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jeudi, 17 mars 2011

Vintur, le dieu lumineux des montagnes provençales

 

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Vintur, le dieu lumineux des montagnes provençales

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Le nom Vintur, présent uniquement en Provence, apparaît sur trois inscriptions votives datant du IIe siècle. La première a été découverte au XVIIIe siècle, à Mirabel-aux-Baronnies, dans la Drôme, sur le site de Notre-Dame de Beaulieu, par Esprit Calvet. Elle indique VENTVRI/CADIENSES/VSLM (1). La deuxième a été relevée à Apt, dans le Vaucluse, en 1700, par Joseph-François de Rémerville, qui nota : VENTVRI/VSLM/M.VIBIVUS (2). La troisième enfin, fut exhumée, également dans le Vaucluse, lors de fouilles effectuées en 1993 à la Chapelle Saint-Véran, près de Goult : seul VINTVRI restait encore lisible sur un fragment (3). Une question se pose alors : qui était ce mystérieux Vintur, honoré par ces inscriptions ?

Apollon, le Bélénos gaulois

L’on peut lire dans La Provence antique de J.P. Clébert : « Il y a aussi des dieux des sommets comme le fameux Ventur, dieu du vent, qui a donné son nom au mont Ventoux, et à celui de la Sainte Victoire (Vencturus) et probablement dieu Mistral » (4). De même, Patrice Arcelin, dans un article du magazine Dossier Archeologia sur les « Croyances et les idées religieuses en Gaule méridionale », précise à propos des divinités associées aux montagnes : « Les sommets ont également été l’objet de dévotion. On connaît plusieurs noms de divinités qui leur sont liés : le dieu Vintur, d’après une dédicace de Mirabel (Drôme) pour le mont Ventoux : le même nom se retrouve à Buoux dans le Luberon » (5).

Comme souvent, le recours à l’étymologie permet d’éclaircir la question. C’est ainsi que Claude Sterckx explique : « Le théonyme Vintur(os) a été très peu étudié jusqu’à présent. L’alternance Vint/Vind apparaît bien attestée par la série de théonymes certainement apparentés : Vindios/Vintios-Vindonnod/Vintoros. Ils semblent tous basés sur l’adjectif gaulois Vindos : “ blanc, brillant, clair “ ». Interrogé par nos soins, Jean Haudry nous a précisé : « La présence de formes en vind- à côté des formes en vint- me semble favoriser le rattachement à l’adjectif vindos « blanc », mais le flottement entre t et d est surprenant: les diverses formes qui se attachent à vindos ont toujours nd. D’autre part, je ne connais pas de formes en -ur- à côté de formes en -o-. L’étymologie de vindos est incertaine : le rattachement habituel à *weyd- « savoir », « trouver » n’est pas très bon pour le sens, le rattachement à *sweyd- « briller » serait préférable de ce point de vue, mais le *s de cette racine n’est pas un *s- mobile ».

Pour sa part, Claude Sterckx conclut : « Vintur(os) serait donc à comprendre comme “le petit blanc“, “le petit lumineux“, et donc comme une épiclèse vraisemblablement de l’Apollon gaulois dont les autres désignations (Bélénos, Vindios, Albius) ont exactement le même sens (sans la finale hypocoristique) ». Avis partagé par tous ceux qui se sont penchés sur le cas Vintur.

Le théonyme celtique Bélénos est attesté dans l’ensemble du monde celtique continental, puisque des inscriptions ont été retrouvées en Gaule cisalpine et transalpine, en Illyrie et en Norique. Mais c’est dans le sud de la Gaule, en Provence, que son culte était prééminent. Dans son ouvrage de référence La Religion des Celtes, de Vries indique qu’il était à l’honneur surtout chez les Salyens, des Celto-ligures installés précisément en Provence. Le fait que Bélénos soit, selon l’interprétation romaine, le nom de l’Apollon gaulois, divinité « solaire », a fait comprendre cet appellatif comme « le lumineux, le brillant ». Ainsi, selon de Vries, « l’Apollon gaulois a, lui aussi, d’étroits rapports avec le soleil ; son surnom de Belenus suffirait à l’indiquer » (6). On étymologise ensuite par des racines indo-européennes imaginaires, *gwel-« briller ». En réalité, comme le démontre Xavier Delamarre dans son Dictionnaire de la langue gauloise, le théonyme Belenos vient tout simplement de *belo, *bello, « fort, puissant » (7).

Bélénos n’en est pas moins un dieu lumineux, dont les principales fonctions étaient la médecine et les arts. Il était honoré lors de la fête de Beltaine, qui marquait une rupture dans l’année, le passage de la saison sombre à la saison claire, lumineuse. Parmi ses surnoms plus spécifiquement gaulois, l’on remarque « Iovancocarus » (Juvent- : jeunesse), dieu rayonnant de jeunesse.

En Irlande, Bélénos s’appelait Oengus, le Mac-Oc, c’est à dire le « dieu jeune », décrit dans les récits médiévaux comme « un jeune guerrier monté sur un cheval blanc ». Le Mac-Oc irlandais se nomme Madon au Pays de Galles : les contes gallois insistent sur son caractère solaire, car il est décrit comme « un jeune guerrier monté sur un cheval blanc ». On peut aussi assimiler Bélénos au dieu médecin de la mythologie irlandaise, Diancecht.

Il faut aussi rapprocher Bélénos du dieu germanique Balder (vieil islandais Baldr), dieu de la jeunesse décrit dans l’Edda de Snorri Sturlusson, comme « si beau d’apparence et si clair qu’il en est lumineux ». Joseph Chérade Montbron soulignait, dès le XIXe siècle : « Il est probable que ce Balder est le même que le Belen ou Belenos qu’adoraient les Gaulois. Selon Rudbek, l’étymologie de Balder ou Belenos vient de Bella, se bien porter (…) De là Bol, Bold, Baal et Baldur, puissant, sain » (8). On retrouve là l’étymologie donnée par Xavier Delamarre.

En outre, Bélénos est assimilé à l’Apollon du panthéon classique gréco-romain, dieu du chant, de la musique et de la poésie, mais aussi des purifications et de la guérison. Revenant chaque année au printemps du pays des hyperboréens, situé à l’extrême nord, il était le dieu de la lumière. Sa fonction éminemment solaire est confirmée par ses surnoms : « le blond », « le dieu aux cheveux d’or », « Phoibos », c’est à dire « le brillant », dont les Romains firent Phébus. A en croire l’hymne homérique, Apollon « a l’apparence d’un astre qui luit en plein jour. Des feux sans nombre jaillissent de sa personne, l’éclat en va jusqu’au ciel ». Dieu guérisseur, il était nommé, en Grèce, « Apotropaïos », « celui qui éloigne les maladies » ; à Rome, un premier temple lui fut érigé à la suite d’une épidémie, en 443 av JC et y port le nom d’Apollo Medicus (9). Dans son interprétation romaine du panthéon gaulois, César qualifiait ainsi Bélénos : « Apolinem morbos depellerre », soit « ils croient qu’Apollon chasse les maladies » (10).

Sous le nom de Vintur, qui n’est qu’une épiclèse, c’est à dire une épithète par laquelle nos ancêtres désignaient le dieu dont le nom devait rester occulté, se cache donc le Bélénos gaulois, le Diancecht des Irlandais, l’Apollon des Grecs, l’Apollo Medicus des Romains.

Le Mont-Ventoux

J. Whatmough, dans The dialects of Ancient Gaul, suggère un apparentement entre le nom de Vintur et celui du Mont-Ventoux (11). Il est vrai qu’en Occitan provençal, Mont-Ventoux se dit Mont Ventor selon la norme classique ou Mount Ventour selon la norme mistralienne.

Dès 1904, dans les Annales de la société d’Etudes Provençales, C.M. Clerc écrivait : « Le vrai nom du Mont Ventoux, sur les cartes du XVIIIe s est, non pas Ventoux, mais Ventour. Ce nom dérive indubitablement du nom d’une divinité, Venturius, à laquelle sont dédiées deux inscriptions romaines tracées, l’une à Mirabel, près de Vaison, l’autre à Buoux, au nord du Luberon. Il n’est pas impossible que cette divinité ait été non seulement celle du Ventoux, mais la divinité générale des montagnes de toute la région provençale, divinité d’origine celte ou plutôt ligure. Ce nom dérive, sans doute d’une racine analogue au latin Ventus ».

Si le Ventoux doit bien son appellation à Vintur, celui-ci est nullement le dieu du vent ou du Mistral, ni un dieu local. En effet, il n’existe pas de divinités topiques dans la religion gauloise. Les Gaulois ne divinisaient pas leurs forêts, leurs fleuves ou leurs montagnes. Si le nom de Sequona est associé à la Seine, Matrona à la Marne ou Vosegos aux Vosges, c’est uniquement que ces lieux étaient consacrés à ces divinités et portaient leur nom…

Le sommet du Mont-Ventoux, enneigé tout au long de l’hiver, et recouvert de pierres blanches le reste de l’année, a été consacré à Vintur, le dieu solaire, « le blanc », « le brillant », « le lumineux », en raison de sa blancheur persistance. Quant à la célèbre source du Groseau, au pied du Ventoux, elle a été considérée comme salutaire car protégée par le dieu guérisseur Vintur.

La Sainte-Victoire

De nombreux érudits ont rapproché la toponymie du Mont-Ventoux avec celle d’un autre géant de Provence, tout aussi fameux : la Sainte-Victoire.

Passons rapidement sur la légende qui rattache l’appellation de la montagne à la victoire de Marius sur les Teutons, en 102 av JC. Elle remonte au XIXe s, et fut forgée de toutes pièces par quelques écrivains et journalistes locaux. Walter Scott, qui situe à la Sainte-Victoire un chapitre de son roman Charles Le Téméraire ou Anne de Geierstein, écrit en 1829, donne l’explication (?) suivante : « Le nom de la Montagne, écrit-il, avait été donné par suite d’une grande victoire qu’un général romain nommé Caio Mario avait remporté sur deux grandes armées de Sarrasins portant des noms ultramontains, probablement les Teutons et les Cimbres. En reconnaissance de cette victoire Caio Mario fit vœu de bâtir un monastère sur cette montagne et de le dédier à la Vierge Marie, en l’honneur de laquelle il avait été baptisé ». Défense de rire !

Pour redevenir sérieux, notons que le nom de Sainte-Victoire est inconnu dans les documents avant le XVIIe s.  Le terme de « Victoire » est mentionné pour la première fois en 1653, quand un bourgeois d’Aix-en-Provence, Honoré Lambert, fait le vœu, au cours d’une grave maladie, de restaurer la chapelle et l’ermitage situés au sommet de la montagne, sous le nom de « Notre-dame de la Victoire », et de s’y retirer pour se consacrer à une vie de prière et de contemplation. On ne sait pas si, avec un tel nom, il s’agit de commémorer la victoire de Louis XIII sur les Protestants, ou la bataille victorieuse de Lépante contre les Turcs, même si la première hypothèse semble la plus plausible.

Dans la période précédente, le nom de la montagne est « Venture » ou, sous une forme chrétienne, « Sainte-Venture » ou « Sainte-Adventure », cette appellation figurant encore sur des cartes du début du XVIIIe s, et il n’est question dans les textes que d’un chemin menant à Sainte Adventure (Itinere sancte Adventuro) en 1390, ou à Sainte-Venturie (Sancte Venturie) en 1345.

D’où l’hypothèse émise par Camille Jullian, en 1899, dans les colonnes de la Revue d’Etudes Anciennes : « Sainte-Victoire vient d’un mot celtique, ou ligure, comme Venturi, Venturius ou quelque chose d’approchant. Le nom même de la montagne n’a jamais été Victoria. Lorsqu’on trouve son nom sous sa vraie forme locale et provençale, elle s’appelle Venturi, du latin Ventur et Venturius comme le vrai nom et le nom primitif de Sainte-Victoire. Venturi, Ventoux, c’est tout un. Et dans le passé la distance entre ces deux mots diminue encore. Le Ventoux s’appelle dans les chartes Venturius, et à l’époque romaine, Vintur. Sainte-Victoire et le Ventoux ont donc porté, à l’origine, le même nom celtique ou ligure, nom fort approprié à des sommets d’où semblent partir nuages et vent ». Comme Camille jullian, Charles Rostaing et de nombreux érudits n’ont eu de cesse de rapprocher la toponymie de la montagne Sainte-Victoire de celle d’un autre sommet tout aussi célèbre : le Mont-Ventoux.

Par ailleurs, l’on retrouve en Provence d’autres toponymes dérivant du théonyme gaulois Vintur. Charles Rostaing cite l’exemple du village de Venterol, dans les Alpes de Haute Provence, dont le nom dérive, selon lui, du dieu gaulois. Hypothèse confirmée par le site de construction de l’ancien village : un piton à 1185 mètres d’altitude (12).

Jean-François Delfini, Grande Provence, hiver 2010, n°2.

NOTES

(1)  CIL 12, 1341.

(2)  CIL 12, 1104.

(3)  ILN 04, 143.

(4)  J.P. Clébert, La Provence antique, II, Robert Laffont, 1966.

(5)  Dossier Archeologia, juin 1979, n°35.

(6)  De Vries, La Religion des Celtes, Payot, 1962, 45.

(7)  X. Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Errance, 2001, p. 62.

(8)  J. Chérade Montbron, Les Scandinaves : poëme, Maradan, 1801, p. 522.

(9) Tite-Live, IV, 25.3 ; XL, 51.6.

(10) Jules César, De bello gallico, 6,7.2.

(11)  J. Whatmough, The dialects of Ancient Gaul, Cambridge, 1970, p. 117.

(12)  C. Rostaing, Essai sur la toponymie de la Provence (depuis les origines jusqu’aux invasions barbares), Laffitte reprints, Marseille, 1973, p. 295.

http://www.grandeprovence.fr/

samedi, 29 janvier 2011

Celtic Woman - Caledonia by Lady Avalonya

Celtic Woman

Caledonia by Lady Avalonya

vendredi, 28 janvier 2011

Riverdance: Irish Tap Dancing (2007)

Riverdance:

Irish Tap Dancing (2007)

vendredi, 15 octobre 2010

Noi, Celti e Longobardi

Michele Fabbri:

Noi, Celti e Longobardi

http://www.centrostudilaruna.it/

Nel 1997 Gualtiero Ciola pubblicava un’opera, poi ristampata, che costituiva un originale punto di riferimento per un’adeguata considerazione delle origini etniche dei popoli italiani. Nel suo corposo studio Noi, Celti e Longobardi, Ciola analizza le testimonianze archeologiche e linguistiche che hanno segnato il territorio della penisola italica, fornendo utili indicazioni per seguire nuovi percorsi di ricerca.

Il libro di Ciola è un’opera dal carattere decisamente militante che vuole mostrare le tracce lasciate, soprattutto nei territori settentrionali della penisola, da popolazioni di origine celtica e germanica. Si tratta quindi di un testo particolarmente importante per favorire la ricostituzione di una coscienza identitaria dei popoli padani. Infatti la classe dirigente italiana, soprattutto nell’ultimo mezzo secolo, ha utilizzato massicci flussi migratori di meridionali e di extracomunitari con l’intento di sottoporre la Padania a un processo di denordizzazione che rischia di cancellarne per sempre l’identità etnica.

In una vera e propria controstoria dell’Italia etnica, Ciola col suo libro indica la via della liberazione dai tabù e dai pregiudizi che vengono inculcati dalla cultura di regime, particolarmente insistente nel contesto del mondialismo.

A partire dal secondo millennio a.C. si verifica l’irruzione nella penisola italica di genti ariane che segneranno in modo indelebile le culture del territorio, sebbene a macchia di leopardo, come Ciola mostra nel suo libro. La differenza più evidente fra i nuovi venuti e le popolazioni preesistenti è nel fatto che gli Indoeuropei si caratterizzavano per i culti solari e patriarcali, mentre gli autoctoni celebravano culti matriarcali riferiti alla Madre Terra. Gli Etruschi sono probabilmente gli eredi dei culti matriarcali, anche se la civiltà etrusca fu di gran lunga la più avanzata fra quelle italiche delle origini, e assorbì elementi culturali di civiltà indoeuropee, soprattutto di quella greca.

L’espansione etrusca nella pianura padana venne subito fermata dai Celti che si affermarono in tutta la zona lasciando un vasto patrimonio di toponimi nonché di parole che sono arrivate fino all’italiano moderno. Ciola elenca in tavole apposite una lunga serie di lemmi di origine celtica, di cui i dialetti padani sono letteralmente infarciti. Proprio per cancellare queste tracce di cultura nordica la classe dirigente italiana ha sempre cercato di oscurare le culture dialettali, soprattutto settentrionali, sia col regime liberale, sia con quello fascista, soprattutto con quello democristiano, e ancora di più con l’attuale sistema mondialista. Assai più ampia tolleranza, invece, è stata mostrata verso i dialetti meridionali…

La parte nord-orientale della penisola era abitata dai Veneti, popolazione di origine indoeuropea che l’autore ritiene ascrivibile anch’essa all’ethnos celtico. Si tratta di una questione storiografica ancora dibattuta, sulla quale Ciola propone numerosi spunti di approfondimento.

Molte feste popolari sono chiaramente ispirate alle feste solstiziali celebrate dai Celti, e talune sono state cristianizzate, come la festa della Candelora, che originariamente era la festa della dea celtica Brigit.

Purtroppo in Italia è sempre esistito un malanimo anticeltico che risale ai tempi dei Romani e che si è perpetuato nel Risorgimento e nel fascismo, che hanno cercato di inculcare l’idea di un’Italia “schiava di Roma”: un dogma che ancora oggi viene propagandato dai governi italiani, con l’aggravante del mondialismo, di cui la classe politica è totalmente succube.

Un altro momento importante per la formazione delle identità etniche italiane è l’arrivo dei Germani col crollo dell’Impero Romano. L’invasione dei “Barbari” rappresenta un significativo apporto di sangue nordico nella penisola: i Germani si caratterizzavano per un solido senso della stirpe e per una più accentuata divisione in caste della società. Tuttavia nessuna tribù germanica riuscì a dare un assetto stabile al territorio, aprendo la strada alla riconquista bizantina e alla formazione del territorio pontificio.

L’invasione longobarda fu l’ultima occasione di instaurare un regno “nordico” in Italia. La questione, com’è noto, fu ampiamente dibattuta al tempo del Risorgimento, suscitando l’interesse anche di personalità importanti come Alessandro Manzoni. Sta di fatto che la strenua resistenza bizantina, la diplomazia papale e l’intromissione dei Franchi resero impossibile ai Longobardi la conquista dell’Italia.

Tuttavia l’apporto culturale longobardo ha lasciato tracce significative in numerosi vocaboli, nei toponimi, nonché nelle caratteristiche razziali soprattutto nel Nord Italia e in Toscana.

La diffusione dei Longobardi in Toscana ha dato origine anche a particolari teorie sul Rinascimento. Lo studioso tedesco Ludwig Woltmann sosteneva che il Rinascimento, che ebbe in Toscana la sua sede privilegiata, era un fenomeno essenzialmente nordico: un’aspirazione alla libertà e alla curiosità intellettuale che è molto meno sentita nelle culture mediterranee. In effetti l’arte toscana di quell’epoca presenta caratteri assai poco meridionali: simbolo del Rinascimento fiorentino sono le Grazie e la Venere del Botticelli, che hanno un aspetto decisamente ariano!

L’ultima parte del libro passa in rassegna tutte le regioni italiane delineandone la composizione etnica che è chiaramente celtico-germanica al Nord, con un consistente apporto celtico nelle Marche e con influenze umbre che, secondo Ciola, sono da far risalire a elementi proto-celtici. L’elemento etrusco è diffuso al Centro, ma in Toscana è frammisto a una consistente presenza longobarda. Nel Sud, invece, nonostante alcuni insediamenti longobardi e normanni, durarono a lungo le occupazioni musulmane, e ancor oggi prevalgono elementi di origine meridionale e levantina che determinano le tipiche caratteristiche psicorazziali della popolazione locale.

Il saggio di Ciola è opera di notevole erudizione, ricca di indicazioni che possono essere utili anche in ambito accademico, ma soprattutto è un invito a non dimenticare i valori delle culture nordiche che hanno segnato per tanti secoli la nostra civiltà: la sete di libertà, l’aspirazione alla giustizia, la fedeltà alla parola data, il coraggio, il senso dell’onore…

Si tratta di espressioni che rischiano di scomparire dal vocabolario, in un contesto come quello del mondialismo, dove dominano la menzogna, l’inganno, la truffa, il doppio gioco: gli ingredienti della società multicriminale.

Noi, Celti e Longobardi è un libro che ha il sapore di una boccata di aria fresca nell’ambiente asfittico della cultura ufficiale, e ha potenzialità dirompenti per la mentalità dominante, bigotta e conformista al di là di ogni ragionevole immaginazione.

* * *

Gualtiero Ciola, Noi, Celti e Longobardi, Edizioni Helvetia, Spinea (VE) 2008, pp.416, € 27,00.

vendredi, 17 septembre 2010

William Butler Yeats: A Poet for the West

William Butler Yeats: A Poet for the West

Vic OLVIR

william_butler_yeat_by_george_charles_beresford4.jpgIn saner times our great poets, writers, and philosophers expressed the feelings and ideas which came naturally from the race-soul. In these times those feelings and ideas are too “controversial” to be expressed freely, so where they cannot be suppressed outright, they are reinterpreted, obscured, and selectively anthologized by the alien arbiters of our culture. For no poet of our race has this been more true than for William Butler Yeats.

William Butler Yeats was probably the greatest poet of the modern age; T. S. Eliot acknowledged as much. His roots were deep in Ireland, but, withal, he embodied the questing spirit of the whole of Western culture.

It is impossible without writing a volume (or two) to render even a partial appreciation of his many-faceted life and work. He was born into the Irish Protestant tradition, of that line which included Swift, Burke, Grattan, Parnell. He was poet, playwright, guiding spirit of the famed Abbey Theatre, essayist, philoso­pher, statesman, mystic. But, as he once wrote, “The intellect of man is forced to choosePerfection of the life, or of the work” ["The Choice"], and it is primarily in his poetry that most people seek an understanding of his genius.

Some of his views confounded the mediocre, left-wing poets and intellectuals who sought him out in his later years. Unable, of course, to ignore him, they attempted to appropriate him as their own, much as Walter Kaufmann, a Jew, attempted to do with Friedrich Nietzsche some years later. Thus, many writings about Yeats totally ignore his more “controver­sial” ideas, or at best refer to them only obliquely.

For example, Yeats believed in reincarnation, not only in a poet’s way, as a dramatic symbol. but quite literally: the individual human spirit remained a part of the collective race-soul even after the body died, and as long as the race endured the individual spirit might re-emerge later in another body. In an early poem, written when he was about 24, we have:

“Ah, do not mourn,” he said,
‘That we are tired, for other loves await us;
Hate on and love through unrepining hours.
Before us lies eternity; our souls
Are love, and a continual farewell.

– “Ephemera”

And just a few months before his death in 1939 at age 73, with matured powers of creative expression:

Many times man lives and dies Between his two eternities,
That of race and that of soul,
And ancient Ireland knew it all.
Whether man die in his bed
Or the rifle knock him dead,
A brief parting from those dear
Is the worst man has to fear.
Though grave-diggers’ toil is long,
Sharp their spades, their muscles strong,
They but thrust their buried men
Back in the human mind again.

– “Under Ben Bulben”

Modern liberalism and democracy were anathema to Yeats’s aristocratic spirit. He was a good friend of Ezra Pound. He was associated for a time with the Irish Blueshirts, led by General O’Duffy, and he wrote some marching songs for them. He spoke of “Mussolini’s incomparable Fascisti” (although being the kind of man he was he recoiled somewhat from the demagogic elements of fascist movements).

He read widely and avidly on race, eugenics, Italian Fascism, and German National Socialism. On eugenics, according to his biographer, Yeats “spoke much of the necessity of the unification of the State under a small aristocratic order which would prevent the materially and spiritually uncreative families and individuals from prevailing over the creative.”[1] Eugenics, to Yeats, had both physical and spiritual aspects, It is touched upon in some of the poems. In “Under Ben Bulben” he wrote:

Poet and sculptor, do the work
Nor let the modish painter shirk
What his great forefathers did,
Bring the soul of man to God,
Make him fill the cradles right.

Irish poets, learn your trade,
Sing whatever is well made
Scorn the sort now growing up
All out of shape from toe to top,
Their unremembering hearts and heads
Base-born products of base beds.

A much earlier poem reads:

All things uncomely and broken, all things worn out and old,
The cry of a child by the roadway, the creak of a lumbering cart,
The heavy steps of the ploughman, splashing the wintry mould,
Are wronging your image that blossoms a rose in the deeps of my heart.

