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mardi, 12 février 2013

Influence : la vision américaine - Diplomatie publique, soft power...

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Influence : la vision américaine

Diplomatie publique, soft power...

Ex: http://www.huyghe.fr/

Aux USA, l’influence est pensée comme technique visant une finalité stratégique: une guerre pour désarmer l’hostilité, une guerre à la guerre en somme qui fera du monde « un endroit plus sûr pour les États-Unis » selon la formule de Wilson. Ce dernier partait du principe que les démocraties ne se combattent pas par les armes. Il entrevoyait déjà un apaisement général par propagation des principes politiques américains.
D’où l’idée récurrente d’influencer l’autre pour le rendre un peu moins « autre » et éventuellement un peu plus démocrate, un peu plus amoureux de la liberté à l’américaine, davantage désireux d’en adopter le mode de vie. Cela repose sur une certaine confiance en la valeur universelle du système américain et sur la conviction que celui qui le combat ne peut être qu’en proie à illusion doctrinale, à une méconnaissance de la réalité ou à une passion contraire à la nature humaine : il s’agit donc de le guérir. Par une contre-offensive idéologique.

Durant la guerre froide, la CIA conçoit un plan de « guerre culturelle » ,et conduit, notamment à travers le Congrès pour la Liberté Culturelle, une politique de subventions à des journaux, des livres, des conférences, des manifestations artistiques. Tout cela est censé sauver l’intelligentsia du giron du communisme et offrir une alternative culturelle, politique et morale aux populations de l’Est ou des pays tiers.

L’agence s’emploie à diffuser les auteurs antistaliniens, fussent-ils de gauche, mais aussi le jazz, la peinture abstraite, toutes les formes d’une culture distractive, « jeune », antitotalitaire qui font contraste avec le pesant réalisme socialiste : des gens qui lisent Koestler, sifflent l’air de Porgy and Bess ou aiment la peinture abstraite ne serontt jamais de vrais Rouges, pense-t-on à l’Agence.

Diplomatie publique

L’entreprise eut un prolongement. Eisenhower créa en 1953 l’United States Information Agency qui devait fonctionner jusqu’en 1999 pour mener une politique de vitrine médiatique. Elle lança des publications et manifestations et surtout des radios dont Voice of America émettant en 45 langues et Radio Free Europe, destinée à l’autre côté du rideau de fer. Le but était projeter une « bonne image » des USA, d’offrir à des audiences étrangères des informations auxquelles elles n’avaient pas accès, de promouvoir certaines valeurs en particulier culturelles. L’USIA se chargeait d’entretenir des réseaux d’amis des USA : journalistes et personnalités invités à visiter le pays, boursiers (notamment le programme Fullbright) et contacts avec d’anciens étudiants des universités américaines…

Le tout fut baptisé en 1970 : « diplomatie publique », une diplomatie qui soutient les objectifs politiques en s’adressant directement à l’opinion extérieure. Mais pas au public domestique : l’US Information and Educational Exchange Act de 1948 connu comme Smith-Mundt Act, interdisant de faire de la propagande destinée aux citoyens américains.
Dans la décennie 90, la notion devait tomber en désuétude faute d’ennemi à combattre, l’USIA finit par se « fondre » dans le département d’État).
Pendant un demi siècle, relayée par l’USIS (United State Information Service), la diplomatie publique avait ainsi produit ou exporté des milliers d’heures d’émission, de films, de livres,…, mais aussi établi des contacts avec des milliers de gens pour «raconter au monde l’histoire vue d’Amérique».

Son bilan sera discuté : l’USIA est parfois vue comme un agence de propagande coûteuse qui faisait mal ce que l’autre camp réalisait plus efficacement en sens inverse, relayé par des intellectuels progressistes et profitant du courant de la contre-culture.
Second reproche à la diplomatie publique : était-il vraiment utile de payer des fonctionnaires pour rendre l’Amérique plus populaire alors que James Dean Marilyn Monroe, Elvis Presley , la MGM, puis CNN y parvenaient de cause de façon plus crédible et en rapportant des devises ? D’autres se demandent pareillement si la chute du Mur de Berlin n’est pas à porter au crédit de la télévision de RFA reçue en RDA : elle propageait une image bien plus positive de l’Occident que tout service officiel.

Dans les années qui séparent la fin de l’URSS du 11 septembre, la politique d’influence US semble se confondre au moins dans l’esprit de ses promoteurs avec un « élargissement » du modèle occidental, pour ne pas dire avec le mouvement de l’Histoire. Il s’agit pour les USA de « contrôler la mondialisation » (shapping the globalization), donc d’encourager une mondialisation qui repose autant sur les droits de l’homme et le marché que sur les technologies de la communication et la mondialisation des cultures.
Cette politique quasi pédagogique prend de multiples formes. Ce peut être l’accompagnement du passage à la démocratie des anciens pays socialistes par ONG ou think tanks interposés, aussi bien que l’apologie des autoroutes de l’information comme « agora planétaire ». Le tout dans un contexte où l’influence US semble sans rivale.

Le contrôle de la globalisation

Pour une part, l’influence se privatise. Elle devient une dimension fondamentale de l’intelligence économique. Elle sert d’abord à la conquête des marchés ; là encore, les Américains comprennent qu’il faut combiner soutien politique, imitation des modes de vie, prépondérance des les standards techniques ou juridiques et un imaginaire culturel rendant désirable le made in USA. D’autres facteurs jouent telle la complexité croissante des normes internationales de production, donc le rôle des instances internationales et partant l’intérêt du lobbying.

Citons aussi le poids de mouvements d’opinion concernés par des dimensions écologiques, sociales ou sécuritaires de l’activité économique donc le rôle des ONG et des « parties prenantes », les facteurs d’image et de réputation dans la compétitivité des firmes… Autant de raisons pour les entreprises de se lancer à dans une politique internationale d’influence positive, voire agressive. Elles sont à la merci d’une rumeur sur Internet, d’une mise au pilori par une ONG, d’une attaque médiatique, d’une offensive informationnelle : elles doivent se préserver d’une influence déstabilisatrice comme une « e-rumeur ».

Parallèlement, une notion prend de l’importance dans les années 90 : celle d’affaire, action ou coopération civilo-militaires (qui donnent toujours le sigle ACM). Elle est liée à des conflits typiques de la fin du XX° siècle : des États disloqués, en proie à des guerres civiles, ou des situations indécises entre guerre et paix où des violences armées sont menés sporadiquement par des groupes ethniques, politiques, criminels voire mêlant les trois. L’intervention des forces occidentales, avec ou sans mandat des Nations Unies appelle une politique de reconstruction de la paix ou de la nation (peace building, nation building) ou, pour le moins, la gestion d’une situation indécise. À rebours de leur fonction traditionnelle (affronter symétriquement une autre troupe en uniforme jusqu’à la victoire politique scellée par le traité de paix), les troupes sont confrontées à des situations où il s’agit de contrôler l’exercice de la violence pour en freiner l’escalade. Il est tout aussi nécessaire de recréer les conditions d’une vie « normale » sur des territoires livrés au chaos. Surtout dans la période qui mène à la mise en place d’autorités civiles reconnues, les troupes sont de facto chargées de tâches humanitaires, économiques administratives, politiques, bref non militaires. Cela les met au contact de civils, d’ONG, d’organisations internationales, de forces politiques, d’autres armées, d’entreprises… et bien sur des médias . Cette quête pratique n’est pas forcément désintéressée : les ACM peuvent rapporter des dividendes en termes d’image, de contrats de reconstruction pour ses entreprises, d’adoption de normes favorables à ses industries, …. Intérêts publics et privés peuvent se trouver liés comme civils et militaires. Mais l’objectif immédiat est surtout de contribuer à la stabilité du pays par des relations fiables avec les autres acteurs, un mélange entre action d’urgence et relations publiques.

La quête du soft power

Aux USA et dans la même période que l’influence trouve son nouveau nom : soft power. L’expression lancée par le doyen Joseph S.Nye gagne le statut de concept clé des relations internationales. Si l’Amérique prédomine dans le domaine du «hard power», en particulier militaire, dit en substance Nye, elle doit aussi son statut d’hyperpuissance à sa capacité de séduire et d’attirer. La notion recouvre le rayonnement de l’Amérique, dû à sa technologie, à sa réputation, à ses artistes, à son cinéma, à ses université, … et autres choses où le gouvernement a peu de responsabilité, mais elle repose aussi sur sa diplomatie, sa capacité de convaincre et d’entraîner dans les organisations internationales. Amener les autres à désirer ce que vous voulez « sans carotte ni bâton » : voilà qui est tentant mais résonne un peu comme un vœu pieux.

Ce débat plutôt abstrait avant le 11 septembre prend une tout autre tournure en 2001. L’Amérique découvre alors la haine qu’elle suscite. Pour une part, les néo-conservateurs qui tenaient en réserve leurs plans contre les États voyous, leur guerre « préemptive » voire leur « quatrième guerre mondiale » contre le terrorisme jouent la carte du dur.

Parallèlement le recours à l’influence douce semble redevenir un saint Graal de la géopolitique US ou une ressource mystérieuse que l’Amérique devrait retrouver pour mettre fin à l’animosité.
L’appel à rétablir un soft power submergé par l’antiaméricanisme et décrédibilisé par une guerre contreproductive devient une des constantes du discours critique contre G.W. Bush. Ce slogan résonne souvent comme un pathétique « Aimez nous ». Ainsi, lorsque Francis Fukuyama rompt avec le camp néo conservateur, l’ancien chantre de la fin de l’histoire oppose la mauvaise méthode, la promotion de la démocratie par les armes, à la «bonne», celle qui consisterait à restaurer le soft power. Il ne faudrait pas renoncer au principe wilsonien, mais, parallèlement recommencer à négocier, à rechercher le consensus de ses alliés, à mener une action à travers des ONG et des organisations internationales régionales. Il est tentant de traduire : se rendre aimable, en somme.
Il serait caricatural de faire du soft power un monopole des démocrates, et de croire les républicains forcément partisans du «hard». La nuance entre diplomatie publique, soft power et influence renseigne davantage sur le locuteur que sur le contenu de la politique qu’elle recouvre.
Ainsi, quand Nye déclare que "l'Amérique doit mélanger le pouvoir dur et soft en un "pouvoir intelligent" (smart power), comme elle le faisait du temps de la guerre froide.", pareille nostalgie ne caractérise pas exactement un progressiste. Du reste, dans le camp conservateur, beaucoup en appellent à une grande politique qui tarirait les sources de l’extrémisme religieux et restaurerait une image de leur pays dont les sondages –ils en sont grands consommateurs - montrent la dégradation depuis six ans.

Une des premières réactions de l’administration Bush en 2001, fut de recréer un sous-secrétariat d’État à la diplomatie publique. Il fut d’abord confié à la publicitaire Charlotte Beers ; elle s’employa à produire des vidéos démontrant la liberté de culte dont jouissent les musulmans aux USA. Au fur et à mesure des guerres d’Afghanistan et d’Irak apparurent des radios arabophones et même une télévision, al Hurrah, censée concurrencer al Jazeera, mais avec un succès modéré dans le monde arabe. Parallèlement, l’administration Bush créa un Bureau d’Influence Stratégique (Office of Strategic Influence): il fallut le dissoudre lorsque la presse révéla qu’il risquait de mener des actions de désinformation qui toucheraient les citoyens américains.

Mais la diplomatie publique n’est pas seulement l’affaire des hauts fonctionnaires : le secteur privé intervient dans la promotion de l’Amérique. Ainsi Walt Disney produisant avec le département d’État des films présentant le pays à ses visiteurs ou les entreprises qui créent des « cercles d’influence » avec des groupes de journalistes ou des chambres de commerce. De la même façon, nombre d’opérations sont sous-traitées à des « agences de communication » ou assimilées qui, suivant le cas, «vendent» l’opposition à Saddam et la thèse des armes de destruction massive (comme le groupe Rendon) avant la guerre d’Irak ou, après, s’assurent de la bonne orientation de la presse locale (comme le Lincoln Group).

Soft Obama

Les années Obama ont-elles changées la pratique de l'influence stratégique d'État ?

La personnalité même du président devenu star internationale avant son élection et nobelisé au seul bénéfice de l'image est en soi un exemple de "branding". Il "était" la marque USA dans toute sa splendeur, et rendait visible l'idée de soft power, comme s'il lui suffisait d'apparaître pour réconcilier l'Amérique avec le monde. La communication de la Maison Blanche exploite largement l'effet de contraste : elle oppose sa pratique apaisée à la brutalité de G.W. Bush. Très vite Hillary Clinton prend le relais, elle qui se réclame de Joseph Nye et de son smart power : la nouvelle Amérique utilisera suivant le cas sa puissance militaire, diplomatique, économique... mais aussi culturelle pour accomplir ses objectifs internationaux dont le moindre n'était pas de lutter contre "l'extrémisme violent" et de dissiper les fantasmes dont est sensé se nourrir l'antiaméricanisme. Bien entendu, l'enthousiasme des débuts se heurtera aux réalités assez vite.

Si le soft power est un état idéal ou un résultat désiré, l'influence, la lutte idélogique, la présence médiatique, la "com", la mise en valeur de l'image américaine (éventuellement à travers celle de son président) en sont les moyens. Du coup, le terme "diplomatie publique" perd ses connotations de Guerre foide et d'anti-communisme républicain. On parle désormais d'une "nouvelle diplomatie publique" qui reposerait moins sur l'utilisation de grands médias émettant vers l'étranger (telle la télévision arabophone al Hurrah) que sur la présence sur les réseaux sociaux, le prestige culturel, la coopération avec les ONG et la société civile pour véhiculer le bon message...

Plus précisément, l'administration Obama joue de ses atouts comme ses bonnes relations avec les entreprises de la Silicon Valley. Sa stratégie devient ostensiblement "2.0". Tandis que l'armée (qui ne fait désormais plus de "psyops" mais des "Military Informations Strategic Operations", ce qui sonne moins redoutable), la diplomatie américaine devient "e-diplomacy". Les représentants des USA, militaires ou diplomates, sont invités à être très présents sur les réseaux sociaux, à y faire du "storytelling" et à délivrer y compris à des audiences étrangères leur message de soutien aux objectifs de leur pays.

Parallèlement l'Amérique affiche sa volonté de soutenir les cyberdissidences et de lutter pour que s'épanouisse en ligne une société civile sans frontières. Hillary Cliton, en particulier, présente le droit de se connecter comme un droit de l'homme et milite pour des "technologies de libération" : l'extension d'Internet, échappant au contrôle des régimes étatiques est sensée apporter à la fois des bénéfices économiques, politiques (favoriser la démocratie pluraliste) aussi favoriser l'épanouissement d'une indispensable société civile. Du coup la cause universelle du Net se confond avec les intérêts des USA, première société de l'information de la planète (comme pendant la Guerre froide, ils se confondaint avec la défense universelle des libertés politiques).

La lutte pour la liberté du Net, se concrétise par le refus de principe de laisser des entreprises américaines vendre des techniques de censure à des gouvernements dictatoriaux mais aussi la volonté de fournir aux "blogueurs démocrates" de la formation ou des outils et logiciels pour échapper à la police. Même si les mauvais esprits font remarquer que les États Unis changent d'attitude lorsqu'il s'agit de lutter contre Wikileaks ou Megaupload...

Smart power, "nouvelle" diplomatie publique : le vocabulaire change, mais les fondamentaux restent les mêmes : l'Amérique retrouve spontanément sa tentation de convertir le reste du monde à ses valeurs pour protéger sa propre sécurité (en vertu du vieux principe kantien que les démocraties ne se font pas la guerre), mais aussi sa prospérité. Et elle tend facilement à se persuader que les outils de la communication garantissent la liberté et l'harmonie des peuples, ce qui est très exactement la définition de l'idéologie de la communication.

vendredi, 23 novembre 2012

Quand la Chine divise pour régner

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“M.”/ “ ’t Pallieterke”:

Quand la Chine divise pour régner

 

Tant l’Europe que les Etats-Unis et la Chine sont confrontés aujourd’hui à des problèmes de prise de décision politique. Comment agencer cette prise de décision pour faire face aux problèmes de l’heure? Comment la couler en un récit compréhensible pour les électeurs ou les citoyens? La Chine, en tout état de cause, est le pays qui nous suggère les méthodes et le récit les plus intéressants. Il y a passation du pouvoir au moment où sévit une crise économique. Le fait est que les Chinois ne sont nullement désemparés: en témoigne la façon dont ils essaient d’augmenter leurs liens commerciaux avec les pays européens.

 

Obama a certes été envoyé pour la seconde fois à la Maison Blanche mais d’autres élections récentes ont suscité un “Congrès divisé” comme on dit dans les médias. Ce fait rend toute prise de décision difficile à Washington. Mais les choses sont-elles plus sereines, plus aisées, en Europe? La prise de décision, du moins au niveau européen, se voit considérablement freinée par la nécessité d’un consensus entre tous les participants à la table de négociations. Certaines décisions sont imposées au 27, quasiment à l’arraché, mais elles suscitent alors bien des frustrations.

 

En Chine, nous observons un tout autre tableau. Au cours des dernières années écoulées, le parti communiste chinois a pu se maintenir dans un pays pourtant en pleine mutation. Un nouvel encadrement politique semble vouloir s’imposer, c’est bien connu, mais on ne sait pas trop comment mettre cette volonté de changement en oeuvre. Pour l’analyste George Friedman du fameux institut texan “Stratfor”, nous sommes face à une réalité commune en Europe, en Chine et aux Etats-Unis, les trois pôles étant confrontés à un problème de prise de décision politique. Cependant, malgré le “Congrès divisé” à Washington, les Américains, sur l’autre rive de l’Atlantique, sont finalement mieux lotis que les Européens.

 

La situation économique en Europe ne cesse de péricliter. Selon toute vraisemblance, l’UE terminera l’année 2012 avec une croissance économique négative de 0,3%. Dans l’eurozone, ce sera même 0,4%. La Chine aussi fait face à un mauvais bilan économique. En soi, les chiffres de la Chine font saliver tous les Européens d’envie; pourtant, pour les normes chinoises, ce mauvais bilan constitue un solide ressac. Et c’est juste en ce moment crucial que le pays change d’équipe dirigeante. C’est une procédure connue, en principe gérable, mais elle n’est jamais survenue dans un tel contexte économique. Aux Etats-Unis, on constate certes une croissance économique modeste. Mais, pour l’Europe, comme les Etats-Unis connaissent quelques difficultés d’ordre politique, ces faibles succès économiques américains ne provoquent pas de grands dommages psychologiques: les Européens n’ont pas leurs nuits agitées de cauchemars. Les Européens conçoivent l’Etat différemment que les Américains. En Europe, la notion d’Etat prend une place plus importance dans la société. Tout dysfonctionnement de la machine Etat est perçu autrement en Europe qu’aux Etats-Unis.

 

Une période de crise

 

Examinons maintenant la situation chinoise, la plus intéressante des trois. A peine vingt-quatre heures après les élections américaines s’est ouvert le 18ème Congrès national du PC chinois, où 2270 délégués élisent les 370 membres du Comité central qui, à leur tour, choisissent une vingtaine de membres du Politbureau, après quoi neuf personnalités (et peut-être moins) seront désignées pour faire partie d’un comité exécutif (qui exercera le véritable pouvoir). Toutes les décisions importantes sont ainsi prises à l’avance (et là, des balises à la démocratie totale sont installées...), comme Lénine et Mao l’ont voulu. A la différence des Etats-Unis, où l’on attendait avec impatience pour savoir qui allait emporter le poste de président, on savait déjà en Chine que Xi Jinping serait le nouvel homme fort de la République populaire.

 

On sait aussi à Beijing que la nouvelle direction sera confrontée à une longue période de crise, qui s’étendra sur plusieurs années. Ce qui est moins évident, c’est l’ampleur des problèmes.

 

Pour autant que nous puissions disposer de chiffres fiables, la communication est très sélective. Personne ne conteste que les défis sont gigantesques. La population urbaine s’est accrue au cours de ces dernières années pour atteindre le chiffre hallucinant de 480 millions d’âmes. Par conséquent, la moitié de la population chinoise habite désormais dans des villes, souvent tentaculaires. Les zones rurales approchent ce qu’il est convenu d’appeler le “Point Lewis” (du nom de l’économiste William Arthur Lewis), c’est-à-dire le moment où le travail bon marché et abondant issu des seules campagnes cesse d’être disponible. Même avec leur machine politique hyperperformante, les Chinois auront de réelles difficultés à maîtriser ce problème.

 

Une nouvelle Europe

 

Les temps difficiles ne doivent induire aucune politie à demeurer inactive, à conserver ses vieilles routines. Et les Chinois ne font aucun sur-place. On en veut pour preuve la façon dont les Chinois approchent l’Europe depuis quelque temps. Cette tentative d’approche de la part de la Chine doit nous intéresser au plus haut point, vu que bon nombre d’économistes estiment aujourd’hui que la Chine est plus importante que les Etats-Unis pour l’avenir de l’Europe. Depuis un certain temps déjà, la Chine est le principal partenaire commercial du bloc européen. Mais au sein de ce bloc, il y a des différences et des divergences bien visibles, écueils auquel Beijing veut apporter une solution. Il y a quelques semaines, un colloque important s’est tenu dans la capitale chinoise, auquel participaient seize pays d’Europe centrale et orientale. Les autres pays membres de l’UE n’avaient pas été invités. Cette initiative est emblématique de la manière dont les Chinois établissent des “contacts” avec l’Europe. Ils s’adressent à des Etats individuellement et négligent totalement les institutions de l’UE. Ce n’est évidemment pas du goût de la Commission européenne, mais celle-ci demeure impuissante face au fait accompli que créent en permanence les Chinois. Dans une déclaration, prononcée sur le ton de la prudence, Lady Ashton, responsable de la politique extérieure de l’UE, a fait clairement comprendre que l’Europe devait être considérée comme une seule et unique plateforme, mais ses propos n’ont guère été pris en compte à Beijing, ... comme d’habitude...

