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dimanche, 11 juin 2017

« Daech : L'arme de la communication dévoilée » de François-Bernard Huyghe

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Fiche de lecture:

« Daech : L'arme de la communication dévoilée » de François-Bernard Huyghe

par Nicolas Faure
Ex: http://www.europesolidaire.eu & https://www.polemia.com
 
François-Bernard Huyghe est docteur d'Etat en sciences politiques, habilité à diriger des recherche, directeur de recherche à l'Iris et enseignant, notamment au CELSA Paris IV Sorbonne. Spécialiste de l'influence stratégique, il décrypte dans cet ouvrage traitant de l'Etat islamique les différentes stratégies de communication utilisées par cet Etat islamique.
 
Nous rééditons ici cet article de Nicolas Faure publié par Polémia,  que nous remercions
https://www.polemia.com/daech-larme-de-la-communication-devoilee-de-francois-bernard-huyghe/?utm_source=La+Lettre+de+Pol%C3%A9mia&utm_campaign=a0270d0758-lettre_de_polemia&utm_medium=email&utm_term=0_e536e3990e-a0270d0758-60536937

L'auteur  dresse le portrait d'un ennemi implacable, bien moins déséquilibré que certains commentateurs semblent imaginer. Un livre à lire de toute urgence pour comprendre que la guerre contre les djihadistes n'est sans doute pas terminée...

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« Le nom que nous leur donnons en révèle plus sur nos fantasmes que sur les leurs »

« Difficile d'opérer une conversion plus absolue que celle des djihadistes, d'adopter un critère du vrai, du bien, du juste ou du souhaitable plus opposé au nôtre » écrit François-Bernard Huyghe en introduction de son livre.

Cette opposition évidente entre le monde moderne et ces combattants de l'Etat islamique conduit l'auteur à analyse en profondeur leurs motivations et celles de ceux qui les rejoignent.

Il s'attaque par exemple à la frilosité occidentale quant à la désignation de l'ennemi :

« La question de sa désignation devrait être réglée depuis longtemps. Or le nom de l'ennemi nous pose plutôt problème à nous, ses adversaires (...). Entre les stratégies d'évitement [ne pas stigmatiser, ne pas amalgamer, pas de vocables évoquant des principes généraux ou des « valeurs »] et les stratégies de l'affirmation [il faut avoir le courage de désigner l'ennemi islamiste violent], nos politiques révèlent leurs contradictions. »

Plus loin il adresse une nouvelle pique aux Occidentaux incapables de prendre la mesure des ressorts de l'Etat islamique :

« [Employer] des termes comme “nihilisme” [sonne] creux ; les djihadistes ne sont nullement animés par le refus de toutes valeurs ; ils sont dans l'obsession d'une seule valeur. (...) Nier cette positivité, l'inverser en haine absurde, c'est se donner bonne conscience à bon compte. (...) En niant qu'ils puissent agir au nom de valeurs religieuses, nous les considérons comme irrationnels, et refusons de comprendre leur logique de légitimité. Moraliser [ils veulent le mal] ou psychiatriser [ils sont fous] sont de bien pauvres consolations contre ce qui nous nie. Le nom que nous leur donnons en révèle plus sur nos fantasmes que sur les leurs. »

Dans cet ouvrage, François-Bernard Huyghe s'attache donc à analyser sans faux-semblant ce qui anime les soldats du califat islamique. Cette démarche saine et essentielle permet à ce livre d'être une mine d'or d'informations et d'analyses pertinentes.

La violence relayée par Internet comme arme à double tranchant

Pour François-Bernard Huyghe, l'Etat islamique est passé maître dans l'art de la communication. Il écrit même (p. 68) : « Daech, c'est une machine à tuer plus un appareil à communiquer. »

La plus visible des communications, c'est la mise en scène de sa violence.

« Au-delà du sang, il y a le sens » écrit François-Bernard Huyghe (p. 56). Selon lui, la violence des exécutions d'infidèles a une importance capitale dans la propagande de l'Etat islamique, à la fois pour ses partisans ou supporteurs, fascinés et attirés par la violence des actes, mais aussi pour l'adversaire qui, face à la brutalité des djihadistes, peut être démoralisé ou prendre peur.

L'Etat islamique se sert d'Internet comme d'une caisse de résonnance incroyable. Ce ne sont pas les premiers, nous rappelle François-Bernard Huyghe en citant notamment l'expertise d'al-Qaïda et de ben Laden.

Une communication professionnelle

« La propagande d'Etat du califat est centralisée » assure François-Bernard Huyghe. Un ministère, des agences et des contrôles de production sérieux aboutissent à des réalisations extrêmement professionnelles.

« Il faut que nous reconnaissions la sophistication de leurs moyens et leur professionnalisme » écrit même l'auteur. Dans ce livre, il n'hésite pas à pointer du doigt le véritable souci de l'esthétisme dans les vidéos produites par le califat.

De la part d'un professeur au CELSA, prestigieuse école de communication française, ce ne sont évidemment pas des paroles en l'air...

Outre les images de violence destinées à impressionner et effrayer, François-Bernard Huyghe relève que la propagande de Daech concerne également les bienfaits de l'administration islamique sur les territoires qu'elle contrôle. Des images de familles heureuses ou de marchés bien approvisionnés sont ainsi très nombreuses.

François-Bernard Huyghe s'attache aussi à étudier de près la publication de magazines professionnels comme Dabiq, réservé aux anglophones, paru pour la première fois en avril 2014, ou Dar al-Islam, dédié aux francophones. Des analyses poussées fascinantes qui permettent au lecteur de prendre la mesure du professionnalisme de certains membres de l'Etat islamique.

Djihad 2.0

Dans cet ouvrage très bien documenté de François-Bernard Huyghe, on apprend également que l'Etat islamique incite fortement ceux qui s'y intéressent à sécuriser leur connexion Internet. Tout d'abord en utilisant un ordinateur volé qui ne puisse pas être relié à soi, puis en se connectant à Internet uniquement via des réseaux publics (type McDonald's) et en installant des outils de cryptage des connexions.

Selon l'auteur, les suiveurs de l'Etat islamique sont également passés maîtres dans l'art de diffuser des messages de tout type (propagande, revendication, etc.) de manière virale grâce aux réseaux sociaux.

La contre-propagande de l'Occident est-elle efficace ?

Selon François-Bernard Huyghe, les pays occidentaux n'ont tout simplement pas pris la mesure de la solidité doctrinale des meneurs de l'Etat islamique. Outre les justifications islamiques apportées après chacun de leurs attentats, les tirades sur des actions n'ayant « rien à voir avec l'islam » ferait tout simplement rire les membres de l'Etat islamique et leurs suiveurs !

Pire : à la campagne anti-djihad du gouvernement français intitulée « Toujours le choix », l'Etat islamique a répondu ironiquement par une campagne « Pas le choix », rappelant à l'aide d'éléments doctrinaux solides qu'un sunnite se devait de rejoindre l'Etat islamique.

François-Bernard Huyghe ne se contente pas d'analyser brillamment les ressorts communicationnels de l'Etat islamique. Il adresse également un avertissement sérieux à ceux qui sous-estiment l'intelligence ou la détermination des meneurs de Daech.

Face à un groupe terroriste aussi ingénieux et professionnel, la guerre pourrait durer encore longtemps, même après la victoire militaire occidentale...

Nicolas Faure

François-Bernard Huyghe, Daech : L'arme de la communication dévoilée, Collection L'Information, c'est la guerre, Va Presse, mai 2017, 134 pages

Frontbeweging was geen speeltuin van beperkte groep intellectuelen

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Pieter Bauwens:

Frontbeweging was geen speeltuin van beperkte groep intellectuelen

Ex: http://www.doorbraak.be

De hete zomer van 1917: radicalisering van Vlaamse soldaten en de rol van een omstreden kapelaan.

Romain Vanlandschoot draagt, met zijn akoliet Pieter Jan Verstraete, de onofficiële titel ‘historicus van de Vlaamse Beweging’. In zijn bibliografie vinden we verschillende boeken en biografieën. Uitingen van een leven lang historisch onderzoek. Een van die biografieën is van Cyriel Verschaeve en Vanlandschoot is ook de afgevaardigd bestuurde van de vzw Kapelaan Verschaeve die het museum beheert dat in de voormalige kapelanij gevestigd is. De geknipte man om meer te vertellen over ‘de hete zomer van 1917’ en over de rol van Verschaeve in de Frontbeweging. Niet geheel toevallig het onderwerp van een colloquium op 8 juli 2017 in Alveringem.

Doorbraak: Hing er in ‘de hete zomer van 191’, een revolutionair klimaat in de loopgraven, of is dat overdreven?

Romain Vanlandschoot: ‘Neen dat is niet overdreven. Wat in de Belgische loopgraven gebeurde willen we plaatsen in een breder kader. Er waren de Ieren (na de Paasopstand in 1916 - red.), de Russische revolutie, de opstandigheid van de Franse soldaten én het ongemak aan de IJzer.’

De voorbeelden die u noemt zijn algemeen bekend, tenzij misschien wat in de Belgische loopgraven gebeurde.

‘Dat is ook het gevolg van een historische kijk op de Frontbeweging, de Vlaamse beweging aan het front. Dat werd te veel op zichzelf, los van de context bekeken. Ik ben nu al een aantal maanden bezig met een heel precies onderzoek naar de editorialen van Ons Vaderland het meest progressieve Vlaamsgezinde blad toen aan het front. Het is buitengewoon merkwaardig om de optelsom te maken van de internationale problemen die in de editorialen van Ons Vaderland worden besproken. Die internationale problemen vormen het kader waarin we de taaleisen en autonomie-eis aan het front kunnen plaatsen. Formeel is er natuurlijk een moment aan te wijzen: 11 juli  1917 met de brief aan koning Albert.’

Is toen het ongenoegen echt naar boven gekomen?

‘Een deel van die problemen bestonden al langer. Maar de meest eenvoudige uitleg is dat vele soorten van ongenoegen en ongemakken van de soldaten die in het slijk en de modder zaten toen samen kwamen. Het Belgische leger zat in een heel specifieke situatie vergeleken met de soldaten van de andere legers. De Engelsen en Fransen trokken welgezind naar huis op vakantie. Maar de Belgische soldaten zaten opgesloten achter het front. Het enige wat ze hadden waren kantonnementen en heel uitzonderlijk en pas vanaf 1917 kregen ze de kans om eens vijf dagen naar Engeland of Frankrijk ‘op congé’ te gaan. Je moet je de vereenzaming voorstellen in modder en slijk, in heel slechte winters, die van 1917 nog het slechts van al. En daar broeide en gistte van alles en nog wat aan ongenoegen.’

1917 is ook het activisme, had dat een invloed aan wat aan het front gebeurde?

‘Jazeker. Dat was voordien al begonnen. Lange tijd was ik van mening dat nauwelijks een paar mensen aan het front daarmee bezig waren. Er is een lange passage in het dagboek van Verschaeve in mei 1916, toen de belangrijkste maatregelen van Von Bissing in voege waren, hij schrijft een 20-tal bladzijden over het al dan niet accepteren van hulp bij het tot stand brengen van een fundamentele Vlaamse eis, de "Vlaamse Hogeschool" (in Gent - red.). Dat moet ook in de kapelanij bediscuteerd zijn. Maar de opinie was lange tijd: er is daar een kleine groep, enkele intellectuelen, maar de gewone Vlaamse jongens worden daar niet door geraakt. Maar in Ons Vaderland kan je lezen hoe aan de gewone Vlaamse soldaat wordt uitgelegd hoe belangrijk die Vlaamse universiteit voor hen is. Daarnaast is er de verbreding van de werking van het SKVH (Secretariaat van Katholieke Vlaamse Hoogstudenten - red.), dat begon als iets studentikoos, maar groeide uit tot veel meer. Het SKVH zette zich in voor elementaire vorming van soldaten zonder enige opleiding, die vaak analfabeet waren. Renaat De Rudder, is zo iemand die in heel eenvoudige taal voortdurend op die nagel klopt en soldaten leert lezen, rekenen en tekenen. Het was dus geen kleine afgescheiden groep intellectuelen. Het zat allemaal samen, maar in de historiografie van het interbellum en in het beeld dat het Vlaams-nationalisme zich gemaakt heeft, tientallen jaren later, is de visie verengd naar de Vlaamse eisen en zijn we het bredere zicht verloren.’

Klopt dan de stelling dat aan het front de flamingantische culturele en intellectuele beweging voeling kreeg met de volksjongens, tot dat moment zich weinig tot niet bewust van de  ‘Vlaamse zaak’ en een brede beweging werd?

‘Breder dan wat de officiële geschiedschrijving daarover kwijt wil. Sophie de Schaepdrijver zegt dat het een hoopje mensen is. Daarnaast is er het rapport van de hoofdaalmoezenier, Jan Marinis, die van de kardinaal de opdracht kreeg om een heel precies rapport te maken van de situatie aan het front, met inbegrip van de politieke eisen. Twee passussen zijn van belang als we het over de hete zomer van 1917 willen hebben. Marinis had begrip voor de taaleisen in het leger, maar was een formeel tegenstander van de politisering daarvan, en dat was waar Verschaeve voor stond. Volgens Marinis is de figuur van Verschaeve is groter en belangrijker dan wat men daar altijd over zegt. Daarnaast waarschuwt Marinis over de Frontbeweging, hij schrijft dat als het fout loopt met Verschaeve er minstens vijfduizend soldaten klaar staan om op straat te komen. Dat zegt een grote tegenstander van de frontbeweging, die op de vergaderingen van de aalmoezeniers en brancardiers formeel verbiedt om in de contacten met de soldaten te spreken over de Vlaamse kwestie en de taalproblemen.’

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Misschien moeten we de vraag anders formuleren. Is de Eerste Wereldoorlog het moment dat de gewone Vlaamse man als soldaat in contact kwam met die Vlaamse beweging en tot de conclusie kwam dat er iets niet klopte?

‘Het is duidelijk dat de Frontbeweging geen politieke speeltuin was van een beperkt clubje intellectuelen die hun studentikoze periode willen voortzetten aan het front. Het is dieper dan dat. Als je weet dat Ons Vaderland gedrukt werd op 9000 exemplaren en dat er 5000 verkocht werden dan kan je me niet meer wijsmaken dat er enkel een klein kringetje is van ex-AKVS’ers die elkaar vinden (AKVS = Algemeen Katholiek Vlaams Studentenverbond - red.). Het is breder. We moeten het ook niet overdrijven. Er waren ook Vlaamse soldaten die zich daar niets van aantrokken. Je kan niet zeggen dat de hele frontlijn wakker lag van de Vlaamse kwestie aan het front. De waarheid ligt daar tussen. Het grootste bewijs is gegeven in 1919, toen de Frontpartij deelnam aan de verkiezingen. Dan zie je aan het aantal stemmen hoe klein haar aanhang is vergeleken met het totale kiezersaantal, maar hoe groot hun aantal is bij de fronters, die niet allemaal plots wakker geschoten zijn in 1919. Dat is voornamelijk sterk beginnen leven in de zomer van 1917.‘

Op 11 juli 1917 is er een uitgebreide brief aan de koning verspreid aan het front. Een belangrijk en gedurfd signaal.

‘Hoe sterk autoritair en repressief de Belgische legerleiding ook was, men heeft die brief niet kunnen verhinderen. Vanaf mei 1917 is men aan de voorbereiding begonnen. Je kan dat lezen in het oorlogsdagboek van Van Severen. Die eerste brief is niet door Verschaeve geschreven. Verschaeve is er zelfs ontgoocheld over. Hij vindt die brief te chaotisch geschreven, te veel in "soldatentaal". De klachten zijn allemaal juist, maar de generaals in Houtem kunnen die te makkelijk wegzetten als goedkope soldatenklachten vindt Verschaeve. En dan reageert Verschaeve en daarover willen we het hebben in het colloquium op 8 juli. Hij schrijft daarop een hele serie brieven.’

‘De eerstvolgende is de Tweede Open Brief aan de Koning, veel korter en logischer opgebouwd. Door Verschaeve geschreven en veel scherper door een preciezere formulering. Die brief zet de toon voor de Frontbeweging in de komen de tijd. Die brief komt er al een maand na de eerste. De Fronters zijn nijdig, door gebrek aan antwoord en door de repressieve maatregelen die volgden na de brief. Daarna schrijft Verschaeve nog twee brieven: aan de paus en aan kardinaal Mercier. Heel typisch: Verschaeve denkt aan de paus en de kardinaal. Verschaeve schrijft aan de kardinaal een zuiver politieke brief om hem te zeggend dat hij fout zit met de maatregelen tegen de Von Bissingen. Mercier verwart volgens de brief politiek met godsdienst. Voor zover we dat kunnen natrekken in Vaticaanse documenten dacht men er in Rome ook zo over. Voor Verschaeve gaat het om de toekomst van Vlaanderen, eigenlijk kan België niet verder blijven bestaan, tenzij de twee ‘nationaliteiten’ structureel gevormd worden. De brief aan de kardinaal is volgens mij het meest politieke document van de Frontbeweging.’

‘De brief aan de paus is een typische "ultramontaanse" brief. Waarbij de paus ook gezien wordt als wereldlijk staatshoofd, met zeggenschap over de andere staatshoofden. De paus verdedigt de vrede en de kleinere volkeren en Verschaeve denkt naïef dat de paus zal deelnemen aan de vredesconferentie na de oorlog. Die context moet je meenemen als je de brief aan de paus leest. De paus wordt opgeroepen om in te grijpen voor de Vlamingen in België tijdens die vredesconferentie. De grote vraag is hoe die brief in Rome is geraakt en wat men ermee heeft gedaan. Er zijn in het Vaticaan verschillende brieven van aalmoezeniers aan de paus, niet enkel Vlaamse. Ook zijn er duidelijke aanwijzingen dat in het Vaticaan de positie van Mercier in vraag werd gesteld.’

Verschaeve had een enorme invloed in 1914-1918 en heeft na 1944 een heel slechte naam gekregen. Heeft de Tweede Wereldoorlog het beeld van de Verschaeve uit de Eerste Wereldoorlog beïnvloed?

‘De schaduw van de Tweede Wereldoorlog hangt over de verdiensten van Verschaeve. Dat is zo. Ik heb geprobeerd om dat historisch recht te zetten door een biografie van Verschaeve te schrijven. Ik wou een teken geven. Je kan de zware fouten die Verschaeve maakt er niet zomaar uit lichten en open spreiden over alles wat daarvoor is gebeurd. Dat is recurrente geschiedenis. Ik wil wel sporen zoeken in het leven van Verschaeve, hij was voor de Eerste Wereldoorlog al romantisch germanofiel en Deutschfreundlich. Er waren er meer zo in die tijd. Dat blijft aanwezig, maar mag niet in rekening gebracht worden om te zeggen in Wereldoorlog I, dat is de SS’er uit '44. Wat men wel gedaan heeft.’

‘Verschaeve heeft tijdens de Eerste Wereldoorlog wel nagedacht over het activisme en over de rol van Lodewijk Dosfel in het bijzonder. Hij maakte heel genuanceerde afwegingen over wat fout is en wat "schuld" is. Hij veroordeelde ten gronde en volledig de stap van de activisten naar de Duitsers en naar Berlijn. Maar hij vindt dat we achteraf bereid moeten zijn om te zien dat uit een slecht principe een goed gevolg kan komen. Dat is een bekend principe uit de moraaltheologie. Daarom moest de Vlaamse universiteit in Gent na de oorlog behouden blijven.’

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Dan is het des te verwonderlijk dat hij in de Tweede Wereldoorlog dezelfde weg op gaat en ook in fout gaat.

‘Hij maakt in de Tweede Wereldoorlog een hele zware fout. In mijn biografie heb ik geprobeerd om aan te duiden hoe Verschaeve na zijn zestigste verjaardag vereenzaamt. Politiek, ook door hem gewild, hij zweefde op wat de nationaalsocialistische propaganda over hem steeds herhaalde: "de geestelijke leider van Vlaanderen". Dat werd jaren na elkaar gezegd en in november 1940 stapt Verschaeve onmiddellijk in de collaboratie als voorzitter van de Cultuurraad. Maar hij ging daarna veel verder dan culturele collaboratie hij riep in toespraken op om mee te gaan in het verhaal van het nationaalsocialisme.’

We kennen die Verschaeve, maar was hij even radicaal in vorige oorlog?

‘Verschaeve is in zijn schrijven vrij ongenuanceerd, dat zeker, maar zowel Belpaire als minister Van de Vyvere die Verschaeve kennen en geen medestanders zijn, zijn overtuigd van zijn matigende invloed bij de militairen om niet over te gaan tot geweld. Je kan je niet voorstellen dat dat dezelfde man is die later oproept om met de SS te vechten in Rusland. Daar is Verschaeve nog de katholieke theoloog die tegen revoluties is, in het verlengde van de Franse revolutie.’

Hoe belangrijk was Verschaeve dan in de opbouw van de ‘ideologie’ van de Frontbeweging?

‘Zijn invloed is kleiner dan ik aanvankelijk dacht, maar groter dan groter dan uit de bestaande geschiedschrijving blijkt. Want in december 1918, nauwelijks enkele weken na de oorlog, zit Verschaeve in de redactie van (de krant - red.) Ons Vaderland dat zich wil ontpoppen tot het partijblad van de nieuw te ontwikkelen Frontpartij. En schrijft hij gedurende vier maanden minstens elke week een groot artikel onder de titel "de stem der Vlaamse doden". Die tien-twaalf artikels zijn een politieke explicitering van het vers "Hier liggen hun lijken als zaden in ’t zand, hoopt op den oogst o Vlaanderland". De oogst, dat was de Frontpartij. Hij pleit er ook voor in brieven dat de soldaten op de lijst staan van de Frontpartij in 1919.’

De Eerste Wereldoorlog was een belangrijk moment voor de Vlaamse beweging, maar in de herdenking van honderd jaar horen we daar maar weinig van.

‘Er is een eenzijdigheid die je al van vroeg zag aankomen. We hebben de kapelanij van Verschaeve aangepakt en geheroriënteerd. De focus van het historisch onderzoek is ook veranderd die ligt nu op het leven van de gewone soldaat. In soldatenbrieven gaat men op zoek naar hoe die soldaten de oorlog beleefden. Ik ben er van overtuigd dat uit Belgisch onderzoek ook die Vlaamse verzuchtingen naar boven zullen komen. Er is een soort verstenening van de mythes rond de Eerste Wereldoorlog, Belgische zowel als Vlaamse mythes. Ik ben ervan overtuigd dat die door het huidig onderzoek sterk genuanceerd zullen worden.’

We zijn honderd jaar later, maar er is blijkbaar nog veel dat niet onderzocht is. Siegfried Debaeke zei in een interview met Doorbraak dat het onderzoek naar het Belgische leger in de Eerste Wereldoorlog nog in de kinderschoenen staat. Deelt u die analyse?

‘Voor de helft heeft hij gelijk. Er zijn in de Westhoek twee verschijnselen, alles draait rond Flanders Fields en er bestaat een enorme blinde vlek; heel de bovenkant van de westhoek. Hoe leefden de Belgische soldaten in hun kantonnementen? Er is daar nauwelijks iets van onderzocht. We moeten ook die aspecten onderzoeken. We missen nu nog altijd een grote synthese van wat er met dat Belgische leger in die grote bocht van Nieuwpoort tot voorbij Diksmuide is gebeurd. We weten alles rond Passendale en Mesen. We weten iets van de dodengang, maar dat is fragmentair. Vele facetten zijn onderbelicht. Er komen nu nog honderd jaar later, nieuwe documenten boven. Ik inspireer me op de egodocumenten die er zijn in Flanders Fields. Ik vind dat hetzelfde moet gebeuren over de "Belgische Courbe". Je moet dan ook de vraag stellen hoe dat komt. Wel, ik denk dat men er in de officiële geschiedschrijving nooit is aan durven of willen beginnen, want als je die geschiedenis schrijft dan bots je natuurlijk op de hele geschiedenis van de Frontbeweging en alles wat eraan vasthangt. In die zin is de tekstkritische uitgaven van de Open Brieven een belangrijk moment. Dat het boek in het Vlaams Parlement werd voorgesteld is daarin symbolisch. De Frontbeweging is de geboorte van iets dat tot op de dag van vandaag doorwerkt. Met dat boek kan men daar ook wetenschappelijk niet meer zomaar omheen.’

Is de Frontbeweging dan zo belangrijk in de geschiedenis van de Vlaamse beweging?

‘Zij is een onverhoopt onverwacht acceleratiepunt van enkele eisen van de Vlaamse beweging die begonen is van een loutere taalbeweging maar plots verhoogd, verbreed en verdiept naar volksautonomie. Wilson zei dat er maar vrede kon komen in Europa als de kleine volkeren hun rechten krijgen. De paus steunde dat. Vlamingen voelden zich aangesproeken. Hun terminologie is onduidelijk en dat duurde de hele oorlog. Verschaeve heeft dat in zijn brief aan de kardinaal duidelijk gemaakt door over federalisme te spreken. Dis versnelling was revolutionair en mogelijk ondanks de legercensuur. De 21 juli van 1918 spreekt Van Cauwelaeert in Le Havre over het recht van de kleinere volkeren. Ons Vaderland vind maar een ding jammer ‘Hij vernoemt ons niet’. Ik denk dat hij niet durfde. Zo revolutionair was de Frontbeweging dus.’

Recent verscheen het boek ‘Alleen in u -o koning- geloven wij nog’ (recent besproken op Doorbraak) een tekstkritische publicatie van de Front brieven, en de historische context waarin ze tot stand kwamen. Daarin staan ook enkel bijdragen van Romain Vanlandschoot. Het boek is verkrijgbaar via onze webwinkel.

In de recent door Doorbraak uitgegeven politieke biografie van Frans van Cauwelaert, neemt de Eerste Wereldoorlog en de Frontbeweging een belangrijke plaats in. Ook dat boek is te koop op onze webwinkel.

Op zaterdag 8 juli 2017 organiseert de vzw Kapelaan Verschaeve een colloquium onder de titel ‘De hete zomer van 1917’. Naar aanleiding van de honderdste verjaardag van de Open Brief aan koning Albert I is het de bedoeling om de positie en de invloed van Verschaeve te herdefiniëren op basis van recente onderzoeken en publicaties.

samedi, 10 juin 2017

DÉSIGNER L’ENNEMI OU DÉSIGNER LE MAL !

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DÉSIGNER L’ENNEMI OU DÉSIGNER LE MAL !

Ex: http://www.geopolitica.ru 

Il n’est pas d’usage dans les colloques académiques de parler ainsi, de manière si brutale et pourtant il m’apparait nécessaire aujourd’hui, et surtout ici sur cette terre Moldave, zone de confluence tectonique entre l’Est et l’Ouest, d’affirmer lucidement et de dire clairement qui nous combattons et pourquoi. Pour Carl Schmitt : « la distinction spécifique du politique […]  c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi.» (Carl SCHMITT, La notion de politique – Théorie du partisan). De son point de vue, la dialectique ami/ennemi s’appréhende comme un concept autonome dans la mesure où elle ne s’amalgame pas avec des considérations morales (bien/mal) ni esthétiques (beau/laid), mais constitue en elle-même une opposition de nature.

Le concept de désignation de l’ennemi de Carl Schmitt, idéologue du régime nazi, fut en quelque sorte intégré mais amendé par le philosophe français Julien Freund entré très jeune dans la résistance à l’idéologie nationale-socialiste : « j’avais compris jusqu’alors que la politique avait pour fondement une lutte opposant des adversaires. Je découvris la notion d’ennemi avec toute sa pesanteur politique, ce qui m’ouvrait des perspectives nouvelles sur les notions de guerre et de paix ». Freund fut dès la fin de la guerre, un partisan de la réconciliation franco-allemande et de l’Europe. Il resta toute sa vie antinazi malgré sa fréquentation de Carl Schmitt et comme il le lui écrivit un jour : « Si nous nous étions rencontrés plus tôt, nous n’aurions pas été du même bord. »

Indéniablement, le concept de désignation de l’ennemi, chez Schmitt comme chez Freund, puise dans la pensée machiavélienne mais dans la logique de l’auteur du Prince, il ne s’agit que d’un bréviaire de l’absolutisme et de conseils donnés au Souverain pour que celui-ci puisse triompher et conserver le pouvoir. Autrement dit, la vision politique de Machiavel et de ceux qu’il a inspiré est à échelle humaine et ne s’inscrit pas dans un processus historique transgénérationnel. Les conseils que donne le philosophe florentin à Laurent de Médicis, même s’ils intègrent les valeurs cyniques, ne s’inscrivent pas dans une vue du monde visant au pouvoir absolu sur l’humanité entière. Machiavel souhaite la réunification de l’Italie par les Médicis. Son ambition s’arrête là. Or, nous avons de bonnes raisons de penser, qu’à peu près à la même époque, en Grande-Bretagne, et peut-être par l’entremise de philosophes italiens comme Pic de la Mirandole ou Gerolami Cardano, est en train de se cristalliser autour d’un philosophe kabbaliste renommé, John Dee, une autre conception du monde, beaucoup plus ambitieuse et qui elle visera à l’imperium total sur les affaires du monde.

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John Dee fut l’inventeur de la notion d’Empire britannique, et à partir de ce moment et pour la seconde fois dans l’histoire du monde, l’aristocratie d’un peuple se percevait comme élevée par la grâce divine pour accomplir à travers les siècles la volonté du Tout-Puissant.

Ce qu’il faut bien comprendre c’est que depuis cette révolution de la pensée, la nature des conflits a radicalement changé : nous ne sommes plus à l’heure des affrontements entre les Horaces et les Curiaces, entre les Gaulois et les Romains, les Tatars et les Russes, les Roumains et les Turcs, mais nous sommes entrés dans une nouvelle ère où l’ennemi n’a plus seulement pour but de conquérir des territoires ou d’exiger un tribut des peuples vaincus, mais il est aussi l’incarnation d’un hegemon total qui ne perçoit pas la guerre en terme d’amis ou d’ennemis, mais dans une radicalité totale où l’altérité doit être « désanimée » c’est-à-dire littéralement privée de son âme (vendre son âme au Diable…).

Cette entité profondément hostile à tout ce qui est humain, n’est pas seulement l’incarnation d’une volonté de puissance destinée à conquérir le monde, mais je crois profondément que le petit cercle d’initiés qui agit depuis des siècles pour asseoir sa domination sur la terre au fil des générations vise à l’anéantissement de la vie par haine totale du genre humain. J’en veux pour preuve la triste condition humaine que l’on peut observer sur tous les territoires où règne l’esprit de Mammon. Regardez à quoi ressemblait l’Angleterre au XIXème siècle telle que la décrivait Dickens ou encore la France miséreuse que dénonçait Zola. Regardez à quoi ressemblent les grandes métropoles occidentales où des populations obèses se pressent dans des hypermarchés pour s’empiffrer de nourritures frelatées  fabriquées par les multinationales. Regardez ces banlieues immondes où s’entassent dans des clapiers de béton des populations déracinées et abruties par le spectacle du sport et des divertissements débiles.

Un bon médecin, quand il a achevé son diagnostic sur la pathologie observée sur le patient, ne se contente pas d’administrer des remèdes, mais il essaye d’identifier les causes et la racine du mal. C’est là toute la définition de l’étiologie, à savoir l’étude des causes et des facteurs d’une maladie.

 Le temps qui m’est imparti ne permettra pas d’entrer dans les détails de ce que l’on peut définir comme la maladie occidentale par excellence, celle qui se diffuse tel un virus par pandémie et que j’ai baptisée l’idéologie anglo-saxonne.

Pourquoi anglo-saxonne, tout simplement parce que l’observation objective de la plupart des guerres et des conflits qui se sont déroulés depuis des siècles en Europe et dans le monde et jusqu’à nos jours ont à un moment donné une implication née quasi invariablement sur les bords de la Tamise ou du Potomac. 

Qu’est-ce que l’idéologie anglo-saxonne et comment est-elle née ?

Il faut pour cela remonter à la période élisabéthaine de la monarchie anglaise, à la fin du XVIème siècle et au début du XVIIème. En 1600, l’Angleterre ne compte que 4 millions d’habitants quand la France en compte près de 20 millions. Cette faiblesse démographique comparée aux puissances continentales de l’époque, France et empire des Habsbourg et la menace extrême qu’a représentée la tentative d’invasion de l’Angleterre par l’Invincible Armada du roi d’Espagne Philippe II est probablement à l’origine de la politique suivie depuis lors par les élites britanniques (politique du faible au fort), à savoir provoquer la division et l’affrontement chez tous leurs ennemis potentiels. Leur principal atout est l’insularité et la puissance maritime et elles l’exploiteront à fond, par tous les moyens, la guerre bien sûr, le blocus -on appelle cela aujourd’hui des sanctions -, mais aussi la piraterie et le commerce (c’est dans les Caraïbes que sont domiciliées aujourd’hui quelques-unes des principales places-fortes anglo-saxonnes de l’évasion fiscale et que sont ces paradis fiscaux si ce n’est des havres où se réfugient les pirates de l’économie mondiale après avoir spolié les peuples qu’ils ont escroqués).

Le grand rêve de puissance et d’hégémonie mondiale de l’oligarchie anglaise est né, selon moi, au retour de l’expédition autour du monde du pirate Francis Drake le 26 septembre 1580 où la part du butin volé aux Espagnols et réservée à la reine Elisabeth représentait selon certaines sources une fois et demie le budget annuel du royaume.

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Francis Drake est probablement devenu après ses exploits le modèle à suivre et parmi ses nombreux admirateurs, un en particulier mérite d’être retenu, Walter Raleigh (cf. controverse Ecole de la nuit), car il fut l’un des premiers avec John Dee à avoir conceptualisé l’hégémonie anglo-saxonne sur le monde. En effet, ce gentilhomme, un peu pirate lui aussi, un peu aventurier et qui finit décapité à la tour de Londres, eut le temps d’écrire avant sa mort un ouvrage intitulé en toute simplicité l’Histoire du monde et dans lequel il affirme : « Qui tient la mer tient le commerce du monde, qui tient le commerce tient la richesse, qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ».

Mais cette idée s’est transmise de génération en génération à travers les siècles dans le monde anglo-saxon (par deux sources, souvent liées : source exotérique universitaire et source ésotérique franc-maçonnerie), notamment chez le Britannique Mackinder dont la formule maîtresse est « qui tient l’Europe orientale tient le heartland, qui tient le heartland domine l’île mondiale, qui domine l’île mondiale domine le monde » et qui s’est transformée chez l’Américain Spykman dans la formule plus ramassée « Qui contrôle le rimland gouverne l'Eurasie ; qui gouverne l'Eurasie contrôle les destinées du monde ».

Ce qui est extraordinaire c’est qu’à trois siècle de distance, ces trois personnages partagent tous l’idée de domination du monde et c’est là véritablement qu’il faut comprendre la nature profonde de cette idéologie anglo-saxonne : la volonté d’asservissement de toute l’humanité.

Dans la conception cynique de la politique telle que la concevait Machiavel et ses successeurs, la notion d’ami et d’ennemi est relative. En effet, l’ami peut trahir demain et l’ennemi d’hier devenir un allié, voire un ami à son tour. L’idéologie anglo-saxonne elle a absolutisé la notion d’ennemi puisque tout est subordonné à la fin ultime qui est de dominer toutes les nations. Bien entendu, en tenant compte de la complexité des affaires du monde et ce projet mondialiste s’inscrivant dans une lutte à travers les siècles, on a pu observer les Anglo-Saxons exceller dans l’art de renverser les alliances, de jouer les uns contre les autres et pratiquer avec un art consommé une politique que n’aurait pas reniée Machiavel. Mais là où Machiavel limite la fortune du Prince à sa conquête de l’Italie et à l’horizon de la vie de ce Prince, les apôtres de l’idéologie anglo-saxonne ont introduit une dimension téléologique justifiant leurs actions par l’atteinte du but final – ce qu’ils appellent aujourd’hui la gouvernance mondiale - une espèce de Parousie où les élus ayant signé le pacte seraient appelés à régner sur le monde. Dès lors, tous ceux qui s’opposent ou qui freinent, même inconsciemment, cette vision du monde deviennent des ennemis absolus et sont désignés comme le Mal par excellence, sans espoir de rémission, sauf à déposer les armes, comme la Russie l’a fait un temps entre 1991 et 1999.

Mais si l’idéologie anglo-saxonne a mis en place un Système qui non seulement ignore la notion première du politique à savoir la recherche du bien commun mais considère au surplus tout ce qui ne le sert pas comme le mal, alors la vieille distinction ami/ennemi n’est plus opérante. Nous ne sommes plus et depuis longtemps, à l’époque de la guerre en dentelle et des relations chevaleresques au combat, nous sommes au contraire plongés dans une guerre totale, une relation agonale absolue dont la finalité est notre disparition ou notre liberté.