The wrong of unshapely things is a wrong too great to be told;
I hunger to build them anew and sit on a green knoll apart,
With the earth and the sky and the water, re-made, like a casket of gold.
For my dreams of your image that blossoms a rose in the deeps of my heart.

– “The Lover Tells of the Rose in His Heart”

Yeats did not write for scholars, but for the people, and schoolchildren throughout the English-speaking world are familiar with at least a few of his works–or, perhaps, just a line or a phrase from them. Many youngsters have recited in school this verse by the young Yeats:

Down by the salley gardens my love and I did meet;
She passed the salley gardens with little snow-white feet.
She bid me take love easy, as the leaves grow on the tree;
But I, being young and foolish, with her would not agree.

– “Down by the Salley Gardens”

Another favorite is ”The Lake Isle of Innisfree.” During his many tours of the United States, every American audience insisted he recite it for them:

I will arise and go now, and go to Innisfree,
And a small cabin build there, of clay and wattle made:
Nine bean-rows will I have there, a hive for the honeybee,
And live alone in the bee-loud glade.

Nearly as familiar is the stark vision of “The Second Coming”:

Turning and turning in the widening gyre
The falcon cannot hear the falconer;
Things fall apart; the centre cannot hold;
Mere anarchy is loosed upon the world,
The blood-dimmed tide is loosed, and everywhere
The ceremony of innocence is drowned;
The best lack all conviction, while the worst
Are full of passionate intensity.

Surely some revelation is at hand;
Surely the Second Coming is at hand.
The Second Coming! Hardly are those words out
When a vast image out of Spiritus Mundi
Troubles my sight: somewhere in the sands of the desert
A shape with lion body and the head of a man,
A gaze blank and pitiless as the sun,
Is moving its slow thighs, while all about it
Reel shadows of the indignant desert birds.
The darkness drops again; but now I know
That twenty centuries of stony sleep
Were vexed to nightmare by a rocking cradle,
And what rough beast, its hour come round at last,
Slouches toward Bethlehem to be born?

People with a liberal mind set have often quoted this last poem, but some do so with a certain amount of unease, and rightly. Accepting historical necessity, Yeats is not, as the American Jewish critic Harold Bloom pointed out, necessarily averse to this “rough beast.”[2]

Thus, liberal critics are never completely comfortable in the company of Yeats. In “Under Ben Bulben,” one of Yeats’s last poems and a general summary of his ideas, he writes:

You that Mitchel’s prayer have heard
“Send war in our time, O Lord!”
Know that when all words are said
And a man is fighting mad,
Something drops from eyes long blind,
He completes his partial mind,
For an instant stands at ease,
Laughs aloud, his heart at peace.
Even the wisest man grows tense
With some sort of violence
Before he can accomplish fate,
Know his work or choose his mate.

Bloom charged that Yeats “abused the Romantic tradition” in these lines. But Yeats would have shown Bloom the contempt he deserves; in one of Yeats’s letters we can read: “I am full of life and not too disturbed by the enemies I must make. This is the proposition on which I write: There is now overwhelming evidence that man stands between eternities, that of his family and that of his soul. I apply those beliefs to literature and politics and show the change they must make. . . . My belief must go into what I write, even if I estrange friends; some when they see my meaning set out in plain print will hate me for poems which they have thought meant nothing.”

Earlier Yeats had written of war, politics, and pleasant but self-defeating illusions. In “Nineteen Hundred and Nineteen” he surveyed both the halcyon pre-World War I years and the grim aftermath of war, civil war, and revolution:

We too had many pretty toys when young:
A law indifferent to blame or praise,
To bribe or threat; habits that made old wrong
Melt down, as it were wax in the sun’s rays;
Public opinion ripening for so long
We thought it would outlive all future days.
O what fine thoughts we had because we thought
That the worst rogues and rascals had died out. . . .

Now days are dragon-ridden, the nightmare
Rides upon sleep: a drunken soldiery
Can leave the mother, murdered at her door,
To crawl in her own blood, and go scot-free;
The night can sweat with terror as before
We pieced our thoughts into philosophy,
And planned to bring the world under a rule,
Who are but weasels fighting in a hole.

Yeats himself did not take an active part in the Irish civil war, and he may have felt a certain uneasiness about the physical side of the struggle:

An affable Irregular,
A heavily-built Falstaffian man,
Comes cracking jokes of civil war
As though to die by gunshot were
The finest play under the sun.

– “Meditations in Time of Civil War”

Yeats, it is true, spent much time contemplating and expressing himself on the great problems of the age and of the individual living in this age, but he never strayed far from whimsy. As typical of his poetry as anything he wrote is the neatly lyrical “To Anne Gregory,” addressed to the granddaughter of his friend and fellow playwright Lady Augusta Gregory:

“Never shall a young man,
Thrown into despair
By those great honey-colored
Ramparts at your ear,
Love you for yourself alone
And not your yellow hair:

“But I can get a hair-dye
And set such color there,
Brown, or black, or carrot,
That young men in despair
May love me for myself alone
And not my yellow hair.’

“I heard an old religious man
But yestemight declare
That he had found a text to prove
That only God, my dear,
Could love you for yourself alone
And not your yellow hair.”

I know of no English or American poet writing today who can approach even remotely Yeats’s lyrical power or his poetic shaping of strong and startling ideas. Most of today’s poets are professors of English or fine arts who grind out pedestrian or pretentious drivel, presumably for prestige within the academic commu­nity. And it is hardly conceivable that there are any campus publications, literary or otherwise, that would publish all of Yeats’s material were he writing today. What, for instance, would they do with these lines from “John Kinsella’s Lament For Mrs. Mary Moore”?:

Though stiff to strike a bargain,
Like an old Jew man,
Her bargain struck we laughed and talked
And emptied many a can . . . .

Perhaps Yeats was the culmination of that great, surging Romantic wave, now in recession.

Though the great song return no more
There’s keen delight in what we have:
The rattle of pebbles on the shore
Under the receding wave.

– “The Nineteenth Century and After”

Perhaps. And perhaps a revitalized and resurgent West can at least produce poets in the great tradition, who refuse to wallow in mud and make a career of destroying our language.

Sing the peasantry, and then
Hard-riding country gentlemen,
The holiness of monks, and after
Porter-drinkers randy laughter;
Sing the lords and ladies gay
That were beaten into the clay
Through seven heroic centuries;
Cast your mind on other days
That we in coming days may be
Still the indomitable Irishry.

– “Under Ben Bulben”

These lines also proved upsetting to Bloom, and understandably. Yeats here issues a clear tribal call for cultural unity by appealing to racial instinct and historical experience: blood and soil. A Jewish critic, who had never shared in the experience, but rather was steeped in another totally alien, and thus had no real comprehension of the soul-state from which the poet spoke, would, as a matter of course, feel hostile to such verse. Too bad for Bloom and his fellows that Yeats’s reputation is already established; they have now little other to do but to wring their hands and rend their garments in their studies.

William Butler Yeats: rooted in Ireland, a seeker in the Western tradition, a giant of our race and culture; like Nietzsche, a “conqueror of Time”; and, perchance, one of the heralds of the times to come:

O silver trumpets, be you lifted up
And cry to the great race that is to come.
Long-throated swans upon the waves of time,
Sing loudly, for beyond the wall of the world
That race may hear our music and awake.

– “The King’s Threshold”

Notes

[1] Joseph M. Hone, W. B. Yeats, 1865–1939 (1943).

[2] Harold Bloom, Yeats (1972).

vendredi, 18 juin 2010

38 ans après, la vérité sur "Bloody Sunday"

afficheBS.jpg38 ans après, la vérité sur "Bloody Sunday"

Source Le Point

via Yann Redekker

 

AFP. L'enquête publique sur "Bloody Sunday", qui désigne la mort de 14 catholiques tués le dimanche 30 janvier 1972 par l'armée britannique à Londonderry, rend mardi ses conclusions, forcément sujettes à controverse dans une Irlande du Nord encore traumatisée par son passé. 

 

Le Premier ministre britannique David Cameron présentera à 16h 30 (heure de Paris) devant le Parlement les principaux enseignements de la commission Saville sur l'un des événements les plus marquants des trente années de conflit inter-communautaire dans la province. Le secret absolu a été gardé sur le rapport qui risque de déchaîner les passions en Irlande du Nord, où les violences entre protestants unionistes et catholiques indépendantistes ont pris fin en 1998 avec l'accord de paix dit du Vendredi Saint, et où un gouvernement biconfessionnel est au pouvoir.

 

Cette enquête, confiée en 1998 au juge Mark Saville par le Premier ministre de l'époque Tony Blair, est présentée par la presse comme la plus importante de l'histoire judiciaire britannique. Son coût (230 millions d'euros) a défrayé la chronique. Lord Saville et ses assesseurs, le Canadien William Hoyt et l'Australien John Toohey, rendront un rapport épais de 5.000 pages, après avoir étudié plus de 2.500 témoignages, dont 922 exprimés oralement devant eux. Ils ont entendu l'ex-Premier ministre britannique Edward Heath, l'ancien chef d'état-major britannique Mike Jackson, ou l'actuel vice-Premier ministre nord-irlandais Martin McGuinness. Lequel a confirmé lors de son audition qu'il appartenait en 1972 à l'Armée républicaine irlandaise (IRA).

 

Le dernier témoignage a été produit en 2005, année où le rapport devait être publié. Mais le délai s'est allongé, sans qu'aucune raison ne soit vraiment donnée. Il n'est pas exclu que cet avis débouche sur des poursuites judiciaires à l'encontre de cadres de l'armée. Personne, toutefois, ne pourra être incriminé par son propre témoignage devant les juges.

 

Pas de complot politique large selon un historien      

 

Le jour du "Bloody Sunday" ("dimanche sanglant"), quatorze hommes sans armes manifestant pour la défense des droits civiques des catholiques tombent sous les balles de parachutistes britanniques. Une enquête menée sitôt les faits par un juge britannique, Lord Widgery, exonère l'armée et accrédite sa thèse selon laquelle les soldats n'ont fait que riposter à des tirs de manifestants, même si aucune arme n'a été retrouvée et aucun militaire blessé. Entré dans la culture populaire avec la chanson du groupe irlandais U2 puis le film du cinéaste britannique Paul Greengrass, le "Bloody Sunday" symbolise aux yeux des nationalistes irlandais l'arbitraire de l'ennemi britannique.

 

Quelles qu'elles soient, les conclusions de Lord Saville promettent d'être polémiques, dans une société encore divisée malgré les progrès accomplis. Elles fourniront aussi un test de la stabilité du gouvernement d'union entre protestants et catholiques. Selon l'historien Paul Bew, qui a été consultant pour l'enquête, le rapport devrait affirmer l'innocence des victimes, reconnue en 1992 par le Premier ministre britannique d'alors John Major, et établir que l'armée est en tort mais n'avait rien prémédité. "L'innocence d'une très grande majorité des tués, sinon de tous, fera partie des conclusions", prévoit-il.

 

"Il y aura aussi acceptation par l'armée britannique de son échec à maintenir la discipline ce jour-là. Au-delà de ça, (il n'apparaîtra) pas de complot politique plus large. Plus personne n'y croit." Quant aux répercussions, Paul Bew les escompte plutôt modérées. "Tout le monde continuera de croire au sujet de ces événements ce qu'il avait l'habitude de croire", considère-t-il. "Ca n'aura pas d'impact politique majeur."

Cù Chulainn in the GPO: The Mythic Imagination of Patrick Pearse

cuchulainn.jpgCù Chulainn in the GPO:
The Mythic Imagination of Patrick Pearse

Michael O'MEARA

Ex: http://www.counter-currents.com/

padraic_pearse.jpgOn Easter Monday, April 24, 1916, while all Europe was mobilized for the first of its terrible civil wars, Patrick Pearse, James Connolly, and several hundred “militia men” from the Irish Citizen Army and the Nationalist Volunteers commandeered the General Post Office on Dublin’s O’Connell (then Sackville) Street.

Once a defensive parameter was established around the stately, neo-classical symbol of British rule, the tall, lanky 37-year-old Pearse, titular head of the self-proclaimed “provisional government of the Irish Republic,” appeared on the GPO’s steps to read out to a small crowd of bewildered and skeptical by-standers a proclamation.

“Irishmen and Irishwomen: In the name of God and the dead generations from which she receives her old tradition of nationhood, Ireland, through us, summons her children to her flag and strikes for her freedom.”

This line — the entire proclamation, even — is a work of art.

Some say the Uprising itself was a work of art.

***

As the GPO was being fortified on the 24th, 700 or 800 lightly-armed rebels, most with shotguns and home-made bombs, some with rifles secretly obtained from Germany — (the same “gallant ally in Europe” who allied with the IRA in the next European civil war) — spread out across Dublin, occupying other public buildings and sites associated with the Crown.

The Uprising was not a direct military assault on British authority per se (the rebels lacked the fire power).  It was nevertheless an armed assertion of Irish authority — an authority however poorly armed that was nevertheless imbued with a powerful idea — the idea that does not tire or break and that imparts “its mantle of strength upon those in its service” — the idea of destiny (Francis Parker Yockey).

***

The English garrison in Ireland, larger than the garrison that held India, was caught entirely off-guard by the insurrection.

There was good reason for this.

In 1914 the Irish Parliamentary Party had not only pledged to support the British government, as Germany challenged its supremacy on the killing fields of Flanders and Northern France, the party called on its paramilitary wing, the 170,000 strong Irish Volunteers, to enlist in the British army.  (The ten to twenty thousand Volunteers who refused to follow the IPP’s lead, those rechristened “the Nationalist Volunteers,” were to be the Uprising’s principal military arm, though their mobilization, for reasons too complicated to explain here, was countermanded at the last moment).

The Irish people, one of the most dispossessed and economically distressful of Europe’s peoples, were enjoying a brief spell of good times, as employment and agriculture flourished in the wake of the British war effort.

Westminster had also promised to implement Home Rule, once the war ended.

Ireland never seemed more securely in English hands.

***

The rebellion was greeted with surprise and rage — by both the British government and the Irish population.

This would change, as the government turned the rebels into martyrs, “snatching political defeat from the jaws of military victory.”

In the view of much of the world, especially among the popular classes of nationalist-minded Irish-America, the forces of the crown were seen as reacting with characteristic English brutality, as their powerful naval guns pounded Britain’s second most important city, destroying the GPO and much of the city’s heart, as well as wounding or killing a thousand civilians

James Connolly, that most Aryan of Marxists, had thought the British forces, beholden to English capital, would never turn their guns on their own commercial property: Little did he know — and little did he realize that his sophisticated understanding of urban warfare would crumble before this fact.

Ground troops, supported by field artillery, then suppressed the lingering rebellion on the streets — though not before Pearse ordered a general surrender, once it was clear civilians were the main victim of Britain’s crushing counter-attack.

***

Like most of the six armed rebellions the Irish had raised in the previous 200 years, there was a good deal of futility and desperation in the Easter Uprising — begun on Monday and extinguished, at least so everyone thought, by the following Saturday.

Pearse, Connolly, and much of the Irish Republican Brotherhood responsible for the insurrection had, in fact, no illusion that they would succeed or even survive the Uprising.

Once rounded up, the fifteen nationalist leaders of the revolt were court martialed and shot.

“Dear, dirty Dublin” came, then, to resemble the war-ravaged towns and cities along the Franco-German front, as the cause of Irish freedom seemed to suffer another damning setback.

Yet five years later, Ireland was a nation once again.

***

Like much of the Uprising’s revolutionary nationalist leadership, Pearse sought a path that led away not just from British rule, but from British modernity — which, like its larger civilizational expression, seemed to suffocate everything heroic and great in life.

Against the empire’s cold mechanical forces, he arrayed the powerful mythic pulse of the ancient Gaels.

As Carl Schmitt might have described it: “Against the mercantilist image of balance there appears another vision, the warlike image of a bloody, definitive, destructive, decisive battle.”

Pearse was not alone in thinking myth superior to matter.

Indeed, his Ireland was Europe in microcosm — the Europe struggling against the forces of the coming anti-Europe.

In Germany, no less than in Ireland, powerful cultural movements based on “peasant” mythology and traditional culture had arisen to repulse the modern world — movements which did much to revive the spirit of Western Civilization (before it was again struck down by the ethnocidal Pax Americana).

In Germany this movement frontally challenged the continental status quo, in Ireland it challenged the British Empire.

Lacking a political alternative, the frustrated national unity of 19th-century “Germany” had looked to increase its cultural cohesion and self-consciousness.

Like its German counterpart, Ireland’s Celtic Twilight was part of a larger European movement — of a romantic and romanticizing nationalism — to revive the ancient Volk culture in its struggle against the anti-national forces of money and modernity.

Though the Famine had delayed the movement’s advent in Ireland, it came.

The cultural phase of Irish nationalism formally began with Parnell’s fall in 1889.  Turning away from the personal and political tragedy of their uncrowned king, nationalists started re-thinking their destiny in other than political terms.

If the Germans, in the cultural assertion of their nationalism, had to free themselves from the overwhelming hegemony of French culture, the Irish had to turn away from the English, who considered them barbarians.

In rejected liberal modernity, these barbarians sought to recapture something of the archaic, Aryan spirit still evident in the Táin Bó Cuailnge and in Wagner’s Ring des Nibelingen — the spirit distilled today in Guillaume Faye’s “archeofuturism.”

***

Before Parnell, Irish resistance to English subjugation (with the exception of O’Connell’s movement) had taken the form of numerous, rather badly planned military defeats.

But the Irish had little recourse, especially in law.  (Indeed, the only justice for the Irishman in Ireland came from his shillelagh, whenever it took precedent over the judge’s gravel).

Centuries of Irish violence and resistance had convinced the English of Irish lawlessness and of their incapacity for self-rule.

Savage English repression begot savage Irish resistance, which, in turn, begot savage repression and so on: The long, unfortunate, blood-soaked dialectic of Anglo-Irish relations.

The empire’s violence was legitimated in the name of cultural superiority.  Throughout British society, which thought itself the height of Western civilization, it was held that Ireland before the Norman Conquest had lacked any form of civilization or High Culture — even the learned David Hume held this view.  Indeed, the Irish were seen as yet fully civilized.

In British eyes this “race” was a lesser breed, somewhat like a nonwhite one, like wild Indians, and imperial conflict with it was something like conflict with a savage tribe — it was not the relationship Paris had to her provinces, it was not even what the German Hapsburgs had to their Slavic nations.

The Catholic Irish are famous in 19th-century English periodicals for their simian features.

The lawless Celts (the very word comes from the Greek for “fighter”), so obviously inferior to the civilized “Saxons,” brought upon themselves thus the rent racking, the enclosures, and the garrison state that came with the English occupation (the so-called “Union”).

***

William Butler Yeats, Lady Gregory, John Millington Synge, and other gifted members of the Anglo-Irish Ascendancy had no love for the world’s workshop, longing, as they did, for “the integral community of the old manorial days.”

The Irish Literary Renaissance was launched, following Parnell’s fall, with “The Wanderings of Oisin,” in which Yeats called for “a new literature, a new philosophy, and a new nationalism.”

Irish folklore for Yeats was not simply Irish, but the conservator of “an ancient, sacred worldview overwhelmed by the abstract, highly differentiated,” and generally ignoble forms of modern bourgeois life (forms, as we Americans have learned, that have, among other negative things, imbued money-changing aliens with great power over us).

For Ireland’s cultural nationalists, the past was a realm of meaning — prefiguring a future to rebuke the present.  And a great past, which the culturalist nationalists soon enough discovered, beckoned, as William Irwin Thompson surmised, “a future fit for an exalted heritage.”

The romanticized “peasant,” along with the medieval knight and the gentleman cavalier, were celebrated in Yeats’ poetic rebellion against the modern world.

This “nationalization” of the people’s heritage appealed to nationalists disgusted with things English; its moralistic rejection of decadence and empire also appealed to the emerging Irish Catholic lower-middle class; at the highest, most important, level, its mythic vision organically merged with “a culture that renews itself by reference to its mythology.”

By the early 20th century, a new ideology gripped Ireland, Germany, and many European nations, an ideology which defined the nation in racialist, romantic, and anti-modernist terms centered on certain cultural polarities: viz., anti-liberal versus liberal, past v. present, agricultural community v. industrial society, small moral nation v. decadent world empire, myth v. reason, quality v. quantity, Gaelic v. English, German v. French, Ireland v. England, Europeans v. Anglo-Americans, etc.

***

The hard men of the Irish Republican Brotherhood — (the Fenians, the progenitors of the many factions making up today’s IRA, were very unlike the genteel Anglo-Irish artists who made Dublin a cultural capital of the Anglophone world) — but they too were part of the general revolt against liberal civilization — against the devirilizing tenets of positivist thought, against the primacy of monetary values, against the spirit-killing effects of mechanization, massification, and deracination, and, above all, against the empire’s imposition on everything native to Irish identity.

In France, Italy, and Spain rebels opposing liberalism’s realm of “consummate meaninglessness” threw bombs, in Ireland, where the cult of violence was ancient, they made up an army of bomb-throwers — for it was the nation seeking to be born, “ourselves alone,” not the solitary resister, who filled the rebel ranks.

Violence and self-sacrifice, as such, needed no justification in Catholic Ireland (though they seemed totally alien and barbaric to England’s liberal Protestants).

***

Ireland’s brave rebels are best seen against a European backdrop.

At its center was the Sorelian myth of violence, imagining the overthrow of Cromwell’s cursed regime.

This myth of violence was no ideology, but a Nietzschean assertion of will.

Its dreamscape was the apocalyptic catastrophe in which all things became possible.

Its promised violence wasn’t aimless or nihilistic, like that of a Negro hoodlum, but soteriological, seeking the salvation of man’s soul in a world made especially evil by the efficacy of science and reason.

***

Violence here — in the mythic context of Pearse’s imagination and in the social-political world of late 19th-century, early 20th-century Europe — became “a path to a new faith” — a path that ran over the ruins of modernity, as it endeavored to redeem it.

The Irish cosmological view, in Patrick O’Farrell’s study, perceived England as a secular, unethical, money-grubbing power that had “violated” Caithlin Ni Houlihan — the Old Woman of Beare, Roisin Dubb, Shan Van Vocht, Deidre of the Sorrows, Queen Sive, and all the feminine symbols personifying Ireland’s perennial spirit.

In such a cosmology, national liberation was eschatological, millennarian, and, above all, mythic.

For here myth seizes the mind of the faithful as it prepares them to act.  Its idea is “apocalyptic, looking toward a future that can come about only through a violent destruction of what already exists.”

Pearse’s myth was of a noble Ireland won by violent, resolute, virile action — nothing less would merit his blood sacrifice.

Fusing the unique synergy of millennarian Catholicism (with its martyrs), ancient pagan myth (with its heroes), and a spirit of redemptive violence (couched in every recess of Irish culture) — his myth has since become the ideological justification for the physical force tradition of Irish republicanism — a tradition which holds that no nation can gain its freedom except through force of arms — that is, by taking it — by forthrightly asserting it in the Heideggerian sense of realizing the truth of its being.

Pearse’s allegiance to armed struggle came with his disgust with parliamentary politics.  He thought Parnell’s party “had sat too long at the English table” — that it had come to regard Irish nationality “as a negotiable rather than a spiritual thing.”

All states, he considered, rested on force.  If Ireland should be “freed” through Home Rule, that is, under British auspices, it would make the Irish smug and loyal — and British.

With the advent of the Great War of 1914 and the Burgfrieden negotiated between the parliamentary nationalists of the IPP and the British government, the flame of Ireland’s national spirit began to dim.

The violent break with Britain, which Pearse and other revolutionary nationalists sought, was inspired by the conviction that every compromise weakened Ireland’s soul and strength — that the flame had always to burn heroically — that the spirit had to be pure — otherwise the sacramental lustre of the Republican cause would be lost.

***

The tradition of armed resistance of which Pearse became the leading Irish symbol was not unique to Ireland, but part the same European tradition that inspired the Slavic Communist storming of the Winter Palace, the same that guided the anti-liberal, fascist, and national socialist opposition to liberalism’s interwar regimes — the same that appears still on the hard streets of Northern Ireland and in the minds of a small number of exceptional Europeans.

For Pearse, the Uprising was more than a blow struck for Irish freedom, it was “a revolt against the materialistic, rationalistic, and all-too-modern world” of the British Empire.

Pearse was not unlike Charles Péguy, who too conceived of a national myth “to stand against the modernist tide.”

Péguy: “Nothing is as murderous as weakness and cowardice / Nothing is as humane as firmness.”

This was Pearse’s thought, exactly.

***

Such a mythic conviction came, though, at a high cost, for it required a willful self-immolation and the promise of death, however heroic.