 

La stratégie chinoise est bien pensée, avertissent les analystes de la politique internationale. Le rapport de force qui s’établit entre la Chine et un seul pays européen est bien entendu très différent d’un rapport de forces où la Chine serait confrontée à une Union de 27 Etats. La stratégie des entreprises chinoises et leur volonté de s’implanter cadrent bel et bien dans une vaste stratégie visant à servir les intérêts de la Chine. Exemple: la Chine achète de plus en plus d’éléments dans le port d’Athènes, Le Pirée. Exactement comme, il y a quelques années, l’ex-ministre américain Rumsfeld faisait la différence entre la “vieille Europe” et la “nouvelle Europe” (c’est-à-dire l’Europe centrale et orientale), les Chinois opèrent aujourd’hui la même distinction.

 

“M.”/ ‘ Pallieterke, Anvers, 14 novembre 2012.

vendredi, 04 mai 2012

Sarkozy ou la diplomatie de l'éléphant / Interview du journaliste Gilles Delafon par Pascal Boniface

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Sarkozy ou la diplomatie de l'éléphant

Interview du journaliste Gilles Delafon par Pascal Boniface

Révélatrice des lacunes des différents prétendants ou d'une appréciation insignifiante de son importance, l'action diplomatique est la dernière roue du carrosse dans cette campagne présidentielle. Le paradoxe est d'autant plus surprenant que notre pays est engagé militairement comme jamais sur les théâtres extérieurs (Afghanistan, Libye, Côte d'Ivoire) et de façon  diplomatique mais ostentatoire (n'excluant pas l'action de terrain) dans différentes autres zones chaudes (Liban, Tunisie, Syrie, Iran, Palestine, Mali-Niger). Politique arabe, défense des droits de l'homme, préservation d'intérêts économiques, lutte contre le terrorisme, sauvegarde du fait israélien, suivisme américain sont autant de lièvres qui paraissent poursuivis... 

 
Mais y a-t-il un plan de chasse et une logique entre les acteurs:  les politiques (Kouchner, Juppé) et les conseillers néo-conservateurs type Levitte , BHL ou Yves Roucaute (ancien dirigeant de l’UNEF et de l’Union des étudiants communistes devenu président du conseil scientifique de l’Institut National des Hautes Etudes de Justice et de Sécurité et conseiller privilégiés de Claude Guéant). Oui, Nicolas Sarkozy. Comment? C'est ce que révèle l'entretien mené, sur le site de l'IRIS, par Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, avec Gilles Delafon, à l'occasion de la sortie de son ouvrage, "Le règne du mépris" aux éditions du Toucan.
Flavia Labau
 

Pascal Boniface et Gilles Delafon
 
"Pascal Boniface: A propos de Nicolas Sarkozy vous évoquez à la fois « sa vision à courte vue des enjeux stratégiques, sa religion du tout médiatique » mais vous reconnaissez son « surprenant sens politique et son volontarisme énergique ». Qu’est-ce qui l’emporte et quelle politique étrangère cela produit ?
 
Gilles Delafon : Tout le monde le reconnaît, son volontarisme et son énergie ont souvent donné l’impulsion nécessaire à une vraie mobilisation, de l’Union européenne ou de la communauté internationale. Mais cela ne suffit pas à constituer une vraie stratégie diplomatique. Définir une politique, c’est d’abord tracer un objectif à long terme, évaluer les moyens nécessaires pour l’atteindre, tisser des alliances, mesurer les chances de succès et appréhender les différentes conséquences. 
 
Or là, comme le dit fort justement un diplomate que j’ai interviewé « Nicolas Sarkozy est un homme de réflexes, pas de réflexions ». Cela donne une politique de « coups », montés dans l’instant, à la va vite, sans tenir compte du passé et en se fichant de l’avenir. Cela produit une politique étrangère sans réelle cohérence, dont le but premier est d’agir sur l’émotion de l’électeur pour exister et engranger des gains électoraux. 
 
Pascal Boniface : Vous parlez d’un « pacte faustien » que Kouchner aurait agréé en acceptant le Quai d’Orsay en 2007.
 
Gilles Delafon : Dépité par le mépris des socialistes à son égard, Kouchner a cédé son insolente popularité pour les seuls ors et lambris du ministère dont il rêvait. Il savait pertinemment que la politique étrangère de la France serait dirigée depuis l’Elysée, par le secrétaire général Claude Guéant et par le conseiller diplomatique Jean-David Lévitte. Mais son orgueil l’a emporté sur ses préventions. Du coup, du rôle de ministre il n’aura eu que l’illusion. Il a passé son temps à avaler des couleuvres en découvrant des actions qui se faisaient sans lui. Et il a fait payer cash à ses collaborateurs ses humiliations et ses frustrations, avant de sortir par la petite porte.
 
Pascal Boniface : Selon vous Nicolas Sarkozy a assujetti la politique étrangère aux faits divers pour adopter une « diplomatie de l’émotion ».
 
Gilles Delafon : Nicolas Sarkozy n’avait aucune vision du monde à son arrivée à l’Elysée, mais une parfaite connaissance de la société qui l’a élu. Tout à son obsession d’agir, il a alors assujetti la politique étrangère aux exigences du fait divers. Le cas de Florence Cassez en est le criant exemple. Il a reçu ses parents une dizaine de fois alors que certains ambassadeurs étrangers n’ont pas eu le loisir d’une simple audience. Les décisions n’étaient plus dictées que par l’émotion et la télévision. C’est ce que j’appelle la « Star’Ac diplomatie », qui voit les intérêts stratégiques du pays sacrifiés sur l’autel d’une compassion sans résultats. La meilleure preuve de l’indigence de cette « diplomatie de l’émotion » c’est qu’il l’a abandonné depuis. 
 
Pascal Boniface : Peut-on dire qu’on a assisté à une montée en puissance de jeunes diplomates néo-conservateurs au Quai d’Orsay ?
 
Gilles Delafon : C’est ce qui m’a le plus surpris. En fait, un vrai courant néoconservateur, sensible aux thèses des théoriciens américains, existait déjà au Quai d’Orsay dès le lendemain des attentats du 11 septembre. Mais ces diplomates là s’étaient faits discrets pendant la guerre en Irak, puisque Jacques Chirac président menait alors l’opposition planétaire à ce conflit. L’arrivée d’un Nicolas Sarkozy les a décomplexés. L’ex-ministre de l’Intérieur avait une approche sécuritaire de la diplomatie et son conseiller Claude Guéant pratiquait ce que j’appelle une « diplomatie de flic ». Naturellement, bon nombre de ces diplomates se sont retrouvés à la cellule diplomatique. Paradoxe, il y avait donc des neocon à l’Elysée alors qu’il n’y en avait plus à la Maison Blanche d’Obama." 
 

mardi, 08 mars 2011

Armenia e Israele - limiti e prospettive della politica estera turca

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Armenia e Israele – limiti e prospettive della politica estera turca

Ex: http://www.eurasia-rivista.org/

Obiettivi e finalità della nuova politica estera turca

lundi, 21 février 2011

Quelques questions rationnelles autour de l'innocence de Florence Cassez

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Quelques questions rationnelles autour de l'innocence de Florence Cassez

par Jean-Gilles MALLIARAKIS

Ex: http://www.insolent.fr/

Personne ou presque, comme on va le voir plus loin, n'oserait mettre en doute l'innocence de Florence Cassez. À la question, posée le 16 février, "La France doit-elle soutenir Florence Cassez à tout prix ?" les sondés répondent ainsi : Oui 56 % Non 38 % Ne se prononcent pas ? 6 %.

Les réserves habituellement formulées portent sur l'habileté de la démarche diplomatique de nos dirigeants dont on commence à mettre sérieusement en doute la subtilité. Ainsi Roland Mesnard répond à la question : "Quelles conséquences la déclaration de Nicolas Sarkozy sur le cas Cassez va-t-elle avoir" :

"Le Mexique va prendre la tête du G20, après la France. Et ça ne va pas faciliter le travail entre les deux pays. Florence Cassez risque d'en payer le prix aussi. Une fois encore, je ne dis pas qu'elle est coupable, mais en faire une héroïne qu'on affiche partout est-ce une bonne idée ? Je pense à elle. Ce qui va se passer maintenant c'est qu'elle ne sera pas rapatriée en France, mais transférée dans une prison de haute sécurité où les conditions de détention seront encore plus terribles"" (1)
.Mais sur le fond du dossier personne, ou presque, ne semble envisager dans l'Hexagone que la condamnation à 60 ans de prison, infligée par un tribunal [mexicain, donc nul et corrompu] à cette jeune femme [française, donc innocente] puisse représenter autre chose qu'une erreur judiciaire.

Il se trouve cependant, et sur internet, une publication (2) en langue française pour prendre la défense des autorités de Mexico. Elle le fait en référence à une forme de connaissance historique du pays, puisque son directeur Hugues de Blignères a consacré, sous le pseudonyme de Hugues Kéraly un livre aux vaincus de la guerre civile de 1926 à 1929, les "Cristeros"&bnsp;(3). Il se trouve que le gouvernement actuel est issu du retour démocratique au pouvoir de la droite. Ceci était intervenu par la victoire du Parti d'action nationale sous la conduite de Vincente Fox en 2000, après 70 années de règne du Parti révolutionnaire institutionnel et 70 années de persécution, plus ou moins violente selon les périodes, à l'encontre du catholicisme. En 2006, l'actuel président Felipe Calderon, issu du même PAN succédait à Vincente Fox au grand dam de la gauche.

Ce contexte explique sans doute l'engagement polémique de Sedcontra et de son directeur en faveur de ses amis catholiques mexicains. Il éclaire en même temps l'unanimité des médiats et des politiciens français en faveur des "frangins" du Grand Orient du Mexique.

Au-delà des prises de positions passionnelles et pour se faire une idée plus exacte et plus objective, nous ne doutons pas que les défenseurs de Florence Cassez accepteront de répondre aux questions rationnelles suivantes :

1° oui ou non Florence Cassez a-t-elle été la compagne du kidnappeur Israël Vallarta, accusé d’enlèvements, d’amputation d’otages et d’assassinats. Le gang s'appelait “Los Zodiacos”, convaincu d’une dizaine d’enlèvements et de plusieurs assassinats, il n'a pas été entièrement démantelé. La maison où habitaient Florence Cassez et son compagnon Israël Vallarta Cisneros, chef d’une bande de criminels spécialisés à Mexico dans le rapt des femmes et des enfants de bourgeois aisés s'appelle “Las Chinitas” . C'est à cet endroit que Cristina Rios Valladares, son mari Raul et leur fils Christian âgé de 11 ans, derniers otages du gang, furent conduits le 19 octobre 2005, après avoir été capturés par trois hommes armés de fusils de guerre dans une banlieue résidentielle de la capitale mexicaine.

2° oui ou non Florence Cassez a-t-elle été mise en cause comme ayant participé directement à la séquestration et même à la programmation des enlèvements. La dernière victime, Cristina Rios Valladares affirme ainsi (4) que le chef du gang provoquait chez sa compagne de formidables colères chaque fois qu’il venait bousculer sa victime et en abuser sexuellement : "Si tu continues à la sauter, je me vengerai sur elle, et tu n’auras pas ta rançon !" Voilà comment cette femme décrit sa douloureuse expérience :
"Mon nom est Cristina Rios Valladares. J’ai été victime d’une prise d’otage, aux côtés de mon époux Raul et de mon fils qui avait 11 ans. Depuis ce jour notre vie a totalement changé… Ma famille est détruite. Ce que mon fils et moi avons vécu, du 19 octobre 2005 au 9 décembre de la même année, est indescriptible : 52 jours de captivité pendant lesquelles je fus victime d’abus sexuels et, avec mon enfant, de torture psychologique…
Depuis notre libération, ma famille et moi nous vivons à l’étranger. Nous ne pouvons pas revenir à cause de la peur, car le reste de la bande n’a pas été arrêté… Nous avons appris la nouvelle de la peine de prison que Florence Cassez méritait, cette femme dont j’avais écouté la voix à de maintes reprises pendant ma captivité…
Une voix d’origine française qui bourdonne encore aujourd’hui dans mes oreilles.
Une voix que mon fils reconnaît comme celle de la femme qui lui pris du sang pour l’envoyer à mon époux, avec une oreille qui lui ferait penser qu’elle appartenait à son fils.
Maintenant j’apprends que Florence réclame justice et clame son innocence. Et moi j’entends dans ces cris la voix de la femme qui, jalouse et furieuse, hurlait sur Israël Vallarta, son petit ami et chef de la bande, que s’il recommençait à s’approcher de moi, elle se vengerait sur ma personne. Florence raconte “le calvaire” de la prison, mais elle voit sa famille dans le pénitencier, elle émet des appels téléphoniques, elle réalise des interviews pour la presse et elle ne craint pas chaque seconde pour sa vie."
3° l'opinion mexicaine a-t-elle été ou non abusée par la déclaration de David Orozco Hernández, qui soutient que Florence Cassez partageait la direction des “Zodiacos”
"Florence Cassez nous a rejoint en 2004, et son influence pour imposer et isoler le chef, ou plutôt s’isoler avec lui, ont largement contribué à semer la discorde au sein de l’organisation… Ses fonctions la Française tenaient beaucoup à garder le secret, vis-à-vis des autres membres du groupe, sur les cibles potentielles des enlèvements et la réalité des sommes obtenues des familles d’otages… Ils estimaient que ces informations stratégiques n’avaient pas lieu d’être partagées." (5)
4° Le grand argument des défenseurs de Florence Cassez repose sur le fait que "l’arrestation de Florence Cassez et d’Israël Vallarta, en décembre 2005, avait fait l’objet d’une reconstitution spectaculaire face aux caméras de la télévision mexicaine, au lendemain des faits : la Justice et la Police étaient trop contentes en effet de démontrer enfin leur efficacité face au fléau national des enlèvements crapuleux, assortis de tortures et d’assassinats…" Mais Sedcontra.fr demande : "en quoi cet excès de zèle publicitaire, assorti d’une maladroite mise en scène, établirait-il pour toujours l’innocence de Florence Cassez ?" (6).

Posons donc la question : un débat honnête entre les deux thèses est-il simplement permis ?
JG Malliarakis
 
Apostilles
  1. Direct Matin N° 832 du 17 février
  2. cf. "Sedcontra.fr".
  3. cf. Hugues Kéraly "La véritable Histoire des Cristeros"
  4. Sedcontra.fr
  5. reproduite les 12 et 13 mai 2008 à Mexico par La Jornada, El Universal, Radio Trece, El Porvenir.
  6. cf. ibidem.
  7. cf. ibidem.

Affaire Cassez: halte à la diplomatie émotionnelle !

Communiqué d’Aymeric Chauprade :
« Affaire Cassez : halte à la diplomatie émotionnelle ! »
http://www.realpolitik.tv/

mexiqueFranceFlorenceCassezElUniversal07032009r250.jpgLe président de la République et sa ministre des Affaires étrangères ont choisi de sacrifier ala relation entre la France et l’un des pays les plus importants d’Amérique Latine, le Mexique, officiellement au nom de « l’innocence d’une Française », en réalité au nom d’une pitoyable stratégie de communication émotionnelle à usage purement intérieur.

L’instrumentalisation du sentiment s’est désormais complètement substituée, dans tous les domaines (sécurité, justice, économie…), à la vraie politique, laquelle consisterait à traiter en profondeur la racine des problèmes. Nos gouvernants ne savent plus que larmoyer, devant des micros, tout en s’agrippant aux caméras des familles de victimes.

Attardons-nous un instant sur le fond de cette lamentable affaire Cassez. En décembre 2005, l’arrestation d’Israel Vallarta Cisneros et de sa compagne française, Florence Cassez, sonne le glas d’un terrible gang de kidnappeurs, « Los Zodiacos » lequel s’est rendu coupable de dizaines d’enlèvements, d’assassinats, de tortures et de viols. Plusieurs victimes, hommes, femmes et enfants témoignent et accusent Florence Valdez d’avoir participé aux séquestrations d’otage (qui se passaient dans le ranch où elle vivait avec son compagnon).

Voici un extrait du témoignage écrit de la dernière victime du clan « Los Zodiacos », paru dans la presse mexicaine et bien sûr occulté par la presse française :

« Mon nom est Cristina Rios Valladares. J’ai été victime d’une prise d’otage, aux côtés de mon époux Raul et de mon fils Christian qui avait 11 ans (…) Nous avons appris la nouvelle de la peine de prison que Florence Cassez méritait, cette femme dont j’avais écouté la voix à maintes reprises pendant ma captivité. Une voix d’origine française qui bourdonne encore aujourd’hui dans mes oreilles. Une voix que mon fils reconnaît comme celle de la femme qui lui a pris du sang pour l’envoyer à mon époux, avec une oreille qui lui ferait penser qu’elle appartenait à mon fils (…) Maintenant j’apprends que cette Florence réclame justice et clame son innocence. Et moi j’entends dans ces cris la voix de la femme qui, jalouse et furieuse, hurlait sur Israel Vallarta, son petit ami et chef de la bande, que s’il recommençait à s’approcher de moi, elle se vengerait sur ma personne ».

Contrairement aux partis dominants qui, à l’unisson, semblent vouloir faire de Florence Cassez un nouveau Dreyfus, nous ne voulons pas être définitifs sur cette affaire. La reconstitution spectaculaire devant les caméras de la télévision mexicaine, au lendemain de l’arrestation, en 2005, obéissait sans doute à une volonté de la part du gouvernement mexicain de médiatiser son action de répression de ce qui est un véritable fléau au Mexique : les enlèvements de personnes privées avec demande de rançon et mutilations. N’oublions pas que le président mexicain est confronté à des gangs criminels et des cartels qui, depuis 2006, ont fait plus de 30 000 morts dans ses forces de sécurité. Il s’agit d’une véritable guerre, et c’est la raison pour laquelle le petit caprice émotionnel du Tout-Paris n’impressionne guère les Mexicains. Il n’en demeure pas moins que cette reconstitution a contribué à ternir la procédure judiciaire mexicaine ; mais il faut raison garder : elle ne doit pas en effacer le contenu.

La vérité, c’est que le Mexique, grand pays membre de l’ALENA, et puissance importante de l’Amérique Latine, dispose d’un vrai système judiciaire, et que les faits sont accablants pour Florence Valdez. Les témoignages sont là, et il est difficile par ailleurs (simple remarque de bon sens) de faire croire que Florence Cassez ait pu vivre pendant autant de temps dans un ranch où s’activaient une bande de tueurs, avec des armes et des munitions partout, des otages cachés et souvent torturés, ceci sans n’avoir jamais rien remarqué ! On la sent en tout cas beaucoup moins naïve depuis qu’elle s’occupe de sa défense et que, de derrière les barreaux et depuis son téléphone mobile, elle dicte au Président de la France la politique qu’il faut suivre.

Au moment où la diplomatie française semble définie par la famille Cassez, il convient de remarquer que celle-ci n’a pas toujours dit la vérité. Ainsi, les parents de Florence Cassez ont-ils affirmé à la presse française qu’ils ne connaissaient pas le compagnon de Florence, Israel Vallarta. Manque de chance, la presse mexicaine a publié les photos de Bertrand Cassez, le père, en train de trinquer avec Israel Vallarta dans le ranch Las Chinitas, à 29 km de Mexico !

Cette affaire me fait penser à celle des deux Françaises, Sarah Zaknoun et Cécile Faye, emprisonnées en 2008 en République dominicaine pour trafic de drogue, et graciées en décembre 2009 par le président dominicain à la suite d’une campagne médiatique puis politique, depuis Paris. Je suis personnellement bien placé pour savoir que dans cette affaire, le même impératif médiatique et émotionnel faisait office de politique et écrasait le fonds du dossier. Heureusement pour les deux gentilles « vacancières », le Président dominicain voulait faire plaisir à la France et à son président. Mais la justice dominicaine n’avait pourtant pas été prise d’hallucination collective, pas plus que celle du Mexique et des victimes qui ont témoigné !

Il semble donc que dans notre pays, il y a des théories du complot autorisées et d’autres qui ne le sont pas. Il est par exemple autorisé et même encouragé de penser (reprenez les chroniques de pseudo-experts de la Russie après le récent attentat de l’aéroport de Moscou) que les Russes s’infligent des attentats tout seul, comme il est manifestement souhaitable de penser qu’une Française puisse être victime d’un gigantesque complot hier dominicain, aujourd’hui mexicain. Décidément, ne sont pas forcément xénophobes ceux que l’on croit. A lire la presse aujourd’hui, l’Amérique Latine c’est Tintin chez les Picaros ou l’Oreille cassée, au choix. Ah ces Mexicains, tous des « sergents Garcia » corrompus !

Je pense aussi à l’affaire Cesare Battisti, ce terroriste italien d’extrême-gauche, que les médias français s’étaient mis en tête de faire libérer, au mépris de la justice italienne et des relations avec ce pays ami. On y a retrouvé les traditionnelles leçons de morale française, le mépris pour nos voisins et amis, le déni de justice et de souveraineté d’un partenaire de l’Union européenne.

Je pense aussi à la gestion de l’affaire Bettancourt (la première, celle d’Ingrid), qui fut lamentable pour nos relations avec la Colombie.

Nous avons tout faux dans ces affaires ! Non seulement, à chaque fois, il est beaucoup plus probable que nous nous préoccupions de coupables que d’innocents, mais qui plus est, nous affichons devant le monde entier une arrogance sans nom, un mépris pour la justice et la souveraineté de ces pays, comme si d’ailleurs notre justice et notre démocratie étaient exemplaires !

