: Analysis & Intelligence is continuing an exclusive analytical series “Clandestine Warfare of the 21th Century”.

Written by Prof.Dr. Vladimir Prav exclusively for SouthFront

Ex: https://southfront.org

Today’s geopolitical struggles entail widespread use of psychological warfare against national elites, even from allied countries. This survey examines psychological techniques, including the use of informal NGO channels, which have been dubbed “organizational weapons.”

Psychological attacks attempt to take the target into veritable “pincers.” They are effective because the target, in the form of a national government, is subjected to pressure from both legitimate and “shadowy” actors, attacking from both above and below.

In order to carry out a pincer attack, the attacker must satisfy five conditions.

  1. Establish a psychological pressure environment.

It entails two sets of activities. The first is establishing the pressure from above, in the form of planting “agents of influence” into the government and into associated organizations dealing with analysis and information dissemination, and pressure from below by creating a range of legal and shadowy societal and organization organizations to influence public opinion, organize mass protests, and  coordinate anti-government activities.

  1. Implementing the “pressure from below” scenario.

The objective is to provoke mass displeasure with the government through the formation of public opinion by emphasizing government’s failures, including imagined ones. This information campaign then leads to protests, civil disobedience, and other measures to provoke the government into suppressing the demonstrations through the use of violence, which in turn will persuade many individuals to demand the government’s resignation. The goal is to place the government into a stressful situation in which it has to make snap decisions in order to stabilize the political situation and to lessen the psychological assault.

  1. Organizing “pressure from above”

This includes using agents of influence to lobby the government to adopt certain decisions. The lobbying accomplishes two things:

The target government leaders are flooded with false information on the unfolding events, with suh information coming from trusted and close sources including even relatives and good friends.

It impresses upon government members the unavoidability of adopting proposed measures.

  1. Making the political decision.

Given growing pressure from above and below, the government falls under a psychological sense of emergency, in which it feels it has to make hasty decisions. If the decision does not satisfy the organizers, they step up the level of pressure. Once the government makes the expected decision, the organizers move to the next step.

  1. Removing the pressure. Once the decision satisfies the organizers, its widespread and enthusiastic acceptance is organized. The situation returns to normal as the level of organizing activity drops off.

The pincer mechanism works on many levels. It assumes the use of internal and external political forces to exert pressure. It can work on three levels at once—international, internal elite, and regional elite.

The psychological pressure’s effectiveness depends on several factors:

  • The population’s specific psychological factors which are being manipulated;
  • Actual social conditions, including mass expectations;
  • The level of cohesion and professionalism displayed by the “from below” pressure team exerting pressure on the region’s population.

The three-level pressure system includes the following:

a) The official international relations, including the totality of bi- and multi-lateral contacts which the state’s foreign policy organizations maintain, and which can be used to pressure the country’s highest officials responsible for national security and the military, through diplomatic notes, official statements, etc.

b) The “transnational geopolitical pluralism system”, consisting of:

– The global specialized network of international foundations, banks, and humanitarian organizations which provide an appearance of pluralism. This is initiates psychological pressure.

– Multi-national corporations which have offices in most countries.

– Transnational NGOs and unofficial political entities, such as the Trilateral Commission.

– International organized crime and terrorism.

– Interpersonal relations among senior government officials, or the so-called “social network of world elites.”

c) The global public opinion-forming system, including:

– International media and news agencies;

– National media and news services aimed at foreign audiences;

– The Internet.

This system can offer moral support to the protesters and separatists and also pressure national leaders by helping form a corresponding international public opinion.

The internal elite groups exerting psychological pressure include:

  • Members of the ruling elite;
  • The political anti-elite consisting of people who want to join the elite and change the country’s political, financial, legal policies;
  • The political sub-elite, or secondary groups within the elite who are not happy with their status and want to move up.

External forces are far more effective at interfering in domestic politics under conditions of globalization. Terms such as “economics without borders” or “freedom of the press” assumes not only complete freedom for legitimate economic and media actors, but also for shadowy entities which can render financial and moral support of the anti-elites and sub-elites in their confrontation against the ruling elites.

The media play a key role in ensuring the “pincer”. They are used to magnify the political pressure on the leaders and to provide psychological support for the protesters.

vendredi, 25 mars 2016

“Controlled chaos” as a tool of geopolitical struggle

Berg.Emerald-Eyes.jpg

“Controlled chaos” as a tool of geopolitical struggle

SouthFront: Analysis & Intelligence is offering a new exclusive analytical series “Clandestine Warfare of the 21th Century”.

Written by Prof.Dr. Vladimir Prav exclusively for SouthFront

Ex: https://southfront.org

Nowadays, a variety of means are being used in order to implement and extend the “controlled chaos” in the national economies and societies in the geopolitical struggle. The actor, who is using the tool, is maintaining the “controlled chaos” within the opposing country.

stevenmannmaxresdefault.jpg

Steven Mann, the US foreign policy expert, who took part in the developing of many of the current “controlled chaos” hotspots in various parts of the world, speaks openly of the need to use “increased level strongly-worded criticism”, and causing “controlled chaos” to secure and promote the US national interests.

Steven Mann is a key figure behind the development of the “controlled chaos” theory as a means of furthering US national interests. Mann was born in 1951 and graduated from Oberlin College in 1973 with a B.A. in German. In 1974 he obtained an M.A. in German Literature from the Cornell University and has been a member of the Foreign Service since 1976. He received a Harriman Institute for Advanced Soviet Studies scholarship to obtain an M.A. in Political Science from the Columbia University in 1985-1986. He graduated from the National Defense University in Washington, D.C.

He began his career as a US embassy staffer in Jamaica. Later he worked in Moscow, at the USSR desk in the State Department, and at the State Department Operations Center (a 24-hour crisis center). He served as the acting chief of mission in Micronesia (1986-1988, Mongolia (1988), and Armenia (1992). Between 1991 and 1992 he worked at the US Department of Defense dealing with Russia and Eastern Europe, and in 1992-1994 he was assigned to Sri Lanka as deputy ambassador. Between 1995 and 1998, he was employed as the head of the India, Nepal, and Sri Lanka desk at the State Department. Since 2001, Mann has been a presidential special representative to the Caspian Sea countries acting as the main spokesman for US energy interests in that region and a lobbyist for the Aktau-Baku-Tbilisi-Jeikhan oil pipeline.

Upon graduating from the NDU in 1992, Mann wrote an article titled Chaos Theory and Strategic Thought // Parameters (US Army War College Quarterly, Vol. XXII, Autumn 1992, pp. 54-68).  In this article, he lays out the following theses: “We can learn a lot if we view chaos and reorganization as opportunities, and not pursue stability as an illusory goal…” “The international environment is an excellent example of a chaotic system, with “self-organizing criticality” being a useful analytical tool. The world is doomed to be chaotic, because the many human actors in politics have different objectives and values.” “Each actor in politically critical systems creates conflict energy, …which provokes a change in status quo thus participating in creating a critical situation…and any course of action brings the state of affairs into an unavoidable cataclysmic reorganization.”

The main thought which flows from Mann’s thoughts is to bring the system into a state of “political criticality.” Then the system, given certain conditions, will unavoidably enter chaos and “transformation.” Mann also writes that “Give the US advantage in communications and growing global mobility capabilities, the virus (in the sense of an ideological infection) will be self-replicating and will expand chaotically. Therefore our national security will be preserved.” And further: “This is the only way to establish a long-term world order. If we cannot accomplish such an ideological change in the whole world, we will have only sporadic periods of calm between catastrophic transformations.” Mann’s words about “world order” are there for the sake of political correctness. Because his article speaks only of chaos which, judging by Mann’s words, will be the “best guarantee of US national security,” with only the US able to preserve itself as an “island of order” in an ocean of “controlled criticality” or global chaos.

According to the “theory”, dismantling of the already existing nation-states, traditional cultures, and civilizations can be accomplished by:

  • De-ideologizing the population
  • Dumping the “ballast” of the already existing values, and replacing them with one’s own set
  • Increasing material expectations, especially among the elite
  • Loss of control over the economy and its ultimate destruction
  • Unlawful actions by supposedly spontaneous movements which often have ethnic or religious character

Once implemented, these key policies lead to “color revolutions.”

“Controlled chaos” theory is based on reforming the mass consciousness, worldviews, and the spiritual sphere by subjecting individuals to modern means of manipulation. It amounts to a global psychological operation that is part of globalization and which destroys the culture of solidarity and replaces it with a cult of money and of Social-Darwinist stereotypes concerning the role of an individual in society. The masses’ ability to offer resistance through self-organization is thus diminished.

Given the effects of such technologies, the “controlled chaos” actors are pursuing two objectives:

  1. Reducing the size of the population by eliminating those who are not of use to the architects of the new world order. Neoliberal reforms bring about a demographic catastrophe by reducing birth rates and increasing death rates. The sexual revolution, propaganda of hedonism, individualism, and consumerism reduce birth rates. Social-Darwinism and indifference to the suffering of close ones deprive people of their will to live and increase death rates. The large number of poor and homeless people amounts to a de-facto euthanasia mechanism, as people in these categories die quickly. Though more people are pulled down to replace them.
  2. The objective of destroying a nation states that imposing control over them is intercepted by transnational corporations, crime syndicates, supranational organizations and institutions, which answer to those who employ controlled chaos technologies. This task combines “soft power” with barbaric military aggression (Yugoslavia, Iraq, and Libya). This process facilitates the aggressors’ control over the global financial, military, and information resources.

stevenmannkv9BIL._SX298_.jpgWe should note that the US and the EU economies grow not by increasing their output but by reapportioning wealth between the strong and weak states. This is accomplished by weakening the nation-state (usually by drawing it into a debt trap), privatization, and buying up all manner of national assets, including natural ones.

Under the pressure of the financial institutions, the nation-state becomes a tool of this type of globalization by privatizing and reducing expenditures on social needs or on maintaining science and culture. States also organize mass illegal labor migrations which render individual workers much cheaper which deprives them of rights. In combination, the two tasks deprive the target state of its ability to function as an international actor. It is a covert way of eliminating economic competitors. The main symptoms of the loss of one’s sovereignty include the inability to perceive and interpret the situation, rise above it, assert one’s identity, and the ability to implement bold, breakthrough ideas.

As a result:

  1. The state is no longer self-governing, it does not have a development strategy, and it cannot ensure decent living conditions for its citizens and guarantee constitutional rights.
  2. Corrupt officials play a key role in controlling the economy and society.
  3. The middle class is disappearing, it is being disorganized, and alienated.
  4. Political parties and movements are mere facades.
  5. Societal movements have no actual effect on politics.
  6. Citizens are passive and have major identity problems (state, ethnic, family).

chaos_3.jpg

Let’s look at a few examples of controlled chaos implementation aimed at depriving foundations of national independence.

1. Neutralizing the drive to develop.

– Destruction of state policy apparatus by seeding it with agents of influence.

– Infection through corruption, promoting a cult of money.

– Government bureaucratization.

– Removing the scientific community from influencing the country’s policies.

– Mythmaking: “the market will fix everything.”

2. Blocking the reaction reflex

– Mass export of cult organizations.

– Use of political technologies in election campaigns.

– Transforming the media into market actors.

– Promoting a primitive mass culture.

3. Destroying communications links

– Individualization through neoliberalism, the atomization of society.

– Destroying community ties.

– Destroying transport networks.

– Promoting ethnic and religious conflicts.

– Class fragmentation into rich and poor class.

– Generational conflict.

4. Reducing the ability to influence events

– Use of manipulative techniques in election campaigns.

– Promoting neoliberal ideologies, such as individualism and atomization.

– Promoting the cult of money and a system of primitive values.

– Shutting down independent media.

– Promoting corruption and criminalization.

5. Reducing the ability to pursue development:

– Destroying domestic science and educational progress.

– Promoting deindustrialization through privatization, bankruptcy, and destruction of professional training system.

– Elimination of capital controls.

– Credit dependence on international financial systems.

– Inability to resist import dependence.

– Preventing the society’s active participation in the country’s development.

In conclusion:

  1. The US is currently the main actor using “controlled chaos” tools with the aim of seizing control over a country or region and preventing it from pursuing its own development. Controlled chaos is de-facto neo-colonialism which transforms countries into resource suppliers to the First World. It entails predatory relations in trade and property acquisition.
  2. Using controlled chaos technologies runs against international norms of non-interference in domestic affairs. It means there is a basis for banning and international monitoring over controlled chaos technologies. Over the last several decades, several countries were in favor of ensuring international information security through legal agreements, now they could also initiate similar actions in regard to controlled chaos technologies.

    Scrambled-Mind-3886.jpg

mardi, 22 mars 2016

The Left’s Hollow Empire

eiffelvendue.jpg

The Left’s Hollow Empire

Stranger in a Strange Land

For the last ten years I have been involved in the Right scene, mostly nationalist and traditionalist, both on the internet and in real life. I am perfectly aware of all the vices of this scene (the backstabbing, sectarianism, in-fighting, alcoholics, kooks, renegades) as I have experienced them first-hand. However, I am also perfectly aware of all the vices of the Left scene. And over the years I have come to the conclusion that Left is morally corrupt, weak, and inferior to the Right.

You see, for the last ten years I have been also working as a translator (although it has never been my only job). And as I specialize in social work, I have mostly worked in international projects, funded by the European Union and other trans-national organizations. So far I have worked with state institutions, NGOs, schools, universities, churches, professionals, and volunteers from all European countries (members and non-members of the EU), North America, and some African and Asian countries, including Turkey, Nigeria, Ghana, the United Arab Emirates, or Kazakhstan.

As you can guess, I have worked in a predominantly leftist environment. And since I have become a convinced nationalist some fifteen years ago, you can wonder how I managed to remain in this job. I got into this work by chance and coincidence, and there were no satisfying (financially or otherwise) alternatives at that time. And the three main factors that made it possible for me to keep working in this leftist environment are the main vices of the Left: narcissism, incompetence, and greed.

The Dark Triad of the Left: Narcissism, Incompetence, Greed

According to my experience the Left is extremely narcissistic. They are often the kind of people who don’t want to have children so they can have more time to post selfies on Instagram. When I first started working, I thought I was going to argue with everyone about everything due to the obvious worldview differences. However, most of the leftists I have met, coming from all over the world, are so narcissistic that it is difficult to say anything during a conversation with them. They drift away into endless monologues about themselves, and “I,” “me,” “my” are the most used words. If I wanted to speak my mind, in most cases I would have to just interrupt and change the topic — which would turn into another monologue once it would be the other party’s turn to speak. To provide an example: I have worked with a person, whom I would meet at least weekly outside of work (riding the same bus, etc.), so there were plenty of occasions for small talk. And it was after more than a year that this person asked me about my personal life (namely my marriage). Which means that for over 50 conversations I was never asked any relevant question, I just listened to monologues.

I do not like dishonesty, but on the other hand I am not very effusive, so when I started the job, I decided that I will answer honestly any straight-forward question regarding my beliefs or anything related. So far, for over a decade, not one such question was asked. And bear in mind, that being involved in such projects includes lots of socializing: obligatory dinners or cultural events during which work is not the number one topic. And as I listen more than I talk, during countless monologues I have learned a lot about these people, starting with details of their intimate or family lives, their ridiculous beliefs, and enough gossip, in-fighting, and back-stabbing to avoid any non-obligatory socializing with them. Honestly, going to sleep early is much more fun than partying with international leftists. I have never encountered such levels of narcissism, even in my high school times.

Nobody asks me about my views, but even if they did, they would probably still have to work with me. And the reason is incompetence. You see, most of these leftist professional project managers and participants are not very professional. They have a good knowledge of foreign languages, paperwork and office skills, etc. But many of them just cannot do it. They have to hire people from outside of their organizations or their environment who will do the more complicated stuff (such as converting .doc files to .pdf files). And if you specialize in certain fields, there is usually not much competition. To hide their incompetence, leftists will often choose the model of declaring certain skills and then paying someone from their pockets to do the work for them, so they can just sign it with their name.

The last component of the Dark Triad of the Left is greed. Sure, leftists really are leftist. They honestly believe in all this nonsense. And sure, the projects are aimed at realizing those aims. However, only the youngest volunteers are engaged and idealistic. They do all the dirty work — such as actually working with people — for free. The managers and others do it for the money. And many of them don’t give a damn about the beliefs of anyone they work with. If any of their co-workers was outed as “evil conspiracist” or something of that sort and was publicly denounced as a heretic, they would probably loudly denounce him, but still pay him unofficially to do the work that needs to be done and that they cannot do themselves because of their lack of skills. I know some people with politically incorrect views, which they discuss openly, who are ghost-working for politically correct organizations, and are paid outside of the pay list.

gauche-droite-1024x884.jpg

The Left is Everywhere . . .

I have witnessed the hegemony of the Left in countless institutions. The belief in equality and the need to eradicate existing identities in order to create a humanist utopia pervades NGOs, schools, academia, and churches. These institutions which do not adhere to this ideology are excluded from most important international grant systems (which means that they have no access to actual money).

Interestingly, I have worked with a few churches (various Catholic, Orthodox, and Protestant denominations) and I can tell you that when it comes to social ideology, they are hardcore egalitarians. The only difference is that they believe that this humanist post-racial utopia will be much better if it is sprinkled with holy water or someone puts a cross at top of it. Even more interestingly, I have worked with quite a few Muslims, and many of them believe the same thing, except that they would prefer an imam to recite Quran verses over this utopia.

Unfortunately, in these parts of the world I got to know or I met people coming from them, there are institutions which promote the leftist worldview and which are doing quite well due to the existing international system of grant-funding supported by western governments. However, they have no real popular support. Their popular support is based on people who come to the events the institutions organize for free (the EU pays, the participants don’t). However, most of them do not support the organizations financially in any way, and if they had to pay, 99% of the popular support would disappear.

. . . But Not Everyone is Leftist

I have never expected to meet anyone but leftists during my work. But as it turns out, reality was much more complex. Of course, the majority of the people I have worked with were leftists. But if you listen to people you can learn quite a lot — probably because they presume that if you don’t voice your objections, it means that you agree with them.

First of all, there are those who don’t really have any views at all. Generally, they don’t support any ideology. They sort of believe in the leftist paradigm, but on the other hand they don’t really support it, and if the paradigm changed, they would not really mind. What they care mostly about are their paychecks and other profits arising from the projects.

Secondly, there are people who agree with the liberal values but they do not agree with the way they are realized or protected. These are the kind of people who support EU and gay marriage and despise conservatives, but they oppose Muslim immigration because it interrupts the realization of the humanist utopia in Europe. It seems that it is mostly people from Western Europe who fall into this category.

Thirdly, there is the most interesting group: people who reject at least partially the leftist ideology. The existence of such people in the leftist environment surprised me the most.

For instance, one man I have worked with, an older teacher in his 60s, coming from an “old EU” country, who has a few people of mixed ethnicity in his organization and who had previously told me about the merits of Che Guevara, all of sudden tells me that jazz is for blacks, and whites should listen to their own music, that it is the Jews who are pushing African culture on whites, and that Ezra Pound was a great poet and a visionary, with a great understanding of world politics. The same man votes for his local labor party and changes his profile pic on Facebook to the rainbow flag or “Je suis Charlie.” A middle-aged woman from Eastern Europe, who actively promotes “anti-anti-Semitism” etc. tells me that multiculturalism is the main cause of crime in Europe. A young student (after a few glasses of wine) tells me that he can’t wait for the EU to fall apart and we go back to nation-states free of non-European immigrants.

Unfortunately there are lots of outright and hardcore leftists involved in these projects, and while they may not constitute the majority of the workers, they are the loudest minority and it is often they who dictate what others do. They are also the most incompetent and arrogant of the people involved, who due to their dark personalities and lack of opposition to their exploitation of other people, have made it to the top of their organizations. 

gauchesemeurt.jpg

The Work of the Left is Useless

If you live in Europe, especially in Eastern Europe, you must have heard countless times about the EU-funded international projects. Let me tell you from first-hand experience: they are useless. The official aim of the projects is, of course, to heal the world and make it better for you and for me, and the entire human race. But in reality they boil down to flying several dozen of people from various countries to one place, having them sleep in hotels and eat out, discussing the documents they have already produced and deciding how to produce their next documents. There are some actual actions which benefit some small numbers of people, but these are extremely rare. There are many more instances of organizations not doing anything productive, but producing very impressive documents. For instance, the social projects are hell-bent on promoting ideas or actions in the local community. In reality this is not impressive at all: people who belong to a NGO also belong to another NGO, so they invite their five friends to listen to one of their PowerPoint presentations, and then they switch sides, and they listen to presentations by their friends on another project. So while the projects are aimed at immanentizing the eschaton, they are hardly the means to achieve it.

However, the projects are very effective at creating something different: a class of uprooted unprofessionals who are attached by the umbilical cord of project administration to the budget of the EU. These people are totally dependent on the EU administration and will do anything to support it. These “professional EU project teams” are an odd bunch: often, they are no-lifes who vegetate in rented rooms in their homelands, but who spend their lives on traveling from one project meeting to another. It is like an impoverished jet set: people who travel by planes, sleep in good hotels, and eat out twice a day while on project meetings, but cannot afford to rent a whole apartment at home. Administration of these projects often does not pay much in actual money, but when you consider the costs of traveling and accommodation, they are extremely costly, and they provide people who are hardly wealthy with a luxurious lifestyle.

This “project class” is highly cosmopolitan and alienated from its original society, for instance a Bulgarian living in Spain whose husband is an Estonian living in Portugal, or a Ukrainian Jew living in the Netherlands married to a Nigerian from the United Arab Emirates residing in the United Kingdom. These are ideal EU citizens: uprooted, with no actual identity, with skills useless in any other field, totally dependent on the preservation of the European status quo. Especially in Eastern European countries, with no career opportunities for people with college degrees in social sciences and humanities, this is basically how the EU bureaucracy corrupts the youth.

And it is this kind of people who are doing most of the work of the Left. They are useless unprofessionals — however, they are perfectly aware that there is no future for them outside of the EU-funded NGO network. Thus, they will defend the EU to their last breath. But let’s be honest: it will not be a very fierce defense.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2016/03/the-lefts-hollow-empire/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2016/03/europarliamentinterior.jpg

lundi, 21 mars 2016

A Brief Case for Universal Nationalism

Gegen_die_Menschheit.png

A Brief Case for Universal Nationalism

I would like to briefly make the case for universal nationalism, a political ideology defined here as the belief that every nation should have a society and a state of its own. Put more simply still: Every people should have its own country; every people should rule itself, rather than be dictated by outsiders. I believe universal nationalism encapsulates many of the principles which would allow all human beings to live in a more peaceful, prosperous, and progressive world. 

I base this upon two premises:

  • The desirability of the nation-state, that is to say of homogeneity and a common ethnic identity within societies.
  • The desirability of human (bio)diversity, that is to say of ethnic, cultural, political, economic, and other differences between societies.

Perhaps the most fundamental fact supporting the idea of universal nationalism is the reality of ethnocentrism. Human beings are inherently tribal and, with good reason, have evolved over hundreds of thousands if not millions of years to be so. In the modern era, with its mass communications and mass politics, this tribalism becomes fixated on the ethnic group. Whereas individuals in a society should all identify with each other as much as possible, as this is a prerequisite for the solidarity on which the public good always rests, we tend to find that identification fractures along ethnic lines. 

This leads to a negative reason for universal nationalism: The multiculturalists’ persistent failure to create a truly cohesive and harmonious multiethnic society. It matters not whether the ethnic differences are based on language (Belgium, Canada), religion (Iraq, Syria), or race (the United States, Mexico, Brazil, South Africa . . .).[1] In each case, the lack of a common identity leads to a perpetual tribalization of politics. These problems are sometimes peaceful managed, but they quite often lead to horrific and otherwise unnecessary ethnic civil wars. In any case, the problems are intractable. People on average are simply not as willing to submit to authority, pay taxes, or give their life in war for another group, as they would for their own group. In a word: There is no solidarity

This lack of solidarity tends to be worsened by the fact that ethnic groups tend to have different levels of educational and socio-economic performance. Ethnic pride is one of the most powerful emotions in the world, and the sight of another ethnic group doing better than one’s own inevitably leads to enormous amounts of ill-feeling. The less well-performing group will be underrepresented in the countries’ influential institutions and circles (e.g. politics, media, academia, law, corporations, the oligarchy . . .) and will tend to accuse of the better-performing group of ethnic nepotism or of biasing its use of power in its own interests, i.e. “racism.” Conversely, a better-performing ethnic group tends to resent the less well-performing ones for being a relative drag on society, committing more crimes and requiring more policing, dragging down school performance, providing less in taxes, and generally requiring more resources from the public purse in the form of welfare. These dynamics largely account for the endless conflicts and tensions between Jews, East Asians (e.g. Overseas Chinese), white gentiles, browns, and blacks whenever these groups inhabit the same countries.

Different ethnic groups also tend to have different preferences. Living in the same society and under the same government, each is not free to pursue them, but must accommodate ill-fitting common decisions, either decided unilaterally by one group or through awkward inter-ethnic compromises.

The result of all this is that multiethnic societies are, invariably, unions of resentment and mutual recriminations. Multiethnic societies are sometimes inevitable and must be peacefully be managed, but one should not pretend that these are either optimal or desirable. 

Mirroring the intractable problems of the multiethnic society, there are positive reasons for universal nationalism. In short, in the nation-state man’s tribal instinct no longer tears the society apart, but brings it together. Instead of ethnic fragmentation and conflict, ethnocentrism in the nation-state turns the entire society into one extended family. This tends to both be emotionally compelling – hence the power of political nationalism throughout the modern era[2] – and to enable societies in which individuals are more willing to sacrifice for the public good, whether in the form of respecting public authority and the law, paying taxes, or defending against foreign aggression. Perhaps unsurprisingly, the powerful “cuddle hormone” oxytocin tends to promote both altruism (self-sacrifice) and ethnocentrism (in-group identity and preference), which makes perfect evolutionary sense.[3] 

The nation-state, like a family, is both a preexisting biological and cultural reality, and a project to be carefully cultivated over the generations. In the ideal nation-state, common national identification is developed through the elimination of sub-national particularisms, either by assimilation to a common ethnic group or by minorities’ gaining independence in their own nation-states.

Ethnopluralismus.jpg

In the modern era, the European nation-state was found to be such a powerful form of socio-political organization that it was emulated throughout the world. Belief in the desirability of the nation-state was sharply weakened by the excesses of the world wars. But the nation-state is only a tool, a powerful but double-edged sword, and cannot be blamed for being misused. In any event, a nation-state bien compris would recognize kinship with closely-related nations and logically organize to defend common interests. Even after the Second World War, the liberal-conservative Jewish intellectual Raymond Aron, for one, continued to consider the nation-state to be “the political masterpiece.” Few would argue that Europeans’ relative abandonment of the nation-state – such as the creation of African and Islamic ghettos in the cities or the building of a flawed currency union – have improved their well-being or influence in the world. 

Finally, the domestic homogeneity of the nation-state is desirable because it is the only way of guaranteeing humanity’s international diversity. Human beings, contra an evil Judeo-Christian doctrine, are not separate from the animal kingdom and the rest of Nature, but an integral part of it. Humanity, like any species, is subject to the same Darwinian rules of natural selection and struggle. It may survive and prosper and achieve higher forms of consciousness, or it may go extinct. Perhaps the best guarantee to ensure humanity’s maximal survivability is diversity, true diversity. True human diversity would be biological, cultural, political, economic, and otherwise. 

The globalists argue that all political regimes, across the world, that are different from their own “liberal-democratic” ideals should be destroyed and that all countries should be integrated into a single hyper-consumerist global capitalist economic system. Thus, the Earth is being consumed to fill our bellies, but she cannot sustain all Third World countries achieving Western standards of living, the rainforests being destroyed and hundreds of millions of years of accumulated fossil-fuels being consumed for our vulgar pleasures. 

The globalists also argue that – at least concerning Western countries – that ethnic homogeneity should be destroyed, that America should be “globalized” into a raza cósmica and that Europe should be Afro-Islamized. They call this “diversity.” But the equation of ethnic heterogeneity with “diversity” is very misleading insofar as, actually – notwithstanding their genetic or linguistic differences, or an intractable tendency towards self-segregation and the formation of subcultures – different ethnic gorups in a given society must anyway must submit to a common political and ideological model to live together. Is the elimination of European ethnicities and identity, and the subjugation of the entire world to a single “liberal-democratic” ideology and capitalist economic system, really “diverse”? 

I posit the contrary: Subjugating all of humanity to a single economic and ideological model means putting all our eggs in one basket. If it is seriously flawed, as it surely is or will occasionally be, that means we would all suffer from its failures and risk extinction.

biodiv22049088.jpg

Instead, humanity really should be biologically, culturally, politically, and economically diverse. Thus, with every new era, each society will evolve and react somewhat differently. While one may stagnate or even collapse, others may survive and prosper. The innovations of one part of humanity – the Japanese, say – can be adopted and adapted to other parts. Would the elimination of Japan’s uniqueness through Africanization or Islamization really benefit the rest of humanity, or even Africa and the Islamic World? Most would think not. And the same is true of Europe and Europeans. We can ask simply: Would, as is currently proposed, the decline and steady disappearance ethnic Europeans really benefit the Third World? Given the lack of innovation of Latin America, Africa, and the Islamic World, this seems hard to believe. And certainly, few would argue that Haiti or Zimbabwe have benefited much from white extinction in those countries.

I believe Europeans, like any group, should take their own side. But many of our people, partly due to their in-born generosity and partly due to a misleading education, are insensitive to arguments of self-interest. For them the good must be couched exclusively in universal terms. These people are disturbed by the growing inequality and social fragmentation evident throughout the Western world yet are powerless to understand why this happening or articulate a valid response. For them, I answer: Nationhood is a supreme moral good necessary to a solidary and harmonious society, and therefore all nations, particularly our dear European nations, should be preserved and cultivated.

Notes

1. The nearest thing I have found to an exception to this rule is Swizterland, a very successful country in which the diversity between Protestants and Catholics, and between German-, French-, Italian-, and Romansh-speakers appears to pose few problems. Scholars have proposed that one reason Switzerland is so peaceful is because these groups, while united in a fairly weak federal state (with central government spending of just 10% of GDP), are sharply separated in their own largely self-ruling cantons. One should also not neglect that Switzerland’s ethnic diversity has in fact led to tensions and conflict throughout its history and required very peculiar, in some respects stifling and fragile, political structures.  Véronique Greenwood, “Scientists Who Model Ethnic Violence Find that in Switzerland, Separate is Key to Peace,” Discover blog, October 12, 2011. http://blogs.discovermagazine.com/80beats/2011/10/12/scie... [2]

2. Indeed, nationalism is probably the single-most-powerful and most-exploited political sentiment in modern history, including by political movements who might be theoretically opposed to it. For instance, the twentieth-century revolutionary Chinese and Vietnamese communist movements and the various “anti-racist” anti-colonial movements, were quite obviously motivated and empowered by ethnocentric sentiment against overbearing foreign powers.

3. Carsten De Dreu et al, “The Neuropeptide Oxytocin Regulates Parochial Altruism in Intergroup Conflict Among Humans,” Science, June 2010. http://science.sciencemag.org/content/328/5984/1408 [3] “Oxytocin increases social altruism,” Science Daily, November 26, 2015.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2016/03/a-brief-case-for-universal-nationalism/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2016/03/StillLifeGlobe.jpg

[2] http://blogs.discovermagazine.com/80beats/2011/10/12/scientists-who-model-ethnic-violence-find-that-in-switzerland-separation-is-key-to-peace/: http://blogs.discovermagazine.com/80beats/2011/10/12/scientists-who-model-ethnic-violence-find-that-in-switzerland-separation-is-key-to-peace/#.VukeofkrKM8

[3] http://science.sciencemag.org/content/328/5984/1408: http://science.sciencemag.org/content/328/5984/1408

Democratie als middel om de massa een utopie op te dringen...

Seasteading-illus000000.jpg

Door: Miel Swillens

De intelligentsia en de democratie

Democratie staat tegenover utopie

Ex: http://www.doorbraak.be

Democratie als middel om de massa een utopie op te dringen...

Recent besprak ik hier het belangwekkende boek van Bastiaan Rijpkema, Weerbare democratie. De grenzen van democratische tolerantie. Daarbij bleef noodzakelijkerwijs veel onvermeld. Zo wijst Rijpkema erop dat niet alleen extreemrechts de democratie bedreigt, zoals de media ons voorhouden te geloven. Het gevaar komt ook van wereldverbeteraars en intellectuelen die ‘een utopisch ideaal willen afdwingen’. Rijpkema heeft het over: ‘Een elite die zonder het volk maar voor het volk de besluiteloze democratie omzeilt, op weg naar de ware democratie of een ander ideaal.’ Zo kwam ik op het idee dat thema wat verder uit te spitten, want de problematische omgang van de intelligentsia met de democratie heeft een lange voorgeschiedenis.

Maar waarover hebben wij het, als het over democratie gaat? Twee opvattingen staan lijnrecht tegenover elkaar. De eerste gaat terug op de Franse Revolutie. Marat, Danton, Robespierre en co gaven aan het begrip democratie een abstracte en utopische invulling. Zoals bekend kwam  de revolutionaire filosofie van Jean-Jacques Rousseau. De mens is van nature goed, orakelde Rousseau, maar hij wordt gecorrumpeerd door de maatschappij met haar structuren en instellingen. Die moeten we vernietigen, waarna de collectieve wil (volonté générale) spontaan een nieuwe samenleving zal genereren, gebaseerd op vrijheid, gelijkheid en broederlijkheid. De ware democratie ontstaat pas na de totstandkoming van een nieuwe maatschappij, en de geboorte van een nieuwe mens: de deugdzame burger (citoyen vertueux).

loupagn301915000.jpgDe tweede opvatting gaat terug op de Amerikaanse Revolutie. De Founding Fathers gaven aan het begrip democratie een pragmatische en realistische invulling. Zij koesterden geen illusies over de menselijke natuur. De maatschappij kan weliswaar verbeterd worden, maar de mens blijft fundamenteel dezelfde. Macht maakt corrupt en moet aan banden worden gelegd. Vandaar het complexe systeem van checks and balances, de scheiding van de machten en een indrukwekkende grondwet die de vrijheden van de burgers waarborgt. Een paradijs ligt niet in het verschiet en een nieuwe mens al evenmin.

Maar die realistische kijk op de democratie vond maar weinig bijval bij de Europese intelligentsia. In de ban van utopische verwachtingen werden de intellectuelen de propagandisten van de maakbaarheid van mens en maatschappij. Ze omarmden het marxisme en verhieven het tot een nieuwe religie, met kerkvaders, dogma’s en ketters. Religieuze koorts verwekte fata morgana’s. De intelligentsia meende in Stalins politiestaat de contouren van een arbeidersparadijs te ontwaren en al wie naam had in de wereld van kunst en literatuur trok op pelgrimstocht naar Moskou. Zonder dat ze het zelf altijd goed beseften, ruilden talloze intellectuelen de democratie in voor het totalitarisme.

Hoe was zoiets mogelijk? Hoe valt te verklaren dat zovele intellectuelen, begiftigd met een meer dan gewone intelligentie, in het sovjetsprookje hebben geloofd? En hoe valt te verklaren dat ze vandaag – laten we gemakshalve zeggen sinds de Val van de Muur – dat oude sprookje moeiteloos hebben ingeruild voor een nieuwe versie: de vreedzame multiculturele wereld zonder grenzen? Het antwoord op die vraag ligt in de verkeerde perceptie die we van de intelligentsia hebben. De intelligentsia presenteert zichzelf graag als erfgenaam van het kritische denken dat geworteld is in de Verlichting. Maar wat toont de geschiedenis? Telkens opnieuw volgen radicale intellectuelen het dwaallicht van een of andere utopie en zinken ze weg in een moeras van irrationaliteit. Het is niet het kritische denken van de Verlichting dat hen bezielt, maar een veel ouder utopisch-visionair denken dat vanaf de middeleeuwen opduikt in de marge van het christendom.

Radicale intellectuelen horen niet thuis in het gezelschap van Voltaire met zijn sceptische glimlach. Ze horen thuis in het gezelschap van Jan van Leiden, de visionair en sociaal-revolutionair, die in het Münster van de Wederdopers het nieuwe Jeruzalem wou vestigen. In de figuur van die Hollandse ziener vallen religieus en sociaal-revolutionair utopisme naadloos samen. Zijn kortstondige rijk ontaardde in een bloedige éénmansdictatuur, maar dat belette niet dat hij in de DDR een heldenstatus genoot.

Duitsland mag dan al afgerekend hebben met Hitler, met Jan van Leiden is het nog niet klaar. De apocalyptische beelden van de vluchtelingenstroom die grenzen, autowegen en stations overspoelde, raakten een gevoelige snaar. Bij de geëxalteerde Gutmenschen, die de vluchtelingen als ‘bevrijders’ verwelkomden, en bij hun intellectuele bondgenoten, was de echo van de oude utopieën duidelijk hoorbaar. Zoals Norman Cohn schrijft aan het slot van zijn magistrale studie, The Pursuit of the Millennium : ‘Want het is de simpele waarheid dat, ontdaan van hun oorspronkelijke bovennatuurlijke wettiging, revolutionair millenniumgeloof en mystiek anarchisme nog steeds onder ons zijn.’

dimanche, 20 mars 2016

The Left is Inferior

revolutionaere_mai_demo_6.jpg

The Left is Inferior


Ex: http://www.counter-currents.com

The Left is Intellectually Inferior

While reading rightist (especially Alt-Rightist) literature or blogs I see a pervading conviction that the Left is intellectually superior to the Right. I think this conviction arises from the fact that most modern intellectuals are leftist, and that liberal academia and media distort the intellectual history of the West and pretend that it has always been this way. It is not true, and thanks to the work of various Alt-Right authors we know it. 

But the fact that most intellectuals are now leftists does not mean that most leftists are intellectuals. The leftists I have worked with are probably the cream of the crop who receive the most funding and occupy important positions in NGOs, academia, and other public institutions.

Let us just begin with the fact that most of what the Left believes — egalitarianism, the blank slate, cultural reductionism, radical constructivism, etc. — has been proven by scientists and thinkers to be untrue. To put it more straightforwardly: most beliefs of the Left are bullshit.

But leftists often don’t even know their bullshit very well. They know a few quotes — mostly mis-quotes of leftist authors that they have heard from their mentors — but often don’t read the actual books. And those few who read often have problems understanding them or putting them in context. Except for a few leftist professors I have encountered, it was usually I who had the best knowledge of leftist literature in the room.

Furthermore, leftists are the modern equivalent of puritans. They are just as fanatical. They consider other views to be heresy and the so-called “extreme right” as evil incarnate and the voice of the devil. Thus, they refuse to listen to what nationalists are saying. They often turn off the TV or literally cover their ears when nationalists appear in the media. They also refuse to read anything written by their opponents, as the words of Satan may corrupt your soul, and by talking with heretics you let Satan’s words spread and poison the world. Thus, leftists (apart from rare exceptions) don’t have a clue about any non-leftist literature and have a very perverted view of what we believe. And they take pride in being unwilling to change that.

The Right is much more interested in the Left and knows it far better than the other way around. The educated rightists I know have at least basic knowledge of leftist literature, and some are quite fluent in leftist ideas, which they consciously reject. Even the most educated leftists I knew (including those who claim to be interested in the history of ideas) know only basic memes about the Right perpetuated by the anti-racist/anti-white outlets.

The Left is Morally Inferior

Another myth on the Right is that many leftists are idealists who devote their lives to attaining leftist goals. It is true that some leftists are idealists and that some of them devote their time to realizing the goals of the Left. But for the most part,  leftist activists either get paid for what they do — by various municipal, national, international government agencies, and institutions — or they don’t really devote much of their time to activism. Most of the Left’s activism is limited to the internet, especially social media, and all the real-life political events are actually social events with an added political veneer. (All this, unfortunately, is also true in the case of the Right, but it is a totally different topic.)

The two examples of mythical fierce real-life leftist activism are the black bloc and the antifa. The black bloc seems to be a violent and effective street force, but in reality it is a joke infiltrated by undercover police agents. Some of their actions may seem spectacular, but this is just window smashing which does not cause any serious political change. The antifa are the pitbulls of political correctness, and just like the black bloc they can only exist because they are tolerated by the police or even used by certain forces within the system to realize their own aims. Especially in Eastern Europe they have not managed to achieve anything, and all their supposed victories were the result of the intervention of external agents, such as various government agencies or organized crime.

dette3.jpg

When you turn to non-violent activism, the Left is even more pathetic. Unmarried aging women meet in a cafe with some beta orbiters, where they bitch about their jobs, take a few pictures for posting on Facebook, proclaim they have organized another “seminar,” and then go outside to smoke a joint.

However, when money becomes involved, then the real face of Left’s morality is revealed. The leftists I have worked with had no reservations about wasting or simply embezzling money they have been entrusted by various agencies, for instance spending money earmarked for a project on a vacation, or even something as petty as collecting used bus tickets from friends then getting reimbursed for them as travel expenses. They believe that they are the best people in the world and that they deserve to get money from the dumb masses of inferior tax-payers. Now, you might wonder how I know this. Simple: leftists love to talk about themselves, and they take pride in such cleverness.

But why does nothing happen to them? Wouldn’t revealing such fraud be enough to deal the Left a deadly blow? Unfortunately not.

For one thing, there is little to no oversight. Grants are supposed to be awarded based on anonymous peer review by unbiased experts, but the whole process is corrupt. Vast sums are dispensed by non-anonymous, biased, non-experts. These are usually leftists deciding that other leftists are to be given money. Then the parties change roles, and the recipients of grants dispense money to the people who just sat in judgment over them. And exactly the same people oversee the realization of one another’s projects. It is a closed circuit of leftist money wasting.

And even when frauds are uncovered — as in the case of one activist who wasted project money on buying a car — nothing is made public, lest the taxpayers threaten to cut off funds. The agencies dispensing public funds have more to lose by being honest than by being plundered, so they cover everything up.

Another proof of the Left’s moral inferiority is their tendency to abuse and exploit young activists. They attract young idealists, especially students, and then use them to do all their dirty work. I see nothing wrong with demanding a lot from activists if you believe you are working for a greater cause. But if the senior leader gets money and does nothing while volunteers are doing all the dirty (and futile) work, then something is wrong. Often, they use the activists to do personal work, such as running errands or even redecorating their homes. A good case study is a local activist who asks volunteers from her organization to go with her on vacation — she does not pay for them, of course — so they can watch her kids while she gets drunk.

I know that discussing personal issues of other people seems improper, but on the other hand it lets us know exactly who we are dealing with. Among the leftists I know, there are very few people who have happy marriages or families. Most of them are very hedonistic and narcissistic, thus they are unmarried, divorced, and usually have no kids. They are most often people of low moral character, who have no reservations about using every little occasion for some personal gain or pleasure: embezzling funds, getting drunk instead of working, or cheating on their spouses or partners. Another case study: a married middle-aged woman with young children who used various projects as a pretext to go to bed with her younger co-workers which resulted in a bitter divorce.

Furthermore, the supporters of the Left are not really willing to sacrifice anything. In most cases they only claim to support the movement, but when it comes to financial support or actually doing something, most of them suddenly disappear. In the cases I know the leftists either have no funds or the money comes from various government agencies or international organizations and corporations. The only idealists are the young volunteers, although in many cases they are just normies who want to “do something” but don’t really have a clue about politics. But they soon become disillusioned. Or they become greedy immoral professional activists themselves.

The Left is not United

Rose fanée 1.jpgIt is a common myth on the Right, that while the rightists are divided, the leftists have clearly defined goals and are struggling together to achieve them. While I do agree that the Left has more common goals (privileges for sexual, religious, and ethnic minorities, the destruction of ethnically homogeneous countries and nations, etc.) I do not agree that the Left is united in realizing these aims. When it comes to issues of the hierarchy of these goals, the means of achieving them, or leadership, they are just as divided as the Right, or even more.

First of all, the Left is divided on which of these goals are more important. A good case study is the recent wave of Muslim violence against women in Europe. The question is what is more important for the Left: the rights of women or the rights of ethnic and religious minorities? The most popular strategy so far was to criticize Muslim misogyny in predominantly Muslim countries and to criticize “Islamophobia” in non-Muslim countries. However, now that the Muslim war on women has come to Europe, this issue has become much more complicated. Yes, many feminists have joined this real war on women, as they hate Europeans more than they love “the second sex.” But there are many leftists who disagree with this strategy. They believe that Muslims are no exception and that they should be forced to live according to leftist cultural norms. The list of such problems goes on and on. What comes first: workers’ rights or LGBTQ rights? What should the Left focus on: the economy or culture? Should the Left criticize popular culture or use it to spread its agenda?

Secondly, the Left is divided on the question of the means of achieving its aims. The issues of entryism, political violence, internet and real life activism, gaining funds, or cooperating with the government are all controversial. Again, there are no simple answers to these questions among the Left. Instead they operate in total chaos, do what seems possible at the moment, and often change their strategies. Thus their means often conflict, leading leftist organizations to oppose and cancel each other’s actions.

Thirdly, there is the problem of leadership. The Left is comprised of extremely narcissistic individuals, each of whom believes that he or she could become the glorious leader of a globalized world. Thus, every organization strives to dominate the movement, and every member strives to dominate his or her organization. The effect is a myriad of small organizations in a state of constant cold war with each other. It is very difficult for leftists to form a coalition, and most of their cooperation ends after a short time due to the differences mentioned above. The only thing that keeps up long-term collaborations is steady stream of external funds. Although money can also be a source of conflicts, and squabbles over the division of government funds have brought many leftist initiatives to an end.

The Left is far from a “let a thousand flowers bloom” strategy. It is more of a “let a thousand knives stab a comrade’s back” strategy. You think the Right is sick with sectarian infighting? Just talk to a drunk leftist who presumes you are on his side. Or browse the polemics in the comments sections or social media profiles of some edgy leftist publications. They really hate each other. Although I don’t think the Right so far has been able to use this infighting to its advantage.

The Left is Weak

All these experiences and reflections lead me to one conclusion: the Left is weak. It is a lifeless zombie which is kept going only by transfusions of money from the system it claims to oppose. The impotence of the Left is especially visible when contrasted with the vigor of the Alt Right. There is not one sect among the contemporary Left that is equally intellectually interesting.

During my years on the Right I have met some kooks and awful people that I try to avoid at all costs. But on the other hand, the best people I have met — and who proved to be my best friends — are mostly from the nationalist Right. There is not one leftist I have worked with that I would want to spend any amount of my free time with or that I know would be willing to help or support me in any way.

I am sure that if the Left were the object of the kind of hate campaigns directed at us, most of them would lose their nerve and simply quit. The nationalist Right is much harder due to years of more or less explicit persecution.

In my opinion, if we seize power — or rather, when we seize power — the white Left will not be an important opponent. Sure, they will start a moral panic. They will try to “do something.” But they will be nothing more than dogs yapping at a marching battalion. I am far more afraid of the state and its police agencies, organized crime, and ethnic minority groups, all of which will not hesitate to torture and kill us to cling to their power.

Nevertheless, the Left is an opponent that we will have to deal with. We have to use their weaknesses against them, especially their greed and opportunism. Once government and international funds are cut off from the Left, many people will just stop associating with them. Many of these people can be “bribed” into obedience. If young people are offered real jobs with real salaries doing real social work, they will not volunteer for leftist activism. When it comes to hardcore leftists, many can be discredited, fired, and even imprisoned by exposing their corruption and personal abuses. The few fanatics that would remain at large can be silenced, marginalized, and ignored just as we rightists are under the present regime. 

The Left is Evil

Leftists really hate us. And by “us” I mean not just White Nationalists but all people of European descent who are not ashamed of their past. For instance, I talked with one of the young leftists I used to work with right after some nationalists managed to block a leftist event. She was obviously upset and devolved into an anti-nationalist rant. When I naively asked: “What exactly do these rightists advocate?” her reply was: “Well, of course they want to exterminate all minorities and their supporters. Like Hitler.” When I asked if she advocated killing nationalists in concentration camps like in the USSR or North Korea, the answer was that although these were fascist and nationalist states (sic!), some of their policies could be used to advance a good cause. Bear in mind that this was not a hardcore communist or antifa fighter but a liberal New Leftist and college social activist. Other interesting leftist political confessions include: children of conservatives should be taken away for adoption by homosexual couples, we should introduce a 100% inheritance tax and use the money to support leftist organizations, our fatherlands should no longer exist as a states, we should ban and burn all right-leaning books, etc.

I repeat: the Left really hates us. They consider us vermin that need to be exterminated by any means necessary. And they would kill us all, if only they had the power to do so. But they don’t. They are inferior, intellectually and morally, and largely ineffectual. I am not saying that we should ignore the Left. They are our true enemy, and this will not change. But they can be defeated. They can be disempowered, marginalized, and silenced. All of their work can be undone. We just have to decide when and how to strike. And we must not hesitate to strike with all necessary force once the time is right.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2016/03/the-left-is-inferior/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2016/03/NazisWatchOut.jpg

samedi, 19 mars 2016

L'impasse des populismes

populisme-europe.jpg

L'impasse des populismes

Ex: http://zentropa.info & http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Les résultats des dernières élections régionales en Allemagne sont la nouvelle éclatante démonstration d’un phénomène politique européen dont nous devons nous défier bien plus que de nous en réjouir et que l’on pourrait appeler le « populisme circonstanciel sans conséquence ». En effet, si les mines déconfites des journalistes annonçant une « grande victoire de l’extrême-droite » pourraient de prime abord nous ravir et nous inciter à l’enthousiasme, il convient de ne pas être dupe de ces scènes théâtrales trop bien jouées.

Partout en Europe, à l’exception notable de la France, depuis plusieurs années, le scénario est identique. Tout d’abord, le mécontentement et la colère populaires, notamment face aux dégâts sociaux de la mondialisation et aux chaos ethnico-culturel causé par l’invasion migratoire, ne profitent pas aux partis nationalistes et identitaires « traditionnels » (BNP au Royaume-Uni, NPD en Allemagne…), présents dans le paysage politique national depuis longtemps, ancrés dans une histoire politique longue et disposant d’une véritable doctrine s’appuyant sur une colonne vertébrale idéologique rôdée par l’expérience et le temps.

Depuis une vingtaine d’années, ce ras-le bol des populations est récupéré, siphonné, par de nouvelles formations naissant comme des champignons, avec une « spontanéité » tellement systématique qu’elle en devient suspecte. Ces nouvelles formations sans enracinement, sans structure idéologique et sans cadres, sont toutes libérales économiquement et généralement mono-causales (anti-Islam pour la plupart). Elles n’apportent jamais de réponse globale et complète à la crise civilisationnelle que nous traversons, mais se bornent à pointer du doigt un phénomène – l’immigration/islamisation – tout en ignorant sciemment ses causes et ses bénéficiaires.

Calquée sur un néo-conservatisme anglo-saxon plus ou moins adapté aux goûts locaux (Bouffonerie pérorante façon « Comedia dell’arte » avec Beppe Grillo en Italie, brushing gay friendly et ultra-libéralisme diamantairophile pour Geert Wilders aux Pays-bas…), ces coruscantes et bruyante formations « composites » - pour ne pas dire fourre-tout- sont les réceptacles et les amplificateurs des mécontentements, souffrances et inquiétudes des populations les plus exposées à la démolition mondialo-capitaliste. Mais elles ne sont que cela. Des porte-voix circonstanciels et temporaires dont l’écho des vociférations se perd rapidement dans l’immensité de l’inutilité pratique. Elles ne contestent pas le système mais se bornent à aboyer contre certains de ses symptômes. Bien loin de « renouveler le paysage politique » comme elles le prétendent, elles le parasitent et le troublent, empêchant l’émergence d’une véritable contestation de fond, organisée autour de mouvements structurés intellectuellement et porteurs d’une véritable « vision du monde » alternative. D’ailleurs qu’elles soient « mouvement de rue », comme L’English Defense League, ou parti à vocation électoraliste comme le mouvement «5 Stelle », ces excroissances artificielles disparaissent ou se rallient aux tenants du système aussi rapidement qu’elles ont fait irruption sur la scène politique, une fois remplie leur mission de détournement et d’annihilation des vélléités protestataires voire révolutionnaires d’une part non-négligeable, et croissante, de la population.

Ces baudruches, régulièrement gonflées par les médias et lâchées dans le ciel bas des laissés pour compte de la mondialisation afin de les faire encore un peu rêver à de possibles solutions et changements par les urnes, sont incontestablement l’une des dernières et plus efficaces armes du système pour proroger son existence et son pouvoir.

Tant que les malheureux, les exploités et les révoltés s’amusent à jouer avec elles, ils ne pensent et ne travaillent pas à l’élaboration d’une véritable contre-société, alternative autonome basée sur la communauté, le localisme, l’écologie, la production culturelle indépendante, l’enseignement hors-contrat, le réenracinement territorial (rural), la réinformation, les solidarités concrètes. En offrant des défouloirs, le système s’offre de nouveaux sursis. Refusons ce jeu de dupes, laissons les urnes truquées aux margoulins politicards, et travaillons aux constructions, sans doute d’abord modestes mais concrètes, au sein desquelles pourra s’épanouir notre idéal.

Zentropa

mardi, 15 mars 2016

Que signifie le terme de parti ou mouvement populiste?

Flagsgreece1561_303,00.jpg

Que signifie le terme de parti ou mouvement populiste?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Dans le langage de la vie politique courante, qualifier un parti ou un mouvement de populiste représente une critique extrêmement grave, voire une disqualification définitive. Ceci s'observe non seulement en Europe mais aux Etats-Unis. La plus grande critique formulée par ceux qu'exaspère la montée apparemment irrésistible de Donald Trump au sein des votes républicains est de dire qu'il s'agit d'un candidat populiste. En Europe, il en est de même.

Tous ceux qui à droite et même à gauche s'opposent aux décisions des majorités politiques, sur quelque sujet que ce soit, sont à un moment ou un autre accusés de populisme. Il ne s'agit pas d'un compliment. Au sens d'un langage politique encore très répandu, l'adjectif n'est pas en effet  flatteur. Il désigne celui qui pour se rendre populaire, flatte les tendances présentées comme les plus basses de l'opinion, les plus incompatibles avec une pratique démocratique consensuelle, respectueuse des différences. Le populisme est confondu alors avec la démagogie. Selon une définition courante, la démagogie désigne une pratique politique dans lequel les dirigeants ou les oppositions « mènent le peuple en le manipulant pour s'attirer ses faveurs, notamment en utilisant un discours flatteur ou appelant aux passions ».

Est alors condamnée comme populiste toute position venant en contradiction avec les choix politiques « officiels », qu'ils inspirent les programmes gouvernementaux ou ceux des multiples intérêts, financiers, économiques ou médiatiques s'exprimant par l'intermédiaire de ces programmes. Le terme permet de refuser toute prise en compte de ce qui pourrait être légitime dans les critiques de la société sous ses formes actuelles, en les présentant comme des dérives populistes.

Les exemples de ce mépris véritable de la discussion démocratique sont nombreux. Ainsi sont généralement qualifiés de populistes les partis dits d'extrême-droite ou d'extrême gauche. Ceci permet d'éviter toute analyse de ce que leurs programmes peut présenter de recevable. Ceci permet surtout d'éviter de rechercher quelles sont les forces généralement peu démocratiques qui s'opposent à certaines des positions ou revendications de ces partis.

Ainsi aujourd'hui sont dits populistes ceux qu'exaspèrent l'enfermement des Etats européens dans une Union qui a toujours été et se révèle de plus en plus manipulée par la superpuissance américaine. Sont dits populistes, d'un bout à l'autre de l'Union européenne, ceux qui demandent plus de protection face à une concurrence dite « libre et sans contraintes » imposée en fait par un grand capital dominé par les Etats-Unis. Sont dits populistes ceux qui veulent défendre les identités nationales ou régionales, à l'encontre d'une culture uniformisante imposée par les objectifs de la consommation de masse.

Migrations

Plus récemment, les Etats ou les groupes sociaux qui veulent résister à des migrations alimentées par les intérêts qui veulent détruire la civilisation européenne sont également qualifiés de populistes, nationalistes et xénophobes. Plutôt que reconnaître la légitimité de leur désir de survie, on les présente alors comme des résurgences de ce que l'Europe avait connu de pire, notamment le nazisme. Au soir du 13 mars où les élections régionales ont permis à l'Alliance pour l'Allemagne (AFD) d'effectuer une percée lors de trois scrutins régionaux dimanche, obtenant de 10% à 23% des voix, les médias conservateurs n'hésitent pas à y voir un retour au national-socialisme. C'est à se demander si la CDU d'Angela Merkel ne souhaiterait pas que l'AFD se radicalise et favorise l'émergence de nouveaux Adolphe Hitler, pour se redonner une légitimité qu'elle est en train de perdre.

Il en est de même en France. Beaucoup d'électeurs n'ont pas de sympathie particulière pour le Front National, mais ce ne sera pas en traitant de populistes des revendications aussi légitimes qu'une prise de distance à l'égard de Bruxelles et qu'un rapprochement avec Moscou que l'on déconsidérera les candidats FN lors de futures élections. Ainsi en ce qui concerne Jean-Luc Mélanchon. Pour le déconsidérer, les hommes politiques de la majorité actuelle qualifient de populistes des propositions qui sont au contraire empreintes d'intelligence et de pertinence. A cette aune, ce sera bientôt tout ce que la France compte encore d'esprits libres et constructifs qui voudront s'affirmer populistes. Nous serons pour notre part fiers d'en être.

 

lundi, 14 mars 2016

La globalisation est-elle un néo-colonialisme?

globglob99-04D1-48BD-9E5E-A5665B51B94C.jpg

La globalisation est-elle un néo-colonialisme?

Ex: http://www.observatoiredeleurope.com

La mondialisation est un fait. La globalisation est une idéologie. La première se constate. La seconde doit pouvoir être combattue. La première appelle des réponses politiques. La seconde organise l'évacuation du Politique. Derrière le projet de globalisation, il y a l'extension illimitée de l'idéologie techno-marchande à toute la planète, et à tous les domaines de l'existence humaine. Ce n'est pas un seul pays en tant que tel qui le propage, c'est une superclasse mondialisée. Il n'y a pas de complot, seulement des intérêts convergents et parfaitement cupides. Une sorte de super-colonialisme au profit d'un tout petit nombre de bénéficiaires, sur fond de discours sans-frontiériste, faux humanisme et fausse ouverture qui ne dissimule plus les aliénations nouvelles que ce grand déracinement impose à l'humanité presque entière.

Mondiaux contre locaux, Superclasse contre déclassés, Touristes contre vagabonds : la globalisation est-elle un néocolonialisme? 

Dossier préparé par Raphaëlle Lévy

Délocalisations, chômage, immigration, islamisation : la France n’en finit plus de payer pour l’entreprise coloniale lancée par une gauche imprégnée à la fois de l’universalisme des Lumières et les intérêts bourgeois.

En 1885, Jules Ferry n’imaginait sans doute pas la chaîne de drames et de souffrances qu’engendrera, du nord au sud et du sud au nord et pour plusieurs siècles, son fameux : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures […] [Remous sur plusieurs bancs à l’extrême gauche] parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures (…) Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. Au temps où nous sommes et dans la crise que traversent toutes les industries européennes, la fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché »[1]
La gauche française a heureusement abandonné depuis longtemps sa rhétorique sur les « races inférieures ». Mais ayant troqué la nation et l’idéal de justice sociale contre la foi dans le « Progrès »[2] et son universalisme (désir d’un ordre du monde)  contre la mondialisation (soumission au désordre du monde) elle a aisément recyclé son sans-frontiérisme dans l’économie globale et une certaine interprétation littéraliste des droits de l’homme. 
 
1) Colonisateurs et colonisés 

 « Les classes dirigeantes, qui modèlent l’opinion, sont encore davantage coupées de l’environnement social et écologique : elles ne se déplacent qu’en voiture, vivent dans des circuits de transports – aéroports, quartiers d’affaires, zones résidentielles – qui les mettent à l’abri du contact avec la société. Elles minorent évidemment les problèmes dont elles n’ont qu’une représentation abstraite. Quant à ceux qui sont d’ores et déjà confrontés aux désordres sociaux et écologiques de la crise en cours – pauvres des banlieues [et de nos régions rurales, ndla] occidentales, paysans d’Afrique ou de Chine, employés des maquiladoras[3] américaines, habitants des bidonvilles de partout -, ils n’ont pas voix au chapitre. » constate Hervé Kempf.[4]
 
a)Tutelle idéologique et économique
 
« L’Occident a gagné, il a imposé son modèle ; mais par sa victoire même, il a perdu. Sans doute faudrait-il introduire une distinction entre l’Occident universel, diffus, implicite, qui a investi l’âme de toutes les nations de la terre ; et l’Occident particulier, géographique, politique, ethnique, celui des nations blanches d’Europe et d’Amérique du Nord. C’est ce dernier qui se trouve aujourd’hui dans l’impasse. Non parce que sa civilisation aurait été dépassée par celle des autres, mais parce que les autres ont adopté la sienne, la privant de ce qui faisait jusqu’ici sa spécificité et sa supériorité » explique Amin Maalouf[5].

La mondialisation, largement réalisée par des hommes de la gauche française après 1983 (capitaux, marchandises et individus sans frontières) n’est plus l’expression de la colonisation d’un pays par un autre, d’un continent par un autre, ou d’une race par une autre. Elle ressemble à l’exploitation d’une grande partie de la population du monde du nord comme du sud (tous ceux que le géographe Christophe Guilly appelle « les perdants de la mondialisation ») par une super-classe mondialisée (les « gagnants ») qui impose sa tutelle idéologique et économique aux premiers où qu’ils soient.

En observant sur toute la planète qui sont ces gagnants et les perdants de la globalisation de l’économie et du droit, on voit ainsi apparaître une ligne de fracture elle-aussi transnationale : entre une classe mondialisée et cosmopolite qui contrôle l’essentiel des flux mondiaux de marchandises, de capitaux et d’information, impose ses codes, ses langages et profite de l’ouverture mondialiste, et une humanité (les trois quarts) qui en souffre économiquement, culturellement et socialement – notamment celle du sud contrainte par exemple de quitter ses terres, ses villages, ses traditions pour aller fabriquer à bas coût dans les « ateliers de la sueur » et sans droits, ce que celle du nord, les consommateurs prolétarisés et infantilisés devront absorber en continu, épuisant à leur tour ce qui reste de leur Etat-providence.
 
b) L’universel sans limites 

Cette élite mondialisée contrôle - avec l’aide de l’administration globale : notamment l’OMC, du FMI, de la Banque Mondiale, de la Commission européenne, des Banques centrales, des banques d’affaires, les think-tanks et ONG - la mondialisation de l’économie, de la finance et de l’information, s’y enrichit sans partage, professe et réalise à cette fin l’impératif moral et culturel du capitalisme de consommation : abattre toutes les frontières, limites, distinctions et hiérarchies. L’héritage des Lumières et les principes républicains sont ici convoqués mais atteints de la même maladie du déracinement :
  • la liberté (Rousseau, Kant, Montesquieu) dévoyée en licence (les noces d’Hayek et de Sade),
  • l’égalité (donc la justice) dévoyée en interchangeabilité générale (fin de l’altérité, « l’Homme sans dialectique » : homme/femme, père/fils, maître/élève, bien/mal, décent/indécent, juste/injuste, national/étranger etc.). Voilà le « tout-est-possible » (slogan nihiliste nazi qui, selon Hannah Arendt, a juste démontré que tout peut être détruit) dans sa dangereuse marche créant et entretenant (par le divertissement, la publicité, le marketing)[6] l’insatisfaction permanente et l’infantilisation nécessaires du consommateur.[7] 
  • la fraternité dévoyée en communautarisme « qui est la négation même de l’idée de citoyenneté »[8].
Cette classe dirigeante mondialisée impose partout aux déclassés de la mondialisation ses réformes structurelles, sa morale via sa sélection des droits de l’Homme et sa conception de la démocratie compatibles avec sa mondialisation libérale. Cette tutelle s’opère toutefois à géométrie variable :      
  • Dans les pays en développement : elle impose un messianisme occidental en faveur du tout-marché, de la « bonne gouvernance » démocratique et du respect des droits fondamentaux, avec des accents paternalistes néocoloniaux ;
  • Dans les pays occidentaux : elle s’incline devant des organes non-démocratiques et elle s’incline devant la culture et la religion des derniers arrivés via le communautarisme en renonçant à l’assimilation et invitant au « compromis réciproque » entre culture européenne et culture des immigrés.
Autrement dit : là-bas on pérore, ici on renonce ; là-bas la mission, ici la soumission. Ce sont là deux « fondamentalismes » (« Messianisme » et « Communautarisme », auxquels il ajoute le « Scientisme » de l’économie et de la biologie) qu’Alain Supiot renvoie dos à dos (voir extrait joint).

Dans une interview au Figaro[9], Hervé Juvin[10] critique la prétention universaliste de l’Occident moderne : « C'est le grand débat des Lumières et de la prétention au règne universel de la raison. L'idée que nous, Occidentaux, Européens, Français, Américains, aurions mis en place depuis les Lumières un modèle idéal de vie pour l'humanité, entre la croissance économique et la révolution industrielle, la démocratie et les droits de l'homme. Je ne le crois absolument pas. Je crois que d'autres sociétés qui vivent avec d'autres lois, d'autres mœurs, selon d'autres règles, ont su offrir les conditions du bonheur à leurs habitants. Je ne souscris pas à l'idée selon laquelle notre régime politique, notre musique, notre art, notre culture seraient le point d'aboutissement de l'humanité vers lequel tous les autres peuples devraient converger. Il y a une voie chinoise, une voie hindoue, des voies africaines, qui feront des sociétés équilibrées et heureuses, sûres de leurs identités, différentes de la voie américaine ou de la voie européenne. » 
 
2)La colonisation par le messianisme des droits fondamentaux 

Un droit-de-l’hommisme messianique entend donc étendre à tous les pays occidentaux et aux pays « en développement » une lecture littérale et donc fondamentaliste des droits de l’Homme. Ceux-ci, qui sont pourtant historiquement et géographiquement situés, sont frappés par la maladie du déracinement, qui rend fou ou dépressif tout ce qu’elle déracine : l’économie, la finance, le pouvoir, la religion, le droit, l’individu... Les droits de l’Homme sont ainsi interprétés non plus au regard du cadre référentiel donné, d’une civilisation ou d’une culture particulière, mais au regard de l’individu abstrait, interchangeable, pouvant aller partout et ne venant de nulle part[11].

Cette foi est propagée jusque dans les pays en développement par tous les instruments modernes : médias, sciences sociales, institutions de la mondialisation. 
  • Les sciences sociales et les médias : les « Gender Studies » (études de genre[12]) ont ainsi pris une part prépondérante dans les programmes occidentaux d’aide aux chercheurs africains. Des milliers de Centres de recherche indépendants (les fameux « Think Tanks », près de 5500 recensés, la plupart situés en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest) emploient, assurent la notoriété et gagnent ainsi la fidélité d’universitaires qui dans les pays du tiers monde connaissent un chômage important. Leur action rejoint celle des grandes ONG comme Human Right Watch, Amnesty International ou Transparency International dont les rapports annuels sont toujours attendus. Comme les rapports classant les « performances » économiques des pays pour les mettre en concurrence, ces rapports sont exploités dans les médias champions de la mondialisation des marchés et des droits de l’Homme[13].
  • Les institutions mondiales : les crises d’endettement à répétition des pays en développement sont des moyens de pression puissants pour imposer à ces pays non seulement l’ouverture de leurs économies et de leurs matières premières aux firmes multinationales mais aussi une certaine lecture des droits de l’Homme, dans le cadre des plans de « développement » ou des « prêts d’ajustement structurels » mis en œuvre contre le « sous-développement » par la Banque Mondiale en parallèle à la ligne de crédit du FMI pour assurer l’application des réformes exigées. Les Nations Unies, à travers leurs agences spécialisées ou les organisations sœurs en charge du développement des pays du tiers monde vont introduire des approches des questions de pauvreté, de développement du « capital humain », d’égalité des genres, de lutte contre les discriminations, en phase avec la mondialisation néolibérale.
  • L’exemple de la loi ougandaise sur l’homosexualité sanctionnée par la suspension des aides. En décembre 2013, l’Ouganda a adopté une loi condamnant les relations sexuelles entre personnes du même sexe, le « mariage » homosexuel, parle « d’homosexualité aggravée » pour les viols, les actes sexuels avec des mineurs ou des personnes handicapées, le harcèlement sexuel d’une personne du même sexe, le fait pour une personne porteuse du virus VIH d’avoir un rapport homosexuel. Le projet initial prévoyait la peine de mort pour ce type d’actes mais la loi définitive prévoit « seulement » la prison à vie. Le principe ou la sévérité de la peine peut être critiquable, mais là n’est pas la question. Ce qui est extraordinairement révélateur de la tutelle idéologique et politique des occidentaux, c’est la nature et l’ampleur de leur réaction. Cette loi a été qualifiée d’ « odieuse » par le président américain Obama et d’ « atroce » par son Secrétaire d’État John Kerry, qui l’a comparée aux lois anti-juives de l’Allemagne des années 30. William Hague, le ministre britannique des Affaires étrangères a,  lui,  parlé de loi « profondément affligeante et décevante ». Ingérence caractérisée, ce ne sont encore que des paroles politiques répondant à la parole législative du parlement ougandais. L’ingérence la plus grave sur ce pays africain qui a beaucoup souffert[14], c’est la suspension immédiate par pays riches de leurs programmes d’aide à l’Ouganda : des centaines de millions d’euros gelés par la Suède, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, la Grande-Bretagne et les États-Unis, ainsi que par la Banque Mondiale qui a suspendu en février 2014 ses prêts en faveur du secteur de la santé ougandais.

globglobineeri.jpg

3) La colonisation par l’endettement et la corruption

En 1982, les pays du tiers monde sont pour beaucoup gravement touchés par l’endettement et ne peuvent rembourser les dettes contractées auprès d’autres Etats ou grandes banques internationales. Pour obtenir un rééchelonnement de leur dette extérieure, leurs créditeurs publics et privés leur imposent, via le FMI (siège à Washington et les Etats-Unis en sont le premier actionnaire) qui les représente, des réformes néolibérales sans précédent : suppression des subventions aux produits de base alimentaires ou énergétiques, réduction des dépenses publiques (y compris des services sociaux d’éducation et de santé), augmentation des taux d’intérêt domestiques pour mieux rémunérer l’épargne, privatisation des entreprises publiques les plus rentables.

Des firmes internationales vont alors s’approprier, souvent sous forme de concession et de monopoles, les secteurs les plus juteux : télécommunications, finance et tourisme, non sans avoir versé des pots-de-vin aux dirigeants de l’Etat concerné. L'Afrique aujourd'hui paierait en outre chaque année (en paiement des intérêts sur prêts) au FMI et à la BM cinq fois plus qu'elle ne reçoit d'aides au développement sous forme de prêts etc. Les conséquences sur les niveaux de vie de ces pays seront dramatiques, notamment en Afrique subsaharienne et en Amérique latine (Brésil, Mexique, Argentine, Pérou) ainsi que dans certains pays d’Asie (Philippines, Pakistan, Indonésie, Bangladesh).

Dans la plupart des cas, une grande partie de l'argent prêté à ces pays ne contribue pas au développement mais est retournée aux sociétés étrangères privilégiées et alimenté les réseaux de corruption au nord comme au sud, sous forme de commissions et rétro-commissions. Pour l’essentiel, ces prêts étrangers seraient donc, en fait, des subventions aux sociétés qui sont liées d’intérêt avec les dirigeants de l’État emprunteur. Cette connivence est désignée sous le nom de « corporatocratie ». Les organismes accusés de participer à ce « néo-colonialisme » sont donc la Banque mondiale, mais aussi l’Organisation mondiale du commerce, le G8 et le Forum économique mondial, sans oublier certains « pays riches » à commencer par les États-Unis et ses multinationales.

La position extraordinaire de pouvoir des super-créanciers permet aussi d'exiger de « l'Etat sujet » l'établissement de bases militaires, un vote favorable aux Nations unies, une loyauté politique en général, l'accès à bon marché à d'éventuelles richesses pétrolières et autres ressources naturelles…[15]

Le risque se profile d’une nouvelle grande crise de la dette semblable à celle de 1982 et des fonds d’investissements du nord lorgnent sur les pays (Côte d’Ivoire, Ethiopie, Rwanda, Sénégal par exemple) qui vendent sur les marchés financiers des pays industrialisés des titres de leurs dettes publiques (7 milliards vendus en 2014) promettant un rendement de 6 à 8% même si les risques sont élevés. Or, avec la chute du prix des matières premières (pétrole, argent, cuivre, coton, caoutchouc) les Etats concernés pourront difficilement rembourser leurs créanciers, donc ce sont les populations qui vont encaisser le coup[16] et l’ingérence qui va s’accentuer. 

4) La colonisation par le libre-échange intégral

Le libre-échangisme est un système par lequel « on fait subventionner les riches des pays pauvres par les pauvres des pays riches » expliquait un ancien conseiller économique de M. Thatcher, Allan Walters. On peut se demander vingt ans plus tard si ce n’est pas même un système qui a conduit à la mise à mort lente des classes moyennes des pays développés, accru la pauvreté partout (sauf une partie des paysans chinois) et enrichi une petite minorité mondialisée et barricadée. 

Voilà le grand mensonge de la prétendue « mondialisation » : elle est extrêmement profitable pour une petite caste de gens mobiles, déracinés et intégrés à son fonctionnement et à ses profits (« les mondiaux ») et elle marginalise, affaiblit voire fait souffrir (économiquement, culturellement, socialement, humainement) les trois quarts de la population de la planète (« les locaux »). La richesse est mondiale, les misères sont locales. Tentons un rapide recensement.

a) Les perdants des pays riches

  • Baisse des revenus. Depuis quinze ans, les pays occidentaux ont vu leurs classes moyennes basculer dans les perdants du libre-échange. Leurs revenus ont décroché par rapport aux plus hauts salaires et aux revenus du capital. Selon le Prix Nobel Paul Krugman, le salaire réel médian a chuté de 12% depuis 1973 (aux Etats-Unis). Dans le même temps, celui des 1% les plus riches doublait et que celui des 0,1% des super-riches quintuplait. Pouvoir acheter son alimentation 20% moins cher chez Lidl ou Colruyt ne compense pas la perte d’un salaire…  
  • Désindustrialisation et chômage. Le désastre industriel dans les pays développés est bien visible : -39% de salariés depuis 1999 au Royaume-Uni, -32% aux Etats-Unis, -20% en France et au Portugal, -12% en Espagne. En trente ans, la France a perdu plus de 2 millions d’emplois industriels, son déficit commercial est passé de 4 à 51 milliards (entre 2000 et 2010). Selon le Prix Nobel Maurice Allais, le libre-échange est à lui-seul responsable de 48% des destructions d’emplois[17] auquel il faut, pour la plupart des pays de la zone euro ajouter l’effet conjugué d’une monnaie unique longtemps surévaluée.
  • Délocalisation. De 2006 à 2009, les entreprises du CAC 40 se sont séparées chaque mois de 1900 salariés français et augmenté dans le même temps de 7600 employés à l’étranger, notamment dans les pays émergents où les promesses de développement et le coût du travail sont forcément incomparables.[18]
  • Gagnants et perdants en France. Après « Fractures françaises » (2012) c’est dans « La France périphérique » (2014) que le géographe Christophe Guilly expose son constat des perdants et des gagnants de la mondialisation. « Deux France se font face » et s’opposent sans se comprendre. D’une part, les gagnants de la mondialisation, bien intégrés à l’économie-monde car très qualifiés et investissant les grandes villes, mobiles, qui participent à la création des deux-tiers du PIB national, ou les banlieues intégrées qui ont un potentiel de reconversion assez important. D’autre part, les perdants de la mondialisation, la fameuse “France périphérique”, que l’auteur décrit comme “la France des plans sociaux” c’est-à-dire les populations sédentaires qui subissent directement la mondialisation de par leurs emplois peu qualifiés dans des industries ou des zones rurales en net recul, dont le malaise gagne les petites et moyennes villes. La métropolisation coupe ainsi la France en trois : l’ensemble des métropoles mondialisées et gentrifiées (boboïsées), par le modèle libéral de la société ouverte ; les banlieues ethnicisées, avec leurs valeurs traditionnelles au cœur de la mondialisation libérale ; la France périphérique des catégories populaires d’origine française et d’immigration ancienne. (Voir extrait joint)
Tout à leur démission politique généralisée depuis trente-cinq ans, les gouvernements européens préfèrent une politique de réparation sociale à la marge, malgré les échecs à répétition, plutôt que de changer les règles du jeu, ce qui conduit assurément à l’impasse car les finances de l’Etat et de la protection sociale ne peuvent déjà plus faire face.
 

globalization-future.png


 

b) Les perdants des pays pauvres

La part du revenu mondial actuellement allouée aux pauvres ne cesse de diminuer : 80% de la population mondiale ne possède que 22% de la richesse totale.

L’économiste Jacques Sapir est l’un des rares à avoir tenté[19] un bilan chiffré du libre-échange pour les pays les moins avancés : sur les 22 milliards de dollars prétendument gagnés, il faut soustraire les pertes fiscales liées à la fin des droits de douane (60 milliards) et la réduction drastique des investissements (90 milliards), le bilan est donc plus que négatif en période de transition en tous cas : « La transition économique vers le libre-échange crée toujours des déséquilibres entre l’offre et la demande. L’ajustement prend du temps et les investissements industriels – au moins pendant la période de mutation – sont absents. » explique Sapir. Les paysans des pays pauvres privés soudainement de subventions ne peuvent se qualifier d’un jour à l’autre pour trouver une place à l’usine. De même que les ouvriers des pays riches dont l’usine est délocalisée se requalifient difficilement sur le champ pour être « employables » dans les services.

Les quelques gains de productivité générés par l’extension du libre-échange tombent essentiellement dans les mains du capital et non celles du travail.

Sous l’angle des gains par pays, une étude de la Banque mondiale révèle qu’il y a 517 millions de pauvres en moins depuis 1981 dans les pays pauvres, en fait Chinois pour l’essentiel :
  • 208 millions de Chinois vivent avec moins de 1,25 dollar par jour aujourd’hui contre 835 en 1981, sans que l’on sache toutefois si c’est un effet bénéfique du libre-échange ou de la réforme agraire.
  • Dans tout le reste de l’Asie du Sud, le nombre de pauvres n’a pas reculé : +36 millions de pauvres en Inde depuis 30 ans (rapporté à la population c’est cependant une baisse de 58 à 42%)
  • En Afrique subsaharienne, le nombre de pauvres a bondi de 83% en vingt-cinq ans, sous l’effet conjugué du libre-échange et de l’explosion démographique.
Les pays qui connaissent une vraie croissance depuis soixante ans sont en réalité ceux qui sont les plus protégés : Japon, Corée du Sud et Chine (étude réalisée par Dani Rodrik, Professeur à Harvard). Ainsi la Corée a quadruplé son pouvoir d’achat sans tomber dans l’autarcie mais en plaçant sous protection douanière, subventions et quotas d’importations, le temps que ses savoir-faire arrivent à maturité pour partir à l’assaut du monde (les chantiers navals de Saint-Nazaire sont désormais la propriété du sud-coréen STX)
Au total, le libre-échange mondial aurait permis de sortir de la pauvreté, bon an mal an, 200 à 300 millions de Chinois. On est loin de la « mondialisation heureuse » et triomphante annoncée par les élites économiques, intellectuelles et administratives mondialisées de l’Occident.

c) Les gagnants mondialisés 

La convergence mondiale des niveaux de vie par la globalisation des échanges ne se réalise pas, sauf pour les très riches dont la fortune croît.

Outre la minorité des « gagnants » parce que bien qualifiés, mobiles et intégrés à l’économie-monde (en France, un petit quart de la population, évoqué en a), il y a, au sommet de la hiérarchie des bénéficiaires de la mondialisation, ceux que l’on appelle les « super-riches », pour la plupart américains - 15 sur les 20 premières fortunes mondiales - avec une percée remarquable des super-riches des pays émergents – 17 des 50 premières fortunes mondiales selon Forbes). La fortune totale des 358 premiers milliardaires mondiaux équivaut aux revenus des 2,3 milliards les plus pauvres de la planète[20].
Le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde dépassera en 2016 celui des 99% restants selon Oxfam[21]

En guise de conclusion : les nécessaires « limites à l’universel »

Extrait de l’interview d’Hervé Juvin (Figaro)[22]

Q : Toutes les civilisations se valent, alors? Il n'y a pas de valeurs transcendantes, pas de droits de l'homme, pas d'universel… L'excision et le mariage forcée des petites filles est de même valeur que la quasi égalité hommes-femmes en Occident?

H.J : On a le droit de défendre un système de valeurs qu'on croit universel. Vous n'allez pas me faire dire que je suis pour la lapidation! Personne évidement ne peut souhaiter être mis en détention sans jugements, être torturé, etc… Mais on ne peut pas ne pas constater les désastres que produit l'imposition par le haut du modèle occidental dans les sociétés traditionnelles. L'universalisme européen et américain n'a abouti qu'à des champs de ruines: en Afrique, en Afghanistan, en Irak, en Libye… Et la folle course en avant du développement menace la survie de l'humanité ; au nom de quoi arracher ces millions d'hommes qui vivaient hors de l'économie du capitalisme, de l'accumulation, dans un équilibre avec la nature, pour les précipiter dans un système qui détruit les biens vitaux et les services gratuits de la nature?

Les motifs humanitaires masquent souvent des ingérences guerrières. Le «droit au développement» masque l'agression impitoyable de l'obligation de se développer, qui a fait des ravages en Asie et en Afrique. Les limites à l'universel ne sont pas seulement morales, mais physiques. La pénétration sans limites d'internet répand dans des populations entières des rêves qu'elles n'auront aucun moyen de satisfaire, à moins de faire exploser la planète. Il est impossible que 9 milliards d'humains vivent comme un Américain moyen. Ne pas se rendre compte de cela, c'est créer les conditions d'une humanité frustrée. Non seulement cet universalisme sème les graines du malheur, mais il est contre-productif: plus il essaie de s'imposer, plus il réveille des particularismes de plus en plus agressifs.
C'est là un point essentiel en géopolitique aujourd'hui: l'agression des modèles universels réveille les logiques de la différence politique. Je cite dans mon livre celui que je considère comme le plus grand ethnologue du XXème siècle Elwin Verrier, pasteur britannique marié avec une fille de la tribu des Muria: au bout de quarante ans passés à côtoyer les tribus indiennes, il a abouti à la conclusion suivante: laissons les vivre comme ils sont, hors du développement économique. Mêlons-nous de ce qui nous regarde: sagesse qui nous éviterait bien des bêtises! »
 
NOTES

[1] Il faut aussi citer Léon Blum : « Nous admettons qu'il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation » (Débat sur le budget des Colonies à la Chambre des députés, 9 juillet 1925)

[2] L’expression « On n’arrête pas le Progrès » semble justifier le renoncement collectif à accompagner le progrès scientifique et technique de tout progrès moral et social. Le progressiste n’est pas libéré mais soumis, non pas volontariste mais fataliste, donc « on n’arrête pas » la mondialisation, ni la roue de l’unification européenne « sans cesse plus étroite », ni le mouvement perpétuel des capitaux, des individus, des objets et des mœurs. Bref le croyant du « sens de l’Histoire » ne croit plus dans aucune forme de « gouvernement des Hommes » et prépare, après la « sortie du religieux » (Gauchet), celle du Politique, donc du peuple, et « l’administration des choses » qu’on n’arrêtera pas. Jusqu’au retour du refoulé et donc des identités, sous des formes peu agréables via l’Islam, le vote FN, le localisme etc. 

[3] Usines d’assemblage situées le long de la frontière mexicaine

[4] Hervé Kempf, « Comment les riches détruisent la planète », Seuil, 2007

[5] Amin Maalouf, « Le dérèglement du monde », Grasset, 2009, où l’essayiste décrit  le « Dérèglement intellectuel, caractérisé par un déchaînement des affirmations identitaires qui rend difficiles toute coexistence harmonieuse et tout véritable débat. Dérèglement économique et financier, qui entraîne la planète entière dans une zone de turbulences aux conséquences imprévisibles, et qui est lui-même le symptôme d’une perturbation de notre système de valeurs. Dérèglement écologique, qui résulte d’une longue pratique de l’irresponsabilité… L’humanité aurait-elle atteint son seuil d’incompétence morale ? » Pour l’auteur, « le dérèglement tient moins à une « guerre de civilisations » qu’à l’épuisement simultané de toutes nos civilisations, et notamment des deux ensembles culturels dont il se réclame lui-même, à savoir l’Occident et le monde arabe. Le premier, peu fidèle à ses propres valeurs ; le second, enfermé dans une impasse historique. »

[6] Père de la propagande et du marketing modernes, Edward Bernays, neveu de Freud réfugié aux Etats-Unis pendant la guerre, lu tant par les concepteurs de la propagande nazie et de la publicité contemporaine, révolutionne la communication de masse en montrant comment s’adresser à l’inconscient des foules, par exemple lorsque pour l’industrie du tabac il persuade les femmes de se mettre à fumer par la formule « Devenez les torches de la liberté ».

[7] Le petit enfant se rêve tout-puissant jusqu’à ce que le parent – ou à défaut plus tard et de manière violente la société et le droit pénal – ne lui pose des limites, comme les berges donnent au fleuve la force d’aller vite et loin, l’empêchant de se perdre en un étendue stagnante et marécageuse. Une société parricide ignore les limites, les berges et par suite la liberté et la justice ; elle produit des individus moins forts, moins libres, moins égaux, moins justes, de pauvres êtres désinstitués, déracinés, désaffiliés, noyés d’objets, d’images et de frustrations. Parce que la fuite éperdue dans l’illimité ne comble jamais la soif d’infini, elle l’en éloigne.

[8] Amin Maalouf, Op.cit

[9] « La fin de la mondialisation et le retour des identités », Le Figaro, 4/7/2014

[10] « La grande séparation, pour une écologie des civilisations », Gallimard, 2014

[11] « Les Droits de l’Homme sont traités comme un nouveau Décalogue, un Texte révélé par les sociétés « développées » aux sociétés « en voie de développement »  et à ne laisser à ces dernières un autre choix que de « combler leur retard » et se convertir à la modernité des droits de l’homme et de l’Economie de marché réunis. C’est un fondamentalisme parce qu’il entend faire prévaloir une interprétation littérale des droits de l’Homme sur toutes les interprétations téléologiques mises en œuvre par les droits nationaux. Ainsi pris à la lettre, les principes d’égalité et de liberté individuelle qui sont à la base des droits de l’Homme peuvent faire l’objet d’interprétations folles. » Alain Supiot, Homo Juridicus, Seuil, 2005

[12] « Pas besoin d’être freudien pour identifier dans le mouvement d’effacement des différences la réalisation collective de la pulsion de mort » disait Philippe Murray

[13] Aux Etats-Unis, nombre d’associations, ONG, instituts, fondations, centres de recherche etc. employant des millions de personnes, ont une vocation internationale sur des régions, pays ou thèmes déterminés : sur 151539 ONG « thématiques », 23968 s’intéressent aux questions de développement et 5691 aux droits de l’Homme, la limite entre les deux thèmes étant poreuse.

[14] Des centaines de milliers de personnes tuées à l’époque du dictateur Amin Dada, soutenu par les Occidentaux, qui se remet aujourd’hui de ses années de lutte contre les terribles exactions de l’Armée de la Résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kohny,

[15]La spirale infernale est décrite par John Perkins dans ses « Confessions of an Economic hitman » (« Confessions d'un assassin financier - Révélations sur la manipulation des économies du monde par les États-Unis ») publié en 2004, livre autobiographique où l’ancien consultant explique que sa tâche de « tueur à gage économique » était est de « justifier et de permettre la conclusion par des États d'énormes prêts internationaux dont l'argent finira, déduction faite des sommes destinées à la corruption des élites locales, sur les comptes en banques de grandes sociétés d'ingénierie et de construction américaines. Les besoins en liquidités ayant été au préalable surévalués par ces consultants, l'État se révèle incapable de payer sa dette et en sujétion vis-à-vis du créancier.Repenti après avoir épousé une Colombienne en 1980, Perkins raconte ces méthodes « mafieuses » auxquelles il aurait participé.

[16] Pour desserrer l’étau économique et stratégique sur l’Afrique, le conseiller spécial de l’ONU Dr. Jeffrey Sachs exige que la dette africaine tout entière (environs 200 milliards de dollars US) soit effacée et recommande même que les nations africaines cessent de payer : « Le temps est venu de mettre fin à cette situation burlesque. Les dettes sont exorbitantes. S’ils refusent d’effacer les dettes je suggérerais l'obstruction ; vous le faites vous-mêmes. L’Afrique devrait dire : 'merci beaucoup mais nous avons besoin de cet argent pour répondre aux besoins des enfants qui meurent en ce moment, alors nous allons utiliser le service du paiement de la dette à des investissements sociaux urgents dans la santé, l’éducation, l'eau potable, le contrôle du SIDA et autres besoins. » Professeur Jeffrey Sachs, directeur du Earth Institute à l'université Columbia et conseiller économique spécial auprès du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations unies (ONU).

[17] Maurice Allais, « La Mondialisation. La destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique » Ed Juglar, 1999

[18] L’Expansion, n°757, « Les entreprises les plus patriotes », 2010

[19] Jacques Sapir, « Le vrai sens du terme. Le libre-échange ou la mise en concurrence entre les Nations », in David Colle (dir), « D’un protectionnisme l’autre. La fin de la mondialisation ? » Rapport Anteios 2009, PUF 2009.

[20]  « Si ces 358 milliardaires les plus riches décidaient de conserver 5 millions de dollars chacun, pour se tirer convenablement d’affaire, et de donner le reste, ils pourraient doubler les revenus annuels de presque la moitié de la population du globe. Et les poules auraient des dents. » (Victor Keegan)

[21] La part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches était passée de 44% en 2009 à 48% en 2014, et dépasserait les 50 % en 2016 (…) En 2014, les membres de cette élite internationale possédaient en moyenne 2,7 millions de dollars par adulte. Le reste du cinquième (20%, ndlr) le plus riche de la population possède 46% du patrimoine mondial alors que 80% de la population mondiale ne se partagent que les 5,5% restant .
 
[22] Op.cit
 

dimanche, 13 mars 2016

Du paradoxe en politique

Hermes,Athens.jpg

Du paradoxe en politique

Ex: http://iddeurope.org

Au-delà de la diversité culturelle du continent européen, les nations qui le composent sont peu ou prou prisonnières d’un même paradigme. À savoir, une vie politique dominée par deux partis majoritaires, lesquels adhèrent à des conceptions communes dont les principales sont la mondialisation, le libéralisme économique, et la construction européenne sur la base des transferts de souveraineté.

Dans tous ces pays existent des partis en opposition avec l’idéologie dominante. Il s’agit techniquement de partis souverainistes, bien que cette déclinaison soit suffisamment vague pour qu’on puisse y classer aussi bien la gauche radicale que l’extrême-droite. Les mouvements souverainistes sont fréquemment catégorisés comme « populistes ». Le populisme revêt une signification spécifique selon que l’on parle de sciences politiques ou de sociologie électorale.

Pour faire simple, en sciences politiques le populisme peut être considéré comme l’ensemble des revendications politiques citoyennes non-représentées, car elles ne trouvent aucun réceptacle au sein des partis de gouvernement.

En termes de sociologie électorale, le populisme correspond à la remise en cause par les classes populaires des valeurs et des outils de gouvernance défendus par les classes dirigeantes. Dans les circonstances actuelles, le qualificatif de populiste, adressé par les classes dirigeantes au diagnostic critique du paradigme libéral-mondialiste, revêt une connotation péjorative et révélatrice d’un mépris de classe.

Le populisme : émanation des promesses non-tenues

Il n’y a pas de vrai débat entre les partis de gouvernement et les partis d’opposition. C’est justement là où l’anathème populiste trouve son intérêt pour ceux qui l’emploient. Il sert à disqualifier autrui, à balayer la protestation populaire, à considérer l’alternative comme étant démagogique, irresponsable, extrémiste. Avec cela, on escamote le débat de fond sur le modèle de société auquel on pourrait aspirer.

En fait, les partis populistes représentent tout ce que les partis de gouvernement ont abandonné. La gauche populiste incarne un socialisme orthodoxe basé sur la protection des catégories populaires et donc en opposition avec le social-libéralisme qui accepte le principe de déflation salariale au nom de la compétitivité dans une économie mondialisée.

Quant à la droite populiste, elle incarne la vision assimilatrice de la société, par opposition au multiculturalisme auquel la droite de gouvernement a fini par céder. On notera toutefois que dans le cas de la droite, la diversité politique européenne aboutit à des reproches divergents. Ainsi, la droite populiste française reproche à la droite de gouvernement d’avoir abandonné le patriotisme économique et la logique protectionniste, là où la droite populiste anglaise critiquera l’abandon du libéralisme classique au profit de l’hyper-réglementation générée par les normes européennes.

Paradoxe de gauche

La gauche européenne, sous l’égide de la social-démocratie, a renoncé à un électorat ouvrier dont l’intérêt de classe n’était plus convergent avec l’ouverture à la mondialisation. En France, le PS a un socle électoral largement composé de retraités et de fonctionnaires. La perte des ouvriers a poussé le parti à réorienter son offre électorale vers la petite bourgeoisie des métropoles (les fameux bobos), ainsi que vers les immigrés.

De ce choix découle la favorisation de mouvements émancipatoires, tel que le féminisme et l’extension des droits LGBT. De même, son ouverture vers l’électorat d’origine immigrée se manifeste par une islamophilie assumée et un multiculturalisme revendiqué. Cependant, l’islam, comme toutes les grandes religions, induit dans sa déclinaison politique un modèle de société patriarcal. Ainsi, plus cette religion s’épanouie, plus elle se manifeste dans l’espace public, et vient ainsi renforcer la critique des politiques libertaires dont sont issus les mouvements LGBT et féministes.

Notons que la gauche de la gauche possède aussi son propre paradoxe, dans la mesure où elle en appelle au peuple et tente de ressusciter la mythologie ouvrière, alors que les principaux concernés se sont tournés vers le Front National. Tout comme le PS, la gauche radicale célèbre l’immigration comme une chance pour la France. Mais la concurrence mondiale a ruiné l’industrie française, tandis que la gentrification des métropoles a évincé le prolétariat des grandes villes. Le logement social est devenu le seul parc foncier qui lui soit accessible. Ne souhaitant plus cohabiter avec des populations issues de flux migratoires constants et devenir minoritaires sur leur territoire, les ouvriers ont migré à l’écart des villes-monde, modifiant ainsi les implantations démographiques traditionnelles, et bouleversant la géographie politique du même coup. Cette réalité n’échappe pas aux leaders de la gauche radicale, mais cette dernière ne peut pas non plus renoncer à ses inclinations xénophiles, ce qui la condamne à prêcher dans le désert.

Paradoxe de droite

À droite, le bourgeois classique et l’électeur populaire issu du périurbain et de la ruralité ont en commun un rejet de l’immigration et une hostilité de fait envers l’expression du multiculturalisme, bien que ce concept soit soumis à tous les amalgames.

Cependant, économiquement, un monde sépare ces deux catégories. Les classes aisées profitent de la mondialisation et de l’ouverture des frontières. La libéralisation décuple leurs opportunités et les conforte dans leur domination. Pour les classes populaires c’est l’inverse, libéralisation et mondialisation riment avec concurrence déloyale et précarisation.

Ces électorats sont séparés jusque dans leur répartition sur le territoire, puisque la bourgeoisie traditionnelle peuple les métropoles dynamiques et adaptées à la concurrence mondiale, là où les catégories populaires de droite vivent dans des zones de déclin économique, éloignées de la création de richesses, et où le taux de revenu annuel est particulièrement faible.

Les bourgeois et retraités aisés veulent plus d’Europe, ou au moins le maintien de ce qui est acquis. Les classes populaires ne veulent plus d’intégration européenne et souhaitent même revenir sur les fondamentaux de l’UE.

Se pose ainsi pour les partis de droite classiques, tout comme pour les partis de la droite antisystème, la problématique suivante : comment capter sur la base de l’immigration deux électorats diamétralement opposés sur les grandes orientations politiques et institutionnelles de leur pays ?

Quand la communication remplace la politique

L’outil miracle permettant de surmonter ces difficultés existe bel et bien : il s’agit de la synthèse.

La synthèse est ce qui permet de faire cohabiter au sein d’une même famille politique, et à travers une seule personnalité, des courants totalement antagonistes. Elle s’obtient en substituant l’action politique par la communication politique.

L’action politique vise à dire ce que l’on va faire, et à faire ce que l’on a dit. La communication politique consiste à adopter une posture temporaire définie par le contexte politique immédiat et par le public électoral auquel on est confronté. Dans une synthèse, on distribue donc des promesses contradictoires à des corps électoraux dont les intérêts divergent, en sachant très bien que certains seront floués.

Dans le contexte européen actuel, il apparait que la synthèse semble plus aisée à gauche. L’électorat favorable aux mouvements d’émancipation LGBT et/ou féministes incline favorablement vers le modèle de société multiculturaliste, et admet donc l’affirmation de l’islam comme identité du citoyen musulman. Pourtant, l’expansion d’un certain islam, de coloration salafiste, génère des dérives communautaires et des manifestations d’intolérance. Face à ces dérives, nombreux sont les responsables de gauche à fermer les yeux, voire à tolérer l’intolérance, tant qu’elle provient d’un client électoral. Mieux, le fait d’attendre en embuscade que la droite s’empare de ces sujets à des fins de polémiques, ce qui ne manque jamais d’arriver, permet à la gauche de ressouder l’ensemble de son électorat, en invoquant la lutte contre l’islamophobie et la droitisation des esprits.

En France, l’appel à la défense des valeurs républicaines est devenu un élément de langage phare du discours socialiste. Mais l’emploi qui en est fait est un contre-sens, puisque la République, qui symbolise la réunion d’individus divers dans leurs origines et leur culture au sein d’une communauté nationale, est ici invoquée dans un discours global qui exalte les particularismes communautaires.

La synthèse à droite paraît plus malaisée. Si Nicolas Sarkozy est le dernier à l’avoir réussie en 2007, il semble aujourd’hui impossible de rééditer une telle manœuvre, ce en raison de l’hostilité croissante et globale envers l’Europe. Comment bailler à la droite des métropoles l’accentuation de l’intégration européenne, ainsi que la libre-circulation des travailleurs et des marchandises, tout en promettant protection et justice sociale à une droite de la périphérie qui exige le retour de l’État dans l’économie et le rétablissement des frontières ?

La mondialisation a bouleversé le champ politique national en scindant les bases électorales de la gauche et de la droite, ce dans tous les pays, y compris aux États-Unis. Si le clivage gauche-droite est devenu secondaire, il constitue toujours un repère sur l’idée que l’on se fait de la société dans laquelle on souhaite vivre. Chaque camp se trouve ainsi contraint de surmonter les paradoxes nés de la mondialisation et de recoller les différentes pièces de son électorat par le biais de la synthèse. Ce à moins que la nouvelle géographie politique commune à tout l’Occident, opposant la métropole à la périphérie, ne donne naissance à une nouvelle forme d’entité politique, balayant définitivement les fossiles démocratiques que sont le bipartisme, la coalition au centre, et l’alternance unique.

La politique, une affaire de générations

Un trait d’union supplémentaire unit les nations occidentales dans leur diversité, il ne doit pas être sous-estimé car il est un facteur majeur dans le conservatisme politique et institutionnel de ces pays : Il s’agit de la démographie.

Les pays occidentaux ont une démographie faible et de ce fait une population vieillissante. Comparée au dynamisme démographique des autres continents, cette faiblesse dans le renouvellement de la population autochtone occidentale alimente l’idée du déclassement, tandis que les flux migratoires nourrissent la peur instinctive de la disparition de son pays, de sa culture, et au final de soi-même.

Demi-statère_romain_C_des_M.jpgCes considérations sont prégnantes dans les mouvements de droite, aussi bien classiques que populistes, même si ces derniers les assument beaucoup plus aisément, notamment en Grande-Bretagne avec UKIP, en Belgique avec le Parti Populaire, ou en Suède avec les Démocrates Suédois. Le fait de rompre un tel tabou et de rouvrir le débat sur la coexistence des civilisations facilite leur classement à l’extrême-droite. Pourtant, les problématiques issues de la coexistence ne sont pas liées aux pays de l’Europe blanche et chrétienne. Une enquête réalisée par Ipsos en 2011 révèle que ce phénomène touche aussi aux autres continents, il s’agit d’un phénomène inhérent à l’être humain, il est donc universel.

La faible démographie occidentale a également un effet pervers sur le renouvellement des classes politiques et institutionnelles. Par essence, les partis qui occupent le pouvoir représentent les classes dominantes, ils sont donc nécessairement conservateurs, puisque leur objectif est de demeurer en place. Ces mouvements sont largement soutenus par des populations qui, sociologiquement, ont toutes les raisons de vouloir préserver leurs acquis.

En Europe, cette population correspond à celle des baby-boomers, lesquels ont désormais atteint l’âge où leur place dans la société est faite et dont le but est de s’y maintenir. S’ajoute à cela les populations retraitées qui, même lorsqu’elles sont modestes, n’aspirent pas tant au changement qu’au statu quo, sachant par ailleurs que les retraités sont sensibles aux effets de l’inflation, et prisent donc la stabilité politique.

Pour les générations suivantes, l’héritage des baby-boomers consiste essentiellement en l’évocation quasi mythologique d’un âge d’or, les Trente Glorieuses, contrastant avec la crise économique qui a suivi et qui semble s’amplifier, le tout ponctué d’un legs écologique désastreux et d’une dette monstrueuse à supporter. S’ajoute à cela la rancœur devant le peu de perméabilité d’un marché du travail encore dominé par ceux qui ont connu dans leur jeunesse le plein emploi. La classe politique française symbolise cet égoïsme à la perfection. L’amertume est justifiée, mais il n’y a pas d’affrontement entre générations, car pour le jeune d’aujourd’hui le baby-boomer est aussi un parent, ou un grands-parents.

Il est de notoriété publique que les personnes âgées votent en masse et que l’absentéisme est fort chez les jeunes. La colère envers les classes dominantes qui régissent le monde occidental est certaine, les partis populistes montent, le changement semble de plus en plus à portée de main, il se fait entendre, mais il ne vient pas. Tout simplement parce que les forces du conservatisme sont plus fortes encore, même si elles sont silencieuses.

Tant qu’il n’aura pas résolu ses problèmes démographiques, l’Occident semble destiné à s’enfoncer dans un marasme économique et dans une crise existentielle, sans espoir d’une reprise en main par le haut, par le politique. Le paradoxe occidental, c’est de constater son déclin mais de juger néfaste ce qui pourrait y remédier. Une affaire de générations.

Chronique de livre : Philippe Baillet "Le parti de la vie"

grazie-arno-breker-1978-57414518.jpg

Chronique de livre : Philippe Baillet "Le parti de la vie"

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Recension: Philippe Baillet, Le parti de la vie ; Clercs et guerriers d’Europe et d’Asie, Akribéia, 2015

2833559705.JPGLe nom de Philippe Baillet ne vous est peut-être pas inconnu : il est le traducteur français de Julius Evola mais également l’auteur de nombre d’articles et de quatre autres livres. Le parti de la vie se compose justement de huit de ses études, certaines déjà publiées, d’autres considérablement enrichies par rapport à leur première version. Deux d’entre elles (sur Yukio Mishima et Giorgio Locchi dont un texte inédit en français se trouve d’ailleurs en annexe) sont inédites.

Ces articles ont été rassemblés à dessein et explorent plusieurs aspects de ce que l’auteur nomme "le parti de la vie". Il le désigne comme suit : « ce vaste mouvement historique européen dont Nietzsche fut tout à la fois le fondateur, le penseur inaugural et, parfois, le poète. Il englobe donc l’œuvre de Nietzsche lui-même et tout ce qui s’inscrit vraiment dans sa postérité, dont notamment le phénomène national-socialiste [et] le fascisme historique ». L’ombre du philosophe au marteau plane donc plus que toute autre sur cet ouvrage.

Dans une préface éclairante, Philippe Baillet explique le but de son livre : donner les traits fondamentaux d’une vision du monde, d’une Weltanschauung, qui, à la suite de Nietzsche, se veut un rejet de ce monde moderne « voué au culte de la marchandise, à la fabrication de l’artifice et à l’attrait pour le difforme ». Face à des Européens affaiblis et perdant peu à peu leurs instincts essentiels, engoncés dans leurs pseudo-valeurs égalitaristes et humanistes, Le parti de la vie se veut un plaidoyer en faveur des éternelles lois de la vie, de la sélection, de la perfection, en un mot : de l’esthétisme.

Fort d’une culture et d’une érudition impressionnantes, l’auteur revient en détail sur plusieurs grandes figures chez qui l’on retrouve des qualités essentielles. L’historien italien du phénomène fasciste Renzo de Felice est par exemple loué, non pour ses opinions politiques mais pour la probité philologique de son œuvre, « signe de grande santé intellectuelle ». Plus loin, c’est Abel Bonnard en tant que « poète de l’ordre » et ennemi acharné de la laideur et de l’individualisme qui voit son œuvre (en particulier Les Modérés datant de 1936) décryptée par Baillet. Celui-ci analyse les aspirations profondes des figures qu’il présente et souligne ce qu’elles peuvent apporter à notre vision du monde. Ainsi Mishima et son « dépassement de l’individualité ». Comme l’indique le sous-titre du Parti de la vie, l’Asie tient une place réelle dans l’ouvrage en ce sens que les enseignements de sa pensée traditionnelle peuvent nous aiguillonner, nous Européens, vers la prise de conscience des impasses de l’intellectualisme. Des similitudes existent et il est souligné par exemple que, chez Lao-Tseu comme chez Nietzsche, on perçoit ce fil directeur qu’est la vitalité, fruit d’une « vision biocentrique de la vie ».

Alors que de nombreux mythes entachent la connaissance et la réelle compréhension du fascisme et du national-socialisme, Philippe Baillet revient sur plusieurs d’entre eux. Il met en lumière bien des faits méconnus ou incompris mais pourtant lourds de sens. La partie de l’ouvrage consacrée à Giorgio Locchi est, à cet égard, révélatrice. Même s’il est oublié aujourd’hui, Locchi demeure une référence fondamentale pour son analyse du phénomène fasciste en Europe. Pour lui, le phénomène fasciste, interprété de manière plus philosophique qu’historique, est « la première manifestation politique d’un phénomène culturel et spirituel : [le]« surhumanisme ». » Fruit d’une vision du monde où le mythe est primordial, on y retrouve, comme chez Nietzsche, cette idée de « sélection voulue, systématique et appliquée ». Par ailleurs, Locchi insiste sur l’origine nietzschéenne du système de valeurs du phénomène fasciste (donc de la Révolution Conservatrice et, par incidence, du National-Socialisme où se retrouve le « même univers de pensée »). Ce système de valeurs basé sur le surhumanisme et l’homme nouveau est singulièrement opposé à celui de l’égalitarisme qui comprend « le christianisme en tant que projet mondain, la démocratie, le libéralisme, le socialisme, le communisme. »

En à peine plus de 200 pages, Philippe Baillet remplit le but assigné à cet ouvrage : fournir des cartouches intellectuelles à notre vision du monde. Son livre est riche et, surtout, il est à méditer en ces temps incertains. Face au spectre des « guerres raciales et civilisationnelles, entrecroisées avec des guerres civiles » qui nous attendent, nous devons impérativement nous préparer avec une doctrine claire nous permettant de nous affirmer en tant qu’héritiers de la tradition européenne. Ce livre nous y aidera.

Rüdiger / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

 

vendredi, 11 mars 2016

Démocratie. Les bruissantes abeilles du messianisme démocratique

Abeilles-Vie-Ruche21.jpg

Démocratie. Les bruissantes abeilles du messianisme démocratique

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

La démocratie aujourd’hui a pris une dimension messianique. Elle vise en effet à inclure tout et tous dans une grande chaleur « maïdanesque » où toutes les différences, inégalités et préjugés fondront comme neige au soleil. Alors la paix régnera pour les siècles des siècles, c’est sûr ! Et puisque pas un jour ne se passe sans qu’il ne nous soit dit, asséné, susurré, que les démocraties ne se font pas la guerre, une démocratie planétaire, c’est la clé du paradis. C’est simple tout de même ! Portez partout la bonne nouvelle démocratique et les conflits disparaîtront. Si cela n’est pas du messianisme, je rends mon tablier.

PUBLICITÉ
 
 
 
 

Les États-Unis avec leur messianisme viscéral se sont faits les porteurs de cette bonne nouvelle. L’idée de « manifest destiny » éclose au 19ème siècle est toujours présente dans les profondeurs de cette nation et soutient les efforts de Washington pour répandre partout la démocratie avec le soutien d’environ mille bases militaires dans le monde. Dans la tradition juive puis chrétienne (très présente aujourd’hui dans le nouveau monde) le messie est un homme mais il peut aussi consister en une communauté régénérée car le berger va conduire ses brebis vers de nouveaux pâturages : la société sans classe pour les Russes après 1917, un troisième Reich pour les nazis à partir de 1933, une nation pour les colons américains partis à la conquête de l’Ouest. Tout cela se fond aujourd’hui dans le mythe d’une démocratie universelle. Cet élan vers un autre monde n’est pas nouveau. Déjà au 8ème siècle avant J.-C. Isaïe parlait d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux.

Le problème de la démocratie messianique est que maintenant, avec la lutte contre le terrorisme, il faut intégrer des populations en sentiment d’exclusion, parce que ces populations sont des réservoirs potentiels de réseaux djihadistes. C’est donc non seulement vers l’extérieur qu’il faut répandre la démocratie pour éviter les guerres tout en les faisant, mais aussi vers l’intérieur pour lutter contre ce sentiment d’exclusion. Finalement la conquête d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux exigera, comme toujours, des guerres ou des croisades. A l’intérieur pour changer les mentalités, à l’extérieur pour éliminer des méchants comme Bachar. Si Donald Trump est élu, la démocratie messianique américaine sera encore plus agressive mais, même sans lui, elle le deviendra.  Comme on vient de voir avec Isaïe, le messianisme est une constante dans l’histoire universelle. Hier, c’était Moscou, avec le Komintern qui voulait exporter la révolution partout dans le monde. Aujourd’hui c’est Washington avec des Starbucks et des drones.

Le pauvre baudet de la démocratie messianique ploie sous les charges : régimes à renverser pour éliminer des menaces à la paix mondiale – inclusion d’individus qui se sentent exclus de la grande course à la consommation, suppression de tout ce qui pourrait stigmatiser telle ou telle partie de la population. Le baudet va donner des coups de sabots : guerre à l’extérieur pour faire advenir une paix planétaire – démocratisation à l’intérieur pour éviter la guerre civile en transformant des terroristes potentiels en d’heureux consommateurs. Les tâches qui attendent les démocrates sont lourdes, mais heureusement nous avons des Brigades de la paix avec succursales à Berne et Genève. Elles vont bientôt monter au front.

Au fait, est-ce le consumérisme que nous voulons propager, ou la démocratie ? J’entends déjà des experts m’expliquer avec PowerPoint que ce ne sont point là des buts incompatibles. Et je vois déjà des comités se réunir dans de beaux hôtels à Davos ou ailleurs pour promouvoir cette compatibilité. Notre monde bruisse nuit et jour de charmantes abeilles tout occupées à faire le miel de notre bonheur par la consommation et des débats citoyens : ONG au-dessus de tout soupçon – comités onusiens ou bruxellois – réseaux sociaux bruissants eux aussi. Il y a tant de grosses et petites bêtes qui nous menacent : les terroristes évidemment, mais aussi les chauffards et puis diverses bactéries contre lesquelles des bataillons de chercheurs sont mobilisés. Il ne s’agit pas seulement de garantir la sécurité des populations mais de les entraîner dans une grande marche vers un avenir radieux.

Les médias, tout occupés au service d’ordre de cette grande marche, font du zèle : ils désignent quotidiennement tout ce qui ne va pas. A tel point qu’on a l’impression, après un TJ, que plus rien ne va. Lorsqu’une grosse bête comme le terrorisme commence à mordre, ils perdent les pédales et font exactement ce que veulent les djihadistes : « produire des effets psychologiques qui sont sans commune mesure avec ses résultats purement physiques » (Raymond Aron).

Bref, c’est la guerre sur tous les fronts ! Au nom de la paix bien sûr !  L’omniprésence du mot de mobilisation est significative : on se mobilise contre le chômage, contre l’exclusion, contre le cancer, pour les droits de l’homme. C’est un peu angoissant car, dans cette mobilisation générale ou, comme disent les Allemands avec plus d’éloquence, dans cette « Kriegsmobilmachung », on perd la paix de vue, comme en 14 dans les tranchées.

Comme le reste, la démocratie s’est globalisée et c’est ce qui la rend messianique. Il serait peut-être temps de se souvenir que tous les mouvements messianiques n’ont pas seulement échoué mais se sont terminés dans des bains de sang ou des exterminations : Massada en 130 de notre ère – shoah et goulag au vingtième siècle. On me dira que les démocrates, avec à leur tête les Américains, sont gentils. Certes, mais hélas les gentils se rassemblent souvent autour d’une guillotine ou d’un camp de concentration. Ils veulent tellement faire le bien de l’humanité qu’on leur pardonne tout au début. Après, on se mord les doigts.

Jan Marejko, 8 mars 2016

Notes : C’est en 65,17-21 qu’on trouve chez Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur : Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle ». La citation de Raymond Aron se trouve dans Paix et guerre entre les nations, 1962. Le Komintern était l’organisation internationale communiste chargée, « par tous les moyens possibles », de renverser dans le monde entier la bourgeoisie. A l’époque, le califat, c’était un soviet planétaire.

 

jeudi, 10 mars 2016

Die geistig Toten

juan-donoso-cortes--644x362.jpg
 

Die geistig Toten

von Carlos Wefers Verástegui
Ex: http://www.blauenarzisse.de

Der spanische Reaktionär Juan Donoso Cortés (18091853) bemerkte im Zeitalter der Revolutionen wie der Verfall des Glaubens zum Verfall der Wahrheit führt.

Dem Aufbegehren gegen Gott entspricht der Verstandeshochmut, die Emanzipation der Menschheit von Gott bestätigt diese in ihrem eigenen Schöpfertum. Das wiederum erzeugt in ihr den Glauben an sich selbst, an ihre eigene Göttlichkeit. Der Irrtum, nicht nur in Metaphysik und Glauben, wird so mit Notwendigkeit zum ständigen Begleiter einer jeden unabhängigen Vernunft. Die Wahrheit haben die einmal unabhängig, selbständig und hochmütig gewordenen Verstände der Menschen unwiederbringlich verloren und damit einen geistigen Tod herbeigeführt.

Aufklärung führt zu Agnostizismus und geistigem Tod

Die (geistig) Toten sind jedoch nicht mit den Ungebildeten und Idioten gleichzusetzen. Es ist nämlich eine bestimmte Bildungsrichtung, die das geistige Totsein unserer Zeitgenossen verbürgt: die aufklärerische. Diese Bildung gibt sich gern fortschrittlich und kritisch und will zu Mündigkeit und Toleranz erziehen. Gegen den christlichen Glauben ist sie nur vordergründig neutral. Allein die Neutralität gegen den Glauben aber würde von sich aus schon ausreichen, diesen herunterzusetzen und zu zersetzen.

Bei der Neutralität bleibt es niemals. Erklärtes Ziel ist nämlich, den Zweifel, ohne nach seiner Vernunft oder Berechtigung zu fragen, in aller Herzen zu säen. Diese Bildung, die viel eher Verbildung heißen müsste, bringt den Agnostizismus hervor. Mit der Fähigkeit zum Glauben fällt aber auch die Fähigkeit zur Wahrheit überhaupt. Juan Donoso Cortés hat das so dargestellt: „Die Verminderung des Glaubens, die die Verminderung der Wahrheit herbeiführt, führt nicht zwangsläufig zur Verminderung, sondern zur Abirrung des menschlichen Verstandes. Gnädig und zur selben Zeit gerecht, hält Gott den schuldigen Verständen die Wahrheit vor, das Leben [d.h. das physische Leben; C.W.V.] aber hält er ihnen nicht vor. Er verurteilt sie zum Irrtum, zum Tode jedoch verurteilt er sie nicht.“

juan782204097987.jpgDer Tote irrt grundsätzlich

Der (geistig) Tote ist also einem verhängnisvollen Irrtum erlegen, ohne auch nur das Geringste davon zu ahnen. Das springt bei einem Gespräch mit ihm sofort ins Auge: der Tote gibt sich interessiert und beteiligt. Er scheint auf sein Gegenüber einzugehen. Tatsächlich liegt ihm jedoch nichts an alledem. Er will nur sich selbst wiederfinden und dazu noch gut unterhalten sein. Anstatt einer fordernden Aufgabe will er Bestätigung. Aus diesem Grund lässt sich nichts Vernünftiges anfangen mit ihm. Man kann nichts von ihm fordern, nichts von ihm verlangen, man kann ihn nicht in die Pflicht nehmen. Der Tote kann dabei über ein außerordentliches Wissen verfügen und sogar intelligent sein; an zwei entscheidenden Dingen fehlt es ihm jedoch: an der notwendigen Einsicht sowie an der Fähigkeit zur Selbsterkenntnis.

