mercredi, 23 juin 2010
Préférences de structures européennes: circuit, travail et réciprocité
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Préférences de structures européennes:
Circuit, travail et réciprocité
par Bernard NOTIN
Le système économique dominant est actuellement du type transnational: des groupes privés ont des stratégies mondiales. Ce type d'organisation est renforcé depuis les années soixante par une conquête des esprits à travers les thèmes de propagande américains: culture de masse, droits de l'homme, etc…, et trouve un appui au sein des bureaucraties publiques des Etats européens où se conjuguent sécurité de l'emploi et avantages de la richesse. Ce n'est toutefois qu'une modalité possible d'organisation. Notre réflexion sur l'Empire suggère trois paradigmes alternatifs, dont l'ensemble forme système. Un paradigme politico-économique: le circuit européen, moyen de puissance de l'Empire; un paradigme socio-économique: le travailleur, mobilisateur de la technique; un paradigme éthique: le service social avec plus de réciprocité. Ces trois paradigmes favoriseraient l'émergence de structures européennes qui permettraient d'entretenir notre foyer de civilisation.
1 – Paradigme politico-économique
Le circuit européen a été abordé dans le numéro 45 de Nouvelle Ecole consacré à l'économie. L'existence d'une monnaie commune est l'hypothèse fondamentale, dont les chances de réalisation s'améliorent régulièrement. La monnaie permet l'intégration des économies en éliminant les difficultés de changes et en donnant naissance à une masse financière d'un poids suffisant pour éliminer les effets de domination du dollar. Les aménagements institutionnels ont leur importance. En particulier, le statut d'une banque centrale européenne conditionne l'indépendance des autorités monétaires par rapport aux autorités politiques. La fonction politique, dont nous devons aussi étudier les modalités de représentation, se limite, dans le domaine de l'économie, à favoriser l'émergence de l'innovation, et à éliminer les causes d'incertitudes par une information de qualité. La constitution de banques de données est un enjeu majeur en matière de culture et d'information. L'idée générale est de limiter les conflits entre producteurs européens par une action communautaire en amont, sur l'industrie de l'information, mariage de l'informatique, des télécommunications, de l'audiovisuel, de l'information de base dans ses dimensions multiples dont les banques de données. L'alliance entre logique industrielle et fondements culturels est la question économique principale au niveau du politique.
Le paradigme politico-économique intègre aussi une perspective spatiale. L'activité des régions est à vivifier au prix de politiques reposant sur la notion de territoire. La logique territoriale repose sur la structure sociale existante, sur les liens créés par l'histoire et l'expérience entre des individus et des agents vivant dans le même espace. Elle suppose d'offrir des opportunités par la décentralisation sur des thèmes aussi divers que la culture, les transports, la formation, et de fonder une souveraineté régionale dans certains secteurs: ceux qui intéressent directement les caractéristiques des acteurs du territoire (âge, composition familiale, etc.), et ceux qui contribuent à l'amélioration des performances économiques. Les actions de soutien à la technologie sont possibles pour favoriser des spécialisations. Reste à étudier les questions de financement, vaste sujet sur lequel les analyes de M. Allais (prix Nobel) à propos de l'impôt sur le capital nous paraissent la voie à suivre.
II – Paradigme socio-économique
Le changement technique est une des forces importantes qui donne forme aux directions que prend le système économique. Le cadre socio-institutionnel influence toujours (et parfois facilite ou retarde) les processus de changements techniques et sociaux. Le changement de méthodes de production est guidé par plusieurs forces. Il y a les connaissances générales (biens publics); les contributions des autres firmes (concurrentes ou coopérantes); le savoir-faire propre de la firme. La progression technologique est cumulative: à chaque étape s'ajoute des connaissances nouvelles, et d'autres sont retirées. Anciennes et nouvelles techniques s'insèrent parfois dans un dispositif original. En sorte que les technologies comprennent une partie spécifique (issue de l'expérience et de l'apprentissage) et une partie générale (acquise à l'extérieur de la firme).
Un axe de réflexion lié à la pratique française est la distinction, dans le domaine de la technique, entre le Noble et le Vil. La technique est noble en ce qu'elle renvoie à l'univers de la connaissance pure et désintéressée et de l'art. Cette pratique élève l'homme au dessus du règne de la nécessité. Cette distinction Noble/Vil a des effets sur le nombre et le statut des métiers. La valorisation de la compétence, quelle qu'elle soit, assure une place de l'homme technicien dans l'entreprise et dans un groupe plus large, celui de ses semblables, dans la notion de métier. Le vil apparaît comme ce qui doit être minimisé dans la préoccupation technicienne.
Le second axe du paradigme socio-économique est la dialectique entre l'utilitaire immédiat et l'inutile. La théorie est souvent inutile à court terme, mais innerve, de façon indirecte, l'ensemble des réalisations techniques. L'articulation entre ces deux données est essentielle. Nous avons à apprendre des pratiques allemande ou japonaise. La connaissance théorique y est soumise à la pratique dans toute organisation: les personnes démarrent au plus bas de l'échelle afin de comprendre ce que chacun fait. Alors, elles peuvent monter en responsabilité.
Le paradigme socio-économique demande beaucoup de formation. En amont, le système éducatif doit préparer toujours plus de généralistes éclairés et cultivés, terreau indispensable à une industrie qui doit se nourrir d'intelligence permanente. Une formation régulière pour tout le personnel des organisations est à généraliser.
III – Paradigme éthique:
le service social
L'éthique est spécifique, non autonome. Ce n'est pas une activité pour elle-même. Elle se greffe sur toutes les autres actions. L'éthique consiste en la manière dont nous utilisons les moyens des autres activités avec la volonté d'atteindre leur fin propre. C'est selon la manière négligée ou rigoureuse dont le chercheur scientifique accomplit son travail qu'il agira moralement ou non. Il en va ainsi pour l'entrepreneur, le pédagogue, l'homme politique, etc.
Nous proposons de définir le service social comme la recherche de l'optimum social, c'est-à-dire l'engagement en direction du meilleur état du monde possible pour l'Europe, à partir de maintenant.
Le service social suppose une compréhension d'ensemble de la question européenne et la sélection de principes qui guident l'action. L'identification des grands champs de force qui rendent interdépendantes les différentes facettes de notre continent est obtenue par la notion de pouvoir, ou de puissance. Dans cette perspective, l'éthique du service social s'exerce dans quatre grands champs de force:
– Puissance politique: recherche de la cohésion interne à l'Europe.
– Puissance administrative: rendre cette cohérence effective.
– Puissance économique: produire le maximum de richesses.
– Puissance des groupes d'intérêts: animer la vie collective.
Les interrelations entre ces quatre champs sont multiples, et il faut chercher, pour chaque problème, la meilleure action en terme de finalité et d'applicabilité. Nous pouvons considérer l'action comme un art: celui de trouver à chaque époque et en chaque lieu, la meilleure harmonie entre ces quatre champs. En économie par exemple, la question soulevée par Serge-Christophe Kolm est à méditer: comment réduire la part du marché (échanges) et du plan (transferts forcés), au profit de plus de réciprocité (dons).
Bernard NOTIN.
(résumé d'une intervention à l'Université d'été du GRECE, août 1991).
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mardi, 22 juin 2010
Torheiten
Torheiten
In der Politik kann es sich nicht anders verhalten, und infolgedessen pflegen politische Diskussionen in einer Demokratie unfachlich und praktisch unfruchtbar zu sein. Sie bedeuten eine ungeheuerliche Kraft- und Zeitvergeudung, wie es immer der Fall ist, wenn sich Laien in fachliche Dinge einmischen - noch dazu ohne für ihre Torheiten zur Verantwortung gezogen werden zu können - oder wenn Staatsführungen ihre Massnahmen auf ein laienhaftes Verständnis abstimmen müssen.
Hans Domizlaff, Die Seele des Staates. - Die Geburtsfehler der Demokratie. Privatdruck, Hamburg 1957.
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samedi, 19 juin 2010
Minorités et peuples autochtones
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996
Minorités et peuples autochtones
N. Rouland, S. Pierre-Caps et J. Poumarède sont les auteurs d'un remarquable Droit des minorités et des peuples autochtones aux PUF. Citons un passage de l'introduction: «Aujourd'hui, les droits de l'Homme font figure de nouvel universalisme: certains droits se retrouvent en tout homme, ce qui fonde partout l'obligation des Etats à les respecter et permettre leur épanouissement. Cette auto-limitation de la puissance souveraine caractériserait particulièrement les Etats de droit. Nourrie par la tradition française, cette aspiration se heurte à plusieurs obstacles. Tout d'abord le constat d'une autre universalité: celle du mal que l'homme peut infliger à ses semblables. Longtemps on voulut tout expliquer par la démesure de l'Occident et les méfaits du colonialisme. Mais en notre siècle, nous savons depuis les génocides du Cambodge et du Rwanda que l'horreur (au Rwanda, on crucifia des enfants) est possible partout, en dépit des religions et philosophies basées sur l'amour du prochain (le Rwanda est majoritairement chrétien) et la compassion (le Cambodge est bouddhiste). Ensuite, cette idéologie universaliste n'est pas universelle. Passe encore que dictatures et régimes autoritaires invoquent la différence “culturelle” pour tenir à distance les droits de leurs peuples: cette fausse monnaie intellectuelle pèse peu de poids. Mais il y a plus sérieux. Comme l'écrit C. Lévi-Strauss: “Les grandes déclarations des droits de l'homme ont, elles aussi, cette force et cette faiblesse d'annoncer un idéal trop souvent oublieux du fait que l'homme ne réalise pas sa nature dans une humanité abstraite, mais dans des cultures traditionnelles où les changements les plus révolutionnaires laissent subsister des pans entiers et s'expliquent eux-mêmes en fonction d'une situation strictement définie dans le temps et l'espace”. L'unité de l'homme, en laquelle croira volontiers tout anthropologue, s'il est fidèle à la qualification de sa discipline (anthropologie signifie discours sur l'Homme dans sa généralité), ne peut apparaître qu'au prix d'une navigation difficile entre deux écueils. Celui de l'uniformité: reconnaître que tous les hommes sont égaux ne postule pas qu'ils soient partout identiques; l'assimilation peut provoquer les fermetures identitaires qu'elle cherche à éviter (nous verrons que l'Etat-nation est une matrice de minorités). Celui de l'hétérogénéité: l'autonomie reconnue aux spécificités culturelles ne peut-être que relative, surtout dans un monde vibrant des flux migratoires. Exacerbée, elle conduit aux conflits, et réintroduit l'inégalité et l'oppression sous le masque du droit à la différence. Le monde n'est pas devenu le village global cher à Mac Luhan. A sa place apparaît un archipel planétaire: qui veut y naviguer doit en suivre les détroits. Le présent ouvrage convie à ce voyage».
Pierre MONTHÉLIE.
N. ROULAND, S. PIERRÉ-CAPS, J. POUMAREDE, Droit des minorités et des peuples autochtones, PUF, 1996, 584 p., 198 FF.
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dimanche, 13 juin 2010
Georges Sorel
Georges Sorel |
Ex: http://www.oswaldmosley.com/ Georges Sorel was born in Normandy in 1847 and, after receiving a private education there, attended the Ecole Polytechnique, where he distinguished himself in mathematics. He entered the civil service as an engineer and retired after the requisite twenty-five years, then promptly took up writing, and through innumerable books, established his place as a major social critic. The most famous and most extreme advocate of syndicalism, Georges Sorel's passion for revolutionary activity in place of rational discourse made him most influential in shaping the direction of fascism, especially in Mussolini's Italy. Georges Sorel stated his theory of "social myths" most clearly in a letter to Daniel Halevy in 1907. .....Men who are participating in a great social movement always picture their coming action as a battle in which their cause is certain to triumph. These constructions, knowledge of which is so important for historians, I propose to call myths; the syndicalist "general strike" and Marx's catastrophic revolution are such myths. As remarkable examples of such myths, I have given those which were constructed by primitive Christianity, by the Reformation, by the Revolution and by the followers of Mazzini. I now wish to show that we should not attempt to analyze such groups of images in the way that we analyze a thing into its elements, but that they must be taken as a whole, as historical forces, and that we should be especially careful not to make any comparison between accomplished fact and the picture people had formed for themselves before action. I could have given one more example which is perhaps still more striking: Catholics have never been discouraged even in the hardest trials, because they have always pictured the history of the Church as a series of battles between Satan and the hierarchy supported by Christ; every new difficulty which arises is only an episode in a war which must finally end in the victory of Catholicism. In employing the term myth I believed that I had made a happy choice, because I thus put myself in a position to refuse any discussion whatever with the people who wish to submit the idea of a general strike to a detailed criticism, and who accumulate objections against its practical possibility. It appears, on the contrary, that I had made a most unfortunate choice, for while some told me that myths were only suitable to a primitive state of society, others imagined that I thought the modern world might be moved by illusions analogous in nature to those which Renan thought might usefully replace religion. But there has been a worse misunderstanding than this even, for it has been asserted that my theory of myths was only a kind of lawyer's plea, a falsification of the real opinions of the revolutionaries, the sophistry of an intellectual. If this were true, I should not have been exactly fortunate, for I have always tried to escape the influence of that intellectual philosophy, which seems to me a great hindrance to the historian who allows himself to be dominated by it. In can understand the fear that this myth of the general strike inspires in many worthy progressives, on account of its character of infinity, the world of today is very much inclined to return to the opinions of the ancients and to subordinate ethics to the smooth working of public affairs, which results in a definition of virtue as the golden mean; as long as socialism remains a doctrine expressed only in words, it is very easy to deflect it towards this doctrine of the golden mean; but this transformation is manifestly impossible when the myth of the "general strike" is introduced, as this implies an absolute revolution. You know as well as I do that all that is best in the modern mind is derived from this "torment of the infinite"; you are not one of those people who look upon the tricks by means of which readers can be deceived by words, as happy discoveries. That is why you will not condemn me for having attached great worth to a myth which gives to socialism such high moral value and such great sincerity. It is because the theory of myths tends to produce such fine results that so many seek to refute it.... As long as there are no myths accepted by the masses, one may go on talking of revolts indefinitely, without ever provoking any revolutionary movement; this is what gives such importance to the general strike and renders it so odious to socialists who are afraid of a revolution.... The revolutionary myths which exist at the present time are almost free from any such mixture; by means of them it is possible to understand the activity, the feelings and the ideas of the masses preparing themselves to enter on a decisive struggle: the myths are not descriptions of things, but expressions of a determination to act. A Utopia is...and intellectual product; it is the work of theorists who, after observing and discussing the known facts, seek to establish a model to which they can compare existing society in order to estimate the amount of good and evil it contains. It is a combination of imaginary institutions having sufficient analogies to real institutions for the jurist to be able to reason about them; it is a construction which can be taken to pieces, and certain parts of it have been shaped in such a way that they can...be fitted into approaching legislation. While contemporary myths lead men to prepare themselves for a combat which will destroy the existing state of things, the effect of Utopias has always been to direct men's minds towards reforms which can be brought about by patching up the existing system; it is not surprising, then, that so many makers of Utopias were able to develop into able statesmen when they had acquired a greater experience of political life. A myth cannot be refuted, since it is, at bottom, identical with the conviction of a group, being the expression of these convictions in the language of movement; and it is, in consequence, unanalyzable into parts which could be placed on the plane of historical descriptions. A Utopia, on the other hand, can be discussed like any other social constitution; the spontaneous movements it presupposes can be compared with the movements actually observed in the course of history, and we can in this way evaluate its verisimilitude; it is possible to refute Utopias by showing that the economic system on which they have been made to rest is incompatible with the necessary conditions of modern production. For a long time Socialism was scarcely anything but a Utopia; the Marxists were right in claiming for their master the honor of bringing about a change in this state of things; Socialism has now become the preparation of the masses employed in great industries for the suppression of the State and property; and it is no longer necessary, therefore, to discuss how men must organize themselves in order to enjoy future happiness; everything is reduced to the revolutionary apprenticeship of the proletariat. Unfortunately Marx was not acquainted with facts which have now become familiar to us; we know better than he did what strikes are, because we have been able to observe economic conflict of considerable extent and duration; the myth of the "general strike" has become popular, and is now firmly established in the minds of the workers; we possess ideas about violence that it would have been difficult for him to have formed; we can then complete his doctrine, instead of making commentaries on his text, as his unfortunate disciples have done for so long. In this way Utopias tend to disappear completely from Socialism; Socialism has no longer any need to concern itself with the organization of industry since capitalism does that.... People who are living in this world of "myths," are secure from all refutation; this has led many to assert that Socialism is a kind of religion. For a long time people have been struck by the fact that religious convictions are unaffected by criticism, and from that they have concluded that everything which claims to be beyond science must be a religion. It has been observed also that Christianity tends at the present day to be less a system of dogmas than a Christian life, i.e., moral reform penetrating to the roots of one's being; consequently, new analogy has been discovered between religion and the revolutionary Socialism which aims at the apprenticeship, preparation, and even reconstruction of the individual -- a gigantic task.... ...by the side of Utopias there have always been myths capable of urging on the workers to revolt. For a long time these myths were founded on the legends of the Revolution, and they preserved all their value as long as these legends remained unshaken. Today the confidence of the Socialists is greater than ever since the myth of the general strike dominates all the truly working-class movement. No failure proves anything against Socialism since the latter has become a work of preparation (for revolution); if they are checked, it merely proves that the apprenticeship has been insufficient; they must set to work again with more courage, persistence, and confidence than before; their experience of labor has taught workmen that it is by means of patient apprenticeship that a man may become a true comrade, and it is also the only way of becoming a true revolutionary. (July 15, 1907) |
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G. Sorel: Electoral Democracy and Stock Exchange
Georges Sorel: Electoral Democracy and Stock Exchange
"Electoral democracy greatly resembles the world of the Stock Exchange; in both cases, it is necessary to work upon the simplicity of the masses, to buy the cooperation of the most important papers, and to assist chance by an infinity of trickery; there is not a great deal of difference between a financier who puts grand-sounding concerns on the market, which come to grief in a few years, and the politician who promises his fellow citizens an infinite number of reforms, which he does not know how to bring about and which resolve themselves simply into an accumulation of parliamentary papers. Neither one nor the other knows anything about production and yet they manage to obtain control over it, to misdirect it and to exploit it shamelessly: they are dazzled by the marvels of modern industry and they each imagine that the world is so rich that they can rob it on a large scale without causing any great outcry amongst the producers; to bleed the taxpayer
without bringing him to the point of revolt, that is the whole art of the statesman and the great financier. Democrats and businessmen have a very special science for the purpose of making deliberative assemblies approve of their swindling; parliamentary regimes are as fixed as shareholders' meetings. It is probably because of the profound psychological affinities resulting from these methods of operation that they both understand each other so perfectly: democracy is the paradise of which unscrupulous financiers dream."
(Reflections on Violence, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, pp. 221-222.)
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vendredi, 11 juin 2010
Par-delà droite et gauche (A. Imatz)
Par-delà droite et gauche (A. Imatz)
Récemment, quelques scriptoboys assistaient, en un lieu parisien bien connu, à une conférence sur Arnaud Imatz, auteur de « Par-delà droite et gauche, histoire de la grande peur des bien-pensants ». Conférence passionnante, sur un ouvrage passionnant.
Et donc, pour ceux qui n’habitent pas Paris et/ou n’ont pas le temps de bouquiner les 400 pages d’Arnaud Imatz, une note de lecture.
L’hypothèse d’Arnaud Imatz est la suivante : nous découpons le champ politique entre conservateurs et révolutionnaires, mais ce découpage nous masque un autre clivage, potentiellement plus déterminant : celui qui oppose les partisans de l’enracinement, généralement non-conformistes, aux partisans du déracinement, généralement conformistes. Si ce découpage fallacieux est profondément planté dans nos esprits, c’est parce que l’ensemble des institutions s’acharnent à le cautionner. Il est entendu, une bonne fois pour toutes, que le débat politique doit opposer deux catégories l’une et l’autre essentialisées : « la gauche » et « la droite », les révolutionnaires et les conservateurs. Verrouillé d’abord par la gauche « officielle », qui a imposé son être propre en référence aux clivages possibles, le débat a ensuite été étouffé par une soft-idéologie individualiste, où une fausse opposition pseudo-démocratique entre la fausse-droite et la fausse-gauche (deux modes de gestion du même capitalisme) a servi de prison mentale encore plus efficace que l’ancienne opposition entre la vraie-droite (capitalisme libéral) et la vraie-gauche (socialisme dirigiste). L’intelligentsia « en place » témoigne, à travers ses reniements successifs, de la même fermeture à tout ce qui n’est pas elle-même : peu importe que ses utopies successives implosent, elle continue à se penser comme détentrice du sens de l’Histoire. Exit le communisme, voici le socialisme autogestionnaire. Exit le socialisme, voici la sacralisation des « Droits de l’homme » et l’antiracisme militant. Que l’enracinement puisse fédérer révolutionnaires et conservateurs autour d’une révolution conservatrice contre l’ordre cosmopolite, voilà qui ne doit pas être dit – à ceux qui le disent, tout système démultiplicateur de la parole est fermé, les médias sont interdits.
Qu’est-ce donc, en réalité, que ce « non conformisme » dont le pouvoir ne veut surtout pas, et qui unit, autour de l’enracinement, conservateurs et révolutionnaires ? C’est, pour résumer, la compréhension de la matrice de l’aliénation contemporaine comme relevant fondamentalement des catégories fondées par le rationalisme des Lumières – catégories qui nient au nom d’un impératif d’uniformité le sens et la valeur de l’identité et et celle de la différence. Pour le non-conformiste, par contre, la source des catastrophes du XX° siècle n’est pas dans l’affirmation des identités collectives, mais au contraire dans leur négation, négation qui les a faites revenir sous une forme pathologique. Pour le non-conformiste, les mécanismes du « progrès » reviennent à nier qu’il existe une dimension de l’homme au-dessus de la matière, et que l’humain peut donc, contre les illusions des progressismes tant marxistes que libéraux, déterminer ses déterminations.
Un schéma de société existe hors de celui où l’opposition « droite/gauche » a tendance à nous enfermer. Dans ce schéma « holiste », qui était celui des sociétés traditionnelles et communautaires, la totalité préexiste à la somme des parties, elle n’est pas construite par leur affrontement, elle l’évite en organisant l’englobement du contraire et l’inclusion du différent. Le non-conformisme s’est construit, historiquement, autour de la rencontre de ce schéma de pensée traditionnelle avec la dialectique hégélienne, qui veut que négation et négation de la négation produisent une totalité par synthèse-dépassement. Dans une très large mesure, le non-conformisme est une tentative pour reconstituer, à travers l’hégélianisme, la totalité socio-organique préexistante, que le rationalisme a détruite.
C’est justement parce qu’il propose une alternative au système que les deux pans du système, jadis vraie gauche et vraie droite, aujourd’hui fausse gauche et fausse droite, s’acharnent à nier l’existence du non-conformisme. Les doctrinaires au pouvoir veulent détruire toutes les communautés naturelles, nier les racines, faire de l’homme une pâte modelable. C’est le cadre général à l’intérieur duquel « gauche » et « droite » s’affrontent – ou plutôt, au fur et à mesure qu’on ne parvient plus à les identifier autour d’une ligne de partage claire sur la question de la plus-value, font semblant de s’affronter. Le non conformisme n’a pas sa place dans ce système précisément parce qu’il énonce une thèse étrangère au paradigme dans lequel la pensée institutionnelle est confinée : la légitimité des communautés naturelles. C’est pourquoi, lorsqu’il ne parvient plus à exclure les anticonformistes du débat, le bloc institutionnel les contraint systématiquement à choisir : sont-ils « de gauche », ou « de droite » ? Et lorsque les non-conformistes ne parviennent pas à répondre, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, on les répute inexistants politiquement.
*
Pour démonter ce piège, Imatz propose de faire sortir de l’essentialisme les catégories de « gauche » et de « droite ».
Dans une perspective essentialiste, la gauche, c’est l’anthropologie optimiste issue du mythe du progrès, et la droite, c’est l’anthropologie pessimiste issue de l’Histoire longue. A gauche, le rêve de l’individu libéré du poids de la faute – à droite, le péché originel. A gauche, l’homme est un projet qu’on construit – à droite, c’est une donne qu’on gère. A gauche, une vision matérialiste et mécaniciste, qui veut uniformiser à tout prix – à droite, l’acceptation des paramètres complexes sous-jacents à une conception organiciste qui connaît et reconnaît la nécessité de l’altérité.
A cette perspective essentialiste qui dans une certaine mesure confond la droite avec le non-conformisme, Imatz oppose une vision historiciste et relativiste (au sens de : qui relativise ses propres analyses), vision selon laquelle « la gauche » et « la droite » sont en réalité des catégories conventionnelles et opératoires, et nullement des catégories signifiantes stables.
Imatz cite, par exemple, la question du colonialisme en France : il exista historiquement une droite colonialiste (par souci du prestige national), une droite anticolonialiste (par souci de bonne gestion, en fait néocolonialiste avant la lettre), une gauche colonialiste (par souci de « civiliser » les peuples colonisés) et une gauche anticolonialiste (par respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Le concept même de colonialisme ne fut pas stable dans l’Histoire, et à certaines phases, il devint presque indéfinissable tant gauche et droite le comprenaient différemment (exemple : en 1962, quand l’ancien colonialisme s’efface devant le néocolonialisme).
Autre exemple : l’antisémitisme, qui peut être de gauche (par égalitarisme) comme de droite (par crainte d’un élitisme rival), tout comme le philosémitisme peut être de gauche (pour défendre le petit juif opprimé) ou de droite (par solidarité avec la haute bourgeoisie juive). Et l’on voit aussi parfois les antisémites de droite, à certains moments de l’Histoire, échanger leurs arguments avec les philosémites de gauche, quand la question juive percute celle du sionisme – on peut être sioniste par philosémitisme ou par antisémitisme, et antisioniste par antisémitisme ou philosémitisme, si bien qu’une droite antisémite et une gauche philosémite peuvent se retrouver sur le pro-sionisme contre l’antisionisme partagé par une droite arabophile et une gauche antisémite !
De nombreux thèmes peuvent donner lieu à ce type de chassé-croisé ironique entre gauche et droite (le racisme, la « démocratie », la technocratie, le régionalisme, l’écologie…). Si bien qu’en pratique, quand on s’éloigne de la vision essentialiste pour s’intéresser à la vision historiciste, on finit par se dire que « gauche » et « droite » n’ont aucun sens. Ou plutôt : que le sens de ces concepts est tellement fluctuant, tellement peu stable dans sa dimension significative, que les signifiants en question doivent être redéfinis à chaque fois qu’on les emploie.
En face de ce vide conceptuel, les non-conformistes doivent répondre par la définition d’eux-mêmes, et s’installer non dans une réponse à la question « droite ou gauche », mais comme un point de référence par rapport auquel on définira droite et gauche. Il faut répondre à la question piégée du bloc institutionnel en le piégeant dans une question différente : la gauche est-elle conformiste ou non-conformiste, la droite est-elle conformiste ou non-conformiste ? Cette question en réponse déjoue le piège où le bloc institutionnel fait tomber le non-conformisme, piège qui consiste à essentialiser le concept de droite pour y enfermer un mouvement qui organiserait, s'il était libre, la rencontre entre l’univers mental de la tradition (associé classiquement à la droite) avec la reconnaissance des revendications du travail (associées classiquement à la gauche).
Ceci suppose, pour Imatz, d’opérer une critique approfondie de la sensibilité contre-révolutionnaire. Il faut en comprendre la dynamique interne : la conscience de la décadence, et surtout la conscience du fait qu’elle est inéluctable, dès lors qu’un principe d’égalité s’impose au détriment d’un principe élitiste. Et il faut comprendre comment cette sensibilité, qui dit une partie du Vrai, se combine de manière très complexe avec la préoccupation sociale caractéristique des légitimistes les plus contre-révolutionnaires, qui se sont dressés, au nom de l’Ancien Régime et de l’aristocratisme, contre l’injustice de la domination exercée par la bourgeoisie sur les classes laborieuses, et surtout contre l’inefficacité économique de cette domination incohérente.
C’est seulement une fois qu’on a saisi la genèse de la sensibilité contre-révolutionnaire, antibourgeoise par aristocratisme, qu’on peut comprendre la filiation du non-conformisme : la rencontre de l’esprit national et du projet socialiste. La droite contre-révolutionnaire, matrice du non-conformisme, s’est constituée initialement contre le projet libéral de la bourgeoisie. Par la suite, quand par expérience on séparera démocratie et liberté, les libéraux, devenus élitistes, apparaîtront comme des alliés de classe potentiels aux contre-révolutionnaires, et le libéralisme, né à gauche où il fréquentait l’idée nationale, glissera dans une alliance antinationale avec une fraction des milieux contre-révolutionnaire. Simultanément, l’exigence de progrès matériel envahira tout le champ de la gauche, ou presque, jusqu’à rejeter l’idée de la Nation au sens de communauté enracinée. Dès lors, une partie orpheline de la sensibilité contre-révolutionnaire (celle qui a refusé l’alliance avec les libéraux devenus secrètement antidémocrates) errera jusqu’à croiser une partie de la sensibilité orpheline de la sensibilité socialiste (celle qui a refusé de sacrifier la nation, la communauté charnelle, sur l’autel du progrès matériel). De cette rencontre entre la partie de la droite qui a refusé la liberté comme idole et la partie de la gauche qui a refusé le progrès comme idole naîtra le non-conformisme – le parti de ceux qui ont refusé de se conformer aux cultes parallèles des idoles Liberté et Progrès, pour conserver une vision juste, naturelle, enracinée, de leurs valeurs nationales et sociales.
*
Pour bien comprendre ce qu’est le non-conformisme, pour ne pas le confondre avec la simple addition du nationalisme doctrinaire et du socialisme doctrinaire (ce que fut largement le nazisme), il faut saisir la différence entre amour de la nation et nationalisme, entre préoccupation sociale et socialisme.
Le parti non-conformiste n’est pas « nationaliste » au sens où le nationalisme est, pour lui, une adaptation de l’individualisme à l’échelle nationale. Organiciste, il refuse le concept constructiviste et potentiellement mécaniciste de la nation comme corps d’associés, concept issu de la Révolution Française (Sieyès). C’est pourquoi, même en France, il fait une large place aux conceptions germaniques de la Gemeinschaft (communauté) comme sous-jacent indispensable à toute société, et s’il est souvent démocrate (exception : l’AF), il n’est jamais partisan du suffrage universel direct comme instrument de la démocratie.
Soucieux de reconstituer l’harmonie du peuple, il défend des conceptions sociales, mais pas socialistes, en ce sens qu’il récuse le culte du Progrès. L’accroissement indéfini des forces productives ne lui paraît pas bon en soi (ce qui ne veut pas dire qu’il soit mauvais en soi, mais simplement qu’il est bon ou mauvais selon l’usage qu’on en fait). Surtout, il ne combat pas le capitalisme parce que celui-ci serait un régime de propriété privée, mais au contraire parce qu’il constitue un premier pas vers le socialisme, c'est-à-dire vers l’abolition de la propriété privée. Pour lui, la propriété privée trouve sa source dans le travail, et c’est pourquoi le capitalisme, en coupant la propriété du travail, constitue déjà une forme de socialisme non su. Par nature, cette doctrine trouve très facilement des passerelles avec la gauche syndicale, celle qui refuse tout esprit doctrinaire et se méfie du matérialisme des intellectuels.
Ce non-conformisme commence à prendre forme à partir du « nouveau nationalisme », réputé de droite, cristallisé pour la première fois avec le général Boulanger. Il trouvera ensuite son expression intellectuelle dans les cercles, surtout français, qui lui donneront son nom, entre les deux guerres. En Espagne, on en trouvera un début de réalisation avec la Phalange de Jose Antonio Primo de Rivera. Il sera parfois soutenu par une fraction du capitalisme (le capital enraciné de l’industrie, par opposition au capital spéculatif mondialisé de la haute banque), comme par exemple avec Mosley en Angleterre – et il sera également alimenté depuis l’autre bord, par des transfuges de la gauche la plus radicale (Mussolini, franc-maçon socialiste, les SA de gauche en Allemagne). A des degrés divers, ces soutiens le dénatureront soit parce qu’ils étaient intéressés (dans le cas des capitalistes), soit parce qu’ils reposaient sur un malentendu (dans le cas des « gauchistes »). Une fois le pouvoir conquis avec de tels soutiens (Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne), le non-conformisme sera toujours esquivé par les fascismes, qui se penseront plus comme l’addition de la droite et de la gauche que comme leur dépassement à proprement parler. Après la Seconde Guerre Mondiale, la sensibilité non-conformiste s’exprimera encore, en France, avec le gaullisme (en particulier dans son versant « social »).
Après mai 68, le non conformisme doit s’exprimer dans le champ qui devient de plus en plus important au sein du combat politique : le champ métapolitique, c'est-à-dire le domaine de la formation des idées en amont des idées elles-mêmes. C’est ce que fait, en France, le GRECE, que les médias s’empresseront d’enfermer dans l’étiquette « Nouvelle Droite », pour l’empêcher de se poser en dépassement non-conformiste. Le GRECE lui-même suit en fait une voie ambiguë. Son principal fondateur, A. de Benoist, se définit à la fin des années 70 comme nominaliste, donc potentiellement relativiste et individualiste. Le discours néo-païen se définit contre le christianisme, ce qui constitue une rupture avec la plupart des non-conformismes préexistants. Engagée initialement dans le « nationalisme européen », la tendance GRECE s’oppose à l’américanisation, et finit par se faire cannibaliser par ce combat, au point de se retrouver sur des positions universalistes et anti-impérialistes classiques. La pensée qui émerge de ce courant repose au final sur une série d’alternatives dont certaines paraissent critiquables, en particulier du point de vue des auteurs chrétiens. En particulier, l’affirmation selon laquelle le christianisme serait égalitaire et totalitaire par nature heurte la conception classique, pour laquelle la religion chrétienne est porteuse d’une vision du monde hiérarchique et d’un discours politique organiciste. Par son antichristianisme, la Nouvelle Droite renvoie donc au fond à une grille de lecture aujourd’hui contestée, le totalitarisme comme sécularisation du messianisme (Arendt, Aron), par opposition à une grille de lecture qui resitue le phénomène dans sa filiation, et l’appréhende d’abord comme le fils du rationalisme des Lumières (Soljenitsyne). Au final, on peut se demander, nous dit Imatz en substance, si le GRECE, isolé dans un contexte intellectuel imprégné par le gauchisme, n’a pas fini par être contaminé par le germe dont il se voulait le vaccin.
Un autre courant non-conformiste, moins connu, émerge à la même époque : le traditionalisme intégral des héritiers de René Guénon. Prenant le contrepied de la Nouvelle Droite, il récuse entièrement les grilles de lecture nominalistes, et se construit en référence aux conceptions les plus anciennes (société de castes, doctrine des deux pouvoirs), comme si des siècles de modernité n’avaient pas existé. Beaucoup plus stable idéologiquement, ce courant présente la faiblesse classique du jusqu’auboutisme : il est totalement coupé de la société dans laquelle il évolue – ce qui limite forcément son influence.