***

Pearse’s conviction sprang from Ireland’s long history of resistance and the Aryo-European spirit it reflected, but it also came from the old sagas, from the stories and legends of the ancient Gaels, that celebrated the values and traditions of Ireland’s heroic age.

Prior to the modern age Ireland’s Gaelic vernacular literature was the largest of any European peoples, except that of the Greeks and Romans.

The Irish loved to tell stories, a great many of which their monks wrote down a thousand years ago.

Like other Gaelic-speaking nationalists, Pearse was especially affected by the Ulster Cycle of legends and myths associated with Cù Chulainn — the symbol of Ireland — the symbol of one powerful man standing alone against a terrible, overwhelming force — the Irish Achilles — whose heroic temper was a rebuke to the corruptions and weaknesses of the modern age.

***

In August 1915, a year into the European civil war, and three-quarters of a year before the Easter Uprising, the IRB staged a ceremonial burial for one of its own — in a country where ceremonial burials have often given birth to new forms of life.

In his funeral oration at the grave side of the dead Fenian, O’Donovan Rossa, the Cù Chulainn (who would soon fight his epic battle in the GPO) augured that: “Life springs from death and from the graves of patriot men and women spring nations. . . .  They [the English] think that they have pacified Ireland.  They think that they have pacified half of us and intimidated the other half.  They think that they have provided against everything: but the fools, the fools, the fools! — they have left us our Fenian dead, and while Ireland holds these graves, Ireland unfree shall never be at peace.”

Man, in Pearse’s mythic imagination, doesn’t act on the chance of being successful, but for the sake of doing what needs to be done.  The nationalist movement, united in hatred of the English ruling class, was full of such men.

Their doing, their sacrifice — like that of Jesus on the cross or the tragic Cù Chulainn burying his son in the indifferent sea tide — was of utmost importance.

For everything, the rebels knew, would follow from it — the slaughtered sheep brightening the sacramental flame of their spirit.

***

Some historians claim Pearse’s “suicidal” insurrection bequeathed “a sense of moral conviction to revolutionaries all over the world.”

From a military perspective, the Uprising, of course, was a categorical failure.  But morally, it became something of a world-changing force — which wasn’t surprising in a country like Ireland, whose mythology had long favored ennobling failures.

As Pearse told the military tribunal that condemned him to death: “We seem to have lost.  We have not lost.  To refuse to fight would have been to lose.  We have kept faith with the past, and handed down a tradition to the future.”

***

In the course of the extraordinary events following The Proclamation (as the rebels kept faith with their past), mind, imagination, and myth fused into a synergetic force of unprecedented brilliance and power — the terrible beauty being born.

***

Patrick Pearse fell before the English guns soon after Easter, but the ennobling image of him standing upright in the burning GPO lives on in the heritage he willed not just to Irishmen but to all white men.

For of the insurgents, at least fifty of them, including Pearse himself, were of mixed Irish-English parentage.

They fought the cruel empire not just for Ireland’s sake, but for the sake of redeeming, in themselves, something of the old Aryo-Gaelic ways.

April 24, 2010

Sources:

Thomas M. Coffey, Agony at Easter: The 1916 Irish Uprising (Baltimore: Penguin, 1971).

Ruth Dudley Edwards, Patrick Pearse: The Triumph of Failure (New York: Taplinger, 1978).

Sean Farrell Moran, Patrick Pearse and the Politics of Redemption (Washington: Catholic University Press of America, 1994).

Joseph O’Brien, Dear, Dirty Dublin: 18991916 (Berkeley: University of California Press, 1982).

Patrick O’Farrell, Ireland’s English Question (New York: Schocken, 1971).

Dáithí Ó hÓgáin, The Lore of Ireland (Cork: Boydell, 2006).

William Irwin Thompson, The Imagination of an Insurrection: Dublin, Easter 1916 (New York: Harper, 1967).

lundi, 14 juin 2010

France et Bretagne en 1532

France et Bretagne en 1532

Ex: http://propos.sturiens.over-blog.com/

05 - deux peuples deux civilisationsDepuis sa conclusion, on a souvent voulu contester la validité du Traité de 1532. Lorsque la royauté fut devenue toute puissante et jusqu'à nos jours, historiens et pamphlétaires se sont efforcés, à l'envi, de présenter le contrat d'union à la France, consenti par la Bretagne, comme un acte gratuit, émanant du bon plaisir royal et ne comportant aucune condition. Celles qui y ont été attachées pour satisfaire à la demande des Etats de Bretagne réunis à Vannes, n'auraient d'autre valeur que celle d'un engagement moral, spontanément pris par les rois : les représentants de notre pays n'auraient été ni en droit, ni en mesure de traiter avec eux, et l'Acte de 1532 ne serait qu'une habile concession de François Ier, destinée seulement à éviter les troubles éventuels qui auraient pu se produire dans le pays si la requête des Etats avait été rejetée. D'autres historiens ont, en leur temps, fait justice de ces assertions, et il ne nous appartient pas d'y revenir. L'examen du droit public breton peut, à lui seul, nous convaincre de l'entière validité du contrat. Ce qui apparaît comme contestable à la lumière du seul droit public français, devient une vérité d'évidence si l'on fait appel à la notion bretonne de ce même droit.

Alors que le droit public du royaume de France confondait à cette époque, quant au roi, souveraineté et propriété, en Bretagne les deux notions étaient déjà distinctes. Pour les Bretons, le « dominium » et l'« imperium » du prince n'étaient pas confondus. Le pouvoir du duc n'était pas considéré comme absolu, et le duché n'était pas considéré comme sa chose propre. A chaque acte du pouvoir central devait correspondre la sanction populaire. Les Etats de Bretagne étaient un véritable Parlement, dont le caractère politique était très accentué, et dont on retrouve l'intervention depuis l'origine la plus reculée, dans tous les actes politiques intéressant le duché. Un acte aussi grave que celui de la réunion du duché à la couronne, s'il avait été consommé sans leur intervention, ne pouvait être que frappé de nullité absolue.

La forme du gouvernement breton était un produit spontané de la nature et de l'histoire, particulièrement bien adapté aux besoins de la Bretagne et à la mentalité de son peuple. Une conception particulière du droit, conception proprement celtique et spiritualiste, animait tous les rouages de l'administration de la justice et de l'organisation politique. On y trouve la raison de la longue et héroïque lutte de la Bretagne contre les rois de France, dont l'erreur fut, après la réunion, de considérer le peuple breton comme le reste de leur peuple, et de vouloir lui appliquer les mêmes méthodes et les mêmes lois.

L'examen de l'état politique, administratif et social de la Bretagne, au jour de la réunion, fait ressortir très vivement les différences profondes qui existaient alors entre la France et la Bretagne ; ainsi s'expliquent également les précautions multiples prises dans le traité de 1532 contre les empiétements du pouvoir royal et l'obstination avec laquelle les Bretons s'efforcèrent de sauvegarder l'intégrité de leur constitution nationale, gage de leur autonomie.

 

*

**

 

En Bretagne, les rapports du peuple et du souverain, aussi bien que ceux des diverses classes sociales entre elles, étaient régis par des principes étonnamment modernes et libéraux. Aucune charte particulière, aucune constitution écrite ne les réglaient ; mais ils prenaient appui sur les principes fondamentaux du droit public breton de formation traditionnelle. La Très Ancienne Coutume de Bretagne proclamait que la législation bretonne devait être toute entière de raison.

En réalité, la confiance mutuelle qui unissait le souverain et ses sujets était le produit d'une lente évolution qui, au cours des siècles, maintint en le transformant et en l'adaptant chaque fois à des besoins plus actuels, le principe de gouvernement très libéral en vigueur dans les confédérations celtiques de l'époque préchrétienne. A l'origine, comme dans toute l'antiquité nordique, le chef suprême était élu, et les comtes ou seigneurs bretons devaient se rallier autour de lui pour combattre l'ennemi commun. Mais le roi ne pouvait lever aucun impôt, prendre aucune mesure générale sans l'assentiment des chefs réunis, le pays étant toujours plus puissant que le monarque. Lorsque les rois de Bretagne devinrent héréditaires, ce principe libéral continuera à s'appliquer, et il dominera toute la constitution bretonne jusqu'en 1532 et même jusqu'en 1789. Le roi ou le duc ne pouvait toucher à aucun intérêt public sans l'avis et le consentement des seigneurs du pays dont l'assemblée, en se transformant, devint peu à peu les Etats de Bretagne. Le roi Salomon III, aux environs de l'an 1000, fut empêché de quitter le pays par une défense formelle des seigneurs assemblés. Plus tard, le duc Jean IV fut exilé, puis rappelé par les Etats.

L'histoire bretonne est pleine de faits semblables : « Le droit fondamental du pays, dit M. de Carné, de l'aveu du prince et de ses sujets, frappait de nullité tout acte politique non ratifié par l'assentiment formellement exprimé des Etats ». Depuis le XIIe siècle, on peut suivre sans la perdre jamais de vue, la trace de l'action exercée par l'Assemblée bretonne sur tous les événements de quelque importance et sur l'orientation même de la politique du duc. Les rares conquérants de la Bretagne, ou plutôt les princes victorieux qui avaient battu ses armées, se soumettaient eux-mêmes à cette inévitable coutume des assemblées. Aussi La Borderie a-t-il pu écrire que le gouvernement breton « prend la forme de la monarchie représentative dont jouissait dès lors aussi l'Angleterre, et qui était le gouvernement le plus modéré, le plus régulier, le plus libéral sous lequel put vivre, au XVe siècle, une nation chrétienne ».

C'est dans l'attachement que portaient à leur gouvernement les différentes classes de la société bretonne que se rencontre l'explication de la longue lutte soutenue par la Bretagne contre le pouvoir central. L'élément féodal qui dans notre pays s'était développé dans sa plénitude, n'y avait pas été vicié dans son essence. La conquête n'avait pas été à l'origine des pouvoirs des seigneurs, et les « antipathies héréditaires » qu'elle avait ailleurs suscitées n'y existaient guère. Le servage, sous sa forme la plus dure et la plus cruelle, ne s'y retrouve jamais : on n'en aperçoit de traces que dans une petite partie de la Haute-Bretagne, région la plus soumise aux influences du dehors, et dans le Léon, où « l'usement de motte », dernier vestige du servage, fut aboli par François II en 1486. Dès le XIe et le XIIe siècle, les paysans pouvaient quitter la terre, la vendre à leur gré, la transmettre à leurs héritiers, se marier à leur guise, plaider librement, parfois même contre leur seigneur.

Augustin Thierry avait été frappé de ce fait lorsqu'il écrivit : « Les gens du peuple en Basse-Bretagne n'ont jamais cessé de reconnaître dans les nobles de leur pays les enfants de la terre natale ; ils ne les ont jamais haï de cette haine violente que l'on portait ailleurs aux seigneurs de race étrangère et, sous les titres féodaux de barons et de chevaliers, le paysan breton retrouvait encore les tierns et les mac-tierns des premiers temps de son indépendance ». La plupart des nobles de Bretagne, en effet, très nombreux et très pauvres, se confondaient dans leurs derniers rangs avec la population rurale. Ils en partageaient les deuils et les plaisirs, et recevaient, en nature, de leurs colons, la plupart des choses fongibles. Les colons eux-mêmes participaient à la possession du sol, puisqu'ils l'occupaient en grande partie alors à titre de « domaine congéable ». Un parfait accord attesté par les traditions, l'histoire et les chants populaires, semblait régner entre les paysans et les nobles, rapprochés par la communauté des habitudes et la simplicité de la vie. Aussi, du commencement du XIe siècle au début du XVIe siècle, ne voit-on pas en Bretagne se produire les jacqueries qui se retrouvent périodiquement en France à cette époque.

 

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Les mêmes règles familiales, le même libéralisme se retrouvait dans l'administration du pays. Une décentralisation intelligemment comprise avait donné aux cités et aux paroisses des pouvoirs très étendus d'administration. Dès la plus haute antiquité, s'affirment les libertés des communes bretonnes, et leurs franchises étaient, au XVIe siècle, inviolables. Loin de reposer sur des chartes octroyées par le bon plaisir, ou arrachées par la violence, elles dérivaient d'une évolution traditionnelle qui avait peu à peu adapté le mécanisme des antiques institutions à des nécessités plus modernes.

La coutume de Bretagne qui condense le droit public et privé du pays, est inspirée par une moralité très haute et par un idéalisme élevé. Les idées religieuses, la famille, la charité, la tolérance y tiennent une grande place. « Son caractère le plus remarquable, dit Planiol, est l'esprit de solidarité qui l'anime. On chercherait vainement ailleurs, non pas le droit, mais le même accent d'honnêteté, de bonté, le même souci non seulement de justice, mais de charité. Cette tournure d'esprit est propre à la Bretagne ». Or, ce sont également de ces principes que s'inspirait le gouvernement ducal.

La centralisation du pouvoir politique aux mains des ducs s'était opérée peu à peu ; mais l'évolution qui accroissait les droits du souverain tempérait également la puissance que les événements tendaient à lui donner, en développant les institutions politiques et administratives du peuple breton. Si dans la plupart des pays féodaux, la reconstitution de la souveraineté est passée par les mêmes phases, il est rare de voir s'accomplir ce qui s'est passé en Bretagne : un développement parallèle et harmonieux des pouvoirs du duc comme des droits de ses sujets. L'évolution a tendu dans les pays centralisateurs, en France en particulier, à faire disparaître entièrement les franchises féodales et les libertés qu'elles garantissaient aux seigneurs comme à leurs vassaux, aux bourgeois comme aux artisans : en Bretagne, au contraire, l'évolution n'a dépouillé ces franchises et ces libertés que de ce qu'il y avait en elles d'anarchique et d'inconciliable avec un gouvernement qui devait obéir à des nécessités plus modernes. Elle en a conservé le meilleur : l'esprit de ces antiques institutions nordiques qui fut toujours le frein le plus efficace à l'établissement du despotisme et de la servilité. Le résultat fut un remarquable développement de l'esprit public dans toutes les classes de la nation. Les admirables résultats pratiques que donnaient les méthodes administratives si humaines du gouvernement breton venaient encore consolider l'inébranlable attachement du peuple à sa constitution politique et à sa liberté.

La prospérité du pays, favorisée par la modération des charges publiques s'était affirmée particulièrement sous le règne du duc Jean V, administrateur éclairé, qui a laissé une œuvre législative considérable. Essentiellement décentralisateur, le gouvernement breton favorisait l'accomplissement de grands travaux publics, mais il laissait à la ville ou à la région intéressée toute liberté d'action. Loin d'entraver l'initiative privée, il la favorisait de tout son pouvoir, subventionnant même les entreprises qui présentaient le caractère d'entreprises nationales. Mais si l'Etat Breton se renfermait dans son rôle de défenseur des intérêts publics, et répudiait tout monopole, il ne laissait pas agir sans contrôle les fermiers des impôts et les grandes entreprises. Il estimait que son premier devoir était de surveiller toutes les branches de l'activité nationale et de réprimer les abus : ce fut le principe administratif de tous les souverains bretons. Jean V, en particulier, intervint fréquemment pour réprimer les exactions et faire rendre à ses sujets une bienveillante justice. Déjà le duc Pierre II avait organisé l'assistance judiciaire gratuite. Pour statuer sur les réclamations auxquelles donnait lieu l'impôt des fouages, Jean V envoyait sur place un de ses agents avec cette mission : « Faites ainsi que vous verrez qu'il sera à faire de raison, en forme que pour le temps à venir elle se puisse perpétuer au mieux pour le profit de nos sujets ». Les litiges étaient ainsi réglés sur place, selon une situation de fait précis, et non selon des textes, démontrant une fois de plus la supériorité de la coutume sur la règle latine du droit écrit.

Les ordonnances de Jean V dénotent souvent aussi des conceptions économiques et sociales très audacieuses pour l'époque. Parmi celles-ci, l'ordonnance de 1425, sur l'administration générale du pays, discutée et approuvée par les Etats à Vannes, fut le point de départ d'une véritable révolution économique, qui donna à la Bretagne une longue avance sur toutes les autres nations. Elle réservait pour l'industrie et la consommation locale certains produits de première nécessité, établissait un service de répression des fraudes, instituait l'unité de poids et mesures, fixait le minimum de salaire pour les ouvriers de l'industrie.

Toutes ces mesures adaptées aux besoins du pays déterminèrent une ère de prospérité incomparable. Aussi le bon chroniqueur Alain Bouchard, sans exagérer beaucoup, pouvait-il écrire au moment de la réunion à la France, que la Bretagne « florissait en toutes prospérités, qu'il n'était de petit village où l'on ne put trouver de la vaisselle d'argent » ; que la Bretagne « est un véritable paradis terrestre, alors que le royaume de France est en telle misère que l'on n'y peut trouver refuge de sûreté ».

 

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Fière de sa liberté, calme et forte, la Bretagne portait donc à ses antiques institutions un attachement profond et légitime. Aussi, nous dit l'aumônier de la reine Anne : « Quand les Bretons connurent que le roy de France les voulait de fait appliquer à lui et les régir selon ses lois, lesquelles ne s'accordaient pas aux leurs, parce qu'ils avaient toujours été en liberté sous leurs princes, et ils veoient les Français comme serfs chargés de maints subsides, ne voulant obtempérer à l'intention du roy, commencèrent à faire monopolle et eurent conseil ensemble de se défendre ».

Ce passage résume admirablement les raisons de la répugnance de toute la Bretagne pour l'union définitive avec le royaume de France. Le fait de la réunion n'était rien : la cause française avait de nombreuses sympathies dans le peuple comme à la cour. Mais les Bretons, comme jadis, craignaient les lois du roi de France et tenaient à conserver les leurs.

L'opposition dernière qui se manifesta aux Etats de 1532 ne se basait pas sur d'autres arguments. Aussi l'Acte d Union fut-il, en plus d'une nécessité constitutionnelle, acte de grande sagesse politique de la part du roi de France. Le souverain français paraissait aussi rester un duc de Bretagne en même temps qu'un roi de France. Si la souveraineté extérieure de la nation bretonne disparaissait, la Bretagne n'en paraissait pas moins garder sa liberté intérieure, son régime politique et administratif, ses coutumes particulières. Et pour les Bretons, particulièrement respectueux de la parole donnée et très sensibles au sentiment de l'honneur, la violation du serment solennel prêté par une personne royale à chaque début de règne, de respecter les institutions et les lois de la province n'était pas concevable.

Mais l'acte d'Union de 1532, ainsi conçu, malgré les nombreuses précautions qu'il prenait, devait-il conserver intégralement à la Bretagne les favorables institutions qui la régissaient ? La France, d'ailleurs, pouvait-elle lui sauvegarder, avec l'esprit libéral qui animait leur gouvernement, les résultats particulièrement heureux de la politique des ducs ?

En fait, le traité de 1532 conserva à la Bretagne, jusqu'en 1789, l'essentiel des libertés qui lui étaient si chères. Mais ce ne fut que grâce à l'exceptionnelle opiniâtreté de son peuple, dont l'esprit de résistance au pouvoir central se manifesta constamment, et parfois de façon violente, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les luttes que la Bretagne eut à soutenir étaient la conséquence des frictions inévitables qui devaient se produire entre deux peuples de régime et de tempérament différents, entre deux nations dont l'évolution politique s'était faite selon des principes opposés.

Les institutions de la Bretagne, la forme constitutionnelle et parlementaire de son gouvernement, l'accord harmonieux qui continuait d'y régner généralement entre les classes sociales, montrent que dans ce pays les transformations du droit public s'étaient faites pour le peuple, sinon pour et par lui. Le duc ne peut d'abord rien sans l'approbation des seigneurs, puis ensuite sans l'approbation des Etats, dont l'organisation progressive tend à donner une image de plus en plus fidèle de la nation.

Ce fut de très bonne heure au contraire que ces principes disparurent en France. La politique de la puissante maison capétienne a toujours été de faire de la France une monarchie absolue, qui deviendrait le centre de l'Europe, la plus forte nation d'occident. Pour réaliser ce projet, que  nous appellerions aujourd'hui impérialiste, poursuivi par les rois de France, de règne en règne avec une remarquable et surprenante opiniâtreté, il fallait de toute nécessité abattre ce vieil esprit d'indépendance et de liberté, héritage celtique, qui se traduisit à l'époque médiévale par le régime féodal. Philippe Auguste, en attaquant les bases de ce régime, Philippe le Bel en livrant les coutumes nationales à la merci de ses légistes, furent les véritables fondateurs de l'absolutisme royal en France. Dès ce jour les juristes, épris de droit romain, vont s'efforcer non seulement de justifier les actes de la royauté, mais aussi de leur donner toute apparence de légitimité et de justice.

Et le picard Beaumanoir proclame : « Le roi est souverain par-dessus tout et a, de son droit, le général garde du royaume, pourquoi il peut faire tel établissement comme il lui plaît, pour le commun profit et chi il établit, i doit être tenu ». Alors qu'en Bretagne l'évolution politique continua d'obéir à cette maxime : « Lex fit consensu populi et constitutione regis », en France elle se fît sur ces paroles qui « faisaient bouillir le sang breton de notre illustre d'Argentré » : « Le roi ne tient fors de Dieu et de son épée, ce qui li plest à fère doit estre tenu par loi ». Cette phrase fut, depuis Philippe le Bel, l'évangile de tous les « politiques » du royaume de France.

 

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Ce système, érigé en raison d'Etat, réclamait l'asservissement du peuple et la disparition de toutes les existences particulières. Bientôt la domination temporelle ne suffit plus. L'unification politique, presque complètement achevée lors de la réunion de la Bretagne à la France, ne faisait que précéder l'unification administrative. La difficulté de gouverner un royaume aussi étendu et aussi varié, dans ses institutions et dans ses lois, les nécessités nouvelles nées des guerres continuelles entreprises pour obéir à l'ambitieuse pensée des rois, obligeait le pouvoir central à une sévérité et à un despotisme accru vis-à-vis des collectivités comme des individus. Ainsi disparurent une à une les libertés coutumières, nées spontanément au cours des siècles, témoignages de l'effort collectif des générations, et fruits de leurs longues aspirations vers le bien du peuple et le libre gouvernement de la cité. Corporations, provinces, ordres, classes et toutes institutions particulières, furent transformés en organismes administratifs froids et rigides, d'où toute évolution était désormais exclue.

Les princes et leurs conseillers, préfaçant les initiatives révolutionnaires, en diffamant le passé, s'efforcèrent d'éteindre parmi leurs peuples tous les souvenirs d'indépendance légués par leurs ancêtres. Tout ce qui ne tenait pas à l'Etat fut calomnié, insulté, déshonoré par les historiographes et les légistes de cour. Tout ce qui était antérieur au grand roi passa pour entaché de barbarie et les dernières paroles de Louis XIV consacrèrent l'ultime et ambitieuse pensée qui, malgré tout, devait créer la France. « Les peuples sont nés pour obéir sans discernement, et les rois pour posséder tout et commander à tout ».

En face de cette conception, la lutte acharnée que soutint la Bretagne contre les exigences des rois les plus absolus, personnifia la résistance du vieil esprit celtique, avide d'indépendance et de liberté qui s'était conservé chez les Bretons. C'était l'esprit d'une civilisation particulière, une conception morale et philosophique du droit qu'il fallait défendre, d'un droit qui plaçait le bien du peuple au-dessus de tout, et pour qui la justice n'était pas suffisante car il fallait encore faire une place à la bienveillance et à la charité. Aussi, en face de conceptions inverses et du dogme de l'Etat-Dieu qui commençait à naître et dont nous souffrons aujourd'hui plus que jamais, des luttes parlementaires violentes et parfois des révoltes sanglantes opposèrent jusqu'à la Révolution la nation bretonne à la royauté française.

C'est ce divorce de conceptions, d'idées et de tempéraments entre les deux races, qui entretint pendant près de trois siècles entre la Bretagne et la France cette mésintelligence marquée par de terribles conflits. De nos jours encore, sous des manifestations et des modalités diverses, et à une époque où l'on parle depuis longtemps déjà du droit des peuples, la même lutte se perpétue. Mais c'est aussi dans ces mêmes dissemblances entre l'esprit français et l'esprit breton que l'on peut trouver la raison de cette incompréhension et parfois de cette hostilité sourde que l'on rencontre souvent encore dans tous les milieux, vis-à-vis de la Bretagne.

Yann Kerberio.

 

STUR n° 9 Avril 1937

mercredi, 26 mai 2010

Les femmes-champions dans la mythologie irlandaise

Les femmes-champions dans la mythologie irlandaise

 

d'après Peter Berresford Ellis

(Dictionary of Irish Mythology, Oxford, 1991)

 

boudicca.jpgPeter Berresford Ellis, historien et auteur de plusieurs nouvelles, a écrit aussi de nombreux ouvrages sur l'histoire et la culture celtiques, notamment The Cornish Language and its Literature (1974) et Celtic Inheritance  (1985). Il enseigne dans plusieurs universités et a présidé le premier Scríf-Celt,  soit la première foire du livre inter-celtique. Plus récemment, il a publié A Dictionary of Irish Mythology  (1987-1991/2ième éd.).

 

Dans ce dernier ouvrage, il mentionne notamment les «femmes-champions» de l'antique société irlandaise. Effectivement, comme dans toutes les sociétés celtiques primitives, les femmes bénéficiaient d'une parfaite égalité en droits avec les hommes. Elles pouvaient être élues à toutes les fonctions, hériter des richesses et détenir des propriétés de plein droit. En outre, les mythes et les sagas évoquent de nombreuses guerrières ou championnes. La plus célèbres des femmes de la mythologie irlandaise est Medb de Connacht. Au cours de l'une des innombrables batailles de Táin (il s'agit d'expéditions militaires en vue de s'emparer du bétail des tribus voisines; la mythologie irlandaise abonde en récits héroïques situés dans le contexte de telles expéditions), elle parvint à tuer le héros Cethren d'un coup de lance.

 

La mère du Roi mythologique Conchobhar, Nessa, est elle-même décrite comme une championne dans un passage du cycle relatant les exploits de son fils. Le héros le plus célèbre de la mythologie irlandaise, Cúchulainn, a été instruits en arts martiaux par Scáthach, une grande championne d'Alba (Ecosse). La sœur de cette Scáthach, Aoife, était également l'une de ces championnes. Quand Cúchulainn s'est mesurée à elle, il a dû avoir recours à un subterfuge pour la distraire et la vaincre.

 

La mythologie irlandaise évoque également Creidne, la championne du peuple des Fianna (une caste militaire dont les origines remontraient à 300 av. notre ère; les indépendantistes irlandais du 19ième siècle se nommaient en leur souvenir les «Fenians»; aujourd'hui le parti national-conservateur irlandais Fianna Fail, soit les «Soldats du Destin», rappelle leur existence; ils siègent au Parlement de Strasbourg à côté des représentants français du RPR). Autre championne: Coinchend, une guerrière aux dimensions monstrueuses, terrassée par le héros Art, un roi légendaire qui aurait vécu entre 180 et 250 de notre ère. A l'époque chrétienne, la «Vie de Sainte-Mochua de Balla» évoque deux guerrières dénommées Bec et Lithben. Il est significatif que dans toute la mythologie irlandaise, les batailles sont supervisées par des divinités féminines de la guerre.

 

L'histoire de l'Antiquité retient essentiellement le nom de la reine-guerrière Boudicca (Boadicea, Baudicée) de Bretagne (Angleterre) qui organisa un soulèvement contre les Romains en 60 de notre ère. Elle était la Reine des Iceni (une tribu qui vivait dans l'actuelle région anglaise d'East Anglia). Son nom signifie «La Victorieuse» (en langue irlandaise actuelle, Buadach; en gallois, Buddogal). Dans l'histoire médiévale irlandaise, la tradition nous rapporte l'existence au 13ième siècle d'une femme appelée Éabha Ruadh Mac Murchú, dont on dit qu'elle se nouait des pièces de fer dans ses longs cheveux roux avant chaque bataille.

 

Au 15ième siècle, Máire O' Ciaragáin se met à la tête de ses clans pour affronter les Anglais. On raconte qu'elle n'a jamais épargné un seul homme blessé ou assommé au combat. Un siècle plus tard, c'est l'une des Irlandaises les plus célèbres de l'histoire qui fait irruption sur la scène politique: Gráinne Ní Maillie, chef de son clan, leader d'une insurrection et capitaine de haute mer. Selon Sir Richard Bingham, c'est elle qui patronnait toutes «les rébellions du Connacht». Elle frappa tellement les imaginations anglaises que, selon le Lord Justice Drury, elle était «une femme qui avait dépassé les limites de sa féminité».

 

En somme, la tradition des femmes guerrières et championnes s'est perpétuée en Irlande en ce siècle avec l'indomptable Comtesse Markievicz (née Constance Gore-Booth), connue sous le nom de «Comtesse Rouge», parce qu'elle affichait haut et clair son socialisme. Elle fut la seule femme-officier en uniforme et en armes parmi les insurgés de la Pâques 1916. Elle est aujourd'hui une héroïne nationale en Eire. Condamnée à mort par fusillade par les tribunaux militaires britanniques pour avoir pris part à cette insurrection en pleine guerre, sur les arrières du front, elle fut grâciée «uniquement parce qu'elle était de sexe féminin». En décembre 1918, elle fut élue à la Maison des Communes britannique dans l'arrondissement de Saint Patrick à Dublin. C'était la première femme élue dans de telles conditions. Elle refusa de sièger dans la capitale ennemie, Londres, et rejoignit le Parlement des séparatistes, le Dáil Éirann, à Dublin. Elle devint ministre du travail le 2 avril 1919, dans le premier cabinet révolutionnaire de De Valera.

 

samedi, 20 février 2010

The death and life of James Connolly

The death and life of James Connolly

By John WIGHT - Ex: http://21stcenturysocialism.com/

james_connolly13.jpgIn Dublin's Kilmainham Jail on 12th May 1916, a working class man born in Scotland was executed for his part in the Easter Rising, an attempt to liberate Ireland from 800 years of foreign occupation. Because his injuries aquired in the defeated insurrection were so severe that he was unable to stand, the British soldiers tied James Connolly to a chair in order that he could face the firing squad.

In that rising, the men and women who took on the overwhelming military might of the British Empire held out for four days. Their leaders were rounded up afterwards and shot, each of them defiant to the end. The aftermath was the armed struggle waged by the IRA under Michael Collins, leading to the formation in 1921 of the Irish Free State; following which there was a civil war which lasted a further two years.

The life of James Connolly, a key leader of the Easter Rising, is worthy of special attention. It is a tale which begins amid the grinding poverty of a disease-ridden slum populated by Irish immigrants in Edinburgh towards the end of the 19th century.
  
Anti-Irish sentiment in Scotland was commonplace during this period, with the poison of religious sectarianism exacerbated by the poverty which resulted from a laissez faire capitalist model- an unremitting struggle of all against all for the crumbs from the table, while the capitalist bosses made their profits. In Edinburgh, the poor Irish immigrants were squeezed together in their own ghetto in the centre of the city. The locals named it 'Little Ireland', and here the ravages of poverty – in the shape of alcoholism, crime, and diseases such as cholera and typhus - were part of every day life.
  
James Connolly, born 5 June 1868, was the youngest of three brothers. At the age of ten, after his mother died, he lied about his age and began work in the print-shop of a local newspaper.

At an age when his life might otherwise have consisted of going to school and running free with other boys his age, here he was being introduced to the cruel world of employment under lightly-regulated capitalism; a mere child experiencing all the dirt and noise and smells of heavy machinery amongst the worn and broken men who toiled long hours for starvation wages.
  
Desperate to escape this fate, at the age of fourteen Connolly once again lied about his age and joined the British Army. He was posted to Ireland, the birthplace of his parents, and it was there, witnessing the atrocities being carried out against the Irish people by the British Army, that the seeds of class consciousness and hatred of oppression were planted.
  
It was also during this period that he met his wife, Lillie Reynolds, who worked as a domestic servant for a prominent unionist family in Dublin. An outstanding figure in her own right, Lillie would remain by her husband’s side to the end of his life, sharing in his triumphs and defeats.
 
Connolly deserted from the British Army at the age of 21, moved back to Scotland with Lillie and there began his involvement in the working class movement. In 1889 whilst living in Dundee, he joined the Socialist League, an organisation committed to revolutionary internationalism and which which received the endorsement of Friedrich Engels.  

A year later he moved to Edinburgh with his wife and by then two children, where he returned to the grind of manual labour, picking up work here and there as he and his wife struggled against poverty. Throughout, Connolly continued to find time for politics and he became secretary of the Scottish Socialist Federation. He entered a municipal election as a socialist candidate around this period and received 263 votes.
  
In 1896, James Connolly returned to Dublin, a city he'd grown to love while posted there in the British Army, in response to an offer to work for the Dublin Socialist Club.  Shortly after his arrival he founded the Irish Socialist Republican Party. In his first statement on behalf of the ISRP, he wrote:

“The struggle for Irish freedom has two aspects: it is national and it is social. The national ideal can never be realised until Ireland stands forth before the world as a nation, free and independent. It is social and economic, because no matter what the form of government may be, as long as one class owns as private property the land and the instruments of labour from which mankind derive their substance, that class will always have it in their power to plunder and enslave the remainder of their fellow creatures.”

At this time there were two strands of revolutionary thought in Ireland, national liberation and socialism. Connolly had decided by this point that, rather than being antagonistic, these strands were in fact complementary.
  
This was a view which ran counter to the prevailing current in the socialist movements in continental Europe during that period, including most of those who ascribed to the legacy of Karl Marx. The dominant view among the leading socialist theorists was that the struggle for socialism must reach across the false divisions of national, ethnic and cultural identity. Nationalist movements as such were scorned. But most of those European Marxists had no experience of living under the domination of a foreign empire; for them the 'national question' only existed in the abstract.

Much of Connolly’s most powerful writing and thinking focused on this very issue. As he put it:

“The struggle for socialism and national liberation cannot and must not be separated.” 

And:

 “The cause of labour is the cause of Ireland; the cause of Ireland is the cause of Labour.”

In his synthesis of the cause of the working class with the cause of liberation from imperial domination, James Connolly was a major progenitor of the left politics of the 20th Century, and also of the early 21st Century.

Connolly was also an early champion of women's rights. He argued:

 “The worker is the slave of capitalist society, the female worker is the slave of that slave.”

'I know of no foreign enemy except the British government'

In 1903, as work and finances in Dublin dwindled, Connolly moved to the United States. He'd visited there the year before; travelling across the country lecturing on political philosophy and trade unionism, and his lectures had received a warm reception and much praise from leading figures within the nascent US socialist movement of the period, in particular Daniel De Leon.   

After a hard initial few years in his adopted country, Connolly eventually managed to find stable work, and in 1906 became a paid organiser for the recently formed Industrial Workers of the World (IWW), led by the legendary Big Bill Haywood.  He also joined the American Socialist Labor Party and founded a monthly newspaper, The Harp, with which he aimed to reach the East Coast's huge Irish immigrant population.

Largely due to Connolly's focus on Irish immigrants, he and De Leon soon split. De Leon, an orthodox Marxist, abhorred Connolly's belief that Marxism should be adapted to varying cultures and traditions if a nation of immigrants was to be mobilized in the cause.

The split was acrimonious, Connolly accusing De Leon of being elitist, De Leon questioning Connolly's methods and grasp of Marxist theory and practice. However, Connolly continued on the path he had chosen, and it was obvious by now that a large part of his motivation in doing so was an increasing homesickness for his beloved Ireland.

In 1910 his dream of returning to Ireland became reality. He returned after being invited to become national organizer for the newly-formed Socialist Party of Ireland.  Soon after his return he published a number of pamphlets, one of which, Labour in Irish History, was was a major step in the development of an understanding of the history of Ireland.

By now possessing an unshakable belief in the importance of the trade union movement for the revolutionary struggle, Connolly joined with James Larkin in his Irish Transport and General Workers Union.  Connolly moved north to Belfast to organize for the ITGWU, hoping to smash down the barriers of religious sectarianism and unite the working class in the shipyards around which the city was built. 

He had little success.
  
In 1913, he moved back to Dublin to join Larkin in the titanic struggle which began when the Dublin employers locked out thousands of workers in an attempt to break the increasing influence and strength of the ITGWU.

A protest meeting of the workers was held despite a ban on such meetings having been ordered by the authorities. It was savagely attacked and broken up by baton-wielding police, and afterwards Connolly was arrested.  He refused bail for good behaviour and was sentenced to three months in prison. Immediately embarking on a hunger strike, he was released after just one week.

Connolly's first endeavour upon his release was to form a workers' militia. Never again, he vowed, would workers be trampled into the ground by police horses or beaten down under police batons. He called this new militia, which comprised around 250 volunteers, the Irish Citizen Army (ICA).  The day after its formation, Connolly spoke at a meeting:

 “Listen to me, I am going to talk sedition. The next time we are out on a march, I want to be accompanied by four battalions of trained men.”

When Larkin left Ireland for a fundraising tour of the United States in 1914, Connolly became acting general secretary of the ITGWU. The same year, watching as millions of workers went off to be slaughtered in the First World War, he was devastated:

 “This war appears to me as the most fearful crime of the centuries. In it the working class are to be sacrificed so that a small clique of rulers and armament makers may sate their lust for power and their greed for wealth. Nations are to be obliterated, progress stopped, and international hatreds erected into deities to be worshipped.”

All over Europe, even socialists succumbed to the poison of patriotism, joining the war efforts in their respective countries and thus heralding the end of the Second International in which socialist parties and figures representing Europe's toiling people had vowed to campaign against the war and the slaughter of worker by worker. Connolly's analysis of the war was scathing:

 “I know of no foreign enemy in this country except the British Government. Should a German army land in Ireland tomorrow, we should be perfectly justified in joining it, if by so doing we could rid this country for once and for all the Brigand Empire that drags us unwillingly to war.”

That British Government attempted to buy off Irish sentiment, hitherto in support of outright independence from the Empire, with a Home Rule bill, which in effect promised devolved power if the political leadership in Ireland at that time - people like John Redmond of the Irish Parliamentary Party - would agree to the recruitment of Irish workers to be slaughtered in the trenches in an imperialist war.
    
The bill split the Irish national liberation movement into those who supported it as a step towards outright independence and those, like Connolly, who were totally against it. He declaimed:

 “If you are itching for a rifle, itching to fight, have a country of your own.  Better to fight for our own country than the robber empire. If ever you shoulder a rifle, let it be for Ireland.”

It was then that Connolly's position shifted with regard to 'physical force'.  Previously, he had wanted no part in it, eschewing it as reckless and contrary to Marxist doctrine of a mass revolution of the working class, whereby consciousness precedes action.
  
But with the retreat of the European socialists, and the failure of the trade unions to act against the war, Connolly despaired of ever achieving the society he’d dedicated his life to without armed struggle. An organisation called the Irish Republican Brotherhood was planning just the kind of insurrection which Connolly had in mind. Connolly had taken a dim view of the IRB and its leaders up until then, viewing them as a bunch of feckless romantics. However, when they revealed their plans to him at a private meeting – plans involving the mobilization of 11,000 volunteers throughout the country - and that a large shipment of arms was on the way from Germany, he agreed to join them with his own ICA volunteers.

Connolly was respected enough by the IRB leaders, in particular Padraig Pearse, to be appointed military commander of Dublin's rebel forces. Pearse, a school teacher, was certain that they would all be slaughtered. He was imbued with a belief in the necessity of a blood sacrifice to awaken the Irish people, holding obscurantist beliefs that were steeped in Irish history and the Gaelic culture. But for all that he was no less committed to his cause than Connolly to his, and as a consequence they soon developed a grudging respect for one another.
  
In the end, the plan for the Easter Sunday insurrection went awry.  Rebel army volunteers deployed outwith Dublin received conflicting orders and failed to mobilize, leaving Dublin isolated. After postponing the insurrection for a day due to the confusion, the Dublin leadership decided to press on regardless. Connolly assembled his men outside their union headquarters, known as Liberty Hall.

By now he knew their chances for success were slim at best, and indeed it is said that he turned to a trusted aide as the men formed up and, in a low voice, announced:

 “We’re going out to be slaughtered.”

With Padraig Pearse beside him, Connolly marched his men to their military objective, the General Post Office building on O'Connell Street in the centre of Dublin. They rushed in, took control of the building, and barricaded themselves in to await the inevitable military response from the British.
  
Connolly, Pearse and one of the other leaders of the insurrection, Thomas C. Clarke, marched out into the street to read out the now famous proclamation of the Irish Republic.
  
In it, at Connolly's insistence, the rights of the Irish people to the ownership of Ireland, to equality and to the ending of religious discrimination were included:

“The Republic guarantees religious and civil liberty, equal rights and equal opportunities to all its citizens, and declares its resolve to pursue the happiness and prosperity of the whole nation and of all its parts, cherishing all the children of the nation equally, and oblivious to the differences carefully fostered by an alien government, which have divided a minority from the majority in the past.”

After holding out against the British Army for four days, during which Connolly inspired the men under his command with his determination and courage, in the process suffering wounds to the chest and ankle, British reinforcements and artillery arrived from the mainland to begin shelling rebel positions throughout the city.
  
The leadership, upon realizing the hopelessness of their situation, and in order to prevent the deaths of any more of their volunteers and civilians in a losing fight, reluctantly decided to surrender.
  
In the aftermath the ringleaders of the Rising were executed. Connolly was saved for last, the severity of his wounds failing to deter the British from taking their revenge as they tied him to a chair in the courtyard of Kilmainham Jail, where he was executed by firing squad.

At his court martial days prior, held in his cell in deference to those same wounds, James Connolly made the following statement:

 “Believing that the British Government has no right in Ireland, never had any right in Ireland, and never can have any right in Ireland, the presence, in any one generation of Irishmen, of even a respectable minority, ready to die to affirm that truth, makes the Government forever a usurpation and a crime against human progress.  I personally thank God that I have lived to see the day when thousands of Irishmen and boys, and hundreds of women and girls, were ready to affirm that truth, and to attest to it with their lives if need be.”

When news of the Rising was released, some prominent European socialists dismissed it as a putsch of little or no great consequence. But a leading Russian activist, Vladimir Lenin, was not of that opinion, and went so far as to refute such criticisms in his article, The Results of the Discussion on self-determination. To him, the Easter Rising stood as an example of the awakening of the working class and the masses that was taking place across Europe, providing hope that global revolution was on the horizon.

He wrote:

“Those who can term such a rising a Putsch are either the worst kind of reactionaries or hopeless doctrinaires, incapable of imagining the social revolution as a living phenomenon.”

Today, a statue of James Connolly stands in pride of place at the centre of Dublin. A brass engraving of the Proclamation of the Irish Republic also sits at pride of place in the window of the General Post Office headquarters, where Connolly made his stand for the liberty of his nation and the working class during four fateful days in April 1916.

jeudi, 10 décembre 2009

Une vie pour l'Irlande: Patrick Pearse

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

Une vie pour l'Irlande: Padraig Mac Piarais

 

IREpearse.jpgPoète, éducateur et soldat, tel fut Patrick Pearse (1879-1916), l'un des pères de l'Irlande libre. Jean Mabire, défenseur opiniâtre des patries charnelles et l'un des vrais inspirateur du renouveau révolutionnaire-conservateur en Europe, nous offre un élégant petit livre vert que tous les activistes des profondeurs serreront dans leur besace. Patrick Pearse, une vie pour l'Irlande est édité par l'association identitaire “Terre et Peuple”; c'est d'ailleurs son président, Pierre Vial, professeur d'histoire du Moyen Age à l'Université de Lyon, qui préface ce précieux bréviaire dédié à Michel Déon, autre amoureux de la Verte Erin et bel éveilleur lui aussi. Je tiens en effet La Carotte et le bâton (Table ronde) et Les Poneys sauvages  (Gallimard) pour des livres essentiels à la formation d'une sensibilité antimoderne, que tous nos amis doivent avoir lu, au même titre qu'Henri Vincenot ou Jean Raspail (Le Camp des Saints, qui serait aujourd'hui interdit!). P. Vial souligne la principale qualité de Pearse: il fut un intellectuel organique dans le meilleur sens du terme, un homme dévoué à sa patrie jusqu'à la mort, et qui mit en accord ses pensées les plus profondes et ses actes les plus risqués. Comme Grundtvig ou Petöfi, Pearse voua sa vie à la cause des peuples, la plus noble qui soit. Aujourd'hui comme hier, Pearse demeure un modèle pour nous autres, patriotes continentaux, puisqu'il avait compris que le combat culturel précède toujours l'action politique et que celle-ci peut, quand l'état d'urgence (Ernstfall) l'exige, se transformer en révolution armée. Jean Mabire dresse un portrait complet et attachant du poète, initiateur de la Renaissance gaélique (des vers aux fusils, la route est parfois moins longue que prévu), car il avait compris que la langue, comme la géographie, cela sert aussi à faire la guerre! Pearse fut aussi éducateur de son peuple en créant le Collège où seront formés spirituellement (« Si l'Irlande spirituelle disparaît, alors l'Irlande réelle mourra aussi » aime à répéter Padraig Mac Piarais, forme gaélique de Patrick Pearse) et intellectuellement les Volunteers  dont l'Irlande a tant besoin. Enfin, il assumera au moment voulu l'écrasante responsabilité de déclencher une révolte armée, la sixième en trois siècles, l'Uprising de Pâques 1916, écrasé dans le sang... par des bataillons de volontaires irlandais portant l'uniforme britannique. Pendant cette semaine folle et magnifique malgré le sang versé (une majorité de civils tués par les bombardements anglais: la tactique sera appliquée ailleurs, de Dresde à Bagdad), Pearse proclamera Poblacht na h Eireann, la République d'Irlande... même s'il fut un moment question de monarchie, avec un prince allemand comme Roi d'Irlande, ce qui aurait sans doute évité bien des drames. Au détour des pages, le.lecteur croisera d'autres géants de l'histoire irlandaise: Michael Collins et James Connolly le socialiste, qui fut l'ami du nationaliste Pearse. Tous deux furent fusillés par les Britanniques. L'émotion suscitée par ce meurtre, un crime, mais surtout une faute politique, devait faire passer la population dublinoise au départ hostile aux insurgés dans le camp de la résistance nationale. Du sacrifice de Pearse naquit l'Etat d'Irlande, encore mutilé à ce jour de ses comtés du nord.

 

Padraig CANAVAN.

 

Jean MABIRE, Patrick Pearse. une vie pour l'Irlande, Editions Terre et Peuple, BP 1095, F-69612 Villeurbanne cedex, tél: 04.72.12.29.92. Prix: 85 FF. Sur l'Irlande, lire aussi, de Pierre Joannon, Michaël Collins (Table ronde) et Le Rêve irlandais (Artus), deux évocations passionnantes.

 

 

jeudi, 26 novembre 2009

La découverte du trésor de Sterling en Ecosse

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La découverte du trésor de Stirling en Ecosse

 

David Booth, un Britannique qui, comme bon nombre de ses concitoyens, aime manier un détecteur de métaux, vient de faire une découverte archéologique sensationnelle : en testant son nouvel appareil, Booth fait à peine quelques pas qu’il découvre quatre torques datant du premier siècle avant J. C. La torque, rappelons-le, était un bijou fort prisé par les hommes appartenant à l’aristocratie des tribus celtiques. Deux de ces pièces sont d’origine écossaise ou irlandaise. Une troisième provient vraisemblablement du Sud-Ouest de la France actuelle. La quatrième combine des éléments de style local et de style méditerranéen. L’hebdomadaire allemand « Der Spiegel », qui relate la découverte, estime que toute l’histoire antique de l’Ecosse doit être révisée à la suite de cette découverte fortuite d’un archéologue malgré lui. Cette découverte prouve que les régions du Nord de la Grande-Bretagne à l’âge du fer n’étaient pas aussi isolées qu’on ne l’a cru jusqu’ici.

 

(source : « Der Spiegel », n°47/2009).

jeudi, 22 octobre 2009

10ème Congrès de l'ADSAV

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dimanche, 06 septembre 2009

Hommage à Olier Mordrel

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Yann-Ber Tillenon:

 

Hommage à Olier Mordrel

 

Olier Mordrel, président d’honneur du Cercle “Kervreizh”, est mort subitement à Treffiagat, fin octobre (1985), le jour de la réouverture officielle de notre association. 

 

Olier Mordrel était né à Paris en 1901, dans une famille originaire du pays de Saint Malo. 

 

Olier Mordrel laissera le souvenir, chez ceux qui ont connu sa nature rude de corsaire et de fils de militaire, d’un patriote breton intégral, d’un homme fort et courageux, d’un païen qui a lutté toute sa vie pour gagner difficilement son pain sans que ses obligations n’entravent ses activités de révolutionnaire intelligent, riche de rêveries, d’actions et d’aventures.

 

Olier Mordrel, artiste, architecte, historien, politicien, journaliste, homme d’Etat, était un homme complet. Il a mené une existence aventureuse de  grand militant au service de son pays. Sans son audace, on parlerait aujourd’hui de la Bretagne comme de la Picardie ou du Poitou, d’une vague région touristique.

 

C’est Olier Mordrel qui a posé le problème breton en termes de nation et de révolution européenne. Au-delà de toutes considérations politiques et partisanes, nous devons rendre hommage à l’homme, à celui qui, avec  ses défauts et ses qualités, ses erreurs et ses vérités,  fut toujours très représentatifs de la  mentalité bretonne et fidèle aux valeurs européennes traditionnelles.