Ayant retenu de Machiavel la nécessité de la ruse et de la dissimulation pour parvenir à ses fins, le Système applique ces méthodes dans tous les domaines de la vie et en particulier dans le contrôle des esprits. Bien évidemment, il va aussi user de la force ou de la menace de la force pour faire avancer ses pions – ce sont les guerres en Yougoslavie, en Tchétchénie, en Géorgie ou en Ukraine, guerres en Lybie, en Syrie ou en Irak, boucliers anti-missiles placés en Roumanie et en Pologne ou troupes de l’OTAN positionnées aux frontières de la Russie… - et bien évidemment la conquête du monde ne peut s’envisager qu’avec le concours de la force, mais bien souvent celle-ci n’est utilisée que pour masquer d’autres méthodes comme celles qui ont été utilisées avec succès, notamment en Géorgie et en Ukraine lors des révolutions de couleur qui ont fait basculer ces pays dans le camp occidental.

Et c’est là que je voudrais attirer l’attention de nos amis sur le danger mortel que fait courir le combat culturel et que pratiquent admirablement les sectateurs de Mammon. Vous croyez que la publicité est une simple industrie devant être gérée par des marchands de rêve. Grave erreur les amis, il s’agit d’une arme de destruction massive destinée à atomiser et déshumaniser les sociétés dans lesquelles elle opère.

Vous pensez que la musique est l’âme d’un peuple ? Non ! elle est devenue un business mondial et la majorité des musiques que nous écoutons - même malgré nous - sont anglo-saxonnes parce que les canaux par lesquels elle est diffusée sont régis par la publicité, elle-même contrôlée par la haute finance.

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Sans publicité, pas de contrôle occulte des médias. Le premier devoir d’une société recouvrant sa liberté devrait être d’interdire les régies publicitaires. Le deuxième devrait être de nationaliser les banques et le troisième de contrôler l’enseignement, en commençant par l’université où on forme les maîtres, en y éradiquant les ferments du libéralisme, qui n’est que l’idéologie politique préférée du Système, celle par laquelle, est perfusée goutte à goutte dans le corps d’un peuple les ferments de la dissolution et de la mort.

Mais pour que les choses soient bien claires, les oligarques anglo-saxons peuvent aussi se servir du fascisme ou du communisme pour provoquer des affrontements mortels et en tirer les marrons du feu. Qui a financé la Révolution de 1917 ? Qui a financé l’arrivée de Hitler au pouvoir ?

Par ailleurs, ce sont bien les Russes qui ont vaincu le nazisme en 1945 ? Mais qui aujourd’hui contrôle l’Allemagne de Madame Merkel si ce n’est la City de Londres ou encore Wall Street ?

En guise de conclusion, je reviendrai sur le titre de mon exposé : Désigner l’ennemi/désigner le mal pour vous dire que nous aurions tort de considérer l’idéologie anglo-saxonne comme un simple ennemi qu’il nous faut affronter. L’idéologie du Système est une vision du monde globale dont la finalité est la réduction drastique de l’humanité et la mise en esclavage de ceux qui auront été épargnés. Il ne s’agit donc pas d’une lutte entre les Gibelins et les Guelfes, les Armagnacs et les Bourguignons, les sudistes et les nordistes, les Avars et les Petchénègues ! Non ! Il s’agit d’une guerre totale, d’essence spirituelle et dont l’enjeu est en toute simplicité la survie ou la disparition de l’humanité. Le triomphe du mondialisme, si par malheur il advient, sera le triomphe du mal.

Une des armes préférées du Système est la pratique de l’inversion accusatoire consistant à imputer à son ennemi la responsabilité d’un crime que l’on a soi-même commis. Le Système est très doué aussi pour diaboliser ses ennemis transformant les patriotes en nazis, ceux qui luttent contre l’euthanasie ou l’avortement comme des ennemis de la liberté, ceux qui défendent le christianisme comme des obscurantistes etc.

Il faut retourner ces armes de diabolisation contre le Système. Désormais, grâce à l’élection présidentielle française, les masques sont tombés et le véritable clivage sera entre les patriotes et les mondialistes. Ces derniers sont les ennemis de la liberté ! ce sont eux les ennemis de l’humanité ! ce sont eux les sectateurs du fascisme financier ! Ce sont eux les fossoyeurs de la vie. Il est temps d’ouvrir les yeux les amis et de débarrasser le monde de cette engeance. 

Colonisation juridique et liberté des peuples - Pour un nouvel ordre juridique

Chisinau, colloque des 26 et 27 mai 2017

Colonisation juridique et liberté des peuples
Pour un nouvel ordre juridique

Ex: http://www.geopolitica.ru 

La globalisation économique est-elle l’autre nom de  la colonisation juridique américaine ?
Au nom d’une efficacité usurpée, d’une performance imaginaire, et du droit du plus fort, le modèle juridique américain entend s’imposer comme le modèle universel du droit des affaires, du commerce et du marché mondialisé. Sans doute préférable à d’autres, l’arme du droit est mobilisée sans faiblesse au service de l’intérêt américain. Les bénéfices pour l’industrie juridique américaine sont énormes ; plusieurs dizaines de milliards d’amendes chaque année. Les bénéfices stratégiques le sont davantage, qu’ils viennent de l’affaiblissement de concurrents gênants, du pillage de leurs secrets industriels ou commerciaux, de la peur de l’inculpation pénale provoquée chez leur dirigeants. Les risques, pour être lointains, n’en sont pas moins énormes. L’extraterritorialité du droit américain est contraire au principe de souveraineté des Nations et d’égalité en droit des Nations, comme du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principes sur lesquels reposent et la communauté internationale, et la paix. La prétention du procureur américain à faire régner partout dans le monde le droit américain est contraire à la seule source de légitimité du droit, qui est la volonté des peuples souverains de décider du droit qui s’applique sur leur territoire, à leurs activités économiques et aux sociétés qui sont actives auprès d’eux. 

Le débat sur l’extraterritorialité du droit américain, tel que le vivent les entreprises européennes et françaises, est à cet égard emblématique d’un conflit de civilisation. Il oppose la reconnaissance de la diversité des sociétés humaines et des systèmes juridiques, comme expression de la liberté politique, à un idéal d’uniformisation du monde dicté par les intérêts de la finance de marché et du rendement du capital. Ce conflit en réalité n’oppose pas une civilisation à une autre. Il oppose la civilisation elle-même, qui  n’existe pas sans la diversité des civilisations ( selon Claude Lévi-Strauss),  à une nouvelle forme de barbarie, portée par l’intérêt manifeste de ceux qui se croient élus pour diriger le monde, et qui  menace rien moins que la survie de l’humanité.

Voilà pourquoi les sanctions américaines contre des entreprises françaises et européennes méritent l’attention. Elles révèlent une stratégie de mobilisation du droit dans la guerre économique, qui se traduit par un changement de nature du droit. IL n’est plus l’expression de peuples souverains, il est placé sous la dépendance de l’économie et de la géopolitique. Le droit serait ce qui sert l’économie. Il serait ce qui assure aux pouvoirs invisibles de la finance et des réseaux criminels une emprise de plus en plus complète sur les démocraties occidentales, à la faveur du sans frontiérisme, de l’individualisme radical et de l’idéal nomade des déracinés. Il serait ce qui ne connait ni territoire, ni Nations, pas plus que de limites ni d’appartenances. Une telle évolution appelle une analyse de la transformation contemporaine du capitalisme, et de la doctrine du chaos qui met fin à ce que nous avons cru nommer « Occident », depuis Jérusalem, Athènes, Rome et Byzance, une analyse essentielle pour organiser la résistance et préparr la libération à venir.

1 – Une étrange soumission

Différentes lois, adoptées notamment dans les années 1990 après le scandale lié à la corruption de dirigeants de plusieurs Etats par la firme d’aéronautique de défense Lockeed-Martin, illustraient l’exemplarité américaine ; si certains devaient terrasser la corruption, c’étaient les Etats-Unis d’Amérique ! Cet objectif de moralisation du commerce international sous l’égide du Department of Justice ( DOJ) a donné lieu, notamment, au vote de la loi dite «  Foreign Corrupt Practices Act » (FCPA) dont la première rédaction visait explicitement les faits de corruption d’agents publics étrangers par les sociétés américaines.


D’autres lois cherchaient à aligner les partenaires commerciaux des Etats-Unis sur leurs embargos contre Cuba, l’Iran, le Soudan, et autres représentants désignés de « l’axe du mal ». La logique est intelligible ; «  vous ne pouvez pas faire des affaires avec nous et avec nos ennemis ». Elle a été démentie de multiples fois, par les entreprises américaines elles-mêmes, dont beaucoup savent fort bien travailler avec l’Iran, la Russie, et autres incarnations du Mal ( de Bell Helicopters à Chrysler et General Electric, la liste est longue). Est-ce pour cette raison qu’elle a eu peu de succès, une Union européenne pour une fois résolue et unie ayant obtenu des reculs significatifs de l’application des lois d’Amato et Helms-Burton, respectivement contre Cuba et l’Iran ?

Dans le même temps, celui de la globalisation et donc de l’affrontement de plus en plus direct entre intérêts privés et intérêt national, les Etats-Unis renforçaient la protection de leur épargne nationale et plus encore, des entreprises jugées stratégiques. L’objet de « the office of foreign asset control » (OFAC) et de ses moyens d’investigation étendus, consiste pour l’essentiel à s’informer de toute entrée au capital ou prise de contrôle étranger d’entreprises ou d’activités américaines, et, le cas échéant, de manière discrétionnaire, sans justification nécessaire ni débat contradictoire, à bloquer prise de participation ou rachat. L’Ofac s’est récemment illustré en interdisant à Port Dubaï Authority d’acquérir le contrôle de ports de commerce aux Etats Unis, et en interdisant à une firme d’énergie chinoise l’achat de sources d’énergie aux Etats-Unis.

Les années 2000 ont vu une transformation progressive de la doctrine et des pratiques du système judiciaire américain. Les poursuites engagées contre des sociétés étrangères, pour des opérations hors du territoire des Etats-Unis, se sont multipliées et continuent de se multiplier ( elles sont publiées sur le site du DOJ). Il suffit pour cela qu’un critère de rattachement établisse la compétence du procureur américain, et la liste est longue, qui va de l’emploi du dollar, dont les chambres de compensation sont toutes situées aux Etats-Unis, jusqu’à l’utilisation d’une puce ou d’un logiciel sous licence américaine, ou d’un moteur de recherche dont les serveurs sont situés aux Etats-Unis !


Trois raisons majeures à cette utilisation du droit comme arme économique ; d’abord, l’idée généralement répandue qu’à un terrain de jeu unique, le monde, ne peut s’appliquer qu’une seule règle du jeu, la meilleure, celle des Etats-Unis. L’exceptionnalisme américain trouve pleinement à s’exprimer ; il ne saurait exister qu’une seule loi, et elle est américaine ! Autrement dit ; ce qui est bon pour les Etats-Unis est bon pour le monde, et que périssent ceux qui ne reconnaissent pas le peuple élu ! La notion répandue de « marché du droit » couvre en réalité un monopole du droit.

Ensuite, constat ou théorie, l’idée que la corruption alimente ces zones troubles du monde où ne règne pas la lumière protestante de l’aveu, de la transparence et de la pureté, et que, latins, arabes, chinois, africains ou russes, tous ces mercantis des bazars et des souks doivent être soumis à la loi ou sortis du jeu global. L’Amérique est la Nation indispensable sans laquelle le monde serait voué au désordre. 50 millions d’Africains réduits en esclavage et combien de millions d’Indiens exterminés en témoignent.

Enfin, la volonté géopolitique si bien exprimée par George W Bush et que son successeur ne démentira pas ; entre le Bien et le Mal, il faut rendre effective la grande séparation, il faut que pas un dollar, pas une arme, pas un litre de pétrole ne circule, et le droit doit y procéder. Aucune légitimité, aucune souveraineté, et surtout pas le droit international, ne saurait prévaloir contre le Bien incarné par les Etats-Unis. Qui défend le Mal ? La rupture avec les principes d’égalité en droit des Nations et de respect de leur souveraineté ne saurait être plus grande ; Alain de Benoist, dans « Carl Schmitt actuel », développe la logique qui conduit aux guerres d’extermination et fait de la paix la continuation de la guerre. 

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Les résultats concrets de l’évolution de la doctrine américaine et de la mobilisation de l’arme juridique dans l’affrontement mondial engagé sont connus, même s’ils sont étonnamment peu commentés.

En huit ans ( 2008-2016), au titre de sanctions directes ou indirectes procédant du non-respect d’embargos ( BNP-Paribas, par exemple), de faits de corruption d’agents étrangers ( Alstom, Total, Technip), de règles de marché ( Crédit agricole, Société Générale), les entreprises françaises auront payé plus de 15 milliards de dollars d’amende, pour l’essentiel au Department of Justice américain qui se voit ainsi doté de ressources significatives pour financer et amplifier son action. C’est ainsi que la première société russe, une société de télécommunications, condamnée pour faits de corruption à la suite de plaintes conjointes du procureur néerlandais et du procureur américain, pour des opérations en Asie centrale, a dû s’acquitter en 2016 d’une amende de 400 millions de dollars aux Pays-Bas, et de 400 millions de dollars aux Etats-Unis…


Les amendes acquittées par les entreprises ne sont que la partie émergée du coût effectif des sanctions.

Quand une entreprise négocie avec la justice américaine, l’accord qui met fin au procès comporte une première condition ; que l’entreprise prenne les dispositions nécessaires pour mettre fin aux pratiques jugée et condamnées. En d’autres termes, qu’elle se mette en conformité avec les lois américaines. Et qu’elle emploie pour cela des avocats, des consultants, des auditeurs, choisis sur une liste aimablement fournie par le DOJ, tous américains ou dépendant de structures américaines, l’exigence pouvant aller jusqu’à l’installation dans les murs de l’entreprise d’un « monitor » dont la fonction sera d’exiger tout document, d’avoir accès à toute information pouvant révéler des comportement contraires à la loi américaine (à ce jour, cinq entreprises françaises subissent la présence de tels « collaborateurs » dans leurs sièges sociaux). Une entreprise industrielle européenne a estimé à trois fois le montant de l’amende, ce que monitor et spécialistes de la « compliance » lui ont coûté.

A combien chiffrer le coût de l’espionnage des données commerciales, financières, stratégiques, et le pillage auquel les prestataires agréés par le DOJ soumettent les entreprises qui leur ouvrent leurs portes ? Peu de dirigeants dans le monde connaissent les principes du droit pénal américain. Qui oublie qu’à la différence d’un avocat français qui défend son client, son client seulement, et peut même lui conseiller de mentir à la justice, un lawyer américain est le représentant de la loi et est tenu de révéler à la justice les atteintes à la loi dont son client serait coupable ? Qui sait que tout prestataire américain ayant connaissance d’opérations ou d’actions hostiles à l’intérêt national américain est tenu de les déclarer à la justice américaine, sans en informer son client, sous peine d’inculpation pénale – et les procureurs peuvent avoir une idée large de l’intérêt national américain… ? Et voilà comment la toile des cabinets d’audit, de conseil, d’ingénierie, des prestataires de services numériques et financiers, nourrit l’imperium américain. La manne assurée par le DOJ aux sociétés de service américaine – cabinets d’avocats, auditeurs, cabinets de conformité, consultants, etc. – aux termes de ce qui peut s’apparenter à un véritable racket (« si je ne certifie pas vos opérations, vous risquez les poursuites… ») permet au smart power de nourrir une industrie du droit, industrie de l’obéissance et de la soumission ; pour le dire tout net, une banque, une société aéronautique, une société de télécommunications, qui choisissent pour prestataires des cabinets américains entrent dans des logiques, des univers de référence, des structures d’organisation, qui n’ont plus rien de français ou d’européen, et qui réalisent concrètement une colonisation par le droit et la conformité à des règles étrangères. La mobilisation de l’arme du droit permet des sanctions financièrement rentables, pénalise les concurrents de sociétés américaines, elle constitue surtout un outil de prise de pouvoir intellectuel, moral et managérial sur des « partenaires » consentants. « The Law » est aussi une industrie.


Le coût de cette soumission aux intérêts américains est celui de la paralysie stratégique. Quelle banque française finance une PME française qui veut se développer, ouvrir des lignes de crédit, etc., en Russie, en Iran, au Soudan, ailleurs encore ? La seule menace d’attirer les soupçons explique pourquoi, à bas bruit et sans déclarations publiques, tant de banques françaises et européennes se retirent de tant de pays jugés peu coopératifs ou insuffisamment organisés ( telle grande banque européennes ferme ses implantations dans pas moins de vingt pays parce qu’elle s’y juge incapable d’appliquer la compliance américaine ; curieusement, des banques américaines demeurent actives dans la plupart de ces pays). Et elle explique pourquoi, dans les années à venir, et sur la base d’un renforcement à prévoir des exigences américaines ( par exemple, de contrôle des tierces parties à partir de 100 Millions d’euros de chiffre d’affaires et cinq cent salariés, d’identification du « end user » d’une pièce ou d’un système par le grossiste ; ou encore, de l’intégration obligatoire aux contrats commerciaux de clauses de respect des minorités sexuelles, etc.), les entreprises françaises pourraient voir se fermer des marchés historiques et se trouver ainsi réduites à la place attribuée à la France dans l’ordre mondial; petite.

La séparation du monde n’est pas un sujet de débat ; l’unilatéralisme américain accélère une séparation qui réserve bien des surprises – puisqu’elle exclut de l’univers du Bien les trois quarts de la population mondiale, comme le Président Obama avait d’ailleurs su le dire à des Américains trop enclins à multiplier les sanctions ( au cour de l’été 2015, quand les « faucons » de l’administration démocrate avaient voulu couper la Russie des systèmes de paiement internationaux pour cause de résistance aux ordres de Washington…


C’est le dernier point, et le plus important du débat. Le caractère unilatéral des sanctions américaines ( même si trois banques américaines ont été condamnées à des sanctions considérables, Citigroup, J. P. Morgan et Goldman Sachs, de 16 à 6 Milliards de dollars), de la désignation d’organisations comme «  terroristes » (qui, par exemple, épargne les « islamistes modérés » en Syrie) et le sentiment d’arbitraire qu’elles donnent, fragilisent non seulement le supposé «  camp occidental », mais aussi les relations internationales dans leur ensemble, notamment en accréditant l’idée d’un « deux poids, deux mesures ». Elles suggèrent que la lutte anti-corruption est devenu un prétexte, un de plus, pour bafouer la souveraineté des Etats et placer les alliés sous contrôle.  Depuis 1648 et le traité de Westphalie, l’ordre international repose sur la souveraineté des Nations constituées et sur la non-ingérence. Maintes exceptions ont été constatées, la première correspondant à la colonisation et à l’idée, sotte ou criminelle, c’est selon, de faire le bien des autres sans eux, et malgré eux ; la plus récente touchant au «  droit au développement » qui est trop souvent obligation pour un Etat d’offrir son territoire au pillage de ses ressources et au nivelage de sa culture. La globalisation financière, technique et marchande, qui fixe l’objectif d’aligner les normes et les lois partout dans le monde pour soumettre les peuples et les Etats à l’intérêt du capital nomade, entre directement en conflit avec le principe de souveraineté des Nations, et avec la démocratie. Elle suggère un changement de nature du droit, qui ne procède plus de la société des hommes, de leur histoire, de leurs traditions, de leur singularité et de ce rapport avec la nature et la vie qui est la source des systèmes politiques durables ; le droit doit servir l’économie, il doit assurer la marche des affaires, et le rendement du capital investi. Pour cela, il s’impose d’en haut, ; pour cela il doit mettre le capital et le commerce hors d’atteinte des Nations, des Etats, et des lois que les peuples se donnent quand ils gouvernent vraiment. « L’imaginaire pirate des puissances de la mer » (selon Antoine Garapon) trouve dans cet aplatissement du monde sous le joug du droit et de la conformité, au profit d’entreprises globales et de capitaux nomades, un élément puissant de sa réalisation ; offrir le monde au pillage et les peuples, réduits à des individus atomisés, à l’esclavage. Car les façades chatoyantes de la lutte anticorruption, des sanctions contre les Etats-voyous et de la guerre contre le terrorisme cachent la réalité d’un monstre qui ne dit pas son nom ; le capitalisme du chaos.


Est-ce que le Brexit et plus encore la victoire de Donald Trump ne sont pas deux réactions populaires à ce capitalisme du chaos né de la globalisation, et dont les acteurs majeurs s’étaient emparés de Washington pour mieux faire des Etats-Unis leur base arrière ?

2 – De défaites annoncées et de batailles à livrer

La réalité est claire ; de même que le trafic des migrants ressuscite l’esclavage, de même que les néoconservateurs américains placeront bientôt le terrorisme sunnite au rang des dommages collatéraux de leur entreprise de sujétion mondiale, comme Brzezinski l’a reconnu, avec une rare franchise, en faisant d’Al Quaeda un dommage collatéral de la guerre contre l’URSS, de même que le peuple américain est la victime inconsciente du hold up du Deep State sur l’Amérique, de même tous les mots de libération, de démocratie planétaire, de développement global, doivent être traduits par soumission obligée, colonisation économique et morale, suppression de la liberté politique.
A la fin, c’est rien moins que le droit de peuples libres à se doter d’un Etat, à tenir leur frontière et à voter leurs lois qui est en jeu.


A la fin, c’est la survie de la civilisation, comme affirmation de principes supérieurs à l’intérêt individuel, économique et financier qui est en jeu.


Et c’est notre capacité à décider nous-mêmes de notre destin qui est en jeu.
Face aux sanctions américaines et à la volonté d’imposer le droit américain au monde, en réalité de soumettre le monde à l’intérêt national américain, l’indifférence française, pour ne rien dire de la complaisance européenne, dénoncent l’esprit de collaboration qui réunit les élites prétendues, les dirigeants qui calculent leurs options en dollars et tant de membres de ministères ou de généraux frustrés qu’un séjour d’étude aux Etats-Unis a laissé béats d’admiration.


La France se trouve face à une offensive qui, pour n’avoir rien de militaire, pour conjuguer les armes molles du droit, de la propagande et de l’argent, a et aura des conséquences tout aussi graves que la conquête d’une partie de son territoire, la destruction de ses institutions, ou le pillage de ses ressources.

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L’indépendance nucléaire de la France est en question. Au prix d’une politique d’intimidation américaine qui touche au « soft terrorism », au prix aussi de trahisons manifestes ou plus cachées de la part de dirigeants privés et publics « français », Alstom énergie a été vendu – bradé plutôt – à General Electric. Les liens entre General Electric et l’Etat profond américain sont attestés par l’étroitesse de ses liens avec The American Chamber of Commerce). Depuis lors, l’entretien des turbines des moteurs à propulsion nucléaire de la marine française dépend de General Electric. Depuis lors aussi, le tandem Areva-Astom qui avait bien fonctionné est déstabilisé, et le nouvel acteur pilote du nucléaire, EDF, fait l’objet d’une étrange convergence des vents contraires ; note financière abaissée, ennuis techniques, arrêt de réacteurs, partenariats déstabilisés, et, par hasard sans doute, réactivation de campagnes antinucléaires par des Fondations venues du nord ou des ONG généreusement financées depuis Washington. Faut-il en conclure que ce qui reste du non alignement de la politique française, dérange encore, ou bien qu’il faut réduire la France au rang de vassal des seules puissances nucléaires inévitables que sont les Etats-Unis, la Russie et la Chine, toutes les autres ( Inde, Pakistan, France, Corée du Nord, voire Israël) devant se voir éliminées du jeu ? Après tout, la Grande Bretagne a bien fait sa soumission à l’ordre militaire américain, pourquoi pas la France?

      
Il faut aller plus loin. Les signes ici et là se font jour, notamment venant d’officines comme Transparency International, dont l’activité militante semble être de dénoncer des sociétés françaises au procureur américain, tout cela depuis la France, et dans une impunité totale. De nouvelles cibles sont visées. L’eau est stratégique. Les déchets sont stratégiques. Et voilà que les grands fournisseurs de prestations aux collectivités, Engie, Suez, Vinci, d’autres encore, sont ciblés par des dénonciations, visés par des procédures.

L’aéronautique et le spatial sont stratégiques, la France et l’Europe y excellent, et voilà pourquoi il faut paralyser Airbus en attendant que Boeing fasse jeu égal en Iran, voilà pourquoi le Serious Fraud Office (SFO britannique) bloque le financement des crédits à l’exportation d’Airbus, voilà pourquoi l’application des règles « ITAR » qui soumettent à l’approbation des autorités américaines l’exportation de tout engin ou système contenant même le plus infime composant américain, se durcit et se fait menaçante à l’encontre des industriels de l’électronique de défense français. L’alimentation est stratégique, et voilà pourquoi le rachat de Monsanto par Bayer dessine de grandes manœuvres qui vont placer l’agroalimentaire français sous contrôle, mettre fin aux préférences françaises pour les appellations territoriales, les produits sans OGM et une nourriture non artificiellement surchargée en sucres, en gluten et en graisses. L’éducation est stratégique, et les agressions contre le système éducatif français conduites à coup de classements manipulateurs, d’études ciblées, de revues à comité de lecture et de campagnes de désinformation vont substituer aux vieux lycées et collèges, aux vieilles universités et grandes Ecoles, des « net académies » et autres « international schools » chargées de privatiser l’enseignement en distribuant des MBA, des promesses d’emplois mirifiques et non tenues, des crédits pour financer ces MBA et ces promesses, et de somptueux dividendes à leurs initiateurs de la Silicon Valley ( en novembre 2016, l’entreprise Bridge International University qui vend très cher dans les pays les plus pauvres d’Afrique des promesses de formations et d’emploi a été interdite en Ouganda ; parmi ses actionnaires, Mark Zuckerberg et Bill Gates). Il est intéressant de noter que certains acteurs agressifs de la privatisation de l’enseignement ainsi que de l’optimisation fiscale sont reçus en grande pompe dans les palais ministériels et présidentiels français.


L’offensive dépasse le droit, et touche l’ensemble des techniques de domination théorisées par une ancienne candidate à la Présidence des Etats-Unis, Hillary Clinton, sous le nom de « smart power ». Elle fait apparaître les contours encore flous d’une entreprise globale de corruption dont le coup d’Etat réalisé en Ukraine, les opérations de déstabilisation engagées dans les Nations du Proche et du Moyen Orient, et qui n’épargnent pas les Nations européennes ( voir les campagnes d’agitation des banlieues orchestrées depuis l’Ambassade des Etats-Unis en France par M. Marc Rivlin, de 2009 à 2014 ) suggèrent l’ampleur. La campagne présidentielle américaine a fort heureusement permis d’éclairer le cœur du système entourant la Fondation Clinton, un système qui privatise les guerres et vend à la carte le renversement de régimes, la perversion de structures sociales et la destruction d’Etats qui s’opposent à la grande criminalité financière et industrielle. N’est-ce pas là la définition même de la corruption, telle que les Caton, Solon ou Lycurgue l’ont définie ? Ce capitalisme du chaos aura relégué aux antiquités les valises de billets, commissions occultes et autres procédés traditionnels de corruption, pour leur substituer l’action combien plus efficace d’une nébuleuse d’ONG, de Fondations, de think-tanks, qui dispensent bien plus que de l’argent ; de la bonne conscience et de la conformité. Et voilà comment le principe majoritaire est vidé de son sens par l’agitation de minorités agressives et manipulatrices, voilà pourquoi le multiculturalisme et les migrations de masse sont l’outil de destruction massive de l’unité des Nations et de leur capacité de résistance, voilà enfin comment l’hyperpuissance peut mobiliser les moyens de la propagande, du spectacle et des bons sentiments pour obtenir plus que l’obéissance, le consentement.    

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C’est ainsi que la France, que l’Europe, perdent les batailles qu’elles ne veulent pas livrer. Il est comique de voir le Parlement européen se mobiliser contre les agences de presse russes, certes actives, quand la presse française est saturée d’informations filtrées, orientées, ciblées par les Fondations, Ong, think tanks et agences de presse américaines, au point que l’intérêt national devient indiscernable, au point que l’idée même d’indépendance semble indécente. Et qui a parlé de résistance quand des importations américaines aussi étrangères aux traditions françaises qu’Halloween, le Black Friday ou le super Monday envahissent les écrans et les vitrines? Le consentement est le premier objectif du smart power, il annonce bien des défaites après des batailles qui ne seront pas livrées.


Une illustration parlante de la naïveté européenne à ce sujet est donnée par le débarquement de la « Responsabilité sociétale et environnementale » de l’entreprise, dite aussi RSE. Ce concept a été développé dans les années 1990 au sein de fondations et d’ONG diverses, majoritairement anglo-américaines, avec l’objectif explicite de remplacer l’obéissance à la loi par des déclarations publiques. Les multinationales américaines ont suivi avec enthousiasme un mécanisme relayé par les Nations Unies, qui donne lieu à une annexe au rapport annuel des entreprises, n’a pas de caractère contraignant et s’est imposé de manière virale sous la pression de centaines d’officines diverses, puis de directions ad hoc qui ont cette puissante motivation à agir ; justifier leur emploi. Dans la mesure où les critères retenus privilégient la vision américaine de la société comme agrégat de minorités, valorisent la diversité interne et le multiculturalisme. L’ensemble s’est déroulé dans l’inconscience totale des politiques de toutes tendances, et dans la sidération de dirigeants dont aucun n’a suggéré que des critères de responsabilité nationale et environnementale seraient plus adaptés, et plus démocratiques.


Face à cette offensive, des réactions se dessinent. La loi dite « Sapin 2 » devrait justifier auprès du juge américain d’une action résolue des autorités françaises contre les faits de corruption ; après sa validation probable par le Conseil constitutionnel, tout dépendra de son application effective par des tribunaux par ailleurs en manque criant de moyens, et par des services d’enquête spécialisés qui sont absents, ou absorbés par d’autres priorités. La norme ISO de prévention de la corruption, publiée à l’automne 2016, suscite l’intérêt de nombre d’entreprises, qui y voient notamment l’occasion d’une meilleure valorisation auprès des fonds d’investissement, un sujet auquel la BPI est aussi sensible. Le rapport Berger Lellouche, excellent par sa franchise et surprenant par les évolutions personnelles dont il témoigne, ne vaut que par les conséquences et les contre-mesures que le futur gouvernement voudra bien lui donner ; il est intéressant qu’il suggère une toute autre voie que celle de la soumission, celle de la confrontation. Si la France n’en a pas, ou plus, les moyens l’Union européenne les a. Les sanctions annoncées contre Apple et ses pratiques d’optimisation fiscale en Irlande par la Commissaire Margrete Verstaeger  montrent la voie d’une réaction européenne à ce qu’il faut bien appeler un détournement américain ; elle illustre une voie qu’ont emprunté, et suivi avec succès les Chinois, qui ont su faire comprendre aux Etats-Unis qu’il n’était pas question qu’ils fassent la loi à leurs entreprises. Quelques incarcérations justement calculées de dirigeants de sociétés américaines, quelques mesures de rétorsion à l’encontre des intérêts américains, et surtout, le classement de la comptabilité des entreprises en « secret d’Etat », dont la divulgation est passible de la peine de mort, ont été d’une efficacité certaine. L’Union européenne saura-t-elle suivre et amplifier l’action de la Commissaire, au moment même où la ratification du CETA (traité de libre échange avec le Canada ) ouvre le boulevard de l’arbitrage privé aux sociétés américaines, dont le négociateur européen semble avoir oublié qu’elles sont toutes présentes au Canada, de sorte que le CETA dispense du TTIP  - et aura les mêmes conséquences ; assurer la primauté des sociétés privées et des investisseurs sur les Nations et les Etats ?

Pour conclure…


Il est utile de clarifier la logique développée par les autorités américaines. Car elle est soutenue par la logique économique et financière ; que le monde serait plus simple si une seule loi s’appliquait partout ! Car elles excellent à répandre le dilemme ; nous, ou la Chine. Demain sans doute, c’est contre la montée en puissance des exigences chinoises, contre leurs propres règles du jeu et leur ingérence qu’il faudra se mobiliser, comme il faut se mobiliser contre tout universalisme qui prétend unifier le monde, et qui n’est que l’expression de provinces qui se prennent pour le monde.


Que valait Alcatel pour la Chine, que valait Alstom Energie pour la Chine ? Beaucoup sans doute, mais le débat n’est pas là. Il est que, Etats-Unis, Chine ou Touamotou en présence, les choix de la France soient les choix des Français, des choix qui servent l’intérêt de la France et des Français, d’eux seuls, d’eux d’abord. Et le débat est que, selon l’affirmation de Claude Lévi-Strauss, il n’est de barbares que ceux qui croient qu’il y a des barbares – et l’unilatéralisme américain nous fait plonger dans une nouvelle barbarie. Qu’est-ce que la civilisation, sinon l’apaisement des différences ?


Il faut chercher plus loin, et entrer dans l’évaluation des intérêts. La Chine a su fermer les portes au procureur américain. L’Inde, la Russie, font de même. Et les pays de l’Organisation de Coopération de Shanghai disposent de systèmes de compensation, de paiement et de règlement internationaux, et même d’un marché de l’or, totalement hors du dollar, du territoire américain, et de toute dépendance aux autorités américaines. La Russie impose que les hébergeurs de services en ligne traitant des données de citoyens russes disposent de serveurs localisés en Russie. Ce qui signifie qu’une entreprise peut travailler avec les deux tiers de la population mondiale et bientôt la moitié de l’économie mondiale, sans s’exposer au procureur américain. De sorte que le pari peut être pris ; combien d’années faut-il avant qu’une banque européenne, avant qu’une société du CAC40, avant qu’une PME « gazelle » fassent leur choix et, tout bien pesé et compté, décident de s’affranchir de tout lien avec les Etats-Unis, et de partir à la redécouverte du reste du monde ?  

  
L’issue du jeu de l’obéissance auquel l’ubris de l’hyperpuissance condamne les Etats-Unis est plus incertaine que jamais après l’élection de Donald Trump. Car se fait jour une toute autre perspective ; celle que les Etats-Unis mettent d’eux-mêmes fin à une politique de lutte anti-corruption que le candidat élu avait qualifié de « stupide et irréaliste » pendant sa campagne. Il restera alors aux Etats les plus agiles à démanteler des législations d’importation, et aux autres, à se draper dans une vertu outragée et déçue. A chacun de parier sur la position de la France. 

   Hervé Juvin,
   Essayiste et écrivain français,
   Président de NATPOL, «Sécurité des opérations, résilience des organisations, intelligence de la diversité »

vendredi, 09 juin 2017

Greg Johnson - A New Beginning: Heidegger & Ethnic Nationalism

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Greg Johnson - A New Beginning: Heidegger & Ethnic Nationalism

Despite being the major philosopher of the 20th century, Martin Heidegger is most liberals’ worst nightmare; for Heidegger is ‘one of us’ – one of us politically, one of us philosophically, one of us spiritually, one of us in every way.  But, because he is someone who is of such towering importance to western thought it is difficult for the liberals to ridicule, stigmatize or belittle his contribution and ideas.  Therefore the liberal ploy, rather in the way they’ve dealt with Tolkien, Ezra Pound, Celine, TS Eliot and hundreds of others, has been to pretend he never really had politically incorrect views at all.  The recent publication however of more and more hitherto unpublished works by him - including ‘The Black Notebooks’ – has refocussed attention on his (meta)political position and its importance as an integral part of his entire worldview.  This has made the aforementioned liberal strategy increasingly untenable…. to the point where the dam is about to burst.  Here, Greg Johnson, one of the world’s foremost Heideggerians, will speak to us about how the ongoing unveiling of more and more of Heidegger’s thinking will increasingly lead to Ethnic Nationalism, ‘this thing of ours’, becoming supremely fashionable.  

Greg Johnson is the editor and owner of Counter Currents website and publishers.  He is the author of 6 books, including his just released 'In Defence of Prejudice'. 

https://www.counter-currents.com/

https://www.counter-currents.com/cate...

Abel GANCE et l'adaptation au cinéma du "Voyage" de Louis-Ferdinand CÉLINE (1994)

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Abel GANCE et l'adaptation au cinéma du "Voyage" de Louis-Ferdinand CÉLINE (1994)

http://www.lepetitcelinien.com. Émission "Le cinéma retrouvé" du 27 août 1994 autour du projet d'adaptation au cinéma de "Voyage au bout de la nuit" de Louis-Ferdinand CÉLINE par Abel GANCE. Invité : Jacques TARDI. Producteur : Michel BOUJUT. Réalisateur : Christine ROBERT.
- CELINE illustré par TARDI : Voyage au bout de la nuit : http://amzn.to/2sec83P ; Mort à crédit : http://amzn.to/2smxNGc ; Casse-Pipe : http://amzn.to/2qARVIm.

Nos remerciements à Arthur Yasmine : http://ow.ly/ZRqCW.

«Modérantisme» et «refus de l'ennemi»

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«Modérantisme» et «refus de l'ennemi»

Denis Ramelet
La Nation n° 1831, 29 février 2008
Ex: https://www.ligue-vaudoise.ch 
 
Dans notre monde marqué par le péché, il est impossible qu’une communauté politique n’ait aucun ennemi. L’ennemi peut être «subjectif», c’està- dire animé de mauvaises intentions, cherchant la perte de la communauté (les terroristes musulmans vis-à-vis des Etats occidentaux prétendument chrétiens) ou cherchant du moins à nuire à ses intérêts (l’Amérique de Bush vis-à-vis de la Russie de Poutine). L’ennemi peut être seulement «objectif», c’est-à-dire objectivement nuisible bien que n’étant pas, au moins apparemment, animé de mauvaises intentions (la Confédération actuelle vis-à-vis des Etats cantonaux).

