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dimanche, 06 juin 2010

Dynamique d'implosion

Dynamique d'implosion

Par François Leclerc

L’équation de la crise européenne va rester insoluble, et on peut anticiper que celle de la crise mondiale le sera tout autant.

Tôt ou tard – mais nous n’en sommes pas encore là – il faudra l’admettre, afin de chercher à poser le problème autrement pour parvenir à le résoudre. Car, pour la seconde fois après l’épisode de la chute libre initiée par la faillite de Lehman Brothers, les gouvernements et les autorités financières tentent de régler un problème d’insolvabilité par le déversement de liquidités, renflouant les dettes en créant de nouvelles dettes.

Le remède prescrit n’est qu’un pis-aller, tout comme l’est l’ersatz de régulation financière qui va nous être vendu. La nouveauté est qu’il apparaît illusoire aux yeux des marchés eux-mêmes, permettant de tirer sans plus tarder cette leçon sans appel de la crise européenne : il va falloir trouver autre chose.

Tout se passe comme si ces liquidités étaient vidées dans des seaux percés – des facilités de caisse jamais vues délivrées aux banques et désormais également aux États – avec comme seul destin de ne jamais parvenir à la remplir. Car cette solution est aussi inadéquate ici que lorsqu’elle fut utilisée précédemment, condamnant à terme à l’échec, cette fois-ci, le plan de sauvetage (intitulé plan de stabilité) de la zone euro.

Loin d’être singulière, cette dernière ne fait qu’ouvrir la voie à celle qui mûrit aux États-Unis, retardée là-bas par l’énormité des moyens mis en oeuvre pour l’éviter, qui ne peuvent cependant remédier à un délitement financier, économique et social dont le spectacle s’offre à qui veut le regarder.

En Europe, la grande nouvelle a été la publication du rapport trimestriel de la BCE, dont il a d’abord été retenu le montant prévisionnel des dépréciations que les banques de la zone euro allaient devoir opérer d’ici à la fin 2011 : 195 milliards d’euros. Une somme supérieure à la précédente estimation, même si le total des dépréciations depuis 2007 est légèrement inférieur au précédent, confirmation s’il en était besoin que les banques se dépêchent avec lenteur. Cela représente encore 90 milliards d’euros de dépréciations en 2009 et 105 milliards en 2011, si les estimations de la BCE se confirment.

Cette dernière affecte de ne pas s’alarmer de l’effort qui va devoir être réalisé par le système bancaire, énumérant trois conséquences de la situation européenne à ses yeux plus alarmantes, les deux dernières n’ayant jamais été ainsi évoquées par ses soins.

En premier lieu, que les banques pourraient se révéler intoxiquées par un remède dont elles ne peuvent plus se passer. Il s’agit de l’argent facile que la BCE leur procure, en se substituant à un marché interbancaire toujours défaillant, dont elle voudrait bien commencer à fermer le robinet, sans y parvenir. En second, que des « boucles rétroactives » entre finance publique et privée sont entrées en action, porteuses de « dangereuses contagions ». En troisième, enfin, que la concurrence est en train de s’accroître sur le marché obligataire, les États se servant au détriment des entreprises (dont les banques, ce que la BCE ne souligne pas explicitement), aboutissant en raison de leur forte demande à une hausse générale des taux, non sans conséquences négatives pour ces dernières.

Les statistiques du chômage divulguées mardi par Eurostat auraient pu élargir ce panorama, bien que la BCE, contrairement à la Fed, n’ait pas pour mission de veiller à la préservation de l’emploi. Selon cet organisme européen, le chômage continuerait à progresser, la moyenne dépassant le cap des 10% pour la zone euro. Notons tout de même que ce taux recouvre de fortes disparités, entre l’Allemagne et l’Italie par exemple.

Conséquences probables de ces mauvaises nouvelles l’euro continuait de chuter par rapport au dollar en début de semaine, atteignant même un moment son point le plus bas depuis 4 ans ; les Bourses, tirées vers le bas par les valeurs financières, étaient à nouveau touchées. La BCE distribuait aux banques, à l’occasion de son allocation hebdomadaire, 117,7 milliards d’euros de liquidités.

Tout était sujet d’incertitude sur les marchés, les analystes étant de plus en plus critiques vis-à-vis d’une politique européenne désormais mise en cause car ralentissant la croissance de l’économie. La crise de la dette publique était brutalement passée au second plan des préoccupations dans les analyses, les traders étant tout aussi versatiles que les marchés qu’ils suivent sans recul tout en prétendant les anticiper. Les banques en prenaient pour leur grade, à leur tour.

L’une des remarques que la crise européenne appelle est que si dette privée et dette publique semblent être régies par le principe des vases communicants, la circulation entre les deux est à sens unique, ou tout du moins parcimonieusement comptée. Lorsque les États cherchent à financer leur dette, dont il est établi qu’une partie importante résulte de la crise financière, les marchés font alors des manières. Ils y mettent des conditions et prétendent en faire payer le prix deux fois : d’abord en imposant à ceux qui sont en état de faiblesse des taux plus élevés pour leurs emprunts obligataires ; ensuite en faisant néanmoins dépendre leur accès de la promesse d’une réduction drastique des déficits publics.

Le maintien du Welfare State, cet État Providence, dont l’Europe était, quoique relativement, le meilleur représentant, est en cause. Ce calcul, qui vise à soulager la pression sur le marché obligataire pour que les marchés y accèdent ensuite dans de meilleures conditions – expliquant qu’ils soient pressés du résultat à en oublier tout réalisme – n’est pas sans embûches, en raison de la crise sociale et politique qu’il pourrait déclencher s’il est mené à son terme.

La deuxième remarque n’est pas plus à l’avantage de ces mêmes marchés. Si l’on additionne les besoins en financement et refinancement des États, des banques et des grandes entreprises (non financières), on aboutit à des montants faramineux. D’autant que les banques ne vont pas uniquement devoir augmenter leurs fonds propres afin de faire face aux dépréciations à venir, mais qu’elles vont devoir également répondre aux contraintes réglementaires de Bâle III, quand leurs modalités et calendriers seront finalement fixés. Et que les États risquent de crever les projections actuelles du plafonnement de leur dette.

Si l’on se tourne du côté des banques centrales, prêteuses en dernier ressort, leurs bilans sont alourdis par les actifs toxiques qu’elles ont pris en pension et dont elles ne savent plus comment se débarrasser. À force d’engagements, le moment risque de venir où elles devront être recapitalisées par les États, créant une de ces « boucles rétroactives » officiellement identifiées par la BCE, une de plus.

Circonstance aggravante aux États-Unis, d’énormes paquets de dette hypothécaire sont garantis par Fannie Mae et Freddie Mac, les deux agences gouvernementales, dont la valeur future dépend d’un redressement du marché immobilier, très hypothétique sans vouloir faire de mauvais jeu de mots. Soit le Trésor public continuera à les renflouer à fonds perdus, au détriment du budget de l’État, soit les garanties seront levées et les organismes prêteurs privés en subiront les conséquences. Un montage intermédiaire est recherché, et aux dernières nouvelles, un appel à idées pourrait être lancé…

Ce rapide survol effectué, une question peut être valablement posée : comment dégonfler les deux gigantesques bulles de dette que sont les dettes privées et publiques, qui communiquent entre elles d’une manière telle que le dégonflement de la première fait accroître la seconde de façon plus que proportionnelle, en raison de son mode de financement même, et de son coût grandissant ?

La dette privée grossit à nouveau, fruit d’une fréquentation assidue des salles d’un casino qui n’a jamais fermé ses portes, et n’est pas prêt d’ailleurs d’être enjoint de le faire. Enfin, en raison des conditions sur le marché obligataire, il est à prévoir que les banques vont obtenir du Comité de Bâle des aménagements favorables des règles prudentielles auxquelles elles vont être assujetties, dans la lignée des accommodements obtenus auprès du Congrès américain. Avec pour conséquence, un accroissement du risque qu’un nouveau dérapage incontrôlé se produise, en raison de la minceur et de la fragilité du bouclier financier dont elles devront se doter. Les États se trouveraient cette fois-ci forts démunis pour organiser un nouveau sauvetage.

Résorber ces deux bulles, afin qu’elle redeviennent de taille acceptable, est-il à portée et par quels moyens ? Ceux qui sont actuellement déployés, et dont nous observons les effets, permettront-ils d’y parvenir ? Rien n’est moins sûr, si l’on considère la dynamique d’une crise déjà prématurément déclarée sur son déclin et qui est en train de rebondir. Là où elle n’était pas attendue, bien entendu.

Que la stratégie suivie soit annonciatrice d’un échec prévisible ne va pas l’empêcher d’être porteuse d’importants dégâts. La rémunération du travail est à nouveau présentée comme la variable privilégiée d’ajustement, tant afin de réduire les budgets des États que de favoriser les exportations en améliorant la productivité et la flexibilité.

Mais les conditions ont changé, il n’est plus concevable d’appliquer la même recette, qui pendant tout un temps a rempli ses fonctions avant d’exploser en plein vol. Il n’est plus envisageable de remettre en marche avec le même rendement qu’avant la machine à fabriquer de la dette, afin de partiellement compenser la répartition inégale de la richesse, qui est par conséquent encore appelée à se développer. Une problématique qui fait se rapprocher, dans leur structure si ce n’est dans leur histoire, les sociétés des pays développés et émergents, suivant des mouvements inverses mais confluents.

Cette histoire est-elle toute tracée, devant désormais s’accomplir sans sursauts ? Le capitalisme financier va-t-il trouver en lui les ressources de son aggiornamento ? Au contraire, rien ne permet à ce jour de le penser. Il poursuit son implosion, du fait de ses propres contradictions, ne parvenant pas à maîtriser la chaîne des événements qui se succèdent de manière imprévisible, sans être en mesure de retrouver une assise pérenne.

Entre eux, les atomistes parlent d’excursion pour qualifier ces réactions qui parfois les dépassent. La balade n’est pas sympathique.

Paul Jorion

samedi, 15 mai 2010

En économie, l'imagination doit prendre le pouvoir!

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

En économie, l'imagination doit prendre le pouvoir!

Entretien avec Nicolas Franval,

universitaire, économiste, animateur du «Cercle de Réflexion pour une économie alternative» qui travaille au sein de la nébuleuse «Nouvelle Droite»

 

Propos recueillis par Arnaud Guyot-Jeannin

 

Avec l'effondrement du communisme, le capitalisme libéral semble être le remède miracle qui apporterait aux peuples op­primés le «bien être» et leur procurait une liberté dont ils ne disposaient pas jusqu'à présent. Ne s'agit-il pas de récu­ser ce point de vue?

 

Comment ne pas se réjouir de l'effondrement des régimes staliniens de l'Est? Mais cette joie n'em­porte nullement une adhésion au capita­lisme libéral. A cet égard, révélatrices furent les images que nous ont déversées les télévisions lors de la chute du mur de Berlin. Nous pouvions voir une masse d'individus se précipitant vers les supermarchés de Berlin-Ouest, s'émer­veil­lant devant la diversité des déter­gents, goûtant ces fruits terriblement exotiques que sont l'o­ran­ge et la banane. Ce fut le même émoi télévisuel quand, à Moscou, s'est installé le premier fast-food; enfin triomphaient les droits de l'homme. Car que reprochaient véritablement les «bonnes consciences» au communisme? D'être ineffica­ce, de ne pas satisfaire les besoins de la popu­la­tion, de ne pas offrir une consomma­tion de mas­se. Ainsi, le totalitarisme stalinien était con­dam­né non parce qu'il était un totalita­risme mais parce qu'il faisait régner la pénurie. Et de proposer le modèle libéral comme remède à tous les maux dont souffraient ces peuples.

 

Cela appelle quelques brèves remarques. En pre­mier lieu, je doute très sérieusement que le ca­pitalisme occidental soit une référence, ce sys­tè­me économique qui génère le chômage, ex­clut un part croissante de la population de la sphère so­ciale, etc. Comment penser un seul instant que la France de Monsieur Mitterand puisse susciter la moindre admiration? En se­cond lieu, nombre de pays de l'Est ne sont pas en mesure et ce, pour des raisons économiques, so­ciales, historiques, d'ins­taurer un régime capi­taliste libéral. On ne passe pas aussi facilement d'une régulation pénurique à une régulation concurrentielle, on n'instaure pas aussi aisé­ment des mécanismes de marché et de crédit. Et la BERD ne fera pas de miracles et nul ne peut douter que son rôle sera négatif. La troisième remarque est que les peu­ples de l'Est ont actue­lement d'autres batailles à mener, notamment un combat politique pour leur indépendance. Il est à noter que les bons esprits occidentaux qui condamnaient le communisme au nom des peuples opprimés, condamnent au­jour­d'hui ces mêmes peuples en lutte pour leur indépendance, pour leur droit à exister. Evidem­ment, on meurt plus facilement pour défendre son identité que pour un taux de profit. Enfin, pou­vons-nous sou­haiter qu'à un totalitarisme (com­muniste) suc­cède un autre totalitarisme (libéral) certes plus confortable? Pouvons-nous souhaiter que les peuples de l'Est se noient «dans les eaux glacées du calcul égoïste» (Marx)? Par contre, même si certaines craintes subsistent, nous devons être attentifs à l'évolution de ces pays et, qui sait, voir émerger des formes na­tionales de développement économique qui re­jettent le communisme et le li­béralisme.

 

Selon vous, libéralisme économique et défense des identités collectives sont-ils compatibles?

 

Il est étrange de voir certains affirmer mener un combat identitaire et, dans un même temps, dé­fendre avec un bel enthousiasme le libéralisme économique. Les causes d'une telle incohérence m'échappent. Le libéralisme économique consti­tue une négation absolue de toute identité collec­tive. Réduisant, au nom de l'individualisme, tou­te communauté à une somme d'individus é­goïstes et calculateurs (i.e. aptes rationnelle­ment au calcul économique) dont la seule fonc­tion serait de pro­dui­re/­con­som­mer, le libéra­lis­me évacue, détruit toute spé­ci­ficité culturelle, his­torique des peuples. Le libéralisme écono­mique dé­truit les liens sociaux et organiques des com­mu­nautés humaines, interdisant tout projet col­lec­tif, historique ou national. Nul n'a loué à ce jour les mérites du FMI  —haut lieu du libéra­lis­me— dans sa dé­fen­se des identités collectives. En outre, nombre de penseurs libéraux, s'ins­pi­rant du modèle rosto­wien, estiment que certains cultures ou religions sont des obstacles au déve­loppement économique et d'encourager les peu­ples à renoncer à leur spécificité culturelle pour accéder, en opérant le fameux «take off», aux joies de la «civilisation». Dès lors, défendre les identités collectives, le droit des peuples à dis­poser d'eux-mêmes et à préserver leur identité, est incompatible avec une défense du libéralisme économique qui a montré sa pleine capacité eth­nocidaire. A l'inverse, le cosmopolitisme est un pur produit du libéralisme, l'homo oeconomicus  étant un individu (et non une personne) indiffé­rencié, interchangeable, déculturé, déraciné, cir­cu­lant telle une vulgaire marchandise de ter­ritoire en territoire.

 

Plus trivialement dit et n'en déplaise à certains «nationaux-libéraux», il est difficile d'être si­mul­­ta­nément pour le bourreau et ses victimes.

 

Face à l'utilitarisme marchand des dé­mocraties bourgeoises qu'induit la théo­rie néo-classique, existe-t-il des alterna­tives?

 

Il est exact que la théorie néo-classique est actuel­lement dominante, surtout dans le monde anglo-saxon, les écoles libérales ou néo-libérales proli­férant. Il est tout aussi vrai que les politiques éco­nomiques mises en œuvre dans le monde oc­ci­den­tal, s'inspirent très largement de cette théo­rie. Force est de constater que cette théorie offre une remarquable rigueur formelle et que les théo­ries concurrentes se sont effacées. A moins de confondre Karl Marx et les Marx Brothers, le marxisme est globalement mort même si subsis­tent ici et là quelques chapelles marxisantes. Quant au keynésianisme, les politiques de re­lan­ce qu'il a inspirées, ont échoué. C'est ainsi que, faute de combattants, la théorie libérale triom­phe et la science économique semble être occupée par la seule théorie néo-classique. Néan­moins cette théorie est dans l'incapacité de ren­dre compte, d'expliquer la crise actuelle où les mécanismes de marché sont bloqués notam­ment par l'existence de monopoles et de groupes d'in­térêts, où les consommateurs et les salariés ont des comportements irrationnels dûs en partie à l'illusion monétaire, où persistent l'inflation, etc.

 

Ainsi avons-nous une théorie dominante et scien­tifiquement impuissante. Cela ne signifie nullement une fin de la science économique. En effet, à toute époque, se sont affirmés certains es­prits originaux, des «hérétiques» c'est-à-dire des économistes qui, s'écartant du corpus théorique dominant, ont exploré de nouveaux espaces de connaissance, ont trouvé des réponses aux ques­tions qui concrètement se posaient. Citons les noms de List, Sombart, Schumpeter, Veblen, Per­roux,… Globalement, ces économistes furent des critiques du libéralisme. Actuelle­ment cer­taines questions économiques demeu­rent sans réponse, faisant apparaître un inaltérable écart entre le monde réel et la théorie, mettant à jour une crise de la théorie écono­mi­que. Mais dans ce climat de crise, de nouveaux courants apparais­sent, de nou­velles pensées naissent. L'école de la régu­lation en est un parfait exemple.

 

Un socialisme élitaire impose de réfuter le dogme capitaliste comme le dogme col­lectiviste. Les concepts de participation et d'intéressement qui réintroduisent une vision communautaire et organique dans l'entreprise, suppriment-ils réel­lement la lutte des classes?

 

Je doute que la lutte de classes existe encore et je regrette parfois qu'il n'y ait pas un affrontement héroïque entre bourgeois et prolétaires. Nous as­sistons plutôt, dans le règne de la quantité qui est le nôtre, à des querelles entre catégories so­ciales en vue d'obtenir une plus grande part du revenu national. En outre, il faut se méfier des confu­sions langagières. Certes le terme de participa­tion est très en vogue et, faute d'audace, certains n'hésitent pas à invoquer le fondateur de la V° République à l'appui de leur thèse qu'ils vou­draient novatrices. Préalablement, je me ris­que­rai à un constat. Actuellement se développe, pa­ral­lèlement au culte du marché, un culte de l'en­treprise, sorte de nouvelle religion. Cela n'a rien de surprenant dans une société où régnent les va­leurs marchandes. Ainsi l'entreprise qui est, rappelons-le, un reflet, un condensé de l'orga­nisation sociale et économique de la so­ciété, se­rait devenue ce lieu où, par une étrange magie, tous les acteurs sociaux communieraient dans un même culte: celui de l'efficacité, de la ren­tabilité, de la compétitivité. L'entreprise se­rait devenue ce lieu où s'élaborerait une nouvelle convivialité générée par un discours unifiant (cette fameuse «culture d'entreprise»). Et suc­combant à ce culte de l'unité retrouvée, certains soutiennent l'idée de participation. Soyons pré­cis. La participation peut prendre trois formes: participation à la gestion (co-gestion), participa­tion au résultat (intéressement) et participation au capital (actionnariat). Quelle que soit la forme retenue, la participation m'apparaît com­me étant un excellent moyen technique pour que le système perdure. Prenez la participation au résultat de l'entreprise. Nul ne peut nier qu'ils s'agisse là d'un excellent instrument pour moti­ver le personnel. Mais cette participation si­gni­fie: soyez plus rentables, vous gagnerez plus et ainsi vous consommerez plus, vous serez plus heureux. Tout cela relève d'un système de va­leurs qui n'est pas le mien. C'est pourquoi l'idée de participation actuellement m'apparaît comme une douce illusion. Par contre, si l'on exclut le gadget idéologique, il est possible de penser au­trement l'organisation de la production, d'envi­sager l'entreprise comme une commu­nauté de travail où s'associeraient le capital et le travail. Encore faut-il préciser qu'une telle or­ganisation suppose une rupture avec le système économique actuel qui s'accommode fort bien de la partici­pa­tion. Pour être plus précis, je préfère nettement l'idée de coopération à celle de partici­pation.

 

Le corporatisme offre-t-il encore une cer­taine actualité?

 

Là aussi, il faut se méfier des mots. Le terme de corporatisme est devenu peu flatteur; pour cer­tains, c'est même une insulte. Plus sérieuse­ment, nous pouvons concevoir une organisation nouvelle de la production tant au niveau macro-économique qu'au niveau micro-économique voi­re méso-économique (les secteurs d'activité) et ce, sans pour autant supprimer certains méca­nismes du marché. Pourquoi ne pas envisager, nationalement ou sectoriellement, des instances de représentations des «métiers» qui seraient des lieux de négociations entre employeurs et em­ployés et où seraient élaborés des projets/plans de développement. Pourquoi la planification serait-elle la chasse gardée des technocrates dont se­raient exclus les producteurs? Si cette utopie (réaliste) doit se nommer corporatisme, pourquoi pas?

 

Ne faut-il pas supprimer les syndicats de classe?

 

La question syndicale doit s'apprécier pays par pays, le monde du travail ayant des traditions et spécificités nationales. En ce qui concerne la France, je doute qu'il existe des féodalités syndi­cales et des syndicats inféodés à des partis poli­tiques. Quant à savoir s'il faut les supprimer, la réponse est apportée par les travailleurs eux-mê­mes. Actuellement la France a le plus faible taux de syndicalisation parmi les pays membres de l'OCDE. Par exemple, le taux de syndicalisa­tion n'est que de 5,6% dans le secteur privé. Les syn­dicats n'ont pas besoin d'être supprimés, ils se suppriment d'eux-mêmes. Par contre, il est évi­dent qu'un syndicalisme est à réinventer, un syn­dicalisme qui ne soit pas uniquement préoc­cupé par la recherche d'intérêts quantitatifs, un syndicalisme qui prenne toute sa place dans une nouvelle organisation de la production telle que je l'esquissais précédemment.

 

Comment distingueriez-vous dirigisme et étatisme?

 

Actuellement il est un débat centré sur le rôle de l'Etat. Les libéraux montrent que les interven­tions économiques et administratives de l'Etat sont inefficaces et coûteuses, et prônent une vaste déréglementation. Les keynésiens montrent que l'Etat se doit d'intervenir et prônent une politique de relance par la demande publique. Ce (vieux) débat sur les mérites comparés de l'Etat-Gen­dar­me et de l'Etat-Providence m'apparaît être sans intérêt. Nul ne peut nier que l'Etat, fut-il très li­béral, intervient notamment par la monnaie et le crédit. La question n'est donc pas de savoir s'il faut plus ou moins d'Etat. La ques­tion n'est pas économique mais politique. Libéraux, keyné­siens, marxistes considèrent que l'Etat est un agent économique qui participe comme tel à l'ac­tivité économique; ils ne se sé­parent que sur le degré de l'intervention. En ce sens, tous sont éta­tistes. J'ai tendance à penser que l'Etat est de nature politique et qu'il existe un primat du po­litique sur l'économique; dès lors, l'Etat en tant qu'instance du politique, est en droit d'assigner des buts, de fixer des orienta­tions à l'économie. En ce sens, je suis dirigiste. Quant à déterminer quelles doivent être les formes d'intervention de l'Etat, interventions qui doivent générer le moins de bureaucratie possible, il n'existe pas de formules toutes faites. Pour une fois, mettons l'imagination au pouvoir.

 

jeudi, 13 mai 2010

L'Ecole de la régulation: une hétérodoxie féconde?

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

 

L'Ecole de la régulation: une hétérodoxie féconde?

 

par Guillaume d'EREBE

 

«La finalité de l'étude de l'économie n'est pas d'acquérir un ensemble de réponses toutes faites aux questions économiques, mais d'apprendre à ne pas se laisser duper par les économistes»

Joan Robinson.

 

Crise économique,

crise de la théorie économique

 

Années 60, le temps est à l'agitation, au grand cham­bardement, à la critique qui se veut radi­ca­le (cf. Althusser, Foucault,…); les discours aca­dé­miques sont menacés et les quiets terri­toires de la science économique commencent à être enva­his par les «Enfants de Mai». Années 70, la crise frappe les économies industrielles avachies dans le confort de la croissance. Mais cette crise éco­nomique est avant tout une crise de la théorie éco­nomique qui exhibe son impuis­sance à expliquer le phénomène et surtout à l'endiguer. Le marxis­me est en capilotade et toute logodiarrhée conclut à la mort du prophète Marx. Grande débâcle chez les économistes «de gauche»; à l'exception de quel­ques irréductibles croyants tel P. Boccara (1), les économistes or­phelins du «socialisme scien­tifique» se réfu­gient promptement dans un post-keynésianisme; certains audacieux com­men­cent à pactiser avec l'adversaire et s'en­ga­gent dans les bataillons li­béraux. Après le cau­chemar soviétique vient l'éphialte californien. Années 80, les politiques keynésiennes de re­lance ont lamentablement échoué; le bon peuple, électeur/consommateur, menacé par le chômage, commence à douter du sérieux des économistes, ces médicastres qui dé­sespérément s'échinent à trouver une nouvelle politique économique. L'i­ma­gination n'étant pas au pouvoir, il faut res­sor­tir quelques naufra­gés disparus de la théorie éco­nomique. Par une grande opération résurrec­tion­nelle, F. von Hayek, celui-là même que Key­nes avait magis­tralement défait, fait un foutral retour; M. Friedman et ses Chicago Boys  consti­tuent une puissante secte où vont communier en un même credo les Reagan, Pinochet, Thatcher… Mitterand. Le libéralisme, qu'il soit conserva­teur ou social, triomphe avec insolence, faute d'ad­versaire. La mode est aux cavillations d'un J.B. Say ou aux courbes d'un A. Laffer. Certes, dans les pays «développés», la pauvreté s'accroît mais qu'importe; les gouvernements «de droite», bien inspirés par un darwinisme-social de cir­constance, considérant que tout chômeur est un feignant, attendent que le marché fasse son œu­vre: éliminer les faibles; les gouvernements «de gauche», ceux dont la mauvaise conscience obli­ge à la charité, octroient dans un geste large, un RMI (Revenu Minimum d'Indignité). Certes, le Tiers Monde agonise, étouffé par la dette, tor­turé par les politiques du FMI, pillé par les firmes transnationales. Qu'importe ces «dys­fonc­tion­ne­ments» pourvu que triomphe l'Occident libéral et son nouvel ordre.

 

Après les échecs: quitter

les chemins de l'orthodoxie

 

Au-delà de ces simulacres, les analyses tradi­tionnelles, néo-classiques mais aussi keyné­sien­nes et marxistes, sont incapables d'expli­quer le pourquoi et le comment de la crise. Sans dia­gnostic, les iatres économistes font sem­blant de soigner et les taux d'intérêt deviennent l'ul­ti­me cacoergète. Rien ne vaut une bonne sai­gnée pour une économie apoplectique. Les ques­tions de­meurant sans réponses, certains écono­mistes curieux, dont les régulationnistes, quit­tent les che­mins de l'orthodoxie et tentent de ré­pondre à certaines questions essentielles. Pourquoi les éco­nomies capitalistes sont-elles passées d'une croissance forte et régulière à une quasi-sta­gna­tion? La théorie néo-classique ne développant qu'une analyse intemporelle (exit Clio) où le mar­ché assure une prétendue auto-ré­gulation, n'offre aucune place à la crise. Et si crise il y a, elle ne peut s'expliquer que par un malheureux hasard (un choc pétrolier) ou par une cause exo­gène (cf. l'Etat). A l'inverse, affirmer l'iné­luc­ta­bilité des crises et invoquer un épuise­ment du capitalisme, un stade ultime préfigurant le «grand soir», n'est guère plus satisfaisant. Car comment expliquer la croissance sans pré­cédent qu'ont connu les vieux pays industriali­sés après la deuxième guerre mondiale. D'autre part, com­ment expliquer qu'à une même époque histo­ri­que, la crise adopte des formes nationales signi­fiantes? Les économies industrielles réa­gissent diversement; certaines, stimulées par la «ma­la­die», connaissent la prospérité alors que d'autres voient leurs déséquilibres s'aggraver. Enfin pour­quoi, au-delà de certains invariants géné­raux (salariat, production marchande, …), les cri­­ses varient au cours du temps. La crise ac­tuelle n'est pas la petite sœur de celle de 1929, l'é­chec des politiques de relance par la demande le prouvant amplement. Certes, il existe cer­taines ca­ractéristiques communes (baisse de la ren­ta­bi­lité, chômage élevé, forts taux d'intérêts,…) mais aussi de grandes dissem­blances. Si la Grande Crise se singularise par une brutale déflation et une dépression (contraction) cumulative, la crise présente con­naît une inflation permanente et une croissance, certes ralentie, de la production et des échanges. Dans ces conditions, la crise qui poin­te dans les années 70, rend indispensable un re­nou­velle­ment de la théorie économique, la ques­tion cen­trale devenant «celle de la variabilité dans le temps et dans l'espace des dynamiques éco­no­miques» (2). L'analyse des crises oblige à se si­tuer dans la dynamique du capitalisme (3); l'économiste doit retrouver l'histoire que les li­béraux ont évacuée en postulant l'invariance des comportements économiques et que les marxistes ont travestie en édictant, au nom du matéria­lis­me historique, des lois dites «tendancielles». Autrement dit, la science économique redécou­vrant l'histoire et la sociologie, se constitue en science sociale. Les régulationnistes participent à ce renouveau de la théorie économique, propo­sant une alternative au libéralisme et ouvrant cer­tains chemins sur lesquels nous pouvons, non sans prudence, nous engager.

 

Le concept de régulation

 

A la fin des années 70, des économistes vont se réunir autour d'un concept original, celui de ré­gulation. Le terme de «régulation» étant polysé­mique, il convient de se garder contre toute con­fusion sémantique. Dans un premier sens, la ré­gulation est un concept transversal de la théorie des systèmes ou de la théorie du contrôle qui s'ap­pli­que à divers systèmes (biologiques, ther­mody­na­miques, économiques, sociaux) et qui rend pos­sible une théorie de l'auto-organisation. Dans un second sens, le terme de régulation dé­signe une intervention active de la part de l'Etat; ma­cro-économiquement, c'est une politique con­for­me aux dogmes keynésiens (par exemple, le New Deal) se caractérisant par une multiplica­tion des réglementations. Dans l'univers anglo-saxon, «re­gulation» signifie réglementation; ainsi la dé­régulation exigée par les néo-libéraux n'est qu'une déréglementation de la vie écono­mique, une version moderne du «laissez-faire, laissez-passer». Ces deux sens sont rejetés par les régu­lationnistes. Ceux-ci fournissent de nombreuses définitions marquant certaines di­vergences (par exemple, certains admettent des lois tendanciel­les telles la chute des taux de profit ou leur éga­li­sation, d'autres les refusent) mais un accord se dégage sur certains points. La régu­lation peut être définie comme «la conjonction des méca­nis­mes concourant à la reproduction d'ensemble, compte tenu des structures écono­miques et des for­mes sociales en vigueur» (4). Les économistes s'assemblant autour de ce con­cept (M. Aglietta, Ch. André, M.  Basle, H. Bertrand,  R. Boyer, A. Brender, B. Coriat, R. Delorme, A. Lipietz, J. Ma­zier, J. Mistral, J.F. Vidal,…) forment l'école de la régulation qui, à ses débuts, est purement française mais qui rapi­dement, va connaître une renommée internatio­nale malgré une cer­taine résistance du monde anglo-saxon (5).

 

A l'origine, les régulationnistes tentent d'effec­tuer une rénovation critique de l'analyse mar­xis­te, reliant Marx et Keynes; il est vrai que nom­bre de ces économistes travaillent sur mo­dèles macro-économiques (FIFI, DMS, …) (6) dont l'inspiration est nettement keynésienne (cf. J. Robinson, N. Kaldor, M. Kalecki). L'apport de Marx est fondamental même si la lecture qui en est faite est très hétérodoxe. Rejetant toute une vul­gate marxiste, les régulationnistes gardent du marxisme sa méthode holiste (analyse des rap­ports sociaux), sa vision historique des modes de production et l'idée de la périodicité des crises dans une économie capitaliste. Précisons que la référence à Marx est variable selon les auteurs. Ainsi la théorie de la valeur est clairement mar­xiste chez A. Lipietz, elle est implicite chez M. Aglietta mais elle n'est pas spécifiée chez R. Bo­yer et J. Mistral. En outre, certains régula­tion­nistes ont progressivement rejeté la réfé­rence mar­xiste, tel M. Aglietta. Dans sa thèse, Accu­mu­lation et régulation du capitalisme en longue période. Exemple des Etats-Unis (1870-1970) (7), Aglietta part du marxisme mais il en est très éloigné dans Les métamorphoses de la so­ciété salariale (8) où il renonce à la lutte des classes comme moteur de l'histoire, le salariat et le ca­pital étant associés dans un même mouve­ment.

 

Keynes est aussi présent dans la théorie de la ré­gulation, le maître de Cambridge ayant eu de for­tes intuitions. De la théorie macro-écono­mique keynésienne (et plus exactement kale­ckienne), les régulationnistes retiennent le principe de la demande effective, de la monnaie comme insti­tu­tion (9), la possibilité d'un sous-emploi comme équilibre, le rôle de la négociation collective et des syndicats,… Néanmoins le key­nésianisme pré­sente nombre d'insuffisances; ainsi, il situe ses analyses dans le court terme et ne rend pas compte du fondement des régularités qu'il dé­ga­ge.

 

L'institutionnalisme

 

Après Marx et Keynes, la troisième source d'ins­piration des régulationnistes est l'institution­na­lisme même s'ils ne mentionnent pas les pères fondateurs de cette école (Veblen, Commons, Mit­chell,…); nous retrouvons cette même distance avec l'école historique alle­mande (Schmoller, Wagner,…). Il est vrai que l'institutionnalisme fut incapable de constituer un paradigme alter­na­tif, impuissant à présenter un modèle théo­ri­que d'ensemble, se réduisant à décrire le monde.

 

Néo-marxisme, post-keynésianisme, néo-ricar­disme, néo-institutionnalisme… aucune de ces éti­quettes ne semblent convenir à la théorie de la ré­gulation qui est d'autant plus inclassable qu'il existe un éclatement des références théoriques (Marx, Keynes, Kalecki, les institutionnalistes, Girard,…); références multiples aussi en ce qui concerne les analyses et les propositions. Ainsi, en matière de relations internationales, A. Li­pietz est favorable à un certain protection­nisme alors que J. Mistral considère le libre-échange comme un moindre mal. Face à ce manque appa­rent d'unité, certains se sont inter­rogés sur l'exis­tence d'une école de la régula­tion. Nul ne peut nier qu'il existe une opposition sur certains concepts, généralement les plus abstraits (par exemple, la valeur) mais force est de constater qu'il existe un «noyau dur» de con­cepts com­muns à tous les régulationnistes. Dès lors, la théo­rie de la régulation, avant même de consti­tuer une école, est un véritable «programme de recherche» (au sens de Thomas S. Kuhn), un pa­radigme et un ensemble de propo­sitions parta­gées par un groupe de chercheurs et organisant la façon d'aborder le monde réel.