A partir de la fin des années 80, avec le lancement de la revue « Krisis », la Nouvelle Droite, désormais dirigée de facto par Alain de Benoist, s’éloigne de son positivisme initial, et se rapproche du traditionalisme. Mais cette tentative de synthèse ne débouche sur rien de concluant. Un courant de pensée qui formule des idées pendant deux décennies sans jamais les faire passer dans le réel social s’épuise nécessairement, et à partir des années 90, cette « nouvelle Nouvelle Droite » vivote à côté de divers groupes de réflexion et de quelques revues d’intérêt divers (Nationalisme et république, Terre et peuple, Vouloir et orientations). Que reste-t-il de la Nouvelle Droite ? Imatz ne répond pas à la question, mais on comprend très bien ce qu’il veut dire.
A l’époque où se formait ce courant prometteur voué à se disperser dans un marécage peut-être fécond ( ?), un autre courant naissait dans les milieux non-conformistes : le libéral conservatisme, très influencé par la révolution conservatrice dans sa version américaine « néoconservatrice » (comprendre : financée par la haute banque cosmopolite), et doté assez vite d’un centre actif, le Club de l’Horloge. Les libéraux-conservateurs du Club de l’Horloge doivent cependant en rabattre, par rapport au discours à l’emporte-pièce de leurs inspirateurs anglo-saxons. La sainte trinité néoconservatrice (esprit judéo-chrétien, capitalisme libéral, démocratie de marché) ne « prend » pas en France, pays de tradition catholique étatiste, depuis toujours porté à l’idéologisation des affrontements politiques. Conscients du fait que la mondialisation des néoconservateurs parle Anglais, les libéraux-conservateurs français vont tenter de définir une voie de conciliation entre nationalisme et libéralisme. Ils prônent un libéralisme associant la population au capitalisme (distribution d’actions), la liberté de l’enseignement, la destruction des systèmes de protection sociale - exaltation, en somme, de la liberté et de la responsabilité individuelle dans un cadre national – ce que sera le sarkozysme, au moins en paroles, pendant la campagne 2007, rappelle par certains côtés les thèses du Club de l’Horloge.
Cependant, pour Arnaud Imatz, le principal courant non-conformiste de la fin du XX° siècle n’est ni la Nouvelle Droite (confinée aux cercles intellos), ni le Club de l’Horloge (tenu en marge ou récupéré par les milieux capitalistes qui donnent le « la » dans la galaxie libérale). Le grand non-conformisme actuel, c’est le nouveau populisme. Cette réaction qui monte du peuple n’est pas ou très peu idéologisée. Elle traduit d'une part l’attachement aux structures communautaires, et d’autre part la prise de conscience de la distance qui sépare les gouvernants des gouvernés. Resurgissement du solidarisme et de l’organicité, ce nouveau populisme est le contraire de l’individualisme issu de la modernité capitaliste. Il est la traduction politique de ce qui pousse vers l’autre, de ce qui pousse à aider l’autre. Il n’exclut donc que pour inclure, et n’est pas xénophobe, mais communautaire. Il offre, face à la régression néo-tribale, la possibilité d’une véritable refondation du sentiment d’appartenance – et c’est précisément pour cette raison qu’il est constamment combattu par l’oligarchie capitaliste, qui tente soit de l’interdire (quand elle ne le maîtrise pas, cf. l’histoire du FN), soit de le récupérer (cf. F. Bayrou, ou en Angleterre Tony Blair).
Imatz termine son bouquin par l’analyse du FN. Il le perçoit comme un phénomène certainement pas univoque, plutôt un lieu de compromis (difficile) entre une sensibilité national-populiste (qui reprend une partie des thématiques de la Nouvelle Droite, en les désintellectualisant) et une sensibilité libéral-conservatrice (qui fait de même avec les thématiques du Club de l’Horloge), tout en essayant de constituer un parti capable de surfer sur une vague populiste a-idéologique. Les deux sensibilités constitutives se combinent par ailleurs, de manière assez anarchique, avec les deux camps d’un clivage islamophile/islamophobe qui renvoie, implicitement, à la validation ou à l’invalidation de la thèse néoconservatrice du « choc des civilisations ». Confronté à l’agressivité permanente d’un système d’autant plus persécuteur qu’il se sait fragile, confronté aussi à la médiocrité des ambitions personnelles en interne, qui fait chambre de réverbération aux heurts entre grandes tendances idéologiques, confronté encore à la concurrence potentielle d’un courant souverainiste naissant, le FN de 2003 apparaît à Imatz comme une expérience intéressante, dont l’objectif secret est tout simplement la reconstruction de la société française, mais qu’il sera très, très difficile à conduire dans le contexte des années 2000.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’histoire récente ne lui a pas donné tout à fait tort !
*
Ce qui, de notre point de vue, rend le travail d’Arnaud Imatz intéressant, c’est qu’il permet de remettre en perspective la démarche qui est aujourd’hui celle, par exemple, des gens qui gravitent autour d’un modeste site comme Scriptoblog. Imatz ne crée pas de concept, ce n’est pas son propos. Il fait œuvre d’historien des idées, et montre d’où viennent fondamentalement les idées qui sont les nôtres : du refus du matérialisme, tant par une fraction de l’ancienne « vraie droite » que par une fraction de l’ancienne « vraie gauche ».
Imatz a le mérite de nous sortir de la perception des enjeux « depuis l’intérieur du débat ». Il nous permet de re-cartographier notre position en nous plaçant « au-dessus de la mêlée ». C’est un déplacement de point de vue créateur : en nous repositionnant à ce niveau de lecture, nous pouvons comprendre comment nous devons, à l’intérieur de la mêlée, nous placer pour que le pack, dans son ensemble, pousse exactement là où l’adversaire est faible.
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jeudi, 10 juin 2010
Cette droite schizophrène
CETTE DROITE SCHIZOPHRÈNE
Chronique de Paul-Alexandre Martin
Après la diffusion sur TF1 d’un reportage au sein des musulmans salafistes de Marseille, j’entends dire ici et là que le temps des modérés est révolu, qu’une nouvelle ère se doit de débuter, et que nos gouvernants doivent faire preuve de courage face à la menace des minarets qui commenceraient à percer le sol sous nos pieds. Cependant, je ne peux m’empêcher de sourire au vu des commentaires des uns et des autres, tous se disent « réacs’ », « très à droite », « ultraconservateurs », une vraie génération de camelots du Roy à les entendre. Et quand il s’agit de leur demander d’expliciter leurs « croyances » politiques, ceux-ci me répondent alors : « libéral-conservateur », ou « capitaliste-traditionaliste ». Tous affirment cela avec arrogance, et un air de gentil provocateur, se pensant encore plus subversif qu’un gay qui ferait son coming-out aujourd’hui. Leurs idoles ? Ils tiennent en un couple : Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Aucun d’eux n’est français, mais peu importe ils vous expliqueront là aussi que plus patriotes qu’eux : « y’a pas ! ».
Revenons-en au sujet initial, et aux réactions suscitées par la diffusion d’un tel reportage. N’est-il pas déjà risible de voir TF1, aller enquêter sur les méfaits des replis identitaires religieux, conséquence directe du communautarisme, et de l’abandon de l’assimilation ? TF1, chaîne détenue par Martin Bouygues, fils de Francis Bouygues, qui nous expliquait dans les années 70, que la main d’œuvre étrangère avait toutes les vertus du monde et qu’il fallait la faire venir sur notre sol, crachant ainsi à la figure des ouvriers français, « trop chers » – salauds de pauvres ! Bref, un Francis Bouygues d’ores et déjà converti au libéralisme anglo-saxon, dont le seul appât du gain s’est substitué à l’éthique entreupreunariale, et qui a du applaudir des deux mains lorsque Ronald & Margaret ont été portés au pouvoir outre-Atlantique, et outre-Manche.
Des grands patrons qui se sont appuyés sur des politiques adeptes du libéralisme pour pouvoir toujours plus déréglementer et obtenir ainsi satisfaction. Des politiques qui pensaient toujours que la solution se trouvait là où la croissance était « la plus forte », qu’importent les dégâts occasionnés dans certains secteurs, comme en Angleterre qui propose désormais un magnifique éventail de professions allant du « Mac job », au trader de la City…les usines ont entre temps disparu du paysage, elles. Nos bons lobbys ont ainsi obtenu gain de cause de nos dirigeants, sans trop d’encombres, pour que le regroupement familial voit le jour. Adieu l’immigration régulée, et assimilée ! Désormais, on met aussi de côté la tradition française de l’assimilation pour embrasser la seule intégration sur le marché du travail.
Une conversion au libéralisme, et une volonté de construire un marché toujours plus grand, débordant du cadre national, puis continental, à qui l’on doit des banlieues surpeuplées, une France désindustrialisée, une précarité de l’emploi, une immigration incontrôlée…Ces constats là, que la plupart des gens censés, et qui gardent les pieds sur terre, font, ces jeunes dont je vous parlais plus haut sont incapables d’en tirer des conclusions. L’instabilité chronique de nos sociétés, qui font face à une communautarisation sauvage, débouchant sur des replis identitaires et religieux, où des déracinés s’enferment dans ce qui faisait leur identité originelle, doit être résorbée certes, afin de garantir une unité nationale menacée. Sauver aussi une France, en décomposition, en voie de devenir à terme un tas de décombres, sur lequel ne doivent pas prospérer ceux qui nous ont mené à cette situation.
Il faut surtout, et avant toute chose, sortir la droite de son carcan schizophrène, qui lui fait dire des choses aussi absurdes, que grotesques. Cette dite « droite » qui pense que capital et tradition ne font qu’un, que l’ordre marchand est l’allié des valeurs ancestrales, et du conservatisme social. La droite dominante, et qui nous gouverne – s’il nous reste un tantinet de pouvoir à Paris – sombre aujourd’hui dans un état de déliquescence car sa spiritualité a disparu, ses valeurs originelles ayant été troquées pour celle d’un libéralisme issu de 68…et si cette fameuse dichotomie libérale ne faisait en réalité qu’un, messieurs les « droitiers » ?
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mercredi, 09 juin 2010
Le terrorisme, l'Etat et la mafia
Le terrorisme, l’État et la mafia
Ex: http://www.mecanopolis.org/
Alors que, sur de nombreux sites et forums « spécialisés », les indices et rumeurs d’une « attaque terroriste » de grande ampleur s’intensifient depuis quelques semaines, il nous apparait utile, sinon même urgent, de replacer ce texte qui fut à l’origine de l’élaboration de notre site.
« La société qui s’annonce démocratique semble être admise partout comme étant la réalisation d’une perfection fragile. De sorte qu’elle ne doit plus être exposée à des attaques, puisqu’elle est fragile ; et du reste n’est plus attaquable, puisque parfaite comme jamais société ne fut.
Cette démocratie si parfaite fabrique elle-même son inconcevable ennemi : le terrorisme. L’histoire du terrorisme est écrite par l’État, elle est donc éducative. Les populations ne peuvent certes pas savoir qui se cache derrière le terrorisme, mais elles peuvent toujours en savoir assez pour être persuadées que, par rapport à ce terrorisme, tout le reste devra leur sembler plutôt acceptable, en tout cas plus rationnel et plus démocratique. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, 1988
L’exaltation idéologique peut conduire à toutes sortes de crimes, et l’héroïsme individuel comme les assassinats en série appartiennent à toutes les sociétés humaines. Ces sortes de passions ont contribué depuis toujours à construire l’histoire de l’humanité à travers ses guerres, ses révolutions, ses contre-révolutions. On ne peut donc être surpris qu’un mitrailleur, un kamikaze ou un martyre commettent des actes dont les résultats politiques seront exactement opposés à ceux qu’ils prétendent rechercher, car ces individus ne sont pas ceux qui négocient sur le marché des armes, organisent des complots, effectuent minutieusement des opérations secrètes sans se faire connaître ni appréhendés avant l’heure du crime.
Quoiqu’elle veuille s’en donner l’allure, l’action terroriste ne choisit pas au hasard ses périodes d’activités, ni selon son bon plaisir ses victimes. On constate inévitablement une strate périphérique de petits terroristes islamistes, dont il est toujours aisé de manipuler la foi ou le désir de vengeance, et qui est, momentanément, tolérée comme un vivier dans lequel on peut toujours pécher à la commande quelques coupables à montrer sur un plateau : mais la « force de frappe » déterminante des interventions centrales ne peut-être composée que de professionnels ; ce que confirme chaque détails de leur style.
L’incompétence proclamée de la police et des services de renseignements, leurs mea-culpa récurrent, les raisons invoquées de leurs échecs, fondées sur l’insuffisance dramatique de crédits ou de coordination, ne devraient convaincre personne : la tâche la première et la plus évidente d’un service de renseignements est de faire savoir qu’il n’existe pas ou, du moins, qu’il est très incompétent, et qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de son existence tout à fait secondaire. Pourtant, ces services sont mieux équipés techniquement aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été.
Tout individu notoirement ennemi de l’organisation sociale ou politique de son pays, et, d’avantage encore, tout groupe d’individus contraint de se déclarer dans cette catégorie est connu de plusieurs services de renseignements. De tels groupes sont constamment sous surveillance. Leurs communications internes et externes sont connues. Ils sont rapidement infiltrés par un ou plusieurs agents, parfois au plus haut niveau de décision, et dans ce cas aisément manipulable. Cette sorte de surveillance implique que n’importe quel attentat terroriste ait été pour le moins permis par les services chargés de la surveillance du groupe qui le revendique, parfois encore facilité ou aidé techniquement lorsque son exécution exige des moyens hors d’atteinte des terroristes, ou même franchement décidé et organisé par ces services eux-mêmes. Une telle complaisance est ici tout à fait logique, eu égard aux effets politiques et aux réactions prévisibles de ces attentats criminels.
Le siècle dernier, l’histoire du terrorisme a démontré qu’il s’agit toujours, pour une faction politique, de manipuler des groupes terroristes en vue de provoquer un revirement avantageux de l’opinion publique dont le but peut être de renforcer des dispositifs policiers pour contrer une agitation sociale, présente ou prévisible, ou de déclancher une opération militaire offensive, et son cortège d’intérêts économiques, à laquelle s’oppose la majorité de la nation.
Etat et Mafia
On se trompe chaque fois que l’on veut expliquer quelque chose en opposant la Mafia à l’Etat : ils ne sont jamais en rivalité. La théorie vérifie avec efficacité ce que toutes les rumeurs de la vie pratique avaient trop facilement montré. La Mafia n’est pas étrangère dans ce monde ; elle y est parfaitement chez elle, elle règne en fait comme le parfait modèle de toutes les entreprises commerciales avancées.
La Mafia est apparue en Sicile au début du XIXe siècle, avec l’essor du capitalisme moderne. Pour imposer son pouvoir, elle a du convaincre brutalement les populations d’accepter sa protection et son gouvernement occulte en échange de leur soumission, c’est-à-dire un système d’imposition directe et indirecte (sur toutes les transactions commerciales) lui permettant de financer son fonctionnement et son expansion. Pour cela, elle a organisé et exécuté systématiquement des attentats terroristes contre les individus et les entreprises qui refusaient sa tutelle et sa justice. C’était donc la même officine qui organisait la protection contre les attentats et les attentats pour organiser sa protection. Le recours à une autre justice que la sienne était sévèrement réprimé, de même que toute révélation intempestive sur son fonctionnement et ses opérations.
Malgré ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas la Mafia qui a subvertit l’Etat moderne, mais ce sont les Etats qui ont concocté et utilisé les méthodes de la Mafia. Tout Etat moderne contraint de défendre son existence contre des populations qui mettent en doute sa légitimité est amené à utiliser à leur encontre les méthodes les plus éprouvées de la Mafia, et à leur imposer ce choix : terrorisme ou protection de l’Etat.
Mais il n’y a rien de nouveau à tout cela. Thucydide écrivait déjà, 400 ans avant Jésus-Christ, dans « La guerre du Péloponnèse » : « Qui plus est, ceux qui y prenaient la parole étaient du complot et les discours qu’ils prononçaient avaient été soumis au préalable à l’examen de leurs amis. Aucune opposition ne se manifestait parmi le reste des citoyens, qu’effrayait le nombre des conjurés. Lorsque que quelqu’un essayait malgré tout des les contredire, on trouvait aussitôt un moyen commode des les faire mourir. Les meurtriers n’étaient pas recherchés et aucune poursuite n’était engagée contre ceux qu’on soupçonnait. Le peuple ne réagissait pas et les gens étaient tellement terrorisés qu’ils s’estimaient heureux, même en restant muet, d’échapper aux violences. Croyant les conjurés bien plus nombreux qu’ils n’étaient, ils avaient le sentiment d’une impuissance complète. La ville était trop grande et ils ne se connaissaient pas assez les uns les autres, pour qu’il leur fût possible de découvrir ce qu’il en était vraiment. Dans ces conditions, si indigné qu’on fût, on ne pouvait confier ses griefs à personne. On devait donc renoncer à engager une action contre les coupables, car il eût fallut pour cela s’adresser soit à un inconnu, soit à une personne de connaissance en qui on n’avait pas confiance. Dans le parti démocratique, les relations personnelles étaient partout empreintes de méfiance, et l’on se demandait toujours si celui auquel on avait à faire n’était pas de connivence avec les conjurés ».
Aujourd’hui, les manipulations générales en faveur de l’ordre établi sont devenues si denses qu’elles s’étalent presque au grand jour. Pourtant, les véritables influences restent cachée, et les intentions ultimes ne peuvent qu’être assez difficilement soupçonnée, presque jamais comprises.
Notre monde démocratique qui, jusqu’il y a peu, allait de succès en succès, et s’était persuadé qu’il était aimé, a du renoncer depuis lors à ces rêves ; il n’est aujourd’hui plus que l’arme idéologique du projet mondialiste.
00:20 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, terrorisme, mafia, etat, théorie politique, philosophie, sciences politiques, politologie, situationnisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Giovanni Gentile: Fascism's Ideological Mastermind
Mussolini’s ‘Significant Other’
Giovanni Gentile: Fascism’s Ideological Mastermind
Ex: http://magnagrece.blogspot.com/
Professore Giovanni Gentile: the “Philosopher of Fascism.”
“Philosophy triumphs easily over past, and over future evils, but present evils triumph over philosophy.” – François de La Rochefoucauld: Maxims, 1665
In writing the history of a country or of an ethnos, all too often even the most well-meaning people are tempted out of patriotism to embellish the truth by either building up the good or omitting certain ‘unsavory’ facts about the past. On an emotional level this is understandable. After all, in a certain sense an ethnic group is a vastly extended family. The country, on the other hand, can be considered a sizable prolongation of the borders of one’s home. Who but the crassest enjoys speaking ill of home and family?
Nevertheless, if one wishes to strive for accuracy and objectivity in their writings, one must inevitably confront the specter of those who, during the course of their lives, engaged in actions that today go against the grain of established social mores. Otherwise, one risks being exposed to the charge of chauvinism (or worse).
It has been the stated purpose of this writer to show the reader how his people, the DueSiciliani, have carved out a place for themselves in this world in spite of the loss of their homeland, the Kingdom of the Two Sicilies, to the forces of the Piedmontese and their allies in 1861. Thus far, I and other like-minded folk posting on this blog have written of the commendable members of our people who have significantly added to Western Civilization through their contributions to the arts, sciences, philosophy (and even sports).
Men like Ettore Majorana, Salvator Rosa, Vincenzo Bellini and “the Nolan”, Giordano Bruno have unquestionably made this world better by being in it.
Similarly, we have written of those whose legacies provoke more ambivalent feelings. Men like Paolo di Avitabile and Michele Pezza, the legendary “Fra Diavolo”, led lives that to this day are considered controversial.
It now falls to this writer the hapless task of telling the tale of one of our own who went down “the road less traveled” to a decidedly darker place in the chapters of history – among the creators of 20th century totalitarian movements. As the reader will soon see, this journey cost him friends, a loftier place in the history books, and eventually his life!
Giovanni Gentile was born in the town of Castelvetrano, Sicily on May 30th, 1875 to Theresa (née Curti) and Giovanni Gentile. Growing up, his grades were so good he earned a scholarship to the University of Pisa in 1893. Originally interested in literature, his soon turned to philosophy, thanks to the influence of Donato Jaja. Jaja in turn had been a student of the Abruzzi neo-Hegelian idealist Bertrando Spaventa (1817-1883). Jaja would “channel” the teachings of Spaventa to Gentile, upon whom they would find a fertile breeding ground.
During his studies he found himself inspired by notable pro-Risorgimento Italian intellectuals such as Giuseppe Mazzini, Antonio Rosmini-Serbati and Vincenzo Gioberti. However, he also found himself drawn to the works of German idealist and materialist philosophers like Johann Gottlieb Fichte, Karl Marx, Friedrich Nietzsche and especially Georg Hegel. He graduated from the University of Pisa with a degree in philosophy in 1897.
He completed his advanced studies at the University of Florence, eventually beginning his teaching career in the lyceum at Campobasso and Naples (1898-1906).
Benedetto Croce
Beginning in 1903, Gentile began an intellectual friendship with another noted philosopher from il sud: Benedetto Croce. The two men would edit the famed Italian literary magazine La critica from 1903-22. In 1906 Gentile was invited to take up the chair in the history of philosophy at the University of Palermo. During his time there he would write two important works: The Theory of Mind as Pure Act (1916) and Logic as Theory of Knowledge (1917). These works formed the basis for his own philosophy which he dubbed “Actual Idealism.”
Giovanni Gentile’s philosophy of Actual Idealism, like Marxism, recognized man as a social animal. Unlike the Marxists, however, who viewed community as a function of class identity, Gentile considered community a function of the culture and history in a nation. Actual Idealism (or Actualism) saw thought as all-embracing, and that no one could actually leave their sphere of thinking or exceed their own thought. This contrasted with the Transcendental Idealism of Kant and the Absolute Idealism of Hegel.
He would remain at the University of Palermo until 1914, when he was invited to the University of Pisa to fill the chair vacated by the death of his dear friend and mentor, Donato Jaja. In 1917, he wound up at the University of Rome, where in 1925 he founded the School of Philosophy. He would remain at the University until shortly before his murder.
After Italy’s humiliating defeat at the disastrous Battle of Caporetto in November, 1917, Gentile took a greater interest in politics. A devoted Nationalist and Liberal; he gathered a group of like-minded friends together and founded a review, National Liberal Politics, to push for political and educational reform.
Gentile’s writings and activism attracted the attention of future Fascist dictator Benito Mussolini. Immediately after his famous “March on Rome” at the end of October, 1922, Mussolini invited Gentile to serve in his cabinet as Minister of Public Instruction. He would hold this position until July, 1924. Surviving records show that on May 31st, 1923 Giovanni Gentile formally applied for membership in the partito nazionale fascista, the National Fascist Party of Italy.
With his new cabinet position Gentile was given full authority by Mussolini to reform the Italian educational system. On November 5th, 1923 he was appointed senator of the realm, a representative in the Upper House of the Italian Parliament. Gentile was now at the pinnacle of his political influence. With the power and prestige granted him by his new office, he began the first serious overhaul of public education in Italy since the Casati Law was passed in 1859.
Gentile saw in Mussolini’s authoritarianism and nationalism a fulfillment of his dream to rejuvenate Italian culture, which he felt was stagnating. Through this he hoped to rejuvenate the Italian “nation” as well. As Minister of Public Instruction Gentile worked laboriously for 20 months to reform what was most certainly an antiquated and backward system. Though successful in his endeavor, ironically, it was the enactment of his plan that caused his political influence to wane.
In spite of this, Mussolini continued to grant honors on him. In 1924, after resigning his post as Minister, “Il Duce” invited him to join the “Commission of Fifteen” and later the “Commission of Eighteen” basically in order to figure out how to make Fascism fit into the Albertine Constitution, the legal document that governed the state of Italy since its formation after the infamous Risorgimento in 1861.
On March 29th, 1925 the Conference of Fascist Culture was held at Bologna, in northern Italy. The précis of this conference was the document: the Manifesto of the Fascist Intellectuals. It was an affirmation of support for the government of Benito Mussolini, throwing a gauntlet down to critics who questioned Mussolini’s commitment to Italian culture. Among its signatories were Giovanni Gentile (who drew up the document), Luigi Pirandello (who wasn’t actually at the conference but publicly supported the document with a letter) and the Neapolitan poet, songwriter and playwright Salvatore Di Giacomo.
It was that last name that provoked a bitter dispute between Gentile and his erstwhile friend and mentor, Benedetto Croce. Responding with a document of his own on May 1st, 1925, the Manifesto of the Anti-Fascist Intellectuals, Croce made public for all to see his irreconcilable split (which had been brewing for some time) with the Fascist Party of Italy…and Giovanni Gentile. In his document he dismissed Gentile’s work as “…a haphazard piece of elementary schoolwork, where doctrinal confusion and poor reasoning abound.” The two men would never collaborate again.
From 1925 till 1944 Gentile served as the scientific director of the Enciclopedia Italiana. In June of 1932 in Volume XIV he published, with Mussolini’s approval (and signature) and over the Roman Catholic Church’s objections, the Dottrina del fascismo (The Doctrine of Fascism). The first part of the Dottrina, written by Gentile, was his reconciling Fascism with his own philosophy of Actual Idealism, thereby forever equating the two.
Giovanni Gentile approved of Italy’s invasion of Ethiopia in 1935. Though he found aspects of Hitler’s Nazism admirable, he disapproved of Mussolini allying Italy with Germany, believing Hitler’s intentions could not be trusted and that Italy would wind up becoming a vassal state. His views on this were shared by General Italo Balbo and Count Galeazzo Ciano, Mussolini’s son-in-law and Foreign Minister. Nevertheless, Gentile continued to support Mussolini. Since he recognized that Italy was a polity but not a nation in the true sense of the word, he believed “Il Duce’s” iron-fisted rule to be the only thing sparing the Italian pseudo-state from civil war.
With the collapse of Italy’s Fascist regime in September, 1943 and Mussolini’s rescue by Hitler’s forces, Gentile joined his emasculated master in exile at the so-called Italian Social Republic; an ad hoc puppet state created by Hitler in an ultimately futile attempt to shore up his rapidly crumbing 1,000-year Reich. Even then, he served as one of the principal intellectual defenders of what was obviously a failed political experiment.
On April 15, 1944 Professore Giovanni Gentile was murdered by Communist partisans led by one Bruno Fanciullacci. Ironically, he was gunned down leaving a meeting where he had argued for the release of a group of anti-Fascist intellectuals whose loyalty was suspect. He was buried in the Church of Santa Croce in Florence where his remains lie, perhaps fittingly, next to those of Florentine philosopher and writer Niccolò Machiavelli.
As one might imagine, after his death Gentile’s name was scorned if not forgotten entirely by historians. In recent years, however, scholars have begun to re-examine his legacy. Political theorist A. James Gregor (née Anthony Gimigliano), a recognized expert on Fascist and Marxist thought and himself an American of Southern Italian descent, believes that Gentile actually exerted a tempering influence on Italian Fascism’s proclivities towards violence as a political tool. This, he argues, is one (of several) of the reasons why Mussolini’s Italy never indulged in the more draconian excesses of Hitler’s regime.
Even his former friend and colleague Benedetto Croce later recognized the superior quality of Gentile’s scholarship and the quantity of his publications in the history of philosophy. Yet he differed sharply from him in political ideology and temperament. While both men forsook any loyalty to i Due Sicilie in favor of the pan-Italian illusion of the Risorgimento, they disagreed mightily as to the nature of the Italian state and to what course it should pursue.
For Gentile the actual idealist, the state was the supreme ethical entity; the individual existing merely to submit and merge his will and reason for being to it. Rebellion against the state in the name of ideals was therefore unjustifiable on any level. To Gentile, Fascism was the natural outgrowth of Actual Idealism.
Croce the neo-Kantian, on the other hand, argued forcefully the state was merely the sum of particular voluntary acts expressed by individuals (who were the center of society) and recorded in its laws. To Croce, Gentile’s metaphysical concepts regarding the state approached mysticism.
Thus, while both men have sadly been largely forgotten, even in the intellectual circles they once traversed, Croce’s legacy survives in a much better light than the man he once called friend.
Niccolò Graffio
Further reading:
- A. James Gregor: Giovanni Gentile: Philosopher of Fascism; Transaction Publishers, 2001.
- Giovanni Gentile and A. James Gregor (transl): Origins and Doctrine of Fascism: With Selections from Other Works; Transaction Publishers, 2002.
- M.E. Moss: Mussolini’s Fascist Philosopher: Giovanni Gentile Reconsidered; Peter Lang Publishing, Inc., 2004.
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lundi, 07 juin 2010
Hommage au Prof. B. Willms: entre Hobbes et Hegel
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Hommage au Professeur Bernard Willms
(7.7.1931 - 27.2.1991)
Entre Hobbes et Hegel
par le Dr. Thor von WALDSTEIN
A Bochum vient de mourir le Fichte de notre époque, le Professeur Bernard Willms.
«C'est parce que vous mentez sur ce qui est, qu'en vous ne naît pas la soif de connaître ce qui adviendra» (Friedrich NIETZSCHE).
Lorsqu'une Nation dominée par des puissances étrangères n'a pas encore définitivement renoncé à s'auto-déterminer, elle doit impérativement travailler à une chose en priorité: reconnaître son propre état des lieux. Dans l'Allemagne vaincue d'après 1945, c'est surtout un tel bilan, clair, net, précis, qui a manqué. Privés de souveraineté, privés de la possibilité de décider pour eux-mêmes, les Allemands ont honoré des valeurs, certes importantes, comme la «démocratie», les «droits de l'Homme», la «paix», la «stabilité». Valeurs qui, sans référence à la Nation et sans souveraineté, demeuraient de tristes coquilles linguistiques vides, exportées d'Outre-Atlantique et n'ayant plus qu'une seule fonction: jeter un voile pudique sur l'impuissance impolitique des Allemands. Mais, comme lors de la Guerre des Paysans du XVIième siècle, lors des combats pour la libération du territoire en 1813-1814, lors du Vormärz de 1848, à la fin de l'ère wilhelminienne et sous Weimar, l'Allemagne a eu des penseurs brillants et courageux; pendant l'éclipse de Bonn aussi: des hommes qui ont su désigner les profiteurs de notre misère nationale. Plus la démission de la politique allemande s'institutionalisait, plus la domination étrangère, donnée factuelle éminemment concrète, se dissimulait derrière le rideau de fumée des «valeurs occidentales», plus les régisseurs de la dogmatique politique ambiante, solidement installée, réagissaient avec fiel et aigreur contre les hommes courageux et civiques qui dégageaient la réalité de la cangue médiatique, où on l'avait enserrée, et montraient clairement aux Allemands dans quelle situation ils vivaient.
Parmi ces hommes: Bernard Willms.
En écrivant cette phrase, «L'homme existe politiquement ou n'existe pas», dans son remarquable article intitulé «Antaios oder die Lage der Philosophie ist die Lage der Nation» (= Antaios ou la situation de la philosophie est la situation de la Nation), Willms, en 1982, réveillait brusquement la philosophie universitaire fonctionnarisée de son sommeil théorique et réclamait un ancrage (Verortung) de la philosophie dans le concept de Nation. Willms relançait ainsi dans le débat une thématique que les détenteurs de chaires universitaires, en Allemagne de l'Ouest, avaient enfouie pendant quarante ans sous un tas de scories dogmatiques occidentales, prétextant que toute philosophie allemande après Auschwitz avait cessé d'exister. Au cours du renouveau national des années 80, Bernard Willms est devenue une figure-clef de la nouvelle renaissance allemande, un homme qui «éloigne de soi ce qui est vermoulu, lâche et tiède» (Stefan George) et mange le «pain dur de la vérité philosophique» (Willms).
Celui qui étudie la biographie de ce philosophe allemand constatera que son évolution, qui le conduira à devenir un nouveau Fichte dans un pays divisé, n'a pas été dictée par les nécessités.
Né en 1931 à Mönchengladbach dans un milieu catholique, Willms a étudié la philosophie à Cologne et à Münster, après avoir été pendant quelque temps libraire. Il rédige un mémoire à Münster en 1964, dont Joachim Ritter est le promoteur. Titre de ce travail: Die totale Freiheit. Fichtes politische Philosophie (= La liberté totale. Philosophie politique de Fichte). Pendant la seconde moitié des années 60, lorsque l'Ecole de Francfort transformait l'Université allemande en un second-mind-shop, Willms était l'assistant du célèbre sociologue conservateur Helmut Schelsky. A cette époque-là, Willms visite également, de temps en temps, les Séminaires d'Ebrach, où Ernst Forsthoff attire les esprits indépendants et les soutient. En 1970, Willms est appelé à l'Université de la Ruhr à Bochum, où il acquiert une chaire de professeur de sciences politiques avec comme thématiques centrales, la théorie politique et l'histoire des idées. Marqué profondément par Hegel —Willms s'est un jour décrit comme «hégélien jusqu'à la moëlle»— il avait abordé et approfondit, depuis son passage chez Schelsky, la philosophie de l'Anglais Thomas Hobbes. En 1970, Willms fait paraître Die Antwort des Leviathans. Thomas Hobbes' politische Theorie (= La réponse du Léviathan. La théorie politique de Thomas Hobbes). En 1980, il complète ses études sur Hobbes en publiant Der Weg des Leviathan. Die Hobbes-Forschung von 1968 bis 1978 (= La voie du Léviathan. Les recherches sur Hobbes de 1968 à 1978). En 1987, enfin, il résume ses vingt années de réflexions sur le vieux penseur de Malmesbury dans Das Reich des Leviathan (= Le Règne du Léviathan). Pendant ces deux dernières décennies, Willms est devenu l'un des meilleurs connaisseurs de la pensée de Hobbes; il était devenu membre du Conseil Honoraire de la International Hobbes Association à New York et ne cessait de prononcer sur Hobbes quantité de conférences dans les cercles académiques en Allemagne et ailleurs.
Tout en assurant ses positions, en devenant profond connaisseur d'une matière spéciale, Willms n'a jamais perdu le sens de la globalité des faits politiques: son souci majeur était de penser conjointement et la philosophie et la politique et de placer ce souci au centre de tous ses travaux. De nombreux livres en témoignent: Die politischen Ideen von Hobbes bis Ho Tschi Minh (= Les idées politiques de Hobbes à Ho Chi Minh, 1971); Entspannung und friedliche Koexistenz (= Détente et coexistence pacifique, 1974); Selbstbehauptung und Anerkennung (= Auto-affirmation et reconnaissance, 1977), Einführung in die Staatslehre (= Introduction à la doctrine de l'Etat, 1979) et Politische Koexistenz (= Coexistence politique, 1982).