 

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En effet, Olier Mordrel a  toujours été animé par la conception  celto-païenne du monde qui rassemble les  Bretons téméraires concevant la vie comme périlleuse et aléatoire. Mordrel le téméraire ne fut pas condamné trois fois à mort par hasard! Il a  voulu à sa manière remettre son  peuple sur les rails de l’histoire. Par sa volonté, il releva le défi de la décadence qui menace toute l’Europe actuelle.

 

L’étudiant des Beaux-Arts, l’architecte de Quimper, l’exilé en Argentine et en Espagne (1946-1971)  s’est toujours démarqué du nationalisme étroit et borné. Directeur du journal “Breizh Atao”  (1919-1939), de la revue “Stur” (1936-1942)  —où il tenta de dépasser l’idéologie nationale en  esquissant une vision impériale—, fondateur du “Parti Autonomiste Breton” (1931), du journal “L’Heure bretonne” (1940) et du “Comité Central des Minorités Nationales de France” (1927), il appréhende, comme tout grand Européen, sa vie comme une tragédie et non comme une comédie.

 

Là réside la grande différence entre la conception celto-païenne de l’histoire  —où l’homme, détenteur d’un “projet” historique est conçu comme “maître de son destin”, conception qui exclut tout sens présupposé de l’histoire—  et la conception judéo-chrétienne qui  soumet l’homme à une loi suprême et totalitaire, le réduisant à un point sur une ligne: l’histoire a  un sens donné, un début et une fin: tout n’est que spectacle.

 

Olier Mordrel, essayiste, journaliste du combat de renaissance britto-celtique  et historien, publiait régulièrement aux collections de François Beauval, sous son nom et sous le pseudonyme dd’Olivier Launay.  Ainsi “Les grandes découvertes du XXème siècle” (1974), “La civilisation des Celtes” (1980), “La littérature bretonne” (1980), “Histoire véritable de l’unité française” (1982).

 

Ecrivain de langues française et bretonne, on retrouve ses articles et poèmes dans les revues “Stur”, “Galv”, “Gwalarn”, “Al Liamm”  et “Preder”. “La Bretagne réelle” publie en 1966 et 1971 les deux tomes de “An nos o Skedin” qui  comprennent son  journal de prisonnier et le récit de son évasion, puis “Galerie bretonne”, “Le Breton projeté dans l’avenir”, “L’Emsav et ses catholiques”, “Dialogue celtique”, “Le vent de la pampa”, “Révision du nationalisme breton”, “de Charte en Charte”, “Vue d’ensemble et des Andes”,  “Vers un socialisme celtique”, “Celtisme et christianisme”, “la subversion chrétienne”, “Révision de la  politique bretonne”, “Après le manifeste”, “Celtisme et marxisme”, “En lisant Sav-Breizh”, “Le celtisme français”, “Sav-Breizh  répond”, “Trente ans”,  “Chants d’un réprouvé” (poèmes), “Pour une nouvelle politique linguistique”.

 

Le sentiment tragique de l’histoire a poussé Olier Mordrel à l’action. A  tout moment de son existence, il opéra des choix, fit des sacrifices et fut à l’opposé des mentalités actuelles héritées du finalisme chrétien où la vie n’est pas, ne doit pas être risquée, mais est déterminée par la  sécurité, la garantie et la  préservation d’une petite vie de bourgeois consommateur, sans intensité, dans l’attente du “salut” et du bonheur final promis après une carrière de petits calculs individualistes, complètement à l’opposé de l’esprit ludique et créateur des Celtes, que l’on retrouve chez Olier Modrel comme dans toute notre mythologie et tout au long de notre histoire.

 

Revenu en Bretagne après 28 ans d’exil, l’ancien chef de “Breizh Atao” publie trois livres importants: “Breizh Atao: histoire et actualité du nationalisme breton” (A. Moreau, 1973); “La Voie bretonne: radiographie du mouvement breton” (Nature et Bretagne, 1975) et “L’Essence  de la Bretagne” (Kelenn, 1977).

 

Olier Mordrel restera un exemple pour l’Europe dominée par la psychologie technocratique, à une époque où peut revenir la joie de “l’activisme tragique”. En cette fin de XXème siècle et de modernité, une nouvelle montée de la volonté de puissance des Européens, donc des Bretons qui en sont le résumé, doit donner naissance à un XXIème siècle qui sera celui d’une nouvelle modernité et d’une renaissance de nos peuples par la combinaison de leur conscience historique, de leur élan vital et de la technique moderne. Ils se choisiront un destin en reprenant conscience de leur lignée et en se réappropriant leur héritage. Ils doivent, à l’exemple d’hommes comme Olier Modrel, sacrifier le présent à l’avenir et l’intérêt individuel à la communauté.

 

Olier Mordrel, toujours courageux, franc et lucide malgré son grand âge, gardait sa vivacité intellectuelle légendaire. En 1979, il a publié “Les Hommes Dieux” chez Copernic, “L’Idée bretonne” chez Albatros et “Le Mythe de l’Hexagone” chez Picollec en 1981 et, en 1983, chez nathan, un grand album “la Bretagne et les pays bretons”.

 

Mais Olier Mordrel est malgré cela parti trop rapidement: inlassable créateur, il laisse plusieurs  ouvrages en suspens. Le passé n’est pas à dévaluer et nous n’oublions pas les grands hommes qui sont nos pères. Ils nous inspirent un futurisme constant, nous  servent de réacteur pour affronter l’avenir et nous rendre créateur de nous-mêmes dans l’histoire, c’est-à-dire démiurges.

 

Les Bretons historiques nous donnent un sens pour une montée en puissance collective; le progressisme est tombé dans le show-biz et la régression passéiste; c’est à nous, qui avons une conscience celto-européenne moderne, de produire une deuxième modernité sur la route défrichée par des hommes comme Olier Mordrel qui marche toujours à nos côtés comme un fier guerrier.

 

Il nous a confié un flambeau que nous devons mener jusqu’à la victoire.

 

Yann-Ber TILLENON.

(Hommage à Olier Mordrel paru dans la revue “Diaspad”, n°13, s.d.).

dimanche, 19 juillet 2009

L'église monacale irlando-écossaise, concurrente nord-européenne de Rome

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L'église monacale irlando-écossaise, concurrente nord-européenne de Rome

 

 

par Johanna BECK

 

Nos contemporains savent, généralement, que le christia­nisme nous est venu du sud, de Rome; et aussi que des moi­nes-missionnaires sont venus d'Irlande à partir de la fin du 6ième siècle. On connait également le nom de quelques-uns de ces moines, comme Patrick, Colomban et Win­frith­-Boniface; de même que le nom de quelques mo­nastè­res, comme celui de Bangor, près de Belfast, d'Iona et de Lin­disfarne sur les côtes occidentales et orientales de l'E­cos­se. En revanche, on sait moins, aujourd'hui, que tout un réseau de petites communautés monastiques irlandaises s'était installé en Europe du Nord et aussi en Europe cen­trale; et on ne sait pas trop comment le christianisme est arrivé en Irlande ni qui l'y a apporté. Ce n'est que depuis quel­ques années que l'on a commencé des recherches sé­rieu­ses, précises et scientifiques pour attester les indices ou les suppositions des archéologues qui nous ont précédés.

 

On admet généralement que c'est Saint Patrick qui a ap­por­té le christianisme en Irlande. Or, lors de son premier sé­jour dans la Verte Eirinn, en 412, il rencontre déjà des chré­­tiens. Dans le plus ancien manuscrit de sa Vita, on trou­­ve cette phrase: «Je ne cherche pas à m'approprier le travail de mes prédécesseurs».

 

Pelagius contre Augustin

 

Vers 400, un jeune érudit irlandais, Pelagius, enseignait et prêchait à Rome. On sait qu'il s'est rendu à Carthage, sans doute pour y rencontrer Augustin, et puis, on perd sa trace. Dans sa théologie, il avait osé contredire le Père de l'E­gli­se, Augustin. Il enseignait que les hommes n'avaient pas tous été corrompus et perdus par la chute d'Adam, qui avait entraîné le péché originel. Pour Pelagius, le péché trouve plutôt son origine dans la volonté humaine, de même que le bien, la bonté. L'homme est donc libre et responsable de suivre ou l'exemple d'Adam ou celui du Christ. La cas de Pe­lagius prouve qu'en Irlande, on se préoccupait intensé­ment de théologie chrétienne et qu'on y avait déjà fondé des écoles où l'on débattait de ces ques­tions. Pelagius était cer­tes un «marginal»; ses attaques contre l'Eglise de Rome ont provoqué la dite «dispute pé­lagienne» qui s'est pour­suivie jusqu'en 529, d'abord avec virulence, ensuite sur un ton atténué. Rome en est sortie victorieuse.

 

Autre indice tendant à prouver que le christianisme avait acquis des formes fixes en Irlande dès la moitié du 4ième siècle: l'œuvre de Saint Ninian. Né vers 360 en Bretagne (= Angleterre actuelle), Saint Ninian passa quelque quinze années à Rome, où il fut sacré évêque. Après un séjour à Tours, sur les rives de la Loire, il retourna dans son pays et fonda le monastère Candida Casa sur la presqu'île bri­tannique de Withorn, juste en face de Belfast en Irlande. Ce monastère se trouvait donc dans une région de l'actuelle Ecosse qui était celtique et picte et se trouvait bien au-delà de la frontière septentrionale du territoire britannique oc­cupé par les Romains. Ninian était fidèle à l'Eglise de Rome. Son monastère, le premier de ce genre dans la ré­gion, exerça une profonde influence sur le pays, comme l'attestent les sources, et aussi sur l'Ouest, c'est-à-dire sur l'Irlande. Mais, réciproquement, la future Angleterre reçut d'Irlande bon nombre d'influences fécondes; la règle des monastères s'y imposa, alors qu'auparavant, elle était in­connue en Angleterre; de même, de nombreuses particulari­tés liturgiques et de règles simples, ayant trait à la vie quo­tidienne. Le monastère Candida Casa devint ainsi une sorte de base irlandaise sur le territoire britannique. On y formait des prêtres et des clercs, qui essaimèrent pendant cent ans et fondèrent d'autres monastères.

 

Un monachisme d'origine égyptienne?

 

Le christianisme s'est répandu en Irlande par l'essaimage de communautés monastiques. Comme le pays est petit, ces communautés furent rapidement connues de tous et les moines n'eurent plus besoin de sillonner le pays pour mis­sionner le peuple. Bientôt, chaque clan avait son monas­tère et les moines accomplissaient toutes les tâches dévo­lues aux hommes d'Eglise. C'est la raison pour laquelle on parle d'une église monacale irlandaise. Reste la question: comment ces moines sont-ils venus en Irlande?

 

Aux débuts du monachisme chrétien, nous trouvons le monachisme égyptien, né vers le milieu du 3ième siècle. Croyant que la fin du monde était proche, que le Jugement de Dieu était imminent, certains chrétiens avaient décidé de vivre une vie ascétique, de fuir le monde, moins par souci du salut personnel que par volonté de servir d'exemple pour la communauté toute entière et la représenter ainsi, pauvre et détachée des biens terrestres, devant Dieu. Ce mona­chis­me présentait, dès ses débuts, deux tendences, le mo­na­chis­me individuel, érémitique, et le monachisme com­mu­nau­taire, soumis à des règles très strictes de vie en commun. Le tout premier monastère, celui de Tabenisi, a été fondé en 320 sur une île du Nil. De là, sans cesse, des équipes de sept moines partaient pour fonder ailleurs une nouvelle communauté monastique. Cette conception du monachis­me est arrivée en Occident à la fin du 4ième siècle; elle a aussitôt été combattue avec vigueur, ce qui l'a obligée à subir de multiples transformations.

 

Rôle primordial de l'Abbé

 

Curieusement, le monachisme irlandais présente des carac­téristiques, perdues ailleurs en Occident, au cours de la trans­formation/altération des règles égyptiennes-orientales dans l'orbite romaine-occidentale. Seulement en Irlande, l'Abbé détient la plus haute dignité: les évêques consacrés lui sont subordonnés. Ensuite, dans l'art des enluminures, apanage des monastères irlandais, nous retrouvons des mo­tifs issus du monachisme égyptien, des scènes de la vie de Saint Antoine, qui distribue ses biens et s'en va dans le dé­sert pour mener une vie d'ermite, des éléments décoratifs typiquement coptes, comme les paupières des personnages peintes en noir ou des manières coptes de lire les textes bibliques. L'Evangile de Jean joue en Irlande un rôle im­portant, comme en Orient, tandis qu'à l'Ouest, les Evan­gi­les synoptiques sont mis à l'avant-plan. Quand on examine les légendes, on découvre le récit de sept moines égyptiens qui fondent un monastère, puis périssent mar­tyrs, ce qui expliquent qu'on les ait représentés sur le socle d'une haute croix.

 

Tous ces éléments, ajoutés à d'autres encore, nous permet­tent d'avancer l'hypothèse d'une christianisation de l'Irlande et d'une constitution d'une église monacale irlandaise par des moines venus d'Orient, qui auraient contourné le con­tinent. Ces moines seraient arrivés directement par mer, en empruntant des navires marchands, venus en Irlande pour y chercher de l'or, du cuivre ou de l'étain.

 

Le monachisme irlandais, une christianisation du druidisme?

 

Ce qui étonne, c'est que cette christianisation de l'Irlande n'a pas coûté de martyrs. Sans résistance, les Irlandais pas­saient au christianisme ou restaient païens. Les prêtres cel­tiques, c'est-à-dire les druides, les grands sages, se conver­tissaient, ce qui est en somme bien compréhensible, puis­qu'ils auraient été une secte, venue, elle aussi, d'Orient. Les Druides connaissaient aussi la coutume de quitter leur communauté initiale à sept pour aller officier en un autre lieu sacré. En passant au christianisme mona­cal oriental, les Irlandais ne devaient pas abjurer leurs dieux et leurs déesses celtiques ni abandonner leurs cou­tumes: il leur suf­fisait de les intégrer. Divinités et cou­tumes celtiques ont été assimilées à des coutumes ou des saints chrétiens; dans leurs prophéties et leurs visions, les Druides les plus éle­vés dans la hiérarchie, comparent leurs lieux sacrés (bos­quets, bois, sources, etc.) à ceux de la Terre Sainte, com­me si la religiosité celtique avait précédé la religiosité chrétienne!

 

Cette tolérance a fait que pendant plusieurs siècles, les moi­nes ont recopié, dans les monastères irlandais, les vieux mythes et les anciennes légendes celtiques. C'est ain­si que nous avons pu les conserver. Il est également in­téressant de noter que la coiffure des druides  —l'avant du crâ­ne rasé et l'arrière de la chevelure longue et pendante—  a été adoptée par les moines irlandais.

 

Saint Patrick, personnage moins important qu'on ne l'a cru?

 

L'église monacale irlandaise s'est développée très vite et Ro­me n'a pas pu s'y opposer. Raison pour laquelle, plus tard, elle a monté en épingle la personnalité de Saint Patrick et lui a attribué la christianisation de l'Irlande. De Saint Patrick, nous savons qu'il est né en 390 en Bretagne romaine et que, pendant ses jeunes années, il a été enlevé par des pirates et amené en Irlande. C'est à cette époque qu'il semble s'être tourné vers le christianisme. Il s'enfuit ensuite en Gaule, poursuit sans doute son voyage vers l'Italie, où il reçoit sa formation de prêtre. En 432, il dé­barque en Irlande, plus précisément en Ulster, dans le Nord-Est de l'île. Dans cette région, se trouve la colline de Tara, où l'ensemble des clans celtiques avait coutume de se rassembler. Patrick entame sa mission au nom de l'église de Rome, mais, apparemment, sans succès. Il n'aurait réussi qu'à se gagner les faveurs du Grand Roi d'Armagh, car dans le livre d'Armagh, nous trouvons sa Vita. Au­tre­ment, rien ne rappelle son souvenir. Il n'a pas réussi à fon­der de monastère ni de communauté chrétienne. Et il n'a pas eu de successeur. Dans sa Vita, on raconte qu'il a éten­du le christianisme «jusqu'à la limite au-delà de la­quelle plus aucun homme ne vit». Selon toute vraisem­blance, ce­la ne peut concerner que l'île d'Eirinn (Hibernia). Patrick meurt en 462.

 

Brendan en Amérique?

 

Dans un écrit du 8ième siècle, le Catalogus Sanctorum Hiberniae, dans lequel on trouve beaucoup de détails con­cernant l'église monacale irlandaise, on parle des monas­tères et de leurs fondateurs. L'Ile était recouverte de monas­tères, dont beaucoup étaient des écoles de haute spiritua­lité. En concordance avec la culture celtique-chrétienne, ce serait Sainte Brigit qui aurait fondé le célèbre monastère féminin de Kildare au 5ième siècle. A proximité, se trou­vait un monastère masculin; elle les dirigeaient tous les deux en tant qu'Abbesse vers 500. Au même moment, Saint Brendan fonde Clonfert. Celui-ci nous a laissé le ré­cit d'un long voyage sur l'océan, que l'on avait toujours pris pour de la pure fantaisie, jusqu'au moment où l'on s'est aperçu qu'il contenait des observations et des descrip­tions très précises en matières de navigation et de géogra­phie. Cette précision atteste que des moines irlandais, sans doute à la recherche du pays des Bienheureux, ont sans doute atteint l'Amérique, en passant par l'Islande et le Groenland.

 

Puisque la christianisation de l'Irlande a été le fait de moi­nes qui s'y sont fixés en communautés monastiques, les chré­tiens qui habitaient les villages environnants appar­tenaient également au monastère. Dans les villes seule­ment, on devait célébrer des offices ailleurs que dans les monastères. Selon les vieilles règles coutumières et cla­niques des Celtes, l'Abbé ou l'Abbesse était propriétaire des terres et de la fortune du monastère. Or le territoire couvert par un monastère pouvait souvent avoir la taille d'une principauté. C'était les chefs de tribus qui confiaient leurs terres ou une partie de leurs terres aux moines. Rai­son pour laquelle ils réclamaient pour eux-mêmes la di­gni­té d'Abbé, et la transmettaient de génération en géné­ration. Les moines devaient obéissance à leur Abbé ou à leur Ab­besse, comme les simples membres d'un clan à leur chef. 

 

La configuration des monatères variait selon son impor­tance ou selon la région où il se trouvait. Au centre du com­plexe architectural, il y avait toujours le bâtiment où l'on célébrait les offices religieux. Autour de celui-ci se re­groupaient sans ordre précis les cellules monacales et les habitations. Parfois, toute la petite agglomération est en­tourée d'une palissade ou d'un mur de protection. Généra­le­ment, il y a également une tour, pourvue de cloches. Les bâ­timents sont en bois ou en torchis (branchages recou­verts de terre séchée). Le cimetière est hors les murs et tou­jours entouré d'une palissade ou d'un mur. Le chemin qui y mène est entouré de croix de bois ou de pierre.

 

On entre au monastère entre l'âge de quinze et dix-sept ans. On y passe d'abord trois années de probation. Les moines pren­nent en charge l'éducation et l'enseignement. L'idéal ascétique des moines égyptiens ne s'est pas imposé d'em­blée. Le célibat, par exemple, ne s'est imposé qu'après de lon­gues disputes vers la fin du 7ième siècle. A partir de cet­te époque, les contraventions aux règles monacales sont punies de lourdes peines; dans les locaux du monastère, les moines doivent garder le silence absolu.

 

Le pain est la nourriture principale. L'eau, la seule boisson tolérée. Ce n'est qu'après de longues décennies de querelles que des règles nouvelles acceptent la bière et, plus rare­ment, le vin. Pendant les périodes de jeûne, la nourriture est encore plus chiche. Mais, en contrepartie, les moines, y compris leur Abbé, doivent être autonomes et produire eux-mêmes leur nourriture. Les moines doivent donc tra­vailler la terre et élever du bétail, filer et tisser, confec­tionner leurs vêtements, fabriquer des meubles et des ou­tils. On ne sait pas grand'chose des règles du culte à cette époque, sauf que le jeudi saint, les moines se lavaient mu­tuellement les pieds et qu'au jour de Pâques, on pratiquait le vieux rite de bouter le feu au «bûcher pascal». Enfin, comme chaque tribu ou clan avait son propre monastère, chaque monastère avait ses propres coutumes et ses pro­pres fêtes religieuses.

 

Textes antiques et légendes celtiques

 

Le travail intellectuel qui s'effectuait dans les monastères ir­lan­dais, consistait à approfondir les éléments de la foi chrétienne mais aussi et surtout à transmettre le savoir de l'antiquité classique, sur base des manuscrits disponibles, ainsi qu'à transcirre l'héritage oral des Celtes. Dans les en­luminures, qui sont parmi les plus belles du monde, nous retrouvons des symboles de la vieille Irlande celtique et de l'Orient. Dans les arts plastiques, ces symboles sont éga­lement très présents (Croix; grandes croix irlandaises ou celtiques). Le latin est langue d'église, de science et d'écri­ture; la langue quotidienne celtique, elle, n'a jamais été éra­diquée.

 

Columcille et Iona

 

L'expansion vers l'Est de l'église monacale celtique-irlan­daise a commencé à partir d'Iona en Ecosse. Ce monastère a­vait été fondé par Columcille, que l'on appelle aussi Colomban l'Ancien. Columcille descendait d'une famille illustre; il est né en 521 et, dès l'âge de quinze ans, reçoit une formation dans plusieurs monastères. Les chroniques le décrivent comme un homme de haute stature, de grande intelligence, animé par un fougueux enthousiasme pour sa foi, comme un excellent poète et un bon copiste de textes anciens. Vers l'âge de trente ans, il quitte son monastère avec sept compagnons pour fonder de nouveaux monas­tères en Irlande. Là-bas, il eut une idée audacieuse qu'il mit aussitôt en pratique: en 563, il traverse la mer en direction de l'île de Hy (hy = île), située en face de la grande île de Mull sur la côte occidentale de l'Ecosse. Pour Columcille, Hy était la porte vers la Bretagne ex-romaine et le Con­ti­nent, tout en étant suffisamment isolée pour pouvoir y servir Dieu dans la paix et la sérénité. Dans d'autres chro­ni­ques, on apprend qu'il aurait été mêlé à un bain de sang, per­pétré par un roi irlandais, et que c'est la raison prin­cipale de sa fuite.

 

Imitation de Saint Antoine

 

Pour comprendre cette attitude, il faut savoir que l'une des caractéristiques essentielles du monachisme irlandais est de suivre l'exemple de Saint Antoine, qui consiste à partir dans le désert, s'éloigner de sa patrie, de tout ce que l'on aime et de tout ce qui est familier, pour expier ses péchés et pour ne plus se consacrer qu'à Dieu; mais aussi, dans la foulée, à convaincre d'autres personnes d'imiter cet exem­ple et de mener une vie de sainteté. Dans ce sens, les moi­nes doués étaient sollicités par deux appels contradic­toires: partir vers un pays lointain mais demeurer à l'abri du mon­de, sur une île par exemple, et d'y fonder un mo­nastère tout en militant pour la conversion des autres. Derrière cet­te pratique religieuse, nous retrouvons l'antique coutume d'ex­clure les malfaiteurs ou ceux qui ont, par leurs actes ou par leurs omissions, jeté le discrédit sur la communauté ou entaché son honneur; les «bannis» sont ainsi envoyés vers des contrées inhabitées. Columcille, bien sûr, n'était pas un malfaiteur, car son départ n'a pas été secret et s'est fait avec l'appui de sa communauté. Mais il se sentait cou­pa­ble. A l'île qu'il s'est choisie, il donne le nom d'Iona, mot hébreu signifiant la colombe. Son nom «Columcille» si­gnifie en langue celtique «colombe de l'Eglise»; ce n'est pas son nom d'origine, mais celui qu'il a acquis et légué à la postérité.

 

Columcille et ses moines ont rendu l'île fertile et habi­table; ils y ont construit une église en bois; puis des bâ­teaux avec l'aide d'habitants du pays. Les moines assurent par la suite l'éducation des enfants et prodiguent des soins aux malades. L'île, désormais habitable, attire des colons. La vie du monastère s'épanouit. Mot d'ordre: le travail est prière et la prière est travail. Les missionnaires issus d'Io­na partent chez les Pictes, qui ne connaissaient encore rien du christianisme, puis vers les Orkneys et les Shetlands, vers l'Islande. En 583, Columcille couronne le premier roi des tribus pictes unifiées. Iona hérite du savoir de la «Can­dida Casa» de Withorn et devient de la sorte le berceau de la chrétienté écossaise. Raison pour laquelle on parle d'«é­gli­se monacale» irlando-écossaise. Quand Columcille meurt en 597, après 34 années de travail, des monastères ont été fondés dans le sud de l'Angleterre; sa réputation a atteint les Francs de Gaule, les Wisigoths d'Espagne et les Lombards.