 

Les concepts fondamentaux

 

La théorie de la régulation recèle au moins trois concepts fondamentaux: régime d'accumu­la­tion, forme institutionnelle et mode de régu­la­tion.

 

L'idée de régime d'accumulation est empruntée à à l'analyse marxiste selon laquelle «les forces qui gèrent la croissance sont liées à la reproduc­tion élargie du capital à la fois comme un en­semble de biens de production à mettre en œuvre, comme un rapport entre les classes sociales et comme une quantité monétaire à valoriser» (10). Cette notion permet de résoudre un problème sim­ple: comment un processus contradictoire voire conflictuel peut-il durer sur une longue pé­riode c'est-à-dire pourquoi la crise est-elle l'exception et non la règle? L'analyse historique tend à mon­trer que les contradictions peuvent être surmon­tées, qu'il existe des régularités éco­nomiques et so­ciales rendant possibles l'accumulation, à long terme. Le régime d'accumulation peut se dé­finir comme «l'ensemble des régularités as­su­rant une pro­gression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital, c'est-à-di­re permet­tant de résorber ou d'étaler dans le temps les dis­torsions et déséquilibres qui nais­sent en perma­nence du processus lui-même» (11). Autrement dit, un régime d'accumulation est l'ensemble des régularités économiques et so­ciales permet­tant à l'accumula­tion/­in­vestis­se­ment de perdu­rer, rendant compatibles entre el­les l'évolution des capacités de production et de la demande so­ciale. Sur ce point précis, trois élé­ments sont dé­terminants: le type d'évolution de l'organisation de la production, notamment le rapport des sala­riés aux moyens de production; le partage de la valeur entre les groupes sociaux; une demande sociale validant l'évolution ten­dan­cielle des ca­pacités de production, et plus pré­cisément une norme de consommation (des pra­tiques de con­sommation tendant à s'imposer à l'ensemble de la population).

 

Accumulation extensive et accumulation inten­sive

 

Deux grands régimes d'accumulation peuvent être distingués: extensive et intensive. Le ré­gime d'accumulation extensive (XIXième siècle, début du XXième siècle) se caractérise par une croissance fondée sur une augmentation des fac­teurs de production; la production s'accroît mais les gains de productivité sont faibles. Le partage de la valeur et la valorisation du capital reposent, pour reprendre des termes marxistes, sur la plus-value absolue des profits (12) et ce, par une com­pression des salaires et une augmenta­tion de la durée et de l'intensité du travail. La norme de consommation est fort peu dynamique, la con­som­mation populaire se composant, pour l'es­sen­tiel, de produits en provenance de secteurs non capitalistes (agriculture, artisanat). Il existe une grande diversité entre l'industrie lourde, con­cen­trée et productive, et l'industrie de con­som­ma­tion, parcellisée et peu productive, très peu de relations se nouant entre les deux. Enfin, la con­cur­rence est très forte, le marché régulateur en­gendrant d'importantes fluctuations. Le ré­gime d'accumulation intensive (qui se développe dans les années 20 aux Etats-Unis et connaît son apo­gée dans les années 60) se caractérise par une croissance fondée sur d'importants gains de pro­ductivité dus à des techniques améliorant les mé­thodes de production. La valorisation du capi­tal et le partage de la valeur reposent sur l'extraction de la plus-value relative. Afin de ré­soudre une crise due à une faiblesse des débou­chés (cf. sa­lai­res trop faibles), on assiste à une hausse simulta­née des salaires et des profits. Cette augmen­ta­tion conjointe résulte d'une double indexation des salaires réels sur les gains de productivité et des prix sur les coûts de production. La norme de consommation est dy­namique (cf. la «société de con­sommation»), portant sur les produits issus de branches où pré­valent les nouvelles méthodes de production.

 

Pour fonctionner, ces régimes d'accumulation ont besoin d'un environnement socio-institu­tion­nel permettant le développement des trans­formations économiques et sociales sans qu'il y ait trop de tensions, de conflits. C'est là la fonc­tion du mode de régulation. Le mode de régula­tion peut se définir comme «l'ensemble des for­mes institutionnelles, des réseaux de normes ex­pli­cites ou implicites assurant la compatibilité des comportements dans le cadre d'un régime d'ac­cumulation conformément à l'état des rap­ports sociaux et par-delà leur rapport conflictuel» (13). Autrement dit, un mode de régulation est un ensemble de procédures et de comportements re­produisant les rapports sociaux fondamentaux, sou­tenant le régime d'accumulation, rendant com­patible un ensemble de décisions décentrali­sées (14).

 

Régulation concurrentielle et régulation mono­polistique

 

Pour conceptualiser les mécanismes de régula­tion, cinq formes institutionnelles sont retenues: les formes de la contrainte monétaire (organi­sa­tion de la création monétaire, contrôle de la mas­se…), les formes de la concurrence, les formes de l'Etat (les modes d'intervention de l'Etat,…), les for­mes du régime international (DIT, hiérar­chi­sation de l'économie internatio­nale,…) et, enfin, le rapport salarial qui est l'élément central (15). Ces éléments permettent de définir deux grands modes de régulation (concurrentielle et mono­po­listique), chacun pou­vant correspondre à un régi­me d'accumulation (extensive et intensive). Dans la régulation con­currentielle, les mécanis­mes du marché domi­nent, l'ajustement de la pro­duction et de la de­mande sociale se faisant par les prix. Le rapport salarial a une codification précise, par nature individuelle et limitée dans le temps du contrat de travail. La concurrence en­tre les capitalistes repose sur les prix, même si la structure de pro­duction n'est pas atomistique. L'Etat intervient peu (cf. l'«Etat-gendarme»). Au niveau interne, l'Etat veille au respect des droits acquis par la révolution bourgeoise de 1789 (liberté de circula­tion des biens et des personnes, liberté d'entreprendre,…). Dans le domaine éco­no­­mique et social, son intervention interfère peu avec le jeu du marché; il n'intervient pas sur le fonctionnement des marchés mais sur leurs struc­­tures (par exemple, en développant le sys­tè­me bancaire). Dans la régulation monopolis­ti­que, des formes institutionnelles donnent lieu à des procédures originales de formation des prix et des salaires. Parmi ces formes institution­nel­les, l'extension et la codification des négocia­tions collectives qui modifient le caractère indi­vi­duel du contrat de travail; la multiplication des interventions de l'Etat permet la conclusion d'accords de branches et de conventions natio­na­les. Ainsi, passe-t-on d'un Etat circonscrit à un Etat inséré, celui-ci quittant son rôle arbitral pour participer activement au jeu économique et social (16). Dans la régulation monopolistique, les prix sont «administrés» c'est-à-dire relati­ve­ment déconnectés vis-à-vis des déséquilibres du marché. Cela nécessite des procédures so­ciales de validation de la production et du re­venu.

 

Précisons que l'opposition théorique entre ces deux régulations-types recouvre un processus his­torique long et contradictoire. Les régula­tion­nistes n'ont pas une vision déterministe et li­néai­re de l'histoire; on ne passe pas de façon dé­finitive de la concurrence au monopole, bien au contraire. Certains auteurs (R. Boyer, M. Agliet­ta,…) constatent actuellement un retour en force de la concurrence. Des formes de concur­rence «sau­vage» réapparaissent notamment avec le dé­veloppement de certaines PME. Les cinq NPI de l'Asie du Sud-Est (17) développent des straté­gies «agressives» de conquête des mar­chés exté­rieurs; les Japonais pratiquent des kil­ler's stra­tegies  (18). Dès lors, l'oligopole stabi­lisé est de plus en plus menacé et les dominations devien­nent très temporaires.

 

Le régime d'accumulation et le mode de régula­tion constituent donc un mode de développement du capitalisme. Reste à examiner la cause de l'exis­tence des crises dans les économies capita­listes. Comme nous l'avons déjà évoqué, le mo­dèle néo-classique n'accorde aucun statut théo­rique à la notion de crise, celle-ci étant, au mieux, un choc, un événement dû à une im­per­fec­tion passagère des mécanismes d'ajustement. A l'opposé, les marxistes, déterministes et réduc­teurs, affirment que les économies capitalistes sont, par nature, porteuses d'une crise structu­rel­le qui, à terme, provoquera l'effondrement du mo­de de production. Entre ces deux «extrêmes», la théorie de la régulation présente une analyse réaliste.

 

Les crises

 

Elaborant une typologie, certains animateurs de l'école de la régulation distinguent quatre types de crise. Le premier type regroupe les crises qui sont dues à des facteurs extérieurs au mode de développement (cf. guerre, catastrophes natu­rel­les ou climatiques,…). Le mode de développe­ment intervient en ce que sa forme conditionne le dé­roulement de la crise. Le deuxième type en­globe les crises de régulation. Une crise de régu­lation est provoquée par des facteurs internes au mode de développement; ce type de crise totale­ment en­dogène, fait partie de la régulation. C'est une «pha­se d'apuration des tensions et déséqui­libres accumulés lors de l'expansion» (19). Ces crises sont cycliques comme le montre toute étude du XIXième siècle. Périodiquement, le mode de dé­ve­loppement en vigueur connait des problèmes de surproduction; les capacités excédentaires doi­vent s'ajuster à de nouveaux débouchés sous pei­ne d'une baisse des profits. La crise a alors le mé­rite d'éliminer certains producteurs, d'en in­tro­duire d'autres, de déplacer les investisse­ments, etc. Les efforts de productivité et la pres­sion sur les salaires permettent une reprise de l'ac­cumulation.

 

A côté de ces «petites» crises, on peut constater l'existence de crises plus profondes: les «gran­des» crises ou crises structurelles c'est-à-dire des périodes au cours desquelles «la dyna­mique économique et sociale entre en contradic­tion a­vec le mode de développement qui l'impulse, c'est-à-dire où ressort le caractère contradictoire de la reproduction à long terme du système» (20). Par exemple, la «Grande Dépression» de la fin du XIXième siècle. Ces crises structurelles qui touchent à la régulation et au régime d'accu­mu­lation, sont de deux types: les crises de la régu­la­tion et les crises du régime d'accumulation. Une crise de la régulation cor­respond à une période où les mécanismes de la régulation sont incapables de renverser des en­chaînements conjoncturels dé­favorables alors qu'initialement le régime d'accumulation était viable. Trois circonstances conduisent à ce di­vorce entre la structure éco­no­mique et la régula­tion: des luttes socio-politi­ques, des perturbations externes ou internes d'un type nouveau, l'approfondissement de la logique de régulation, celle-ci étant parvenue à sa pleine maturité. Par exemple, la crise de 1929. Une cri­se du régime d'accumulation est une crise du mo­­de de déve­loppement, celle qui met en cause les formes ins­titutionnelles les plus essentielles, celles qui conditionnent le régime d'accu­mu­la­tion. Ce dernier a atteint ses limites et cesse de fonc­tion­ner. Ce type de crise ressemble à la crise orga­nique dans l'orthodoxie marxiste (la crise finale du mode de production capitaliste) mais la crise de régime d'accumulation, aussi grave soit-elle, ne renverse pas le capitalisme. En ou­tre, cette crise est difficile à distinguer de la précédente car dans les deux cas, il y a une crise de la régu­lation. Actuellement, nous connais­sons une crise du régime d'accumulation.

 

La crise actuelle

 

Après la deuxième guerre mondiale, les écono­mies industrielles connaissent une croissance é­quilibrée et rapide, celle-ci étant permise par un régime d'accumulation intensif et une régula­tion monopoliste. Alors que les libéraux font de la concurrence pure et parfaite un idéal où l'op­ti­mum économique serait atteint, il est inté­ressant de constater que les économies occiden­tales ont connu une croissance sans précédent au moment même où l'on assistait à une dominance des oli­gopoles, à une intervention accrue de l'Etat et à une régulation monopolistique. Ce mode de déve­lop­pement qui peut être ainsi quali­fié de fordiste a atteint aujourd'hui ses limites. Ainsi la crise actuelle est due principalement à un épuisement du fordisme c'est-à-dire  qu'elle est d'abord une crise du rapport salarial.

 

La croissance des «Trente Glorieuses» repose glo­balement sur de forts gains de productivité liés à des transformations de l'organisation de la production, marquées par le recours massif aux formes d'organisation du travail tayloro-for­diste (OST). La modernisation des processus productifs (nouveau régime d'accumulation) fait l'objet d'une très large acceptation d'un com­pro­mis implicite entre les employeurs et les sala­riés. Les patrons ont toute liberté pour organiser la production et accroître la productivité. Par la négociation collective, par des compromis insti­tutionnels, les syndicats récoltent les fruits de la croissance en obtenant des augmentations de sa­laires. Ainsi ce régime d'accumulation s'ac­com­­pagne d'un nouveau rapport salarial; les tra­vailleurs acceptent de nouvelles conditions de tra­vail en échange de hausse du pouvoir d'achat et d'un développement de salaire indirect (cf. la Sé­curité Sociale); désormais, les luttes se con­cen­­trent sur le pouvoir d'achat (salaire nomi­nal). La hausse des salaires réels permet d'ac­croître les débouchés du secteur de la consom­ma­tion où le fordisme triomphe (cf. les biens du­rables asso­ciés au logement, automobile). Une vé­riable con­sommation de masse s'instaure, ce qui stimule les investissements; en permanence, les capaci­tés de production s'adaptent à la de­mande sociale et ce, en incorporant le progrès technique. Globalement, on a «un processus cu­mulatif dans lequel une croissance rapide repose sur des règles stables de partage salaires/profits et con­sommation/investissement» (21). La con­cur­­rence par les prix est faible de par l'im­por­tance des oligopoles stabilisés. Les firmes ayant ac­quis «une certaine maîtrise des micro-fluctua­tions», les prix ne sont plus des données de la concurrence mais le reflet d'une stratégie. Dé­sor­mais, la «guerre» ne se fait plus par les prix mais par la publicité, la différentiation (objective et subjective) des produits. La concur­rence mono­polistique suppose une action directe de la de­mande sociale (cf. la «filière inversée» de J.K. Galbraith) et ce, par diverses pratiques permet­tant la fabrication de différents statuts de sala­riés pour des différents revenus et positions so­ciales (l'OST repose sur une hiérarchisation du travail). Autrement dit, ce type de concur­rence im­plique une différenciation accrue des salaires et donc des inégalités.

 

La régulation monopoliste triomphe, un «cercle  ver­tueux» (R. Boyer) s'instaurant: augmenta­tion de la productivité – croissance (hausse des sa­laires et des profits) – nouveaux débouchés – in­vestissements – hausse de la productivité. La cri­se naît quand ces différentes formes institu­tionnelles de la régulation monopoliste ne fonc­tionnent plus. D'abord il existe une remise en cau­se du rapport salarial fordiste et ce, par la re­cherche d'une plus grande flexibilité de l'emploi, de nouvelles formes d'organisation du travail (cf. la participation), d'individualisation des sa­laires. Depuis la fin des années 60, l'orga­nisa­tion du travail tayloro-fordiste est l'objet d'atta­que de la part des syndicats qui dé­noncent la pei­nibilité du travail. Dans le même temps, on as­siste à un ralentissement des gains de pro­ducti­vité. Dès lors, les mécanismes de la négociation collective fonctionnent de plus en plus mal. Les hausses de salaires tendent à dé­passer les gains de productivité, l'accumulation étant très sérieu­sement remise en cause. Autrement dit, les em­ployeurs ne peuvent oc­troyer des augmentations de salaires. En outre, les entreprises supportent de plus en plus mal le coût du salaire indirect (cf. la protection sociale). Les multiples interven­tions de l'Etat (l'«Etat-Providence») sont aussi en crise (les limites des politiques keynésiennes ne signifient pas qu'il faille se jeter dans les bras du libéralisme). Les formes de la concur­ren­ce se modifient, une cer­taine concurrence «sau­vage» réapparaissant. Les banques natio­na­les contrôlent de plus en plus difficilement la masse monétaire (cf. inflation, développement et prolifération de nouveaux ins­truments finan­ciers,…). Enfin, la crise perma­nente du SMI, depuis la fin des années 60, marque une remise en cause (partielle) de la domination améri­cai­ne, l'économie américaine connaissant un per­pé­tuel déclin. La régulation nationale devient im­possible dans un monde qui tend à l'interna­tio­na­lisation; pis, le régime in­ternational est lui-même en crise.

 

La crise de la régulation renvoie à une crise du régime d'accumulation intensif. C'est ce que ré­vèle la crise du rapport salarial. Le régime in­tensif repose sur les gains de productivité liés à l'OST. Or cette OST connaît actuellement ses li­mites tant sociales (le travail à la chaîne n'est guè­re enthousiasmant) que technique et écono­mi­que (les gains de productivité nécessitent de plus en plus d'investissements et la parcellisa­tion génère de nombreux effets pervers). En ou­tre, seule une croissance continue de la produc­tion (cf. les économies d'échelle) permet des gains de productivité; mais cette croissance se heurte à une certaine saturation des besoins des ménages (cf. les taux d'équipement des ménages en biens durables); la norme de consommation for­diste, autre pilier du régime d'accumulation intensif, s'épuise aussi.

 

Le cercle vicieux stagnationniste

 

Crise du rapport salarial, crise de la norme de con­sommation… tout cela marque une crise glo­ba­le du régime d'accumulation. Au cercle ver­tueux de la croissance fordiste se substitue, fin des années 60, un cercle vicieux stagnationniste. L'OST s'épuisant, les entrepreneurs réagissent en substituant de plus en plus du capital au tra­vail afin de maintenir des gains de productivité. Désormais, plus de machines et moins d'hom­mes (cf. sous-emploi). Mais la producti­vité appa­rente du capital baisse et pèse sur la rentabilité (il y a plus de capital à valoriser mais les profits n'augmentent pas en conséquence); d'où un ra­lentissement des gains de productivité (variables selon les pays). Pourtant, les em­ployeurs vont con­tinuer à augmenter les sa­laires, ce qui grè­vent cruellement leurs profits. Ces hausses de salaires sont, dans un premier temps, compen­sées par des hausses de prix; d'où une poussée des tensions inflationnistes. L'inflation est aussi sou­tenue par le développe­ment de l'endettement des entreprises qui doi­vent financer leurs in­vestis­sements. La crise pétrolière accentue des tensions et fait baisser les investissements. Dès lors, le cercle stagnation­niste qui se met en place est le suivant: faibles gains de productivité – baisse des profits – baisse de l'investissement – fai­ble croissance du pou­voir d'achat – ralentis­sement de la croissance – faibles gains de pro­ductivité.

 

La théorie de la régulation est la cible de nom­breuses critiques, tant des économistes «de gauche» que «de droite» (22). C'est un signe en­cou­rageant. Certes, certaines de ses critiques sont fondées. Ainsi il est reproché aux régula­tionnistes leur incapacité à construire un mo­dèle, de formuler des lois, d'être trop descriptif, de formuler des lois, de ne pas offrir de solutions pour sortir de la crise… Néanmoins, cette école propose une analyse fructueuse de la crise. Mieux, en appréhendant le système économique comme une totalité intégrée dans une histoire et une réalité sociale, rejetant l'individualisme méthodologique, cette école assigne de nouveaux fondements à l'analyse macro-économique, cons­ti­tuant ainsi une alternative à la théorie néo-classique. Dès lors, il appartient à tous ceux qui recherchent de nouveaux outils/armes con­ceptuels de puiser dans l'arsenal régulation­niste. L'heure est désormais aux hérésies.

 

Guillaume d'EREBE.

Notes

 

(1) P. Boccara a développé des thèses sur la suraccumula­tion-dévaluation du capital. Il est un des théoriciens du Capitalisme Monopoliste d'Etat, théorie marxo-léniniste réactualisant la fameuse baisse tendancielle du taux de pro­fit. Cette théorie fut développée en URSS (cf. V. Tche­prakof) et devint, dans les années 70, le credo du Parti Com­muniste Français dont P. Boccara est membre.

(2) Boyer (Robert), La théorie de la régulation: une analyse critique, Paris, La Découverte, coll. Algama, 1987, p. 39.

(3) Cf. la perspective de Karl Polanyi, ce remarquable anti-Hayek, constitue une tentative intéressante.

(4) Boyer (R.), op. cit., p. 30. Il est à noter que G. Des­tan­ne de Bernis, responsable du Groupe de Recherche sur la Régulation de l'Economie Capitaliste (GRREC) est un des premiers à avoir introduit le terme de régulation dans les sciences sociales, utilisant certains éléments de la systémi­que pour réactualiser l'analyse marxiste.

(5) Il est relativement délicat de préciser les frontières de l'école de la régulation. Stricto sensu, cette école se consti­tue autour de Boyer, Aglietta et Coriat, autour du CEPREMAP. On peut y rattacher l'école néo-marxienne de Grenoble (GRREC) animée par Destanne de Bernis. L'é­cole de la régulation entretient certains rapports avec d'au­tres économistes ou courants: l'Allemand J. Hirsch, les ra­dicaux américains Gordon, Bowles, Weiss, Kopf, Piore, Sabel et la Social Structure of Accumulation, certains te­nants de l'école de la dépendance tels R. Haussman (cf. State Landed Property oil Rent and Accumulation in Vene­zuela; an Analysis in Terms of Social Relations;   thèse, Cornell University, août 1981) et C. Minami (cf. Crois­sance et stagnation au Chili: élément pour l'étude de la régu­lation dans une économie sous-développée, thèse, Pa­ris X-Nanterre, 1980; Le Tiers-Monde dans la crise, Paris, La Découverte, 1986).

(6) FIFI, STAR, DMS, METRIC… sont des modèles de prévision. Ainsi DMS est un modèle dynamique multisec­toriel utilisé pour les travaux de planification; FIFI (mo­dèle physico-financier) est un modèle de prévision pour le moyen terme (ZOGOL étant pour le court terme), etc…

(7) Thèse, Paris I, octobre 1974.

(8) Paris, Calman-Levy, 1984.

(9) Cf. Aglietta (M.) et Orlean (A.), La violence de la monnaie, Paris, PUF, 1982.

(10) Mazier (J.), Basle (M.), Vidal (J.F.), Quand les crises durent…; Paris, Economica, 1984, p. 9.

(11) Boyer (R.), op. cit., p. 46.

(12) Karl Marx distingue la plus-value absolue et la plus-value relative. Pour obtenir un surtravail accru de la part du salarié, deux façons sont possibles: d'une part en aug­mentant soit la durée, soit l'intensité du travail (ce qui re­vient au même), c'est la plus-value absolue; d'autre part en diminuant le «temps de travail nécessaire» qui correspond à la valeur des consommations nécessaires au salarié, c'est la plus-value relative. Cette dernière est la résultante d'une liai­son spécifique entre productivité et profit: produire à moindre coût les consommations ouvrières, c'est réduire le coût en travail de la reproduction de la force de travail, c'est donc dégager, sur chaque journée effectuée, davantage de surtravail donc davantage de plus-value.

(13) Lipietz (A.), «Accumulation et sortie de crise: quel­ques réflexions méthodologiques autour de la notion de ré­gu­lation», in Cahiers  du CEPREMAP, n° 8409, p. 2.

(14) Cette noion de mode de régulation est intéressante en ce qu'elle peut se substituer à la théorie des choix indivi­duels (cf. individualisme) et au concept d'équilibre général qui sont actuellement les fondements de l'étude des phé­no­mènes macro-économiques.

(15) Le rapport salarial est la manière dont s'organisent les relations entre l'organisation du travail et le mode de vie des salariés. On y trouve la division sociale et technique du travail, les méthodes utilisées pour attacher les salariés à leur entreprise et obtenir d'eux une mobilisation dans le travail, les règles qui régissent le niveau et l'évolution des salaires (directs et indirects), le mode de vie des salariés. Cf. Boyer (R.), La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte, 1986; Coriat (B.), L'atelier et le chrono­mètre, Paris, Bourgois, 1982.

(16) Cf. André (C.) et Delorme (R.), L'Etat et l'économie, Paris, Seuil, 1983.

(17) Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Malaisie, Singa­pour.

(18) Les killer's strategies consistent à vendre certains biens incorporant de l'innovation, directement sur de vastes mar­chés sans passer par une phase de hauts prix et ce, afin d'étouffer les concurrents.

(19) Boyer (R.), op. cit., p. 62.

(20) Boyer (R.), op. cit., p. 63.

(21) Boyer (R.), La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte, 1986, p. 15.

(22) Cf. Kolm (S.C.), Philosophie de l'économie, Paris, Seuil, 1986.

 

 

mercredi, 12 mai 2010

Crise: "le déni de réalité ne pourra se prolonger longtemps"

Crise : « le déni de réalité ne pourra se prolonger longtemps »

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Jean-Luc Gréau n’est pas vraiment un agité altermondialiste. Cadre au CNPF puis au Medef pendant trente-cinq ans, c’est un économiste iconoclaste qui nourrit sa réflexion aux meilleures sources : Smith, Schumpeter et Keynes. A la différence de bon nombre de ses pairs, il a vu venir la crise, comme il la voit aujourd’hui se poursuivre. Un économiste avisé. L’espèce est rare.

Le Choc du mois : Quelles sont selon vous les nouveautés radicales qui caractérisent la globalisation économique mise en place dans les années 1980-1990, et dont vous dites qu’elles ont changé la nature même du libéralisme économique ?

Jean-Luc Gréau : Nous percevons maintenant avec netteté les deux orientations cruciales qui ont ouvert la voie à la transformation économique et financière de ces trente dernières années.

Une première orientation est donnée par la subordination de l’entreprise aux volontés expresses de ces actionnaires puissants que sont les fonds de placement. La personne morale « entreprise » a été instrumentalisée et abaissée au rang de machine à faire du profit (money maker).

Le phénomène est manifeste pour les sociétés cotées qui ne sont pas protégées par un capital familial ou par des actionnaires de référence, mais il affecte aussi beaucoup de sociétés non cotées, contrôlées par des fonds dits de « private equity » qui ont les mêmes exigences que les actionnaires boursiers.

Une deuxième orientation est représentée par le libre-échange mondial qui concerne surtout l’Europe, espace le plus ouvert au monde, et à un moindre degré, les Etats-Unis.

Cette ouverture des marchés des pays riches revêt une importance cruciale du fait que, contrairement au double postulat de suprématie technique et managériale des Occidentaux d’une part, et de spécialisation internationale du travail d’autre part, les pays émergents ont démontré leur capacité à rattraper nos économies et à s’emparer de parts de marché croissantes, y compris dans les secteurs à fort contenu technologique. Sait-on que les Etats-Unis subissent, depuis 2003, un déficit croissant de leurs échanges dans ces secteurs ?

La grande transformation s’est produite quand ces deux orientations ont conjugué leurs effets pour entraîner les économies développées dans une spirale de déflation rampante des salaires qui a été longtemps masquée par l’endettement des particuliers. C’est cela que signifie au premier chef la crise des marchés du crédit déclenchée en 2007 : l’incapacité pour de nombreux ménages occidentaux de rembourser une dette disproportionnée.

Estimez-vous que nous allons vers une sortie de crise comme le prétendent les chefs d’Etat du G-20 ?

Non, la crise du crédit privé n’est pas résorbée, en dépit de ce qu’affirme la communication tendancieuse de la corporation bancaire : elle couve discrètement dans les comptes de nombreux organismes.

Aujourd’hui, nous devons faire face de surcroît à une montée des périls sur la dette publique de la plupart des pays occidentaux, pour ne pas dire tous. L’affaissement des recettes fiscales, le subventionnement des banques en faillite et les mesures de relance ont sapé les fondements de l’équilibre des comptes publics.

Pour conjurer les nouveaux périls, il faudrait que se manifeste une providentielle reprise économique forte et durable redonnant aux Etats les moyens de faire face à leurs obligations financières. Mais les orientations qui ont conduit au séisme sont toujours à l’œuvre et l’on peut craindre au contraire leur renforcement.

Comment interprétez-vous la crise suscitée par l’explosion de la dette publique grecque ?

La faillite virtuelle de la Grèce, qui devrait précéder de peu celle d’autres pays européens, nous enseigne deux choses.

La première est que le choix d’une monnaie unique impliquait le choix corrélatif d’une union douanière. Or, nous avons fait, immédiatement après Maastricht, le choix inverse de l’expérience, en forme d’aventure, du libre-échange mondial et de la localisation opportuniste d’activités et d’emplois dans les sites les moins chers.

Ce choix a fragilisé par étapes les économies les moins compétitives, de la périphérie européenne, mais aussi des économies dignes de considération comme la française et l’italienne. Il a en outre conduit l’Allemagne, puissance centrale, à réduire ses coûts du travail, pour se maintenir à flot grâce à un courant d’exportation croissant, mais au prix d’une consommation chroniquement en berne, qui pèse sur les exportations des partenaires européens vers le marché allemand. L’Europe, s’il n’est pas trop tard, ne sera sauvée que par une remise en cause du dogme libre-échangiste.

Entretien extrait du Choc du mois n° 37, mai 2010

La deuxième est probablement que la monnaie unique a joué, à l’inverse de ce qu’imaginaient ses concepteurs, un rôle d’inhibiteur des faiblesses et des déséquilibres. Avant la crise, tous les pays de la zone euro bénéficiaient de conditions d’emprunt favorables. Les écarts de taux entre l’Allemagne et les pays aujourd’hui directement menacés étaient tout à fait négligeables. C’était là la grande réussite apparente de l’euro.

Mais ce faisant, et avec l’apport complémentaire des fonds dits de cohésion structurels, les pays membres de la zone euro n’ont, en dehors de l’Allemagne et des Pays-Bas, pas pensé leur modèle économique.

Des déficits extérieurs structurels sont apparus partout où l’on n’avait pas les moyens de relever le double défi du libre-échange et de la monnaie forte. Ces déficits structurels n’ont aucune chance de se résorber, sauf dans deux hypothèses : la sortie de l’euro par les pays concernés ou l’entrée en violente dépression de la demande interne. On conviendra que chacune de ces hypothèses renferme la probabilité de la fin de l’Europe, telle que nous l’avons vue vivre depuis les commencements du projet. […]

D’après vous, la crise économique que doit affronter le monde depuis trois ans a-t-elle ébranlé la solidité des dogmes libre-échangistes ?

Hélas, à l’instant présent, les dogmes, les tabous et les interdits qui définissent l’expérience néo-libérale restent en place. On se réjouit officiellement de ce que le libre-échange ait survécu, malgré la gravité de la crise dont il constitue pourtant une cause majeure. On exhorte maintenant les pays sinistrés ou en difficulté à de nouveaux sacrifices, sans prendre en considération le risque de retour en force de la crise de la demande et de rechute consécutive de l’ensemble des marchés financiers.

L’aveuglement persiste et s’aggrave, en dehors de petits cercles de personnes placées en prise directe avec les entreprises ou les territoires sinistrés. Une chape de plomb s’est à nouveau refermée sur les consciences sincèrement ouvertes au débat. Mais le déni de réalité ne pourra se prolonger longtemps. Patience !

A lire : Jean-Luc Gréau, La Trahison des économistes, « Le Débat », Gallimard, 250 p., 15,50 €

Novopress

lundi, 26 avril 2010

Vers la modération monétaire et bancaire

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«Vers la modération» [monétaire et bancaire]

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Quelles sont les missions d’une banque ? Est-elle au service de la population en recevant des dépôts et en accordant des crédits, en émettant et administrant des titres, en effectuant des opérations boursières, des transactions et en conseillant sa clientèle en matière financière ? Contribue-t-elle ainsi à l’évolution sociale ? Ou doit-elle obtenir des rendements les plus élevés possible pour ses investisseurs, s’agrandir sans fin, si possible dans le monde entier, prendre des risques ? Doit-elle rétribuer ses directeurs comme des princes ?

Le titre du dernier ouvrage du professeur Hans Christoph Binswanger «Vorwärts zur Mässigung» (Vers la modération) convient bien au débat actuel. Il constitue un tour d’horizon à travers l’œuvre de l’auteur. Ceux qui cherchent des suggestions de solutions à la crise actuelle ne seront pas déçus.

Binswanger propose une restructuration du système monétaire en relation avec une réorientation de l’économie : il faut abandonner la recherche unilatérale de taux de crois­sance élevés et s’orienter vers une meil­leure préservation des ressources naturelles qui se raréfient et vers le respect de l’environnement.

Une croissance modérée et davantage d’argent en circulation sont certes indispensables pour ne pas mettre en danger le fonctionnement de l’économie moderne mais la «modération» est nécessaire. Qu’est-ce que cela signifie dans le domaine financier?

Restructuration du système monétaire

Binswanger propose une procédure qui va plus loin que les propositions de Thomas Jordan (BNS) ou de Boris Zürcher (Avenir Suisse). Il faut restructurer le système monétaire et réorienter l’économie.

Il signale un point névralgique du système bancaire : les banques centrales ont des moyens limités d’agir véritablement sur la masse monétaire. Contrairement à autrefois, non seulement les banques centrales mais aussi les banques d’affaires peuvent créer de l’argent pour ainsi dire à partir de rien et accorder des crédits avec cet argent.

Ainsi, une banque accorde à un particulier un crédit à la construction de 500 000 francs. Ce montant est porté à l’actif de la banque en tant que promesse de paiement sans qu’elle doive entamer ses réserves de liquidités. C’est ainsi que l’on crée de l’argent. Lorsque le particulier paie son architecte ou ses entrepreneurs, la promesse de paiement est transférée à d’autres personnes. Quand celles-ci effectuent des paiements, il en va de même.

En règle générale, la banque n’effectue pas de paiements réels qui toucheraient aux dépôts de fonds et à ses réserves. La seule chose qui change, ce sont les écritures, si bien que l’on parle ici de «monnaie scripturale». De cette manière, on peut augmenter considérablement le volume des crédits.

Pour Binswanger, cette procédure (dans le détail de laquelle nous n’allons pas entrer ici) est une source d’instabilité. Les problèmes apparaissent quand de nombreux clients perdent simultanément confiance dans leur banque et veulent récupérer leur argent.

Retour à la monnaie véritable

Binswanger ne demande pas le retour à l’étalon-or. Sa réforme monétaire consisterait essentiellement dans le fait pour les banques de renoncer à créer de l’argent pour ainsi dire à partir de rien et de ne plus prêter l’argent qu’elles n’ont pas. Seule la Banque centrale aurait le droit de créer de la monnaie et de contrôler ainsi efficacement sa circulation. Le système monétaire serait plus stable.

Comment la Banque centrale doit-elle mettre en circulation de l’argent neuf ? Pour l’auteur, il existe plusieurs moyens:

1. Comme par le passé, elle pourrait attribuer cet argent aux banques commerciales. Celles-ci pourraient alors accorder plus de crédits qu’elles n’ont d’argent provenant de l’épargne.

2. Elle pourrait mettre en circulation l’argent neuf non pas par le biais des banques mais par celui d’institutions d’intérêt général, par exemple l’assurance vieillesse ou le système de santé. Ce qui est déterminant, c’est qu’elle détermine elle-même la quantité d’argent neuf (et qu’elle ne finance pas simplement des dépenses de l’Etat en faisant fonctionner la planche à billets).

