Introduction
Troxler était un véritable citoyen. Dans tous les domaines où il a exercé, que ce soit comme médecin, philosophe, pédagogue ou comme homme politique, il ne s’est pas arrêté à la théorie, mais s’est consacré à la pratique, à la mise en activité. «Ressentir sans agir, c’est ne vivre qu’à moitié»,2 tel était le credo auquel il s’est conformé toute sa vie. Il était profondément convaincu du fait que l’accomplissement de l’être humain résidait dans l’alliance entre la vie contemplative et la vie active (Vita contemplativa et Vita activa) dans le sens de leur utilisation pour le «Bonum commune», le bien public.
En conséquence de cet état d’esprit, Troxler ne fut jamais un «intellectuel de salon», mais il connut dans sa chair, à cause de ses opinions politiques, la fuite et l’exil avec les siens. Par deux fois, il perdit des postes prometteurs. Il aurait pu se tenir tranquille et se consacrer à sa carrière académique. Il ne put cependant agir autrement, intervint courageusement dans les débats politiques de son temps et remit tout en jeu. Qu’il ait pu malgré tout réussir à trouver tout de même le temps et l’endroit propices à l’indispensable concentration nécessaire à la rédaction d’un livre ou de ses nombreux articles, est extraordinaire! Troxler y parvint grâce au soutien de sa femme et à un large réseau de contacts en Suisse et en Europe. Il aurait certainement désiré écrire davantage et avait constamment de nombreux projets de livres en tête. Dès qu’il posait des réflexions sur le papier, cela attirait l’attention des spécialistes en la matière et des hommes politiques, stimulant les discussions et les recherches approfondies. Troxler ne pouvait que très rarement compter sur la solidarité universitaire et le soutien de ses pairs, mais il réussit pourtant toujours à mener à bien ses projets littéraires – comme par exemple la «Doctrine philosophique du droit» – même si cela n’était toutefois pas au niveau ni à la mesure souhaités. C’est donc méconnaître les circonstances de son existence et le contexte historique de son temps que de lui reprocher «superficialité» et «partialité».3
Troxler était croyant, chrétien et catholique et défendait avec la plus grande véhémence le progrès démocratique. Il est difficile de le catégoriser sur le plan politique. Les uns ne voient en lui que le démocrate radical et méconnaissent ou ignorent ses liens avec le conservatisme, les autres le rangent parmi les conservateurs en ignorant ses aspirations au progressisme. Troxler était sans aucun doute une personnalité qui plaçait la liberté individuelle au centre de ses réflexions, sans pour cela abandonner ses convictions chrétiennes. Dans sa conception de l’humanité, il alliait christianisme et modernisme au sein du droit naturel dans sa quête de la vérité. Certains de ses professeurs et de ses compagnons de route avaient formé et influencé ces opinions.
Importance du catholicisme réformateur
Troxler accomplit ses études supérieures au Lyzeum de Lucerne. C’est là que deux enseignants le marquèrent particulièrement, Franz Regis Krauer (1739–1806) et Thaddäus Müller (1763–1826), tous deux adeptes du catholicisme éclairé et de la réforme de l’Eglise, soulignant l’importance d’un enseignement et d’une éducation moderne.
En 1756, Krauer avait rejoint l’Ordre des Jésuites et était devenu en 1769 professeur de rhétorique et de poésie des deux classes terminales du collège des jésuites de Lucerne. Bien que l’ordre des Jésuites ait été supprimé en 1773, Krauer enseigna presque jusqu’à sa mort dans le collège entretemps nationalisé. En tant que représentant du catholicisme réformateur, il prit la défense d’une école moderne, et avec le concours de Joseph Ignaz Zimmermann participa à la rénovation des cours d’allemand et de littérature. Il était également en contact avec son frère Nivard Krauer, dont la renommée de pionnier de la réforme de l’enseignement populaire au cloître Saint-Urban, était grande. Ce dernier était devenu directeur de la première école normale de Suisse.4 Saint-Urban et l’influence qu’il exerçait, provoquèrent en Suisse – à l’encontre de la perception historique courante – un «grand bond en avant de l’éducation» des catholiques.5
De 1789 à 1796, Müller enseigna la rhétorique au Gymnase et au Lycée de Lucerne, puis devint de 1796 à 1826 curé de cette même ville et pendant un certain temps, commissaire épiscopal. C’était également un représentant du catholicisme réformateur, perçu comme un adepte convaincu de la République helvétique. Müller s’engagea intensément dans la mise en œuvre des réformes religieuses du vicaire général de Constance Ignaz Heinrich von Wessenberg. Dans tout le canton de Lucerne et au-delà, il jouissait d’un grand respect et fut en 1810 cofondateur de la Schweizerische Gemeinnützige Gesellschaft, la Société suisse d’utilité publique.6
Dans cet environnement stimulant, Troxler se façonna une conception de l’homme et du monde définissant la science dans une perspective républicaine-démocratique, au service d’une humanité chrétienne et selon l’esprit de liberté. Cela donna, sur le modèle de Krauer et Müller, une grande importance à l’éducation et à la formation. Durant toute sa longue existence et allant totalement dans le sens du catholicisme réformateur, Troxler en appela toujours à la tolérance religieuse. Ainsi en 1841, pendant les conflits constitutionnels à Lucerne, déplora-t-il qu’on veuille avec la nouvelle Constitution exclure les non-catholiques de la citoyenneté cantonale. Une telle intolérance «détruit le lien tissé entre les deux communautés chrétiennes par la paix religieuse et exclut comme des pestiférés – selon l’expression de l’un des Suisses parmi les plus nobles – les confédérés protestants des autres cantons de la citoyenneté et des droits cantonaux et locaux des ‹catholicisés›».7