 

Destruction et reconstruction d'Iona

 

Après la mort de Columcille, son œuvre est poursuivie par des moines issus d'Irlande, jusqu'en 806 où l'île est atta­quée par les Vikings qui détruisent le monastère. L'île sa­crée devient alors une île des morts: en souvenir de son importance capitale, le premier roi du Royaume-Uni des Pictes d'Ecosse s'y fait inhumer en 860. Par la suite, Iona, pendant plus de 200 ans, devient le cimetière des rois de cette contrée septentrionale d'Europe. Dans ce cimetière ro­yal, le Reilig Odhrain, nous trouvons les tombes de 48 rois écossais, 4 rois irlandais et 8 rois norvégiens; parmi eux: Duncan et son meurtrier Macbeth. Quand, au début du XIIIième siècle, s'établissent à Iona une abbaye bénédictine et un couvent de pères augustins, c'en est fini de la tradi­tion irlandaise. Mais en 1938, quelque 150 hommes et fem­mes fondent la Iona Community sous l'égide du prêtre-ouvrier Macleod de Glasgow, qui, grâce à des dons, a en­trepris de reconstruire l'Abbaye de Columcille.

 

Johanna BECK.

(texte issu de Mensch und Maß, 27ième année, n°4 [23.2.1987]; adresse: Ammerseestr. 2, D-8121 Pähl). 

 

  

jeudi, 16 juillet 2009

Yann Fouéré: les lois de la variété requise

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Avril 1991

Yann FOUÉRÉ:

Les lois de la variété requise

Il ne m'arrive pas souvent de parler de philosophie. Mes lecteurs me pardonneront pour une fois d'attirer leur attention sur les lois de la "variété requise", formulées par un certain nombre de chercheurs, de physiciens, de philosophes et d'analystes à l'occasion de leurs recherches sur la "théorie des systèmes". Cette dernière s'est élaborée peu à peu depuis les années quarante dans diverses branches de la science et des techniques tant en biologie, qu'en physique, en cybernétique et en informatique. Leurs recherches les plus récentes confirment que les progrès accomplis en de multiples domaines par la civilisation de plus en plus avancée et complexe dans laquelle nous vivons, ne peuvent manquer d'avoir d'inévitables répercussions sur l'organisation "physique" et institutionnelle des sociétés humaines.

J'ai déjà indiqué dans plusieurs de mes livres et notamment dans "L'Europe aux Cent Drapeaux", qu'il y avait une "physique" de l'organisation politique et administrative comme il y a une physique de l'eau, de l'air et de l'espace. Beaucoup de nos contemporains sont égarés par des idéologies ou des systèmes de pensée qui leur font oublier l'inévitable priorité que l'on doit accorder au concret et aux impératifs de la nature, plus qu'aux théories et aux systèmes, trop souvent figés, de pensée. Il n'y a pas, en d'autres termes, de théories ou d'idéologies valables, même en politique, si ces dernières refusent de tenir compte de ce qui est et qui s'impose à nous en nous dépassant, pour privilégier seulement ce qu'il serait préférable qu'il soit.

La loi fondamentale de la vie est celle de l'équilibre, de l'action, de la réaction et de l'interaction réciproque d'organismes vivants, celles des cellules du corps humain, comme celles des hommes, des familles, des villes et des entreprises, comme celles de l'économie et des institutions que les hommes peuvent se donner. L'organisation de nos sociétés, en un mot, n'échappe pas à cette règle fondamentale de la vie. Rappelons le: il n'y a d'unité que dans la mort. A des systèmes vivants de plus en plus complexes, il faut nécessairement des systèmes d'organisation de plus en plus diversifiés.

Nous assistons de nos jours à l'éclatement de sociétés politiques devenues trop grandes et trop despotiques pour répondre aux besoins de la vie et aux désirs des hommes et des peuples. A force de vouloir tout diriger, tout réglementer, tout commander, tout décider, ils sont automatiquement conduits vers l'éclatement et la mort. Ceux qui aujourd'hui pensent encore que l'unité est inséparable de l'uniformité, tournent le dos à la vie et aux leçons des sciences, des techniques et des recherches les plus modernes, dont les lois de la "variété requise" est l'une des formulations. J'ai déjà dit que de nos jours et au point de l'évolution politique à laquelle nous sommes arrivés, il fallait bien souvent diviser pour pouvoir, par la suite, plus valablement unir.

Aux exigences d'une civilisation de plus en plus complexe doivent répondre des formes d'organisation de plus en plus décentralisées, qui remettent le choix de la décision au niveau d'organisation et de gouvernement le plus proche des citoyens. Confirmé par l'étude des disciplines modernes, l'application du principe de subsidiarité, qui est à la base de toute organisation fédéraliste, permet de concilier les contraires, d'équilibrer les besoins et les impératifs du tout ou de l'ensemble, en assurant en même temps le respect des libertés nécessaires à l'épanouissement des sociétés de base? Ce sont ces dernières qui, en s'élevant de niveau en niveau, finissent par former le tout ou l'ensemble, et permettent de réaliser ainsi l'unité dans le respect de toutes les diversités.

En économie comme en gestion, en administration comme en politique, toute centralisation excessive stérilise, car elle entraîne une simplification et un appauvrissement des canaux de communication entre la base et le sommet. Or tout le monde s'accorde à reconnaître que, en cybernétique comme en biologie et en informatique, le "feed-back" joue un rôle fondamental; c'est-à-dire que l'information ou l'organisation descendante doit se doubler, pour bien fonctionner, d'une information et d'une organisation descendante qui part de la base pour se diriger vers le sommet. Personne, en effet, ne peut mieux connaître un problème que celui qui en est le plus rapproché.

Cette page de philosophie, écho donné aux études les plus récentes, ne nous confirme-t-elle pas que la conception "totalitariste" de l'Etat centraliste qui est celle de l'Etat français, et celle d'autres grands Etats à l'éclatement desquels nous assistons, est de moins en moins adaptée à nos sociétés modernes? Nous devons y puiser des motifs supplémentaires de mener à l'écart d'idéologies et de systèmes qui cherchent à conserver ou à renforcer l'unitarisme et l'unicité des décisions, le combat pragmatique et concret qui est le nôtre, le seul qui puisse conduire à l'avènement des libertés qui sont nécessaires au peuple breton comme à tous les autres peuples de l'Europe.

Yann Fouéré

dimanche, 28 juin 2009

Quand les Celtes mesuraient le temps

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Quand les Celtes mesuraient le temps

 

Le calendrier celtique remonte à des époques extrêmement éloignées. Il était transmis de bouche à oreille.

 

Les Druides furent les gardiens jaloux du calcul traditionnel des jours, des mois, des années et de l'évolution des saisons.

 

De la façon dont les Celtes subdivisaient l'année et les saisons, il ne nous reste plus que de rares indications, souvent peu objectives, qui nous viennent d'auteurs latins comme César ou Pline. Mais nous disposons aussi de quelques témoignages directs, très intéressants. Beaucoup d'encre a coulé après la découverte de fragments de calendriers gallo-romains en 1807 près du lac d'Antre, dans le Jura français et, en 1897, à Coligny, dans l'Ain. L'étude approfondie de ces restes nous révèle que le calendrier celtique remonte, pour ce qui est de son élaboration, à des époques extrêmement éloignées et, pendant des siècles, il a été transmis de génération en génération, exclusivement sous forme orale. C'est ainsi que le calcul des jours, des mois et des années, la cadence des fêtes au cours de l'année et le cycle des saisons, constituent une partie importante du vaste patrimoine des traditions celtiques, jalousement gardé par les Druides, ces prêtres qui étaient en quelque sorte les dépositaires de la sagesse dans le monde celtique. Les Druides étaient les seuls à connaître les vertus des plantes, à utiliser l'alphabet, à maîtriser les forces de la nature et à prévoir le cours d'événements et phénomènes naturels.

 

La doctrine numérique de Pythagore

 

D'après d'anciennes sources, les Druides étaient aussi des philosophes et ils connaissaient la doctrine numérique de Pythagore: c'est la preuve qu'ils possédaient un niveau de culture raffiné et qu'ils savaient accepter les apports culturels d'autres civilisations sans dénaturer la leur. Il semblerait que ce soient bien les Druides qui aient inventé le calendrier des Celtes et gardé ses secrets pendant des siècles. Selon les chercheurs, il est possible de distinguer deux phases d'élaboration du calendrier celtique: une très ancienne phase, puis une autre, plus récente et plus complexe, laissant transparaître l'influence d'autres civilisations, surtout latine et grecque. La phase la plus ancienne de l'élaboration de ce calendrier est aussi la moins connue.

 

Grâce à des études très poussées en archéo-astronomie, il a été possible de faire remonter ses origines à l'Age du Bronze. Ce genre de calendrier était établi d'après le lever du soleil, sur cette base, les dates les plus importantes de l'année étaient les solstices et les équinoxes. Ce fait a amené certains chercheurs à en conclure que déjà à l'Age du Bronze l'année était divisée d'après le nombre de jours pendant lesquels le soleil se trouvait en déclinaison +16° ou -16°. Puisque cela se vérifie aux alentours du 2 février (-16°), du 5 mai (+16°), du 6 août (+16°) et du 2 novembre (-16°) ces quatre jours devinrent les points de repère de l'année et on leur associait les fêtes principales qui marquaient ainsi les changements des saisons. Les fêtes, liées à des cultes et à des rites ancestraux avec la Terre et les éléments naturels, furent plus tard christianisées par l'Eglise Catholique qui entendait ainsi déraciner à tout prix le paganisme et l'héritage du monde celtique. Elles furent modifiées dans leur nom et leur signification, mais malgré ces changements, elles sont encore aujourd'hui bien vivantes, témoignage d'un lien plus étroit que jamais, et tout à redécouvrir, entre notre culture et celle de nos ancêtres celtiques.

 

Imbolc et Beltaine, Lughnasad et Samain

 

La fête de Imbolc était célébrée le 2 février ; celle dédiée au dieu de la lumière se tenait le 5 mai. Le 2 février on célébrait la fête de Imbolc, fête qui a survécu jusqu'à nos jours et qui est plus connue sous le nom de "Chandeleur". Quant à la fête de Beltaine, elle était célébrée le 5 mai et était dédiée à Bel, le dieu celtique de la lumière. Parfois elle était aussi appelée Cetsamain, qui signifie "début de la chasse". Comme cette date désignait l'apogée du printemps, c'était la fête de la liesse et de la musique : les jeunes dansaient et chantaient autour de l'arbre sacré en tapissant le sol de fleurs pendant que dans les champs on allumait des feux. Plus tard la date du 5 mai fut déplacée au 1 mai ; en Italie, elle est toujours célébrée sous le nom de Calendimaggio (Calendes de mai).

 

Le 6 août c'était la fête de Lammas, appelée aussi Lughmasa ou Lugnasad dans la tradition britannique; en Italie, cette fête correspond au 15 août et est connue sous le nom de Ferragosto. Enfin, Samain, qui inaugurait le long hiver celtique. Elle tombait le 2 novembre, était dédiée au culte du feu et entretenait des liens très étroits avec le culte des morts. Peut-être l'Eglise catholique choisit-elle le 2 novembre pour la commémoration des morts justement à cause de cette tradition ancestrale, dans le but évident d'éteindre tout souvenir du paganisme, en lui procurant une nouvelle signification, toute chrétienne.

 

Le Calendrier de Coligny

 

Les meilleures informations directes sur le calendrier celtique sont connues grâce à une table en bronze découverte à Coligny et qui date de la fin du IIième siècle après Jésus-Christ. La table, dont ne subsistent aujourd'hui que des fragments, fut gravée par les Druides pour préserver leurs connaissances astronomiques et leurs traditions du danger que la conquête romaine de la Gaule représentait, en quelque sorte pour que ces connaissances ne soient pas perdues à jamais. Ce calendrier témoigne d'une connaissance avancée des normes qui régissent les mouvements des astres et prouve que les Celtes, contrairement à ce qu'affirment péremptoirement les panégyristes de la culture latine, maîtrisaient des notions astronomiques et mathématiques fort avancées.

 

Le calendrier de Coligny est un calendrier lunaire qui s'étale sur une période de 5 ans, totalisant 62 mois; 5 mois comptaient 29 jours et 7 mois en comptaient 30, pour un total de 355 jours. La non correspondance avec l'année normale de 365 jours était corrigée en insérant, au long du cycle de 5 ans, deux fois un mois supplémentaire de 30 jours: une fois au début de la première année et une deuxième fois au milieu de la troisième année. Dans le calendrier de Coligny les 62 mois du cycle sont disposés en 16 colonnes comprenant chacune trois ou quatre mois. Les mois sont numérotés de 1 à 12, pendant que les jours de chaque mois sont subdivisés en quinzaines et précédés par des abrégés qui en indiquent la nature: D (jour), MB (bonne journée), AMB (mauvaise journée). Devant chaque jour il y avait un trou dans lequel on plantait un petit bout de bois pour signaler le jour en cours. Au début du mois apparaissait le nom du mois suivi par le terme MAT(U), complet, pour les mois de 30 jours, ou le terme ANM(ATU), incomplet, pour les autres mois.

 

Les prêtres connaissaient la doctrine numérique de Pythagore. Une journée était calculée, comme le font encore aujourd'hui les Juifs et les Musulmans, de coucher de soleil à coucher de soleil. Le mois débutait à la pleine lune. Les noms des mois et leur position reflètent le lien profond des Celtes avec la Terre et les saisons agricoles. L'année commençait au mois de Samonios (chute des semis qui correspondait à octobre/novembre), c'est-à-dire quand, à l'arrivée de l'automne, les noix et leurs coquilles tombent des arbres.

 

Le cycle celtique des mois

 

Suivaient, dans l'ordre: Dumannios (les plus sombres profondeurs, novembre/décembre), Riuros (temps froid, décembre/janvier), Anagantinos (temps de rester à la maison, littéralement: incapable de sortir, janvier/février), Ogronios (temps de la glace, février/mars), Cutios (temps des vents, mars/avril). A la fin du premier semestre, tous les 5 semestres, on intercalait un mois supplémentaire appelé Mid Samonios. Avec Giamonios (exposition des bourgeons, avril/ mai) commençait le deuxième semestre suivi par Simivisonios (temps de la lumière, mai/juin, quand le soleil est à son zénith), Equos (temps des chevaux, juin/juillet, idéal pour les voyages), Elembivos (temps des réclamations, juillet/août quand, à l'occasion des foires, on fêtait les mariages et on présentait les cas à débattre devant les juges), Edrinios (temps d'arbitrages, août/septembre, quand on tranchait les litiges) et Cantlos (temps des chants, septembre/octobre, quand les poètes s'installaient dans les villages pour y passer l'hiver).

 

Outre les tables de Coligny et du Lac d'Antre, il y a plus de trente ans, en 1967, ont été retrouvés d'autres fragments d'un calendrier celtique dans le sanctuaire de Villards d'Héria. Tout ce matériel constitue la preuve irréfutable de l'importance que les Celtes attachaient à la subdivision de l'année et à leur rapport, franc et direct, avec les saisons et les éléments de la nature dont dépendait la vie de leur civilisation. Les fêtes que nous célébrons aujourd'hui, les noms de nos territoires et de nos villes et la langue que nous parlons révèlent des matrices celtiques certaines. Et malgré les millénaires d'histoire et les différentes dominations, chacune apportant sa propre culture, notre lien avec la civilisation celtique reste extrêmement vivant et irréfutable. Aujourd'hui plus que jamais.

 

Elena PERCIVALDI.

(article issu de La Padania, Milan; trad. Franç.: LD)

 

vendredi, 12 juin 2009

Les noms d'origine gauloise

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Les noms d'origine gauloise

ex: http://www.yanndarc.com/

Sous ce titre presque anodin, ce docteur ès lettres, spécialiste de la langue gauloise, produit une synthèse extrêmement étendue sur le sujet : 3 à 4000 noms de lieux sont aujourd’hui inventoriés en France, ce qui montre selon lui que « notre carte de France est en partie écrite en gaulois ».
Les chapitres du livre traitent en priorité d’une des spécialités de nos ancêtres : la guerre. Ainsi, le premier chapitre s’intitule « les raisons des combats », et les suivants, « l’équipement militaire », « la guerre de défense », « la guerre d’attaque » et « la Gaule des combats ».

 


Il est agrémenté de listes de toponymes où l’on retrouve les correspondances entre les noms des tribus et celles de notre actuelle géographie : les Andecavi sont ainsi les ancêtres des Angevins, Les Rèmes habitent la région de Reims, les Petrocori la région de Périgueux.
Les cartes proposées sont encore plus surprenantes par leur correspondance avec les actuelles frontières des départements, pourtant si décriés par les milieux identitaires : ainsi, la cité des Cénomans correspond-elle peu ou prou aux limites de la Sarthe, celle des Turons à celles de l’Indre-et-Loire. Certaines régions (et anciennes provinces) se retrouvent elles aussi : le Limousin et ses trois départements se superposent aux frontières de la cité des Lémoviques, l’Auvergne correspond à la cité des Arvernes.


De nombreux toponymes sont inventoriés : ainsi, « randa » désigne une limite, une fontière : il donne une foule de noms  de lieux, tels que Eygurande, Randon, Chamarandes, Néronde ou Ingrandes. Nombreux sont ceux, comme nous le disions plus haut, liés à la guerre ou tout du moins à l’état quasi permanent de belligérance : les troupes de combat appelées « Catuslogues » donnent Châlons (en Champagne) ; la racine « vic » désignant les combattants donnent Evreux (Ebro-vici) ou Limoges (Lemo-vici) ; les Boïens (pays de Buch) sont les « frappeurs », les Calètes (pays de Caux) les « durs ». Lacroix nous explique que « dans les sociétés indo-européennes, le roi est – doit être – riche.  A la guerre, il touche une large part du butin ; mais en même temps, il lui faut être nourricier. Le roi, le chef gaulois, se devait d’assurer la richesse à son peuple ; l’action guerrière y pourvoira. Le thème celtique rix qu’on reconnaît dans le nom des rois et chefs gaulois (dont bien sûr Vercingétorix) s’est transmis au germanique, qui l’a redonné ensuite au français riche ; la superposition des sens est éclairante sur les motivations guerrières des peuples antiques, et en particulier gaulois. »
Le vêtement gaulois nous est quasiment familier : galoches, braies et saies sont des termes encore utilisés au début du xx° siècle.


Leurs armes jouent un grand rôle dans la vie des cités au point de participer à la désignation de certains peuples : les cornes des casques donnent les Carnutes (de Chartres) ou les Slovènes de Carnium (aujourd’hui Kranj).
Le bouclier est désigné par le « radical celtique tal-, désignant étymologiquement ce qui est plat. On trouve à son origine un thème indo-européen *tel- appliqué à des surfaces planes : sanskrit talam, surface, paume ; vieux-slave tilo, pavé, sol ; lituanien pa-talos, lit ; grec telia, table à jouer ; latin tellus, terre. Cette base est bien représentée dans les langues celtiques : vieil irlandais talam, terre ; gallois, cornique, breton tal, front (…). Le sens éthymologique du thème gaulois est parfaitement justifié : à la différence des boucliers grecs et romains, de forme enveloppante, le bouclier celtique se caractérisait par sa surface quasiment plane. » Quel exemplaire démonstration de la parenté des peuples issus du fond commun indo-européen ! Et cette racine participe à des anthroponymes pleins de poésie : Actalus, grand bouclier ; Cassitalos, bouclier d’airain ; Argiotalus, bouclier d’argent, etc…ainsi qu’à des toponymes : Talais, Talazac, Tailly. Le bouclier plat des Celtes est devenu aujourd’hui la pacifique « taloche » des maçons…seule la gifle appliquée sur la figure avec le plat de la main, peut encore évoquer la lointaine époque des guerres héroïques : n’hésitez donc pas à en user contre vos adversaires, car il est bon que les traditions se maintiennent…


Le terme français de glaive doit être relié selon toute vraisemblance à un très ancien radical celtique (…) cladi (…) vieil irlandais claideb et irlandais claioimh, épée ; moyen-gallois cledy (…) breton kleze. L’écossais moderne claidheamb employé avec l’adjectif « mor », grand, a fait naître l’anglais « Claymore » ; c’est la grande épée d’Ecosse, à lame  longue et large, popularisée en France au XIX° siècle pour les besoins du folklore celte (La harpe du barde ne se marie qu’au fracas des claymores et aux mugissements des tempêtes, écrit dans un style fort caricatural le romantique Charles Nodier).
Tite-Live note qu’au début du IV° siècle av. JC. Les armes gauloises frappèrent d’étonnement les habitants de Clusium qui n’en avaient jamais vu de semblables. Le gladius des Romains est donc un emprunt au *cladios
gaulois.


Encore une fois, les armes donnent leur nom aux peuples qui en usent : l’aulne des boucliers a donné les Arvernes, le javelot, la localité de Javols et le Gévaudan. Ceux-qui-vainquent-avec-[le bois de] -l’orme [de leur javelot] sont les Lémoviques du Limousin. Ceux-qui-combatttent-par-l’if, sont un peuple d’archers, les Eburovices d’Evreux.
Mieux encore, comme dans le Seigneur des Anneaux, un poème gallois ancien , le Kat Godeu, combat des arbrisseaux, nous montre une armée d’arbres, aux essences choisies, qui s’avancent au combat (le thème en sera repris dans le Macbeth de Shakespeare, qui emprunte à la féerie celtique).
Pas de bataille sans appel aux Dieux : « On peut penser qu’avec les Druides, au moment où la nation engageait son avenir, les chefs du peuple –guides et protecteurs terrestres –et derrière eux les chefs militaires, jouaient le rôle d’intercesseurs auprès des Dieux. Les premières prières se tournaient sans doute vers le dieu national de la teuta, bienfaiteur du peuple en temps de paix, et surtout chef guerrier suprême en temps de guerre : le féroce Teutatès (ou Toutatis, que cite Lucain (…) à l’époque gallo-romaine, il sera du reste invoqué sous l’appellation de Mars Toutatis…Toujours cette parenté entre les peuples indo-européens qui facilite les échanges. L’Histoire nous a conservé le souvenir de deux rois gaulois appelés Teutomate (…). Leur nom signifiait celui-qui-est-bon-pour-la-Tribu.


Le dieu Lug, décrit dans les anciens récits celtes anciens comme un jeune dieu guerrier, fort et combatif, armé d’une lance invincible, pouvait être invoqué par les combattants se préparant à affronter la fortune des armes, donne son nom à Lyon (Lug-dunum), mais aussi Laon, et Loudun.
Chaque tribu dispose d’un emblème, voire d’un animal totémique : les Caturci sont probablement les Sangliers-du-Combat, et se fixent à Cahors ; les Tarbelles doivent leur appellation au taureau (tarvos) , et sont fixés dans la région de Tarbes ; les Volques ont pour emblème le faucon (en celtique volco). Plus surprenant, déformée en wahl, l’expression va servir aux anciens Germains à désigner les populations étrangères avec qui ils étaient en contact (groupes celtes, puis de langue romane), une connotation péjorative s’y attachant. D’où une série de noms de peuples : Wallons, Valaques, Gallois, Gaulois.
Pour s’imposer sur le champ de bataille, la guerre psychologique n’est pas sans intérêt : ainsi les Bellovaques (de Beauvais), réputé parmi les peuples gaulois pour les plus valeureux, sont étymologiquement ceux-qui-luttent-en-criant ce qui ne manquait assurément pas de paralyser l’adversaire.


Tite-Live évoque la furie gauloise qui se manifestait au combat. Les auteurs antiques sont nombreux à souligner la fureur guerrière des attaquants celtes (ce que les Romains appellent furor, de « furo » être fou, apparenté à l’avestique dvaraiti, « il se précipite », en parlant des démons : état de transe inspirée par le divin, dépassant l’homme qui n’en est plus le maître. Fureur (…) qui transporte l’homme au dessus de lui-même, le met au niveau d’exploits qui, normalement, le dépasseraient. Voilà le germe précieux des grandes victoires, commente Georges Dumézil. (…) Notre mot gaillard, lié à la vigueur, à la vaillance, est issu d’un terme gaulois *galia, force, bravoure,(…) et donne les noms de famille suivants : Gaillard, Gallard, (…), Gaillou.
Quand le guerrier s’avère cruel (c’est parfois nécessaire, mais toujours moralement problématique), il est qualifié de *crodio. Détail amusant, ce qualificatif a perduré localement, particulièrement en Suisse et Haut-Jura où il a pris la forme crouille pour désigner les « méchants », « de mauvaise apparence », la « canaille ».