En définitive, le problème fondamental de notre diplomatie en Amérique Latine ne tient-il pas au fait que nos gouvernants n’y aient aucune habitude de vacances ? S’ils avaient des villas en Colombie, ou s’ils se doraient sur les plages du Mexique, plutôt qu’en Tunisie ou en Egypte, peut-être feraient-ils preuve de moins d’arrogance ? Avec beaucoup d’humour, Elisabeth Levy suggérait que Florence Cassez avait la chance que le Mexique ne s’intéresse pas à l’avion Rafale, sinon elle serait oubliée depuis longtemps, par le pouvoir… et aussi par les médias !

Ces opérations médiatiques à usage intérieur, qui visent ici, notamment pour la Ministre des affaires étrangères, à se refaire à bon compte une image émotionnelle positive après l’affaire de Tunisie, ne sont pas dignes du gouvernement de la France. Cette politique émotionnelle, « du coup médiatique », qui contamine jusqu’à notre politique étrangère, est devenue absolument insupportable ; elle finira d’ailleurs pas se montrer contre-productive pour ceux qui en usent. Car si les Français ont des émotions et peuvent tomber dans ce genre de piège, ils comprennent par ailleurs de plus en plus que le pays est gouverné dans l’instant, sans vision stratégique, et que sa tête se pose de moins en moins la question du Bien commun.

Aymeric Chauprade

lundi, 14 février 2011

Naufrage de la diplomatie post gaullienne

Naufrage de la diplomatie post gaullienne

Ex: http://www.insolent.fr/

110208Les cafouillages assez lamentables et les polémiques non moins misérables autour des voyages privés de Mme Alliot-Marie, accompagnée de M. Patrick Ollier en Tunisie viennent de recevoir une sorte d'étrange écho. Grâce aux révélations du Canard enchaîné, qui paraîtra en date du 9 février, confirmées par Matignon à la veille de la mise en kiosques (1), on apprend en effet que le Premier ministre lui-même a effectué un voyage d'agrément, assez similaire quoique plus culturel. Le couple Ollier-Marie se rendait chez Ben Ali, Fillon chez Moubarak : décidément nos dirigeants fréquentent beaucoup les correspondants douteux de l'Internationale socialiste (2). Et ils semblent leur porter la poisse. De telles péripéties pourraient n'être considérées, à certains égards, comme ne relevant que de la dérision. Médiocre écume des choses, ces petits faits ne manquent pas toutefois de nous éclairer sur l'affaissement d'un système, celui de la diplomatie post-gaullienne autant que celui du régime politique intérieur.

Que représente en effet Mme Alliot-Marie ? Pour complaire aux rogatons de la Chiraquie impunie à ce jour, le gouvernement Fillon avait propulsé ce ministre itinérant au quai d'Orsay. Rappelons que dans les dernières années elle avait promené, sans jamais rien faire de bien marquant, son incompétence de droit divin, successivement, du ministère de la Défense, dans les gouvernements Raffarin puis Villepin de 2002 à 2007, puis au ministère de l'Intérieur de 2007 à 2009, puis au ministère de la Justice de juin 2009 à novembre 2010, avant de succéder le 14 novembre dernier à Kouchner au ministère des Affaires étrangères. On nous assure qu'elle a laissé un très bon souvenir au sein des administrations qu'elle a chapeautées. Et la chose nous semble normale dans la mesure même où elle n'aura dérangé le train-train d'aucun de ses bureaucrates.

Bien que n'ayant jamais réalisé rien de concret, cette ancienne présidente du RPR (1999-2002), fait partie des inévitables incontournables, indispensables de la classe politique. Soulignons que, par exemple, c'est sous la présidence de cette machine à perdre à la tête du RPR que Paris, après un siècle de majorité municipale de droite est passée, conduite au désastre par Séguin, sous la coupe de la gauche dite plurielle en 2001.

Ministre ridiculisée, elle vient d'illustrer, jusqu'à la caricature, l'inconsciente arrogance de trop de ces occupants des palais nationaux. La Ve république leur a conféré un sentiment de toute puissance. Leur règne dure pratiquement depuis 52 ans. De la sorte, c'est peut-être à eux plus encore qu'aux moubarakiens d'Égypte que s'adressera un jour l'impératif simple et direct : "dégage".

Au-delà de cette question, qui relève de la politique intérieure, on doit se préoccuper de tourner une autre page, plus illusoire encore, de notre apparence d'État : celle de la diplomatie post-gaullienne.

En son temps, le fondateur de la Ve république avait, certes, bercé beaucoup de Français d'un refrain d'indépendance, de dignité du pays, et en même temps de construction de l'Europe, dont le caractère à notre avis factice, ne devrait pas tromper. La seule chose qui se soit maintenue de cet héritage reprend la relation toujours fausse de ce pays avec l'Amérique.

Dès l'époque de la seconde guerre mondiale ce tropisme a dépassé la critique légitime parfois fondée qu'a longtemps appelée la politique mondiale américaine. En effet, si le parti démocrate des États-Unis a trop souvent tendu aux mêmes erreurs "désincarnées", que celles des radicaux-socialistes en France sous la IIIe république, si un certain "globalisme" insufflé par Washington met en péril les intérêts communs des Occidentaux, ceux-ci existent bel et bien, solidairement des deux côtés de l'Atlantique. Et, en s'obstinant à le nier systématiquement, dès 1941 (3) on peut se demander s'il ne s'agissait pas toujours de complaire aux intérêts de l'URSS.

Au moins dans sa politique extérieure globalement destructrice, le gaullisme historique avait conservé, en certaines circonstances, le sens, du moins en façade, de la dignité du pays. Il a toujours frayé avec les pires dictatures au nom d'un soi-disant réalisme, mais il a su le faire sous un vernis honorable.

Le fond est resté. La forme, en revanche, s'est dégradée avec le temps.

Les dirigeants français se comportent désormais ouvertement en commis voyageurs du complexe militaro-industriel hexagonal, et en corrupteurs des politiciens de petits pays étrangers. Ils ne craignent ni l'anachronisme des pots de vins à ciel ouvert, que l'OCDE proscrit officiellement. Ils nient seulement encore l'existence de rétro commissions en leur faveur. Mais bientôt, n'en doutons pas, l'évidence de celles-ci éclatera, elle aussi, au grand jour, à la faveur, par exemple, de l'affaire de Karachi ou de n'importe quelle autre. Et alors, nos politiciens, énarques et ministres intègres proposeront d'en compenser la disparition dommageable par de nouvelles subventions destinées à financer leur intéressante contribution aux débats d'idées dans la patrie de Descartes, de Pascal et de Bernanos.

Ceci s'accomplit aux yeux du monde, faut-il le rappeler. Seuls les derniers lecteurs des journaux parisiens l'ignorent.

Pendant toute l'année 2010, en parallèle avec les rumeurs de remaniement ministériel, on a fait des gorges chaudes sur l'échec de l'expérience d'une politique extérieure représentée par Kouchner. Et Dieu sait si notre ex-médecin humanitaire, ex-communiste, ex-radical de gauche, ex-débardeur de sacs de riz en Somalie, ex-procurateur de l'ONU au Kossovo, prêtait le flanc à la critique et à la caricature.

Au moins pouvait-il incarner un concept négativement positif, une remise en question de cette promiscuité avec les dictatures et de ces familiarités avec leurs potentats que les cuistres appellent d'un terme bismarckien qu'ils ne comprennent même pas. Si maladroite et parfois déplacée qu'ait pu se révéler la démarche du mari de Mme Ockrent, elle ouvrait un débat, celui de la rupture avec un passé déshonorant.

Merci au gouvernement Fillon remanié le 14 novembre. Il a dissipé sur ce point tout malentendu. Les barbouzes d'hier peuvent rôtir sereinement en enfer. Dans le monde de l'héritage des Foccart, des Chirac, des Roger Frey, des réseaux anti OAS alimentés par les délateurs communistes, des agents soviétiques et des financements tiers mondistes, rien ne semble vouloir changer. Du moins pour l'instant. Tout se contente de s'effondrer.

JG Malliarakis

 


Apostilles

 

  1. La dépêche AFP est datée du 8 février à 16 h 44.
  2. Dont le parti de Hosni Moubarak n'a été exclu que le 17 janvier 2010.
  3. cf. à ce sujet "De Gaulle dictateur" par Henri de Kérillis

samedi, 16 octobre 2010

Cyprus: Diplomatic history

Cyprus: Diplomatic History and the Clash of Theory in International Relations

William Mallinson (author)

Hardback £54.50

What are the mainsprings of international rivalry and conflict and how are they to be uncovered - by international relations theory, history or by the practice of diplomacy? Cyprus is ideal for thoroughly testing theory and practice. The island has been at the epicentre of international relations rivalry throughout its history and to this day Cyprus remains a geopolitical tinder-box with acute tension between Cyprus and Turkey over the Turkish occupation of a third of the island. Hostility has now been transferred to the forum of the EU, with Cyprus as a member and the US and Britain pushing for Turkey to join. Meanwhile in the geopolitical hinterland, Russia remains suspicious of the island's British bases which project NATO power in the Eastern Mediterranean and the Middle East. William Mallinson's approach in analyzing Cyprus' problems and the dangers for international relations is unique. He applies practical hands-on experience of international diplomacy with academic research as an historian and international relations theorist.

Mallinson applies international theory to his minute analysis of revealing documents - the life-blood of the historian of diplomacy - and shows how historical research provides the essential basis for international relations theory.

Imprint: I.B.Tauris
Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd

Hardback
ISBN: 9781848854161
Publication Date: 30 Sep 2010
Number of Pages: 256

mardi, 05 octobre 2010

La place de la Russie dans l'histoire de la diplomatie européenne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES- 1997

La place de la Russie dans l'histoire de la diplomatie européenne

 

Intervention de Robert Steuckers lors du 1er Colloque de l'Atelier régional d'Ile-de-France de Synergies Européennes, le 8 mars 1997

 

On ne peut évaluer la place et l'importance de la Russie dans la tradition diplomatique européenne que sur base des textes existants. Les premiers textes valables pour juger l'émergence de la Russie dans la réalité politique européenne datent de l'époque de Pierre le Grand. Ce Tsar a manifesté durant son règne la volonté de faire de la Russie un Etat organisé à l'européenne, participant pleinement au concert des Etats européens. Cette volonté peut se concrétiser dès l'effondrement de la puissance polono-lithuanienne qui conduira aux partages successifs de la Pologne, achevés tout à la fin du XVIIIième siècle.

 

Cependant, en dépit de la volonté de Pierre le Grand, la Russie ne se laissera jamais appréhender par les mêmes concepts politiques et géographiques que le reste de l'Europe. Cette différence est due à la qualité, aux dimensions et à l'immensité de son territoire, qui fait charnière entre l'Europe et l'Asie. Dès le départ, dès les premiers textes rédigés en Europe sur la Russie et destinés aux chancelleries, on perçoit la dimension eurasienne de la Russie, malgré la volonté de Pierre le Grand de s'aligner exclusivement sur l'Europe.

 

Aujourd'hui, les cercles politiques et culturels européens, toutes tendances confondues, font désormais face à une Russie complexe, immense, tout à la fois européenne et asiatique, échappant aux règles des idéologies occidentales. Ils ne font plus face à une URSS à l'idéologie monolithique, parfois plus aisée à comprendre, encore que les arcanes peu déchiffrables de la soviétologie ont souvent induit en erreur des soviétologues patentés comme Alain Besançon ou Hélène Carrère d'Encausse... Récemment, pendant l'été 1993, la presse à sensation de Paris a parlé d'une alliance entre “rouges” et “bruns”, de l'émergence inquiétante d'un bloc “national-communiste”, en embrayant sur des phénomènes somme toute superficiels et sans tenir nullement compte de la longue histoire des rapprochements et des ruptures entre la Russie, d'une part, et les autres puissances européennes, d'autre part. La phobie du complot “rouge-brun” a fait long feu car les connaissances historiques la­cunaires des quelques journalistes fort prétentieux et très braillards qui ont déclenché le scandale étaient bien maigres. Leur bricolage n'était qu'un jeu médiatique. Quant à ceux qui se sont déclarés “rouges-bruns”  dans la foulée, pour entrer dans le jeu des hystéries médiatiques et faire parler de leurs personnes, on décèle aisément chez eux une volonté d'apparaître comme de “grands scandaleux”, de “grands méchants loups”, additionnant toutes les rigueurs des totalitarismes stalinien et hitlérien de ce XXième siècle.

 

Pour éviter la répétition malheureuse de telles sensations médiatiques, pour échapper aux hypersimplifications de la presse parisienne, il m'apparaît nécessaire de retourner à l'histoire de la diplomatie européenne et de voir comment le rapport Europe/Russie est perçu dans les chanceleries et comment il transcende et chevauche les étiquettes de “gauche” et de “droite”. Il convient d'examiner comment les concepts de la géopolitique sont nés il y a près de 300 ans, au départ de ré­flexions sur l'immensité du territoire russe, ensuite de voir comment ils ont été articulés dès l'époque napoléonienne. Il con­vient de déceler quelles polarités ont été mises en exergue dans le contexte tourmenté des guerres de la Révolution et de l'Empire, de voir comment les conflits ont été explicités.

 

Accusé d'avoir fait partie de ce complot “rouge-brun” pour avoir participé à un débat avec Ziouganov, président du PCFR, et Volodine, son ajoint et conseiller, à Moscou en avril 1992, débat portant sur une alternative éthique au néo-libéralisme (!), sur l'œuvre de François Perroux, sur l'anti-utilitarisme, débat retransmis ensuite dans la presse russe (Dyeïnn) et serbe (Duga), j'étais redevable d'une explication, non pas aux ignares de la presse parisienne mais à mes lecteurs et à mes abonnés. Je m'étais déjà expliqué par bribes dans un interview (cf. NdSE n°2; versions portugaise et néerlandaise également disponibles). J'entends, dans cette allocution qui deviendra très prochainement texte, être plus exhaustif. J'avais le devoir d'approfondir la question pour confondre les piteux, médiocres et minables journalistes parisiens du Monde et d'autres gazettes de bas étage qui se sont donnés en spectacle pendant l'été 1993. J'avais le devoir intellectuel de retourner au réel pour réduire à néant les simplifications esthétisantes des néodroitistes et nationaux-révolutionnaires parisiens, relevant de la même engeance journa­listique que leurs adversaires, qui n'ont pas de projets cohérents ni de discours étayés, mais qui aiment à répéter “je suis un grand méchant” ou un “grand-pervers-qui-pense-tout-ce-qui-est-interdit-de-penser”. Afin, bien sûr, de ne plus jamais se lais­ser embarquer dans un jeu médiatique aussi stérile que celui de l'été 1993.

 

Les spéculations sur la nature politique et géographique de la Russie commencent dans l'œuvre de Leibniz, qui a cumulé les positions de philosophe, de mathématicien, de conseiller du Prince et de diplomate. Pour la première fois, Leibniz livre à ses lecteurs européens une réflexion politique profonde sur la Russie. Leibniz a forgé des concepts instrumentalisables pour faire face à la nouvelle réalité géographique et politique qui se présentait aux portes de l'Europe. Pierre le Grand venait en effet d'annoncer qu'il ferait de la Russie un Etat européen, participant au concert des nations européennes. En 1669, Leibniz réagit face à la question polonaise. La Pologne, voisine de la Russie, était, avant l'émergence de celle-ci, la puissance la plus “orientale” de l'Europe. Cette Pologne était une “république aristocratique”, tolérante sur le plan religieux, fantaisiste sur le plan culturel et littéraire, brillante dans les arts, fébrile et mobile sur le plan militaire, avec sa cavalerie portée par un “mythe sar­matique”, où l'aristocratie polonaise se décrivait comme la descendante de cavaliers sarmates venus d'Iran, du Caucase et des régions pontiques. La monarchie de cette Pologne était élective. Avant l'élection du nouveau monarque, l'Allemand Leibniz donne son avis: il est alors “russophobe”, se méfie de cet immense pays dont on connaît finalement peu de choses, et espère la défaite du candidat qui a les faveurs de la Moscovie. Sinon, dit-il, le “rempart polonais” qui protège l'Europe va tomber, ce qui amènera les “barbares asiatiques” au centre de notre sous-continent et aux frontières du Reich. Ceci est la première posi­tion de Leibniz et elle est anti-russe.

 

Mais très vite, cette position se juxtaposera à une deuxième: il faut inclure la Russie dans une grande alliance européenne anti-turque («Quid si ergo posset Moscus quoque in anti-turcicum foedus pellici»). En effet, avant sa longue désagrégation, la Pologne était forte. Rappelons l'intervention des troupes de Jan Sobiesky et du Hongrois Janos Hunyadi lors des Croisades anti-ottomanes dans les Balkans et lors de la défense de Vienne aux XVième et XVIième siècles. La Russie de Pierre le Grand devra reprendre à son compte la fonction de cette puissante Pologne de Sobiesky. Telle est la seconde position de Leibniz.

 

Dans la troisième position qu'il adopte face à la Russie montante, Leibniz jette les bases de ce qu'il est convenu d'appeler l'“eurasisme”. Dans son texte de 1697, Novissima Sinica, Leibniz écrit que la masse continentale euro-asiatique compte deux anciennes civilisations: 1. Rome/Europe (le Reich); 2: La Chine. La Russie, poursuit-il, doit faire le lien entre ces deux civili­sations en organisant son propre territoire. L'Europe acquerra un avantage si c'est elle qui communique à la Russie les re­cettes de la “bonne” organisation politique, territoriale, administrative, etc.

 

Dans sa quatrième position, Leibniz parle de la Russie comme d'une tabula rasa, comme d'un espace vierge, où l'on pourra tester toutes sortes d'expériences. La Russie est un pays qui offre des milliers de possibilités (comme on le dira plus tard des Etats-Unis). Il permettra d'absorber une immigration paysanne allemande.

 

Dans sa cinquième position, prise en 1712 lors de la guerre entre la Suède et la Russie pour la maîtrise de l'axe fluvial “gothique”, joignant la Baltique à la Mer Noire, afin d'assurer la translation de l'héritage polono-lithuanien. Leibniz, Allemand, s'oppose à toute expansion de la Russie vers le Nord, mais favorise toute expansion vers le Sud. Cette position allemande est une constante: on l'a vu se manifester lors de l'indépendance des Pays Baltes (en 1919 comme en 1991), de la Finlande, dans les intentions lisibles en filigrane dans les clauses du Pacte germano-soviétique de 1939, dans les concessions accordées en théorie par Jirinovski aux Suédois et aux Allemands dans son projet de “grande avancée vers le Sud”. Symptomatique est le fait que Jirinovski insiste si fortement en Allemagne et en Suède sur l'orientation méridionale des hypothétiques efforts de “sa” future Russie.

 

Dans sa sixième position, Leibniz approfondit sa réflexion sur la qualité de tabula rasa  du territoire russe. La Russie est vierge, dit-il, on peut y importer tant les vices que les vertus de l'Europe. Mais Leibniz est pessimiste, conservateur. Pour lui, l'Europe décadente est travaillée et minée par ses vices. Il raisonne binairement en opposant une Europe décadente à une Russie pure. Adepte de l'idéologie des Lumières à ses débuts, Leibniz poursuit un objectif pédagogique: si la Russie est pure, vierge et “mineure”, elle peut devenir l'objet d'une pédagogie vertueuse et éviter ainsi d'entrer directement en décadence à cause de ses nouveaux contacts avec l'Europe malade.

 

En résumé: l'Europe, par la voix de Leibniz, est favorable à la Russie quand elle avance ses pions vers le Sud contre les Turcs, vers la Mer Noire, mais pas encore vers les Balkans, territoire réservé à l'époque aux Hongrois et aux Autrichiens, protecteurs des Serbes, après la libération de Belgrade en 1717/18. En revanche, l'Europe se montre hostile à la Russie quand elle avance ses pions vers le Nord. Comme Leibniz, elle se montre pro-suédoise, pro-polonaise (puis pro-ukrainienne), car, pour elle, l'axe gothique est un espace intermédiaire entre la Russie et l'Europe, qui a une logique propre qu'il convient de con­server, tandis que l'espace balte est un indispensable espace de transition entre Russes, Suédois et Allemands

 

Herder précisera cette vision d'un espace balte d'échange culturel. Herder est le père des nationalismes germaniques et slaves, le théoricien de la relativité culturelle, des différences, de la valorisation des origines de toute culture au détriment des époques plus tardives, jugées déclinantes. En 1769, dans le journal qu'il a écrit au cours de son voyage de la Livonie (en Lettonie actuelle) à Nantes, Herder écrit que l'Europe est vieillie, décadente, qu'elle a épuisé ses potentialités. Face à elle, la Russie possède encore des atouts, des potentialités. Il faut travailler la Russie, dit Herder, pour en faire un modèle pour le reste de l'humanité. La pensée de Herder est à la fois liée aux Lumières car elle est pédagogique, elle veut étendre au monde entier des idées européennes qui ne sont ni le rationalisme occidental ni le césaro-papisme catholique. Mais si cette pensée de Herder est liée aux Lumières, elle est en même temps critique à leur égard. La critique de Herder s'articule surtout autour de l'optimisme et de la prétendue unicité du modèle des Lumières. Pour Herder, théologien protestant, toute culture est une manifestation voulue par Dieu et celui-ci se manifeste de multiples façons, donc seule la pluralité des cultures est légitime, est œuvre de Dieu. L'histoire d'un peuple particulier est simultanément l'histoire d'un possible humain, universellement valable.