3. Elle pourrait mettre l’argent neuf à la disposition des communes et celles-ci pourraient émettre de la monnaie régionale à utiliser pour acheter des biens et des services produits par les régions. Cette monnaie pourrait fonctionner comme une «monnaie fondante» telle que l’avait proposée Silvio Gesell. Elle perdrait de sa valeur si elle était thésaurisée et non pas dépensée intelligemment, par exemple pour l’école ou la formation.

Une distribution directe de l’argent neuf aux ménages serait également imaginable. Ainsi la ville de Saint-Gall a, au plus fort de la crise, remis aux ménages des bons avec lesquels la population pouvait faire ses achats dans les commerces locaux. La Banque centrale pourrait également promouvoir la consommation dans une situation de crise.

Binswanger voit dans ce genre de réformes un point de départ approprié pour une stratégie de modération et de développement durable. Une telle réforme monétaire ne resterait pas centrée sur les banques et surtout les grandes, mais impliquerait bien davantage la population.

Autres mesures

Certes, cette réforme ne suffirait pas ; elle devrait être complétée par d’autres mesures.

Voici ce que l’auteur propose dans son ouvrage : Binswanger voit dans l’idée et la structure de l’actuelle société anonyme une des causes principales de la démesure. Ses modèles sont les compagnies commerciales des XVIIème et XVIIIème siècles qui étaient souvent si importantes et puissantes qu’elles formaient des Etats dans l’Etat. L’East Indian Company et l’Hudson Bay Company en sont deux exemples.

La Révolution française, attachée au libéralisme, a supprimé systématiquement toutes les compagnies commerciales et ne reconnaissait qu’aux personnes physiques le droit de faire du commerce.

Sur le continent européen, ce n’est que dans le dernier quart du XIXème siècle et après de longs débats, que l’on put fonder des sociétés anonymes et qu’elles furent mises sur le même pied que les personnes physiques. Ce changement fut favorisé par la construction des lignes de chemin de fer privées qui avaient besoin de capitaux importants.

Aux Etats-Unis, cette évolution eut lieu plus tôt, mais dans des limites étroites. Le capital maximum de la société anonyme resta longtemps limité, de même que sa durée de vie, et il était interdit de vendre ses actions à d’autres sociétés.

La forme juridique de la société anonyme resta incontestée durant le XXème siècle parce qu’elle vise fondamentalement à croître sans limites et qu’elle devient ainsi un facteur de pouvoir dans la société. Les représentants de l’ordolibéralisme, comme Walter Eucken et Wilhelm Röpke avant tout, étaient gênés par le fait que les sociétés anonymes qui se développaient de plus en plus conduisaient à des concentrations de pouvoir et nuisaient au fonctionnement des marchés.

Binswanger s’associe à cette tradition quand il écrit :

«La société anonyme n’a pas seulement entraîné des restrictions de concurrence mais une tendance toujours plus forte aux excès de la spéculation, c’est-à-dire à la formation de bulles financières qui, lorsqu’elles éclatent, peuvent dégénérer en crises économiques. Ces dérives sont largement responsables des différentes crises financières du passé, en particulier de celle de 1929, mais également de celle de 2008.»

Comment peut-on réformer la so­ciété anonyme et encourager d’autres formes d’entreprises ? Comment créer une économie qui maintienne la concurrence, assure une meilleure stabilité de l’économie et permette de respecter l’environnement ?

La croissance considérable des sociétés anonymes pourrait être limitée d’une ma­nière analogue à ce qui s’est passé au XIXème siècle. Binswanger voit une alternative à la société anonyme dans des formes d’entreprises qui reposent sur la responsabilité personnelle, ou qui soumettent l’utilisation du capital à des objectifs précis.

La responsabilité personnelle est un élément essentiel de la société de personnes. De nombreuses PME ont cette forme, mais certaines banque assez importantes l’ont également. En tant que société solidaire, elle est également liée à des personnes et son capital est affecté à des objectifs précis.

Une coopérative de consommation, par exemple, met son capital au service des consommateurs ou une banque Raiffeisen l’utilise au service de ses clients, c’est-à-dire des coopérateurs qui y déposent leur argent ou demandent des crédits.

————-

Le professeur Hans Christoph Binswanger a enseigné l’économie à l’Université de Saint-Gall de 1969 à 1995.

Il s’est plusieurs fois exprimé sur la crise financière :

«Aujourd’hui, les gouvernements cherchent une solution à la crise uniquement dans une augmentation de la masse monétaire par le biais de l’endettement et des crédits à faible taux. On pense pouvoir pratiquer la même politique qu’avant quand la crise sera maîtrisée. Nous devrions cependant nous demander comment on en est venu à cette crise et tirer les conséquences de l’analyse afin de ne pas retomber rapidement dans une nouvelle crise. C’est le seul moyen de restaurer durablement la confiance dans l’économie. C’est plus important que la controverse sur les bonus.»

Horizons et débats

vendredi, 23 avril 2010

LEAP: les finances des USA et du Royaume-Uni en grand danger dès 2010

LEAP : les finances des USA et du Royaume-Uni en grand danger dès 2010

Communiqué public du Laboratoire Européen d’Anticipation Politique (LEAP), 15 avril 2010

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Comme l’avait anticipé le LEAP – Europe 2020, il y a déjà plusieurs mois, et contrairement à ce qu’ont raconté la plupart des médias et des « experts » au cours des dernières semaines, la Grèce a bien l’Eurozone pour lui apporter soutien et crédibilité (notamment en matière de future bonne gestion, seule garante d’une sortie du cycle infernal des déficits publics croissants) (1). Il n’y aura donc pas de cessation de paiement grecque, même si l’agitation autour de la situation grecque est bien l’indicateur d’une prise de conscience croissante que l’argent est de plus en plus difficile à trouver pour financer l’immense endettement public occidental : un processus désormais « insoutenable », comme le souligne un récent rapport de la Banque des Règlements Internationaux.

Le bruit fait autour de la Grèce par les médias, anglais et américains en particulier, aura tenté de cacher à la plupart des acteurs économiques, financiers et politiques, le fait que le problème grec n’était pas le signe d’une prochaine crise de la zone Euro (2) mais, en fait, un indice avancé du prochain grand choc de la crise systémique globale, à savoir la collision entre, d’une part, la virtualité des économies britannique et américaine fondées sur un endettement public et privé insoutenable et, d’autre part, le double mur de la maturité des emprunts venant à échéance à partir de 2011, cumulée à la pénurie globale de fonds disponibles pour se refinancer à bon marché.

Comme nous l’avons expliqué dès Février 2006, lors de notre anticipation sur son imminence, il ne faut pas oublier que la crise actuelle trouve son origine dans l’effondrement de l’ordre mondial créé après 1945, dont les Etats-Unis ont été le pilier, secondé par le Royaume-Uni.

Aussi, pour comprendre la portée réelle des évènements générés par la crise (comme le cas grec par exemple), il convient de rapporter leur signification aux faiblesses structurelles qui caractérisent le cœur du système mondial en pleine déliquescence : ainsi, pour notre équipe, le « doigt grec » ne montre pas tant l’Eurozone que les dangers explosifs des besoins exponentiels de financement du Royaume-Uni et des Etats-Unis (3).

Prévision des émissions de dette souveraine en 2010 (Total : 4.500 milliards de dollars) - Sources : FMI / Hayman Advisors / Comcast, mars 2010

Rappelons-nous qu’au cours d’une période où la demande de financements dépasse l’offre disponible, comme c’est le cas aujourd’hui, les montants d’émission de dettes souveraines en valeur absolue jouent un rôle plus important que les ratios (montants en valeur relative).

Un exemple très simple peut le démontrer : si vous disposez de 100 euros et que vous avez deux amis, l’un « pauvre », A, qui a besoin de 30 Euros et l’autre « riche », B, de 200 Euros ; même si B peut vous donner en gage sa montre de luxe qui vaut 1.000 Euros alors que A n’a qu’une montre à 20 euros, vous ne pourrez pas aider B car vous ne disposez pas des moyens suffisants pour satisfaire son besoin de financement ; alors qu’en discutant gage et intérêt, vous pouvez décider de le faire pour A.

Cette mise en perspective invalide ainsi tout les raisonnements qui fleurissent dans la plupart des médias spécialisés et qui se fondent sur le ratio d’endettement : en fait, selon leur raisonnement, il est évident que vous allez aider B, puisque son taux d’endettement est nettement plus favorable (20%) que celui de A (150%) ; mais, dans le monde de la crise, où l’argent n’est pas disponible en quantités illimitées (4), la théorie se heurte au mur de réalité : vouloir est une chose, pouvoir en est une autre.

Ainsi, le LEAP – Europe 2020 pose deux questions très simples :

. Qui pourra/voudra soutenir le Royaume-Uni après le 6 mai prochain, quand son désordre politique exposera inéluctablement la déliquescence avancée de tous ses paramètres budgétaires, économiques et financiers ?

La situation financière du pays est tellement dangereuse que les technocrates en charge de l’Etat ont élaboré un plan, soumis aux partis en lice pour les prochaines élections législatives, afin d’éviter tout risque de vacance du pouvoir qui pourrait entraîner un effondrement de la Livre sterling (déjà très affaiblie) et des bons du Trésor (Gilts) britanniques (dont la Banque d’Angleterre a racheté 70% des émissions de ces derniers mois) : Gordon Brown resterait Premier Ministre, même s’il perd les élections (sauf si les Conservateurs peuvent se targuer d’une majorité suffisante pour gouverner seuls) (5).

En effet, sur fond de crise économique et politique, les sondages laissent penser que le pays s’oriente vers un « Hung Parliament », sans majorité claire. La dernière fois où cela est arrivé, c’était en 1974, sorte de préalable politique à l’intervention du FMI dix-huit mois plus tard (6).

Pour le reste, le gouvernement manipule les indicateurs dans un sens positif, afin de créer les conditions d’une victoire (ou d’une défaite maîtrisée).

Pourtant, la réalité reste déprimante. Ainsi, l’immobilier britannique est piégé dans une dépression qui empêchera les prix de retrouver leurs niveaux de 2007 avant plusieurs générations (autant dire jamais) selon Lombard Street Research (7). Et les trois partis se préparent à affronter une situation post-électorale catastrophique (8).

Selon le LEAP – Europe 2020, le Royaume-Uni pourrait connaître une situation « à la grecque » (9), avec la déclaration par les dirigeants britanniques qu’en fait, la situation du pays est infiniment pire qu’annoncée avant les élections.

Les rencontres multiples, fin 2009, du ministre britannique des finances, Alistair Darling, avec Goldman Sachs, constituent un indice très fiable de manipulation, en matière de dette souveraine. En effet, comme nous l’écrivions dans [notre] dernier [numéro], il suffit de suivre Goldman Sachs pour connaître le prochain risque de cessation de paiement d’un Etat.

Besoins de financement du gouvernement fédéral US, 2010-2014 (en milliers de milliards de dollars) – En foncé : le déficit fédéral. En clair : la dette arrivant à maturité (les futurs emprunts à court terme ne sont pas comptabilisés) (10)

. Qui pourra/voudra soutenir les Etats-Unis une fois que le détonateur britannique (11) aura été mis à feu, déclenchant la panique sur le marché des dettes souveraines dont les Etats-Unis sont de très loin le premier émetteur ? D’autant plus que l’ampleur des besoins en matière de dette souveraine se conjugue à l’arrivée à échéance, à partir de cette année, d’une montagne de dettes privées américaines (immobilier commercial et LBO à refinancer, pour un total de 4.200 milliards de dollars de dettes privées arrivant à échéance aux Etats-Unis d’ici 2014, avec une moyenne d’environ 1.000 milliards USD/an) (12).

 

Par hasard, c’est le même montant que l’émission globale de nouvelles dettes souveraines pour la seule année 2010, dont près de la moitié par le gouvernement fédéral américain. En y ajoutant les besoins de financement des autres acteurs économiques (ménages, entreprises, collectivités locales), c’est donc près de 5.000 milliards de dollars que les Etats-Unis vont devoir trouver en 2010 pour éviter la « panne sèche ».

Et notre équipe anticipe deux réponses tout aussi simples :

. Pour le Royaume-Uni, le FMI et l’UE peut-être (13) ; et nous allons assister à partir de l’été 2010 à la « bataille de la Banque d’Angleterre » (14) pour tenter d’éviter un effondrement simultané de la Livre sterling et des finances publiques britanniques.

Dans tous les cas, la Livre n’en sortira pas indemne et la crise des finances publiques va générer un plan d’austérité d’une ampleur sans précédent.

. Pour les Etats-Unis, personne ; car l’ampleur des besoins de financement dépassera les capacités des autres opérateurs (FMI compris) (15), et cet épisode entraînera directement, à l’hiver 2010/2011, l’explosion de la bulle des bons du Trésor US, sur fond de remontée massive des taux d’intérêts pour financer les dettes souveraines et les besoins de refinancement des dettes privées, entraînant une nouvelle vague de faillites d’établissements financiers.

Mais il n’y a pas que les Etats qui peuvent entrer en cessation de paiement. Une Banque centrale peut aussi faire faillite quand son bilan est composé d’ « actifs-fantômes » (16) et la Fed va devoir faire face à un risque réel de faillite, comme nous l’analysons dans ce numéro.

L’hiver 2010 va également être le théâtre d’un autre phénomène déstabilisateur aux Etats-Unis : le premier grand test électoral depuis le début de la crise (17), où des millions d’Américains vont probablement exprimer leur « ras-le-bol » d’une crise qui dure (18), qui n’affecte pas Washington et Wall Street (19) et qui génère un endettement public américain désormais contre-productif : un Dollar emprunté génère désormais une moins-value de 40 cents (voir graphique ci-dessous).

Evolution de la productivité marginale de la dette au sein de l'économie américaine, en dollars (ratio PIB/Dette 1966-2010) - Source : EconomicEdge, mars 2010 (cliquez sur le graphique pour l'agrandir)

On peut ne pas être d’accord avec les réponses que fournit notre équipe aux deux questions posées ci-dessus.

Cependant, nous sommes convaincus que ces questions sont incontournables : aucune analyse, aucune théorie sur l’évolution mondiale des prochains trimestres n’est crédible, si elle n’apporte pas de réponses claires à ces deux interrogations : « qui pourra/voudra ? ».

De notre côté, nous pensons comme Zhu Min, le gouverneur adjoint de la banque centrale chinoise, que « le monde n’a pas assez d’argent pour acheter encore plus de bons du Trésor américains » (20).

Dans ce [numéro], notre équipe a donc décidé de faire le point sur ces risques majeurs pesant sur le Royaume-Uni et les Etats-Unis et d’anticiper les évolutions des prochains mois, dans le contexte croissant d’une « guerre de velours » entre puissances occidentales (guerre financière, monétaire, commerciale). Et nous dévoilons une série de recommandations pour faire face au double choc des besoins de financement britanniques et américains.

———-
Notes :
(1) C’est le type de contrainte que le Royaume-Uni va devoir s’imposer tout seul après les prochaines élections, ou bien via une intervention directe du FMI ; et que les Etats-Unis sont incapables de s’imposer, sans qu’une crise majeure affecte leur dette publique.

(2) Non seulement la peur diffusée à longueur d’interviews d’experts était sans fondement, mais en plus le cas grec a bien servi à pousser la zone Euro à se doter des instruments et procédures qui lui manquaient en matière de gouvernance. Et nous ne mentionnons même pas l’évidente frustration de nombreux commentateurs et experts qui auraient rêvé de voir l’Allemagne refuser sa solidarité et/ou qui faisaient du cas grec la preuve de leurs théories économiques sur les zones monétaires. A ce sujet, l’équipe du LEAP – Europe 2020 souhaite rappeler son opinion : les théories économiques, que ce soit sur les zones monétaires ou sur d’autres sujets, ont autant de valeur que les horoscopes. Elles ne disent rien sur la réalité, mais tout sur l’esprit de leurs auteurs et de ceux qu’ils « ciblent » avec leurs analyses. Une zone monétaire n’existe et ne dure que s’il y a une volonté politique forte et pérenne de partager un destin commun : ce qui est le cas de l’Eurozone. Pour le comprendre, il faut s’intéresser à l’Histoire et non pas à l’économie. Ainsi, pour éviter de répéter à longueur d’articles ses préjugés de baby-boomer et ses dogmes théoriques, un prix Nobel d’économie comme Paul Krugman ferait mieux d’étudier l’Histoire. Cela permettrait aux lecteurs du New York Times et des nombreuses autres publications qui le reprennent dans le monde entier, de cesser de se focaliser à tort sur les quelques arbres qui cachent la forêt.

(3) Comme nous l’avons souvent rappelé depuis plus d’un an, il est bien évident que la zone Euro possède aussi des pays qui font face à des besoins de financement très importants et cela contribue justement à créer un environnement difficile pour le refinancement de toute dette publique importante. Or, les deux « champions » toutes catégories, en matière de besoins de financement/refinancement, sont les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

(4) Nous insistons sur ce fait essentiel : les sauvetages de banques par les Etats, puis désormais les risques de faillite de ces mêmes Etats, illustrent le fait que, contrairement au discours lénifiant qui peuple les médias, l’argent n’est pas disponible en quantités illimitées. Quand tout le monde en a besoin, c’est à ce moment là qu’on s’en rend compte.

(5) Source : Guardian, 30 mars 2010

(6) Source : BBC / National Archives, 29 décembre 2005

(7) Source : Telegraph, 06 avril 2010

(8) Source : The Independent, 06 avril 2010

(9) C’est après leur victoire électorale que les nouveaux dirigeants grecs ont déclaré que la situation budgétaire du pays était beaucoup plus mauvaise qu’annoncée.

(10) Ces estimations sont fondées sur les anticipations officielles du gouvernement fédéral qui, selon le LEAP – Europe 2020, sont beaucoup trop optimistes, tant en matière de rentrées fiscales (les rentrées seront plus faibles) qu’en ce qui concerne les dépenses de stimulation de l’économie US (les dépenses seront plus élevées).

(11) Depuis 2006, à travers de nombreux [numéros], nous avons largement explicité les liens structurels entre la City et Wall Street et le rôle de « flotteur » que joue le Royaume-Uni par rapport au vaisseau américain. En l’occurrence, la défiance vis-à-vis de la dette de Londres déclenchera de manière irréversible une défiance vis-à-vis de Washington.

(12) Source : Brisbane Times, 15 décembre 2009

(13) Peut-être, car il n’y a aucun mécanisme de solidarité financière qui s’impose dans l’UE, surtout pour un pays qui refuse depuis des décennies tout engagement contraignant avec ses partenaires européens. Le « splendide isolement » peut devenir un terrible piège, quand le vent tourne. Reste donc le FMI … dont Gordon Brown était étrangement si préoccupé de remplir à nouveau les caisses l’année dernière !

(14) Et à la différence de la bataille d’Angleterre (juin 1940 – octobre 1940), qui vit les pilotes de la RAF, assistés du radar, empêcher l’invasion nazie des îles britanniques, les « pilotes » des établissements financiers de la City, assistés de l’Internet, contribueront à aggraver le problème en fuyant vers l’Asie et l’Eurozone.

(15) Le LEAP – Europe 2020 avait indiqué début 2009 qu’une fois passé l’été 2009, il serait impossible de canaliser la crise. L’année dernière, les besoins de financement US étaient encore dans la gamme des interventions possibles d’un FMI recapitalisé à hauteur de 500 milliards de dollars (suite au G-20 de Londres). Outre le fait que cette somme n’est plus disponible dans son intégralité, puisque le FMI a dû déjà débourser plus de 100 milliards de dollars d’aide aux pays les plus gravement touchés par la crise, cette année, la mobilisation de ce montant ne représenterait que 10% des besoins de court terme des Etats-Unis ; autant dire, une goutte d’eau.

(16) Comme l’ont démontré les informations enfin communiquées par la Fed sur l’état de son bilan. Sources : Huffington Post, 22 mars 2010 ; Le Monde, 06 avril 2010

(17) L’élection présidentielle de 2008 a été concomitante avec la perception qu’une crise commençait. En novembre 2010, les électeurs exprimeront leurs opinions après deux pleines années de crise. C’est une grande différence.

(18) A la différence de ce que proclament Wall Street et Washington, la crise est toujours là et les PME américaines sont de plus en plus pessimistes. Un détail très utile pour comprendre les statistiques US : elles ignorent généralement les PME dans l’établissement de leurs différents indicateurs. Quand on sait qu’aux Etats-Unis aussi, les PME constituent le socle de l’économie, cela relativise fortement la valeur de ces statistiques (même non manipulées). Source : MarketWatch, 13 avril 2010

(19) Pour évaluer l’ampleur du problème socio-politique américain, ce n’est pas tant le rapport de force Démocrates/Républicains qui va être intéressant à suivre, mais l’évolution des extrêmes au sein de ces deux partis et le développement de tout ce qui se situe hors des deux partis.

(20) Source : Shanghai Daily, 18 décembre 2009

LEAP – Europe 2020

(Merci à SPOILER)

samedi, 10 avril 2010

George Soros, ou la "conscience du monde"

george-soros1.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

 

George SOROS,

ou la "conscience" du Monde

 

Par Heather Cottin

(http://www.artel.co.yu)

 

« OUI, J’AI UNE POLITIQUE ETRANGERE : MON OBJECTIF EST DE DEVENIR LA CONSCIENCE DU MONDE. »

 

Il ne s’agit nullement d’un cas de trouble narcissique de la personnalité; voici, en fait, comment George Soros applique aujourd’hui le pouvoir de l’hégémonie des Etats-Unis dans le monde. Les institutions de Soros et ses machinations financières sont en partie responsables de la destruction du socialisme en Europe de l’Est et dans l’ancienne URSS. Il a également jeté son dévolu sur la Chine. Il a également fait partie de toute cette entreprise d’opérations en tous genres qui ont abouti au démantèlement de la Yougoslavie. Alors qu’il se donne du philanthrope, le rôle du milliardaire George Soros consiste à resserrer la mainmise idéologique de la globalisation et du nouvel ordre mondial tout en assurant la promotion de son propre profit financier. Les opérations commerciales et « philanthropiques » de Soros sont clandestines, contradictoires et coactives. Et, pour ce qui est de ses activités économiques, lui-même admet qu’il n’a pas de conscience, en capitaliste fonctionnant avec une amoralité absolue.

 

SON GOUROU ? SIR KARL POPPER,  THéORICIEN DE LA “SOCIéTé OUVERTE”

 

En maître d’œuvre du nouveau secteur de la corruption qui trompe systématiquement le monde, il se fraie un chemin jusqu’aux hommes d’Etat planétaires et ils lui répondent. Il a été proche de Henry Kissinger, de Vaclav Havel et du général polonais Wojciech Jaruzelski.(2) Il soutient le dalaï-lama, dont l’institut est installé au Presidio, à San Francisco, lequel Presidio héberge également, entre autres, la fondation dirigée par l’ami de Soros, l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev.(3) Soros est une figure de pointe du Conseil des Relations extérieures, du Forum économique mondial et de Human Rights Watch (HRW). En 1994, après une rencontre avec son gourou philosophique, Sir Karl Popper, Soros ordonnait à ses sociétés de se mettre à investir dans les communications en Europe centrale et de l’Est.

 

L’administration fédérale de la radio et télévision de la République tchèque a accepté son offre de eprendre et de financer les archives de Radio Free Europe. Soros a transféré ces archives à Prague et a dépensé plus de 15 millions de dollars pour leur entretien.(4)

 

Conjointement avec les Etats-Unis, une fondation Soros dirige aujourd’hui Radio Free Europe/Radio Liberty, laquelle a étendu ses ramifications au Caucase et en Asie.(5) Soros est le fondateur et le financier de l’Open Society Institute. Il a créé et entretient le Groupe international de Crise (GIC) qui, entre autres choses, est actif dans les Balkans depuis le démantèlement de la Yougoslavie. Soros travaille ouvertement avec l’Institut américain pour la Paix – un organe officiellement reconnu de la CIA.

 

Lorsque les forces hostiles à la globalisation battaient de la semelle dans les rues entourant le Waldorf-Astoria, à New York, en février 2002, George Soros était à l’intérieur et tenait un discours devant le Forum économique mondial. Quand la police entassa les manifestants dans des cages métalliques à Park Avenue, Soros vantait les vertus d’une « société ouverte » et rejoignait ainsi Zbigniew Brzezinski, Samuel Huntington, Francis Fukuyama et d’autres.

 

 

 

 

 

QUI EST CE TYPE ?

 

George Soros est né en Hongrie en 1930 de parents juifs si éloignés de leurs racines qu’ils passèrent même une fois leurs vacances en Allemagne nazie.(6) Soros vécut sous le régime nazi mais, au moment du triomphe des communistes, il alla s’installer en Angleterre en 1947.

 

Là, à la London School of Economics, il subit l’influence du philosophe Karl Popper, un idéologue anticommuniste adulé dont l’enseignement constitua la base des tendances politiques de Soros. Il est malaisé de trouver un discours, un ouvrage ou un article de la plume de Soros qui n’obéisse à l’influence de Popper.

 

Anobli en 1965, Popper inventa le slogan de « Société ouverte », qu’on allait retrouver plus tard dans l’Open Society Fund and Institute de Soros. Les disciples de Popper répètent ses mots comme de véritables fidèles. La philosophie de Popper incarne parfaitement l’individualisme occidental. Soros quitta l’Angleterre en 1956 et trouva du travail à Wall Street où, dans les années 60, il inventa le « fonds de couverture » : « (…) les fonds de couverture satisfaisaient les individus très riches (…) Les fonds en grande partie secrets, servant habituellement à faire des affaires en des lieux lointains (…) produisaient des retours astronomiquement supérieurs. Le montant des ‘enjeux’ se muaient souvent en prophéties qui se réalisaient d’elles-mêmes : ‘les rumeurs circulant à propos d’une situation acquise grâce aux énormes fonds de couverture incitaient d’autres investisseurs à se hâter de faire pareil’, ce qui, à son tour, augmentait les mises de départ des opérateurs en couverture. »(7)

 

Soros met sur pied le Quantum Fund en 1969 et se met à boursicoter dans la manipulation des devises. Dans les années 70, ses activités financières glissent vers « l’alternance entre les situations à long et à court terme (…) Soros se mit à gagner gros à la fois sur la montée des trusts d’investissement dans l’immobilier et sur leur effondrement ultérieur. Durant ses vingt années de gestion, Quantum offrit des returns étonnants de 34,5% en moyenne par an. Soros est particulièrement connu (et craint) pour sa spéculation sur les devises.

 

(…) En 1997, il se vit décerner une distinction rare en se faisant traiter de scélérat par un chef d’Etat, Mahathir Mohamad, de Malaisie, pour avoir participé à un raid particulièrement rentable sur la monnaie de ce pays. »(8)

 

C’est via de telles martingales financières clandestines que Soros va devenir multimilliardaire. Ses sociétés contrôlent l’immobilier en Argentine, au Brésil et au Mexique, la banque au Venezuela et elles figurent au nombre des commerces de devises les plus rentables au monde, donnant naissance à la croyance générale que ses amis très haut placés l’ont aidé dans ses aventures financières, et ce pour des raisons tant politiques que liées à l’appât du gain.(9)

 

SOROS ? UN DRACULA QUI SUCE LE SANG DU PEUPLE !

 

George Soros a été blâmé pour avoir fait sombrer l’économie thaïlandaise en 1997.(10) Un activiste thaï a même déclaré : « Nous considérons George Soros comme une sorte de Dracula. Il suce le sang du peuple. »(11) Les Chinois l’appellent « le crocodile » du fait que ses efforts économiques et idéologiques en Chine n’étaient jamais satisfaits et parce que ses spéculations financières ont engendré des millions de dollars de profit lorsqu’il a mis le grappin sur l’économie thaï et sur celle de la Malaisie.(12)

 

Un jour, Soros s’est fait un milliard de dollars en un jour en spéculant (un mot qu’il déteste) sur la livre britannique. Accusé de prendre « de l’argent à chaque contribuable britannique lorsqu’il spéculait contre le sterling », il avait répondu : « Lorsque vous spéculez sur les marchés financiers, vous ne vous embarrassez pas de la plupart des préoccupations morales auxquelles est confronté un homme d’affaires ordinaire. (…) Je n’avais pas non plus à m’embarrasser de questions de morale sur les marchés financiers. »(13)

 

Soros est schizophréniquement insatiable quand il s’agit de s’enrichir personnellement de façon illimitée et il éprouve un perpétuel désir d’être bien considéré par autrui : « Les commerçants en devises assis à leurs bureaux achètent et vendent des devises de pays de tiers monde en grande quantités. L’effet des fluctuations des cours sur les personnes qui vivent dans ces pays n’effleure même pas leurs esprits.

 

Il ne devrait pas le faire non plus : ils ont un travail à faire. Si nous nous arrêtons pour réfléchir, nous devons nous poser la question de savoir si les commerçants en devises (…) devraient contrôler la vie de millions de personnes. »(14)

 

C’est George Soros qui a sauvé la peau de George W. Bush lorsque la gestion par celui-ci d’une société de prospection pétrolière était sur le point de se solder par un échec. Soros était le propriétaire de la Harken Energy Corporation et c’est lui qui avait racheté le stock des actions en baisse rapide juste avant que la société ne s’effondre. Le futur président liquida a presque un million de dollars. Soros déclara qu’il avait agi de la sorte pour acheter de « l’influence politique ».(15) Soros est également un partenaire du tristement célèbre Carlyle Group. Officiellement fondée en 1987, la « plus importante société privée par actions du monde », qui gère plus de 12 milliards de dollars, est dirigée par « un véritable bottin mondain d’anciens dirigeants républicains », depuis l’ancien membre de la CIA, Frank Carlucci, jusqu’à l’ancien chef de la CIA et ancien président George Bush père. Le Carlyle Group tire la majeure partie de ses rentrées des exportations d’armes.

 

L’ESPION PHILANTHROPE

 

En 1980, Soros commence à utiliser ses millions pour s’en prendre au socialisme en Europe de l’Est. Il finance des individus susceptibles de coopérer avec lui. Son premier succès, c’est en Hongrie qu’il l’obtient. Il reprend le système éducatif et culturel hongrois, mettant hors d’état de fonctionnement les institutions socialistes partout dans le pays. Il se fraie directement un chemin à l’intérieur du gouvernement hongrois. Ensuite, Soros se tourne vers la Pologne, contribuant à l’opération Solidarité, financée par la CIA, et, la même année, il étend également ses activités à la Chine. L’URSS vient ensuite.

 

Ce n’est nullement une coïncidence si la CIA a mené des opérations dans tous ces pays. Son objectif était également le même que celui de l’Open Society Fund : démanteler le socialisme. En Afrique du Sud, la CIA dénichait des dissidents anticommunistes. En Hongrie, en Pologne et en URSS, via une intervention non dissimulée menée à partir de la Fondation nationale pour la Démocratie, l’AFL-CIO, l’USAID et d’autres institutions, la CIA soutenait et organisait les anticommunistes, le type même d’individus recrutés par l’Open Society Fund de Soros. La CIA allait les appeler ses « atouts ». Comme le dit Soros : « Dans chaque pays, j’ai identifié un groupe de personnes – certaines sont des personnalités de premier plan, d’autres sont moins connues – qui partageaient ma foi… »(16)

 

L’Open Society de Soros organisait des conférences avec des anticommunistes tchèques, serbes, roumains, hongrois, croates, bosniaques, kosovares.(17) Son influence sans cesse croissante le fit soupçonner d’opérer en tant que partie du complexe des renseignements américains. En 1989, le Washington Post se faisait l’écho d’accusations d’abord émises en 1987 par des officiels du gouvernement chinois et prétendant que le Fonds de Soros pour la Réforme et l’Ouverture de la Chine avait des connexions avec la CIA.(18)

 

AU TOUR DE LA RUSSIE

 

Après 1990, les fonds de Soros visent le système éducatif russe et fournissent des manuels à toute la nation.(19) En effet, Soros se sert de la propagande de l’OSI pour endoctriner toute une génération de la jeunesse russe. Les fondations de Soros ont été accusées d’avoir orchestré une stratégie visant à s’assurer le contrôle du système financier russe, des plans de privatisation et du processus des investissements étrangers dans ce pays. Les Russes réagissent avec colère aux ingérences de Soros dans les législations. Les critiques de Soros et d’autres fondations américaines ont affirmé que l’objectif de ces manœuvres était de « faire échouer la Russie en tant qu’Etat ayant le potentiel de rivaliser avec la seule superpuissance mondiale ».(20)

 

Les Russes se mettent à soupçonner que Soros et la CIA sont interconnectés. Le magnat des affaires, Boris Berezovsky, allait même déclarer : « J’ai presque tourné de l’œil en apprenant, il y a quelques années, que George Soros était un agent de la CIA. »(21) L’opinion de Berezovsky était que Soros, de même que l’Occident, « craignaient que le capitalisme russe ne devînt trop puissant ».

 

Si l’establishment économique et politique des Etats-Unis craint la concurrence économique de la Russie, quelle meilleure façon y a-t-il de la contrôler que de dominer les médias, l’éducation, les centres de recherche et le secteur scientifique de la Russie ? Après avoir dépensé 250 millions de dollars pour « la transformation de l’éducation des sciences humaines et de l’économie au niveau des écoles supérieures et des universités », Soros injecte 100 millions de dollars de plus dans la création de la Fondation scientifique internationale.(22) Les Services fédéraux russes de contre-espionnage (FSK) accusent les fondations de Soros en Russie d’« espionnage ». Ils font remarquer que Soros n’opère pas seul ; il fait partie de tout un rouleau compresseur recourant, entre autres, à des financements de la part de Ford et des Heritage Foundations, des universités de Harvard, Duke et Columbia, et à l’assistance du Pentagone et ses services de renseignements américains.(23) Le FSK s’indigne de ce que Soros a graissé la patte à quelque 50.000 scientifiques russes et prétend que Soros a cultivé avant tout ses propres intérêts en s’assurant le contrôle de milliers de découvertes scientifiques et nouvelles technologies russes et en s’appropriant ainsi des secrets d’Etats et des secrets commerciaux.(24)

 

CUNY, AGENT DE LA CIA  EN TCHéTCHéNIE?

 

En 1995, les Russes avaient été très en colère suite aux ingérences de l’agent du Département d’Etat, Fred Cuny, dans le conflit tchétchène. Cuny se servait du secours aux sinistrés comme de couverture, mais l’histoire de ses activités dans les zones de conflit internationales intéressant les Etats-Unis, auxquelles venaient s’ajouter les opérations d’investigations du FBI et de la CIA, rendaient manifestes ses connexions avec le gouvernement américain. A l’époque de sa disparition, Cuny travaillait sous contrat pour une fondation de Soros.(25) On se sait pas assez aux Etats-Unis que la violence en Tchétchénie, une province située au cœur de la Russie, est généralement perçue comme étant le résultat d’une campagne de déstabilisation politique que Washington voit d’un très bon œil et, en fait, orchestre probablement. Cette façon de présenter la situation est suffisamment claire aux yeux de l’écrivain Tom Clancy, au point qu’il s’est senti libre d’en faire une affirmation de fait dans son best-seller, La somme de toutes les peurs. Les Russes ont accusé Cuny d’être un agent de la CIA et d’être l’un des rouages d’une opération de renseignements destinée à soutenir l’insurrection tchétchène.(26) L’Open Society Institute de Soros est toujours actif en Tchétchénie, comme le sont également d’autres organisations sponsorisées par le même Soros.