Il est impossible de résumer une œuvre aussi imposante que celle de Jacques Lacroix, sans laisser de côté une infinie quantité d’exemples fascinants, ainsi que tout l’appareillage de notes et de références bibliographiques.
Cet ouvrage savant est pourtant d’une lecture aisée : il peut être avalé d’une traite ou utilisé comme une sorte de dictionnaire, voire de guide de voyage pour un tour de France de la topographie gauloise. Il offre à l’identitaire un moyen de révéler et d’exalter des racines qu’il découvrira bien plus proches qu’il ne l’imagine. Enfin, les exemples cités le montrent assez bien, la connaissance de nos ancêtres les Gaulois ne remplit pas qu’une fonction de simple érudition, mais ceux-ci peuvent être à bien des égards des éveilleurs et des modèles.

 

Jacques LACROIX, Les noms d’origine gauloise, la Gaule des combats. Editions errance, 2003

 

Source

lundi, 27 avril 2009

Le symbole du triskell

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Le symbole du triskell

 

Par Karlheinz WEISSMANN

 

Parmi tous les mouvements “nationalistes” dans les provinces espagnoles, qui réclament l’autonomie voire la sécession par rapport au pouvoir central, le mouvement galicien est le plus faible. Mais même, là-bas, on prévoit un référendum sur le statut d’autonomie. Chez les Galiciens, la conscience  d’une particularité a de profondes racines. Ils font remonter leurs origines, comme les Asturiens d’ailleurs, aux tribus celtibères qui, jadis, avaient dominé la presqu’île ibérique au-delà des Pyrénées. Ils soulignent la parenté entre le terme latin de “Galicia” et celui de “Gallia”, le nom que les Romains donnaient aux territoires qu’habitaient les Celtes dans la France actuelle et en Italie du Nord. Cela nous explique aussi pourquoi nous trouvons chez les “nationalistes galiciens” un symbole par ailleurs fort répandu dans les milieux celtisants: un symbole à trois branches, que l’on appelle “triskell” en gaëlique, d’après le grec “triskellion”.

 

Par ce terme, on désigne un symbole constitué de trois demi-arcs ou d’un équivalent dont les composantes dérivent d’un triangle isocèle placé au milieu. On retrouve des représentations de triskell qui remontent jusqu’à l’âge de la pierre. On n’en connaît pas la signification exacte: sans doute s’agit-il, comme pour la croix gammée, d’un tourbillon ou d’un symbole solaire, mais, en tous les cas, il s’agit indubitablement d’un signe sacré. On le considère comme typiquement celtique probablement parce qu’on l’associe à la “trinacria”, une sorte de triskell constitué de trois jambes portant des pièces d’armure qui est le symbole attesté de l’Ile de Man depuis le 13ème siècle. Certes, ce n’est qu’en 1968 que la “trinacria” a été officiellement adoptée comme symbole héraldique et comme drapeau de l’Ile de Man, mais elle y était extraordinairement populaire depuis le moyen âge, surtout comme motif de tatouage pour les marins d’origine manxoise.

 

Dans le cadre de l’engouement romantique pour les racines, né au 19ème siècle, on a mis l’accent sur les traditions spécifiquement celtiques des Manxois et de leur symbole. Cela nous explique pourquoi le triskell, dans le mouvement général de la renaissance celtique, ne s’est pas seulement répandu dans l’Ile de Man, en Irlande et en Bretagne, mais aussi en Ecosse, au Pays de Galles, en Cornouailles et, par extension, aux autonomistes de Galice et des Asturies. Parmi les multiples essais de créer un drapeau commun à tous les peuples celtiques, citons l’ébauche significative que proposa le Breton Robert Berthelier dans les années 50. Il conçut un drapeau vert sur lequel il plaça deux triskell jaunes, chacun représentant trois des six peuples celtiques; le premier symbolisant les Ecossais, les Manxois et les Irlandais; le second, les Gallois, les Bretons  et les Corniques. 

 

En Bretagne, à cette époque-là, le triskell était déjà largement répandu parmi les autonomistes et les séparatistes et avait reçu, dans l’entre-deux-guerres, le statut de “symbole héraldique national”. Un fait le confirme: après la conquête allemande de la France en 1940, les partis collaborationnistes bretons l’ont utilisé, tablant sur sa ressemblance avec la croix gammée. Mais cela ne porta pas ombrage au triskell. Celui-ci demeure omniprésent en Bretagne aujourd’hui: sur les emballages des marchandises produites en Bretagne, dans les symboles des associations de tous ordres ou comme emblème sur les souvenirs qu’achètent les touristes. Les régionalistes, plutôt orientés à gauche, qui prirent leur envol dans les années 60 et 70, se sont servis du triskell sans hésiter, comme, par exemple, les séparatistes du SPV ou “Strollad Pobl Vreiz”. Le recours au triskell fut également le fait de l’ADSAV, du Parti National Breton, plutôt classé à droite et fondé en 1999.

 

Les mouvements celtiques ont carrément pris possession du triskell, mais cela nous a fait complètement oublier que ce symbole avait été reconnu officiellement dans une toute autre partie de l’Europe: en Sicile. Immédiatement après la fondation par Napoléon du nouveau royaume des Deux-Siciles, les Siciliens avaient recouru, pour leurs armoiries nationales, à une ancienne représentation du triskell, constituée, elle, de trois jambes nues et recourbées, entre lesquelles figuraient des épis; et au centre de ces épis, on trouvait une figure masculine coiffée de lauriers; plus tard, lors d’un soulèvement en 1848/49, année de bien des révolutions en Europe, les révoltés brandirent un drapeau tricolore italien (vert, blanc, rouge) frappé d’un triskell, appelé “trinqueta”, sur la bande blanche centrale.

 

Au vingtième siècle, le triskell a conservé en Sicile sa signification de symbole indépendantiste pour la population insulaire. Ainsi, les combattants de l’EVIS, un groupe de partisans qui s’étaient engagés pour l’indépendance de la Sicile et s’étaient soulevés en 1943/44, avaient un drapeau rouge et jaune frappé d’une “trinqueta”. Ce motif a été repris dans les années 80 par le “Movimento per la Independenza della Sicilia” qui milite aujourd’hui pour l’indépendance de l’île.

 

Karlheinz WEISSMANN.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°12/2009, trad. franç. : Robert Steuckers).

mercredi, 22 avril 2009

De heidenen in de Lage Landen

Ex : Nieuwsbrief Deltastichting nr. 24 – April 2009

De heidenen in de Lage Landen


Neen, dit is géén boek over heidense spiritualiteit of heidense religiositeit in 2009 in de Lage Landen. Ugo Janssens vertelt in dit boek wél de geschiedenis van het heidendom – in al zijn aspecten – in de Lage Landen. Van de oertijd (voor zover men al iets kan zeggen, natuurlijk) tot het christendom: het heidendom in de symboliek, in de riten, in de tempelbouw en in de verschillende momenten van het menselijk leven.

Alles startte met de jagers en de verzamelaars, die op het einde van de middensteentijd (van 11.500 tot 5.800 v.o.j.) overschakelden van de jacht naar een meer sedentair bestaan. Maar in de eerste hoofdstukken heeft auteur Janssens het eerst nog uitgebreid over die andere species, de Heidelbergmens, die nogal zwaar leken op de neanderthalmens (die van 800.000 tot 150.000 jaar geleden leefden). Europa werd immers minstens 500.000 jaar geleden al bewoond, zoveel is wel duidelijk geworden uit allerlei vondsten (bijvoorbeeld gevonden in Spanje). Deze soort en de neanderthalmens hadden een zeer sociaal gedrag, zij verzorgden hun zieken en gehandicapten, ze geloofden in een leven na de dood, en begroeven hun doden met allerlei riten en grafgiften.

Dan kwam inderdaad de ‘homo sapiens’, en het oudste Europees exemplaar werd in de Roemeense stad Pestera gevonden: zo’n 35.000 jaar oud. Net als bij vele andere natuurvolkeren in de wereld werden ook bij die eerste ‘homines’ sporen van sjamanisme ontdekt. In Europa doken bijvoorbeeld rots- en grotheiligdommen op. De mensen geloofden in reïncarnatie, en dus in het behoud van delen van het lichaam. Allerlei delen van het dode lichaam werden daarom bewaard: botten, huiden, schedels.

Voor de wetenschappers is de overgang van de oude naar de nieuwe steentijd (van 11.500 tot 7.800 v.o.j.) een duistere, geheimzinnige tijd. Zovele vragen blijven onopgelost. Zo bijvoorbeeld de vraag of de (vrij) plotse overgang veroorzaakt werd door wereldwijde overstromingen? Men heeft er het raden naar. De Vlaams-Nederlandse kustlijn bijvoorbeeld zou rond 6.000 jaar voor onze jaartelling gevormd zijn. En in Denemarken werd een vrij grote grafplaats gevonden, waarin heel wat mannen en vrouwen begraven waren. In ons land moesten wetenschappers genoegen nemen met artefacten. In de religieuze beleving was de vrouw – de Moeder – het middelpunt. De befaamde wetenschapster Marija Gimbutas heeft haar sporen verdiend in het (letterlijk soms) opspitten van deze ‘duistere’ prehistorie.

De overgang van jagers naar sedentaire gemeenschappen leidde tot een verruwing van de maatschappij, er ontstond wedijver, ambitie en agressie, en deze evolutie leidde uiteindelijk tot een degradatie van de vrouw tot slavin. Maar andere wetenschappers bijvoorbeeld denken dan weer dat allerlei patriarchaal gerichte ruitervolkeren vanuit Oost-Europa voor de grote omwenteling zorgden. Op vele plaatsen ontstond een soort mannelijke drievuldigheid, met als opperste god de Vader als hoogste leider.

Vele sacrale plaatsen uit het Neolithicum werden in Europa teruggevonden, ook in West-Europa. De oudste omwallingen zouden 4.400 tot 3.500 v.o.j. zijn opgericht. Vlaanderen, Nederland en Duitsland werden grotendeel agrarisch, onder de zogenaamde bandkeramiekers.
Ook over de stenen kolossen, dolmens, menhirs, en andere monumenten, die op het einde van het Neolithicum werden opgericht, blijven de grootste twijfels bestaan, en de auteur Ugo Janssens maakt er een erezaak van om alle mogelijke stellingen mooi op een rijtje te zetten (met weeral de naam Gimbutas prominent vernoemd). Voor wie er nog zou aan twijfelen: Stonehenge ontstond niet in dit Neolithicum, maar werd pas veel later opgericht, tijdens de bronstijd).

De zonnegod werd geboren en zou de Grote Moeder steeds vaker vervangen. De winterzonnewende werd ook steeds vaker als het begin van het jaar beschouwd. Zonnesymbolen verschenen op de rotswanden – ook het complex van Wéris in de Waalse Ardennen moet in dit tijdsgewricht worden gesitueerd. Grafheuvels werden opgericht als magisch en religieus cultusoord (er zijn er honderden van bekend in België en Nederland). De auteur gaat uitgebreid in hoe er werd begraven en wat de mogelijke verklaringen zouden kunnen zijn.

Tussen 5.000 en 3.000 voor onze jaartelling waaierden de Indo-Europeanen vanuit Azië uit over Europa – de kopertijd en de bronstijd braken aan. Men schakelde over van inhumatie naar crematie, alhoewel, zegt Ugo Janssens, de vraag waarom dit gebeurde, ook nu nog niet kan worden beantwoord. Er zijn gissingen, er zijn veronderstellingen, maar zekerheid hebben we niet. De eerste urnenvelden in de Lage Landen duiken op rond 1.100 voor onze jaartelling. Ook mensenoffers behoorden tot de religieuze tradities in die periode, en voor de eerste keer in dit boek duikt de naam over de Germaanse oppergod, Wodan, en van allerlei Keltische goden. Ook de zonnewagen kwam steeds vaker voor.

In onze contreien doken de eerste Keltische migranten wellicht op tussen 1.400 en 1.100 voor onze jaartelling, en dan vooral als een elite die de autochtone bevolking ging overheersen. De Keltische cultuur was het resultaat van een economisch en militair overwicht – de Hallstattcultuur (Oostenrijk). Germanen kunnen trouwens niet los worden gezien van Kelten, het waren in oorsprong ook Kelten, maar vermengden zich gaandeweg met Baltische stammen en met allerlei niet Indo-Europese gemeenschappen.

De Kelten geloofden in reïncarnatie, en geloofden daarenboven dat de verblijfplaats aan de overzijde van korte duur was. Hun riten waren er steeds op gericht de goden gunstig te stemmen, de natuur met andere woorden gunstig te stemmen. Tempels, ook openluchttempels (vooral van de Kelten in onze gebieden) werden opgericht ter ere van de goden. De goden werden niet in menselijke vorm afgebeeld – althans niet zolang de Romeinen nog niet in onze streken waren gelegerd). In Vlaanderen, aldus Janssens, zijn vele Keltische tempels gevonden, de grootste daarvan in Kontich.

Germanen en Kelten cultureel van elkaar onderscheiden, is eigenlijk onmogelijk. Maar de goden van de Germanen kon je wel onderscheiden van de Keltische, want naast de verpersoonlijking van de natuurelementen waren de Germaanse goden ook de goddelijke vertegenwoordigers van de verschillende sociomaatschappelijke lagen van de samenleving. En in tegenstelling tot de Keltische priesters waren de Germaanse niet georganiseerd.

Ugo Janssens gaat in op de verschillende scheppingsverhalen, het pantheon van de verschillende goden, en de rites bij overlijden en geboorte bij de componenten van de samenleving in de Lage Landen na de komst van de Romeinen: de (Gallo-)Romeinen, de Germanen en de Kelten.

Tenslotte, om dit boek over heidenen in de Lage Landen volledig te maken, is er een hoofdstukje over de Oosterse goden in onze gewesten. Met komst van de Romeinse soldaten en een Romeins toplaagje kwamen ook allerlei goden in Vlaanderen en Nederland: Isis, Serapis, Cybele, en Mythras. Met deze laatste werd de akker trouwens al aardig beploegd voor de (voorlopig) jongste goddelijke komst in onze landen: het monotheïsme, in de vorm van het christendom.

Een zeer interessante uitgave. Veel informatie. Maar ook vele onopgeloste vragen.


Titel: De heidenen: Riten, culten en religie in de Lage Landen. Van de oertijd tot het christendom
Auteur: Ugo Janssens

ISBN : 978-90-209-8321-0
Verkoopprijs : 19,95 EUR (richtprijs)
NUR-code : 683 Oudheid (tot 500)
Afwerking : Paperback
Aantal pagina's : 304
Uitgave : Uitgeverij Lannoo

(Peter Logghe)

jeudi, 12 février 2009

Keltia n°11

Keltia n°11 - Janvier 2009

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4,90 €
Disponible prochainement !

Au sommaire :

Au sommaire :
Dossier : La Belgique des Celtes
- Ambiorix le Sanglier des Ardennes
- Art du feu... esprits fumeux
- Festivals, musique, artisanat, musées et sites...

- L'Origine des Celtes (2), par V. Kruta
- Musique : Pascal Lamour
- Cacophonie céleste : la chasse sauvage
+ Livres, BDs, DVDs, web, infos, musique...

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jeudi, 05 février 2009

Destin et identité des Cornouailles

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989

«An Omsaf Kernewek» - Destin et identité des Cornouailles


par Richard LAWSON


Le Pays des Cornouailles, ou Kernow pour lui donner son nom celtique d'origine, est formé d'un territoire quasi péninsulaire à l'extrémité sud-ouest de la Grande-Bretagne. Cette région est d'une inoubliable beauté naturelle et bon nombre d'étrangers la regardent comme le site idéal d'une fermette de vacances ou comme le lieu d'une villégiature à l'heure de la retraite. Mais c'est surtout le terroir d'un peuple qui est l'héritier d'une culture celtique très ancienne. L'indice le plus patent de cet héritage est indubitablement la langue cornique (Kernewek), qui fut langue morte pendant une centaine d'années, mais a été ressuscitée et se retrouve aujourd'hui à nouveau sur les lèvres du peuple cornique. Le Kernewek est une langue celtique-P très apparentée au breton et au gallois et un peu moins proche des langues celtiques-Q comme le gaélique irlandais, le gaélique écossais et le gaélique manxois.


L'anglais refoule le brythonique


La cornique, le breton et le gallois descendent de la langue brythonique parlée du temps de Jules César sur tout le territoire de l'actuelle Angleterre et dans le sud de l'Ecosse. Les Anglais, en revanche, qui débarquèrent pour la première fois en Grande-Bretagne en tant que mercenaires des Romains, avancèrent progressivement vers le nord et vers l'ouest, repoussant les restes de la culture brythonique en Cornouailles, au Pays de Galles, en Cumbrie et dans le Strathclyde. Après la bataille de Dyrham en 577, les régions de parler nord-gallois furent séparées des régions de parler sud-gallois, lesquelles correspondent aux Cornouailles. On peut dès lors affirmer que la langue cornique date de cette séparation. Le terme welsh (ou weahlas en vieil-anglais) signifie "étranger" et la Cornouailles doit sont nom à l'expression Cornu-Weahlas, c'est-à-dire les Welsh de la «corne» ou du «coin».


Au départ, cependant, ce royaume celtique était beaucoup plus grand que l'actuel pays cornique. On le connaissait sous le nom de Dumnonia (dont est issu le nom du Comté de Devon) et s'étendait à l'est jusqu'au Somerset. Cette région-là s'appelait en cornique Gwlas an Haf (ou «Pays de l'Eté»), une référence à son utilisation comme terre à patûrages pour l'été. Quand la langue ouest-galloise fut confinée au pays des Cornouailles, la région fut placée sous la domination du royaume anglais du Wessex mais conserva un statut juridique particulier. Au Moyen Age, l'expression latine in Anglia et Cornubia était aussi pertinente que pourrait l'être l'expression actuelle «en Angleterre et au Pays de Galles».


Les soulèvements des Cornouailles contre la domination anglaise


L'histoire médiévale connut également quelques révoltes parties des Cornouailles. En 1497, au cours d'une guerre anglaise contre l'Ecosse, un forgeron de village, du nom de Michael Joseph An Gof (= Le forgeron) conduisit une armée de 15.000 partisans corniques en révolte contre les taxes levées pour financer la guerre. Cette armée avança des Cornouailles jusqu'à Blackheath près de Londres, pour y être défaite après une rude bataille. En 1549, à la suite de la Réforme protestante, le First Act of Uniformity (La Première Loi d'Uniformisation) imposa le Book of Common Prayer (Le Livre de Prières com­mun) destiné à remplacer le latin par l'anglais dans les services religieux. Le pays cornique se souleva une nouvelle fois, les insurgés déclarant: «Nous, Hommes corniques, puisque certains d'entre nous ne comprennent pas l'anglais, refusons absolument ce nouveau livre anglais». Les rebelles mirent le siège devant Exeter mais furent battus. Comme la dispute trouvait son origine dans les cogitations des «hommes de Dieu», la rébellion fut matée avec une sauvagerie plus grande encore que celle qui sévit après le soulèvement d'An Gof. Au cours de la Guerre Civile anglaise, les Cornouailles apportèrent leur soutien à Charles I et appuyèrent la cause royaliste en lui envoyant —c'est attesté— les meilleures troupes qui ont combattu au cours de ce conflit.


Le déclin de la langue et de la culture corniques


La Réforme protestante est passée quasi inaperçue en Cornouailles jusqu'à l'Act of Uniformity et à la rébellion du Prayer Book. C'est surtout par après que la Réforme allait avoir un effet gravissime pour la survie de la langue cornique. Les Mystères, ces pièces religieuses médiévales qui contribuèrent à forger le langage, ne faisaient plus partie du nouvel ordre protestant. De plus, l'isolement de l'Angleterre par rapport à l'Europe continentale catholique mit fin aux contacts étroits que les Cornouailles avaient maintenus avec la Bretagne, depuis l'arrivée des premiers colons corniques en Armorique.


Si la Bible avait été traduite en cornique, comme elle l'avait été en gallois, la langue des Cor­nouailles aurait sans doute connu un sort meil­leur. L'apparition d'une classe marchande an­glo­­phone fit de l'anglais la langue de l'a­van­cement social, économique et politique. La langue cornique déchut et fut ravalée à un statut inférieur et considérée comme un idiome juste bon pour les paysans et les pècheurs (cette carte nous indique son déclin géographique pro­gressif).


Au sein d'une famille humaine, le processus de mutation linguistique s'effectue très rapidement. La première génération ne parle que la vieille langue. La seconde génération est constituée de locuteurs autochtones maîtrisant la vieille langue mais qui, au cours de leur existence, apprennent la nouvelle langue. Ils perçoivent la vieille langue comme un handicap et essayent de ne pas la transmettre à leurs enfants. La troisième génération parle d'emblée la nouvelle langue mais comprend la vieille langue parce que la génération des grands-parents la parle. La qua­trième génération ne parle que la nouvelle langue.

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Dans la seconde moitié du XVIIième siècle et dans la première moitié du XVIIIième siècle, un groupe d'érudits appartenant à la noblesse et regroupé autour de Newlyn tenta de faire revivre la langue en créant une littérature cornique. Ils n'étaient pas des locuteurs autochtones et semblent avoir vécu en ignorant les véritables locuteurs qui survivaient autour d'eux!


La femme d'un pêcheur de Mousehole, nommée Dolly Pentreath, qui mourut en 1777, fut, dit-on, la dernière locutrice autochtone. Il existe pourtant des preuves que d'autres ont vécu après elle en maîtrisant au moins quelques éléments traditionnels de la langue.


Dernières survivances et mort de la langue


Des lambeaux de la langue ont survécu. Il s'agissait de bouts de phrases, de séquences langagières grossières ou d'expressions diver­ses, le «Notre Père» et les chiffres jusqu'à 20. Ensuite, quelques centaines de mots isolés, notamment dans le vocabulaire marin, survécu­rent dans le dialecte anglais des Cornouailles. Aujourd'hui encore, le terme cornique de crowst est très largement utilisé pour désigner le lunch (le déjeuner).


Vers 1800, cependant, la langue cornique, malgré toutes les bonnes intentions et tous les projets, était bien morte; plus personne ne l'utilisait jusqu'au point même où l'on se mit à douter qu'elle existât vraiment. Après 1800, les Cornouailles perdirent toute trace de culture cel­tique, bien que le concept de «cornicité» (Cornishness) demeura vivant dans les cœurs et les esprits du peuple cornique, exactement comme l'Irlande, devenue anglophone, n'en demeurait pas moins irlandaise.


Le «revival»


Au cours de la seconde moitié du XIXième siècle, la grande vague du romantisme européen se porta jusqu'aux rivages des pays celtiques et provoqua un revival de la culture celtique. Les Cornouailles voulurent immédiatement prendre part à cette résurrection, même si l'on pouvait douter du fait que les Cornouailles étaient encore un pays celtique. Les Corniques donnèrent la réponse eux-mêmes. Après plus d'un siècle de silence, la langue cornique revint à la vie.

En 1901, la Cowethas Kelto-Kernuak (Société celto-cornique) fut constituée pour faire revivre la langue cornique en tant que langue parlée et d'établir un gorsedd selon les méthodes gal­loises. Cette institu­tion festive avait été créée au XVIIIième siècle et visait à imiter de façon assez naïve les anciennes pratiques druidiques. Mais l'authenticité de ces reconstitutions peut être mi­se en doute. Quoi qu'il en soit, ce type d'ac­tivité focalisa l'attention du public au Pays de Galles et en Cornouailles et, de ce fait, con­tribua à con­solider le mouvement linguisti­que.


La renaissance

de la langue


En 1904, les Cornouailles furent admises au Congrès Celtique qui les considérèrent ainsi comme une nation celtique à part entière. La même année, la figure centrale, le père du revival lingusitique cornique, Henry Jenner, publia une anthologie de textes pour ceux qui souhaitaient apprendre la langue; elle portait le litre de Handbook of the Cornish Language.


Le mouvement disparu au cours de la première guerre mondiale et en 1922 la Cowethas Kelto-Kernuak fut remplacée par la première Old Cornwall Society. C'est Jenner qui la fonda, avec son disciple principal Robert Morton-Nance. Au cours de son évolution, cette société devint une association parmi d'autres au sein d'une fédération.


En 1928, le premier Gorsedd cornique eut lieu, réalisant du même coup l'objectif principal de la Cowethas Kelto-Kernuak, vingt-sept ans après sa fondation... Les choses ne bougent pas vite dans les pays celtiques. Bien que le revival lin­guistique n'enregistrera jamais de succès com­plet dans son projet de restauration du cornique comme langue quotidienne pour l'en­semble de la population, il s'avère véritablement indispen­sable dans l'affirmation de toute identité corni­que. Sans lui, les Cornouailles pourraient certes réclamer une autonomie régionale dans le cadre de l'Angleterre; avec lui, elles peuvent réclamer le droit à une nationalité distincte.


Je vous laisse seuls juges pour déterminer si les Cornouailles sont une nation ou une presque-nation. Le critère qui détermine la nationalité dé­pend souvent du succès ou de l'insuccès d'une affirmation de soi plutôt que de facteurs pure­ment objectifs. Pour le dire en d'autres mots, une nation, c'est une langue dotée de navires de guerre...


Ce souci du langage est pertinent pour toutes les petites nations d'Europe et pour beaucoup de ses régions historiques. Un vieux proverbe cornique nous l'enseigne: «Den hep tavas re gollas y dyr» (un homme sans langue est un homme qui a perdu son pays).


Il m'apparaît dès lors opportun d'examiner d'une manière assez détaillée quels sont les mécanismes de tout revival linguistique. Les pro­blèmes auxquels il faut faire face sont par­tagés par la plupart des nations submergées qui ont décidé de retrouver leur liberté et leur iden­tité.


Les mécanismes de reconstruction:


L'histoire de la langue cornique a connu trois phases historiques successives:

1) La phase du Cornique Primitif (600-800):

nous n'en avons pas de traces écrites.

2) La phase du Vieux Cornique (800-1200):

nous disposons de glossaires (Vocabularium Cornicum).

3) La phase du Moyen Cornique (1200-1575):

Nous disposons de textes: Pascon agan Arluth, les Ordinalia: Origo Mundi, Passio Christi, Resurrexio Domini. Ensuite: Beunans Meriasek (1504) et Tregear Sermons (1558).

4) La phase du Cornique Tardif (1575-1800):

Creation of the World (1611) et les textes de la Newlyn School (1660-1740).


La date de 1575 signale une mutation pho­nologique. Des modifications d'ordre gram­ma­tical sont survenues ultérieurement.


Le Handbook de Jenner se basait sur le Cornique Tardif (CT). Il peut nous apparaître logique de poursuivre la trajectoire de la langue cornique à partir du stade atteint juste avant sa disparition. Mais le CT était du cornique de fin de course. Son vocabulaire, sa grammaire et sa phonologie avaient déjà été fortement influencé par l'anglais et cette langue abâtardie n'était plus un moyen d'expression approprié. C'est un problème auquel les philologues des revivals manxois et breton avaient déjà dû faire face. Contrairement au cornique, les derniers exem­ples de manxois parlé avaient pu être enregistrés, ce qui constituait un avantage même si le manxois antérieur (non enregistré) du XIXième siècle aurait pu constituer une meilleure base à imiter.


C'est pourquoi, contrairement à Jenner, Robert Morton-Nance et son collaborateur, A.S.D. Smith, préférèrent revenir au Moyen Cornique (MC) pour asseoir le revival linguistique. Cette période de l'histoire de la langue non seulement offre une source plus pure et une qualité de langage plus élevée mais comprend également 86% de la littérature cornique existante. En 1929, Nance publie son Cornish for all (Le cornique pour tous) et son système, dénommé Unified Cornish, nous a livré la forme standard de la langue jusque très récemment.


Emprunts et néologismes


Mais le corpus du MC n'est pas très important. Nous ne possédons que les mots transmis par hasard. Nance et Smith ne pouvaient pas aller demander à un locuteur autochtone «Comment dites-vous cela?» ou «Quel est le mot pour désigner ceci?». Il recoururent à des emprunts au Vieux Cornique (VC) et au CT, mais une bonne partie de la langue, surtout les formes verbales, dut être reconstituée par analogie interne ou par emprunts au gallois ou au breton. Lorsqu'un mot existe tant en gallois qu'en breton, il y a de fortes chances qu'il existait également en cornique. Ré-orthographiés selon des règles pré­cises, de tels emprunts compensent parfai­tement les pertes, tandis que de nouveaux mots peuvent être forgés en utilisant des racines cor­niques.


On objecte parfois que ces emprunts et néo­logismes sont si nombreux en cornique que la langue apparaît tout à fait artificielle. Pourtant, tel n'est pas le cas. Des analyses de textes en Revived Cornish montrent que 95% du vo­ca­bulaire utilisé se retrouvent dans les textes mé­diévaux. Les philologues bretons, soucieux de purifier leur langue, ont également emprunté au gallois ou construit de nouveaux mots au départ de racines bretonnes.


Une question plus juste serait de demander: «Comment être sûr de prononcer correctement le cornique?». C'est bien sûr une impossibilité, bien que nous pouvons et devrions utiliser les principes scientifiques de la linguistique pour opérer une reconstruction phonétique aussi précise et authentique que possible. C'est donc dans le domaine de la phonologie, plutôt que dans celui de la grammaire, que l'Unified Cornish suscite les critiques des milieux uni­versitaires. Les travaux de reconstitution de la langue furent une excellente initiative en leur temps mais ils n'étaient pas assez excellents eu égard aux progrès récents des sciences lin­guistiques.


Nance et Smith ont procédé en unifiant les orthographes trouvées dans les textes anciens puis en reconstituant la phonologie. Ce travail se basait sur les descriptions de l'époque relatives au CT et consignées par le grand érudit celtisant Edward Lluyd, sur le gallois moderne et sur le dialecte anglais du West Penwith, région située à l'ultime extrémité de la péninsule cornique où la langue fut parlée pour la dernière fois. Ce dialecte anglais a vraisemblablement hérité de certaines caractéristiques du cornique.


Le recours à la

phonologie du breton


A la suite de ces travaux, on a constaté que les voyelles du CT avaient été profondément in­fluencées par l'anglais parlé à la même époque. Et si le dialecte anglais du West Penwith avait conservé des intonations corniques, les voyelles devaient davantage à l'anglais archaïque qu'au cornique. Il fallut dès lors conclure que Smith, qui faisait autorité en matière de langue galloise, s'était trop apesanti sur cette source et que le breton, beaucoup plus proche du cornique, était une source bien plus pertinente.


Ces découvertes eurent pour résultat un ré-examen complet du Revived Cornish. Le Dr. Ken George entreprit cette tâche. Il avait reçu son titre de docteur de l'Université de Brest en Bretagne pour ses études sur la langue cornique dans toutes les phases de son histoire.

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George se fit l'avocat d'une inversion métho­dologique par rapport à Nance et Smith. Au lieu de reconstruire l'orthographe et d'y adapter en­suite une phonologie, il plaide pour une redé­couverte de la phonologie suivie de la création d'une orthographe phonémique qui correspond aux faits phonologiques. George démontra que l'orthographe phonémique consti­tuait un avan­tage indubitable pour l'étudiant vivant dans un environnement totalement anglophone. L'exposé que fit George des dé­ficiences de l'Unified Cor­nish et la logique im­parable de ses arguments furent si convaincants que le Cornish Language Board, qui est l'autorité du mouvement corni­que en matières linguistiques, adopta ses propo­sitions, lesquelles sont progressivement intro­duites actuellement.


Les résultats du revival


Malgré la longue marche du revival, ce n'est que depuis une époque très récente que le rythme des progrès s'accélère. Dans notre après-guerre, la possession privée d'automobiles a permis aux activistes du combat linguistique de se rencontrer plus souvent. Du coup, le cornique n'était plus un langage écrit par seulement quelques érudits mais un langage parlé couramment à intervalles réguliers. Au cours de ces toutes dernières an­nées, les progrès révolutionnaires de l'infor­matique ont fait que livres et revues sont dé­sormais plus faciles à publier et sont complétés par des disques, des cassettes audio et vidéo et même par un jeu didactique informatisé.


Mais c'est le contact direct, dans les classes du soir, qui reste l'épine dorsale de la transmission. Cela a été facilité par l'établissement récent d'un Centre linguistique abritant une bibliothèque et servant de base opérationnelle pour les cours et diverses autres activités.


Si, dans le passé, le revival était une activité réservée à de vieux instituteurs retraités, les ac­tivités d'aujourd'hui s'adressent en grande partie aux jeunes. Le cornique est enseigné com­me matière extra-curicula dans quelques éco­les des Cornouailles et vient d'être officiel­lement recon­nu comme matière d'examen.


Parmi les succès récents du combat linguistique, citons l'octroi d'une garantie de la part de la Communauté Européenne pour la publication d'un dictionnaire raisonné dans l'orthographe nouvelle et l'accord du gouvernement britan­ni­que pour le placement d'une signalisation rou­tière bilingue.


Le gros de ce travail, de même que la publication régulière d'un mensuel, est dû à la Kowethas an Yeth Kernewek (Société de la Langue Cor­ni­que), imitée de la Cymdeithas Yr Iaith Gymraeg (Société de la Langue Galloise).


Combien de locuteurs aujourd'hui?


Il est une question pertinente qui m'est posée quelquefois: «Combien de personnes parlent-elles cornique actuellement?». C'est une ques­tion auquel il est difficile de répondre. Parce que la réponse dépend du degré de compétence linguistique que l'on sous-entend lorsque l'on dit «parler». Quoi qu'il en soit, le nombre des locuteurs actifs, capables de converser dans la langue, doit être évalué à quelques centaines, pas à quelques milliers. L'objectif immédiat du mouvement linguistique est de recruter 4000 locuteurs, soit 1% de la population. Si ces per­sonnes sont suffisamment motivées et par­viennent à conquérir assez d'influence, elles pourront susciter un intérêt pour la langue. Le revival jouit certainement de beaucoup de sympathies et de bonnes volontés sinon d'un soutien actif et bon nombre de simples habitants des Cornouailles sont fiers aujourd'hui de don­ner un nom cornique à leur maison, leurs enfants et leurs bâteaux.


Le problème d'un revival linguistique qui recommence tout à zéro, c'est qu'il se réduit inévitablement à une activité de club, réservée à un groupe limité d'enthousiastes. Et même s'il ne réussit pas à imposer son but ultime, il réussit au moins à créer une solide petite communauté cornicophone.


La situation démographique

des Cornouailles


Tandis que le mouvement linguistique et les activités culturelles qui lui sont connexes con­tinuent à faire de modestes progrès, le socle sur lequel le revival est censé se déployer, c'est-à-dire la population cornique elle-même, est menacé sérieusement par l'implantation à grande échelle d'une population non cornique.


J'ai fait allusion au début de mon exposé à la beauté naturelle des Cornouailles qui en fait une région idéale de résidence secondaire ou va­cancière. L'acquisition de demeures de ce type par des gens étrangers à la région atteint des proportions inquiétantes. Comme les peuples des Pays Baltes, les autochtones des Cor­nouailles se retrouvent aujourd'hui en minorité dans leur propre pays. De surcroît, il existe des plans prévoyant l'installation de davantage d'al­lochtones; ce qui aboutira à un génocide par remplacement. La plupart des immigrants qui arrivent en Cornouailles tentent d'échapper aux villes anglaises menacées par la criminalité et par des conflits de toutes sortes; en fait, les Anglais des villes subissent le même processus: ils sont submergés par des immigrants venus de partout...


En Cornouailles, les villages côtiers si pittoresques sont achetés pour en faire des agglomérations de maisons de vacances ou de villégiatures pour retraités. Les autochtones ne peuvent plus faire face à la flambée des prix de l'immobilier et sont obligés de se loger dans des immeubles municipaux faisant fonction de «réserves d'Indiens». Malgré cette immigration et l'inflation des prix, les Cornouailles demeu­rent une région périphérique délaissée, affligée par le chômage. Les jeunes qui ne veulent pas traîner une existence dans l'inactivité du chô­mage sont obligés d'émigrer vers Londres ou d'autres villes du Sud-Est de l'Angleterre.


Il reste à voir si ces menaces favoriseront un militantisme plus politique et un soutien plus accru aux organisations nationalistes corniques. Les Cornouailles comptent deux partis nationa­listes, le Mebyon Kernow (les Fils des Cor­nouailles) fondé en 1951 et le Cornish Na­tional Party fondé en 1969. Des deux, Mebyon Ker­now semble être le plus actif sur le plan électoral tandis que le CNP produit davantage de litté­rature, notamment une revue trimestrielle An Ba­ner Kernewek (The Cornish Banner, La Ban­nière Cornique).


Conclusions


Henry Jenner, père du revival de la langue cornique, se demandait: «Prak y tysk Kernow Kernewek?» (Pourquoi le Cornique doit-il ap­prendre le cornique?). Il donnait lui-même la réponse: «Drefen y vos Kernewek» (Parce qu'il est Cornique).


Je me permettrais de donner une réponse plus profonde et plus significative pour toutes les petites nations et les cultures régionales d'Eu­rope. Tout revival linguistique est une recherche de ses racines, de son enracinement, une tentative d'établir la continuité ethno-historique dans un monde livré à la société productiviste et consumériste.


En cornique et en gallois existe le mot hiredh, qui signifie «se languir», «avoir la nostalgie», une caractéristique spirituelle de tous les peuples celtiques. Cet état d'esprit signale que, malgré toutes les séductions du présent, nos rêves sont dédiés au passé ou au futur. Ce sont effecti­vement les gloires du passé et les espoirs du futur que nous évoquons en disant: Dasserghyn (Ressuscitons!).


Richard LAWSON.

(discours prononcé lors d'un colloque international sur les minorités ethniques tenu le 11 mars 1989 dans les salons de l'Hôtel Bedford à Bruxelles).


 

mercredi, 17 décembre 2008

Fêtes païennes des quatre saisons

Fêtes païennes des quatre saisons, sous la direction de Pierre Vial,

par Robert Dragan

C’est bientôt la fête de Jul, ou comme disent nos amis chrétiens, Noël. Qu’offrir à vos parents ou vos proches ? Un présent utile, qui contribuera à les éclairer politiquement : Fêtes païennes des quatre saisons, ouvrage collectif rédigé sous la direction de Pierre Vial, est le cadeau tout trouvé.

Peut-on cependant parler d’un ouvrage “politique” à propos de Fêtes païennes des quatre saisons ?

Assurément oui. Ceux qui considèrent que la politique consiste exclusivement à gloser sur les résultats de nos gouvernants, et à concevoir des stratégies opératoires pour prendre leur place, en seront pour leurs frais. Ici, pas l’ombre d’un programme électoral, et pas un seul mot en « isme ».

Mais qu’est-ce que la politique sinon l’art de diriger la cité, c’est-à-dire celui de conduire en priorité sa vie et celle de ses enfants ?

Fêtes païennes des quatre saisons est un vade-mecum pour le militant identitaire qui cherche à vivre selon ses lois, au moins dans le cadre de la famille et de la communauté ; et cela, l’Etat moderne reste impuissant à le lui interdire.

Vivre selon ses lois, c’est d’abord se réapproprier son calendrier. Dans la Tradition indo-européenne, l’année est divisée en fonction de la course du soleil : elle est rythmée par deux solstices, celui d’hiver (Jul) et celui d’été (au mois de juin), et deux équinoxes (dont Ostara en Mars) ; mais on célèbre également le mois de mai (Beltaine), le soleil le 1er août (Lughnasadh), et les morts le 1er novembre (Samhain).

On peut constater qu’il est assez simple pratiquement de consacrer du temps à ces fêtes car elles correspondent peu ou prou aux dates de nos modernes vacances scolaires : à cela il y a une explication bien simple, c’est que la christianisation de l’empire romain, puis des royaumes barbares d’Europe du Nord, n’a été rendue possible que parce que le calendrier chrétien s’est glissé dans les habits de celui des Indo-européens.

En introduction du livre on nous le précise d’ailleurs :

« Le christianisme a dû s’européaniser et, donc, récupérer et intégrer des formes de sacralité s’exprimant dans la vie des communautés populaires (…). D’où la mise en place d’un calendrier de fêtes « chrétiennes » greffées en fait, plus ou moins adroitement, pour beaucoup d’entre elles, sur d’ancestrales fêtes païennes. »

Dès lors, on a désigné du nom de paganisme, celles des survivances indo-européennes qui étaient un peu trop évidentes, auxquelles restaient attachés les paysans (paganus,i). Et on s’est ingénié à les combattre : d’amusantes citations ponctuent Fêtes païennes, ainsi une vie de Saint Nicolas éditée en 1886 où il est précisé que « pendant sa vie notre saint avait travaillé à éteindre le culte d’Apollon, mais, malgré tous ses efforts, il n’était pas parvenu à extirper toutes les racines de cette superstition ». L’auteur nous précise alors que Nicolas est né à Patare, « deuxième ville de Lycie (du grec Lycaon, « le loup »), port fondé par les Grecs, [qui] était un centre important du culte d’Apollon. »

Dès lors, on voit qu’à moins d’avoir perdu toute mémoire, il n’est pas si difficile d’ « être païen ».

Etre païen consiste également à célébrer le culte de ses ancêtres.

Certes, l’ouvrage est savant, en ce qu’il fourmille de références historiques, mais en guise d’introduction, Jean Haudry fait la part des choses : être païen ne consiste pas à collectionner des références érudites, et à en disputer entre spécialistes l’interprétation. Si ce travail est nécessaire, et continue d’être approfondi, comme le montre son long article, il n’en conclut pas moins à la nécessité de faire vivre la Tradition :

« La Tradition est consubstantielle au peuple. C’est pourquoi comme lui elle a des ennemis, dont la haine vigilante sait exploiter ses faiblesses, et notamment l’impossibilité d’établir de façon sûre une continuité linéaire entre la pratique actuelle et son origine lointaine. Mieux vaut donc adopter la démarche inverse, semblable à celle qui consiste à faire revivre une langue morte, et revendiquer, tel que la science nous le révèle, l’héritage de nos ancêtres. »

Philippe Conrad explique ainsi que « [la] célébration [du solstice d’été] doit être vivante et joyeuse (…). Renouer avec cette fête de la plus vieille Europe, c’est affirmer notre fidélité à l’héritage ancestral et par là même notre identité. (…) Il reste le moment privilégié où, près du bûcher aux flammes claires, l’individu retrouve son clan. »

Si être païen permet de renouer verticalement avec la Tradition passée, c’est également le moyen de mesurer horizontalement dans son siècle, quelles sont les limites de sa communauté. Fêtes païennes des quatre saisons vous montrera de façon pratique et simple la réalité du fait européen : Jean Poueigh décrit le solstice au pays d’Oc, deux pages illustrées évoquent l’Oktoberfest de Munich, vous lirez un article de l’Accent catalan sur la pratique actuelle des feux de la St Jean en Roussillon, vous n’ignorerez rien des traditions nordiques (l’origine de la tour de Jul ou la mort de Balder), et vous pourrez même apprendre à présenter vos souhaits pour le solstice d’hiver en vingt-six langues européennes ! Vous apprendrez qu’on célèbre également au mois de Mars la fête de l’amitié et de la communauté qui lie les fratries de jeunes gens, et au mois d’Avril la fête de l’Empire. Les derniers empires de notre continent ont sombré en 1918 ? Qu’importe si l’idée reste présente dans les cœurs des Européens d’aujourd’hui !

Fêtes païennes des quatre saisons, c’est encore mille informations pratiques : comment cuisiner les plats correspondant aux célébrations (ragoût de sanglier ou gâteau aux noix), comment organiser sa veillée familiale du solstice d’hiver, comment décorer sa maison, son arbre de Jul (confectionner votre julbok – activité idéale pour occuper les petits) ou comment monter le bûcher du solstice.

Ajoutons que l’ouvrage est abondamment illustré (photos de monuments, tableaux, gravures) et très soigneusement mis en page.

Enfin, il m’est impossible de dresser une liste complète de ses contributeurs : outre les noms cités, on y lira par exemple Diodore de Sicile, C. d’Orléans, P. de Ronsard, Bernardin de Saint Pierre, Hölderlin, A. de Musset, A. de Gobineau, G. de Maupassant, F. Nietzsche, E. Vehaeren, J. Giono, P. Drieu La Rochelle, G. Dumézil, J. Prévert, A. de Benoît, D. Venner… Et bien sûr notre camarade Jean Mabire, à qui l’ouvrage est dédié.

Fêtes païennes des quatre saisons, sous la direction de Pierre VIAL
Editions de la Forêt - Mars 2008 - 34€ (N° ISBN : 978-2-9516812-8-6)

Robert Dragan

 


 

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lundi, 24 novembre 2008

Jean Markale le celtisant est mort

Jean Markale le celtisant est mort

 

Auteur d’une centaine d’ouvrages, notamment sur les Celtes, Jean Markale est mort hier matin, à l’hôpital d’Auray. Il avait quatre-vingts ans.

De son vrai nom Jacques Bertrand, Jean Markale avait, avant de se lancer dans l’écriture, exercé, pendant vingt-cinq ans, le métier de professeur de lettres classiques dans un collège parisien. Mais, en 1979, fort de son succès avec « La femme celte » (Payot), il avait arrêté l’enseignement et était venu s’installer à Camors, près d’Auray, le pays de ses ancêtres. C’est là qu’il écrira, à une cadence pour le moins soutenue, tous ses livres. Ses grandes spécialités : les Celtes, le mythe du Graal, l’histoire de la Bretagne, l’ésotérisme et les énigmes historiques. Autant de thèmes qu’il a développés à satiété et exploités sous différentes formes, en particulier à travers des « cycles » qui lui permettaient de laisser libre cours à sa verve épique et à son imagination.

Son manque de rigueur scientifique était, d’ailleurs, le reproche que lui faisaient ses nombreux détracteurs. Mais Markale s’en moquait : « Je préfère être considéré comme poète plutôt que comme chercheur ».

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Découvertes de monnaies celtiques et germaniques

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Découverte de monnaies d’or et d’argent celtiques et germaniques au Limbourg néerlandais


Paul Curfs est l’un de ces hommes qui a pour passe-temps de se promener avec un détecteur de métaux. En mars de cette année, près de son domicile dans la région de Maastricht, son appareil a émis le signal habituel en passant au-dessus d’une masse métallique. Il a découvert ainsi un première piécette d’or, ornée d’un cheval stylisé. Deux jours plus tard, il découvre, à proximité immédiate de sa première trouvaille, quelques pièces supplémentaires, presque identiques à la première, qu’il a tout de suite apportées au service archéologique de la région, dirigé par le conservateur Wim Dijkman. Celui-ci a pris immédiatement conscience de la grande importance historique de ces monnaies. Après l’ensemencement au printemps du champ de maïs et la récolte estivale, il a fallu attendre les courtes vacances de la Toussaint pour y délimiter une superficie à prospecter de 15 m sur 30 m, puis découvrir encore quelques pièces et, enfin, à 65 cm dans le sol, le reste, concentré, du trésor. Celui-ci est le plus important de cette sorte à avoir été exhumé jusqu’ici hors du sol néerlandais. Dans la même région, il y a huit ans, on avait trouvé à Heers (Limbourg flamand) 102 monnaies provenant des Eburons et de quelques autres peuples celtiques.


Quelles conclusions tirent les archéologues néerlandais de cette découverte?


  • Les monnaies ont été vraisemblablement enterrées dans une besace de tissu ou de cuir; les labours profonds en ont exhumé quelques-unes et les ont dispersé autour de la cachette initiale;


  • Ces monnaies datent du premier siècle avant l’ère chrétienne, à l’époque où les tribus celtiques de nos régions résistaient aux troupes de César, lors du soulèvement des Eburons et des Atuatuques (Aduatiques);


  • Les 39 pièces d’or découvertes relèvent de la tribu des Eburons, menés à l’époque par leur fameux chef Ambiorix, dont la statue se dresse à Tongres;


  • Les 70 monnaies d’argent proviennent des tribus germaniques voisines, qui habitaient entre Meuse et Rhin;


  • Cette découverte prouve que les Eburons et les Germains de Rhénanie avaient partie liée dans la résistance aux légions romaines et entretenaient des contacts très étroits entre eux; selon le prof. Nico Roymans: “Ce trésor de monnaies a peut-être servi à acheter une alliance contre les Romains”;


  • Le Prof. Roymans constate que dans les environs immédiats du site, où Curfs a découvert les monnaies, il n’y a aucune trace d’habitation; on a donc enfoui cet or et cet argent dans une zone inhabitée, probablement pour empêcher qu’on les dérobe ou qu’un ennemi s’en empare;


  • Le Conservateur Dijkman remarque que les deux types de monnaie présentent, sur une face, un même motif, soit un triskèle celtique; les monnaies celtique d’or présentent, sur leur autre face, un motif hippique, imité des anciennes monnaies grecques; les pièces germaniques d’argent présentent, sur le côté pile, une pyramide de cercles ou d’anneaux, dont on ne connaît pas encore la signification.


Un trésor qui devrait permettre d’élucider davantage l’alliance entre Ambiorix et les Germains de Rhénanie, qu’évoque la “Guerre des Gaules” de César.


Source: “Het Laatste Nieuws”, 14 novembre 2008, pp. 2 & 6.

(résumé: Robert Steuckers).