Der Tote ist und bleibt Skeptiker, nicht nur in religiösen Fragen. Fichte hat das wunderbar in seinen „Grundzügen des gegenwärtigen Zeitalters“ dargestellt. Diesem „Zeitalter der vollendeten Sündhaftigkeit“ wird es Fichte zufolge „der Gipfel der Klugheit sein, an allem zu zweifeln und bei keinem Dinge über das Für oder das Wider Partei zu nehmen: in diese Neutralität, diese unbestechbare Gleichgültigkeit für alle Wahrheit wird es die echte und vollkommene Weltweisheit setzen“. Die unerkannte Wahrheit des Skeptizismus ist daher seine Gleichgültigkeit und Selbstgefälligkeit. Beide haben das Privileg, sich allen und allem überlegen dünken zu dürfen. Die gleichgültige, einer geistigen Leichenstarre entsprechenden Störrigkeit und kecke Aufmüpfigkeit wird dabei allzu gern als Unerschütterlichkeit ausgegeben.

Statt Vernunft gibt’s in Wahrheit nur Gefühlspantheismus

Damit auch kein Zweifel darüber besteht, dass der Tote auch wirklich geistig vollkommen hinüber und mausetot ist, ergeht er sich in allerlei Inkonsequenzen. Die wichtigste Inkonsequenz besteht darin, trotz der Skepsis Wahrheiten anzunehmen. Statt Wahrheit gibt es allerdings nur Gefühlsanwandlungen: Gemütszustände, Neigungen, Empfindungen wie Wohlwollen, Beifall, Fürsprache, aber auch ein Organ für all das, was einem „gegen den Strich“ geht. Anstatt Vernunft gibt es beim Toten Gefühlspantheismus. Allein, dass es sich hierbei um Pantheismus handelt, ist wichtig festzuhalten. Der Pantheismus reflektiert nämlich, wie der Philosoph Paul Yorck von Wartenburg unterstrich, keine Gottes-​, sondern eine Weltauffassung. Gefühlsmäßig und somit unvernünftig wird das Ganze dadurch, dass der Gott der Welt – der Mensch, seine Gesellschaft und Geschichte – wesentlich unerkennbar ist. Im Gefühl, nicht in der Ratio, geben sich dann die Hand der Pantheismus und der Agnostizismus. Das Menschenbild ist damit von Grund auf gefälscht und unrichtig.

Wer genau wissen will, ob er es mit einem Toten zu tun hat, braucht nicht erst darauf zu warten, dass dieser ihn zur Weißglut bringt. Er reicht vollkommen aus, sein Verständnis von Wahrheit zu prüfen. Auch ist es sehr ratsam, seine Redlichkeit auf die Probe zu stellen. Zuallerletzt wird dann sein Ehrgefühl unter die Lupe genommen. Jeder, der bei dieser Untersuchung durchfällt, hat für geistig tot zu gelten. Schon bei der Wahrheitsfindung kommt heraus: Niemals kommt der Tote über die Frage des Pilatus hinaus „Was ist Wahrheit?“ Das ist nur natürlich, denn, wer sind sie, die Toten, eigentlich, um über die Wahrheit oder Unwahrheit zu entscheiden?

Schlechte Schauspieler, die den Sokrates spielen

Würden sich die Toten darauf beschränken, nur sich selbst dieser Entscheidung, was Wahrheit ist und was nicht, zu entheben, wären sie weniger lästig. Nun stellen aber die Toten ihrerseits die Forderung: „Du musst es genauso machen wie ich. Wer bist du, der du dich anmaßt, die Wahrheit zu kennen?“ Gegen diese Frage – es ist keine Dummheit, sondern Absurdität! –, die bei allem mitschwingt, was die Toten so von sich geben, kommen selbst Götter nicht an. Zu sehr gefallen sie sich nämlich in der Rolle des sokratischen Fragers.

Dabei halten sie dazu noch die Köstlichkeit ihres Selbsterlebnisses für den Beweis ihrer eigenen Göttlichkeit. Dass sie nur eine Rolle spielen, noch dazu schlecht, ansonsten aber keine kompetenten Jünger von Sokrates sind, zeigt ihr Unmut: werden sie selbst hinterfragt, kommen die üblichen, großen und kleinen Gemeinheiten, die Unkenrufe und die Kindereien. Zum platonischen Dialog als einem Musterbeispiel für eine rationale Erörterung, selbst verschiedenster Argumente und sogar von Gegenpositionen, taugen sie nicht. Auch ist er ihnen verhasst, denn der platonische Dialog soll nicht unterhalten, er dient der Wahrheitsfindung.

juansello_donoso-cortes.jpgDie Wahrheit ist verhasst und muss unmöglich gemacht werden

Die Verhasstheit der Wahrheit ist der Grund, warum tote Menschen sie auf verschiedene Weise unmöglich machen. Dazu bieten sich drei Kunstgriffe an: Verbot, sterile Diskussion und Verneinung. Das interessanteste Wahrheitsvergütungsmittel ist bei weitem die sterile Diskussion: Wird der Toten darauf hingewiesen, wie unzulänglich er selbst und, mit ihm, seine Argumente sind, reagiert er auf eigentümliche Weise: er tut so, als hörte er nicht oder nur sehr schlecht. Das Überhören, Weghören, Durcheinander– und Falschhören ist der Toten täglich Brot.

Eine andere Möglichkeit der Abwehr in der Diskussion ist die von den Toten geübte, besondere Verstehenskunst: das bald gepflegt, bald wild auftretende Missverständnis. Sagt einer z.B. „hüh“, versteht der Tote grundsätzlich „hott“. Wer sich einem Toten gegenüber traut, Allgemeines über die Wahrheit zu sagen, muss in Kauf nehmen, dass dieser kontert: „Das ist deine persönliche Meinung“ bzw. „Das ist deine persönliche Sichtweise“. Will jemand die Unanfechtbarkeit logischer Sätze beweisen, platzt der Tote aus sich heraus: „Das ist Behauptung!“ und „Das muss nicht immer so sein!“ Wer dem Toten gegenüber ausführt: „Dinge, die die Moral und das Zusammenleben betreffen, können nicht von jedermann begriffen werden. Es ist besser, sie der breiten Masse als Dogma vorzuschreiben“, erntet für gewöhnlich Geschrei und Gekeife: der Tote schreit empört Zetermordio – ob der vom autoritären Bösewicht gemeuchelten Demokratie.

Der Rationalismus hat die Leute unfähig für die Wahrheit und somit tot gemacht

Unerreicht in ihrer Klassizität ist die Darstellung von Donoso Cortés in seinem berühmten Essay über den Katholizismus, den Liberalismus und den Sozialismus, in dem er sich mit der pathologischen Unfähigkeit zur Wahrheit des vom Rationalismus verwirrten Menschen beschäftigt. Der in einem fatalen Irrtum gefangene Mensch, dessen Kopf unumkehrbar verworren und verkehrt ist, ist keine philosophisch-​theologische Hypothese, er ist wirklich. Der geistige Tod, aus dem niemand mehr zurückkehrt, ist unlängst Realität von Millionen von Mitmenschen.

Die Gefahr, die von diesen Toten ausgeht, ist nicht zu unterschätzen. Gerade weil die Toten den wenigen wirklich Lebendigen zahlenmäßig überlegen sind, und noch dazu die politischen und Bildungseliten stellen, ist der Katastrophenfall permanent: es ist der Normalfall. Die alte Frage, ob die Welt nicht zum Irrenhaus geworden ist, ist mit „Ja“ zu beantworten. Aber mehr noch als ein Irrenhaus ist es ein Totenreich.

juan-donoso-cortes-191233cit.jpg

mercredi, 09 mars 2016

La décroissance dans un seul pays

decrtpe1.jpg

La décroissance dans un seul pays

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Interrogé au printemps 2013 par l’organe de presse trostko-bancaire Libération, un certain Vincent Liegey qui se revendique décroissant, déclarait : « Nous voulons une relocalisation ouverte. Il faut produire localement – cela a un sens écologique et humain -, mais garder les frontières ouvertes pour les biens et surtout pour les personnes : voyages et rencontres favorisent le bien-être et la culture (1). » Cette assertion est typique de la mentalité hyper-moderne, nomade et fluide de l’Occidental globalitaire. Son auteur croît s’opposer à la mondialisation en prônant une relocalisation ouverte. Il réalise une chimère, le glocal, et ne comprend pas que le tourisme intercontinental et l’immigration de peuplement empêchent de facto toute véritable relocalisation des activités, des productions, des biens, des investissements et des personnes. Grand naïf politique, le dénommé Liegey ne mentionne pas en plus l’impact écologique désastreux des transports touristiques de masse sur les écosystèmes. Si ses voyages s’effectuaient à pied, en vélo, en train ou à marine à voile, il serait cohérent. En revanche, s’il prend avions et bagnoles, la schizophrénie le guette !

 

Fort heureusement, et n’en déplaise à ce décroissant du samedi soir, les grands flux touristiques internationaux commencent à se tarir  comme le signale le géographe Christophe Guilluy : « Rappelons que le tourisme international, qui n’a cessé de se développer et qui est une ressource économique importante pour bon nombre de pays, ne profite en réalité qu’à la marge aux populations autochtones. Notons par ailleurs que ce secteur économique peut avoir des conséquences particulièrement négatives sur l’environnement (dégradation des milieux naturels, empreinte écologique liée au transport…) et déstructurer les cultures et identités du plus grand nombre, notamment des plus modestes. On le voit, la mobilité des individus atteint aujourd’hui ses limites physiques et écologiques, mais aussi culturelles avec le déplacement de catégories moyennes et supérieures dans des zones souvent précarisées (2). » Dans une courte et charmante nouvelle, le journaliste Marc Dem envisageait la fin du monde moderne. « D’une trentaine d’accidents d’avions de ligne par an, on passa à soixante en un mois. Les appareils privés et les avions militaires furent atteints du même mal. On finit par interdire les vols, et la terre devint plus grande (3). » Limiter les trajets intercontinentaux, surtout s’ils sont commerciaux et touristiques, scandalise à coup sûr les « progressistes » de l’écologie de marché, mais absolument pas le principal théoricien de la décroissance, Serge Latouche, qui annonce une « autre réduction nécessaire : le tourisme de masse. L’âge d’or du consumérisme kilométrique est derrière nous (4) ». Cet universitaire venu du tiers-mondisme rejoint le catholique de tradition Marc Dem, puisqu’il ajoute : « Pour cause de pénurie de pétrole et de dérèglement climatique, voici ce que l’avenir nous promet : toujours moins loin, toujours moins souvent, toujours moins vite et toujours plus cher. À vrai dire, cela ne devient dramatique qu’en raison du vide et du désenchantement qui nous font vivre de plus en plus virtuellement alors que nous voyageons réellement aux dépens de la planète. Il nous faut réapprendre la sagesse des âges passés : goûter la lenteur, apprécier notre territoire (5). »

 

latouche._SX350_BO1,204,203,200_.jpgIl y a par conséquent une béance profonde fondamentale entre un soi-disant décroissant et le père de la décroissance en France. Serge Latouche prévient que « le “ bougisme ”, la manie de se déplacer toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus souvent (et pour toujours moins cher), ce besoin largement artificiel créé par la vie “ surmoderne ”, exacerbé par les médias, sollicité par les agences de voyages, les voyagistes et les tour-opérateurs, doit être revu à la baisse (6) ».

 

En revanche, ces deux catégories de décroissants s’accordent volontiers sur une conception irénique de la décroissance. Serge Latouche garde toujours un réel attachement à la sensibilité progressiste des Lumières. N’affirme-t-il pas que « la décroissance […] entend reprendre à frais nouveaux le programme d’émancipation politique de la modernité en affrontant les difficultés que pose sa réalisation (7) » ? Il confirme que pour lui, « la décroissance reprend de manière renouvelé […] le projet de l’émancipation de l’humanité des Lumières (8) ». Il modère son projet de société décroissante qui « implique certes une remise en question de l’individualisme exacerbé et la reconnaissance de l’héritage du passé, mais pas un retour à des féodalités et à des organisations hiérarchiques (9) ». Comme la très grande majorité des écologistes, il évacue tout concept de puissance et paraît ignorer l’essence du politique qui, selon Julien Freund, s’organise autour des polarités privé – public, commandement – obéissance et ami – ennemi (10).

 

Cette méconnaissance (voire ignorance) fâcheuse se retrouve chez des « écologistes intégraux » d’inspiration chrétienne pour qui « prôner l’écologie humaine, c’est promouvoir une “ éthique de la non-puissance ” (Jacques Ellul) (11) ». L’affirmation prouve une parfaite impolitique qui condamne à moyen terme la pérennité de toute collectivité humaine. Directeur de la thèse de Julien Freund en 1965, Raymond Aron rappelait qu’« il est facile de penser la politique, mais à une condition : en discerner les règles et s’y soumettre (12) », ce que ne font pas les écologistes.

 

georges feltin-tracol,décoissance,écologie,économie,théorie politique,philosophie politique,sciences politiques,politologieIl manque encore à la décroissance tout une dimension politique et stratégique. De nombreux décroissants raisonnent toujours à l’échelle de leur potager dans le « village global » interconnecté alors que la raréfaction croissante des ressources inciterait à envisager au contraire une société fermée, qu’elle soit nationale ou bien continentale dans le cadre de l’« Europe cuirassée » chère à Maurice Bardèche. En effet, « c’est […] bien une société de rupture qu’il faut ambitionner, annonce l’anarcho-royaliste français Rodolphe Crevelle, quitte à mépriser tous les clivages politiques antérieurs, quitte à paraître donquichottesque ou ridicule, ou rêveur, ou utopique… (13) ». Nourris par les traductions anglaises des écrits de l’écologiste radical finlandais Pentti Linkola dans lesquels se conjuguent écologie, décroissance et puissance militaire, Rodolphe Crevelle et son équipe du Lys Noir soutiennent une vision singulière de l’« écolo-décroissance ». « La préservation de l’Homme ancien “ dans un seul pays d’abord ”, ouvre la perspective d’un isolat forteresse assiégé parce que celui-ci constituera le mauvais exemple, le mouton noir du monde, un démenti à la “ fête ” globale planétaire (14). » Certes, « il faut […] convenir que l’autarcie est une question d’échelle. Elle est particulièrement difficile à instaurer dans un petit pays sans diversité économique, elle est plus facile à supporter dans une grande économie diversifiée. Et on peut même affirmer que l’autarcie à l’échelle d’un continent riche peut compter aujourd’hui sur quelques défenseurs (15) ». Ils estiment non sans raison que « la France possède tous les moyens technologiques et humains de l’autarcie. Elle est même pratiquement un des seuls pays au monde à pouvoir organiser volontairement son propre embargo ! (16) ». « L’écologie extrême […] est notre dernière chance de discipline collective et d’argumentation des interdits, insiste Rodolphe Crevelle (17) ».

 

decrplusdeliens.jpgAvec des frontières réhabilitées, sans la moindre porosité et grâce à des gardiens vigilants, dénués de remords, la société fermée décroissante adopterait vite la notion de puissance afin de tenir à distance un voisinage plus qu’avide de s’emparer de ses terres et de ses biens. Elle pratiquerait une nécessaire auto-suffisance tant alimentaire qu’énergétique. Mais cette voie vers l’autarcie salutaire risque de ne pas aboutir si la population n’entreprend pas d’elle-même une révolution culturelle et un renversement complet des consciences. « Outre l’autarcie économique européenne, il faudrait mieux encore parler d’autarcie technique, d’auto-isolement sanitaire; d’un refus de courir plus loin et plus vite vers le précipice, vers le monde de “ science-fiction contemporaine ” qui s’est installé sur toute la planète dans la plus parfaite soumission des gauchistes et des conservateurs (18). » L’auto-subsistance vivrière deviendra un atout considérable en périodes de troubles politiques et socio-économiques. « Tant que la perspective d’un soulèvement populaire signifiera pénurie certaine de soins, de nourriture ou d’énergie, il n’y aura pas de mouvement de masse décidé, prévient le Comité invisible. En d’autres termes : il nous faut reprendre un travail méticuleux d’enquête. Il nous faut aller à la rencontre, dans tous les secteurs, sur tous les territoires où nous habitons, de ceux qui disposent des savoirs techniques stratégiques (19). »

 

« L’autarcie est en effet le seul moyen envisageable pour brider doucement le capitalisme chez soi quand celui-ci devient trop ravageur, trop destructeur de cultures remarquables et de sociabilités anciennes (20). » Pour sa part, Serge Latouche explique que « la société de décroissance implique un solide protectionnisme contre les concurrences sauvages et déloyales, mais aussi une large ouverture sur les “ espaces ” qui adopteront des mesures comparables. Si, comme le disait déjà Michel Torga en 1954, “ l’universel, c’est le local moins les murs ”, on peut réciproquement déduire que le local c’est l’universel avec des frontières, des limites, des zones tampon, des passeurs, des interprètes et des traducteurs (21) ».

 

Provocateur à souhait, Le Lys Noir aime saluer le modèle ruraliste autoritaire des Khmers Rouges. Or, mieux que l’ancien Kampuchéa démocratique, la conciliation réussie d’une relative décroissance à une exigence élevée de puissance politique, militaire et stratégique correspond parfaitement aux principes coréens du nord du Juche et du Songun. Surmont un embargo international draconien, la République démocratique et populaire de Corée s’est invitée d’office aux clubs très fermés des États détenteurs de la force nucléaire et des puissances spatiales (22).

 

Au risque de choquer encore plus les rédacteurs bien-pensants du mensuel La Décroissance, ces rêveurs d’un monde ouvert aux quatre vents, la décroissance n’est-elle pas finalement populiste, voire horresco referens poujadiste ? Admirateur du papetier de Saint-Céré, Rodolphe Crevelle pense qu’« aujourd’hui, Poujade serait peut-être décroissant; il plaiderait une honnête frugalité, la relocalisation, le commerce de proximité, l’agriculture biologique, le bio-carburant, la dénonciation des perversions de la grande distribution, le maintien des services publics en zone rurale, le “ small is beautiful ”, les gîtes ruraux, les maisons de pays et de terroir, la vente directe… (23) ». Nouvelle exagération de sa part ? Pas du tout, surtout si on comprend que « la décroissance est […] simplement une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui ont précédé à une critique radicale du développement et veulent dessiner les contours d’un projet alternatif pour une politique de l’après-développement. Son but est une société où l’on vivra mieux en travaillant et en consommant moins (24) ».

 

smalla2.jpgPour une question d’efficacité, une économie élaborée sur des mesures décroissantes ne peut être que d’échelle nationale ou continentale en étroit lien organique avec les niveaux (bio)régional et local. Il ne faut pas omettre que « le local n’est pas un microcosme fermé, mais un nœud dans un réseau de relations transversales vertueuses et solidaires, en vue d’expérimenter des pratiques de renforcement démocratique (dont les budgets participatifs) qui permettent de résister à la domination libérale (25) ». On réactualise une pratique politique traditionnelle : « L’autorité en haut, les libertés en bas ». Faut-il pour autant valoriser le local ? Non, répond le Comité invisible pour qui le local « est une contraction du global (26) ». Pourquoi cette surprenante défiance ? Par crainte de l’enracinement barrésien ? Par indécrottable altermondialisme ? « Il y a tout à perdre à revendiquer le local contre le global, soutient l’auteur (collectif ?) d’À nos amis. Le local n’est pas la rassurante alternative à la globalisation, mais son produit universel : avant que le monde ne soit globalisé, le lieu où j’habite était seulement mon territoire familier, je ne le connaissais pas comme “ local ”, le local n’est que l’envers du global, son résidu, sa sécrétion, et non ce qui peut le faire éclater (27). »

 

Associée à la crise économique et à l’occupation bankstériste, l’immigration de peuplement de masse en cours va de plus en plus perturber nos vieilles sociétés européennes. « La sombre invasion, constate Crevelle, est bien notre unique et dernière occasion de mouvement collectif brutal… Notre dernière chance de solidification des peuples contre l’État et les marchés… (28) ». Une décroissance identitaire et autarcique comme vecteur de révolution des identités ancestrales enracinées d’Europe, voilà une belle idée explosive !

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : dans Libération, le 23 avril 2013.

 

2 : Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, 2014, pp. 118 – 119.

 

3 : Marc Dem, « La fin des haricots », dans 70 contes rapides, Les éditions Choc, 1989, p. 52.

 

4 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « Les Petits Libres », n° 70, 2010, p. 64.

 

5 : Idem, p. 65.

 

6 : Id., p. 65.

 

7 : Serge Latouche, Vers une société d’abondance frugale. Contresens et controverses sur la décroissance, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « Les Petits Libres », n° 76, 2011, p. 72.

 

8 : Idem, p. 82.

 

9 : Id., p. 82.

 

10 : cf. Julien Freund, L’essence du politique, Dalloz, 2004. On a déjà fait part de ces critiques politologiques dans Georges Feltin-Tracol, « Une revue quelque peu limitée », mis en ligne sur Europe Maxima, le 1er novembre 2015, et Georges Feltin-Tracol, « Petit traité de bioconservatisme », mis en ligne sur Europe Maxima, le 28 février 2016.

 

11 : Gaultier Bès (avec Marianne Durano et Axel Nørgaard Rokvam), Nos limites. Pour une écologie intégrale, Le Centurion, 2014, pp. 107 – 108.

 

12 : Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983, p. 136.

 

13 : Rodolphe Crevelle, Mon cher entre-soi. Écrits politiques d’un activiste, Éditions des Lys noirs, 2014, p. 448.

 

14 : Idem, p. 439.

 

15 : Id., p. 486.

 

16 : Id., p. 489.

 

17 : Id., p. 98.

 

18 : Id.,  p. 453.

 

19 : Comité invisible, À nos amis, La Fabrique, 2014, p. 96.

 

20 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 485.

 

21 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, op. cit., p. 76.

 

22 : cf. Georges Feltin-Tracol, « La Corée du Nord au-delà des  clichés », mis en ligne sur Europe Maxima, le 24 janvier 2016.

 

23 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 16.

 

24 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, op. cit., p. 22.

 

25 : Idem, p. 77.

 

26 : Comité invisible, op. cit., p. 191.

 

27 : Idem, pp. 190 – 191.

 

28 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 335.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=4755

lundi, 07 mars 2016

La concretezza geopolitica del diritto in Carl Schmitt

La produzione teorica di Carl Schmitt è caratterizzata dalla tendenza dell’autore a spaziare in diversi settori di ricerca e dal rifiuto di assolutizzare un solo fattore o ambito vitale. Nonostante gli siano state rivolte frequenti accuse di ambiguità e asistematicità metodologica – in particolar modo da chi sostiene la “purezza” della scienza del diritto -, in una delle sue ultime interviste, rilasciata nella natia Plettenberg, Schmitt ribadì senza mezzi termini la sua radicale scelta esistenziale: «Mi sento al cento per cento giurista e niente altro. E non voglio essere altro. Io sono giurista e lo rimango e muoio come giurista e tutta la sfortuna del giurista vi è coinvolta» (Lanchester, 1983, pp. 5-34).

Un metodo definito sui generis, distante dalle asettiche teorizzazioni dei fautori del diritto positivo ma non per questo meno orientato alla scienza giuridica, sviscerata fin nelle sue pieghe più riposte per ritrovarne la genesi violenta e i caratteri concreti ed immediati, capaci di imporsi su una realtà che, da “fondamento sfondato”, è minacciata dal baratro del nulla.

In quest’analisi si cercherà di far luce sul rapporto “impuro” tra diritto ed altre discipline, in primis quella politica attraverso cui il diritto stesso si realizza concretamente, e sui volti che questo ha assunto nel corso della sua produzione.

1. Il pensiero di Schmitt può essere compreso solo se pienamente contestualizzato nell’epoca in cui matura: è dunque doveroso affrontarne gli sviluppi collocandoli in prospettiva diacronica, cercando di individuare delle tappe fondamentali ma evitando rigide schematizzazioni.

41oP4499VTL._SY344_BO1,204,203,200_.jpgSi può comunque affermare con una certa sicurezza che attorno alla fine degli anni ’20 le tesi schmittiane subiscano un’evoluzione da una prima fase incentrata sulla “decisione” a una seconda che volge invece agli “ordini concreti”, per una concezione del diritto più ancorata alla realtà e svincolata non solo dall’eterea astrattezza del normativismo, ma pure dallo “stato d’eccezione”, assenza originaria da cui il diritto stesso nasce restando però co-implicato in essa.

L’obiettivo di Schmitt è riportare il diritto alla sfera storica del Sein – rivelando il medesimo attaccamento all’essere del suo amico e collega Heidegger -, che si oppone non solo al Sollen del suo idolo polemico, Hans Kelsen, ma pure al Nicht-Sein, allo spettro del “Niente” che sopravviveva nell’eccezione, volutamente non esorcizzato ma troppo minaccioso per realizzare una solida costruzione giuridica. La “decisione”, come sottolineò Löwith – che accusò Schmitt di “occasionalismo romantico” – non può pertanto essere un solido pilastro su cui fondare il suo impianto teoretico, essendo essa stessa infondata e slegata «dall’energia di un integro sapere sulle origini del diritto e della giustizia» (Löwith, 1994, p.134). Il decisionismo appariva in precedenza come il tentativo più realistico per creare ordine dal disordine, nell’epoca della secolarizzazione e dell’eclissi delle forme di mediazione: colui che s’impone sullo “stato d’eccezione” è il sovrano, che compie un salto dall’Idea alla Realtà. Quest’atto immediato e violento ha sul piano giuridico la stessa valenza di quella di Dio nell’ambito teologico, tanto da far affermare a Schmitt che «tutti i concetti più pregnanti della moderna dottrina dello Stato sono concetti teologici secolarizzati» (Teologia politica, 1972, p.61). Solo nell’eccezione il problema della sovranità si pone come reale e ineludibile, nelle vesti di chi decide sull’eventuale sospensione dell’ordinamento, ponendosi così sia fuori che dentro di esso. Questa situazione liminale non è però metagiuridica: la regola, infatti, vive «solo nell’eccezione» (Ivi, p.41) e il caso estremo rende superfluo il normativo.

La debolezza di tale tesi sta nel fissarsi su una singola istanza, la “decisione”, che ontologicamente è priva di fondamento, in quanto il soggetto che decide – se si può definire tale – è assolutamente indicibile ed infondabile se non sul solo fatto di essere riuscito a decidere e manifestarsi con la decisione. Contrariamente a quanto si potrebbe pensare, decisionismo non è dunque sinonimo di soggettivismo: a partire dalla consapevolezza della sua ambiguità concettuale, Schmitt rivolge la sua attenzione verso la concretezza della realtà storica, che diviene il perno della sua produzione giuridica.
Un cambio di rotta dovuto pure all’erosione della forma-Stato, evidente nella crisi della ”sua” Repubblica di Weimar. Il decisionismo rappresentava un sostrato teorico inadeguato per l’ordinamento giuridico internazionale post-wesfaliano, in cui il tracollo dello Stato[1] spinge Schmitt a individuare nel popolo e nei suoi “ordinamenti concreti” la nuova sede del “politico”.

Arroccato su posizioni anti-universaliste, l’autore elabora tesi che vanno rilette in sostanziale continuità con quelle precedenti ma rielaborate in modo tale da non applicare la prospettiva decisionista a tale paradigma cosmopolitico.

2. Il modello di teoria giuridica che Schmitt approfondì in questa tappa cruciale del suo itinerario intellettuale è l’istituzionalismo di Maurice Hauriou e Santi Romano, che condividono la definizione del diritto in termini di “organizzazione”. La forte coincidenza tra organizzazione sociale e ordinamento giuridico, accompagnata alla serrata critica del normativismo, esercitò una notevole influenza su Schmitt, che ne vedeva il “filo di Arianna” per fuoriuscire dal caos in cui era precipitato il diritto dopo la scomparsa degli Stati sovrani.

Convinto fin dalle opere giovanili che fosse il diritto a creare lo Stato, la crisi irreversibile di quest’ ultimo indusse l’autore a ricercarne gli elementi essenziali all’interno degli “ordinamenti concreti”. Tralasciando la dottrina di Hauriou, che Schmitt studiò con interesse ma che esula da un’analisi prettamente giuridica in quanto fin troppo incentrata sul piano sociologico, è opportuno soffermarsi sull’insegnamento romaniano e sulle affinità tra questi e il tardo pensiero del Nostro. Il giurista italiano riconduceva infatti il concetto di diritto a quello di società – corrispondono al vero sia l’assunto ubi societas ibi ius che ubi ius ibi societas – dove essa costituisca un’«unità concreta, distinta dagli individui che in essa si comprendono» (Romano, 1946, p.15) e miri alla realizzazione dell’«ordine sociale», escludendo quindi ogni elemento riconducibile all’arbitrio o alla forza. Ciò implica che il diritto prima di essere norma è «organizzazione, struttura, posizione della stessa società in cui si svolge e che esso costituisce come unità» (Ivi, p.27).

La coincidenza tra diritto e istituzione seduce Schmitt, al punto da fargli considerare questa particolare teoria come un’alternativa al binomio normativismo/decisionismo, “terza via” di fronte al crollo delle vecchie certezze del giusnaturalismo e alla vulnerabilità del positivismo. Già a partire da Teologia politica il pensiero di matrice kelseniana era stato demolito dall’impianto epistemologico che ruotava intorno ai concetti di sovranità e decisione, che schiacciano il diritto nella sfera del Sein riducendo il Sollen a «modus di rango secondario della normalità» (Portinaro, 1982, p. 58). Il potere della volontà esistenzialmente presente riposa sul suo essere e la norma non vale più in quanto giusta, tramontato il paradigma giusnaturalistico, ma perché è stabilita positivamente, di modo che la coppia voluntas/auctoritas prevalga su quella ratio/veritas.
L’eclissi della decisione osservabile dai primi scritti degli anni ’30 culmina col saggio I tre tipi di pensiero giuridico, in cui al “nemico” scientifico rappresentato dall’astratto normativista Schmitt non oppone più l’eroico decisionista del caso d’eccezione quanto piuttosto il fautore dell’ “ordinamento concreto”, anch’esso ubicato nella sfera dell’essere di cui la normalità finisce per rappresentare un mero attributo, deprivato di quei connotati di doverosità che finirebbero per contrapporsi a ciò che è esistenzialmente dato. Di qui la coloritura organicistico-comunitaria delle istituzioni che Schmitt analizza, sottolineando che «esse hanno in sé i concetti relativi a ciò che è normale» (I tre tipi di pensiero giuridico, 1972, pp.257-258) e citando a mo’ di esempi modelli di ordinamenti concreti come il matrimonio, la famiglia, la chiesa, il ceto e l’esercito.

Il normativismo viene attaccato per la tendenza a isolare e assolutizzare la norma, ad astrarsi dal contingente e concepire l’ordine solo come «semplice funzione di regole prestabilite, prevedibili, generali» (Ibidem). Ma la novità più rilevante da cogliere nel suddetto saggio è il sotteso allontanamento dall’elemento decisionistico, che rischia di non avere più un ruolo nell’ambito di una normalità dotata di una tale carica fondante.

3. L’idea di diritto che l’autore oppone sia alla norma che alla decisione è legata alla concretezza del contesto storico, in cui si situa per diventare ordinamento e da cui è possibile ricavare un nuovo nomos della Terra dopo il declino dello Stato-nazione.
Lo Schmitt che scrive negli anni del secondo conflitto mondiale ha ben presente la necessità di trovare un paradigma ermeneutico della politica in grado di contrastare gli esiti della modernità e individuare una concretezza che funga da katechon contro la deriva nichilistica dell’età della tecnica e della meccanizzazione – rappresentata sul piano dei rapporti internazionali dall’universalismo di stampo angloamericano.

Sulla scia delle suggestioni ricavate dall’istituzionalismo, il giurista è consapevole che solo la forza di elementi primordiali ed elementari può costituire la base di un nuovo ordine.
La teoria del nomos sarà l’ultimo nome dato da Schmitt alla genesi della politica, che ormai lontana dagli abissi dello “stato d’eccezione” trova concreta localizzazione nello spazio e in particolare nella sua dimensione tellurica: i lineamenti generali delle nuove tesi si trovano già in Terra e mare del 1942 ma verranno portati a compimento solo con Il nomos della terra del 1950.

Nel primo saggio, pubblicato in forma di racconto dedicato alla figlia Anima, il Nostro si sofferma sull’arcana e mitica opposizione tra terra e mare, caratteristica di quell’ordine affermatosi nell’età moderna a partire dalla scoperta del continente americano. La spazializzazione della politica, chiave di volta del pensiero del tardo Schmitt, si fonda sulla dicotomia tra questi due elementi, ciascuno portatore di una weltanschauung e sviscerati nelle loro profondità ancestrali e mitologiche più che trattati alla stregua di semplici elementi naturali. Il contrasto tra il pensiero terrestre, portatore di senso del confine, del limite e dell’ordine, e pensiero marino, che reputa il mondo una tabula rasa da percorrere e sfruttare in nome del principio della libertà, ha dato forma al nomos della modernità, tanto da poter affermare che «la storia del mondo è la storia della lotta delle potenze terrestri contro le potenze marine» (Terra e mare, 2011, p.18) . Un’interpretazione debitrice delle suggestioni di Ernst Kapp e di Hegel e che si traduceva nel campo geopolitico nel conflitto coevo tra Germania e paesi anglosassoni.

schmitt1.jpgLo spazio, cardine di quest’impianto teorico, viene analizzato nella sua evoluzione storico-filosofica e con riferimenti alle rivoluzioni che hanno cambiato radicalmente la prospettiva dell’uomo. La modernità si apre infatti con la scoperta del Nuovo Mondo e dello spazio vuoto d’oltreoceano, che disorienta gli europei e li sollecita ad appropriarsi del continente, dividendosi terre sterminate mediante linee di organizzazione e spartizione. Queste rispondono al bisogno di concretezza e si manifestano in un sistema di limiti e misure da inserire in uno spazio considerato ancora come dimensione vuota. È con la nuova rivoluzione spaziale realizzata dal progresso tecnico – nato in Inghilterra con la rivoluzione industriale – che l’idea di spazio esce profondamente modificata, ridotta a dimensione “liscia” e uniforme alla mercé delle invenzioni prodotte dall’uomo quali «elettricità, aviazione e radiotelegrafia», che «produssero un tale sovvertimento di tutte le idee di spazio da portare chiaramente (…) a una seconda rivoluzione spaziale» (Ivi, p.106). Schmitt si oppone a questo cambio di rotta in senso post-classico e, citando la critica heideggeriana alla res extensa, riprende l’idea che è lo spazio ad essere nel mondo e non viceversa. L’originarietà dello spazio, tuttavia, assume in lui connotazioni meno teoretiche, allontanandosi dalla dimensione di “datità” naturale per prendere le forme di determinazione e funzione del “politico”. In questo contesto il rapporto tra idea ed eccezione, ancora minacciato dalla “potenza del Niente” nella produzione precedente, si arricchisce di determinazioni spaziali concrete, facendosi nomos e cogliendo il nesso ontologico che collega giustizia e diritto alla Terra, concetto cardine de Il nomos della terra, che rappresenta per certi versi una nostalgica apologia dello ius publicum europaeum e delle sue storiche conquiste. In quest’opera infatti Schmitt si sofferma nuovamente sulla contrapposizione terra/mare, analizzata stavolta non nei termini polemici ed oppositivi di Terra e mare[2] quanto piuttosto sottolineando il rapporto di equilibrio che ne aveva fatto il cardine del diritto europeo della modernità. Ma è la iustissima tellus, «madre del diritto» (Il nomos della terra, 1991, p.19), la vera protagonista del saggio, summa del pensiero dell’autore e punto d’arrivo dei suoi sforzi per opporre un solido baluardo al nichilismo.

Nel nomos si afferma l’idea di diritto che prende la forma di una forza giuridica non mediata da leggi che s’impone con violenza sul caos. La giustizia della Terra che si manifesta nel nomos è la concretezza di un arbitrio originario che è principio giuridico d’ordine, derivando paradossalmente la territorialità dalla sottrazione, l’ordine dal dis-ordine. Eppure, nonostante s’avverta ancora l’eco “tragica” degli scritti giovanili, il konkrete Ordnung in cui si esprime quest’idea sembra salvarlo dall’infondatezza e dall’occasionalismo di cui erano state accusate le sue teorie precedenti.
Da un punto di vista prettamente giuridico, Schmitt ribadisce la sentita esigenza di concretezza evitando di tradurre il termine nomos con “legge, regola, norma”, triste condanna impartita dal «linguaggio positivistico del tardo secolo XIX» (Ivi, p.60). Bisogna invece risalire al significato primordiale per evidenziarne i connotati concreti e l’origine abissale, la presa di possesso e di legittimità e al contempo l’assenza e l’eccedenza. La catastrofe da cui lo ius publicum europaeum è nato, ossia la fine degli ordinamenti pre-globali, è stata la grandezza del moderno razionalismo politico, capace di avere la propria concretezza nell’impavida constatazione della sua frattura genetica e di perderla con la riduzione del diritto ad astratta norma. Ed è contro il nichilismo del Gesetz che Schmitt si arma, opponendo alla sua “mediatezza”, residuo di una razionalità perduta, l’“immediatezza” del nomos, foriero di una legittimità che «sola conferisce senso alla legalità della mera legge» (Ivi, p.63).

BIBLIOGRAFIA ESSENZIALE

AMENDOLA A., Carl Schmitt tra decisione e ordinamento concreto, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1999

CARRINO A., Carl Schmitt e la scienza giuridica europea, introduzione a C. SCHMITT, La condizione della scienza giuridica europea, Pellicani Editore, Roma, 1996

CASTRUCCI E., Introduzione alla filosofia del diritto pubblico di Carl Schmitt, Giappichelli, Torino, 1991

ID., Nomos e guerra. Glosse al «Nomos della terra» di Carl Schmitt, La scuola di Pitagora, Napoli, 2011

CATANIA A., Carl Schmitt e Santi Romano, in Il diritto tra forza e consenso, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1990, pp.137-177

CHIANTERA-STUTTE P., Il pensiero geopolitico. Spazio, potere e imperialismo tra Otto e Novecento, Carocci Editore, Roma, 2014

DUSO G., La soggettività in Schmitt in Id., La politica oltre lo Stato: Carl Schmitt, Arsenale, Venezia, 1981, pp.49-68

GALLI C., Genealogia della politica. Carl Schmitt e la crisi del pensiero politico moderno, Il Mulino, Bologna, 2010

LANCHESTER F., Un giurista davanti a sé stesso, in «Quaderni costituzionali», III, 1983, pp. 5-34

LÖWITH K., Il decisionismo occasionale di Carl Schmitt, in Marx, Weber, Schmitt, Laterza, Roma:Bari,1994

PIETROPAOLI S., Ordinamento giuridico e «konkrete Ordnung». Per un confronto tra le teorie istituzionalistiche di Santi Romano e Carl Schmitt, in «Jura Gentium», 2, 2012

ID., Schmitt, Carocci, Roma, 2012

PORTINARO P. P., La crisi dello jus publicum europaeum. Saggio su Carl Schmitt, Edizioni di Comunità, Milano, 1982

ROMANO S., L’ordinamento giuridico, Firenze, Sansoni, 1946

SCHMITT C., Die Diktatur, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia, 1921, trad. it. La dittatura, Laterza, Roma-Bari, 1975

ID., Politische Theologie. Vier Kapitel zur Lehre der Souveränität, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1922, trad it. Teologia politica. Quattro capitoli sulla dottrina della sovranità, in Le categorie del ‘politico’ (a cura di P. SCHIERA e G. MIGLIO), Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Verfassungslehre, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1928, trad. it. Dottrina della costituzione, Giuffrè, Milano, 1984

ID., Der Begriff des Politischen, in C. SCHMITT et al., Probleme der Demokratie, Walther Rothschild, Berlino-Grunewald, 1928, pp. 1-34, trad. it. Il concetto di ‘politico’. Testo del 1932 con una premessa e tre corollari, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Legalität und Legitimität, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1932, trad. it. Legalità e legittimità, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Über die drei Arten des rechtswissenschaftlichen Denkens, Hanseatische Verlagsanstaldt, Amburgo, 1934, trad. it. I tre tipi di pensiero giuridico, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Land und Meer. Eine weltgeschichtliche Betrachtung, Reclam, Lipsia 1942, trad. it. Terra e mare. Una considerazione sulla storia del mondo raccontata a mia figlia Anima, Adelphi, 2011

ID., Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum europaeum, Greven, Colonia 1950, trad. it. Il Nomos della terra nel diritto internazionale dello “ius publicum europaeum”, Adelphi, Milano, 1991

ID., Die Lage der europäischen Rechtswissenschaft, Internationaler Universitätsverlag, Tubinga, 1950, trad. it. La condizione della scienza giuridica europea, Pellicani Editore, Roma, 1996

NOTE:

[1] «Un termine apparentato ad un periodo storico: vale solo da Hobbes ad Hegel», come scrisse in una lettera a Norberto Bobbio, cfr. P. TOMMISSEN, introduzione a C. SCHMITT, Il concetto d’Impero nel diritto internazionale, Settimo Sigillo, Roma, 1996, p.6
[2] Ricchi altresì di significati simbolici espressi mediante le figure veterotestamentali del Leviathan e del Behemoth. Rovesciando l’impostazione hobbesiana, Schmitt sembra prediligere il secondo, mostro terrestre che in battaglia penetra nel territorio nemico anziché annientarlo come fa il soffocante Leviatano (Terra e mare, 2011, pp.18-19). L’analogia con lo scontro in atto tra Germania e paesi angloamericani è lampante (Chiantera-Stutte, 2014, pp.120-121).

dimanche, 06 mars 2016

La teoria del “nomos” in Carl Schmitt: la geopolitica come baluardo contro il nichilismo?

Ugo Gaudino

Ex: http://www.geopolitica-rivista.org

nomos,203,200_.jpgLa complessa produzione di Carl Schmitt, tanto affascinante quanto labirintica, ha dato un contributo fondamentale alla comprensione del nichilismo e ai processi di secolarizzazione e neutralizzazione che l’hanno provocato. Spinto da un’inesorabile volontà di esorcizzare la crisi e la negatività in cui stava precipitando la decadente Europa d’inizio Novecento, il giurista tedesco si confronta impavidamente con la “potenza del Niente” – esperienza cruciale per la comprensione di quell’epoca e per restare dentro alla filosofia, come ammonivano Jünger ed Heidegger in Oltre la linea –, tentando di opporre all’horror vacui soluzioni di volta in volta sempre più solide, concrete ed elementari, nel corso di un itinerario intellettuale lungo, tortuoso e per certi aspetti contraddittorio.

1. Intellettuale eclettico dalla penna sottile e dai molteplici interessi, nonché figura di primissimo piano tra i malinconici testimoni della crisi di un’epoca (quella dell’Europa degli Stati sovrani e della sua migliore creazione, il cosiddetto ius publicum europaeum), l’ambiguità di un personaggio definito non a torto ”la sfinge della moderna scienza giuspubblicistica tedesca” non pregiudica la grandezza della sua prestazione, frutto di una visione del mondo disincantata che tenta di addomesticare il caos senza pretendere di neutralizzarlo completamente.

Il nucleo propulsivo della produzione schmittiana sta nel suo essere situato nel contesto di crisi dell’Europa di inizio Novecento, tanto storico-politica quanto logico-teorica. In questa sede si cercherà di far chiarezza sul secondo aspetto, analizzando i tentativi dell’autore di far fronte alla crisi del razionalismo moderno e della mediazione tra Idea e Realtà. Di fronte alle minacciose lande aperte dal nichilismo, Schmitt non reagisce affidandosi a procedimenti antitetici e costruendo edifici metafisici ormai obsoleti nell’età della tecnica né tantomeno crogiolandosi nello spleen come molti intellettuali sedotti dal “Niente”: il giurista di Plettenberg cerca invece di forzare la crisi, di radicalizzarla risalendone alle origini, decostruendola e provando a cogliervi il momento genetico di nuovo, possibile ordine per l’Occidente decadente.

Di qui la prima fase del suo percorso, quella del “decisionismo”, primo tentativo di opposizione al nichilismo. Partendo dalla consapevolezza dell’origine contraddittoria della politica, basata sulla coappartenenza originaria di violenza e forma, Schmitt afferma l’innegabilità degli aspetti entropici e distruttivi della stessa. Tramontata ogni pretesa di mediazione definitiva tra ideale e contingente da parte della ragione, la politica resta in balìa di questa frattura genealogica, in una dialettica in cui la trascendenza dell’Idea non è mai ontologicamente piena ma permeata da un’assenza originaria, immersa nelle sabbie mobili del cosiddetto “stato d’eccezione” che rispetto all’ordine si pone come ombra ed eventualità che può rovesciarlo da un momento all’altro.

La via d’uscita per imporsi sull’eccezione è individuata nella “decisione”, che nasce dal Nulla e tenta di costruire un edificio politico-giuridico nonostante le basi estremamente fragili: l’eccezione, per quanto pericolosa, è realisticamente considerata necessaria per partorire e mantenere l’ordine. Una prospettiva agli antipodi delle utopie dei normativisti, i quali trascurano la possibilità che l’ordine possa auto-rovesciarsi e restano ciecamente aggrappati alla regola ignorando che essa vive “solo nell’eccezione”, come affermato in Teologia politica. Chi decide sullo “stato d’eccezione” è per Schmitt “sovrano”, inteso come colui che riesce a compiere il salto dall’Idea alla Realtà e che ha l’ultima parola su quelle situazioni liminali in cui l’ordinamento è minacciato da gravi crisi che possono sconvolgerne le fondamenta.