 

Sur base de ces principes, Herder énonce des projets pour l'Europe orientale et la Russie. Il privilégie les Pays Baltes, dont il est issu, comme espace d'échanges entre l'Europe germanique et la Russie. Mais il concocte également des projets sédui­sants pour l'Ukraine, la Crimée et la rive septentrionale de la Mer Noire. La mission de la Russie, à ses yeux, est de recréer un nouvel hellénisme sur le pourtour de la Mer Noire et de faire de la Crimée sa capitale. En énonçant ce grand projet, il re­prend l'idée allemande d'un “Drang nach Süden” russe et souligne l'importance capitale de la Crimée sur le plan géopolitique (pendant la guerre civile entre Blancs et Rouges, la Crimée, sous le Général Wrangel, a été un enjeu majeur du conflit; le IIIième Reich concoctait également des plans germanisants/hellénisants pour la Crimée et le conflit russo-ukrainien d'aujourd'hui rappelle l'importance géopolitique de cette presqu'île). Le “Projet grec” de Herder sera repris par Catherine II et instrumentalisé contre l'Empire ottoman que la fougueuse Tsarine chassera des rives septentrionales de la Mer Noire.

 

Le jugement que porte Herder sur l'œuvre de Pierre le Grand est également fort intéressant. Herder reproche au Tsar Pierre d'avoir négligé la culture “naturelle” de la Russie, de ne pas avoir tablé sur ses atouts nationaux et surtout d'avoir fait de la Russie une “pyramide inversée” qui risque de s'effondrer tôt ou tard dans la catastrophe. Herder prédit ainsi pour la première fois la révolution russe de 1917.

 

De 1789 à 1820, c'est-à-dire de la Révolution française à l'avènement de la Monarchie de Juillet, la réflexion sur la Russie va s'articuler autour de trois oppositions:

1. L'opposition entre liberté et despotisme, où l'Ouest est la liberté et la Russie, le despotisme (Marx reprendra cette di­chotomie russophobe, et, dans le marxisme, on parlera parfois de “despotisme oriental”).

2. L'opposition entre légitimité et révolution, où la Russie est le bastion de la contre-révolution. Nous avons là ante litte­ram une dialectique Est-Ouest, où la droite légitimiste est pro-orientale et anti-occidentale, contrairement à ce que nous avons connu pendant la guerre froide. Dans l'Allemagne de la “révolution conservatrice”, Moeller van den Bruck, traducteur de Dostoïevski, réfléchit sur l'itinéraire de ce dernier: révolutionnaire dékabriste, il deviendra légitimiste, en percevant l'insuffisance des idées occidentales. Moeller et, à sa suite, les diplomates allemands conserveront l'espoir légitimiste-con­servateur en la Russie, en dépit de la révolution bolchevique.

3. L'opposition Terre/Mer ou Russie/Angleterre. Ces réflexions ont annoncé la géopolitique de McKinder et de Haushofer, ainsi que l'œuvre de Carl Schmitt. Face à cette dualité Terre/Mer, notons la position intermédiaire prise par la France. La France est une “civilisation équilibrée” entre Terre et Mer, elle s'oppose également au “navalisme anglais” et au “despotisme exclusivement tellurique” de la Russie. Quand, sous Napoléon, la France s'identifie à l'Europe, comme l'Allemagne s'y identi­fiera pendant les deux guerres mondiales, les Continentaux percevront l'Europe comme le centre du monde et de l'histoire mondiale.

 

La période qui s'étend de 1789 à 1830 est une période de grande effervescence. Pour reprendre la terminologie de Carl Schmitt, c'est la fin du jus publicum europæum. L'idée révolutionnaire veut se planétariser, ne connaît ni repos ni mesure. Au cours de cette période, les diplomates écrivent une quantité impressionnante de rapports dont la teneur est proprement géopolitique. Nous allons examiner ceux qui concernent notre propos d'aujourd'hui: la Russie.

 

En 1791, un rapport anglais anonyme, intitulé Russian Armament, jette les bases de l'hostilité anglo-saxonne à l'encontre de la Russie. La Russie est désignée clairement comme l'ennemi car elle vise l'élimination de la présence ottomane en Mer Noire et dans les Balkans. Nous avons là le premier indice de l'alliance réelle et tacite entre Londres et la Turquie, entre la thalasso­cratie anglo-saxonne et la Sublime Porte. Le rapport poursuit: l'avancée de la Russie vers Constantinople menace 1) l'Egypte (on prévoit déjà en Angleterre le percement du Canal de Suez) et 2) le commerce du Levant. Donc, pour les diplomates an­glais, l'existence de l'Empire Ottoman, y compris sa présence dans les Balkans, garantit l'équilibre européen (l'argument sera repris lors de la Guerre de Crimée); l'Empire Ottoman est un barrage contre la Russie qu'on soupçonne vouloir s'emparer des Indes (en 1800-1801, effectivement, le Tsar Paul I, allié de Napoléon, projette l'invasion des Indes). Dans d'autres mani­festes anonymes parus entre 1792 et 1793, des observateurs anglais envisagent une alliance entre la France, l'Angleterre et la Turquie, pôle de la liberté, contre l'Autriche, la Prusse et la Russie, pôle du despotisme.

 

Cette tentative de rapprochement, en pleine guerre, de l'Angleterre avec la France révolutionnaire peut s'expliquer clairement si l'on a lu le livre de l'historien français Olivier Blanc, Les hommes de Londres. Histoire secrète de la Terreur (Albin Michel, 1989). Blanc nous y démontre les mécanismes d'organisation de la guerre civile en France, mis en œuvre depuis Londres, afin de venger la bataille de Yorktown (1781) qui avait donné la victoire aux insurgés américains avec l'appui de troupes et de vaisseaux français. Par ailleurs, l'Angleterre visait à détruire les ressorts de la politique navale de Louis XVI, qui avait connu quelques succès militaires. Les manifestes anonymes réclamant une alliance avec la France demandent implicitement l'arrêt de cette politique secrète d'organisation de la guerre civile en France, d'autant plus que les troupes autrichiennes et prus­siennes avancent dans le Nord et en Lorraine, risquant d'affaiblir définitivement la France et de souder au Nord et au centre de l'Europe un bloc germanique et impérial solide. L'Angleterre, au nom de l'équilibre continental, cherche à changer d'alliés et à se ranger du côté du plus faible. Mais, coup de théâtre, la France est victorieuse à la bataille de Fleurus en 1793: elle devient la plus forte puissance européenne, s'installe en Brabant et à Anvers, ce qui, pour Londres, est intolérable. L'Angleterre, pour respecter sa politique d'équilibre, doit lui faire la guerre, de concert avec les Prussiens et les Autrichiens. Quand l'Allemagne, après Bismarck, sous Guillaume II et avec la politique navale de von Tirpitz, deviendra la plus forte des puissances euro­péennes, l'Angleterre fera la guerre contre elle, en utilisant les ressources humaines de la France.

 

C'est sur cet arrière-plan que Wilhelm von Byern en 1794 propose une alliance germano-russe contre la France révolution­naire et E. von Zimmermann une alliance germano-franco-anglo-russe contre le challengeur qui pointe à l'horizon, l'Amérique. Mais le théoricien le plus pointu qui a esquissé les grandes lignes d'une politique générale pour vertébrer l'Europe, pendant cette époque de troubles et de désorientements, reste le Français Bertrand Barère de Vieuzac. En 1798, il rédige un manifeste intitulé La liberté des mers ou le gouvernement anglais dévoilé;  ce texte fondamental annonce et anticipe véritable­ment le noyau central des doctrines géopolitiques allemandes de ce siècle (Haushofer) et les positions telluriques et anti-tha­lassacratiques de Carl Schmitt. Pour Barère de Vieuzac, le véritable principe dissolvant n'est pas tant la révolution que le “principe industriel”, générateur de flux incontrôlables. L'industrie anglaise, dit Barère de Vieuzac, découle de la navigation, dès lors les flots générés par la production de marchandises correspondent aux flots océaniques, sur lesquelles rien ne peut se construire. L'industrie induit une démonie de la technique, qui abolit toutes les barrières, frontières, etc. Elle abolit le prin­cipe traditionnel de la famille avec son ancrage dans la Terre. C'est au départ de ce texte de Barère de Vieuzac que le poète Rudolf Pannwitz (cf. NdSE n°19) chantera son apologie de la Terre et de l'Imperium Europæum et que le Carl Schmitt d'après 1945 élaborera son anti-thalassocratisme fondamental (cf. Terre et Mer & Glossarium). Pour Barère de Vieuzac, l'Europe est une terre de civilisation et d'enracinement qui s'oppose tout naturellement à l'Angleterre, qui domine l'espace fluide de la mer sur lequel aucune civilisation ne peut éclore, et à la Russie, qui domine un espace mouvant de terres non travaillées. Son dis­ciple Eschasserieux propose dès lors une alliance franco-prussienne contre l'Angleterre et la Russie. C'est dans les travaux de Barère de Vieuzac et d'Eschasserieux qu'on trouve l'origine des rapprochements franco-allemands, depuis le napoléo-gaullisme de Pannwitz jusqu'à la réconcialisation préconisée par Adenauer et De Gaulle en 1963 et à la présence d'un Ernst Jünger lors de la visite de Kohl et Mitterand à Verdun.

 

Chez les nationalistes allemands de la première génération, nous trouvons d'autres approches, qui, elles aussi, ont connu une postérité. Pour Ernst Moritz Arndt, auteur de Deutsche Volkswerdung,  l'analyse est plus subtile: l'opposition fondamentale, pour Arndt, n'est pas tant la révolution ouest-européenne contre la contre-révolution russe, ou la civilisation française, alle­mande et européenne contre la barbarie russe (comme le voulaient les russophobes napoléoniens), mais l'opposition entre pays fermés non organisés et pays ouverts à la mer (sans pour autant être thalassocratiques). Arndt préfigure là la géopo­litique de Ratzel.

 

Quant au poète Jean-Paul en 1810, il se moque de la russophobie qui décrit les Russes comme des “barbares”, mais reste attaché à l'idée pédagogique de l'Aufklärung (que l'on a repérée de Leibniz à Herder). Selon cette idée laïque et missionnaire, la Russie est certes encore “barbare” mais elle se civilisera sous l'influence européenne. Remarquons que la russophilie de Jean-Paul n'est pas encore celle des narodniki russes: il ne rejette pas l'intellectualisme de l'Aufklärung mais ne parie pas sur les ressorts naturels du peuple russe, qu'il juge encore “inférieurs” et “mineurs”.

 

Heinrich von Kleist, dans son essai Über das Marionettentheater  (1810) décrit un monde futur totalement technicisé et ratio­nalisé, mais, dans ce monde figé, tout à coup, un ours déboule sur la scène; il est le symbole de l'Est, de la Russie; il repré­sente la force de l'instinct qui domine toute technique. Contre l'instinct, inutile de se battre, il ne faut attendre aucune victoire. L'Ouest, c'est Napoléon, l'ours, c'est la Russie. Cette argumentation sera reprise par Niekisch dans ses articles “nationaux-bolcheviques” de la revue Widerstand.

 

En France, c'est le traditionalisme anti-révolutionnaire qui développera des réflexions intéressantes sur la Russie. Pour Louis de Bonald (1754-1840), dans ses Discours politiques sur l'état actuel de l'Europe  (1802), la Russie est, depuis la chute de l'Empire romain, la plus grande force d'expansion à l'œuvre en Europe. Mais, ajoute-t-il, son christianisme est “byzantin”, donc, du point de vue catholique de Bonald, il est un mélange de “superstitions” d'“idolâtrie” et de “morceaux de christia­nisme”. Dans les droites catholiques et françaises, Bonald introduit un ferment russophobe d'anti-byzantinisme, contre lequel s'insurgera le Russe Leontiev (cf. Vouloir n°6/1996). A cet anti-byzantinisme, Bonald ajoute un jugement sur l'œuvre de Pierre le Grand: il estime qu'avoir voulu l'européanisation de la Russie est une bonne initiative, mais, déplore Bonald, “il a introduit la corruption avant de former la raison”. Bonald veut dire par là que Pierre le Grand a d'abord favorisé le commerce et l'industrie avant d'établir des lois. Il aurait dû favoriser les classes rurales, puis assurer le primat de la chose militaire, de la souverai­neté et de la paysannerie sur les fonctions de négoce. Bonald développe une critique conservatrice de l'idéologie marchande, vectrice de corruption, mais souhaite la conversion de la Russie au catholicisme. Il introduit ainsi un motif de russophobie ré­current dans la pensée politique conservatrice en France.

 

Joseph de Maistre (1753-1821) critique à son tour l'œuvre de Pierre le Grand, qui s'est laissé entraîner par “l'esprit de fabri­cation”. Comme cet esprit de “fabrication” (on dirait aujourd'hui: ce “constructivisme”) s'est insinué dans la vie politique russe dès l'origine de son européanisation, il est appelé à s'accentuer en dépit des barrières traditionnelles et provoquera une révo­lution (avec la critique de Herder qui voit dans la Russie de Pierre le Grand une “pyramide inversée” prête à basculer, la cri­tique de J. de Maistre est la seconde prédiction de la révolution russe, un siècle avant les faits).

 

La fin de l'aventure napoléonienne se déroule sous le règne du Tsar Alexandre I. Celui-ci fournit le gros des troupes de la coa­lition anti-napoléonienne, si bien qu'il acquiert le titre de “Libérateur de l'Europe”. Il est forcément peu perçu comme tel en France mais bien en Allemagne ou en Belgique (où le souvenir de “Pietje le Cosaque”, à Gand, au moment des premières manifestations flamingantes, reste dans les mémoires). L'idée motrice d'Alexandre I était de constituer une “Sainte-Alliance” en Europe. La mission de la Russie est de donner corps à cette initiative, visant à terme la “monarchie universelle”, que ses adversaires déclareront bien vite “despotique”. Cette idée du Tsar Alexandre I provient de deux sources:

1) La “pansophie” de Louis-Claude de Saint-Martin, qui visait à transcender les clivages religieux en Europe entre orthodoxes, protestants et catholiques.

2) Le “Mouvement du Réveil” de l'Allemand Jung-Stilling.

 

Jung-Stilling (1740-1817) veut fusionner le piétisme et la mystique protestante. Il élabore le concept de “nostalgie” (Heimweh, également titre d'un roman). La nostalgie est toujours nostalgie de la patrie céleste, de l'Empire de Dieu à construire. Pour Jung-Stilling, cet empire commencera à l'Est. Le christianisme s'est développé d'Est en Ouest et a décliné. Il faut faire le chemin inverse. Son disciple Johann Albrecht Bengel voit dans la Russie l'instrument de Dieu pour punir les nations: Napoléon est l'Antéchrist, Alexandre I, l'Ange de l'Apocalypse. En 1817, quand une famine éclate en Allemagne du Sud, les paysans adeptes du “Mouvement du Réveil” (catholiques et protestants confondus) émigrent vers la Russie, afin de s'installer dans l'antichambre du futur paradis et de fuir l'Europe qui allait subir une punition méritée.

 

Franz von Baader (1765-1841) recueille l'héritage de la mystique allemande de Jakob Boehme, de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jung-Stilling et de Görres. Son objectif se confond avec celui d'Alexandre I: réconcilier catholiques et protestants dans l'orthodoxie, raviver la dimension religieuse eschatologique et mystique, faire de la Russie le site de la synthèse de ce renouveau religieux et de son armée l'instrument destiné à sauver l'Europe de la dissolution révolutionnaire.

 

Les idées traditionalistes, la coalition anti-napoléonienne, le “Mouvement du Réveil” poursuivaient un même objectif. D'où la théocratie chrétienne et pansophique, l'utopie tirée du “Mouvement du Réveil”, l'“entremission organique” (organische Vermittlung) participent du “Principe d'Etat” qui s'oppose à l'Etat mécanique des révolutionnaires (procédant de l'“esprit de fa­brication”) et au “Dieu mécanique” des philosophes. Mais la grande différence entre, d'une part, Baader et les catholiques pan­sophiques et pro-orthodoxes et, d'autre part, et Bonald, de Maistre et les catholiques stricto sensu, c'est que Baader est mo­niste (il veut façonner le futur et affirme que la bonne politique organique adviendra) tandis que Bonald et de Maistre sont dua­listes et prétendent que la bonne politique est une chose définitivement passée. Face à la position pro-orthodoxe de Baader, de Maistre avance que l'orthodoxie est figée. Baader lui répond que cela la rend imperméable aux idées révolutionnaires. Pour Baader en revanche, c'est le “papisme” qui est figé car il jette le soupçon sur l'intelligence et le savoir (selon l'adage: “point trop de science”). Le protestantisme selon Baader laisse libre cours au savoir et l'accumulation de “science” désoriente les hommes, incapables de maîtriser les flux de la connaissance. Pour Baader, science et foi ne doivent pas être distinctes: telle est la mission d'Alexandre I, de la Sainte-Alliance, du “Mouvement du Réveil”, de la Russie et de l'orthodoxie, face à l'“Ouest pourri” (gniloï zapad). Mais les forces les plus conservatrices de l'Eglise orthodoxe russe refusent la démarche d'Alexandre, jugé trop ouvert aux Catholiques et aux Protestants, les “Réveillés” sont expulsés de Russie, de même que Baader, qui ne peut plus s'y rendre et tire les conclusions de sa tentative avortée: «Le retour à une politique ecclésiale conservatrice va pro­voquer l'expansion du matérialisme en Russie et, sous le manteau d'une Eglise d'Etat, les tendances anti-chrétiennes pourront agir plus secrètement, donc plus destructivement». Troisième prévision de la révolution bolchevique...

 

Autre figure-clef de l'époque, l'Abbé Dufour de Pradt (1759-1837), archevêque et confesseur de Napoléon. Pour Dufour de Pradt, le monde contient “deux zones de principes et de langage”, la zone de l'“ordre absolu” et la zone de l'“ordre constitution­nel à des degrés divers”. Ces deux zones se livreront une lutte à mort. Dufour de Pradt annonce au fond la bipolarité de la guerre froide... L'Europe n'a plus le choix qu'entre devenir un protectorat anglais et devenir un protectorat russe. En 1819, Dufour de Pradt prévoit que l'Amérique remplacera l'Angleterre sur mer, avant même que le Président Monroe ne proclame sa célèbre “doctrine” en 1823. Pourquoi? Parce que tant la Russie que l'Amérique disposent d'espace. Dufour du Pradt écrit: «La Russie jouit de tous les avantages dont sont privés les anciens Etats de l'Europe, dans lesquels les espaces sont occupés par la population et par les cultures destinées à la subsistance. On a calculé l'époque à laquelle les Etats-Unis d'Amérique possèderaient une population de cent vingt millions d'habitants, la progression a même dépassé les prévisions. Pourquoi, dans un temps donné, la Russie ne s'élèverait-elle pas au même degré, car elle possède des éléments parfaitement semblables et égaux à ceux qui promettent aux Etats-Unis ce rapide accroissement? La faculté de nourrir sa famille est la limite de la popu­lation; c'est elle qui, dans les Etats peuplés, réduit les mariages à un si petit nombre. Mais il faut un long cours de siècles pour que cette limite sera atteinte en Russie, comme en Amérique; elle se peuplera donc à l'infini...».

 

Aux Etats-Unis, le diplomate Alexander H. Everett (1790-1847) constate que tous les mouvements politiques de son époque sont les conséquences de la Révolution, cherchent à poursuivre la Révolution. L'Europe, dit-il, doit s'unir sinon elle subira le sort des cités grecques, face à la puissante machine militaire et administrative romaine. Mais pour que cette unification ait lieu dans l'équilibre des forces, il faut en exclure la Russie, parce qu'elle a beaucoup d'espace et rompt cet équilibre. Néanmoins, elle va sauver l'Europe en l'unifiant de force: c'est alors que prendra fin l'ère révolutionnaire.

 

En Allemagne le Baron von Haxthausen (1792-1866) écrit que l'atout slave/russe majeur dans le concert politique européen de l'époque est le sens intact de la communauté (mir/obchtchina). Haxthausen influencera directement la pensée populiste russe, tant dans l'expression qu'elle s'est donnée chez Alexander Hertzen que dans celle des narodniki  (les slavophiles) ou des marxistes russes. Entre les uns et les autres, face à cette revendication de la “communauté”, il y tout de même des diffé­rences d'approche: les “progressistes” voient dans le mir une condition sociale favorisant l'avènement du socialisme, tandis que les narodniki y voient une suprématie morale. Pour Haxthausen, les “communautés” russes sont le fondement de l'ordre social car elles empêchent l'émergence d'un prolétariat. Haxthausen était conscient de la différence entre démocrarie orga­nique et démocratie atomisée.

 

Vu d'Europe, voici donc un vaste éventail de réflexions sur la Russie qui inspirent toujours les chanceleries. Elles apparais­sent limpides dans leur simplicité et continuent à structurer toute la pensée géopolitique, même si les noms de leurs auteurs sont aujourd'hui tombés dans un oubli non mérité.

 

Il nous reste à dire quelques mots sur l'Eurasisme. Les Anglais ont un mot pour désigner la lutte planétaire pour le contrôle de l'Asie Centrale et himalayenne: “The Great Game”, “le Grand Jeu”. ce “Grand Jeu” consiste à contrôler les espaces vides entre les grands pôles civilisationnels de l'Inde, de la Chine et de l'Europe. Car la maîtrise de ces espaces assure la domina­tion de la planète. Leibniz s'en était déjà confusément aperçu en rédigeant sa Novissima Sinica en 1697. Dès la fin du XVIIIième siècle, en 1796-97, les Anglais devinent que l'Europe (allemande ou française) et la Russie vont un jour ou l'autre contester ses positions en Inde. Pour les Anglais, il y avait des signes avant-coureurs, comme la conquête de Sébastopol par les troupes de Catherine II en 1783, qui devient port russe en 1784, prélude à l'annexion complète de la côte pontique entre le Dniester et le Boug à la suite de la Paix de Jassy en 1792. La Mer Noire devient un lac russe, tandis que les Pays-Bas méri­dionaux tombent aux mains des hordes révolutionnaires.