 

La Russie a été le théâtre d’au moins une tentative commune de faire grimper le bilan de Soros, tentative orchestrée avec l’aide diplomatique de l’administration Clinton. En 1999, la secrétaire d’Etat Madeleine Albright avait bloqué une garantie de prêt de 500 millions de dollars par l’U.S. Export-Import Bank à la société russe, Tyumen Oil, en prétendant que cela s’opposait aux intérêts nationaux américains. La Tyumen voulait acheter des équipements pétroliers de fabrication américaine, ainsi que des services, auprès de la société Halliburton de Dick Cheney et de l’ABB Lummus Global de Bloomfield, New Jersey.(27) George Soros était investisseur dans une société que la Tyumen avait essayé d’acquérir. Tant Soros que BP Amoco avaient exercé des pressions afin d’empêcher cette transaction, et Albright leur rendit ce service.(28)

 

L’ENTRETIEN D’UN ANTISOCIALISME DE GAUCHE

 

L’Open Society Institute de Soros trempe les doigts dans toutes les casseroles. Son comité de directeurs est un véritable « Who's Who » de la guerre froide et des pontifes du nouvel ordre mondial. Paul Goble est directeur des communications : « Il a été le principal commentateur politique de Radio Free Europ ». Herbert Okun a servi dans le département d’Etat de Nixon en tant que conseiller en renseignements auprès de Henry Kissinger. Kati Marton est l’épouse de Richard Holbrooke, l’ancien ambassadeur aux Nations unies et envoyé en Yougoslavie de l’administration Clinton. Marton a exercé des pressions en faveur de la station de radio B-92, financée par Soror, et elle a également beaucoup œuvré en faveur d’un projet de la Fondation nationale pour la démocratie (une autre antenne officielle de la CIA) qui a collaboré au renversement du gouvernement yougoslave.

 

Lorsque Soros fonde l’Open Society Fund, il va chercher le grand pontife libéral Aryeh Neier pour la diriger. A l’époque, Neier dirige Helsinki Watch, une prétendue organisation des droits de l’homme de tendance nettement anticommuniste. En 1993, l’Open Society Fund devient l’Open Society Institute.

 

Helsinki Watch s’est mué en Human Rights Watch en 1975. A l’époque, Soros fait partie de sa Commission consultative, à la fois pour le comité des Amériques et pour ceux de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale, et sa nébuleuse Open Society Fund/Soros/OSI est renseignée comme bailleuse de fonds.(29) Soros a des relations étroites avec Human Rights Watch (HRW) et Neier écrits des articles pour le magazine The Nation sans mentionné le moins du monde qu’il figure sur les fiches de paie de Soros.(30)

 

Soros est donc étroitement lié à HRW, bien qu’il fasse de son mieux pour le dissimuler.(31) Il déclare qu’il se contente de bailler des fonds, de mettre les programmes au point et de laisser les choses aller d’elles-mêmes. Mais les actions de HRW ne s’écartent en aucune façon de la philosophie de son bailleur de fonds. HRW et OSI sont très proches l’un de l’autre. Leurs vues ne divergent pas. Naturellement, d’autres fondations financent également ces deux institutions, mais il n’empêche que l’influence de Soros domine leur idéologie.

 

Les activités de George Soros s’inscrivent dans le schéma de construction développé en 1983 et tel qu’il est énoncé par Allen Weinstein, fondateur de la Fondation nationale pour la démocratie. Wainstein déclare ceci : «Une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui était réalisée en secret par la CIA voici 25 ans. »(32)

 

LéGITIMER LES STRATéGIES AMéRICAINES

 

SorosTimeMagCover.jpgSoros opère exactement dans les limites du complexe de renseignements. Il diffère peu des trafiquants de drogue de la CIA au Laos, dans les années 60, ou des moudjahidine qui tiraient profit du trafic de l’opium tout en menant des opérations pour le compte de la CIA contre l’Afghanistan socialiste des années 80. Il canalise tout simplement (et ramasse) beaucoup plus d’argent que ces marionnettes et une partie bien plus importante de ses affaires se font au grand jour. Sa franchise, dans la mesure où il en fait preuve, réside dans un contrôle factice des dégâts, lequel sert à légitimer les stratégies de la politique étrangère américaine.

 

La majorité des Américains qui, aujourd’hui, se considèrent politiquement au centre-gauche, sont sans aucun doute pessimistes à propos des chances d’assister un jour à une transformation socialiste de la société. Par conséquent, le modèle de « décentralisation » à la Soros, ou l’approche « fragmentée » de «l’utilitarisme négatif, la tentative de réduire au minimum la quantité de misère », qui constituait la philosophie de Popper, tout cela leur plaît, en gros.(33) Soros a financé une étude de HRW qui a été utilisée pour soutenir l’assouplissement de la législation en matière de drogue dans les Etats de Californie et d’Arizona.(34) Soros est favorable à une législation sur les drogues – une manière de réduire provisoirement la conscience de sa propre misère. Soros est un corrupteur qui tutoie le concept de l’égalité des chances. A un échelon plus élevé de l’échelle socio-économique, on trouve les social-démocrates qui acceptent d’être financés par Soros et qui croient aux libertés civiques dans le contexte même du capitalisme.(35) Pour ces personnes, les conséquences néfastes des activités commerciales de Soros (lesquelles appauvrissent des gens partout dans le monde) sont édulcorées par ses activités philanthropiques. De la même manière, les intellectuels libéraux de gauche, tant à l’étranger qu’aux Etats-Unis, ont été séduits par la philosophie de l’« Open Society », sans parler de l’attrait que représentait ses donations.

 

La Nouvelle Gauche américaine était un mouvement social-démocratique. Elle était résolument antisoviétique et, lorsque l’Europe de l’Est et l’Union soviétique se sont effondrées, peu de gens au sein de cette Nouvelle Gauche se sont opposés à la destruction des systèmes socialistes. La Nouvelle Gauche n’a ni gémi ni protesté lorsque les centaines de millions d’habitants de l’Europe de l’Est et de l’Europe centrale ont perdu leur droit au travail, au logement à loyer décent et protégé par la loi, à l’éducation gratuite dans des écoles supérieures, à la gratuité des soins de santé et de l’épanouissement culturel. La plupart ont minimisé les suggestions prétendant que la CIA et certaines ONG – telles la Fondation nationale pour la Démocratie ou l’Open Society Fund – avaient activement participé à la destruction du socialisme. Ces personnes avaient l’impression que la détermination occidentale à vouloir détruire l’URSS depuis 1917 avait vraiment peu de chose à voir avec la chute de l’URSS. Pour ces personnes, le socialisme a disparu de son plein gré, du fait de ses défauts et lacunes.

 

LA  “NOUVELLE GAUCHE” IGNORE TOUJOURS LES MACHINATIONS  AMéRICAINES

 

Quant aux révolutions, comme celles d’un Mozambique, de l’Angola, du Nicaragua ou du Salvador, annihilées par des forces agissant sous procuration ou retardées par des « élections » très démonstratives, les pragmatistes de la Nouvelle Gauche n’en ont eu que faire et ont tourné les talons. Parfois même, la Nouvelle Gauche a semblé ignorer délibérément les machinations post-soviétiques de la politique étrangère américaine.

 

Bogdan Denitch, qui nourrissait des aspirations politiques en Croatie, a été actif au sein de l’Open Society Institute et a reçu des fonds de ce même OSI.(36) Denitch était favorable à l’épuration ethnique des Serbes en Croatie, aux bombardements par l’Otan de la Bosnie et de la Yougoslavie et même à une invasion terrestre de la Yougoslavie.(37) Denitch a été l’un des fondateurs et le président des Socialistes démocratiques des Etats-Unis, un groupe prépondérant de la gauche libérale aux Etats-Unis. Il a également présidé longtemps la prestigieuse Conférence des Universitaires socialistes, par le biais de laquelle il pouvait aisément manipuler les sympathies de beaucoup et les faire pencher du côté du soutien à l’expansion de l’Otan.(38) D’autres cibles du soutien de Soros comprennent Refuse and Resist the American Civil Liberties Union (refus et résistance à l’Union américaine de défense des libertés civiques), et toute une panoplie d’autres causes libérales.(39) Soros allait acquérir un autre trophée invraisemblable en s’engageant dans la Nouvelle Ecole de Recherches Sociales de New York, qui avait été longtemps une académie de choix pour les intellectuels de gauche. Aujourd’hui, il y sponsorise le Programme pour l’Europe de l’est et l’Europe centrale.(40)

 

MICHEL KOZAK : INSTALLER DES “DIRIGEANTS SYMPATHIQUES”

 

Bien des gens de gauche inspirés par la révolution nicaraguayenne ont accepté avec tristesse l’élection de Violetta Chamorro et la défaite des sandinistes en 1990. La quasi-totalité du réseau de soutien au Nicaragua a cessé ses activités par la suite. Peut-être la Nouvelle Gauche aurait-elle pu tirer quelque enseignement de l’étoile montante qu’était Michel Kozak. L’homme était un vétéran des campagnes de Washington visant à installer des dirigeants sympathiques au Nicaragua, à Panama et à Haïti, et de saper Cuba – il dirigeait la Section des Intérêts américains à La Havane.

 

Après avoir organisé la victoire de Chamorro au Nicaragua, Kozak a poursuivi son chemin pour devenir ambassadeur des Etats-Unis en Biélorussie, tout en collaborant à l’Internet Access and Training Program (IATP – Progr. d’accès et d’initiation au net), sponsorisé par Soros et qui œuvrait à la « fabrication de futurs dirigeants » en Biélorussie.(41) Dans le même temps, ce programme était imposé à l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan. L’IATP opère à visière relevée avec le soutien du département d’Etat américain. Au crédit de la Biélorussie, il faut ajouter qu’elle a fini par expulser Kozak et toute la clique de l’Open Society de Soros et du département d’Etat américain. Le gouvernement d’Aleksandr Lukachenko a en effet découvert que, quatre ans avant de s’installer à Minsk, Kozak organisait la ventilation des dizaines de millions de dollars destinés à alimenter l’opposition biélorusse. Kozak travaillait à l’unification du coalition d’opposition, il créait des sites web, des journaux et des pôles d’opinion, et il supervisait un mouvement de résistance estudiantine semblable à l’Otpor en Yougoslavie. Kozak fit même venir des dirigeants de l’Otpor pour former des dissidents en Biélorussie.(42) Juste à la veille du 11 septembre 2001, les Etats-Unis relançaient une campagne de diabolisation contre le président Aleksandr Lukachenko. Cette campagne allait toutefois être remise sur feu doux pour donner la priorité à la « guerre contre le terrorisme ».

 

Par l’entremise de l’OSI et du HRW, Soros était l’un des principaux sponsors de la station de radio B-92 à Belgrade. Il fonda l’Otpor, l’organisation qui recevait ces « valises d’argent » afin de soutenir le coup d’Etat du 5 octobre 2000 qui allait renverser le gouvernement yougoslave.(43) Un peu plus tard, Human Rights Watch aidait à légitimer l’enlèvement et la médiatisation du procès de Slobodan Milosevic à La Haye sans aucunement faire état de ses droits.(44)

 

Louise Arbour, qui a œuvré comme juge au sein de ce tribunal illégal, siège actuellement au conseil du Groupe international de crise de Soros.(45) Le gang de l’Open Society et de Human Rights Watch a travaillé en Macédoine, disant que cela faisait partie de sa « mission civilisatrice ».(46) Il faut donc s’attendre à ce qu’on « sauve » un jour cette république et que s’achève ainsi la désintégration de l’ancienne Yougoslavie.

 

DES MANDATAIRES DU POUVOIR

 

En fait, Soros a déclaré qu’il considérait sa philanthropie comme morale et ses affaires de gestion d’argent comme amorales.(47) Pourtant, les responsables des ONG financées par Soros ont un agenda clair et permanent. L’une des institutions les plus influentes de Soros n’est autre que le Groupe international de Crise, fondé en 1986.

 

Le GIC est dirigé par des individus issus du centre même du pouvoir politique et du monde des entreprises. Son conseil d’administration compte entre autres en ses rangs Zbigniew Brzezinski, Morton Abramowitz, ancien secrétaire d’Etat adjoint aux Etats-Unis; Wesley Clark, ancien chef suprême des alliés de l’Otan pour l’Europe; Richard Allen, ancien conseiller national à la sécurité des Etats-Unis. Il vaut la peine de citer Allen : l’homme a quitté le Conseil national de la sécurité sous Nixon parce qu’il était dégoûté des tendances libérales de Henry Kissinger; c’est encore lui qui a recruté Oliver North pour le Conseil national de la sécurité sous Reagan, et qui a négocié l’échange missiles-otages dans le scandale des contras iraniens. Pour ces quelques individus, « contenir des conflits » équivaut à assurer le contrôle américain sur les peuples et ressources du monde entier.

 

Dans les années 1980 et 1990, sous l’égide de la doctrine reaganienne, les opérations secrètes ou à ciel ouvert des Etats-Unis battaient leur plein en Afrique, en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Asie. Soros était ouvertement actif dans la plupart de ces endroits, oeuvrant à corrompre d’éventuels révolutionnaires en devenir, à sponsoriser des hommes politiques, des intellectuels et toute autre personne susceptible d’arriver au pouvoir lorsque l’agitation révolutionnaire serait retombée. Selon James Petras : « A la fin des années 1980, les secteurs les plus perspicaces des classes néo-libérales au pouvoir comprirent que leurs menées politiques polarisaient la société et suscitaient un ample mécontentement social.

 

UNE STRATéGIE PARALLèLE “à PARTIR DE LA BASE”

 

Les politiciens néo-libéraux se sont mis à financer et à promouvoir une stratégie parallèle ‘à partir de la base ‘, la promotion d’organisations en quelque sorte ‘tirées du sol’, à l’idéologie ‘anti-étatique’ et censées intervenir parmi les classes potentiellement conflictuelles, afin de créer un ‘tampon social’. Ces organisations dépendaient financièrement de ressources néo-libérales et étaient directement engagées dans la concurrence avec des mouvements socio-politiques pour la fidélité des dirigeants locaux et des communautés militantes. Dans les années 1990, ces organisations, décrites comme ‘non gouvernementales’, se comptaient par milliers et recevaient quelque 4 milliards de dollars pour l’ensemble de la planète. »(48)

 

Dans Underwriting Democracy (Garantir la démocratie), Soros se vante de « l’américanisation de l’Europe de l’Est ». Selon ses propres dires, grâce à ses programmes d’éducation, il a commencé à mettre en place tout un encadrement de jeunes dirigeants « sorosiens ». Ces jeunes hommes et femmes issus du moule éducatif de la Fondation Soros sont préparés à remplir des fonctions de ce qu’on appelle communément des « personnes d’influence ». Grâce à leur connaissance pratique des langues et à leur insertion dans les bureaucraties naissantes des pays ciblés, ces recrues sont censées faciliter, sur le plan philosophique, l’accès à ces pays des sociétés multinationales occidentales. Le diplomate de carrière Herbert Okun, qui siège en compagnie de George Soros au Comité européen de Human Rights Watch, entretient d’étroites relations avec toute une série d’institutions liées au département d’Etat, allant de l’USAID à la Commission trilatérale financée par Rockefeller. De 1990 à 1997, Okun a été directeur exécutif d’une organisation appelée le Corps des bénévoles des Sercvices financiers, qui faisait partie de l’USAID, « afin d’aider à établir des systèmes financiers de marché libre dans les anciens pays communistes ».(49) George Soros est en complet accord avec les capitalistes occupés à prendre le contrôle de l’économie mondiale.

 

LA RENTABILITE DU NON-MARCHAND

 

Soros prétend qu’il ne fait pas de philanthropie dans les pays où il pratique le commerce des devises.(50) Mais Soros a souvent tiré avantage de ses relations pour réaliser des investissements clés. Armé d’une étude de l’ICC et bénéficiant du soutien de Bernard Kouchner, chef de l’UNMIK (Administration intérimaire des Nations unies au Kosovo), Soros a tenté de s’approprier le complexe minier le plus rentable des Balkans.

 

En septembre 2000, dans sa hâte de s’emparer des mines de Trepca avant les élections en Yougoslavie, Kouchner déclarait que la pollution dégagée par le complexe minier faisait grimper les taux de plomb dans l’environnement.(51) C’est incroyable, d’entendre une chose pareille, quand on sait que l’homme a applaudi lorsque les bombardements de l’Otan, en 1999, ont déversé de l’uranium appauvri sur le pays et ont libéré plus de 100.000 tonnes de produits cancérigènes dans l’air, l’eau et le sol.(52) Mais Kouchner a fini par obtenir gain de cause et les mines ont été fermées pour des « raisons de santé ». Soros a investi 150 millions de dollars dans un effort pour obtenir le contrôle de l’or, l’argent, le plomb, le zinc et le cadmium de Trepca, lesquels confèrent à cette propriété une valeur de 5 milliards de dollars.(53)

 

Au moment où la Bulgarie implosait dans le chaos du « libre marché », Soros s’acharnait à récupérer ce qu’il pouvait dans les décombres, comme Reuters l’a rapporté au début 2001 : « La Banque européenne de Reconstruction et de Développement (BERD) a investi 3 millions de dollars chez RILA [une société bulgare spécialisée dans les technologies de pointe], la première société à bénéficier d’un nouveau crédit de 30 millions de dollars fixé par la BERD pour soutenir les firmes de high-tech en Europe centrale et de l’Est. (…) Trois autres millions de dollars venaient du fonds américain d’investissements privés Argus Capital Partners, sponsorisé par la Prudential Insurance Company of America et opérant en Europe centrale et de l’Est. (…) Soros, qui avait investi quelque 3 millions de dollars chez RILA et un autre million de 2001 (…) demeurait le détenteur majoritaire. »(54)

 

CERNER LES PROBLEMES

 

Ses prétentions à la philanthropie confèrent à Soros le pouvoir de modeler l’opinion publique internationale lorsqu’un conflit social soulève la question de savoir qui sont les victimes et qui sont les coupables. A l’instar d’autres ONG, Human Rights Watch, le porte-voix de Soros sur le plan des droits de l’homme, évite ou ignore la plupart des luttes de classes ouvrières organisées et indépendantes.

 

En Colombia, des dirigeants ouvriers sont très fréquemment assassinés par des paramilitaires opérant de concert avec le gouvernement sponsorisé par les Etats-Unis. Du fait que ces syndicats s’opposent à l’économie néo-libérale, HRW garde à propos de ces assassinats un relatif silence. En avril dernier, José Vivanco, de HRW, a témoigné en faveur du Plan Colombia devant le Sénat américain (55) : « Les Colombiens restent dévoués aux droits de l’homme et à la démocratie. Ils ont besoin d’aide. Human Rights Watch ne voit pas d’inconvénient fondamental à ce que ce soient les Etats-Unis qui fournissent cette aide. »(56)

 

HRW met les actions des combattants de la guérilla colombienne, qui luttent pour se libérer de l’oppression de la terreur d’Etat, de la pauvreté et de l’exploitation, sur le même pied que la répression des forces armées financées par les Etats-Unis et celle des escadrons paramilitaires de la mort, les AUC (Forces colombiennes unies d’autodéfense). HRW a reconnu le gouvernement de Pastrana et de ses militaires, dont le rôle était de protéger les droits à la propriété et de maintenir le statu quo économique et politique. Selon HRW, 50% des morts de civils sont l’œuvre des escadrons de la mort tolérés par le gouvernement.(57). Le pourcentage exact, en fait, est de 80%.(58)

 

HRW a validé les élections dans leur ensemble et l’accession au pouvoir du gouvernement Uribe, en 2002. Uribe est un parfait héritier des dictateurs latino-américains que les Etats-Unis ont soutenu dans le passé, bien qu’il ait été « élu ». HRW n’a pas eu de commentaire à propos du fait que la majorité des habitants ont boycotté les élections.(59)

 

CUBA DéMONISé PAR “HUMAN RIGHTS WATCH”

 

Dans le bassin caraïbe, Cuba est un autre opposant au néo-libéralisme à avoir été diabolisé par Human Rights Watch. Dans l’Etat voisin de Haïti, les activités financées par Soros ont opéré de façon à venir à bout des aspirations populaires qui ont suivi la fin de la dictature des Duvalier, et ce, en torpillant le premier dirigeant haïtien, démocratiquement élu, Jean-Bertrand Aristide. Ken Roth, de HRW, a abondé utilement dans le sens des accusations américaines reprochant à Aristide d’être « antidémocratique ». Pour étayer son idée de la « démocratie », les fondations de Soros ont entamé à Haïti des opérations complémentaires de celles si inconvenantes des Etats-Unis, telles la promotion par USAID de personnes associées aux FRAPH, les fameux escadrons de la mort sponsorisés par la CIA et qui ont terrorisé le pays depuis la chute de « Baby Doc » Duvalier.(60)

 

Sur le site de HRW, le directeur Roth a critiqué les Etats-Unis de ne pas s’être opposés à la Chine avec plus de véhémence. Les activités de Roth comprennent la création du Tibetan Freedom Concert (Concert pour la liberté du Tibet), un projet itinérant de propagande qui a effectué une tournée aux Etats-Unis avec d’importants musiciens de rock pressant les jeunes à soutenir le Tibet contre la Chine.(61) Le Tibet est un projet de prédilection de la CIA depuis de nombreuses années.(62)

 

Récemment, Roth a réclamé avec insistance que l’on s’oppose au contrôle de la Chine sur sa province riche en pétrole du Xinjiang. Avec l’approche colonialiste du « diviser pour conquérir », Roth a essayé de convaincre certaines membres de la minorité religieuse des Ouïgours au Xinjiang que l’intervention des Américains et de l’Otan au Kosovo contenait une promesse en tant que modèle pour eux-mêmes. Déjà en août 2002, le gouvernement américain avait soutenu quelque peu cette tentative également.

 

Les intentions américaines à propos de cette région sont apparues clairement lorsqu’un article du New York Times sur la province de Xinjiang, en Chine occidentale, décrivait les Ouïgours comme une « majorité musulmane vivant nerveusement sous domination chinoise. Ils « sont bien au courant des bombardements de la Yougoslavie par l’Otan, l’an dernier, et certains les encensent pour avoir libéré les musulmans du Kosovo; ils s’imaginent pouvoir être libérés de la même manière ici ».(63) Le New York Times Magazine, de son côté, notait que « de récentes découvertes de pétrole ont rendu le Xinjiang particulièrement attrayant au yeux du commerce international » et, en même temps, comparaît les conditions de la population indigène à celles du Tibet.(64)

 

DES DEFICIENCES EN CALCUL

 

Lorsque les organisations sorosiennes comptent, elles semblent perdre toute notion de vérité. Human Rights Watch affirmait que 500 personnes, et non pas plus de 2.000, avaient été tuées par les bombardiers de l’Otan au cours de la guerre de Yougoslavie, en 1999.(65) Elles prétendent que 350 personnes seulement, et non pas plus de 4.000, étaient mortes suite aux attaques américaines en Afghanistan.(66) Lorsque les Américains ont bombardé Panama en 1989, HRW a préfacé son rapport en disant que « l’éviction de Manuel Noriega (…) et l’installation du gouvernement démocratiquement élu du président Guillermo Endara amenait de grands espoirs au Panama (…) ». Le rapport omettait de mentionner le nombre de victimes.

 

Human Rights Watch a préparé le travail de terrain pour l’attaque de l’Otan contre la Bosnie, en 1993, avec de fausses allégations de « génocide » et de viols par milliers.(67) Cette tactique consistant à susciter une hystérie politique était nécessaire pour que les Etats-Unis puissent mener à bien leur politique dans les Balkans. Elle a été réutilisée en 1999 lorsque HRW a fonctionné en qualité de troupes de choc de l’endoctrinement pour l’attaque de la Yougoslavie par l’Otan. Tout le bla-bla de Soros à propos du règne de la loi a été oublié d’un seul coup. Les Etats-Unis et l’Otan ont imposé leurs propres lois et les institutions de Soros étaient derrière pour les soutenir.

 

Le fait de trafiquer des chiffres afin d’engendrer une réaction a été une composante importante de la campagne du Conseil des relations étrangères après le 11 septembre 2001. Cette fois, il s’agissait des 2.801 personnes tuées au World Trade Center. Le Conseil des relations étrangères (CRE) se réunit le 6 novembre 2001 afin de planifier une « grande campagne diplomatique publique ». Le CRE créa une « Cellule de crise indépendante sur la réponse de l’Amérique au terrorisme ». Soros rejoignit Richard C. Holbrooke, Newton L. Gingrich, John M. Shalikashvili (ancien président des chefs d’état-major réunis) et d’autres individus influents dans une campagne visant à faire des morts du WTC des outils de la politique étrangère américaine. Le rapport du CRE mit tout en œuvre pour faciliter une guerre contre le terrorisme.

 

VANTER ET DéFENDRE LA POLITIQUE éTRANGèRE AMéRICAINE

 

On peut retrouver les empreintes de George Soros un peu partout, dans cette campagne : « Il faut que les hauts fonctionnaires américains pressent amicalement les Arabes amis et autres gouvernements musulmans non seulement de condamner publiquement les attentats du 11 septembre, mais également de soutenir les raisons et les objectifs de la campagne antiterroriste américaine. Nous n’allons jamais convaincre les peuples du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud de la légitimité de notre cause si leurs gouvernements restent silencieux. Il nous faut les aider à éviter tout retour de flamme pouvant émaner de telles déclarations, mais il faut que nous les convainquions de s’exprimer de vive voix. (…) Encouragez les musulmans bosniaques, albanais et turcs à apprendre à des auditoires étrangers à considérer le rôle des Américains dans le sauvetage des musulmans de Bosnie et du Kosovo en 1995-1999 ainsi que nos liens étroits et de longue durée avec les musulmans dans le monde entier. Engagez les intellectuels et les journalistes du pays à prendre la parole également, quels que soient leurs points de vue. Informez régulièrement la presse régionale en temps réel pour encourager des réponses rapides. (…) Insistez sur la nécessité de faire référence aux victimes (et citez ces dernières nommément afin de mieux les personnaliser) chaque fois que nous discutons de nos motifs et de nos ob­jectifs.»(68)

 

Bref, les déficiences sorosiennes en calcul servent à vanter et à défendre la politique étrangère américaine.

 

Soros est très ennuyé par le déclin du système capitaliste mondial et il veut faire quelque chose à ce propos, et maintenant, encore. Récemment, il déclarait : « Je puis déjà discerner les préparatifs de la crise finale. (…) Des mouvements politiques indigènes sont susceptibles d’apparaître qui chercheront à exproprier les sociétés multinationales et à reprendre possession des richesses ‘nationales’. »(69)

 

Soros suggère le plus sérieusement du monde un plan pour contourner les Nations unies. Il propose que les « démocraties du monde devraient prendre les rênes et constituer un réseau mondial d’alliances qui pourraient travailler avec ou sans les Nations unies ». Si l’homme était psychotique, on pourrait penser qu’il était en crise, à ce moment précis. Mais le fait est que l’affirmation de Soros : « les Nations unies sont constitutionnellement incapables de remplir les promesses contenues dans le préambule de leur Charte » reflète la pensée des institutions réactionnaires du genre de l’American Enterprise Institute.(70) Bien que maints conservateurs font référence au réseau de Soros comme étant de gauche, si l’on aborde la question de l’affiliation des Etats-Unis aux Nations unies, Soros est exactement sur la même longueur d’onde que les semblables de John R. Bolton, sous-secrétaire d’Etat pour le Contrôle des Armes et les Affaires de Sécurité internationale qui, en même temps que « de nombreux républicains du Congrès, croient qu’il ne faut pas accorder davantage de crédit au système des Nations unies ».(71) La droite a mené une campagne de plusieurs décennies contre l’ONU. Aujourd’hui, c’est Soros qui l’orchestre. Sur divers sites web de Soros, on peut lire des critiques des Nations unies disant qu’elles sont trop riches, qu’elles ne sont guère désireuses de partager leurs informations, ou qu’elles se sont affaiblies dans des proportions qui les rendent impropres à la manière dont le monde devrait tourner, selon George Soros, du moins.

 

LES “PROGRESSISTES” OCCIDENTAUX ONT DONNé UN BLANC-SEING à SOROS

 

Même les auteurs écrivant dans The Nation, des auteurs censés en savoir beaucoup plus, ont été influencés par les idées de Soros. William Greider, par exemple, a récemment découvert quelque pertinence dans la critique de Soros disant que les Nations unies ne devrait pas « accueillir les dictateurs de pacotille et les totalitaristes ni les traiter en partenaires égaux ».(72) Ce genre de racisme eurocentrique constitue le noyau de l’orgueil démesuré de Soros. Quand il affirme que les Etats-Unis peuvent et devraient diriger le monde, c’est un plaidoyer pour le fascisme à l’échelle mondiale. Pendant bien trop longtemps, les « progressistes » occidentaux ont donné un blanc-seing à Soros. Il est probable que Greider et les autres trouvent que l’allusion au fascisme est excessive, injustifiée et même insultante.

 

Mais écoutez plutôt, et d’une oreille attentive, ce que Soros lui-même a à dire : « Dans la Rome ancienne, seuls les Romains votaient. Sous le capitalisme mondial moderne, seuls les Américains votent. Les Brésiliens, eux, ne votent pas. »

 

Heather COTTIN.

 

vendredi, 05 mars 2010

Restaurer la souveraineté monétaire

Restaurer la souveraineté monétaire

Par Jean Claude Werrebrouck

Comment solder les différences de niveaux de prix intra européens, lorsqu’a disparu l’arme de la dévaluation ? La réponse classique consiste à prôner la déflation salariale – entendre blocage ou baisse des salaires, qui entraînerait une baisse relative de l’inflation et des coûts par rapport à la zone euro et permettrait de restaurer la compétitivité des économies du sud. En clair, plusieurs années d’éreintantes vaches maigres en perspective.

billets_euros_469_300_2636b.jpgL’économiste Jacques Delpla, reprenant une étude d’Olivier Blanchard, du FMI, propose une mise en œuvre à marche forcée de ce programme. Les États du sud, propose-t-il, devraient imposer une réduction coordonnée des salaires et des prix, de l’ordre de 10 à 30%. Jean Claude Werrebrouck s’inquiète des conséquences de cette mesure « abracadabrantesque », aux effets de bord imprévisibles, et qui de plus aurait pour conséquence remarquable d’être favorable aux rentiers. Face à la grande crise qui menace, le temps n’est plus aux bricolages, juge-t-il : il convient de « rétablir la souveraineté monétaire ».

L’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, propose de sanctionner les « GIPEC » (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et Chypre), encombrants passagers clandestins du navire Euro. Puisqu’il est impossible de les « amincir » par des progrès rapides de productivité, leur permettant tout à la fois de rétablir l’équilibre extérieur, le plein emploi et l’équilibre des comptes publics, il faut en monnaie unique, passer par une dévaluation interne. Le schéma proposé est ambitieux. Puisque la monnaie unique interdit toute manipulation de la valeur externe de la monnaie, il est urgent de procéder à une révolution des prix internes.

Concrètement il s’agit d’une déflation imposée et généralisée des prix, et si possible déflation coordonnée pour assurer l’homothétie du recul. Plus concrètement encore il est proposé une baisse générale, par exemple de 30%, de tous les prix, salaires, loyers, transferts sociaux, retraites, etc.

Il s’agirait bien d’une dévaluation puisqu’il y aurait diminution du pouvoir d’achat international des résidents, en particulier celui les salariés. En même temps, la capacité exportatrice augmenterait en raison de la baisse du niveau général des coûts et des prix. Et, en principe, l’évolution positive du solde commercial serait porteuse d’un ré enclenchement dynamique de la demande globale, et donc porteuse d’emplois nouveaux. Jacques Delpla voit dans cette proposition, un keynésianisme d’un genre sans doute nouveau, marqué par le double sceau de l’acceptabilité politique (hypothèse d’homothétie dans la déflation et donc d’équité) et de l’efficience économique (ajustement plus rapide que les politiques traditionnelles de rigueur). Remarquant toutefois que le poids relatif du stock de dettes serait accru dans les mêmes proportions, il propose à enveloppe constante des budgets bruxellois, un redéploiement des fonds structurels et de la politique agricole commune vers les « GIPEC » soumis à la dévaluation interne. On peut imaginer que les dettes privées pourraient également bénéficier de ce redéploiement.

Un tel projet laisse place à de lourdes interrogations. Tout d’abord il semble bien qu’il s’agit d’une déflation organisée. Cela signifie le rétablissement d’un contrôle des prix avec toutes les difficultés correspondantes. D’abord la mise en place d’une bureaucratie nouvelle chargée du contrôle et de la gestion des litiges. Mais aussi d’inextricables difficultés d’application : dans quelle mesure les prix des marchandises, dont le contenu en input importations est infiniment variable, doivent ils baisser au même rythme que les marchandises locales ? Faut-il établir des barèmes en fonction du contenu importation de marchandises pourtant produites localement ? Plus encore, faut-il prévoir une diminution des prix des crédits nouveaux, ce qui suppose le contrôle des banques et donc du taux de l’intérêt ? La baisse des salaires pourra t’elle être uniforme ? Et surtout peut-on sérieusement imposer une telle baisse, sans voire apparaitre de gigantesques comportements opportunistes, comme dans le cas des heures supplémentaires à la française dans le cadre de la loi « TEPA » ? La liste des questions n’est évidement pas exhaustive, et seule la mise en pratique peut faire apparaitre l’étendue des problèmes, notamment l’étendue imprévisible d’externalités elles mêmes imprévisibles. Levitt et Dubner (cf « Superfreakonomics ») et plus généralement les bons connaisseurs de la micro économie savent à quel point toute intervention développe des conséquences pour le moins inattendues.

Mais au-delà, une question fondamentale se doit d’être évoquée. Si tous les prix diminuent, il est logique que la valeur du stock d’actifs financiers soit rognée dans les mêmes proportions. Pourquoi Jacques Delpla semble soucieux de ne pas déflater la dette existante, et en contre partie mobiliser à ce titre les fonds européens devenant indisponibles par ailleurs ? Le coût d’opportunité d’un tel choix a-t-il fait l’objet d’évaluation ? Pourquoi faut-il ainsi « sacraliser » la dette existante ? Et la réponse consistant à dire qu’une bonne partie de la dette est détenue par des non résidents est insuffisante car l’autre partie est détenue par des résidents qui eux – mais pour quelle raison ?- ne seraient pas soumis à la même déflation. Pourquoi faudrait-il ainsi créer 2 catégories de résidents, les titulaires de la rente s’opposant à tous les autres ?

Mieux, attendu que durant la période de déflation autoritaire, il faudrait continuer à assurer la gestion de la dette publique avec les moyens habituels des agences des Trésors, lesquels passent toujours par des adjudications, faut-il penser que les dites adjudications seraient « déflatées » comme les autres prix ? En clair les agences pourraient-elles imposer le prix de la dette souveraine nouvelle en imposant un taux ? Dans quel Traité de Sciences Economiques a-t-on pu lire qu’un acteur de marché – fusse t-il en situation de monopole – pouvait simultanément fixer et les quantités et les prix ?

Les dérapages des économistes qui – très imprudemment – se déclarent libéraux sont saisissants : au nom de l’ajustement et donc du marché, certains sont prêts à restaurer un ordre, à tout le moins autoritaire, porteur de bien des déconvenues. Comme quoi il est difficile de sacraliser l’ordre spontané de Hayek en édifiant un ordre organisé. Comme quoi il est difficile de conserver le cercle si on le transforme en carré.

Mais s’agit-il par la voie de l’autorité, de protéger des marchés libres, ou plutôt de protéger les ardeurs prédatrices de la rente ?

Car enfin, il est une façon plus simple pour sortir de l’étau les « petits un peu ronds », et ce peut-être sans même renoncer à la monnaie unique : rétablir une souveraineté monétaire dont le blog La Crise des années 2010 se fait l’ardent défenseur.

La rencontre européenne des marchés politiques nationaux a débouché sur le drame de la dénationalisation monétaire dans les années 80 et 90. Bien des mises en gardes furent étouffées dans le climat idéologique de ces années, climat porteur de sacralisation. Et la Raison – comme toujours et partout- s’est effacée devant le nouvel objet sacré. C’est que rien ne peut être entrepris contre le sacré. La violence de ce que certains commencent à appeler – à très juste titre – la « grande crise » met à nu – peut-être plus rapidement que prévu- les incohérences des choix nationaux et européens qui furent promulgués. Et les adeptes de la dénationalisation monétaire sont aujourd’hui terrorisés par l’énormité des conséquences résultant des décisions des années 90. Face à l’énormité des coûts associés au démantèlement de la zone euro ces mêmes adeptes poursuivent leur fuite en avant en imaginant des dévaluations internes abracadabrantesques. Et bien évidemment les entreprises politiques sont encore bien plus démunies devant l’épaisseur du brouillard.

Contre-Info

dimanche, 14 février 2010

Les marchés financiers américains attaquent l'euro

Les marchés financiers américains attaquent l’euro

Par Jean Quatremer - Ex: http://fortune.fdesouche.com

Jour après jour, il apparaît de plus en plus clair que des banques et des fonds spéculatifs américains jouent l’éclatement de la zone euro : d’abord la Grèce avant le Portugal, l’Espagne, etc.

Pas par idéologie, mais pour empocher un maximum de bénéfices, à l’image d’un George Soros qui, en 1992-93, a eu la peau de la lire italienne et de la livre britannique et a failli avoir celle du franc français… Devenu immensément riche, le banquier américain prêche désormais la moralisation du capitalisme.

Le problème est qu’il ne sert plus à rien d’expliquer que la faillite de la Grèce est totalement improbable. Les marchés sont entrés dans une zone où la rationalité n’est plus de mise. Les rumeurs les plus folles circulent, les banques calculent déjà leurs pertes en cas de défaut de la Grèce, la panique s’étend d’heure en heure, alimentée par des déclarations boutefeu, telle celle du gérant obligataire américain, Pimco, qui recommande « de se tenir à l’écart de la zone euro »

Résultat : l’euro et les bourses plongent et la Grèce et ses citoyens payent le prix fort.

Preuve que l’on est dans l’irrationnel le plus total : l’écart de taux d’intérêt (« spread ») entre la Grèce et l’Allemagne, la signature la plus sûre de l’Union, sur les emprunts à deux ans, a atteint 550 points de base, et 370 sur les emprunts à dix ans, du jamais vu ! Les marchés exigent désormais d’Athènes des taux d’intérêt deux fois supérieurs à la moyenne des pays émergents…

De même, le taux des CDS sur la Grèce s’envolent. De quoi s’agit-il ? Il faut savoir que le marché des « credit default swaps », c’est-à-dire l’assurance qu’un prêteur contracte, pour se prémunir contre un défaut d’un État à qui il a prêté de l’argent, s’est autonomisé : on peut acheter et vendre des CDS sans acheter le titre d’emprunt qui va avec et, en fonction de la demande et de l’offre, le taux d’intérêt appliqué au CDS varie à la hausse ou à la baisse.

Ce taux permet de savoir si le marché pense qu’un État va faire défaut. Or, vendredi, le CDS grec était à 428 points de base, un niveau là aussi sans précédent, alors que celui du Liban n’était qu’à 255, celui de l’Égypte, à 263 ou celui du Maroc à 113, des économies dont la solidité n’est plus à démonter… Plus inquiétant, le spread sur les emprunts et les CDS portugais et espagnol suivent aussi une pente ascendante.

Que se passe-t-il réellement ?

Selon des informations fiables que j’ai obtenu vendredi, émanant à la fois d’autorités de marché et de banques, une grande banque d’investissement américaine (qui a bénéficié du plan de sauvetage des banques US) et deux très importants hedge funds seraient derrière les attaques contre la Grèce, le Portugal et l’Espagne.

Leur but ? Gagner un maximum d’argent en créant une panique qui leur permet d’exiger de la Grèce des taux d’intérêt de plus en plus élevés tout en spéculant sur le marché des CDS, un marché non régulé et totalement opaque, afin là aussi de les vendre plus cher qu’ils ne les ont achetés.

Pourquoi ne pas citer les noms ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’un faisceau de présomptions qu’un tribunal risque de juger insuffisant en cas de procès. Et comme le dit un opérateur de marché : « on ne joue pas avec ces gens là ».

D’après mes informations, les deux hedge funds qui tiennent l’essentiel du marché grec des CDS ont été furieux de n’avoir reçu que 2 % du dernier emprunt grec (lancé le 25 janvier, pour une durée de 5 ans, il a recueilli 25 milliards d’euros de demande, pour 8 milliards finalement levés).

Comme ils ont acquis beaucoup de CDS, il leur fallait, pour garantir leurs gains (en cas de chute des taux desdits CDS), mettre, en face, du papier, c’est-à-dire des emprunts d’État (ce qu’on perd sur un CDS, on le gagne ainsi sur l’emprunt et réciproquement). Car ils ont un gros problème : pour l’instant, ils ne peuvent pas vendre ces CDS, sinon ils feraient eux-mêmes baisser les cours.

Pour montrer leur force de frappe, et faire grimper encore les CDS, ils attaquent donc la Grèce en créant de la panique: « les CDS, c’est un puits sans fond : avec 200 millions de dollars, vous jouez comme si vous aviez un milliard de dollars », explique un analyste de marché.

Même jeu pour la banque d’investissement américaine qui espère, à terme, pouvoir prêter directement de l’argent à une Grèce devenue incapable d’emprunter sur les marchés. Une fois le pays à genoux, elle ira voir le gouvernement pour lui proposer un prêt à un taux évidemment prohibitif…

Afin d’accroître la panique, ces hedges funds et la banque d’investissement américaine se sont mis à vendre à tour de bras de l’euro, suivis par des investisseurs tétanisés. Si l’euro baisse, n’est-ce pas parce que la zone euro va éclater ? Ce qui justifie que l’on exige des taux d’intérêt toujours plus hauts de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne…

Hier, la monnaie unique a presque atteint 1,36 dollar : en moins de quinze jours, il a perdu dix cents, quinze cents depuis deux mois. Une glissade qui ne correspond à rien, mais qui, effet collatéral, donne de l’air à l’économie européenne : plus l’euro baisse, plus les produits made in eurozone deviennent attractifs. « Une très bonne nouvelle dans ce marasme », ironise un analyste.

Face à une telle attaque, l’Union européenne ne peut plus rester l’arme au pied. Elle doit essayer de calmer les marchés en leur faisant comprendre qu’ils sont victimes de spéculateurs et qu’ils risquent de perdre beaucoup en les suivant. Si le message est entendu, nos deux hedge funds et la banque américaine « vont se retrouver en culotte », affirme un opérateur de marché…

Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, a ironisé, jeudi, sur les inquiétudes des investisseurs : « savez-vous que le FMI s’attend à un déficit budgétaire de 6 % du PIB en 2010 pour les seize pays de la zone euro ? D’autres grandes nations industrielles, le Japon comme les États-Unis, sont à plus de 10 % ». Un langage que l’on n’avait pas l’habitude d’entendre.

Il devient aussi nécessaire que l’Union affirme sa solidarité sans faille avec les pays attaqués. L’heure n’est plus au rappel du traité de Maastricht qui interdit que l’on vienne au secours d’un État membre de la zone euro. Si les investisseurs ont la garantie absolue que la Grèce ne coulera pas, le calme reviendra.

L’Allemagne, jusqu’ici très réticente à affirmer cette solidarité, commence à comprendre que l’euro est désormais en danger : jeudi, Angela Merkel, la chancelière allemande, a estimé, à Paris, qu’il fallait mettre en place « un gouvernement économique des Vingt-sept ». Berlin et Paris feront donc des propositions communes lors du sommet du 11 février.

Enfin, il faut aller plus loin dans la régulation : Michel Barnier, le futur commissaire européen au marché intérieur, m’a confirmé hier qu’il avait l’intention de proposer une directive « sur les marchés des produits dérivés (dont les CDS), dont 80 % échappe à tout contrôle alors qu’ils représentent plus de 600 000 milliards de dollars dans le monde. Il faut inverser cette proportion ».

Les marchés ont une nouvelle fait la preuve qu’ils ne comprennent qu’un langage : celui du pouvoir, brutal de préférence.

Coulisses de Bruxelles (blog Libération)

samedi, 13 février 2010

Jacques Sapir, économiste alternatif et souverainiste

Jacques Sapir, économiste alternatif et souverainiste

Par Laurent Pinsolle - Ex: http://fortune.fdesouche.com/

 

Après avoir lu beaucoup de livres de penseurs alternatifs (…), Jacques Sapir était le dernier grand intellectuel que je voulais étudier.

« Le nouveau 21ème siècle » [Ed. du Seuil, mars 2008], écrit avant le déclenchement de la crise économique, est un ouvrage de référence sur l’économie et l’idée nationale.

Retour sur la crise de 1997-1999

C’est un point commun de Jacques Sapir avec les deux prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et Paul Krugman, que de donner une importance particulière à la crise qui a secoué les pays émergents à la fin des années 90. Pour lui, comme pour eux, cette crise est la conséquence d’une déréglementation excessive, notamment sur le plan financier et monétaire et elle démontre, 10 ans avant la crise des subprimes, les immenses dangers de la globalisation néolibérale.

Ce livre complète parfaitement « La grande désillusion » de Joseph Stiglitz, qui travaillait à la Banque Mondiale à cette époque.

S’il en donne une lecture plus politique, le constat économique est aussi sévère. Il montre l’absurdité d’un système où le FMI prêtait de l’argent à des pays émergents pour défendre leur monnaie, à un coût exorbitant, tout en étant voué à l’échec la plupart du temps. Il souligne que « la Malaisie et le Chili (…) ont dû leur réussite à des mesures de contrôle de capitaux ».

Bref, alors que le FMI déversait de l’argent pour lutter contre les marchés, tout en imposant des mesures d’austérité souvent violentes pour la population, la solution à cette crise était une restriction des marchés de capitaux. L’auteur souligne malicieusement : « si les Etats-Unis sont capables d’engager à perte plus de 60 milliards de dollars pour tenter d’enrayer une crise financière (…) n’eût-il pas été plus judicieux d’investir la même somme dans des actions de développement ? »

L’auteur utilise une image particulièrement brillante pour appuyer les thèses d’une « re-fragmentation des espaces financiers et commerciaux ». Il fait le parallèle avec les cales d’un cargo. Et s’il reconnaît volontiers qu’une cale sans compartiment est plus pratique, il souligne qu’en cas de tempête, elle devient un danger menaçant la stabilité du navire. Il souligne que « les architectes et constructeurs de navires le savent depuis des siècles et sacrifient l’optimalité théorique à une conception garante de robustesse ».

Un véritable tournant politique

Par-delà la grave crise économique, pour Jacques Sapir, cette crise a provoqué un changement politique majeur à l’échelle de la planète. Pour lui, « la Russie s’est reconstruite autour d’un projet national et industrialiste ». Plus globalement « la crise a aussi amené de nombreux pays à modifier leurs stratégies économiques, les conduisant à des politiques commerciales très agressives, dont l’addition provoque aujourd’hui une fragilisation générale de l’économie mondiale ».

En effet, depuis un peu plus de dix ans, de nombreux pays émergents ont adopté une stratégie économique visant à accumuler le montant le plus important possible d’excédents commerciaux, de manière à pouvoir mener une politique économique autonome, sans jamais avoir à demander de l’aide à un FMI et des Etats-Unis qui leur imposent des politiques aberrantes. Cela vaut, notamment, pour la Chine, qui accumule des excédents commerciaux colossaux depuis des années.

L’auteur souligne que depuis la fin des années 90, « ces pays ont cherché à se désendetter brutalement, afin de diminuer autant que possible leur exposition au risque financier international ». Mais « le drame, ici, vient de ce [que ce] qui est globalement insoutenable puisse, à l’échelle de chaque pays, apparaître comme une solution viable ». En clair, c’est le FMI et les Etats-Unis, suivis par le reste du monde occidental, qui ont poussé les pays émergents à adopter une stratégie économique porteuse de déséquilibres majeurs…

Pour l’auteur, cet épisode a contribué à l’avortement du siècle américain qui semblait se dessiner à partir de 1991. Il consacre également le retour des Etats-nations et d’une stratégie de défense des intérêts patriotes, que les théoriciens du marché-roi ont souvent tendance à oublier.

* * * * *

Jacques Sapir n’est pas un économiste comme les autres. Passionné de géopolitique, ses écrits offrent également une lecture politique passionnante, qui éclaire particulièrement bien les enjeux d’aujourd’hui et le « retour des nations » qu’il annonce.

L’illusion du droit d’ingérence

Dans la novlangue bien-pensante, le « droit d’ingérence » est un morceau de choix. Il faut dire que le vocabulaire a été bien choisi pour éviter toute contestation. Mais ce n’est pas ce qui arrête un Jacques Sapir, qui n’a que faire des convenances et attaque bille en tête. Il souligne que « l’ingérence humanitaire, [qui] ne peut être que le fait du fort sur le faible, alors qu’un principe de droit doit, par essence, pouvoir être appliqué tout autant au fort qu’au faible », [devient] au passage un « colonialisme humanitaire ».

Il souligne que cela « introduit une division immédiate au sein des nations, entre celles dont les moyens de défense les protègent de toute tentative d’ingérence et celles dont les moyens de défense sont suffisamment faibles pour qu’elles puissent devenir, le cas échéant, des cibles dans une guerre humanitaire ». Pire, pour lui, cela incite à « monter en puissance dans ses moyens de défense, l’échelon ultime (…) étant la possession d’armes de destruction massive »

Au contraire, c’est « en rétablissant le principe de la souveraineté dans toute sa force (…) que l’on pourra réellement s’opposer au processus de prolifération des armes nucléaires ». Il souligne que cette violation de la souveraineté suspend « les conditions rendant possibles la production et la légitimation des institutions, la possibilité d’un enracinement légitime des institutions importées devient extrêmement problématique. L’ingérence devra donc soit être renouvelée, soit être étendue dans le temps ».

L’auteur souligne que l’intervention occidentale au Kosovo a plutôt empiré les choses, dans un exposé très documenté et critique. Il affirme que « derrière le discours humanitariste (…), on retrouve la cruelle vérité de l’adage bismarckien : la force prime le droit »… Avec Guantanamo et le Patriot Act, il souligne que, pour les Etats-Unis, « la défense des libertés démocratiques n’a sa place, que si elle peut affaiblir un adversaire. Elle cesse d’être un principe d’action, si tel n’est pas le cas ».

Le siècle du retour des nations ?

Pour lui, c’est la défense des intérêts nationaux qui est la solution. Il souligne à quel point l’économie russe a réussi à se relancer à la fin des années 90, en renonçant en partie à la potion amère néolibérale qui lui avait été imposée, provoquant un effondrement de 40% du PIB, en recourant à un cocktail de dévaluation, baisse des prix de l’énergie pour les consommateurs russes, contrôle des changes et aides publiques. Ainsi, l’économie est repartie avant même la hausse du prix des matières premières.

Il cite de larges passages d’un discours de Poutine, à Munich en 2007, où celui-ci affirme que « nous sommes témoins d’un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Bien plus, certaines normes et, en fait, presque tout le système du droit d’un seul Etat, avant tout, bien entendu, des Etats-Unis, a débordé de ses frontières nationales dans tous les domaines, dans l’économie, la politique, et dans la sphère humanitaire, et est imposé à d’autres Etats ».

Pour Sapir, il s’agit d’une « critique radicale de l’idéologie de la mondialisation ». « La souveraineté est une et indivisible » et « le droit international est nécessairement un droit de coordination, et non un droit de subordination » et « il ne peut y avoir de légalité (le droit international) sans légitimité, et que cette dernière ne saurait se construire, dans un univers structuré par des intérêts divergents et des valeurs multiples, que sur la base de la souveraineté ». Souveraineté et démocratie sont intrinsèquement liées.

Pour lui, la solution serait de construire des instances « régionales et politiques, au mieux coordonnées à l’échelle mondiale ». Mais « elles devront faire la place aux intérêts des Etats en raison de la dimension étatique des politiques économiques ». Il y a pour lui un motif d’espoir dans les discours, finalement peu orthodoxes, des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007, qui ont tous emprunté au discours alternatif, en dénonçant les délocalisations par exemple.

L’auteur termine par une conclusion très gaullienne, où, s’il souligne que « la grandeur nationale ne se mange pas en salade », il appelle les Français à embrasser ce nouveau 21ème siècle, qui sera celui des nations, et à préparer une alternative bienvenue pour 2012.

Source : Laurent Pinsolle (article 1 et article 2)

vendredi, 05 février 2010

La fraude est un rouage essentiel de l'économie

« La fraude est un rouage essentiel de l’économie »

Pour [lui], la globalisation et l’effacement de l’Etat ont favorisé l’émergence d’un pillage sans précédent au coeur du système financier, organisé dans l’opacité et en toute impunité. Interview.

L’éclatement des bulles, technologiques ou financières, révèle nombre de scandales et de malversations, telles les affaires Enron ou Madoff. La financiarisation de l’économie s’accompagnerait-elle d’une nouvelle criminalité ? Pis, nous dit le magistrat, auteur de « L’Arnaque » (Gallimard), cette criminalité est partie prenante du système économique, dont elle est devenue « la variable d’ajustement et de régulation ». De quoi s’inquiéter !

Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’une nouvelle criminalité, différente des mafias, a pénétré les circuits économiques ?

J’hésite à parler de délinquance ou de criminalité, car cela obscurcit le débat. Je préfère parler de fraude, de pillage ou de prédation.

La globalisation économique et financière a fait évoluer les frontières de la criminalité : à l’ancienne, de forte intensité et de haute fréquence, s’est superposée une fraude de plus faible intensité et de basse fréquence qui est facilement ignorée dans les analyses officielles.

Les techniques frauduleuses sont devenues des variables d’ajustement de l’économie globalisée, et même des modes de gestion de celle-ci, et pas seulement des malversations marginales.

Il ne s’agit pas du gangstérisme en col blanc des mafias ou des escrocs, mais d’un pillage de l’économie à travers le système financier. Cette prédation est, de la part des acteurs, un acte rationnel, même si elle aboutit à l’irrationalité quand le système s’effondre, comme dans la crise des subprimes.

Ces techniques sont donc frauduleuses sans être toujours délictueuses ?

Oui, parce que les réglementations étatiques se sont restreintes au profit de l’autorégulation des marchés, censés faire leur propre loi. Les Etats ont accepté que cette dernière se substitue à la leur, et ils ont perdu le contrôle des régulations.

Les acteurs de ces marchés peuvent violer – en général impunément – ce qu’il reste de lois étatiques quand elles les gênent. Les Etats sont dépassés par leur puissance et par leur inventivité. Souvent, les acteurs de ces marchés n’ont même plus de comptes à rendre et peuvent faire ce qu’ils veulent allégrement, dans une opacité totale, y compris en violant les principes selon lesquels ils prétendent fonctionner.

En quoi le scandale des savings and loans, aux Etats-Unis, a-t-il « introduit la criminalité comme mode de gestion » ?

Au début des années 80, on assiste aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne à la mise en place des premiers mécanismes de financiarisation de l’économie.

A l’époque, les savings and loans, des caisses d’épargne mutualistes qui permettaient l’accession à la propriété des classes populaires et moyennes, deviennent financièrement incorrectes, puisqu’elles sont hors du marché concurrentiel.

La remontée des taux, pour contrer l’inflation, et les mesures ultralibérales prises par Ronald Reagan vont placer les caisses d’épargne en faillite virtuelle. Or, ce système mutualiste était un moteur de l’économie américaine, puisqu’il soutenait le secteur de la construction : s’il s’écroulait, l’économie était menacée.

Le pouvoir politique va donc laisser les savings and loans devenir la proie des affairistes, des mafias, des escrocs et des politiques corrompus. Tout ce beau monde fait tourner l’argent et crée une bulle immobilière qui cache l’ampleur de la faillite frauduleuse.

Spéculations, escroqueries, banqueroutes, blanchiment, se mêlent à un rythme effréné, sous l’oeil indifférent des pouvoirs publics. Des experts ont estimé que 60 à 80 % des faillites des caisses étaient dues à des dérives criminelles.

Ce scandale a introduit la criminalité comme mode de gestion des crises. Il a été une sorte de transition entre un gangstérisme traditionnel et une criminalité financière intégrant la fraude comme élément de régulation au coeur des mécanismes économiques et financiers. L’Etat s’interdit d’intervenir, puisque c’est contraire à sa doctrine néolibérale, encourageant implicitement les pratiques frauduleuses.

Est-ce à dire que vous pensez que toute l’économie est « criminalisée » ?

Pas du tout. Je ne dis pas que l’économie est devenue entièrement frauduleuse, mais simplement que si on ne voit pas la fraude on ne comprend rien à ce qui se passe. Si quelqu’un a besoin de frauder, il fraude. S’il peut faire autrement que frauder, évidemment il ne fraude pas. Conclusion : la fraude est un acte de gestion comme un autre, ni plus ni moins.

On a beaucoup parlé du rôle de la banque américaine Goldman Sachs…

Elle a en effet d’abord joué le rôle de chef de file des manipulations du marché ayant favorisé la bulle Internet, qui succède à la crise des savings and loans. Elle s’est distinguée par exemple, à la fin des années 90, par une technique d’introduction en Bourse frauduleuse dite de l’ »échelonnement », qui lui vaudra une amende de 40 millions de dollars en 2005.

Mais elle n’est pas la seule. L’éclatement de la bulle Internet et le scandale Enron révèlent le rôle de JP Morgan, qui avait créé des sociétés offshore afin de faciliter les opérations illicites du spécialiste de courtage d’énergie. Elle devra payer une amende de 135 millions de dollars.

Loin d’être un scandale isolé, Enron est symptomatique des nouvelles pratiques, qu’illustreront encore les affaires WorldCom, Adelphia, Qwest ou Vivendi. Donner des informations erronées ou trompeuses sur la réalité de l’entreprise, avec la complicité des auditeurs, des comptables, des commissaires aux comptes, des agences de notation, grâce à la passivité des autorités de contrôle, est devenu pratique courante.

Warren Buffett en viendra, dès 1998, à déplorer que « beaucoup de PDG considèrent ces manipulations non seulement comme convenables, mais comme un devoir ». L’aspect structurel de la fraude lui ôte, aux yeux de ceux qui la pratiquent, toute connotation morale susceptible de les retenir peu ou prou.

En quoi ont-ils tous besoin de ces pratiques ?

Ils n’ont pas forcément besoin de pratiques frauduleuses, mais au moins de ne plus avoir de limites. Mettre des limites fait partie des fonctions des Etats, qui, malgré leur affaiblissement, veulent sauver les apparences.

On le voit avec le « cinéma » qui est fait autour des bonus des traders ou des paradis fiscaux. En réalité, la fiscalisation des bonus est facile à contourner, et la finance, contrairement aux fraudeurs fiscaux ou aux mafias, n’a pas besoin de paradis fiscaux ou judiciaires pour se dissimuler. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est la protection réglementaire des places financières internationales où les régulations et les contrôles sont allégés, voire inexistants, sans qu’elle ait à se cacher.

Les Etats peuvent obliger les banques à augmenter leurs fonds propres, mais il suffit à celles-ci de domicilier leurs hedge funds dans les paradis réglementaires, où elles peuvent, en toute transparence, oublier ces contraintes. Ainsi, les Suisses, qui savent qu’à terme ils seront obligés de coopérer pour ce qui concerne la fraude fiscale et le blanchiment d’argent sale, continueront de proposer à la grande finance leur savoir-faire en matière de laxisme réglementaire.

Vous qualifiez le système financier mondial de « finance Ponzi », le modèle d’escroquerie sur lequel s’est organisé le fonds Madoff. N’est-ce pas un peu exagéré ?

Je ne suis pas le seul à parler de la finance Ponzi, qui est devenue le modèle du système financier. Les subprimes sont un schéma de Ponzi à grande échelle : les banques ont fait entrer les emprunteurs dans le cycle de la spéculation immobilière en leur promettant qu’ils en profiteraient.

On leur a dit : « Achetez une maison à 100, elle vaudra 120 dans deux ans. Si vous n’avez pas assez d’argent pour rembourser, on vous fera un nouveau prêt en réévaluant votre hypothèque. » Cela marchait tant que la bulle grossissait. Qui s’est enrichi ? Pas les emprunteurs, expulsés de chez eux. Mais les agents immobiliers et les financiers, qui faisaient croître la bulle financière en titrisant leurs créances.

Les profits des banquiers alimentent la bulle financière, qui, en retour, vient gonfler la bulle immobilière. Cette finance ne repose que sur elle-même, sur le crédit qu’elle octroie. Il n’y a aucune création de valeur. Le coup de génie, c’est que l’emprunteur entre dans une mécanique où il est à lui-même son propre escroc.

L’explosion des revenus des hauts dirigeants des entreprises et des banques a-t-elle quelque chose à voir avec cet envahissement de la fraude ? Peut-on parler de corruption ?

Les bonus sont parfaitement légaux, même s’ils participent au fonctionnement de la finance Ponzi, qui nous a fait basculer dans un univers de l’au-delà de la loi. La loi, c’est bon pour les citoyens ordinaires, rarement pour les acteurs de la finance.

Dans ces transgressions, le droit n’a plus guère de prise. Quand on a besoin de frauder, on fraude, et l’on n’a même pas mauvaise conscience, puisque le gain est devenu la seule mesure de l’utilité sociale. Que disent les banquiers ? « Nous avons gagné cet argent, nous pouvons donc en faire ce que nous voulons ! » Plus personne n’a de responsabilité. Si on fraude et qu’on se fait prendre, on paie une petite amende, et c’est reparti.

Jusqu’où peut se développer cette croissance par la fraude ?

L’affaire Enron et la crise des subprimes montrent que la finance Ponzi dispose de trois ressorts qui peuvent se combiner différemment : d’abord, des actifs insuffisamment valorisés, ou qui ne peuvent être rentabilisés par la seule application des lois du marché ; ensuite, des techniques de manipulation, de dissimulation comptable et de transgression des lois qui s’apparentent à de la fraude ; enfin, l’inventivité et la prolifération financières.

Ces trois ressorts de la finance Ponzi sont de nouveau à l’oeuvre dans la pseudo-reprise actuelle. L’immobilier n’offre plus d’actifs valorisables par des bulles. La finance s’est donc tournée vers les marchés d’actions et leurs dérivés, les matières premières, l’or, la dette des Etats, etc.

Comme la titrisation – cette invention géniale de la finance Ponzi – est en panne, ce sont les Etats qui alimentent directement, à fonds perdus, la nouvelle spéculation, de plus en plus opaque. Le secteur financier s’est concentré autour d’une poignée de mégabanques qui font la pluie et le beau temps face à des Etats démunis.

Croyez-vous vraiment que les Bourses mondiales sont euphoriques parce que l’économie se redresse ? Cherchez plutôt du côté des dark pools et des crossing networks, des flash orders ou du trading haute fréquence, qui sont entre les mains d’un tout petit nombre d’opérateurs, et vous découvrirez pourquoi Martin Bouygues ne comprend plus rien au cours de ses actions. C’est qu’il n’y a rien à comprendre : les cours sont manipulés dans l’obscurité la plus complète.

La finance mondiale me fait penser au ver-coquin, ce parasite qui se nourrit du cerveau des bovidés et meurt avec son hôte. Le système financier sera emporté avec l’ensemble de l’économie. A moins qu’il ne trouve une autre manière de s’alimenter, par exemple un conflit mondial, comme cela s’est produit après la crise de 1929. En vrai, a-t-on jamais vu mourir la finance ?

L’Expansion

dimanche, 31 janvier 2010

FMI et Banque Mondiale: quels sont leurs plans?

FMI et Banque Mondiale : quels sont leurs plans ?

Ex: http://unitepopulaire.org/

« Dans l’actuel contexte du capitalisme financier, il n’existe pas la moindre possibilité de reconstruire un système monétaire international qui soit viable. Cinquante ans après l’accord de Bretton Woods, non seulement le billet vert est une monnaie qui se déprecie, mais les Etats-Unis sont le pays le plus endetté, vivant d’argent et de temps à crédit. Pourquoi aucune politique d’ajustement structurel ne vient-elle les aider à corriger leurs déficits et leurs déséquilivres financiers chroniques ? La réponse se laisse deviner. Cependant, Bretton Woods et les deux sœurs jumelles – pour reprendre une expression de Keynes – que sont le FMI et la Banque mondiale sont bien vivants lorsqu’il s’agit d’intervenir dans les pays du tiers-monde. Les deux institutions ont certes évolué depuis 1944, mais le capitalisme s’est transformé encore plus vite. De sorte que leur existence fait figure d’anachronisme. […]

fmi-algerie.jpgLes profits du capital financier reposent sur l’endettement, et sur une création illimitée de dettes, au niveau des sociétés, des ménages et du gouvernement, qui grossissent à une vitesse bien plus grande que le produit national brut mondial ou le commerce mondial. Comment espérer, dans ces conditions, atteindre à la stabilité de l’ordre monétaire international ou à l’efficacité du système ? Sa remise en ordre serait-elle compatible avec les intérêts en jeu et avec la libéralisation tous azimuts de l’économie ?

Le FMI et la Banque mondiale, réduits à un rôle mineur, se sont transformés en gendarmes du capital, notamment dans le tiers-monde, dans l’Europe de l’Est et en Russie. Ajustement structurel, privatisations et libéralisation sont pour tous ces pays sources d’appauvrissement. Des milliards de dollars sont ainsi aspirés chaque année, dans les pays du tiers-monde, par les deux institutions. Un pillage qui se fait sous forme de flux de profis, légalement ou illégalement exportés, de dividendes et de royalties, de fuites de capitaux, de manipulation sur les marchés de capitaux ou de matières premières ; de prix de transfert et de drainage des cerveaux, etc.

Le système installé à Bretton Woods n’a malheureusement rien résolu. Le capitalisme est à nouveau dans les tenailles d’une crise économique incontrôlable. Déflation, chômage massif, baisse des prix compétitives : la guerre économique a pris aujourd’hui une dimension et une intensité qui dépassent celles des années 1920 et 1930. »

 

Frédéric Clairmont, "Bretton Woods : histoire d’une faillite", Manière de Voir n°102, décembre 2008-janvier 2009

jeudi, 28 janvier 2010

Contre l'intégration mondialiste, pour un développement auto-centré

Archives de Synergies Européennes - 1985

Contre l'intégration mondialiste, pour un développement auto-centré

 

par Stefan Fadinger

 

 

L'héritage de Fichte

 

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fichte.gifJohann Gottlieb FICHTE, dans son "Geschlossener Handelsstaat " ("L'Etat commercial fermé"), propose à son peuple, le peuple allemand, un modèle d'économie socialiste et nationale voire communiste et nationale. Ce modèle est inspiré des idées de Jean-Jacques ROUSSEAU, qui avait déjà influencé FICHTE pour la rédaction du "Grundlage des Naturrechts nach Prinzipien des Wissenschaftlehre " de 1796. Dans ces deux ouvrages, FICHTE pose le "commun" (c'est-à-dire la "Nation") comme l'idéal, comme une société gérée par les principes de la "raison pure" et basée sur l'égalité en droit de tous les citoyens. Et comme le fondement  de la propriété humaine est le travail, chaque citoyen détient un "droit à l'activité (Tätigkeit)" et l'Etat doit veiller à ce que chacun puisse vivre du produit de son travail (FICHTE se fait ici l'avocat d'une sorte de subvention officielle pour ceux qui sont réduits au chômage). Le philosophe manifeste également son souci de créer une morale socialiste du travail. Pour lui, le travail possède une valeur morale et religieuse. L'Etat ne doit pas seulement protéger les droits de l'homme mais doit aussi veiller à encourager le libre déploiement des facultés morales et techniques des citoyens rangés sous sa protection. FICHTE, en outre, constate que vendeurs et acheteurs se livrent mutuellement une guerre incessante, guerre qui devient plus âpre, plus injuste, plus dangereuse en ses conséquences au fur et à mesure que le monde se peuple. Cette guerre commerciale, générée par l'égoïsme, l'Etat doit l'éliminer par des moyens légaux. Le gouvernement a le devoir de veiller à ce que l'économie soit correctement régulée. Il doit prendre en charge le commerce extérieur, calculer le volume global des échanges commerciaux, équilibrer la production selon les lois de l'offre et de la demande et réglementer la division du travail. Tous les capitaux doivent se trouver dans les mains de l'Etat. FICHTE, socialiste-national, exige que l'Etat se ferme totalement à tout commerce avec l'étranger, sauf pour l'échange de biens et de marchandises absolument indispensables. La condition sine qua non pour pratiquer une telle politique, c'est que les citoyens renoncent progressivement à toute espèce de besoin de consommation qui ne contribue pas réellement à leur "bien-être" (Wohlsein). En langage moderne, nous traduirions par: couverture des  besoins plutôt qu'éveil de  besoins. Donc: renoncer aux biens superflus ou nuisibles!