Le problème est que le politicien «modéré», figure politique dominante de l’Europe occidentale contemporaine, refuse par idéalisme les évidences ci-dessus, se mettant ainsi dans l’incapacité de défendre la communauté dont il a la charge. C’est de ce grave problème que traite un récent ouvrage collectif (1). Laissant de côté l’aspect religieux du problème, également traité dans l’ouvrage, nous allons nous concentrer ici sur l’aspect politique, à l’aide d’un florilège de citations extraites de quelques-unes des contributions contenues dans cet ouvrage.

Le modérantisme

Le «modérantisme» a-t-il un rapport avec la «mesure», cette vertu que les Grecs opposaient à l’hybris? S’agit-il d’un synonyme un peu précieux de «modération»? Que nenni! Le modérantisme est une contrefaçon de la véritable modération, comme l’affirme avec force Abel Bonnard dans son fameux ouvrage Les Modérés, paru en 1936:

Bien loin de consister, comme les modérés finiraient par le faire croire, dans l’hésitation de l’esprit qui reste à la surface de toutes les idées et dans la timidité du caractère qui reste au bord de tous les actes, la modération véritable est l’attribut de la puissance: on doit reconnaître en elle la plus haute vertu de la politique. Elle marque l’instant solennel où la force acquiert des scrupules et se tempère elle-même selon l’idée qu’elle se fait de l’ensemble où elle intervient. (2)

Quelque trois quarts de siècle plus tard, Claude Polin exprime la même idée:

Comme il y a loin de la mesure à cette pusillanimité systématique qu’on peut appeler le modérantisme! (3)

Claude Polin montre aussi que le modérantisme n’est pas neutre:

Le modéré sera dans toutes les époques du côté du manche, ce qui fait que son centre a la propriété, curieuse d’un point de vue géométrique, d’être toujours au-delà ou en deçà de sa position proprement médiane. Un bon modéré est toujours un peu moins qu’au centre. Dans le monde politique moderne, qui va de plus en plus décidément vers ce qu’il est convenu d’appeler la gauche, les modérés seront à gauche, massivement et par conséquent de manière déterminante, mais en traînant les pieds. Ils seront la droite de la gauche, et non la gauche de la droite, nuance décisive! […] Le modéré est comme une girouette qui tournerait avec le vent, mais qui chercherait à lui résister: en somme une girouette rouillée. (4)

Le refus de l’ennemi

La place que doit – ou devrait – occuper l’ennemi dans la réflexion des hommes politiques est examinée par Jeronimo Molina Cano:

La finalité du politique n’est pas en soi la désignation de l’ennemi, mais le discernement du bien que toute communauté doit protéger, face à l’ennemi évidemment, mais aussi face aux ravages du temps et de la mauvaise fortune. (5)

Cependant, si la désignation de l’ennemi n’est pas le but de l’action politique, lequel consiste dans la réalisation du bien commun, elle est la condition indispensable d’une action politique réaliste:

La reconnaissance de l’ennemi politique, réel ou potentiel, et par là même la qualification comme hostile, de manière déclarée ou cachée, d’une communauté étrangère, est l’essence de toute pensée politique réaliste. «Malheur à celui qui ne sait pas qui est son ennemi!»: cette phrase n’est pas seulement un lieu commun mais aussi la plus amère des prophéties politiques. (6)

Une formule remarquable d’Abel Bonnard résume bien la contradiction dans laquelle se trouvent les politiciens «modérés» et le danger mortel qu’ils représentent pour les communautés dont ils ont la charge:

Il n’est pas de mesures auxquelles les modérés ne soient prêts à consentir, pourvu qu’ils restent au poste où ils devraient les empêcher. (7)

Exemple parfait de trahison de la communauté par un modéré: le largage de l’Algérie par De Gaulle, alors que celui-ci avait été porté au pouvoir pour maintenir l’Algérie française.

D’où vient ce pacifisme, cette «culture du refus de l’ennemi» aujourd’hui dominante en Europe occidentale? Ecoutons à nouveau Jeronimo Molina Cano:

Les raisons de l’occultation de l’inimitié, et de la réticence à accepter la possibilité qu’une communauté étrangère fasse sienne l’idée d’hostilité, sont multiples. Toutes convergent cependant vers la perte du sens de la réalité politique. […] La disparition de l’ennemi dans le discours politique, ou sa dissimulation, constitue l’un des aspects les plus caractéristiques du second après-guerre. (8)

Il est certain qu’une des causes du développement de la mentalité pacifiste réside dans le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale. Comme autres causes, il faut mentionner, en amont, l’idéologie des droits de l’homme et, en aval, la chute du Mur de Berlin. Quoi qu’il en soit, le pacifisme poussé jusqu’à la négation de l’existence de l’ennemi est totalement irrationnel, comme le montre Teodoro Klitsche de La Grange:

Le problème de l’inexistence de l’ennemi est à mon sens un problème absurde, parce que l’ennemi n’a pas besoin de permission de qui que ce soit pour exister. […] Le pacifisme, quand il est conséquent, a une certaine rationalité; on peut préférer la servitude à la liberté, c’est une décision possible. Mais la négation de l’ennemi n’a rien de rationnel. (9)

Dans l’article conclusif de l’ouvrage, Bernard Dumont met le doigt sur un fait capital:

L’existence de l’ennemi […] est implicite mais très effective au sein même de la partitocratie. (10)

La démocratie ne fait pas disparaître l’hostilité, elle la transfère seulement de l’ennemi extérieur vers l’ennemi intérieur, l’adversaire politique. On l’a bien vu lors des dernières élections fédérales: pour les «modérés» démocrates-chrétiens, l’ennemi public numéro un n’est ni l’Union européenne qui cherche à nous écraser à défaut de pouvoir nous avaler, ni l’immigration de masse, mais bien plutôt le seul de nos gouvernants à avoir osé désigner ces menaces réelles pour le pays.

Le modérantisme, c’est la mort.


NOTES:

1) La culture du refus de l’ennemi: modérantisme et religion au seuil du XXIe siècle, Presses universitaires de Limoges, 2007, 150 pages. Cet ouvrage est en stock à la librairie La Proue, sise aux Escaliers du Marché 17, à Lausanne. Sauf indication contraire, les numéros de page ci-dessous renvoient à cet ouvrage.

2) Abel Bonnard, Les Modérés, cité par Philippe Baillet, «Modération, modérantisme, pseudo-conservatisme: Les Modérés d’Abel Bonnard», p. 44.

3) Claude Polin, «Modération et tempérance: continuité ou antinomie?», p. 23.

4) Id., p. 28. Ces propos de Claude Polin sur les modérés rejoignent ceux de Jean-François Cavin sur les centristes: «Inconsciemment peut-être, le centre est à gauche» (Jean- François Cavin, «Du centre», Contrepoisons no 6, Cahiers de la Renaissance vaudoise, Lausanne, 2006, p. 149).

5) Jeronimo Molina Cano, «Le refus d’admettre la possibilité de l’ennemi», p. 77.

6) Id., p. 73.

7) Abel Bonnard, Les Modérés, cité par Philippe Baillet, art.cit, p. 47.

8) Jeronimo Molina Cano, art.cit., p. 79.

9) Teodoro Klitsche de La Grange, «Refus du conflit et idéalisme de la paix», p. 87.

10) Bernard Dumont, «La politique contemporaine entre grands principes et lâchetés», p. 142.

 

L’entre-soi comme résistance au «vivre-ensemble obligatoire pour tous»?

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L’entre-soi comme résistance au «vivre-ensemble obligatoire pour tous»?

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Le Temps du 30 mai, commentant la tenue à Paris d’un festival afroféministe, s’indigne d’une interdiction d’accès à un séminaire aux « blancs », femmes et hommes, transgenres aussi sans doute, et accessoirement aux hommes noirs. Les antiracistes titulaires, talibans des luttes idéologiques factices et des ennemis imaginaires, se sont déchaînés contre la tenue d’un festival qui veut discuter des problèmes subjectifs ressentis par certain(e)s, dans  un entre-soi légitime. Ce droit de discuter entre pairs de certaines problématiques me semble parfaitement légitime et même sain. La réponse du groupe de combat  à une demande d’une femme blanche ( ni noire ni métisse) de participation est limpide : «  notre collectif est non-mixte…Notre confort et nos luttes sont plus important.e.s que ta curiosité ».Et le groupe réclame « le droit d’avoir un espace pour se sentir en sécurité ».Rien de choquant finalement dans un choix d’affirmation de soi :« les blancs vous accuseront de causer le trouble quand tout ce que vous faisiez était d’agir comme des êtres humains normaux au lieu de ramper ». Une telle posture n’est évidemment plus imaginable chez les formatés, émasculés et décolorés bobos biberonnés à la repentance et à la religion multiculturaliste du Grand Autre sans lequel vous ne seriez rien, n’êtes d’ailleurs rien, du factice, de l’illusoire, du repli sur soi nauséabond.

La résistance culturelle viendrait-t-elle de groupes militants déculpabilisés qui en suivant la logique de leur idéologie d’affirmation de soi finissent par réclamer le Droit de discriminer pour elles (eux) de ce qu’ils reprochaient aux autres  de pratiquer( dominants, blancs, hommes, hétérosexuels).

L’antiracisme est un dogme de la religion multiculturaliste, unilatéral et totalitaire. A ce propos, il faut absolument lire « Le nouveau régime, essais sur les enjeux démocratiques actuels » de Mathieu Bock-Côté, éd. du Boréal 2017. La dictature de la nouvelle religion de l’inclusion imposée et de la repentance culpabilisatrice y est magistralement décrite. Tout « Autre » est automatiquement ontologiquement supérieur au Mâle dominant « blanc », hétérosexuel, senior. La hiérarchie ubuesque se décline ainsi : mieux vaut femme que homme, noire ou métis que blanc, homosexuel ou LGBT qu’hétéro, musulman que juif (quoique). Les choses risquent de se compliquer avec les avancées de la théorie du genre où l’on peut se sentir femme si l’on est apparemment un homme, ou transgenre. On imagine les problèmes posés par le refus d’accepter à un séminaire exclusif, un homme d’apparence blanche mais qui se considère comme une femme métisse et de sensibilité queer.

Bonjour les dégâts.

En attendant, le choix de développement séparé, communautaire ou entre soi ( d’identité, de sexe) est parfaitement légitime. La tradition, marqueur de « fascisme originaire » ( Ur-fascisme selon Umberto Eco qui a publié un petit manuel de détection pratique de cette tendance, Grasset 2017), favorise le respect , la culture de la différence qui offre la possibilité de se protéger, de construire l’identité, entre soi sans perdre son âme dans une mixité   stressante, contrainte et obligatoire. La reconnaissance de la différence des sexes, des générations, de la complémentarité des rôles sociaux est un marqueur ( aussi défendu par la psychanalyse jungienne et même freudienne) de développement de soi réussi : génitalité , et non perversion et utilisation d’autrui, authenticité  et non pas faux Soi, autonomie et non pas dépendance non reconnue.

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Les contradictions de l’antiracisme multiculturel de déconstruction et d’individualisme abstrait explosent. C’est bon signe, l’idéologie du Système est en voie d’effondrement. L’individualisme forcené de la culture inclusive ( ouverture bénéfique forcée) n’est pas un progrès mais une cause d’aliénation. Le Droit d’être entre soi est aussi un Droit humain légitime. Et nous acceptons les deux manières de se comporter : Le Vivre-ensemble librement choisi comme le Droit de vivre entre soi, dans une communauté ou entre communautés, librement consenti. Au contraire de l’intolérance haineuse moraliste de la gauche des Valeurs.

Dominique Baettig, 5 juin 2017

jeudi, 08 juin 2017

Amis de Livr'arbitres: soirée Léon Bloy

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Autonomie et Tradition

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Autonomie et Tradition

par Johann Sparfell

Ex: http://www.in-limine.eu

« Il ne faut pas agir et parler comme nous l'avons appris par l'héritage de l'obéissance ». C'est ainsi qu'Héraclite introduisit sa pensée sur l'autonomie, sur l'art d'acquérir un esprit libre. Il est en effet possible et même indispensable de lier la notion d'autonomie de celle d'une éducation au travers de laquelle l'on devient soi-même, l'on s'élève. Il est bien entendu que par là nous pouvons ainsi faire référence à la nécessité d'une affirmation de l'être de l'homme et, comme d'une conséquence, de la propre personnalité de chacun en ce monde. Mais serait-ce pour autant une autorisation prêtée à l'individu d'accroître sans cesse, pense-t-il naïvement, ses prérogatives, dans une « limite » de la liberté d'autrui, afin de se soumettre toujours davantage à l'illusion de la jouissance ? Au nom d'un tel dévoiement de la notion d'autonomie, nous avons en fait appris à renier cela même qui en faisait l'élément primordial de l'existence des communautés et des hommes : la Tradition.

Mais enfin ! Qu'est-ce donc que cette « autonomie » de pacotille dont on nous serine dans nos oreilles les louanges afin de faire de nous des consommateurs « libres » de leurs choix et de leur « vie » ? Bien sûr une illusion, parce que, plutôt que d'être sans limite, elle en a au contraire beaucoup ! Ce n'est point en ce cas une affirmation de soi, mais une affirmation d'une chose extérieure à soi : d'une norme ! Oui, et c'est en cela qu'elle n'est que pure illusion ; il nous faudrait atteindre un certain état par lequel nous nous mettrions en état de suivre un mouvement que nous « participerions » à faire perdurer. « Participer » peut-être ! Mais certainement pas initier. Et encore moins innerver, c'est-à-dire en déterminer le cours, parce que ce mouvement, ce serait nous-mêmes en acte !

La liberté individualiste, que nous confondons aujourd'hui avec l'autonomie, se mêle inextricablement dans la soupe post-moderne avec l'adaptabilité, la flexibilité, la rentabilité, l'utilitarisme, l'esprit d'innovation techniciste et l'instinct de concurrence ; tout ce qui, en fait, permet au Capital, en tant que rapport social, de faire perdurer l'exploitation des ressorts humains au milieu de l'obsolescence de l'homme, et la domination de classe. Cette « liberté » est un statut, un état fixe et idéalisé, un ensemble de dispositions à atteindre au travers desquels les individus gagnent leur vie. La solvabilité en est par exemple un indice de relative réussite : elle ouvre la voie aux jouissances d'une consommation raréfiée. L' « autonomie » qui lui est liée est en ce cas un simulacre en ce sens qu'elle implique, une fois atteinte, de ne se battre que pour s'y maintenir, seul, et en regard des impératifs d'un procès que l'on ne maîtrise qu'à la mesure de nos renoncements.

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Elles se situent bel et bien là les limites de ce simulacre d'autonomie : à l'horizon bouchée des impératifs d'un économisme totalisant au noms desquels nous nous transformons en entités mécaniques dont le seul but devient de ne point tomber dans le néant du déclassement sociale. Le modernisme a inventé, par l'absolutisme de l'économisme, une nouvelle forme d'hétéronomie qui a su, comme ses prédécesseurs, se voiler des apparats de l'accomplissement humain et d'une certaine forme de rédemption. Or, se « mouvoir », ou plutôt bouger, par l'incitation de cette forme d'hétéronomie ne se résume dans les faits qu'à faire du sur-place en tentant de maintenir les « misérables » acquis dus à notre soumission à l'ordre accumulatif. Lorsque nous y creusons un peu plus, nous y voyons les racines du ressentiment ; d'un ressentiment que l'on ne pourrait croire issu que de ce que l'autre a pu acquérir à notre place, mais en fait provoqué par l'horreur que nous inspire l'image de la futilité d'une quête qui n'est que course vers le néant : nihilisme ! Par lui, nous nous en voulons à nous-mêmes de ne point savoir exister, signe d'une faiblesse inexcusable et d'un manque de savoir-vivre !

Car l'autonomie, au contraire, est bien d'exister par soi-même : exister, sortir du néant, tout simplement, sans artifice, sans préjugés. L'autonomie n'est pas une fixation en un état supposé idéal malgré qu'elle implique de savoir se donner des limites, des lois, par soi-même. Elle est une dynamique, un processus jamais parfaitement accompli d'auto-détermination. Si l'hétéronomie économiste est un effort d'adaptation à un procès dans lequel il s'avère absolument nécessaire de s'intégrer pour « exister », tout en étant un rapport social de domination en sous-main, l'autonomie est une participation à un flux vital dont l'assomption invite l'être à se fonder en soi-même en tant qu'être libre de sa propre détermination : il s'agit en ce cas d'une intégration dans un tissus de relations communautaires par lesquelles l'on coopère à son propre destin et à celui de son environnement – tant humain que naturel ou artificiel.

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L'hétéronomie économiste est une fixation. L'homme échappe ainsi à son devenir, sa responsabilité, en s'enfermant dans un éternel présent, qui s'avère en réalité être un piège vers une néantisation – l'éternel présent, ou le règne de l'immédiateté, est un univers carcéral où l'horizon se résume en une fuite perpétuelle vers un futur idéalisé qui n'est en réalité qu'adhésion, au sens premier du terme. Plus rien ne fait lien dans un monde où domine une dépendance totale à des impératifs quantitatifs, ni les hommes entre eux – car tous concurrents les uns des autres – ni le passé d'avec l'avenir – car l'un et l'autre sont devenus absolument contradictoires. Se donner ses propres règles, selon la définition de l'autonomie, ce n'est nullement se laisser enfermer selon une prescription commandée par une appartenance de classe ou autres dans une actualité sans fin. C'est fort au contraire dépasser l'actualité afin de donner corps à une connivence toujours possible, toujours souhaitable, entre le passé et l'avenir : participer par conséquent au recouvrement d'un lien intime entre les deux.

Plutôt que dans le temps, qui est une constante projection vers l'au-delà du réel, ce qui nous rend absolument dépendants du règne de la mesure temporelle, nous devrions nous inscrire dans la durée, qui est une possibilité perpétuellement donnée de pouvoir affirmer son être. Chaque être est en fait une durée singulière, un devenir qui s'étire de son origine à sa finalité, mais s'inscrivant toujours inévitablement dans une plus longue durée au sein de laquelle il devient un transmetteur, le dépositaire d'une traditio. La longue durée est une suite indéfinie d'événements, un processus global du devenir des civilisations, chacune d'elles imbriquée dans le devenir de l'humanité, et où demeurent les archaïsmes : « ce qui ne passe pas » et que l'on tient en réserve afin de dépasser sa propre condition initiale. Les durées singulières se lient les unes aux autres, transposent d'une génération à l'autre le socle sur lequel chacune participera à bâtir l'histoire à sa façon. Et pour ce faire, il est indispensable de pouvoir réellement exister ! Qu'est-ce à dire ? Que chaque homme, chaque communauté, doit pouvoir construire sur de bonnes bases ses propres règles, donc être autonome et ne plus dépendre de l'arbitraire des dogmes.

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L'existence est une élévation, l'acte de se mettre debout et d'affirmer la singularité de son être au milieu de la pluralité contradictoire de ce, et de ceux qui nous entourent. Exister, réellement, a à voir avec l'autonomie ; c'est un acte de volition qui est la condition même de la réalisation de l'autonomie. Lorsque nous nous mettons à exister « pleinement », non de façon désobligée comme aujourd'hui – l'individualisme ne nous engage plus à rien -, nous nous en tenons à une affirmation qui repose en premier lieu et qui a toute chance de pouvoir prendre son essor à partir d'un socle commun. L'existence est un passage : celui du non-être à l'être au croisement du passé et de l'avenir, où règne l'infini et la négation, l'éternel présent – mais ne s'y attardent que les aventuriers de l'esprit, s'y perdent les autres... les insensés ! -, ce qui implique de devoir y adjoindre un sens. L'existence est une dynamique en quelque sorte, dont l'élément moteur est la Tradition : le « socle » commun. Un « élément » dont la primordialité n'a d'égale que le sens qu'Elle apporte aux hommes et à leurs œuvres, un sens partagé de génération en génération par lequel le monde se voit doté d'une signification sacrée en une « durée » où se déploie l'existence, l'indéfinité des existences influant les unes sur les autres en de multiples « écosystèmes ».

La durée dans laquelle nous nous inscrivons est une épaisseur qui est celle des interrelations par lesquelles il nous est donné de pouvoir construire nos autonomies, tant personnelles que communautaires ; en d'autres termes donc, exister, à chaque instant qu'il nous est donné de pouvoir vivre par soi-même ! A contrario du temps, linéarisé par les besoins d'une foi toute basée sur un type d'homme, que l'on peut s'imaginer telle une meurtrière à travers de laquelle l'on n'a la possibilité de n'apercevoir qu'une frange étroite de la réalité : celle d'objectif qui recule sempiternellement à chaque minute.

La quête de l'autonomie est en nous comme un besoin vital de réaliser notre vie, d'être pleinement nous-même en accord avec le monde. C'est une dynamique qui se prolonge durant « mille vies » et nous transpose à chaque point de cette durée du non-être à la grâce d'être – dynamique symbolisée par la Croix, l'un des plus vieux symbole en ce monde. Elle est le Mythe, le mythos primordial que ne vient pas de l'homme, mais qui néanmoins perdure en l'homme et le fait être tel lorsqu'il en ressent le devoir, c'est-à-dire tant qu'il a en lui ce désir de s'affirmer pour le bien commun de ceux par qui, et quoi, il existe. Elle est en fin de compte l'expression « vitale » de la Tradition Elle-même, son souffle sacré par lequel les mondes se constituent et se succèdent, prennent sens et épaisseur.

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Mais qu'est-ce donc qu'être autonome sinon être soi-même, devenir soi-même, simplement, parmi les autres ? Être un esprit libre comme ont su le dire Héraclite, Montaigne ou Nietzsche, un « barbare » - un être « simple » - en chemin vers la maîtrise de son existence qui se réfère en toute humilité aux leçons et expériences accumulées par les générations qui l'ont précédées. C'est un accomplissement qui se réalise au nom d'une notion de Bien Commun, d'une notion secrètement portée par la Tradition et qui ne peut dépendre que d'un minimum de préjugés sur l'homme et la nature a contrario du respect de la parole donnée. Comme le disait S. Weill, la vérité est enfouie dans le silence des humbles ; la Tradition y a toujours trouvé son ultime refuge. La Tradition est un appel intemporel pour l'homme à s'extraire et s'élever par lui-même, de par ses propres forces, au-delà du magma informe de l' « indifférencié civilisateur » - j'entends par là la tendance historique à la standardisation massificatrice du processus civilisateur dont le marxisme orthodoxe et le néo-libéralisme, qui sont si proches l'un de l'autre dans les faits, en sont les portes-voix modernes -, donc des préjugés et des « héritages de l'obéissance ». Elle est une Connaissance qui engage à l'empathie, donc à l'autonomie.

Que pourrions-nous en conclure en somme ? Que la Tradition, loin d'être une sommation à l'inertie et l'impuissance, est fort au contraire une invitation au développement indéfini de nouvelles manière de « voir » le monde et de le faire nôtre, consciemment. Elle n'est pas une vérité imposée d'une « hauteur » inatteignable mais l'invitation à la recherche constante de la vérité. La Tradition est ce qui ne passe pas, telle une clef intemporelle qui est à même de nous élever à la com-préhension, à la lucidité « raisonnable », de ce qui agit dans le monde au travers de nos êtres et constitue celui-ci à chaque instant, à chaque époque singulière. Loin de pouvoir être interprétée Elle-même telle un carcan ou une « vérité » irréfutable sur l'homme, Elle constitue ce qui au contraire peut nous apporter en tout temps la conscience du devoir de construire nos autonomies, celle de la personne comme celle de ses communautés, afin de toujours pouvoir faire surgir, in limine, la nécessité de concevoir un sens commun au milieu de ce qui n'est, en vérité, que chaos, mais chaos riche d'une multitude de possibilités de créations, mais aussi de destructions. Elle est en somme, la richesse des possibles contenue dans l'existence et qu'il nous appartient de mettre à jour à chaque instant de l'histoire, en faisant l'histoire : en composant de nouvelles harmonies, en donnant du sens à nos vies. Elle est un socle bâti par la multitude d'expériences accumulées par l'homme sur lui-même et son devenir...

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La Tradition accompagne donc la marche de l'histoire, en lui donnant l'ouverture indispensable vers l'ensemble des possibles et des révolutions ; Elle ne saurait par conséquent représenter pour l'humanité éveillée un système clos sur lui-même, une injonction théorique idéalisée dans un système religieux, « politique » ou philosophique : « La transformation de l'activité théorique en système théorique qui se veut fermé c'est le retour vers le sens le plus profond de la culture dominante. C'est l'aliénation à ce qui est déjà là, déjà créé ; c'est la négation du contenu le plus profond du projet révolutionnaire, l'élimination de l'activité réelle des hommes comme source dernière de toute signification, l'oubli de la révolution comme bouleversement radical, de l'autonomie comme principe suprême ; c'est la prétention du théoricien de prendre sur ses propres épaules la solution des problèmes de l'humanité. Une théorie achevé prétend apporter des réponses à ce qui ne peut être résolu, s'il peut l'être, que par la praxis historique. Elle ne peut donc fermer son système qu'en pré-asservissant les hommes à ses schémas, en les soumettant à ses catégories, en ignorant la création historique, lors même qu'elle la glorifie en paroles. Ce qui se passe dans l'histoire, elle ne peut l'accueillir que s'il se présente comme sa confirmation, autrement elle le combat – ce qui est la façon la plus claire d'exprimer l'intention d'arrêter l'histoire. »1

Yohann Sparfell

Note:

1Cornélius Castoriadis in L'institution imaginaire de la société, éd. Du Seuil, 1975, p. 101

Le jeune Heidegger 1909-1926

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Le jeune Heidegger

1909-1926

Sophie-Jan Arrien et Sylvain Camilleri (éd.)

 
2711623025.jpgEUR 28,00
Disponible 
 
La philosophie de Heidegger ne commence pas avec Être et Temps. On trouve en amont du maître-ouvrage de 1927 une réflexion riche et autonome, dont il n’est pas exagéré de dire qu’elle forme un continent à part entière au sein de l’œuvre. Ce recueil vise justement à présenter la pensée du « jeune Heidegger » (1909-1926) et à lui accorder toute l’attention qu’elle mérite. Coups de sonde dans les premiers écrits et les premiers cours de Freiburg et de Marburg, les études ici rassemblées laissent entrevoir une recherche absolument originale, déjà fort mature et aux singulières potentialités. Des interprétations phénoménologiques de la vie facticielle y côtoient des confrontations avec le néo-kantisme, des appels précoces à l’herméneutique, des détours subtils par la théologie et des références à la religion vécue. Plutôt que de réduire ces premiers travaux à un simple tracé menant tout droit à l’analytique existentiale du Dasein, cet ouvrage s’efforce de dévoiler leur signification et leur importance intrinsèques. Investiguant notamment l’intérêt du jeune Heidegger pour le Pseudo-Duns Scot, Dilthey, Rickert, Natorp, Paul, Augustin, Aristote et Luther, il propose un aperçu de la complexité des influences et des idées qui structurent la première pensée du philosophe. Il s’agit ainsi d’ouvrir selon des perspectives plurielles un corpus pouvant non seulement donner une impulsion nouvelle aux études heideggeriennes mais également inciter à développer les possibilités du travail herméneutique, à refonder la phénoménologie et à interroger autrement la donne théologique.
 

Vrin - Problèmes & Controverses
288 pages - 13,5 × 21,5 cm
ISBN 978-2-7116-2302-0 - mars 2011

L' inquiétude de la pensée - L'herméneutique de la vie du jeune Heidegger

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L' inquiétude de la pensée
L'herméneutique de la vie du jeune Heidegger (1919-1923)
Collection: Epimethée
Discipline: Philosophie
Catégorie: Livre
Date de parution: 04/06/2014
32,00 €
 
Disponible
Livraison en France métropolitaine uniquement.

Heidegger.jpgRésumé

Entre 1919 et 1923, Heidegger caresse le vœu de faire « exploser l’ensemble du système traditionnel des catégories ». Ce sont les travaux de cette période qu’il s’agira ici de sonder pour en dégager l’originalité et l’intérêt philosophiques propres, sans nécessairement les considérer sous l’éclairage rétrospectif du projet ontologique d’Être et Temps (1927). Le jeune philosophe soupçonne les concepts philosophiques traditionnels de masquer le mouvement de la vie et d’éteindre l’inquiétude native de la pensée. Il exige donc que les questions fondamentales de la philosophie soient désormais interprétées à partir de la concrétude de la vie. C’est ce qu’on a appelé rétrospectivement son « herméneutique de la facticité ». La « vie » devient dès lors le leitmotiv de la pensée du jeune Heidegger, pointant vers une sphère originaire, celle de l’expérience facticielle, d’où le philosopher trouve sa provenance, dont il doit rendre compte et où il revient toujours. Ainsi, que Heidegger soumette à son herméneutique critique (ou « destruction ») les thèses de Lask, Rickert, Natorp, Dilthey, Husserl, Paul, Augustin, Luther ou celles d’Aristote, la sauvegarde de la mobilité inquiète de la vie et de la pensée fait fonction de véritable critère d’originarité au sein de cette première charge du philosophe contre la conceptualité métaphysique.


Caractéristiques

Nombre de pages: 392
Code ISBN: 978-2-13-062453-0
Numéro d'édition: 1
Format: 15 x 21.7 cm

Sommaire

Introduction

Chapitre 1 – L’idée de la philosophie
La philosophie comme problème

L’insuffisance de l’épistémologie
Le lieu de l’origine

Chapitre 2 – Du vécu à la vie
La question du vécu

Le primat du théorique en question
La science des vécus de conscience chez Natorp et Husserl
L’avancée méthodologique de Heidegger

Chapitre 3 – Penser la vie
Éléments pour une « philosophie de la vie »

La vie comme archiphénomène
Vers une phénoménologie herméneutique de la vie facticielle

Chapitre 4 – Chemins de la destruction
Repères méthodologiques

Destruction du concept de vie
Destruction du concept d’histoire
Destruction du concept de vécu : constitution et cohésion

Chapitre 5 – La destruction de l’expérience facticielle de la vie
Vie et philosophie

Expérience facticielle de la vie chrétienne primitive. L’interprétation heideggerienne de Paul
Heidegger et Augustin : le soi en question
Aristote : de la vie à l’être
L’athéisme de la philosophie

Bibliographie
Index

Autour de l'auteur

Sophie-Jan Arrien est docteur de l’université Paris Sorbonne et professeur à l’université Laval (Québec).

mercredi, 07 juin 2017

Le retour du politique et des peuples souverains contre le néo-bolchevisme mondialiste

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Le retour du politique et des peuples souverains contre le néo-bolchevisme mondialiste

Date de publication: 15.12.2016

par Dario CITATI

Directeur du Programme de recherche "Eurasie" à l'Institut d'Etudes Géopolitiques de Rome

Ex: http://www.idc-europe.org

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais commencer mon intervention par une courte analyse du referendum italien pour dessiner les contours d’une analyse systémique sur l’état de lieux de la politique nationale des Pays occidentaux, tirer un bilan du passé récent et essayer d’identifier le prochaines étapes qui se profilent à l’horizon.

Comme vous le savez, le 4 décembre le peuple italien a voté « non » au referendum sur la Réforme constitutionnelle en Italie. Ce résultat a été justement appréhendé à l’étranger comme une votation allant au-delà de la question en elle-même de la Constitution et touchant le cœur de la politique nationale, avec des rebondissements importants au niveau européen. Le Président du Conseil Matteo Renzi a en fait résigné sa démission ouvrant une crise politique qui est toutefois terminée avec la formation d’un nouveau gouvernement, représentant de fait la continuation du précédent, quoique avec un nouveau Premier Ministre, Paolo Gentiloni, le très « renzien » ancien Ministre des Affaires Étrangères. Le scénario le plus probable maintenant est la continuation de ce gouvernement technique jusqu’en 2018, et seulement après l’approbation d’une nouvelle loi électorale il y aura des élections politiques.

Matteo Renzi a commis en effet une grave erreur pendant toute la campagne référendaire qui finalement l’a obligé a démissionner. D’un côté, il a toujours affirmé que le referendum ne concernait que l’architecture institutionnelle de l’Italie (avec la réduction du nombre des parlementaires, des fonctions nouvelles pour le Sénat italien, la simplification des mécanismes législatifs etc), en invitant justement à s’exprimer pour le « oui » tous ceux qui étaient, selon la propagande électorale, pour l’amélioration du système italien. De l’autre côté, toutefois, et d’une façon ouvertement contradictoire avec ce que je viens d’exposer, il a en même temps « personnalisé » le referendum en le transformant dans un test de confiance sur le gouvernement lui-même justement en promettant d’une manière solennelle que si le peuple italien refusait sa réforme il allait démissionner. N’oublions pas, d’ailleurs, que Matteo Renzi avait été nommé Premier Ministre en 2014 par le Président de la République après l’énième crise de gouvernement en Italie, et avec toute évidence il souhaitait que un résultat positif puisse représenter cette « légitimation démocratique » à l’action de son exécutif, qu’on lui reprochait de ne pas disposer justement parce que son gouvernement n’était pas issu d’une majorité parlementaire aux élections.

Cette erreur stratégique, ce mélange de langage institutionnel et  personnalisation, a bien couté la défaite à Renzi. La réforme en soi étant assez technique dans beaucoup d’aspects, le peuple italien avec une écrasante majorité (59% de « non ») a exprimé sa désapprobation envers Renzi en tant que Premier Ministre. Je ne vais pas parler ici de la réforme dans tous ses aspects, mais je peux vous donner quelques éléments concrets témoignant que ce projet n’était pas du tout une initiative à caractère purement « nationale ». Le projet de réforme prévoyait en effet un renforcement caché mais indubitable du rôle de l’Union Européenne à travers la modification de trois articles de la Constitution italienne: l’article 55, le 70 et le 117. Aux articles 55 et 70, lorsque en distinguait les matières conjointes sur lesquelles la Chambre des Députés et le Sénat auraient continué à s’exprimer ensemble, le projet de réforme prévoyait l’insertion de la formule suivante : « la fonction législative est exercée par les deux Chambres [sur un ensemble des thèmes limités parmi lesquelles] «l’actuation de normatives venant de l’Union Européenne ». Il s’agit d’une référence directe à l’UE qui était absente de la version précédente.

D’une manière encore plus explicite et directe, l’article 117 était censé avoir la suivante intégration : « le pouvoir législatif du Parlement italien est exercé par l’Etat central et par les Régions conformément à la Constitution italienne et aux obligations venant de l’Union Européenne» (en italien : « nel rispetto della Costituzione e dei vincoli derivanti dall’ordinamento dell’Unione Europea »). Le texte précédent – c’est-à-dire le texte actuel, la réforme ayant justement échoué – disait « conformément à la Constitution italienne et aux engagements internationaux de l’Italie », donc une référence très générale aux accords internationaux qui n’indiquait aucune « contrainte » spécifique. Or je ne suis pas un juriste, mais il me semble très clair que si cette réforme constitutionnelle avait été approuvée, les normes et les mesures de l’Union Européenne auraient été mises sur le même niveau des lois votées par le Parlement italien car cela serait écrit noir sur blanc dans la Constitution italienne.

Bien sûr, dans le débat publique l’on n’a pas touché directement ces points en particulier (bien au contraire, les promoteurs du référendum ont insisté sur le caractère strictement « italien », « national » de la réforme) mais justement grâce à la « personnalisation » de la consultation populaire, à laquelle j’ai fait référence précédemment, il a été possible de rassembler dans ce 59% de « non » les opposants à la réforme dans son ensemble, les mécontents du gouvernement Renzi, mais aussi les « eurosceptiques », c’est-à-dire ceux qui comprenaient que la réforme était aussi une ultérieure cession de souveraineté nationale.  

Or comment est-ce qu’on peut interpréter ce résultat italien sur le fond des événements récents de 2016 ?

S’il ne faut pas surévaluer ce résultat (n’étant pas un referendum sur l’Union Européenne), il ne fait pas de doute que la victoire du « non » en Italie s’insère dans le cadre de cette « révolte contre les élites » en cours dans tout l’Occident, dont les signes plus évident en 2016 ont été le Brexit, la victoire de Donald Trump, et en général la montée de ce qu’on appelle couramment « les forces populistes ». Il y a du moins trois thèmes en commun parmi les différents contextes: le premier, c’est l’opposition à l’immigration massive et le sursaut identitaire des peuples européens face à un phénomène de plus en plus difficile à gérer; le deuxième, c’est la méfiance à l’égard du modèle politico-économique dominant avec une croissance de la perspective « souverainiste », prônant un renforcement des Etat nationaux aussi bien sur le plan institutionnel (les processus décisionnels des organismes supranationaux étant mis sous question) que sur le plan économique, avec un retour d’idées plus ou moins « protectionnistes » ; troisièmement, la croissance d’un sentiment de révolte contre l’hégémonie culturelle du post-modernisme au nom des valeurs traditionnels (famille homme-femme, subsidiarité, sens de la communauté contre l’individualisme libérale).