Cette «furie de la discorde» est une «destruction peu chrétienne et inhumaine de la plus haute liberté individuelle – la liberté des cultes et de la conscience».8
Troxler – l’Helvétique sceptique
Dans ses jeunes années, Ignaz Paul Vital Troxler avait accueilli avec enthousiasme les idées de la Révolution française – notamment grâce à l’enseignement de ses professeurs à Lucerne. Il était convaincu qu’après les transformations suite à la République helvétique de 1798, on en viendrait, en Suisse aussi, à la révolution. C’est ainsi qu’il interrompit ses études et se mit au service de l’Etat helvétique en tant que secrétaire du sous-gouverneur d’un arrondissement lucernois. Mais bientôt, les exactions de l’armée française et sa propre impuissance dégrisèrent le jeune fonctionnaire. Troxler quitta son service et partit étudier à Iéna. Cette première expérience politique resta pour lui marquante. D’une part, il s’en tenait fermement aux idées de la Révolution française et à son éveil à la liberté, d’autre part, les vicissitudes et l’arbitraire de la politique le remplissaient d’«horreur et de dégoût».9
Au cours des décennies suivantes, Troxler développa les prémisses d’une philosophie du droit et d’une philosophie de l’Etat. Il s’agissait de relier les traditions démocratiques (pré-)helvétiques avec les résultats de la Révolution française, et donc au droit naturel moderne et au principe de souveraineté du peuple. Désormais, la maxime favorite de Troxler était de mettre ces théories en pratique, ce à quoi il se consacra avec intransigeance et combativité.
En 1814, il soutint l’opposition à la réintroduction des principes aristocratiques à Lucerne. Il y développa un concept politique qu’il adaptait et affinait en permanence, et chercha à argumenter de façon théorique. Il rédigea ainsi une supplique, lança une pétition populaire et encouragea la résistance par la base. Pour Troxler, l’implication populaire à grande échelle était essentielle. Au cours des années qui suivirent, il agit toujours de la même façon et soutint l’organisation d’assemblées publiques rurales pour concrétiser l’initiative politique. Troxler fut l’un des premiers en Suisse à exiger l’élection d’un Conseil constitutionnel, donc d’une réunion constituante dans le cadre d’un bouleversement politique. En aucun cas, le pouvoir législatif en poste (à Lucerne le Grand Conseil) qui, dans de nombreux cantons restaurés avait été désigné en partie de façon indirecte et au moyen d’un mode de suffrage manquant d’égalité (suffrage censitaire), ne devait élaborer une nouvelle Constitution. Il fallait laisser à de nouvelles forces politiques la possibilité de se faire élire au Conseil constitutionnel par un vote direct sans inégalités dans l’éligibilité des citoyens afin de lancer un renouveau cantonal. L’objectif était de mettre sous pression à la fois le gouvernement cantonal et le Parlement. Le Conseil constitutionnel élu ne pouvait cependant pas siéger dans le secret et de manière cloisonnée, mais devait donner à la population la place nécessaire pour susciter des propositions et des souhaits au sein du processus constitutionnel par le biais des pétitions. Dans plusieurs cantons, on réussit à développer ce processus politique et à finaliser avec lui des expériences fondamentales pour les débats démocratiques à venir.10
Troxler apporta ainsi une contribution importante à une culture politique reliée consciemment aux traditions helvétiques, tels que le principe coopératif et la «landsgemeinde». Il parlait à ce propos du «sens d’une confédération éternelle, comme les vrais confédérés l’ont décrite»11 et posait ainsi les bases intellectuelles et pratiques du développement ultérieur de la démocratie directe. Parallèlement, il s’impliquait avec force en faveur de la liberté de la presse, laquelle devait offrir la garantie de faciliter les luttes politiques dans l’espace public. Il rédigeait – en partie sous couvert d’anonymat – presque continuellement des articles pour les quotidiens et les hebdomadaires suisses, des pamphlets et des articles scientifiquement argumentés pour les journaux.12
En conséquence de son engagement politique, Troxler fut plusieurs fois contraint à l’exil dans le canton d’Argovie, plus libéral. A partir de 1823, c’est là qu’en plus de son cabinet médical, il se consacra bénévolement à l’enseignement au sein du «bürgerlicher Lehrverein», la société d’enseignement citoyen. Il dispensait aux élèves et aux étudiants, les «camarades d’enseignement» les connaissances théoriques aussi bien que l’indispensable mise en pratique. On prit de plus en plus conscience des fruits de son activité pédagogique et politique quand, en 1830, il fut nommé à la chaire de philosophie de l’Université de Bâle. A l’époque des transformations politiques de la Régénération après 1830, plusieurs parmi les quelques 200 camarades d’enseignement jouèrent un rôle central. Ils posèrent les fondements républicains pour la Suisse et en consolidèrent les structures démocratiques. Troxler soutint à Bâle – selon ses convictions politiques – la légitimé des prérogatives de Bâle-Campagne par rapport à Bâle-Ville. Ce fut l’un de ses anciens élèves qui lança le débat dans le demi-canton de Bâle-Campagne. Son engagement en faveur de la liberté et de la démocratie lui coûta une fois de plus ses fonctions d’enseignant. De nouveau exilé en Argovie, il s’engagea par la suite en faveur des mouvements révolutionnaires dans divers cantons, dont Lucerne. Là, il soutint, selon ses idées politiques et «animé du sens de la liberté et de l’esprit de coopération lesquels sont innés dans chaque âme suisse»,13 l’organisation des réunions populaires et la rédaction de pétitions et exigea, dans ses articles journalistiques et dans des tracts, un Conseil constitutionnel librement élu.14
Troxler ne voulait cependant pas limiter la volonté de changement au seul niveau cantonal et s’était depuis longtemps déjà attelé à la révision du Pacte fédéral et à la création de l’Etat fédéral. Il le basait sur son concept de la démocratie (cf. ci-dessous) qu’il perfectionna au cours des années 1830. Selon lui, il était essentiel de renforcer les droits du peuple afin d’établir une démocratie «pure» et une «véritable souveraineté populaire».15
Après sa nomination à l’Université de Berne en 1839, Troxler ne représenta plus la modernité, professa une philosophie anti-hégélienne, fut de plus en plus ignoré par ses collègues et ne s’exprima plus que rarement en public.
Cependant, lors du renouvellement de la Confédération de 1848, il intervint une fois encore de façon décisive dans les débats. Troxler défendait depuis longtemps déjà l’idée d’un Etat fédéral doté d’un bicamérisme sur le modèle des Etats-Unis. Son ouvrage à ce sujet «La Constitution des Etats-Unis d’Amérique du Nord, un modèle pour la réforme fédérale suisse»16 fut diffusé par l’un de ses anciens élèves lors de la consultation décisive de la commission compétente. Pour Troxler, il s’agissait d’un compromis entre la souveraineté cantonale et le gouvernement central sur le modèle helvétique, donc entre la Confédération et l’Etat unitaire: «On doit partir de l’idée d’une Confédération négociant entre les deux extrêmes, celui d’un Etat fédéral avec un rapport organique entre l’indépendance cantonale et la dépendance fédérale».17 Cette idée devint réalité, et Troxler marqua ainsi également l’Etat fédéral suisse de son empreinte.
Le droit naturel, une pierre angulaire
Troxler relia sa philosophie du droit et de l’Etat au droit naturel. En 1816, il publia à Aarau une nouvelle revue, Das Schweizerische Museum [le Musée suisse]. Certes, la revue ne perdura pas plus de deux ans, mais elle fut tout à fait fondamentale pour Troxler concernant son débat avec la République helvétique. Il y publia lui-même des traités de philosophie du droit et de l’Etat relatifs à des sujets tels que «L’idée de l’Etat et la nature de la représentation populaire», «Sur la liberté de la presse en général et en relation particulière avec la Suisse» ainsi que «Sur les notions fondamentales du système de représentation».18
Ces textes, au centre desquels se trouve l’idée de liberté, furent considérés comme un manifeste important du pré-libéralisme. La liberté d’esprit absolue, dont dérive tout le reste, représentait pour Troxler le «droit fondamental» majeur, et donc, la liberté de la presse avait un rôle éminent. A l’époque, il écrivit dans une lettre: «La liberté de la presse est, pour l’instant, comme vous le trouverez vous aussi, ce qu’il y a de plus important. Si nous la conquérons, nous aurons tout gagné».19 Les articles de Troxler dans le Schweizerisches Museum étaient pour celui-ci autant de références servant de base à l’une de ses œuvres maîtresses. Ce traité, la «Doctrine philosophique du droit de la nature et de la loi en prenant en compte les hérésies du libéralisme et de la légitimité»,20 rattache le droit naturel aux valeurs éthiques du christianisme.
Dans la préface, Troxler décrit ce qui l’a poussé à rédiger ce texte: «Depuis des années, je suis fortement attiré par le processus du développement humain au sein de l’Etat – pas juste l’Etat per se.»21 Il définit sa position philosophique, conformément à son sous-titre, par des principes, «tout aussi éloignés de ceux exposés dans le Contrat social de notre Rousseau, que de ceux qu’on peut trouver chez notre Haller».22 Troxler veut tracer par là «une sorte de ligne médiane» et n’a aucun scrupule à se placer «dans l’indépendance et l’impartialité, dans le patriotisme et l’enthousiasme pour la liberté à côté des penseurs cités».23
Dans son introduction, Troxler met en évidence qu’il interprète le droit naturel d’une manière anthropologique:
«La doctrine philosophique exige à bon droit et selon sa nature, une loi intérieure, laquelle détermine d’elle-même, hors de toutes les conditions prérequises, sans facteurs limitants, ce qui est juste et injuste.»24
Et plus loin:
«Cette loi doit être une loi naturelle, mais puisque dans notre mission l’homme est son propre sujet, il ne peut y avoir une autre loi naturelle, que celle venant de la nature humaine et se rapportant à elle. Tout homme doit porter en lui-même cette loi (telle une loi morale).»25
Troxler parle à ce propos de l’«état de nature légal de la personne humaine» et d’une législation interne à l’être humain, qu’il assimile à la conscience. Pour lui, la doctrine philosophique du droit «est équivalente au droit rationnel ou au droit naturel».26
La doctrine du droit s’impose dans l’Etat, non pas comme une simple idée ou un idéal flou, mais comme une véritable loi de la nature, orientant et réformant toute la législation positive en tout temps et en tout lieu. Le droit positif a ainsi besoin d’un fondement sur le droit naturel. Pour Troxler, cette relation était fondamentale et il s’opposait à l’absolutisme tant du droit naturel (Rousseau) que du droit positif (Haller). En outre, il soulignait que la loi de la nature, ainsi qu’il la définissait, était une «loi de la nature divine».27 C’est ainsi qu’il associa le droit naturel chrétien au droit naturel moderne et se rattacha à une tradition déjà fondée au XVIe siècle par l’Ecole de Salamanque.