 

l'héritage de Friedrich List

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Friedrich LIST est considéré également, avec raison, comme l'un des principaux fondateurs de la théorie nationaliste de l'économie. Démocrate militant du "Vormärz" (1), il a lutté pour l'unité politique et économique de l'Allemagne, pour la suppression des barrières douanières internes et pour une politique nationale des chemins de fer. Le titre de son maître-ouvrage est, significativement: Das Nationale System der Politischen Ökonomie (Système national d'économie politique). Dans ce livre, LIST formule une découverte révolutionnaire: tout le bla-bla à propos de l'Homme (au singulier) et de son économie (encore au singulier) qui sert d'assise à la praxis de l'économie mondialiste n'est qu'abstraction et pilpoul intellectualiste; l'économiste doit davantage se montrer attentif au niveau intermédiaire de la réalité économique, situé entre celui de l'individu et celui des lois économiques générales. Ce niveau intermédiaire, c'est le niveau national. Et quand LIST déclare que l'arrière-plan de ses travaux, c'est la volonté de construire l'Allemagne, il exprime une perspective nouvelle qui postule qu'il n'existe aucune économie générale mondiale, mais seulement des économies nationales.

 

List.gifSelon LIST, au cours de l'histoire, les structures économiques se sont développées par paliers. Ainsi, l'Etat agraire pur se mue en Etat productiviste agricole et, finalement, quand les économies politiques atteignent un stade "supérieur", les Etats agricoles deviennent productivistes et  commerciaux. Nous dirions aujourd'hui qu'ils sont des Etats industriels et agricoles modernes. Cette évolution globale doit être dirigée par l'Etat, selon les critères d'une économie politique sainement comprise. Ce qui signifie que l'agriculture et l'industrie doivent toujours s'équilibrer à tous les niveaux.

 

Lorsque LIST s'insurge contre le processus d'intégration multinational, il s'insurge principalement contre la doctrine anglaise du libre-échange, contre le libéralisme économique préconisé par Adam SMITH, idéologie qui camoufle la conquête impérialiste des marchés/débouchés sous le slogan de la "liberté" (liberté du commerce, s'entend). A cette "science" de camouflage propagée par les économistes libéraux, LIST oppose le primat de l'industrie nationale et, au niveau politique, la création de barrières douanières protectrices (les Erziehungszölle ). Ces barrières, conçues comme des mesures temporaires limitées, doivent servir à élaborer une branche économique déterminée, à la rendre indépendante et rentable, de manière à ce qu'elle contribue à assurer la bonne marche de la Nation dans l'histoire.

 

Contrairement à ce qu'affirme la doctrine de SMITH, LIST ne reconnaît aucune autonomie à l'économie. Celle-ci a pour mission de servir les hommes et les peuples, sinon ce qui constitue la "liberté" pour les uns, ne signifie que l'exploitation pour les autres. Comparées à ces assertions sur l'économie politique, les thèses de Karl MARX à propos de cette thématique demeurent abstraites et universalistes, c'est-à-dire encore curieusement empreintes du libéralisme smithien.

 

Dieter Senghaas, avocat de la "dissociation"

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Dans l'univers des pensées étiquettées de "gauche", aujourd'hui, Dieter SENGHAAS, professeur de sciences politiques, renoue avec cette théorie économique nationale de LIST. En effet, dans son livre Weltwirtschaftsordnung und Entwicklungspolitik. Plädoyer für Dissoziation, SENGHAAS traite en long et en large de la science économique nationaliste de LIST et la déclare largement "positive".

 

Pour SENGHAAS, les idéologies dominantes en matière économique préconisent globalement une politique de libre-échange qui conduit obligatoirement à l'inclusion de l'Amérique Latine, de l'Afrique et de l'Asie dans le mode de division du travail (DIT) imposé par les métropoles. Derrière les mots "liberté" (c'est-à-dire liberté de commerce), "intégration" et "coopération", derrière cet écran de belles paroles, le capital multinational construit son One World. De la complexité des économies nationales, on passe alors, sous la pression de ces doctrines économiques fortement idéologisées, à des monocultures déformées, incapables d'auto-approvisionner leurs propres peuples, dépendantes des diktats imposés par les QG des consortiums, caractérisées par des "déformations structurelles" et des "circuits économiques défaillants". Tous les reproches que peuvent adresser les forces de gauche ou les pays en voie de développement à cette économie "one-worldiste" restent nuls et non avenus tant que l'on ne s'attaque pas au fond du problème, tant que l'on ne rejette pas le principe de l'imbrication économique multinationale, tant que l'on ne refuse pas l'intégration dans le système du One World.

 

Contre cet engouement planétaire, SENGHAAS suggère une alternative: prôner la dissociation plutôt que l'intégration, déconnecter les sociétés périphériques du système économique mondialiste/capitaliste (dans une perspective nationale), favoriser la création d'espace de développement auto-centrés plutôt que d'accepter les main-mises étrangères. L'économie contribue ainsi à asseoir la conception "nationale-révolutionnaire" du socialisme, c'est-à-dire celle du socialisme selon la voie nationale.

 

La contradiction qui oppose la "libre-économie" impérialiste aux voies nationales de développement n'a pas été levée. Au contraire, elle s'est accentuée. Le conflit entre la cause du capital multinational et la cause des peuples, entre la stratégie de l'aliénation et l'idéal d'identité culturelle et nationale, est le conflit majeur, essentiel, de notre temps. Et SENGHAAS écrit: "L'option cosmopolite de la doctrine des avantages comparés et le plaidoyer pour le libre-échange sont pareils aujourd'hui à ce qu'ils étaient du temps de LIST. Il s'agit tout simplement de l'argumentaire des profiteurs d'une division internationale du travail inégale... Sans aucun doute, la théorie de Friedrich LIST (notamment la perspective analytique et pragmatique qu'il ouvre) est tout à fait actuelle, dans la mesure où les masses des sociétés périphériques se dressent contre le système, contre l'ordre économique international que leurs "élites" contribuent à renforcer".

 

La déconnexion par rapport au marché mondial a pour objectif de mettre sur pied une économie et une société autonomes et viables, basées sur leurs propres ressources et sur leurs propres besoins. Il suffit de se rappeler les modèles historiques qu'a connus l'Europe, aux différentes stades de son développement industriel, et le développement de certains pays socialistes (La Chine de MAO ZEDONG, la République Populaire de Corée, l'Albanie) et de les imiter, dans la mesure du possible et dans le respect des identités, dans les pays du Tiers-Monde. Les critiques actuels des idéologies économiques dominantes (les "dissociationnistes") mettent avec raison en exergue les points suivants en matière de politique de développement:

- Rupture avec la division internationale du travail et rejet des modèles basés sur l'exportation et caractérisés par les monocultures;

- Rupture avec le type d'industrialisation qui fonctionne selon les substitutions à l'importation.

Cette double rupture devra simplement être temporaire. Jusqu'au moment où les lacunes structurelles contemporaines des économies politiques des pays en voie de développement (chômage, inégalités criantes dans la redistribution des revenus, pauvreté, endettements, etc.) soient éliminées grâce à une stratégie de développement auto-centré. A ce moment, les économies nationales pourront prendre, sur le marché mondial, une place équivalente à celle des pays plus développés et participer efficacement à la concurrence, selon les critères de la doctrine des coûts comparatifs. Ainsi, le modèle de la déconnexion se pose comme contre-modèle à l'endroit de la praxis dominante actuelle en matière de développement; la déconnexion rompt les ponts avec le modèle du développement associatif (connecté) qui, dans le langage journalistique, s'impose aux mentalités grâce aux vocables sloganiques de One World et d'intégration sur le marché mondial.

 

Les "théories de la dépendance" démontrent que le développement dans la périphérie est impossible dans les conditions que dictent les dépendances à l'égard des métropoles. Ces théories analysent les formes "dépendantes" de développement, telles qu'elles sont mises en pratique dans certains pays. Elles mettent par ailleurs l'accent sur le fait que le sous-développement ne constitue pas un stade en soi, que les PVD (pays en voie de développement) doivent traverser, mais est bien plutôt une "structure". Poursuivant leur raisonnement, ces théories affirment que les économies politiques déformées des PVD ne pourront sortir de leurs impasses que si elles acquièrent un certain degré d'indépendance, de libre compétence nationale dans les questions de production, de diversification, de distribution et de consommation. Dieter NOHLEN et Franz NUSCHELER ont ainsi mis en exergue les complémentarités qui pourraient résoudre les problèmes des économies des PVD: travail/emploi, croissance économique, justice sociale/modification structurelle, participation, indépendance politique et économique (in Handbuch Dritte Welt,  Hamburg, 1982).

 

Kwame Nkrumah contre le néo-colonialisme,

John Galtung, économiste de la "self-reliance"

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kwame-nkrumah-mausoleum02.jpgDans le Tiers-Monde lui-même, ces complémentarités ont été entrevues pour la première fois par le socialiste panafricain Kwame NKRUMAH dans son livre Neo-Colonialism. The Last Stage of Imperialism. L'essence du néo-colonialisme, selon NKRUMAH, consiste en ceci: l'Etat dominé par le néo-colonialisme possède théoriquement tous les attributs d'un Etat souverain, tandis qu'en réalité, son système économique et sa politique sont déterminés par l'extérieur. NKRUMAH constate de ce fait l'émergence d'une nouvelle lutte des classes, dont les "fronts" ne traversent plus les nations industrielles mais opposent les pays riches aux pays pauvres (puisque les travailleurs des pays riches profitent eux aussi du néo-colonialisme).

 

Le concept de self-reliance  (c'est-à-dire le développement selon ses propres forces) a été découvert, cerné et systématisé par John GALTUNG dans un ouvrage intitulé précisément Self-Reliance. Ce concept, né dans les polémiques adressées à l'encontre des modèles occidentaux/capitalistes de développement, sert à déterminer une économie basée sur la confiance que déployerait une nation pour ses propres forces. Une telle économie utiliserait ses propres ressources pour satisfaire les besoins fondamentaux de sa population et chercherait à atteindre cet équilibre intérieur par la mobilisation des masses, par la concentration des forces économiques sur le marché intérieur et par la participation globale de la population aux décisions politiques et ce, aux différents niveaux hiérarchiques et territoriaux. La self-reliance est liée à la recherche des traditions autochtones, des valeurs culturelles enracinées, adaptées à la voie propre de développement choisie par le pays concerné. La self-reliance peut ainsi constituer une alternative sérieuse aux stratégies de développement orientées selon les logiques de la croissance et de la mondialisation du marché. Les modèles les plus réussis d'un tel développement autonome des forces productives sont les économies de la Tanzanie, du Zimbabwe, de la Guinée-Bissau et surtout de la République Populaire de Corée.

 

Mais ces modèles "déconnectés", illustrant la théorie "dissociationniste", ne sont que des premiers pas. Il faut aller plus loin. Et il ne faut pas qu'ils ne restent qu'à la périphérie du monde. L'intégration des peuples européens dans un réseau de dépendances et de déformations structurelles (GATT, CEE, etc.) doit être arrêtée.Car cette intégration ne signifie pas seulement une mutilation économique dangereuse mais aussi et surtout une "déformation" globale de la société. Ce ne sont pas que les nations périphériques qui souffrent de ces mutilations. Nos identités européennes, nos héritages culturels risquent également d'être totalement arasés. Le développement auto-centré est aujourd'hui une tâche révolutionnaire, pour le salut de toutes les nations du globe. Et ici aussi, en Allemagne, en Europe.

 

Stefan FADINGER.

(traduit de l'allemand par R. Steuckers; texte paru dans Aufbruch  4/1985)

 

mardi, 26 janvier 2010

L'escroquerie monétaire mondiale

L’escroquerie monétaire mondiale

Par Eberhard Hamer (N.B. : cet article date de 2005)

La manipulation actuelle des systèmes de la monnaie et des changes constitue le scandale le plus important et aux conséquences les plus marquées de notre époque. Pour la première fois, l’escroquerie monétaire atteint des dimensions mondiales, car elle a lieu sur toute la planète, elle ne peut plus être contrôlée, arrêtée ou empêchée par aucun gouvernement et elle a même lieu de manière formellement légale, conformément à des lois nationales désuètes.

Toutefois, il est certain que l’escroquerie monétaire, comme toute autre escroquerie, ne peut pas enrichir à long terme les malfaiteurs par l’appauvrissement de leurs victimes, puisque l’on ne peut abuser d’aucun système monétaire libéral à long terme.

Selon la théorie financière, la monnaie est un moyen d’échange légalisé, qui conserve de surplus sa valeur. C’est pourquoi elle était jadis un monopole de l’État (droit de battre monnaie). Les pièces d’or, d’argent et de cuivre qui circulaient comme monnaie étaient battues par l’État. Celui-ci garantissait aussi la pureté du métal et le poids des monnaies, de sorte que l’on savait à tout moment, dans le pays comme à l’étranger, quelle était la valeur de chaque pièce. Ainsi, les pièces de monnaie étaient simultanément moyen d’échange et valeur durable.

• Mais pour battre monnaie, l’État doit avoir de l’or et de l’argent. Il était donc important qu’il disposât de mines d’argent, par exemple (Rammelsberg près Goslar), ce qui lui permettait de battre des monnaies supplémentaires en argent. Inversement, les citoyens savaient que l’État ne pouvait battre monnaie que dans la mesure où il disposait des métaux précieux correspondants. L’approvisionnement en métaux précieux était donc la base de la monnaie de métal précieux en circulation (monnaie d’or en circulation).

De la monnaie réelle à la monnaie fiduciaire

Cependant, des princes ont toujours tenté de se procurer davantage de monnaie qu’ils n’avaient de métal précieux, en réduisant la part des métaux précieux dans l’alliage des pièces. Il en est résulté que les marchands et bourgeois ont cédé la mauvaise monnaie, mais gardé la bonne jusqu’au moment où, tous étant au courant, il a fallu refondre la mauvaise monnaie. Des pièces d’or ont circulé jusqu’à la Première Guerre mondiale.

• Une monnaie d’or en circulation a, cependant, l’inconvénient que l’augmentation de l’or n’atteint pas la croissance économique, de sorte qu’un manque d’or déflationniste peut empêcher une forte croissance économique. C’est pourquoi de nombreux États sont passés à une monnaie d’or indirecte : ils disposaient d’un trésor d’or d’un certain montant en or, à partir duquel ont été émis des billets de banque qu’il était plus aisé de transporter, de compter et de détenir en grande quantité. Leur valeur résultait de la faculté de présenter à tout moment les billets à la banque centrale et de les y échanger contre la quantité correspondante d’or ou d’argent (billets convertibles en métal précieux). De cette manière, l’État pouvait émettre davantage de monnaie fiduciaire qu’il ne possédait de métal précieux, peu de détenteurs de monnaie insistant d’habitude sur l’échange de billets en or. Normalement, un volume de moins de 10% d’or suffisait à un volume de billets de 90%.

• Le système fonctionnait dans le monde entier. En effet, des pays dépourvus d’or garantissaient aux détenteurs de leurs billets un cours fixe de change, par rapport aux monnaies convertibles en or. Tant que cette garantie de change existait, les bourgeois étaient certains de pouvoir échanger – à vrai dire, par le biais d’un double échange (étalon de change-or) – leur monnaie fiduciaire contre des pièces de métal précieux et avaient ainsi, tout au moins, une garantie indirecte de la valeur de leur monnaie.

De la monnaie d’État à la monnaie privée

L’étape décisive menant à l’abandon de la monnaie d’État a été la fondation, en 1913, du Système fédéral de réserve des États-Unis. Bien que la constitution américaine ne prévoie que l’or et l’argent comme monnaies légales, un cartel fondé par des banques privées et dirigé par les deux grands groupes financiers, Rothschild et Rockefeller, a créé une banque centrale privée ayant droit d’émettre sa propre monnaie, devenue moyen légal de paiement et garantie, initialement, par le gouvernement des États-Unis. Après la Première Guerre mondiale, cette banque privée a racheté les réserves d’or mondiales. Il en est résulté que de nombreuses autres monnaies n’ont plus pu maintenir leur étalon-or et ont sombré dans la déflation (première crise économique mondiale).

• A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’instauration d’un nouvel étalon dollar-or a été donc décidée en 1944, à Bretton Woods. Pendant la guerre mondiale, les États-Unis ont exigé des belligérants le paiement d’armements en or. L’or de l’Allemagne a dû être remis comme butin. Ainsi, plus de 30000 tonnes d’or, venant du monde entier, se sont accumulées aux États-Unis, soit davantage que dans tous les autres pays réunis. Cet or a servi de couverture au dollar. Mais comme les banques centrales du monde détenaient une grande partie des dollars à titre de réserves monétaires, les États-Unis ont pu émettre davantage de monnaie que leur quantité d’or. L’étranger avait en effet besoin de dollars pour acheter les matières premières, traitées uniquement en cette monnaie. Outre l’or, le dollar est donc devenu, toujours davantage, une réserve monétaire des autres banques centrales. Le règne du dollar sur le monde avait commencé.

• En 1971, le président des États-Unis, Richard Nixon, a supprimé l’obligation de convertir le dollar en or (étalon dollar-or) et, simultanément, la responsabilité de l’État à propos du cours du dollar. Depuis lors, la devise américaine n’est plus couverte, ni par de l’or, ni par la garantie de l’État, mais demeure la monnaie privée libre du Système fédéral de réserve (la Fed). Le dollar et toutes les autres monnaies du monde ne conservent, par conséquent, plus de valeur, mais sont de simples moyens de paiement imprimés et légalisés.

• Si la loi peut obliger à accepter une monnaie non couverte comme moyen d’échange, il ne peut en faire de même comme moyen de conservation de la valeur. Dans ce cas, la confiance du détenteur de billets, [en le fait] que la valeur de sa monnaie est assurée à long terme, est nécessaire. A son tour, le cours à long terme – la confiance – d’une monnaie flexible, dépend uniquement de la rareté de cette monnaie, ou du volume de la masse monétaire. Le problème est que la masse des biens n’a que quadruplé durant les trente dernières années, alors que la masse monétaire s’est multipliée par quarante.

• Or, une augmentation de la masse monétaire implique toujours de l’inflation. Et l’inflation entraîne une dévalorisation de la monnaie. On a recouru à trois solutions pour résoudre ce problème :

Dès la fondation de la Banque fédérale d’Allemagne, la science financière allemande avait exigé l’établissement d’un «quatrième pouvoir» en faveur de l’institut d’émission, pour permettre à celui-ci de résister aux pressions visant à un excès de masse monétaire et, partant, de se fier au maintien de la valeur monétaire. En fait, la Banque fédérale était tenue, de par la loi, de préserver la valeur du mark (théorie de la monnaie neutre) et était indépendante de l’État dans une forte mesure. Dans ces conditions, le mark, monnaie la plus stable du monde, a été utilisé, toujours davantage, comme monnaie de réserve et monnaie de placement.

La plupart des autres États ont préféré une monnaie axée sur la quantité. Ils ont obligé leurs banques centrales à déterminer leurs masses monétaires d’après certains objectifs, tels la croissance économique ou le plein-emploi. La politique nationale a profité de cette évolution pour exercer son influence sur la banque centrale et sur la monnaie, ce qui a régulièrement entraîné une inflation de la masse monétaire (exemples : France, Italie, Espagne).

En revanche, la plupart des dictatures des pays en voie de développement, et la Fed, ont préféré une «monnaie quantitativement libre», c’est-à-dire une monnaie dont les excès, par la politique ou les propriétaires privés du Système de réserve, ne sont pas limités par la loi. Une «monnaie quantitativement libre» a toujours signifié «monnaie dont on peut abuser librement» et n’a jamais fonctionné à long terme.

Point essentiel, il ne faut pas sous-estimer les tensions auxquelles sont soumis les cours des changes, lorsque évoluent parallèlement des monnaies, tel le mark, dont les banques d’État émettrices préservent la valeur, et des monnaies de banques d’État assujetties, voire de banques privées, qui sont manipulées selon les objectifs de l’émetteur : comme la Banque fédérale d’Allemagne a maintenu la valeur du mark relativement stable et que celle d’autres monnaies importantes a diminué, toujours plus fortement, en raison de l’augmentation de la masse monétaire et de l’inflation, les détenteurs de monnaie se sont efforcés, tout naturellement, d’investir à long terme en monnaies fortes et d’éviter les monnaies faibles.

• Depuis lors, aucune monnaie du monde n’a plus quelque base de valeur que ce soit, la monnaie mondiale s’est détachée de toute valeur réelle, les billets sont imprimés sans arrêt et leur valeur diminue continuellement, en raison de leur augmentation constante. Si les gens croient toujours que le papier-monnaie qu’ils détiennent a une valeur fixe, cela résulte de manipulations habiles des changes, donnant l’illusion d’un rapport de valeurs. De fait, les changes sont manipulés par les groupes qui engendrent aussi l’augmentation de la masse monétaire.

• Pratiquement, le Système fédéral de réserve privé, guidé par la haute finance des États-Unis et appartenant à celle-ci, a atteint l’importance d’un système de monnaie mondiale :

Le dollar, monnaie privée de la Fed, domine déjà le monde, de par sa masse monétaire. Plus de 75% de la monnaie mondiale sont des dollars.

La haute finance des États-Unis a obligé aussi les marchés des matières premières, qu’elle contrôle, à ne vendre leurs produits qu’en dollars. Qui ne vend pas son pétrole contre des dollars sans valeur, est déclaré terroriste (Saddam).

Les banques centrales des autres pays ont été également forcées d’accepter des dollars comme réserves monétaires, dans des proportions croissantes (plus de 90% dans le cas de la Banque centrale européenne). La valeur des autres monnaies – tel l’euro – découle donc, à raison de plus de 90%, de billets en dollars sans valeur, ne reposant que sur la puissance et la volonté de la haute finance américaine.

Les banques centrales étrangères ont été amenées, avec ou sans douceur (Suisse), à céder ou à «prêter» leurs réserves d’or contre des dollars. Ainsi, l’or du monde s’est de nouveau concentré, comme avant la première crise économique mondiale, chez les propriétaires de la Fed, de sorte qu’un système de l’étalon-or ne pourrait être réinstauré que conformément à leur volonté et qu’ils feraient l’affaire du siècle, du simple fait d’une réforme monétaire entraînant une nouvelle fixation du prix de l’or (Greenspan : «peut-être jusqu’à 6000 dollars»).

La haute finance des États-Unis détermine donc, par l’intermédiaire de la Fed, qui lui appartient, la monnaie et les changes du monde entier. Le dollar est la monnaie privée de cette haute finance. Il n’est garanti par personne d’autre, mais est maltraité autant que faire se peut, accru et modelé en instrument de sa domination sur le monde et du vol de toutes les matières premières et valeurs réelles importantes.

• En augmentant sans scrupules la masse des dollars, la haute finance des États-Unis s’est procuré des liquidités illimitées, qui lui permettent d’acheter le monde entier. Par cette émission, l’État américain peut émettre davantage de dollars qu’il n’en reçoit (endettement débridé). Aussi bien la haute finance dominatrice des États-Unis, que le gouvernement qu’elle domine, profitent donc de l’augmentation de la masse monétaire. Par conséquent, le volume des dollars s’est accru toujours plus vite, ces dix dernières années.

• De même, les dettes de l’État ont augmenté considérablement envers l’étranger. Le gouvernement des États-Unis commande donc de plus en plus de biens réels à l’étranger, qu’il paie par des billets sans valeur – la forme moderne du tribut.

• Il faut attribuer à une mise en scène et à un chantage habiles, le fait que cet accroissement sans limite des dollars n’a pas entraîné depuis longtemps la chute de cette monnaie et le refus des clients de l’accepter : la haute finance et le gouvernement des États-Unis forcent économiquement et politiquement, depuis des années, les principales banques centrales du monde (Banque centrale européenne, Banque du Japon, Banque de Chine, etc.) à garder des dollars sans valeur, accumulés lors d’exportations ou d’achats de valeurs réelles, et à les détenir comme réserves de devises constituant soi-disant de la valeur. Cela signifie, pratiquement, que les banques centrales de Chine, du Japon et d’Europe accumulent en quantités toujours plus fortes, comme réserves monétaires prétendument de valeur, les dollars sans valeur leur parvenant à la suite des livraisons de biens de leurs ressortissants. La monnaie des États satellites est donc déjà garantie par des dollars, dont la valeur diminue toujours davantage ; elle a aussi perdu pratiquement sa valeur. Ainsi, toutes ces monnaies naviguent sur le même bateau de la dévaluation, les promoteurs de l’augmentation de la masse monétaire, à New York et Washington, ainsi que leurs aides, augmentant la masse monétaire dans les banques centrales des États satellites.

• Toutefois, le débiteur que sont les États-Unis décide, lui-même, dans quelle mesure il plumera finalement ses financiers, par une dévaluation officielle du dollar et se débarrassera de son endettement à leurs frais. L’étranger, qui détient 80% des dollars, subira surtout les effets de la dévaluation de cette monnaie. Le débiteur a toute latitude pour déterminer dans quelles proportions il dévaluera ses dettes et dépouillera ainsi ses créanciers.

• Cependant, la manipulation des cours fait croire au public que les monnaies, manipulées et accrues sans limite, ont toujours un cours solide.

• Si les détenteurs de monnaies savaient qu’ils n’ont au fond que du papier en mains, mais que tout dépend des manipulations, des abus, de la puissance et des objectifs de la haute finance des États-Unis, la vitesse de circulation de la monnaie augmenterait davantage, en raison du refus d’accepter la monnaie ; une fuite dans les valeurs réelles aurait lieu, il s’ensuivrait une inflation s’accélérant dramatiquement, voire galopant, la dévalorisation accomplie depuis longtemps des investissements en valeur nominale (papiers monétaires, obligations, fonds de placement, etc.) entraînerait un deuxième krach, la dévalorisation entraînerait la ruine du secteur financier, qui devrait faire face à des procès en dommages-intérêts, si bien qu’une réforme monétaire deviendrait inévitable.

Malgré une dévalorisation dramatique, l’illusion de la valeur de la monnaie est encore maintenue, artificiellement, par l’obligation de considérer les billets comme moyens de paiement légaux. Les profiteurs de ce système sont non seulement la haute finance des États-Unis qui, par sa Fed, place dans le monde des masses de dollars toujours plus considérables, mais aussi des banques centrales menant le même jeu, telles la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque du Japon. Les directions de ces instituts savent fort bien à quel point le dollar a perdu toute valeur, mais confortent toujours l’illusion du dollar moyen de paiement légal, se sont tues pour des raisons politiques et ont couvert leur propre monnaie par des réserves monétaires libellées en dollars sans valeur. Si une réforme monétaire avait lieu, la BCE notamment serait dépourvue de valeurs. La présence de l’or se limite, vraisemblablement, à une simple créance et ne consiste donc plus en or réel. La plupart du temps, il est prêté, prétendument en nature, à la Fed, qui le prête à son tour, si bien qu’il n’est plus saisissable en cas d’effondrement. Le système repose sur le fait qu’un abus n’est, ni discuté, ni ne fait l’objet d’une publication.

• Fait n°1 : Les masses monétaires mondiales ont été tellement accrues et ont une base si fragile (dollars, euros, yens, etc.), que les monnaies correspondantes n’exercent plus de véritable fonction de conservation de la valeur, si importante aux yeux du citoyen.

• Fait n°2 : Seules la manipulation et la tromperie, à propos d’une valeur de la monnaie qui n’existe plus, préservent artificiellement la fonction d’échange des monnaies.

• Fait n°3 : Le dollar, monnaie privée de la haute finance américaine, a rompu depuis longtemps tous ses liens avec une valeur réelle (l’or) ou avec une masse monétaire déterminée. Il a donc, non seulement, perdu sa fonction de conservation de la valeur, mais ne trompe plus le monde, à propos d’une valeur d’échange prétendue de la monnaie privée, dévalorisée par une augmentation sans limite, que par des manipulations de cours sur l’ensemble de la planète. Seules cette tromperie, et la puissance de la haute finance des États-Unis, alimentent encore une «confiance» artificielle dans le dollar. En revanche, si les participants au marché savaient qu’ils n’ont en main, avec la valeur nominale du billet, que la promesse sans valeur de particuliers dans lesquels ont ne peut depuis longtemps plus avoir confiance, qui abusent constamment de leur pouvoir de manipuler la valeur de la monnaie, cette confiance se serait effondrée depuis longtemps.

• Il en va des actions comme de la monnaie. La plupart de ces titres n’ont plus de substance et ne recèlent que de l’espoir. Celui qui a cru avoir beaucoup gagné lors de la hausse fulgurante des actions a appris, par le krach, que l’action ne comporte, outre la valeur du papier, que de l’espoir, mais que celui-ci peut disparaître facilement. Le gain ou la perte, dans le jeu de la Bourse, sont de simples espérances et non des valeurs réelles. Tel est aussi le cas de la monnaie. La seule valeur réelle est celle du papier. Le reste est une confiance dans des puissances financières mondiales corrompues, mais fortes.

La mainmise sur les valeurs réelles au moyen d’une monnaie-fiction

Si les participants au marché savaient que notre système monétaire repose finalement sur la monnaie privée qu’est le dollar, et que cette monnaie dépend uniquement des souhaits de manipulation et d’abus de l’oligarchie financière, ils perdraient confiance dans la monnaie, ne considéreraient plus celle-ci comme moyen de conservation de la valeur, mais tenteraient d’échapper à la dévalorisation constante de la monnaie en se réfugiant dans les valeurs réelles.

• Or telle est l’action de ceux qui, cachés derrière la Fed, procèdent à la plus forte augmentation de la masse monétaire de tous les temps. Depuis des décennies, ils achètent, avec une monnaie perdant de plus en plus de sa valeur, toutes les valeurs réelles qu’ils trouvent : stocks de matières premières, complexes industriels, immeubles et presque chaque société financière étrangère à peu près intacte, par une reprise amicale ou hostile, à presque n’importe quel prix. Non seulement la haute finance des États-Unis accumule les valeurs réelles mondiales, mais aussi l’État importe depuis des années, contre de la monnaie de papier au fond sans valeur, davantage de valeurs réelles du monde qu’il n’en peut payer et s’endette ainsi, sans limite, envers l’étranger – tant que les créanciers étrangers croient encore à la valeur du dollar ou peuvent être obligés, par chantage politique, de prendre comme réserves monétaires ces dollars pourris.

Monopoles formés grâce aux valeurs réelles

De cette manière, la haute finance qui se cache derrière la Fed a acquis, contre ses dollars pourris, grâce à une politique ciblée de valeurs réelles, des secteurs entiers du marché et a constitué ainsi des monopoles ou oligopoles, dans les domaines suivants : diamants, or, cuivre, zinc, uranium, télécommunications, presse et télévision, denrées alimentaires (Nestlé, Coca-Cola), de grandes parties de l’industrie de l’armement et de l’espace, etc.

• Actuellement, une tentative de monopole tente de contrôler le secteur de la génétique. Les animaux et plantes qui ont subi des manipulations génétiques sont stériles. Si l’on peut donc manipuler les gènes de toute une région, les paysans ne peuvent plus utiliser les céréales qu’ils ont récoltées et doivent acheter les semences d’une entreprise au prix qu’elle fixe.

Une autre monopolisation a lieu actuellement sur le marché du sucre : le marché du sucre de l’UE est régi de manière à préserver aux paysans leur production de sucre de betteraves, qui est d’une nécessité vitale pour nombre d’entre eux. Or, le sucre de betteraves est plus cher que le sucre de canne du cartel américain, qui croît sous les tropiques. Nestlé et Coca-Cola, qui appartiennent à la haute finance des États-Unis, exigent maintenant, de concert avec les scientifiques et politiciens qui en dépendent, une «libéralisation du marché du sucre» et la revendiquent dans les instances internationales (GATT, Mercosur). Dès que cette libéralisation sera imposée, le sucre de betteraves cher ne pourra plus se maintenir face au sucre de canne bon marché, la production européenne de sucre s’effondrera définitivement et le marché du sucre – tout d’abord bon marché, puis cher – sera inondé par le cartel du sucre de canne, contrôlé par la haute finance des États-Unis.

• Le cas Primacom démontre par quelles méthodes la haute finance des États-Unis accapare des branches entières : cet exploitant de réseaux par câble a une situation très lucrative, mais est, depuis longtemps, dans le collimateur de la haute finance des États-Unis (monopolisation des télécommunications). Celle-ci s’est infiltrée, depuis longtemps, dans le management de Primacom, puis lui a accordé un prêt, à un taux d’intérêt dépassant 30%. Par conséquent, cette entreprise florissante a connu des difficultés et est devenue, aux yeux de la banque américaine, propre à une OPA très bon marché. Le jeu traverse actuellement sa dernière phase.

• L’émissaire de la haute finance américaine, Ron Sommer, a tenté de se livrer à un jeu analogue avec Deutsche Telekom. La haute finance des États-Unis accumule les sociétés du secteur des télécommunications, pour créer un monopole mondial. Pour ce faire, l’émissaire Sommer lui a acheté une petite entreprise du secteur des télécommunications, à un prix (30 milliards de dollars) supérieur de trente fois à sa valeur, afin que cette haute finance puisse racheter Telekom avec son propre patrimoine. La deuxième étape consistait à rendre les actions Telekom si bon marché, que l’investisseur américain puisse les acheter à bas prix. Sur ce point, Ron Sommer a échoué. Toutefois, cet échec ne fera que retarder, sans les empêcher, les plans de reprise de la haute finance américaine. La privatisation et le rachat d’entreprises des télécommunications continuent, conformément aux plans dressés.

• Un jeu analogue se déroule sur le marché mondial de l’énergie. En Allemagne, EON et RWE y participent visiblement, la haute finance des États-Unis ayant déjà envoyé ses hommes de confiance dans les banques et managements décisifs pour les candidats à la reprise. En 20 ans, elle veut aussi monopoliser l’eau du monde, selon les indications de son représentant Brzezinski.

La réforme monétaire et les valeurs réelles

Une interprétation correcte des plans de la haute finance mondiale aboutit à la conclusion que la masse monétaire doit être accrue et dévalorisée, jusqu’à ce que toutes les valeurs réelles importantes du monde soient achetées et monopolisées. La haute finance sait bien que son accroissement de la masse monétaire ne saurait passer inaperçu et que, à un moment donné, la confiance en un dollar inflationniste disparaîtra. L’éclatement d’une crise de confiance fera de l’inflation encore contrôlée, une inflation galopante, qui aboutira forcément à une réforme monétaire.

• Or, il s’agit d’un avantage dont bénéficiera aussi bien la haute finance que les États-Unis :

Préalablement, la haute finance a acheté assez de valeurs réelles avec des dollars pourris, et ces valeurs réelles ne seront pas touchées par la réforme. La haute finance aura ainsi converti à temps de l’argent pourri en patrimoine de valeur. Comme elle a constitué des monopoles mondiaux dans de nombreux domaines, elle peut imposer des prélèvements à tout moment au monde, grâce à des prix de monopole. Les dominateurs du monde auront donc, comme revenu, non plus des impôts, mais des revenus de monopoles. Personne ne pourra empêcher la haute finance de relever de 10, 20 ou 30% les prix de l’or, des diamants, du cuivre, du zinc, de l’eau, des semences ou de l’énergie et d’imposer ainsi des prélèvements spéciaux à l’ensemble de la population mondiale. Il n’y a encore jamais eu de telle puissance financière dans le monde, ayant constitué un tel péril pour l’ensemble de la population.