Toutes ces positions ont aussi en commun la délégitimation totale, le discrédit publique que la plupart des médias leur a réservé. La campagne contre le Brexit au Royaume-Uni, la campagne contre Donald Trump et précédemment celle contre la Manif pour Tous ici en France ont été marquées par un discrédit total qui manifeste un appauvrissement de la culture politique générale, un nivèlement du débat publique au nom d’un progressisme qui n’admet pas de critiques. On peut affirmer que les grandes cultures politiques du XX siècle se sont égarées dans une amalgame postmoderne qui est à la fois floue dans ses contenus et agressive dans la déqualification des adversaires.

La culture de gauche  postsocialiste, par exemple, a de fait abandonné sa prétention de représenter les classes défavorisées, à cause aussi d’une certaine incapacité culturelle d’interpréter la complexité du contexte socio-économique de la globalisation, où le malaise social est transversal et l’on ne peut plus lire la réalité avec la catégorie quelque peu simpliste da la lutte de classe. Avec très peu d’exception la gauche a replié son activité sur les droits de l’homme, plus précisément sur les nouveaux présumés droits des minorités.

La culture libérale classique, quant à elle, a connue aussi une mutation intérieure, en perdant complètement sa connotation conservatrice. Dans la tradition libérale (et tout particulièrement dans le libéralisme anglo-saxon, qui représente peut-être le libéralisme par antonomase), le concept de liberté avait été toujours envisagé sous la forme de liberté économique, de soutien à l’esprit d’initiative privé contre le pouvoir excessif de l’Etat, mais cela n’impliquait aucunement une vision « libertaire » de la société dans son ensemble. Bien au contraire, si l’on pense aux derniers représentants politique de ce libéralisme anglo-saxon, Margaret Thatcher et Ronald Reagan, leur libéralisme économique s’accompagnait pour ainsi dire à une « vision musclée » de la société, à un certain conservatisme éthique.

À la suite de cette mutation, les partis de gauche et les partis libéraux participent aujourd’hui de ce nivèlement de la culture politique tournant autour des mêmes axes : le mythe du « migrant » (portes ouvertes à tout le monde en Europe), le mythe de l’égalité contre nature (mariage et adoption d’enfants pour les couples du même sexe) ; le mythe néo-panthéiste de l’écologie (défense des « droits » des animaux comme s’ils étaient des êtres rationnels et catastrophisme environnementaliste).

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Cette convergence entre libéralisme et gauchisme représente justement le point d’arrivé d’une mentalité  qui accuse de populisme toute forme d’opposition, et que je n’hésiterais pas à définir « néo-bolchevique ». Je dis cela avec référence directe à l’histoire du XXème siècle : en tant qu’historien spécialisé sur la Russie, j’ai eu occasion de consulter pas mal de sources, de témoignages littéraires et journalistiques de l’époque de la Révolution d’Octobre. Le volet le plus caractéristique de la mentalité révolutionnaire, c’était justement la déqualification totale de l’adversaire : les bolcheviques parlaient d’une « culture bourgeois » à détruire avec le même mépris avec lequel le discours officiel dit « modéré » jette son discrédit sur le « populisme ».

Si l’on devait résumer cette mentalité, peut-être rien ne la représente mieux qu’une phrase du Président sortant Barack Obama, prononcée en 2014 pendant la crise ukrainienne et répétée maintes fois dans les années suivantes. Pour critiquer la politique de Moscou, M. Obama avait affirmé que la Russie est « sur le mauvais côté de l’histoire » (Russia is on the wrong side of history). Cette esprit est la codification verbale de la polarisation absolue typique chez la mentalité bolchevique : nous, les porteurs du progrès, définissons le bien. Vous, les autres, n’avez pas droit de citoyenneté justement parce que vos positions se situent sur le mauvais côté de l’histoire. L’opposition massive à cet état d’esprit, légitimée par le vote démocratique, n’est pas seulement un retour des peuples sur la scène européenne mais constitue aussi un retour du politique, un enrichissement du débat publique dans chaque pays.

Néanmoins, rien ne serait plus erronée que de s’appuyer sur une vision manichéenne de la réalité, qui en fait ne serait qu’une reproduction du schématisme que je viens de critiquer. Comme le disait Joseph de Maistre, « une contre- révolution ne doit pas être une révolution contraire, mais le contraire d’une révolution ». Si donc la vision révolutionnaire et « néo-bolchevique » contemporaine se base sur la division entre noir et blanc, il ne faut pas céder à la tentation complotiste de voir un projet compact e coordonné de « nouvel ordre mondial » mis en question par un front souverainiste également unitaire qui dans chaque Pays européen partagerait les mêmes buts (immigration, économie, repositionnement géopolitique à l’égard de la Russie et des Etats-Unis, thèmes éthiques, etc.)

Bien au contraire, revenir à une perspective nationale et souveraine signifie aussi s’attendre à une rivalité ouverte entre nations, surtout sur le plan géopolitique. Par exemple, en Europe Orientale les pays du Groupe Visegrad – Pologne, Hongrie, République Tchèque, Slovaquie – sont aujourd’hui les plus critiques à l’égard de l’immigration massive et de l’idéologie du gendre promue par l’UE, mais aussi les plus étroits alliés des Etats-Unis et les plus méfiants à l’égard de la Russie. Cela démontre qu’on peut s’opposer durement à l’Union Européenne sur des sujets fondamentaux - sans pour autant prôner une vision géopolitique différente. Par ailleurs, pas mal de problèmes qui affectent le Proche-Orient sont le résultat d’une rivalité structurelle entre les Pays européens dans l’échiquier méditerranéen, par exemple entre la France et l’Italie en Lybie. L’éventuelle montée au pouvoir de forces souverainistes dans ces Pays n’annulerait pas cette rivalité. Si l’ennemi globaliste semble rassembler les peuples d'Europe dans un front commun, sur les thèmes concrets leurs choix et leur priorités vont être différents lors de la prise du pouvoir des forces souveranistes.

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Mesdames et Messieurs,

le 2017 va donc s’ouvrir sous le signe de la lutte. Les résultats les plus importants de ces derniers événements de 2016 – Brexit, Trump et la montée du souverainisme dans chaque pays – démontrent à mon avis que dans l’histoire rien n’est inéluctable, mais aussi que le travail est tout à faire. A cet égard j’aimerais bien conclure avec un exemple historique auquel je tiens beaucoup.

En 303 après Jésus Christ, l’empereur Dioclétien commençait la plus féroce persécution antichrétienne de l’histoire de l’Empire romain: recherchés, torturés, « jetés aux lions », les chrétiens étaient réduits à une petit groupuscule agonisant entre les années 303 et 305. Sans aucun doute, n’importe quel observateur contemporain de ces faits aurait dit que le christianisme n’était qu’une secte en cours de disparition et que l’Empire romain païen, tout en étant affligé par des tendances centrifuges, allait continuer à exister. Peut-être l’extinction des chrétiens aurait-elle été prévue par cet hypothétique observateur des événements du 303-305 avec la même certitude (voire avec un certitude supérieure) avec laquelle on nous a dit dans les années passées que l’idée de sortir de l’euro et de l’UE était quelque chose de complètement "anti-historique", un véritable tabou qu’une personne cultivée ne devrait même pas poser.

Mais voilà que dix ans après, en 313, un nouvel empereur, Constantin le Grand, renverse la situation – pour des raisons qui encore aujourd’hui n’ont pas été totalement décryptées – avec son Edit de Milan qui finalement  octroie la liberté religieuse pour les Chrétiens. Ce geste, que personne n’avait prévu ni pouvait absolument prévoir, est le point de départ d’un changement extraordinaire : de ce moment-là, les chrétiens augmentent de nombre, leur credo se répand dans toutes le couches de la société et après un siècle et demi l’Empire romain n’existe plus mais une nouvelle civilisation, qui à la fois est héritière de cet Empire et en rupture avec elle, va naitre sous le signe de la Croix et de l’Aigle Romaine. Toute l’histoire de la civilisation européenne aurait été complètement différente sans la détermination acharnée de ces chrétiens persécutés, qui n’ont jamais cessé de lutter et résister lorsque aucun espoir de victoire était prévisible, et qui ont bénéficié de l’Edit de Constantin juste au moment où cela était totalement inattendu.

Je pense en conclusion que ce fin 2016 représente une invitation à revenir un peu à cet « esprit constantinien », c’est-à-dire à une attitude qui se nourrit de confiante clairvoyance dans l’attente du futur et  en même temps de persévérance dans le combat à l’heure présente. En gardant bien sûr un esprit analytique et sans aucun fanatisme, les surprises de 2016 nous autorisent à hisser pour la nouvelle année cet esprit constantinien contre la présomption de croire qu’il y a un « bon coté de l’histoire », opposé au mauvais où nous serions plongés, vers lequel le coryphées du progrès de l’humanité – les bolcheviques d’hier et d’aujourd’hui – prétendent nous conduire.   

 

Saudi Arabia's doctrine of global Islamist terror

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Saudi Arabia's doctrine of global Islamist terror 

Much has been remarked about a picture taken by United States President Donald Trump on his recent visit to the Kingdom of Saudi Arabia. Alongside Trump, are the monarch of the Saudi state, King Salman bin Abdulaziz Al Saud and the Egyptian president, Abdel Fattah el-Sisi. All three men were captured placing their hands on a luminescent sphere. In the dimmed surroundings, the contrast between the set of glistening supraorbital ridges and pallid glow of fleshy cheeks on the one hand and the darkened, seemingly sunken eye sockets on the other produced an effect on each man's countenance that was both striking and startling.

If it reminded some of a pagan rite in which the participants were attempting to summon the forces of darkness, such an analogy would not be misplaced for it is an image which evokes the nature of the unholy alliance between the United States and the kingdom. Further, the fact that the event was held at an establishment which the Saudis name the 'Global Center for Combating Extremist Ideology' also captures the diabolical cynicism of the Saudi state whose Wahhabi ideology is the underpinning factor of the phenomenon of global jihadism. This puritan mutation of Islam serves as the inspiration for a network of extremist Sunni terror militias that includes al-Qaeda, the so-called Islamic State, Jabhat al-Nusra and Boko Haram.

The age-long rivalries and ancient hatreds which inform Saudi foreign policy; namely those related to regimes reflecting secular nationalist and pan-Arabist thinking as well as to Persian-majority Iran, the bastion of Shiadom, have produced a situation in which Saudi Arabian geo-political objectives coalesce with those of the United States and Israel. This has meant that the Saudis have been involved in both covert and overt efforts aimed at destabilisation and balkanisation in the Middle East and North African area and beyond; a central tactic that has involved the use of Wahhabist terror groups.

The rulers of Saudi Arabia, the oil rich kingdom situated on the Arabian peninsula, have for long seen themselves as being far more than the custodians of the holy relics of Islam. They have sought to be the undisputed leaders of the Arab and Muslim world; in the past battling with the secular, pan-Arab philosophy espoused by Gamal Abdel Nasser for the heart and soul of the Arab world, and, in more recent times, contending with Shi'ite Iran for regional influence.

However, this global scale reach for power and influence over a period of many decades has resulted in a state of affairs in regard to which the following inexorable conclusion cannot be avoided: that Saudi Arabia bears the greatest responsibility for the spread of militant Islamic ideology and remains the largest sponsor of Islamist terror groups.

A leaked email written by Hillary Clinton in January 2016 included an excerpt from a private speech she had made in 2013 in which she acknowledged that "the Saudis have exported more extreme ideology than any other place on earth over the course of the last 30 years." And a classified 2009 cable signed by Clinton while serving as US Secretary of State admitted that "Donors in Saudi Arabia constitute the most significant source of funding to Sunni terrorist groups worldwide."

In July of 2013, the European Parliament identified Wahhabism, the governing doctrine of Saudi Arabia, to be the main source of global terrorism.

The Wahhabist strain of Islamic theology lies at the heart of the creation of the Saudi state. Based on a demand that Muslims return to the pure and austere faith practiced by Prophet Muhammad and his early companions in Medina, Wahhabist-thinking rejected practices such as consuming tobacco, wearing silk clothes, the adorning of gold jewelry by men, and dancing to music. It forbade the building of gravestones and mausoleums or other edifices or practices which were viewed as encouraging idol and ancestor-worship; all of which detracted from complete subservience to God. It also considered the culture and philosophy accumulated by a thousand years of Muslim civilization to be heretical. This is known in Islamic parlance as Bid'ah.

The original followers of Ibn Abdel Wahhab were Bedouin folk who felt pride in an uncomplicated puritan mode of living which stood in satisfying contrast, as they saw it, to the decadent influences which permeated the practice of Islam among the more 'sophisticated' city dwellers in places such as Mecca and Basra. It was also a reaction against the opulent lifestyles of the Egyptian and Ottoman nobility.

The Wahhabist gospel preached a merciless creed of proselytizing via the sword. The takfiri doctrine designated as infidels not only those who were non-Muslim, but also Muslim adherents to the Shia and Sufi sects, and even Sunnis who did not fulfil to the letter, Wahhab's teachings. Those who did not adhere to his teachings effectively forfeited their right to their lives and to their property. He wrote the following:
Those who would not conform to this view should be killed, their wives and daughters violated, and their possessions confiscated
The relationship between the Sauds, a Bedouin clan, and Wahhabism go back to their antecedent Muhammad al Saud, a chieftain from the Nedj, a highland area of central Arabia. Al Saud combined his military prowess with the fervour engendered by Wahhbist thinking to create what is often referred to as the first Saudi state. Among his conquests were Mecca and Medina. The Shi'ite city of Karbala was also invaded and desecrated.

The license given to pillage outlying communities was an aspect of the Wahhabi doctrine which wedded with Bedouin culture. Saud showed no mercy as he went on to establish what came to be known as the Emirate of Diriyah until his defeat in 1818 by an Egyptian Expeditionary force sent by the Ottoman rulers who took him to Istanbul where he was beheaded in front of St. Sophia. His severed head was thrown into the Bosphorus.

However, the early part of the 20th century saw the beginning of the rise of another Saudi state under a young chief of the Saud clan named Abdelaziz. Utilising the services of a Bedouin cadre of pastoralised warriors known as the Ikhwan, Saud began a series of conquests over a period of several decades which covered much of the Arabian peninsula. The survivors of Ikhwan conquest were subjected to a political and social regime which strictly enforced the tenets of Wahhabism. Saudi expansion was limited largely by the colonial presence of the British who aided Abdelaziz in destroying the Ikhwan, elements of whom rebelled against what they saw as Abdelaziz's compromises with European infidels and the encroaching modern world fuelled by the discovery oil and its attendant wealth.

That is the history through which one can comprehend the motivation of groups such as Islamic State in destroying Roman architecture in Palmyra and of Boko Haram putting whole communities to death. Both groups have outraged the world with their treatment of females who have been subjected to concubinage and forced marriages; acts which amount to mass rape. Hostility to modern culture and its underpinning ideas are reflected in the name Boko Haram, a faux amis which stands for "Western education is a sin". It was given by Hausa-speaking residents of the area of north-eastern Nigeria from where the group originated.
 

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But how did the Wahhabist creed expand beyond the Arabian peninsula after the fall of the Ikhwan and the halt of the military advances of the clan of al Saud?

There are arguably two pivotal events which shaped the beginnings of what we now understand to be global jihadism. One concerns an anti-House of Saud insurrection in 1979, which is known as the 'Siege of Mecca'. It was led by a descendant of a prominent member of the Ikhwan. The other is the role played by Saudi Arabia as part of the anti-Soviet alliance in Afghanistan in the 1980s.
On November 20th 1979, the first day of a new Muslim century, hundreds of gunmen led by a preacher by the name of Juhaymon al-Otaybi seized control of the Grand Mosque in the holy city of Mecca. Otaybi declared that the Mahdi or "redeemer of Islam" had arrived in the form of one Mohammed Abdullah al-Qahtani.

Otaybi and his group of insurgents had the objective of overthrowing the House of Saud on the grounds that the rulers of the Saudi state had compromised the strict tenets of the Wahhabi creed which had been central to the formation of the country. They called for the expulsion of Westerners, the abolition of television and the ending of education for women. The siege lasted for two weeks. After obtaining the blessing of Wahhabi clerics, the Saudis used a detachment of French special forces to enter the Grand Mosque and flush out the rebels.

But it all came at a price. Following consultations with the class of influential fundamentalist clerics, many of whom agreed with the grievances of the rebels, the Saudis set about 'correcting' those areas where 'liberalisation' had strayed beyond acceptable limits including the media and the school curriculum. The clerics also extracted from the Saudis a commitment to pumping money into the coffers of Sunni missionary organisations with the objective of spreading the Wahhabist doctrine in Islamic universities and madrassas around the Muslim world. It is a policy which became institutionalised and continues to this day.

The Soviet invasion of Afghanistan, occurring like the siege of Mecca in 1979, was the second critical event. The outrage felt by the Muslim world included the declaration of a fatwa by Abdelaziz Bin Baz, who later became the Grand Mufti of Saudi Arabia. The rulers of Saudi Arabia then became involved with 'Operation Cyclone', one of the longest and most expensive covert operations undertaken by the American Central Intelligence Agency (CIA).

Masterminded by Zbigniew Brzezinski, the US National Security Advisor during the administration of President Jimmy Carter, the Saudis provided a large amount of funding for the local Mujahideen as well as the bands of non-Afghan jihadis who flocked in from parts of the Muslim world. Among the multi-ethnic force of migrant warriors, the so-called 'Afghan Arabs', was a young, wealthy Saudi Arabian named Osama bin Laden.

It is from this endeavour overseen by the Americans and heavily funded by the Saudis that the rise of al Qaeda and global jihadism can be traced. The template of Operation Cyclone would be used by the Americans with the aid of the Saudis in future conflicts ranging from the one in Bosnia and Kosovo to the present insurrection in Syria. While funding has come from state and private sources among the Gulf states including Qatar, a country with which the Saudis have a rivalry over dominance in the Sunni world, it is safe to assume that the bulk of financing has come from Saudi sources.

A well-worn method of funnelling money and weapons to jihadist causes is through a network of Saudi-sponsored 'charities'. It is estimated that the Saudis funded the Bosnian Mujahideen to the tune of approximately $150 million from both state and private sources. The Saudi government was reputed to be the largest donor to the Third World Relief Agency (TWRA), which served as a conduit for both finance and arms for the Mujahideen, an arrangement which broke an arms embargo.

Saudi funding for militant Islamist groups continued into the era of the so-called war on terror commenced after the September 11 attacks on American soil by what were claimed to be al-Qaeda cells. Most of the alleged 19 hijackers were identified as Saudi citizens although confusion over the identity of a number of them persists until this day.

While the United States claimed that it would wage war against Sunni Islamist groups of the sort that are claimed to have carried out the terror attacks in the name of al-Qaeda, this has not prevented it from utilizing such groups in attempting to overthrow secular Arab governments who have stood in opposition to American policy. This has invariably been pursued with the help of Saudi Arabia.
The administration of President George Bush recalibrated its policy in providing support to Sunni militant groups in achieving the end of overthrowing the Alawite-dominated government of Syria, with the Saudis playing a key role. Writing about this 're-direction' in the March 2007 edition of the New Yorker magazine, Seymour Hersh gave the following explanation of how Washington would put pressure on Hezbollah through the use of militant Lebanese Sunni groups:
In Lebanon, the Administration has cooperated with Saudi Arabia's government, which is Sunni, in clandestine operations that are intended to weaken Hezbollah, the Shi'ite organisation that is backed by Iran. The US has also taken part in clandestine operations aimed at Iran and its ally Syria. A by-product of these activities has been the bolstering of Sunni extremist groups that espouse a militant vision of Islam and are hostile to America and sympathetic to al-Qaeda.
Four years later, this strategy would be taken to another level on Syrian soil under cover of the so-called 'Arab Spring'. The introduction of armed jihadist mercenaries to act in concert with homegrown anti-Assad militias, the majority of which have a jihadist agenda, has produced an insurgency which has caused the deaths of hundreds of thousands and left millions internally and externally displaced.

The Saudis have continued to feature in exposes relating to the funding of these rebels. For instance, the British Daily Telegraph edition of March 8th 2013 reported an airlift of arms through Zagreb destined for Syrian rebels. According to the report, "the shipments were allegedly paid for by Saudi Arabia at the bidding of the United States, with assistance on supplying the weapons organised through Turkey and Jordan, Syria's neighbours."
 

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An earlier report in the New York Times of 25 February 2013 headlined "Saudis Step Up Help for Rebels in Syria With Croatian Arms" was more definitive about Saudi involvement:
Saudi Arabia has financed a large purchase of infantry weapons from Croatia and quietly funneled them to antigovernment fighters in Syria in a drive to break the bloody stalemate that has allowed President Bashar al-Assad to cling to power, according to American and Western officials familiar with the purchases
This was not an isolated episode. In addition to the aforementioned leaked emails of Hillary Clinton, in another communication dated in 2014, Clinton cited Western intelligence sources as asserting that United States allies Saudi Arabia and Qatar supported ISIS. She wrote:
We need to use our diplomatic and more traditional intelligence assets to bring pressure on the governments of Qatar and Saudi Arabia, which are providing clandestine financial and logistical support to ISIL and other radical Sunni groups in the region
But Clinton is not the only senior American political figure to have alluded to Saudi financing of the terror militias in Syria. Referring to "our allies in the region" in regard to which he specifically mentioned "the Saudis", the then serving US Vice President Joe Biden, in a speech at the John Kennedy School of Government at Harvard University in October 2014, revealed the following:
They were so determined to take down Assad and essentially have a proxy Sunni-Shia war. What did they do? They poured hundreds of millions dollars and thousands of tons of weapons into anyone who would fight against Assad. Except that the people who were being supplied were al-Nusra and al-Qaeda and the extremist elements of jihadis coming from other parts of the world
The Saudis have also not been averse to directing the machineries of internal control to serve as instruments of state terror as relates to the actions taken against Shia dissenters in Qatif, a governorate within the largely Shia eastern province. Its military have also undertaken brutal interventions in neighbouring countries. It invaded Shia-majority Bahrain in 2011 to suppress demonstrations by those opposed to the rule of the Sunni al-Khalifa family.

The actions of the Saudi military in its current intervention in Yemen -albeit as part of a coalition of Arab and African states- is not premised as an operation of benevolent peacekeeping. While fighting against the Shia Houthi rebels, who Saudi Arabia claim -without providing evidence- are being aided by Iran, the Saudi military has implemented a campaign of terror directed at the civilian population. This has included airstrikes on residential complexes and market places as well as the deliberate destruction of infrastructure: health centres, farms and agricultural industry.

These all amount to war crimes. The Saudis are signatories to the additional protocol of the Geneva Conventions of August 1949 which provides the following:
It is prohibited to attack, destroy, remove or render useless objects indispensable to the survival of the civilian population such as foodstuffs, crops, livestock...for the specific purpose of denying them for their sustenance value to the civilian population...whatever the motive...
Saudi actions have led to what a top United Nations relief official described as a "humanitarian catastrophe". A United Nations News Service report in July 2015 noted that eighty percent of the total Yemeni population of 26 million were in need of some form of humanitarian assistance. The threat of long-term famine is a real one.

It is important to note that the Saudi role in fomenting terrorism by waging proxy wars or interventionist wars of the sort that Yemen is, has continually been facilitated by Western powers, most notably Britain and the United States. British arms supplies and British military advisers are key components in this war. Both the CIA and MI6 were central in facilitating the transaction involving the previously mentioned airlift of arms from Zagreb to Syrian rebels in their efforts to overthrow Assad; an endeavour which according to Roland Dumas, a former French foreign minister was planned years in advance, with key input by Britain.

Saudi collusion with Nato powers fits into the historical context of Western use of militant Islam in the furtherance of geo-political objectives. Both the United States and Britain have had an enduring relationship with extremist Islamist movements and militias including the Egyptian-originated Muslim Brotherhood. For the Americans, this goes back to at least the time of the Eisenhower administration in the 1950s while Britain's relations with the Brotherhood go further back in time to the period following its creation in the late 1920s.

Britain's specific relationship with the ruling House of Saud has been a long-lasting one. In the early part of the 20th century, the resurgent Saudi emirate was used by the British as a means of weakening Ottoman power in the Arabian Peninsula despite Winston Churchill's misgivings about Ibn Saud's followers being "bloodthirsty" and "intolerant". The logic that Saudi Arabia is a worthy ally because of its oil wealth and geo-strategic position is one which underpins its relations with Britain.
 
This also applies to the United States. The assessment by British policymakers in 1947 of Saudi oil as "a vital prize for any power interested in world influence or domination" captures the essence of America's ties with the Saudi kingdom.

The relationship between both nations, one self-avowedly democratic and republican and the other an absolute monarchy, steeped in medieval-era feudalism, is one which is riddled with contradiction and hypocrisy.
 

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At its heart is the supply of Saudi oil which President Franklin Roosevelt explained would be the determining factor in shaping the alliance. It is one which is predicated on a series of Faustian-like bargains. In 1971, with the aim of propping up the faltering dollar after taking the United States off the gold standard, President Richard Nixon negotiated a deal whereby the United States would guarantee to militarily protect the Saudis in return for the Saudis guaranteeing the sale of the oil they produce in US dollars. The aim of this pact is to assure the survivability of the US dollar as the world's dominant reserve currency.

The relationship has evolved to encompass collusion in the arming and training of jihadi militias pursuant to each country's hegemonic objectives: for the Americans global economic and military dominance and for the Saudis, dominance in the Arab and Muslim world.

The question of terrorism has at various junctures served to complicate Saudi relations with both America and Britain. For instance, in 2016, the Saudis threatened to dump billions of United States assets in retribution if a bill by American lawmakers holding Saudi Arabia responsible for the September 11th terror attacks was passed. It stemmed from the revelation that 28 pages had been redacted from a report on the atrocity.

In the case of Britain, a long-term supplier of arms and who like the Americans have played a key part in training the National Guard, the issue arose when the Saudis threatened to withdraw from security cooperation with British intelligence agencies over a decision by the Serious Fraud Office (SFO) to commence an investigation into allegations of bribery involving members of the Saudi royal family and government officials in an arms deal between BAE Systems and the Saudi government.

After pressure from the highest levels of the government of Tony Blair, the investigation was discontinued. A subsequent judicial review by the highest court in Britain accepted the argument by the government that the threat issued by the Saudis, which the British government claimed would have led to an increased threat of terrorism in Britain was a relevant consideration to be taken into account by the head of the SFO in making the decision to abort the investigation.

Court papers revealed that the rulers of Saudi Arabia had threatened to make it easier to attack London unless the inquiry was stopped. Secret files described how investigators were told that Britain would be faced with "another 7/7" and the loss of "British lives on British streets" if the investigation was not discontinued. The threats to withhold information related to potential suicide bombers and terrorists were claimed to have been made by Prince Bandar, when head of the Saudi National Security Council, on a visit to London in December of 2006.

The irony was that Tony Blair, to whom Bandar must have voiced such threats, had five years earlier described Saudi Arabia as "a good friend in the international coalition against terrorism".

This hypocritical disconnect from reality has for long typified the Western relationship with the Saudis. Blair's predecessor, Margaret Thatcher once claimed that the Saudis "never used arms irresponsibly"; a statement which jars today given the use of British-supplied arms by the Saudi military in the present conflict in Yemen. Thatcher's 1981 declaration that "the hearts of the free world" were with the Afghan Mujahideen must also rankle those aware of the mutation of several of its component parts into al-Qaeda and the Taliban.

The frequent claims by contemporary British and American political and military leaders that Iran is the "the world's biggest sponsor of terrorism" does not stand to scrutiny. All the major acts of terror carried out in the West in the name of Islam have emanated from Sunni and not Shia militants. It is a bias which extends to criticisms leveled at Iran's electoral process while Western politicians say little or nothing about the lack of democratic institutions in Saudi society.

Saudi Arabia's quest for dominance in the Muslim and Arab world is not based on spreading enlightened values. There are no features in its society which would for instance encourage movements designed to develop civil society or the intellectual critique of episodes in Muslim and Arab history as pertain to the issues of slavery and genocide. Its human rights failings are well documented and the problems of discrimination in relation to the ceiling faced by female, Shia and black Saudi citizens remain largely unaddressed.

It is clear that the "shared interests and values" claimed by Donald Trump on his recent visit to Saudi Arabia to be at the basis of the partnership between the Americans and the Saudis are not predicated on what could be termed universal moral and ethical standards of behaviour. It is a partnership which is primarily based on the determined acquisition of power and domination which has been guided by an ends justifies the means ethos.

This in the final analysis is the reason why Saudi Arabia, with the complicity of its Western backers, will not escape history's judgement as the greatest purveyor of fundamentalist-based Islamic terror.

Un pequeño gigante: el peso de Catar en el juego geopolítico

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Un pequeño gigante: el peso de Catar en el juego geopolítico

El cisma diplomático entre Catar y sus vecinos ha puesto al descubierto las profundas diferencias existentes entre las monarquías del golfo Pérsico. No obstante, Catar es hoy el mayor productor de gas natural licuado del mundo, cuenta con uno de los mayores índices de PIB per cápita y acoge la mayor base militar estadounidense en Oriente Próximo.

 
El conflicto entre Doha y otras naciones vecinas se desató después de que la agencia de noticias catarí QNA difundiera unas declaraciones atribuidas al emir de Catar, en las que se mostraba a favor de normalizar las relaciones con Irán, país chií, y el mayor contrincante de Arabia Saudí en la región.

En este contexto, el peso geopolítico de Catar es difícil de subestimar. Con una población de cerca de 2 millones de personas —de las cuales solo 270.000 tiene la nacionalidad catarí—, el pequeño emirato cuenta con uno de los mayores índices de PIB per cápita del mundo, superando a países como Suiza, Singapur o EEUU.

Catar acoge además la base aérea estadounidense de Al Udeid, ubicada a tan solo 32 kilómetros al suroeste de Doha, la capital del emirato. Esta base es también la sede del Comando Central de las Fuerzas Aéreas de los Estados Unidos (AFCENT) y del Grupo Expedicionario 83 de la Fuerza Aérea de Reino Unido, que cubren y supervisan las operaciones de ambos países en todo Oriente Próximo.

En términos económicos, el pequeño emirato destaca por ser el mayor productor y exportador de gas natural licuado (GNL) del mundo. Según las últimas estimaciones del Grupo Internacional de Importadores de GNL, Doha es responsable de cerca del 30% de la producción global y tiene a países como Japón, Corea del Sur, India, China o Reino Unido entre sus principales clientes.

La japonesa JERA Co. —la mayor importadora de GNL a nivel mundial— informó de que había recibido una notificación de la productora Qatargas en la que se aseguraba que las fricciones diplomáticas con sus vecinos no tendrán impacto alguno en los suministros de gas.

En abril de 2017, Catar suspendió el desarrollo del que iba a ser el campo de extracción de gas natural más grande del mundo, en previsión de un aumento de la competencia en el futuro. El mercado del gas natural está pasando por un período de grandes transformaciones provocadas por el incremento de la oferta, sobre todo la proveniente de EEUU y Australia, donde se ha desarrollado toda una industria de extracción mediante la fracturación hidráulica —'fracking', en inglés—.

Para diversificar los ingresos del país y gestionar el superávit generado por la extracción de hidrocarburos, el emir de Catar, Tamim bin Hamad Thani, fundó en 2005 Qatar Investment Authority (QIA), que con el tiempo se convirtió en uno de los mayores fondos soberanos de inversión del mundo. Sus activos suman un valor estimado de 335.000 millones de dólares.

El abanico de inversiones de QIA por todo el mundo es bastante amplio, con participaciones significativas en gigantes que van desde Volkswagen, Rosneft, Barclays, Credit Suisse y Deutsche Bank hasta Valentino Fashion Group y Tiffany, entre otros. Además, posee el 100% del actual campeón de la liga francesa, el club de fútbol París Saint-Germain, algo que ha convertido a esta entidad en la más rica de Francia y una de las más ricas del mundo.

De hecho, a finales de 2010, Catar fue elegido como país anfitrión del campeonato mundial de fútbol de 2022. Entre sus rivales para acoger el certamen se encontraban naciones como Australia, EEUU, Corea del Sur y Japón. Desde entonces, el pequeño emirato ha invertido unos 200.000 millones de dólares en mejorar sus infraestructuras.

Otro de los recursos con los que cuenta el país es la emisora Al Jazeera, que llega a más de 270 millones de hogares y es la mayor cadena de noticias del mundo árabe. Además, la compañía de transporte aéreo Qatar Airways, con una flota de más de 100 aviones y con rutas a un centenar de destinos, ha sido considerada la segunda mejor aerolínea de 2016 en los premios Skytrax World Airline.

La caída de precios de los hidrocarburos y de sus bonos soberanos tras la ruptura con sus vecinos seguramente provocará que el país tenga que gastar más a la hora de financiarse, algo que podría ralentizar la ejecución de diversos proyectos.

Dado que los diferentes Estados del golfo Pérsico dependen básicamente de las exportaciones de petróleo y gas, apenas tienen relaciones comerciales o de inversión entre sí. Por lo tanto, las disputas difícilmente tengan un gran impacto para Doha. Emiratos Árabes Unidos es el mayor socio comercial de Catar en la región, pero solo el quinto más importante a nivel global.

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Pourquoi la rupture entre le Qatar et l'Arabie saoudite?

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Pourquoi la rupture entre le Qatar et l'Arabie saoudite?

par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Plutôt que de rupture, certains parleront de début de rupture. Mais cet événement, publiquement annoncé le 5 juin, est si surprenant qu'il mérite quelques tentatives d'éclaircissement.
 
Jusqu'ici l'Emirat du Qatar et le Royaume saoudien paraissaient partager suffisamment d'intérêts pour faire cause commune dans les évènements qui continuent à bouleverser le Moyen-Orient. Certes leurs intérêts n'excluaient pas rivalités et divergences, mais dans l'ensemble ils avaient présenté un front uni.

Néanmoins, le 5 juin, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont rompu leurs relations avec l'émirat, l'accusant de déstabiliser la région et de soutenir le « terrorisme ». Bahreïn, ainsi que l'Egypte, très dépendante des financements saoudiens, ont suivi. Le Qatar a également été exclu de la coalition militaire arabe qui intervient depuis deux ans au Yémen, sous commandement saoudien. Proches de Riyad, le gouvernement yéménite en exil de Abd Rabbo Mansour Hadi et celui de l'est de la Libye, basé à Baïda, ont pris la même position.

C'est la plus grave crise frappant le Conseil de coopération du Golfe (CCG : Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar), depuis sa création en 1981. La raison de cette brouille sont des déclarations attribuées par l'agence de presse qatarie, QNA, à Tamim Ben Hamad Al-Thani, émir du Qatar depuis 2013, qualifiant l'Iran de « puissance islamique régionale qui ne peut pas être ignorée », et conférant le statut de « mouvements de résistance légitimes » au Hamas, ainsi qu'au Hezbollah.

Ces propos ont été considérés par Riyad comme une trahison alors que quelques jours auparavant, au sommet rassemblant une cinquantaine de pays arabes, Donald Trump avait annoncé renoncer à toute ouverture à l'égard de l'Iran, tenant même des propos paraissant inciter les pays arabes à des actions militaires contre ce dernier. L'Arabie saoudite qui considère par ailleurs le Hezbollah et le Hamas comme des organisations terroristes, a toujours vu avec hostilité la proximité du Qatar avec eux.

Il est certain que le Qatar héberge des représentants du Hamas, comme Khaled Mechaal, ex-chef de son bureau politique. De même, il s'est toujours comporté en soutien financier et diplomatique des Frères musulmans. Ce qui demeure de la confrérie entretient des liens multiples avec des mouvements terroristes désormais considérés, notamment en Égypte, comme multipliant les agressions contre les forces du régime d'Al Sissi.

L'Arabie saoudite et les Emirats redoutent par ailleurs l'influence des islamistes actifs au Qatar sur leur opinion publique et celles des pays occidentaux. Ceci d'autant plus que Doha, très riche capitale du Qatar, a accepté de communiquer avec les talibans afghans, ainsi qu'avec les djihadistes syriens du Front Al-Nosra.

Le Qatar a rejeté les déclarations prêtées à son émir, affirmant qu'elles avaient été fabriquées de toutes pièces, à la suite du piratage de son agence de presse. Mais sans effets. Les accusations les plus variées ont été proférées, qualifiant le Qatar d'agent de l'Iran, de pyromane, de traitre aux deux visages. On a prétendu que Doha soutiendrait les milices houthistes pro-iraniennes au Yémen ou bien les mouvements de protestations chiites dans la province orientale d'Arabie saoudite.

Il est certain que le Qatar éprouve des inquiétudes au regard des campagnes anti-iraniennes encouragées par Rihad et par Donald Trump. La principauté partage en effet avec l'Iran le gisement gazier offshore le plus grand au monde, le South Pars / North Dome, situé à cheval entre les eaux territoriales de l'Iran et du Qatar. Elles partagent aussi les revenus considérables en découlant. Doha ne peut pas se permettre de couper les ponts avec Téhéran.

A l'inverse, confrontée à la rentrée de Téhéran dans le jeu international, la monarchie saoudienne s'effraie de la concurrence en résultant pour elle. De plus, comme Abou Dhabi, elle n'apprécie pas que le Qatar , en concurrence avec Dubaï, au sein des EAU, développe une politique de bonnes relations tapageuses avec l'Occident, et notamment l'Europe et la France faite d'investissements dans le sport, la culture et le divertissement, dont le Mondial 2022, organisé à Doha, doit être le produit phare.

Par ailleurs, le pouvoir saoudien supporte mal l'audience prises dans le monde entier par les médias pro-Qatar, notamment Al-Jazeera. Celle-ci est désormais interdite en Arabie saoudite et aux Emirats.

Unis dans le soutien au terrorisme islamique

Jusqu'où ira la rupture entre Arabie saoudite et Qatar? Moins loin sans doute qu'il ne semble. Les deux pays sont très proches sur deux points. Ils sont tous deux pénétrés par la version la plus extrême de l'Islam, un sunnisme très pénétré de salafisme. Par ailleurs, ouvertement ou plus discrètement, ils n'ont cessé de financer des mouvements et des groupes armés en guerre contre les Etats chiites, le plus éminent étant l'Iran, contre la Russie qui soutient ces derniers et finalement contre l'Occident. Ce sont ces groupes qui ont mené depuis des mois des campagnes d'attentats terroristes dans le monde. Pour les spécialistes de l'anti-terrorisme, il n'est pas possible d'ignorer que l'Arabie et le Qatar ont toujours encouragé, de façon ouverte ou occulte, les mouvements arabes les plus violents.

Ainsi l'Arabie malgré les accusations de terrorisme qu'elle profère à l'égard du Qatar, ne peut faire oublier qu'elle assure, bien plus que que ce dernier, notamment dans les villes européennes, la création de mosquées salafistes peuplées d'imams prêchant la guerre sainte à l'encontre de la « civilisation occidentale ». Il s'agit de lieux où se recrutent dorénavant les candidats aux attentats terroristes comme ceux dont le Royaume uni vient d'être la victime.

Teresa May à Londres vient d'affirmer qu'il serait temps de renoncer à la complaisance vis-à-vis de l'islamisme encouragé par le communautarisme présent en Grande Bretagne. Mais on n'imagine pas que ce pays, comme d'ailleurs les autres Etats européens, renoncent aux pétro-dollars déversés tant par Rihad que par Doha. L'Arabie saoudite et le Qatar resteront donc longtemps unis de facto dans le soutien à l'islamisme et la haine à l'encontre de tout ce qui n'est pas le sunnisme salafiste. Ils continueront aussi à recevoir avec le même faste des chefs d'Etat européens empressés d'obtenir des contrats majestueux. La France ne fait pas exception.

Note.

Les interdictions de survol notifiés à Qatar Airways devraient en principe handicaper les finances de cette Compagnie. Air France ne s'en plaindra pas, ayant souffert depuis quelques années de la conception curieuse de la concurrence qu'imposait ladite Qatar Airways...Il est vrai face à des gouvernements européens qui n'osaient pas réagir.
Pour ceux-ci aujourd'hui, le bon réflexe serait de laisser sans intervenir l'Arabie et le Qatar se battre entre eux. Plus ils se feront de mal, mieux les Européens s'en porteront.

mardi, 06 juin 2017

Un roman monstre : Les Deux Étendards

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Un roman monstre : Les Deux Étendards

par Alexis Martinot

Ex: http://www.zone-critique.com 

Délivré du catholicisme, Michel s’affirme et développe une philosophie nietzschéenne radicale et antichrétienne, tout en restant proche de ses deux amis. L’heure de la séparation entre Régis et Anne-Marie approche et cette décision se révèle absurde pour elle. Régis devient de plus en plus dogmatique et reste ferme à l’égard de son engagement. Anne-Marie découvre qu’elle n’est pas prête pour cette séparation, que cette dernière ne peut venir de la volonté de Dieu, qu’elle va à l’encontre du bon sens amoureux. Influencée par Michel, elle perd sa foi. Elle finit par s’offrir à lui, mais la nostalgie de Régis et de Dieu la rattrape : elle se révèle incapable de trouver sa place dans ce monde désenchanté. Le christianisme est une « drogue » dit-elle : « j’en ai pris une trop forte dose, je ne m’en remettrai jamais. »

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Le crépuscule de Dieu

Sacrifiant son amour et sa plus grande amitié, Régis s’enferme orgueilleusement dans le dogme catholique. Anne-Marie, orpheline de sa foi, sombre dans la débauche et l’avilissement. D’abord mystique, l’évolution de ce personnage révèle l’écart problématique entre une foi sincère et l’organisation de la religion sur terre. Michel trouve la seule issue possible dans le salut par l’art, la création de la grande œuvre. Il symbolise l’individualisme dans ce qu’il a de plus noble, c’est-à-dire la connaissance et le développement de soi. Mais cette réponse élitiste ne s’applique qu’à ceux de « la grande race » dans laquelle il se reconnaît. Le reste des hommes est condamné au désespoir ou à l’aveuglement, en tout cas ce roman annonce la difficulté pour l’homme de notre temps de donner un sens à son existence. Le destin de ces trois personnages illustre le désenchantement du monde et l’impossibilité de croire en Dieu à une époque charnière où il n’était pas tout à fait mort. Si Michel ne nie pas le désir de Dieu de chaque être humain, il constate que les religions ont brouillé le chemin entre l’homme et Dieu en organisant la spiritualité par des dogmes nihilistes, dans le sens où ils nient la nature humaine : « Les hommes ont détruit le sacré, ce pont qui rapproche les hommes au sein du monde. »

Le destin de ces trois personnages illustre le désenchantement du monde et l’impossibilité de croire en Dieu à une époque charnière où il n’était pas tout à fait mort.

La passionnante bataille philosophique qui oppose Michel à Régis, c’est celle de Nietzsche contre les derniers spasmes du catholicisme français. Mais le roman se garde de n’être qu’un vulgaire roman à thèse. Même s’il a été conçu comme « une machine de guerre contre le christianisme », il n’en ressort aucune vérité universelle : les deux idéologies sont le reflet et la continuité logique de la nature des personnages. Régis a ressenti l’appel de Dieu, il peut ainsi s’offrir tout entier, les yeux fermés, au dogme chrétien. Pessimiste, en quête de réponses et vierge de tout appel divin, Michel se plonge dans la littérature chrétienne, il en dégage les incohérences et les failles intellectuelles : son esprit critique l’empêche d’embrasser la foi. Néanmoins, Rebatet reste sans pitié avec le christianisme : il en donne une image effroyable, ignoble car incompatible avec la nature humaine et la beauté artistique. La laideur des églises, la perversité des prêtres et l’orgueil de Régis laissent le sentiment que seule une révolution nietzschéenne des valeurs permettra de vivre dignement dans ce monde désenchanté.

La voix d’un immense écrivain

Les grands écrivains sont sans doute ceux qui ressemblent le moins à des hommes de lettres : ce sont les inclassables, les ovnis qui semblent survoler la littérature. Rebatet est assurément un des leurs. Son œuvre se déploie sur trois domaines : la littérature avec Les Deux Étendards et Les Épis Murs, la politique avec son violent pamphlet antidémocratique et antisémite Les Décombres, et la critique d’art, avec sa prodigieuse Histoire de la musique et ses quelques 8 000 articles culturels publiés de son vivant, traitant de cinéma, de peinture, de littérature et de musique. Cette immense et éclectique culture transparaît dans le style splendide des Deux Étendards : il y a du cinéma dans les dialogues, dans les subtiles raccords entre les scènes, de la peinture dans les fines descriptions de Lyon, de Paris, ou simplement dans le portrait d’une jeune fille, il y a aussi de la musique dans la construction narrative de l’histoire, en témoignent les titres de certains chapitres (« Ouverture provinciale » ou « Staccato »). La critique a souvent rapproché ce roman des opéras de Wagner, auxquels assistent d’ailleurs les personnages des Deux Étendards. Les correspondances sont effectivement nombreuses : on pense à Lohengrin devant l’impossibilité d’Anne-Marie de communiquer avec Dieu, à Tristan aussi, avec le thème de l’amour impossible. Si l’on sent dans certains passages les influences de Stendhal, Balzac et Proust, Rebatet s’est aussi et surtout inspiré des peintres, des musiciens et des cinéastes qu’il vénérait.

Ce roman a été écrit en grande partie en prison, alors que son auteur, au fond d’une sale et sordide cage, redoutait chaque matin son exécution.

Son tour de force est d’avoir su maintenir une extraordinaire verve tout au long du roman, en variant les tons, les motifs et les couleurs : en alternant la narration, avec un narrateur interne ou externe, des monologues intérieurs, des extraits de carnet intime, des lettres, on passe aisément d’une violente critique antibourgeoise à une description psychologique pleine de finesse ou à des passages d’un érotisme inoubliable, le tout en disséquant à l’extrême les grands sentiments humains : l’amour, l’amitié, la spiritualité,  l’émotion esthétique. Heureusement pour nous lecteurs, ce roman a été écrit en grande partie en prison, alors que son auteur, au fond d’une sale et sordide cage, redoutait chaque matin son exécution. Les condamnés à mort jouissaient du curieux privilège d’avoir une lampe allumée dans leur cellule nuit et jour, Rebatet en profitait pour écrire sans relâche. C’est sans doute cette condition qui a donné au roman toute sa puissance, car c’est tout un monde vivant, profond et torrentiel que l’on quitte lorsque l’on referme ce livre.

  • Les Deux Étendards, Lucien Rebatet, Gallimard, coll. Blanche, 1328 pages, 50 euros.

Alexis Martinot.

Robert Steuckers: Ma découverte de la « Révolution conservatrice »

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Ma découverte de la « Révolution conservatrice »

Entretien avec Thierry Martin (Université Paris IV)

- Quand et dans quels cadres avez-vous découvert le courant de pensée révolutionnaire-conservateur allemand?

La découverte de la « révolution conservatrice », ou plutôt d’éléments constitutifs ou annonciateurs de celle-ci, a été, chez moi, un processus lent. Jeunes adolescents, nous étions très confusément conscients que le « système » ne fonctionnait plus. Se juxtaposaient, à cette époque, entre 1969 et 1972, des résidus que l’on nous demandait de vénérer et des innovations, mai 68 oblige, qui nous paraissaient totalement farfelues ou incongrues. Nous étions à la chasse d’auteurs alternatifs, sans trop savoir à quels saints nous vouer. Un professeur de français me conseille Un testament espagnol de Koestler. Le professeur de latin, l’Abbé Simon Hauwaert, nous baigne dans une atmosphère de culture classique, d’abord avec le De bello gallico. Hauwaert était disciple des disciples du Cardinal Mercier, grand défenseur de la culture gréco-latine, ami de Coubertin et féru de l’idéal olympique, promoteur d’un scoutisme viril et audacieux (celui qui a séduit Hergé), admirateur de Maurras. Toute cette culture classique, décriée par les soixante-huitards, s’est lentement décantée dans nos cerveaux, sans véritables références intermédiaires, sans passerelles commodes, forgées par des journalistes talentueux ou de bons vulgarisateurs. Hauwaert, bien qu’ecclésiastique, ne jurait que par la culture hellénique et la tradition politique romaine. Dans l’âme, il était un païen antique. Finalement, il ne s’en cachait guère. L’année suivante, il nous emmène en Turquie, pour visiter les sites archéologiques et les musées. En 1973, ce sera la Grèce. Delphes et Olympie en particulier. Ces voyages ont été déterminants dans l’éclosion de mon imaginaire.  

Tout naturellement, s’est ajouté à cela le tropisme germanique, qui est partout présent, en filigrane, en Belgique : en Flandre parce que les intellectuels, même simples bacheliers, comprenaient aisément l’allemand à l’époque (ce n’est plus le cas) ; en Wallonie, l’Allemagne est présente comme un fantôme dans la littérature, chez Maeterlinck (dont l’entomologie et le mysticisme naturaliste ont dû sûrement inspirer Jünger), chez Compère et bien d’autres, comme l’ex-germanophobe Pierre Nothomb (ancêtre d’Amélie Nothomb) qui imagine une petite principauté idéale dans l’Eifel, la principauté d’Olzheim, incarnant la fidélité au Saint-Empire catholique d’ottonienne mémoire. Fin des années 60, c’est la fascination générale pour le miracle économique de la RFA, pour la technique automobile et pour l’électro-ménager : le Belge moyen ne jure que par Volkswagen, Mercédès, Miele, Zeiss Ikon, Telefunken et j’en passe. Ce tropisme allemand, encore honteux mais bien présent dans les propos de table en famille, conduit notre brochette de copains à se poser des questions sur ce pays que l’on a cherché à nous faire détester pour les siècles des siècles : que se passe-t-il au-delà des Fagnes et de l’Eifel ? Je n’avais fait, enfant, que deux voyages au-delà de la frontière orientale de la Belgique, à Aix-la-Chapelle et à Monschau. A treize ans, je suis allé au zoo en plein air de Tüddern. C’était un peu court pour poser un jugement un tant soit peu cohérent. Mais, un jour, l’Abbé prononce le nom de Nietzsche, rappelant certes, avec un sourire autant complice que moqueur, qu’il était le pire des mécréants mais aussi, ce qui le sauvait, un excellent helléniste. Son but ? Je ne crois pas le trahir (à titre posthume) en disant qu’il suggérait des auteurs sulfureux pour nous inciter à les lire, même en cachette. Il fera de même avec le Satyricon de Pétrone.

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Me voilà parti sur Nietzsche. Je glane quelques bribes sur le philosophe. Et j’essaie de lire La généalogie de la morale et L’Antéchrist, que je ne relirai à fond qu’à dix-neuf ans, en parallèle au travail de Pierre Chassard, édité par le G.R.E.C.E. (cf. infra). Plus tard, vous le devinez bien, je reviendrai inlassablement vers ces deux livres essentiels, non pas parce qu’ils sont sulfureux et emplis de mécréance mais parce qu’ils jettent les bases d’une volonté de démasquer ce qui se dissimule derrière des idées ronflantes, en apparence généreuses et doucereuses, pour tisser des dispositifs de pouvoir bien plus pervers et subtils que ceux qu’ils dénoncent ou que les résidus du passé qu’ils fustigent comme des vieilleries. Pour nous, gamins de Bruxelles, cette virulence de Nietzsche contre le christianisme est une attitude à imiter pour fustiger le démocratisme chrétien belge et ses médiocrités, de même que l’hypocrisie de la bien-pensance bourgeoise et catholique, celle, disait l’Abbé, « des rombières qui tricotent des bas pour les pauvres et la réputation de leur prochain ». Le monde extérieur, le monde établi, celui du pouvoir, nous apparaissait d’un coup comme un fatras à rejeter, à moquer (avec une méchanceté d’adolescent). De ce fatras, qui fait écran, entre la vérité (grecque) et nos petites personnes, il convient de ne rien conserver mais de tout fracasser à coups de marteau. Afin de retrouver, derrière, les lumineuses vérités helléniques et les fondements mythologiques des anciennes cultures européennes. Les coups de marteau nietzschéens forçaient le dévoilement de la vérité et de l’Etre. Autre idée conservatrice et non révolutionnaire de l’Abbé : nous inciter à replonger dans le monde gréco-latin (il créera à cet effet un cours de « culture grecque ») et nous incitera à étudier la mythologie celtique (c’est ainsi que j’ai lu Markale) et les anciennes littératures germaniques (que j’ai découvertes par un ouvrage de l’Argentin Jorge-Luis Borges). L’Abbé avait incité un jeune germaniste parmi nos professeurs, un certain Buelens, venu donner cours de néerlandais, à nous introduire à ces anciennes littératures, ce qu’il fit avec brio.

Le temps passe : nous découvrons successivement la revue Nouvelle école et le G.R.E.C.E. entre août 1973 (pendant notre séjour à Athènes et notre visite à Delphes) et juin 1974, date de notre première prise de contact avec Dulière, Vanderperre et Hupin, alors militants du G.R.E.C.E. à Bruxelles. A l’école, le Frère Lucien Verbruggen avait pris le relais de l’Abbé Hauwaert et transformé son cours de religion en un cours de philosophie, dépourvu de toutes bondieuseries : Platon, Aristote, Kant, Marx, Freud, Heidegger étaient tous au programme. En fin de terminale, deux dissertations, l’une sur la pensée de Heidegger (« Le langage est la maison de l’Etre ») et l’autre sur Marcuse (« L’homme unidimensionnel »). Le professeur de français Rodolphe Brouwers nous immerge dans les grands classiques (Proust, Gide, Céline et son monologue intérieur) mais aussi dans une littérature plus récente (Alain Robbe-Grillet, Marguerite Duras). Nous sortons donc de nos humanités secondaires non dépourvus de bagage littéraire et philosophique. En latin, Hauwaert et son successeur Salmon nous avaient fait traduire les classiques au programme dont Salluste, Tacite et Tite-Live, sans oublier Cicéron mais, en plus, il nous fallait rédiger chaque année un travail d’approfondissement sur un auteur : pour moi et mon co-équipier Leyssens, ce furent Lucrèce, Pline et Plaute.

En septembre 1974 commence pour nous la vie universitaire. Pour moi, deux ans de philologie germanique et quatre ans de haute école des traducteurs-interprètes pour les langues allemande et anglaise. C’est aussi l’époque où Bernard Garcet, qui fut animateur de la section étudiante de Louvain du mouvement « Jeune Europe » de Jean Thiriart (alors disparu de la scène politique), nous apprend à résumer des ouvrages et à les présenter devant un public restreint. Garcet est exigeant, au-delà des exigences restreintes que réclamerait par exemple l’école des cadres d’un parti politique. Pour lui, avoir des opinions contestatrices, c’est bien, les exprimer de manière structurée et sans affects passionnels, sans dérives émotionnelles, c’est mieux et cela peut servir dans toutes les circonstances de la vie : au fil des mois, nous avons été entraînés à résumer Louis Rougier, Jules Monnerot, Julien Freund (sur Vilfredo Pareto et Max Weber), Karl Mannheim, James Burnham, Jean Baechler, Carl Schmitt (avec les rares documents dont nous disposions à l’époque !), etc. Cette formation s’est étalée sur cinq bonnes années. Elle fut déterminante.

En 1974-1975, le cours de philosophie d’Anne-Marie Dillens, dispensé aux philologues et aux juristes dans le grand auditorium du Boulevard du Jardin Botanique à Bruxelles, est profondément ennuyeux. La dame pontifiait et jargonnait, nous entraînait dans le labyrinthe opaque et gris de sa pensée confuse et désordonnée ; elle ponctuait sa logorrhée de grimaces (de la maxillaire inférieure) et d’une gestuelle du plus haut comique. En fait, il y avait la philosophie servie par le régime dont elle était l’instrument sans nul doute à son corps défendant : une soupe insipide qui déroutait, désorientait. Et la nôtre qui disait les choses, les nommait, désignait les dangers et l’ennemi. Pour préparer l’examen, je commets une première boulette de taille, qui me vaudra un échec cinglant : au lieu de tenter de déchiffrer le pesant salmigondis de Dame Dillens, je lis à fond le travail de Pierre Chassard, édité par le G.R.E.C.E. : La philosophie de l’histoire dans la philosophie de Nietzsche. Pour chaque citation de Chassard, je consulte un ouvrage de Nietzsche, en version originale allemande ou en une traduction quelconque. L’année 1975 fut donc, pour moi, une immersion totale dans la pensée de Nietzsche. Chassard a une approche claire de Nietzsche, issue de la tradition nietzschéenne française du début du 20ème siècle. Dans l’ouvrage qu’il édite au G.R.E.C.E., il insiste principalement sur l’anti-providentialisme du philosophe de Sils-Maria. L’histoire est là, avec son tissu de contradictions et de tragédies : inutile de masquer ce théâtre souvent désagréable par des discours-décors, de promettre des lendemains qui chantent car ce ne sont là que des escroqueries, colportées par des êtres bas, avides d’exercer du pouvoir (sans risques).

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Le cours de littérature allemande était donné par Paul Lebeau (1908-1982), écrivain flamand qui avait connu ses heures de gloire dans les années 1950.  Il appartenait au cercle des « scriptores catholici » et le choc des visions du monde et de l’homme qu’il décrivait dans son ouvrage romanesque le plus célèbre, Xanthippe (1959), dédié à la femme de Socrate, opposait un rationalisme purement cérébral, celui du philosophe bientôt condamné à boire la cigüe, et le vitalisme de son épouse, non dépourvu de subjectivité débridée et même d’animalité. Chez Lebeau, l’un des thèmes centraux était le conflit entre spiritualité et sexualité. Le catholicisme de Lebeau était donc un catholicisme qui privilégiait la spiritualité mais constatait l’ « incontournabilité » des sens et des instincts. Cette problématique était commune dans les pays germaniques entre les années 1890 et la fin des années 1940. Pendant notre année académique, Lebeau avait choisi de nous promener pendant de longs mois dans le Faust de Goethe où il est dit « Grise est toute théorie, vert est l’Arbre de la Vie ». Une certaine complicité flamande me liait à Lebeau, qui ne craignait pas, à ses heures, d’égratigner les canons du « politiquement correct » avant la lettre. Il aimait citer Spengler et méditer sur la notion de « déclin ».

L’année académique 1974-1975 est aussi celle de l’approfondissement de Spengler, découvert lorsque nous avions seize ans, dans L’Homme et la technique, lu pendant quelques heures au fond d’un trou de sable, par un temps vraiment frisquet, dans les dunes à Coq-sur-Mer, la plage flamande favorite d’Einstein, d’Hergé et de votre serviteur. D’autres lectures, entre 1974 et 1979, conforteront ma façon de voir le monde : le livre du professeur anglais Barnard sur Herder, Herder lui-même et les introductions à la version bilingue d’Aubier-Montaigne dues à la plume du germaniste français Max Rouché. Ensuite le panorama du conservatisme antiautoritaire de l’Américain Peter Viereck (1916-2006) m’introduit à une première approche comparative, et très didactique, de la question. Viereck est aussi celui qui, dès 1939, avait lancé le terme de « métapolitique » dans le langage académique américain.

En 1976, paraît le travail de Louis Dupeux (1931-2002), Stratégie communiste et dynamique conservatrice. Essai sur les différents sens de l'expression « National-bolchevisme » en Allemagne, sous la République de Weimar (1919-1933), que nous dévorons suite à un autre classique dans le même domaine, celui de Jean-Pierre Faye, Langages totalitaires (1972). L’idée était, bien sûr, de dépasser les clivages gauche/droite, socialisme/libéralisme, etc., en puisant dans des corpus qui faisaient la synthèse de toutes les idéologies, autrement vues comme antagonistes, pour recréer une harmonie viable au sein des pays européens. Le deuxième objectif de ces lectures était aussi de surmonter la dépendance à l’endroit des Etats-Unis. Pour nous, l’événement déclencheur de notre anti-américanisme fut le fameux « marché du siècle » de 1975, où les Etats-Unis imposent aux pays du Bénélux et de la Scandinavie, membres de l’OTAN, le chasseur F-16 plutôt qu’un Saab suédois ou un Mirage français. L’Europe nous apparait alors très cruellement dépendante et inefficace. Par ailleurs, comme je l’ai déjà maintes fois souligné, l’alliance de facto entre la Chine maoïste et les Etats-Unis de Nixon et de Kissinger fait que la Chine n’est plus perçue comme un allié de revers pour harceler le duopole des superpuissances né à Yalta mais comme une complice de Washington qui contribue à encercler et l’Europe occidentale et l’URSS. Du coup surgit la nécessité de développer un discours différent du précédent : non plus critiquer et rejeter les systèmes américaniste et soviétique mais rejeter l’américanisme dans toutes ses facettes et chercher un modus vivendi avec la Russie soviétique qui, à l’époque, critique le laxisme et la déliquescence de l’Occident (cette démarche sera partagée par Mohler, Parvulesco, Thiriart, Faye et bien d’autres). L’ouvrage d’Alexander Yanov, The Russian New Right, publié en Californie, montre comment, en URSS, s’articulait, à l’époque, une dialectique entre régimistes occidentalisés (via le matérialisme marxiste), régimistes russophiles (renouant avec la spécificité russe), dissidents occidentalistes (Sakharov par exemple et la tradition libérale) et dissidents russophiles (à la remorque des œuvres monumentales de Soljénitsyne). Yanov, occidentaliste, prônait une réconciliation entre régimistes et dissidents occidentalistes et craignait par-dessus tout une alliance des régimistes et des dissidents russophiles. L’objectif était donc de proposer 1) une diplomatie pareille à celle des « nationaux-bolcheviques » de la République de Weimar, impliquant un abandon de l’O.T.A.N. et de toute russophobie ; 2) une économie solidariste non libérale mais non outrancièrement soviétisée (aussi inspirée par le gaullisme des années 1960 préconisant la participation et l’intéressement) ; 3) un discours « fusionniste » et populiste appelé à supplanter le démocratisme-chrétien et la sociale-démocratie corrompus de Belgique, d’Allemagne, d’Espagne (le franquisme avait vécu, depuis la mort du Caudillo) et d’Italie. Pour la France, nous rêvions d’un retour à ce gaullisme des années 1960, de le compléter, de le parachever, contre le détricotage à l’œuvre depuis Pompidou, détricotage qu’Eric Zemmour a appelé le « suicide de la France » dans un ouvrage qui a bétonné sa célébrité. 

En 1977, nous faisons, sous la houlette du Prof. Albert Defrance un voyage à Berlin, dans le cadre des activités suggérées par le D.A.A.D. (Deutscher Akademischer Austauschdienst). J’y découvre, dans une librairie du Kurfürstendamm, l’ouvrage fondamental de Karl-Otto Schüddekopf Linke Leute von Rechts, qui me permet de compléter les arguments de Dupeux et d’illustrer les faits qu’il avançait dans sa thèse. En 1978, nous partons, toujours par l’intermédiaire du D.A.A.D., à Munich où, dès mon arrivée, je vais illico sonner à la porte du Baron Caspar von Schrenck-Notzing, éditeur de Criticon, revue où œuvre Mohler. Je suis reçu avec une amabilité exquise. Et je reviens avec une collection quasi complète de la revue. J’avais lu Von rechts gesehen de Mohler où, justement, notre auteur plaidait pour un « grand-gaullisme » européen et pour une alliance avec les Etats que les Etats-Unis ostracisaient systématiquement. A Munich, en visitant les librairies, je découvre également la collection de livres collectifs, éditée par Gerd-Klaus Kaltenbrunner, auprès de l’éditeur Herder de Fribourg-en-Brisgau. Un peu plus tard, Mohler publie dans la rubrique « Porträts »de la revue Criticon, deux articles présentant Niekisch et Haushofer, que je résume et adapte en français pour le bulletin du G.R.E.C.E.-Bruxelles, qui est toujours, en cette année 2017, confectionné par Georges Hupin. L’engouement se précise. En 1979, troisième voyage patronné par le D.A.A.D., cette fois à Hambourg et à Lübeck. Depuis notre hôtel du Pferdemarkt, je tisse les liens avec les amis de la ville hanséatique : Peter Plette de la revue Fragmente ; l’inoubliable Heinz-Dieter Hansen, l’animateur de Junges Forum et de la D.E.S.G. (Deutsch-Europäische Studien-Gesellschaft), qui rejoindra, fin des années 1990, le groupe Synergies européennes ; enfin Lothar Penz et Ullrich Behrenz des groupes solidaristes et de la revue Sol. Le courant passe à merveille : je connaissais déjà toutes ces figures grâce à un ouvrage de Günter Bartsch, Revolution von Rechts? Ideologie und Organisation der Neuen Rechten (1975) (cf. aussi : http://robertsteuckers.blogspot.be/2014/12/neo-nationalisme-et-neue-rechte-en-rfa.html ). Cet ouvrage fut déterminant pour mon évolution ultérieure. Il explicitait à merveille les ressorts de cette droite solidariste et ethnopluraliste (au bon sens du terme), grâce à la plume alerte d’un spécialiste du castrisme, du trotskisme, de l’anarchisme allemand et de la droite révolutionnaire. Un jeune ami de notre groupe, le futur slaviste autodidacte Sepp Staelmans de Vouloir, avait d’ailleurs traduit le manifeste de Junges Forum en français à l’usage des Bruxellois intéressés. Bartsch nous fait découvrir la figure d’Hennig Eichberg, décédé en ce mois d’avril 2017, théoricien de l’ethnopluralisme (façon Claude Lévi-Strauss), sociologue critique de tous les aspects de la société de consommation (les automobiles, les barres chocolatées de marques américaines, la commercialisation du sport, etc.). La pensée d’Eichberg était foisonnante : elle semblait faite d’un mercure non canalisé par le tube du thermomètre. Mais combien d’impulsions ne nous a-t-elle pas données ? Même si on ne le suivait pas dans toutes ses quêtes. Eichberg finira par honnir ce qu’il qualifiait d’ « habitus de la droite » et se consacrera entièrement à sa mission de professeur de sociologie du sport dans une université danoise. L’œuvre d’Eichberg, dans tous ses aspects, mérite une étude universitaire approfondie et les derniers articles qu’il avait confiés à Wir selbst, la revue de Siegfried Bublies, sont d’une telle densité idéologique qu’ils appellent à être complétés et actualisés. Cette recherche fébrile d’alternatives dépassant le clivage gauche/droite avait son pendant flamand, que j’esquisse dans mon hommage à l’inclassable Christian Dutoit (http://robertsteuckers.blogspot.be/2016/06/linclassable-christian-dutoit-nous.html ) qui, à la même époque, dirigeait un mouvement ethnosocialiste, ancré dans le paysage des gauches flamandes, le groupe Arbeid.

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Deux autres facteurs vont dynamiser ce tâtonnement de notre belle époque estudiantine : ma rencontre, à l’été 1977, avec cette armoire à glace à barbe de Capitaine Haddock que fut l’étudiant en journalisme Alain Derriks. Ce garçon aux origines arlonnaises va organiser chaque semaine une réunion où se tiendra un brain storming effervescent, où nous buvions sec du whisky irlandais ou du Bordeaux et fumions des cigares cubains, offerts généreusement par un membre de la bande. Derriks, qui se proclamait « barrésien », introduit un autre ouvrage fondamental dans le circuit, La droite révolutionnaire (1978) de Zeev Sternhell. Derriks est, à part moi, le seul latiniste chevronné du groupe : nous lisons tous deux l’italien. Plusieurs initiatives italiennes attirent notre attention dont les travaux de Claudio Mutti et Linea, le journal de Pino Rauti, sans oublier Diorama letterario de Marco Tarchi, qui deviendra le chef de file de la nouvelle droite italienne et un féal et obséquieux vicaire d’Alain de Benoist dans la péninsule. La haute tenue de ces publications nous séduit : pour nous, sur le plan théorique, le modèle à suivre, à imiter, est italien et non pas français ou allemand, aussi parce qu’Italiens et Allemands subissent le même spectre partitocratique que le nôtre, alors que les Français disposent encore et toujours du référent gaullien (charismatique et caudilliste) et ne subissent pas des partis aussi inamovibles. Il faut signaler aussi que les germanistes italiens, dans les universités, sont de plus zélés traducteurs que leurs homologues francophones et que la tradition wébérienne en sociologie et en sciences politiques y est plus ancrée qu’en France.

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Autre événement majeur au cours de l’année 1978 : ma rencontre avec l’un des derniers représentants du surréalisme belge, Marc. Eemans (1907-1998), éditeur, avant-guerre, de la revue Hermès, consacrée aux spiritualités alternatives, dans lesquelles il fallait se plonger pour se purger de tous les miasmes du monde bourgeois, comme pouvaient le faire imaginer certains écrits d’André Breton lui-même. Eemans avait commencé léniniste (un portrait de Lénine dû à ses pinceaux se trouve à Saint-Pétersbourg), puis surréaliste dans l’équipe bruxelloise, éditeur d’Hermès (où oeuvrait aussi Henri Michaux) et, enfin, nationaliste flamand pour terminer évolien (ce qui est logique, Evola ayant débuté comme dadaïste pour finir traditionaliste). En 1978, Eemans lance le « Centro Studi Evoliani » à Bruxelles et en Flandre, dont nous fîmes tous partie. Eemans ne nous a jamais vraiment détaillé l’aventure surréaliste belge : pour lui, cette coterie était un souvenir (assez douloureux) du passé. Ce n’est que depuis une vingtaine d’années que de solides équipes de chercheurs universitaires se penchent sur les rapports complexes entre idéologies politiques et avant-gardes artistiques en Belgique francophone et néerlandophone. Pourtant Clément Pansaers, Paul van Ostaijen, Ward van Overstraeten, Gabriel Figeys et, bien sûr, Marc. Eemans ont connu des destins étonnants, ne cadrant pas du tout avec les vulgates manichéennes que l’on manipule aujourd’hui pour plonger le public dans l’ignorance, pour lui ôter l’idée de penser en termes complexes et nuancés. Pendant toute son existence après 1945, Marc. Eemans n’a cessé d’essuyer de basses insultes (du moins dans la partie francophone du pays). Aujourd’hui, cette mauvaise comédie se termine et justice sera rendue post mortem à celui qui fut l’un des premiers à publier Heidegger en français, à avoir accueilli les premiers écrits de Corbin sur la pensée persane, à avoir employé Michaux, à avoir tenté de ressusciter les mystiques médiévales flamandes et rhénanes (comme le fait notamment Jacqueline Kelen en France aujourd’hui). Avec Eemans, nous rencontrons Piet Tommissen, spécialiste de Pareto et de Carl Schmitt mais aussi grand amateur d’avant-gardes littéraires et artistiques. Ami de longue date d’Armin Mohler, Tommissen s’intéresse aussi à la révolution conservatrice, toutes tendances confondues, y compris les filons catholiques, où Schmitt puise sa théologie politique (cf. http://robertsteuckers.blogspot.be/2011/10/entretien-avec-robert-steuckers-sur-la.html ; http://robertsteuckers.blogspot.be/2011/10/mes-rencontres-avec-marc-eemans.html ; http://robertsteuckers.blogspot.be/2011/10/mes-rencontres-avec-marc-eemans.html ; http://robertsteuckers.blogspot.be/2011/11/adieu-au-professeur-piet-tommissen.html ).

Les cadres dans lesquels j’ai été initié à des aspects de la révolution conservatrice sont donc multiples et divers. A Bruxelles, il y a certes une antenne du G.R.E.C.E., mais elle est réduite et notre groupe n’entame aucune liaison directe avec la maison-mère parisienne avant fin 1979, début 1980. Je fais certes un voyage à Paris en janvier 1976 et me rend, seul, à un colloque du G.R.E.C.E. en 1977 (où l’anthropologue autrichien Irenäus Eibl-Eibesfeldt a pris la parole). Nous y allons à trois en 1978 (où j’échange quelques brèves paroles avec Giorgio Locchi). Je suis le seul du groupe à participer au colloque de 1979, lorsque les participants sont attaqués par des nervis dans le Palais des Congrès à la Porte Maillot. Notre cercle d’étudiant (une bonne douzaine de petits originaux, pas plus) est autonome. Il y a ensuite le G.R.E.C.E.-Bruxelles (où nous prononcerons des conférences, préparées chez Garcet, sur Arnold Gehlen, la démographie, la notion de peuple, la Grèce antique, la staséologie selon Monnerot). Il y a le « Centro Studi Evoliani » d’Eemans (où je présente un article de Locchi sur la notion d’Empire en présence de l’écrivain prolétarien Pierre Hubermont). Les racines de notre vision du monde doivent être recherchées dans notre curriculum scolaire et universitaire.

- Pouvez-vous, s’ils ont joué un rôle particulier pour vous dans cette découverte, évoquer les rôles de Giorgio Locchi et d’Armin Mohler?

C’est d’abord un article de Giorgio Locchi que j’ai lu, annoté et résumé sur fiches de papier Bristol, dans le premier numéro de Nouvelle école qui m’est tombé entre les mains, le n°19. Cet article concernait Dumézil et l’idéologie trifonctionnelle chez les peuples indo-européens. Je le signale dans l’hommage que je rends à ce philosophe italien (http://robertsteuckers.blogspot.be/search?q=giorgio+locchi ). C’est lui qui provoque le déclic premier qui m’amènera à lire les publications de la mouvance néo-droitiste française. Ensuite, c’est Locchi qui dans le numéro 23 de Nouvelle école (datant de 1973 mais nous ne l’avons acquis que plus tard) résume l’ouvrage de Mohler sur la révolution conservatrice, paru en 1972. Je devrai attendre jusqu’en 1989 pour me procurer la seconde édition. Pendant longtemps donc, la recension de Locchi a été la seule référence en français à l’ouvrage de base de Mohler, sauf une édition italienne ne reprenant que l’introduction de l’auteur, magistrale d’ailleurs, où il insiste sur les « images conductrices » (la traduction est de Locchi), plus mobilisatrices que les discours ou les démonstrations intellectuelles. Créer des images est donc plus important qu’énoncer des théories : Armin Mohler est bien en cela, de par sa formation académique, un historien de l’art. Lors de ma visite chez lui à Munich pendant l’été torride de 1984, j’ai été frappé par l’abondance incroyable d’ouvrages sur l’art et les avant-gardes qui encombrait son appartement. Plus tard, Marc Lüdders me posera la question de savoir quelles influences Mohler avait exercé sur moi. Voici sa question et ma réponse : Quelle a été l’influence d’Armin Mohler sur la vision du monde de la ND ? Que restera-t-il de son approche dans l’avenir ? 

Réponse : Votre question est vaste. Très vaste. Elle interpelle la biographie d'Armin Mohler, l'histoire de sa trajectoire personnelle, qu'il a eu maintes fois l'occasion d'évoquer (dans Von rechts gesehen ou dans Der Nasenring). Votre question nécessiterait tout un livre, celui qu'il faudra bien un jour consacrer à cet homme étonnant. Je crois que Karlheinz Weißmann se prépare à cette tâche (note de 2017 : cet ouvrage est aujourd’hui disponible). Il est l'homme le mieux placé et le mieux préparé pour rédiger cette biographie. Première remarque sur les idées de Mohler, et donc sur son influence, c'est qu'il part toujours du vécu existentiel, du particulier et jamais de formules abstraites ou de grandes idées générales. Toute l'oeuvre de Mohler est traversée par ce recours constant au particulier et au vécu, corollaire d'une critique sans appel des idées générales. La préface de sa Konservative Revolution in Deutschland est très claire sur ce chapitre. Pour répondre succinctement à votre question, je dirai que l'influence de Mohler vient surtout des conseils de lecture qu'il a donnés tout au long de sa carrière, notamment dans les colonnes de Criticón et, parfois dans celles de la collection Herderbücherei Initiative, dirigée par Gerd-Klaus Kaltenbrunner, collection qui ne paraît malheureusement plus mais nous laisse une masse impressionnante de documents pour construire et affiner nos positions.  

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Le réalisme héroïque 

L'influence de Mohler s'est exercée sur moi principalement: 
1) Parce qu'il nous a enjoint de lire le livre de Walter Hof, Der Weg zum heroischen Realismus.
Pessimismus und Nihilismus in der deutschen Literatur von Hamerling bis Benn (Verlag Lothar Rotsch, Bebenhausen, 1974, ISBN 3-87674-015-0). Hof examine deux grandes périodes de transition dans l'histoire littéraire allemande (et européenne): le Sturm und Drang à la fin du XVIIIe et la Révolution Conservatrice au début du XXe. Ces deux époques ont pour point commun que des certitudes s'effondrent. Les esprits clairvoyants de ces époques se rendent compte que les certitudes mortes ne seront jamais remplacées par de nouvelles certitudes, quasi similaires, aussi solides, aussi bien ancrées. Les substantialités d'hier, auxquelles les hommes s'accrochaient, et qu'ils percevaient comme se situant en dehors d'eux, comme des bouées extérieures sûres, disparaissent de l'horizon. Les passéistes nostalgiques estiment que cette disparition conduit au nihilisme. Avec Heidegger, les révolutionnaires conservateurs, qui constatent la faillite de ces substantialités passées, disent: "La substance de l'homme, c'est l'existence". L'homme est effectivement jeté (geworfen) dans le mouvant aléatoire de la vie sur cette planète: il n'a pas d'autre lieu où agir. Les bouées substantialistes de jadis ne servent que ceux qui renoncent à combattre, qui cherchent à échapper au flux furieux des faits interpellants, qui abandonnent l'idée de décider, de trancher, donc d'exister, d'ex-sistare, de sortir des torpeurs quotidiennes, c'est-à-dire de l'inauthenticité. Cette attitude révolutionnaire conservatrice (et heideggerienne) privilégie donc le geste héroïque, l'action concrète qui accepte l'aventureux, le risque (Faye), le voyage dans ce monde immanent sans stabilité consolatrice. Dans cette optique, le "dépassement" n'est pas une volonté d'effacer ce qui est, ce qui est héritage du passé, ce qui dérange ou déplait, mais une utilisation médiate et fonctionnelle de tous les matériaux qui sont là (dans le monde) pour créer des formes: belles, nouvelles, exemplaires, mobilisatrices. Le réalisme héroïque des révolutionnaires conservateurs réside donc tout entier dans la puissance personnelle (personne individuelle ou collective) qui crée des formes, qui donne forme au donné brut (Gottfried Benn). Cette définition du réalisme héroïque par Hof rejoint le "nominalisme", tel que l'a défini Mohler (d'après sa lecture attentive de Georges Sorel) ou la conception "sphérique" de l'histoire, présentée par Mohler dans son célèbre ouvrage de référence sur la "révolution conservatrice" allemande et par Giorgio Locchi dans les colonnes de Nouvelle école. Cette conception "sphérique" du temps et de l'histoire rompt tant avec la conception réactionnaire et restauratrice de l'histoire, qui décrit celle-ci comme cyclique (retour du temps sur lui-même à intervalles réguliers), qu'avec les conceptions linéaires et progressistes (qui voient l'histoire en marche vers un "mieux" selon un schéma vectoriel). Les conceptions cycliques estiment que le retour du même est inéluctable (forme de fatalisme). Les conceptions linéaires dévalorisent le passé, ne respectent aucune des formes forgées dans le passé, et visent un télos, qui sera nécessairement meilleur et indépassable. La conception sphérique de Mohler et Locchi implique qu'il y a des retours, certes, mais jamais des retours de l'identique, et que la sphère du temps peut être impulsée dans une direction plutôt que dans une autre par une volonté forte, une personnalité charismatique, un peuple audacieux. Il n'y a donc ni répétition ni retour aux substances immobiles et handicapantes ni linéarité vectorielle et progressante. La conception sphérique admire le créateur de forme, celui qui bouscule les routines et abat les idoles inutiles, qu'il soit artiste (l'Artisten-Metaphysik de Nietzsche) ou condottiere, thérapeute ou ingénieur. Mohler nous a donc suggéré une anthropologie héroïque concrète, dérivée notamment de son amour de l'art, des formes et de la poésie de Benn. Mais, pour compléter ce réalisme héroïque de Hof et de Mohler, j'ajouterais  - aussi pour donner une plus grande profondeur généalogique à la ND -  la pensée de l'action, formulée par Maurice Blondel, où la personne est réceptacle de fragments de monde, de sucs vitaux, disait-il, qu'elle doit transformer par l'alchimie particulière qui s'opère en elle, pour poser des actions originales qui développeront et constitueront son être, lui procureront une "accrue originale", une intensité digne d'admiration (L'action, op. cit., p. 467-468).
  
Le débat réalisme/nominalisme 

2) Parce qu'il a lancé le débat réalisme/nominalisme, par le biais d'une disputatio qui l'opposait au catholique Thomas Molnar (Criticón, n°47, 1978). J'ai traduit des fragments de ce débat pour la revue néo-droitiste belge Pour une Renaissance européenne, ensuite Alain de Benoist a repris cette thématique dans Nouvelle école. La Nouvelle Droite a d'ailleurs manié l'étiquette auto-référentielle de "nominalisme" pendant de nombreuses années.


Malheureusement, l'usage du terme "nominalisme" par Alain de Benoist et ses "perroquets" a été trop souvent inapproprié et, surtout, sans référence à Blondel, Sorel et Papini, alors que Mohler, spécialiste de Sorel, connaît très bien le contexte de cette grande époque féconde de remises en questions. La critique catholique de la ND a eu beau jeu de souligner l'insuffisance du "nominalisme" médiéval, source de l'individualisme et du libéralisme ultérieurs, que de Benoist rejetait! La nouvelle droite a ainsi stagné, donnant naissance à un dialogue de sourds, où les uns et les autres ignoraient la position de Blondel, ce catholique, doctrinaire de l'action pour l'action en dehors de tout cadre dogmatique généralisant et contraignant. Le vrai débat sur le nominalisme a été lancé un jour, lors d'une "conférence fédérale des responsables" du GRECE, tenue dans la région lyonnaise. Ce jour-là, Pierre Bérard a critiqué le mauvais usage du terme "nominalisme" dans les rangs de la ND, en appelant à la rescousse les thèses de Louis Dumont qui  - je résume très schématiquement -  déplore l'érosion des ciments communautaires sous les assauts d'une modernité toute à la fois intellectuelle (l'Aufklärung), industrielle et morale. Il avait raison. Mais en entendant cette brillante argumentation, de Benoist est entré dans une vive colère et a quitté la salle, avec une ostentation assez puérile. Bérard, malgré ses diplômes et ses titres, a été rappelé à l'ordre comme un élève irrévérencieux. Modeste et conciliant, il a accepté, au nom de la discipline (!) de groupe, d'abdiquer son rôle d'universitaire critique, pour laisser le champ libre au journaliste sans qualifications académiques qu'est resté de Benoist. Quelques années plus tard, de Benoist s'alignait toutefois sur les positions de Bérard, et les faisait siennes, mais sans jamais expliquer à ses lecteurs, de manière précise, cette transition importante, entre une première interprétation maladroite du «nominalisme", laissant planer un bon paquet d'ambiguïtés, et une défense des différences (donc des particularités contre les grandes idées générales), impliquant la critique de l'individualisme des Lumières, selon la méthode de Louis Dumont. Pour revenir à l'essentiel de notre entretien, en matière de "nominalisme", Mohler nous enseignait dans son article de Criticón (n°47, op. cit.)  
- à nous méfier des conceptions trop rigides de l'«Ordre» ou de la «Nature», comme la scolastique et le rationalisme (cartésien ou non) en avaient véhiculées.  
- à sortir de la «mer morte des abstractions» pour entrer dans "les terres fertiles du réel avec ses irrégularités, ses imprévisibilités et ses surprises",  
- à concevoir toute altérité comme altérité en soi, comme altérité autonome, au-delà du “Bien” et du “Mal”, toutes démarches qui redonnent à l'homme son caractère aventureux, donc sa dignité.  Il y a derrière tous les textes de Mohler cette aspiration insatiable vers une liberté pleine et entière, non pas une liberté qui se détache des choses concrètes pour s'envoler vers des empyrées sans chair et sans épaisseur, mais une liberté de façonner (gestalten, prägen) quelque chose dans l'immense richesse immanente du monde, de l'ici-bas, sans s'occuper des admonestations des philosophes en chambre, toujours dogmatiques et poussiéreux, qu'ils se réclament d'une scolastique médiévale ou d'une modernité raisonnante/ratiocinante.
  
Le "oui" au réel de Clément Rosset

3) Parce qu'il nous a encouragé à lire Clément Rosset (Criticón, n°67, 1981), que j'avais découvert quelques années plus tôt, à vingt ans, dans L'anti-nature et La logique du pire, deux ouvrages qui m'ont très profondément marqués (pour la petite histoire: je les lisais pendant un cours d'économie politique profondément barbant et stérile, basé sur le pensum de Jacquemain et Tulkens, ce qui m'a valu un zéro à l'examen! Rapidement rattrapé en septembre, où, rêve de tout étudiant, j'ai pu expliquer en toute jovialité à la jeune enseignante, douce et rubiconde, pourquoi ce traité, trop mécanique, m'apparaissait critiquable).

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Mohler saluait en Clément Rosset le philosophe qui disait "oui" au réel (Bejahung des Wirklichen), en critiquant sans appel les pensées avançant l'existence d'un arrière-monde, qui aurait précédé ou suivrait le monde tel qu'il est. Dans le portrait qu'il croquait de Rosset, Mohler risquait un souhait: voir cette apologie du réel devenir le fondement philosophique et idéologique d'une "nouvelle droite", enfin capable de se débarrasser de tout ballast incapacitant. 

La critique de l'Occident de Richard Faber, catholique de gauche 

4) Parce qu'il a attiré mon attention sur l'importance des travaux de Richard Faber, professeur à Berlin et critique acerbe des visions historiques des droites allemandes (cf. Criticón, n°90, 1985; Robert Steuckers, "L'Occident: concept polémique", Orientations, n°5, 1984). Pour Faber, catholique de gauche, il faut universaliser le catholicisme, l'arracher à ses racines romaines, païennes et étatiques. L'exact contraire de notre position, l'exact contraire du catholicisme d'un Carl Schmitt! Mais la documentation exploitée par le professeur berlinois était tellement abondante qu'elle complétait utilement l'oeuvre maîtresse de Mohler, ce qu'il avouait volontiers et sportivement. Le travail de Faber permettait une critique de la notion d'Occident, notamment de la volonté américaine de reprendre le rôle d'une Rome impériale, mettant la vieille Europe sous tutelle. Faber critiquait par là certaines positions d'Erich Voegelin, qui entendait conjuguer ses options catholiques conservatrices, pro-caudillistes, avec la tutelle américaine dans le cadre de l'alliance atlantique. Bien qu'elle n'ait pas du tout la même optique, la critique de l'Occident par Faber est à mettre en parallèle avec celle de Niekisch, afin que nous envisagions, à terme, une nouvelle alliance germano-russe, actualisation du tandem Russie-Prusse à la fin de l'ère napoléonienne. 

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Le regard de Panayotis Kondylis sur le conservatisme 

5) Parce qu'il a encouragé les lecteurs de Criticón, puis, plus tard, de Junge Freiheit, à lire attentivement l'ouvrage de Panayotis Kondylis sur le conservatisme (Criticón, n° 98, 1986; Robert Steuckers, "Il faut instruire le procès des droites!", in Vouloir, n°52-53, 1989, sur P. Kondylis, v. p. 8). L'approche du conservatisme que l'on trouve dans l'oeuvre de Kondylis est foncièrement différente de celle de Mohler, dans le sens où Kondylis estime que la notion même de conservatisme est dépassée parce que la classe des aristocrates propriétaires terriens a disparu ou n'est plus assez puissante et nombreuse pour avoir un poids politique déterminant. Mohler a accepté et assimilé les positions de Kondylis: il reconnaît la critique du penseur grec qui dit que tout conservatisme post-aristocratique n'est qu'un esthétisme (mais pour Mohler, cet "isme" n'est pas une injure!), surtout s'il ne défend pas la societas civilis contre l'emprise dissolvante du libéralisme. Mohler y voit la nécessité, pour toute "droite" non conformiste de défendre le peuple réel, c'est-à-dire la societas civilis contre les institutions fondées sur des abstractions philosophiques donc sur des dénis de liberté. Grand mérite de Kondylis, concluait Mohler: "Son charme intellectuel consiste justement en ceci: il nous présente les concepts et les idées qu'il traite dans leur concrétude historique". 

Wolfgang Welsch et la postmodernité 

6) Parce qu'il nous a conseillé de lire les ouvrages de Wolfgang Welsch sur la postmodernité (cf. Criticón, n°106, 1988; Robert Steuckers, "La genèse de la postmodernité", Vouloir, n°54-55, 1989). A juste titre, Mohler constate que Wolfgang Welsch donne à ses lecteurs un fil d'Ariane pour se repérer dans la jungle des concepts philosophiques contemporains, souvent assez obscurs et abscons. Mieux, Welsch dégage une interprétation "affirmative" du phénomène postmoderne, qui nous permet de quitter joyeusement et sans regret la prison de la modernité. La postmodernité de Welsch, revue par Mohler, n'est ni une antimodernité véhémente et révoltée ni une transmodernité, mais une autre modernité qui se libère des limites et des rigorismes qu'elle s'est donnés jadis. La postmodernité refuse la "Mathesis Universalis" voulue par Descartes. A la suite de Jean-François Lyotard, elle ne croit plus aux "grands récits" qui promettaient une unification-universalisation du monde sous l'égide d'une seule et même idéologie rationaliste. Ce double rejet corrobore bien entendu les éternelles intuitions de Mohler. Et porte, en filigrane, la marque de Nietzsche. 

Georges Sorel: référence constante 

7) Enfin parce qu'inlassablement il nous a invité à relire Georges Sorel et à explorer le contexte de son époque (Criticón, n°20, 1973; n°154, 1997; n°155, 1997). Sorel, que l'on a parfois appelé le "Tertullien de la révolution", était allergique au rationalisme étriqué, aux petits calculs politiques mesquins, que véhicule la sociale-démocratie. A cet esprit boutiquier, porté par une éthique eudémoniste de la conviction et par une volonté de rayer des mémoires tous les grands élans du passé et de gommer leurs traces, Sorel opposait le "mythe", la foi dans le mythe de la révolution prolétarienne. L'éthique bourgeoise, malgré sa prétention d'être rationnelle, conduit à la désorganisation voire à la désagrégation des sociétés. Aucune continuité historique et étatique n'est possible sans une dose de foi, sans un élan vital (Bergson!). Plus fondamentalement, quand Sorel interpelle les socialistes embourgeoisés de son époque, il suggère une anthropologie différente: le rationalisme coupe du réel, ce qui est malsain, tandis que le mythe en épouse les flux. Le mythe, indifférent à tout "sens" posé comme définitif ou érigé comme idole, est le noyau de la culture (de toute culture). Sa disparition, son refoulement, son oblitération conduisent à une entropie dangereuse, à la décadence. Une société étouffée par le filtre rationaliste s'avère incapable de se régénérer, de puiser et de re-puiser ses propres forces dans son récit fondateur. La définition sorélienne du mythe interdit de penser l'histoire comme un déterminisme; l'histoire est faite par de rares et fortes personnalités qui lui impulsent des directions, aux périodes axiales (Armin Mohler reprend la terminologie de Karl Jaspers, que Raymond Ruyer utilisera à son tour en France). La vision mythique des personnalités impulsantes et des périodes axiales fonde la conception "sphérique" de l'histoire, propre de la ND (cf. supra, paragraphe sur le "réalisme héroïque").  

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- Quels aspects, courants, figures de la RC ont retenu votre attention et votre intérêt? De quels auteurs/courants de la RC vous sentez-vous le plus proche? 

Première remarque : Mohler lui-même, dans un entretien accordé en Allemagne à des collaborateurs de la revue Sezession de Götz Kubitschek (qui prononcera un discours lors de ses obsèques), a précisé que la masse des écrits qu’il avait classés dans la catégorie de la « révolution conservatrice » sont désormais illisibles et inexploitables. D’autres démonstrations intellectuelles doivent prendre le relais. D’autres configurations idéologiques et d’autres donnes en politique internationale doivent se substituer aux interrogations et aux constats de l’ère de Weimar : Suisse de Bâle et homme d’entre-deux, comme moi qui suis Bruxellois et bas-lotharingien, Armin Mohler ne veut plus de conflits franco-allemands et sait que toute nouvelle confrontation avec la Russie entraînerait la perte définitive de tous. Et, surtout, selon sa prédilection pour les « images directrices », d’autres images mobilisatrices doivent advenir pour bousculer l’encroûtement généralisé, situation qu’un disciple tout à la fois de Nietzsche et de Sorel ne saurait accepter. L’historien de l’art Mohler pense au muralisme mexicain (auquel il consacrera un long article traduit pour Nouvelle école), au muralisme irlandais et aux affiches maoïstes.

Il est évident que je retiens principalement Ernst Jünger comme figure de référence, de même que son frère Friedrich-Georg. Mohler ne dit pas le contraire même si son engouement pour Jünger, au départ, était essentiellement motivé par une adhésion pleine et entière aux messages nationaux-révolutionnaires qu’il avait couchés sur le papier dans les revues militantes des années 1920 à 1932. Quand Mohler devient le secrétaire de Jünger au début des années 1950, il espère réitérer ce discours, le répandre dans une République fédérale allemande qui risque de sombrer dans une mortelle indolence sous le double effet de la « rééducation » voulue par les Américains et de la tendance post bellum au matérialisme consumériste.

J’apprécie chez Jünger ses talents de mémorialiste, qui sont sans doute inégalés dans la littérature européenne. Au cours de ces dix dernières années, plusieurs ouvrages de toute première importance sont parus sur lui, nous aidant à comprendre son œuvre. Je suis en train de lire cette abondante production, afin de pouvoir publier de futurs ouvrages. Il est évident que les discours nationaux-révolutionnaires de Jünger m’ont intéressé voire fasciné, tout comme le Mohler des années 1930, 1940 et 1950. Nous voulions aussi une fusion des « cerveaux hardis », au-delà des clivages incapacitants imposés par les droites et les gauches établies. Mais cela, c’était il y a quarante ans. Dans les années 1980, nous avons cherché à traduire dans la réalité nouvelle notre option récurrente qui transcendait les clivages, en nous joignant au combat contre l’installation des missiles américains en RFA et en réclamant un « désalignement » et un retour à la neutralité (celle suggérée par Staline en 1952, celle adoptée par la Finlande, celle conservée par la Suisse et la Suède, celle adoptée par l’Autriche en 1955). Toute l’aventure de l’étonnante et irremplaçable revue Wir Selbst en Allemagne, avec Siegfried Bublies et Henning Eichberg, en témoigne, comme celle de Vouloir/Orientations (avec Ange Sampieru et votre serviteur) ou celle des initiatives de Christian Dutoit en Flandre (cf. supra).  Tous nos espoirs ont été vains : la guerre en Yougoslavie a permis une installation discrète des forces américaines dans une région hautement stratégique (le Camp Bondsteele au Kosovo) ; les bombardements contre la Serbie en 1999 ont confirmé l’impuissance européenne, le déclenchement de l’Apocalypse en Mésopotamie, au Levant et en Cyrénaïque a démontré à satiété que l’Europe était politiquement inexistante, que les partis politiques établis (libéraux, sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens) ne servaient à rien d’autre qu’à poursuivre leur chasse insatiable aux prébendes, qu’ils n’avaient aucun projet en politique extérieure et en diplomatie (c’est-à-dire dans les domaines régaliens). Il n’y a toujours pas d’Europe indépendante et neutre, capable de suggérer une diplomatie alternative et d’offrir un modèle social cohérent au monde extérieur.

Jünger avait donc eu raison, après-guerre, d’opter pour « un recours aux forêts » ou pour l’attitude de l’« anarque ». Nous sommes effectivement, comme il le constatait avant nous, en visionnaire avisé, entrés douloureusement dans l’ère de la « post-histoire ». Nous sommes incapables ou empêchés de faire l’histoire. Celle-ci est déterminée par d’autres forces que celles qui avaient émergé jadis sur les terres de notre Europe. La tragédie yougoslave est emblématique à ce sujet : c’est elle qui nous a fait ouvrir les yeux, nous a forcé, jeunes fous, à accepter de devenir des « anarques ». Ce qui ne doit pas nous interdire de sortir de temps en temps des bois…

Spengler a été important pour moi, tant pour son Déclin de l’Occident que pour les écrits produits après 1920. D’autres auteurs, dont je m’abstiendrai de dresser la liste ici, sous peine de chavirer dans une exhaustivité non maîtrisable, ont illustré mes intuitions initiales de manière durable : ce sont ceux qui feront l’objet de courtes entrées dans l’Encyclopédie des Œuvres Philosophiques, éditée par les P.U.F. sous la houlette du Professeur Jean-François Mattéi (cf. infra).

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Enfin, mon « conservatisme révolutionnaire » ne se limite pas à l’espace linguistique germanophone, même si celui-ci est, quantitativement, le plus important en Europe, vu que l’allemand est la langue la plus parlée en Europe à l’est de l’espace russophone et est la langue philosophique par excellence, héritière du grec antique, le véhicule de bon nombre d’innovations intellectuelles depuis la moitié du 19ème siècle ; il fut la langue vernaculaire de tous les territoires entre Berlin et Moscou, de la Baltique à la Mer Noire et dans tout l’espace danubien de l’ancien Empire austro-hongrois. L’Espagne, en la personne du germanisant José Ortega y Gasset, recèle des traditions politiques très intéressantes. L’Amérique latine a beaucoup de leçons, claires et pragmatiques, à nous apprendre. L’Italie mérite toute sa place et peut se glorifier d’avoir une tradition « conservatrice-révolutionnaire », elle aussi, analysée notamment par Maurizio Veneziani (cf. La rivoluzione conservatrice in Italia. Genesi e sviluppo della ideologia italiana, Milano, SugarCo, 1987.; 1994. ISBN 88-7198-311-4; 2012. ISBN 978-88-7198-631-9 ; et : L'antinovecento. Il sale di fine millennio, Milano, Leonardo, 1996. ISBN 88-04-40843-X ). Le monde slave, qui m’est plus difficilement accessible ou seulement par des études en d’autres langues romanes ou germaniques, reste un continent immense à découvrir ou redécouvrir. Le chantier est inépuisable.

- Pouvez-vous présenter vos différents travaux sur le courant de la RC, au sein du GRECE, puis dans vos revues Vouloir et Synergies Européennes? Pourquoi avoir voulu porter cette galaxie intellectuelle à la connaissance du public (et quel public?) ?

Mes travaux sur la « révolution conservatrice » allemande sont consignés dans mon recueil paru aux éditions du Lore. Il y a certes d’innombrables traductions disséminées dans les quelque deux cents fascicules d’Orientations, Vouloir, Nouvelles de Synergies européennes, Au fil de l’épée, etc. Un numéro assez copieux de Vouloir a été consacré au sujet, de même qu’un autre à la personnalité d’Ernst Jünger à l’occasion de son centième anniversaire. Mes travaux ont donc été surtout auto-publiés dans les revues soutenues par l’E.R.O.E. de Jean van der Taelen, par « Synergies Européennes » (Gilbert Sincyr, Prof. Jean-Paul Allard, Alessandra Colla, etc.) et par l’Association « Minerve » de Robert Keil, avec l’appui d’André Wolff à Metz. A part Alessandra Colla et moi-même, tous sont aujourd’hui décédés. Au G.R.E.C.E., où j’ai surtout été personna non grata pendant des décennies, à part entre 1979 et 1981 et 1989 et 1992, j’ai publié un article sur Henri De Man dans Etudes & Recherches,  un article sur Heidegger dans Nouvelle école, un article sur Ortega y Gasset dans Eléments (qui a été caviardé sous prétexte que la référence majeure en était l’étude du Prof. Walravens de l’Université de Louvain et que ce philosophe hispaniste flamand était un ecclésiastique !!). Enfin, en 1981 toujours, j’ai co-rédigé un article sur Carl Schmitt avec Guillaume Faye pour Eléments. C’est bien peu de chose. Et tout cela remonte à plus de trente-cinq ans. J’ai prononcé deux conférences relatives à la révolution conservatrice allemande dans le cadre du G.R.E.C.E. : l’une en 1989 sur la postmodernité vue par Wolfgang Welsch dont l’ouvrage avait été chaleureusement recommandé par Mohler dans les colonnes de Criticon. Cette conférence a rencontré l’incompréhension de la majorité des stagiaires présents et une franche hostilité parce que Welsch, Mohler et moi-même avions cité positivement « le Juif Derida-da » (!). L’autre conférence concernait Friedrich-Georg Jünger et était destinée à l’Université d’été 1991. J’avais le sobriquet de « trotskiste » du mouvement ; j’ai récolté celui d’« écolo » après cette présentation succincte du frère d’Ernst Jünger, qui avait particulièrement déplu à un mécanicien-dentiste, membre de la maîtrise du G.R.E.C.E. et, à ses heures, triste chansonnier à la voix rauque et brisée et aux paroles d’une stupidité affligeante.

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Le gros de mes études sur la révolution conservatrice a été commandité par le Prof. Jean-François Mattéi pour le compte des Presses Universitaires de France. Ce travail m’a permis de me plonger pendant huit longs mois dans les archives de l’Albertine, la bibliothèque royale de Belgique, très riche en ouvrages allemands, tant le Kaiser en 1914 que le Führer en 1940 s’étaient montrés généreux dans l’espoir de « re-germaniser » le pays. Des wagons entiers de bouquins suivaient les troupes de la Reichswehr et de la Wehrmacht. Personne ne lit plus ces archives depuis 1918 et 1945.

Vous me demandez quel public était visé ? Dès le départ, dès notre groupe informel d’étudiants bruxellois des années 1975-1981, nous n’avions aucune illusion quant au public dit de « droite » (pour autant que ce terme ait une signification en Belgique, comme le soulignait déjà le Prof. Stengers de l’Université Libre de Bruxelles, dans un ouvrage collectif aujourd’hui épuisé et intitulé The European Right). Nous nous adressions à des semblables, à des curieux comme nous, à des inclassables. L’analyse du fichier des abonnés aux revues le prouve : il y avait certes dans cette liste des hommes et des femmes rencontrés lors de colloques du G.R.E.C.E. ou d’autres initiatives mais l’immense majorité était composée d’inconnus, de personnes que nous n’avions jamais vues ou qui se sont confinées dans une discrétion absolue. Quant aux raisons de vouloir parler de personnalités oubliées ou décrites comme sulfureuses, elles sont simples : 1) faire éclore une meilleure connaissance de la pensée européenne contemporaine ; 2) faire revenir du refoulé car le refoulé explique en profondeur ce que la surface acceptée signifie en fait (un de nos commensaux étudiait la psychiatrie et s’affichait « lacanien »); 3) remettre en question les établissements en place par un travail généalogique et archéologique sur les idéologies et les idéologèmes, afin de les dégager de leur cangue conformiste. Aujourd’hui, d’excellents travaux universitaires allemands, français, italiens ou anglo-saxons explorent l’époque qui va de 1870 à 1914 ou au-delà. Tous sont contraints de citer des auteurs que les deux après-guerres avaient refoulés.

- Vous publiez régulièrement sur vos blogs Synergies Européennes et Vouloir des articles sur la RC et ses principales figures; qu’est-ce qui, selon vous, reste aujourd’hui d’actualité dans la pensée conservatrice-révolutionnaire? 


Les raisons de publier des articles sur les blogs sont les mêmes que celles qui nous amenaient à les publier sur des supports en papier. Si vous me posez la question de savoir ce qui reste d’actualité dans le corpus doctrinal de la révolution conservatrice, je commencerai par vous posez une autre question. Celle-ci : que reste-t-il d’actualité de la première psychanalyse de Freud, de l’architecture Art Nouveau ou Art Déco, de la littérature victorienne, des interprétations successives du marxisme ? Le passé ne s’efface pas contrairement à ce que colporte la vulgate progressiste. Il s’estompe, semble disparaître mais ré-émerge d’une manière ou d’une autre. Pensons par exemple à la culture de la double monarchie austro-hongroise. Un auteur italien contemporain, Claudio Magris, a bien montré que le souvenir de cette construction politique et de la culture qu’elle a véhiculée demeure sous-jacent dans tous les pays qui en ont fait partie. La disparition du Rideau de Fer en 1989 a fait resurgir un passé commun que même le conflit inter-yougoslave n’a pas pu entièrement effacer. De toutes les façons, si nous étions des originaux, que l’on prenait pour des fous, il y a quarante ou trente ans, force est de constater que les travaux universitaires et les productions littéraires ou cinématographiques puisent désormais, en partie, dans ce corpus, pour mille et une raisons ; d’abord pour ne pas avoir à ânonner les poncifs lassants répétés ad nauseam par tous les établissements de la planète. Votre propre mémoire en maîtrise le prouve. Je constate que cet engouement secoue davantage le monde anglo-saxon que les autres espaces linguistiques européens ou autres. Quand je vous parle de la pertinence toujours latente de thématiques révolutionnaires-conservatrices ou autres, datant des années 1920 et 1930, je fais implicitement référence à un auteur anglo-indien, Kris Manjapra, auteur de la copieuse étude Age of Entanglement – German and Indian Intellectuals across Empire (Harvard University Press, 2014). Manjapra montre comment la modernisation de l’Inde et, simultanément, sa marche vers l’indépendance, s’est accompagnée d’une « autre modernité » que celle suggérée par l’Empire britannique, le Raj. Cette « autre modernité » était de facture allemande, tant à la fin du 19ème siècle (avec l’avènement d’une physique nouvelle) que sous la République Fédérale, en passant par les ères wilhelminienne et nationale-socialiste.

Le filon organique qui traverse toute la pensée allemande doit beaucoup aux découvertes successives de la physique pure et de la biologie animale et humaine. Bon nombre de réflexes intellectuels de la « révolution conservatrice » sont tributaires, en amont, de cette nouvelle physique et de cette nouvelle biologie (pas nécessairement darwinienne). Cette scientificité latente de tout le corpus organique a aussi été mise en exergue en France par Georges Gusdorf dans son œuvre monumentale concernant les idéologies des Lumières, le romantisme ou l’histoire de l’herméneutique. Dans cette perspective, les idéologies en place, qui se disent « progressistes », sont des vieilleries anti-scientifiques tandis que l’alternative proposée par les meilleurs des « révolutionnaires conservateurs », qui refusent de se proclamer « progressistes », ont bel et bien un fondement scientifique parce qu’organique. Les étudiants indiens de ces professeurs allemands de physique ou de biologie l’avaient bien compris : ils mettaient en exergue la conformité de cette nouvelle science physique avec les traditions de la mythologie hindoue et les Védas, tout en déployant des techniques visant à assurer, à terme, l’indépendance de leur civilisation. Par ailleurs, Wolfgang Welsch (cf. supra) définit la postmodernité comme une modernité issue des découvertes de la nouvelle physique : Mohler imaginait, après la chute du Rideau de Fer, que la modernité allait sortir des sentiers battus de l’Aufklärung, interprété par le mentor de la RFA, Jürgen Habermas, pour devenir une postmodernité calquée sur cette physique nouvelle qui avait généré les impulsions des révolutionnaires conservateurs. La postmodernité de Mohler, inspirée par la définition qu’en donnait Welsch, n’était rien d’autre que la bonne vieille « révolution conservatrice » sous des oripeaux nouveaux, « nominalistes » dans le sens où ils s’avéraient plus souples et plus plastiques que les rigidités substantialistes des philosophies scolastiques ou dégénérées en scolastique. Rien de cette transition ardemment espérée ne s’est passé et ce que l’on appelle aujourd’hui la « postmodernité » n’est qu’un carnaval terne et sans ressort, que Philippe Muray nomme le « festivisme ».

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Pour commander l'ouvrage: 

Steuckers/Révolution conservatrice

- Vous avez publié en 2014 un ouvrage sur la RC qui regroupe plusieurs portraits de ses principaux auteurs; or, vous proposez un cadre autre que celui retenu par Mohler, en élargissant notamment la chronologie (vous remontez jusque dans les années 1875, et intégrez à la fois le courant nietzschéen et l’école allemande de géopolitique). Pourquoi cette nouvelle approche élargie? Quels sont les points forts et les points faibles de la typologie et de la chronologie retenues par Mohler?

Je ne propose nullement un cadre autre que celui retenu par Mohler, non pas dans les années 1950, quand il travaillait à sa thèse de doctorat sous la houlette de Karl Jaspers mais dans les années 1980, quand il lisait les thèses sur la France d’avant 1914 de Zeev Sternhell. Dans sa recension du livre de Sternhell, La droite révolutionnaire, pour la revue munichoise Criticon du Baron Caspar von Schrenck-Notzing, Mohler applaudit à l’idée d’élargir l’espace temporel de la révolution conservatrice. Ensuite, il ne faut pas oublier que Moeller van den Bruck, après la défaite allemande de 1918, évoque, avec l’Alsacien Stadtler, l’idée d’imiter les Français après leur défaite de 1871 : créer des clubs, des revues, des cénacles qui ne pensent qu’à une chose, la revanche. Or cet antécédent français est justement cet espace idéologique rupturaliste que décrit Sternhell dans La droite révolutionnaire. Moeller van den Bruck comme Mohler sont conscients de l’impolitisme foncier des Allemands. Se référer tout à la fois aux conquêtes scientifiques allemandes, qui n’ont été d’aucune utilité dans la mobilisation totale des forces nationales pendant la Grande Guerre, et à l’hyper-politisme des Français entre 1871 et 1914 permettra de sortir de l’impasse imposée à Versailles en 1919, pensaient Moeller van den Bruck et les membres du « Juni Klub ». Aujourd’hui, c’est l’Europe tout entière qui doit se repenser au-delà de toutes les humiliations qu’elle a subies. En France aujourd’hui, c’est aussi à Bergson et à Péguy voire à Sorel que se réfère un Patrick Buisson pour pallier le suicide français décrit par Zemmour : donc des références d’avant 1914 ! En proposant d’élargir la plage temporelle des études sur l’idéologie allemande, je n’ai nullement été à l’encontre de Mohler mais, bien au contraire, j’ai abondé dans son sens : j’ai travaillé à l’élargissement qu’il appelait de ses voeux. Il n’y a donc pas lieu, pour moi, d’évoquer des points forts ou faibles dans son argumentaire.

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- Quel regard portez-vous concernant l’actualité des publications sur la RC, universitaires ou militantes (notamment dans les milieux nationaux-révolutionnaires et ce qu’il reste de la « Nouvelle Droite ») dans l’espace francophone? 

Les publications universitaires sont toutes excellentes, à condition qu’elles ne véhiculent pas les simplismes des idéologies dominantes à l’encontre des pensées nées entre 1870 et aujourd’hui. Sur ma table de travail, outre les livres allemands d’exégèse sur l’œuvre d’Ernst Jünger et le livre de Manjapra (cf. supra), il y a celui d’Anthony Andurand, Le mythe grec allemand – Histoire d’une affinité élective, Presses universitaires de Rennes (2013). Les milieux nationaux-révolutionnaires, tels que nous les avons connus du temps d’un Jean-Gilles Malliarakis ou d’un Christian Bouchet, ont virtuellement cessé d’exister. D’autres ont pris le relais, comme « Dissidence française » de Vincent Vauclin. Ces mouvements pouvaient ou peuvent certes susciter un engouement ou des vocations mais leur tâche n’est pas de faire œuvre scientifique en ce domaine. Ils suscitent indubitablement un intérêt pour les questions révolutionnaires-conservatrices, le même que celui qui avait animé un Dominique Venner pour la geste d’Ernst von Salomon et des « réprouvés » des années 1920 en Silésie ou dans les Pays Baltes. Mais, lato sensu, la révolution conservatrice ne se limite pas aux épopées « soldatiques » comme je l’explique dans quelques chapitres de mon livre sur le sujet.

Quant à la « nouvelle droite », du moins son canal historique, elle a rejeté et exclu tous ses germanistes (Locchi, Mudry, Allard, moi-même) et son meilleur italianiste (Baillet), en adoptant le comportement des « rombières » fustigées par notre Abbé d’antan : elle nous a tissé une réputation de fainéant, de toqué, etc. avec la même hypocrisie que « celles qui tricotaient des bas pour les pauvres ». Heureusement que Jean Haudry a chaperonné la confection des derniers numéros de Nouvelle école. Quant au reste des productions, à part un ouvrage de leur chef de file sur quatre figures de la révolution conservatrice, je ne vois rien de bien particulier qui ait été publié. L’étude de cette période de l’histoire intellectuelle germanique appartient désormais à l’université. Et à elle seule. Ma tâche de « perroquet » (Maurras) et d’instituteur (Niekisch) est de répercuter bravement ce que ces savants vont produire en plus hauts lieux.

lundi, 05 juin 2017

Le pied-de-nez d’outre-tombe de Christophe de Margerie aux Américains, qui relance les interrogations sur sa disparition

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Le pied-de-nez d’outre-tombe de Christophe de Margerie aux Américains, qui relance les interrogations sur sa disparition

Auteur : Emilie Defresne
Ex: http://zejournal.mobi 

Trois ans après sa mort tragique, Christophe de Margerie envoie d’outre-tombe un pied-de nez magistral aux USA par l’intermédiaire de la Russie. Un message que les USA, qui avaient combattu l’homme, n’ont pas manqué de recevoir en pleine face. En 2014 le grand patron de Total, Christophe de Margerie, disparaît dans le crash de son avion sur un aéroport de Moscou après une entrevue avec Dmitri Medvedev, le Premier ministre. Si l’enquête a été apparemment bâclée, les engagements du patron de Total avec la Russie sont saufs au-delà de sa mort. En effet l’enquête sur le crash de l’avion semble donner une version trop simple pour être vraie, au regard du personnage hors du commun qu’était Christophe de Margerie. La thèse rapidement retenue de l’accident relève-t-elle d’une évidence ou bien les autorités russes savent d’où vient le coup mais ne trouvent pas opportun de le révéler? En effet le patron de Total venait une nouvelle fois de défier les intérêts américains. Mais pour l’homme, s’agissait-il du défi de trop?

Christophe de Margerie ouvre une voie maritime nouvelle vers le Pacifique  

C’est à travers un hommage particulièrement appuyé que lui rend la Russie que Christophe de Margerie revient d’entre les morts à travers le plus grand brise-glace du monde baptisé de son nom et conçu pour inaugurer une nouvelle route maritime à partir du grand Nord. Une voie nouvelle qui va permettre de gagner trois semaines par rapport au trajet antérieur pour aller dans le Pacifique récolter les fruits du contrat qui unit Total au groupe gazier russe.

Mais où sont donc les représentants de la France ?

Il s’agit d’un hommage extraordinaire de la Russie rendu à un Français pour une œuvre qui sert autant les intérêts de la Russie que ceux de la France, puisque Total est la première entreprise française et celle à travers laquelle la France agit. Néanmoins, si Vladimir Poutine intervient dans une allocution vidéo au cours de la cérémonie de baptême du super tanker, en revanche ni la famille Margerie, ni aucun représentant de l’État français n’est présent pour recevoir l’hommage. Les information TV n’ouvrent pas sur cette grande nouvelle. Il faut aller puiser au cœur d’un reportage d’Envoyé Spécial, uniquement diffusé sur France 2, pour en avoir la nouvelle, comme en catimini. Seul le nouveau patron de Total est présent à la cérémonie, -qui d’ailleurs n’est pas retransmise-, et encore se garde-t-il de toute allusion aux raisons de la mort de son prédécesseur, celui qui à ses dires, l’avait mis en position de lui succéder à la tête de la compagnie pétrolière française.

Ces absences françaises plus que n’importe quelle explication démontrent à quel point la France tremble devant le gendarme du monde que sont les USA…

Quels que puissent être les torts attribués à Christophe de Margerie, son œuvre indépendante des pressions montre combien cet homme était un grand Français, gageons que d’autres grands Français, d’autres grands entrepreneurs, d’autres  créateurs, honorent la France de leur génie et de leur audace, mais s’ils ne sont pas inféodés au mondialisme, ils sont cachés au lieu d’être montrés en exemple.

« Christophe de Margerie a beaucoup travaillé pour la richesse de Total et celle de la Russie ».

Quand on pose la question au capitaine du Christophe de Margerie: « Savez-vous pourquoi le bateau poste le nom de Christophe de Margerie ? » Celui-ci répond: « il a beaucoup travaillé pour la richesse de Total et celle de la Russie ». Les Russes semblent donc avoir eux-mêmes bien compris qu’il ne faut surtout pas assimiler l’action du grand patron à celle de la France, comme si Total n’avait rien à voir avec les intérêts français. Une telle assimilation serait très politiquement incorrect. Il faut dire que cet hommage d’une rare portée ne doit pas manquer d’interpeler les grands groupes américains. C’est en réalité un hommage franco-russe en lien avec le dernier défi de Christophe de Margerie, mais dans lequel la partie française se fait très discrète, l’œil sourcilleux et jaloux de Washington veille et menace.

Ni Total, ni la Russie ne veulent entendre parler d’attentat, à quoi bon ? Un consensus général plane sur la disparition du patron de Total. Les USA ne mettent pas l’enquête de Moscou en question, la France non plus. Est-ce la partie Total de l’affaire qui a demandé la discrétion sur le crash ? Étrange consensus du silence. Chacun y trouvant probablement son intérêt. C’est aussi ce qui s’observe lorsque tout le monde sait mais que tout le monde a avantage à faire comme s’il le savait pas. Qu’elle soit accidentelle ou qu’il s’agisse d’un attentat, la mort tragique du patron atypique de Total n’a ni empêché, ni arrêté, le contrat historique passé entre la Russie et Christophe de Margerie, l’ami qui jusqu’au bout a dénoncé les sanctions économiques que les USA ont imposées contre la Russie suite au rattachement de la Crimée, ainsi qu’en témoignent tous ceux qui l’ont croisé lors de sa dernière journée à Moscou. « Il était le contraire d’un courtisan, c’était un homme qui avait une liberté totale », dit un de ses collaborateurs.

Quand verrons-nous nos grands amis américains rendre un hommage de cette ampleur à un grand Français ? Jamais! Les Américains n’aiment pas que leurs amis leur fassent de l’ombre.

Le défi iranien de Christophe de Margerie face aux USA

Au terme du reportage qu’ « Envoyé spécial » lui a consacré (Vidéo ci-après), difficile en effet, de ne pas penser à un attentat des services secrets américains contre l’homme qui concluait des affaires gazières par-dessus les oukases US, non pas que de nouvelles révélations aient été faites à propos des circonstances du crash, mais plutôt en raison de l’hommage appuyé de la Russie à Margerie, (un hommage en forme de mise-au-point?), et également en raison du désir hégémonique sourcilleux des États-unis qui sabrent tous ceux qui entravent les intérêts oligarchiques américains. BNP-Paribas en a fait les frais à propos de l’Iran, tout comme Total et pour les mêmes raisons :

La banque française a été accusée par la justice américaine d’avoir contourné entre 2000 et 2010 les embargos imposés par les États-Unis à Cuba, à l’Iran, au Soudan ou à la Libye. Elle devra payer 8,9 milliards de dollars d’amende. Source Le Monde

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En effet, Christophe de Margerie avait déjà reçu un avertissement en grand lorsqu’il avait déjà défié la puissance américaine en Iran. Les USA estimaient que leurs alliés (vassaux?) devaient eux aussi se soumettre à l’embargo américain. Mais Christophe de Margerie loin de s’incliner devant cet embargo américain a profité de l’absence des groupes pétroliers US dans le pays pour conclure un important contrat avec les Iraniens, avec l’accord du ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, ainsi que ce dernier en témoigne dans le reportage. Pour se venger et en forme d’avertissement les Américains ont attaqué Total en Justice et condamné le groupe à leur verser une somme colossale de plusieurs milliards de dollars pour avoir osé passer outre les intérêts US.

« En 2013, Total était la première entreprise française et la onzième du monde en termes de chiffre d’affaires, générant quelque 288,8 milliards de dollars et un bénéfice de 11,2 milliards de dollars ».

« Le groupe a de gros intérêts en Russie. La Russie va devenir le premier fournisseur d’hydrocarbures pour Total d’ici à 2020 ». Source: Agoravox

Cet accord conclu avec les Russes par le PDG de Total est donc une affaire à long terme qui rentre en concurrence direct avec les pétroliers américains tout en confortant le secteur gazier russe.

Les Américains voyaient déjà le pétrole russe dans leur escarcelle

L’abus de pouvoir américain par Justice interposée va pousser Christophe de Margerie à coopérer avec l’autre grande nation de l’énergie, peut-être la plus grande, la Russie, celle dont les grands groupes pétroliers américains convoitent précisément les ressources. C’était téméraire. Pour comprendre il faut brièvement remonter à la chute de l’empire soviétique lorsque les oligarques Américains du pétrole vont faire ami-ami avec les oligarques russes. Les oligarques russes sont ces gangsters qui vont s’accaparer les entreprises nationales russes en profitant du chaos de fin de règne et qui vont ensuite les négocier avec les grands groupes américains. Ces juteuses affaires privées vont être un bon moyen pour les Américains d’enfin mettre la main sur les ressources énergétiques du sous-sol russe, pensent-ils, et du coup la Russie trouve grâce à leurs yeux, même si officiellement le prétexte à ce revirement est plutôt la contre-révolution anti-communiste.

Cette état de grâce sera de courte durée. Au bout de la décennie, en 1999, Eltsine cède sa place de président de la Fédération à Vladimir Poutine  qui trouve la Fédération à genoux, ces richesses livrées à l’ancan. Les oligarques de part et d’autre ne doutent pas que le pillage de la Russie va pouvoir se poursuivre en toute tranquillité. C’est ignorer le patriotisme du nouveau président par intérim qui va trouver un écho dans le patriotisme des Russes grâce auquel il sera élu l’année suivante.  On connaît la suite: Poutine remet les oligarques russes à leur place, et les récalcitrants en prison, tandis que les Américains rentrent chez eux bredouille. Cette reprise en main des ressources russes par la Russie, les Américains ne l’acceptent pas, d’où leur volonté d’anéantir le pays ou au moins de le présenter à l’opinion publique comme l’ennemi irréductible, comme au beau temps de la Guerre froide, afin de justifier tout ce qui pourrait le déstabiliser et servir de prétexte aux conflits que les USA mènent un peu partout, par delà les océans.

L’une des plus grandes tentatives de déstabilisation de la Russie c’est le coup d’État du Maïdan en Ukraine en 2014, Or Christophe de Margerie ne rentre pas dans le jeu américain contrairement aux autorités de l’Union, il le dénonce et ne cache pas sa sympathie pour le rattachement de la Crimée à la Russie et va même conclure un accord pétrolier historique avec elle malgré les oukases américains, ce qui ouvre à la Fédération son horizon au moment où les sanctions économiques tentent de le lui fermer. La témérité de l’homme d’affaire lui aurait-elle été fatale? Impossible de répondre avec certitude. Quoiqu’il en soit le coup qu’il a porté en faveur du groupe français Total et au profit de la Russie rééquilibre un peu le rapport de force entre les mondialistes occidentaux et le monde libre qu’est la Russie aujourd’hui.

L’impossible rapprochement de Donald Trump avec la Russie

Donald Trump qui affirme que la politique étrangère des USA doit changer en cessant de jouer les gendarmes du monde, a-t-il réellement l’intention de faire cesser la politique agressive américaine, celle qui justifie le commerce des armes, l’hégémonie sur les ressources énergétiques ou encore le contrôle des ressources alimentaires ? Si telle est la volonté du président américain il s’attaque à très forte partie. Au parti tout-puissant des marchands d’armes, des groupes pétroliers et de la haute finance américaine pour qui la guerre larvée contre la Russie permet de justifier devant l’opinion publique mondiale tous les conflits que mènent l’oncle Sam. Donald Trump persistera-t-il et si oui, subira-t-il le sort de Christophe de Margerie ?

« Naturellement, les Américains consolidèrent leur emprise et toute la géopolitique américaine sent le pétrole et les nations qui ne l’ont pas compris le paieront à leur dépens. L’invasion de l’Irak par deux fois, l’éclatement de la Yougoslavie ( avec la création ex nihilo du Kossovo) où se trouve la plus grande base américaine en Europe qui permet d’avoir un regard sur ce qui se passe en Europe , l’Afghanistan , le chaos libyen et la Syrie qui ne veut pas mourir c’est encore et toujours le pétrole. Le feuilleton turc s’est peut être le début d’une affaire pétrolière.

Il vient que les nations européennes exception faite du Royaume Uni se battent pour leur approvisionnement pétrolier par leur compagnie interposée ». Source Agoravox

Dés qu’on évoque l’hypothèse d’un complot au détriment de l’oligarchie qui dirige l’Occident, quels que soient les éléments concordants qui y mènent, il lui est aussitôt opposé la théorie du complot comme si cela était un argument. C’est, bien sûr, la presse aux ordres, la presse sous contrôle, qui agite la théorie du complot. Pourtant les conjurations sont parties intégrantes de l’histoire, de l’assassinat de Jules César par son fils Brutus, au coup d’État de Napoléon Bonaparte et jusqu’à la conjuration manquée contre Adolf Hitler par ses généraux. Curieusement ce  dernier complot est admis et même porté au fronton de l’Histoire officielle, car il participe à la théorie officielle de l’Histoire … Mais les complots les mieux réussis ne sont-ils pas ceux que personne ne soupçonne jamais?

Qui a mis une potion déstabilisante dans le verre de Marine Le Pen lors du débat ?

Dans ces conditions on comprend que Marine Le Pen ou François Fillon, en manifestant leur projet de renouer des relations diplomatiques indépendantes de la France avec la Russie n’avaient aucune chance de réussir face à un Emmanuel Macron soutenu par les milliardaires, la Haute finance et donc par les services secrets américains qui veillent au grain, avec son projet de renforcement de l’UE et de l’OTAN…  Cela n’est rien lorsqu’on connaît le rôle fondateur des USA dans la création de l’Union européenne, ainsi que Marie-France Garaud n’a pas craint de le dénoncer publiquement. On comprend que Macron ait reçu un hommage marqué lors de son arrivée au sommet de l’OTAN en Allemagne, avant-hier, particulièrement de la part des membres de l’Ouest de l’Union… Quand on promeut la politique des autres au détriment de soi, les autres sont contents, c’est normal. Normal aussi que Poutine soit détesté, il ne se bat que pour son pays. Macron est donc l’anti-thèse de Poutine.

On peut donc, sans ridicule, se poser la question: qui a mis une potion déstabilisante dans le verre de Marine Le Pen lors de son débat face à Macron entre les deux tours? Jamais, ni avant, ni après, Marine Le Pen n’a été aussi nulle et étrangère à elle-même qu’au moment le plus crucial de sa campagne. On peut se poser sérieusement la question suite à l’aventure tragique de Christophe de Margerie, même si la perfection du complot c’est de ne jamais être percé…

Intéressante enquête d’Envoyé spécial – De Margerie: l’énigme totale– 27 avril 2017

La guerre à Donetsk, trois ans après!

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La guerre à Donetsk, trois ans après!

Christelle Néant 

Ex: https://metamag.fr 

L’Ukraine poursuit l’escalade dans le Donbass et enlise le processus diplomatique

En ce triste anniversaire du 26 mai, les nouvelles du Donbass sur le front militaire comme sur le front diplomatique, sont loin d’être positives. Trois ans après l’arrivée de la guerre à Donetsk (le 26 mai 2014 avaient lieu les premiers combats touchant la capitale), l’Ukraine poursuit dans sa logique de résoudre le conflit avec la population du Donbass par la force.

Le bilan de la semaine énoncé par Edouard Bassourine, le commandant en second du commandement opérationnel de l’armée de la République Populaire de Donetsk (RPD), n’est pas pour rassurer sur l’évolution du conflit dans un futur proche.

Si le nombre de violations totales du cessez-le-feu hebdomadaires a augmenté de seulement 16 % pour atteindre 374 violations (dont 58 durant les dernières 24 heures), le nombre de bombardements quant à lui a plus que doublé par rapport à la semaine précédente avec 4 456 obus d’artillerie, de mortier, de char d’assaut, et de roquettes de lance-roquettes multiples tirés par l’armée ukrainienne sur le territoire de la RPD. Ce chiffre n’inclut pas toutes les roquettes de petit calibre, les munitions de lance-grenade, et autres tirs d’armes légères, dont le nombre est au moins équivalent à celui des armes lourdes (et plus souvent égal au double du nombre de tirs lourds).

Ces chiffres atteignent le même niveau que les pics qui avaient été observés en décembre 2016, un mois à peine avant l’escalade brutale qui avait eu lieu entre fin janvier et début février 2017, et qui avait vu le nombre de bombardements lourds hebdomadaire dépasser les 8 000 tirs.

Ces bombardements qui ont touché 31 localités de la république ont tué quatre soldats et blessé 12 personnes dont huit civils et endommagé 61 habitations dont 16 rien que durant les dernières 24 heures. Des tirs corrigés à l’aide de drones (pourtant interdits par les accords de Minsk), dont certains de fabrication américaine, qui sont venus s’écraser sur les positions de l’armée de la RPD.

Les provocations se multiplient aussi, après le tir du 13 mai 2017 dirigé contre Avdeyevka et mené de manière évidente depuis la localité de Vodyanoye aux mains de Secteur Droit, d’autres tirs semblables ont frappé Avdeyevka, toujours dans le même but : accuser la RPD d’avoir tiré délibérément sur des civils innocents.

Et pendant que l’OTAN conditionne l’amélioration des relations avec la Russie à l’arrêt de son soutien au Donbass (autant dire qu’il gèlera en enfer avant que ça arrive), Kiev continue de saboter la mise en œuvre des accords de Minsk tout en clamant sur tous les toits (surtout ceux des médias occidentaux) vouloir que ces accords soient appliqués.

Car à regarder la liste des dernières exigences en date côté ukrainien pour que ces accords soient appliqués, il faut vraiment être stupide ou de mauvaise foi pour croire qu’ils vont l’être :

– la révocation du décret du président russe sur la reconnaissance des documents d’identité produits par les républiques de Donetsk et Lougansk (cette mesure étant valable jusqu’à la résolution pacifique du conflit pour des raisons humanitaires il n’y a aucune chance ou presque pour que cela arrive),

– la révocation des décisions sur l’établissement des frontières d’état par les deux républiques (ça aussi l’Ukraine peut toujours rêver),

– l’abolition de la mise sous tutelle d’état des usines qui étaient sous juridiction ukrainienne (tant que le blocus commercial total du Donbass est appliqué, l’Ukraine peut faire une croix dessus),

– la renonciation de l’utilisation du rouble russe comme monnaie légale (là aussi tant que le blocus économique total du Donbass est appliqué, cela n’arrivera pas, car il n’y a plus assez de hryvnias en circulation ici),

– le retour du contrôle des portions de frontières commune entre les républiques et la fédération de Russie à l’Ukraine (ce point est prévu à la fin des accords de Minsk quand TOUT LE RESTE aura été mis en œuvre).

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Rien qu’en regardant le dernier point on se rend bien compte que cette histoire c’est le serpent qui se mord la queue, l’Ukraine demandant d’appliquer avant tout le reste un point qui est prévu à la fin du processus de Minsk quand tout le reste aura été mis en œuvre… Autant dire que cela ne sera jamais mis en œuvre.

Pendant ce temps, un des points des accords de Minsk, l’échange des prisonniers au format « tous contre tous » piétine lui aussi. Sur ce point là aussi l’Ukraine traîne des pieds et sabote le processus, essayant de ne pas rendre certains prisonniers sous des prétextes plus ou moins bidons. Et surtout, ce qui inquiète les autorités de la RPD, c’est qu’aucune information n’est disponible pour 77 des noms que la RPD a réclamés. Daria Morozova, la médiatrice aux droits de l’homme de la RPD s’inquiète de leur sort et craint qu’ils ne soient tout simplement morts.

Une crainte justifiée, quand on regarde la dérive continue de l’Ukraine vers une dictature sauce néo-nazie. Pendant que les activistes anti-Maïdan sont condamnés à six ans de prison fermes pour avoir simplement participé à des manifestations contre les nouvelles autorités ukrainiennes, comme Iouri Apoukhtine, certains députés ukrainiens proposent de s’inspirer de la politique linguistique de l’Allemagne Nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale (on a les références qu’on peut hein), alors que d’autres proposent très sérieusement de frapper les élèves qui parleraient russe à l’école…

Les accords de Minsk sont cliniquement morts, le Donbass ne pourra jamais retourner sous le giron d’un état ukrainien où ce genre de dérives graves n’est pas l’exception mais la règle.

Trois ans après que la guerre soit arrivée à Donetsk, il est temps que les dirigeants américains et européens cessent la ventilation artificielle qui maintient l’Ukraine en vie sur le papier, et lui permet de continuer à faire des morts dans le Donbass…

Source

Le grand écroulement: la crise de l'ordre géopolitique mondial

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Le grand écroulement: la crise de l'ordre géopolitique mondial

Ex: http://www.leblancetlenoir.com

 

Moins d'une semaine après la tournée du président américain Donald Trump au Moyen Orient et en Europe, il est clair qu'une profonde transformation s'opère dans la politique mondiale. Des relations et des institutions qui ont structuré la vie économique et la politique internationales pendant des décennies s'écroulent rapidement.

La montée du danger de guerre commerciale ainsi que des ambitions militaires de toutes les puissances impérialistes témoignent de l'état avancé de la crise des institutions créées après la Deuxième Guerre mondiale, quand l'impérialisme américain a établi son hégémonie mondiale.

Cette crise est le produit de processus qui se sont développés sur des décennies. En 1991, quand la dissolution stalinienne de l'URSS a privé l'Otan d'un ennemi commun, les tensions inter-impérialistes explosaient déjà. Les stratèges américains ont applaudi l'émergence d'un « moment unipolaire », où la disparition de l'URSS éliminait le seul rival militaire sérieux des Etats-Unis ; ils espéraient utiliser cet avantage militaire pour compenser le déclin économique des Etats-Unis.

En 1992, un document du Pentagone affirmait qu'il fallait convaincre « d'éventuels rivaux qu'ils ne devraient pas ambitionner d'établir un rôle plus large ou une posture plus agressive », et les « décourager de mettre en question notre leadership et de renverser l'ordre politique et économique établi ».

25 ans après, cette politique est en lambeaux. Elle a produit une série d'interventions impérialistes par l'Otan, dirigées par Washington, qui ont dévasté l'Irak, la Yougoslavie, l'Afghanistan, la Libye, la Syrie, l'Ukraine, et d'autres pays. Ces actions militaristes – qui ont fait des millions de victimes, détruit des sociétés entières, et produit le plus grande crise de réfugiés depuis la Deuxième Guerre mondiale – n'ont pas amélioré la position de l'impérialisme américain. A présent, un nouveau stade est atteint : les rivaux impérialistes des Etats-Unis se préparent à contester le primat de Washington.

Les tentatives de Trump aux sommets du G7 et de l'Otan d'obtenir de meilleurs conditions économiques en Europe se sont retournées contre lui. Il avait dénoncé les Européens pour « n'avoir pas payé ce qu'ils devraient payer » à l'Otan, traité l'Allemagne de « terrible », et menacé « d'arrêter » les exportations de voitures allemandes aux Etats-Unis. L'Europe n'a pas réagi avec de la sympathie ou des aides financières, mais en indiquant que l'Union européenne (UE) se prépare à une rupture politique et militaire avec les Etats-Unis.

A un festival de bière dimanche à Munich, la chancelière allemande Angela Merkel a évoqué le Brexit et la performance de Trump aux sommets internationaux : « L'époque à laquelle nous pouvions compter entièrement sur d'autres est d'une certaine façon révolue – j'ai vécu cela ces derniers jours. Nous, les Européens, nous devons prendre notre destinée dans nos propres mains ». A l'avenir, a-t-elle ajouté, « nous devrons nous battre nous-mêmes pour notre propre avenir. »

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Depuis, l'actualité européenne a confirmé l'existence d'une profonde crise de l'Otan, l'alliance entre l'Amérique et l'Europe occidentale établie en 1949. Le ministre des Affaires Etrangères allemand, Sigmar Gabriel, a dit qu'en élisant Trump, les Etats-Unis s'était mis au ban de la « communauté des valeurs occidentales ». C'était selon lui « une transformation des relations de pouvoir mondiales ».

Le président français nouvellement élu, Emmanuel Macron, un proche allié de Berlin, a invité le président russe Vladimir Poutine à un sommet à Versailles.A une conférence de presse, Macron a critiqué aux côtés de Poutine toutes les interventions extérieures de l'Otan des dernières années. Il a appelé de ses vœux une résolution du conflit en Ukraine provoqué par le coup à Kiev appuyé par Washington et Berlin, signalé sa volonté d'établir des liens économiques plus étroits avec Moscou, et même évoqué la possibilité de rétablir une ambassade française à Damas, en Syrie.

Cette semaine, l'UE a inauguré son nouveau quartier-général militaire à Bruxelles. Le Royaume Uni, qui l'avait bloqué pour rendre service à Washington, qui craignait que l'UE rivalise avec l'Otan, ne pouvait plus y apposer son véto à cause de sa sortie de l'UE.

Les stratèges américains avouent que ces événements sont un revers historique pour Washington. « Chaque président américain depuis 1945 a essayé de travailler étroitement avec l'Allemagne et l'Otan », écrit Jacob Heilbrunn dans The National Interest, mais l'Amérique sous Trump « pousse Merkel à la création d'une superpuissance allemande ».

Heilbrunn a poursuivi, « A présent que la France a élu Macron, Merkel s'occupe à façonner un axe franco-allemand qui poursuivra une voie économique et militaire commune. Ceci signalera une réduction significative du prestige et de l'influence américaines à l'étranger. Imaginons, par exemple, que Merkel décidait de défier la poussée de Trump pour des sanctions qui isoleraient l'Iran et établissant des relations commerciales avec la Corée du nord, et en lui fournissant des armes ».

Ces tensions ne sont pas seulement le produit de l' extrême nationalisme de l'occupant actuel de la Maison Blanche. Le Parti démocrate diabolise la Russie sans relâche et l'accuse d'avoir faussé les élections et la démocratie américaines ; il est clair qu'une victoire de Hillary Clinton aux présidentielles américaines n'aurait pas résolu les conflits avec l'Europe. En fait, ces tensions proviennent de profondes contradictions entre les grandes puissances impérialistes, qui deux fois au siècle dernier ont provoqué des guerres mondiales.

Les rivalités croissantes entre les puissances impérialistes en Asie confirment ce jugement. A la conférence en mai où la Chine a inauguré la nouvelle Route de la Soie – un réseau d'infrastructures énergétiques et commerciales reliant la Chine, le Moyen-Orient, et l'Europe – Washington n'a joué qu'un rôle mineur, alors que la Chine développait ses liens avec l'UE. La réaction du Japon et de l'Inde, les alliés du « pivot vers l'Asie » américain visant à isoler la Chine, n'était pas toutefois foncièrement plus rassurante pour Washington que celle des puissances européennes.

La semaine passée, Tokyo et Delhi ont proposé de construire un « couloir de croissance Asie-Afrique », une alternative à la Route de la Soie chinoise qui développerait l'Inde en tant qu'alternative industrielle et contrepoids militaire à la Chine. Le but du premier ministre japonais, Shinzo Abe, et des ses soutiens dans l'organisation ultranationaliste Nippon Kaigi, n'est pas seulement de dépasser la Chine, mais de supplanter l'hégémonie américaine en Asie.

Abe, qui fait campagne agressivement pour éliminer l'interdiction constitutionnelle au Japon de mener des guerres extérieures imposée après la Deuxième Guerre mondiale, a déclaré à maintes reprises qu'une alliance indo-japonaise a « le plus grand potentiel » au monde.

Les réactions au voyage de Trump en Europe témoigne non seulement d'une crise de l'impérialisme américain, mais du capitalisme mondial. Aucun des rivaux de Washington—l'UE, haïe pour sa politique d'austérité ; le régime de droite, économiquement moribond, au Japon ; on l'oligarchie capitaliste post-maoïste au Chine—n'offre une alternative progressiste.

Quelqu'un qui affirmerait qu'une coalition de ces puissances pourra stabiliser le capitalisme et bloquer l'émergence de conflits commerciaux et de guerres inter-impérialistes, parierait gros contre l'Histoire. Trump appelle à une guerre commerciale contre l'Allemagne, Berlin et Tokyo re-militarisent leur politique étrangère, et Macron veut rétablir le service militaire. Tout indique que les élites dirigeantes marchent les yeux fermés vers une nouvelle catastrophe mondiale à la même échelle, voire pire, que les guerres mondiales du siècle dernier.

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L'alternative à l'effondrement de la politique bourgeoise viendra de la classe ouvrière internationale. Des conditions de vie intolérables, le chômage de masse, et la misère sociale après des décennies d'austérité et de guerre la poussent à la lutte. Des sociétés telles qu'Amazon ou Apple, présentes aux quatre coins du monde, dominent l'économie mondiale ; les travailleurs sont de plus en plus conscients du caractère international de la classe ouvrière, dont les intérêts sont fondamentalement distincts et opposés à ceux des aristocraties financières qui gouvernent chaque pays.

L'effondrement des relations capitalistes va de pair avec le discrédit des partis social-démocrates et libéraux et des appareils syndicaux qui, après 1945, ont étouffé la lutte des classes dans un cadre bureaucratique. Le vote surprise pour Brexit, l'élection de Trump, et l'éclatement du duopole PS-LR aux présidentielles françaises de 2017 sont autant de signes de l'effondrement des vieilles élites dirigeantes. Une éruption mondiale de la lutte des classes est en préparation.

Cette crise confirme la justesse de l'affirmation du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), selon laquelle la dissolution stalinienne de l'URSS ne signifiait pas la fin de la lutte du prolétariat international pour le socialisme. Le capitalisme n'a pas pu résoudre les conflits fondamentaux identifiés par les grands marxistes du 20e siècle – entre l'économie mondiale et le système d'Etats-nation, entre la production économique socialisée et le profit privé – qui l'ont poussé à la guerre et à la révolution sociale.

http://www.wsws.org/fr/articles/2017/jui2017/pers-j03.shtml

dimanche, 04 juin 2017

Djihad 2.0: la fabrication du prochain cauchemar

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Djihad 2.0: la fabrication du prochain cauchemar 

Commençons avec 28 dirigeants de l'UE discutant de l'ouest des Balkans lors d'un récent sommet, en pestant contre - quoi d'autre - « l'agression russe » dans leur arrière-cour. Entre alors en scène un procureur monténégrin qui tempête que des « entités de l'état russe » ont élaboré une tentative de coup d'état pendant les élections d'octobre 2016, afin d'empêcher le pays de rejoindre l'OTAN.
 
Fasse alors son entrée le Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker, avertissant que la rhétorique anti-UE de Donald Trump pourrait mener à une guerre dans les Balkans. Juncker, toujours aussi méprisant, soutient que « si nous les laissons à eux-mêmes - la Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska, la Macédoine, l'Albanie, tous ces pays-là - nous aurons encore une guerre. »
Les Balkans pourraient bientôt exploser - une fois de plus. Mais avec une variante; au contraire de 1999, l'OTAN ne pourra pas se permettre de bombarder la ville sans défense de Belgrade pendant 78 jours. Une nouvelle génération de missiles russes l'en empêcherait très facilement.
La tragédie qui s'est jouée en 1999 dans les Balkans avait principalement été mise en branle par de faux massacres au Kosovo mis en scène par le BND - les services secrets allemands - se servant d'Albanais locaux et de provocateurs du BND, qui ont tiré sur les deux côtés pour enflammer une guerre et briser la Yougoslavie.

Ce qui émerge, au cours de la présente conjoncture géopolitique, est encore plus sombre.

Les suspects usuels font ce qu'ils ont l'habitude de faire: blâmer la Russie, et cracher sur les preuves.

Par conséquent laissons un initié bien informé, le Dr. Olsi Jazexhi, directeur du Free Media Institute à Tirana en Albanie, être notre guide.

En décembre 2016, John Brennan de la CIA se rendit en Albanie et y répandit une fatwa en faveur de « la guerre contre la Russie » - surtout en Macédoine.

Comme l'explique le Dr. Jazexhi,
« après le départ de Brennan Edi Rama, le Premier Ministre albanais et ami proche de George Soros, rassembla tous les partis politiques albanais de Macédoine et leur ordonna de soutenir Zoran Zaev contre Nikola Gruevski. Gruevski est considéré être russophile et otanophobe, tandis que Zaev mange dans la main de Soros. Ainsi Gruevski fut boycotté par les Albanais et Zaev avait leur soutien pour la formation d'un gouvernement. Zaev promet aux Albanais que la Macédoine fera de l'albanais une langue officielle et créera un troisième (demi-)état albanais dans les Balkans. Les Macédoniens y résistent, mais Tirana et Edi Rama manipulent les partis politiques albanais contre Gruevski. L'enjeu final est de faire de la Macédoine un membre de l'OTAN. »
Pendant ce temps-là, au Kosovo - essentiellement une sale combine de narco-mafieux paradant comme un état et abritant Camp Bonsteel, la plus grande base militaire US à l'étranger de la planète - Hashim Thaçi, le président et ancien gorille de l'Armée de Libération du Kosovo (ALK), « construit une armée pour le Kosovo. L'objectif est d'intégrer le Kosovo à l'OTAN, même si la Serbie rejette une telle idée concernant son ancienne province autonome. »

Commentaire : Lire :
Jazexhi explique également comment « en Albanie, nous avons deux grandes organisations terroristes sous la protection des USA et des Européens. »

La première est ce qu'Ankara décrit comme l'Organisation Terroriste de Fetullah Gülen (FETO, Fetullah Gülen Terror Organisation), apparemment instrumentalisée par les services secrets allemands; « la Turquie proteste de l'hébergement albanais de la FETO, mais ce sont les USA qui les abritent contre Erdogan. »

La seconde est Moudjahidin-e Khalq (MKO), qui se bat contre Téhéran;
« l'Albanie se transforme en centre pour le MKO. John Bolton était récemment à Tirana, en compagnie d'autres soutiens internationaux du MKO, et ils s'en prennent à l'Iran en y appellant au changement de régime. »
Le cinglé du MKO Marjam Rajavi a lui aussi visité Tirana, développant des plans pour « renverser les Ayatollahs » en Iran.

L'essentiel, tel que souligné par Jazexhi, c'est qu'après « avoir transformé les Balkans en terrain de recrutement pour Da'esh/EI pendant la guerre syrienne, désormais les USA transforment l'Albanie en état djihadiste 2.0. »

Donc, ce qui se développe c'est « la même erreur historique commise par les Albanais du Kosovo, qui ont lié leur avenir à 100% au Camp Bondsteel et seraient immédiatement envahis à nouveau par la Serbie si jamais l'OTAN ou les USA devaient partir (ce qu'ils feront un jour ou l'autre, inévitablement). Pendant ce temps, l'Union Européenne et les USA, qui veulent déradicaliser les Musulmans wahhabites d'Europe, gardent le silence à propos des djihadistes iraniens. »

Ainsi l'élément essentiel du puzzle est la configuration de l'Albanie en tant que centre djihadiste 2.0 - contre les Slaves de Macédoine, contre Téhéran, et aussi contre Ankara. Pas étonnant que le principal conseiller du gouvernement albanais, jusqu'à il y a quelques mois, ait été un certain Tony Blair.

Mais ensuite, il y a l'ennemi « invisible » qui est celui qui compte réellement.