Per quanto suggestiva, la fase del decisionismo sembra eccessivamente legata alla categoria dello Stato moderno, di cui il giurista appare profondamente nostalgico (pur non essendo uno “statolatra” tout court come vorrebbero farlo apparire alcuni: lo Stato è soltanto un “bel male” prodotto dalla cultura europea onde evitare la dissoluzione delle guerre civili). Pertanto, vista la crisi dei “Leviatani”, cui Schmitt assiste in prima persona nell’agonizzante Repubblica di Weimar, le strade da percorrere per neutralizzare il “Niente” sono quelle che conducono a istanze pre-statali, sopravvissute alla crisi della razionalità moderna – di cui lo Stato era un prodotto – e nelle quali ricercare l’essenza del “politico” dopo il tracollo della statualità.

2. Si apre così la seconda fase del pensiero schmittiano, incentrata sulla teoria degli “ordini concreti”: questa, ancorandosi alla concreta storicità e spazialità, rappresenta un passo in avanti rispetto alla fluidità dello “stato d’eccezione” e un ponte di collegamento con le successive elucubrazioni sul nomos. Vanificata l’illusione statocentrica, Schmitt dirige la sua lente d’ingrandimento sulle Ortungen dei popoli, soggetti in grado di decidere sulla propria esistenza politica – e quindi sulla dicotomia “amico/nemico” – anche andando “oltre” lo Stato.

Così come l’essenza del politico è ricercata al di là dello Stato, anche il diritto è ormai slegato da questo, che ha perso definitivamente il monopolio della politica che Weber gli riconosceva: pertanto, riprendendo l’istituzionalismo di Maurice Hauriou e di Santi Romano, Schmitt arriva a sostenere che le norme non coincidono né con universali astratti né con decisioni sovrane ma costituiscono il prodotto di determinate situazioni storico-sociali e di contesti in cui si articola il corpo di una nazione. Questa evoluzione ordinamentalista è una tappa necessaria per la costruzione di un edificio giuridico svincolato dallo Stato e fondato sulla concretezza di una normalità non più dipendente dal prius della decisione – in quanto creata dal sovrano – ma preesistente nella prassi di un “io sociale” sedimentatosi col tempo intorno alle consuetudini e allo ius involontarium. La decisione finisce per essere assorbita completamente in “ordinamenti concreti” dai tratti comunitaristici, emotivi ed irrazionali che sembrano avvicinarsi di molto alla concezione del Volk propugnata dal nazionalsocialismo, con cui nel corso di questi anni Schmitt ebbe un rapporto controverso. Negli ultimi anni di Weimar, infatti, il giurista si era fermamente opposto ai movimenti estremisti che avrebbero potuto mettere in pericolo la vita pubblica del Reich, tanto da denunciare l’incostituzionalità del partito nazista nel 1930. Nell’ottica schmittiana, “custode” della Costituzione era solo il Presidente del Reich, il cui ruolo fu difeso strenuamente fino all’ascesa di Hitler. Allora, principalmente per ragioni di opportunismo legate alla carriera prima ancora che per presunte affinità ideologiche, diventò membro del partito, da cui comunque fu allontanato nel 1936, accusato di vicinanza ad ambienti reazionari, conservatori e non ariani da Alfred Rosenberg.

Nonostante la palese eterodossia di un cattolico romano che rifiutava tanto il razzismo biologico quanto il tracotante imperialismo di marca hitleriana (da cui diverge il suo concetto di Grossraum), è innegabile che Schmitt in quegli anni abbia tentato, invano, di rendere compatibili le sue idee con la dottrina nazionalsocialista. Di qui l’ambizioso proposito, contenuto nel saggio del 1934 Stato, movimento, popolo, di delineare un modello costituzionale per il Terzo Reich, visto come la possibile realizzazione del “ordine concreto” in cui l’unità è assicurata dalla combinazione di questi tre elementi – probabilmente anche con l’obiettivo di arginare gli eccessi del Führer. Tuttavia, queste analogie non fanno di Schmitt un Kronjurist ma dimostrano solo la volontà dell’autore di svincolarsi dall’apparato teorico ancora legato alla dimensione statale e la necessità di elaborare un novus ordo capace di fungere da baluardo per il nichilismo.
La valorizzazione delle coordinate spazio-temporali, l’esaltazione del popolo e dell’elemento terrigno, uniti ai saggi di diritto internazionale maturati nel corso degli anni Venti e Trenta non sono dunque da considerare come tratti apologetici del regime quanto piuttosto come preludio alla teoria del nomos e ad una nuova idea di diritto priva di caratteri astratti e legata alla concretezza degli eventi storici, in cui si situa per diventare ordinamento e si orienta per modellare un ambiente, non sottraendosi alla storicità e alla temporalità ma rappresentando anzi un fattore che li co-determina.

Una riflessione dai tratti fortemente geopolitici che sembra neutralizzare la “potenza del Niente” valorizzando l’elemento spaziale in cui collocare l’idea politica, ormai lontana dagli abissi dello “stato d’eccezione”.

3. Il termine nomos viene impiegato nel suo senso originario e ricondotto alla prima occupazione di terra e a quelle attività pratico-sociali di appropriazione, divisione e sfruttamento della medesima. Il diritto è quindi unità di ordinamento e localizzazione (Ordnung und ortung) che non nasce con strumenti razionali ma neppure dalla decisione quanto dalla conquista del territorio: nella terra è situato il nesso ontologico che collega giustizia e diritto.

1a88f221e2fe7df09f12f25e91dff6f8_w600_h_mw_mh_cs_cx_cy.jpgDi qui la necessità avvertita dal giurista esperto del mondo classico di recuperare l’etimologia autentica del termine νεμειν, che si articola in tre significati: “prendere, conquistare” (da cui i concetti di Landnahme e Seenahme, sviluppati in Terra e mare nel ’42); “dividere, spartire”, ad indicare la suddivisione del terreno e la conseguente nascita di un ordinamento proprietario su di esso; “pascolare”, quindi utilizzare, valorizzare, consumare. Soffermandosi sulla genesi della parola nomos Schmitt vuole restituirle la “forza e grandezza primitiva” salvandola dalla cattiva interpretazione datale dai contemporanei, che l’hanno “ridotta a designare, in maniera generica e priva di sostanza, ogni tipo di regolamentazione o disposizione normativistica”, come afferma polemicamente ne Il nomos della terra, pubblicato nel 1950 e summa del suo pensiero giuridico e politico. L’uso linguistico di “un’epoca decadente che non sa più collegarsi alle proprie origini” funzionalizza il nomos alla legge, non distinguendo tra diritto fondamentale e atti di posizione e facendo scomparire il legame con l’atto costitutivo dell’ordinamento spaziale.

Bersaglio di Schmitt è il linguaggio positivistico del secolo XIX che in Germania aveva reso nomos con Gesetz, ossia legge, errore d’interpretazione ricondotto all’abuso del concetto di legalità tipico dello Stato legislativo centralistico. Il nomos indica invece la piena immediatezza di una forza giuridica non mediata da leggi, di un atto di legittimità costitutivo che conferisce senso alla legalità delle stesse, di una violenza non indiscriminata né indeterminata ma ontologicamente ordinatrice. Il riferimento al celebre frammento 169 di Pindaro sul nomos basileus e al nomos sovrano in Aristotele non fanno che rinforzare la tesi secondo cui la dottrina positivistica, malgrado l’ammonimento degli esponenti della scuola “storica” come Savigny, sarebbe rimasta intrappolata nel quadro nichilistico del suo tempo, da cui Schmitt tenta di uscire riallacciandosi a quegli elementi primordiali che rappresentano una risorsa simbolica fondamentale, da cui l’uomo nasce e a cui s’aggrappa per organizzare la sua vita. Assumendo la piena consapevolezza di essere “animali terrestri” si cerca di evitare la disgregazione dell’epoca contemporanea.

4. Partendo dalla terra, che salva dall’oblio filosofico, coadiuvato da Heidegger e Junger, lo Schmitt di Terra e mare e de Il nomos della terra ritorna alla dimensione ctonia e tellurica dell’individuo, ripercorrendo la storia del mondo e armandosi contro due minacce che rappresentano facce della stessa medaglia: da un punto di vista metafisico il nichilismo della tecnica, che ha prodotto la drastica separazione tra ordinamento e localizzazione, eliminando le differenze e trasformando il nomos in legge, si rispecchia geopoliticamente nell’universalismo di stampo angloamericano, che con la sua weltanschauung utopistica ha provocato la dissoluzione dello ius publicum europaeum, cardine dell’ordine politico dell’Europa moderna.

È opportuno segnalare che questa teoria non riposa su basi radicalmente antitetiche rispetto alle elaborazioni precedenti: l’idea di Giustizia che si manifesta nel nomos è ordine che si rende visibile attraverso il disordine, presa di possesso, recinzione e nel contempo esclusione, radicamento nello sradicamento. L’ultimo Schmitt, in altre parole, traduce in termini spaziali i concetti chiave elaborati negli anni ’20. La sovranità, collocata in precedenza nel tempo concreto della modernità come epoca dell’eccezione ma ancora in uno spazio astratto, ora si radica intensamente nella concretezza spaziale e più precisamente nel vecchio continente. In seguito alla prima rivoluzione spaziale moderna, con l’irruzione sulla scena storica del mare (spazio liscio, vuoto, anomico) e con la scoperta e l’occupazione dell’America prende forma l’ordine europeo degli Stati: il nuovo nomos è riorganizzazione dello spazio, rivolgimento, rivoluzione.

Così come lo Stato moderno non espunge davvero da sé il caos, ma ne è anzi attraversato e continuamente ferito, il nuovo ordine moderno prende forma confinando questo disordine al di fuori di sé, nello spazio extraeuropeo, ma mai cercando di neutralizzarlo in via definitiva.


2347592565.jpgL’irrazionalità della guerra viene dunque confinata nelle amity lines del mare mentre sul suolo continentale, a mo’ di razionalizzazione effettiva del sacrificio, resta la guerre en forme tra Stati che si riconoscono reciprocamente come sovrani e che non mirano all’annichilimento o alla criminalizzazione del nemico. Una delle maggiori conquiste del diritto pubblico europeo è stata infatti la limitazione della guerra (Hegung des Krieges) e la trasformazione dal bellum iustum delle guerre civili di religione in conflitti “giusti” tra pari, tra hostes aequaliter iusti. Quest’atto di contenimento non è stato frutto delle ideologie razionalistiche, bensì della particolare condizione di equilibrio di cui l’Europa moderna ha goduto fino al 1914. Un assetto fondato non solo sulla dialettica vecchio/nuovo mondo – strumentalizzata da Schmitt, secondo alcuni, per difendere l’imperialismo e il colonialismo europeo -, ma anche sul rapporto tra terraferma e libertà del mare che ha fatto in primis le fortune dell’Inghilterra, che ha scelto di diventarne “figlia” trasformando la propria essenza storico-politica ed arrivando a dominare lo spazio liscio e uniforme.

Ma è nello stesso humus culturale anglosassone che le logiche di neutralizzazione passiva proliferano: il culto del razionalismo, ignaro d’eccezione e di localizzazioni e che tutto uniforma con i suoi sterili meccanismi, che impone la soppressione degli elementi irrazionali ignorando che l’Es, per citare un celebre Freud, prima o poi riesploderà in forme ancor più brutali. Torna infatti la iusta bella, che mira al totale annientamento del nemico, rappresentato stavolta dai soggetti che non si piegano al mondialismo informe e ad una condizione “utopica” che in realtà è guerra civile globale: lo sradicamento dell’u-topos conduce alla deterritorializzazione, che è perdita del nomos in quanto orientamento e ricaduta nel vortice nichilistico che l’ottimismo positivista cercava di esorcizzare con l’uso astratto della ragione.

Ciò che Schmitt cerca di affermare, pertanto, è che solo assumendo consapevolmente la propria origine abissale, la negatività di base e la possibilità della fine inscritta in sé stesso un ordinamento può sperare di sottrarsi al nichilismo: lo ius publicum europaeum ha perduto concretezza trasformando il nomos in astratta legge globale ed abbracciando ideologie internazionaliste e pacifiste che hanno solo gettato il continente in conflitti drammatici e devastanti. Facendogli perdere, inoltre, la sua specificità ed inglobandolo in quella nozione di Occidente tanto indeterminata quanto adatta per un’epoca in cui l’ordine politico sembra esser stato ingabbiato dai gangli del Niente.

Bibliografia essenziale

AMENDOLA A., Carl Schmitt tra decisione e ordinamento concreto, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1999
CASTRUCCI E., Nomos e guerra. Glosse al «Nomos della terra» di Carl Schmitt, La scuola di Pitagora, Napoli, 2011
CHIANTERA-STUTTE P., Il pensiero geopolitico. Spazio, potere e imperialismo tra Otto e Novecento, Carocci Editore, Roma, 2014
GALLI C., Genealogia della politica. Carl Schmitt e la crisi del pensiero politico moderno, Il Mulino, Bologna, 2010
PIETROPAOLI S., Schmitt, Carocci, Roma, 2012
SCHMITT C., Politische Theologie. Vier Kapitel zur Lehre der Souveränität, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1922, trad it. Teologia politica. Quattro capitoli sulla dottrina della sovranità, in Le categorie del ‘politico’ (a cura di P. SCHIERA e G. MIGLIO), Il Mulino, Bologna, 1972
ID., Verfassungslehre, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1928, trad. it. Dottrina della costituzione, Giuffrè, Milano, 1984
ID., Der Begriff des Politischen, in C. SCHMITT et al., Probleme der Demokratie, Walther Rothschild, Berlino-Grunewald, 1928, pp. 1-34, trad. it. Il concetto di ‘politico’. Testo del 1932 con una premessa e tre corollari, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972
ID., Land und Meer. Eine weltgeschichtliche Betrachtung, Reclam, Lipsia 1942, trad. it. Terra e mare. Una considerazione sulla storia del mondo raccontata a mia figlia Anima, Adelphi, 2011
ID., Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum europaeum, Greven, Colonia 1950, trad. it. Il Nomos della terra nel diritto internazionale dello “ius publicum europaeum”, Adelphi, Milano, 1991
VOLPI F., Il nichilismo, GLF editori Laterza, Roma, 2009

lundi, 15 février 2016

Comment le désir d'émancipation libérale est porteur d'un système post-totalitaire

delsol-chantal-assouline.jpg

Comment le désir d'émancipation libérale est porteur d'un système post-totalitaire

Entretien avec Chantal Delsol

Ex: http://www.atlantico.fr

Dans son dernier livre, la Haine du monde, Chantal Delsol explique comment l'Occident postmoderne mène une croisade contre la réalité du monde au nom de l'émancipation totale.

Chantal Delsol, philosophe, membre de l'Institut, poursuit une oeuvre majeure à la croisée de la métaphysique et du politique. Elle est l'auteur de nombreux ouvrages aux éditions du Cerf dont "Le Nouvel âge des pères" (2015), "Les pierres d'angles" (2014) et "L'âge de renoncement" (2011).

Atlantico : Selon vous, la volonté d'émancipation par le communisme, ou celle de la période de la Terreur, venait d'en haut. Elle était imposée par l'Etat, alors qu'aujourd'hui elle est individualisée. Cette nouvelle forme de l'émancipation est-elle meilleure ou pire ? Pour quelles raisons ?

Chantal Delsol : Meilleure ou pire tout dépend selon quels critères. La terreur est ce qu’il y a de pire, et quand on pense à ce qu’ont subi les sujets des totalitarismes on aurait honte de comparer à quoi que ce soit. Cependant il faut préciser une chose : la terreur détruit les vies et les existences, mais en semant des martyrs elle sème aussi la résistance et la ferveur : les militants des droits de l’homme écrivent en cachette, les prêtres disent la messe dans les caves. Mais la dérision détruit beaucoup plus surement, ce peut être une sorte d’acide sur lequel l’herbe ne repousse plus.

Pour lutter contre la terreur il faut être courageux, pour lutter contre la dérision il faut être intelligent et profond : il faut carrément retourner aux racines – c’est plus difficile et cela confère à la dérision une plus grande force de frappe.

Cette recherche d'une émancipation plus personnelle n'est-elle pas due au fait que les "simples" citoyens ne croient plus au politique et aux élites, dont ils se sentent déconnectés?

C’est dû à l’individualisme en général. Et au dégoût de l’oppression étatique et idéologique après ce qui s’est passé au XX° siècle. Personne n’acceptera plus de devenir le pion d’un système. Mais les mêmes finalités doivent être obtenues individuellement. L’un des exemples les plus intéressants est l’ « eugénisme libéral », qui nous montre que finalement ce que l’on reprochait à Hitler ce n’était pas l’eugénisme, mais le fait que cet eugénisme venait de l’Etat – puisque nous le justifions aujourd'hui quand il est individuel. Ce raisonnement date d’ailleurs de la période révolutionnaire. Par exemple, on le trouve chez Sade (dans Français encore un effort…) quand il délégitime la peine de mort parce qu’elle vient de l’Etat, et la justifie quand elle est le fruit du désir individuel…

Notre volonté d'émancipation est-elle finalement plus destructrice que créatrice ? Dans certains cas, n'exprime-t-elle pas une forme de négation coupable, ou en tout cas dangereuse, de la réalité ? Lesquels ?

L’émancipation est évidemment constructrice : comment peut-on nier par exemple que l’abolition de l’esclavage par les sociétés occidentales était constructrice de civilisation ? Mais l’émancipation commence à engager des destructions quand elle récuse la notion même de limite, quand elle se déploie sans réfléchir. Je pense qu’il y a là une négation de la réalité parce qu’une réalité résiste : une réalité anthropologique et morale que nous ne pouvons pas évincer. L’être humain ne peut pas devenir n’importe quoi, la différenciation du bien et du mal, non plus (sinon nous ne serions pas si horrifiés devant les destructions totalitaires). Tout n’est pas possible !

Sans pointer bêtement du doigt une catégorie de la population en particulier, qui est à l'origine de cette négation de la réalité ?

D'une manière générale, les courants qui récusent l’existence d’une anthropologie et d’une morale qui nous précèdent et nous dépassent. C’est à dire les pensées de la déconstruction en philosophie, en littérature, en art, et en politique une grande partie des courants de gauche. C’est extraordinaire de détester la réalité à ce point. Nous avons vu tout le long du XXe siècle les désastres humains qui se produisent quand on dit « tout est possible », et il y a des courants qui continuent à croire que tout est possible.

C’est le sujet de mon livre.

Pourtant nous souffrons d'une vacuité du symbolique. Alors comment ré-enchanter le monde sans tomber dans l'écueil du progressisme aveugle que vous dénoncez ? 

Il ne faut pas croire que la vacuité du symbolique dont vous parlez peut trouver une réponse dans je ne sais quelle nouvelle construction. On ne ré-enchante pas le monde parce qu’on le décide ! D'ailleurs je ne vois pas en quoi « ré-enchanter le monde » nous ferait tomber dans le progressisme aveugle… Le phénomène de refus de la réalité que je décris, est à la fois vide de symbolique (dans son matérialisme par exemple), et aussi créateur de certains ré-enchantements (par le retour aux mythes, dans j’ai parlé dans L’âge du renoncement)…

Peut-on parler d'une nouvelle génération plus "rebelle" et défiante, ou d'un contexte qui rend cette demande de rupture plus forte ?

Les générations qui viennent sont capables de répondre à ces destructions dont je parle. Elles ont compris qu’il fallait retourner aux fondements pour lutter contre la dérision. Je suis frappée par leur courage et leur détermination. Ma génération, qui est celle de Mai 68, n’est pas aussi sympathique ! Elle est tombée tout entière dans les idéologies les plus violentes et n’a jamais assumé ses convictions meurtrières. Nous avons des enfants qui ne nous ressemblent pas et c’est une bonne chose.
Les générations qui viennent sont capables de répondre à ces destructions dont je parle. Elles ont compris qu’il fallait retourner aux fondements pour lutter contre la dérision. Je suis frappée par leur courage et leur détermination. Ma génération, qui est celle de Mai 68, n’est pas aussi sympathique ! Elle est tombée tout entière dans les idéologies les plus violentes et n’a jamais assumé ses convictions meurtrières. Nous avons des enfants qui ne nous ressemblent pas et c’est une bonne chose.

Livre: La haine du monde de Chantal Delsol

chantal_delsol_iafrate.jpg

Livre: La haine du monde de Chantal Delsol
 
Directeur de l'Institut Clisthène et doctorant en philosophie politique
Ex: http://www.bvoltaire.fr

9782204108065-56a237361d263.jpg« Éduque- les, si tu peux » : c’est par ces mots de Marc-Aurèle que Chantal Delsol concluait son ouvrage sur le populisme, enjoignant nos gouvernants au respect de l’enracinement, et le peuple à élever prudemment son regard. La Haine du Monde, son dernier essai, poursuit cette réflexion sur la modernité tardive, nous éduquant à notre tour.

En fin de compte, nous dit-elle, le conflit intellectuel que nous traversons oppose les démiurges aux « jardiniers ». Tandis que les premiers espèrent « transfigurer le monde », ces derniers « l’aiment et le cultivent ».

Les démiurges sont les enfants du siècle des Lumières. Ils s’activent pour émanciper l’homme des particularismes – des « emprises », diraient-ils – familiaux, religieux, communautaires, nationaux ou culturels. Ainsi Chantal Delsol pense-t-elle que ces démiurges sont emportés par un désir identique à celui des communistes du XXème siècle. Mais la modernité tardive réussit son « œuvre d’arrachement au monde » là où le communisme avait échoué.

La dérision est en effet aujourd’hui préférée à la terreur. Delsol évoque Sade, qui susurrait déjà aux oreilles des révolutionnaires d’user d’une telle subversion, dans son pamphlet Français, encore un effort pour être républicains (1795). A quoi bon user de balles ou de guillotines quand il suffit de tourner l’ancien monde en ridicule pour mieux l’abattre ? Ainsi notre société est-elle devenue sadique, détruisant ses fondements dans un gigantesque éclat de rire.

Indéniablement, nous aurions tort de penser que la seule récusation de la terreur « suffirait à nous débarrasser des totalitarismes ». La violence prend de nouvelles formes car, à trop arracher l’humanité au monde, nous nous isolons les uns des autres : « l’isolement est la conséquence du refus des particularités ». Privés de nos particularités qui nous constituent, nous n’avons jamais été autant livrés à nous-mêmes.

Certains refusent de le voir et en veulent davantage. Persuadés de leur supériorité, les chantres de l’émancipation croient être – comme ceux des totalitarismes d’hier – un aboutissement. Se plaçant à la fin de l’histoire, ils voudraient maintenant nier le tragique de l’existence humaine. Le trans- ou post-humanisme, « dernière phase de l’émancipation totale à laquelle nous convie la modernité », veut en finir avec la finitude de l’existence. Il est un rêve d’immortalité.

Chantal Delsol ne peut accepter une telle naïveté : « Nous ignorons si [ce monde post-humain] se réalisera ; mais nous savons déjà que même s’il se réalisait, il ne tiendrait pas ses promesses qui sont en réalité des feintes ». Car cette démesure est un u-tupos, une « image sans lieu ».

Ainsi est-ce justement le sens du lieu, donc du particularisme, de la limite et de la mesure, qu’il importe de retrouver. Car « l’homme ne peut devenir singulier et accéder à l’universel que s’il est d’abord et en même temps particulier ». Aussi impatiente qu’arrogante, la modernité tardive, elle, n’est qu’universalisme.

Et, comme souvent, c’est dans les actions simples que nous trouvons la trace d’un absolu : « le jardinier qui travaille sous ma fenêtre ne cherche pas l’efficacité, nous explique Chantal Delsol, mais la fécondité. Il n’est pas un romancier, il n’est pas installé là pour créer un monde, mais pour parfaire celui qu’il a trouvé en arrivant ». Cet essai est une leçon, disions-nous.