Rusée, la haute finance des États-Unis a principalement déversé ses dollars pourris à l’étranger. Plus des trois quarts des dollars ne sont plus aux États-Unis, mais se trouvent dans les États créanciers de ce pays. En effet, les États-Unis se sont de plus en plus endettés envers l’étranger, ces dernières années. L’étranger a livré des produits et reçu, en échange, des dollars sans valeur. Toutes les banques centrales étrangères sont remplies de dollars pourris. Si ceux-ci sont subitement dévalués, plus des trois quarts du dommage toucheront les banques centrales, les banques, les États et les opérateurs hors des États-Unis. Les banques centrales européennes pourront alors regretter d’avoir échangé leur or contre des dollars pourris et d’avoir constitué de la monnaie formelle comme base (réserves monétaires) de leur propre monnaie, tels le yen et l’euro. Si le cours de la monnaie-clé, le dollar, s’effondre, celui des monnaies satellites subira le même sort, sa seule base étant un montant en dollars pourris. En d’autres termes : la réforme monétaire qui se prépare, déclenchera forcément une réforme de toutes les monnaies mondiales, dont le dollar pourri constitue encore la principale réserve monétaire.

Le fait que tout accroissement continuel d’une monnaie privée – le dollar – par le Système fédéral de réserve appartenant à la haute finance des États-Unis, doive forcément entraîner un pourrissement du dollar, une inflation de plus en plus forte et, finalement, une réforme monétaire, est une certitude fondamentale de la science financière, et même Greenspan et ses collaborateurs devraient en être conscients.

De la réforme monétaire à la monnaie mondiale

Imprudemment, Greenspan a indiqué dans un discours «qu’une correction fondamentale du dollar aurait lieu d’ici 2007 et que l’on pourrait fondre, à cette fin, le dollar et l’euro en euro-dollar, une nouvelle monnaie mondiale.» Cette vue est conforme aux besoins de la haute finance américaine, car l’abus du dollar ne peut se poursuivre que jusqu’en 2007, au pire. En effet, la confiance du monde dans cette monnaie privée, accrue sans trêve, perdant de plus en plus de sa valeur et maintenue artificiellement, devrait alors avoir disparu. Le dollar subira donc une transformation ces prochains temps. Si une fusion avec l’euro avait lieu, la haute finance des États-Unis atteindrait des objectifs importants :

Une nouvelle monnaie permettrait de dévaloriser les anciennes dettes monétaires et, partant, de spolier les créanciers détenant encore de cette monnaie. Si le nouvel euro-dollar vaut 20 anciens dollars ou 15 euros, les anciennes monnaies sont dévaluées en conséquence, les créanciers détenteurs d’ancienne monnaie spoliés, le jeu a profité aux émetteurs de monnaie privée.

L’État fédéral américain, surtout, se débarrasserait ainsi de ses dettes : l’endettement envers l’étranger, qui atteint actuellement 5200 milliards de dollars, ne se chiffrerait alors qu’à 2600 milliards d’euro-dollars, soit une dévaluation de 50%.

Les détenteurs d’anciens dollars seraient les principales victimes, les montants qu’ils détiennent étant dévalués de 50, voire de 90%. Les banques centrales de Chine, du Japon et d’Europe, qui détiennent d’importantes réserves monétaires en dollars, en pâtiraient particulièrement.

Toutefois, le but principal de la haute finance américaine est d’établir ainsi une monnaie mondiale, qu’elle contrôlerait. Sous un régime d’euro-dollars, le Système fédéral de réserve, appartenant à la haute finance des États-Unis, aurait forcément une majorité. Cette haute finance contrôlerait alors la majorité du système. A cette fin, la haute finance des États-Unis a choisi la BRI (Banque des règlements internationaux), une organisation privée dont elle a déjà acquis secrètement la majorité des parts. Si la BRI devenait la banque centrale émettant les euro-dollars, les mêmes propriétaires privés seraient, par hasard, les principaux propriétaires de la nouvelle banque centrale, qui étaient auparavant les propriétaires de la Fed. Ils pourraient jouer le jeu consistant à émettre de la monnaie à leur gré, à un niveau supérieur, qu’ils ont joué jusqu’à maintenant avec le Système fédéral de réserve – et bénéficier de surcroît de la diminution de leur endettement due à la réforme monétaire. L’augmentation de la masse monétaire mondiale qui a eu lieu jusqu’à maintenant, cette grande escroquerie monétaire, serait effacée par la réforme monétaire. Les vieux malfaiteurs bénéficieraient d’un nouveau système, d’une nouvelle monnaie, qui leur permettrait d’utiliser aux mêmes fins la monnaie mondiale euro-dollar, durant les 20 à 30 prochaines années.

Ce faisant, la haute finance des États-Unis aurait donc monopolisé, par escroquerie, les valeurs réelles mondiales – parmi lesquelles figurent des biens aussi essentiels que les semences, les denrées alimentaires, l’eau, l’énergie et les métaux, mais aurait aussi bâti, de nouveau, un monopole monétaire à sa disposition, qu’elle pourrait utiliser à son gré – une machine d’accroissement monétaire, tel l’âne aux ducats de la légende.

• Même la publication de ce système d’escroquerie ne provoquera pas de cris dans le monde. On parlera de «théorie du complot», d’«antiaméricanisme», voire d’«antisémitisme» (Rothschild), ou s’efforcera d’empêcher de telles publications, une partie essentielle des médias imprimés et électroniques mondiaux appartenant à la haute finance des États-Unis.

• Il est important que ceux qui pourraient subir des pertes, comprennent ce jeu. Celui qui possède un patrimoine financier, devrait donc écouter, ou plutôt lire.

• Les perdants du grand jeu de l’oligarchie financière sont les participants au marché mondial, qui accordent trop de confiance à la monnaie, qui croient toujours que celle-ci n’a pas une simple fonction d’échange, mais qu’elle sert encore de préservateur de la valeur. Les hommes n’ont visiblement pas tiré de leçon de la dévalorisation constante de la monnaie de ces 40 dernières années. Celle-ci s’accélérera ces prochaines années, avant la catastrophe finale, car elle sert uniquement aux manipulateurs. Celui qui attache donc de l’importance au maintien de la valeur à long terme de son patrimoine, ne peut pas continuer à avoir des placements en valeurs monétaires, en polices d’assurances, en obligations ou en espèces, il doit investir en valeurs réelles, comme la haute finance lui en donne l’exemple.

Objectif stratégique de l’escroquerie monétaire mondiale

Pour autant que l’on puisse en juger de l’extérieur, la haute finance des États-Unis a eu pour seul objectif initialement de contrôler la monnaie du pays et, partant, de manipuler le marché des États-Unis à son gré. La Fed privée servait à réaliser cet objectif. Lorsque le président Kennedy a proposé une loi visant à étatiser ce système financier privé, il est décédé subitement. Toute personne en contact avec les possibilités de monnaie privée, a perdu son patrimoine ou sa vie.

• Depuis lors, les objectifs stratégiques de la haute finance américaine ont dépassé le cadre national. Elle a pour but un système monétaire privé mondial, qu’elle a assuré par son dollar privé, imposé comme principale monnaie de réserve dans le monde entier, et qu’elle ne doit plus formaliser que par une monnaie mondiale, l’euro-dollar.

• Si nous voulons empêcher un deuxième abus du système monétaire mondial en faveur d’une haute finance privée et l’abus des masses monétaires, chaque monnaie doit être protégée contre tout abus public ou privé, contre toute manipulation déflationniste ou inflationniste.

• Ce but ne peut certainement pas être atteint, si l’on abandonne les changes à la haute finance privée. Celle-ci profitera toujours des possibilités d’abus, en spoliant et exploitant le monde par un accroissement de la masse monétaire.

• Cependant, l’expérience a montré aussi que la plupart des gouvernements abusent également de leur monnaie, s’ils peuvent influer sur la banque centrale et sa politique de la masse monétaire.

• Il convient donc d’empêcher les abus que les pouvoirs publics et la haute finance privée exercent sur les monnaies.

• Il est certain qu’une monnaie basée sur l’or ne peut pas être manipulée aussi facilement qu’une simple monnaie formelle. Toutefois, les problèmes d’une monnaie basée sur l’or découlent de la disponibilité de l’or, la haute finance ayant accaparé la plus grande partie des réserves d’or. Ainsi, elle redeviendrait gagnante et accapareuse de toute sorte de monnaie basée sur l’or.

• La seule solution est donc celle d’une monnaie formelle. Cependant, cette monnaie ne doit pas être librement, arbitrairement déterminable, mais doit être axée sur un objectif de monnaie neutre. La masse monétaire ne doit donc pas croître davantage que celle des biens. Le secteur monétaire ne doit plus exercer d’effets inflationnistes ou déflationnistes sur les monnaies et l’économie mondiale.

• Cet objectif ne peut être atteint que par des banques centrales strictement neutres et si indépendantes qu’elles constituent un «quatrième pouvoir», ne sont pas dans les mains de particuliers et ne peuvent pas être influencées par leurs gouvernements. Avant sa castration par la Banque centrale européenne, la Banque fédérale d’Allemagne était très proche de cette indépendance.

• La prochaine réforme monétaire offre une chance unique de dénoncer les coupables, leurs manipulations monétaires et leurs abus, ainsi que de susciter l’approbation générale d’un système de banques centrales sur lequel ni la haute finance, ni les gouvernements n’exerceraient d’influence. Il s’agit d’une chance exceptionnelle.

• La haute finance surtout, qui, par son organe la BRI, s’est déjà préparée à s’emparer du prochain système de banques centrales et de monnaies, pourrait empêcher la création d’un système indépendant. Il convient donc d’informer, d’expliquer à la population, à l’économie et aux politiciens, les dangers qu’une économie monopoliste fait courir, non seulement à la monnaie actuelle, mais aussi à un nouveau système monétaire.

Source : Horizons et débats, numéro 31, juin 2005

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lundi, 25 janvier 2010

La crise a changé la consommation des Européens

La crise a changé la consommation des Européens

Près de deux Européens sur trois (64%) estiment que la crise a changé « durablement » leur façon de consommer, les ménages privilégiant désormais les produits bio et d’occasion, selon une étude de l’Observatoire Cetelem.

Cette enquête, réalisée en décembre 2009 auprès de 8.000 personnes dans douze pays d’Europe, montre également que 34% d’entre eux souhaitent augmenter leur épargne au cours des douze prochains mois, contre 22% un an plus tôt. C’est un niveau qui n’avait plus été atteint depuis 2005, selon l’étude.

« L’heure est au mieux-vivre. Le mieux consommer est préférable au tout consommer (…) La crise affirme le besoin de retrouver le juste prix et la qualité, » souligne l’enquête. Ainsi, près de deux Européens sur trois (64%), et trois Français sur quatre (73%), entendent changer « durablement » leur façon de consommer.

« Dans le détail, les Français sont plutôt hésitants. Ils prévoient un niveau d’épargne (30%) similaire à celui de leurs dépenses (31%). A l’exception de l’Europe de l’Est, il y a une forte volonté en Europe de reconstituer une épargne de précaution. Les ménages souhaitent mettre de l’argent de côté pour des éventuels coups durs, » commente Flavien Neuvy, responsable de l’Observatoire, dans l’étude.

Ce nouveau comportement fait ressortir deux tendances principales. Plus d’un tiers des Européens (38%) achètent ou consomment fréquemment des aliments bio. En France, ils sont 37% à déclarer consommer régulièrement des produits bio.

Cet engouement est dû au fait qu’il y a de plus en plus d’offre. Outre les magasins estampillés bio, les grandes enseignes et supermarchés traditionnels proposent de plus en plus des rayons verts, selon l’étude.

La crise a également favorisé l’essor d’un autre phénomène: le marché des produits d’occasion, montre l’étude. Près de la moitié (47%) des ménages européens jugent nécessaire d’acheter des produits d’occasion.

64% d’Européens ont acheté au moins une fois une voiture d’occasion, 60% des produits culturels (livres, CD, films, jeux vidéos…), 43% du textile (vêtements), et 33% des jouets pour enfants.

Ce sont les ménages allemands qui achètent le plus les produits d’occasion (72%) mais c’est en France que ceux-ci rencontrent le plus un écho favorable. Seuls 10% des Français jugent un achat d’occasion dévalorisant. A l’inverse 51% de Portugais s’en méfient.

A l’inverse, seuls 10% des Européens affirment acheter « fréquemment » des produits équitables ou achats responsables, parce que ceux-ci sont « chers » et l’offre n’est pas assez développée, d’après l’enquête. Le Royaume-Uni est le premier marché mondial du commerce équitable, avec 28% de consommateurs réguliers, contre beaucoup moins en France (9%) par exemple.

L’enquête a été réalisée en Allemagne, Belgique, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Russie et Slovaquie.

Boursorama

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L'entreprise holiste est l'entreprise de demain

Archives de Synergies Européennes - 1988

L'entreprise «holiste» est l'entreprise de demain

 

Rudolf MANN, Das ganzheitliche Unternehmen. Die Umsetzung des Neuen Denkens in der Praxis zur Sicherung von Gewinn und Lebensfähigkeit, Scherz, Bern/München/Wien, 1988, 256 S., ISBN 3-502-15446-5.

 

Dans tous les secteurs de notre société, on parle désormais de «holisicer» pensée et pratique. En d'autres mots, de mettre l'accent sur la totalité d'un phénomène, sans le réduire à un schéma inspiré par l'idéologie ou la paresse. Le Dr. Rudolf Mann, fondateur d'une école de gestion d'entreprise fondée sur les théories holistes de l'action so­ciale, est un grand spécialiste de la matière. Dans l'ouvrage que nous venons de lire, nous avons découvert une esquisse de cette nouvelle pensée. Celle-ci sera une pensée en réseau (vernetzt), énergo-cybernétique, plus proche de la structure intime du réel que la pensée linéaire con­ventionnelle qui détermine toute la pensée occiden­tale. Systémique, la nouvelle pensée ne considérera plus l'entreprise com­me une île isolée mais comme un «système» relié à un nombre quasi infini de forces, de dépendances, etc. L'entreprise est donc un «être vivant», émanation de la force vitale universelle que les Egyptiens nommaient Ka,  les Chinois Ch'i,  les Japo­nais Ki,  les Indiens Prana,  les Tibétains Tummo  et les Grecs Aperion.  Etre vivant, l'entreprise doit donc obéir aux prin­ci­pes de la bio-cybernétique. Notamment, orienter ses énergies vers son bon fonctionnement plutôt que vers une maximisation irrationnelle de sa production. Appliquer les principes du jiu-jitsu plutôt que ceux de la boxe: uti­liser les faiblesses et les for­ces des concurrents, absorber les contradictions plutôt que les refouler, etc. Recycler ses déchets. Etre en symbiose avec son environnement. Pratiquer une écologie sainement comprise. Les prin­cipes de la bio-cybernétiques doivent être appliqués par des individus évolutionnaires, qui ont repéré en eux-mêmes leur spécificité unique et inaliénable, et l'exploitent à fond sans efforts particuliers, en prestant un excel­lent travail. Les individus qui n'ont pas reconnu en eux-mêmes leur spécificité propre prestent un travail mé­diocre, en gaspillant davantage d'énergie. L'homme, au sein de l'entreprise est un petit hologramme in­clus dans le grand hologramme qu'est l'entreprise. Il faut qu'il y ait harmonie entre petits et grands hologrammes, sinon les dys­fonctionnements s'accumulent, des potentialités humaines sont négligées et gaspillées et la totalité (entreprise, Etat, nation, communauté) stagne et dépérit. Le Dr. Rudolf Mann nous démontre la validité des ap­proches vitalistes, holistes, etc. sans recourir à des théories du XIXième ou des années 20, mais en utilisant des données scientifiques très modernes. Une leçon à retenir.

 

Robert Steuckers. 

 

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dimanche, 24 janvier 2010

Le capitalisme: un syndrome monétaire

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1988

Le capitalisme: un syndrome monétaire

 

Dieter SUHR, Der Kapitalismus als monetäres Syndrom. Aufklärung eines Wiederspruchs in der marxschen Politischen Ökonomie, Campus (Forschung Band 581), Frankfurt, 1988, 106 S., DM 28, ISBN 3-593-33999-4.

 

Dieter Suhr, professeur de droit public et de philosophie du droit à l'Université d'Augsbourg, part, dans cet opus­cule, d'une thè­se séduisante: le capitalisme, dit-il, ne procède pas de la propriété privée des moyens de produc­tion mais de l'argent. Les for­mes de propriété ne sont pas la cause et l'origine de la possession d'argent mais les symptômes et les conséquences de l'ar­gent, dont la nature et le fonctionnement sont capitalistes. Marx a certes analysé la suprématie de l'argent sur les marchan­dises mais quand il s'agit d'étudier les fondements de la plus-va­lue et du capitalisme, il considère l'argent comme un équivalent innocent des autres marchandises. Du coup, sa pensée conduit à des impasses et à des contradictions. Suhr veut aller avec Marx au-delà de Marx. En s'inspirant de l'économiste Silvio Gesell, membre du gouvernement rouge bavarois en 1918-19, natif de St. Vith, inspira­teur d'Ezra Pound dans sa lutte contre la ploutocratie, et en interprétant les théories scientifiques mo­dernes con­cernant les liquidités, les transactions et les communications, Dieter Suhr démontre que le capitalisme peut être surmonté spontanément par une innovation financière. Dieter Suhr renoue ainsi, au-delà de Marx, avec Proudhon qui avait mieux perçu dans l'argent, abstraction et facteur d'usure, la cause de l'exploitation des travailleurs. Marx a condamné le capi­ta­liste producteur, propriétaire des moyens de production, alors que celui-ci est plus proche des prolétaires que le capita­liste spéculateur, prêteur d'argent et improductif. Cette condamnation a disloqué les sociétés et créer une guerre sociale entre producteurs, au bénéfice des spéculateurs. Avec, pour arrière-plan, l'inflation de spéculation à laquelle nous avons assisté au cours de la décennie 1980-90, avec le risque de crise qui nous menace désormais comme une épée de Damoclès depuis octobre 1987, avec les sombres prévisions du Dr. indien Ravi Batra (une crise catastrophique pour 1991), Dieter Suhr nous invite à forger les techniques moné­taires d'un système de circulation post-capitaliste, où l'argent, comme l'avaient souhaité Silvio Gesell et Ezra Pound, perdrait sans cesse de sa valeur et ne pourrait plus servir d'objet de spéculation. Le petit travail de Suhr constitue une modernisation professionnelle des idéaux de Gesell et Pound. A lire.

 

Robert Steuckers.

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samedi, 23 janvier 2010

Transformer la raison économique

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

Transformer la raison économique

 

Peter ULRICH, Transformation der ökonomischen Vernunft. Fortschrittsperspektiven der modernen Industriegesellschaft,  Paul Haupt Verlag, Bern, 512 S., 16 Abb., SFr. 72, DM 86.

 

La dynamique de rationalisation qui a sous-tendu la société industrielle est aujourd'hui contestée car ses effets globaux se montrent pervers à l'endroit de la vie. On en arrive au paradoxe suivant: ce qui a une rationalité éco­nomique n'a plus nécessai­rement une rationalité vitale globale. Les questions qui se posent au philosophe d'abord, à l'homme politique sérieux et conscient ensuite, sont en conséquence les suivantes: comment effacer ce paradoxe? Comment éliminer l'autonomie perverse de la ra­tionalité économique? Comment retrouver une adéqua­tion fructueuse entre rationalité économique et stratégie vitale?

 

L'agir économique doit reposer désormais sur de nouveaux critères: des critères à la fois holistes et éthiques. Cela implique, bien sûr, une transformation radicale de la rationalité économique. Si cette rationalité économique reste crispée sur les vieux critères de l'école rationaliste et utilitariste, elle ne peut plus se revendiquer d'aucune raison, étant entendu, ici, que toute rai­son est équilibrante, éliminatrice de dysfonctionnements, correctrice de déviances mortifères, facteur du passage des virtuali­tés de la puissance à l'acte. A l'utilitarisme méthodologique, doit se substituer, nous dit le Prof. Peter Ulrich, une conception «communicative-éthique» de la rationalité. A l'instar du MAUSS d'Alain Caillé en France, le Prof. Ulrich procède à une cri­tique de la raison utilitaire, en rappe­lant, notamment, qu'aucun principe de rationalité économique ne peut se poser comme «pur», comme situé au-delà de la sphère de l'agir social, avec ses imprévisibilités et ses impondérables. Cela peut sembler évident, même pour le profane, mais la théorie économique du 19ième au 20ième siècle s'est comportée comme s'il exis­tait bel et bien, dans on ne sait quelle lumineuse empyrée, une sphère de l'économie pure, éthiquement neutrali­sée, soustraite aux vicissitudes de ce monde en perpétuelle effervescence. Les connotations morales de l'utilitarisme des Anglais John Stuart Mill et Bentham, leur plaidoyer pour la force socialisante que représente l'éducation, force qui corrige l'égoïsme des indivi­dus, ne débouchent pas, constate Ulrich, sur une raison com­municative-éthique, car le poids de l'hédonisme reste trop fort et finit par réduire toutes les bonnes intentions à de simples calculs d'utilité. La fiction de l'homo œconomicus débouche donc sur une impasse. D'autant plus que la manie hédoniste de maximiser son profit isole le décisionnaire dans sa tour d'ivoire et le prive, à moyen et long terme, d'informations précieuses qu'une stratégie plus collective de communication lui procurerait en toute souplesse.

 

La société contemporaine balbutie lamentablement tout un éventail de dysfonctionnements car l'homo œcono­micus la détermine démesurément; son adversaire, son négatif photographique issu des idéologies socialistes utilitaro-mécanicistes, l'homo sociologicus, est une fourmi perdue dans sa fourmilière, qui se conforme à un et un seul plan sans prendre la moindre initiative personnelle; le REMM (resourceful evaluative maximizing man),  dernier avatar et exagération de l'homo œco­nomicus, pousse l'égoïsme accapareur à l'extrême. Ces trois figures répètent une conception monologique de la respon­sa­bi­lité sociale, où l'on constate les tares suivantes: solip­sisme méthodique, élitisme détaché de tout terreau commu­nautaire, res­ponsabilité sociale comme output  d'un in­dividu isolé socialement, paternalisme, utilitarisme, technocratisme. A cette con­cep­tion monologique de la res­ponsabilité sociale, Ulrich oppose une conception dialogique, avec: apriori de la com­munauté com­municative, solidarisme, responsabilité sociale comme input  induit dans un groupe social actif, dialogue cons­truc­tif, éthique com­municative constructrice d'un consensus fécond, etc. Le passage des monologiques convention­nelles aux dia­logiques post-conventionnelles, tel est l'objet de la démarche d'Ulrich, qui vise à reconstruire la raison économique sur des bases «com­municatives». Dans un tableau concis (p.349), Ulrich montre que l'on est passé d'un découplage par rapport aux sys­tè­mes sociaux (phase I de l'autonomisation de la sphère économique) à une sur-économisation de la sphère vitale globale (pha­se II actuelle) et qu'il faut passer à un re-couplage/re-con­nectage des systèmes économiques dans la sphère vitale globale (pha­se III). Ensuite, que l'objectif, lors de la phase I, est d'accroître le bien-être en éliminant la rareté; qu'il est, lors de la pha­se II, de gérer le système en maî­trisant complexités et incertitudes; qu'il devra être, lors de la phase III, de débloquer la com­munication politico-économique, grâce à une saisie du sens global de la société, de la culture, de la communauté dans la­quelle on vit. A l'hédonisme pré-conventionnel de la phase I, dominée par l'homo œconomicus, succède le conformisme con­ven­tionnel de la phase II, où dominent le REMM et le relativisme axiologique; conformisme qui devra graduel­lement être dé­construit par une éthique post-conventionnelle, portée par une maturité intellectuelle, moins sub­jective et plus soucieuse d'harmoniser intérêts privés et intérêts collectifs. Le mode théorique de la phase I est l'arithmétique économique (une logique formelle de l'action); celui de la phase II est de déterminer (parfois de fi­ger) le comportement dans une situation don­née, afin de gérer plus facilement; celui de la phase III devra être de procéder sans discontinuité à des généalogies de nos types d'action, afin de dégager un maximum de réponses possibles à tous les défis sociaux et historiques. Les méthodes ont été succes­sivement: le calcul à la phase I, l'observation empirique à la phase II; à la phase III, ce sera le discours critique-nor­matif.

 

En modélisant ses idées sur un schéma politique, Ulrich perçoit (p. 384) une nouvelle gauche «démocratique» animée par le primat de la rationalisation communicative de la sphère vitale; une nouvelle droite «technocratique», animée par le primat de la rationalisation fonctionnelle du système économique; une vieille gauche socialiste orthodoxe, animée par le primat de la propriété étatique et, enfin, une vieille droite libérale or­thodoxe, animée par le primat de la propriété privée. Notre tierce voie correspond assez, à quelques détails près, à la «nouvelle gauche» d'Ulrich... L'avènement d'une logique d'action sociale éthique-communicative a indubita­blement des connotations que nous appelerions «communautaires». Ulrich puise ses argu­ments dans une quan­tité de corpus sociologiques, où nous avons remarqué le Tchèque Ota Sik: sa démarche doit nous inspirer dans notre réfutation des tares léguées à nos pays par les idéologies libérales et sociale-démocrates. Lecture où nous devons rester attentifs et vigilants pour éviter un écueil de taille: la dérive soft-idéologique d'un «convivialisme» vague, qui rejette toute discipline intellectuelle, tout en parlant abondamment de «communication», sans rien communiquer vraiment ou en occultant, par inflation de paroles, l'essentiel de ce qui doit être communiqué. Le livre d'Ulrich: une carrière où il faudra régulièrement retourner.

 

Robert STEUCKERS.

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lundi, 18 janvier 2010

Dubai und Griechenland waren nur der Weckruf

argent_f1_q19.jpg»Dubai und Griechenland waren nur der Weckruf«

Michael Grandt / http://info.kopp-verlag.de

Sind Staatsanleihen sicher? Ja natürlich! – Glauben Sie dieses Märchen noch? Thomas Mayer, der neue Chefvolkswirt der Deutschen Bank in Frankfurt, warnt jetzt vor den Risiken.

Thomas Mayer ist nicht irgendwer. Vor seiner Tätigkeit als Chefvolkswirt der Deutschen Bank waren das Kieler Institut für Weltwirtschaft, der Internationale Währungsfonds, Solomon Brothers und Goldman Sachs seine Stationen. Ein Mann also mit Reputation, dem man keinesfalls den Ruf eines »Verschwörungstheoretikers« nachsagen kann.

Im Handelsblatt gab er nun ein Interview zu »Risiken bei Staatsanleihen«. Auf die Frage, was im Jahr 2010 die beherrschenden Themen sein werden, antwortete er: »Die Risiken bei Staatsanleihen, ganz klar. Griechenland und Dubai waren nur der Weckruf – das System bricht schließlich nie an der dicksten Stelle zuerst.«  

Die Frage, welche Länder ihm Sorgen machen, beantwortete er so: »Von den großen Volkswirtschaften vor allem Japan und Großbritannien. In Japan beträgt die Staatsverschuldung inzwischen 200 Prozent des Bruttoinlandsproduktes, Deflation ist wieder ein großes Thema und die Alterung der Bevölkerung hat brutal begonnen. Wer soll der älteren Generation die Rentenpapiere, die zu mehr als 90 Prozent in heimischer Hand sind, abkaufen? Auch in Großbritannien liegen die Risiken auf der Hand: Das Land war besonders exponiert im Finanz- wie auch im Immobiliensektor, wo die Krise bekanntlich ausbrach.«

»Was kommt schlimmstenfalls auf Japan und Großbritannien zu?« Antwort Thomas Mayer: »Die Entwertung der Staatsschuld durch Inflation.« Für ihn ist dieses Szenario »ein nennenswertes Risiko«. 

Und dann macht er noch eine »verräterische« Äußerung: »Das Risiko unmittelbarer Zahlungsunfähigkeit ist allerdings vor allem in Ländern von Bedeutung, die keine Hoheit über die eigene Währung haben – beispielsweise Griechenland oder Irland.«

Oder Deutschland – könnte man hinzufügen, denn auch wir haben keine Hoheit über eine eigene Währung. Wir sind durch die Mitgliedschaft in der europäischen Wirtschafts- und Währungsunion beinahe unentrinnbar an den Euro gekettet. Unsere Steuerzahler subventionieren sogar all jene Länder, die seither das Geld nur so mit den Händen hinausgeworfen haben und jetzt kurz vor dem Bankrott stehen.

Aber das offen auszusprechen, davor scheut sich auch Thomas Mayer.

 

Dienstag, 12.01.2010

Kategorie: Allgemeines, Wirtschaft & Finanzen

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mercredi, 13 janvier 2010

Maurice Allais pour un protectionnisme européen "raisonné"

Maurice Allais pour un Protectionnisme Européen "raisonné"

 





Lettre aux français, le cri d'alarme du seul prix Nobel Français


d'économie :


 

 

Contre les tabous indiscutés par Maurice Allais.

 

Ex:  http://robertofiorini.blog4ever.com/ 

 

Le point de vue que j'exprime est celui d'un théoricien à la fois libéral et socialiste. Les deux notions sont indissociables dans mon esprit, car leur opposition m'apparaît fausse, artificielle. L'idéal socialiste consiste à s'intéresser à l'équité de la redistribution des richesses, tandis que les libéraux véritables se préoccupent de l'efficacité de la production de cette même richesse. Ils  constituent à mes yeux deux aspects complémentaires d'une même doctrine. Et c'est précisément à ce titre de libéral que je m'autorise à critiquer les positions répétées des grandes instances internationales en faveur d'un libre-échangisme appliqué aveuglément.

 

Le fondement de la crise: L'organisation du commerce mondial

 

La récente réunion du G20 a de nouveau proclamé sa dénonciation du « protectionnisme », dénonciation absurde à chaque fois qu'elle se voit exprimée sans nuance, comme cela vient d'être le cas. Nous sommes confrontés à ce que j'ai par le passé nommé « des tabous indiscutés dont les effets pervers se sont multipliés et renforcés au cours des années» (1). Car tout libéraliser, on vient de le vérifier, amène les pires désordres. Inversement, parmi les multiples vérités qui ne sont pas abordées se trouve le fondement réel de l'actuelle crise: l'organisation du commerce mondial, qu'il faut réformer profondément, et prioritairement à l'autre grande réforme également indispensable que sera celle du système bancaire.

 

Les grands dirigeants de la planète montrent une nouvelle fois leur  ignorance de l'économie qui les conduit à confondre deux sortes de protectionnismes: il en existe certains de néfastes, tandis que d'autres sont entièrement justifiés.

 

Dans la première catégorie se trouve le protectionnisme entre pays à salaires comparables, qui n'est pas souhaitable en général. Par contre, le protectionnisme entre pays de niveaux de vie très différents est non seulement justifié, mais absolument nécessaire. C'est en particulier le cas à propos de la Chine, avec laquelle il est fou d'avoir supprimé les protections douanières aux frontières. Mais c'est aussi vrai avec des pays plus proches, y compris au sein même de l'Europe. Il suffit au lecteur de s'interroger sur la manière éventuelle de lutter contre des coûts de fabrication cinq ou dix fois moindres - si ce n'est des écarts plus importants encore - pour constater que la concurrence n'est pas viable dans la grande majorité des cas. Particulièrement face à des concurrents indiens ou surtout chinois qui, outre leur très faible prix de main-d'œuvre, sont extrêmement compétents et entreprenants.

 

Il faut délocaliser Pascal Lamy !

 

 

Mon analyse étant que le chômage actuel est dû à cette libéralisation totale du commerce, la voie prise par le G20 m'apparaît par conséquent nuisible. Elle va se révéler un facteur d'aggravation de la situation sociale. A ce titre, elle constitue une sottise majeure, à partir d'un contresens incroyable. Tout comme le fait d'attribuer la crise de 1929 à des causes protectionnistes constitue un contresens historique. Sa véritable origine se trouvait déjà dans le développement inconsidéré du crédit durant les années qui l'ont précédée. Au contraire, les mesures protectionnistes qui ont été prises, mais après l'arrivée de la crise, ont certainement pu contribuer à mieux la contrôler. Comme je l'ai précédemment indiqué, nous faisons face à une ignorance criminelle. Que le directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ait déclaré: « Aujourd'hui, les leaders du G20 ont clairement indiqué ce qu'ils attendent du cycle de Doha : une conclusion en 2010 », et qu'il ait demandé une accélération de ce processus de libéralisation m'apparaît une méprise monumentale. Je la qualifierais même de monstrueuse. Les échanges, contrairement à ce que pense Pascal Lamy, ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, ils ne sont qu'un moyen. Cet homme, qui était en poste à Bruxelles auparavant, commissaire européen au Commerce, ne comprend rien, rien, hélas! Face à de tels entêtements suicidaires, ma proposition est la suivante: il faut de toute urgence délocaliser Pascal Lamy, un des facteurs majeurs de chômage!

 

Plus concrètement, les règles à dégager sont d'une simplicité folle : du chômage résultent des délocalisations elles- mêmes dues aux trop grandes différences de salaires ... A partir de ce constat, ce qu'il faut entreprendre en devient tellement évident! il est indispensable de rétablir une légitime protection. Depuis plus de dix ans, j'ai proposé de recréer des ensembles régionaux plus homogènes, unissant plusieurs pays lorsque ceux-ci présentent de mêmes conditions de revenus, et de mêmes conditions sociales. Chacune de ces « organisations régionales» serait autorisée à se protéger de manière raisonnable contre les écarts de coûts de production assurant des avantages indus à certains pays concurrents, tout en maintenant simultanément en interne, au sein de sa zone, les conditions d'une saine et réelle concurrence entre ses membres associés.

 

Un protectionnisme raisonné et raisonnable

 

 

Ma position et le système que je préconise ne constitueraient pas une atteinte aux pays en développement. Actuellement, les grandes entreprises les utilisent pour leurs bas coûts, mais elles partiraient si les salaires y augmentaient trop. Ces pays ont intérêt à adopter mon principe et à s'unir à leurs voisins dotés de niveaux de vie semblables, pour développer à leur tour ensemble un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien de salaires bas. Cela pourrait concerner par exemple plusieurs pays de l'est de l'Union européenne, qui ont été intégrés sans réflexion ni délais préalables suffisants, mais aussi ceux d'Afrique ou d'Amérique latine. L'absence d'une telle protection apportera la destruction de toute l'activité de chaque pays ayant des revenus plus élevés, c'est-à-dire de toutes les industries de l'Europe de l'Ouest et celles des pays développés. Car il est évident qu'avec le point de vue doctrinaire du G20, toute l'industrie française finira par partir à l'extérieur. Il m'apparaît scandaleux que des entreprises ferment des sites rentables en France ou licencient, tandis qu'elles en ouvrent dans les zones à moindres coûts, comme cela a été le cas dans le secteur des pneumatiques pour automobiles, avec les annonces faites depuis le printemps par Continental et par Michelin. Si aucune limite n'est posée, ce qui va arriver peut d'ores et déjà être annoncé aux Français : une augmentation de la destruction d'emplois, une croissance dramatique du chômage non seulement dans l'industrie, mais tout autant dans l'agriculture et les services.