À la fin du mois de mars, le Président serbe Tomislav Nikolic est allé à Beijing pour sa dernière visite officielle précédant les élections du 2 avril. Le Président chinois Xi Jinping a souligné le fait que la coopération économique avec la Serbie - et les Balkans dans leur ensemble - est une priorité pour la Chine.

Nul doute. En 2014, Beijing a créé un fonds qui investira 10 milliards d'euros en Europe Centrale et Orientale. L'année dernière, China Everbright a acheté l'aéroport de Tirana en Albanie. La banque China Exim finance la construction d'autoroutes en Macédoine et au Monténégro.

En Serbie, la China Road and Bridge Corporation a construit le pont de Pupin - aussi connu sous le nom de « Pont de l'Amitié Sino-Serbe » - au-dessus du Danube à Belgrade à hauteur de 170 millions d'euros, inauguré en 2014 et financé à 85% par un prêt de la China Exim Bank.

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Et la cerise sur le gâteau (de développement d'infrastructures) est la ligne ferroviaire à grande vitesse de 350 km et valant 2,89 milliards de dollars US entre Athènes et Budapest, via la Macédoine et Belgrade.

L'UE a fait tinter une sonnette d'alarme à propos du tronçon reliant Budapest à Belgrade devant coûter 1,8 milliard de dollars US, cherchant à savoir si la section hongroise a contrevenu aux strictes lois de l'UE selon lesquelles les appels d'offres doivent être publics pour les grands projets d'infrastructures de transports.

En filigrane se trouve la proverbiale condescendance européenne, décrétant que les Chinois sont assurément incapables de construire une infrastructure ferroviaire aussi bien sinon mieux - et pour moins cher - qu'en Europe.

Le tronçon Budapest-Belgrade est précisément l'aspect central de la Route Express de la Terre à la Mer [Land Sea Express Route, NdT] que Beijing s'était engagé à construire déjà en 2014 avec la Hongrie, la Serbie et la Macédoine. Il s'agit du nœud crucial de l'axe d'Europe du Sud-Est des Nouvelles Routes de la Soie, désormais dénommée Initiative de Route et de Ceinture (BRI, Belt and Road Initiative); un corridor de commerce entre le port à conteneurs du Pirée sur la Mediterranée [en Grèce à côté d'Athènes, NdT] - co-détenu par la China Ocean Shipping Company depuis 2010 - et le centre de l'Europe.

Le discours officiel de l'OTAN est que l'organisation doit être implantée dans les Balkans pour y combattre la « menace du terrorisme ». Selon le Secrétaire-Général de l'OTAN Jens Stoltenberg, « j'ai récemment visité la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, et cela m'encourage de voir combien ils s'attachent à contrer la menace de combattants étrangers. »

Alors en l'occurrence, les « combattants étrangers » se trouvent être au coin de la rue, pas seulement au Kosovo mais bientôt en Albanie, capitale du djihad 2.0. Après tout, l'OTAN excelle dans la création de « menaces » émergentes essentielles à la justification de son existence.

Le djihad 2.0 pourra être dirigé contre les Slaves de Macédoine, contre l'Iran et contre la Turquie. Sans parler du ventre mou de la Russie. L'angle invisible, c'est qu'ils pourront à tout moment être déployés pour mettre en danger l'effort chinois d'intégration de l'Europe du Sud-Est comme nœud essentiel des Nouvelles Routes de la Soie.

Traduit par Lawrence Desforges sur son site :

https://globalepresse.wordpress.com/2017/06/02/djihad-2-0-la-fabrication-du-prochain-cauchemar/

Spitting in The Face of Civilization - Europe vs. Trump

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Spitting in The Face of Civilization

Germany: ‘bad, very bad.’ Trump tweet.

France’s brainy new president, Emmanuel Macron, said it was too bad that Donald Trump was not part of the Enlightenment.  Few Americans would have understood what he meant but Europeans certainly did.

The Enlightenment was the glorious epoch in the mid-1700 and 1800’s that gave birth to modern science, philosophy, reason, and literature. Among its notables were Voltaire, Rousseau, Kant, Diderot, Hume, and Adam Smith and Benjamin Franklin.

This was by far the most delicate criticism of Trump that one hears in Europe, where he is widely regarded with  contempt and revulsion.   As for Trump’s business-heavy cabinet,  one immediately thinks of Oscar Wilde’s acid line about men who know the price of everything and the value of nothing.

Europe is in a rage over Trump’s rejection of the Paris Climate Accord, an act that also caused worldwide shock and dismay.  It will please American coal miners, religious fundamentalists and those who share Trump’s view that it’s all a Red Chinese hoax. 

Meanwhile, Trump’s adversarial relations with Europe have shaken the NATO alliance and changed Germany’s view of transatlantic relations.  After last week’s testy NATO summit and Trump’s tweeted attacks on Germany, Chancellor Angela Merkel lashed out, ‘“The times in which we could completely depend on others are, to a certain extent, over.”

Merkel is a cautious,  ultra-bland technocrat whose speeches are usually sleep-inducing.   For her to drop such a bombshell shows how poor US-German relations have become.  This fracture between Berlin and Washington has been a long time in coming but is still startling. Germans are fed up with being treated like vassals and, let us not forget, still semi-occupied by US armed forces.

Adding to the tensions,  Trump has been hammering Europe’s NATO members over their skimpy contributions to the alliance and its arms programs.   But here is another example of Trump’s poor understanding of world affairs.

NATO is not a business partnership. The alliance, founded in 1949, was designed to shore up war-battered Europe and form a united front against the very real threat of Soviet invasion.  Today, the very successful NATO alliance, 70% funded by the US, remains the most concrete expression of America’s geopolitical domination of western Europe.

As the recently deceased thinker Zbigniew Brezezinski  aptly put it to me,  Europe provides strategic ‘stepping-stones’ to the expansion of US influence into Eurasia through NATO.  The alliance is not an equal partnership, it’s the primary tool for enforcing US power in Europe.

Now that the Soviet Union is gone, there is no real military threat to Europe.  A majority of Europe’s tax-payers don’t want to pay more to reinforce NATO.  Or worse, see it become a sort of foreign legion for the US to use in its imperial ventures in the Mideast, Africa and West Asia. 

Germany was dragooned by the US into sending troops to Afghanistan, but over the protests of most of its citizens and other Europeans.  Canada faces a similar problem.  As the late German defense minister, Franz Josef Strauss so colorfully put it, ‘we won’t be spear carriers for America’s atomic knights.’

I’ve witnessed a powerful up swell of nationalism in Germany, including growing pride in Germany’s soldiers during World War II.  But every sign of pride in Germany is met by a torrent of media frenzy about the Nazis and their crimes.  In this way, Germany is kept on the defensive and quiescent.  But this may now be changing as Trump & Co lambastes Germany and Germans.   It’s very dangerous, as history shows, to strong-arm Germans.

Trump even blasts German cars.  He would better reserve his wrath for the manufacturers of America’s mediocre quality cars.

What really galls Trump about Europe is that it has too many Muslims.  He actually accused Angel Merkel of ‘wrecking’ Europe because she allowed in Syrian refugees in a praiseworthy humanitarian act.  Trump and his alt-right advisors are unlikely to know that 11% of Syrians are Christians of various sorts.

Neither Trump nor his advisors have much interest in or knowledge of Europe.   America’s nativist religious voters, 80% of whom support with Trump, see Europe as a wicked, degenerate place filled with drinkers, sexual perverts and pacifists.  Europeans laugh at church-going fundamentalist Americans as backwards, superstitious rustics.

Trump is wildly popular in Pittsburgh, as he noted last week, but to much of the rest of the planet he remains a symbol of flat-earth consciousness and the unlovely face of America.

samedi, 03 juin 2017

ISIS Touches Down in the Philippines

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ISIS Touches Down in the Philippines

by Tony Cartalucci

Ex: https://landdestroyer.blogspot.com 

Mayhem broke out across the southern Philippine city of Marawi where militants besieged it and hoisted flags of the so-called "Islamic State." Located on the southern island of Mindanao, the city is only slightly removed from Al Qaeda affiliate Abu Sayaff's primary area of operation on nearby Jolo and Basilan islands.

The UK Independent in an article titled, "Isis-linked militants take priest and churchgoers hostage in Philippines," would report:
President Rodrigo Duterte declared martial law in the south because of the militants' siege on the city on Tuesday and abandoned a trip to Russia to deal with the crisis. 

Mr Duterte vowed to place southern Mindanao island, where Marawi is situated, and its 22 million residents under military rule for up to a year if necessary.
The article would also report:
Troops are battling to contain dozens of militants from the Maute group, which pledged allegiance to Isis in 2015, after they escaped a botched security raid on a hideout and overran streets, bridges and buildings. 

Two soldiers and a police officer are among those killed and at least 12 people have been wounded in the violence, seeing Maute fighters set fire to a school, a church and a prison. 
The security crisis represents a seemingly inexplicable expansion of the Islamic State in Asia - even as the US and its allies claim the organization is being rolled back across the Middle East and its revenue streams are contracting in the wake of defeat.

US-Saudi Sponsored Terrorism Seeks to Coerce Asia 

Both the Maute group and Abu Sayaff are extensions of Al Qaeda's global terror network, propped up by state sponsorship from Saudi Arabia and Qatar, and fed recruits via a global network of likewise Saudi and Qatari funded "madrasas." In turn, Saudi Arabia and Qatar's state sponsorship of global terrorism for decades has been actively enabled by material and political support provided by the United States.

This arrangement provides for Washington both a global mercenary force with which to wage proxy war when conventional and direct military force cannot be used, and a pretext for direct US military intervention when proxy warfare fails to achieve Washington's objectives.

This formula has been used in Afghanistan in the 1980s to successfully expel the Soviet Union, in 2011 to overthrow the Libyan government, and is currently being used in Syria where both proxy war and direct US military intervention is being applied.

Maute and Abu Sayaff activity fits into this global pattern perfectly.

The Philippines is one of many Southeast Asian states that has incrementally shifted from traditional alliances and dependency on the United States to regional neighbors including China, as well as Eurasian states including Russia.

The Philippine president, Rodrigo Duterte, cancelling his meeting with Russia is a microcosm of the very sort of results Maute and Abu Sayaff are tasked with achieving in the Philippines. Attempts by the US to justify the presence of its troops in the Philippines as part of a wider strategy of encircling China with US military installations across Asia would also greatly benefit from the Islamic State "suddenly spreading" across the island nation.

Likewise, violence in Malaysia and Thailand are directly linked to this wider US-Saudi alliance, with violence erupting at each and every crucial juncture as the US is incrementally pushed out of the region. Indonesia has likewise suffered violence at the hands of the Islamic State, and even Myanmar is being threatened by Saudi-funded terrorism seeking to leverage and expand the ongoing Rohingya humanitarian crisis.

That US-Saudi sponsorship drives this terrorism, not the meager revenue streams of the Islamic State in Syria and Iraq, goes far in explaining why the terrorist organization is capable of such bold attacks in Southeast Asia even as Russia and Iranian backed Syrian troops extinguish it in the Middle East.
 

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US-Saudi Links to Abu Sayaff and other Terrorists in the Philippines 

A US diplomatic cable leaked by Wikileaks dated 2005 would state:
Philippine officials noted their continuing concern about Saudi-origin terrorist financing coming into the Philippines under the cover of donations to mosques, orphanages, and madrassahs. Although three Saudi nationals suspected of being couriers had been detained on separate occasions, Saudi Ambassador Wali had intervened in each case to secure their release.
Yousaf Butt of the Washington-based US National Defense University would reveal in a Huffington Post article titled, "How Saudi Wahhabism Is the Fountainhead of Islamist Terrorism," that:
It would be troublesome but perhaps acceptable for the House of Saud to promote the intolerant and extremist Wahhabi creed just domestically. But, unfortunately, for decades the Saudis have also lavishly financed its propagation abroad. Exact numbers are not known, but it is thought that more than $100 billion have been spent on exporting fanatical Wahhabism to various much poorer Muslim nations worldwide over the past three decades. It might well be twice that number. By comparison, the Soviets spent about $7 billion spreading communism worldwide in the 70 years from 1921 and 1991.
The leaked cable and reports by Western analysts when taken together, reveal that Saudi-funded madrasas in the Philippines are directly fueling terrorism there.

The answer to why is simple.

For the same purposes the US used Saudi-funded terrorism in Afghanistan in the 1980s and in Libya and Syria beginning in 2011 - the US is using Saudi-funded terrorism to coerce the government of the Philippines amid Washington's faltering "pivot to Asia" which began under US President Barack Obama and now continues under President Trump.

Countering US-Saudi Sponsored Terrorism 

With US President Trump announcing a US-Saudi alliance against terrorism - the US has managed to strategically misdirect public attention away from global terrorism's very epicenter and protect America's premier intermediaries in fueling that terrorism around the world.

The Philippines would be unwise to turn to this "alliance" for help in fighting terrorism both the US and Saudi Arabia are directly and intentionally fueling.

Instead - for Southeast Asia - joint counter-terrorism efforts together and with China and Russia would ensure a coordinated and effective means of confronting this threat on multiple levels.

By exposing the US-Saudi role in regional terrorism - each and every act of terrorism and militancy would be linked directly to and subsequently taint the US and Saudi Arabia in the hearts and minds of Southeast Asia's population.

This paves the way for a process of exposing and dismantling US-Saudi funded fronts - including Saudi-sponsored madrasas and US-funded NGOs - both  of which feed into regional extremism and political subversion. As this unfolds, each respective nation would be required to invest in genuine local institutions to fill sociopolitical and economic space previously occupied by these foreign funded fronts.

Until then, Asia should expect the US and its Saudi partners to continue leveraging terrorism against the region. If unchecked, Asia should likewise expect the same progress-arresting instability that has mired the Middle East and North Africa for decades.

Tony Cartalucci, Bangkok-based geopolitical researcher and writer, especially for the online magazine New Eastern Outlook”.   

Le Captagon, drogue des djihadistes produite en France?

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Bob Woodward:

Ex: http://www.decryptnewsonline.com

 
Les douaniers parisiens ont saisi début 2017 750.000 comprimés de Captagon, appelé «drogue des djihadistes», ou «drogue de Daech». M. Estievenart, responsable de l’IPSE, dévoile les effets de cette drogue, qui expliquent en partie la mentalité des terroristes. La drogue était-elle destinée à la France ou simplement en transit?
 
En janvier et février 2017, les douaniers de l'aéroport parisien de Roissy ont mis la main sur 750 000 comprimés, soit environ 135 kilogrammes, de Captagon en provenance du Liban.
 
Appelé également « drogue du conflit syrien », « drogue de Daech » et « drogue des djihadistes », le captagon permet aux terroristes de commettre leurs atrocités.
 
« Les vertus du Captagon vous permettent de faire des choses dont vous ne vous seriez pas cru capable à jeun, donc vous avez l'impression d'être le roi du monde dès que vous en prenez. C'est donc pour les djihadistes les plus combattants un support très classique », a expliqué à Sputnik Georges Estievenart, responsable de l'Institut Prospective et Sécurité de L'Europe (IPSE) à Bruxelles.
 
Il a en outre précisé que la production, l'utilisation et la consommation de ce produit se situent principalement au Moyen-Orient, en Syrie, au Liban et en Libye, où les djihadistes en profitent pleinement « car le Captagon sert de monnaie d'échange, y compris pour des armes ».
 
Bien que la destination des 135 kilogrammes de psychostimulants saisis reste incertaine, Georges Estievenart craint toutefois qu'il ait pu être destiné aux terroristes sur le territoire français.
 
« La drogue saisie aurait pu être destinée aux djihadistes en France ou en Europe. Mais une autre hypothèse serait qu'elle ait transité par la France puisque de nombreux djihadistes sont français ».
 
En juin 2015, le djihadiste Seifeddine Rezgui tuait 39 personnes sur une plage de Sousse (Tunisie) avant de se faire abattre par la police. L’autopsie de son corps révèlera la présence de Captagon, une drogue de synthèse consommée notamment dans les pays du Golfe : des quantités importantes de cette substance circulent depuis plusieurs années entre l’Arabie saoudite, le Liban et la Syrie et globalement dans la région, alors même que les principales usines de production se trouvent aujourd’hui dans des territoires contrôlés par Daesh.
Le Captagon accroît les performances des combattants, les rendant insensibles à la fatigue et à la peur et leur enlevant toute forme d’empathie. Une drogue “idéale” pour faciliter la commission d’actes inhumains. Lors des attentats du 13 novembre, des rescapés ont fourni une description des terroristes qui laisse penser qu’ils avaient pris du Captagon : regards fixes, visages livides, sans expression, ils ressemblaient à des “morts vivants”. Des analyses médico-légales doivent permettre de dire si, comme à Sousse, les terroristes étaient effectivement drogués.
 
On a cherché à en savoir plus sur la prétendue drogue des djihadistes et faire la part des choses entre fantasme et réalité. Pour ça, on a posé des questions au spécialiste français du Captagon Jean-Pol Tassin, neurobiologiste et directeur de recherches émérite à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).
Son travail consiste à étudier les effets des drogues illicites : les psychostimulants comme l’amphétamine ou la cocaïne, les opiacés comme l’héroïne ou la morphine, l’ecstasy, mais aussi licites comme le tabac ou l’alcool. Une pilule coûte pour sa fabrication environ 20 centimes de dollars et est revendue entre 5 et 20 dollars. Le coefficient multiplicateur est de l’ordre de 50. Si vous multipliez par les 11 tonnes – en sachant que le poids d’une pilule se mesure en grammes – qui sont consommées chaque année vous arrivez à des sommes astronomiques avec très peu d’investissement. Car la fabrication est simple à partir de précurseurs peu chers qui sont fournis par l’industrie chimique. Notons néanmoins que ces précurseurs sont sous contrôle en Europe.
 
Le Captagon est initialement un médicament qui possède une composante “amphétamine” et une autre “théophylline”. L’amphétamine a été synthétisée au début du XXe siècle. Cette drogue permet de lutter contre la fatigue et c’est un anorexigène, anti-dépresseur, anti-narcolepsie.
 
Le Captagon a été synthétisé en 1961 avec l’idée de retrouver les propriétés de l’amphétamine et de la théophylline, qui a elle un effet broncho-dilatateur. Progressivement, le Captagon a montré des propriétés intéressantes en tant que stimulant aussi bien sur le plan intellectuel, pour les examens par exemple, que sur le plan physique, pour les sportifs ou ceux qui voudraient réaliser des exploits.
Il a été interdit en France dans les années 70 à cause de nombreux effets secondaires pendant ou après la prise. Notamment des risques de crise cardiaque, de dépression, et bien sûr de pharmaco-dépendance. Le produit a continué sa vie dans les différents laboratoires clandestins, d’Europe puis du Moyen-Orient.
 
Il est probable que la surveillance des produits illicites étant moins efficace dans les pays du Moyen-Orient qu’en Europe, le Captagon se soit développé plus facilement dans ces pays. Il ne faut pas oublier qu’un des effets les plus recherchés de l’amphétamine est une sensation de plaisir, voire d’euphorie. Progressivement, en augmentant les doses, les consommateurs ont pris conscience de ses autres effets psychologiques et physiques.
Les forces de l’ordre antidrogue turques ont mis la main sur près de 10,9 millions de comprimés au cours de deux descentes distinctes dans la province de Hatay, frontalière de la Syrie (voir carte ci-dessous), annonce l'AFP. Les policiers ont saisi un premier lot de 7,3 millions de comprimés dissimulés dans 1.300 filtres à huile de moteur. Le second lot a été découvert dans un dépôt. Produits en Syrie, ils étaient destinés aux pays du Golfe. Le second lot a été découvert le lendemain dans un dépôt. Deux Turcs et un Syrien soupçonnés d'être des trafiquants ont été placés en garde à vue. En octobre 2015, les autorités libanaises ont arrêté à l’aéroport de Beyrouth un prince saoudien qui tentait d’embarquer pour Ryad dans un avion privé près de deux tonnes de pilules de Captagon rangées dans quarante valises.
 
26 juin 2015, dans la station balnéaire de Port El-Kantaoui, près de Sousse, en Tunisie. Un homme âgé de 23 ans et du nom de Seifeddine Rezgui ouvre le feu sur des touristes. Bilan: 39 morts et 39 blessés. Selon des témoignages, pendant la tuerie, l'homme souriait et riait alors qu’il venait de commettre son massacre. Son autopsie mettra en évidence qu'il était sous l’emprise d’une drogue, selon une source citée par le Daily Mail. La substance en cause : la fénéthylline, vendue sous le nom de "captagon". D'après un témoignage, les terroristes qui ont pris d'assaut le Bataclan à Paris le vendredi 13 novembre 2015 avaient un comportement mécanique et déshumanisé. De plus, des seringues qui auraient pu servir à des injections auraient été saisies par les policiers dans deux chambres d'hôtel perquisitionnées à Alfortville (Val-de-Marne) louées au nom de l'un des terroristes, Salah Abdeslam, selon Le Point. L'hypothèse qu'ils aient pu eux aussi être sous l'effet d'une drogue a été évoquée. Peut-être là encore le captagon, cette pilule blanche très prisée des combattants de Daesh (que l'on peut aussi s'injecter en intraveineuse).
 
Synthétisé pour la première fois en 1961, le captagon est un stimulant de la famille des amphétamines qui comprend notamment la métamphétamine et l'ecstasy (aussi appelé MDMA). Connue pour ses propriétés dopantes, cette drogue a été largement utilisée dans le milieu du cyclisme dans les années 1960 à 1970. À des doses modérées, le captagon stimule la production de dopamine et améliore la concentration, c'est pourquoi il a longtemps été prescrit dans le traitement contre la narcolepsie et l'hyperactivité. Mais il a été retiré du marché français en 1993 en raison des graves lésions cardiaques qu'il provoquait. Depuis 1986, la fénéthylline est d'ailleurs classée sur la liste des substances stupéfiantes placées sous contrôle international de l'Organisation mondiale de la santé.
"Comme toutes les autres amphétamines, cette drogue entraîne une résistance à la fatigue, une vigilance accrue et une perte de jugement. Elle donne l'impression à celui qui la consomme d'être tout puissant, d'être le 'roi du monde' en quelque sorte", détaille à Sciences et Avenir le Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste de l'Inserm et spécialiste des addictions. Ce qui lui permet de tuer sans craindre de réaction de la part des autres, qui n'existent même plus pour lui. "Plus précisément, au niveau moléculaire, la fénéthylline pénètre dans les neurones et chasse deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la dopamine, présentes dans les vésicules. La libération de noradrénaline hors des neurones augmente la vigilance et réduit le sentiment de fatigue. La dopamine, elle, agit notamment sur le circuit de la récompense, responsable de la sensation de plaisir et, à haute dose, de l'addiction."
 
Comme toutes les amphétamines, le captagon agit sur certains neurotransmetteurs, des molécules qui permettent au cerveau d’être plus efficace. Quand cette substance pénètre les neurones, elle libère une grande quantité de dopamine et de noradrénaline.
Selon Jean-Paul Tassin, neurobiologiste à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), "la noradrénaline va augmenter la vigilance et les facteurs de concentration. La dopamine, elle, va intervenir sur le circuit de la récompense. En le stimulant, elle va vous donner l'impression que vous êtes bien, que tout va bien...Vous n'avez pas peur, pas faim, pas soif… Vous ne risquez rien, y compris la mort."
 
Un sentiment de bien-être, de toute puissance presque, dont témoigne un jeune homme, filmé en Jordanie il y a quelques mois par Julien Fouchet pour le site Spicee : "C’est sur le champ de bataille que c’est efficace. Le combattant peut prendre 5 ou 6 balles, il ne les sent pas. Il devient invincible. Il est rempli de bravoure. Il n’a plus peur de la mort".
Prendre des stimulants pour combattre : le phénomène n'est pas nouveau. Déjà, pendant la Seconde Guerre mondiale, les amphétamines sont utilisées par certains soldats américains, allemands et britanniques. Selon le Dr Xavier Laqueille, psychiatre addictologue, elles suppriment "le sentiment de fatigue. Vous n'avez pas besoin de dormir. Il y a un sentiment d'hyper vigilance, et puis il y a ce petit effet de stimulation psychique. On se sent un peu supérieur, ce qui augmente l'agressivité."
 
En France, le captagon a été utilisé légalement contre la narcolepsie, l'hyperactivité, mais aussi comme coupe-faim ou antidépresseur. Mais, il a été interdit dans les années 1970. A forte dose, il peut avoir des effets secondaires psychiques très sévères, comme en témoigne le psychiatre Xavier Laqueille :

"Il existe des complications d’ordre psychiatrique qui sont une réactivation des angoisses avec des bouffées de panique. Quand les amphétamines sont prises de façon assez régulière, il peut y avoir des dépressions très résistantes et très difficiles à soigner à l’arrêt. Et puis surtout, il peut y avoir, même lors de prises isolées, des décompensations délirantes avec des délires, des thèmes mystiques... qui sont très teintés de ce qui caractérisent les amphétamines, c’est-à-dire l’agressivité."

 
Le captagon est une drogue assez facile à fabriquer et son commerce est très rentable. La Syrie serait devenue le principal pays producteur. Vendredi 20 novembre, près de 11 millions de comprimés de captagon ont été saisies par la police au sud de la Turquie, près de la frontière syrienne. Les effets de cette drogue ne sont pas cantonnés au cerveau. "Le captagon augmente la libération du glucose, ce qui permet de prendre du muscle sans fournir d'effort. De plus, la libération de noradrénaline accélère significativement le rythme cardiaque", explique le Pr Jean-Pol Tassin. Mais tous ces effets restent temporaires. Les neurones doivent fabriquer de nouveau l'adrénaline et la dopamine rapidement libérées des vésicules neuronales, et seul le repos le permet. En l'absence de sommeil, c'est la "descente" : "les individus ressentent une fatigue intense, une psychose, des fonctions mentales altérées, l'alternance de phases d'euphorie et de dépression. C'est un peu comparable aux effets d'une nuit blanche sur le cerveau", précise le neurobiologiste. Et une euphorie intense permet de ne ressentir ni peur, ni douleur. Une arme redoutable face aux pressions. "On les frappait et ils ne ressentaient pas la douleur. La plupart d'entre eux rigolaient alors qu'on les bourrait de coups", témoigne un officier de la brigade des stupéfiants de Homs, en Syrie, interrogé par Reuters. Un cachet de Captagon pèse quelques centaines de milligrammes. Il est plus petit qu'un cachet de paracétamol et coûte – selon l'offre et la demande – 10 à 20 dollars. Son effet dure de trois à quatre jours.
 
Le Captagon, ou Fénétylline synthétisée, a été produit pour la première fois en 1961 dans un laboratoire allemand. Plusieurs produits entrent dans sa composition, notamment le benzène méthyle cétone, faisant du Captagon un produit plus dangereux que la cocaïne. C'est un stimulant physique qui peut permettre à celui qui le prend de rester plusieurs nuits sans sommeil. Durant les années quatre-vingt, de nombreux footballeurs et rugbymen se dopaient au Captagon. Mais en 1981 déjà, le produit a été interdit aux États-Unis. Cette amphétamine, qui ne sied pas à tous les corps et qui peut provoquer – entre autres – des arrêts cardiaques, est parfois mélangée à de la caféine. Même si elle procure au début un sentiment de toute-puissance, comme la cocaïne, elle devient un « downer », quand son effet s'estompe au bout de quelques jours.
 
La destination finale du Captagon est les pays du Golfe, notamment l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, car ce sont les ressortissants de ces pays qui ont les moyens de l'acheter. Ils sont prêts à payer entre 10 et 20 dollars, car ils pensent qu'il a des effets miraculeux et qu'il agit comme un stimulant sexuel. D'ailleurs, c'est ce qui a séduit les Saoudiens en premier lieu. Les dealers l'avaient en effet commercialisé dans les pays du Golfe comme un stimulant sexuel, rendant ceux qui en consommaient invincibles.
 
Pour beaucoup d'experts comme pour le général Chamseddine, chef de la brigade antistupéfiants des Forces de sécurité intérieure, « la notion de toute-puissance et d'invincibilité attribuée au Captagon n'est qu'un mythe ». « Ce n'est qu'une drogue comme toutes les autres, dopante, certes, au début, mais qui crée un sentiment de vide et de manque une fois l'effet parti, souligne-t-il. Elle est dangereuse pour la santé. Elle peut détruire les cellules du cerveau et son excès peut provoquer des arrêts cardiaques. »
 
Durant les années quatre-vingt, le Captagon était fabriqué dans les pays de l'Est, notamment en Bulgarie. D'ailleurs, la brigade antistupéfiants des FSI avait démantelé en 2014 un réseau impliqué dans la fabrication et la vente de Captagon, et qui avait surtout profité du savoir-faire d'un chimiste bulgare. Ce sont également les chimistes et les experts des pays de l'Est qui avaient transmis leur savoir-faire aux Syriens, bien avant le début de la guerre en Syrie.
 
« Quand les Syriens ont appris à faire du Captagon, la fabrication du produit, florissante jusqu'à la fin des années quatre-vingt-dix en Europe de l'Est, s'est arrêtée. Et c'est à partir de 2005 que la fabrication de ce produit a atteint son plein essor en Syrie », souligne le général Chamseddine. Les ateliers poussaient comme des champignons dans diverses régions syriennes, notamment dans les districts d'Idlib et de Homs.
« Si l'État syrien saisissait du Captagon, avant le début de la guerre, cela n'implique pas nécessairement qu'il avait adopté une politique de lutte contre ce stupéfiant », note-t-il, avant d'ajouter : « Le Liban n'est pas un marché pour le Captagon. Le territoire libanais est juste utilisé comme point de passage de la marchandise, qui passait initialement de la Syrie vers les pays arabes, avec des ateliers de fabrication à la frontière avec le Liban, notamment à Homs, et à la frontière avec la Turquie. Jusqu'à la fin de 2014, la plupart des quantités de Captagon étaient fabriquées en Syrie et passaient par le Liban et la Jordanie vers les pays du Golfe. »
 
« La plupart des trafiquants de Captagon sont syriens. Quand ils ont commencé à vouloir écouler leur marchandise via le Liban et ont fait du Liban un point de passage, pour avoir le bon réseau, ils ont coopéré avec les trafiquants libanais, qui étaient les intermédiaires. Les passeurs libanais ont voulu profiter de la situation et certains, forts de leur expérience dans la fabrication d'héroïne et de cocaïne, ce sont lancés à leur tour dans la fabrication du Captagon », indique le général Chamseddine. Ils habitent la Békaa et ont importé des machines et des produits de base, notamment de Chine, pour la fabrication de ce stupéfiant.
 
« Il y a cinq ou six ateliers de fabrication de Captagon dans la Békaa, notamment à Brital, Dar el-Ouassaa, Hor Taala et la région du Hermel. Ce sont les tribus qui étaient habituées à fabriquer de la drogue qui en sont responsables. Il s'agit essentiellement des clans Jaafar, Masri et Ismaël. C'est la même mafia », indique-t-il. Il suffit d'avoir la machine, les produits chimiques et une main-d'œuvre ne dépassant pas cinq personnes, et le tour est joué.
 
Et le général Chamseddine de poursuivre : « Au Liban, la traçabilité d'un produit n'existe pas. Ainsi, quand il s'agit d'importation, le fabricant peut importer une machine à bonbons ou du paracétamol sans se préoccuper du contrôle, car personne n'ira vérifier dans quel but il est en train d'utiliser ces matériaux et ces produits. En effet, pour produire du Captagon, il suffit d'avoir une machine pour la fabrication de bonbons. Une fois que cette machine arrive au Liban – elle est commandée par exemple de Chine ou d'un autre pays d'Asie –, le fabricant de drogue change la tête et le moule de cet outil auprès d'un tourneur ; et au lieu de donner des produits en forme de bonbons, elle fabriquera des cachets... Le benzène méthyle cétone vient des pays d'Asie. Plusieurs produits entrant dans la composition du Captagon, commandés à l'étranger, par exemple le paracétamol, pour réduire le coût de fabrication de cette drogue, ne sont pas interdits à l'aéroport de Beyrouth. Le fabricant effectue la commande à travers une autorisation délivrée par les autorités concernées – le ministère de la Santé dans le cas du paracétamol. Une fois les produits sur place, contrairement à d'autres pays, on ne vérifie pas pour quel usage ils ont été commandés et de quelle manière ils ont été utilisés. »
 
« De plus, tout n'est pas fouillé à l'aéroport et au port. Et également, contrairement à d'autres pays du monde, la brigade de lutte antistupéfiants des FSI ne dispose pas d'antennes aux frontières terrestres et maritimes ainsi qu'à l'aéroport », poursuit-il.
 
La guerre en Syrie a un impact sur de nombreux fabricants syriens. « Ils se sont installés au Liban. Ce sont des Syriens qui ont de l'argent et qui peuvent se permette de construire ou d'acheter les plus belles maisons au Liban », indique le général Chamseddine qui passe en revue les opérations de saisies de Captagon menées par sa brigade, notant à ce sujet que de nombreux trafiquants syriens ont été arrêtés au Liban, notamment à Jounieh, à Ghazir, à Hamra et à Antélias.
 
Il donne l'exemple de Mohammad Srour, un trafiquant syrien arrêté avec tout son clan à Hamra.
 
« C'est un Syrien de Homs, qui a changé son passeport syrien contre un autre passeport authentique syrien. Il habitait, comme par provocation, non loin de la gendarmerie de Ras Beyrouth, siège de la brigade antistupéfiants des FSI, un appartement qu'il avait acheté à six millions de dollars. Il a dû payer ce deuxième passeport authentique plus de 300 000 dollars dans son pays. Il était entré au Liban même s'il se savait recherché par la police. Nous avions procédé à l'arrestation de son gang et nous l'avons arrêté par hasard, suite à des écoutes téléphoniques », rapporte-t-il.
 
Il souligne que « la première opération était la saisie, en 2013, de 5 millions de cachets de Captagon dissimulés dans une chaudière fabriquée à Yabroud, en Syrie, spécialement pour le transport du produit ». « Ensuite, cinq autres millions de cachets de Captagon dissimulés dans des camions et des machines de construction ont été saisis, indique-t-il. Nous avions réussi à l'époque à dévoiler l'identité des personnes responsables du trafic. Plusieurs Syriens ont été arrêtés. Ils se rendaient via l'aéroport de Beyrouth en Arabie saoudite. Ils passaient par Bahreïn et le Qatar, qui sont également des points de passage avant d'atteindre la destination saoudienne. Parfois aussi, ce sont de simples ressortissants syriens travaillant dans le Golfe qui font passer la marchandise, pour quelques dizaines de milliers de dollars. »
 
Et d'ajouter : « Nous avons aussi découvert que les trafiquants de drogue sont de connivence avec des personnes qui travaillent dans les ports officiels du Liban et à l'aéroport de Beyrouth. Certains viennent avec des valises normales, qui n'ont pas de double fond pour dissimuler la drogue. Des personnes impliquées et de connivence avec ces trafiquants se trouvent à l'intérieur de l'aéroport », note le général Chamseddine, affirmant cependant qu'il « ne met pas en doute le service des douanes à l'aéroport Rafic Hariri ». « Cela aurait été plus simple si notre brigade se trouvait aux ports ou à l'aéroport », martèle-t-il encore.
 
Depuis la fin de 2013 et jusqu'à présent, la brigade de lutte antistupéfiants des FSI a saisi 66 millions de cachets de Captagon.
« Généralement, ces brigades qui existent dans tous les pays du monde saisissent 5 à 10 % des produits trafiqués passant par le pays. Ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Il faut donc imaginer ce marché immense qui se chiffre à des dizaines de milliards de dollars annuels. Tous les produits saisis au Liban avaient pour destination l'Arabie saoudite, même si cela passait par un pays tiers », indique le général Chamseddine.
C'est le cas d'un bateau qui est parti de Beyrouth vers la Grèce, en 2014, pour arriver jusqu'au Soudan avant de partir vers l'Arabie saoudite. C'était un trafic de 30 millions de cachets de Captagon, saisis par les gendarmes libanais en coopération avec la police soudanaise. Les cachets étaient placés dans des sacs de maïs pour le fourrage.
 
En réponse à une question sur l'utilisation du Captagon par les miliciens syriens, certains rapportant que ce stupéfiant constitue le nerf de la guerre en Syrie, le général Chamseddine estime que « le fait de dire que le Captagon est la drogue des combattants en Syrie, le nerf de la guerre, est complètement erroné, une idée reçue. La drogue est écoulée en Arabie saoudite principalement. Une partie de l'argent du Captagon cependant pourrait être utilisée pour l'achat d'armes, notamment quand des trafiquants paient des militaires, des miliciens ou des seigneurs de la guerre pour faire passer la marchandise. Mais l'argent enrichit souvent les fabricants et les trafiquants et pas les belligérants en Syrie, même si tout le monde peut être impliqué dans le trafic. Le but du trafic de Captagon n'est pas de financer la guerre en Syrie, mais de vendre le produit en Arabie saoudite ». Et de souligner en conclusion : « Si le but est de donner le Captagon aux combattants syriens, pourquoi envoyer la drogue vers l'Arabie saoudite ? La marchandise est écoulée dans ce pays du Golfe et non en Syrie. »

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