 

Napoléon, lui, se rend compte du désastre que constitue pour la France la perte de ses comptoirs indiens. D'où son plan de couper la route des Indes en s'installant en Egypte. Avant de se lancer dans cette entreprise, il dévore tous les livres sur l'Egypte: «J'étais plein de rêves. Je me voyais fondateur d'une nouvelle religion, marchant à l'intérieur de l'Asie monté sur un éléphant, avec un turban sur la tête et à la main le nouveau Coran que j'aurais écrit pour répondre à mes besoins». Le 19 mai 1798 une armada française, avec 40.000 hommes, quitte Toulon et Marseille pour se diriger vers l'Egypte. Aussitôt les Anglais envoient tous leurs navires du Cap et de Calcutta pour bloquer la Mer Rouge. Nelson détruit la flotte française en mouillage à Aboukir (1 août 1798).

 

En 1801, le Tsar Paul I suggère à Napoléon d'envahir l'Inde par la terre et met 35.000 cosaques à la disposition de ce projet. Pour les appuyer, il demande à Napoléon de lui envoyer une armée française par le Danube, la Mer Noire et la Caspienne. Napoléon juge le projet irréalisable. Le 24 janvier 1801, 22.000 cosaques et 44.000 chevaux quittent le sud de la Russie pour se diriger vers l'Asie centrale. Mais le 23 mars 1801, Paul I est assassiné et Alexandre I monte sur le trône. Les Anglais réagissent en envoyant au Moyen-Orient le jeune John Malcolm, un orientaliste, spécialiste de la Perse, nommé officier dès l'âge de 13 ans. Malcolm a pour mission de forger une alliance avec l'Iran, pour bloquer sur le “rimland” toute avancée française (ou russe ou européenne ou, plus tard, allemande) dans la zone s'étendant de la Syrie au Béloutchistan. La réaction russe est immédiate: le Tsar annexe la Géorgie en septembre 1801. En juin 1804, les Russes sont en Arménie, mettent le siège devant Erivan et engagent la guerre contre la Perse pour forcer le passage vers les Indes.

 

En 1804, les Perses appellent les Anglais au secours. Mais 1804 est également l'année où Napoléon devient “empereur”, pro­voquant un renversement des alliances et un rapprochement entre Russes et Anglais. Les Anglais ne font plus pression sur le Tsar pour qu'il rende à la Perse la Géorgie et l'Arménie. Le Shah n'a plus d'autre alternative que de se tourner vers la France. De 1804 à 1807, les tractations entre le Shah et Napoléon sont ininterrompues, la Perse devant servir de tremplin pour une re­conquête française des Indes. L'armée persane est entraînée par des instructeurs français. En 1807, à Friedland, Alexandre se rapproche à nouveau de Napoléon et participe au blocus continental; Français et Russes sont à nouveau alliés contre les Anglais. A Tilsit, la France et la Russie envisagent de bouter les Ottomans hors d'Europe, de s'allier avec la Perse pour mar­cher de concert sur les Indes, mais la France ne peut plus demander aux Russes de rendre la Géorgie et l'Arménie, poussant les Perses dans une nouvelle alliance anglaise!

 

Tels ont été les préludes du “Grand Jeu”. L'affrontement Terre/Mer entre la Russie et l'Angleterre se poursuivra pendant tout le XIXième siècle, véritable épopée avec, de part et d'autre, des héros sublimes et des aventuriers extraordinaires. Parmi les autres facettes du “Grand Jeu”, il y a eu la volonté de contrôler le Tibet (et surtout les sources des grands fleuves chinois, indochinois et birmans), de maîtriser la “Route de la Soie” et surtout le Turkestan chinois (ou Sinkiang). Des missions allemandes tenteront de forger une “alliance diagonale” entre le Reich, l'Empire Ottoman, la Perse, l'Inde et l'Indonésie. Le pantouranisme sera instrumentalisé par les Allemands en 1914, par les Britanniques après 1918. Pendant la guerre civile russe, les Anglais ont tenté de détacher le Caucase de la Russie, en incitant au massacre des commissaires communistes arméniens. Le Japon y participera en soutenant Koltchak et Unger-Sternberg en Asie. Aujourd'hui, avec la tentative de souder à la Turquie, alliée des Etats-Unis, toutes les républiques musulmanes de l'ex-Union Soviétique, le “Grand Jeu” est loin d'être terminé. Pour nous, il s'agit d'en étudier tous les mécanismes, d'en connaître l'histoire jusqu'en ses moindres détails.

 

Robert STEUCKERS

mardi, 06 juillet 2010

La Turquie tourne le dos à l'Occident

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Bernhard TOMASCHITZ:

La Turquie tourne le dos à l’Occident

L’amitié étroite entre la Turquie et Israël est un fait politique qui relève désormais du passé. Ankara envisage des sanctions contre l’Etat sioniste à la suite de l’attaque israélienne contre la flotille de la paix qui faisait route vers Gaza. Si Israël refuse de satisfaire à l’exigence turque de mettre en oeuvre une commission d’enquête internationale, le gouvernement turc songe à réduire voire à rompre les relations diplomatiques et les coopérations économiques et militaires. De même, la résistance turque au sein du Conseil de sécurité de l’ONU contre tout raffermissement des sanctions contre l’Iran a conduit à un refroidissement considérable du climat entre Ankara, d’une part, Jérusalem et Washington, d’autre part. Président de la commission de politique étrangère du Parlement turc, Murat Mercan explique ce soutien apporté à Téhéran: “La Turquie a des liens historiques, culturels et religieux d’une grande profondeur temporelle avec l’Iran. En d’autres mots: les Iraniens sont non seulement nos voisins mais aussi nos amis et nos frères”.

A Washington, la nouvelle orientation de la Turquie vers la Syrie et vers l’Iran (deux “Etats voyous selon les Etats-Unis) suscite une vigilance toute particulière. Car, en fin de compte, la Turquie est un allié particulièrement important des Etats-Unis pour assurer la pacification de l’Irak. Parce que le gouvernement turc a décidé de ne pas participer aux sanctions, Robert Gates, le ministre américain des affaires étrangères, s’est déclaré “déçu”. Gates avait toutefois une explication toute faite: c’est l’UE qui est responsable de cet état de choses, vu le gel des négociations entre l’Europe et la Turquie en vue de l’adhésion de ce pays à l’Union. Les Etats-Unis mettent une fois de plus la pression sur l’Union européenne pour qu’elle accepte le plus rapidement possible la Turquie en son sein. Et cette pression ira croissant pour autant qu’Ankara n’exagère pas dans son soutien à Téhéran. Au Congrès américain, nous entendons désormais des voix qui réclament une attitude de plus grande fermeté à l’encontre d’Ankara: “Il y aura un prix à payer si la Turquie maintient son attitude actuelle et se rapproche davantage de l’Iran, tout en se montrant hostile à Israël”, a menacé le Républicain Mike Pence. Quant à la Démocrate Shelley Berkley, elle s’est adressé aux Turcs en ces termes: “Ils ne méritent pas de devenir membres de l’UE, tant qu’ils ne commencent pas à se comporter comme les peuples européens et tant qu’ils ne cessent pas d’imiter l’Iran”.

Désormais, la Turquie tourne donc ses regards vers le Proche Orient. Mais l’adoption de cette politique n’est pas vraiment une surprise. De fait, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et son parti gouvernemental, l’AKP de tendance islamiste, se sentent plus proches du monde musulman que des Etats-Unis ou de l’Europe. A ce sentiment d’affinité s’ajoute le concept de “profondeur stratégique”, élaboré dès 2001 par l’actuel ministre turc des affaires étrangères, Ahmed Davutoglu. Selon ce concept, la Turquie doit retrouver sa propre “identité historique et géographique”, démarche où l’Empire ottoman constitue la principale référence. Davutoglu considère son pays, la Turquie, comme un “Etat clef”, situé sur le point de rencontre de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique car, en effet, la Turquie est tout à la fois partie des Balkans, du Caucase, de l’espace pontique (Mer Noire), du Proche Orient et de l’espace maritime du bassin oriental de la Méditerranée, ce qui implique, ipso facto, qu’elle doit s’efforcer d’entretenir un “rapport équilibré avec tous les acteurs globaux et régionaux”.

Cette notion de “rapport équilibré” est très visible dans les relations qu’entretient aujourd’hui la Turquie avec la Syrie. Ces relations se sont remarquablement détendues, depuis que la Turquie essaye de jouer un rôle médiateur dans le conflit israélo-syrien. Avant ce travail de médiation, on évoquait fort souvent une possible “guerre pour l’eau” entre les deux pays redevenus amis, parce que la Turquie contrôlait le cours supérieur de l’Euphrate.

Quant à la “profondeur stratégique”, elle constitue le pendant en politique étrangère de l’islamisation de la Turquie en politique intérieure. La notion de “profondeur stratégique” et l’islamisation constituent deux modes de rupture avec le kémalisme, idéologie déterminante de la Turquie depuis la fondation de la République en 1923. Heinz Kramer, politologue oeuvrant à la “Stiftung Wissenschaft und Politik” de Berlin (“Fondation Science et Politique”), évoque, dans l’une de ses études, la rupture fondamentale que cette idée de “profondeur stratégique” apporte dans la praxis turque en politique étrangère: “La domination mentale exercée jusqu’ici par l’exclusivité de l’orientation pro-occidentale, considérée comme l’un des piliers de l’identité républicaine en gestation, se trouve relativisée. La Turquie, dans cette perspective, ne se perçoit plus comme un Etat en marge du système européen mais comme le centre d’une ‘région spécifique’, pour l’ordre de laquelle Ankara doit assumer une responsabilité ou une co-responsabilité politique”.

Conséquence de cette nouvelle vision en politique étrangère et de cette nouvelle conscience politique: la Turquie essaye de se positionner comme un acteur plus déterminant qu’un simple pays assurant le transport d’énergie. En juillet 2009, la Turquie a signé l’accord sanctionnant la construction du gazoduc Nabucco qui devra acheminer le gaz naturel de la région caspienne ou de l’Iran vers l’Europe centrale: cette signature est un véritable coup de maître politique. Morton Abramowitz et Henri J. Barkey, tous deux actifs pour les “boîtes à penser” américaines, écrivent à ce propos dans la très influente revue “Foreign Affairs”: “Le gazoduc Nabucco sera-t-il un jour construit? On demeure dans l’incertitude. Tant le coût de son installation que la question de savoir s’il y aura suffisamment de gaz naturel à disposition pour le remplir, sont des éléments qui restent à élucider (...). Mais le projet de gazoduc a d’ores et déjà augmenté l’influence de la Turquie aux yeux des pays de l’UE, animés par une perpétuelle fringale d’énergie”. Avec la clef énergétique, la Turquie pourrait bien s’ouvrir la porte de l’UE.

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°25-26/2010; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

mercredi, 02 juin 2010

Lula: "Abandonner le dollar dans les échanges bilatéraux!"

21242_399px-Lula_-_foto_oficial05012007.jpgLula: “Abandonner le dollar dans les échanges bilatéraux!”

 

“Nous ne pouvons pas faire des affaires avec une monnaie que nous ne contrôlons pas et que nous n’émettons pas”: voilà ce qu’a déclaré le Président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva lors d’un entretien avec son homologue russe Dmitri Medvedev à Moscou. Lula da Silva a ensuite défendu sa position: le Brésil et la Russie devraient abandonner le dollar et utiliser leurs propres monnaies pour leurs échanges bilatéraux. “C’est là un défi pour le Brésil et pour la Russie, pour le BRIC (= Brésil, Inde, Russie et Chine) et pour la nouvelle logique commerciale du 21ème siècle”, a-t-il ajouté.

 

(information parue dans “Rinascita”, Rome, 15/16 mai 2010 – http://www.rinascita.eu/ )

Lula à Téhéran: trouver une solution diplomatique

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Ferdinando CALDA:

 

Lula à Téhéran: trouver une solution diplomatique

 

A la mi-mai 2010, le Président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a réalisé la tâche la plus délicate de sa tournée diplomatique en Europe et au Proche Orient. Après s’être rendu à Moscou et à Doha (au Qatar), Lula est arrivé à Téhéran pour discuter avec le Président iranien Mahmoud Ahmadinedjad du programme nucléaire iranien et pour trouver un accord sur le traitement de l’uranium, afin d’éviter l’application de nouvelles sanctions.

 

C’est là un projet ambitieux qui, apparemment, bénéficie de l’approbation des autres pays impliqués dans les tractations. Quelques jours auparavant, le Président français Nicolas Sarkozy avait téléphoné à son homologue de Brasilia pour lui exprimer son “appui total”; le président russe, lui aussi, a exprimé l’espoir de voir la mission de Lula “couronnée de succès”. Toutefois, il a ajouté que la possibilité d’un succès “ne dépassait pas 30%”. Le Président russe a encore précisé que la visite de Lula à Téhéran risque bien d’être “l’ultime possibilité pour l’Iran” d’éviter les sanctions.

 

A Washington aussi, on a parlé de la “dernière opportunité”. Medvedev, lors d’une longue conversation avec Barack Obama, a expliqué à son collègue américain, “qu’il faut donner une chance au président du Brésil afin qu’il puisse expliciter toutes les raisons de la communauté internationale pour convaincre l’Iran à coopérer”; au contraire, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a appelé le ministre turc des affaires étrangères (la Turquie, avec le Brésil, cherche à jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Iran et les pays occidentaux) pour lui rappeler le “manque de sérieux” de Téhéran et pour souligner la nécessité “d’intensifier les efforts pour exercer une pression majeure sur l’Iran”. En outre, des fonctionnaires du gouvernement américain ont fait savoir qu’un message similaire a été adressé au ministre brésilien des affaires étrangères.

 

Pour sa part, le Président Lula a toujours défendu le “droit sacro-saint” de l’Iran (et du Brésil) à développer un programme nucléaire civil. Cette position est évidemment mal vue aux Etats-Unis et chez leurs alliés, qui digèrent mal la rencontre entre Lula et Ahmadinedjad (tout en sachant, bien entendu, que le Brésil et la Turquie sont membres non permanents du Conseil de sécurité de l’ONU). “J’ai parlé à Obama, à Sarkozy, à Berlusconi, à Merkel et à Brown”, a rappelé le Président brésilien, “et aucun d’entre eux n’a jamais appelé Ahmadinedjad. Ils font de la politique au nom d’autres”.

 

En payant de sa propre personne dans les négociations délicates sur le nucléaire iranien, Lula cherche à gagner du prestige au niveau international (on parle même d’une prochaine candidature au poste de secrétaire général de l’ONU). Toutefois, si l’on ne parvenait pas à un accord, le Président brésilien risque fort bien de s’exposer aux attaques de ceux qui, comme le ministre français des affaires étrangères Kouchner, accusent le Brésil d’être “abusé” par Téhéran.

 

Ferdinando CALDA.

( f.calda@rinascita.eu ).

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 15/16 mai 2010, http://www.rinascita.eu/ ).

vendredi, 19 mars 2010

Na de Armeense genocide, nu een deportatie?

Na de Armeense genocide, nu een deportatie?

hamid-cari.jpgRecent keurden de Amerikaanse en Zweedse parlementen een motie goed waarin de Armeense genocide eindelijk de erkenning krijgt die ze “verdient”. Dit heeft uiteraard zijn gevolgen.

  • Voor het Armeense volk eindelijk een zeer kleine tegemoetkoming, het gedane leed kan men immers nooit terugbetalen.
  • Voor Turkije een kaakslag omdat zij blijven beweren dat er helemaal geen genocide. De heer Alfred Vierling vertelde mij tijdens de reis naar Bretagne trouwens dat de Turkse visie op de Armeense genocide samen te vatten valt als volgt: “Ze heeft nooit plaatsgevonden, maar was wel nodig.”
  • Voor de Amerikaanse president Obama is het dan weer een probleem omdat Turkije de belangrijkste moslimpartner is en in de NAVO zit. Waarschijnlijk zal men dit goedmaken door de Amerikaanse president nogmaals hard te laten pleiten voor de toetreding van Turkije in de EU, wat meerdere presidenten reeds gedaan hebben.

De reactie vanuit de Turkije is dan ook weer veelzeggend. Omdat de Armeense genocide eindelijk als genocide erkend wordt, denkt de Turkse premier Erdogan hardop aan een deportatie van alle Armeniërs in Turkije.

De Turkse premier Tayyip Erdogan heeft gedreigd 100.000 Armeniërs zijn land uit te zetten, nadat Zweedse en Amerikaanse resoluties de Turkse vervolging van Armeniërs in de Eerste Wereldoorlog hebben bestempeld als ‘genocide’. Dat zei Erdogan in een interview met BBC. ’Er zijn op dit moment 170.000 Armeniërs in ons land,’ aldus Erdogan. ‘Slechts 70.000 daarvan zijn Turkse staatsburgers. De overige 100.000 tolereren we.’

Bron: http://www.elsevier.nl/web/Nieuws/Buitenland/260796/Premier-Turkije-dreigt-met-deportatie-100.000-Armeniers.htm

En met dit land willen ze gaan onderhandelen om te laten toetreden tot de EU? Een land dat de Koerdische rechten dagelijks fysiek schendt, dat martelt in hun gevangenissen en dat nu besluit om een genocide weg te duwen aan een deportatie denkt. Nu ja, anderzijds is Spanje ook toegelaten tot de EU en daar worden de rechten van de Basken ook dagelijks geschaad. Men kan op zo’n momenten merken dat de EU gebouwd is met Amerikaans geld, bijeengebracht en doorgesluisd via de CIA;

Tussen eind 1949 en begin 1960 zou het ACUE ruim 4 miljoen dollar CIA-geld naar de Europese beweging sluizen – in hedendaagse euro’s nagenoeg 32 miljoen. Het eerste tastbare succes: Robert Schumans plan voor een Europese Gemeenschap voor Kolen en Staal. ”Wat wij in Europa hebben gedaan, was onmogelijk geweest zonder de hulp van het American Committtee on United Europe”, zo schrijft een dankbare Paul Henri-Spaak in 1960 aan de toenmalige ACUE-directeur.

Bron: http://knack.rnews.be/nieuws/wereld/-cia-financieerde-europese-eenmaking-/site72-section26-article48016.html

Amerika een bondgenoot van Europa? Turkije een land dat tot de EU moet toegelaten worden? Laat me niet lachen…

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Erdogan cancella la sua visita in Svezia

erdoganetsafemme-5afb0.jpgErdogan cancella la sua visita in Svezia

Ankara richiama il suo ambasciatore nella capitale svedese dopo la mozione che riconosce il genocidio armeno

Andrea Perrone

L’ambasciatore di Svezia ad Ankara, Christer Asp, è stato convocato venerdì mattina dal ministero degli Esteri turco in seguito all’adozione, da parte del parlamento svedese, di una mozione che riconosce come genocidio i massacri di armeni avvenuti all’inizio del secolo scorso, ai tempi dell’Impero Ottomano.
La mossa segue di poche ore la decisione del premier turco Recep Tayyip Erdogan (nella foto) di cancellare la visita in Svezia prevista per la prossima settimana e di richiamare in patria a tempo indeterminato l’ambasciatore turco a Stoccolma, Zergun Koruturk. Dure le critiche di Erdogan che in una nota ha dichiarato: “Il nostro popolo e il nostro governo respingono tale decisione presa sulla base di gravi errori e senza fondamento”, precisando che il voto svedese è frutto di “calcoli di politica interna” alla luce delle elezioni previste a settembre di quest’anno.
“È naturale che si manifesti disappunto per questa decisione del Parlamento e che si esprima il proprio punto di vista sulla questione”, ha commentato l’ambasciatore Asp, affermando che il tema, uno dei più controversi per la Turchia moderna, avrà inevitabili ripercussioni sui rapporti diplomatici ed economici tra Turchia e Svezia. “Naturalmente sono a rischio anche le relazioni commerciali - ha aggiunto - lavoreremo per evitare che questo accada”.
La risoluzione ha ottenuto il voto favorevole di 131 deputati e quello contrario di 130 ed è stata fortemente contrastata dal governo svedese. Il ministro degli Esteri svedese, Carl Bildt, ha definito “un errore” l’approvazione da parte del Parlamento - per un solo voto espresso da un deputato che non ha seguito le indicazioni  del partito - ma ha ribadito che questo non cambia la posizione del governo, che sostiene l’ingresso della Turchia nell’Unione europea.
Il voto del Parlamento svedese arriva a meno di una settimana da quello della commissione Esteri della Camera dei Rappresentanti degli Stati Uniti con cui, anche in quel caso solo per un voto, è stata approvata una risoluzione non vincolante in cui si chiede al presidente Barack Obama di usare la parola genocidio nel riferirsi al massacro degli armeni. Anche il quel caso il governo turco ha   protestato, richiamando il suo ambasciatore a Washington ed accusando il governo statunitense di non aver fatto abbastanza per impedire il passaggio della risoluzione.
“Sono contrariata e sorpresa, mi aspettavo che il parlamento svedese decidesse che non è lavoro da deputati ma da storici decidere se c’è stato o meno un genocidio”, ha dichiarato la Koruturk. 
L’ambasciatore turco in Svezia ha quindi precisato che gli ottimi rapporti tra Ankara e Stoccolma non possono che risentirne. “Tutto è destinato a fare un passo indietro - ha osservato - questa decisione avrà un impatto drastico sulle relazioni bilaterali”.


13 Marzo 2010 12:00:00 - http://www.rinascita.eu/index.php?action=news&id=1043

mercredi, 17 mars 2010

La dérive de la diplomatie turque utilise son négationnisme cynique et imperturbable

La dérive de la diplomatie turque
utilise son négationnisme cynique et imperturberdoganryad.jpgable

Jean-Gilles MALLIARAKIS /
http://www.insolent.fr/
Ce 8 mars, le Premier ministre turc Erdogan, se rendait à Riyad. Le roi d'Arabie Abdallah, allait lui décerner le prix international du Roi Fayçal pour "Services rendus à l'islam". Cette distinction, créée en 1979, est présentée pompeusement comme une sorte de prix Nobel du monde arabe. À ce titre, l'heureux lauréat recevait 200 grammes d'or et 200 000 dollars américains.