L’Ecole de Salamanque était indiscutablement caractéristique de l’époque de la scholastique espagnole tardive et posa la base pour relier le droit naturel moderne et chrétien. Cette école devint un bastion de la résistance au «droit divin», donc cette position légitimiste que Karl Ludwig von Haller se réappropria au début du XIXe siècle pour la propager, et contre laquelle Troxler s’opposa avec sa «doctrine du droit». L’école de Salamanque avait déjà franchi le pas entre le droit naturel et la doctrine des droits de l’homme. Les penseurs éclairés du XVIIIe siècle purent ainsi continuer leur action sur cette base.28
De façon presque simultanée à Jean Bodin (1529/30–1596) développant alors sa théorie de la souveraineté, l’Ecole de Salamanque lança le débat sur le droit naturel et le droit international. Pour Bodin, le droit naturel chrétien constituait une limite claire, à présent élargie par les représentants de l’Ecole de Salamanque. Ils réussirent ainsi à présenter leur argumentation sur le droit naturel avec une approche très libre et en partie nouvelle de la tradition théologique.29
La découverte et la conquête de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud par les Espagnols et les Portugais, les transformations économiques induites par le basculement du Moyen-Age européen vers les temps modernes ainsi que l’humanisme et la Réforme en composaient l’arrière-plan historique. Les valeurs traditionnelles de l’Eglise catholique romaine furent ainsi, au début du XVIe siècle, l’objet de pressions toujours croissantes et il devint indispensable de définir une véritable éthique coloniale ainsi qu’une nouvelle éthique économique. Cela signifiait la rupture des représentations médiévales de l’être humain et de la communauté ainsi que de leurs relations mutuelles.30
Le juriste et humaniste espagnol Fernando Vázquez de Menchaca (1512–1569) se rapportait à la tradition chrétienne du droit naturel définie par Thomas d’Aquin. Dans cette tradition, on partait de l’idée de la supériorité et de la validité éternelle de la loi divine sur le droit positif. Tout en haut, on trouvait la lex aeterna, la loi éternelle établissant le pouvoir divin, puis venait la lex divina, la loi divine, que Dieu avait transmise directement à l’humanité par les Ecritures. Pour finir, il y avait la lex naturalis, la loi naturelle, que Dieu avait inspiré aux êtres humains pour qu’ils soient en mesure de reconnaître le plan de l’univers. C’était exactement ce que pensait Troxler lorsqu’il parlait de la «loi intérieure» et professait que tout était déjà présent dans la nature humaine, et devait être développé par la formation et l’éducation de la conscience.
Vázquez expliquait que le droit naturel chrétien contenait déjà en lui la représentation de la nature de la raison de l’être humain.31 Cette représentation était le point de contact décisif pour le développement ultérieur du droit naturel laïque moderne.
La référence à Thomas d’Aquin donnait à Vázquez et aux autres représentants de l’Ecole de Salamanque la possibilité d’appréhender les problèmes les plus impératifs de leur époque en les rattachant en théorie au droit naturel chrétien. Certes, Vázquez demeurait de cette façon solidement ancré dans la tradition scholastique et pouvait ainsi argumenter – tout comme les autres représentants de l’école – dans le cadre de sa conception chrétienne fondamentale. Il rendit cependant cette tradition bénéfique pour le droit naturel moderne, fondé sur la liberté originelle et l’égalité de tous les êtres humains.32 Par la suite, Troxler s’y rallia sans toutefois mentionner explicitement les représentants de l’Ecole de Salamanque.