 

 

De ce point de vue, il est vrai que je ne fais pas partie des économistes qui emploient le mot « bulle». Qu'il y ait des mouvements qui se généralisent, j'en suis d'accord, mais ce terme de « bulle» me semble inapproprié pour décrire le chômage qui résulte des délocalisations. En effet, sa progression revêt un caractère permanent et régulier, depuis maintenant plus de trente ans. L'essentiel du chômage que nous subissons tout au moins du chômage tel qu'il s'est présenté jusqu'en 2008 - résulte précisément de cette libération inconsidérée du commerce à l'échelle mondiale sans se préoccuper des niveaux de vie. Ce qui se produit est donc autre chose qu'une bulle, mais un phénomène de fond, tout comme l'est la libéralisation des échanges, et la position de Pascal Lamy constitue bien une position sur le fond.

 

Crise et mondialisation sont liées

 

Les grands dirigeants mondiaux préfèrent, quant à eux, tout ramener à la monnaie, or elle ne représente qu'une partie des causes du problème. Crise et mondialisation : les deux sont liées. Régler seulement le problème monétaire ne suffirait pas, ne réglerait pas le point essentiel qu'est la libéralisation nocive des échanges internationaux. Le gouvernement attribue les conséquences sociales des délocalisations à des causes monétaires, c'est une erreur folle.

 

Pour ma part, j'ai combattu les délocalisations dans mes dernières publications (2). On connaît donc un peu mon message. Alors que les fondateurs du marché commun européen à six avaient prévu des délais de plusieurs années avant de libéraliser les échanges avec les nouveaux membres accueillis en 1986, nous avons, ensuite, ouvert l'Europe sans aucune précaution et sans laisser de protection extérieure face à la concurrence de pays dotés de coûts salariaux si faibles que s'en défendre devenait illusoire. Certains de nos dirigeants, après cela, viennent s'étonner des conséquences !

 

Si le lecteur voulait bien reprendre mes analyses du chômage, telles que je les ai publiées dans les deux dernières décennies, il constaterait que les événements que nous vivons y ont été non seulement annoncés mais décrits en détail. Pourtant, ils n'ont bénéficié que d'un écho de plus en plus limité dans la grande presse. Ce silence conduit à s'interroger.

 

 

Un prix Nobel ... téléspectateur

 

 

Les commentateurs économiques que je vois s'exprimer régulièrement à la télévision pour analyser les causes de l'actuelle crise sont fréquemment les mêmes qui y venaient auparavant pour analyser la bonne conjoncture avec une parfaite sérénité. Ils n'avaient pas annoncé l'arrivée de la crise, et ils ne proposent pour la plupart d'entre eux rien de sérieux pour en sortir. Mais on les invite encore. Pour ma part, je n'étais pas convié sur les plateaux de télévision quand j'annonçais, et j'écrivais, il y a plus de dix ans, qu'une crise majeure accompagnée d'un chômage incontrôlé allait bientôt se produire. Je fais partie de ceux qui n'ont pas été admis à expliquer aux Français ce que sont les origines réelles de la crise alors qu'ils ont été dépossédés de tout pouvoir réel sur leur propre monnaie, au profit des banquiers. Par le passé, j'ai fait transmettre à certaines émissions économiques auxquelles j'assistais en téléspectateur le message que j'étais disposé à venir parler de ce que sont progressivement devenues les banques actuelles, le rôle véritablement dangereux des traders, et pourquoi certaines vérités ne sont pas dites à leur sujet. Aucune réponse, même négative, n'est venue d'aucune chaîne de télévision et ce, durant des années.

 

Cette attitude répétée soulève un problème concernant les grands médias en France: certains experts y sont autorisés et d'autres, interdits. Bien que je sois un expert internationalement reconnu sur les crises économiques, notamment celles de 1929 ou de 1987, ma situation présente peut donc se résumer de la manière suivante: je suis un téléspectateur. Un prix Nobel. .. Téléspectateur. Je me retrouve face à ce qu'affirment les spécialistes régulièrement invités, quant à eux, sur les plateaux de télévision, tels que certains universitaires ou des analystes financiers qui garantissent bien comprendre ce qui se passe et savoir ce qu'il faut faire. Alors qu'en réalité ils ne comprennent rien. Leur situation rejoint celle que j'avais constatée lorsque je m'étais rendu en 1933 aux Etats-Unis, avec l'objectif d'étudier la crise qui y sévissait, son chômage et ses sans-abri: il y régnait une incompréhension intellectuelle totale. Aujourd'hui également, ces experts se trompent dans leurs explications. Certains se trompent doublement en ignorant leur ignorance, mais d'autres, qui la connaissent et pourtant la dissimulent, trompent ainsi les Français.

 

Cette ignorance et surtout la volonté de la cacher grâce à certains médias dénotent un pourrissement du débat et de l'intelligence, par le fait d'intérêts particuliers souvent liés à l'argent. Des intérêts qui souhaitent que l'ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu'il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d'un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu'il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale.

 

Question clé : quelle est la liberté véritable des grands médias ? Je parle de leur liberté par rapport au monde de la finance tout autant qu'aux sphères de la politique.

 

Deuxième question: qui détient de la sorte le pouvoir de décider qu'un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ?

 

Dernière question: pourquoi les causes de la crise telles qu'elles sont présentées aux Français par ces personnalités invitées sont-elles souvent le signe d'une profonde incompréhension de la réalité économique ? S'agit-il seulement de leur part d'ignorance? C'est possible pour un certain nombre d'entre eux, mais pas pour tous. Ceux qui détiennent ce pouvoir de décision nous laissent le choix entre écouter des ignorants ou des trompeurs.

 

Maurice Allais.

 


 

(1) l'Europe en crise. Que faire?,

Éditions Clément Juglar, Paris, 2005.

(2) Notamment: la Crise mondiale aujourd'hui, éditions Clément Juglar, 1999, et la Mondialisation, la destruction des emplois et de la croissance: l'évidence empirique, éditions Clément juglar, 1999,

 

Article Paru dans Marianne du 5 au 11 Décembre 2009

lundi, 28 décembre 2009

Banken in der Finanzkrise mit Drogengeldern gerettet

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Banken in der Finanzkrise mit Drogengeldern gerettet

F. William Engdahl / http://info.kopp-verlag.de/

Ein für die Drogenbekämpfung zuständiger hoher Vertreter der Vereinten Nationen hat öffentlich erklärt, ihm lägen Hinweise dafür vor, dass bei der jüngsten Finanzkrise mehrere große Banken mit Milliardenbeträgen aus illegalen Drogengeschäften »gerettet« worden seien. Dies ist nur die Spitze des Eisbergs der Geldwäsche durch Banken, in die einige der größten Banken der Welt – darunter öffentlichen Untersuchungen zufolge nicht zuletzt die »Citigroup« in New York verwickelt – sind.

Antonio Maria Costa, dem Chef des UN-Büros für Drogen- und Verbrechensbekämpfung, liegen nach eigenem Bekunden Hinweise darauf vor, dass die Einnahmen des organisierten Verbrechens das »einzig flüssige Kapital« war, das einigen Banken, die in der Krise nach dem Zusammenbruch von Lehman Brothers im September 2008 ebenfalls auf der Kippe standen, noch zur Verfügung gestanden hätte. Laut Costa ist der größte Teil der Profite aus dem Drogengeschäft in das Wirtschaftssystem eingeschleust worden – er wurde also von den größten Banken praktisch gewaschen.

Dieses ungewöhnliche öffentliche Eingeständnis wirft ein Schlaglicht auf den Kern des weltweiten Drogengeschäfts. Ohne das passive oder aktive Einverständnis der großen internationalen Banken wie der Citigroup, der einstmals größten Bank der Welt, wären die auf eine Billion Dollar geschätzten Gewinne aus dem weltweiten Drogengeschäft so gut wie wertlos.

In seinem Büro in Wien berichtete Costa der britischen Zeitung Observer, vor etwa 18 Monaten hätten ihn Geheimdienste und Staatsanwälte darauf aufmerksam gemacht, dass illegale Gelder in das Finanzsystem eingeschleust würden. »In vielen Fällen war das Drogengeld das einzig verfügbare liquide Investitionskapital. In der zweiten Jahreshälfte 2008 war die mangelnde Liquidität das Hauptproblem des Bankensystems, deshalb wurde flüssiges Kapital zu einem wichtigen Faktor«, so Costa.

Einige Hinweise, die seinem Büro vorlägen, deuteten darauf hin, dass Bandengelder eingesetzt wurden, um einige Banken vor dem Zusammenbruch zu bewahren, als der Kreditfluss plötzlich versiegte.

»Interbankkredite wurden mit Geldern aus dem Drogenhandel und anderen illegalen Geschäften finanziert … Es gibt Hinweise dafür, dass einige Banken auf diese Weise gerettet wurden.« Costa wollte keine Länder oder Namen benennen, die möglicherweise Drogengeld erhalten hatten, dies sei »unangemessen«, denn die Aufgabe seines Büros bestehe in der Bekämpfung des Problems und nicht in Schuldzuweisungen. Allerdings sei das Geld, wie er sagte, jetzt Bestandteil des offiziellen Systems und sei praktisch gewaschen worden.

Das Nervenzentrum des weltweiten Drogenhandels ist ein Bankensystem, das die Gelder wäscht.

»Es war in dem Moment [im vergangenen Jahr], als das System praktisch zum Erliegen gekommen war, weil die Banken nicht mehr bereit waren, sich untereinander noch Geld zu leihen. Da das System wieder zunehmend liquide geworden ist und dementsprechend die Aktienpreise wieder gestiegen sind, wiegt das Problem illegalen Geldes heute nicht mehr so schwer wie zuvor«, sagte Costa.

Nach Schätzungen des IWF haben Großbanken in den USA und Europa zwischen Januar 2007 und September 2009 durch toxische Wertpapiere und faule Kredite über eine Billion Dollar verloren, über 200 Hypothekenbanken sind mittlerweile bankrott. Viele große Institute sind untergegangen, wurden zwangsweise aufgekauft oder von der Regierung übernommen.

Weltweit agierende Verbrecherbanden machen den Großteil ihres Gewinns mit dem Drogenhandel, dessen Umfang die UN auf 352 Milliarden britische Pfund pro Jahr schätzt. Andere Schätzungen gehen eher in die Richtung von einer Billion Dollar. Der Guardian berichtet, die Erkenntnisse, wonach »Drogengelder in die Banken geflossen sind, stammten aus Großbritannien, der Schweiz, Italien und den USA«.

Ein Sprecher des Britischen Bankenvereins dementierte die Verbindung zu Drogen mit den Worten: »Wir waren an keinen Regulierungsgesprächen beteiligt, die eine solche Theorie  bestätigen würden. Im System mangelte es an Liquidität, was durch das Eingreifen der Zentralbanken weitgehend behoben worden ist.«

Ben Bernanke, der Chef der amerikanischen Federal Reserve, hat sich trotz entsprechender Forderungen aus dem US-Kongress und der Öffentlichkeit wiederholt geweigert, Einzelheiten über das Rettungspaket der Fed seit Ausbruch der Krise im August 2007 bekannt zu geben.

 

Mittwoch, 23.12.2009

Kategorie: Geostrategie, Enthüllungen, Wirtschaft & Finanzen

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dimanche, 27 décembre 2009

La fallacieuse théorie du libre échange et la diabolisation du protectionnisme

539w.jpgLa fallacieuse théorie du libre échange et la diabolisation du protectionnisme

Avec l’aimable autorisation de Polémia [1].

Le modèle de la théorie des coûts comparés de Ricardo, décrit en 1817, dans son ouvrage On the principles of Political Economy repose sur une hypothèse essentielle, à savoir que la structure des coûts comparatifs dans les divers pays reste invariable au cours du temps. Or, il n’en est ainsi que dans le cas des ressources naturelles. Ainsi, par rapport à l’Europe occidentale, les pays producteurs de pétrole disposent d’un avantage comparatif qui restera le même dans un avenir prévisible. De même, les produits tropicaux ont un avantage comparatif qui ne saurait disparaître.

La théorie des coûts comparés est fondée sur l’immobilité des facteurs de production

En revanche, dans le domaine industriel, aucun avantage comparatif ne saurait être considéré comme permanent. Chaque pays aspire légitimement à rendre ses industries plus efficaces et il est souhaitable qu’il puisse y réussir. Il résulte de là que l’arrêt de certaines activités dans un pays développé, en raison des désavantages relatifs d’aujourd’hui, pourra se révéler demain complètement stupide, dès lors que ces désavantages relatifs disparaîtront. Il faudrait alors rétablir ces industries, mais entre-temps on aura perdu le savoir-faire.

Voir : Les théories de la mondialité par Gérard Dussouy
http://www.polemia.com/article.php?id=2347 [2]

La théorie de Ricardo ne vaut que dans un monde stable et figé. Elle n’est pas valable dans un monde dynamique, où les fonctions de production et les salaires évoluent au cours du temps, où les capitaux peuvent se déplacer librement et où les industries peuvent être délocalisées.

Selon la théorie de Ricardo, le libre échange n’est justifié que si les taux de change correspondent à l’équilibre des balances commerciales. Or, c’est l’importance des flux financiers spéculatifs et des mouvements de capitaux qui expliquent l’extraordinaire instabilité des cours du dollar, du yen ou de l’euro. La prétendue régulation par les taux de change flottants des balances commerciales n’a donc aucune signification aujourd’hui.

Or capital et main d’œuvre sont de plus en plus mobiles

De tous les dogmes économiques, le libre-échange est celui sur lequel les néo-libéraux sont le plus intraitables. Formulé il y a presque deux siècles dans le contexte théorique de l’immobilité des facteurs de production (capital et travail) et de la division internationale du travail, il est toujours présenté comme le nec plus ultra de la modernité, et comme la recette du développement et de la croissance. Ses hérauts ont réussi le tour de force de le pérenniser dans un contexte exactement contraire à celui de sa conception : aujourd’hui, le capital ne connaît plus aucune entrave à sa circulation internationale et la main d’œuvre devient, elle aussi, de plus en plus mobile. Quant à la division internationale du travail, elle appartient au passé, avec la multiplication des entreprises mettant en œuvre des technologies de pointe dans les pays à bas salaires. L’économie mondiale est devenue un bateau ivre, sans gouvernail.

La réalité disqualifie intellectuellement le libre-échangisme

Voilà qui devrait disqualifier intellectuellement le libre-échangisme. Il n’en est rien. Il constitue, bien au contraire, le soubassement même de l’Union européenne, qui fait de la libre circulation des capitaux, des biens et des services trois de ses libertés fondamentales, la quatrième étant celle de la circulation des personnes.
Il est assez cocasse de remarquer que les Américains eux-mêmes, en la personne de Paul Volcker, ancien Président de la Federal Reserve Bank, dans un livre commun avec Toyoo Gyothen, ancien Ministre des Finances au Japon, ont reconnu que la théorie des avantages comparatifs perdait toute signification lorsque les taux de change pouvaient varier de 50% ou même davantage (1). Une forte dévaluation du dollar de 20% ou plus qui équivaut à une barrière douanière protectrice pour les pays qui appartiennent à la zone dollar est un énorme coup de canif aux principes du libre échange..

Friedrich List (1789 - 1846) économiste et théoricien du protectionnisme

De Friedrich List à Paul Bairoch

Friedrich List, en 1840, expliqua qu’il fallait protéger les industries naissantes en Allemagne face à la concurrence sans merci des pays industriels les plus avancés : « Toute nation qui, par des tarifs douaniers protecteurs et des restrictions sur la navigation, a élevé sa puissance manufacturière et navale à un degré de développement tel qu’aucune autre nation n’est en mesure de soutenir une concurrence libre avec elle ne peut rien faire de plus judicieux que de larguer ces échelles qui ont fait sa grandeur, de prêcher aux autres nations les bénéfices du libre échange, et de déclarer sur le ton d’un pénitent qu’elle s’était jusqu’alors fourvoyée dans les chemins de l’erreur et qu’elle a maintenant, pour la première fois réussi à dénouer la vérité ».

Paul Bairoch, professeur à l’Université de Genève, a également montré que la croissance économique dans la période 1870-1940, fut largement liée au protectionnisme. Paul Bairoch a publié, en 1994, une étude sur les Mythes et Paradoxes de l’histoire économique (2). Il écrit : « On aurait du mal à trouver des exemples de faits en contradiction plus flagrante avec la théorie dominante qui veut que le protectionnisme ait un impact négatif, tout au moins dans l’histoire économique du XIXe siècle. Le protectionnisme a toujours coïncidé dans le temps avec l’industrialisation et le développement économique, s’il n’en est pas à l’origine. » Bairoch montre notamment que le protectionnisme ne fut pas la cause, mais bien la conséquence du krach de Wall Street en octobre 1929. A partir de séries statistiques s’étalant de 1800 à 1990, il explique que le monde développé du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, à l’exception de quelques brèves périodes, tira son expansion économique de politiques très majoritairement protectionnistes, mais que, en revanche, il imposa le libéralisme aux pays qui allaient devenir le tiers monde, à l’Inde en particulier. Ni le Royaume-Uni, ni la France, ni la Corée, ni le Japon, ni la Prusse n’ont acquis leur puissance industrielle en respectant la loi des avantages comparatifs de David Ricardo.

La croissance dopée par les droits de douane

Cette approche a même donné naissance au « paradoxe de la croissance dopée par les droits de douane » (Tariff-growth paradox). Il est en effet établi, pour le XIXe siècle comme pour une bonne partie du XXe siècle, que la croissance est en relation inverse avec le degré d’ouverture du commerce international (3).

Les « nouveaux pays industrialisés » d’Asie démontrent également l’importance du protectionnisme. Une étude, publiée par l’université Harvard, souligne qu’il peut, tout autant que le libre-échange, générer une forte croissance économique (4). Ainsi, alors que le discours dominant du journalisme économique proclame depuis deux décennies que le protectionnisme est le mal absolu, les travaux scientifiques les plus récents aboutissent à un résultat inverse. Il y a donc discordance entre les discours économiques médiatiques et le discours scientifique.

Droits de douane et protection de l’environnement

Par ailleurs la libéralisation des échanges est loin de produire les gains espérés (5). Elle engendre des coûts qui ne sont pas pris en compte dans les modèles utilisés par les organisations internationales. Son bilan économique, hors même tout jugement social, est bien plus sombre qu’on ne l’affirme. Les droits de douane par exemple contribuent à défendre l’environnement en diminuant les quantités de CO2 engendrées par les périples de la mondialisation. Avant de venir garnir les linéaires des grandes surfaces en Écosse, les crevettes « pêchées in Scotland » de la société Young’s Sea Food effectuent 27000 km aller retour avec le Bengla Desh pour être simplement décortiquées dans ce pays à bas coût de main d’œuvre ! (6)

Les États-Unis, une nation longtemps protectionniste…

Si l’on regarde l’histoire économique des États-Unis, depuis leur création, il n’y a pas eu de nation plus protectionniste que les États-Unis ! On a dit d’Alexander Hamilton, dès la création des États-Unis, qu’il était un autre Colbert. La guerre de sécession opposait le Nord industriel protectionniste au Sud agricole libre-échangiste (7). Le paroxysme du protectionnisme fut atteint en 1930 avec la loi Smoot-Hawley qui imposait des droits de douane record aux importations. De leur origine jusqu’aux années 1930, les États-Unis pratiquèrent donc un protectionnisme virulent avec des tarifs douaniers de l’ordre de 50% ; c’est avec cette stratégie qu’ils connurent le taux de croissance le plus élevé du monde et accédèrent au leadership mondial.

…Devenue libre-échangiste en 1945

Ce n’est que depuis 1945, sous la pression des Etats-Unis y trouvant leur intérêt, qu’une véritable pensée unique s’est mise en place : seul le libre échange absolu serait conforme à la rationalité économique. Toute autre analyse relève d’une pensée pré-scientifique et ne peut que susciter la commisération des gens compétents (8). Par ailleurs le pays qui s’est fait le soudain héraut du libre-échange le bafoue sans vergogne s’il n’y trouve plus avantage. Il y a fort à parier, avec une balance commerciale déjà déficitaire en 2006 de 763 milliards de dollars dont 232 milliards de dollars avec la Chine, que les mesures protectionnistes du Congrès américain vis-à-vis des importations chinoises vont se multiplier et prendre de plus en plus d’ampleur, malgré les digues de l’OMC.

Les Européens, en tant que consommateurs, peuvent acheter des produits de Chine ou d’Inde meilleur marché. Mais pour ces consommateurs, la contrepartie réelle de ces importations à bas prix est finalement la perte et la précarité de leur emploi ou la baisse de leurs salaires, ainsi que des prélèvements accrus pour couvrir le coût social du chômage. Les importations de biens de consommation en Europe augmentent d’une façon structurelle plus vite que les productions nationales menant le plus souvent à leur disparition.
Vers un protectionnisme européen ?
Emmanuel Todd a donc entièrement raison lorsqu’il a pu dire en décembre 2006 : « Je suis arrivé à la conclusion, il y a quelques années, que le protectionnisme était la seule conception possible et, dans un second temps, que la seule bonne échelle d’application du protectionnisme était l’Europe ». Mais là encore les médias et les moutons de panurge européens attendent que les États-Unis virent de bord à nouveau vers le protectionnisme, pour avoir enfin bonne conscience, voir les réalités en face et proclamer avec force leurs nouvelles certitudes d’une préférence communautaire qu’ils n’osent même pas évoquer à l’heure actuelle ! La forteresse Europe ne semble pouvoir être construite qu’à la remorque de « Fortress USA ». Ulysses Grant, Président des États-Unis de 1868 à 1876, a pu dire, avec un grand sentiment prémonitoire : « Pendant des siècles, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, Messieurs, la connaissance que j’ai de notre pays me conduit à penser que dans moins de deux cent ans, lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera le libre échange ».

En finir avec les bobards libre-échangistes !

Alors que cela est inexact, un très grand nombre d’Européens, crétinisés par les lieux communs médiatiques, établissent très souvent la comparaison avec la ligne Maginot, croyant ainsi mettre brillamment et très rapidement un terme aux discussions avec leur interlocuteur, essayant de lui faire comprendre que la messe est dite ! Or, à la réflexion, la ligne Maginot en mai 1940 a parfaitement joué son rôle, car la seule véritable erreur a été de faire sur le plan militaire le même pêché de naïveté qu’aujourd’hui sur le plan économique, à savoir de respecter la neutralité de la Belgique, tout comme l’on respecte aujourd’hui les bobards libre-échangistes, et de ne pas en achever la construction jusqu’à Dunkerque, dont l’équivalent économique actuel serait le rétablissement de la préférence communautaire ! L’Allemagne avait aussi sa ligne Maginot, la ligne Siegfried, qui a parfaitement joué son rôle fin 1944- début 1945 !

Marc Rousset – 15/12/2009 – Auteur de la Nouvelle Europe Paris Berlin Moscou, Godefroy de Bouillon, 538 p., 2009

Notes :
1) Paul Volcker et Toyoo Gyohten – Changing Fortunes – NY, Random House-1992-p293
2) Paul Bairoch – Mythes et Paradoxes de l’histoire économique – Editions La découverte, 1994, p.80
3) Kevin H. O’Rourke – Tariffs and growth in the late 19th century – Economic Journal, vol.110, n°3, Londres, avril 2000
4) Michael A. Clemens et Jeffrey G. Williamson – A tariff-growth paradox ? Protection’s impact in the world around 1875-1997 – Center for International Development – Université Harvard- Cambridge-Mass-août 2001
5) Franck Ackerman – The shrinking gains from trade : a critical assessment of Doha round projections – Global Development and Environment Institute – document de travail n° 05-01, Université Tufts-Medford (Mass)- octobre 2005
6) Thierry Fabre – L’incroyable parcours des produits « made in monde » – Capital – Mars 2007, pp 76-79
7) André Philip – Histoire des faits économiques et sociaux – Aubier-1963 – pp 142 – 146
8) Marc Rousset – Les Euroricains – Chapitre XX – Non au libre échange mondialiste – Godefroy de Bouillon -2001- pp.186 – 199


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[1] Polémia: http://www.polemia.com/

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vendredi, 18 décembre 2009

Distributisme in de 21ste eeuw

distributism2.JPGDistributisme in de 21ste eeuw

Een interessante tekst voor zij die eens buiten het liberale of marxistische kader willen stappen:

http://www.humanitarianchronicle.com/2008/12/distributism-for-the-21st-century/

After more than a century, attempts to apply Capitalism and Socialism have met with the same disastrous outcome. A select group possesses everything while the majority is either bound to stale and declining wages, or worse, they slide from poverty to destitution. One model achieves this by appealing to individualism, while the other to collectivism. Yet for all their superficial differences, Capitalism and Socialism have much in common. Both bar the laborer, who produces the goods of society, from the means of production. Both discount the role of justice, restrict true freedom, and consolidate power. Both take for granted the materialism of man to the exclusion of his eternal soul.

Due to growing discontentment with these systems, people are turning to alternatives in the hopes of solving our financial dilemmas. A rising popular philosophy involves nurturing individual initiative and social responsibility, while using the resources of the local marketplace to challenge our current shift towards globalization. It steers town and country in the direction of the small shop instead of the multinational business, invests in local farming, and small-scale technology. Most importantly, it evaluates economic practices by how well they serve the family, subordinating material development to their spiritual growth, because production is made for man, not the other way around.

The name of this movement is Distributism.

In the early twentieth-century, Christian writers G.K. Chesterton and Hilaire Belloc, influenced by the first Catholic social encyclical Rerum Novarum (On the Condition of Workers, issued in 1891), created a social and economic theory they coined Distributism in an attempt to put this groundbreaking text to work. Writing in response to the social injustices suffered by working families—due to the upheaval of the Industrial Revolution—Pope Leo XIII published this document addressing the conditions related to work and capital.

A living wage, the Roman Pontiff declared, is necessary so that employees might support their families and practice thrift. Income is for the ownership of the supreme stabilizing instrument for the family: the foundation of property. “If working people can be encouraged to look forward to obtaining a share in the land, the consequence will be that the gulf between vast wealth and sheer poverty will be bridged over, and the respective classes will be brought nearer to one another.” (Rerum Novarum §47)

Voor de rest van de tekst verwijs ik naar bovenstaande verwijzing.

11 december 2009 Geplaatst door Yves Pernet

00:10 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, alternative, distributisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 15 décembre 2009

Et si on écoutait Maurice Allais?

allaisepe.jpgEt si on écoutait Maurice Allais ?

L’hebdomadaire Marianne vient de publier dans son dernier numéro (5 au 11 décembre 2009) un document signé Maurice Allais, prix Nobel d’économie, et intitulé Lettre aux Français. Alors que nous traversons une crise importante, le seul Français Prix Nobel d’économie n’est jamais sollicité pour donner à ses concitoyens ses explications des phénomènes dramatiques que nous vivons. Ce sujet est l’objet de la dernière partie de cette Lettre aux Français qui mérite d’être lue crayon en main.

Sur le silence des médias français à son encontre, Maurice Allais s’interroge. Il constate, comme nous pouvons le faire, que ceux qui n’avaient pas vu venir la crise et qui défendaient le système en place avant le déclenchement de celle-ci, sont toujours là, à nous expliquer les raisons de ce bouleversement économique et financier et les moyens à mettre en œuvre pour en sortir. Ce constat pousse le Prix Nobel à se demander quel lien existe entre les grands médias et les « intérêts qui souhaitent que l’ordre économique actuel, qui fonctionne à leur avantage, perdure tel qu’il est. Parmi eux se trouvent en particulier les multinationales qui sont les principales bénéficiaires, avec les milieux boursiers et bancaires, d’un mécanisme économique qui les enrichit, tandis qu’il appauvrit la majorité de la population française mais aussi mondiale ». D’où les trois questions que pose Maurice Allais :

1°) « quelle est la liberté véritable des grands médias ?» ;

2°) « qui détient le pouvoir de décider qu’un expert est ou non autorisé à exprimer un libre commentaire dans la presse ? » ;

3°) « pourquoi les causes de la crise (…) sont-elles souvent le signe d’une profonde incompréhension de la réalité économique ? ».

Les fondements de la crise, Maurice Allais en voit deux. Cette analyse forme la partie principale de son intervention. La principale cause de la crise économique se trouve selon lui dans l’organisation mondiale du commerce ; la seconde étant le système bancaire. À ce titre, il stigmatise la récente dénonciation du G20 stipulant que le « protectionnisme » est dangereux et à bannir. Pour Allais, le protectionnisme est au contraire vertueux à condition qu’il s’exerce « entre pays de niveaux de vie très différents ». Il est alors « non seulement justifié, mais absolument nécessaire ». Au contraire, le protectionnisme entre pays à salaire comparable « n’est pas souhaitable en général ». Pour Maurice Allais, le chômage actuel « est dû à cette libéralisation totale du commerce » qui considère « les échanges comme un objectif en soi alors qu’ils ne sont que des moyens ». Partant donc du constat que « du chômage résultent des délocalisations elles-mêmes dues aux trop grandes différences de salaire » il préconise« de rétablir une légitime protection » à travers la recréation d’espaces régionaux économiques et sociaux homogènes, soit au sein des pays dits riches ou du côté des pays en voie de développement. Avec de telles régions, ces pays, en effet, pourraient développer « un marché interne suffisamment vaste pour soutenir leur production, mais suffisamment équilibré aussi pour que la concurrence interne ne repose pas uniquement sur le maintien des salaires bas ».

Au début de son article, Maurice Allais se définit à la fois comme socialiste et libéral ; socialiste par souci de « l’équité de la redistribution des richesses » et libéral par souci « de l’efficacité de la production de cette même richesse ». Les mots ne prennent pas en compte toute la réalité du problème, socialisme et libéralisme trouvant des racines communes dans le matérialisme. Mais ils expriment bien une certaine orientation, une certaine ambition, qui consistent à refuser l’étatisme mais à ne pas se désintéresser de la justice sociale et à désirer l’efficacité économique dans la mesure où elle peut servir au plus grand nombre.

Sans forcément partager toutes ses opinions, il est clair que l’on aurait intérêt à lire et à entendre aujourd’hui Maurice Allais. Il est âgé de 98 ans. N’attendons pas qu’il soit trop tard…

Pour aller plus loin, un site consacré à Maurice Allais : ICI [1].

Source : Caelum et Terra [2]


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[1] ICI: http://allais.maurice.free.fr/

[2] Caelum et Terra: http://caelumetterra.hautetfort.com/archive/2009/12/09/et-si-on-ecoutait-maurice-allais.html

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dimanche, 13 décembre 2009

"The Web of Debt"

Brown_Web_of_Debt_1.jpgThe Web of Debt

Inleiding

De huidige financiële crisis is niet uit de lucht komen vallen. Het is slechts een samenkomst van meerdere factoren die nu eindelijk hun hoogtepunt bereiken. Dat bankiers reeds lang het financiële systeem manipuleren om daar zelf ongewoon grote winsten uit te slaan, is een publiek geheim. Maar wat mensen minder weten, is dat dit al eeuwenlang bezig is op een schaal die ongezien is. In het boek “The Web of Debt” gaat Ellen Hodgson Brown dieper in op de manipulatie van de geldstromen door de bankiers.

Speculatie doorheen de eeuwen

In een goede 530 bladzijden geeft Ellen Brown een verbazingwekkend duidelijke geschiedenis van de manipulatie van het financiële en monetaire systeem. De nadruk ligt vaak op de evolutie van het bankwezen in de V.S.A., wat echter ons Europeanen niet mag tegenhouden om ons ook in deze materie te interesseren. In deze geglobaliseerde wereld, gedomineerd door het financiële en militair-industriële apparaat van de V.S.A. is het altijd handig om te weten hoe de dingen werken in het centrum van de macht. Ellen Brown geeft een duidelijk overzicht hoe bankiers reeds in het verleden probeerden om misbruik te maken van crisissituaties om enorme winsten te slaan. Zo boden allerlei machtige bankiers van de Eastern Banks aan het begin van de Amerikaanse Burgeroorlog aan Lincoln aan om een lening te geven van 150 miljoen dollar. De keerzijde hiervan was echter dat dit aan een woekerrente was van 24% tot 36%. Hier wordt ook een eerste alternatief gegeven voor het huidige systeem: een monetair beleid van “Greenbacks”. Hierbij zou geld niet langer gebaseerd worden op goud of op speculatie, maar op een economische realiteit. Een Greenback zou immers een bepaalde economische realiteit weerspiegelen.

Ook worden bepaalde “klassiekers” in de wereldwijde financiële zwendel besproken. De speculaties van de beruchte Rotschild-familie in de financiële wereld, de akkoorden van Bretton Woods (die de Europese munten vastketenden aan de dollar), het Akkoord van Washington (dat de facto ervoor leidde dat onze munten nu enkel op speculatie zijn gebaseerd) etc… Zeker ook lezenswaardig is het stuk waarin gesproken wordt over de plannen van sommigen om een soort wereldmunt te creëren via de Speciale Trekkingsrechten (Special Drawing Rights). Dit zou echter de facto neerkomen op een wereldbank die naar hartelust geld zou kunnen bijdrukken. De hyperinflatie van Duitsland in het Interbellum (waarbij men letterlijk een kruiwagen geld nodig had om een brood te kopen) zou dan nog maar klein bier vergeleken zijn met de mogelijke financiële rampen die zouden kunnen ontstaan door het invoeren van deze Speciale Trekkingsrechten.

Een oplossing?

Het laatste gedeelte van het boek wordt gewijd aan het bespreken van alternatieven voor het huidige systeem. Waar het boek in de vorige hoofdstukken nog een goede bespreking en analyse geeft van het huidige systeem, en hoe het tot stand is gekomen, is dit hoofdstuk helaas gekenmerkt door een idealistische, en bij momenten niet echt enorm doordachte, visie op geld. Tegenover het beleid van het oneindig bijdrukken van geld om de stijgende kosten via inflatie proberen op te lossen, stelt Ellen Brown helaas hetzelfde systeem voor. Maar dan met meer macht voor de staat i.p.v. de bankiers. Als nationalisten zouden wij dan ook veel beter nadenken in de richting van een Europese versie van Greenbacks. Maar los van dit laatste deel is dit boek zeker aan dikke aanrader. De analyse die wordt gemaakt is zeker bruikbaar door ons solidaristische volksnationalisten om te kijken waar het probleem is ontstaan en hoe het zich verspreid heeft. We zullen een andere oplossing moeten bedenken dan Ellen Brown, maar om dat te kunnen doen moeten we eerst het probleem begrijpen. En daar is dit boek meer dan geschikt voor. Wel nog even vermelden dat dit boek zover ik weet enkel in het Engels verkrijgbaar is. Via amazon.co.uk kan je het alvast zonder probleem bestellen.

Yves Pernet

BROWN, E., “The Web of Debt”, Third Millenium Press, Baton Rouge, 2008

Bovenstaand artikel komt uit het themanummer van Revolte over de financiële crisis.

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