Dans mon petit livre d'initiation des Européens à la question turque (1) je livre un certain nombre de clefs explicatives de l'attitude et des actes d'Ankara.

Nous nous trouvons en présence de tendances longues. Certes, pour mes amis lecteurs, et [heureusement] pour quelques autres, celles-ci ne relèvent d'aucune sorte de mystère. Hélas, de manière étrange, nos dirigeants se plaisent à les ignorer.

La distinction reçue des mains du plus puissant représentant de la finance islamique le confirme (2). Les déclarations du roi et de son entourage mériteraient une plus large analyse. Il s'agit de donner une "approbation solennelle à ses efforts d'intermédiation au Proche et au Moyen-Orient". Et de citer son rôle actif "auprès de l'Iran, de la Syrie, du Yémen et du Hamas". Ceci le place désormais "à la tête du monde musulman" (3). Belle revanche posthume du califat ottoman.

Il demeure toutefois candidat à la qualité de membre à part entière au sein de l'Union européenne. Et un personnage comme Zapatero, au pouvoir à Madrid et occupant la "présidence tournante" de l'Union, l'y encourage.

Au-delà même du symbole, le récipiendaire profitait encore de la circonstance pour confirmer tout ce que l'on semble, de plus en plus, découvrir des nouvelles inclinations proches orientales de son gouvernement. Ne perdons jamais de vue, d'ailleurs, la part de faux-semblant, de communication et de mise en scène dans l'ensemble de cette subtile intrigue (4).

Or, en parallèle, les mêmes bureaux d'Ankara viennent d'administrer la preuve de leur incompréhension totale des références et des jugements de l'occident. Et cela se manifeste autour de la question historique du génocide arménien. Rappelons à cet égard que le fait même d'écrire ce mot, apparu en 1945, avec des guillemets pourrait tomber désormais en France sous le coup de la loi.

Au contraire, la position turque officielle persiste

1° à ergoter sur le nombre de victimes arméniennes qu'elle cherche à abaisser, du nombre habituellement admis, entre 1,5 et 2 millions de morts, à une fourchette de 300 000 à 500 000, sans se rendre compte que ce marchandage lui-même produit le plus déplorable effet.

2° à nier l'existence - d'une campagne d'extermination en dépit de la publication des télégrammes de Talaat pacha, et d'autres documents, écrits (5), témoignages habituellement considérés comme des preuves par les occidentaux.

3° à ne vouloir voir dans ces disparitions de populations entières que la conséquence du "chaos des dernières années de l'Empire ottoman".

Or très précisément cette vague évocation des événements aurait permis à n'importe quel régime démocratique européen de se défausser des fautes commises par ses prédécesseurs. Il les leur aurait imputés raisonnablement ; et il offrirait aux représentants des victimes des excuses, plus ou moins dignes, plus ou moins valables. (6)

La récente passe d'armes entre Américains et Turcs tend à démontrer l'incapacité des dirigeants de ce dernier pays à se comporter d'une telle manière. Repentance, connaît pas. Ils la jugent indigne de leur ombrageuse fierté nationale.

Une nouvelle expérience vient ainsi de se dérouler entre une commission du Congrès américain et le ministre des Affaires étrangères de l'AKP, M. Ahmet Davutoglou.

À Washington, le 5 mars, la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants appelle le président des États-Unis à "qualifier de façon précise l'extermination systématique et délibérée de 1 500 000 Arméniens, de génocide". Président de cette commission, Howard Berman, a estimé que "rien ne justifie que la Turquie ignore la réalité du génocide arménien". Juste avant le vote le porte-parole du département d'État, M. Philip Crowley avait indiqué cependant que les Etats-Unis sont favorables à "une reconnaissance entière, franche et juste des faits liés aux événements historiques de 1915" en ajoutant toutefois que "Nous nous inquiétons de l'impact possible (de la résolution) sur les pays affectés".

On doit remarquer que ce vote, acquis par une courte majorité, 23 voix contre 22, est principalement dû au ralliement des élus démocrates. Les républicains se montrent en général assez hostiles à ce genre de considérations.

Sous la présidence précédente, une résolution analogue avait été censurée en 2007 par la Maison-Blanche, sous la pression. GW Bush était même intervenu personnellement, en téléphonant chez eux à divers élus (7) Et lors du dernier débat le porte parole de la droite avait considéré que, malgré sa sympathie pour les victimes, nous vivions au XXIe siècle.

La réaction de la Turquie officielle s'est donc d'autant moins fait attendre qu'elle mesure les points faibles de la démocratie américaine. Immédiatement est partie d'Ankara une protestation en forme d'avertissement : "Nous condamnons cette résolution qui accuse la nation turque d'un crime qu'elle n'a pas commis".

Lors de sa campagne présidentielle de 2008, M. Obama avait promis cette reconnaissance du génocide arménien. Peu après son élection, il a renoncé à employer ce terme alors que les États-Unis soutiennent les efforts de normalisation en cours entre la Turquie et l'Arménie pour l'ouverture de la frontière commune et l'établissement de relations diplomatiques. Idem de la part de Hillary Clinton, venue le 2 mars devant la commission pour exprimer ses réserves quant à l'opportunité de cette motion H252 dont elle approuvait le propos tant qu'elle n'occupait pas la fonction de secrétaire d'État.

Au lieu de se situer sur la défensive, de son côté, la diplomatie turque, pratique directement la menace. "À la suite de cet incident, notre ambassadeur à Washington, Namik Tan, a été rappelé à Ankara pour consultations". Le 10 mars le chef du gouvernement confirmait que jusqu'à nouvel ordre il ne reviendra pas.

Le chef de l'État Abdullah Gül a également condamné le texte voté : il n'a "aucune valeur aux yeux du peuple turc", a-t-il dit. Et il a ajouté : "La Turquie ne sera pas responsable des conséquences négatives que ce vote pourrait avoir dans tous les domaines".

Or l'objection de Mme Clinton, — "cela pourrait dresser, dit-elle, des obstacles devant la normalisation des relations" entre la Turquie et l'Arménie" – dissimule une difficulté beaucoup plus grave pour la diplomatie américaine. Le partenaire et allié de l'Otan, qui se dit offensé, joue un rôle essentiel dans les opérations militaires en Irak. Il fait valoir que, par la base d'Incirlik, en Anatolie, transite une part essentielle des aéronefs, des personnels et du ravitaillement nécessaires aux belligérants de la coalition (8). Il participe de façon considérable à la guerre d'Afghanistan. Et il menace de se solidariser avec l'Iran.

Accessoirement tout me donne à penser que sa politique dans l'ensemble du Proche-Orient joue un certain rôle… où l'Égypte a échoué… où le président actuel de tous les Français imaginait se substituer à celle-ci… et qui correspond aux desiderata profonds du gouvernement de Washington et de la finance pétrolière.

"L'intervention des politiques dans le domaine des historiens a toujours eu des effets négatifs" disent régulièrement au sujet des massacres de 1915 les communiqués officiels turcs.

J'aime cette réflexion, surtout lorsqu'elle vient de la part des politiques eux-mêmes.

Tout cela me semble confirmer le sentiment que j'exprime (9), celui de l'incongruité de prétendre intégrer ce beau et grand pays d'Asie mineure à l'Union européenne.
JG Malliarakis


Apostilles

  1. cf. "La Question turque et l'Europe" chapitre "La chauve-souris et sa diplomatie" pages 111 et suivantes.
  2. cf. "La Question turque et l'Europe" chapitre "Instrumentalisation de l'islam" pages 105 et suivantes.
  3. cf. Kathimerini le 11 mars 2010. Article " I saoudiki Aravia apéminé to vravio Vassilias Faïsal ston Erdoghan" [L'Arabie saoudite décerne le prix "roi Fayçal" à Erdogan.]
  4. À noter ainsi que l'annonce de cette attribution du prix a été faite en janvier. À la suite de quoi, M. Erdogan a annoncé qu'il ne se rendrait plus à Davos, haut lieu, un an plus tôt, de son esclandre anti-israélienne de janvier 2009, qui lui a valu tant de popularité dans Moyen Orient. Cf. http://www.mejliss.com/showthread.php?t=505791
  5. Dans "La Question turque et l'Europe" au chapitre "Faux dialogue avec un faux islam" aux pages 130 et suivantes, je donne ainsi quelques éclaircissements sur la fameuse citation "poétique" d'Erdogan qui lui valut ses ennuis judiciaires, aujourd'hui oubliés.
  6. cf. "La Question turque et l'Europe" chapitre "Racines jacobines des crimes turcs" pages 79 et suivantes.
  7. cf. Ovipot bulletin du 16 octobre 2007.
  8. Cet argument ne semble pas convaincre le site arménien très bien documenté du collectif Van. Cf article traduit ses soins publié par le Turkish Daily News le 23 février 2007. dans "La Question turque et l'Europe".

jeudi, 14 janvier 2010

Teheran, epicentro di un terremoto geostrategico

340x.jpgTeheran, epicentro di un terremoto geostrategico

Ahmadinejad e Berdymukhamedov inaugurano un gasdotto in Turkmenistan

Pietro Fiocchi

Dopo aver riscosso un certo successo in Tajikistan, dove il presidente Rakhmon ha garantito sostegno al programma nucleare civile di Teheran, Ahmadinejad era ieri in Turkmenistan. Nella capitale Ashgabat ha incontrato il leader dell’ex repubblica sovietica Gurbanguly Berdymukhamedov, con il quale si è congratulato per la sua politica imparziale, approccio saggio per assicurare pace e stabilità nella regione.
A detta dello stesso Ahmedinejad, tra i governi dei due Paesi centroasiatici ci sarebbe una perfetta sintonia su una serie di questioni di carattere locale e internazionale. Posizioni vicine sulla questione Afghanistan. Il presidente iraniano è tornato a scandire concetti ormai noti: “l’Iran incoraggia soluzioni ai problemi della regione che siano giusti per tutti i Paesi e per tutti i popoli”.
Berdymukhamedov, forse per restare fedele alla sua fama di saggia neutralità, non ha fatto eco al suo ospite. In ogni caso, in precedenza aveva fatto sapere di non essere favorevole a interventi militari sul fronte afghano. Posizioni molto vicine a quelle di Mosca e di tutti gli altri cinque membri dell’Organizzazione di Shangai per la cooperazione, in cui Teheran è osservatore e aspirante membro. Ashgabat con questa organizzazione non ha niente a che fare, ma di recente ha riscoperto con il Cremlino l’antica amicizia e concluso vari accordi nel settore energetico.
Non è verosimile che il Turkmenistan si abbandoni a colpi di testa e si privi della simpatia di due alleati strategici come la Russia e l’Iran, così ben disposti. Quindi l’Eurasia, quella che conta, è compatta nel proporre compromessi che escludano l’uso della forza, tanto per Kabul quanto per l’intera Asia Centrale. Difficile che sia altrimenti: tra vicini di casa sono preferibili le buone maniere.
Discorsi sulla sicurezza a parte, il punto forte dei tre giorni di Ahmadinejad in Turkmenistan è l’inaugurazione, oggi, di un nuovo gasdotto. Lungo 30,5 chilometri, il gasdotto permetterà di aumentare le forniture destinate a Teheran fino 14 miliardi di metri cubi di gas all’anno, per raggiungere in seguito i 20 miliardi. Non sarà un problema: Ashgabat ne produce 80 miliardi l’anno, di cui 30 vanno in Russia e 6 in Cina. A quanto pare in tema di idrocarburi l’Iran per un po’ potrà stare tranquillo. C’è inoltre la banca del Qatar, che finanzierà prossimamente, con la cifra iniziale di 400 milioni di euro, lo sviluppo del giacimento petrolifero di Esfandiar, nel Golfo.
Sempre in tema di affari e prospettive c’è una novità: con l’anno nuovo è in vigore l’Unione doganale di Russia, Bielorussia e Kazakistan. Un gigante economico, una nuova realtà politica, di cui l’alleato Iran saprà amichevolmente approfittare.


06 Gennaio 2010 12:00:00 - http://www.rinascita.eu/index.php?action=news&id=261

mercredi, 30 décembre 2009

Turquia-Israel: una "alianza estrategica"

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Turquía-Israel: una “alianza estratégica”

Turquía fue el primer país musulmán que reconoció al Estado de Israel y el primero también en establecer relaciones diplomáticas con él. Sin embargo, más acusadamente tras el bombardeo de Gaza, dichas relaciones se encuentran deterioradas por una escalada de gestos ofensivos que las han tensado. ¿Significa esto el fin de una de las relaciones diplomáticas más estables, con altibajos, de Oriente Próximo?

La “alianza periférica”

El régimen republicano turco reconoció al Estado de Israel en 1949 y estableció relaciones diplomáticas con él en 1952. De ese modo, Turquía escenificaba su opción prioritaria por Occidente, al tiempo que daba la espalda a la antigua porción árabe del Imperio otomano, corroborando la ruptura con el pasado imperial que había comenzado con el triunfo de Atatürk. Por otra parte, las relaciones entre el sionismo y el Imperio en la época en que Palestina formaba parte de éste nunca habían sido malas, y de algún modo los otomanos habían mantenido como mínimo una neutralidad benévola durante las dos primeras aliyot [olas de inmigración judía a Israel].


Para Israel, estas relaciones tenían un interés fundamental, pues suponían una ruptura del cerco árabe. Ben Gurion, el fundador del Estado, ya había desarrollado la teoría de la “periferia estratégica”, que suponía anudar relaciones con entidades no árabes de Oriente Próximo (Turquía, Irán, maronitas libaneses, kurdos de Irak…) Uno de sus frutos fue un pacto secreto (“pacto periférico”) de 1958 entre ambos Estados. Sus términos no se conocen exactamente (incluso los signatarios niegan su existencia), pero se supone que su núcleo era el intercambio de información de seguridad y militar, así como el compromiso por parte turca de actuar de portavoz de Israel ante Estados Unidos y la OTAN.

Este pacto tuvo escasa duración, pues en torno a 1960 Ankara inició un acercamiento a la Unión Soviética y los países árabes de Oriente Próximo, hacia los que Turquía mantuvo una posición de apoyo, no muy enérgico, en su conflicto con Israel, tanto con ocasión de la nacionalización del canal de Suez y la guerra de los Seis Días como recibiendo a Yasir Arafat y autorizando la apertura de una oficina de la OLP en Ankara (1979). De hecho, desde la proclamación de la capitalidad de Jerusalén, Turquía disminuyó la actividad de su representación diplomática con Israel (1980-1985).
Con todo, no cesó la cooperación militar, sobre todo desde el golpe de Estado de 1980. Es preciso tener en cuenta que los militares turcos, que se consideran depositarios del legado de Atatürk, son los principales valedores de las relaciones con Israel, sea por razones ideológicas –Israel está firmemente anclado en Occidente– como prácticas: el israelí es el primer Ejército de la región en los planos armamentístico, de cualificación profesional y de servicios de inteligencia.

La “alianza estratégica”

Esta relación se profundizó y adquirió nuevas dimensiones a partir del colapso de la Unión Soviética (1990). Para Turquía supuso un cambio de paradigma, pues si por una parte su posición estratégica como defensora del flanco sur de la OTAN había perdido buena parte de su valor, la disolución de la URSS abría nuevos terrenos a su actuación política y económica en dirección a las repúblicas ex soviéticas de los Balcanes y, sobre todo, las turcófonas de Asia Central. Ello significaba asimismo mejorar su capacidad militar para cubrir sus propios flancos: con Grecia, con la que mantenía un antiguo contencioso aún latente a pesar de los acuerdos de buena vecindad; con Chipre, con la presencia militar en la República Turca del Norte; y con Siria, que mantenía una política de apoyo al PKK kurdo.

Parcialmente liberada de las servidumbres de la guerra fría, Turquía estaba en condiciones de ejercer de potencia regional. Israel, por su parte, tenía mucho que ganar en su alianza con Turquía: la profundidad estratégica que le daba contar con el espacio aéreo turco para entrenamiento de su aviación y como corredor hacia Siria, Irán e Irak, un excelente mercado, especialmente para su industria militar, y un proveedor de materias primas.
El instrumento de esta nueva situación fue la elevación al rango de embajadas de las representaciones diplomáticas en 1991. De ese modo, a partir de 1992 se prodigaron las visitas bilaterales de alto nivel: las de los presidentes israelíes Herzog (1992) y Weizmann (1994, 1996) y las del turco Demirel (1996, 1999), así como las de los primeros ministros Tansu Çiller (1994) y Barak (1999).
Estas visitas hablan de unas relaciones de particular densidad, que quedaron plasmadas en una catarata de acuerdos, iniciados en 1992 con un protocolo de cooperación de defensa, precedente del Acuerdo Secreto de Seguridad de 1994, y de los más amplios y decisivos Acuerdos de Cooperación y Capacitación Militares de febrero de 1996 y Acuerdo de Cooperación de Industria Militar de agosto, así como un acuerdo de libre comercio a finales del mismo año, ratificado en los primeros meses de 1997. El seguimiento de estos instrumentos se realiza a través de encuentros bimestrales.

Estos acuerdos, que contaron con el beneplácito de Estados Unidos y con la crítica de los países árabes de la región e Irán, dieron lugar a una relación de interdependencia asimétrica que colocaba a Israel en mejores condiciones, como proveedor de tecnología militar para la modernización de las fuerzas armadas turcas (1) y de seguridad avanzada para la lucha contra el PKK (es sabido que agentes del Mossad actúan en el Kurdistán), con capacidad de entrenar en el uso de ambas y con la fuerza que le da su íntima alianza con Estados Unidos, que a través de Israel ha hecho llegar armamento moderno a Turquía, superando de ese modo las limitaciones parlamentarias debidas a la mala situación de los derechos humanos en el país euroasiático.
En este sentido, son ilustrativas las declaraciones de un portavoz del Departamento de Estado de EE UU en mayo de 1997, de que era un “objetivo estratégico” de Estados Unidos que Turquía e Israel ampliaran sus relaciones políticas y su cooperación militar.
Aun siendo las más relevantes, la cooperación militar no es la única: a ella debe unirse la política, que implica un apoyo mutuo. En ese sentido, Israel y el lobby judío de Estados Unidos, por ejemplo, impidieron en todos los foros posibles una condena de Turquía por el genocidio armenio, y Turquía ha actuado de interlocutor para Israel en distintas instancias internacionales, comenzando por la OTAN y haciendo un hueco al Estado sionista en la política regional a través de la Iniciativa de Cooperación de Estambul, promovida por la OTAN para mejorar el diálogo mediterráneo, especialmente en materia de seguridad.
En el aspecto económico ha habido logros significativos: las transacciones comerciales entre ambos países han pasado de 2.000 millones de dólares en 2000 a 3.300 en 2008, el volumen más elevado de la región. Por otra parte, el capital israelí ha encontrado en Turquía una nueva tierra de promisión y, asociado al capital local, se ha embarcado en un ambicioso programa de conquista de los mercados centroasiáticos, con especial hincapié en el campo de la energía. Turquía es asimismo el destino predilecto del turismo israelí, con 700.000 visitas anuales.

Dos aspectos de esta colaboración destacan nítidamente: la busca por Israel de nuevas fuentes de energía exteriores. El petróleo y el gas encontrarían un vehículo idóneo en los dos oleoductos, procedentes del Caspio y de Asia Central, que se dirigen al puerto turco de Cehyan y que podrían tener un ramal que llegara hasta Ashkelon (sur de Israel). La otra es el agua, bien escaso y controvertido en Israel (buena parte de los acuíferos se encuentran en los territorios ocupados). En 2004 se firmó un acuerdo por el que Turquía aportaría 50 millones de metros cúbicos de agua anuales durante veinte años.

Síntomas de desapego

A partir de fines de 2000, coincidiendo con la segunda Intifada, esta luna de miel en cierto modo contra natura empezó a mostrar síntomas de agotamiento: incluso los mismos militares comenzaron a mostrar su preocupación por el hecho de que el alto nivel de intercambio pudiera debilitar a Turquía en una situación de cambio de alianzas, por ejemplo, un acuerdo entre Israel y Siria. Este cambio, que ya detectó Arabic News, órgano de la Liga Árabe, en marzo de 2001, se plasma en la suspensión del acuerdo de modernización de los carros de combate turcos por parte de Israel, en visitas y maniobras conjuntas, así como en el aumento del tono de la prensa turca respecto a la violación por parte de Israel de los derechos humanos en Gaza y Cisjordania. Para los militares turcos, no se trataba tanto de una ruptura como de una “congelación” de las relaciones estratégicas entre ambos países. Lo cierto es que, según los politólogos Kessler y Kochlender, «el sector industrial militar israelí reconoce que las exportaciones a Turquía disminuyen… reemplazadas por otras de Estados Unidos y de Europa, especialmente italianas».

Las contradicciones se agudizaron a partir de la subida al poder del AKP postislamista. El AKP mantenía desde hacía tiempo buenas relaciones con Hamas, organización a la que defendió en instancias internacionales con el argumento nada complicado –para alguien que no sea un político occidental– de que Hamas era indispensable para avanzar en la paz en Oriente Próximo. Con todo, la política de Tayyip Erdogan no está pensada tanto “contra” Israel como a favor de estrechar los lazos con los árabes, lo que, no cabe duda, conlleva un alejamiento, siquiera retórico, de un Israel excesivamente prepotente. Este juego se manifestó en 2004: mientras se firmaba el acuerdo sobre el agua citado anteriormente, el Gobierno turco protestaba airadamente por el asesinato “selectivo” del dirigente de Hamas Ahmed Yasin en Gaza.