Francisco de Vitoria (environ 1483–1546), un autre représentant de cette école, a en outre souligné la nature sociale axée sur la communauté des êtres humains qui les conduit à se regrouper volontairement en communautés. L’Etat est donc le mode d’existence le plus adapté à la nature de l’être humain. Au sein de cette communauté, l’individu peut perfectionner ses capacités, échanger avec les autres et pratiquer l’entraide. Troxler remarquait à ce propos que «la politique est la réconciliation de l’individu avec le monde».33
Ce n’est qu’ainsi, continuait Vitoria, qu’il peut, suivant ses dispositions positives ou négatives, mener une vie digne. En tant que citoyen d’un Etat, l’individu demeure un être libre, qui doit toutefois en cas de conflit subordonner son bien-être personnel au bien public de la communauté – le Bonum commune. Ce principe est également repris dans l’idée de la communauté des nations en tant que Totus orbis – c’est-à-dire des Etats égaux en droits et souverains existant côte à côte et les uns avec les autres, indépendamment de leur religion et de leur culture. Les membres individuels de la communauté des nations peuvent ainsi poursuivre non seulement leurs propres intérêts, mais ils ont également la responsabilité de la promotion du bien commun universel, le Bonum totius orbis.34
Le jésuite Francisco Suárez (1548–1617) qui enseignait notamment à l’Université de Coimbra au Portugal, marqua lui aussi de son empreinte l’Ecole de Salamanque et développa plus avant l’idée de la «souveraineté du peuple». En 1612, dans son «Traité des lois et du Dieu législateur», Suárez écrivit que Dieu était à l’origine de l’autorité étatique (souveraineté) et que l’«ensemble des communautés», donc le peuple, était le récipiendaire du droit naturel et par conséquent, le titulaire de ce pouvoir. Au rebours de la théorie du droit divin, Suarez soutenait que Dieu n’a jamais désigné un individu isolé ou un groupe particulier de personnes pour être détenteur du pouvoir public. S’il est investi du pouvoir public, le peuple peut exercer lui-même ce pouvoir ou le déléguer de son plein gré à un individu ou une entité. Suite à sa déduction de l’Etat du droit divin et du droit naturel, Suárez voyait le peuple comme la force régulatrice et structurante de l’Etat. Dans ce contexte, Suárez déclara que l’exercice du droit de résistance revenait également au peuple.35
Il était significatif pour le débat démocratique que des intellectuels, aussi bien catholiques que protestants (Luthériens et Calvinistes) se sentaient fortement concernés par le droit naturel. L’un des grands médiateurs entre les confessions chrétiennes fut Hugo Grotius (1583–1645) qui connaissait les écrits des représentants importants de l’Ecole de Salamanque. Dans ses écrits, Grotius posa les bases essentielles de la définition du droit naturel moderne et du droit international. Jean Barbeyrac (1674–1744) traduisit les œuvres de Grotius et de Samuel Pufendorf (1632–1694), instaurant ainsi les bases de l’Ecole romande du droit naturel. A la fois pour la Suisse et pour les débats tournant autour de la forme de démocratie, ce processus fut remarquable, et l’«Ecole romande» fut primordiale pour le débat sur le droit naturel moderne en Suisse. Ainsi Rousseau se fonda, lors de sa tentative de clarifier son idée de la souveraineté populaire, sur la doctrine du droit naturel d’un élève de Barbeyrac, Jean-Jacques Burlamaquis (1694–1748).36 Des aspects primordiaux concernant le droit naturel chrétien et rationnel trouvèrent ainsi leur place dans le droit constitutionnel positif, et cela en se basant sur les premières Constitutions américaines depuis 1776. C’est sur ces bases que Troxler établit son concept de démocratie fondé sur le droit naturel.
Dans la «Doctrine philosophique du droit» de Troxler, on ne trouve certes aucune mention de l’Ecole romande du droit naturel, mais il fait référence entre autres à Grotius et Pufendorf dans une courte esquisse de l’histoire du droit naturel.37 •
Par René Roca, Institut de recherche sur la démocratie directe
1)www.fidd.ch
2)Troxler, Ignaz Paul Vital. Volkssouveränität
die ächte und die falsche oder Luzerner! Was ist revolutionär?, in: Rohr, Adolf (Hg.). Ignaz Paul Vital Troxler (1780–1866), Politische Schriften in Auswahl. Zweiter Band, Bern 1989, p. 502–516,
ici p. 506
3)Gschwend, Lukas. Kommentierende Einleitung, in: Troxler, Ignaz Paul Vital, Philosophische Rechtslehre der Natur und des Gesetzes, mit Rücksicht auf die Irrlehren der Liberalität und Legitimität. Würzburg 2006, p. 11–56, ici p. 15
4)Wicki, Hans. Staat, Kirche, Religiosität. Der Kanton Luzern zwischen barocker Tradition und Aufklärung. Luzern 1990, 497f.; auch Marti-Weissenbach, Karin. Art. Franz Regis Krauer, in:
Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Band 7. Basel 2008, p. 429s.
5)Schmidt, Heinrich Richard. Bildungsvorsprung des Schweizer Katholizismus um 1800?. in:
Roca, René. (Hg.), Katholizismus und moderne Schweiz, Beiträge zur Erforschung der Demokratie. Band 1. Basel 2016, p. 81–94, ici p. 89–91
6)Roca, René. Bernhard Meyer und der liberale Katholizismus der Sonderbundszeit. Religion und Politik in Luzern (1830–1848). Bern 2002, p. 41–44; auch Bischof, Franz Xaver. Art.
Thaddäus Müller, in: Historisches Lexikon der Schweiz (HLS), Band 8, Basel 2009, p. 835
7)Troxler, Ignaz Paul Vital. Volkssouveränität, p. 512
8)idem.
9)Troxler, Ignaz Paul Vital. Einige Hauptmomente aus meinem Leben, in: Rohr, Adolf (Hg.).
Ignaz Paul Vital Troxler (1780–1866), Politische Schriften in Auswahl, Erster Band. Bern 1989, p. 383–393, ici p. 390
10)Roca, René. Wenn die Volkssouveränität wirklich eine Wahrheit werden soll … Die schweizerische direkte Demokratie in Theorie und Praxis –
Das Beispiel des Kantons Luzern, Zürich/Basel/Genf 2012, p. 91–93
11) Troxler, Ignaz Paul Vital. Was verloren ist, was
zu gewinnen. Rede in der Versammlung der Helvetischen Gesellschaft, in: Rohr, Alfred, Troxler, Zweiter Band, p. 39–67, ici p. 60
12)Roca, René. Ignaz Paul Vital Troxler und seine Auseinandersetzung mit der Helvetik – Von der repräsentativen zur direkten Demokratie, in:
Zurbuchen, Simone et al. (Hg.). Menschenechte und moderne Verfassung. Die Schweiz im Übergang vom 18. zum 19. Jahrhundert, Genève 2012, p. 97–106, ici p. 100s.
13) Troxler, Ignaz Paul Vital. Ehrerbietige Vorstellungsschrift an den Grossen Rath des Kantons Luzern. Eingereicht durch achtzehn Abgeordnete des Volks am 22. November 1830, in: Rohr, Adolf. Troxler, Zweiter Band, p. 177–187, ici p. 179
14)Roca, René. Ignaz Paul Vital Troxler und der Aarauer Lehrverein. Wie eine private Bildungsanstalt die Demokratieentwicklung in der Schweiz entscheidend förderte. In: Argovia 2014, Jahresschrift der Historischen Gesellschaft des Kantons Aargau, Band 126, Baden 2014, p. 140–154, ici
p. 150–153
15)Troxler, Ignaz Paul Vital. Volkssouveränität, p. 505
16) Troxler, Ignaz Paul Vital. Die Verfassung der Vereinigten Staaten Nordamerika’s als Musterbild der Schweizerischen Bundesreform (1848),
in: Rohr, Adolf. Troxler, Erster Band, p. 529–553
17)Troxler, Ignaz Paul Vital. Bemerkungen über den Entwurf des Grundgesetzes für den eidgenössischen Stand Luzern von dem Ausschuss des Verfassungsraths im Jahre 1841, in: Rohr. Troxler. Zweiter Band, p. 477–496, ici p. 486
18)Troxler, Ignaz Paul Vital, Artikel im «Schweizerischen Museum», in: Rohr, Adolf. Troxler, Erster Band, p. 445–568
19) Troxler an Karl August Varnhagen von Ense, 12. Mai 1816, zit. nach Rohr, Adolf. Einleitung
zu Troxlers politischem Schrifttum, Erster Band,
Bern 1989, p. 9–293, ici p. 39
20) Troxler, Ignaz Paul Vital. Philosophische Rechtslehre der Natur und des Gesetzes mit
Rücksicht auf die Irrlehren der Liberalität und Legitimität (EA: 1820), éd. v. Gschwend, Lukas. Würzburg 2006
21)idem., p. 57
22) idem.; on parle ici de l’aristocrate bernois Karl Ludwig von Haller (1768–1854), ayant donné son nom à l’époque suite à son ouvrage «Restauration der Staatswissenschaft» (1816–34). Haller tenta ainsi de légitimer l’Ancien Régime de manière rationaliste et créa avec son attaque contre l’époque moderne un programme fondamentaliste de la contre-révolution.
23) idem.
24)idem., p. 60 (mise en évidence par l’auteur)
25)idem.
26)idem.
27) idem., p. 61
28) Roca, René. Einleitung Katholizismus, p. 38–41
29)Roca, René. Volkssouveränität, p. 32–34
30)Seelmann, Kurt. Die iberische Spätscholastik als historischer Wendeprozess, in: Müller, Klaus E. (Hg.). Historische Wendeprozesse. Ideen, die
Geschichte machten, Freiburg i.B. 2003,
p. 114–127, ici p. 115s.
31)Glockengiesser, Iris. Mensch – Staat – Völkergemeinschaft. Eine rechtsphilosophische Untersuchung zur Schule von Salamanca. Bern 2011, p. 11–13
32) Seelmann, Kurt. Theologische Wurzeln des
säkularen Naturrechts. Das Beispiel Salamanca,
in: Willoweit, Dietmar (Hg.). Die Begründung
des Rechts als historisches Problem, München 2000, p. 215–227, ici p. 215–218
33)Troxler, Ignaz Paul Vital. Rechtslehre, p. 64
34 Glockengiesser, Mensch, p. 103–110
35 Brieskorn, Norbert; Suàrez, Francisco. Francisco – Leben und Werk, in: Suárez, Francisco. Abhandlung über die Gesetze und Gott den Gesetzgeber (1612), übersetzt, herausgegeben und mit einem Anhang versehen von Norbert Brieskorn. Freiburg i.B. 2002, p. 635–657, ici p. 653–656
36)Roca, René. Volkssouveränität, p. 51–53
37)Troxler, Iganz Paul Vital. Rechtslehre, p. 68
Source: Zeit-fragen.ch/fr
Die Leute werden nicht müde, trotz Abwesenheit allgemein akzeptierter Autoritäten, von indiskutablen letzten Werten, verbindlichen Normen sowie gemeinsamen Überzeugungen über Politik zu reden.
Demokraten z.B. gehen davon aus, dass ihresgleichen einer mit sachlichen Argumenten geführten Diskussion zugänglich sein muss. Es kann ja gar nicht anders sein. Nach ihnen hat die Vernunft es so eingerichtet, dass „wir Demokraten“ miteinander reden können. Schließlich sind wir alle – d.h. „wir Demokraten“ – vernünftig.
In der Demokratie zählt Gleichheit mehr als Vernunft
Dabei wird vergessen, dass in der Demokratie die Gleichheit der Vernunft übergeordnet ist: Entweder ist die Vernunft allen Individuen gleichermaßen angeboren, oder aber wir haben kein individuelles Vernunftvermögen, welches uns bezüglich der Vernunft voneinander unterschiede.
Entweder sind „wir Demokraten“ alle von Natur aus gleich weise, einsichtig und vernünftig bzw. töricht, uneinsichtig und unvernünftig, oder aber „wir Demokraten“ können nachträglich gemeinsam übereinkommen in Einsicht, Verständigkeit und Besonnenheit, bzw. in Torheit, Unverstand und Wahnsinn, vermittels der Gleichheit.
Unmöglichkeit der Diskussion
Trotz demokratischer „Gleichberechtigung“ in der Diskussion sollte die Pattsituation, in der sich jede Diskussion von selbst erübrigt, die demokratische Situation schlechthin sein. Denn dem der Demokratie zu Grunde liegenden individualistischen Gleichheitsgrundsatz, der von der geistigen Autarkie und Autonomie der Einzelnen ausgeht, entspricht es nämlich beileibe nicht, von anderen zu fordern, sie möchten die besseren eigenen Argumente doch einsehen, sie akzeptieren und, infolgedessen, sich selbst zu eignen machen.
So betrachtet ist Überzeugen keine Option, sondern ein Wahn: von mir kann vernünftigerweise niemand verlangen, den Willen aufzubringen, je nachdem, entweder andere überzeugen zu wollen, oder aber mich überzeugen zu lassen. Längst gibt es die schwächlichen, den Gegenüber angeblich beschwichtigenden Wendungen: „Ich will die ja gar nicht überzeugen“ und „Das ist einfach nur meine persönliche Meinung ohne jeden Anspruch auf Wahrheit“.
Liberale Demokratie und „dialogische Form“ schließen einander aus
Die liberale, fälschlich für dialogisch gehaltene Form der Demokratie, welche auf der unentwegten gegenseitigen Zusicherung von Gesprächsbereitschaft – „parlement“ – beruht, erweist sich bei näherem Hinsehen als Chimäre. Soll überhaupt ein Dialog stattfinden, müssen die Kontrahenten einander wirklich ebenbürtig sein. Ebenbürtigkeit aber schließt Gleichheit mit Nichtebenbürtigen von vornherein aus. Und ebenbürtig ist auch nur der, der gleich geartet, d.h. gleichen Geistes und Gemüts wie einer selbst, ist. Damit aber ist ein Schlussstrich unter die Demokratie gezogen.
Nach Einigung auf die Sachlichkeit der Argumente erfordert der Dialog von beiden Seiten noch behelfsmäßige Annahme, Prüfung, Erörterung, Auseinandersetzung sowie beiderseitige Willfährigkeit, zu überzeugen und sich überzeugen zu lassen, gerade weil beider Leitstern die Wahrheit ist. Denn wäre sie das nicht, wozu dann diskutieren, meinen, reden? Wer ohne Wahrheit, d.h. vernunftlos, redet, redet einfach nur der Rede wegen, oder aber weil es ihm um nichts anderes als um die Vormacht geht, und zwar nicht um die Vormacht im Gespräch, sondern um die wahre, die handfeste Vormacht.
„Demokratie“ als Recht des Stärkeren – Recht des Listigeren
Innerhalb der liberalen Demokratie ist es um dialogische Form von vornherein schlecht bestellt: Gibt es doch tatsächlich Menschen, die zu ihrer natürlichen geistigen Begnadetheit auch noch die notwendige Selbstbeherrschung mitbringen, um allein Dienst an der Wahrheit zu tun. In der Konfrontation mit ihnen landen unsere gesprächsbereiten Demokraten früher oder später bei Machiavellis Standpunkt, dass die sicherste Art zu herrschen – bzw. davon abgeleitet: in der Diskussion zu triumphieren – immer noch die der Zerstörung (des Gegners) ist.
Dabei ist die einzige Herrschaft, für die gestritten werden sollte, die der Wahrheit. Demokraten aber geht es letztlich auch nur um ihre Herrschaft. Innerhalb des liberalen gesellschaftlichen Redeflusses sind „gleiche Chance“ und „Gleichberechtigung“ daher nichts anderes als Chiffren: Für den Einzelnen chiffrieren sie seine Selbstsucht und seinen Eigennutz, für Gruppen und Parteien die eigene Selbstgerechtigkeit und Scheinheiligkeit, also ebenfalls Selbstsucht und Eigennutz. „Demokratie“ kann deshalb sowohl Recht des Stärkeren als auch Recht des Listigeren, vor allem des Hinterlistigeren, bedeuten.