Au cours des années 80, Bernard Willms fonde une école de pensée néo-idéaliste, en opérant un recours à la nation. Cette école désigne l'ennemi principal: le libéralisme qui discute et n'agit pas. En 1982, paraît son ouvrage principal, Die Deutsche Nation. Theorie. Lage. Zukunft (= La nation allemande. Théorie. Situation. Avenir) ainsi qu'un autre petit ouvrage important, Identität und Widerstand (= Identité et résistance). Entre 1986 et 1988, Willms édite en trois volumes un Handbuch zur deutschen Nation (= Manuel pour la nation allemande), trois recueils contenant les textes scientifiques de base pour amorcer un renouveau national. En 1988, avec Paul Kleinewefers, il publie Erneuerung aus der Mitte. Prag. Wien. Berlin. Diesseits von Ost und West (= Renouveau au départ du centre. Prague. Vienne. Berlin. De ce côté-ci de l'Est et de l'Ouest), ouvrage qui esquisse une nouvelle approche géopolitique du fait centre-européen (la Mitteleuropa), qui a prévu, en quelque sorte, les événements de 1989. Dans son dernier article, intitulé Postmoderne und Politik (= Postmodernité et politique, 1989), Willms relie ses références puisées chez Carl Schmitt et chez Arnold Gehlen à la critique française contemporaine de la modernité (Foucault, Lyotard, Derrida, Baudrillard, etc.). Sa démonstration suit la trajectoire suivante: la négation de la modernité doit se muer en principe cardinal des nations libres.
Si Bernard Willms a bien haï quelque chose dans sa vie, c'est le libéralisme, qu'il concevait comme l'idéologie qui fait disparaître le politique: «Le libéralisme par essence est hostile aux institutions; sur le plan politique, il n'a jamais existé qu'à l'état parasitaire. Il se déploie à l'intérieur même des ordres politiques que d'autres forces ont forgés. Le libéralisme est une attitude qui vit par la maximisation constante de ces exigences et qui ne veut de la liberté que ce qui est agréable». La phrase qu'a prononcée Willms avant la réunification à propos du libéralisme réel ouest-allemand n'a rien perdu de sa pertinence, après l'effondrement du mur. Jugeons-en: «La République Fédérale n'a des amis qu'à une condition: qu'elle reste ce qu'elle est».
Ceux qui, comme Willms, s'attaquent aux «penseurs débiles du libéralisme» et stigmatisent la «misère de notre classe politique», ne se font pas que des amis. Déjà au début des années 70, quelques énergumènes avaient accroché des banderoles sur les murs de l'Université de Bochum, avec ces mots: «Willms dehors!». Quand, pendant les années 80, les débats inter-universitaires ont tourné au vinaigre, d'autres drôles ont surnommé Willms «le Sanglant», démontrant, en commettant cette ahurissante et ridicule sottise, combien ils étaient libéraux, eux, les défenseurs du libéralisme, face à un homme qui, somme toute, ne faisait que sortir des sentiers battus de l'idéologie imposée par les médias et appelait les choses par leur nom. La remarque d'Arno Klönne, qui disait que Willms était le principal philosophe du néo-nationalisme, et le mot du Spiegel, qui le désignait comme «le fasciste le plus intelligent d'Allemagne», sont, face à l'ineptie de ses contradicteurs les plus hystériques, de véritables compliments et prouvent ex negativo que ses travaux de Post-Hegelien serviront de fil d'Ariane pour une nouvelle génération d'Allemands qui pourront enfin penser l'Allemagne dans des catégories philosophiques allemandes, sans rêver aux pompes et aux œuvres d'Adolf Hitler.
Bernard Willms était un philosophe qui prenait au sérieux le mot de Cicéron, vivere est cogitare, vivre, c'est penser. Avec sa mort, la nation perd la meilleure de ses têtes philosophiques des années d'avant le 9 novembre 1989, jour de la chute du Mur. Ernst Jünger nous a enseigné que la tâche de tout auteur est de fonder une patrie spirituelle. Chose rare, Bernard Willms est l'un de ceux qui ont réussi une telle œuvre d'art. Dans un interview, en 1985, il avait répondu: «On écrit des livres dans l'espoir qu'ils seront lus et compris par les hommes qui doivent les lire et les comprendre». Une jeune génération, formée par son école néo-idéaliste, a donc désormais la mission de témoigner de l'idéal national de Willms, d'utiliser ses livres et ses idées comme des armes pour construire, à Berlin et non plus à Bonn, une Allemagne nouvelle, au-delà des gesticulations stériles des bonzes qui la gouvernent aujourd'hui.
A Münster en Westphalie, ses disciples l'ont porté en terre sous les premiers rayons d'un pâle soleil de mars. Sur son cercueil, ils avaient fixé une plaque en cuivre, reproduisant la page de titre qui figurait sur la première édition du Léviathan, écrit par le Sage de Malmesbury. Bernard Willms avait l'habitude, au cours des années 80, de prononcer une phrase, imitée de Caton, à la suite de chacune de ses nombreuses conférences: ceterum censeo Germaniam esse restituendam (je crois que l'Allemagne doit être restituée). C'est le message et la mission qu'il nous laisse. Soyons-en digne.
Dr. Thor von WALDSTEIN,
14 mars 1991.
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dimanche, 06 juin 2010
Hommage à Bernard Willms
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Hommage à Bernard Willms
prononcé par Robert Steuckers à l'occasion du XXIVième Colloque du GRECE (Paris,
24 mars 1991)
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,
Si notre ami Alexandre Douguine n'avait pu parler à cette tribune, j'avais été chargé de le remplacer et de prononcer une conférence sur les notions de «nation» et d'«empire», telles que les concevait l'idéalisme de tradition fichtéenne. Et pour parfaire cette tâche, j'avais très peu de temps devant moi. J'ai préparé une allocution au départ de textes épars, que j'avais déjà écrits pour divers éditeurs. Parmi ces textes, il y a un hommage à un ami qui, comme Pierre Gripari ou Marc Augier dit «Saint-Loup», vient de mourir, le Professeur Bernard Willms de l'Université de Bochum. Bernard Willms avait été pressenti pour participer à notre dernier colloque mais n'avait pu y venir parce qu'il préparait une étude sur la post-modernité et le politique. Cette étude est parue à Berlin, dans la plus grande revue de politologie en Europe, Der Staat, dont il était le co-rédacteur, notamment avec Helmut Quaritsch, grand spécialiste de Carl Schmitt et l'un des premiers Allemands diplômé de l'ENA. Professeur de philosophie politique, Bernard Willms était, lui, l'un des plus grand spécialiste au monde de la pensée de Thomas Hobbes et de celle de Fichte. Bon nombre de définitions que j'aurais dû vous administrer aujourd'hui sont issues de son œuvre, encore totalement inconnue du public francophone. Bernard Willms est mort le 27 février dernier, à l'âge de 59 ans, laissant derrière lui une œuvre impressionnante en quantité et en densité. Les thématiques de l'idéalisme philosophique, de la nation, du politique, de la notion de plan, de post-modernité politique, du nominalisme, du grand espace confédéral, ont été, chez lui, approfondies pour plusieurs générations. Je saisis l'occasion de ce colloque pour lui rendre un premier hommage public dans l'espace linguistique francophone et pour vous dire que son décès prématuré nous incite à poursuivre son œuvre en en faisant l'exégèse, en l'explicitant, en la traduisant, en témoignant d'elle. Merci.
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samedi, 05 juin 2010
Algo sobre el poder y el poderoso
Algo sobre el poder y el poderoso
Alberto Buela (*)
A Germán Spano, que me lo obsequió
Se reeditó recientemente el pequeño Diálogo sobre el poder y acceso al poderoso del iusfilósofo alemán Carl Schmitt, que fuera publicado tanto en Alemania como en España en 1954[1], y que naciera como un diálogo radiofónico, que en un principio tendría el autor y el politólogo francés Raymond Arón o el sociólogo Helmut Schelsky o el filósofo Arnold Gehlen, pero los tres se rehusaron. Claro está la demonización mediática que pesaba sobre Schmitt era tal que cuando en el semanario Die Zeit, su jefe de redacción escribe a propósito del Diálogo: “En la República Federal de Alemania, el gran jurísta Carl Schmitt es una figura controvertida. Sin embargo, incluso sus enemigos deberían prestar atención cuando hace observaciones originales y sagaces…Nadie que se proponga escribir sobre el poder debería abordar el tema sin haber leído el texto de Carl Schmitt”(N° 9 del 2/7/54), al jefe de redacción lo echaron del trabajo y le prohibieron la entrada al edificio.
La naturaleza del poder
Se trata de hablar específicamente del poder que ejercen los hombres sobre otros hombres, pues el poder no procede ni de la naturaleza ni de Dios, al menos para la sociedad desacralizada de nuestro tiempo.
El poder establece una relación de mando-obediencia entre los hombres que cuando desaparece la obediencia, desparece el poder. Se puede obedecer por confianza, por temor, por esperanza, por desesperación que se busca junto al poder, pero “la relación entre protección y obediencia sigue siendo la única explicación para el poder”.
El acceso al poderoso
Como todo poder directo está sujeto a influencias indirectas, quien presenta un proyecto al poderoso, quien lo informa, quien lo ayuda o asesora ya participa del poder. Esto ha desvelado a los hombres que en el mundo han ejercido poder directo. Existen cientos de anécdotas al respecto, de cómo los poderosos han tratado de romper el círculo de influencias indirectas que los rodeaban. “Delante de cada espacio de poder directo se forma una antesala de influencias y poderes indirectos, un acceso al oído, un pasaje a la psique del poderoso”. Y cuanto más concentrado está ese poder en una cima, más se agudiza la cuestión del acceso a la cima. Más violenta y sorda se vuelve la lucha de aquellos que están en la antesala y controlan el pasaje al poder directo.
Quienes tienen acceso al poder ya participan del poder y como consecuencia no permiten u obstruyen el acceso de otros al poder. En una palabra, el poder no se comparte, solo se ejerce.
Maldad o bondad del poder
Si el poder que ejercen los hombres entre sí no procede de la naturaleza ni de Dios sino es una cuestión de relación entre los hombres ¿es bueno, es malo, o qué es?, se pregunta.
Para la mayoría de los hombres el poder es bueno cuando lo ejerce uno y malo cuando lo ejerce su enemigo. El poder no hace a los hombres buenos o malos sino que cuando se ejerce muestra en sus acciones si el poderoso es bueno o malo, que es otra cosa distinta.
Para San Pablo todo poder viene de Dios, y para San Gregorio Magno la voluntad de poder es mala, pero el poder en sí mismo siempre es bueno.
Pero actualmente la mayoría de las personas siguen el criterio expresado por Jacobo Burckhardt que “el poder en sí mismo es malo”. Lo paradójico que esto fue escrito a partir de los gobiernos de Luís XIV, Napoleón y los gobiernos populares revolucionarios surgidos a partir de la Revolución Francesa. Es decir, que en plena época del humanismo laico, de los derechos humanos del hombre y el ciudadano se difunde la universal convicción de que el poder es malo.
A que se debe este cambio de ciento ochenta grados en la concepción del poder que pasó de bueno hasta finales del siglo XVIII, a malo hasta nuestros días.
El avance exponencial de la técnica, transformada luego en tecnología y finalmente en tecnocracia ha hecho que sus productos se desprendan del control del hombre y por lo tanto el poderoso no puede asegurar la protección que supone el tener poder sobre aquellos que le obedecen. Se supera así la relación protección obediencia que caracteriza la naturaleza del poder.
El poder es se ha transformado en algo objetivo más fuerte que el hombre que lo emplea.
El concepto de hombre ha cambiado y es vivido como más peligroso que cualquier otro animal, es el homo homini lupus de Hobbes, autor reverenciado por Schmitt.
Nota bene:
Sin cuestionar la excelencia de este brevísimo diálogo, quisiéramos observar que aun cuando Schmitt quiere hablar sobre el poder en general, se limita sin quererlo al poder político pues no tiene en cuenta el poder que nace de la autoridad, esto es el poder que nace del saber o conocer algo en profundidad y que pueda ser enseñado. No es por obediencia, al menos primariamente, que un discípulo se acerca a un verdadero maestro, ni por protección que un maestro ejerce su profesión, sino en busca de la transmisión genuina del saber.
Es que la obediencia a la autoridad se funda en el saber de dicha autoridad, y no en la mayor o menor protección que pueda brindar dicha autoridad.
(*) arkegueta- UTN(Universidad Tecnológica Nacional)
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vendredi, 04 juin 2010
G. Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
Günter Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie
A l'âge de six ans, Günter Maschke, natif d'Erfurt en Thuringe, s'installe dans la ville épiscopale de Trêves, en Rhénanie-Palatinat. En 1960, il adhère à la Deutsche Friedensunion (l'Union allemande pour la paix) et, plus tard, à la KPD communiste illégale. Deux tentatives pour échapper à l'étroitesse d'esprit de cette ville provinciale. Après des études secondaires et un diplôme de courtier d'assurances, il décide de devenir écrivain. Dans le cercle qui se réunissait autour de Max Bense et de Ludwig Harig, il fait la connaissance de Gudrun Ensslin (future figure de proue de la Bande à Baader) à la Technische Hochschule de Stuttgart. Accompagné de la sœur de Gudrun, Johanna, il va s'installer à Tübingen pour y prendre en charge la rédaction du journal étudiant Notizen, de concert avec le futur terroriste Jörg Lang.
En 1964, Maschke met sur pied un “Groupe d'Action Subversive” à Tübingen, une organisation légendaire qui a préfiguré la fameuse SDS gauchiste, à laquelle ont appartenu Rudi Dutschke et Bernd Rabehl. Un an plus tard, Maschke reçoit son ordre de rejoindre la Bundeswehr: il refuse tant le service armé que le service civil. Il prend la fuite et commence un exil qui l'amènera d'abord à Paris puis à Zurich et finalement à Vienne, où il est collaborateur occasionnel de Volksstimme (d'obédience communiste) et du Wiener Tagebuch. Après une manifestation énergique contre la guerre du Vietnam dans la capitale autrichienne, Maschke est arrêté par la police. Il est déclaré “étranger indésirable” et il risque d'être refoulé en Allemagne où l'attend un mandat d'arrêt pour désertion. Après trois semaines de prison, l'ambassade de Cuba lui propose l'asile politique.
Il restera à Cuba du début de 1968 à la fin de 1969. Dans le pays de Castro, Maschke est devenu national-révolutionnaire. Les raisons de cette conversion sont sans doute multiples: les conditions déplorables dans lesquelles végétaient ses amis ou les formes spéciales du “stalinisme tropical”... Ami du poète Padilla, un adversaire du régime cubain, il est impliqué dans cette affaire, arrêté par la police de Castro et renvoyé en Allemagne. Il y passera d'abord treize mois dans les prisons de Munich et de Landsberg.
C'est là qu'il passera définitivement à “droite”. Mais le camp de la droite a hérité là d'un allié très critique, trop critique aux yeux de bon nombre de conservateurs bon teint. Ses premières avances sont brusquement repoussées. Beaucoup de droitiers et de conservateurs rejettent aveuglément les idées de gauche, un aveuglement que Maschke n'a jamais compris. Avec la gauche radicale, il s'est révolté contre l'américanisme, contre le parlementarisme et a milité en faveur d'une réforme du droit de la propriété. Mais, par ailleurs, il a toujours plaidé, contre une gauche qui ne cesse plus de s'éloigner du marxisme, pour un Etat fort, modérément autoritaire.
Dans sa vie privée aujourd'hui, Maschke traduit et édite les textes de l'Espagnol Juan Donoso Cortés et de Carl Schmitt. Sur le plan scientifique, il travaille dur, il est exigeant et méticuleux, mais quand il reçoit ses amis, il est un hôte jovial et généreux, qui aime les bons plats et les bons vins, qui dissimule son pessimisme notoire derrière des blagues hautes en couleurs, derrière un charme exquis, avec une souveraineté bien consciente d'elle-même.
Werner OLLES.
(article paru dans Junge Freiheit, n°26/97).
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jeudi, 03 juin 2010
L'Addictature: la tyrannie de la dépendance
L'Addictature : La tyrannie de la dépendance
Ex: http://www.polemia.com/
Polémia a reçu un excellent texte sur « l’addictature ». « L’addictature », c’est la dictature du système marchand, mondialiste et médiatique à travers l’addiction : l’addiction aux images, l’addiction à la consommation ; notamment par la prise du contrôle des esprits par les publicitaires et la décérébration scientifique, une addiction à la consommation à la publicité et au commerce qui est, selon l’auteur, la principale cause du politiquement correct. C’est le chef d’entreprise, le publicitaire et l’éditorialiste qui cherchent à éviter tout ce qui peut nuire à un « bon climat », ce qui les conduit à privilégier le conformisme et à craindre la liberté de l’esprit.
Polémia
1/ Consommer c’est détruire
Londres, été 2000, à proximité du célébrissime Hyde Park, une réunion se tient dans les locaux d’une agence de publicité regroupant une vingtaine de « marqueteurs » du monde entier… Face à l’agence, un panneau publicitaire de 4m sur 3 attire l’attention du passant, dérange la bonne société londonienne et émerveille nos jeunes cadres un brin efféminés, grands prêtres de l’impact pour l’impact, adeptes des idées décalées qui « feraient bouger le monde », ennemis jurés de la normalité d’emblée jugée réactionnaire ou simplement emmerdante.
Sur l’affiche géante : une femme septuagénaire ridée comme une pomme, le visage révulsé et bestial, un corps misérable au deux tiers dénudé, simplement sanglé dans une combinaison sado-maso de latex noir clouté ; dans sa main droite un fouet hérissé d’épines de métal, dans sa main gauche une boîte de pastilles à la menthe et un « claim », une signature, un message : « Draw the pleasure from the pain » (tirez votre plaisir de la souffrance). Un clin d’œil bien british à la gloire du menthol contenu dans ces anodines pastillettes mais qui pourrait en dire long sur la dégradation de notre rapport au monde ô combien tourmenté.
Et si consommer c’était consumer et se consumer, altérer l’objet et s’altérer soi-même… et si consommer c’était avant tout détruire ? Le désir est castré par la totale accessibilité des biens. Contrairement au discours des publicitaires, les médias ne créent jamais le désir mais surinforment sur l’hyper-disponibilité des biens et des plaisirs qu’ils sont censés générer. Mais, au fait, peut-on réellement désirer quelque chose de prêt à consommer ? Tout est susceptible d’être consommé : des derniers yaourts à boire à la jeune blonde siliconée. Les fabricants de biens de consommation sont des créateurs d’éphémère et les consommateurs les destructeurs compulsifs de ces biens. Cette évidence met en lumière un malaise profond dans la relation de l’homme à l’objet, de l’Etre à l’Avoir. L’acquisition du bien est sacrée mais curieusement le bien ne l’est plus car son destin est d’être rapidement détruit. Cette évidence fonde le non-respect des choses, mais aussi des personnes ou de soi-même, ce qui est l’une des origines de l’apologie du morbide dans notre société. Les clins d’œil publicitaires d’un goût douteux ne sont d’ailleurs pas les seuls à cultiver cette pulsion destructrice, cette pathologie collective.
2/ De la répression à la dépression
Le système marchand mondialisé et son paravent droit-de-l’hommiste mis en majesté par la médiacratie n’en finit pas de stigmatiser les répressions pour mieux nous faire sombrer en dépression. Lorsqu’il n’y a plus de résistance, de combats, d’appartenance, il reste la dépendance. Lorsqu’il n’y a plus de tradition il reste les addictions.
Les épouvantails dressés par l’addictature sont les paravents bien pratiques d’une redoutable machine à lobotomiser le cerveau humain. A la manière des sectes, qui dénoncent le pouvoir répressif du milieu familial pour mieux couper la nouvelle recrue de ses racines, le système diabolise les points d’ancrage intangibles (gisements potentiels d’éclairs de lucidité) pour mieux pratiquer ses lavages de cerveau.
3/ La machine à générer le manque
Imaginons l’espace d’un instant un historien du futur portant un regard critique sur l’ère des marchands. Que décrirait-il en vérité ? Un monde dont le fonctionnement peut se résumer à la relation du dealer au toxicomane. Un monde hanté par la phobie du manque et de la répression au point de lui préférer la décérébration, l’aliénation, l’addiction. Personne ne semble échapper à la grande machine à générer le manque… Ni les oligarques, tour à tour marchands et consommateurs, ni les intellectuels les plus éclairés voire les plus dissidents. La véritable dissidence n’est possible dans l’addictature que si, et seulement si, la prise de conscience des aberrations du système, la réinformation et l’éveil du sens critique sont accompagnés d’un véritable sevrage au sens le plus addictologique du terme. La société de consommation agit sur l’homme comme une drogue, comme l’ont approché bon nombre de sociologues depuis Jean Baudrillard. Mais un drogué pourra avoir conscience que son dealer est son bourreau tout en mettant tout en œuvre pour le protéger car il a besoin de sa dose. Cette relation morbide et masochiste du drogué au dealer est l’une des principales caractéristiques d’une machine à détruire. Détruire les biens (consommer c’est consumer), détruire la planète (on ne peut indéfiniment ou « durablement » détruire des ressources finies), détruire l’homme (privé de tout repère, vidé de tout projet, de toute valeur et de tout désir).
La soif de nouveauté et son corollaire, l’insatisfaction permanente, traduisent non pas une envie de vie, mais un manque, là encore au sens toxicologique du terme.
4/ La manipulation marchande au cœur du réacteur médiatique
Ne cherchons pas derrière l’hypnose médiatique la main d’un « Big Brother » idéologue et manipulateur. Ils sont des milliers, les « Big Brothers » du système marchand, et leur seul dieu, leur unique idéal est l’Argent ; un système multicéphale ultra-matérialiste, qui a pour seul objectif de réduire le citoyen à l’état de consommateur. Régis Debray dans son cours de médiologie générale observe : « Pour s’informer de ce qui se passe au dehors, il faut regarder la télévision et donc rester à la maison. Assignation à résidence bourgeoise car un “chacun pour soi” était en filigrane, qu’on le veuille ou non, dans le “chacun chez soi”. La démobilisation du citoyen commence par l’immobilisation physique du téléspectateur. »
La tyrannie médiatique n’est en vérité que l’un des moyens mis en œuvre par le véritable bras armé du système qu’est le marketing. Son aversion pour le dissensus, son penchant pour la pensée unique, le politiquement correct, découlent très directement d’un impératif absolu dans toute relation d’affaire : le bon climat. Le bon climat, c’est la confiance et l’éviction de tout ce qui pourrait gêner, choquer, distraire de ce qui est l’objectif principal : l’échange.
Le dealer se montre toujours rassurant sur les risques encourus, sur l’environnement, la qualité de la marchandise ou sur les conséquences du shoot… La confiance est la clé, surtout pas les vagues : l’origine de la bien-pensance est très exactement là ! Plus un seul éditorialiste ne peut ignorer les postes clés du compte d’exploitation du journal qui l’emploie et les chiffres clés du nombre d’abonnés et du chiffre d’affaires lié aux annonceurs. Nous pouvons faire le pari que c’est la « consophilie » ou la « consodépendance » du médiacrate qui le rend politiquement correct avant même ses partis pris idéologiques. La liberté de la presse, malgré ses postures et sa prétendue et arrogante indépendance, apparaît désormais bien plus libérale au sens idéologique du terme que réellement libérée.
L’addictature se met ainsi en place pas à pas en agissant grâce à un formidable rouleau compresseur : le mix-marketing. Actions sur les produits (toujours innovants ou mieux emballés) ; actions sur la diffusion (des relais, des distributeurs) ; actions sur le prix (attractif, promotionnel, compétitif) ; actions sur la communication (un objectif et une promesse par cible, bien intelligible, un ton bien testé, un choix média pertinent) ; actions sur la connaissance des cibles.
Ce dernier point en dit long sur un processus de décérébration quasi scientifique : outre les études quantitatives qui permettent de segmenter et de croiser de façon très fiable les comportements d’achat sur différentes catégories de biens de consommation, le marketing a recours à des « focus groups », véritables séances de psychanalyse où des consommateurs-cobayes sont exposés à des projets, des produits, des signatures de communication (plus une seule campagne publicitaire n’échappe à des pré-tests approfondis où l’impact et la « valeur incitative » sont pré-évalués et l’offre réajustée).
Plus récemment, les publicitaires et marqueteurs se sont intéressés à notre cerveau. On connaissait les tests de pupimétrie (évaluation de la dilatation de la pupille en fonction des stimuli visuels) ; les études de « eye-tracking » (observation du cheminement du regard sur un rayon de supermarché en vue de hiérarchiser la place en linéaire ; les observations in situ par caméras du comportement du consommateur, analysé par des spécialistes en comportement animal sur le lieu de vente, le tout complété d’interviews in vivo…
Mais voici venue l’ère du « neuro-marketing » qui vient parachever le système de surveillance de l’addictateur marchand sur nos misérables vies de toxicos soi-disant libérés. En mars 2007, le journal Le Monde révélait dans l’indifférence générale que Omnicom, leader mondial de l’achat publicitaire, avait recours aux neurosciences pour comprendre et influencer les consommateurs. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMF) peut en effet livrer désormais des images du cerveau et de ses réactions à toutes sortes de stimulations. Le Collège de médecine de Houston a largement contribué à populariser ces techniques jusqu’à « interroger » les cerveaux pour leur poser une question du type : « Etes-vous plutôt Pepsi ou Coca ? ». Lorsque Patrick Le Lay rappelait, en 2005, que ce qu’il vendait à Coca Cola c’était du temps de cerveau disponible, il ne croyait pas si bien dire. Ses successeurs sont désormais en mesure de vendre une part de cerveau qualifié, pré-testé, encadastré, radiographié, formaté. Il est aujourd’hui possible de prédire l’acte d’achat en observant à l’IRMF l’activation des circuits neuronaux. De la même manière, il est possible d’évaluer la mémorisation d’une campagne de communication en fonction de la répétition du message et du couplage de plusieurs médias pour sa diffusion.
5/ Des barbelés dans nos têtes
Sucrée, sans tyrans identifiables, sans miradors ni répressions visibles, l’addictature à pas de velours a tressé des barbelés dans nos têtes en exécutant le désir par l’hyper-disponibilité des biens, en nous emprisonnant dans la néophilie et l’insatisfaction permanente, en digérant les germes des contestations, en entretenant une névrose, une obsession : remplir un vide (comme un puits sans fond). La tyrannie de la dépendance est en marche, de la découverte d’une drogue jusqu’à la quête insatiable d’un plaisir pour aboutir à la dépendance absolue et à l’overdose. Toxicomanes, cyber-addicts, consommateurs, même combat !! Seul le fil à la patte change de forme, seule la dose change d’aspect.
Le dealer (oligarque ou revendeur) est peut-être l’archétype de la réussite moderne, mais lui aussi est tour à tour victime et bourreau, esclave et maître. Il devient alors difficile de désigner la tête, le tyran responsable, ce qui est généralement très confortable dans une démarche révolutionnaire classique.
Pourtant, lorsqu’une névrose s’érige en système de valeurs, que l’Avoir prend le pas sur l’Etre et que des milliards de cerveaux passent au micro-ondes, il serait inconcevable qu’une certaine dissidence émanant de quelques rescapés ne puisse émerger pour organiser au bout du compte : une rupture.
6/ Des ratés qui nourrissent l’espoir
Comme toujours, les organismes (des plus simples aux plus complexes) portent en eux les germes de leur propre destruction. Des cellules s’altèrent, mutent et compromettent tout à coup un équilibre par essence précaire voire miraculeux : le principe vital. Le système dans lequel nous vivons, aussi technomorphe et désincarné soit-il, n’en reste pas moins une production humaine dont le matériau, le carburant principal, demeure l’homme et à ce titre comporte le même niveau de vulnérabilité biologique. L’idée selon laquelle le système marchand occidental serait un aboutissement, la fin de l’histoire, le bonheur universel ou le salut éternel est une vue de l’esprit englué dans un mythe progressiste, d’origine chrétienne, laïcisé par les Lumières. Les crises actuelles sont en train de venir à bout de ce mythe.
7/ Radioscopie de la dissidence
Rendre le dissensus possible n’est pas à la portée de tous. Deux voies très différentes s’offrent à nous : la dissidence révolutionnaire avouée, extrémiste, anarchiste ; elle est l’élément extérieur au système qui l’attaque frontalement tel un chevalier parti à l’assaut des moulins ; autre voie, la dissidence métastatique : lovée au cœur du système elle œuvre contre lui à son insu en amplifiant de façon exagérée ses caractéristiques jusqu’à les rendre toxiques pour le système lui-même. Une mutation, un cancer dont l’exemple le plus parlant est ce que représente le capitalisme financier en regard du capitalisme industriel : les traders et les banques d’investissement auront finalement fait beaucoup plus contre le capitalisme que des décennies d’idéologies anticapitalistes. On connaissait les idiots utiles, voici venue l’ère des intelligences cyniques. La menace endogène se révèle toujours plus efficace pour détruire un modèle politique que les attaques exogènes. Le cancer qui pénètre chaque jour un peu plus le système marchand aura raison de lui ; il se nourrit de lui, vit à ses dépens, lui pompe toutes ses réserves, son énergie, sa moelle, son avenir.
Vouloir mieux encore retourner les armes du système contre le système peut aujourd’hui nous inciter à maîtriser la méthodologie marketing afin d’optimiser la pénétration des idées. A cet égard le « marketing idéologique » pourrait représenter une sorte de combat post-gramsciste où l’entrisme socio-culturel laisserait la place à une stratégie rigoureuse et marquettée d’ajustement des thématiques en fonction des cibles (sans les travestir car nous ne nous situons pas dans une approche de marketing de la demande mais dans un marketing de l’offre, c'est-à-dire, un peu comme dans l’industrie du luxe, un marketing « Gardien du Temple », éloigné d’un clientélisme façon démocratie participative). A ces ajustements il conviendrait d’adjoindre une réflexion approfondie sur la diffusion de ces thématiques et de leurs meilleurs porte-drapeaux ainsi qu’un plan détaillé sur la communication desdites thématiques (message, ton, supports médias…). Vaste programme !!!
8/ De l’idéologie de la destruction aux valeurs de la création
Le sevrage par la déconsommation semble être la condition préalable. Rien ne sera possible dans la procrastination sur le registre « J’arrête demain » ou le constat passif du type « Ce monde est fou… ». Impossible de transiger sur la normalité et les fonctions vitales. Impossible de ne pas hurler que l’essence même de l’humain est de créer, de procréer, de se surpasser et que l’appartenance vaut mieux que toute dépendance.
Les marchands doivent quitter le temple et rejoindre le marché. Il est pour le moins paradoxal de faire le constat aujourd’hui que l’homme matérialiste (libéral ou marxiste) aura été en réalité un antimatérialiste, c’est-à-dire au sens propre du terme un destructeur de matières, de biens, d’environnement. Les ruptures mortelles se sont multipliées depuis la mainmise de certaines visions monothéistes et de leurs produits dérivés pseudo-humanistes sur nos consciences : rupture organisée du corps avec l’âme ; du matériel avec le spirituel ; de l’Homme avec la Nature ; du Peuple avec sa terre.
Passer de l’idéologie de la destruction aux valeurs de la préservation et de la création, c’est redonner tout à la fois à l’homme et à la matière leur noblesse, leur statut… C’est affirmer et même sacraliser la filiation des matières entre le minéral, le végétal, l’animal et l’humain… C’est redonner à l’homme ses attaches dans le temps et dans l’espace, loin des mystifications, loin des addictions… C’est remettre l’Homme à sa place et retrouver les liens fondamentaux… ceux qui délient les chaînes.
H. Calmettes
19/05/2010
Correspondance Polémia 24/05/2010
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T. Sunic: Sex and Politics
Ex: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Sex&Politics.html#TS
Tom Sunic
May 29, 2010
Political mores often reflect sexual attitudes. Conversely (and more commonly) political environment affects sexual mores. In our so-called best of all worlds, “free love” has become an aggressive ideology transmitted by left-wing opinion makers. The underlying assumption, going back to the Freudian-Marxist inspired student revolts of 1968, is that by indulging in wild sex a muscled regime can be muzzled and any temptation for an authoritarian rule can be tamed.
Palaver about “free love equals no war” is still a prevalent dogma in the liberal system. Hans Eysenck, the late psychologist and expert on race and intelligence (also occasionally defamed as a ‘racist’), deconstructed the Freudian fraud in his book The Decline and Fall of the Freudian Empire: “Freud’s place is not with Copernicus and Darwin but with Hans Christian Andersen and tellers of fairy tales. Psychoanalysis is at best a premature crystallization of spurious orthodoxies; at worst a pseudo-scientific doctrine that has done untold harm to psychology and psychiatry alike” (1990, p. 208). One could infer from Eysenck’s statement what a great many Whites have known for decades, but have been afraid to utter aloud: Freudianism has been an excellent tool for pathologizing Whites into feelings of guilt in regard to their traditional attitudes toward sex and politics.
Politically correct — sexually incorrect
Freudianism, instead of curing alleged sexual neuroses and phobias, has ended up creating far more serious ones. Fifty years after the “sexual revolution” the West is replete with men suffering from sexual impotence, with an ever growing number of women and men indulging in odd, perverted and criminal sexual behavior. Yet, despite the fact that the quackery of Sigmund Freud and Wilhelm Reich is no longer trendy, the topic of sex continues to play a crucial role in social interaction. In order to liberate White youth from their feelings of traditional European shame (which is not the same as the Judaic concept of guilt), the non-stop media parading of geometric Hollywood beauties makes many young Whites develop the inferiority complex about their own sexual equipment — or performance in the bedroom. As a result, a classical nucleus of society — the family — falls apart.
There is a widespread assumption fostered by liberal and leftist opinion-makers that right-wingers and nationalists are sexual perverts, misogynists, or wild macho-types suffering from a proto-totalitarian Oedipus complex — which accordingly, must lead to proverbial anti-Semitic pogroms. Such a diagnosis of the White man was offered by Erich Fromm in his famed The Anatomy of Human Destructiveness, a book in which the ultimate symbols of evil, the incorrigible Hitler and Himmler, are routinely depicted as “case studies of anal-hoarding-necrophilic sadists.” (1973, pp. 333–411). Fromm’s and Freud’s avalanche of nonsense may tell us more about their own troubled childhood and their obsession with their own misshapen anal-nasal-oral-circumcised-penile-protrusions than about the non-Jewish objects of their descriptions.
Once could invert the Freudian dogma regarding the alleged pathogenic sexuality of young Whites and supplant it by solid empirical data offered by renowned sociobiologist Gérard Zwang, an expert on sex and sexual pathologies and a contributor to European New Right journals — and someone who enjoys the occasional privilege of being labeled a ‘racist’.
If one was to assume that traditional child rearing is conducive to a White man’s sexual aberrations and his violent behavior in the political arena, then one should start with Oriental and African practices of circumcision first — which in Europe, ever since the ancient Greeks and Romans has been viewed as an act of morbid religious fanaticism.
Back from the Exodus, 500 years later, the "dictatorship" of Moses established circumcision as an absolute obligation, for fear of being excluded from the Chosen People. The prescription is still valid for the Orthodox Jew and for Israelis. ... In France, the pro-circumcision followers argue that the prepuce would be a parasitic remnant of the femininity inside a masculine body. The myth of "native bisexuality" is an old craze with disastrous consequences. … In our territory (France), the very numerous circumcisions requested by Jewish or Muslim parents are often paid by the Social Security of a so-called secular country! ... The ideal should obviously be one day the definitive extinction of the dismal monotheistic religions, of their unacceptable dogmas, and of their ridiculous prescriptions. (G. Zwang, “Demystifying Circumcision”)
Auguste Rodin, „The Kiss,“ 1889
Liberal pontificators are quick to denounce the practice of infibulation (female mutilation of clitoris) on many immigrant African women residing in Europe, but hardly will they utter a word to denounce equally painful circumcision on new-born Jews or Muslims.
With or without this strange Levantine make-believe metaphysical mimicry of penile pseudo-castration, unbridled sexual activity has become today a quasi categorical imperative, largely dependent on the whims of the capitalist market. According to the logic of supply and demand one should not rule out that the liberal system may soon issue a decree for mandatory multiracial marriages. Marriage of White couples may be “scientifically” attested as an “unhealthy union at variance with democratic principles of ethnic sensitivity training.” Never has the West witnessed so much psycho-babble about “love”, “interracial tolerance,” “gender mainstreaming,” “women’s rights,” “gay rights,” etc. — at the time when suicidal loneliness, serial divorces, sexual narcissism, and sexual violence have become its only trademarks of survivability.
The Ancients were no less sexually active (and probably even more so) than our contemporaries, as testified by their plastic art showing naked women in warm embrace of their men, or as depicted by Homer in his numerous stories of cupid gods and goddesses. Apuleius, a Roman writer of Berber origin, writes explicitly about a woman enchanted by the sex act. From the 14th-century ItalianBoccaccio, to modern Henry Miller, countless European authors offer us graphic stories of love making between White women and White men. But there is one crucial distinction. In the modern liberal system sex has become an aggressive ideology consisting of mechanistic rituals whose only goal is a “dictatorship of the mandatory orgasm,” thus becoming the very opposite of what sex once was.
In societies marked by the Puritan spirit, which is still the case among large segments of the White American population, the century-old scorning of sexual encounters has had its logical postmodern backlash: prudishness, promiscuity and pornography. The English-born poet and novelist, D. H. Lawrence was a remarkable man who is close to what we call today a “revolutionary conservative” and is highly popular among European White nationalists. In his essayPornography and Obscenity he wrote how one must reject Puritanism and sentimentalism. “Puritan is a sick man, soul and body sick, so why should we bother about his hallucinations. Sex appeal, of course, varies enormously. There are endless different kinds and endless degrees of each kind.” (The Portable D.H. Lawrence, 1977, p. 652,).
Despite globalization, “Americanization” and the increasing difficulty to distinguish between sexual mores in White America and in White Europe, some differences are still visible and often lead to serious misunderstanding among transatlantic partners. This time, the inevitable cultural factor, and not a genetic factor, takes the upper hand.
White Spectral Lovers
What may be viewed as vulgar sexual conduct from the perspective of WhiteAmerica is often hailed as something natural in Europe. A sharp and well-travelled European eye, even with no academic baggage, notices a strong dose of hypermoralism and sentimentalism among White American males and females. Examples abound. For instance, public tearful confessions by an American male, either on the podium or at the pulpit about cheating on his wife, while viewed as normal in America, are viewed as pathetic in Europe. Many European White males and women, when visiting America, are stunned when an intelligent American speaker, gripped by emotions, starts shedding tears on his microphone, regardless of whether the theme of his allocution is the plight of Jesus Christ or the predicament of the White race.
One might explain this phenomenon by suggesting that on a psychological level White Americans, given the early and strong influence of the Old Testament, have been more influenced by the Judaic spirit of guilt than White Europeans, who have traditionally been far more obsessed with a sense of shame. Judaic feelings of guilt were, in the 20th century, successfully transposed in a secular manner by the Marxist Frankfurt School on the entire White population all over the West, and particularly on the German people. By contrast, in the ancient Greek drama and even later among heroes of the Middle Ages, one can hardly spot signs of guilt. Instead, characters are mostly immersed in endless introspective brooding about some shameful act they may or may have not committed.
Conversely, many White American women rightly conclude that sexual behavior of European males is often erratic, quirky and disorderly. European males are often poorly groomed when dating or mating, often lacking respect for their female partners. For a newcomer to Europe, the overkill of pornographic literature all over public places and the torrents of x-rate movies aired on prime time are indeed unnerving. There is also a different conceptualization of sex and decadence by White Europeans and White Americans respectively.
Many European White nationalists like to brag about their Dionysian spirit, which often borders on undisciplined behavior. Numerous Catholic holidays in Europe, such as St. Anthony’s day in June, St. Patrick’s day in March, St. George day in April etc., are celebrated from Ireland to Flanders. Typical are Flemishkermesse celebrations depicted by Pieter Breughel.
Pieter Brueghel the Younger, „The Kermesse of St. George“ (1628)
These celebrations are not meant for Bible preaching, but rather as an occasion to release residual, primordial and pagan feelings. The pent-up sense of the tragic, the accumulated sorrows that come along with age, must be wildly vented, even at the price of appearing grotesque in foreigners’ eyes.
The duration of such mega-feasts is strictly limited. Over the centuries, the Catholic Church has been shrewd enough to incorporate the pagan heritage into Catholic feasts, because otherwise its monotheistic dogma would not have lasted long. Not surprisingly, kermesses and carnivals are in reality far more prophylactic and effective for good sex than all the Viagra and Freudian shrinks combined. On such occasions, still alive in Catholic rural Europe, everybody revels, drinks, everybody pinches each other’s backside, as shown long time ago on Rubens’ and Breughel’s paintings. However, when the fun is over the same revelers go back to their traditional family chores.
It is a common practice among high intellectual classes in Europe for a married man to flirt with an unknown attractive woman at a social gathering — even in the presence of his own spouse. In fact, for a married man in Europe courting an intelligent woman is considered a sign of good upbringing and chivalry — with a tacit ocular understanding between the two that they may end up in bed together — but with no strings attached. On public beaches from France’s Saint Tropez to Croatia’s Dalmatia, all the way to public parks in Copenhagen, it is normal in hot summers to observe naked women of all ages sunbathing and skinny-dipping in the presence of young children. This is something unimaginable on the Santa Cruz Riviera in California, as it would immediately attract a crazed local peeping tom or a stern-faced police officer.
Several years ago a scandal broke out in the USA caused by the former US President William Clinton’s sexual escapade with a Jewish woman, Monika Lewinsky. Clinton’s sexual adventures literally became a federal case in America, with many American journalists across the political spectrum demanding his resignation. In Europe, Clinton’s extramarital affair was received by many with a shrug of shoulders. One can hardly imagine a voter in Europe asking for the president to be removed from office just because he was cheating on his wife. Having a mate, a concubine a maitresse has been an age-old practice among European politicians, deliberately ignored by their spouses, approved by their constituencies, and tolerated by the Church, and in no way seen as a sign of character weakness.
Thousands of Western scientists, artists and poets, who had an organic view of love making, have disappeared now from the academic radar screen. The antebellum South, still demonized as a backward place, was the last place in the West that had at some point in history salvaged White European medieval customs of honor, virility, generosity and chivalry. This can be seen in the tragic poetry of unreconstructed Southerners, such as John Crowe Ransom.
By night they haunted a thicket of April mist,
Out of that black ground suddenly come to birth,
Else angels lost in each other and fallen on earth.
Lovers they knew they were, but why unclasped, unkissed?
Why should two lovers be frozen apart in fear?
And yet they were, they were.
(John Crowe Ransom, “Spectral Lovers”)
An iconic French nationalist scholar, an artist, and a political prisoner in France after WWII, Maurice Bardèche was well aware of the slow coming darkness in the West following the defeat of the South in the Civil War:
Firstly, to be a Southerner is to see and feel that one of the biggest catastrophes of our times was the capture of Atlanta. The defeat atSedan is for me nothing more than an event of history; a sad event, but as any other event colorless and historical. As for the defeat atWaterloo – I cannot convince myself that it has changed the destiny of the world. Even the collapse of Germany, although it seems to me an injustice, a bad whim of God and as any other appearance against all good sense — I do not consider irrevocable. But the capture of Atlanta — this is for me an irreparable event, the fatal beacon of History. It is the victory of the Barbarians. (Sparte et les Sudistes, 1969, p. 96).
Tom Sunic (http://www.tomsunic.info; http://doctorsunic.netfirms.com) is author, translator, former US professor in political science and a member of the Board of Directors of the American Third Position. His new book, Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity, prefaced by Kevin MacDonald, has just been released. Email him.
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mardi, 25 mai 2010
L'apport de G. Faye à la "Nouvelle Droite" et petite histoire de son éviction
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
L’apport de Guillaume Faye à la « Nouvelle Droite » et petite histoire de son éviction
Par Robert STEUCKERS
I.
Guillaume Faye a été véritablement le moteur du GRECE, la principale organisation de la “Nouvelle Droite” en France au début des années 80. Porté par un dynamisme inouï, une fougue inégalée dans ce milieu, une vitalité débordante et un discours fait de fulgurances étonnantes et séduisantes, Guillaume Faye —comme il aimait à le dire lui-même— avait été fort marqué par la lecture des textes situationnistes de l'école de Guy Debord. En simplifiant outrancièrement, ou en voulant résumer le noyau essentiel/existentiel de sa démarche, nous pourrions dire qu'il dénonçait l'enlisement idéologique d'après 68, celui des Seventies et de l'ère giscardienne en France, qu'il le percevait comme un “spectacle” stupide, morne, sans relief. Faye est un homme qui entre en scène, quasi seul, entre la sortie des soixante-huitards et l'entrée des yuppies reaganiens.
Dans le numéro 2 de la revue éléments, qui fut et reste le moniteur du plus ancien cénacle de la “Nouvelle Droite” en France, regroupé autour de l'inamovible Alain de Benoist, on voit une photo du jeune Faye, âgé de 23 ans, au temps où il travaillait à l'Université dans le “Cercle Vilfredo Pareto”. Dans son ouvrage scientifique Sur la Nouvelle Droite, Pierre-André Taguieff esquisse un bref historique de ce “Cercle Vilfredo Pareto” (p.183), dirigé par Jean-Yves Le Gallou, aujourd'hui député européen du Front National de Jean-Marie Le Pen. En 1970, le GRECE met sur pied son “Unité Régionale Paris-Ile-de-France” (URPIF), dont le “Cercle Vilfredo Pareto” est l'antenne au sein de l'“Institut d'Etudes Politique” (IEP) de Paris. Faye, ajoute Taguieff (op. cit., p.205), a animé ce Cercle Pareto de 1971 à 1973. C'est son premier engagement: Faye est donc d'emblée un homme neuf, qui n'est rattaché à aucun rameau de la droite française conventionnelle. Il n'a pas d'attaches dans les milieux vichystes et collaborationnistes, ni dans ceux de l'OAS, ni dans la mouvance “catholique-traditionaliste”. Il n'est pas un nationaliste proprement dit; il est un disciple de Julien Freund, de Carl Schmitt (dont il parlait déjà avec simplicité, concision et justesse dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto), de François Perroux, etc. On pourrait dire, si ce langage avait un sens en ultime instance, que Faye est, à l'intérieur même du GRECE, le représentant d'une “droite” au-delà des factions, d'une “droite régalienne”, qui pose sur tous les événements un regard souverain et détaché mais non dépourvu de fougue et de volonté “plastique”, qui trie en quelque sorte le bon grain de l'ivraie, le politique de l'impolitique. Ceux qui l'ont fréquenté, ou qui ont été ses collègues comme moi, savent qu'il se moquait sans cesse des travers de ces droites parisiennes, des attitudes guindées, des querelles de prestige de ceux qui affirmaient sans rire et avec beaucoup d'arrogance quelques idées simplistes —parfois des nazisteries d'une incommensurable débilité, calquée sur celles des comic strips américains—, simplismes évidemment détachés de tout contexte historique et incapables de se mouler sur le réel. Qui se moquait aussi, non sans malice, de ceux qui, dans notre monde où se bousculent beaucoup de psychopathes, se composaient un personnage “sublime” (et souvent costaud, “supermaniste”) qui ne correspondait pas du tout à leur médiocrité réelle, parfois criante. Face aux nostalgies de tous ordres, Faye aimait à dire qu'il était “réalitaire et acceptant” et que seule cette attitude était fructueuse à long terme. En effet, dès que le développement de la Nouvelle Droite, en tant que réseau de travail métapolitique, ou un engagement politique concret au RPR, au FN ou dans des groupes nationaux-révolutionnaires exigeait de la rigueur et de l'endurance, les mythomanes “supermanistes” disparaissaient comme neige au soleil, ou se recyclaient dans des groupuscules ténus où la mascarade et les psychodrames étaient sans discontinuer à l'ordre du jour.
De méchantes intrigues en coulisses
Faye a produit son œuvre dans un milieu qui n'était pas le sien, qui ne se reconnaissait pas entièrement —ou même pas du tout— dans ce qu'il écrivait. Il donnait l'impression de flanquer à répétition de grands coups de pied dans la fourmilière, de chercher à choquer, espérant, par cette maïeutique polissonne, faire éclore une “droite” véritablement nouvelle, qui ne se contenterait pas de camoufler hâtivement son vichysme, son nationalisme colonialiste, son nazisme pariso-salonnard, ses pures ambitions matérielles ou son militarisme caricatural par quelques références savantes. Faye incarnait finalement seul la “Nouvelle Droite” parce qu'il n'avait jamais été autre chose. Presque tous ceux qui l'ont entouré dans son passage au GRECE et profité de son charisme, de son énergie, de son travail rapide et toujours pertinent, de la fulgurance de son intelligence, l'ont considéré finalement comme un étranger, un “petit nouveau” qu'on ne mettait pas dans les confidences, que l'on écartait des centres de commandement réels du mouvement, où quelques “anciens” prenaient des décisions sans appel. Faye était d'emblée dégagé de la cangue des “droites”, ses associés —et surtout ceux qui le payaient (très mal)— ne l'étaient pas. Naïf et soucieux d'abattre le maximum de travail, Faye ne s'est jamais fort préoccupé de ces méchantes intrigues de coulisses; pour lui, ce qui importait, c'était que des textes paraissent, que livres et brochures se répandent dans le public. Au bout du compte, il s'apercevra trop tard de la nuisance de cette opacité, permettant toutes les manipulations et tous les louvoiements —opacité qui affaiblissait et handicapait le mouvement auquel il a donné les meilleures années de sa vie— et finira victime des comploteurs en coulisse, sans avoir pu patiemment construire un appareil alternatif. Faye a bel et bien été victime de sa confiance, de sa naïveté et de sa non-appartenance à un réseau bien précis de la “vieille droite”, qui, dans le fond, ne voulait pas se renouveler et prendre le monde et la vie à bras le corps. Illusions, fantasmes, copinages et intrigues parisiennes prenaient sans cesse le pas sur la pertinence idéologique du discours, sur le travail d'élargissement et d'approfondissement du mouvement.
Au moment où la “Nouvelle Droite” surgit sous les feux de la rampe après la campagne de presse de l'été 1979, Faye se porte volontaire pour effectuer non-stop un “tour de France” des unités régionales du GRECE qui jaillissent partout spontanément. Grâce à son engagement personnel, à sa présence, à son verbe qui cravachait les volontés, il fait du GRECE une véritable communauté où se côtoient des “anciens” (venus de tous les horizons de la “droite”, catholiques intégristes et modérés exceptés) et des “nouveaux”, souvent des étudiants, qui saisissent et acceptent instinctivement la nouveauté de son discours, les choses essentielles qu'il véhicule. Faye, très attentif aux analyses sociologiques qui investiguent les modes, scrutent les mœurs, captent les ferments de contestation dès leur éclosion, devient tout naturellement l'idole des jeunes non-conformistes de la “droite” française —auxquels se joignent quelques soixante-huitards différentialistes (inspirés par Robert Jaulin, Henri Lefebvre, Michel Maffesoli, les défenseurs du Tiers-Monde contre l'“homologation” capitaliste-occidentale) et d'anciens situationnistes— qui rejettent les conventions sociales classiques (comme la religion), sans pour autant accepter les mièvreries de l'idéologie implicite des baba-cools de 68, matrice du conformisme que nous subissons aujourd'hui.
Epiméthéisme soft et prométhéisme hard
Si les lecteurs de Marcuse avaient parié pour une sorte d'épiméthéisme soft, d'érotisme orphique comme socle d'une anti-civilisation quasi paradisiaque, pour une contestation douce et démissionnaire, pour une négation permanente de toutes les institutions impliquant un quelconque “tu dois”, Faye, fusionnant contestation et affirmation, rejettant comme vaines, impolitiques et démissionnaires toutes les négations à la Marcuse, lançait un pari pour un prométhéisme hard, pour un érotisme goliard qui ponctuellement libère, en déployant une saine joie, ses adeptes des âpres tensions de l'action permanente, pour une affirmation permanente et impavide de devoirs et d'institutions nouvelles mais non considérées comme définitives. Marcuse et Faye contestent tous deux la société figée et les hiérarchies vieillottes des années 50 et 60, mais Marcuse tente une sortie définitive hors de l'histoire (qui a produit ces hiérarchies figées) tandis que Faye veut un retour à l'effervescence de l'histoire, croit à la trame conflictuelle et tragique de la vie (comme ses maîtres Freund, Monnerot et Maffesoli). Marcuse est démobilisateur (en croyant ainsi être anti-totalitaire), Faye est hyper-mobilisateur (pour échapper au totalitarisme soft qui étouffe les âmes et les peuples par extension illimitée de son moralisme morigénateur, tout comme le hiérarchisme abrutissant des conventions d'avant 68 étouffait, lui aussi, les spontanéités créatrices).
Cette vision à la fois contestatrice et affirmatrice sera donc véhiculée de ville en ville pendant plusieurs années, de 1979 à 1984, espace-temps où le GRECE a atteint son apogée, sous la direction d'Alain de Benoist, certes, mais surtout grâce au charisme de Guillaume Faye. Celui-ci marque de son sceau la revue éléments, déterminant les thèmes et les abordant avec une fougue et un à-propos qui ne sont jamais plus revenus après son départ. Faye parti, puis, à sa suite Vial et Mabire (qui sont pourtant des hommes très différents de lui), éléments se met littéralement à vasouiller; la revue perd son “trognon” et devient l'arène où s'esbaudissent très jeunes polygraphes, médiocres paraphraseurs et incorrigibles compilateurs, faux germanistes et faux philosophes, faux gauchistes et faux néo-fascistes, gribouilleurs d'éphémérides et esthètes falots. Et surtout quelques beaux échantillons de “têtes-à-claques” du seizième arrondissement. Faye lançait en effet quantités de thématiques nouvelles, généralement ignorées dans les rangs de la “droite la plus bête du monde”. Sur l'héritage initial de Science-Po et du Cercle Pareto, Faye —qui a un contact très facile avec les universitaires au contraire d'Alain de Benoist— greffe de la nouveauté, introduit sa propre interprétation de l'“agir communicationnel” de Habermas, des thèses des néo-conservateurs américains et de la sociologie anti-narcissique de Christopher Lash. Ensuite, rompant résolument avec l'“occidentalisme” des droites, Faye amorce, dans éléments n°32, une critique de la civilisation occidentale, nouant ou renouant avec l'anti-occidentalisme des Allemands nationalistes ou conservateurs de l'époque de Weimar (Spengler, Niekisch, Sombart, etc.), avec les thèses en ethnologie qui stigmatisaient les “ethnocides” en marge de la civilisation techno-messianique de l'Occident (Robert Jaulin), et avec le Manifeste différentialiste de Henri Lefèbvre (ex-théoricien du PCF et ancien disciple du surréaliste André Breton). L'occidentalisme, héritier d'une conception figée, fixiste, immobiliste, humanitariste, répétitive, psittaciste des Lumières, est une cangue, dont il faut se libérer;
est un frein à l'“agir communicationnel” (dont rêvait le jeune Habermas mais que Faye et ses vrais amis voudront restituer dans leur logique communautaire, identitaire et enracinée);
est une pathologie générant de fausses et inopérantes hiérarchies, qu'une rotation des élites devra jeter bas; est, enfin, selon la formule géniale de Faye, un “système à tuer les peuples”.
Mais si les critiques formulées par les tenants de l'Ecole de Francfort et par Faye refusent le système mis en place par l'idéologie des Lumières —parce que ce système oblitère la Vie, c'est-à-dire notre Lebenswelt (terme que reprend Habermas, à la suite de Simmel)— ces deux écoles —la nouvelle gauche, dont la revue new-yorkaise Telos constitue la meilleure tribune; et la vraie nouvelle droite, que Faye a incarné seul, sans être empêtré dans des nostalgismes incapacitants— diffèrent dans leur appréciation de la “raison instrumentale”. Pour l'Ecole de Francfort, la raison instrumentale est la source de tous les maux: du capitalisme manchestérien à l'autoritarisme de l'Obrigkeitsstaat, du fascisme à la mise hors circuit de la fameuse Lebenswelt, de l'éléctro-fascisme (Jungk) à la destruction de l'environnement. Mais la raison instrumentale donne la puissance, pensait Faye, et il faut de la puissance dans le politique pour faire bouger les choses, y compris restaurer notre Lebenswelt, nos enracinements et la spontanéité de nos peuples. La différence entre la nouvelle droite (c'est-à-dire Faye) et la nouvelle gauche (en gros l'équipe de Telos) réside toute entière dans cette question de la puissance, dont la raison instrumentale peut être un outil. Cette querelle a aussi été celle des sciences sociales allemandes (cf. De Vienne à Franfort, la querelle allemande des sciences sociales, Ed. Complexe, Bruxelles, 1979): est-ce la raison instrumentale, qui met les valeurs entre parenthèses, ne pose pas de jugements de valeurs et pratique la Wertfreiheit de Max Weber voire l'éthique de la responsabilité ou est-ce la raison normative, qui insiste sur les valeurs —mais uniquement les valeurs “illuministes” de l'Occident moderne— et développe ainsi une éthique de la conviction, qui doit avoir le dessus? Faye n'a pas exactement répondu à la question, dans le cadre du débat qui agitait le monde intellectuel à la fin des années 70 et au début des années 80, mais on sentait parfaitement, dans ses articles et dans Le système à tuer les peuples, qu'il percevait intuitivement le hiatus voire l'impasse: que tant la raison instrumentale, quand elle est maniée par des autorités politiques qui ne partagent pas nos valeurs (celle du zoon politikon grec ou de l'hyperpolitisme romain) ni, surtout, nos traditions métaphysiques et juridiques, que la raison normative, quand elle nous impose des normes abstraites ou étrangères à notre histoire, sont oblitérantes et aliénantes. Ni la raison instrumentale ni la raison normative (il serait plus exact de dire la “raison axiologique”, dans le sens où la “norme” telle que la définit Carl Schmitt, est toujours une abstraction qui se plaque sur la vie, tandis que la valeur, pour Weber et Freund, est une positivité immuable qui peut changer de forme mais jamais de fond, qui peut faire irruption dans le réel ou se retirer, se mettre en phase de latence, et qui est l'apanage de cultures ou de peuples précis) ne sont oblitérantes ou aliénantes si le peuple vit ses valeurs et s'il n'est pas soumis à des normes abstraites qui, délibérément, éradiquent tout ce qui est spontané, corrigent ce qui leur paraît irrationnel et biffent les legs de l'histoire. Faye n'a pas eu le temps de se brancher sur les débats autour des travaux de Rawls (sur la justice sociale), n'a pas eu le temps de suivre le débat des “communautariens” américains, qui ont retrouvé les valeurs cimentantes en sociologie et entendent les réactiver. Et surtout, n'a pas suivi à la trace la grande aventure secrète des années 80, la redécouverte de l'œuvre de Carl Schmitt, en Allemagne, en Italie et aux Etats-Unis, la France restant grosso modo en dehors de cette lame de fond qui traverse la planète entière. On ne sort du dilemme entre raison instrumentale et raison normative que si l'on retourne à l'histoire, qui offre des valeurs précises à des peuples précis, valeurs qui sont peut-être foncièrement subjectives mais sont aussi objectives parce qu'elles sont les seules capables de structurer des comportements cohérents et durables dans la souplesse, de générer, au sein d'un peuple, ce qu'Arnold Gehlen appelait les “institutions”. Un peuple qui adhère et met en pratique ses propres valeurs obéit à des lois qui sont objectives pour lui seul, mais qui sont la seule objectivité pratique dans la sphère du politique; s'il obéit à des normes extérieures à lui, imposées par des puissances extérieures et/ou dominantes, la raison normative lui apparaîtra, consciemment ou inconsciemment, aliénante et la raison instrumentale, insupportable. Dans un tel cadre, s'il a oublié ses valeurs propres, le peuple meurt parce qu'il ne peut plus agir selon ses propres lois intérieures. Le système l'a tué.
L'influence déterminante de Henri Lefèbvre
Indubitable et déterminante est l'influence de Henri Lefebvre sur l'évolution des idées de Guillaume Faye; Henri Lefebvre fut un des principaux théoriciens du PCF et l'auteur de nombreux textes fondamentaux à l'usage des militants de ce parti fortement structuré et combatif. J'ai eu personnellement le plaisir de rencontrer ce philosophe ex-communiste français à deux reprises en compagnie de Guillaume Faye dans la salle du célèbre restaurant parisien “La Closerie des Lilas” que Lefebvre aimait fréquenter parce qu'il avait été un haut lieu du surréalisme parisien du temps d'André Breton. Lefebvre aimait se rémémorer les homériques bagarres entre les surréalistes et leurs adversaires qui avaient égayé ce restaurant. Avant de passer au marxisme, Lefebvre avait été surréaliste. Les conversations que nous avons eues avec ce philosophe d'une distinction exceptionnelle, raffiné et très aristocratique dans ses paroles et ses manières, ont été fructueuses et ont contribué à enrichir notamment le numéro de Nouvelle école sur Heidegger que nous préparions à l'époque. Trois ouvrages plus récents de Lefebvre, postmarxistes, ont attiré notre attention: Position: contre les technocrates. En finir avec l'humanité-fiction (Gonthier, Paris, 1967); Le manifeste différentialiste (Gallimard, Paris, 1970); De L'Etat. 1. L'Etat dans le monde moderne, (UGE, Paris, 1976).
Dans Position (op. cit.), Lefebvre s'insurgeait contre les projets d'exploration spatiale et lunaire car ils divertissaient l'homme de “l'humble surface du globe”, leur faisaient perdre le sens de la Terre, cher à Nietzsche. C'était aussi le résultat, pour Lefebvre, d'une idéologie qui avait perdu toute potentialité pratique, toute faculté de forger un projet concret pour remédier aux problèmes qui affectent la vie réelle des hommes et des cités. Cette idéologie, qui est celle de l'“humanisme libéral bourgeois”, n'est plus qu'un “mélange de philanthropie, de culture et de citations”; la philosophie s'y ritualise, devient simple cérémonial, sanctionne un immense jeu de dupes. Pour Lefebvre, cet enlisement dans la pure phraséologie ne doit pas nous conduire à refuser l'homme, comme le font les structuralistes autour de Foucault, qui jettent un soupçon destructeur, “déconstructiviste” sur tous les projets et les volontés politiques (plus tard, Lefebvre sera moins sévère à l'égard de Foucault). Dans un tel contexte, plus aucun élan révolutionnaire ou autre n'est possible: mouvement, dialectique, dynamiques et devenir sont tout simplements niés. Le structuralisme anti-historiciste et foucaldien constitue l'apogée du rejet de ce formidable filon que nous a légué Héraclite et inaugure, dit Lefebvre, un nouvel “éléatisme”: l'ancien éléatisme contestait le mouvement sensible, le nouveau conteste le mouvement historique. Pour Lefebvre, la philosophie parménidienne est celle de l'immobilité. Pour Faye, le néo-parménidisme du système, libéral, bourgeois et ploutocratique, est la philosophie du discours libéralo-humaniste répété à l'infini comme un catéchisme sec, sans merveilleux. Pour Lefebvre, la philosophie héraclitéenne est la philosophie du mouvement. Pour Faye, —qui retrouve là quelques échos spenglériens propres à la récupération néo-droitiste (via Locchi et de Benoist) de la “Révolution Conservatrice” weimarienne— l'héraclitéisme contemporain doit être un culte joyeux de la mobilité innovante. Pour l'ex-marxiste et ex-surréaliste comme pour le néo-droitiste absolu que fut Faye, les êtres, les stabilités, les structures ne sont que les traces du trajet du Devenir. Il n'y a pas pour eux de structures fixes et définitives: le mouvement réel du monde et du politique est un mouvement sans bonne fin de structuration et de déstructuration. Le monde ne saurait être enfermé dans un système qui n'a d'autres préoccupations que de se préserver. A ce structuralisme qui peut justifier les systèmes car il exclut les “anthropes” de chair et de volonté, il faut opposer l'anti-système voire la Vie. Pour Lefebvre (comme pour Faye), ce recours à la Vie n'est pas passéisme ou archaïsme: le système ne se combat pas en agitant des images embellies d'un passé tout hypothétique mais en investissant massivement de la technique dans la quotidienneté et en finir avec toute philosophie purement spéculative, avec l'humanité-fiction. L'important chez l'homme, c'est l'œuvre, c'est d'œuvrer. L'homme n'est authentique que s'il est “œuvrant” et participe ainsi au devenir. Les “non-œuvrants”, sont ceux qui fuient la technique (seul levier disponible), qui refusent de marquer le quotidien du sceau de la technique, qui cherchent à s'échapper dans l'archaïque et le primitif, dans la marginalité (Marcuse!) ou dans les névroses (psychanalyse!). Apologie de la technique et refus des nostalgies archaïsantes sont bel et bien les deux marques du néo-droitisme authentique, c'est-à-dire du néo-droitisme fayen. Elles sortent tout droit d'une lecture attentive des travaux de Henri Lefebvre.
Mystification totale et homogénéisation planétaire
Dans Le manifeste différentialiste, nous trouvons d'autres parallèles entre le post-marxisme de Lefebvre et le néo-droitisme de Faye, le premier ayant indubitablement fécondé le second: la critique des processus d'homogénéisation et un plaidoyer en faveur des “puissances différentielles” (qui doivent quitter leurs positions défensives pour passer à l'offensive). L'homogénéisation “répressive-oppressive” est dominante, victorieuse, mais ne vient pas définitivement à bout des résistances particularistes: celles-ci imposent alors malgré tout une sorte de polycentrisme, induit par la “lutte planétaire pour différer” et qu'il s'agit de consolider. Si l'on met un terme à cette lutte, si le pouvoir répressif et oppresseur vainc définitivement, ce sera l'arrêt de l'analyse, l'échec de l'action, le fin de la découverte et de la création.
De sa lecture de L'Etat dans le monde moderne, Faye semble avoir retiré quelques autres idées-clefs, notamment celle de la “mystification totale” concomitante à l'homogénéisation planétaire, où tantôt l'on exalte l'Etat (de Hobbes au stalinisme), tantôt on le méconnaît (de Descartes aux illusions du “savoir pur”), où le sexe, l'individu, l'élite, la structure (des structuralistes figés), l'information surabondante servent tout à tour à mystifier le public; ensuite l'idée que l'Etat ne doit pas être conçu comme un “achèvement mortel”, comme une “fin”, mais bien plutôt comme un “théâtre et un champ de luttes”. L'Etat finira mais cela ne signifiera pas pour autant la fin (du politique). Enfin, dans cet ouvrage, Faye a retenu le plaidoyer de Lefebvre pour le “différentiel”, c'est-à-dire pour “ce qui échappe à l'identité répétitive”, pour “ce qui produit au lieu de reproduire”, pour “ce qui lutte contre l'entropie et l'espace de mort, pour la conquête d'une identité collective différentielle”.
Cette lecture et ces rencontres de Faye avec Henri Lefebvre sont intéressantes à plus d'un titre: nous pouvons dire rétrospectivement qu'un courant est indubitablement passé entre les deux hommes, certainement parce que Lefebvre était un ancien du surréalisme, capable de comprendre ce mélange instable, bouillonnant et turbulent qu'était Faye, où se mêlaient justement anarchisme critique dirigé contre l'Etat routinier et recours à l'autorité politique (charismatique) qui va briser par la vigueur de ses décisions la routine incapable de faire face à l'imprévu, à la guerre ou à la catastrophe. Si l'on qualifie la démarche de Faye d'“esthétisante” (ce qui est assurément un raccourci), son esthétique ne peut être que cette “esthétique de la terreur” définie par Karl Heinz Bohrer et où la fusion d'intuitionnisme (bergsonien chez Faye) et de décisionnisme (schmittien) fait apparaître la soudaineté, l'événement imprévu et impromptu, —ce que Faye appelait, à la suite d'une certaine école schmittienne, l'Ernstfall— comme une manifestation à la fois vitale et catastrophique, la vie et l'histoire étant un flux ininterrompu de catastrophes, excluant toute quiétude. La lutte permanente réclamée par Lefebvre, la revendication perpétuelle du “différentiel” pour qu'hommes et choses ne demeurent pas figés et “éléatiques”, le temps authentique mais bref de la soudaineté, le chaïros, l'imprévu ou l'insolite revendiqués par les surréalistes et leurs épigones, le choc de l'état d'urgence considéré par Schmitt et Freund comme essentiels, sont autant de concepts ou de visions qui confluent dans cette synthèse fayenne. Ils la rendent inséparable des corpus doctrinaux agités à Paris dans les années 60 et 70 et ne permettent pas de conclure à une sorte de consubstantialité avec le “fascisme” ou l'“extrême-droitisme” fantasmagoriques que l'on a prêtés à sa nouvelle droite, dès le moment où, effrayé par tant d'audaces philosophiques à “gauche”, à “droite” et “ailleurs et partout”, le système a commencé à exiger un retour en arrière, une réduction à un moralisme minimal, tâche infâmante à laquelle se sont attelés des Bernard-Henry Lévy, des Guy Konopnicki, des Luc Ferry et des Alain Renaut, préparant ainsi les platitudes de notre political correctness.
Quel nietzschéisme?
Reste à tenter d'expliquer le nietzschéisme de Faye et à le resituer vaille que vaille —pour autant que cela soit possible— dans le contexte du nietzschéisme français des années 60 à 80. Qu'est-ce qui distingue son nietzschéisme implicite (et parfois explicite) du nietzschéisme professé ailleurs, dans l'université française, chez les philosophes indépendants (voire marginaux) ou chez les autres protagonistes de la ND?
- Si le nietzschéisme de l'université est complexe, trop complexe pour être manié dans des associations de type métapolitique comme le GRECE;
- si les arabesques, méandres, rhizomes, agencements, transversales, multilinéarités et ritournelles d'un philosophe nietzschéen original et fécond comme Gilles Deleuze par exemple dévoilaient un vocabulaire aussi original que surprenant, mais qui demeurait largement incompris en dehors des facultés de philosophie à l'époque de gloire de la ND (elles n'auraient rencontré qu'incompréhension chez les non-philosophes, même à l'université; en Italie, Francesco Ingravalle a eu le mérite de dresser un excellent synopsis des approches nietzschéennes, en dégageant clairement l'apport de Deleuze; cf. F. Ingravalle, Nietzsche illuminista o illuminato? Guida alla lettura di Nietzsche attraverso Nietzsche, Ed. di Ar, Padova, 1981);
- si les philosophes plus marginalisés, moins académiques et solitaires ont travaillé à fond des thématiques nietzschéiennes plus circonstancielles et nettement moins politisables ou métapolitisables;
- si les fragments, tantôt épars, tantôt concentrés, d'héritage extrême-droitiste, transposés spontanément dans la métapolitique maladroite des plus modestes militants de base des débuts du GRECE, concevaient un nietzschéisme fort hiératique, glacial et figé, prenant naïvement au pied de la lettre le discours sur le “Surhomme”, et surtout ses travestissements par la propagande cinématographique anglo-saxonne des deux guerres mondiales, où se mêlent des clichés comme le “Hun”, la “bête blonde”, la folie caricaturale de professeurs de génétique au rictus nerveux et à grosses lunettes et, enfin, la morgue attribuée aux officiers des corps francs ou des troupes d'assaut;
- si le “surhumanisme” de Giorgio Locchi, en tant que nietzschéisme solidement étayé dans les discours du GRECE, insistait sur le dépassement des avatars philosophiques et scientifiques de l'égalitarisme passif et niveleur issu du christianisme et transformé en “science” dans le sillage du positivisme puis du marxisme;
- si les thèses de Pierre Chassard sur l'anti-providentialisme de Nietzsche, annexées par le GRECE, en mal d'une interprétation originale du philosophe de Sils-Maria au début des années 70, insistaient, elles, sur l'impossibilité finale de créer un monde achevé, fermé, sans plus ni vicissitudes ni tragique ni effervescence ni conflictualité, le nietzschéisme personnel de Faye s'inscrirait plutôt dans cet espace aux contours flous, entre le rire et le tragique, mis en évidence par Alexis Philonenko, dans son approche de l'œuvre de Nietzsche (cf. A. Philonenko, Nietzsche. Le Rire et le Tragique, LGF, 1995).
Pour Faye effectivement, la trame du monde est fondamentalement tragique, et restera telle, en dépit des vœux pieux, formulés par chrétiens, post-chrétiens, jus-naturalistes, etc.; à la suite de Jules Monnerot, qui a pensé systématiquement l'“hétérotélie”, c'est-à-dire le fait que l'on atteint toujours un objectif différent de celui qu'on s'était assigné dans ses rêves et ses projets, Faye écrit et affirme sans cesse que les efforts politiques, les constructions institutionnelles, les barrages que dressent maladroitement les censeurs qui veulent éviter toute redistribution des cartes, finiront toujours par être balayés, mais, avant cette disparition méritée et ce nettoyage nécessaire, les agitations, les colères, les objurgations, les admonestations de ceux qui veulent que les mêmes règles demeurent toujours en vigueur, pour les siècles des siècles, doivent susciter le rire de tous les réalitaires impertinents qui acceptent et affirment le tragique, la finitude de toutes choses. En ce sens, pour Faye, «le rire est la puissance nue, véritablement protéiforme», comme le définit Philonenko, qui ajoute, que, dans Ainsi parla Zarathoustra, le rire est aussi “la clef qui ouvre toutes les serrures”, justement parce qu'il permet de sauter les obstacles qui, au fond, ne sont pas des obstacles, de regarder à travers les fissures ou au-delà des masses en apparence monolithiques. Nietzsche conçoit le rire, non comme une substance, mais comme une fonction métacritique qui rend la vie possible (et la libère des pesanteurs et des anachronismes) et, avec elle, ajoute Philonenko, toute “existence authentique”, dans le sens où l'“authenticité”, ici, est synonyme de plénitude et de fulgurance innovante, tandis que toute routine, voire, chez Faye, toute tradition, quand elle se fige, est “inauthentique”, dépourvue d'intérêt. De là, la fascination qu'exerçaient sur Faye les réflexions post-nietzschéennes de Heidegger sur le triste “règne du on”, alors même que les écrivains français qui ont, chacun à leur manière, chanté les “voies royales”, n'ont guère influencé les réflexions du seul véritable penseur original de la ND.
Sauver la "Lebenswelt"
Nietzsche, et Faye inconsciemment à sa suite, imaginaient un rire qui, “effondrant les colonnes de la civilisation” (celle, rigide, désenchantée, que nous a léguée et nous impose l'Aufklärung, de plus en plus souvent par des méthodes policières), réaliserait le surhomme, c'est-à-dire le dépassement de la condition “humaine, trop humaine”, emprisonnée dans les cages de la légalité sans plus aucune légitimité, dans les cellules dorées d'une civilisation d'abondance matérielle et de lacunes spirituelles. C'est dans cette critique de la civilisation, non plus véhiculée par l'éros idyllique et néo-pastoraliste du “marcuso-rousseauisme”, mais par le rire et la polisonnerie, qu'il faut voir un parallèle avec une certaine révolution conservatrice allemande, qui, elle, récuse cette “civilisation” au nom de l'expérience à la fois traumatisante et exaltante des soldats de la première guerre mondiale ou au nom d'une foi orientale, asiatique ou russe-orthodoxe, modernisée en apparence sous les oripeaux du bolchevisme. La surhumanité nietzschéo-fayenne n'est donc pas une humanité impavide de gendarmes aux roides zygomatiques, musculeux et hiératiques (sauf, notable exception, dans certaines planches de sa bande dessinée aux thématiques contestées, intitulée Avant-Guerre), non pas, contexte spatio-temporel oblige, un duplicata anachronique du “nationalisme soldatique” des frères Jünger ou de Schauwecker, non pas un fidéisme traditionaliste teinté d'orientalisme, mais une surhumanité portée par une bande de joyeux polissons créatifs, impertinents, hors-normes. Les porteurs de “civilisation”, qui ont oublié le rire ou l'ont étouffé en eux, érigent des idoles de papier, des codes moraux, des conventions toutes cérébrales, qui sont justement celles qui oblitèrent et refoulent cette Lebenswelt, cette évidence immédiate que seul le rire est capable de saisir, de capter, d'“en ouvrir toutes les serrures”. Cet engagement pour sauver la Lebenswelt est le leitmotiv qui permet de comprendre les engouements simultanés de Faye pour Heidegger, Habermas, Monnerot, Freund, Schmitt, Jünger (celui du Travailleur), Simmel et sa synthèse personnelle entre tous ces philosophes, politologues et sociologues, en apparence très différents les uns des autres. Plus tard, Michel Maffesoli deviendra indubitablement l'universitaire qui hissera un corpus fort proche de cette vision fayenne —fulgurante, dionysiaque et effervescente— au niveau d'une philosophie et d'une sociologie pleinement reconnues par l'université, au niveau français comme au niveau international. Voilà ce qu'il fallait dire, me semble-t-il, sur le nietzschéisme dionysiaque de Faye, qui a marqué si profondément la ND de son sceau. Faye est en effet le penseur qui aurait pu, s'il avait travaillé et retravaillé ses intuitions selon les critères de la démarche académique, devenir un philosophe entre Freund et Maffesoli, c'est-à-dire un philosophe tenant compte des impératifs incontournables du politique mais sans absoluiser ces impératifs, en laissant toujours les portes grandes ouvertes aux manifestations de la Vie (de la Lebenswelt). Si Freund, fidèle en cela à Carl Schmitt, ne perd pas trop de temps à s'apesantir sur les grouillements, éruptions, engouements qui pourraient donner mille et une fois prétexte à de l'“occasionalisme”, Maffesoli va parfois trop loin, nous semble-t-il, quand il survalorise des phénomènes de banlieue, comme les tribus, tout en annonçant une sorte de fin du politique dans le dionysiaque. Faye, qui a quitté la sphère sérieuse du politique, aurait pu faire cette jonction entre Freund et Maffesoli (qui fut l'élève de ce politologue alsacien), dans la mesure où, pour lui, le politique ne doit jouer qu'en cas d'Ernstfall (de situation dangereuse, exceptionnelle), en s'effaçant dès que le péril disparait. En cela, “le politique va et vient entre imperium et anarchie”, comme le soulignait Christiane Pigacé, elle aussi disciple de Julien Freund, lors de la Première Université d'été de la FACE en juillet 1993.
Exercices d'auto-dérision
Ce nietzschéisme-entre-rire-et-tragique, pari pour la “puissance nue” et “fonction métacritique”, avait aussi bien du mal à se faire comprendre, non pas auprès des militants jeunes du GRECE, fascinés par cette fougue, mais bien dans le “saint des saints” de ce mouvement, en son plus haut sommet, où ne brillait aucun soleil, où ne règnait aucune chaleur, mais où une humeur grincheuse crachait en permanence ses miasmes aussi malsains qu'indéfinissables dans une atmosphère déjà toute chargée de volutes nauséabondes de nicotine, où une mine toujours déconfite, une moue éructant sans discontinuer l'insulte gratuite, révélait en fait, aux lucides qui pouvaient le voir, une parodie fondamentale que Nietzsche aurait copieusement brocardée. Les petites vanités d'un certain gourou ne toléraient nullement le développement d'une “métacritique” axée sur le “fou rire libérateur”, qui commence toujours par une saine capacité d'auto-dérision. Quant à Faye, il n'hésitait jamais à se mettre en scène, à s'amuser de ses propres images, fantasmes, goûts, de ses propres phrases qu'il poussait à l'absurde pour être sûr qu'elles ne s'enliseraient jamais dans une impasse intellectuelle, etc. En effet, pour se remettre en question, il faut être capable de penser jusqu'à l'absurde chaque idée qu'on développe, s'apercevoir à chaque instant du caractère dérisoire de ses vanités ou de ses fantasmes, du caractère ridicule des petits camouflages qu'on pratique dans le fol espoir de plaire un jour à la galerie, d'avoir une “image irréprochable” dans les médias du “système à tuer les peuples”, ce qui indique finalement que l'on n'a nul souci de ces peuples, en dépit des discours que l'on tient pour épater le public. Cet exercice d'auto-dérision, on a toujours été incapable de le faire, en ce plus haut lieu du GRECE, qui prétendait évidemment n'être pas le GRECE, mais simple site de base fortuit et déconnecté d'une vague “stratégie personnelle” d'entrisme dans les médias et de participation aux débats (?) du Tout-Paris. Raison pour laquelle la machine, mise en place par quelque compilateur qui alignait citations et références dans le seul espoir de se faire valoir, a fini, “quelque part”, par tourner à vide.
Enfin, ce “nietzschéisme du rire” demeure à la base des démarches du Faye post-greciste: depuis le lancement du journal J'ai tout compris (1987-88), mêlant ironie grinçante, satire caustique, message politique et style branché, jusqu'aux émissions de Skyrock, avec leurs énoooormes canulars, ou encore les enquêtes désopilantes de l'Echo des Savannes ou même de Paris-Match, où l'on a vu Faye dans le rôle du “Professeur Kervous”, ami de Bill Clinton fraîchement élu à la Maison Blanche, un Kervous au look soixante-huitard flanqué d'une sémillante secrétaire britannique “Mary Patch” (!!), qui se présente chez certains hommes et femmes politiques français pour leur demander, au nom de “Mr. President Bill Clinton”, s'ils sont prêts à poser leur candidature de “Secrétaire d'Etat aux affaires européennes”, dans la nouvelle “administration” américaine... Mais cette pratique de la “théorie métacritico-métapolitique” de la ND fayenne est une autre histoire, qui n'a pas exactement sa place dans la présente introduction.
II.
Mais comment ce Guillaume Faye, dont le charisme était indéniable, a-t-il été évincé du groupe auquel il a donné une véritable épine dorsale? Emblématique, son éviction prouve que la logique interne du mouvement GRECE a été et demeure une logique de l'éviction. Au fil de son histoire, ce mouvement a davantage exclu ses cadres qu'il n'en a recruté! Quelques esprits paranoïaques en déduisent que cette stratégie d'évictions successives a été appliquée “en service commandé”, pour empêcher la France de développer une idéologie radicalement critique à l'égard des anachronismes républicains, illuministes, juridiques et administratifs qui conduisent ce pays à l'assèchement intellectuel et à la pétrification institutionnelle, de façon à ce qu'aucun courant d'opinion suffisamment étayé ne réclame des réformes en profondeur ou n'articule les conditions d'une deuxième révolution française qui balaierait la bourgeoisie révolutionnaire institutionalisée, ses clubs d'inspiration illuministe et ses fonctionnaires omnipotents, comme les préfets qui gouvernent 95 départements sans être élus, en contradiction flagrante avec les principes démocratiques de l'Union Européenne! La thèse du “service commandé” est évoquée par un professeur mexicain Santiago Ballesteros Walsh, sans que je ne puisse avaliser sa démonstration... Effectivement, rien ne peut directement étayer la thèse de Ballesteros Walsh, ce qui ne doit pas nous empêcher de constater qu'en près de trente ans d'existence, la ND parisienne n'a proposé aucune réforme cohérente des institutions françaises, n'a pas approfondi le “régionalisme” ou la “subsidiarité” qui aurait pu servir de levier à une contestation globale du système jacobin, directement inspiré des Lumières, ni aucun projet de réforme économique, sur base du participationnisme gaullien, des thèses de François Perroux ou des hétérodoxes de la pensée économique. Ces omissions, ce refus persistant de ne pas aborder de tels sujets, sont pour le moins bizarres voire fort suspects. Faye n'a jamais cessé de réclamer l'inclusion de telles démarches dans le corpus de la ND. Est-ce la raison réelle de son éviction? Comme de l'éviction de tous les autres exclus?
Stratégie du dénigrement
Dans des discussions entre anciens du GRECE, on évoque souvent deux autres stratégies bizarres: la stratégie du marquage et celle du dénigrement. La stratégie du marquage consisterait ainsi à attirer des intellectuels dans le sillage de la ND pour qu'ils soient marqués à jamais et empêchés de poursuivre leurs recherches. La stratégie du dénigrement consiste, elle, à monter les militants les uns contre les autres, à les décrire comme “idiots” ou comme “fous” afin de contrecarrer à titre préventif toute collaboration autonome entre eux, au-delà de tout contrôle de la centrale. Ainsi, par exemple, à tel éditeur indépendant, on dira que “Steuckers (ou Faye ou Battarra, etc.) est un fou dangereux, voire un terroriste nazi-trotskiste et national-révolutionnaire, digne héritier de la narodnaïa volia russe (d'ailleurs, n'est-ce pas, son journal s'appelle Vouloir...)”, afin qu'il n'accepte pas de manuscrits de cet espèce de sous-Netchaïev de Steuckers, mais, de ce même brave éditeur, vingt minutes plus tard, la même personne dira à Steuckers, “c'est un doux crétin emberlificoté dans toutes les sectes ruralistes völkisch les plus biscornues”, afin qu'on ne lui confie pas de manuscrit...
Il m'apparait utile, à la demande de quelques exclus notoires et de quelques anciens cadres du GRECE, plongés dans l'amertume depuis l'échec de leur réformisme constructif à l'intérieur du mouvement où ils militaient, de brosser un tableau récapitulatif de cette succession ininterrompue d'évictions, en insistant plus particulèrement sur celle de Faye.
Vivant et travaillant très près du “centre”, même s'il ne connaissait pas les véritables commanditaires de l'entreprise, comme aucun membre ni même aucun cadre ne les connaissaient, Faye n'a pas été suffisamment attentif à la fragilité de sa propre position; il a été naïf et confiant. Il était extérieur à ce milieu, il venait du dehors. Il n'a jamais été intégré par ceux qui se prétendaient “initiés”, il a toujours été considéré comme un “citron à presser”. L'indice le plus patent de cette non-appartenance au “noyau de base” est la médiocrité des salaires que percevait Faye. Je ne comprends toujours pas comment il a eu la faiblesse de se contenter d'une telle situation. Et d'avoir commis deux erreurs:
A. Avoir été trop confiant dans son propre charisme, avoir souvent travaillé trop vite, par fulgurances, individuellement, en n'étayant pas toujours ses textes de références adéquates, pour leur donner du poids. L'idéal aurait été un Faye épaulé par une équipe qui aurait exploré pour lui l'univers des bibliothèques, lui aurait transmis des bibliographies, des résumés de livres, aurait fréquenté pour lui des colloques universitaires et politiques, etc. Faye ne s'est pas entouré de personnes capables de faire de tels travaux pour lui. A moyen terme, ce sera sa perte.
Faye n'a pas ménagé sa porte de sortie
B. Ensuite, Faye ne s'est pas doté d'un instrument personnel et autonome, par exemple un cercle ou une revue, qui lui aurait fourni une porte de sortie, pour redémarrer son action seul en réaiguillant vers lui son public, récruté dans le cadre du GRECE. Faye n'a pas organisé le réseau de ses relations, ni entretenu de rapports structurés avec les personnalités qu'il a été amené à rencontrer, lors de ses nombreux périples. Après son éviction, Faye s'est retrouvé seul, sans fichier, sans tribune, sans ressources. Sa quête intellectuelle a dû s'arrêter pour le mouvement auquel il a impulsé tant de vigueur. L'ABC du cadre enseigne qu'il faut, en toutes circonstances, ménager sa porte de sortie, retomber sur ses pattes en cas d'éviction, réamorcer la dynamique en toute autonomie, au besoin contre ses anciens partenaires.
Ces quelques réflexions sur Faye nous obligent à retracer la chronologie de son itinéraire “greciste”. Comme l'écrit Taguieff (op. cit.), cet itinéraire commence dans le cadre du Cercle Vilfredo Pareto, dominé par la personnalité d'Yvan Blot (alias Michel Norey), aujourd'hui député européen pour le compte du FN français. Faye, qui travaillait alors pour l'industrie automobile, y apprend les techniques de l'orateur, sous l'impulsion d'un ancien militant de la droite radicale française, ayant abandonné tout militantisme. Incontestablement, Faye est un bon élève. Ce que je peux constater quand je le rencontre pour la première fois à Bruxelles en 1976, dans une salle de l'Hôtel Ramada, Chaussée de Charleroi, où il prononçait un fougueux discours sur “l'Europe, colonie des Etats-Unis”. D'emblée, à la suite de Giorgio Locchi qui avait composé un numéro de Nouvelle école pour stigmatiser la main-mise américaine sur l'Europe et pour mettre en exergue les différences radicales entre le mental européen et le mental américain, Faye embraye sur cet anti-américanisme solidement étayé par le philosophe italien et rompt définitivement avec toutes les tentations “occidentalistes” de la droite française, y compris celles de certains rescapés d'Europe Action, le mouvement activiste des années 60, où bon nombre de cadres du GRECE initial avaient fait leurs premières armes.
En 1977-78, une première division frappe la ND, encore peu connue du grand public. D'une part, Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou, et quelques autres fondent le “Club de l'Horloge”, dont la stratégie sera d'investir les milieux politiques, professionnels (patronaux essentiellement) et les Grandes Ecoles de Paris (ENA, etc.), tandis qu'Alain de Benoist parie pour un “combat des idées”, dans la presse et les médias en général. Le Club de l'Horloge prend des options libérales ou nationales-libérales. Alain de Benoist a le mérite de rester en deçà de cette marche vers la “respectabilité”, qui annonce pourtant le retour du libéralisme dans les débats des années 80, mais il n'esquisse aucune alternative cohérente et structurée au giscardisme et aux éléments de sociale-démocratie qui compénètrent la société française, après la dispariton de De Gaulle. Faye refuse la logique libérale, au nom du discours qu'il a défendu dans les colonnes des Cahiers du Cercle Vilfredo Pareto. Il pense que ses idées étatistes, autarcistes et “régaliennes” ne peuvent pas être défendues à la tribune du Club de l'Horloge et il reste avec de Benoist au GRECE. Ses motivations sont donc purement idéologiques. Son option n'est pas dictée par des intérêts matériels ou par des opportunités professionnelles.
Philippe Marceau entre alors en scène au GRECE et le structure avec une redoutable efficacité. Grâce à son dévouement et à sa générosité, Faye trouve un encadrement solide, à sa mesure. Marceau discipline le cheval fougueux qu'est Faye, il veille à ce qu'il soit payé convenablement. Faye donnera le meilleur de lui-même entre 1978 et 1982, quand il bénéficiera de la rigueur d'organisation imposée par Philippe Marceau. En outre, le GRECE marque des points à cette époque: il fonde les éditions Copernic en 1978 (qui feront lamentablement faillite en 1981), il investit la rédaction du Figaro-Magazine de Louis Pauwels. Faye est séduit, avec beaucoup d'autres, dont moi-même. Il pense que l'avenir est dans la “métapolitique”. A ce moment-là de l'histoire du mouvement, Marceau le croit aussi.
L'aventure d' "Alternative libérale"
Fin 1981, en dépit du discours anti-américain et anti-libéral officiel, Alain de Benoist développe une “stratégie personnelle”, cherchant sans doute à prendre le Club de l'Horloge de vitesse. Ce sera l'aventure d'“Alternative libérale”, projet ambitieux d'organiser un gigantesque colloque à Paris, avec l'appui du Figaro Magazine. Ce colloque aurait dû rassembler tous les théoriciens français du libéralisme politique et économique, dont Raymond Aron, et leurs homologues et mentors américains, dont les Chicago Boys, etc. Au milieu de cet aréopage, devait s'insinuer Alain de Benoist himself. Alerté par quelques bonnes consciences journalistiques, plusieurs participants pressentis refusent de prendre la parole si le “nazi” (?) de Benoist monte à la tribune. Les frais engagés sont tels que les organisateurs et les commanditaires ne peuvent plus reculer: Alain de Benoist est évincé. Le colloque a lieu. Le Figaro-Magazine s'en fait l'écho. Mais “Alternative libérale” cesse d'exister au lendemain de la manifestation. Cette petite aventure en dit long sur la sincérité du leader de la ND: pour devenir vedette, il a été tout prêt à solder son anti-libéralisme, son anti-américanisme, à mettre au rencart son européisme ou ses positions néo-gaulliennes, sa germanophilie et son culte de la “révolution conservatrice”. Je me rappelle d'un Faye très sceptique et très dubitatif à l'époque... Il m'apparaissait désemparé, lui, l'honnête homme, qui avait toujours suivi ses idées plutôt que les opportunités politiciennes ou médiatiques... Désemparé de constater que d'autres étaient prêts à dire demain le contraire de ce qu'ils avaient toujours affirmé, pour un strapontin, une opportunité ou pour suivre une mode (parisienne).
En janvier 1982, paraît un numéro d'éléments titré “Mourir pour Gdansk?”. Alain de Benoist y refuse la logique occidentale (alors qu'il était prêt à y sacrifier un petit mois auparavant!!!), s'oppose aux maximalistes de l'OTAN qui s'inquiètent de la prise du pouvoir par Jaruselski en Pologne, détruit le mythe de l'ennemi soviétique, affirme que le système soviétique —qu'il n'avalise pas pour autant— est moins dangereux pour la culture européenne que les modes et les films américains, mène en fait une guerre préventive contre le reaganisme qui vient d'accéder à la Maison Blanche. Cet anti-occidentalisme, bien construit et courageux, provoque la colère de Raymond Bourgine, directeur de Valeurs actuelles et de Spectacle du Monde, un hebdomadaire et un mensuel dans lesquels Alain de Benoist a fait ses premières armes et dont la plupart des rubriques de Vu de droite sont issues. Alain de Benoist est chassé de la rédaction. C'est un premier gros échec du GRECE. Mais Alain de Benoist conserve sa “rubrique des idées” dans le Figaro-Magazine (qu'il perdra quelques mois plus tard).
Marceau croit en un "réseau de clubs politiques"
Philippe Marceau voit que la situation se dégrade. Bon homme d'affaires, il constate que ses investissements dans le GRECE n'ont pas porté les fruits escomptés; son effort financier a été trop important pour les maigres résultats obtenus. Il estime vraisemblablement que les échecs successifs, que le mouvement vient d'encaisser, sont de mauvais augure (faillite de Copernic, échec d'“Alternative libérale”, éviction hors des organes de presse de Bourgine, position chancelante du GRECE au Figaro-Magazine, moindre attention des médias, acharnement des adversaires, etc.). Marceau se rend compte qu'il n'a pas maîtrisé les “tares” du GRECE (“décideurs en coulisse”, mauvaise gestion des fonds, fantaisies et stratégies personnelles, incapacité de s'en tenir à une ligne précise, variations idéologiques au gré des modes, etc.). Il constate que les livres que d'aucuns lui ont promis d'écrire n'ont pas été écrits, que l'argent prévu doit servir à boucher d'autres trous, etc. Il en conclut à l'échec de la “métapolitique”. Il tente, à partir des réseaux et des fichiers du GRECE, de mettre sur pied des fora régionaux, appelés à organiser l'opposition contre Mitterrand et les socialistes qui viennent de prendre le pouvoir lors des élections de mai et de juin 1981. Pour s'opposer aux socialistes et aux soixante-huitards qui accèdent aux postes de commandement de la société française, il faut un réseau de clubs politiques. Marceau pense que c'est là l'avenir. Mais les cartes politiques qu'il joue dans les milieux des gaullistes de droite ne donnent rien. Marceau doit dissoudre les fora régionaux. Il quitte la scène. Le GRECE perd l'atout d'un redoutable organisateur et d'un mécène qui ne comptait jamais ses dons. Exit Marceau. Exit la rigueur et la discipline d'appareil. Marceau se retrouvera deux ans plus tard dans le parti de Le Pen, où sa générosité et son sens du travail peuvent donner le meilleur d'eux-mêmes.
Par le départ de cet homme exceptionnel, honnête et scrupuleux, Faye est déstabilisé. Il perd toute protection et toute garantie. Il n'a pas suivi Marceau; anti-libéral, peu attiré par les milieux politiques conservateurs en marge ou à l'intérieur du RPR, Faye croit encore à la “métapolitique”. On l'embobine. On lui fait miroiter un retour à la situation de 1978: nouvelle maison d'édition, création d'un nouvel hebdomadaire, etc. Début 1983, Faye, seul avec quelques amis, anime, en l'espace de huit mois, trois brillantes journées de son CRMC (Collectif de Réflexion sur le Monde Contemporain). Mais après ces trois journées d'une exceptionnelle qualité intellectuelle, le CRMC disparaît, Faye ne parvenant pas à conserver ce cercle qui aurait pu lui donner une pleine autonomie. Entre 1982 et 1985, il participe aux “Colloques d'Athènes”, organisés par le recteur de l'Université de la capitale grecque, Jason Hadjidinas, qui décédera prématurément, après l'avoir incité à reprendre des études et à rédiger un doctorat. Il donne des cours de sociologie de la sexualité à l'Université de Besançon. En 1985, à l'Université de Mons, il prend la parole à un grand colloque euro-arabe, où il donne incontestablement le ton, séduisant par ses talents oratoires le Père Michel Lelong, représentant du Vatican lors de cette initiative, lancée par le Professeur Safar! Le lendemain de ce colloque, quelques dizaines de cadres du GRECE se réunissent pour tenter un renouveau, l'IEAL (Institut Européen des Arts et des Lettres), qui n'aura malheureusement pas d'avenir. Mais après la mort de Jason Hadjidinas, qui l'encourageait paternellement et tentait vainement de corriger ses navrantes naïvetés, Faye est de plus en plus isolé. Il ne participe plus à de grands colloques, ni en France ni ailleurs. Sous le pseudonyme de Gérald Fouchet, il rédige d'excellents articles et d'exceptionnels entretiens dans Magazine Hebdo, un news dirigé par Alain Lefèvre. Mais Magazine Hebdo, asphyxié par les publicitaires hostiles à la ND, doit cesser de paraître. Faye n'a plus d'autres revenus que son très maigre salaire de permanent du GRECE. Les années 86 et 87 sont pour lui des années d'enlisement. Une propagande perfidement orchestrée le décrit à travers toute l'Europe comme un “exalté”, un “fou” et un “drogué”. Discours que j'ai personnellement, à ma grande stupéfaction, entendu chez Armin Mohler en juillet 1984. Partout, “on” avait répandu la légende d'un Faye un peu cinglé, niais aussi, et surtout d'un esprit brouillon dont “on” devait réécrire les articles...
Les suggestions de Jean-Claude Cariou
Juste avant le colloque de Mons et la disparition du Recteur Hadjidinas, le Secrétaire Général du GRECE de l'époque, Jean-Claude Cariou, garçon d'un dévouement exceptionnel confinant à la sainteté, tente de sauver les meubles. Il sait, parce qu'il organise, depuis son bureau de Paris, le programme des conférences, colloques et autres initiatives du mouvement en province, que, sans Faye, le GRECE est condamné à l'assèchement. Mais Faye est paralysé personnellement par le salaire insignifiant qu'il perçoit comme une aumône, comme l'os qu'on jette à un chien errant, depuis le départ du généreux Marceau. Cariou suggère une rénovation du mouvement, impliquant:
a) le paiement d'un salaire décent à Faye (ce qui est refusé par les nouveaux mécènes, deux gaillards à moitié analphabètes mais d'une incommensurable prétention); cette suggestion de Cariou montre combien Faye était dépendant et “assisté” (reproche qui lui a été maintes fois adressé). Il y a là une leçon à tirer pour tous les jeunes candidats au “combat métapolitique”.
b) un remaniement général des salaires et une maîtrise des comptes par un bureau régulièrement élu;
c) une contestation définitive du “pouvoir occulte”, c'est-à-dire la transparence.
d) un rajeunissement du mouvement.
Quelques jours après avoir formulé ces propositions raisonnables, Cariou est exclu, après une mise-en-scène grotesque, où il a dû comparaître devant une espèce de tribunal rassemblé à la hâte, composé de laquais totalement analphabètes qui hurlaient des slogans appris par cœur et ignoraient bien entendu tout des subtilités du “combat métapolitique” et des idées que leur mouvement était censé défendre. C'est là que toute la dimension parodique de l'aventure parisienne de la ND est apparue au grand jour. L'idée saugrenue de composer un tribunal de cette sorte démontre que les prétentions philosophiques de cette brochette d'individus immatures n'étaient que leurres. Le témoignage écrit qu'en laisse Cariou dans une lettre est éloquant: pendant que ces Fouquier-Tinville d'opérette vociféraient et éructaient, Alain de Benoist, blême, dans un état d'hyper-nervosité pitoyable, vasouillait seul dans son bureau adjacent, en attendant la fin du vaudeville. Quand ce fut terminé, le pontife est sorti de son antre pour venir bafouiller à la victime: “ne fais pas un destroy contre moi”, répétant cette injonction trois ou quatre fois de suite, avec la trouille qui lui tordait les tripes. Mécaniquement. Pitoyablement. Avec un remord dans la voix qui ne sera que passager, comme tous ses remords. Le tort de Cariou a été de ne pas rire aux éclats devant ces guignols, de tirer sa révérence, en la ponctuant de ricanements homériques et de laisser ces misérables saltimbanques en plan, sans autre forme de procès. Histoire de leur faire entrevoir, ne fût-ce qu'un bref instant, leur finitude, leur déréliction. Et aussi de ne pas avoir conté sa mésaventure dans une brochure qu'on se serait fait un plaisir de distribuer. Cette négligence a permis aux analphabètes de contrôler le mouvement et de faire et de défaire les cadres au gré des humeurs de leurs cerveaux exigus. Triste involution.
Après Cariou, Gilbert Sincyr tentera de remettre de l'ordre dans la baraque. Mais comme Faye commençait à ruer dans les brancards et comme Alain de Benoist avait imposé la présence du néo-nazi Olivier Mathieu au Cercle “Etudes et Recherches”, seul apanage de Faye au GRECE, Gilbert Sincyr a rapidement quitté les lieux, dégoûté à son tour. L'université d'été 1986 est un fiasco, tourne à la pantalonnade sous la houlette de l'inénarrable Mathieu, l'homme d'Alain de Benoist à l'époque. Le colloque de novembre 1986 ne rassemble que peu de monde. Marco Tarchi (animateur de la ND italienne) et moi-même sommes rappelés à la rescousse pour étoffer ce colloque, où Faye prononce un discours qui révèle ses déceptions et ses rancœurs. Anecdote: un des analphabètes mobilisé quelques mois auparavant pour évincer le malheureux Cariou, qui souffrira terriblement de son éviction, fait fouiller le sac de mon épouse, la soupçonnant d'apporter une machine infernale pour faire sauter le colloque... Alain de Benoist, pourtant si soucieux de sa respectabilité, avait à cette époque l'art de se choisir de très singuliers collaborateurs. Cette anecdote trahit de manière exemplaire l'atmosphère de gaminerie para-militaire, de caporalisme et d'hystérie nazifiante qui pouvait règner dans ce milieu qui se voulait strictement intellectuel.
1987: rupture définitive
En 1987, Faye rompt définitivement tous les ponts qui l'unissait encore au GRECE. En mai de cette année-là, il rédige une proclamation (reproduite en annexe de cette édition), où il dresse sereinement le bilan de son engagement. Ce texte est empreint d'une grande sagesse, ce qui contredit tous les ragots colportés sur Faye, le décrivant comme “fou”, “alcoolique” et “drogué”. Dans le cadre de la ND, c'est à Bruxelles qu'il prononce sa dernière conférence, à la tribune du GRESPE de Rogelio Pete, en septembre 1987 dans un luxueux salon du prestigieux Hôtel Métropole. Thème: la soft-idéologie. Très calme et très méthodique, il nous a décrit les mécanismes de la “langue de coton” (Huyghe) et le totalitarisme mou que préparait ce langage édulcoré, annonciateur de notre actuelle “political correctness”. Dommage qu'il soit arrivé au Métropole flanqué du sulfureux Mathieu, qui n'a pas pu s'empêcher de parler du “soleil noir inscrit dans un cercle blanc sur fond rouge”. Type de dérapage lyrique que son chef avait dû grandement apprécier en privé avant de l'engager... Avoir invité Faye m'a valu quelques injures téléphonées par un militant inconditionnel du GRECE, réorganisé par les analphabètes qui avaient évincé Cariou... Sans doute des intimidations sur commande. Qui n'ont eu aucun effet.
En 1987, le médiéviste Pierre Vial quitte à son tour le GRECE pour devenir un cadre en vue du FN, privant les revues du mouvement métapolitique d'un souffle d'histoire, qu'elles ne récupereront plus jamais. A la suite de ce départ, la collaboration de Jean Mabire se raréfie puis disparaît définitivement, ôtant au mouvement des textes d'une rare lucidité littéraire. Mabire donnera ses chroniques et ses portraits d'écrivains à National-Hebdo, enrichissant cette feuille politique et polémique de “miniatures” littéraires, toutes de finesse et de pertinence.
Une cascade d'évictions
Voici donc la chronologie de l'éviction la plus spectaculaire dans l'histoire de la ND. Mais il y a eu d'autres départs forcés, comme celui de Giorgio Locchi, évincé en 1979, privant le mouvement d'un jugement philosophique sûr, qui lui avait donné son épine dorsale conceptuelle. Ensuite, la non-intégration d'Ange Sampieru, brillant juriste, constitutionaliste et économiste, un homme des “grandes écoles”, un “étatiste” et un critique pertinent du libéralisme. Puis le tir de barrage contre Thierry Mudry et Christiane Pigacé, empêchant l'irruption, dans le discours global de la ND, d'une histoire alternative, véritablement centrée sur le peuple et le paysannat, et d'une philosophie politique directement puisée chez Julien Freund. En 1990, nous avons assisté à l'éviction du jeune Hugues Rondeau, l'animateur de “Nouvelle Droite Jeunesse”, qui avait réclamé mon retour. Très cultivé, Rondeau venait du gaullisme, avait un goût littéraire très sûr, un sens des valeurs et de l'esthétique, qui ne dérivait pas des manies habituelles des droites parisiennes. Ensuite, vint mon tour en 1992, à la suite de mises-en-scène que je ne décrirai pas par charité. Enfin, en 1993, Guillaume d'Erebe est à son tour jeté comme un malpropre, privant le mouvement d'un philosophe et politologue très bien écolé, bon connaisseur d'Althusser, de Spinoza, des hétérodoxies en économie, de Perroux et de Carl Schmitt. Le gâchis est immense. La ND s'est étiolée. La ND n'a intégré personne. Elle se meurt très lentement d'attrition; elle ne survit que par l'éclat de son passé (1978-1982). Elle survit par l'excellence des textes des exclus, quelles que soient par ailleurs leurs différences personnelles ou leurs positions intellectuelles (Faye, Sampieru, Locchi, Vial, Mabire,...), par les résidus d'organisation (Marceau) et de gentillesse (Cariou), semés par d'authentiques militants. Ce qui nous permet de dire que la “communauté” dont s'est toujours targué le GRECE ne vit que chez les exclus. La vraie communauté ND est en dehors de la structure qui vivote, où ne vasouillent plus que ses fossoyeurs.
Un observateur impartial des mouvements politiques français me disait que la ND est typiquement parisienne, dans le sens où l'Action Française, le mouvement des surréalistes autour de Breton, les communistes français, ont vécu, eux aussi, de longues successions d'évictions. On dirait qu'il existe un modèle parisien d'“évictionnisme” pathologique que tous imitent là-bas, même inconsciemment. La ND n'échapperait donc pas à la règle.
Conclusion: ces évictions laissent beaucoup d'amertume, laissent le sentiment d'avoir été trompé, roulé dans la farine par quelques petits minables, de s'être égaré dans un mauvais vaudeville. La ND, dans ses discours anti-chrétiens, se moquait du précepte évangélique consistant à tendre la joue gauche quand on venait d'être souffleté sur la droite. N'acceptons donc pas benoîtement l'injustice, dans l'espoir d'obtenir ultérieurement le paradis, ou un “poste” dans un GRECE qui serait appelé à ressusciter. Il faut présenter la facture, celle de Faye et de Cariou surtout, celle de Marceau. Il faut désormais faire payer la note à ceux qui ont délibérément, pour des considérations d'ordre personnel ou pour des intérêts bassement matériels, brisé l'élan de la ND, brisé l'élan et les fulgurances de Faye, tué dans l'œuf l'éclosion de son habermassisme affirmateur. Il faut construire. Construire ce que Faye n'a pas eu l'occasion de construire. Rester fidèle, inébranlablement fidèle à sa mémoire, à ses idées, à son engagement de jadis. Voilà pourquoi nous sommes toujours là. Toujours dans nos bonnes œuvres. Avec, en nos têtes, l'adage de Guillaume d'Orange, dit le Taciturne: «Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer».
Robert Steuckers,
octobre 1995.
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lundi, 24 mai 2010
Politique et tyrannie de la transparence
Politique et tyrannie de la transparence
par Pierre LE VIGAN
On vit une époque étonnante. Tout le monde s’épanche. Tout le monde y va de sa petite larme, de Jospin à Hillary Clinton. Il ne manque plus qu’Obama. Nous nageons dans l’épanchement intime. « J’ai bien connu votre “ papa ” (ou votre “ maman ”) » dit à l’un Michel Drucker dans son émission Vivement Dimanche – il n’y a plus de père et de mère, plus que des papa et des maman. Ségolène Royal l’avait compris, elle qui se présentait en disant : « Je suis une maman ». Chacun juge utile de se « livrer », de se dévoiler, de faire si besoin son coming out. Les politiques comme les people. « J’ai souffert », affirme l’un. « J’ai changé », dit l’autre (ou le même). « Je me reconstruis », susurre une troisième. D’où la pipolisation de la politique. À tel point que cela finit par agacer d’autres politiques. « Ségolène [Royal] va trop loin dans la description de sa vie privée », disait récemment le socialiste Jean-Marie Le Guen.
La question est : faut-il « tout dire » ? Pour nous dire quoi ? Des choses que nous n’avons pas demandé à savoir ? Tel concurrent U.M.P. de Mme Pecresse en Île-de-France nous dit qu’il préfère les garçons. Et alors ? Cela n’a pas plus d’intérêt politique que de savoir s’il aime ou non les œufs au plat. Nous sommes dans l’expression brute des subjectivités, et non des idées. C’est le grand déballage des narcissismes. Exhibition et voyeurisme obligatoires : on parle à ce sujet de l’idéologie de transparence, et même à juste titre de la tyrannie de la transparence. C’est l’idée que tout doit être dit. Pour montrer qu’on est sincère et authentique. Et pour « trouver une solution » à tout.
Car si on dit tout, si on est transparent à soi et aux autres, « ça » devrait mieux « communiquer ». Donc, les conflits devraient disparaître. Exemple : la réponse au stress, ce sont les outils de gestion du stress, la réponse à l’angoisse c’est « trouver quelqu’un à qui parler » (un psy). La société de la transparence est aussi la société du « tout est psy ». Sortir du mal-être et des conflits c’est au fond une question… d’organisation et de communication.
La transparence, ce sont aussi les émissions de « sexo-réalité » dans lesquelles chacun vit en direct des expériences intimes. Ainsi, l’homme devient un objet manipulable. Il devient l’enjeu des dispositifs et des outils de gestion de la « ressource humaine ». C’est L’extension du domaine de la manipulation dont parle très bien Michela Marzano (Grasset, 2008). Car vouloir apparaître sincère et ouvert, c’est d’abord une stratégie de communication et donc une stratégie de pouvoir. La transparence repose sur la négation de la séparation entre ce qui est public et ce qui relève du privé. Les Grecs ne connaissaient pas cette séparation sous cette forme. Pour eux, il y avait ce qui est « naturel », zoologique, et n’avait en fait aucune importance, et ce qui est politique et public, et est seul important. C’est pourquoi les critiques de l’exposition de l’intime ne sont pas forcément des puritains. Ce sont des gens qui estiment que ce n’est pas important. Ou encore, ce sont des gens qui estiment qu’en ne parlant pas de tout, on préserve justement la possibilité des échanges. En effet, comme l’écrit Yves Jeanneret, la transparence est une illusion car « le langage ne donne directement accès, ni à l’être, ni à la vérité de celui qui parle ».
Les conséquences de l’exposition publique de qui était auparavant privé ne sont pas minces. C’est la réduction de l’espace public et de la politique au traitement d’affaires privées, en tout cas singulières et particulières. L’horizon du bien commun disparaît, les manifestations des ego de chacun prennent le pas sur lui. La politique se dilue dans l’expression d’intérêts particuliers, généralement humanitaires, qui appellent des réponses elles-mêmes segmentées : faire « quelque chose » pour les femmes battues, pour les handicapés, pour les supposés descendants d’esclaves, etc. Des objectifs parfois estimables mais parcellaires. Il y a là les ferments d’une privatisation du politique. « Le programme politique, l’expérience, la vision d’ensemble comptent moins que l’image personnelle, les anecdotes privées, les mésaventures mêmes qui pourront alimenter une chronique médiatique », écrivait la revue Esprit en janvier 2007 au seuil de la dernière campagne présidentielle.
Depuis Sarkozy et Royal, la médiatisation de la vie privée a pris des proportions inédites. Le privé est devenu la norme du politique. « La vie, la santé, l’amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? », disait récemment Laurence Parisot, patronne du MEDEF. C’est une façon de faire des incertitudes de la vie personnelle de chacun la norme du social et du politique. Sophisme et cynisme du grand patronat.
En conséquence, le statut de l’intime, le plus privé du privé, est chamboulé. Exposé et surexposé, l’intime devient trivial. Quand il faut « tout dire », l’homme est privé de l’intime comme l’explique Michael Foessel dans La privation de l’intime (Seuil, 2008). L’intime s’évanouit : il ne supporte pas la lumière. Pas plus qu’il ne supporte l’excès de manipulation. La privatisation du politique a ainsi pour corollaire la privation de l’intime.
Mais l’instrumentalisation de l’intime a peut-être atteint ses limites. Le culte de la transparence aussi. Loin d’être dupe, le public est devenu méchant. Il ricane plus qu’il ne sourit. Et surtout il ne respecte plus les politiques et se détourne de la politique. Il faudra pourtant bien y revenir. Sous des formes nouvelles peut-être.
Pierre Le Vigan
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dimanche, 23 mai 2010
Fédéralisme: réflexions générales et cas espagnol
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994
Fédéralisme: réflexions générales et cas espagnol
Au lendemain de la dernière guerre, après la chute des totalitarismes de moutures fasciste ou nationale-socialiste, la pensée politique était confrontée aux problèmes suivants:
1) comment créer un Etat démocratique
- capable de rapprocher les gouvernants et les gouvernés;
- soucieux de ne pas rééditer l'anonymat des démocraties formelles;
- générateur d'un équilibre social et d'une justice équitable dans la redistribution?
2) comment conserver l'imbrication des structures politiques dans un tissu historique précis, légué par l'histoire?
3) comment conserver un minimum de cohésion dans les Etats disparates sur les plans ethnique, linguistique, confessionnel, etc.?
4) comment éviter l'affrontement perpétuel entre ces différentes composantes?
5) comment maintenir la souveraineté et permettre l'exercice de la décision dans des sociétés envisagées d'emblée comme plurielles et conflictuelles?
6) quelles règles allaient devoir faire fonctionner cet Etat nouveau, qui prenait à la fois le relais des totalitarismes (qui avaient rapproché les gouvernants des gouvernés en accentuant une dynamique sociale hyper-effervescente conduisant au paroxysme de la mobilisation totale, voire de la guerre) et celui des démocraties formelles (qui avaient suscité l'indifférence et/ou l'hostilité des masses parce qu'elles refusaient de tenir compte des valeurs)?
7) comment mettre fin aux rigidités des centralismes sans sombrer dans le chaos de l'indécision?
8) comment articuler ces nouveaux Etats dans un concert européen, ou plutôt dans un contexte stratégique étendu désormais à l'ensemble du continent? Quelles méthodes inventer pour déconstruire progressivement et positivement les antagonismes stato-nationaux qui avaient mis l'Europe deux fois à feu et à sang?
Le premier constat des constitutionalistes, notamment en Allemagne: le modèle helvétique fonctionnait sans heurt depuis plus de six siècles, faisant de l'espace suisse une oasis de paix civile dans un océan européen en proie aux pires tempêtes. Force était de constater que la vieille démocratie de type helvétique avait su conserver des éléments de démocratie acclamative (les votes sur place publique à main levée et sous la supervision d'un «amman») et le principe référendaire, qui brise les logiques trop arithmétiques des scrutins classiques et permet de trancher et de décider sans heurter de plein fouet les sentiments profonds du peuple. Le référendum permettait la mobilisation des factions, des militants et des strates d'opinion dans un cadre juridiquement établi et pour un laps de temps suffisamment bref pour ne pas basculer dans le chaos. La «mobilisation» n'était pas permanente comme dans les modèles totalitaires, elle était ponctuelle et temporaire, mais, en tant que telle, jamais évacuée: il était toujours possible d'y faire recours pour trancher des «sacs de nœuds» idéologico-politiques.
Enfin, le modèle constitutionnel helvétique permettait la survivance voire le renforcement des identités multiples établies sur le territoire morcelé en d'innombrables vallées alpines ou zones enclavées, ayant chacune leurs spécificités linguistiques ou confessionnelles. Enfin, ce puzzle helvétique, en apparence disparate, a su faire preuve de décision dans l'histoire, de cohérence politique et a assuré le consensus de ses citoyens, de façon quasiment ininterrompue.
L'Allemagne reconnaît dans ce respect helvétique des spécificités un linéament immémorial de droit germanique. Dans son fédéralisme, elle veillera dès lors à transposer ce linéament dans sa constitution, en reconnaissant la «nature d'Etat» (Staatlichkeit) des multiples composantes de la RFA. Mais la RFA ne retient pas le principe référendaire, estimant sans doute implicitement que le peuple ferait un mauvais usage de cet outil politique, comme sous le III° Reich lors du référendum de 1937 («Dein Ja dem Führer»). L'omission du principe référendaire est-elle, sur le fond et en dernière instance, compatible avec le principe cardinal de la constitution, qui affirme que le Volk est le seul détenteur de la souveraineté, selon la double logique du principe républicain et national-démocratique qui sous-tend finalement cette constitution, en dépit des modes actuelles qui tendent à refouler ces éléments de base de toute politique concrète dans la «poubelle politique» que constitue l'«extrême-droite», fourre-tout conceptuel ne renvoyant à d'autre réalité que les fantasmes des agents en place dans les médias? Or, sans tenir compte des aspirations républicaines et démocratiques (au sens vieux-romain et quasi-communautaire du terme) et du fait national (qui fait que les hommes vivant là sont tels et non autrement), on ne peut pas faire de politique concrète, seulement de la politique sentimentale, chavirant trop souvent dans l'hystérie et l'irréalisme.
Si la structure fédérale allemande fonctionne correctement dans des espaces plus vastes que les cantons helvétiques, les problèmes qui affectent la démocratie allemande résident dans 1) l'absence de principe référendaire; 2) le poids trop lourd des principaux partis; 3) la barre des 5% pour l'accès aux structures de représentations, qui, couplée à l'absence de référendum, ne permet guère une refonte démocratique, naturelle et potentiellement permanente du paysage politique (la démocratie étant, aux yeux de ses pères fondateurs, un système politique tentant de se mettre au diapason des changements sociaux, psychologiques et techniques qui affectent la vie quotidienne du peuple).
Néanmoins, jusqu'au seuil des années 80, le système allemand était le plus moderne d'Europe, abstraction faite de la Suisse, dont le relief particulier rendait inexportable son modèle tel quel. Mais la «troisième vague», pour employer le vocabulaire du futurologue Toffler, portée, entre autres, par la “révolution informatique”, contribuait fortement à changer la donne en Europe et ailleurs dans le monde industrialisé. Toutes les formes et modalités de centralisation devenaient plus ou moins caduques, partiellement ou entièrement obsolètes. Toffler, dans son ouvrage «Les Nouveaux pouvoirs» (en anglais, le titre est plus explicite: «Powershift»), constate le passage des monolithes aux mosaïques, c'est-à-dire le découpage pragmatique des grandes entités (notamment les énormes consortiums industriels) en unités autonomes, dont le fonctionnement est plus souple, plus adapté aux tissus locaux. Cette évolution du monde industriel correspond à une nouvelle nécessité, répondant à des impératifs de rentabilité et de facilité. Forcément, en dépit de son conservatisme naturel, le monde des institutions politiques allait devoir suivre.
Mais aucun projet cohérent, juridiquement étayé, n'est né en Europe occidentale pour répondre à ce défi, qui, qu'on le veuille ou non, exige une réponse claire et rapide. Pendant les années 60, les démocraties formelles d'Europe occidentale et la démocratie fédérale allemande ont coexisté harmonieusement, portées par une conjoncture haute, inégalée, et qui ne reviendra sans doute jamais plus. Les démocraties formelles de notre frange occidentale de l'Europe ont été prises en otage par les grands partis politiques et par leur relais dans la société civile (syndicats, mutuelles, mouvements de jeunesse, lobbies de diverses moutures, etc.), que le langage sociologique néerlandais nomme les «zuilen», littéralement les «piliers», véritables étouffoirs des spontanéités populaires, visant au départ à canaliser celles-ci, ils ont systématiquement transformé les flux émanant du peuple en trop maigres petits pisselets, étroitement surveillés par un fonctionnariat qui défendait jalousement et crapuleusement, anti-démocratiquement et mafieusement, ses acquis et empêchait les autres, les nouveaux venus, d'apporter leurs compétences à la collectivité populaire, forçant de nombreux sujets d'élite à émigrer; en Allemagne, le duopole des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates n'a pas permis d'adapter la constitution, pourtant réceptive dans son essence, aux innombrables différences qui innervent le monde.
Il a fallu attendre la chute d'un autre système ancien (le régime franquiste) pour réamorcer, quelque part en Europe (en l'occurence en Espagne), une réflexion nouvelle en vue d'élaborer une constitution plus adéquate à notre société-monde en phase de complexification croissante. Or la pertinence d'un système politique se mesure à sa capacité d'intégrer très rapidement les complexités émergentes et surtout, de se mettre en disponibilité permanente pour effectuer ce travail d'intégration. Si ce travail n'est pas fait, ou n'est pas fait à temps, les problèmes s'accumulent, les dysfonctionnements sociaux se succèdent à une allure de plus en plus rapide et l'on débouche sur l'ingouvernabilité, l'incohérence et le chaos (et nous y sommes!). Les fascismes de formes diverses qui ont animé la scène politique européenne dans les années 20-40 ont cru pallier à l'enlisement, produit de l'indécision, en concentrant le pouvoir entre les mains d'un chef charismatique (cf. Max Weber) ou d'élites quiritaires-militantes (cf. Gaetano Mosca, Vilfredo Pareto), qui se donnaient pour objectif de mettre un terme aux discussions interminables des parlements (ceux-ci ne représentaient plus que des élites qui n'étaient déjà plus au diapason des innovations), et raccourcir le temps entre l'émergence d'un fait nouveau et la décision qui devait l'arraisonner (cf. Mussolini: «la dictature fait en six minutes ce que le parlementarisme fait en soixante ans»).
Ces éléments de réflexion doivent nous conduire à condamner les vieilles démocraties formelles, à réfuter les idéologies qui leur servent d'assises et à concevoir l'évolution réelle de la pensée politique européenne comme suit:
1) une phase de démocratie formelle (rousseauiste ou conservatrice), qui a été inadaptée aux évolutions sociales, psychologiques et techniques, dans la période 1880-1950, et qui prouve une nouvelle fois son inadaptation à intégrer l'innovation depuis le choc pétrolier, la révolution informatique et la robotisation des tâches répétitives dans l'industrie. La démocratie formelle n'est bonne que sous la situation «rebus sic stantibus», c'est-à-dire si l'on abolit les facteurs «temps» et «espace», ce qui est finalement une impossibilité pratique.
2) Une phase de réaction fasciste, nationale-socialiste, stalinienne, militariste (Japon) ou directoriale (= première phase du New Deal de Roosevelt). L'objectif: raccourcir le temps de décision. L'inconvénient: une hyper-concentration qui, à court ou moyen terme, aurait empêché les informations glânées à la base d'accéder aux plus hautes sphères du pouvoir.
3) Une première innovation/adaptation intéressante: la naissance du système fédéral allemand, présentant toutefois quelques lacunes.
4) La chute du franquisme espagnol, par la mort du Caudillo, oblige les constitutionnalistes espagnols à élaborer un système démocratique plus moderne, plus ancré dans le divers du réel, plus souple, plus intégrateur de l'innovation.
C'est ainsi que les juristes espagnols ont élaboré une nouvelle forme de démocratie fédérale, développant et améliorant en théorie les acquis allemands. La décentralisation espagnole redistribuait les cartes après la disparition du centralisme franquiste, selon la logique, émergente dans les années 1975-80, de la révolution informatique qui permettait de «passer des monolithes aux mosaïques» (Toffler). Les juristes espagnols constataient que les composantes de l'ensemble étatique espagnol n'étaient pas égales entre elles du point de vue quantitatif et ne présentaient pas un degré de conscience historique équivalent. Cette diversité, fort complexe, devait être prise en compte par la constitution. Cette diversité ne permettait pas de découper la masse territoriale espagnole, en vue d'une dévolution, en entités symétriques. Il fallait donc un découpage "asymétrique", un octroi à la carte d'autonomies, exactement comme il faudra, dans l'Europe de demain, effectuer une nouvelle répartition des compétences politiques selon un schéma asymétrique à l'espagnole. Ce schéma permet notamment aux composantes territoriales d'un Etat, anciennement centralisé comme l'Espagne, de se donner des compétences législatives propres et d'adapter ainsi les règles de gouvernement aux besoins spécifiques d'une communauté, définie par l'histoire, la langue ou l'originalité ethnique. Ensuite, d'avoir le droit de définir une politique de relations internationales, commerciales ou autres, avec des entités similaires dans d'autres pays de la communauté, puis de l'union, européenne. Ainsi, l'«Etat asymétrique des communautés autonomes» permet de sortir des enfermements stato-nationaux anciens et de passer graduellement et harmonieusement à l'échelle européenne. Remarquons aussi que le législateur a tenu compte des «communautés régionales» (aux compétences plus vastes) et des «communautés locales» (aux compétences plus restreintes).
Nous avons là un modèle théorique intéressant. Mais il n'est pas encore parfait, loin s'en faut: les conceptions théoriques sont faibles, certains textes constitutionnels sont ambigus, le montage nouveau a été laborieux, le processus politique n'a pas été suffisamment maîtrisé, les dysfonctionnements n'ont pas tardé à se manifester, le processus coûte cher surtout quand les caciques des partis cherchent à caser leurs féaux dans les nouvelles administrations: bref, la gestation est lente; s'incruster dans le réel prend du temps, la maîtrise de la complexité ne se fait pas en deux coups de cuiller à pot. Cette lenteur, loin d'être criticable, est au contraire un signe positif, la hâte ne résolvant généralement pas les problèmes. Mais l'expérience espagnole, qui se déroule dans un pays plus pauvre que la moyenne de l'UE, donc plus fragile et plus sujet à la dissolution, demeure un exemple pour le reste du continent, pour plusieurs raisons:
- L'Etat des autonomies fonctionne, parfois cahin-caha, mais il fonctionne.
- Le consensus de base sur le système autonomique ne s'est pas effrité. Socialistes du PSOE et conservateurs du Parti Populaire souhaitent poursuivre et approfondir l'expérience.
Cette expérience espagnole ne conduit pas à la dissolution ou au séparatisme, tout comme le fédéralisme allemand de la RFA n'a pas conduit à l'éclatement d'une Allemagne finalement plus récemment unifiée que l'Espagne. Or le fractionnement de l'Allemagne avait été le vœu de certains planificateurs alliés; le nouveau fédéralisme devant, à leurs yeux, conduire à terme à l'émergence de plusieurs petites Allemagnes, selon la logique même du Testament de Richelieu. Ce double constat permet d'affirmer que le fédéralisme, l'octroi de compétences étatiques à des entités nationales ou régionales au sein d'Etats souverains, renforcent l'unité plutôt qu'ils ne la dissolvent. L'unité européenne se réalisera par un recours aux autonomies, pratique centripète et non centrifuge, et non par un renforcement des centralismes à tous niveaux, qui débouche sur un rejet instinctif des populations, qui voient le gouvernement s'éloigner ainsi de leurs préoccupations quotidiennes et des problèmes multiples et divers du vivre-en-commun. Le consensus n'est possible que par la restauration des autonomies. Le dissensus naît, par contre, du divorce entre le pays réel et le pays légal. L'expérience espagnole permet donc de déduire des observations intéressantes pour notre objectif final: la constitution d'un grand espace européen, soustrait à l'arbitraire de puissances tierces.
Robert STEUCKERS.
BIBLIOGRAPHIE:
- Dimitri Georges LAVROFF, «Les institutions politiques de l'Espagne», La Documentation française, coll. «Notes et études documentaires», juillet 1981.
- Dieter NOHLEN, José Juan GONZALES ENCINAR (Hrsg.), Der Staat der Autonomen Gemeinschaften in Spanien, Leske u. Budrich, Opladen, 1992.
- Luciano PAREJO ALFONSO, «Aufbau, Entwicklung und heutiger Stand des spanischen Staates und seiner Autonomen Gemeinschaften», in J.J. Hesse u. W. RENZSCH (Hrsg.), Föderalistische Entwicklung in Europa, Nomos-Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1991.
- Franck MODERNE & Pierre BON, L'Espagne aujourd'hui. Dix années de gouvernement socialiste (1982-1992), Documentation française, 1993.
- Plus général: Arthur BENZ, Föderalismus als dynamisches System, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1985.
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samedi, 22 mai 2010
Eugen Lemberg: anthropologie des systèmes idéologiques
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1987
Eugen Lemberg: anthropologie des systèmes idéologiques
Eugen LEMBERG, Anthropologie der ideologischen Systeme, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1987, 168 S., DM 39, ISBN 3-7890-1144-4.
Deuxième édition d'un ouvrage capital de politologie paru immédiatement après le décès de l'auteur en 1976. Ce livre se veut le couronnement de l'œuvre sociologique de son auteur et une analyse comparative des systèmes religieux, philosophiques et politiques qui structurent les sociétés en leur communiquant des valeurs et des normes et en dirigeant leur comportement global. D'où la question principale à laquelle répond Lemberg: quelles sont les pulsions motrices, les systèmes-guides de l'espèce humaine? Quel est le rôle de l'idéologie sociale dans la pensée et dans l'agir? Dans la veine des grands fondateurs de la sociologie, Ratzenhofer, Pareto, Gumplowicz, Mosca, etc., Lemberg a écrit un classique incontournable. Il étudie les mobiles instinctifs, institutionnels et idéologiques de l'agir social et politique. Il en retrace la phylogénèse et en examine les fonctions (formation des groupes, désignation de l'ennemi, positionnement dans l'environnement politico-culturel, polarisations diverses, etc.). Les systèmes idéologiques, ensuite, donnent à leurs adeptes une explication du monde simple, «clé sur porte». Explication qui génère des vérités et des fois qu'ébranlera l'avènement des démarches empiriques. Lemberg étudie aussi le rôle des dubitatifs, des hérétiques et des dissidents dans les sociétés. L'une des fonctions essentielles des systèmes idéologiques est de guider le comportement, ce qui a pour effet de stabiliser les sociétés. Stabilisation qui peut déchoir dans la rigidité ou, au contraire, permettre la persistance d'un terreau fécond. Dans toute société, s'opère un partage des rôles entre idéologues et pragmatiques. Les hiérarchies fonctionnantes sont dès lors marquées par un dosage de principes immuables et de pragmatisme souple. Enfin, les systèmes idéologiques sont soit marqués du sceau du sacré soit rationnels. Conclusion de Lemberg: les idéologies sont tantôt une malédiction tantôt une bénédiction.
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vendredi, 21 mai 2010
Etat fédéral et confédération d'états
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999
Etat fédéral et confédération d’états
Invité d’un récent débat radiophonique, Charles Pasqua, président du RPF, stigmatisait dans une diatribe anti-européenne, «vieille gaulliste», l’imbroglio juridique sur lequel repose l’Union Européenne, mélange confus d’institutions fédérales et de dispositions confédérales. Si son projet d’«Europe des nations», qu’il partage avec MM Chevènement, Le Pen et Mégret, nous est étranger, reconnaissons-lui d’avoir dit vrai sur l’impéritie des institutions européennes. Quelques précisions concernant ces deux formes de politique commune nous ont donc paru s’imposer, à l’heure où de graves décisions à l’échelle continentale s’avèrent chaque jour plus nécessaires.
L’idée fédérale n’est pas nouvelle dans le circuit des idées politiques, apparue comme une alternative institutionnelle et culturelle à l’installation de l’Etat unitaire, central et omnipotent faisant fi des desiderata régionaux. Et paradoxalement pour l’Etat jacobin et centralisateur que constitue la France républicaine, notre pays compte trois des quatre premiers théoriciens du fédéralisme européen, en les personnes de Montesquieu et Rousseau au XVIIIe siècle, Proudhon au XIXe siècle. Kant, Frantz, Albertini et l’Américain Hamilton achèveront d’apporter au fédéralisme son corpus doctrinal, sans toutefois distinguer ouvertement confédération et association fédérative. Les expériences politiques américaine, suisse, et plus récemment allemande et espagnole, seront le terrain pratique sur lequel s’affirmeront fédéralisme et confédération, se dégageant peu à peu les éléments de clivage qui aujourd’hui restent d’actualité avec l’édification d’un grand espace européen oscillant entre lune et l’autre des deux conceptions. Il est significatif que Louis le Fur dans la conclusion à sa thèse Etat fédéral et confédération d’Etats ait écrit que: «en dehors de cette idée de participation des membres de l’Etat fédéral à la souveraineté, il est impossible d’établir une distinction juridique précise entre l’Etat fédéral et les autres formes d’Etats qui présentent avec lui quelques analogies». Pour sa part, Bernard Barthalay prend partie, estimant que «tandis que la confédération n’est pas un Etat mais une somme d’Etats qui conservent leur souveraineté absolue, impliquant l’idée dune unanimité paralysante, le fédéralisme est une organisation plurielle de gouvernements indépendants et coordonnés entre eux, exerçant un pouvoir strictement indispensable et résiduel». Définitions aléatoires qu’il va s’agir ici de clarifier au mieux dans une étude abordant corrélativement aspects juridiques et aspects politiques pour déboucher sur l’évocation du fédéralisme suisse et européen.
Aspects juridiques:
Dans son ouvrage De l’esprit des Lois, Montesquieu emploie le terme de république fédérative, «convention par laquelle plusieurs corps politiques consentent à devenir citoyen d’un Etat plus grand qu’ils veulent former», union de plusieurs Etats souverains en un Etat dont ils sont membres tout en gardant leur souveraineté. Rousseau dans le Contrat Social et Kant dans le Projet pour une paix perpétuelle évoquent le même projet sans se préoccuper de la problématique fédération/confédération. Au demeurant nos voisins suisses ont baptisé «Confédération Helvétique» leur pays qui toutefois présente toutes les caractéristiques d’un Etat fédéral. C’est au constitutionaliste suisse Jean-François Aubert que l’on doit l’étude la plus affirmée du rapport fédération/confédération, sans précise-t-il, offrir de définition assurée et rigoureuse, l’histoire présentant à l’envi la contradiction à ses dires. Aubert met l’accent sur cinq aspects essentiels dans l’opposition fédération/confédération.
1) Premier distingo, la confédération établit pour organe central une conférence d’ambassadeurs nommés par les Etats membres, munis d’instructions qui garantissent l’indépendance de ceux-ci au sein de l’entente, réduite à une association purement contractuelle. A contrario, les organes fédéraux sont dotés dune liberté essentielle au regard des états membres, et disposent donc de plus de pouvoir.
2) De même la confédération réduit ses prérogatives essentiellement aux affaires étrangères, la défense et l’économie, cependant que la fédération élargit ces compétences à l’ensemble des cadres d’intervention de tout Etat souverain, comme s’y emploie la Suisse.
3) En matière de droit, la confédération applique le droit international entre Etats membres, synonymes de leur distance. La fédération quant à elle utilise un droit spécifique, le droit constitutionnel du nouvel Etat fédéral (exemple du droit communautaire de l’Union Européenne). Comme le note le professeur Triepel, la Confédération d’Etats s’apparente au droit international alors que l’Etat fédéral se caractérise par une relation de subordination. Dans le premier cas, c’est la coordination, tandis que dans un Etat fédéral celui-ci domine les Etats fédérés dans un système de droit interne.
4) La révision du traité d’union diffère de même, opposant l’unanimité confédérale, lourde et incapacitante, à la majorité de la fédération, largement plus souple, qui impose ses décisions aux plus réticents (on songe au jeu britannique au sein de lUE).
5) Et, plus sûre différenciation, la possibilité de sécession qui, pour la confédération laisse libre chaque état membre de se dégager quand bon lui semble, mais nécessite dans le cas de la fédération négociations en vue de reformer l’acte fondateur.
Aspects politiques:
Plus largement, et selon les études des américains Duchacek et Elazar, la fédération se démarque le plus résolument de la confédération par sa volonté affichée de créer au-delà des états membres une nation nouvelle et un Etat nouveau. Ainsi l’Etat fédéral est territorialement divisé entre deux structures autonomes de juridiction, provinciale et nationale, deux compétences de pouvoir, fédérale et locale, interdépendantes. A l’inverse le système confédéral laisse aux communautés considérées toute souveraineté et indépendance, leur association se résumant à des objectifs déterminés, limités et sans idée supranationale. C’est le cas du Benelux par exemple. Historiquement parlant, il est intéressant de noter que Suisse et Etats-Unis, d’une base confédérale, s’orientèrent vers la fédération pour se pérenniser. La Suisse en 1848, après que l’année 1847 eut vu s’affronter en des combats sanglants catholiques et protestants; les USA après que l’idée initiale de confédération inscrite dans la Déclaration d’Indépendance eut fait la preuve de son immobilisme. Pour ne pas avoir su mettre à profit ses expériences passées, la Yougoslavie, état confédéral sur la base révisée de la constitution de1974 se désagrégea, empêtrée quelle était dans un système hybride de confédération et de fédéralisme au sortir dramatiquement inopérant.
En finalité, pour une fédération apportant une importance prépondérante aux libertés individuelles et locales, la confédération se consacrera davantage à la préservation des libertés nationales. Là où l’Etat fédéral transcendera communautés nationales, religieuses, linguistiques en une union garantissant la souveraineté des entités locales la composant tout en leur assurant la participation aux décisions des autorités fédérales dans un système de gouvernement bicaméral et collégial, la confédération aura le souhait de garantir les prérogatives des Etats nationaux unitaires épisodiquement reliés sur un objectif commun, sans considération d’ordre communautariste. L’Etat-nation, hostile à la méthode fédéraliste, prospèrera sous un traité confédéral.
Dusan Sidjanski, dans un article titré Fédéralisme et néo-fédéralisme, écrit au sujet de l’état fédéral: «Le même principe s’applique à l’Europe fédérée qui ne doit se charger que de tâches qui dépassent la capacité des Etats européens pris séparément (...) A divers niveaux correspondent des pouvoirs autonomes. A mesure qu’augmentent les dimensions des tâches —transport, énergie, emploi, inflation, défense— le niveau de décision s’élève jusqu’à devenir continental ou mondial». Un principe de subsidiarité qui fonde le fédéralisme et que réfute la confédération, réunion purement occasionnelle, conditionnée par la bonne volonté des états membres et par conséquent davantage éphémère et fragile que l’Etat fédéral, fruit du consentement des parties, réseau de responsabilités et d’interdépendances conciliant unité et diversité. L’opposition entre Etat fédéral au singulier et confédérations d’Etats au pluriel prend ainsi tout son sens.
Fédéralisme suisse et Communauté européenne:
Le fédéralisme dans la Confédération Helvétique se propose prioritairement de sauvegarder l’autonomie des cantons du pouvoir central en termes de financement, d’institutions, de coopération, de décision politique. L’Union Européenne a inversement des difficultés à affirmer un pouvoir autonome, fédéral, face à des Etats membres, vieilles nations européennes qui exercent leurs attributions étatiques. L’Union Européenne n’assure ainsi aucune responsabilité de défense commune ni de sécurité et ses relations extérieures sont tributaires dune procédure confédérale. Jusqu’à la mise en œuvre de l’Acte unique européen en 1987 le Conseil prenait ses décisions sauf exceptions de manière confédérale, unanime. Aujourd’hui, la procédure fédérale s’affirme mais reste exclue des décisions fondamentales telles que la révision des traités, l’admission des nouveaux membres, l’innovation des institutions..., cependant que l’intervention du vote pondéré suit une optique fédérale, notamment appliquée par le Parlement Européen.
La Confédération Helvétique réunit en son sein des communautés diverses, gardant la souveraineté des cantons tout en leur permettant de participer aux décisions des autorités fédérales dans un système bicaméral et collégial où intervient la démocratie directe et semi-directe. C’est en référence à cette constitution fédérale et faussement «confédérale» helvétique que l’Union Européenne travaille à renforcer la participation des citoyens, les convergences politiques et économiques, en parallèle au renforcement des autonomies et personnalités locales qu’incarne l’Europe des régions.
Le but avoué mais encore lointain étant de passer dune Europe implicitement confédérale à une Europe explicitement fédérale.
Max SERCQ.
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mercredi, 19 mai 2010
Breve sobre indios e indigenistas
Breve sobre indios e indigenistas
Alberto Buela(*)
Ya empezamos mal hablando de indios cuando lo políticamente correcto es hablar de aborígenes, término que viene del sufijo latino ab que indica procedencia, más el sustantivo origo-inis que significa origen, nacimiento. Cuando decimos aborigen nos queremos referir a alguien originario del suelo donde vive.
Aparece aquí la primera contradicción los indigenistas que se auto titulan con un término del latín como aborigen, en lugar del indio que es mucho más genuino y originario. Es verdad que nació de un error de Colón, pero eso es todo, no existió una manipulación ex profesa del término, como ocurrió y ocurre con el de aborigen.
Ahora bien en el caso de los aborígenes de la Patagonia y de la Pampa argentina no son originarios para nada, eso no es cierto, es una falsedad de toda falsedad. Los que hoy se denominan mapuches son un cuento, son un bluff, lo decimos en inglés porque la oficina política de estos “indios” está en Londres. Ellos llegan a La Pampa a partir de 1770 y eran pehuenches de Ranquil (hoy Chile) y se instalan en pleno cladenar (montes del Caldén) de la Pampa central, llamada también Mamil Mapu (país del monte). Vemos como estos indios son menos originarios que los criollos viejos de la Pampa. Y en la Patagonia, cuando invadieron por esa misma época, mataron a los tehuelches sus verdaderos habitantes originarios.
Sobre este tema se puede consultar el excelente artículo de Fredy Carbano Julio Argentino Roca y la gran mentira mapuche que está en Internet.
Es sabido que hoy día uno de los temas y asuntos más aprovechados políticamente por el progresismo, tanto de izquierda como liberal, es el del indigenismo.
No existe prácticamente ningún gobernante- nacional o provincial- de Nuestra América que no cante loas al mundo precolombino, a los indios, a los autóctonos, a los pueblos originarios.
Ni que decir de los militantes políticos del progresismo y los intelectuales del pensamiento único, el tema está comprado en bloque. Es como si una voz de orden venida del imperialismo yanqui dijera: “Así como para nosotros el único indio que vale es el indio muerto, para Uds. lo único valioso es: que todos sean o se declaren indios”.
Para apoyar este principio de dominación política y cultural nos han vendido, y nuestra intelligensia ha comparado, la teoría del multiculturalismo que hace pedazos la poca unidad nacional que hemos logrado luego de 500 años de existencia. Esta teoría ruin se expresa en el apotegma: la minorías tienen derechos por el sólo hecho de ser minorías, tenga o no algún valor lo suyo.
¿y la voluntad de las mayorías? Solo sirve para convalidar en el momento de votar a la élite ilustrada que gobernará para las minorías, llámense grupos concentrados de la economía (Etztain, Grobocopatel, Mildin, Werthein), de la cultura (gays, lesbianas, bisexuales, homosexuales), de la farándula mediática (Leuco, Eliaschev, Sofovich, Gelblung), del pensamiento (Feimann, Forster, Kovaldof, Abraham). Gringos de la peor laya que viven esquilmando a nuestros pueblos bajo la mascarada democrática de servirlos.
Y así como es políticamente correcto criticar a los fumadores y a los cazadores de ciervos, por el contrario, es políticamente incorrecto criticar a cualquiera de las mil variantes del indigenismo americano.
La crítica al indigenismo inmediatamente nos demoniza, porque el indigenismo es un mecanismo más de dominación del imperialismo y como tal funciona. Su verborrea criminaliza a quien se opone. Su lenguaje busca despertar sentimientos primarios a dos puntas: se presentan como víctimas y criminaliza a quienes se le oponen o ponen simplemente reparos.
Lo grave del indigenismo es que en nombre de las falsas razones de origen que dan ellos, nos quitan, al menos a los criollos americanos, nuestro lugar de origen. Y nosotros los criollos bajo la firma de gauchos, huasos, cholos, montuvios, jíbaros, ladinos, gaúchos, borinqueños, charros o llaneros somos lo mejor, el producto más original que dio América al mundo. Ya lo decía Bolivar sobre él mismo: ni tan español ni tan indio.
Es este mundo criollo que dio el barroco americano y que peleó por la independencia y libertad de nuestros pueblos. Este mundo criollo que tuvo sus mejores frutos intelectuales en la universidad de Chiquisaca, llamada La Plata, Charcas y hoy Sucre. ¿O por qué se piensan que Bolivia, así pobre y desmantelada como la vemos, ha sido la que mayor cantidad de pensadores nacionales hispanoamericanos ha dado en el siglo XX? Porque funciona sobre una matriz de pensamiento que tiene medio milenio.
Qué es ser criollo sino la mejor forma de sentir lo nuestro, lo propio, lo auténtico. No es necesario andar vestido de gaucho, huaso o llanero, ni tener diez generaciones de americanos. Criollo puede ser un bancario, y un plomero, un cura o un médico, un rico o un pobre, el inmigrante italiano o alemán, el turco o el judío. Lo criollo es la captación del valor de lo genuino en nosotros. La valoración del modo gaucho de vida con sus costumbres y tradiciones. No porque nos vistamos de gauchos vamos a ser más criollos, yo conozco tantos gauchos de tienda. Hace muchos años, Juan Carlos Neyra, el padre del Colorado Neyra, escribió: Criollo es aquel que interpreta al gaucho y lo criollo es un modo de sentir, una aproximación afectiva a lo gaucho. Es por eso que lo gaucho es necesariamente criollo pero un criollo puede no ser gaucho. De allí que esos viejos camperos de antes decían: Nunca digas que sos gaucho, que los otros lo digan de vos.[1]
Hace unos días escribió Solíz Rada desde Bolivia un brillante artículo El canciller y las hormigas donde el canciller de su país afirma: “para nosotros los indios están primero las mariposas y las hormigas y en último lugar está el hombre. A lo que comenta Solíz: Lo inaceptable es separar la preservación de la Madre Tierra de la defensa del género humano. Recuérdese que los nazis también pensaban que judíos y gitanos valían menos que hormigas y bacterias.” Lo postulado por su canciller viene a coincidir con los planes de John Rokeffeller III de control de la natalidad de los países del tercer mundo.
El historiador y amigo chileno Pedro Godoy nos dice: “Chile no escapa del plan desmembrador. Modas primermundistas nos contaminan: tatuajes, grafitis, piercing, swingers, punkies… Ahora adquiere fuerza otra: los indigenista bajo el grito “cada etnia una nación” ¡Inquietante!. Los asesores rubios de esta campaña motorizan, hoy como ayer, la leyenda negra. Aportan así a acentuar nuestra crisis de identidad”
La instrumentación política que está detrás del indigenismo la hace notar muy bien Félix Rodríguez Trelles cuando afirma: “Los mal llamados "originarios" son el brazo de la quinta columna interior. El experimento imperial ha logrado un éxito notable al controlar Bolivia con el cocalero manejado desde atrás por García Linera (el Cohn-Bendit boliviano), y acechan con fuerza en Ecuador (no es casual que a Correa los "originarios" lo ataquen cuando repudia la deuda externa)” (cfr. En Internet su artículo Los pueblos originarios: una operación de pizas).
Tanto Andrés Solíz Rada como Pedro Godoy, dos hombres de la izquierda nacional suramericana, como Trelles un hombre del peronismo genuino, quieren poner el acento y distinguir entre la existencia y primacía de la identidad de la comunidad política de origen (aquella que nos da el Estado-nación al que pertenecemos) y una identidad adquirida o secundaria que es la que cada uno puede darse o crearse por estudio o convicciones (comunidad mapuche, gaucha, gringa, judía o árabe). Si no tenemos en cuenta esta distinción política fundamental caemos en el error todos los separatismos.
Y así todo suma y sigue, y podríamos poner mil ejemplos.
De este indigenismo se desprende la primera mentira mayúscula: la matanza de indios que realizaron los españoles fue de 120 millones según Escarrá Malavé, presidente de la comisión de relaciones exteriores del Congreso de Venezuela, de ahí que Chávez hable equivocadamente de “holocausto aborigen”. De 70 millones según el sociólogo brasileño Darcy Ribeiro y así siguen los números más inverosímiles. Pero estas cifras son solo suposiciones artificiosas teñidas por el odio a España y lo español producto de la “leyenda negra” creada por las oficinas políticas de Holanda e Inglaterra.
El filósofo e historiador mejicano José Vasconcelos, nada hispanista, hace constar en su Breve historia de México que no había más de seis millones de indios en todo el norte de América, tesis que años después convalidarían las investigaciones del antropólogo W. Denevan. Mientras que don Angel Rosemblat, profesor de historia de América colonial y nada sospechoso de prohispanismo, estimó una población a la llegada de Colón de trece millones y medio para toda América. La que disminuyó en gran parte no por las matanzas, que ciertamente las hubo sobre todo en los primeros treinta años de la conquista, pero ni por asomo con la magnitud que se les otorga, sino por las epidemias que los españoles trajeron: gripe, viruela, sífilis, etc.
Angel Rosemblat nació en Polonia en 1902 en el seno de una familia judía y llegó a Buenos Aires a los seis años, realizó sus estudios en la Universidad de Buenos Aires, se perfeccionó en Europa y en 1946 se afincó en Venezuela contratado por ese gran pensador venezolano que fue Mariano Picón Salas, y allí murió en 1984.Este filólogo y antropólogo cultural se destacó por su continuado trabajo de treinta años sobre el tema de la población originaria de América a la llegada de Colón y en un libro memorable que tiene muchas ediciones La población de América en 1492. Viejos y nuevos cálculos, FCE, México, 1967.
Afirma Pierre Chaunu, historiador francés y protestante, el mayor revisionista de la Revolución Francesa junto con Francois Furet, escribe: “La leyenda antihispánica en su versión norteamericana (la europea hace hincapié sobre todo en la Inquisición) ha desempeñado el saludable papel de válvula de escape. La pretendida matanza de los indios por parte de los españoles en el siglo XVI encubrió la matanza norteamericana de la frontera Oeste, que tuvo lugar en el siglo XIX. La América protestante logró librarse de este modo de su crimen lanzándolo de nuevo sobre la América católica. ”
La tenaz y reiterativa acusación de genocidio a los españoles por parte de los indigenistas contrasta con el silencio sobre uno de los episodios más terribles y duraderos, la matanza y explotación de indios y negros por parte de las oligarquías americanas ilustradas luego de la independencia. Así durante casi todo el siglo XIX las oligarquías locales masónicas y liberales bajo régimen de esclavitud hicieron desaparecer pueblos enteros como los charrúas en Uruguay, los mayas en México y varias etnias en el Brasil amazónico.
Nosotros al no ser antropólogos culturales, sólo conocemos tres trabajos serios sobre el tema en Argentina: a) los de Ernesto Sánchez Ance para el área norte del país. b) el libro del antropólogo Jorge Fernández C., fallecido hace unos años, titulado Historia de los indios ranqueles, Bs.As. Ed. Inst.Nac.Antropología y Pensamiento Americano, 1998, en donde con lujo de detalles desarma el mito de los indios pampas o ranqueles como originarios, sino que llegaron a La Pampa en 1770 corridos de Chile por los españoles y vivieron allí, gracias a la industria sin chimeneas –el malón y el cautivaje - hasta 1879, cuando cae Baigorrita, su último cacique. c) el libro de P. Meinrado Hux: Memorias de un ex cautivo Santiago Avendaño, Bs.As. Ed. Elefante Blanco, 1999. En donde se muestra palmariamente cómo era la tan mentada cultura indígena, con sus sacrificios humanos y el desollar viva a la gente.
Invitamos a los que quieran profundizar, a leer estos trabajos que están al alcance de todos.
Arkegueta, apendiz constante, mejor que filósofo
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lundi, 17 mai 2010
Entretien avec le Prof. Claudio Risé: les Etats d'ancienne mouture ne contrôlent plus les flux de communication!
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
Entretien avec le Prof. Claudio Risé:
Les Etats d'ancienne mouture ne contrôlent plus les flux de communication!
«Les hommes politiques italiens qui regardent vers l'avenir et constatent qu'inéluctablement une entité padanienne verra tôt au tard le jour enragent ou se désespèrent. Cette rage et ce désespoir sont pourtant en contradiction avec le sacro-saint droit à l'auto-détermination des peuples et avec l'Histoire, avec un “H” majuscule. Parce que le processus historique actuellement en cours depuis la chute du Mur de Berlin indique clairement que la survie des vieux Etats nationaux ne peut plus constituer un dogme. Nous nous trouvons aujourd'hui face à une affirmation globale des différences et des identités ethniques et culturelles qui se développent dans le monde entier. La myopie des politiciens romains les place en dehors de l'histoire». L'homme qui prononce devant moi ces paroles fortes n'est pas un militant de la Ligue lombarde de Bossi mais un universitaire tranquille qui vit au Sud-Tyrol et à Milan et enseigne à l'Université de Trieste une matière complexe que l'on nomme la “polémologie”, soit l'étude des guerres et surtout des guerres menées à l'époque dite “postmoderne” (de 1945 à nos jours).
Le Professeur Claudio Risé est aussi psychanalyste et auteur de nombreux livres nous permettant de méditer sur le destin et le passé des cultures traditionnelles et identitaires. Parmi ces ouvrages: Psicanalisi della guerre (Red Edizioni) et Misteri, guerra e trasformazione (Società Editrice Barbarossa).
Q.: Professeur Risé, qu'entendez-vous par “guerre postmoderne”?
CR: Si nous entendons par “moderne” l'époque qui a commencé par les révolutions bourgeoises de la fin du XVIIIième, qui se basaient sur les thèses de l'idéologie des Lumières et ont constitué l'origine à leurs avatars: le libéralisme, le marxisme et le fascisme, nous pourrions définir la “postmodernité” comme l'ère de la crise de ces sociétés, crise commencée immédiatement après la seconde guerre mondiale qui a atteint son maximum d'acuité après l'effondrement de l'empire communiste à l'Est. Nous noterons, dans cette optique, que la majeure partie des conflits qui ont éclaté au cours des cinquante dernières années a été déclenché au nom de principes considérés à tort comme “dépassés” par les mentalités matérialistes et illuministes: ces principes sont les droit à l'auto-détermination, la défense d'un territoire spécifique, la défense existentielle de sa propre nation, que l'on perçoit comme l'expression inaliénable d'une culture, de facteurs raciaux, de traditions, d'un héritage historique et non plus simplement comme un ordre juridique sec et codifié. Les guerres du XIXième siècle et les deux conflits mondiaux de notre siècle n'étaient pas du tout liés à de tels sentiments, à l'exception notable du monde germanique où l'on conservait intacte la notion d'une “Kultur” (c'est-à-dire l'essence des mythes fondant une communauté populaire) que l'on opposait volontiers à la “Zivilisation” (la dimension exclusivement matérielle et technique de l'écoumène humain, dimension que détestait Spengler).
Q.: Aujourd'hui, nous assistons effectivement à un réveil des ethnies, que les médias et le monde politique italiens minimisent, ridiculisent ou tentent de criminaliser, notamment quand il s'agit de l'idée de “Padanie”. Ce comportement ne se repère pas avec la même intentisé ailleurs...
CR: Telle est bien la question. Un Etat historiquement fort comme la Grande-Bretagne vient à son tour de reconnaître le Pays de Galles comme un Etat national (potentiel) et révise ses positions dans l'épineuse question irlandaise. Une vieille nation digne comme l'Espagne parle désormais d'autonomie et l'applique comme en Catalogne. En revanche, chez nous, les journaux italiens sont les seuls dans tout le monde civil à refuser de reconnaître comme un fait politique pertinent, de grande portée historique, l'émergence d'une entité padanienne. D'autre part, il faut souligner que les politiciens italiens ignorent les tenants et les aboutissants de cette question, car ils ne connaissent pas (ou feignent de ne pas connaître) la nature du problème. L'Italie étouffe dans le magma énorme de la bureaucratie étatique, dont le personnel est littéralement terrorisé à l'idée de perdre son travail. L'aversion à l'égard de l'idée padanienne chez beaucoup de fonctionnaires de l'Etat et de politiciens est ridicule, au-delà même de toute rhétorique de circonstance: elle est principalement motivée par leur instinct de survie, par le désir de maintenir des privilèges acquis. Le régime italien doit retrouver le calme en jettant un oeil sur les chiffres réels et non seulement sur les chiffres de propagande: depuis la fin de la guerre jusqu'à aujourd'hui, le nombre des Etats est passé d'une quarantaine à près de deux cents. Faire semblant de ne pas voir cette évidence, c'est de la sottise sinon de l'aveuglement.
Q.: Comment expliquez-vous que, dans une époque essentiellement marquée par le globalisme économique, ce sont justement ces tendances identitaires qui soient en pleine expansion et que l'on redécouvre ses racines ethniques?
CR: Le globalisme des marchés s'accompagne d'une informatisation globale: là réside, à mes yeux, la grande innovation positive. Grâce aux réseaux d'internet, par exemple, des modèles culturels différents et des mouvements ethniques se diffusent et peuvent s'affronter entre eux chaque jour vingt-quatre heures sur vingt-quatre: c'est là un phénomène sans précédent. L'ouverture sur Internet a ôté aux Etats le pouvoir de contrôler la communication de masse. Paradoxalement, nous nous apercevons que le globalisme aide formidablement les revendications ethniques des peuples.
Q.: Alors, Francis Fukuyama et les partisans du mondialisme, qui proclamaient qu'ils allaient mettre un terme à l'histoire et transformer la planète en un agglomérat d'individus sans racines se sont trompés dans leurs calculs?
CR: La théorie de Fukuyama a déjà été démentie depuis un certain temps, même s'il ne veut pas l'admettre. Les effets néfastes de la mondialisation sont déjà là, bien concrets, il suffit de garder les yeux ouverts. A leur grande stupeur, les potentats américains ont dû constater que les communautés redécouvraient peu à peu leurs cultures, leurs musiques, leurs littératures. Les forces traditionnelles sont revenues dans le circuit après l'hibernation due au bipolarisme USA/URSS (qui, par ailleurs, était un faux bipolarisme, vu les accords plus ou moins secrets entre les deux superpuissances). Ainsi, les marchés internationaux sont “relus” par les peuples spécifiques: ceux-ci acceptent de rentrer sur ces marchés, mais en n'abandonnant pas leurs caractéristiques particulières et sans s'aligner sur une idéologie exclusivement économiciste. En effet, nous devons être bien attentifs à ne pas confondre le mondialisme homologuant, ennemi des racines des peuples, et le globalisme des échanges. Ce dernier, je le répète, est l'“ami” de l'idéal d'auto-détermination.
Q.: Selon vous, Prof. Risé, l'entité padanienne en Italie du Nord finira pas s'imposer, puisque l'histoire va dans cette direction. Naîtra-t-elle pacifiquement ou y a-t-il des risques de tensions entre centralistes et indépendantistes, comme semble le prévoir le Prof. Miglio?
CR: Je ne suis pas en mesure de prédire l'avenir dans une boule de cristal, mais j'entrevois tout de même un grand danger pour l'Italie: sa faiblesse... Un individu qui possède un “moi” fort se montre plus tolérant que celui que ne possède qu'un “moi” faible. Si l'on reporte le “moi” individuel sur celui de l'Etat, le résultat est identique. On sait comment est née l'Italie (l'Etat italien): sous l'impulsion d'un complot anglo-français, car la France comme l'Angleterre sont les ennemies jurées de l'institution impériale (le Saint-Empire) et des puissances centre-européennes. Mais le résultat de ces manigances franco-britanniques a été un Etat faible qui ne manifeste aucun respect pour les cultures vivantes et réelles à l'intérieur de ses frontières. L'identité des peuples de Padanie et des régions alpines est historiquement liée à la culture du vénérable Saint-Empire romain d'une part, et aux racines celtiques et lombardes, d'autre part. Les cultures, les sociétés, les communautés charnelles et réelles de ces régions padaniennes et alpines ont entre elles des rapports féconds et profonds tandis que l'Etat italien est né au départ de principes tout-à-fait opposés voire antagonistes à ceux que la romanité antique, solaire et respectueuse de toutes les composantes de son Empire. La Rome antique n'a rien à voir avec la Rome actuelle. Valentin Moroz avait raison d'écrire, après sa condamnation en ex-URSS pour ses activités en faveur du nationalisme ukrainien: «Une nation ne peut exister que s'il y a des hommes prêts à mourir pour elle. Je sais que tous les hommes sont égaux. Ma raison me le dit. Mais en même temps, je sais que ma nation est unique... Mon cœur me le dit». Il me semble que de tels sentiments sont très éloignés de l'état d'esprit qui règne en Italie aujourd'hui.
(propos recueillis par Gianluca Savoini, pour le quotidien La Padania, 6 juin 1997).
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samedi, 15 mai 2010
En économie, l'imagination doit prendre le pouvoir!
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993
En économie, l'imagination doit prendre le pouvoir!
Entretien avec Nicolas Franval,
universitaire, économiste, animateur du «Cercle de Réflexion pour une économie alternative» qui travaille au sein de la nébuleuse «Nouvelle Droite»
Propos recueillis par Arnaud Guyot-Jeannin
Avec l'effondrement du communisme, le capitalisme libéral semble être le remède miracle qui apporterait aux peuples opprimés le «bien être» et leur procurait une liberté dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent. Ne s'agit-il pas de récuser ce point de vue?
Comment ne pas se réjouir de l'effondrement des régimes staliniens de l'Est? Mais cette joie n'emporte nullement une adhésion au capitalisme libéral. A cet égard, révélatrices furent les images que nous ont déversées les télévisions lors de la chute du mur de Berlin. Nous pouvions voir une masse d'individus se précipitant vers les supermarchés de Berlin-Ouest, s'émerveillant devant la diversité des détergents, goûtant ces fruits terriblement exotiques que sont l'orange et la banane. Ce fut le même émoi télévisuel quand, à Moscou, s'est installé le premier fast-food; enfin triomphaient les droits de l'homme. Car que reprochaient véritablement les «bonnes consciences» au communisme? D'être inefficace, de ne pas satisfaire les besoins de la population, de ne pas offrir une consommation de masse. Ainsi, le totalitarisme stalinien était condamné non parce qu'il était un totalitarisme mais parce qu'il faisait régner la pénurie. Et de proposer le modèle libéral comme remède à tous les maux dont souffraient ces peuples.
Cela appelle quelques brèves remarques. En premier lieu, je doute très sérieusement que le capitalisme occidental soit une référence, ce système économique qui génère le chômage, exclut un part croissante de la population de la sphère sociale, etc. Comment penser un seul instant que la France de Monsieur Mitterand puisse susciter la moindre admiration? En second lieu, nombre de pays de l'Est ne sont pas en mesure et ce, pour des raisons économiques, sociales, historiques, d'instaurer un régime capitaliste libéral. On ne passe pas aussi facilement d'une régulation pénurique à une régulation concurrentielle, on n'instaure pas aussi aisément des mécanismes de marché et de crédit. Et la BERD ne fera pas de miracles et nul ne peut douter que son rôle sera négatif. La troisième remarque est que les peuples de l'Est ont actuelement d'autres batailles à mener, notamment un combat politique pour leur indépendance. Il est à noter que les bons esprits occidentaux qui condamnaient le communisme au nom des peuples opprimés, condamnent aujourd'hui ces mêmes peuples en lutte pour leur indépendance, pour leur droit à exister. Evidemment, on meurt plus facilement pour défendre son identité que pour un taux de profit. Enfin, pouvons-nous souhaiter qu'à un totalitarisme (communiste) succède un autre totalitarisme (libéral) certes plus confortable? Pouvons-nous souhaiter que les peuples de l'Est se noient «dans les eaux glacées du calcul égoïste» (Marx)? Par contre, même si certaines craintes subsistent, nous devons être attentifs à l'évolution de ces pays et, qui sait, voir émerger des formes nationales de développement économique qui rejettent le communisme et le libéralisme.
Selon vous, libéralisme économique et défense des identités collectives sont-ils compatibles?
Il est étrange de voir certains affirmer mener un combat identitaire et, dans un même temps, défendre avec un bel enthousiasme le libéralisme économique. Les causes d'une telle incohérence m'échappent. Le libéralisme économique constitue une négation absolue de toute identité collective. Réduisant, au nom de l'individualisme, toute communauté à une somme d'individus égoïstes et calculateurs (i.e. aptes rationnellement au calcul économique) dont la seule fonction serait de produire/consommer, le libéralisme évacue, détruit toute spécificité culturelle, historique des peuples. Le libéralisme économique détruit les liens sociaux et organiques des communautés humaines, interdisant tout projet collectif, historique ou national. Nul n'a loué à ce jour les mérites du FMI —haut lieu du libéralisme— dans sa défense des identités collectives. En outre, nombre de penseurs libéraux, s'inspirant du modèle rostowien, estiment que certains cultures ou religions sont des obstacles au développement économique et d'encourager les peuples à renoncer à leur spécificité culturelle pour accéder, en opérant le fameux «take off», aux joies de la «civilisation». Dès lors, défendre les identités collectives, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et à préserver leur identité, est incompatible avec une défense du libéralisme économique qui a montré sa pleine capacité ethnocidaire. A l'inverse, le cosmopolitisme est un pur produit du libéralisme, l'homo oeconomicus étant un individu (et non une personne) indifférencié, interchangeable, déculturé, déraciné, circulant telle une vulgaire marchandise de territoire en territoire.
Plus trivialement dit et n'en déplaise à certains «nationaux-libéraux», il est difficile d'être simultanément pour le bourreau et ses victimes.
Face à l'utilitarisme marchand des démocraties bourgeoises qu'induit la théorie néo-classique, existe-t-il des alternatives?
Il est exact que la théorie néo-classique est actuellement dominante, surtout dans le monde anglo-saxon, les écoles libérales ou néo-libérales proliférant. Il est tout aussi vrai que les politiques économiques mises en œuvre dans le monde occidental, s'inspirent très largement de cette théorie. Force est de constater que cette théorie offre une remarquable rigueur formelle et que les théories concurrentes se sont effacées. A moins de confondre Karl Marx et les Marx Brothers, le marxisme est globalement mort même si subsistent ici et là quelques chapelles marxisantes. Quant au keynésianisme, les politiques de relance qu'il a inspirées, ont échoué. C'est ainsi que, faute de combattants, la théorie libérale triomphe et la science économique semble être occupée par la seule théorie néo-classique. Néanmoins cette théorie est dans l'incapacité de rendre compte, d'expliquer la crise actuelle où les mécanismes de marché sont bloqués notamment par l'existence de monopoles et de groupes d'intérêts, où les consommateurs et les salariés ont des comportements irrationnels dûs en partie à l'illusion monétaire, où persistent l'inflation, etc.
Ainsi avons-nous une théorie dominante et scientifiquement impuissante. Cela ne signifie nullement une fin de la science économique. En effet, à toute époque, se sont affirmés certains esprits originaux, des «hérétiques» c'est-à-dire des économistes qui, s'écartant du corpus théorique dominant, ont exploré de nouveaux espaces de connaissance, ont trouvé des réponses aux questions qui concrètement se posaient. Citons les noms de List, Sombart, Schumpeter, Veblen, Perroux,… Globalement, ces économistes furent des critiques du libéralisme. Actuellement certaines questions économiques demeurent sans réponse, faisant apparaître un inaltérable écart entre le monde réel et la théorie, mettant à jour une crise de la théorie économique. Mais dans ce climat de crise, de nouveaux courants apparaissent, de nouvelles pensées naissent. L'école de la régulation en est un parfait exemple.
Un socialisme élitaire impose de réfuter le dogme capitaliste comme le dogme collectiviste. Les concepts de participation et d'intéressement qui réintroduisent une vision communautaire et organique dans l'entreprise, suppriment-ils réellement la lutte des classes?
Je doute que la lutte de classes existe encore et je regrette parfois qu'il n'y ait pas un affrontement héroïque entre bourgeois et prolétaires. Nous assistons plutôt, dans le règne de la quantité qui est le nôtre, à des querelles entre catégories sociales en vue d'obtenir une plus grande part du revenu national. En outre, il faut se méfier des confusions langagières. Certes le terme de participation est très en vogue et, faute d'audace, certains n'hésitent pas à invoquer le fondateur de la V° République à l'appui de leur thèse qu'ils voudraient novatrices. Préalablement, je me risquerai à un constat. Actuellement se développe, parallèlement au culte du marché, un culte de l'entreprise, sorte de nouvelle religion. Cela n'a rien de surprenant dans une société où régnent les valeurs marchandes. Ainsi l'entreprise qui est, rappelons-le, un reflet, un condensé de l'organisation sociale et économique de la société, serait devenue ce lieu où, par une étrange magie, tous les acteurs sociaux communieraient dans un même culte: celui de l'efficacité, de la rentabilité, de la compétitivité. L'entreprise serait devenue ce lieu où s'élaborerait une nouvelle convivialité générée par un discours unifiant (cette fameuse «culture d'entreprise»). Et succombant à ce culte de l'unité retrouvée, certains soutiennent l'idée de participation. Soyons précis. La participation peut prendre trois formes: participation à la gestion (co-gestion), participation au résultat (intéressement) et participation au capital (actionnariat). Quelle que soit la forme retenue, la participation m'apparaît comme étant un excellent moyen technique pour que le système perdure. Prenez la participation au résultat de l'entreprise. Nul ne peut nier qu'ils s'agisse là d'un excellent instrument pour motiver le personnel. Mais cette participation signifie: soyez plus rentables, vous gagnerez plus et ainsi vous consommerez plus, vous serez plus heureux. Tout cela relève d'un système de valeurs qui n'est pas le mien. C'est pourquoi l'idée de participation actuellement m'apparaît comme une douce illusion. Par contre, si l'on exclut le gadget idéologique, il est possible de penser autrement l'organisation de la production, d'envisager l'entreprise comme une communauté de travail où s'associeraient le capital et le travail. Encore faut-il préciser qu'une telle organisation suppose une rupture avec le système économique actuel qui s'accommode fort bien de la participation. Pour être plus précis, je préfère nettement l'idée de coopération à celle de participation.
Le corporatisme offre-t-il encore une certaine actualité?
Là aussi, il faut se méfier des mots. Le terme de corporatisme est devenu peu flatteur; pour certains, c'est même une insulte. Plus sérieusement, nous pouvons concevoir une organisation nouvelle de la production tant au niveau macro-économique qu'au niveau micro-économique voire méso-économique (les secteurs d'activité) et ce, sans pour autant supprimer certains mécanismes du marché. Pourquoi ne pas envisager, nationalement ou sectoriellement, des instances de représentations des «métiers» qui seraient des lieux de négociations entre employeurs et employés et où seraient élaborés des projets/plans de développement. Pourquoi la planification serait-elle la chasse gardée des technocrates dont seraient exclus les producteurs? Si cette utopie (réaliste) doit se nommer corporatisme, pourquoi pas?
Ne faut-il pas supprimer les syndicats de classe?
La question syndicale doit s'apprécier pays par pays, le monde du travail ayant des traditions et spécificités nationales. En ce qui concerne la France, je doute qu'il existe des féodalités syndicales et des syndicats inféodés à des partis politiques. Quant à savoir s'il faut les supprimer, la réponse est apportée par les travailleurs eux-mêmes. Actuellement la France a le plus faible taux de syndicalisation parmi les pays membres de l'OCDE. Par exemple, le taux de syndicalisation n'est que de 5,6% dans le secteur privé. Les syndicats n'ont pas besoin d'être supprimés, ils se suppriment d'eux-mêmes. Par contre, il est évident qu'un syndicalisme est à réinventer, un syndicalisme qui ne soit pas uniquement préoccupé par la recherche d'intérêts quantitatifs, un syndicalisme qui prenne toute sa place dans une nouvelle organisation de la production telle que je l'esquissais précédemment.
Comment distingueriez-vous dirigisme et étatisme?
Actuellement il est un débat centré sur le rôle de l'Etat. Les libéraux montrent que les interventions économiques et administratives de l'Etat sont inefficaces et coûteuses, et prônent une vaste déréglementation. Les keynésiens montrent que l'Etat se doit d'intervenir et prônent une politique de relance par la demande publique. Ce (vieux) débat sur les mérites comparés de l'Etat-Gendarme et de l'Etat-Providence m'apparaît être sans intérêt. Nul ne peut nier que l'Etat, fut-il très libéral, intervient notamment par la monnaie et le crédit. La question n'est donc pas de savoir s'il faut plus ou moins d'Etat. La question n'est pas économique mais politique. Libéraux, keynésiens, marxistes considèrent que l'Etat est un agent économique qui participe comme tel à l'activité économique; ils ne se séparent que sur le degré de l'intervention. En ce sens, tous sont étatistes. J'ai tendance à penser que l'Etat est de nature politique et qu'il existe un primat du politique sur l'économique; dès lors, l'Etat en tant qu'instance du politique, est en droit d'assigner des buts, de fixer des orientations à l'économie. En ce sens, je suis dirigiste. Quant à déterminer quelles doivent être les formes d'intervention de l'Etat, interventions qui doivent générer le moins de bureaucratie possible, il n'existe pas de formules toutes faites. Pour une fois, mettons l'imagination au pouvoir.
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jeudi, 13 mai 2010
L'Ecole de la régulation: une hétérodoxie féconde?
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993
L'Ecole de la régulation: une hétérodoxie féconde?
par Guillaume d'EREBE
«La finalité de l'étude de l'économie n'est pas d'acquérir un ensemble de réponses toutes faites aux questions économiques, mais d'apprendre à ne pas se laisser duper par les économistes»
Joan Robinson.
Crise économique,
crise de la théorie économique
Années 60, le temps est à l'agitation, au grand chambardement, à la critique qui se veut radicale (cf. Althusser, Foucault,…); les discours académiques sont menacés et les quiets territoires de la science économique commencent à être envahis par les «Enfants de Mai». Années 70, la crise frappe les économies industrielles avachies dans le confort de la croissance. Mais cette crise économique est avant tout une crise de la théorie économique qui exhibe son impuissance à expliquer le phénomène et surtout à l'endiguer. Le marxisme est en capilotade et toute logodiarrhée conclut à la mort du prophète Marx. Grande débâcle chez les économistes «de gauche»; à l'exception de quelques irréductibles croyants tel P. Boccara (1), les économistes orphelins du «socialisme scientifique» se réfugient promptement dans un post-keynésianisme; certains audacieux commencent à pactiser avec l'adversaire et s'engagent dans les bataillons libéraux. Après le cauchemar soviétique vient l'éphialte californien. Années 80, les politiques keynésiennes de relance ont lamentablement échoué; le bon peuple, électeur/consommateur, menacé par le chômage, commence à douter du sérieux des économistes, ces médicastres qui désespérément s'échinent à trouver une nouvelle politique économique. L'imagination n'étant pas au pouvoir, il faut ressortir quelques naufragés disparus de la théorie économique. Par une grande opération résurrectionnelle, F. von Hayek, celui-là même que Keynes avait magistralement défait, fait un foutral retour; M. Friedman et ses Chicago Boys constituent une puissante secte où vont communier en un même credo les Reagan, Pinochet, Thatcher… Mitterand. Le libéralisme, qu'il soit conservateur ou social, triomphe avec insolence, faute d'adversaire. La mode est aux cavillations d'un J.B. Say ou aux courbes d'un A. Laffer. Certes, dans les pays «développés», la pauvreté s'accroît mais qu'importe; les gouvernements «de droite», bien inspirés par un darwinisme-social de circonstance, considérant que tout chômeur est un feignant, attendent que le marché fasse son œuvre: éliminer les faibles; les gouvernements «de gauche», ceux dont la mauvaise conscience oblige à la charité, octroient dans un geste large, un RMI (Revenu Minimum d'Indignité). Certes, le Tiers Monde agonise, étouffé par la dette, torturé par les politiques du FMI, pillé par les firmes transnationales. Qu'importe ces «dysfonctionnements» pourvu que triomphe l'Occident libéral et son nouvel ordre.
Après les échecs: quitter
les chemins de l'orthodoxie
Au-delà de ces simulacres, les analyses traditionnelles, néo-classiques mais aussi keynésiennes et marxistes, sont incapables d'expliquer le pourquoi et le comment de la crise. Sans diagnostic, les iatres économistes font semblant de soigner et les taux d'intérêt deviennent l'ultime cacoergète. Rien ne vaut une bonne saignée pour une économie apoplectique. Les questions demeurant sans réponses, certains économistes curieux, dont les régulationnistes, quittent les chemins de l'orthodoxie et tentent de répondre à certaines questions essentielles. Pourquoi les économies capitalistes sont-elles passées d'une croissance forte et régulière à une quasi-stagnation? La théorie néo-classique ne développant qu'une analyse intemporelle (exit Clio) où le marché assure une prétendue auto-régulation, n'offre aucune place à la crise. Et si crise il y a, elle ne peut s'expliquer que par un malheureux hasard (un choc pétrolier) ou par une cause exogène (cf. l'Etat). A l'inverse, affirmer l'inéluctabilité des crises et invoquer un épuisement du capitalisme, un stade ultime préfigurant le «grand soir», n'est guère plus satisfaisant. Car comment expliquer la croissance sans précédent qu'ont connu les vieux pays industrialisés après la deuxième guerre mondiale. D'autre part, comment expliquer qu'à une même époque historique, la crise adopte des formes nationales signifiantes? Les économies industrielles réagissent diversement; certaines, stimulées par la «maladie», connaissent la prospérité alors que d'autres voient leurs déséquilibres s'aggraver. Enfin pourquoi, au-delà de certains invariants généraux (salariat, production marchande, …), les crises varient au cours du temps. La crise actuelle n'est pas la petite sœur de celle de 1929, l'échec des politiques de relance par la demande le prouvant amplement. Certes, il existe certaines caractéristiques communes (baisse de la rentabilité, chômage élevé, forts taux d'intérêts,…) mais aussi de grandes dissemblances. Si la Grande Crise se singularise par une brutale déflation et une dépression (contraction) cumulative, la crise présente connaît une inflation permanente et une croissance, certes ralentie, de la production et des échanges. Dans ces conditions, la crise qui pointe dans les années 70, rend indispensable un renouvellement de la théorie économique, la question centrale devenant «celle de la variabilité dans le temps et dans l'espace des dynamiques économiques» (2). L'analyse des crises oblige à se situer dans la dynamique du capitalisme (3); l'économiste doit retrouver l'histoire que les libéraux ont évacuée en postulant l'invariance des comportements économiques et que les marxistes ont travestie en édictant, au nom du matérialisme historique, des lois dites «tendancielles». Autrement dit, la science économique redécouvrant l'histoire et la sociologie, se constitue en science sociale. Les régulationnistes participent à ce renouveau de la théorie économique, proposant une alternative au libéralisme et ouvrant certains chemins sur lesquels nous pouvons, non sans prudence, nous engager.
Le concept de régulation
A la fin des années 70, des économistes vont se réunir autour d'un concept original, celui de régulation. Le terme de «régulation» étant polysémique, il convient de se garder contre toute confusion sémantique. Dans un premier sens, la régulation est un concept transversal de la théorie des systèmes ou de la théorie du contrôle qui s'applique à divers systèmes (biologiques, thermodynamiques, économiques, sociaux) et qui rend possible une théorie de l'auto-organisation. Dans un second sens, le terme de régulation désigne une intervention active de la part de l'Etat; macro-économiquement, c'est une politique conforme aux dogmes keynésiens (par exemple, le New Deal) se caractérisant par une multiplication des réglementations. Dans l'univers anglo-saxon, «regulation» signifie réglementation; ainsi la dérégulation exigée par les néo-libéraux n'est qu'une déréglementation de la vie économique, une version moderne du «laissez-faire, laissez-passer». Ces deux sens sont rejetés par les régulationnistes. Ceux-ci fournissent de nombreuses définitions marquant certaines divergences (par exemple, certains admettent des lois tendancielles telles la chute des taux de profit ou leur égalisation, d'autres les refusent) mais un accord se dégage sur certains points. La régulation peut être définie comme «la conjonction des mécanismes concourant à la reproduction d'ensemble, compte tenu des structures économiques et des formes sociales en vigueur» (4). Les économistes s'assemblant autour de ce concept (M. Aglietta, Ch. André, M. Basle, H. Bertrand, R. Boyer, A. Brender, B. Coriat, R. Delorme, A. Lipietz, J. Mazier, J. Mistral, J.F. Vidal,…) forment l'école de la régulation qui, à ses débuts, est purement française mais qui rapidement, va connaître une renommée internationale malgré une certaine résistance du monde anglo-saxon (5).
A l'origine, les régulationnistes tentent d'effectuer une rénovation critique de l'analyse marxiste, reliant Marx et Keynes; il est vrai que nombre de ces économistes travaillent sur modèles macro-économiques (FIFI, DMS, …) (6) dont l'inspiration est nettement keynésienne (cf. J. Robinson, N. Kaldor, M. Kalecki). L'apport de Marx est fondamental même si la lecture qui en est faite est très hétérodoxe. Rejetant toute une vulgate marxiste, les régulationnistes gardent du marxisme sa méthode holiste (analyse des rapports sociaux), sa vision historique des modes de production et l'idée de la périodicité des crises dans une économie capitaliste. Précisons que la référence à Marx est variable selon les auteurs. Ainsi la théorie de la valeur est clairement marxiste chez A. Lipietz, elle est implicite chez M. Aglietta mais elle n'est pas spécifiée chez R. Boyer et J. Mistral. En outre, certains régulationnistes ont progressivement rejeté la référence marxiste, tel M. Aglietta. Dans sa thèse, Accumulation et régulation du capitalisme en longue période. Exemple des Etats-Unis (1870-1970) (7), Aglietta part du marxisme mais il en est très éloigné dans Les métamorphoses de la société salariale (8) où il renonce à la lutte des classes comme moteur de l'histoire, le salariat et le capital étant associés dans un même mouvement.
Keynes est aussi présent dans la théorie de la régulation, le maître de Cambridge ayant eu de fortes intuitions. De la théorie macro-économique keynésienne (et plus exactement kaleckienne), les régulationnistes retiennent le principe de la demande effective, de la monnaie comme institution (9), la possibilité d'un sous-emploi comme équilibre, le rôle de la négociation collective et des syndicats,… Néanmoins le keynésianisme présente nombre d'insuffisances; ainsi, il situe ses analyses dans le court terme et ne rend pas compte du fondement des régularités qu'il dégage.
L'institutionnalisme
Après Marx et Keynes, la troisième source d'inspiration des régulationnistes est l'institutionnalisme même s'ils ne mentionnent pas les pères fondateurs de cette école (Veblen, Commons, Mitchell,…); nous retrouvons cette même distance avec l'école historique allemande (Schmoller, Wagner,…). Il est vrai que l'institutionnalisme fut incapable de constituer un paradigme alternatif, impuissant à présenter un modèle théorique d'ensemble, se réduisant à décrire le monde.
Néo-marxisme, post-keynésianisme, néo-ricardisme, néo-institutionnalisme… aucune de ces étiquettes ne semblent convenir à la théorie de la régulation qui est d'autant plus inclassable qu'il existe un éclatement des références théoriques (Marx, Keynes, Kalecki, les institutionnalistes, Girard,…); références multiples aussi en ce qui concerne les analyses et les propositions. Ainsi, en matière de relations internationales, A. Lipietz est favorable à un certain protectionnisme alors que J. Mistral considère le libre-échange comme un moindre mal. Face à ce manque apparent d'unité, certains se sont interrogés sur l'existence d'une école de la régulation. Nul ne peut nier qu'il existe une opposition sur certains concepts, généralement les plus abstraits (par exemple, la valeur) mais force est de constater qu'il existe un «noyau dur» de concepts communs à tous les régulationnistes. Dès lors, la théorie de la régulation, avant même de constituer une école, est un véritable «programme de recherche» (au sens de Thomas S. Kuhn), un paradigme et un ensemble de propositions partagées par un groupe de chercheurs et organisant la façon d'aborder le monde réel.
Les concepts fondamentaux
La théorie de la régulation recèle au moins trois concepts fondamentaux: régime d'accumulation, forme institutionnelle et mode de régulation.
L'idée de régime d'accumulation est empruntée à à l'analyse marxiste selon laquelle «les forces qui gèrent la croissance sont liées à la reproduction élargie du capital à la fois comme un ensemble de biens de production à mettre en œuvre, comme un rapport entre les classes sociales et comme une quantité monétaire à valoriser» (10). Cette notion permet de résoudre un problème simple: comment un processus contradictoire voire conflictuel peut-il durer sur une longue période c'est-à-dire pourquoi la crise est-elle l'exception et non la règle? L'analyse historique tend à montrer que les contradictions peuvent être surmontées, qu'il existe des régularités économiques et sociales rendant possibles l'accumulation, à long terme. Le régime d'accumulation peut se définir comme «l'ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital, c'est-à-dire permettant de résorber ou d'étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-même» (11). Autrement dit, un régime d'accumulation est l'ensemble des régularités économiques et sociales permettant à l'accumulation/investissement de perdurer, rendant compatibles entre elles l'évolution des capacités de production et de la demande sociale. Sur ce point précis, trois éléments sont déterminants: le type d'évolution de l'organisation de la production, notamment le rapport des salariés aux moyens de production; le partage de la valeur entre les groupes sociaux; une demande sociale validant l'évolution tendancielle des capacités de production, et plus précisément une norme de consommation (des pratiques de consommation tendant à s'imposer à l'ensemble de la population).
Accumulation extensive et accumulation intensive
Deux grands régimes d'accumulation peuvent être distingués: extensive et intensive. Le régime d'accumulation extensive (XIXième siècle, début du XXième siècle) se caractérise par une croissance fondée sur une augmentation des facteurs de production; la production s'accroît mais les gains de productivité sont faibles. Le partage de la valeur et la valorisation du capital reposent, pour reprendre des termes marxistes, sur la plus-value absolue des profits (12) et ce, par une compression des salaires et une augmentation de la durée et de l'intensité du travail. La norme de consommation est fort peu dynamique, la consommation populaire se composant, pour l'essentiel, de produits en provenance de secteurs non capitalistes (agriculture, artisanat). Il existe une grande diversité entre l'industrie lourde, concentrée et productive, et l'industrie de consommation, parcellisée et peu productive, très peu de relations se nouant entre les deux. Enfin, la concurrence est très forte, le marché régulateur engendrant d'importantes fluctuations. Le régime d'accumulation intensive (qui se développe dans les années 20 aux Etats-Unis et connaît son apogée dans les années 60) se caractérise par une croissance fondée sur d'importants gains de productivité dus à des techniques améliorant les méthodes de production. La valorisation du capital et le partage de la valeur reposent sur l'extraction de la plus-value relative. Afin de résoudre une crise due à une faiblesse des débouchés (cf. salaires trop faibles), on assiste à une hausse simultanée des salaires et des profits. Cette augmentation conjointe résulte d'une double indexation des salaires réels sur les gains de productivité et des prix sur les coûts de production. La norme de consommation est dynamique (cf. la «société de consommation»), portant sur les produits issus de branches où prévalent les nouvelles méthodes de production.
Pour fonctionner, ces régimes d'accumulation ont besoin d'un environnement socio-institutionnel permettant le développement des transformations économiques et sociales sans qu'il y ait trop de tensions, de conflits. C'est là la fonction du mode de régulation. Le mode de régulation peut se définir comme «l'ensemble des formes institutionnelles, des réseaux de normes explicites ou implicites assurant la compatibilité des comportements dans le cadre d'un régime d'accumulation conformément à l'état des rapports sociaux et par-delà leur rapport conflictuel» (13). Autrement dit, un mode de régulation est un ensemble de procédures et de comportements reproduisant les rapports sociaux fondamentaux, soutenant le régime d'accumulation, rendant compatible un ensemble de décisions décentralisées (14).
Régulation concurrentielle et régulation monopolistique
Pour conceptualiser les mécanismes de régulation, cinq formes institutionnelles sont retenues: les formes de la contrainte monétaire (organisation de la création monétaire, contrôle de la masse…), les formes de la concurrence, les formes de l'Etat (les modes d'intervention de l'Etat,…), les formes du régime international (DIT, hiérarchisation de l'économie internationale,…) et, enfin, le rapport salarial qui est l'élément central (15). Ces éléments permettent de définir deux grands modes de régulation (concurrentielle et monopolistique), chacun pouvant correspondre à un régime d'accumulation (extensive et intensive). Dans la régulation concurrentielle, les mécanismes du marché dominent, l'ajustement de la production et de la demande sociale se faisant par les prix. Le rapport salarial a une codification précise, par nature individuelle et limitée dans le temps du contrat de travail. La concurrence entre les capitalistes repose sur les prix, même si la structure de production n'est pas atomistique. L'Etat intervient peu (cf. l'«Etat-gendarme»). Au niveau interne, l'Etat veille au respect des droits acquis par la révolution bourgeoise de 1789 (liberté de circulation des biens et des personnes, liberté d'entreprendre,…). Dans le domaine économique et social, son intervention interfère peu avec le jeu du marché; il n'intervient pas sur le fonctionnement des marchés mais sur leurs structures (par exemple, en développant le système bancaire). Dans la régulation monopolistique, des formes institutionnelles donnent lieu à des procédures originales de formation des prix et des salaires. Parmi ces formes institutionnelles, l'extension et la codification des négociations collectives qui modifient le caractère individuel du contrat de travail; la multiplication des interventions de l'Etat permet la conclusion d'accords de branches et de conventions nationales. Ainsi, passe-t-on d'un Etat circonscrit à un Etat inséré, celui-ci quittant son rôle arbitral pour participer activement au jeu économique et social (16). Dans la régulation monopolistique, les prix sont «administrés» c'est-à-dire relativement déconnectés vis-à-vis des déséquilibres du marché. Cela nécessite des procédures sociales de validation de la production et du revenu.
Précisons que l'opposition théorique entre ces deux régulations-types recouvre un processus historique long et contradictoire. Les régulationnistes n'ont pas une vision déterministe et linéaire de l'histoire; on ne passe pas de façon définitive de la concurrence au monopole, bien au contraire. Certains auteurs (R. Boyer, M. Aglietta,…) constatent actuellement un retour en force de la concurrence. Des formes de concurrence «sauvage» réapparaissent notamment avec le développement de certaines PME. Les cinq NPI de l'Asie du Sud-Est (17) développent des stratégies «agressives» de conquête des marchés extérieurs; les Japonais pratiquent des killer's strategies (18). Dès lors, l'oligopole stabilisé est de plus en plus menacé et les dominations deviennent très temporaires.
Le régime d'accumulation et le mode de régulation constituent donc un mode de développement du capitalisme. Reste à examiner la cause de l'existence des crises dans les économies capitalistes. Comme nous l'avons déjà évoqué, le modèle néo-classique n'accorde aucun statut théorique à la notion de crise, celle-ci étant, au mieux, un choc, un événement dû à une imperfection passagère des mécanismes d'ajustement. A l'opposé, les marxistes, déterministes et réducteurs, affirment que les économies capitalistes sont, par nature, porteuses d'une crise structurelle qui, à terme, provoquera l'effondrement du mode de production. Entre ces deux «extrêmes», la théorie de la régulation présente une analyse réaliste.
Les crises
Elaborant une typologie, certains animateurs de l'école de la régulation distinguent quatre types de crise. Le premier type regroupe les crises qui sont dues à des facteurs extérieurs au mode de développement (cf. guerre, catastrophes naturelles ou climatiques,…). Le mode de développement intervient en ce que sa forme conditionne le déroulement de la crise. Le deuxième type englobe les crises de régulation. Une crise de régulation est provoquée par des facteurs internes au mode de développement; ce type de crise totalement endogène, fait partie de la régulation. C'est une «phase d'apuration des tensions et déséquilibres accumulés lors de l'expansion» (19). Ces crises sont cycliques comme le montre toute étude du XIXième siècle. Périodiquement, le mode de développement en vigueur connait des problèmes de surproduction; les capacités excédentaires doivent s'ajuster à de nouveaux débouchés sous peine d'une baisse des profits. La crise a alors le mérite d'éliminer certains producteurs, d'en introduire d'autres, de déplacer les investissements, etc. Les efforts de productivité et la pression sur les salaires permettent une reprise de l'accumulation.
A côté de ces «petites» crises, on peut constater l'existence de crises plus profondes: les «grandes» crises ou crises structurelles c'est-à-dire des périodes au cours desquelles «la dynamique économique et sociale entre en contradiction avec le mode de développement qui l'impulse, c'est-à-dire où ressort le caractère contradictoire de la reproduction à long terme du système» (20). Par exemple, la «Grande Dépression» de la fin du XIXième siècle. Ces crises structurelles qui touchent à la régulation et au régime d'accumulation, sont de deux types: les crises de la régulation et les crises du régime d'accumulation. Une crise de la régulation correspond à une période où les mécanismes de la régulation sont incapables de renverser des enchaînements conjoncturels défavorables alors qu'initialement le régime d'accumulation était viable. Trois circonstances conduisent à ce divorce entre la structure économique et la régulation: des luttes socio-politiques, des perturbations externes ou internes d'un type nouveau, l'approfondissement de la logique de régulation, celle-ci étant parvenue à sa pleine maturité. Par exemple, la crise de 1929. Une crise du régime d'accumulation est une crise du mode de développement, celle qui met en cause les formes institutionnelles les plus essentielles, celles qui conditionnent le régime d'accumulation. Ce dernier a atteint ses limites et cesse de fonctionner. Ce type de crise ressemble à la crise organique dans l'orthodoxie marxiste (la crise finale du mode de production capitaliste) mais la crise de régime d'accumulation, aussi grave soit-elle, ne renverse pas le capitalisme. En outre, cette crise est difficile à distinguer de la précédente car dans les deux cas, il y a une crise de la régulation. Actuellement, nous connaissons une crise du régime d'accumulation.
La crise actuelle
Après la deuxième guerre mondiale, les économies industrielles connaissent une croissance équilibrée et rapide, celle-ci étant permise par un régime d'accumulation intensif et une régulation monopoliste. Alors que les libéraux font de la concurrence pure et parfaite un idéal où l'optimum économique serait atteint, il est intéressant de constater que les économies occidentales ont connu une croissance sans précédent au moment même où l'on assistait à une dominance des oligopoles, à une intervention accrue de l'Etat et à une régulation monopolistique. Ce mode de développement qui peut être ainsi qualifié de fordiste a atteint aujourd'hui ses limites. Ainsi la crise actuelle est due principalement à un épuisement du fordisme c'est-à-dire qu'elle est d'abord une crise du rapport salarial.
La croissance des «Trente Glorieuses» repose globalement sur de forts gains de productivité liés à des transformations de l'organisation de la production, marquées par le recours massif aux formes d'organisation du travail tayloro-fordiste (OST). La modernisation des processus productifs (nouveau régime d'accumulation) fait l'objet d'une très large acceptation d'un compromis implicite entre les employeurs et les salariés. Les patrons ont toute liberté pour organiser la production et accroître la productivité. Par la négociation collective, par des compromis institutionnels, les syndicats récoltent les fruits de la croissance en obtenant des augmentations de salaires. Ainsi ce régime d'accumulation s'accompagne d'un nouveau rapport salarial; les travailleurs acceptent de nouvelles conditions de travail en échange de hausse du pouvoir d'achat et d'un développement de salaire indirect (cf. la Sécurité Sociale); désormais, les luttes se concentrent sur le pouvoir d'achat (salaire nominal). La hausse des salaires réels permet d'accroître les débouchés du secteur de la consommation où le fordisme triomphe (cf. les biens durables associés au logement, automobile). Une vériable consommation de masse s'instaure, ce qui stimule les investissements; en permanence, les capacités de production s'adaptent à la demande sociale et ce, en incorporant le progrès technique. Globalement, on a «un processus cumulatif dans lequel une croissance rapide repose sur des règles stables de partage salaires/profits et consommation/investissement» (21). La concurrence par les prix est faible de par l'importance des oligopoles stabilisés. Les firmes ayant acquis «une certaine maîtrise des micro-fluctuations», les prix ne sont plus des données de la concurrence mais le reflet d'une stratégie. Désormais, la «guerre» ne se fait plus par les prix mais par la publicité, la différentiation (objective et subjective) des produits. La concurrence monopolistique suppose une action directe de la demande sociale (cf. la «filière inversée» de J.K. Galbraith) et ce, par diverses pratiques permettant la fabrication de différents statuts de salariés pour des différents revenus et positions sociales (l'OST repose sur une hiérarchisation du travail). Autrement dit, ce type de concurrence implique une différenciation accrue des salaires et donc des inégalités.
La régulation monopoliste triomphe, un «cercle vertueux» (R. Boyer) s'instaurant: augmentation de la productivité – croissance (hausse des salaires et des profits) – nouveaux débouchés – investissements – hausse de la productivité. La crise naît quand ces différentes formes institutionnelles de la régulation monopoliste ne fonctionnent plus. D'abord il existe une remise en cause du rapport salarial fordiste et ce, par la recherche d'une plus grande flexibilité de l'emploi, de nouvelles formes d'organisation du travail (cf. la participation), d'individualisation des salaires. Depuis la fin des années 60, l'organisation du travail tayloro-fordiste est l'objet d'attaque de la part des syndicats qui dénoncent la peinibilité du travail. Dans le même temps, on assiste à un ralentissement des gains de productivité. Dès lors, les mécanismes de la négociation collective fonctionnent de plus en plus mal. Les hausses de salaires tendent à dépasser les gains de productivité, l'accumulation étant très sérieusement remise en cause. Autrement dit, les employeurs ne peuvent octroyer des augmentations de salaires. En outre, les entreprises supportent de plus en plus mal le coût du salaire indirect (cf. la protection sociale). Les multiples interventions de l'Etat (l'«Etat-Providence») sont aussi en crise (les limites des politiques keynésiennes ne signifient pas qu'il faille se jeter dans les bras du libéralisme). Les formes de la concurrence se modifient, une certaine concurrence «sauvage» réapparaissant. Les banques nationales contrôlent de plus en plus difficilement la masse monétaire (cf. inflation, développement et prolifération de nouveaux instruments financiers,…). Enfin, la crise permanente du SMI, depuis la fin des années 60, marque une remise en cause (partielle) de la domination américaine, l'économie américaine connaissant un perpétuel déclin. La régulation nationale devient impossible dans un monde qui tend à l'internationalisation; pis, le régime international est lui-même en crise.
La crise de la régulation renvoie à une crise du régime d'accumulation intensif. C'est ce que révèle la crise du rapport salarial. Le régime intensif repose sur les gains de productivité liés à l'OST. Or cette OST connaît actuellement ses limites tant sociales (le travail à la chaîne n'est guère enthousiasmant) que technique et économique (les gains de productivité nécessitent de plus en plus d'investissements et la parcellisation génère de nombreux effets pervers). En outre, seule une croissance continue de la production (cf. les économies d'échelle) permet des gains de productivité; mais cette croissance se heurte à une certaine saturation des besoins des ménages (cf. les taux d'équipement des ménages en biens durables); la norme de consommation fordiste, autre pilier du régime d'accumulation intensif, s'épuise aussi.
Le cercle vicieux stagnationniste
Crise du rapport salarial, crise de la norme de consommation… tout cela marque une crise globale du régime d'accumulation. Au cercle vertueux de la croissance fordiste se substitue, fin des années 60, un cercle vicieux stagnationniste. L'OST s'épuisant, les entrepreneurs réagissent en substituant de plus en plus du capital au travail afin de maintenir des gains de productivité. Désormais, plus de machines et moins d'hommes (cf. sous-emploi). Mais la productivité apparente du capital baisse et pèse sur la rentabilité (il y a plus de capital à valoriser mais les profits n'augmentent pas en conséquence); d'où un ralentissement des gains de productivité (variables selon les pays). Pourtant, les employeurs vont continuer à augmenter les salaires, ce qui grèvent cruellement leurs profits. Ces hausses de salaires sont, dans un premier temps, compensées par des hausses de prix; d'où une poussée des tensions inflationnistes. L'inflation est aussi soutenue par le développement de l'endettement des entreprises qui doivent financer leurs investissements. La crise pétrolière accentue des tensions et fait baisser les investissements. Dès lors, le cercle stagnationniste qui se met en place est le suivant: faibles gains de productivité – baisse des profits – baisse de l'investissement – faible croissance du pouvoir d'achat – ralentissement de la croissance – faibles gains de productivité.
La théorie de la régulation est la cible de nombreuses critiques, tant des économistes «de gauche» que «de droite» (22). C'est un signe encourageant. Certes, certaines de ses critiques sont fondées. Ainsi il est reproché aux régulationnistes leur incapacité à construire un modèle, de formuler des lois, d'être trop descriptif, de formuler des lois, de ne pas offrir de solutions pour sortir de la crise… Néanmoins, cette école propose une analyse fructueuse de la crise. Mieux, en appréhendant le système économique comme une totalité intégrée dans une histoire et une réalité sociale, rejetant l'individualisme méthodologique, cette école assigne de nouveaux fondements à l'analyse macro-économique, constituant ainsi une alternative à la théorie néo-classique. Dès lors, il appartient à tous ceux qui recherchent de nouveaux outils/armes conceptuels de puiser dans l'arsenal régulationniste. L'heure est désormais aux hérésies.
Guillaume d'EREBE.
Notes
(1) P. Boccara a développé des thèses sur la suraccumulation-dévaluation du capital. Il est un des théoriciens du Capitalisme Monopoliste d'Etat, théorie marxo-léniniste réactualisant la fameuse baisse tendancielle du taux de profit. Cette théorie fut développée en URSS (cf. V. Tcheprakof) et devint, dans les années 70, le credo du Parti Communiste Français dont P. Boccara est membre.
(2) Boyer (Robert), La théorie de la régulation: une analyse critique, Paris, La Découverte, coll. Algama, 1987, p. 39.
(3) Cf. la perspective de Karl Polanyi, ce remarquable anti-Hayek, constitue une tentative intéressante.
(4) Boyer (R.), op. cit., p. 30. Il est à noter que G. Destanne de Bernis, responsable du Groupe de Recherche sur la Régulation de l'Economie Capitaliste (GRREC) est un des premiers à avoir introduit le terme de régulation dans les sciences sociales, utilisant certains éléments de la systémique pour réactualiser l'analyse marxiste.
(5) Il est relativement délicat de préciser les frontières de l'école de la régulation. Stricto sensu, cette école se constitue autour de Boyer, Aglietta et Coriat, autour du CEPREMAP. On peut y rattacher l'école néo-marxienne de Grenoble (GRREC) animée par Destanne de Bernis. L'école de la régulation entretient certains rapports avec d'autres économistes ou courants: l'Allemand J. Hirsch, les radicaux américains Gordon, Bowles, Weiss, Kopf, Piore, Sabel et la Social Structure of Accumulation, certains tenants de l'école de la dépendance tels R. Haussman (cf. State Landed Property oil Rent and Accumulation in Venezuela; an Analysis in Terms of Social Relations; thèse, Cornell University, août 1981) et C. Minami (cf. Croissance et stagnation au Chili: élément pour l'étude de la régulation dans une économie sous-développée, thèse, Paris X-Nanterre, 1980; Le Tiers-Monde dans la crise, Paris, La Découverte, 1986).
(6) FIFI, STAR, DMS, METRIC… sont des modèles de prévision. Ainsi DMS est un modèle dynamique multisectoriel utilisé pour les travaux de planification; FIFI (modèle physico-financier) est un modèle de prévision pour le moyen terme (ZOGOL étant pour le court terme), etc…
(7) Thèse, Paris I, octobre 1974.
(8) Paris, Calman-Levy, 1984.
(9) Cf. Aglietta (M.) et Orlean (A.), La violence de la monnaie, Paris, PUF, 1982.
(10) Mazier (J.), Basle (M.), Vidal (J.F.), Quand les crises durent…; Paris, Economica, 1984, p. 9.
(11) Boyer (R.), op. cit., p. 46.
(12) Karl Marx distingue la plus-value absolue et la plus-value relative. Pour obtenir un surtravail accru de la part du salarié, deux façons sont possibles: d'une part en augmentant soit la durée, soit l'intensité du travail (ce qui revient au même), c'est la plus-value absolue; d'autre part en diminuant le «temps de travail nécessaire» qui correspond à la valeur des consommations nécessaires au salarié, c'est la plus-value relative. Cette dernière est la résultante d'une liaison spécifique entre productivité et profit: produire à moindre coût les consommations ouvrières, c'est réduire le coût en travail de la reproduction de la force de travail, c'est donc dégager, sur chaque journée effectuée, davantage de surtravail donc davantage de plus-value.
(13) Lipietz (A.), «Accumulation et sortie de crise: quelques réflexions méthodologiques autour de la notion de régulation», in Cahiers du CEPREMAP, n° 8409, p. 2.
(14) Cette noion de mode de régulation est intéressante en ce qu'elle peut se substituer à la théorie des choix individuels (cf. individualisme) et au concept d'équilibre général qui sont actuellement les fondements de l'étude des phénomènes macro-économiques.
(15) Le rapport salarial est la manière dont s'organisent les relations entre l'organisation du travail et le mode de vie des salariés. On y trouve la division sociale et technique du travail, les méthodes utilisées pour attacher les salariés à leur entreprise et obtenir d'eux une mobilisation dans le travail, les règles qui régissent le niveau et l'évolution des salaires (directs et indirects), le mode de vie des salariés. Cf. Boyer (R.), La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte, 1986; Coriat (B.), L'atelier et le chronomètre, Paris, Bourgois, 1982.
(16) Cf. André (C.) et Delorme (R.), L'Etat et l'économie, Paris, Seuil, 1983.
(17) Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Malaisie, Singapour.
(18) Les killer's strategies consistent à vendre certains biens incorporant de l'innovation, directement sur de vastes marchés sans passer par une phase de hauts prix et ce, afin d'étouffer les concurrents.
(19) Boyer (R.), op. cit., p. 62.
(20) Boyer (R.), op. cit., p. 63.
(21) Boyer (R.), La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte, 1986, p. 15.
(22) Cf. Kolm (S.C.), Philosophie de l'économie, Paris, Seuil, 1986.
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vendredi, 07 mai 2010
Caspar von Schrenck-Notzing, rénovateur du conservatisme
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
Portrait de Caspar von Schrenck-Notzing, éditeur de “Criticón”, rénovateur du conservatisme
Son pseudonyme est “Critilo”: ce qui a une signification profonde. En effet, “Critilo” est une figure du roman El Criticón (1651-57) de Baltasar Gracián. Le titre de ce roman, Caspar von Schrenck-Notzing l'a repris pour le donner à sa célèbre revue d'inspiration conservatrice, Criticón. A travers tout le roman El Criticón, Baltasar Gracián développe une théorie du regard, où “voir” signifie réceptionner le monde avec étonnement, mais cette réception par les yeux est une toute autre chose que l'opinion du vulgum pecus: elle vise bien plutôt à aller dénicher, avec méfiance, les vrais visages qui se cachent derrière les masques, à mettre au grand jour les cœurs qui se dissimulent derrière les vêtements d'apparat. Ces principes d'El Criticón sont les fils conducteurs qui nous permettent de juger l'œuvre publicistique du Baron Caspar von Schrenck-Notzing.
Celui-ci est publiciste, éditeur, rédacteur, maquettiste, correcteur, archiviste, excellent commentateur de l'actualité et éditorialiste dans sa revue. Depuis plus de trois décennies, Caspar von Schrenck-Notzing se consacre à mettre sur pied un réseau conservateur. Car il faut promouvoir, dit-il, la cause du conservatisme en publiant des revues, en introduisant publications et articles d'inspiration conservatrice dans les circuits de diffusion et dans les organes qui font l'opinion. Il faut promouvoir le conservatisme en créant des académies privées et des bibliothèques, des maisons d'édition, des radios, des télévisions et des agences de presse, sinon il n'y aura jamais de “renversement des opinions” en faveur d'un néo-conservatisme moderne. Jusqu'ici, les mouvements conservateurs ont été marqués par de longues suites de disputes entre professeurs sans chaires, discutant interminablement autour de chopes de bière dans leurs bistrots favoris. Rien de constructif n'en est évidemment ressorti. Aucune coopération raisonnable ne peut s'ensuivre.
L'œuvre de Schrenck-Notzing est surtout dirigée contre la dictature de l'opinion collective. Les contre-courants culturels, les personnalités originales voire marginalisées et les “partisans” en marge des grandes idéologies dominantes le fascinent. Infatigable, pendant toute sa vie, Schrenck-Notzing a lutté contre la machinerie journalistique qui jette de la poudre aux yeux, qui noie le réel derrière un écran de fumée idéologique. Ses livres, tels Charakterwäsche (1965), Zukunftsmacher (1968) et Honorationendämmerung (1973) sont devenus des classiques de la littérature conservatrice et sont... contestataires justement parce qu'ils sont conservateurs. L'an passé, il a édité un ouvrage de référence essentiel, le Lexikon des Konservatismus (1996), excellent panorama des multiples facettes de cette mouvance conservatrice.
En s'appuyant sur les écrits de Baltasar Gracián, Schrenck-Notzing nous dit: «Si, comme au XVIIième siècle, la communauté ne peut plus maîtriser le chaos, mais, au contraire, l'incarne, alors l'homme ne peut plus opposer au conformisme aveugle que la raison déchiffrante; la condition humaine se reflète bien, dans ce cas, dans la situation du temps, car l'obligation de faire fonctionner son intelligence est en l'homme, chaotique par nature, comme un diamant au beau milieu d'un plat de méchants légumes et de vilains navets».
Schrenck-Notzing est né le 23 juin 1927 à Munich. Il est le fils d'un champion hippique, qui, pendant un certain temps, dirigea l'écurie des chevaux de course de l'armée. Il est aussi le petit-fils du médecin pionnier de la parapsychologie, Albert von Schrenck-Notzing. Et l'arrière-petit-fils de Ludwig Ganghofer.
Peter D. RICHARD.
(article paru dans Junge Freiheit n°26/97).
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