Con todo, no debe dejar de señalarse que durante estos años se produjo un acercamiento entre Turquía y diversos países árabes, como Siria, una vez resuelta la discrepancia sobre el PKK y encarrilado el asunto de los recursos hídricos; Egipto, con el que se ha firmado un acuerdo de libre cambio, y Arabia Saudí. Actualmente los hombres de negocios turcos están presentes en todas las áreas de las economías de la región, incluida Palestina: en 2005 se constituyó el llamado Foro de Ankara, que reúne a hombres de negocios turcos, israelíes y palestinos con el propósito de canalizar inversiones hacia zonas industriales instaladas en Gaza y Cisjordania.
Esta proyección regional permitió a Turquía proponerse como mediadora entre Israel y Siria, una iniciativa que el Estado sionista aceptó de mala gana a pesar de su plausibilidad.

El invierno de Gaza: ¿un punto de inflexión?

El 17 de noviembre de 2008 se celebró la séptima reunión del Foro de Ankara en la capital turca. La ocasión estuvo revestida de particular solemnidad, pues el presidente israelí, Shimon Peretz, se dirigió al Parlamento turco; era el primer mandatario de ese país que lo hacía. En diciembre, el primer ministro israelí, Ehud Olmert, era recibido calurosamemnte en Ankara.
Pocos días más tarde de esta última visita, Israel lanzó sobre Gaza la operación Plomo Fundido, una invasión de la franja precedida de una meticulosa destrucción, no ya de la estructura militar, sino de todo el país. La brutalidad y el desprecio a las leyes de la guerra e incluso a la más elemental humanidad levantó un clamor universal de repulsa. Estas manifestaciones fueron particularmente masivas en Turquía, donde a la presencia en las calles se unieron tomas públicas de posición, ciberataques e incluso suspensiones de partidos de baloncesto.

La diplomacia turca se mostró muy activa en la búsqueda del fin de la agresión: se destacó a un alto funcionario en Israel mientras se multiplicaban los contactos con Egipto, Damasco e incluso la Conferencia Islámica, así como las presiones en las Naciones Unidas. Como primera medida, Ankara canceló su mediación con Damasco.
El 29 de enero de 2009 se reunía el Foro de Davos. Durante él se produjo un violento choque dialéctico entre Shimon Peretz y Tayyip Erdogan, que abandonó la reunión.
En la reacción de Erdogan se reflejan distintas circunstancias: el sincero horror ante lo que él mismo había calificado de «crimen contra la humanidad» y «salvajada», más cuando afectaba a una organización de algún modo «hermana»; el rechazo a una actitud discriminatoria hacia él por parte del moderador del encuentro, David Ignatius; la sensibilidad hacia la opinión pública de su país, y sobre todo la sensación de que los israelíes –hacía poco que se había celebrado la séptima sesión del Foro de Ankara y que Olmert había sido recibido con solemnidad en la capital turca– habían actuado sin prevenirlos de sus proyectos, menospreciando a los turcos y dando al traste con sus esfuerzos mediadores.

A partir de entonces se han producido una escalada de declaraciones y gestos que no han hecho sino enrarecer el ambiente, cuyo mejor exponente ha sido la suspensión por parte de Turquía de las maniobras Águila Anatolia, por la presencia, junto a Italia y Estados Unidos, de la aviación israelí, que debían celebrarse en septiembre de 2008.
Por parte israelí se multiplicaron las declaraciones hostiles: cancelación de viajes turísticos a Turquía con ocasión de las vacaciones del Pésaj (segunda pascua), protestas oficiales por la proyección en Turquía de un filme en el que se veía a soldados israelíes matando a un niño palestino («se pretende dar la impresión de que los soldados israelíes asesinan a niños», afirmó hipócritamente el portavoz israelí). La situación llegó al extremo de que el Ministerio de Exteriores turco se vio obligado a pedir a los funcionarios israelíes que «actuaran con sentido común en sus declaraciones y actitudes».

Lampedusa en el Levante

Esta escalada, aún fundamentalmente verbal, ¿significa el preludio de un cambio en las relaciones entre Ankara y Tel Aviv? Sí y no: sí en cuanto que ha roto la unidad de acción entre ambas capitales de forma definitiva («Turquía [no] se privará de hablar duramente de los errores cuando se cometan», en palabras de Abdullah Gül, presidente de Turquía), hasta el punto de que el ministro turco de Exteriores, Ahmet Davutoglu, afirmó que las relaciones entre ambos países dependían del «cese de la tragedia humanitaria» en Gaza. Las recientes visitas de Erdogan a Irak, y sobre todo a Irán –donde llegó a acusar a Israel de querer «devastar» el país y afirmó que Ahmadineyah era un «pacifista»–, así como la normalización de las relaciones con Armenia, parecen sugerir una mayor autonomía en las opciones diplomáticas.

Por parte israelí, la nueva actitud de Turquía, más que producir una autocrítica por los errores propios, ha servido para definir una nueva actitud de Ankara. Así, el Jerusalem Post afirmaba el 14 de agosto: «Como Rusia con Putin, Turquía… ha escondido su rápida transformación desde una democracia imperfecta pero prooccidental bajo los anteriores Gobiernos hacia un régimen antioccidental y, en el caso de Turquía, islamista».
Esta idea de un cambio en la política exterior turca aparece también en un reciente artículo del prestigioso ex director de Le Monde Jean-Marie Colombani, en el que habla de «deriva» para definirla. El diplomático Shlomo Ben-Ami sugiere en un artículo en El País (septiembre de 2008) que los «serios dilemas de identidad» de Turquía suponen para Israel que «su futuro en Oriente Medio no reside en alianzas estratégicas con las potencias no árabes de la región, sino en la reconciliación con el mundo árabe».
Sin embargo, a pesar de ello y de la torpeza diplomática israelí (2), no han faltado por ambas partes las declaraciones apaciguadoras, que, en última instancia, reflejan los límites del enfrentamiento: Israel sabe que no puede ir más lejos («Turquía es muy importante para el entrenamiento de nuestra aviación en espacios abiertos», según el ex comandante de la fuera aérea israelí Ben Eliyahu); en ese sentido, Ehud Barak, ministro de Defensa del anterior Gobierno de Tel Aviv, afirmó: «A pesar de los altibajos, Turquía sigue siendo un elemento central en nuestra región. No podemos dejarnos llevar por declaraciones encendidas». Y el influyente ministro de Industria, Ben Eliécer, aseguró: «Tenemos un conjunto de intereses estratégicos comunes de gran importancia. Debemos actuar con gran sensibilidad para que no se materialicen los pronósticos más sombríos».

Ankara, en cambio, ha optado por un tono más firme, lo que pone de manifiesto un mayor equilibrio en la relación de fuerzas entre ambos: «Turquía es el único país amigo de Israel en la región… Por ello se debe dar mucha importancia a que el Estado judío busque el apoyo de Ankara para sus políticas regionales» (el politólogo Erçan Citioglu en declaraciones a al-Yazira). Según el ministro de Exteriores, Davotuglu, «tenemos la esperanza de que mejore la situación en Gaza y que eso cree un nuevo ambiente para las relaciones turco-israelíes» (Hurriyet, 13 de octubre de 2008).

Conclusión: entre el republicanismo y el neootomanismo

Muchos observadores de la política exterior turca han hablado de una supuesta tensión en las relaciones exteriores turcas entre el republicanismo –anclaje firme en Occidente, desdén por la política regional– y el neootomanismo, o tendencia a convertirse en protagonista de la política próximo oriental, como había sucedido en el pasado. Los garantes de la primera opción serían los militares y el aparato del Estado; los de la segunda, los islamistas –tanto en la etapa de Erbakan, bruscamente interrumpida por los militares, como en la del AKP– y los proislamistas de Gobiernos anteriores.

Desde mi punto de vista, se trata de un falso debate: ni los militares han dejado de apoyar una menor interdependencia con Israel, por ejemplo, ni los islamistas han abandonado el eje fundamental de su política exterior: el ingreso en la Unión Europea y la OTAN; de algún modo, la nueva política exterior en relación con Oriente Próximo es una forma de hacer valer su nuevo papel estratégico ante sus aliados occidentales; los islamistas, por otra parte, son lo suficientemente conscientes de la profundidad de las relaciones turco-israelíes como para causarles un daño irreparable. Además, una excesiva dureza con Israel pondría en cuestión su papel mediador, por mucho que le mereciera simpatías entre la opinión árabe.
El nuevo Gobierno israelí ¿puede ahondar las actuales diferencias? No es fácil saberlo, teniendo en cuenta la escasa sutileza de su diplomacia. Sin embargo, es de suponer que terminará imponiéndose la cordura: en estos momentos, Israel es importante para Turquía. Pero sin duda Turquía lo es mucho más para Israel.

Alfonso Bolado

Notas:
(1) Turquía gastará 150.000 millones de dólares hasta 2020 en la modernización de su Ejército. Una parte importante de este dinero está destinada a Israel: modernización de los aviones F-4, F-5 y F-16, así como de los carros M-60; producción conjunta de misiles de medio alcance (Arrow y Delilah) y compra de otros (Popeye I), adquisición de 150 helicópteros estadounidenses (que se llevaría a cabo por intermediación israelí).
(2) La rudeza de la diplomacia israelí, consecuencia en parte de su carácter militante, en parte del complejo de superioridad moral característico del sionismo, es proverbial. El episodio turco no es único: los desplantes a políticos extranjeros que no son de su agrado –como sucedió con el enviado de la Unión Europea, Miguel Ángel Moratinos–; la sistemática denuncia de cualquier actitud, real o supuesta, de antisemitismo; la altanería con la que se dirige a las autoridades de los países huéspedes en estos casos (el Gobierno español y el catalán la han padecido con ocasión de los bombardeos de Gaza); la agresividad de las comunicaciones con la prensa internacional… la hacen antipática. Sorprende por ello la debilidad de las respuestas, que no hace sino retroalimentar esos comportamientos.

Extraído de CSCA.

~ por LaBanderaNegra en Diciembre 22, 2009.

vendredi, 20 novembre 2009

Türkische Charmeoffensive

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Türkische Charmeoffensive

Erdogan umwirbt Araber und verteidigt das iranische Atom-Programm

Ex: http://www.ostpreussen.de/

In der türkischen Politik hat sich in den letzten Jahren ein deutlicher Wandel vollzogen – hin zu mehr Islam und pan-islamischer Solidarität. Jüngstes Anzeichen dafür war der Staatsbesuch von Ministerpräsident Recep Tayyip Erdogan im Iran. Dabei verteidigte Erdogan das iranische Atom-Programm, verurteilte Sanktionen und kündigte eine verstärkte türkisch-iranische Zusammenarbeit in Wirtschaft und Sicherheit an.

Die früher ausschließliche Westorientierung der Türkei, zu der auch die enge militärische Partnerschaft mit Israel gehört, geht im wesentlichen auf Kemal Atatürk zurück und wurde im Kalten Krieg durch den Beitritt zum Europarat 1949 und zur Nato 1952 verfestigt. In weiten Teilen der Bevölkerung, keineswegs nur in „bildungsfernen Schichten“, hat sich allerdings ein Umdenkprozess vollzogen, der schließlich in den Wahlsieg von Erdogans AKP 2002 mündete.

Die Ursachen sind vielfältig, haben aber primär mit der Behandlung muslimischer Staaten und Völker durch den Westen zu tun – Stichwörter Palästina, Irak, Afghanistan und Pakistan. Dazu kommt nun auch Frust über Widerstände in der EU gegen eine Aufnahme der Türkei. Aber bereits der Irak-Boykott ab 1992 hatte die Osttürkei auch wirtschaftlich schwer getroffen. Und Erdogan sieht sich durch Israel sogar persönlich mehrfach hintergangen: Vor allem durch den israelischen Luftangriff auf eine vermutete Atomanlage in Syrien 2007, der über die Türkei hinweg erfolgte, und den jüngsten Gaza-Krieg, den der damalige Premier Olmert einen Tag nach seinem Besuch bei Erdogan startete.

Die neue Linie wird von manchen Kommentatoren auch als „neo-osmanisch“ bezeichnet, weil sie im Unterschied zu dem auf die Turkvölker Asiens fixierten Pan-Turanismus „aufgeklärter“ türkischer Ultranationalisten nicht in diesem Ausmaß auf Sprache und „Türkentum“ ausgerichtet ist, sondern eben eher auf die „Umma“, die „Gemeinschaft der Gläubigen“ – sowie auf Gebiete, die einst zum Osmanischen Reich gehörten. Das erklärt etwa auch die vorsichtige Auflockerung in den Beziehungen mit dem christlichen Armenien.

Das erklärt ebenso das besondere Engagement am Balkan, nicht nur in Bosnien und Kosovo, und an verstärkter Zusammenarbeit mit Syrien und dem Irak. Nicht zu vergessen, dass der Sultan als Kalif auch Hüter der heiligen Stätten in Palästina war und dass die Anteilnahme an der Unterdrückung der Palästinenser, weil unterschwellig auf Nostalgie beruhend, sehr emotional ist. Man sah dies an den jüngsten Demonstrationen gegen die USA, als diese von ihrer Forderung nach einem israelischen Siedlungsstopp abrückten.

Die verstärkte Zusammenarbeit mit dem Iran ist angesichts der westlichen Drohungen mit einer Verschärfung des Boykotts bis hin zu Militäraktionen besonders brisant. Der bilaterale Handel, 2008 im Volumen von sieben Milliarden Dollar, soll ausgebaut und auf die Landeswährungen umgestellt werden. Die Türkei kündigte außerdem Investitionen von 3,5 bis vier Milliarden Dollar zur Erschließung des iranischen Erdgasfelds South Pars an und will iranisches Gas teils selbst konsumieren, teils über die geplante Gasleitung Nabucco nach Europa weiterliefern.

Bei der Zusammenarbeit in Sicherheitsfragen geht es nicht um Militärabkommen, sondern um den Kampf gegen gemeinsame innere Feinde. Das sind aufständische Kurden sowie sunnitische Extremisten, die vom Westen vereinfachend unter Al-Kaida zusammengefasst werden. Deren Terroranschläge waren in beiden Ländern lange Zeit ebenfalls gerne den nationalen Minderheiten zugerechnet worden, also den Kurden und im Iran auch den Belutschen – eine Propagandalüge, die sich nicht aufrechterhalten lässt.

In der Kurdenfrage hat Erdogan bereits einige bemerkenswerte Schritte gesetzt: Ein kurdisches Fernsehprogramm wurde zugelassen. Mit dem seit 1999 auf der Gefängnisinsel Imrali inhaftierten PKK-Führer Abdullah Öcalan gibt es indirekte Verhandlungen, und nun soll er sogar aus der Einzelhaft „erlöst“ werden: Er bekommt Mitgefangene. Der türkische Außenminister besuchte Erbil, was eine formelle Anerkennung der kurdischen Regierung im Nordirak bedeutet. Kurdenpräsident Masud Barzani lobte dafür Erdogan in den höchsten Tönen – was wie eine Absage an die türkischen Kurden aussieht. Umso größer ist daher das iranische Interesse, dass nun auch die iranischen Kurden nicht mehr auf Unterstützung von den Nachbarn hoffen können.    

RGK

Veröffentlicht am 12.11.2009

jeudi, 15 octobre 2009

Le faux accord turco-arménien de Zurich ne doit pas nous tromper

Le faux accord turco-arménien de Zurich ne doit pas nous tromper

Ex: http://www.insolent.fr/

091012L'accord diplomatique signé à Zurich le 10 octobre, en présence de Mme Clinton, entre les ministres des Affaires étrangères turc et arménien est présenté au monde comme une avancée historique.

Il ne fait pas novation, pourtant, par rapport à une observation patiente des actes concrets accomplis, année après année, par le gouvernement d'Ankara (1).

Faut-il relever par exemple qu'en 1959, il y a exactement 50 ans par conséquent, et en la même ville de Zurich étaient convenus les accords gréco-turcs supposés régler le problème de Chypre. Celui-ci, cependant, aujourd'hui encore attend son règlement, supposant le simple respect des droits d'un État souverain, reconnu comme tel par les Nations-Unies, membre lui-même de l'Union européenne, à laquelle son envahisseur prétend adhérer.

À l'époque la Grande-Bretagne faisait office de puissance tutélaire.

Le cabinet de Londres songeait, paraît-il, à préserver, – sans aucune considération pour les engagements donnés depuis des décennies, – à ses intérêts stratégiques et pétroliers, tant au proche orient qu'à l'est de Suez.

À peine déplacées dans leur localisation les mêmes préoccupations président aujourd'hui à la présence sur la photo de la très épanouie Mme Clinton, triomphatrice du jour. En accord avec M. Lavrov, son homologue russe, elle pourra croire assuré le transit du pétrole et du gaz d'Asie centrale.

Inutile de souligner que la question symbolique de la reconnaissance du génocide arménien de 1915 n'a toujours pas reçu de réponse positive de la part du grand diplomate Davutoglou. On la renvoie encore une fois à une réunion d'experts, vieille manipulation turque. Le caractère négationniste de cette sempiternelle proposition ne devrait pourtant échapper à personne. Le débat a déjà eu lieu, notamment au parlement européen, qui a reconnu le génocide arménien le 18 juin 1987. La remise en cause de ce vote devrait exclure de toute perspective européenne ceux qui s'y adonnent.

Est-ce à dire, dès lors, que rien ne change sous le soleil d'Anatolie ?

Bien au contraire. Il se passe en effet beaucoup de choses en Turquie, depuis les élections européennes de juin 2009. Et comme d'habitude les médiats hexagonaux, particulièrement lorsqu'ils se font les propagandistes de l'adhésion, n'en parlent que très peu. Ils ne pointent, de loin en loin, que de fugaces et fragiles apparences de rapprochements, espoirs de solutions, promesses de réformes. Ils ne daignent jamais en évaluer, pour éclairer leurs auditeurs et lecteurs, le caractère cosmétique sinon irréaliste.

Tout l'été par exemple une polémique s'est développée, en Turquie même, à propos de l'amplitude des réformes que le gouvernement allait proposer aux Kurdes, tout en écartant les révolutionnaires du PKK. Même les chefs militaires ont dû consentir, à l'inverse des dirigeants du parti kémaliste, la nécessité de certaines évolutions. Cela n'a pas empêché la cour pénale de poursuivre 4 des 20 députés du parti DTP, qualifié de "pro-kurde". On les convoque en décembre devant la 11e Chambre du Tribunal correctionnel d'Ankara pour des propos qu'ils auraient tenus lors de la campagne électorale de 2007 : leurs opinions supposées les fait tomber, en effet, sous le coup de l'article 14 de la constitution.

Ce texte dispose que :

"aucun des droits et libertés fondamentaux inscrits dans la Constitution ne peut être exercé dans le but de porter atteinte à l’intégrité indivisible de l’État du point de vue de son territoire et de sa nation…"

L'intention séparatiste, ou même la simple revendication de l'autonomie culturelle, le fait de parler sa langue maternelle, l'affirmation suspecte de l'identité, étant appréciée par les tribunaux, ce dispositif fait explicitement exception à l'article 83 de la même constitution qui protège, en principe, la liberté d'expression et assure l'immunité des parlementaires.

Le premier ministre Erdogan, dont l'habileté n'est plus à découvrir, est allé jusqu'à protester contre cette démarche de l'autorité judiciaire et à proposer que l'on révise ces articles 14 et 83.

Reconnaissons qu'il serait bien avisé de passer à l'acte et de ne pas se contenter d'effets d'annonce.

La grande affaire consiste en effet à rendre le dossier de candidature présentable, pour le rapport qui sera établi en novembre, en vue de la conclusion en décembre de la présidence suédoise, conjoncture la plus favorable depuis fort longtemps. Rappelons à ce sujet que le rapport annuel sur l'avancée des négociations entre Bruxelles et Ankara avait été particulièrement pessimiste en novembre 2008.

En fait on sait aujourd'hui que la majorité des responsables européens partagent l'hostilité à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, mais que la plupart d’entre eux n’osaient pas publiquement le faire savoir.

Profitons de la circonstance pour donner des nouvelles des positions les plus récentes prises officiellement par notre sous-ministre Lellouche affecté aux Affaires européennes à propos du sujet qui nous préoccupe et qui nous sépare de cette surprenante personnalité qui n'hésite pas à se dire lui-même "l'ami" du négociateur turc Bagis.

Lors de son passage du 23 septembre 2009 devant la commission des affaires européennes M. Lellouche a sobrement déclaré :

"Quant à notre position sur la Turquie, elle n'a pas varié. Comme l'a précisé le Président de la République, nous voulons une Turquie avec l'Europe mais pas dans l'Europe."


Jolie formule. Bien balancée. Elle dit beaucoup de choses en peu de mot, y compris au sujet de l'alignement de M. Lellouche sur la diplomatie présidentielle.

Du point de vue que je développe dans mon petit bouquin "La Question turque et l'Europe" qui vient de sortir, se pose quand même la question de ce que veut dire "la Turquie avec l'Europe". (2)

Je constate que ce pays qu'on insiste à déclarer "ami" agit actuellement contre l'Europe. Vis-à-vis des 3 pays de l'Union qui lui sont limitrophes, elle développe avec arrogance de véritables tensions frontalières permanentes, des provocations militaires, des revendications territoriales. Vis-à-vis des 24 autres sa position n'en est pas moins conquérante et cynique. etc.