Von der liberalen Demokratie zur Wissensgesellschaft
Die Schwierigkeit der dialogischen Form, die sie auch mit der liberalen Demokratie unvereinbar macht, liegt in ihren individuellen Voraussetzungen. Nicht jeder Mensch ist fähig und auch willens, im Dialog der Wahrheit uneigennützig zum Siege zu verhelfen. Vielmehr gilt: Für Eigensinn und Willen zur Macht gibt es kein besseres Mistbeet und Treibhaus als eben unsere liberale Demokratie, die sich selbst „Wissensgesellschaft“ zu nennen goutiert.
Aus ihr sprießen Heerscharen von Schulmeistern, sonstigen wissenden Widerspruchswichten aber auch grobianischen Wortberserkern. Sokrates selbst findet freilich auch unzählige Nachahmer, unter denen sich aber kein einziger echter Sokrates auffinden lässt, sondern einfach nur Papageien. Kein Mensch hat Nerven, die demokratische Pattsituation zu akzeptieren. Auch sind es immer wieder liberale Demokraten, die ein geradezu pathologisches Mitteilungsbedürfnis haben. „Lakonisch“ und „liberal“ sind nicht nur politisch Gegensätze. Sie sind es auch in der Rede.
Machtmensch vs. Dialogiker
Dem Dialogiker, der sich unvorsichtigerweise darauf eingelassen hat, mit Machtmenschen zu reden, kommt seine Unvorsicht teuer zu stehen. Der Machtmensch dankt dem Dialogiker seine Gesprächsbereitschaft nicht. Im Gegenteil versucht er ihn zu überbieten. Aufgrund der demokratischen Gleichheit hegt der Machtmensch nämlich den Verdacht, der Dialogiker wolle ihn überbieten.
Damit ihm ja nicht geschehe, was er selbst seinem Gegenüber, seinem potentiellen Opfer, antun will, bietet er alles auf, um durch vorauseilendes Übertrumpfen zu verhindern, dass er zum Überbotenen und, somit, zum Besiegten werde. Die Mittel dazu sind: den Gegenüber sprachlos, rhetorisch, logisch und auch bezüglich Einzelheiten platt zu machen. Und zu diesem Zweck werden Kampfmittel aufgefahren und sogar Täuschungsmanöver angewandt.
Alles eine Machtfrage!?
Das Gespräch ist ein Kampf. Der Soziologe Gabriel de Tarde hat sogar von einem „logischen Zweikampf“ gesprochen. Und die alten Griechen kultivierten den rhetorischen Wettkampf wie jeden anderen Wettkampf auch. Der Machtmensch aber macht aus diesen logischen Wettkämpfen einen Ringkampf um die Macht, bei dem jegliches Einhalten von Regeln zu seinen eigenen Ungunsten ausschlagen würde.
Nichts liegt ihm ferner als liberales Fairplay. Argumente sind ihm Waffen und Waffen Argumente. Selbst die behelfsmäßige Annahme, getätigt im Dienste der Wahrheit, sein Gegenüber könnte Recht haben, verlangt ihm eine Liebe zur Wahrheit (Philosophie) ab, die er gar nicht haben kann. Und, anstatt die Willfährigkeit und die sich aus ihr ergebende Bereitschaft, zu überzeugen und selbst – wenn auch nur der Möglichkeit nach – überzeugt zu werden, mitzubringen, bringt er ganz einfach den Willen zur Macht mit. Und selbst für gewitztere (liberale) Demokraten, die als ihre einzigen Waffen entwaffnenden Humor und Ironie mitbringen, ist allein der Wille zur Macht maßgebend.
Sektierer, Gemeinde und Gesinnungspolizei in einer Person
Das politische Gespräch heutzutage ist eine Unmöglichkeit. Hauten sich die Leute gegenseitig die Köpfe ein und schwiegen sie – oder umgekehrt – wäre ihnen besser gedient. Es ist nämlich ganz zwecklos, mit anderen Menschen über Politik ins Gespräch zu kommen. Man scheint in die Lage des inneren Exilanten Machiavelli versetzt, der sein Zwiegespräch mit den römischen Klassikern hielt, um über Politik reden und schreiben zu können.
Oder aber in die Platos, des Meisters des Dialogs, der sich seine Dialogpartner selbst ersann um die Dinge der Politik dialogisch-dialektisch auseinanderzusetzen. Oder aber in die Rankes, welcher durch die beiden Brüder seines „politischen Gesprächs“ selbst zu Wort kam. Die Benimmregel, aus Gründen des Zusammenlebens bei Tisch nicht über Politik, Religion und Fußball – was im Grunde alles dasselbe ist – zu reden, kann man getrost auf die ganze gnostische Wissensgesellschaft ausdehnen: In ihr ist jeder sein eigener Sektierer und sich selbst dazu noch die Gemeinde.
Damit sind Sektierer und Gemeinde in einer Person vereint und die Gesinnungspolizei, die man ebenfalls selbst ist, hat allerhand zu tun, sowohl mit gleich und als auch ungleich gearteten Menschen verbal handgreiflich zu werden.