Plus prolixe sur le sujet lors de son audition, le 16 septembre 2009, par la Commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale, il avait détaillé cette position française, et la sienne, de la manière suivante :

"Reste le dossier, cher à plusieurs d'entre vous, de la candidature turque. La position française est sans ambiguïté : nous souhaitons ardemment entretenir et enrichir encore une relation bilatérale pluriséculaire avec nos amis turcs - je recevrai d'ailleurs demain soir le ministre d'État turc chargé de la négociation avec l'Union européenne, Egemen Bagis, qui est un ami personnel -, nous sommes favorables au lien le plus fort entre la Turquie et l'Europe, mais nous sommes opposés à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Le président Nicolas Sarkozy s'y était engagé avant son élection, et les Français ont approuvé ce choix. 'Nous sommes pour une association aussi étroite que possible avec la Turquie, sans aller jusqu'à l'adhésion' : c'est en ces termes qu'il s'était exprimé devant les ambassadeurs, en août 2007, au lendemain de son élection. Cette position n'a pas varié. Elle est celle du gouvernement, et je m'y tiendrai.
Nous avons accepté de poursuivre les négociations avec la Turquie sur les trente chapitres compatibles avec une issue alternative à l'adhésion ; en revanche, les cinq chapitres qui relèvent directement de la logique d'adhésion sont laissés de côté.
J'ajoute que, depuis ma nomination, j'ai rencontré de nombreux collègues européens ; la plupart m'ont confié qu'ils partageaient la position française, mais qu'ils ne pouvaient le dire publiquement."


Cette dernière confidence de M. Pierre Lellouche me semble décisive.

Pourquoi cette pusillanimité demandera-t-on ?

Individuellement les responsables politiques européens savent ce projet d'élargissement préjudiciable au projet commun, et même fondamentalement contraire aux objectifs que s'est assignés l'Union européenne.

Cet élargissement extravagant, les peuples n'en veulent pas. Le grand espoir turc, du point de vue des partisans de l'adhésion, reposait sur l'hypothèse le 27 septembre d'une victoire aux élections allemandes du parti social démocrate, lequel a recueilli 55 % des voix au sein des 600 000 électeurs d'origine turque, mais 23 % seulement des suffrages de l'ensemble des Allemands.

Le manque de courage, le manque de clarté, le manque de vision de nos dirigeants me semble justifier que l'on oppose à l'Europe des États, qui nous prépare sans le vouloir peut-être, comme inexorablement, l'entrée de l'État turc dans son club, l'Europe des peuples, la vraie.

JG Malliarakis


Apostilles

  1. Dès le lendemain de l'accord ça recommençait : "Ouverture des frontières entre la Turquie et l’Arménie : Erdogan pose ses conditions" cf. 20 Minutes du 11.10.09 à 15 h 38.
  2. Vign-questionturqueCe petit livre sur "La Question Turque et l'Europe" est paru ce 2 octobre. Conçu comme un outil argumentaire, contenant une documentation, des informations et des réflexions largement inédites en France, vous pouvez le commander directement au prix franco de port de 20 euros pour un exemplaire, 60 euros pour la diffusion de 5 exemplaires.
  3. Règlement
  4. par chèque à l'ordre de "l'Insolent" correspondance : 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris.

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mardi, 14 juillet 2009

Le rôle du Vatican dans l'élaboration du Traité de Versailles

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SYNERGIES EUROPÉENNES - Septembre 1986

Le rôle du Vatican dans l'élaboration du "Diktat" de Versailles

C'est un document très curieux qu'a réédité la Faksimile Verlag de Brème. Rédigé par un certain "Mannhart", ce texte, datant de 1938, accuse le Vatican d'avoir voulu la destruction de l'Allemagne prusso-centrée, née du génie politique de Bismarck. Procédant systématiquement, "Mannhart" a épluché toute la presse allemande, vaticane, italienne et française pour étayer sa thèse. Son travail a ceci d'intéressant qu'il aide à mettre en exergue les manigances d'Adenauer, catholique rhénan francophile. Et ainsi d'expliquer quelque peu la division actuelle de l'Allemagne, voulue dans les années 50 par le calamiteux ex-bourgmestre de Cologne.

Si en août 1914 le Vatican de Pie X souhaite la victoire de l'Autriche-Hongrie, puissance catholique, contre les Serbes et les Russes orthodoxes, le vent tournera à Rome en octobre 1914 quand le Cardinal Gasparri devient "Secrétaire d'Etat du Vatican", au-trement dit Ministre des Affaires Etrangères de l'Eglise. Le 7 janvier 1915, dans un journal américain, le New York Herald,  les intentions de Gasparri apparaissent, à peine déguisées, pour la première fois: détacher les provinces catholiques de l'Allemagne du Sud de la Prusse protestante. Pour obtenir l'élimination du protestantisme en Allemagne septentrionale, donc pour "déprussianisé" l'ensemble créé par Bismarck, l'Eglise sera prête à tout, en tablant sur l'impérialisme français et en abandonnant l'Autriche-Hongrie. C'est parmi les partisans de cette "géopolitique" catholique que Clémenceau trouvera, en Allemagne, des alliés pour sa politique. A Versailles, le Vatican appuyera les annexions en faveur des nations catholiques, la France, la Belgique, l'Italie et la Pologne mais déplorera le démantèlement de la Monarchie austro-hongroise. Par la suite, ce jugement ambigu se maintiendra: anti-allemand à l'Ouest (en France et en Belgique, où la querelle se complique par l'avènement du mouvement flamand) et anti-bolchévique, c'est-à-dire anti-russe et relativement pro-allemand en Europe Centrale et en Europe de l'Est. "Mannhart" décrit avec minutie les complots du parti ultra-montain en Allemagne pendant la guerre.

Mannhart, Verrat um Gottes Lohn? Hintergründe des Diktates von Ver-sailles, Faksimile-Verlag, Bremen, 1985, 104 S., 13 DM.

Adresse: Faksimile-Verlag,

Postfach 66 01 80, D-2800 Bremen 66.

mercredi, 08 juillet 2009

Renaissance ottomane

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Renaissance ottomane

 

Par Günther DESCHNER

 

Les ambitions d’Ankara d’adhérer à l’UE semblent déçues

 

La Turquie opte pour une politique étrangère “multidimensionnelle”

 

Le premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a décidé de remodeler complètement son cabinet. C’était parfaitement prévisible après les pertes subies lors des élections régionales d’avril 2009. Mais il y a eu une surprise de taille: la nomination d’Ahmet Davutoglu au poste de ministre des affaires étrangères. En procédant à cette nomination, Erdogan a lancé un signal dont alliés, voisins et partenaires régionaux prendront dûment acte. Le professeur Davutoglu, qui n’a jamais auparavant exercé de mandat gouvernemental ni jamais fait partie du Parlement, était un conseiller du Premier Ministre en politique étrangère. Seuls les initiés pourront émettre des spéculations pour savoir s’il est bien l’homme qui a suggéré à Erdogan et à son parti, l’AKP islamo-conservateur, qui gouverne depuis 2002, les lignes directrices de la nouvelle politique étrangère turque.

 

Dans les décennies qui ont précédé Erdogan, la politique étrangère de la Turquie, membre de l’OTAN, s’était sagement alignée sur celle de Washington au Proche et au Moyen Orient. Dès le départ, l’AKP s’était efforcé d’améliorer les relations de la Turquie avec les pays arabes et musulmans de la région. La politique proche-orientale d’Ankara est ainsi devenue plus active, plus indépendante et surtout plus consciente de la place de la Turquie dans la région et son histoire. Signe patent de cette évolution, où la Turquie risque bel et bien, un jour, de se détacher complètement de l’Occident: le refus du parlement turc en 2003 de mettre son territoire à la disposition des troupes terrestres américaines à la veille de leur entrée en Irak.

 

Avec Davutoglu, que l’on considère comme l’architecte de cette “politique étrangère  multidimensionnelle” d’Erdogan, la Turquie possède désormais un ministre des affaires étrangères qui a réellement conçu, au cours de ces dernières années, une nouvelle ligne et l’a imposée, en tant que conseiller d’Erdogan. Après la neutralité de type “classique”, qui fut l’option turque pendant les premières décennies de la république kémaliste et moderniste, les Turcs ont eu une politique étrangère après 1945, qui fut entièrement tournée vers l’Ouest; aujourd’hui, nous assistons à l’émergence de la “politique étrangère multidimensionnelle” de Davutoglu. Celui-ci, âgé de 50 ans et géopolitologue averti, est l’auteur d’un ouvrage de géopolitique, intitulé “Profondeur stratégique”; d’après ce livre, la Turquie doit regagner la grande influence qu’elle a exercée au cours de son histoire dans sa propre région. En ultime instance, Davutoglu veut renouer avec la politique de l’Empire ottoman et faire de la Turquie actuelle, dans toutes les régions jadis soumises à l’emprise de la “Sublime Porte”, “un facteur ottoman avec d’autres moyens”. Les spécialistes de la Turquie estiment que la montée de Davutoglu au pouvoir est une conséquence directe de la détérioration des relations entre la Turquie et l’UE.

 

La Turquie va-t-elle se détacher de l’Occident?

 

Tant que l’actuel président turc Abdullah Gül était ministre des affaires étrangères, la Turquie avait misé entièrement sur un rapprochement avec l’UE. Mais au fur et à mesure que les hommes politiques les plus en vue de l’Europe ont dit, de manière tantôt implicite tantôt explicite, que la Turquie n’était pas la bienvenue dans l’UE, Davutoglu est devenu de plus en plus populaire et sa notion d’une politique étrangère indépendante au Proche Orient, dans le Caucase, dans la région de la Mer Caspienne et face à la Russie a séduit de nombreux esprits. Erdogan avait déjà envoyé Davutoglu comme émissaire lors de missions fort délicates en Syrie, en Iran et en Irak.

 

On se rappellera que Davutoglu avait servi d’intermédiaire et de modérateur lors de négociations entre Syriens et Israéliens. Cette mission fut couronnée de succès et saluée par l’Occident tout entier, du moins avec quelques réserves, mais celles-ci étaient minimes. Mais depuis le “clash” entre Erdogan et le Président israélien Shimon Peres à Davos, de plus en plus d’observateurs posent la question: la Turquie ne va-t-elle pas très bientôt se détacher de l’Occident?

 

Le monde s’était habitué à percevoir la Turquie, l’un des cinquante Etats majoritairement musulmans de la planète, comme un cas particulier: elle était le seul pays musulman membre de l’OTAN, elle menait des négociations avec l’UE en vue d’une adhésion, elle était une démocratie et entretenait des relations normales avec Israël. De même, on a toujours considéré que la Turquie constituait un “pont” entre l’Orient et l’Occident. Personne n’a modifié fondamentalement cette perception lorsqu’Erdogan et son AKP islamisant est arrivé au pouvoir en 2002, pour ne plus le quitter jusqu’à ce jour. Erdogan voyait son pays comme une puissance régionale, appelée à jouer un rôle plus prépondérant sur l’échiquier international. Il a forgé des liens plus étroits avec les pays arabes voisins, renforcé les rapports existants avec tous les Etats de la région, intensifié les relations avec l’Iran. Simultanément, Erdogan a réussi à maintenir de bonnes relations avec Israël. Cette politique d’équidistance, tout en recherchant un rôle plus prépondérant dans la région, a connu un succès rapide et remarquable.

 

Il me paraît intéressant de prendre acte des observations formulées par les experts ès-questions turques de la “Jamestown Foundation” de Washington. Ceux-ci constatent effectivement que des modifications profondes ont eu lieu en Turquie sur le plan des réflexes politiques. Ces modifications conduisent à un intérêt croissant pour les affaires régionales et un désintérêt, également croissant, pour tout ce qui concerne l’Occident. Le journal “Zaman”, proche de l’AKP, se félicite de ce changement général en matière de politique étrangère et le considère comme le principal acquis du gouvernement Erdogan.

 

La Turquie sent les pulsations de deux mondes

 

Ce sont surtout des évolutions sociales en Turquie même qui ont provoqué cette mutation en politique étrangère. Elles sont observables depuis longtemps déjà: les tensions en politique intérieure sont le résultat du défi lancé aux élites urbaines pro-occidentales regroupées autour des forces armées par une nouvelle bourgeoisie, une classe moyenne religieuse, qui aspire au pouvoir et a ses racines géographiques en Anatolie. C’est cette nouvelle classe moyenne que représente au Parlement turc l’AKP d’Erdogan. Cette tension conduit la Turquie à vivre une véritable crise d’identité. On a pu voir les effets de cette crise lors de la rude controverse qui a accompagné l’élection de l’islamiste Gül à la fonction de Président de la République ou lors des querelles à propos du voile islamique.

 

Lors d’un colloque en Allemagne, Davutoglu a déclaré, l’an passé, que la Turquie sentait les pulsations de deux mondes, le monde occidental et le monde islamique. Mais, pour lui, ajoutait-il, la Turquie est bien davantage qu’un pont entre l’Occident et le monde arabe. Il voit son pays dans le rôle d’une puissance régionale. En tant qu’Etat à la fois musulman et séculier, qui unit les valeurs de l’Islam et celles de la démocratie, la Turquie, affirme Davutoglu, est prédestinée à jouer le rôle d’une nation intermédiaire au Proche et au Moyen Orient. 

 

Günther DESCHNER.

(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°21/2009; trad. franç.: Robert Steuckers).

lundi, 30 mars 2009

"The Independent dresse un portrait à charge de Sarkozy

The Independant dresse un portrait à charge de Sarkozy

Ex: http://ettuttiquanti.blogspot.com/
Dans une tribune, le quotidien britannique The Independent du 23 mars dresse un portrait à charge de Nicolas Sarkozy et de son comportement.

"Quand il a rendu visite au Président italien, en une demi-heure, le téléphone de Sarkozy a sonné quatre fois. A chaque fois Sarkozy a répondu. (...) Le Président autrichien s'est senti honoré. Durant leur rencontre, il n'y a eu que deux appels. (...)Lors des préparations de sa visite d'Etat en Grande Bretagne, les services diplomatiques de deux pays partageaient la même anxiété. Pouvait-on faire confiance au Président pour éteindre son portable ? S'il sonnait pendant le banquet officiel et qu'il réponde, que ferait le Prince Philip ?

"Le français est la langue des diplomates. (...) Quand les éminences diplomatiques ont su comment leur Président s'était comporté, elles ont eu honte."

"Il est faux de dire que le Président consacre tous ses soins à Carla Bruni. En plus de sa frivolité et de son manque de tact, le Président épuise son équipe par son hyper-activité. Cela pourrait être une qualité à une condition : que cela corresponde à une stratégie. Mais il n'y a pas de stratégie."

"Un diplomate français désespéré résume le régime Sarkozy : "Il n'y a plus de Cinquième République. C'est Louis XV et Madame du Barry."

mardi, 14 octobre 2008

le Grand Mufti et le nationalisme palestinien

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Ecole des cadres - SYNERGIES EUROPEENNES - Octobre 2008 - Lectures

Louis DENISTY :
Le grand mufti et le nationalisme palestinien
Hajj Amin al-Hussayni, la France et la Grande-Bretagne face à la révolte arabe de 1936-1939
préface de : Daniel Rivet
L'Harmattan , Paris - collection Comprendre le Moyen-Orient

Résumé

En 1936, éclate la première révolte arabe en Palestine, alors sous mandat britannique. Ce mouvement, entraîné par Hajj Amin al-Hussayni, revendique la constitution d'un Etat et l'arrêt de l'immigration sioniste. En s'appuyant sur les archives diplomatiques françaises et britanniques dont il fait une lecture croisée, l'auteur donne un éclairage sur cette période cruciale de l'histoire de la région.

Quatrième de couverture

En avril 1936 éclate la première grande révolte des Arabes de Palestine, qui revendiquent la constitution d'un Etat et l'arrêt de l'immigration sioniste. A la tête de ce mouvement s'impose un personnage, Hajj Amin al-Hussayni, Grand Mufti de Jérusalem. Celui-ci, banni par les Britanniques, trouve refuge au Liban où les Français le laissent jouir d'une liberté suffisante pour tenter de faire entendre la voix du peuple palestinien. Les querelles de personnes et l'incapacité des puissances dominant la région à s'entendre enfoncent la Palestine dans des années tragiques et ensanglantées. L'objet de cet ouvrage est de faire la lumière sur cette période peu connue et pourtant si cruciale de l'histoire de la Palestine, en questionnant les archives diplomatiques françaises et britanniques. Pour comprendre, pour expliciter, et non pour juger. Durant les années 1936/1939, avec la connaissance des soixante-dix années qui ont suivi, il apparaît que se mettent irrémédiablement en place tous les éléments dramatiques qui ont plongé, jusqu'à aujourd'hui encore, un peuple dans un abîme de malheur infini.

vendredi, 03 octobre 2008

L'Amérique et le désordre mondial

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EDITO du 13 Septembre 2008   
L’Amérique et le désordre mondial

Les grands médias parisiens somment les Français de s’intéresser à l’élection présidentielle américaine.
Les intellectuels progressistes et les partisans du métissage n’ont d’yeux que pour Barack Obama. Quant aux milieux plus traditionalistes, ils peuvent se consoler avec l’entrée en scène, auprès de John McCain, de la très conservatrice Sarah Palin.
Reste que les Français ne participeront pas à l’élection du futur président des Etats-Unis. De toute façon la marge de manœuvre du nouvel élu, quel qu’il soit, sera particulièrement faible : la politique américaine restera largement déterminée par les intérêts de l’hyper classe mondiale et des grands lobbies. Or ce sont eux qui imposent aux Etats Unis une diplomatie et une politique qui contribuent au désordre mondial.
Explications :

Diplomatie : de l’équilibre des forces à l’unilatéralisme
Les périodes de paix ou, en tout cas, de conflits limités correspondent à l’application de règles simples : l’acceptation de l’équilibre des puissances, le respect des frontières des Etats et la non-ingérence des autres dans leurs affaires intérieures.
Ces règles sont sans doute imparfaites et moralement discutables mais elles ont assuré de longues périodes de paix : au XIXe siècle, dans la suite du Congrès de Vienne (qui n’avait pas cherché à « punir » la France révolutionnaire) ; dans la deuxième partie du XXe siècle où « l’équilibre de la terreur » entre grandes puissances nucléaires évita toute conflagration générale.
L’effondrement de l’Union soviétique puis de la Yougoslavie a conduit l’Occident, sous la direction unilatérale des Etats-Unis, à oublier les règles d’équilibre et de stabilité de l’ordre international :
– en multipliant des bases américaines aux frontières mêmes de la Russie ; – en projetant d’intégrer à l’OTAN des pays clairement dans l’orbite de la géopolitique russe, tels que la Géorgie ou l’Ukraine ;
– en annulant unilatéralement le traité ABM interdisant les défenses antimissiles et en relançant la course aux armements ;
– en construisant un bouclier antimissiles en Pologne visant notamment à permettre éventuellement la destruction de la Russie sans riposte possible de sa part ;
– enfin, en reconnaissant unilatéralement l’indépendance du Kosovo et le démembrement de la Serbie, contrairement aux résolutions de l’ONU.
Cette politique a conduit au raidissement russe et explique, à défaut de la justifier, la reconnaissance par Moscou de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud ; indépendances de confettis d’Etat, au demeurant, ni moins (ni plus) légitimes que celle du Kosovo.
Reste que la remise en cause des frontières reconnues en Europe mais aussi dans le reste du monde est une bombe à fragmentation qui peut déboucher sur la balkanisation de la planète ; balkanisation qui peut être recherchée par les tenants de l’affaiblissement des Etats au profit d’un empire mondial.

Politique économique : l’irresponsabilité financière américaine
Critiquer la Banque centrale européenne (BCE) est le pont aux ânes des hommes politiques français. Or cette institution financière a reçu pour mission dans le Traité de Maastricht (voté par les Français sur recommandations du RPR, de l’UDF et du PS), d’assurer la stabilité de l’euro et de lutter contre l’inflation. En limitant l’émission de monnaie, la BCE remplit son rôle et adopte une gestion de bon père de famille : la politique de la BCE n’a d’ailleurs créé aucun problème au monde.
Comme le note l’économiste libéral Florin Aftalion, dans « Les 4 vérités » (http://www.les4verites.com/archives/auteurs-Aftalion-Florin-85.html) : « La FED a, à 2%, un taux de base bien trop bas. Le crédit n'étant pas cher, les Américains empruntent beaucoup trop. (…) La BCE, de son côté, ne modifie pas non plus son taux de base, mais il serait plus sérieux, à 4,25%. »
Cette politique irresponsable de la Banque fédérale américaine a créé de la masse monétaire sans contrepartie réelle ; c’est elle qui est à l’origine de la crise immobilière et de l’inflation des matières premières (malgré le calme relatif revenu sur le marché du pétrole).
Cette politique a permis à la fois l’enrichissement de l’hyper classe mondiale et l’accès à la propriété de leur logement de nombreux membres insolvables des minorités ethniques.
Cette politique se solde aujourd’hui par des pertes dans le monde entier, un appauvrissement des classes moyennes et l’appel aux fonds des contribuables – pas seulement américains et anglais – pour recapitaliser des établissements financiers menacés de faillite.
Là aussi c’est l’hybris américaine – financière cette fois – qui est à l’origine de la crise mondiale.

Le leurre du changement

Reprenant un thème électoral éculé (mais toujours efficace), Barack Obama et John McCain promettent le changement. C’est évidemment un leurre car les forces sociologiques et politiques américaines qui ont intérêt au statu quo restent extrêmement puissantes :
– c’est le cas, notamment en politique étrangère, du lobby militaro-industriel, du lobby pétrolier et du lobby israélien qui a placé Joe Biden comme candidat vice-président d’Obama et Joe Lieberman comme candidat secrétaire d’Etat de McCain ;
– c’est le cas du lobby « antiraciste » et « antidiscrimination » qui pèsera de tout son poids pour maintenir les avantages de l’Etat providence et du crédit bon marché au profit des minorités ethniques, notamment noires et hispaniques ;
– plus généralement, c’est l’ensemble des Américains qui sont dépendants du reste du monde pour leur consommation (qui excède leur production) et leur accès aux matières premières énergétiques dont ils restent les plus demandeurs de la planète.
La politique américaine inflationniste de crédit bon marché a donc de beaux jours devant elle ; tout comme la diplomatie impériale des Etats-Unis ou leur politique militaire interventionniste.
Polémia
11/09/08

00:15 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : etats-unis, finance, géoéconomie, politique, diplomatie, banque, fmi | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook