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vendredi, 04 mai 2012

Sarkozy ou la diplomatie de l'éléphant / Interview du journaliste Gilles Delafon par Pascal Boniface

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Sarkozy ou la diplomatie de l'éléphant

Interview du journaliste Gilles Delafon par Pascal Boniface

Révélatrice des lacunes des différents prétendants ou d'une appréciation insignifiante de son importance, l'action diplomatique est la dernière roue du carrosse dans cette campagne présidentielle. Le paradoxe est d'autant plus surprenant que notre pays est engagé militairement comme jamais sur les théâtres extérieurs (Afghanistan, Libye, Côte d'Ivoire) et de façon  diplomatique mais ostentatoire (n'excluant pas l'action de terrain) dans différentes autres zones chaudes (Liban, Tunisie, Syrie, Iran, Palestine, Mali-Niger). Politique arabe, défense des droits de l'homme, préservation d'intérêts économiques, lutte contre le terrorisme, sauvegarde du fait israélien, suivisme américain sont autant de lièvres qui paraissent poursuivis... 

 
Mais y a-t-il un plan de chasse et une logique entre les acteurs:  les politiques (Kouchner, Juppé) et les conseillers néo-conservateurs type Levitte , BHL ou Yves Roucaute (ancien dirigeant de l’UNEF et de l’Union des étudiants communistes devenu président du conseil scientifique de l’Institut National des Hautes Etudes de Justice et de Sécurité et conseiller privilégiés de Claude Guéant). Oui, Nicolas Sarkozy. Comment? C'est ce que révèle l'entretien mené, sur le site de l'IRIS, par Pascal Boniface, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, avec Gilles Delafon, à l'occasion de la sortie de son ouvrage, "Le règne du mépris" aux éditions du Toucan.
Flavia Labau
 

Pascal Boniface et Gilles Delafon
 
"Pascal Boniface: A propos de Nicolas Sarkozy vous évoquez à la fois « sa vision à courte vue des enjeux stratégiques, sa religion du tout médiatique » mais vous reconnaissez son « surprenant sens politique et son volontarisme énergique ». Qu’est-ce qui l’emporte et quelle politique étrangère cela produit ?
 
Gilles Delafon : Tout le monde le reconnaît, son volontarisme et son énergie ont souvent donné l’impulsion nécessaire à une vraie mobilisation, de l’Union européenne ou de la communauté internationale. Mais cela ne suffit pas à constituer une vraie stratégie diplomatique. Définir une politique, c’est d’abord tracer un objectif à long terme, évaluer les moyens nécessaires pour l’atteindre, tisser des alliances, mesurer les chances de succès et appréhender les différentes conséquences. 
 
Or là, comme le dit fort justement un diplomate que j’ai interviewé « Nicolas Sarkozy est un homme de réflexes, pas de réflexions ». Cela donne une politique de « coups », montés dans l’instant, à la va vite, sans tenir compte du passé et en se fichant de l’avenir. Cela produit une politique étrangère sans réelle cohérence, dont le but premier est d’agir sur l’émotion de l’électeur pour exister et engranger des gains électoraux. 
 
Pascal Boniface : Vous parlez d’un « pacte faustien » que Kouchner aurait agréé en acceptant le Quai d’Orsay en 2007.
 
Gilles Delafon : Dépité par le mépris des socialistes à son égard, Kouchner a cédé son insolente popularité pour les seuls ors et lambris du ministère dont il rêvait. Il savait pertinemment que la politique étrangère de la France serait dirigée depuis l’Elysée, par le secrétaire général Claude Guéant et par le conseiller diplomatique Jean-David Lévitte. Mais son orgueil l’a emporté sur ses préventions. Du coup, du rôle de ministre il n’aura eu que l’illusion. Il a passé son temps à avaler des couleuvres en découvrant des actions qui se faisaient sans lui. Et il a fait payer cash à ses collaborateurs ses humiliations et ses frustrations, avant de sortir par la petite porte.
 
Pascal Boniface : Selon vous Nicolas Sarkozy a assujetti la politique étrangère aux faits divers pour adopter une « diplomatie de l’émotion ».
 
Gilles Delafon : Nicolas Sarkozy n’avait aucune vision du monde à son arrivée à l’Elysée, mais une parfaite connaissance de la société qui l’a élu. Tout à son obsession d’agir, il a alors assujetti la politique étrangère aux exigences du fait divers. Le cas de Florence Cassez en est le criant exemple. Il a reçu ses parents une dizaine de fois alors que certains ambassadeurs étrangers n’ont pas eu le loisir d’une simple audience. Les décisions n’étaient plus dictées que par l’émotion et la télévision. C’est ce que j’appelle la « Star’Ac diplomatie », qui voit les intérêts stratégiques du pays sacrifiés sur l’autel d’une compassion sans résultats. La meilleure preuve de l’indigence de cette « diplomatie de l’émotion » c’est qu’il l’a abandonné depuis. 
 
Pascal Boniface : Peut-on dire qu’on a assisté à une montée en puissance de jeunes diplomates néo-conservateurs au Quai d’Orsay ?
 
Gilles Delafon : C’est ce qui m’a le plus surpris. En fait, un vrai courant néoconservateur, sensible aux thèses des théoriciens américains, existait déjà au Quai d’Orsay dès le lendemain des attentats du 11 septembre. Mais ces diplomates là s’étaient faits discrets pendant la guerre en Irak, puisque Jacques Chirac président menait alors l’opposition planétaire à ce conflit. L’arrivée d’un Nicolas Sarkozy les a décomplexés. L’ex-ministre de l’Intérieur avait une approche sécuritaire de la diplomatie et son conseiller Claude Guéant pratiquait ce que j’appelle une « diplomatie de flic ». Naturellement, bon nombre de ces diplomates se sont retrouvés à la cellule diplomatique. Paradoxe, il y avait donc des neocon à l’Elysée alors qu’il n’y en avait plus à la Maison Blanche d’Obama." 
 

mardi, 24 avril 2012

Robert Steuckers over geopolitieke vraagstukken

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Robert Steuckers over geopolitieke vraagstukken

Hier de Nederlandse vertaling door A. Vierling van ‘Robert Steuckers s’explique sur le plan geopolitique’ ook hier op de website gepubliceerd. Bijdrage tijdens ronde Tafel maart 2012

Antwoorden van Robert Steuckers aan de Ronde Tafel, inzake de toekomst van de Europese volken, tijdens het colloquium in het kasteel Coloma, maart 2012.

(vertaling van Frans naar Nederlands door Alfred Vierling)

Vraag: Welke positieve reacties ontwaart U thans onder de Europese volkeren?

RS: Daar merk ik weinig van. Twee ervan ,, weliswaar geopolitiek gezien van weinig waarde, maar wel betekenisvol en mutatis mutandis (indien aangepast aan andere omstandigheden) navolgingswaardig houd ik gedachtig: het volksverzet in IJsland en de volkswoede in Griekenland. Eerst dus die IJslandse reactie, die van een klein eilandvolkje van 350.000 inwoners, dat reeds vanaf het prille begin van zijn geschiedenis een waarachtige democratische vertegenwoordiging heeft bedacht en de eerste hedendaagse en wereldlijke (niet-religieuze) literatuur van ons continent vorm heeft gegeven. In dat landje zijn de verantwoordelijken voor de crisis van 2008, de vuige banksters die zo verwerpelijk hebben zitten speculeren, voor de rechter gesleept, evenals eerste minister Haarde, die hun smerige streken had afgedekt, terwijl in Belgie de Dexia-commissie er maar oppervlakkig overheen fietst en men hier nog niet zo gauw de toch echt wel verdiende opsluiting van Dehaene zal meemaken. In IJsland zitten dus hun walgelijke evenknieën achter slot en grendel of althans voor de rechter. Deze gezonde reactie ging gepaard met de weigering van de IJslanders om de buitenlandse banken, welke hadden meegedaan aan het ruïneren van hun land. Ze hebben een grondwetswijziging doorgevoerd waarblijkens speculeren uitdrukkelijk wordt gestipuleerd als misdrijf en overdracht van soevereiniteit voortaan worden veroordeeld of bijgeval aan een referendum worden onderworpen. De IJslanders hebben blijk gegeven van een politieke wilskracht: ze leverden het bewijs, dat in het Westen, waar de economie op subtieler wijze alles bepaalt, het primaat van de politiek kan terugkeren. Met als resultaat dat IJsland thans weer een in het oog lopende economische opbloei beleeft.

De rest van Europa is in diepe apathie weggezonken.

In Griekenland echter zijn we getuige van nog gewelddadiger rellen dan die die Athene vorig jaar op zijn grondvesten deden schudden. Het volk weigert het dictaat van banken, het IMF en de Eurocratie. Belgische massamedia hebben op straat mensen lukraak ondervraagd, van wie er drie fel lucht gaven aan hun waarschuwing: zo meteen zijn jullie aan de beurt! (hodie mihi, cras tibi). Dat is nog eens een realistische, vooruitziende blik. In feite zijn de slappe, lafhartige en slijmerige politici, die de oplichters en bankiers niet bij dageraad door de politie durven laten oppakken onder het oog van de media om ze zo aan de schandpaal te zetten (name and blame), verantwoordelijk voor de enig mogelijke uitkomst op middellange termijn: de totale teloorgang van de staat en de vergriekenlanding (lees: verpaupering van onze samenleving). Maar ondanks deze woede-uitbarsting in de straten van Athene hebben de Grieken en de Italianen ook trouwens, dus in tegenstelling tot de IJslanders, een regering moeten slikken die wordt gevormd door economen, bankiers en technocraten, die niets gemeen hebben met de bevolking en dus gespeend zijn van enige democratische legitimatie. De dictatuur is dus weer terug op het Europese toneel, niet als massaal toegewuifde macht of als een duveltje voortgekomen uit de stembussen zoals we die nog onlangs op ons continent hebben gezien, maar als een heerschappij zonder toejuichingen, zonder legitimatie door verkiezingsuitslagen, die klaar staat om hele Griekse en Italiaanse gezinnen naar de sodemieter te helpen. Waar zijn toch die anti-autoritaire provo's gebleven en de actievoerders zoals tegen Franco of het Griekse kolonelsregime?

In Frankrijk zijn de belangrijke lessen van het gaullisme uit de jaren '60 vergeten. Geen enkele gezonde reactie kan men van het neoliberale "sarkozisme" verwachten. In Spanje verdient de beweging van verontwaardigde burgers wel sympathie, maar wat levert het op? Jean David vertelt dat Spanje thans 4 miljoen werklozen kent, maar ook een liberale regering die het IMF-beleid uitvoert en onpopulaire maatregelen voorstaat, zoals ook bij ons al in een veel te vroeg stadium mensen als een De Croo (aardje naar zijn vaardje) of een Reynders (hooggeplaatste van BNP in Parijs) namen.

Die Spaanse actiebereidheid van verontwaardigden toont nu juist aan dat elk jeugdprotest voortaan wordt gesmoord in wat de betreurde Phillippe Muray placht te noemen: festivisme (langlevedelollogie). Een demonstratie voor wat echt op het spel staat verwordt tot een Woodstock-happening, waar de bankiers noch hun neoliberale werktuigen van onderste boven liggen. Het gevaar van links komt helemaal niet van zijn tegendraadse natuur en verzet tegen de autoriteiten, maar van zijn neiging de pot te verteren in feestgedruis. Deze alles doordrengende lang-leve-de-lol-levenshouding die op emoties en verlangens bouwt, doodt feitelijk alle politieke reflexen voortkomend uit ernstige, wezenlijke bestaansdreigingen en doodstrijd (Ernst Juenger, Armin Mohler) en uit het zich rekenschap geven van een pessimistische, maar vooruitziende risico-inschatting van het allerergste (Clement Rosset). Voorbeelden te over die het afglijden van de schijnbaar revolutionaire ideeën uit 1968 naar een feestelijke klucht aangeven: de loopbaan van Daniel Cohn-Bendit bewijst het ruimschoots, die nep-revolutionair uit Nanterre 1968, die pseudo-marxistische taal met seksuele obsessies doorspekte en nu een bondgenoot van de neoliberale Thatcher-adept Guy Verhofstadt is als het erom gaat om binnen de muren van het Europarlement elke van het volk uitgaande natuurlijke politieke reflex te verguizen, of als het welk initiatief dan ook betreft door een of andere opportunist (zoals Sarkozy) om de natuurlijke reactie van de bevolking te misbruiken voor welk beleid dan ook om er alleen politiek munt uit te slaan, maar welk beleid, mits echt tenuitvoergelegd, toereikend de belangenbehartiging van de banksters zou ontwapenen.

De Nederlandse politicoloog Luuk van Middelaar maakte gewag van een cultuur onder Franse filosofen van ‘politicide’, het om zeep brengen van het politieke strijdtoneel, dat gepaard ging met de ontwikkeling van een onwrikbare staatsleer, welke de republiek gestaag heeft getracht te doen zegevieren op eigen grondgebied. Of je nu denkt aan Sartre in zijn toespraken gericht aan de demonstranten uit 1968, Michel Foucault of de neo-Nietzscheanen die de vreugdevolle bevrijding eisten van de ‘wensmachines’, de nog eens hernieuwde neo-Kantiaanse post-marxistische moralisten, die niet terug hadden van de door hen plotseling ontdekte gruwelijkheden van de ‘Goelag’ bij hun oude bondgenoten, de ‘Sovjets’ in de jaren 70, dan wel aan de hysterische supermoralisten van de heersende media of de door die laatste massaal aangeprezen ‘meelevende republiek’, de Franse intellectuelen hebben bij voortduring een moordaanslag op de politiek gepleegd, die alleen maar naar een doodlopende weg kon voeren. Een impasse waarin we ons nu bevinden, aldus Luuk van Middelaar in zijn Politicide - De moord op de politiek in de Franse filosofie (van Gennep, Amsterdam 1999).

Dus moeten we een metapolitieke strijd voeren om ons radicaal los te maken uit de moorddadige greep van de ‘lang-leve-de-lol’-mentaliteit en ons te weren tegen de allesvernietigende en uitwissende werking van de apathie, waarin het merendeel van onze medeburgers behaaglijk voortdommelt.

Vraag: Aan welke gevaren zal een weer ‘populistisch’ (in de goede zin des woords) geworden Europa worden blootgesteld?

RS: Om nu een hele lijst gevaren die ons bedreigen op te stellen is onbegonnen werk. Neem nu die speculatie tegen de Euro als symbool van ontbrekende soevereiniteit en politieke machtsvorming binnen de Europese bureaucratie, dan zien we toch dat die vijandige aanvallen allemaal van de andere kant van de Atlantische Oceaan komen, precieser gezegd vanuit de speculatieve sector van de Amerikaanse bankwereld. Ik kan alleen maar concluderen dat die speculatie tegen staten en hun valuta, waar Azië al in 19997 mee te maken kreeg, een betrekkelijk nieuwe wijze van indirecte oorlogvoering is. Saddam Hoessein wilde zijn olie in euro's verhandelen en ook Ahmadinedjad wilde dat gaan doen met Iraanse olie- en gasvoorraden. Maar daar hebben de BRIC-landen (Brazilië, Rusland, India en China) vooralsnog een stokje voor gestoken. De euro betekende dus het grootste gevaar op korte en middellange termijn voor de VS, want die stond op het punt Koning Dollar van de kroon te stoten. Europa, die beschaafde en vreedzame macht (Zaki Laïdi) zou dus zonder blikken of blozen de Koning schaakmat hebben gezet en dus moest erop los geslagen worden, op dat instrument van Europese soevereiniteit en wel in haar zachte mediterrane onderbuik. Die mediterrane landen de PIGS (Portugal, Italië, Griekenland, Spanje) zijn echt wel de kwetsbaarste en gemakkelijk uit hun evenwicht te brengen met als gevolg een mogelijk domino-effect om zodoende tevens de economisch sterkste landen van de oude Duitse mark-zone te verzwakken. {Ja, België wordt bedreigd, Oostenrijk heeft een ‘A’ verloren en Nederland is ongerust in zijn zwak te worden getroffen, want die kennen hun achilleshiel wel}. Duitsland rooit het nog wel gelet op zijn gas-overeenkomsten met Rusland en de markten die het op grote schaal creëert in China. Het blijft ook sterker doordat het beter is verbonden met de BRIC-landen, het mikt heimelijk op het uitspelen van een Euro-Aziatische kaart zonder met veel ophef zijn officiële Atlantische optie te ontkennen. Oud-kanseliers Schmidt en Schroeder hebben zich verheven tot een spilpositie in de garantstellingen die met de energie-as Berlijn-Moskou gepaard gaan, de huidige belichaming van de akkoorden tussen Rathenau en Tsjitsjerin (gesloten in 1922).

Om nog even terug te komen op Griekenland, dat nu aan diggelen ligt, daar hebben ze het dan vaak over de zorgeloosheid van de Griekse politici met hun demagogische beleid waar de welvaartsstaat bijzonder vrijgevig was en weinig toekeek (honderden blinden hadden een rijbewijs) en over het financiële gat geslagen door de organisatie van de Olympische Spelen in 2004, maar men laat merkwaardig genoeg de enorme kosten achterwege die de grote bosbranden die twee jaar lang achter elkaar land en opstal in het hele land teisterden, met zich meebrachten. Het vuur heeft op het land tot in de voorsteden huisgehouden op een ongekende schaal. Zo verging het ook het Rusland van Poetin, weerspannig tegen de dictaten van de ‘nieuwe wereldorde’, dat ook al op zijn grondgebied branden onderging van een in de geschiedenis ongekende omvang.

Zijn die branden wel toe te schrijven aan de grillen van de natuur, of zijn ze een beetje al te snel op het conto van de veronderstelde ‘opwarming van het klimaat’ geschreven? Of hebben we hier te maken met de uitlopers van nog weer eens een andere vorm van ‘indirecte oorlogvoering’? Dat mag je je toch werkelijk afvragen.

Zo wordt er ook gesproken van het project HAARP, van de mogelijkheid kunstmatig seismische en andere rampen uit te lokken. De tsunami heeft wel vorig jaar Japan van zijn atoom-opwekking beroofd, hetgeen op korte termijn leidt tot de gehele ontmanteling van zijn nucleaire sector en te denken valt ook aan de buitengewoon hevige stormen die Frankrijk enige jaren geleden onderging, onmiddellijk na het aldaar gerezen enthousiasme over een mogelijke as Parijs/Berlijn/Moskou. Zijn het allemaal toevalligheden? Dat zijn toch vragen die nauwe bestudering verdienen, zoals de uitgever ‘Kopp-Verlag’ doet.

Het wapen van wilde stakingen is tegen Chirac ingezet in 1995, na zijn kernproeven bij het Mururoa-atol. Sommige Franse vakbonden, geïnfiltreerd door trotskistische of lambertistische elementen (socio-economische tegenhangers van de ‘nieuwe filosofen’ die in de openbare ruimte ageren) worden naar bekend ondersteund door de CIA (of in het verledeb de ex-OSS om de oude communisten te neutraliseren). Frankrijk leeft voortdurend onder het zwaard van Damocles, een volledige lamlegging door bijvoorbeeld vrachtwagenchauffeurs die zijn (toegangs)wegen kunnen afsluiten. Zo heb je niet eens een 'oranje revolutie' nodig in Frankrijk.

Blijft dus nog het werkelijke gevaar van een ‘gekleurde revolutie’ over, naar het voorbeeld van wat gelukt is in Georgië in 2003 en die Saakasjvili aan de macht bracht. Maar men doorziet de truc nu en het werkt dus niet meer zo optimaal, ondanks een zeer goed opgeleide beroepsbevolking die al bij het begin van de Servische beweging OTPOR werd gerekruteerd. Zo wordt korte metten gemaakt met de uitwas van de ‘oranje revolutie’ in de Oekraïne van 2004, namelijk een toenadering van het land tot de Atlantische en eurocratische verdragsorganisaties onder druk van de geopolitieke werkelijkheid. De Oekraïense ruimte wordt bepaald door de grote rivieren (Dnjestr, Dnjepr, Don) en de Zwarte Zee. Het staat ook in verbinding met de Russische laagvlakte in het noorden. De laatste poging van een ‘oranje revolutie’ om Poetin te laten vallen liep uit op een faliekante mislukking: De peilingen wezen op 66% van de voorgenomen stemmen voor de Russische eerste minister. Maar wat nog erger is voor de westerse handlangers: de absolute meerderheid gaat niet naar de beweging van Poetin, maar ook voor een derde naar communisten en nationalisten (Zjoeganov en Zjirinovski) en dus niet naar de voorvechters van een heroriëntering op het westen van Rusland, met zijn oligarchen en verdorven zwakbegaafde politiekelingen.

De ‘Arabische Lentes’ zijn weer een andere manier om de massa’s in beweging te zetten teneinde potentiële markten open te breken, wat de Arabisch-islamitische staten eigenlijk zijn. Traditionele staatkundige verbanden en stamgebonden corrupte structuren hebben slechts in Tunesië en deels in Egypte gefunctioneerd. Maar in Syrië lukt het niet en dus is men bezig Syrië een soort Libanese toekomst te bereiden….

De Europese landen worden tenslotte gerekend tot de landen met de zwakste politieke identiteit. Afgezien van die speculatie tegen de euro. Welk ander instrument heeft men nog op de plank om Europa te doen vermurwen mocht het bij de lurven worden genomen? De Amerikaanse ambassadeur Charles Rivkin praatte zijn mond voorbij door openlijk over het gereedschap te spreken dat zal worden gebruikt om de West-Europese samenlevingen te destabiliseren, mochten die zich te koppig gaan verzetten. Dan werpen we hun het uitschot uit de probleemwijken voor de voeten. Charles Rivkin wijst hier onomwonden op de mogelijkheid de massa-immigratie uit de probleemwijken te mobiliseren om zo een tegenstribbelende regering te laten vallen of uit het zadel te werpen. Sarkozy moet als geen ander weten dat hij aan de macht kwam als gevolg van de rellen in de Franse voorsteden in november 2005. ((AV: In Frankrijk zijn dat de etnische probleemwijken)). Die rellen hebben al gediend om Chirac weg te vagen, de voorstander van de as Parijs/Berlijn/Moskou. Ze kunnen dus ook voor zijn val worden gebruikt zodra hij niet wijselijk in het vaarwater van de Amerikaanse alleenheerschappij blijft varen en het Groot-Brittannië van Cameron als bevoorrechte bondgenoot aanhoudt.

Guillaume Faye heeft al voorspeld, dat Frankrijk niet voor eeuwig met die rellen in de voorstadswijken kan wegkomen, zeker niet als die tegelijkertijd in verschillende agglomeraties uitbreken, dus niet alleen in het beruchte 93ste departement bij Parijs, maar ook in Lyon, Marseille et Rijsel. Zowel de salafistische netwerken als de lambertisten staan klaar om de Amerikaanse troef uit te spelen ten koste van hun gastlanden, voorop Saoedi-Arabië, de geldschieter van de wahabieten uit de salafistische bewegingen, als onvoorwaardelijk bondgenoot van de Verenigde Staten.

Vraag: Wie zijn de vijanden der Europese volken van binnenuit en van buitenaf in het huidige speelveld?

RS: Laten we beginnen met die van buiten, want die vanbinnen zijn slechts hun handlangers. De buitenlandse vijand is de genoemde alleenheerser die ons niet op gelijke voet duldt zoals je logisch doet met al je trouwe bondgenoten, al sinds de Romeinen. Men gooit ons dus steeds terug in de onderwerping door elke keer weer, maar nu met de subtielere middelen eigen aan de indirecte oorlogsvoeringswijzen elke nieuwe economische of politieke opleving van Europa te breken. Die alleenheerser is een zeemacht, die heerst over niemandsland: de oceanen en de ruimte en legt ons daarbij allerlei internationale regels op die van dag tot dag verschillen en altijd te zijnen gunste worden uitgelegd. Ik duid hier met luide toon op de Verenigde Staten zoals beschreven door zo iemand als Carl Schmitt, al is het hier niet de plaats om zijn diepzinnige en rake reflexen in herinnering te brengen omtrent de willekeurige en perfide wijze waarop kneedbare en manke internationale rechtsregels tot stand komen, schatplichtig als ze zijn aan het ‘ Wilsoniaanse denken’ en gericht op het laten oprukken van de pionnen van het Amerikaans imperialisme in de wereld of op het alles wegvagende proces van een soort ebola-virusachtige verwording van diplomatieke zekerheden en tradities tot een vormloze brei, welke door die trouweloze regels wordt uitgebraakt. Toegankelijker zijn de richtlijnen van de Amerikaanse strateeg Nicholas J. Spykman, samengebracht in een vademecum als aanhangsel bij zijn werk uit 1942: America’s Strategy in World Politics.

Voor hem had Europa in zijn tijd nog 10 troeven in handen die het superieur aan Amerika maakte, die ik elders heb opgesomd (Zie 'Theoretisch panorama van de geopolitiek’, in: Orientations, nr. 12, zomer 1990-91). Hij putte inspiratie bij een Duits geo-politicoloog uit de school van Haushofer, een zekere Robert Strauss-Hupe die naar de VS uitweek na de machtsgreep door de nazi's wegens zijn ietwat joodse afkomst. Maar goed, laat ik eens drie van die troeven noemen die volgens deze mensen nodig zijn voor het kaliber van een supermacht zoals nu de VS: een uitmuntend school- en universitair onderwijssysteem, etnische saamhorigheid en een min of meer zichzelf onderhoudende economie (of althans, zoals later de Fransen François Perroux en Andre Grjebine stelden, gericht op de opkomst en de consolidatie van een economisch blok met de VS dat de markten van Azië, Afrika en Latijns-Amerika kan veroveren en op lange termijn zijn posities daar kan bestendigen).

Om nu dit goede onderwijssyteem te slopen was er mei 1968 met zijn stoet aan nieuwe lulkoek-opvoeders en navenante lamawaaien-mentaliteit, gevolgd door een aan ‘rechts’ toegeschreven neoliberaal offensief dat opvoedkunde louter in dienst stelde van gemakkelijk te verwerven louter praktische vaardigheden ten koste van de humaniora, de klassieke menswetenschappen die totaal werden verbrijzeld. Ook hier weer liep het met het 1968 sausje overgoten linkse lang-leve-de-lol hedonisme hand in hand met de op de praktijk gerichte neoliberale doctrine om zo gezamenlijk de verworvenheden van onze beschaving teniet te doen en slechts door hun verbeelde verzet, dat in de media breed werd uitgemeten om de indruk te wekken dat er democratische alternatieven denkbaar zijn, de massa’s aan zich wisten te binden. Om de etnische saamhorigheid te breken heeft men Europa eerst van zijn reservoir aan aanvullende arbeidskrachten, Oost-Europa, afgesneden en voorts de integratie- en assimilatieprocessen gedwarsboomd met hulp van de wahabitisch/salafistische netwerken die aan Saoedi-Arabië ondergeschikt zijn, dat goedkope olie aanbood als Europa zijn grenzen openstelde aan de hele moslim-invasie); daarnaast bereidt men zich voor om met ambassadeur Rivkin te spreken op de ophitsing van de ontwortelde nieuwe bewoners die in probleemwijken met allerlei kleuren en religies door elkaar zijn gehutseld, teneinde het staatsapparaat en de samenleving als geheel buiten functie te stellen door het in gang zetten van etnische burgeroorlogjes in de grote stedelijke gebieden. In Duitsland dreigen Erdogan en Davutoglu ermee ten koste van de Duitse staat de parallelle Turkse gemeenschappen zo’n rol te laten spelen, waarbij je moet bedenken, dat het neoliberalisme uiteindelijk alle ‘economieën-in-de-diaspora’ voortrekt en doet opbloeien, dus ook die Turkse netwerken, die aanvankelijk sterk geënt waren op de heroïnehandel. Tenslotte zal de voortdurende afgedwongen ‘politicide’, vooral in Frankrijk, geen enkel herstel toelaten van het politieke besluitvormingsproces inzake onze existentiële keuzes, in de zin van Julien Freund. Zonder dergelijk herstel riskeren we de totale en definitieve ondergang.

Kijk, we zien duidelijk dat de alleenheerser die onze oplevingen wil afremmen voor het moment alom opportunistisch bondgenoten om zich heen verzamelt, die niet de voornaamste vijand zijn, maar wel straks zijn handlanger. Het verzet in Turkije, dat door de media sterk werd benadrukt na de botsing van Erdogan met zijn Israëlische tegenhanger te Davos en die zaak van Turkse schepen met medicamenten voor de Palestijnen in Gaza, is maar een show om de Arabisch-islamitische volksmassa’s te vermurwen. De Turkse buitenlandse politiek is er nauwelijks door veranderd, ook niet door de neo-ottomaanse toespraak van Davutoglu, die gewag maakte van ‘geen problemen met de buren’ en moslim-solidariteit. Kijk, in Syrië stond al sinds augustus 2011 Turkije pal achter de Amerikaanse alleenheerser: Erdogan, Guel en Davotoglu hebben geprobeerd al-Assad te laten buigen door de ‘moslimbroeders’ in zijn regering toe te laten en op te houden de alawieten, dat zijn aanhangers van een meer sjiitische islam, te bevoorrechten en af te zien van de scheiding kerk en staat, dus af te zien van het beginsel van geen staatsbemoeienis met geloofszaken, zoals door de seculiere ideologie van de Baath-partij altijd is voorgestaan en elke discriminatie tussen soennieten, sjiieten, alawieten en druzen verbiedt, alsmede op te houden met de bevoorrechting van Arabische en Armeense christenen. De Baath-partij was ten aanzien van de religieuze neutraliteit veel soepeler dan het Turkse kemalisme voordat het door Erdogan en zijn AKP van de troon werd geschopt, gelet op de ontstentenis aan institutioneel geweld tegen de bestaande religieuze Syrische volksdelen. Thans komen de wapens voor de opstandelingen in Syrië, de zogenaamde Afghaanse of Libische huursoldaten binnen via Turkije en dan door Irak of Jordanië, die de strijd aangaan met het Syrische leger. Trouwens, je moet bedenken dat de Turkse geopolitiek niet verenigbaar is met een samenhangend Europees geopolitiek beleid. De onderliggende doeleinden van Turkije gaan helemaal niet dezelfde kant op als die van de Europese, mochten die ooit eens samenhangend worden en voor heel Europa gaan gelden: Turkije wil bijvoorbeeld indirect weer voet op de Balkan zetten, terwijl dat eigenlijk voor Europa slechts een springplank moet zijn naar de Levant en de verdere Oost-mediterrane kuststreek en het Suezkanaal. Het huidige Turkse grondgebied is echter al een doorvoerzone voor immigratie uit het Nabije Oosten, het Midden-Oosten en Azië naar Europa, met name om binnen te dringen in het Schengen-gebied. Turkije sluit zijn grenzen niet en laat ondanks enorme subsidies van de Europese Commissie doodleuk honderdduizenden toekomstige illegalen door op weg naar de Europese Unie. De politie en douane van Griekenland zijn dus overbelast. De Griekse financiën zijn door deze Sisyphus-arbeid geheel uit het lood geslagen en dus ook door die bosbranden op enorme grote schaal, en niet zozeer zoals de neoliberale media ons op de mouw spelden door financieel wanbeheer bij de Olympische Spelen van 2004 en door enige duizenden arme Grieken die hun sociale dienst hebben pootje gelicht.

Om dat enorme aanzwellen van economische vluchtelingen te stuiten, die dus niet in verhouding staat tot wat zich in Lampedusa bij Sicilië of Feuerteventura op de Canarische eilanden aandient, geeft de Europese Commissie maar een miezerig klein bedrag vrij om slechts 200 armzalige politie-agenten uit te sturen die dan een grens moeten bewaken die vanaf de Thracische landengten eerst naar de Egeïsche eilanden en Rhodos helemaal doorloopt naar de Dodekanesos (12 eilanden).
Het agentschap Frontex, dat in theorie alle buitengrenzen van het Schengen-gebied moet afsluiten en zo de onevenwichtigheden die een ongebreidelde immigratie met zich meebrengt moet voorkomen, ontvangt in werkelijkheid maar een schijntje aan financiën en blijkt een lege dop te zijn.

Men weet dat al wat die salafisten en wahabieten uitvreten uiteindelijk op afstand wordt aangestuurd door de Amerikaans-Saoedische tandem en zich uitstekend leent om operaties van indirecte oorlogsvoering te plegen, die ook wel ‘low intensity war’ en ‘false flag operations’ heten. Pim Fortuyn werd niet zozeer als ‘ islamofoob’ vermoord als wel omdat hij de Nederlandse deelname aan de operaties in Afghanistan wou stopzetten. ((AV: Zie mijn eigen artikel: Ook wegens zijn wil niet deel te nemen aan het Joint Strike Fighter-project en de afschaffing van het Nederlandse leger behoudens de marine)). Men rekruteert een moordenaar uit de Marokkaanse gemeenschap van Molenbeek om commandant Massoud om te brengen en hem niet de macht te laten grijpen na de val van de Taliban, zoals gepland door het Pentagon. Men stuurt een Jordaanse fundamentalist op weg om de leiding te nemen van het Tsjetsjeense verzet op het traject van een oliepijpleiding die de Russische en Kazakse grondstof zou brengen naar de Zwarte Zee en ga zo maar door. Rusland, de belangrijkste leverancier van brandstoffen aan West-Europa wordt in de Noord-Kaukasus verzwakt door fundamentalistische Tsjetsjenen en Daghestani, maar ook en vooral, zoals ons de Duitse waarnemer Peter Scholl-Latour meldt, door een potentieel wahabitische (en dus indirect Amerikaanse) interventie in zijn twee moslimrepublieken Tatarstan en Basjkirostan. Als die twee republieken door burgeroorlog ten onder gaan of de fundamentalisten aan de macht komen wordt het grondgebied van de Russische Federatie letterlijk in tweeën geknipt ter hoogte van de Oeral, alleen het hoge noorden buiten beschouwing gelaten (dus boven de toendra-grens).
Europa wordt alsdan dus teruggebracht tot wat het was aan het begin van de zestiende eeuw: dus voor het geraas van de troepen van Ivan de Verschrikkelijke en Fjodor I die vanuit de Moskouse regio heel de loop van de Wolga tot en met Astrachan (1556) veroverden. Kazan, de latere hoofdstad van de Tartaren viel in 1552. Peter Scholl-Latour wijst erop, dat de Tartaren zelden warm lopen voor het wahabisme uit Arabië of voor de Egyptische Moslimbroeders van Hanna al-Banna en Sayyid Qutb en een moderne islam voorstaan die met het Europese en Russische modernisme verenigbaar is, men noemt het ‘jadidisme’ of de ‘Tartaarse weg’, waarvan de huidige bedenker Rafael Chakimov is. Die verzette zich tegen de wahabitische eis Arabische zeden en gebruiken uit de 7de en 8ste eeuw over te nemen. Aanhangers van Chakimov hebben thans dan wel nog de meerderheid in Tatarstan, maar ze moesten toch wel optreden tegen de praktijken van de moskee ‘Yoldiz Madrassa’ in de industriestad Naberezjnye Tsjelny, die werd opgehitst door onderwijskrachten uit Saoedi-Arabië. Ze werden verjaagd omdat enige van hun leerlingen zich bij de Tsjetsjeense rebelen hadden aangesloten. De toekomst ligt nog open voor deze oevers van de Karna, zijrivier van de Wolga die ver in het Noorden ontspringt bij de toendras, maar de alleenheerser kan met zijn Arabische bondgenoten er rotzooi gaan trappen en tegen het Tartaarse ‘jadidisme’ ten strijde trekken of er een soort panturkisme nieuwe leven in blazen (zie L’islam de Russie - Conscience communautaire et autonome politique chez les Tartars de la Volga et de l’Oural depuis le XVIIIe siecle, Stephane A. Dudoignon, Daemir Is’haqov en Raefyq Moehaemmaetshin, ed. Maisonneuve & Larose, Paris 1997; Peter Scholl-Latour, Russland im Zangengriff - Putin’s Imperium zwischen NATO, China und Islam, Propylaeen Verlag, Berlin, 2006).

Laten we nog iets zeggen over de vijanden onder ons. Ik zal er drie noemen. Eerst het volkomen parasitaire banksysteem dat een ware plutocratie (een woord dat door Pierre-André Taguieff en Jean-Francois Kahn in Parijs opnieuw wordt gebruikt) in het zadel heeft geholpen en niets en dan ook helemaal niets met democratie heeft te maken. Daar hangen dan systemen als de supermarkten aan die op voedselprijzen speculeren en verantwoordelijk zijn voor de hogere duurte in België dan de in omringende landen, veel noodzakelijke levensmiddelen zijn hier dubbel zo duur als in de Duitse schappen. En ook de de ermee verbonden energiesector, die extreem hoge gas- en electriciteitsprijzen afperst van de consument. De onevenwichtigheden die door de enorme omvang van deze geprivatiseerde of semi-geprivatiseerde para-statelijke structuren worden veroorzaakt moeten weer in het gelid gebracht worden, willen we niet dat de meest intieme bouwstenen van onze maatschappij erdoor worden vergruisd. Ten tweede noem ik de neoliberale ideologie en zijn vertakkingen met vooraan ex-premier Guy Verhofstadt die het ‘ regenboogkabinet’ leidde, een verbond tussen het neoliberalisme en het linkse feestgedruis. Want die ideologie smoort onder het masker van zijn goede bedoelingen elke echt opbouwend verzet. En dan hebben we dus als derde die zeer manipuleerbare diaspora, let wel ze zijn het bij monde van ambassadeur Rivkin en van het tendem Erdogan/Davutoglu.

Doel moet dus zijn de exponentiele ontwikkeling van de parasitaire plutocratie te beteugelen, ze grenzen en controles opleggen en ze onderwerpen aan een rechtvaardige belastingbijdrage, het Romeinse mulcto of multo en tevens moet er gewerkt worden aan een stevige etnische basis zonder telkens weer automatisch te worden bestraft als geldt het een strafbaar feit. Het neoliberalisme en zijn afgeleide denkconstructies zijn een ideologie van ‘politicide’, een moordaanslag op het politiek uiten van een gemeenschap en dus staatsgevaarlijk, ook op Europees niveau. Die etnische uitzaaiingen bij ons, de manipuleerbare diaspora, kunnen als vijfde colonnes gaan dienen, omdat ze vooral onder dreiging van Erdogan/Davutoglu recht kunnen krijgen op hun eigen rechtsstelsels, soevereiniteit in eigen kring. Onze beschaving kan niet gered worden zonder drastische maatregelen.

NVDR: De vertaling blijkt soms iets vrijer dan het origineel, waardoor sommige betekenissen verloren zijn gegaan. Ze is ook door ons nog eens herlezen en bewerkt. Voor het origineel verwijzen we naar: Euro-Synergies.

dimanche, 22 avril 2012

The Multicultural Theocracy: An Interview With Paul Gottfried

 

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The Multicultural Theocracy: An Interview With Paul Gottfried

Myles B. Kantor
Thursday, Dec. 5, 2002

Ex: http://archive.newsmax.com/

Paul Gottfried is Professor of Humanities at Elizabethtown College. An adjunct scholar of the Ludwig von Mises Institute and contributing editor to Humanitas and Chronicles, he is the author of several books including "The Conservative Movement," "Carl Schmitt: Politics and Theory" and "After Liberalism: Mass Democracy in the Managerial State." His new book is "Multiculturalism and the Politics of Guilt: Toward a Secular Theocracy."

You observe, "Nothing could be more misleading than to equate a multicultural society with a multiethnic one." What distinguishes a multicultural society from a multiethnic one?

Multiethnic societies have been recurrent political phenomena and involve the coexistence of more than one ethnos, that is, national community, living in the same jurisdiction. Such an arrangement has usually come about because of conquest or dynastic inheritance and until now has never required a celebration of diversity. Multiethnic societies have almost always been empires because of the way they have been formed and because of their lack of cohesion beyond the fact of what Thomas Hobbes called "acquired sovereignty." Moreover, unlike multicultural regimes, multiethnic ones do not celebrate sexual exotica or the nonrecognition of separate gender identities. Multicultural regimes are inherently subversive of traditional social relations.

You frame the multicultural question as fundamentally governmental in nature: "For all their complaints about 'political correctness,' moderate conservatives...do not devote their primary attention to the government's control of speech and behavior. The battle between supporters and opponents of political correctness is thought to be taking place among warring cultural elites." What is the consequence of viewing multiculturalism as a purely cultural phenomenon?

The fact that neoconservatives – the anti-Communist liberals, once identified with Daniel Patrick Moynihan, Henry "Scoop" Jackson and Hubert Humphrey, who took over the conservative movement with only minor opposition in the 1980s – have been able to treat multiculturalism as an hermetically sealed cultural and academic problem has allowed them to go on glorifying the current American regime as the paradigmatic global democracy. (Read the second edition of my book "The Conservative Movement" for a detailed description of the neoconservative ascendancy and the marginalization of everyone to the right of the Cold War liberals.)

Their other avoidance of the truth in order to spare the government that they want to expand is presenting the state as the hapless victim of bad culture. My own perspective is diametrically opposite. It is trying to understand the role of multiculturalism as a politically enforced ideology. Multiculturalism has the same relation to the present managerial state as the Catholic Church did to medieval European monarchies. It travels in the baggage of the American empire, as was evident during the unprovoked attack on Serbia.

You often refer to "the managerial state," "the administrative state," and "the therapeutic state." What are these phenomena and their relationship to multiculturalism?

State administrations have been around since the High Middle Ages, while the managerial state refers to the social engineering, redistributionist regime that came into existence with mass democracy in the twentieth century. (Mass democracy is a term used to describe a government that rules in the name of the "people" but is highly centralized and operates increasingly without an ethnic-cultural core. It is a bureaucratic empire that distributes political favors and provides a minimal level of physical protection but is no longer capable of or interested in practicing self-government.

In "After Liberalism," which precedes my latest book, an attempt is made to plot the development of modern administrative "democracy" from a more limited and nationally focused state that existed a hundred years ago. What happened is that, contrary to what nineteenth-century critics of democracy believed, universal suffrage and urbanization did not lead to the outbreak of anarchy and violent expropriation. Rather the people voted to hand over power to "public administrators" and more recently in the U.S. judges, who became the agents for practicing democracy on our behalf. Democracy was not equated with meaningful self-rule but with being socialized by administrators, who taught us "equality" and later, pluralism and multiculturalism. )

That mass democratic regime has turned progressively therapeutic, with the advent of the cult of victims and the degeneration of Christianity into a purveyor of the politics of guilt. Question two misses a point: I am not except in a negative sense a libertarian. Through most of its history, the state, in my opinion, has been a positive force, assisting the rise of the bourgeoisie in Western Europe more than hindering that development and providing a uniform system of law protecting persons and property. The good state reached its high point in the nineteenth century but was overtaken by mass democracy and the managerial revolution in the twentieth century.

I am also not an enemy of all forms of democracy and totally approve of the management of my own town by small property-owners who come out of a shared rural culture. Unfortunately the hand of PC is already upon us as the demonic state and federal behemoths (the first is only an agent of the second) invade our civic and family life.

What are some examples of those behemoths invading civic and family life?

Examples of PC enforcement by the state are the use of Title Nine to impose verbal and behavioral conformity on male academics and workers; the various hate speech laws that exist in Canada and Europe and are applied almost exclusively against white Christian European; and the delegitimation of the historical heritage of victimizing groups: e.g., the war against Southern symbols and iconography waged, in among other areas in the US, public education [e.g., dress codes prohibiting attire with a Confederate flag].

The BBC recently had a headline, "Hate crime police raid 150 homes," about an operation in London administered by a "Diversity Directorate." Sweden recently passed a law criminalizing the "disrespecting" of homosexuals.

This attempt to muzzle traditional Christians is perfectly consistent with both the multicultural values of the therapeutic state and the thrust of liberal Christianity. In fact what is happening in England and Sweden is the disciplining by the government of Christians who have not accepted the Protestant deformation. A by now transformed Christianity, which is as grotesque in its own way as Hitler's Nazified Evangelical Church, has allied itself to the state that is suppressing Christians who will not go along with PC indoctrination.

On the matter of Hitler, perhaps the most sensitive instance of the politics of guilt you discuss is contemporary treatment of the Holocaust. You write, "By now all Christians have been generically indicted for the Holocaust, which has been extended to gays and explained in such a way as to minimize the suffering of identifiably Christian victims."

Members of my family were worked to death in Nazi labor camps; some died of typhus soon after being liberated. Needless to say, I am not a Holocaust denier. Indeed I am profoundly offended by the attempts to draw parallels between Nazi Germany and the German Imperial government, on the grounds that the latter was a "defective constitutional regime."

The Nazis were reprehensible not for establishing a second-class constitutional government but for turning Europe into a death camp. What I oppose is not the recognition by the establishment Left that the Nazis killed millions of people but the use of anti-fascism as a tool of control. This instrumentalization has been cynically carried out by political elites, European Commies, and academics throughout the West.

A very useful book on this subject in French by Elisabeth Levy shows how completely the totalitarian Left suppresses opposition in France by identifying all dissenters as Nazis or fascists. Supposedly by making a case against increased Islamicist immigration into France, one incites fascist hate and prepares the way for a second Auschwitz.

Read Peter Novick's "The Holocaust in American Life" for a striking account of the changes in Jewish attitudes about who or what caused the Holocaust. Novick maintains that what has fueled this new animus against "Nazi-bearing" Christianity has nothing to do with scholarly revelations. Rather it has arisen out of Jewish repugnance for Christianity at a time when Christians have certainly not persecuted Jews. To the contrary, Christians are the only possible allies that the Jews can now claim.

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You referred earlier to "the Protestant deformation." What is it and its relation to the multicultural theocracy?

In the U.S., what the Presbyterian scholar James Kurth (see my intro chapter) calls the "Protestant deformation" has profoundly influenced the spread of multiculturalism. Although Catholic clergy, as revealed by the Italian study "L'invasione silenziosa" (The Silent Invasion), have expressed many of the same xenophile sentiments, calling for massive Third World immigration to offset Western parochialism and bigotry, in the U.S., Canada and England, Protestants have taken the lead in pushing both multicultural ideology and the politics of guilt.

Kurth tries to explain this by looking at the progressive deterioration of Protestant theology and moral culture since the nineteenth century. At the heart of the problem is the transformation of justified spiritual guilt into social guilt and the Protestant focus on the individual into a rejection of membership in a shared civilization that needs to be preserved.

What are the prospects for containing or rolling back the multicultural theocracy?

A deus ex machina that may come along to prevent the worsening of the situation I describe is the rallying by Western nations to a defense of their societies. This may be happening dramatically in Flanders whose people vote for the anti-immigration and anti-welfare Vlaams Blok. Moreover, in Antwerpen there are now armed camps with, on the one side, the Arab European League and, on the other, Flemish nationalists. While such confrontations are not particularly savory, they may prevent the Islamicists and the European Union PC bureaucracy from moving in more quickly to convulse or denature European society.

Note I do not think these battles will solve long-term problems; unless Western peoples start having families again, the social unit and population base needed for a civilization will be lacking. I do not believe that civilizations are purely or even substantially "propositional" or can be sustained by requiring courses on Martin Luther King and global democracy prepared by Harry Jaffa, Bill Bennett, and Mrs. Cheney.

While societies can assimilate, there are three presuppositions that must obtain: a core population that carries a distinctive culture that it hopes to preserve; a minority that is accepted on the condition that it eagerly embraces that majority culture; and a sufficiently controlled immigration so that assimilation is possible.

Contact Myles Kantor at kantor@FreeEmigration.com

 

Editor's note:
Now we know: "Why the Left Hates America"

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lundi, 16 avril 2012

The Heritage of Europe's 'Revolutionary Conservative Movement'

The Heritage of Europe's 'Revolutionary Conservative Movement'

A Conversation with Swiss Historian Armin Mohler (1994)

By Ian B. Warren

Introduction

mohlereinband.jpgFollowing the aftermath of the cataclysmic defeat of Germany and her Axis partners in the Second World War, exhausted Europe came under the hegemony of the victorious Allied powers — above all the United States and Soviet Russia. Understandably, the social-political systems of the vanquished regimes — and especially that of Hitler's Third Reich — were all but completely discredited, even in Germany.

This process also brought the discrediting of the conservative intellectual tradition that, to a certain extent, nourished and gave rise to National Socialism and Hitler's coming to power in 1933. In the intellectual climate that prevailed after 1945, conservative views were largely vilified and suppressed as "reactionary" or "fascist," and efforts to defend or revitalize Europe's venerable intellectual tradition of conservatism came up against formidable resistance.

Those who defied the prevailing "spirit of the times," maintaining that the valid "Right" traditions must be accorded their proper and important place in Europe's intellectual and political life, risked being accused of seeking to "rehabilitate" or "whitewash" Nazism. Germans have been especially easy targets of this charge, which is nearly impossible to disprove.

One of the most prominent writers in German-speaking Europe to attempt this largely thankless task has been Armin Mohler. As German historian Ernst Nolte has observed, this job has fortunately been easier for Mohler because he is a native of a country that remained neutral during the Second World War.

Born in Basel, Switzerland, in 1920, Mohler worked for four years as secretary of the influential German writer Ernst Jünger. He then lived in Paris for eight years, where he reported on developments in France for various German-language papers, including the influential Hamburg weekly Die Zeit.

In his prodigious writings, including a dozen books, Dr. Mohler has spoken to and for millions of Europeans who, in defiance of the prevailing political-intellectual order, have sought to understand, if not appreciate, the intellectual heritage of Europe's venerable "old right."

Mohler's reputation as the "dean" of conservative intellectuals and as a bridge between generations is based in large part on the impact of his detailed historical study, Die Konservative Revolution in Deutschland 1918–1932 ("The Conservative Revolution in Germany, 1918–1932"). Based on his doctoral dissertation at the University of Basel, this influential work was first published in 1950, with revised editions issued in 1972 and 1989.1

In this study, Mohler asserts that the German tradition of the Reich ("realm") in central Europe (Mitteleuropa) incorporates two important but contradictory concepts. One sees Mitteleuropa as a diverse and decentralized community of culturally and politically distinct nations and nationalities. A second, almost mythical view stresses the cultural and spiritual unity of the Reich and Mitteleuropa.

The main current of radical or revolutionary conservative thinking is expressed by such diverse figures as the Russian writer Feodor Dostoyevsky, Italian sociologist Vilfredo Pareto, American poet and social critic Ezra Pound, American sociologist Thorstein Veblen, and English novelist C. K. Chesterton. 2 This intellectual movement began at the close of the 19th century and flourished particularly during the 1920s and 1930s. Sometimes also called the "organic revolution," this movement sought the preservation of the historical legacy and heritage of western and central European culture, while at the same time maintaining the "greatest [cultural and national] variety within the smallest space."3 In Germany, the "Thule Society" played an important role in the 1920s in this European-wide phenomenon as a kind of salon of radical conservative intellectual thought. It stressed the idea of a völkisch (folkish or nationalist) pluralism, underscoring the unique origins and yet common roots of a European culture, setting it apart from other regions and geopolitical groupings around the globe. 4

In Mohler's view, the twelve-year Third Reich (1933–1945) was a temporary deviation from the traditional conservative thinking. At the same time, the conservative revolution was "a treasure trove from which National Socialism [drew] its ideological weapons." 5 Fascism in Italy and National Socialism in Germany were, in Mohler's judgment, examples of the "misapplication" of the key theoretical tenets of revolutionary conservative thought. While some key figures, such as one-time Hitler colleague Otto Strasser, chose to emigrate from Germany after 1933, those who decided to remain, according to Mohler, "hoped to permeate national socialism from within, or transform themselves into a second revolution." 6

Following the publication in 1950 of his work on the conservative revolution in Europe, Mohler explored in his writings such diverse subjects as Charles DeGaulle and the Fifth Republic in France, 7 and the Technocracy movement in the depression-era United States. 8 In 1964 Mohler was appointed Managing Director of the prestigious Carl-Friedrich von Siemens Foundation, a leading scholarly and research support institute in Germany. In 1967 he began a stint of several years teaching political science at the University of Innsbrück in Austria. That same year, Konrad Adenauer honored Mohler for his writing with the first "Adenauer Prize" ever bestowed.

During the 1970s and 1980s, Mohler was a frequent contributor to Criticon, a scholarly German journal whose editor, Caspar von Schrenk-Notzing, has been a close friend of the Swiss scholar and a major promoter of his work. In 1985, Dr. Mohler produced a collection of writings to commemorating the 25th anniversary of the Siemens Foundation. The volume contained contributions from the writings of Oswald Spengler, Carl Schmitt, Konrad Lorenz, Hellmut Diwald, H.J. Eysenck, and Julian Freund.

Mohler is a leading figure in the European "New Right," or "Nouvelle Droite." (For more on this, see Prof. Warren's interview with Alain de Benoist, another major figure in this social-intellectual movement, in The Journal of Historical Review, March–April 1994.)

Year after year, political leaders, educators and much of the mass media take care to remind Germans of their important "collective responsibility" to atone for their "burdensome" past. This seemingly never-ending campaign has become nearly a national obsession — manifest recently in the enormous publicity and soul-searching surrounding the Spielberg film "Schindler's List." In Mohler's view, all this has produced a kind of national neuroses in Germany.

Mohler has written extensively on the particularly German phenomenon known as "mastering the past" or "coming to grips with the past" ("Vergangenheitsbewältigung"). He tackled this highly emotion-laden topic in a book (appropriately entitled Vergangenheitsbewältigung), published in 1968, and later re-issued in a revised edition in 1980. 9 Two years later he turned to the subject of German identity.10

In 1989 Mohler again boldly took on the issue of Germany's difficulty in coming to terms with the legacy of the Third Reich in what is perhaps his most provocative book, Der Nasenring ("The Nose Ring").11 [A review by M. Weber of this work appears in this issue of the Journal.]

With the reunification of Germany in 1989, the collapse of the Soviet empire, the end of the Cold War US-USSR rivalry, and the withdrawal of American and Soviet Russian forces from Europe, has inevitably come an earnest reconsideration of the critical issues of German identity and Germany's the role in Europe. This has also brought a new consideration of precisely how Germans should deal with the troubling legacy of the Third Reich and the Second World War.

Changing social-political realities in Germany, Europe and the world have given new significance to the views developed and nurtured by Dr. Mohler and his circle of like-minded "revolutionary conservatives."

Interview

am-KR.jpgThis writer was privileged to spend a day with Armin Mohler and his gracious wife at their home in Munich early in the summer of 1993. After having spoken earlier with historian Ernst Nolte, I was interested to compare his views with those of Mohler. In particular, I was curious to compare how each of these eminent figures in German intellectual life assessed the present and future climate of their nation, and of the continent within which it plays such a critical role.

Although his movement is restricted due to a serious arthritic condition, Dr. Mohler proved to be witty, provocative and fascinating. (In addition to his other talents and interests, he is a very knowledgeable art specialist. His collection of reprints and books of Mexican, US-American and Russian art is one of the largest anywhere.)

During our conversation, Mohler provided both biting and incisive commentary on contemporary political trends in Europe (and particularly Germany), and on American influence. Throughout his remarks, he sprinkled witty, even caustic assessments of the German "political class," of politicians spanning the ideological spectrum, and of the several generational strands forming today's Germany. As he explained to this writer, Dr. Mohler felt free to offer views without any of the "politically correct" apologetics that have hampered most native German colleagues.

Q: What do you see as the state of the conservative political movement in Germany today?

M: Well, first let me explain my own special analysis. I believe there are three possibilities in politics, which I characterize as "mafia," "gulag," and "agon." Each has been a possible or viable political form in twentieth century history. Of course, between the choice of the "gulag" and the "mafia," people will choose the latter because it is more comfortable and less apparently dangerous, or so it seems.

But what of this third option, which is taken from the Greek term "agon" ("competition" or "contest"), and recalls the ancient Hellenic athletic and literary competitions? I believe it is possible to have a society that is free of the politics both of the mafia and of the Left, but bringing this about is quite complicated. It is a pity that today we appear only to have a choice between the mafia and the gulag. Liberalism in the 19th century context was a positive idea with a serious basis of thought. Today, however, liberalism has become just another name for the mafia. I do not believe that political liberalism is able to govern in the modern world. My ideal is most apparent today in the "tiger" states of Asia, such as Malaysia, Singapore, Korea and Taiwan, which have dynamic free market, liberal economies, but without liberal politics.

Q: When you speak of a "third option," are you referring to the anti-capitalist and anti-Communist "third way" or "third position" advocated by some political and intellectual groups in Europe today that reject the establishment elites of both the traditional left and right?

M: No. I do not see any significant movement of that kind. What small steps are being taken in this direction are denounced as "fascist" or in the "fascistic style." The role of the modern mass media has destroyed any possibility of such "third way" politics. This means, unfortunately, that we must exclude the "agon" option. We are left only with the "mafia" or the "gulag" options.

Q: Are you therefore saying that a true conservative revolution is not possible? Is there now in Germany anything that might be called an authentic conservative movement?

M: At first, just after the war, we did have a certain kind of conservatism. Essentially, it had two aims: first, to be the Number One enemy of Communism; and second, it must be allied with America. It also had its origins in two forms of conservatism. One was Burkian [after Edmund Burke], what I have called Gärtner-Konservatismus — "Gardener Conservatism" — that is, merely attending to the cultivation and restoration of society as a gardener would. The other is the "humility conservatism" of the Christian churches. These were the only kinds of conservatism allowed by the Americans. After all, they were the ones who handed out the chocolates, and western Germany wanted that. What the entire population did not want was Communism.

At last this began to change, particularly with the publication in 1969 of Moral und Hypermoral by Arnold Gehlen. 12 This book opened the way to a real Conservatism. Gehlen used the term "conservatism," which I do not like because it implies merely wanting to hold on to something from the past. Most of the time "conservatism" is used to refer to rather trivial and stupid things. In any event, a year after Gehlen's book was published our journal Criticon was started. The first issue was devoted to Gehlen and his ideas.

And then there was the "War Generation." I am not referring here to the "Old Nazis," but rather to a second generation that no longer believed in the early romantic notion of revolutionary National Socialism. By 1942, the "Old Nazis" were effectively all gone. In Berlin, by then, all of the government posts were in the hands of young technocrats: the "second generation" of National Socialists. They were not interested in the stories of the Party's struggle for power, or in the fight against Communism.

And this generation — members of which I met in 1942 in the government ministries in Berlin — were in their 30s. A good example of this type is Helmut Schmidt, who eventually became leader of the Social Democratic party, and then Chancellor. He is very typical of this generation that had conducted the war: in the later war years, they played a major role in the government agencies and in the [National Socialist] party organizations. They were very much a group of "survivors."

Q: So they were the first "new" class?

M: Yes. This first "new class" — most of whom came of age in the 1940s — accepted the ideology of the Western allies because they told themselves, and others: "We lost the war, now at least we must win the peace." I worked for 24 years at the Siemens corporation with people of this type. I tried to encourage them to fight against government regimentation. But they replied, "you can do that, you are Swiss. We, though, have to trust the system, to appreciate the possibilities of life within this economy and society."

They didn't have to develop a liberal or free market economy, of course, because Hitler was intelligent enough not to socialize or nationalize the economy. He had said, "I will socialize the hearts, but not the factory." And the members of this "new generation" felt that there was no time to dwell on being individualist: "We must work. We lost the war, at least we must win this struggle."

They are completely different from their sons and daughters! This next generation, which is now between 40 and 60, you could call them the "unemployed" generation: too young to serve in the army of Hitler and too old to serve in the army of Bonn. Well educated, they sought only to work in a liberal, industrial society, vacationing in Tuscany. They've wanted money for themselves, not accepting any social responsibilities. They wouldn't think of sacrificing their blood in wars decided by Americans or Russians. In their youth they were Maoists, but not seriously so; after all, they want to live comfortably. They didn't want to work hard like the Asians. Disdaining such a goal, they declared, "Our fathers and mothers had to work too much." They wanted an easier life, and they succeeded. The money was there, and the larger political questions were settled for them by the Americans. So these were the "volunteer helpers" — the "Hiwis" or Hilfswilligen — of the Americans.

The young socialists of this generation rejected the idea of national and social responsibility. It regarded the notion that men must work, and that one must help others, as a secondary and not very important idea of old people. These are the sons and the daughters of the people of my generation, too. This is largely a destroyed or wasted generation.

I admire the "war generation" very much because they had a sense of responsibility, and furthermore, they didn't lie. They did not mouth the trivial and hackneyed old political slogans of liberalism; they were too serious to do this. They knew in their hearts that this paradise of the Bundesrepublik [German federal republic] would not be viable.

But now we have a generation in power that is not capable of conducting serious politics. They are not willing to fight, when necessary, for principles. Typically, they think only about having good times in Italy or the Caribbean. As long as the generation between the ages of 40 and 60 remains in power, there will be bad times for Germany.

The generation that is coming into its own now is better because they are the sons and the daughters of the permissive society. They know that money is not everything, that money does not represent real security. And they have ideas. Let me give my description of this generation.

For 20 years people like me were on the sidelines and barely noticed. But for the past six or seven years, the young people have been coming to me! They want to meet and talk with the "Old Man," they prefer me to their fathers, whom they regard as too soft and lacking in principles. For more than a hundred years, the province of Saxony — located in the postwar era in the Communist "German Democratic Republic" — produced Germany's best workers. Since 1945, though, they have been lost. The situation is a little bit like Ireland. Just as, it is said, the best of the Irish emigrated to the United States, so did the best people in the GDR emigrate to western Germany. After 1945, the GDR lost three million people. With few exceptions, they were the most capable and ambitious. This did not include the painters of Saxony, who are far better than their western German counterparts. (Fine art is one of my special pleasures.) Moreover, many of the best who remained took positions in the Stasi [the secret police of the former GDR]. That's because the Stasi provided opportunities for those who didn't want to migrate to western Germany to do something professionally challenging. In a dictatorship, a rule to remember is that you must go to the center of power.

Recently, in an interview with the German paper Junge Freiheit, I said that trials of former Stasi officials are stupid, and that there should be a general amnesty for all former Stasi workers. You must build with the best and most talented people of the other side — the survivors of the old regime — and not with these stupid artists, police and ideologues.

Q: Are there any viable expressions of the "conservative revolution" in German politics today?

M: You know, I'm a friend of Franz Schönhuber [the leader of the Republikaner party], and I like him very much. We were friends when he was still a leftist. He has a typical Bavarian temperament, with its good and bad sides. And he says, "you know, it's too late for me. I should have begun ten years earlier." He is a good fellow, but I don't know if he is has the talents required of an effective opposition political leader. Furthermore, he has a major fault. Hitler had a remarkable gift for choosing capable men who could work diligently for him. Organization, speeches — whatever was needed, they could carry it out. In Schönhuber's case, however, he finds it virtually impossible to delegate anything. He does not know how to assess talent and find good staff people.

Thus, the Republikaner party exists almost by accident, and because there is so much protest sentiment in the country. Schönhuber's most outstanding talent is his ability to speak extemporaneously. His speeches are powerful, and he can generate a great deal of response. Yet, he simply doesn't know how to organize, and is always fearful of being deposed within his party. Another major weakness is his age: he is now 70.

Q: What do you think of Rolf Schlierer, the 40-year-old heir apparent of Schönhuber?

M: Yes, he's clever. He clearly understands something about politics, but he can't speak to the people, the constituents of this party. He is too intellectual in his approach and in his speeches. He often refers to Hegel, for example. In practical political terms, the time of theorists has gone. And he is seen to be a bit of a dandy. These are not the qualities required of the leader of a populist party.

Ironically, many of the new people active in local East German politics have gone over to the Republikaner because people in the former GDR tend to be more nationalistic than the West Germans.

Q: What about Europe's future and role of Germany?

M: I don't think that the two generations I have been describing are clever enough to be a match for the French and English, who play their game against Germany. While I like Kohl, and I credit him for bringing about German unification, what I think he wants most sincerely is Germany in Europe, not a German nation. His education has done its work with him. I fear that the Europe that is being constructed will be governed by the French, and that they will dominate the Germans. The English will side with the French, who are politically astute.

Q: That is the opposite of the perception in America, where much concern is expressed about German domination of Europe. And yet you think that the French and the English will predominate?

M: Thus far, they have not. Kohl hopes, of course, that he can keep power by being the best possible ally of America; but that is not enough.

Q: Do you think that the influence of America on German identity is still important, or is it diminishing?

M: Yes, it is still important, both directly, and indirectly through the process of "re-education," which has formed the Germans more than I had feared. Where have the special German qualities gone? The current generation in power wants to be, to borrow an English expression, "everybody's darling;" particularly to be the darling of America.

Those of the upcoming generation don't like their parents, whom they see as soft and lacking in dignity. In general, I think that younger Germans are not against Americans personally. They will be better off with Americans than with the English or French. In this I am not as anti-American as Alain de Benoist. The "American way of life" is now a part of us. And for this we have only ourselves to blame.

For my own part, I see a great affinity between Germany and America. When I was visiting a family in Chicago a few years ago, I felt right at home, even if it was a patrician family, and I am from the lower middle class. I felt something. For example, if I were to have an accident, I would prefer that it occur on the streets of Chicago rather than in Paris or London. I think that Americans would be more ready to help me than people in France or England.

During my travels in the United States, I encountered many taxi drivers, who were very friendly if they had an idea that I was from Germany. But when I would tell them that I am Swiss, they didn't respond in this positive way. In the case of Black taxi drivers, there is always the same scenario when they converse with Germans. They say, "you treated us as human beings when we were there."

Some would talk about those death camps on the Rhine for German prisoners run by Eisenhower, where American soldiers had orders not to give water or food to the Germans. 13 (You know, Eisenhower ordered that those who gave food or water to the Germans in those camps would be punished.) Blacks gave them water, though, and that had a great impression on them. To German soldiers they said: "We are in the same situation as you."

Q: You are saying that there is a camaraderie among victims?

M: Yes.

Q: How is it possible to throw off this domination, this cultural occupation, as it were?

M: I had the idea that we must have emigration — as the Irish have had — to make Germans more spontaneous. I have written on three different occasions about Ireland in Criticon.

It was not fair of me to judge Ireland during that first visit, because I did not know the country's history. Then I dug into the subject, and especially the 800-year struggle of the Irish against the English. I relied on the best study available, written by a German Jew, Moritz Julius Bonn. An archivist at the University of Dublin had given Bonn access to all the documents about the English colonization of Ireland.

In my second Criticon article I boosted Ireland as an example for the Germans of how to fight for their independence. I said that it was a war of 800 years against the English. At last they won. And the English genocide was a real genocide.

During my first visit to Ireland, I felt that there was something really different, compared to Germany. Last year, after two decades, I returned to Ireland. Writing about that trip, I concluded that I had been deceived earlier, because Ireland has changed. Europe has been a very bad influence. Every Irishman, when he saw that I was from Germany, asked me, "Do you vote for Maastricht?" [referring to the treaty of European unification]. When I replied that the German people are not allowed to vote on this matter, they seemed pleased. And to me, the Irish now seem very demoralized. Twenty years ago, when I arrived in a little Irish town in Castlebar, it was a quiet little town with one factory and some cars, some carts and horses. Now, all the streets were full of cars, one after the other. "Is there a convention in town," I asked. "No, no, it's normal." I then asked, "Are these cars paid for?" "Ah, no," was the answer I received.

Every person can have three days off a week, and then it's Dole Day on Tuesday. Their mountains are full of sheep. They don't need stables for them, because it's not necessary. The owners are paid a sum of money from the European Union for each sheep. Their entire heroic history is gone! It's like the cargo cult [in backwoods New Guinea]. For the Irish, the next generation will be a catastrophe. 14

Q: Returning to an earlier question: what does the future hold for German-American relations?

M: On one occasion when I was in America doing research on the Technocracy movement, I recall being the guest of honor at a conference table. At my side was a nationally prominent American scientist who was also a professor at a west coast university. Also with us was an internationally prominent Jew, a grey eminence in armaments who had an enormous influence. He was treated like a king by the president of the university. And at the other end of the table I sat next to this west coast professor, who told me that he didn't like the cosmopolitan flair of the East Coast. "You should come to western America," he said to me. "There you will not always hear stupid things about Germany." And he added that in his profession — he works in the forests and woods — are people who are friends of Germany. So I remember this fraternization between a visitor from Germany and someone from the American west coast.

Q: Are you suggesting that if it were not for the influence of certain powerful academic or political elites, there would be greater recognition of the compatibility of German and American values?

M: You see, this difficult relationship between Germans and Jews has had an enormous influence on public opinion in America. Jews would be stupid not to take advantage of this situation while they can, because I think Jewish influence in America is somewhat diminishing. Even with all the Holocaust museums and such, their position is becoming ever more difficult. This is partly due to the "multicultural" movement in the United States. Actually, the Germans and the Jews are a bit alike: when they are in power, they over-do it! New leaders in each group seem recognize that this is dangerous.

Dr. Mohler also spoke about the Historkerstreit ["Historians' dispute"], which he sees as a critical milestone on the road of enabling Germans to consider their own identity in a positive way. (For more on this, see Prof. Warren's interview with Dr. Ernst Nolte in the Journal, Jan.–Feb. 1994, and the review by M. Weber of Nolte's most recent book in the same issue.)

He expressed the view that many European leaders — particularly those in France and Britain — welcome an American President like Bill Clinton who does not seem expert at foreign policy matters.

With regard to developments in Germany, Mohler explained that he speaks as both an outsider and an insider, or as one who is "between stools" — that is, born and raised in Switzerland, but a resident of Germany for most of his adult life.

"With the Germans," he said, "you never know exactly what they will do the next day. You may become so involved in what is true at the moment that one thinks things will last for an eternity. People thought this about [Foreign Minister] Genscher." 15 In a closing comment, Dr. Mohler declared with wry humor: "In politics everything can change and the personalities of the moment may easily be forgotten."

Notes

  1. Mohler's most important work, Die Konservative Revolution in Deutschland 1918–1932, was first published in 1950 in Stuttgart by Friedrich Vorwerk Verlag. Second and third editions were published in Darmstadt. The revised, third edition was published in Darmstadt in 1989 in two volumes (715 pages), with a new supplement.
  2. See, for example: Ezra Pound, Impact: Essays on Ignorance and the Decline of American Civilization (Chicago: H. Regnery, 1960); Thorstein Veblen, The Theory of the Leisure Class (1899).
  3. Quote from Milan Kundera, "A Kidnapped West of Culture Bows Out," Granta, 11 (1984), p. 99. In his influential book Mitteleuropa, first published in 1915, Friedrich Naumann popularized the concept of a central European community of nations, dominated by Germany, that would be independent of Russian or British hegemony. Naumann, a liberal German politician and Lutheran theologian, sought to win working class support for a program combining Christian socialism and a strong central state.
  4. As one German intellectual puts it, "The renaissance of Mitteleuropa is first of all a protest against the division of the continent, against the hegemony of the Americans and the Russians, against the totalitarianism of the ideologies." Peter Bender, "Mitteleuropa — Mode, Modell oder Motiv?," Die Neue Gesellschaft/ Frankfurter Hefte, 34 (April 1987), p. 297.
  5. For a comprehensive discussion of the recent controversy over Mitteleuropa, See Hans-Georg Betz, "Mitteleuropa and Post-Modern European Identity," in The New German Critique, Spring/Summer 1990, Issue No. 50, pp. 173–192.
  6. Mohler, Die Konservative Revolution (third edition, Darmstadt, 1989), p. 13.
  7. Die Konservative Revolution (third edition), p. 6.
  8. Die fünfte Republik: Was steht hinter de Gaulle? (Munich: Piper, 1963).
  9. The movement known as Technocracy began in the United States and was especially active during the 1930s. It focused on technological innovation as the basis for social organization. Among other things, Technocracy held that major social-economic issues are too complicated to be understood and managed by politicians. Instead, society should be guided by trained specialists, especially engineers and scientists. While rejecting the Marxist theory of "class struggle,' it sought to create unity among workers, notably in the industrial heartland of the United States. Much of the popularity of Technocracy derived from widespread disgust with the obvious failure of the social-political order in the international economic crisis known as the Great Depression (approximately 1930–1940). See: Armin Mohler, "Howard Scott und die 'Technocracy': Zur Geschichte der technokratischen Bewegung, II," Standorte Im Zeitstrom (Athenaum Verlag, 1974).
  10. Vergangenheitsbewältigung, first edition: Seewald, 1968; second, revised edition: Krefeld: Sinus, 1968; third edition, Sinus, 1980. Mohler dedicated this book to Hellmut Diwald. See: "Hellmut Diwald, German Professor," The Journal of Historical Review, Nov.–Dec. 1993, pp. 16–17.
  11. Caspar von Schrenck-Notzing and Armin Mohler, Deutsche Identität. Krefeld: Sinus-Verlag, 1982. This book offers views of several leading figures in the movement to restore German national identity. See also von Schrenck-Notzing's book, Charakterwäsche: Die Politik der amerikanischen Umerziehung in Deutschland ("Character Laundering: The Politics of the American Re-education in Germany"). This book, first published in 1965, was reissued in 1993 in a 336-page edition.
  12. Armin Mohler, Der Nasenring: Im Dickicht der Vergangenheits bewältigung (Essen: Heitz & Höffkes, 1989). Revised and expanded edition published in 1991 by Verlag Langen Müller (Munich).
  13. Arnold Gehlen, Moral and Hypermoral. Frankfurt: Athenäum Verlag, 1969.
  14. See: James Bacque, Other Losses (Prima, 1991).
  15. Mohler recounted an anecdote about a German company that considered building a factory in Ireland. As the chief of the Irish branch of this company explained, "I can't run a factory with people about whom I can't be sure if they will arrive at 8:00 in the morning or 11:00 in the morning or if they arrive at all."
  16. The fall from power of Hans-Dietrich Genscher came suddenly and precipitously in the wake of the unification of the two German states in 1989. Mohler alludes here to suspicions that a number of West German Social Democratic party leaders may have been clandestine East Germany agents, whose national allegiance may have been mixed with some loyalty to international Marxism.






About the Author

Ian B. Warren is the pen name of Donald Warren, who for years was an associate professor of sociology at Oakland University in Rochester, Michigan, where he was also chairman of the university's department of sociology and anthropology. He received a doctorate in sociology from the University of Michigan. Among his writings were two books, The Radical Center: Middle Americans and the Politics of Alienation, published in 1976, and Radio Priest: Charles Coughlin, the Father of Hate Radio (1996). He died in May 1997, at the age of 61.

dimanche, 15 avril 2012

Laurent Ozon sur Tariq Ramadan et Alain Finkelkraut

 

Laurent Ozon sur Tariq Ramadan et Alain Finkelkraut

vendredi, 13 avril 2012

Intervista al Dr. Viaceslav Chirikba, Ministro degli Affari Esteri della Repubblica di Abkhazia

invIntervista al Dr. Viaceslav Chirikba, Ministro degli Affari Esteri della Repubblica di Abkhazia

Intervista al Dr. Viaceslav Chirikba,  Ministro degli Affari Esteri della Repubblica di Abkhazia

A cura di Filippo Pederzini

Ex: http://www.eurasia-rivista.org/

“Nella sostanza come secondo previsione l’incontro tra noi e i georgiani si è risolto con un nulla di fatto. Nella pratica però qualcosa abbiamo ottenuto, poco ma ugualmente importante: a livello internazionale si continua a parlare di Abkhazia, l’attenzione nei nostri confronti è elevata e questo oggi è fondamentale”. Nessun giro di parole, va subito al sodo il Dr. Viaceslav Chirikba, Ministro degli Esteri della Repubblica di Abkhazia, il 27-28 marzo scorsi protagonista a Ginevra, presso le Nazioni Unite per un nuovo incontro con i rappresentanti della Georgia riguardo l’indipendenza del suo Paese (indipendenza che i georgiani continuano a negare), mentre il 30 marzo e il 3 aprile è stato a Roma, per presentare il paese di cui è rappresentante agli organi di informazione italiani.

Il nuovo ‘round’ ha visto di fronte nuovamente abkhazi e russi da una parte e georgiani e statunitensi dall’altra. Sul piatto, il riconoscimento all’indipendenza dello stato caucasico che si affaccia sul Mar Nero, che di fatto lo è – dal momento della sua auto proclamazione risalente al 1992, e ribadita per altro nel 2008, dopo il tentativo di aggressione georgiana, sventata celermente dall’intervento russo, col conseguente riconoscimento di Russia, Venezuela, Nicaragua, Nauru, Vanuatu e Tovalu – nonostante l’ambigua posizione di Nazioni Unite ed Unione Europea. Nei panni queste ultime, ancora una volta e per chissà quanto tempo, di un arbitro sulla cui imparzialità si potrebbe discutere, considerando la propensione – è avvenuto in più di un’occasione – alla politica dei due pesi e delle due misure. È stato così per il Kosovo dal riconoscimento ‘indispensabile’, lo è oggi per quei territori definiti a status conteso come appunto l’Abkhazia, l’Ossezia del Sud, il Nagorno Karabagh, la Transnistria, sui quali si preferisce diplomaticamente sottrarsi alla considerazione della realtà attuale, o rimandare eventualmente il tutto a data da destinarsi. Senza dimenticare poi, utile ricordarlo, che nel caso specifico dell’Abkhazia ogni volta in cui sono in programma incontri presso le Nazioni Unite i georgiani non mancano mai di avanzare la richiesta di evitare di invitare al tavolo delle trattative i rappresentanti abkhazi.

Innanzitutto, signor Ministro, la ringraziamo per averci concesso questa intervista. È stato così anche questa volta, i georgiani non vi volevano come controparte? Quale è stato l’esito dei colloqui di Ginevra?

Negli incontri del 27-28 marzo con la Georgia, avvenuti alla presenza di Stati Uniti, Russia ed Unione Europea, non si è giunti ad alcuna soluzione. Con i Georgiani non siamo riusciti assolutamente a dialogare. L’impedimento è sorto anche dalla presenza a Ginevra dei rappresentanti dei Paesi Baltici e della Polonia che hanno esercitato una sorta di ostruzionismo nei nostri confronti come sempre. È noto che questi Paesi hanno sostituito l’anticomunismo con la russofobia, e tutto ciò come nel nostro caso rappresenta amicizia e rapporti di buon vicinato con la Russia, si trasforma in blocco, a prescindere dai contenuti. Come già le volte precedenti tengo a ribadire che è molto difficile arrivare ad un tipo di risoluzione che vada incontro alle esigenze di entrambi. Le posizioni sono diametralmente opposte. C’è comunque da parte dei georgiani ancora oggi, nonostante la figura del presidente georgiano si stia incrinando sempre di più anche in merito a questa vicenda, nessuna volontà di riconoscere l’indipendenza del nostro paese. Siamo due realtà completamente differenti. Questo però non esclude di istaurare, e ci stiamo impegnando ormai da anni a tal senso, un dialogo costruttivo finalizzato al riconoscimento dell’indipendenza dell’Abkhazia. Passo a cui seguirebbe una ripresa dei rapporti tra i due stati e di conseguenza alla riapertura del confine. Non siamo noi però a non volere il dialogo con i georgiani, tengo a sottolineare, ma loro, fermi su posizioni assolutamente controproducenti e condizionati da terzi.

Ma quali sono oggi appunto, le posizioni georgiane in merito alla vicenda abkhaza?

In primo luogo l’irrinunciabilità e la rivendicazione dell’intero territorio abkhazo, come parte integrante dello stato georgiano. Sono forti di questa posizione, sostenuta per altro dagli Stati Uniti, grazie al mancato riconoscimento dell’indipendenza dell’Abkhazia sia parte delle Nazioni Unite, come della stessa Unione Europea. La Georgia come ribadito in passato l’unica concessione che sarebbe eventualmente disposta a fare sarebbe quella di una sorta di autonomia culturale dell’Abkhazia. Una formalità semplicemente irrisoria priva di valore; molto meno di quanto è concesso per fare un paragone, dallo stato italiano, alle provincie autonome di Trento e Bolzano. Il sostegno degli Stati Uniti alla Georgia fa sì poi che molti paesi a livello internazionale evitando di analizzare ed approfondire le questioni inerenti alla situazione abkhaza, si allineano su posizioni filo georgiane. Posizione per altro che trovano schierati anche tanti media occidentali: nel 2008 ad esempio alla stregua degli osseti del sud siamo finiti da ‘aggrediti’ ad aggressori, quando è vero l’esatto contrario. Nemmeno il web a tal senso ci viene incontro. Nonostante l’impegno profuso da parte nostra, dei russi e di altri che contribuiscono alla circolazione di notizie vere relative alla realtà abkhaza, come pure l’attività condotta da Mauro Murgia e recentemente la rivista Eurasia, che intervistandolo ha fatto sì che si parlasse di Abkhazia in un trimestrale di studi geopolitici così autorevole e soprattutto degli abkhazi, molte informazioni veicolate su internet non solo non sono veritiere, ma rasentano il falso. Su wikipedia la libera enciclopedia multimediale ad esempio è riportato che l’indipendenza dell’Abkhazia va contro il diritto internazionale. Curioso vero? E quella del Kosovo, senza aver nulla contro i kosovari sia chiaro, invece no? È stato smembrato uno stato, la culla della Serbia, oltretutto per crearne uno, privo di radici storiche, culturali, senza tradizione alcuna, che non ha avuto particolari difficoltà ad essere riconosciuto dalla comunità internazionale…

L’indipendenza del Kosovo però, non avrebbe potuto costituire un precedente su cui fare leva, in sede delle Nazioni Unite?

Diciamo che non ci siamo mai fatti illusioni: nei nostri confronti, ci si è mossi e questo appare abbastanza evidente oggi, quasi esclusivamente in funzione antirussa. Come antirussa, col beneplacito dell’occidente continua ad essere la politica estera georgiana: l’ultima novità giusto perché gli esempi non mancano mai e sono sempre di varia natura è che a maggio prossimo la Georgia inaugurerà un monumento sul confine della Circassia a ricordo dei circassi che hanno resistito all’occupazione sovietica. Come la si vuol definire questo tipo di azione? Sono pronto a scommettere che non mancherà di trovare spazio su qualche organo di informazione europeo o statunitense di rilievo, con ovviamente il giusto risalto. Non trova però spazio se non in termini a noi avversi la nostra vicenda. Tornando al Kosovo e scusandomi per questa parentesi, tengo però a chiarire una cosa: rispetto alla ‘neo nazione europea’, l’Abkhazia, oltre a vantare due millenni di storia ha sempre goduto di uno statuto speciale già dai tempi dello Zar, rinnovato anche nel 1931 quando è entrata a far parte dell’Unione Sovietica (solo l’avvento di Stalin ha cambiato le cose: con la deportazione di migliaia di abkhazi e l’accorpamento del territorio alla Georgia). Se non altro storicamente e a livello di diritto internazionale qualche ragione in più pensiamo di averla e cerchiamo di farla valere. Già il fatto comunque che oggi, lo ribadisco si parli di Abkhazia a Ginevra, presso le Nazioni Unite, come è avvenuto a Roma nei giorni scorsi è un importante passo in avanti.

Queste resistenze a livello internazionale nei vostri confronti, paiono celare però anche altri argomenti al momento sottaciuti, sia dalla Georgia che dal loro primo sponsor, gli Stati Uniti. Ecco, non è che ci siano ragioni di natura economica alla base della ferma volontà di non riconoscere la vostra indipendenza, da parte dei georgiani come dei loro ‘alleati’?

Posso risponderle che l’Abkhazia oggi è tra i primi paesi al mondo per l’elevata quantità in suo possesso e qualità, di acqua dolce. Difficile pensarlo per uno stato di così piccole dimensioni, ma è così. Lo sfruttamento di questa ricchezza naturale, senza inquinamento alcuno ci permette di produrre energia di tipo idroelettrico in abbondanza. A parte quella utile al fabbisogno del nostro paese, il resto lo vendiamo alla Russia: una quantità tale che permette di soddisfare le esigenze di una larga fetta del territorio russo meridionale. È chiaro dunque che una risorsa naturale come l’acqua, guardando anche alle condizioni in cui cominciano a versare molti paesi causa siccità, mutamenti atmosferici e altro e per usare la nota frase “Che la prossima guerra si combatterà per l’acqua”, già adesso si rileva oltre che importante per la sopravvivenza, strategica per i paesi che ne possiedono in grandi quantità. Ma non è l’unico fattore. Ci sono ben altre risorse naturali su cui si concentra l’attenzione. A poche miglia nautiche dalla costa, in acque territoriali abkhaze a tutti gli effetti sono stati individuati nel sottosuolo marino enormi giacimenti di gas naturale e di petrolio. Sgombrando il campo da ogni sorta di equivoco e cioè che sono dell’Abkhazia e del suo popolo, il Governo non è attualmente e non lo sarà nemmeno in futuro interessato a sfruttare questo tipo di risorse. Puntiamo per altro invece ad uno sfruttamento maggiore dell’acqua come delle tante bellezze naturali di cui è ricco il paese. Il mare, i laghi, le montagne i parchi. Il fatto che ora già oltre 2 milioni di russi ogni anno trascorrono le vacanze presso di noi, indica che la via che siamo intenzionati a percorrere è quella dello sviluppo turistico, prima che industriale, dato che il territorio va preservato. Le Olimpiadi Invernali di Soci nel 2014 rappresentano anche per noi una seria e concreta opportunità di crescita. Molto a livello di riqualificazione e valorizzazione si sta già facendo, ma tanto ancora ci sarà da fare soprattutto a livello infrastrutturale. Per questo ci rivolgiamo agli investitori stranieri, italiani compresi, offrendo loro un regime fiscale molto agevolato per imprendere in Abkhazia.

Diceva dei russi. Che rapporto c’è attualmente con loro, al di là del fatto che molti media occidentali parlano espressamente di sudditanza?

Con l’avvento di Vladimir Putin, il rapporto è stato fin da subito costruttivo e di estrema collaborazione. Sono lontani ormai i tempi di Eltsin quando le relazioni con la Russia erano ridotte al lumicino. Basti pensare che dal suo primo insediamento al Cremlino Putin ha iniziato a guardare all’Abkhazia con occhi diversi. O meglio ha capito subito e trasmesso che il nostro stato non è parte integrante della Georgia, ma indipendente e come tale deve avere vita propria. La Federazione Russa inoltre dopo la crisi diplomatica coi georgiani non ha esitato solo un attimo a riconoscerci, contribuendo ad elevarci a nazione tra le nazioni. È venuta incontro alle esigenze della popolazione, in primo luogo mediante la concessione del passaporto russo, che consente ai cittadini abkhazi la libera circolazione al di fuori dei confini del proprio Stato, come avviene per i cittadini delle altre nazioni. Gli Abkhazi possono entrare liberamente nel territorio russo, così come in tutti quei Paesi che hanno riconosciuto l’Abkhazia. Non va dimenticato poi il sostegno in termini economici sociali e tecnici offerto dalla Federazione Russa all’Abkhazia, teso allo sviluppo dello Stato, come pure quello militare. Come potrebbe fare altrimenti la nazione abkhaza a difendere e monitorare le proprie acque territoriali, in mancanza di una marina propria? Non è passato molto tempo, è utile ricordarlo, da quando unità navali georgiane si frapponevano e bloccavano tutte le imbarcazioni che volevano approdare nei nostri porti, arrestandone addirittura gli equipaggi. Inoltre è sicuramente meglio che siano le unità russe a controllare il confine con la Georgia, al fine di evitare ulteriori tensioni. Soprattutto il supporto offertoci dalla Federazione Russa ha contribuito a far parlare gli abkhazi del loro paese e non altri, come purtroppo continua in larga parte ad avvenire.

Da ultimo, che bilancio trae da questa sua visita in Italia?

Mi sento di dire che si è trattato di un viaggio, il primo nel vostro paese, di assoluta importanza e che ha determinato un passo anche seppur piccolo, in avanti con l’Unione Europea. Sta passando, in Europa, la giusta logica del ‘Fare parlare l’Abkhazia’, iniziando ad emarginare il cosiddetto ‘Parlare dell’Abkhazia’, senza minimamente conoscere il Paese e più in generale i problemi del Caucaso. A Pesaro, San Marino e Roma, gli incontri effettuati, sia politici che economici, sono stati seguiti con estrema attenzione da molti soprattutto esponenti del mondo economico. A Roma poi in particolar modo: in occasione della conferenza presso la stampa estera con i giornalisti italiani e quando, accompagnato dal Senatore del Partito Radicale Marco Perduca, ho incontrato privatamente il Senatore Lamberto Dini, presidente della Commissione Esteri del Senato. Il piacere dell’affermazione da lui pronunciata, “L’Abkhazia ha diritto alla sua autodeterminazione, senza se e senza ma”, dimostra che il nostro lavoro inizia a dare frutti concreti, impensabili ed impossibili solo poco tempo fa.

mercredi, 04 avril 2012

Réponses de Robert Steuckers à la Table Ronde, “Quel avenir pour les peuples d’Europe?”

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Réponses de Robert Steuckers à la Table Ronde, “Quel avenir pour les peuples d’Europe?” au colloque du Château Coloma, 3 mars 2012

Q.: Quelles réactions positives voyez-vous aujourd’hui parmi les peuples européens?

RS: Des réactions positives? Je n’en vois pas beaucoup. J’en retiens deux, marginales sur le plan géographique mais significatives, et, mutatis mutandis, dignes d’être imitées: la mobilisation populaire en Islande et la colère de la foule en Grèce. Il y a d’abord la réaction islandaise, celle de ce petit peuple insulaire de 350.000 habitants, qui a inventé une véritable représentation démocratique dès l’aube de son histoire et forgé la première littérature moderne et profane de notre continent. Dans ce pays, les responsables de la crise de 2008, les infects banksters qui ont commis l’acte abject et méprisable de spéculer, sont traduits en justice, de même que Haarde, le Premier Ministre qui a couvert leurs vilénies, tandis que notre “Commission Dexia” patine et qu’on ne verra pas de sitôt l’incarcération, pourtant dûment méritée, de Dehaene à Lantin ou à Jamioulx. En Islande, ses homologues ès-abjection sont derrière les barreaux ou devant les juges. Parallèlement à cette saine réaction, les Islandais ont refusé de rembourser les banques étrangères qui ont participé à la ruine de leur pays et se sont donné une constitution nouvelle où la spéculation est expressément décrite comme un délit et où tous les transferts de souveraineté sont d’emblée condamnés ou, éventuellement, soumis à référendum. Les Islandais ont fait montre de volonté politique: ils ont prouvé qu’un retour au politique était possible dans un monde occidental où règne la dictature subtile du “tout-économique”. Résultat: l’Islande connaît un redéploiement économique assez spectaculaire.

Dans le reste de l’Europe, c’est l’apathie.

En Grèce, nous avons vu, ces jours-ci, des émeutes plus violentes encore que celles qui ont secoué Athènes l’an passé. Le peuple refuse le diktat des banques, du FMI et de l’eurocratie. La RTBF comme la VRT ont interrogé des quidams dans la rue; trois de ceux-ci ont lancé: “C’est bientôt votre tour!”. C’est prophétique et réaliste tout à la fois. En effet, la faiblesse, la lâcheté et la veulerie du monde politique, qui n’ose faire cueillir les escrocs et les banquiers par la police dès potron-minet, en filmant la scène à titre de petite mise au pilori, ne peuvent avoir qu’une seule conséquence à moyen terme: la faillite totale de l’Etat et l’hellénisation/paupérisation de notre société. Malgré cette colère de la rue à Athènes, les Grecs, contrairement aux Islandais, ont dû accepter, tout comme les Italiens d’ailleurs, un gouvernement d’économistes, de banquiers, de technocrates qui n’ont aucun atome crochu avec la population et, forcément, aucune légitimité démocratique. La dictature a donc fait sa réapparition en Europe, non plus une dictature acclamative ou issue des urnes comme il y en a eu dans l’histoire récente de notre continent, mais une dictature sans acclamations populaires, sans légitimité électorale, qui s’apprête à ruiner toutes les familles grecques et italiennes. Mais où sont les protestataires anti-dictateurs, comme ceux qui s’agitaient contre Franco ou contre les Colonels grecs dans les années 60 et 70?

En France, les grandes leçons du gaullisme des années 60 sont bien oubliées. Aucune réaction saine n’est à attendre du sarközisme néo-libéral. En Espagne, le mouvement des indignés est certes fort sympathique, mais quelles seront ses suites? L’Espagne, vient de nous dire Jean David, compte aujourd’hui quatre millions de chômeurs, avec un nouveau gouvernement libéral, qui fera la politique du FMI, et préconisera des mesures anti-populaires comme le font déjà anticipativement, chez nous, un Decroo (le fils de son papa) ou un Reynders (qui, dit-on, brigue un haut poste à la BNP à Paris).

Le mouvement des indignés espagnols montre que toute contestation juvénile est désormais noyée dans ce que le regretté Philippe Muray nommait le “festivisme”. On transforme une protestation, dont les enjeux sont pourtant vitaux pour l’ensemble de la population, en un happening de style Woodstock, ce qui n’inquiète ni les banksters ni leurs serviteurs néo-libéraux. Le danger du “gauchisme”, comme on disait naguère, ne vient nullement de sa nature “contestataire”, antagoniste à l’égard des pouvoirs en place, mais de ses propensions au “festivisme”, tel qu’il a été défini par Muray. La culture festiviste, envahissante, tablant sur les émotions ou sur les désirs, tue de fait les réflexes politiques, basés sur le sérieux de l’existence, sur l’agonalité (Ernst Jünger, Armin Mohler) et sur la prise en compte, pessimiste et prévoyante, des risques et du pire (Clément Rosset). Les exemples abondent pour signaler le glissement des idées en apparence révolutionnaires de mai 68 dans la farce festiviste: l’itinéraire d’un Daniel Cohn-Bendit le prouve amplement, ce pseudo-révolutionnaire du Nanterre de 1968, qui avait mêlé verbiage pseudo-marxiste et obsessions sexuelles, est aujourd’hui un allié du néo-libéral thatchérien Guy Verhofstadt quand il s’agit, dans l’enceinte du Parlement européen, de vitupérer tout réflexe politique naturel, émanant du peuple réel; ou toute tentative de l’un ou l’autre ponte en place, comme Sarközy, d’utiliser un réflexe populaire naturel pour mener une politique quelconque, par pur calcul politicien et qui, si elle était réellement traduite dans la réalité, serait efficace ou écornerait les intérêts du banksterisme.

Le philosophe néerlandais Luk van Middelaar parlait, pour la France, d’une culture philosophique du “politicide”, qui s’est développée parallèlement à l’idéologie étatique rigide que la république a toujours tenté de faire triompher dans son propre pré carré. De Sartre aux contestataires de Mai 68, en passant par Michel Foucault ou par le néo-nietzschéanisme exigeant la libération joyeuse et immédiate des “machines à désirer”, par le nouveau néokantisme post-marxisant qui découvrait subitement l’horreur du goulag chez ses anciens alliés soviétiques dans les années 70 ou par l’hypermoralisme hystérique des médias dominants ou par la promotion médiatique d’une “république compassionnelle”, les intellectuels français ont perpétré en permanence un “assassinat du politique” qui ne peut mener qu’à une impasse. Celle dans laquelle nous nous trouvons (Luk van Middelaar, Politicide – De moord op de politiek in de Franse filosofie, van Gennep, Amsterdam, 1999).

Il faut par conséquent une bataille métapolitique pour éradiquer les affres du festivisme et contrer les effets délétères de l’apathie en laquelle somnolent la plupart de nos concitoyens.

Q.: A quels dangers serait soumise une Europe redevenue “populiste” au sens positif du terme?

RS: Dresser la liste des dangers qui nous menacent risque d’être un exercice fort long. Si nous prenons la spéculation en cours contre l’euro, phénomène emblématique de l’absence de souveraineté et de vigueur politiques au sein de l’Europe eurocratique, nous constatons que toutes les spéculations hostiles à la monnaie commune européenne ont une origine outre-Atlantique, proviennent du secteur bancaire spéculatif américain. J’en conclus que la spéculation contre les Etats et les monnaies, dont l’Asie avait connu un précédent en 1997, est un mode (relativement) nouveau de guerre indirecte. Saddam Hussein voulait facturer son pétrole en euro. Ahmadinedjad a envisagé de le faire à son tour pour le pétrole et le gaz iraniens. Les puissances du BRIC (Russie, Chine, Inde, Brésil) emboîtent le pas. L’euro constituait donc le danger le plus grave pour les Etats-Unis à court et à moyen termes, car il était sur le point de détrôner le roi-dollar. L’Europe, puissance civile et pacifique (Zaki Laïdi), aurait, sans coup férir, damé le pion à l’hegemon Il fallait dès lors frapper cet instrument de souveraineté européenne à son “ventre mou” méditerranéen. Les pays méditerranéens, ceux du groupe PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne), sont effectivement les plus fragiles, les plus aisés à faire basculer pour entraîner un effet domino et affaiblir simultanément les pays économiquement plus forts de l’ancienne zone mark (oui, la Belgique est menacée, on le sait; l’Autriche a perdu un “A” et les Pays-Bas sont inquiets car ils connaissent leurs points faibles, leurs éventuels talons d’Achille). L’Allemagne est encore en mesure de résister vu ses accords gaziers avec la Russie et les marchés qu’elle développe à grande échelle en Chine. L’Allemagne demeure forte parce qu’elle est davantage liée aux puissances du groupe BRIC, parce qu’elle a misé subrepticement sur une carte eurasienne sans renier avec fracas son option atlantiste officielle. Les anciens chanceliers Schmidt et Schröder se sont hissés à la position “catéchonique” de garants de cet axe énergétique Berlin/Moscou, avatar actuel des accords Rathenau/Tchitchérine, signés à Rapallo en 1922.

Pour revenir à la Grèce, aujourd’hui ruinée, on évoque fort souvent l’insouciance du personnel politique grec, qui a pratiqué une politique démagogique où l’Etat-Providence était particulièrement généreux et peu regardant (plusieurs centaines d’aveugles disposent de leur permis de conduire...) ou le gouffre financier qu’a constitué l’organisation des jeux olympiques de 2004 mais on omet curieusement de mentionner le coût exorbitant qu’ont entraîné les incendies de forêts et de garrigues que le pays a subi deux années de suite. Le feu a ravagé les campagnes et s’est avancé jusque dans les banlieues des villes dans des proportions hors du commun. De même, la Russie de Poutine, récalcitrante face aux diktats du “nouvel ordre mondial”, a subi sur son territoire des incendies de grande envergure, inédits dans l’histoire.

Ces incendies sont-ils dû à des hasards naturels, un peu vite mis sur le compte de l’hypothétique “réchauffement climatique”? Ou bien sont-ils les effets d’une nouvelle forme de “guerre indirecte”? La question peut être posée.

De même, on parle, avec le projet HAARP, de l’éventualité de provoquer artificiellement des catastrophes sismiques ou autres. Le tsunami qui a réduit à néant le nucléaire japonais l’an passé (et conduira à court terme au démantèlement total du secteur nucléaire de l’Empire du Soleil Levant) ou les tempêtes extrêmement violentes que la France a subies il y a quelques années, immédiatement après l’enthousiasme soulevé par la possibilité d’un Axe Paris/Berlin/Moscou, sont-ils des hasards ou non? Telles sont des questions à étudier avec toute l’attention voulue, comme le fait “Kopp-Verlag” en Allemagne.

L’arme de la grève sauvage a été utilisée contre Chirac en 1995, après des essais nucléaires à Mururoa. On sait que certains syndicats français, noyautés par des éléments trotskistes ou lambertistes, pendants économico-sociaux des “nouveaux philosophes” agissant dans l’espace médiatique, sont soutenus par la CIA (ou l’ont été par l’ex-OSS quand il a fallu mettre les anciens alliés communistes échec et mat). La France vit en permanence sous l’épée de Damoclès d’une paralysie totale, qui pourrait être due, par exemple, à une grève des routiers, qui bloquerait toutes les routes de l’Hexagone et toutes les voies d’accès à celui-ci. Dans de telles conditions, pas besoin de révolution orange en France...

Reste effectivement le danger des “révolutions colorées”, à l’instar de celle qui a réussi en Géorgie en 2003 et a porté Sakashvili au pouvoir. L’instrument des révolutions colorées est désormais connu et ne fonctionne plus de manière optimale, en dépit d’un personnel très bien écolé, recruté au départ du mouvement serbe OTPOR. En Ukraine, les conséquences de la “révolution orange” de 2004, soit un rapprochement du pays avec les structures atlantistes et eurocratiques, sont annulées sous la pression du réel géographique. L’Ukraine est liée aux espaces déterminés par les grands fleuves (Dniestr, Dniepr, Don) et par la Mer Noire. Elle est aussi liée territorialement à l’espace russe du Nord. La dernière tentative de “révolution orange” en Russie cet hiver, pour faire tomber Poutine, s’est soldée par un échec: les sondages créditent le Premier Ministre russe de 66% des intentions de vote! Pire pour les “occidentistes”, la majorité absolue des voix va non seulement vers le mouvement de Poutine mais aussi, au-delà des deux tiers de votes que les sondages lui attribuent, à des formations politiques d’inspiration communiste ou nationale (Ziouganov et Jirinovski) et non pas vers les tenants d’une ré-occidentalisation de la Russie, avec son cortège de “Gay-Prides” festivistes, d’oligarques et de politiciens véreux et falots.

Les “printemps arabes”, autre manière de mobiliser les foules pour libérer les marchés potentiels —que constituent les Etats arabo-musulmans—  des structures étatiques traditionnelles et des corruptions claniques, ont fonctionné en Tunisie et, partiellement seulement, en Egypte. En Syrie, cela n’a pas marché et on prépare au pays d’El-Assad un avenir libyen...

Les pays européens sont finalement à ranger parmi les Etats de faible personnalité politique. Outre la spéculation contre l’euro, quel instrument garde-t-on au placard pour la faire fléchir si jamais il lui prenait de branler dans le manche? L’ambassadeur américain Jeremy Rivkin a été trop bavard: il a révélé la nature de l’instrument dont on ferait usage pour déstabiliser les sociétés des Européens de l’Ouest, si ceux-ci devenaient trop récalcitrants. On leur balancerait les déclassés des banlieues dans les pattes. Jeremy Rivkin évoque, sans circonlocutions inutiles, la possibilité de mobiliser les masses immigrées des banlieues pour faire tomber ou pour désarçonner un gouvernement rebelle, surtout en France. Sarkozy doit savoir mieux que personne qu’il a été porté au pouvoir suite aux émeutes des banlieues françaises de novembre 2005. Elles avaient servi à éliminer Chirac, adepte de l’Axe Paris/Berlin/Moscou. Elles pourraient tout aussi bien servir à le faire tomber, lui aussi, s’il ne reste pas sagement dans le sillage de l’hegemon américain et fidèle à son alliance privilégiée avec la Grande-Bretagne de Cameron. Faye avait prédit, à la grande fureur du président français actuel, que la France ne pourrait pas se payer indéfiniment des émeutes de banlieues, surtout si elles éclataient simultanément dans plusieurs grandes agglomérations de l’Hexagone, non plus seulement dans le fameux département n°93, près de Paris, mais aussi à Lyon, Marseille et Lille. Les réseaux salafistes, comme les réseaux lambertistes, sont prêts à faire le jeu de l’hegemon, au détriment des Etats-hôtes, a fortiori si l’Arabie Saoudite, matrice financière wahhabite des mouvements salafistes, est une alliée inconditionnelle de Washington.

La méfiance à l’égard de certains réseaux salafistes ne relève donc pas du “racisme” ou de l’“islamophobie”, comme le vocifèrent les médias aux ordres ou le pensent certains magistrats croupions, dont la corporation est dénoncée comme inculte, à l’instar de tous les juristes modernes sans culture générale, par François Ost, ancien recteur des Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles. Cette méfiance à l’égard des salafistes relève d’une simple analyse du terrain politique, où il faut établir l’inventaire des éléments en place: quelles sont les forces dangereuses qui pourraient, dans un avenir prévisible, disloquer la machine étatique, dont je suis citoyen, et plonger la société, en laquelle je vis, dans le chaos? Quelles sont les forces en présence dans ma société qui pourraient servir de levier, à toutes mauvaises fins utiles, à l’hegemon pour la déstabiliser ou l’affaiblir?

Q.: Quels sont les ennemis intérieurs et extérieurs des peuples européens dans le contexte actuel?

RS: Commençons par les ennemis extérieurs, les ennemis intérieurs n’étant que des instruments à leur service. L’ennemi extérieur est bien entendu l’hegemon qui refuse de nous élever à son rang, comme on le ferait en toute bonne logique avec des alliés fidèles à la façon romaine, et nous plonge en permanence dans l’assujetissement, brisant chaque fois, à l’aide d’instruments subtils propres aux nouvelles formes de guerre indirecte, tout nouvel élan économique ou politique de notre Europe. Cet hegemon est une thalassocratie, une puissance essentiellement maritime, une puissance qui domine les “res nullius” que sont les océans et l’espace circumterrestre, tout en imposant des règles internationales fluctuantes, chaque fois interprétées en sa faveur. Je veux bien évidemment parler des Etats-Unis d’Amérique, tels que les a décrits une figure comme Carl Schmitt. Ce n’est pas la place ici de rappeler les réflexions profondes et pertinentes que Carl Schmitt a émises sur la fabrication arbitraire et perfide de règles juridiques internationales floues et boiteuses car tributaires de l’esprit “wilsonien”, destinées à faire avancer les pions de l’impérialisme américain dans le monde ou sur le processus délétère de fluidification et de liquéfaction des certitudes et des traditions diplomatiques que ces règles perfides ont fait éclore. Plus accessibles me semblent les directives émises par un stratégiste américain, Nicholas J. Spykman, dans un bref vademecum en annexe de son ouvrage de 1942, America’s Strategy in World Politics.

Pour lui, l’Europe de son temps possède dix atouts qui la rendent supérieure aux Etats-Unis. Ces dix atouts, que j’énonce par ailleurs (cf. “Panorama théorique de la géopolitique”, in Orientations n°12, été 1990/hiver 1990-91), lui avaient été inspirés par un géopolitologue allemand de l’école de Haushofer, une certain Robert Strauss-Hupé, émigré aux Etats-Unis après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes parce qu’il avait quelque ascendance juive. Les atouts que doit avoir une superpuissance de l’acabit des Etats-Unis pour Spykman ou les atouts que possédait l’Europe sous hegemon germanique selon Strauss-Hupé sont notamment, je n’en cite ici que trois, l’excellence d’un système scolaire et universitaire, la cohésion ethnique et une économie plus ou moins autarcique (ou semi-autarcique auto-centrée comme le préciseront plus tard les Français François Perroux et André Grjébine) qui permet l’émergence et la consolidation d’un bloc économique concurrent des Etats-Unis et capable de conquérir et de conserver longtemps des marchés en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

Pour démolir l’enseignement, il y a eu mai 68, avec son cortège de nouvelles pédagogies abracadabrantes et son laxisme implicite, suivi d’une offensive, classée à “droite”, du néo-libéralisme qui a imposé des schémas pédagogiques visant l’acquisition facile de savoirs purement utilitaires au détriment des humanités traditionnelles, totalement battues en brèche. Une fois de plus, ici, le festivisme gauchiste à la sauce 68 n’a jamais cessé de marcher de concert avec le néo-libéralisme utilitariste pour ruiner les acquis de notre civilisation et que leur antagonisme fictif, souvent médiatisé pour faire croire à des alternances démocratiques, ne servait qu’à leurrer les masses. Pour briser la cohésion ethnique, on a d’abord coupé l’Europe occidentale de ses réservoirs habituels de main-d’oeuvre supplétive en Europe orientale, on a ensuite freiné tous les processus d’intégration et d’assimilation avec l’aide des réseaux wahhabite/salafiste inféodés à l’allié saoudien (qui promettait aussi un pétrole bon marché à condition que l’Europe s’ouvre à toutes les immigrations musulmanes); on s’apprête, avec l’ambassadeur Rivkin, à inciter les nouveaux banlieusards déboussolés, toutes couleurs et toutes confessions confondues, à bloquer le fonctionnement total de l’Etat et de la société en générant des troubles civils dans les grandes agglomérations; en Allemagne, Erdogan et Davutoglu menacent de faire jouer, au détriment de l’Etat allemand, les “sociétés parallèles” turques, étant bien entendu que le néo-libéralisme a eu pour effet de favoriser, de “booster”, toutes les ‘économies diasporiques”, dont les réseaux turcs, axés, dans un premier temps, sur le trafic de l’héroïne; enfin, la pratique permanente du “politicide”, surtout en France, ne permet aucune restauration du “politique”, au sens où l’entendait le regretté Julien Freund. Sans restauration du politique, nous risquons le déclin total et définitif.

On s’aperçoit clairement que l’hegemon, qui entend freiner tous nos élans, aligne tout un éventail d’alliés circonstantiels, qui ne sont en aucun cas l’ennemi principal mais bien plutôt les instruments de celui-ci. La rébellion turque, mise en exergue par les médias depuis le “clash” entre Erdogan et son homologue israélien à Davos et depuis l’affaire de la flotille humanitaire turque amenant des médicaments aux Palestiniens de Gaza, est un “show”, destiné à gruger les masses arabo-musulmanes. Outre cette mise en scène, la politique turque n’a guère changé à l’égard de son environnement, en dépit du discours néo-ottoman de Davutoglu qui évoque les notions de “zéro problème avec les voisins” et de solidarité musulmane. En Syrie, depuis août 2011, la Turquie est bel et bien alignée sur l’hegemon américain: Erdogan, Gül et Davutoglu ont tenté de faire fléchir El-Assad, en lui suggérant de prendre dans son gouvernement des ministres appartenant aux “Frères Musulmans” et de ne plus favoriser les Alaouites, adeptes d’un islam à fortes connotations chiites, et de renoncer à la laïcité de l’Etat, préconisée par l’idéologie baathiste qui refuse toute discrimination entre musulmans (sunnites, chiites, alaouites, druzes, etc.) ou à l’égard des chrétiens arabes/araméens. Le pari baathiste sur la laïcité de l’Etat syrien, sans violence institutionnelle aucune à l’égard des communautés réelles composant la population syrienne, est plus souple que ne le fut le kémalisme turc, avant son éviction par l’AKP d’Erdogan. Aujourd’hui, c’est par la Turquie (par l’Irak et la Jordanie) que transitent les armes pour les opposants syriens et pour les mercenaires “afghans” ou “libyens” qui affrontent l’armée loyaliste syrienne. Par railleurs, la géopolitique implicite de la Turquie n’est pas assimilable à une géopolitique européenne cohérente: les “directions” qu’entend prendre la géopolitique turque sous-jacente ne vont pas dans le même sens qu’une bonne géopolitique européenne qui serait enfin devenue générale et cohérente: la Turquie, par exemple, entend reprendre indirectement pied dans les Balkans, alors que ceux-ci devraient constituer exclusivement un tremplin européen vers la Méditerranée orientale et le Canal de Suez. Enfin, l’actuel territoire turc constitue une zone de transit pour une immigration proche-orientale, moyen-orientale et asiatique tentant de s’introduire dans l’espace Schengen. La Turquie, en dépit des subsides considérables qu’elle reçoit de l’Europe eurocratique, ne garde pas ses frontières et laisse passer vers l’Europe des centaines de milliers de futurs clandestins. La police et la flotte grecques sont débordées. Les finances de l’Etat grec ont été déstabilisées par ce combat à la Sisyphe, tout comme par les incendies de grande ampleur que la Grèce a subi ces derniers étés, et non pas tant, comme veulent le faire accroire les médias véhiculant le discours néo-libéral dominant, par la mauvaise gestion des budgets olympiques de 2004 et par quelques milliers de pauvres grecs véreux et madrés qui escroquaient leur système national de sécurité sociale. Pour endiguer ce gigantesque flot de réfugiés, pire que ceux de Lampedusa aux portes de la Sicile et de Fuerteventura dans les Canaries, l’eurocratie ne débloque qu’un très petit budget pour l’envoi de 200 malheureux gendarmes qui doivent surveiller une frontière qui va des rives pontiques de la Thrace à toutes les îles de l’Egée jusqu’à Rhodes et à toutes les parties de l’archipel du Dodécannèse. L’agence Frontex, chargée en théorie de verrouiller les frontières extérieures de l’espace Schengen pour éviter tous les déséquilibres qu’apporterait une immigration débridée, ne reçoit en réalité aucun appui sérieux et se révèle une “coquille vide”.

On sait que toutes les menées salafistes ou wahhabites sont en dernière instance téléguidées par le tandem américano-saoudien et s’avèrent idéales pour perpétrer des opérations de guerre indirecte, dites de “low intensity warfare”, ou des actions “fausse-bannière” (false flag operations). On tue un Pim Fortuyn non pas tant parce qu’il serait “islamophobe” mais parce qu’il souhaitait supprimer la participation néerlandaise aux opérations en Afghanistan. On recrute un tueur dans la diaspora marocaine de Molenbeek pour éliminer le Commandant Massoud afin que ce combattant efficace ne prenne pas le pouvoir suite à la chute des talibans, programmée par le Pentagone. On envoie un Jordanien fondamentaliste pour prendre la direction de la rébellion tchétchène sur le tracé d’un oléoduc qui pourrait amener le brut russe et kazakh en Mer Noire, etc. La Russie, fournisseur principal d’hydrocarbures à l’Europe, est fragilisée dans la Caucase du Nord par les fondamentalistes tchétchènes et daghestanais mais aussi et surtout, comme le signale l’observateur allemand Peter Scholl-Latour, par une intervention wahhabite potentielle (et donc indirectement américaine) dans deux républiques musulmanes de la Fédération de Russie, le Tatarstan et le Baschkirtostan. Si ces deux républiques basculent dans le désordre civil ou si des fondamentalistes y arrivent au pouvoir, le territoire de la Fédération de Russie serait littéralement coupé en deux à hauteur de l’Oural, extrême nord excepté, soit au-delà de la limite méridionale de la zone des toundras. L’Europe serait réduite à ce qu’elle était au début du 16ième siècle, avant le déferlement des troupes d’Ivan le Terrible et de Fiodor I au 16ème siècle qui, parties de la région de Moscou, conquièrent tout le cours de la Volga et déboulent à Astrakhan en 1556. Kazan, la capitale tatar, était tombée en 1552. Peter Scholl-Latour rappelle que les Tatars ne sont que fort rarement séduits par le “wahhabisme” saoudien ou par l’idéologie égyptienne des Frères Musulmans d’Hassan al-Banna et de Sayyid Qutb et leur préfèrent une sorte d’islam modernisé, compatible avec la modernité européenne et russe, que l’on appelle le “yadidisme” ou la “voie tatar”, dont le penseur est actuellement Rafael Chakimov. Ce dernier s’insurge contre les volontés wahhabites de vouloir à tout prix imiter les moeurs et coutumes de l’Arabie des 7ème et 8ème siécles. Les adeptes de Chakimov sont peut-être majoritaires aujourd’hui au Tatarstan mais ils avaient dû prendre en compte les menées de la mosquée “Yoldiz Madrassa”, dans la ville industrielle de Naberechnié Khelny, animée par des enseignants tous issus du monde arabe. Ils ont été expulsés parce que certains de leurs étudiants avaient rejoint les rebelles tchétchènes. L’avenir est ouvert sur les rives de la Kama, affluent de la Volga qui prend ses sources loin au nord, à la limite de la toundra circumarctique. L’hegemon mondial et ses alliés saoudiens pourraient y semer le trouble en luttant contre le “yadidisme” tatar ou en réactivant une forme ou une autre de pantouranisme (pour connaître la question dans tous ses détails et en dehors de toute polémique politique, cf. L’islam de Russie – Conscience communautaire et autonomie politique chez les Tatars de la Volga et de l’Oural depuis le XVIIIe siècle, sous la direction de Stéphane A. Dudoignon, Dämir Is’haqov et Räfyq Möhämmätshin, éd. Maisonneuve & Larose, Paris, 1997; Peter Scholl-Latour, Russland im Zangengriff – Putins Imperium zwischen Nato, China und Islam, Propyläen Verlag, Berlin, 2006).

Passons maintenant aux ennemis intérieurs: j’en citerai trois. D’abord le système bancaire, totalement parasitaire et instaurateur d’une véritable ploutocratie (mot que réhabilitent à Paris Pierre-André Taguieff et Jean-François Kahn), qui n’a plus rien, mais alors plus rien de démocratique. A ce système bancaire s’ajoute d’autres instances parasitaires comme les chaînes de supermarchés, qui spéculent sur les denrées alimentaires et sont responsables de leur cherté, plus élevée que dans les pays voisins; pour bon nombre de produits de première nécessité, les prix varient du simple au double entre notre pays et l’Allemagne, par exemple. Le secteur énergétique, entièrement aux mains de la France, nous oblige à payer un gaz et une électricité à des prix incroyablement exagérés: chaque ménage hexagonale ne paie que 62% de notre facture énergétique, ou, autres chiffres, si le ménage hexagonal paie 100%, nous payons 160,97%!! Les déséquilibres provoqués par le gigantisme de ces structures privées, semi-privées ou para-étatiques doivent être impérativement corrigés par des moyens adéquats, si nous ne voulons pas voir s’effondrer définitivement les structures les plus intimes de nos sociétés. Le second ennemi est l’idéologie néo-libérale et ses relais, dont le premier animateur fut, rappellons-le, l’ancien premier ministre Guy Verhofstadt, qui dirigea le gouvernement “arc-en-ciel”, mélange de néo-libéralisme et de gauchisme festiviste. Cette idéologie est un ennemi intérieur dangereux dans la mesure où elle étouffe, en se parant d’un masque “boniste”, toutes les possibilités d’une révolte constructive. Ensuite, pour épauler la ploutocratie et le néo-libéralisme, nous avons, troisième ennemi, les diasporas manipulables. Elles sont telles parce qu’on les déclare telles, par la bouche de l’ambassadeur Rivkin ou par la voix du tandem Erdogan/Davutoglu.

L’objectif est donc de juguler le développement exponentiel du secteur parasitaire/ploutocratique en lui imposant des limites et des contrôles, en le soumettant à une fiscalité juste (le “mulcto” ou “multo” de la  République romaine) et à des directives à soubassement éthique, qu’il ne pourrait transgresser sans commettre automatiquement un délit punissable. Le néo-libéralisme et tout le cortège de  ses dérivés doit être perçu comme une idéologie “politicide”  et dès  lors dangereuse pour la sûreté de l’Etat et de l’Europe tout entière. Quant aux diasporas manipulables, elles sont, surtout depuis les menaces d’Erdogan et de Davutoglu, des “cinquièmes colonnes” passibles des juridictions d’exception. On ne sauvera pas notre civilisation sans des mesures drastiques.

mercredi, 28 mars 2012

Conversation avec Jean-Yves Le Gallou

Conversation avec Jean-Yves Le Gallou

mercredi, 07 mars 2012

Sur l'identité wallonne

Intervention de Jean-Luc Gascard à la journée identitaire du Château Coloma (3 mars 2012)

Sur l'identité wallonne

Quel est la place de la culture et de la langue wallonne au sein des peuples européens ?

jpg_redp1000256.jpgLe wallon a toute sa place dans l’histoire des peuples d’Europe. Wallon vient de Wahl, un vieux mot germanique utilisé par les Germains pour désigner les populations celtophones et romanes. La langue wallonne est très ancienne et comme le picard, le champenois ou encore le normand, elle est une langue d’Oïl qui fait partie du groupe des langues gallo-romanes. Bon nombre des évolutions que l’on considère comme typique du wallon sont apparues entre le 8° et le 12° siècle et vers 1200, la langue wallonne était nettement individualisée. Le wallon n’est donc pas un français abâtardi ou incorrect, c’est une langue en soi qui n’a simplement pas aussi bien réussi que le patois français et nombre des belgicismes découlent directement du wallon. Je rappelle que les peuples wallons n’ont jamais fait partie de la France, sauf quand ils ont été occupés, mais faisaient partie du SERG et particulièrement la Principauté de Liège. La place des wallons de l’Est étaient certainement d’être à l’époque un pont entre les mondes germaniques et romans. Il paraît qu’il y aurait 15 à 20 % des mots wallons qui seraient d’origine germanique et c’est sûrement dans le dialecte du wallon oriental, celui de Liège et d’Ardenne, que cela se retrouve le plus et qui rend notre dialecte si particulier. Je vais me permettre de vous lire comme exemple quelques courtes phrases :

Dji’m rapinse qui s’a lèyî prinde a s’badjawe = je me rappelle qu’il s’est laissé prendre à son bagout

Fareût veûy kimint qu’i s’sètche foû di spèheûr = il  faudrait voir comment il va se débrouiller

Moussî ainsi, i ravisse on spâwta = habillé ainsi, il ressemble à un épouvantail (les Blancs Moussî de Stavelot sont donc simplement ceux qui sont habillés de blanc, pour la Laetare, le carnaval local, qui aura lieu dans 15 jours !)

Dja’n hête a m’deût = j’ai une écharde à mon doigt

En entendant cela, vous comprenez bien… que vous n’y comprenez rien du tout(pas plus d’ailleurs que la majorité des jeunes liégeois et ardennais actuels), ce qui prouve bien tout simplement que le wallon n’est pas du français.  J’ai encore vu quand j’étais gamin des anciens à qui il fallait traduire en wallon, parce qu’ils ne comprenaient pas le français. Heureusement, même s’il est en nette perte de vitesse, le wallon est encore parlé et compris par une petite minorité de wallons de souche (la preuve !). Par contre, le wallon est forcément ignoré de la masse exotique… et est donc une langue identitaire par excellence. Et, heureusement, on trouve encore des jeunes qui s’impliquent dans le théâtre dialectal et qui sont parfaitement conscients de l’aspect identitaire de leur dialecte.

En ce qui concerne la culture (les industries, mœurs, habitudes culinaires, folklore, architecture,…), on perd souvent de vue, à force de « vivre dedans », qu’elle existe bel et bien. Elle n’a rien à envier à ses voisines. Si tout le monde connaît l’importance de la peinture flamande et la richesse des villes de Flandre au MA, beaucoup moins nombreux sont ceux qui connaissent l’importance de l’art mosan à l’époque ottonienne, son orfèvrerie, ses églises imposantes, son « école liégeoise » et encore moins savent que les marchands de la vallée mosane allaient vendre leurs produits dans toute la Germanie, jusqu’à Vienne et Prague et en Italie sur les marchés de Ligurie. Et je suppose que je ne dois pas vous parler de l’importance des industries minières et métallurgiques chez nous, sans parler de l’industrie du verre et de la laine, qui ont fait de la Wallonie au 19° siècle une des économies les plus prospères du monde.

Donc, quand j’entends certains en Flandre qui essaient de nous faire passer pour des barakî à moitié inculte, des nawe (fainéant) et  des accros depuis 1830 aux subsides de la vache à lait flamande, mon sang wallon bouillonne d’indignation. On n’est peut-être plus ce que l’on a été, mais nous ne sommes pas les ratés pour lesquels on veut nous faire passer. Nous avons toujours notre place parmi les peuples d’Europe.

Si le monde politique le désirait réellement, le wallon serait un excellent facteur de cohésion identitaire, tant au niveau local que régional. Mais, pour les raisons idéologiques que nous ne connaissons que trop bien, les autorités n’apportent aucun soutien à la langue wallonne, ou si peu. Sa survivance au niveau populaire démontre donc une réelle volonté de certains Wallons de rester eux-mêmes, bien au-delà des chimères idéologiques universalistes et égalitaristes.

Un pouvoir politique identitaire, soucieux de valoriser toutes les identités enracinées d’Europe, trouverait dans la défense du wallon et de la culture wallonne un important objectif politique (cohésion identitaire ethnique). On peut toujours rêver !

Dans le cas ou la Wallonie obtiendrait son autonomie, en cas d'éclatement de la Belgique, quel en serait le bénéfice pour la culture wallonne ?

En  l’état des choses, le bénéfice serait minime, parce que, malheureusement, il n’y a plus concordance entre la Wallonie et les wallons.

Je m’explique : comme je vous l’ai dit tout à l’heure, le wallon est parlé par ses populations depuis bien longtemps. Mais depuis bien longtemps, les élites wallonnes ont adopté le français, et cela avant bien des contrées de l’actuelle France. Et comme en Flandre, ces élites ont tenté d’imposer la francisation généralisée à notre population. Le terme fransquillon servait aux wallons du peuple, déjà pendant l’occupation française, pour décrire ces pédants qui ne jurait que par le français. Mais alors qu’en Flandre, le mouvement flamand se battait depuis 1840 pour l’usage de la langue flamande et sa culture,  le mouvement dit wallon lui n’entendait défendre que l’usage du français.

"Le mouvement wallon naissant s'inscrit donc dans une perspective belge telle qu'ont été défini les contours et surtout l'identité linguistique de cet État en 1830. Il considère l'acquisition de la langue française comme une forme d'adhésion à la Belgique et aux grands principes de liberté dans la Constitution

On peut donc bien dire que l’unitarisme belge s’est fait d’abord et avant tout au détriment de la langue, et donc de la culture, wallonne puisque le flamand, lui, a survécu.

Dans ma propre famille, tous les gens de la génération de mes  grands-parents en Ardenne parlaient wallon, mais on a dénigré à l’école le wallon auprès de la génération de ma mère. Ainsi, il y a quelques années, alors que je parlais avec une de mes tantes de l’intérêt de continuer à parler notre langue, elle me répondit : « arrête avou soula, c’est sale, c’è s’t one langue po les biesses (arrête avec ça, c’est sale, c’est une langue pour les bêtes[càd les cons, les demeurés mais les animaux aussi]) ! ». C’est pourtant la langue de ses parents, mes grands-parents !

Etonnez-vous après cela que le wallon tend à disparaître parmi tous mes cousins et cousines et tous les gens de ma génération. Le pire, c’est qu’avec l’abandon de la langue wallonne se perd aussi le lien avec notre histoire et notre culture wallonne. Et je ne vous parle même pas des générations qui suivent. En fait, ils sont devenus des Francophones, c’est-à-dire des gens indifférenciés, sans véritables racines. Et quand on n’a pas de racines, on est voué à flotter aux vents de toutes les modes et opportunismes. Par exemple quand un grand défenseur des francophones comme Maingain est disposé à faire apprendre aux enfants des écoles de sa commune l’arabe, pour mieux accepter leur présence. Qui s’intègre à qui, je vous le demande ?

C’est ce hiatus entre Wallonie et wallons qui fait notre perte. On appelle encore trop souvent wallons les gens qui vivent en Wallonie, alors qu’ils ne sont souvent plus que des Francophones. C’est si vrai que, récemment, un homme politique a appelé à créer une « patrie francophone ». Une patrie francophone ! Fâ s’ti ko arradjî (intraduisible =  +ou- c’est pas croyable), qu’es que c’est coula por une arrêdje ? éco one saqwê qu’a tchoukî foû dol tiesse d’one biesse libéral  (qu’est-ce que c’est que cela  pour une affaire ? Encore une chose qui a poussé hors de la tête d’un bête libéral)! Evidemment, cela est fort utile pour noyer les populations autochtones, nous les wallons, dans le magma des allogènes de toutes sortes qui viennent nous envahir et aussi pour garder un lien avec Bruxelles. Ou pire,  nous intégrer à la France. Ca, jamais ! Je préfère encore demander l’asile politique en Flandre. Qui sait, ils pourraient peut-être nous accorder…des facilités ?

Mais il ne faut bien sûr pas perdre espoir. Il y aurait comme un frémissement d’intérêt. Il n’est que de voir l’intérêt porté à des émissions comme Ma Terre ou celle sur les Wallons du Wisconsin. Ou même le théâtre wallon à la télé. Et aussi l’existence de nombreux groupes de musique traditionnelle.

Et que l’on ne vienne pas me dire que c’est trop difficile de garder ou même d’apprendre notre langue autochtone. Elle n’est sûrement pas plus difficile pour nous que le chinois, le russe ou l’arabe. Ou même le flamand. Le jour où j’ai commencé à parler wallon à l’école, mes collègues ont rigolé malade, se demandant d’un air ahuri ce que ça pouvait être et ce qui pouvait bien encore passer par la tête de ce grand original. Maintenant ils n’y font même plus attention et comprennent souvent ce que je dis. Qui sait, encore un peu et je pourrais vous convertir au Liégeois ? Ce n’est qu’une question de volonté. Les Luxembourgeois, les Gallois préservent bien leur langue, pourquoi pas nous ?

109px-Blason_ville_be_Chatelet.svg.pngPour résumer, pour retirer un bénéfice quelconque d’une autonomie, ce qu’il nous faut, c’est faire la différence entre Wallons et Francophones. Le wallon est celui qui a ses racines, c’est-à-dire ses ancêtres, en Wallonie et aussi qui parle, qui vit wallon. Et par-dessus tout, ce qu’il nous faut, c’est garder notre fierté. J’entendais à la fin d’un concert d’un groupe acadien ce cri du coeur : soyez toujours fiers de qui vous êtes, et les dieux savent si les Acadiens ont failli perdre leur identité et souffrent  encore pour la garder. C’est la fierté qui les sauvent et qui nous sauvera. Tout le reste, programmes, subsides, etc… en dépend.

Je vous dis donc pour terminer : je suis wallon, pas francophone, et dji su fir de mè p’tite patreye  (je suis toujours fier de ma petite patrie) « amon nos’aut »(entre nous, entre gens de chez nous).

 

dimanche, 12 février 2012

In the House of Pound - An Interview with Gianluca Iannone

In the House of Pound

An Interview with Gianluca Iannone

 
By Colin Liddell
 
Ex: http://www.alternativeright.com/

iannone_monolayer_web.jpgCasaPound is an Italian political movement that takes its name from the American poet and Fascist sympathizer, Ezra Pound. Although it is inevitably referred to as "extremist," "racist," and "neo-fascist," the movement, which was founded in 2003, is in fact more complex and interesting, especially from an alternative right perspective. It takes a holistic and grass roots approach to politics, focusing on culture, community, and a variety of activities for its members, as much as on traditional street politics. This is an interview I did by email with Gianluca Iannone, the movement's leader, in early 2011 for an article I was writing.

 

CasaPound is still not so well known in the English-speaking countries, even by those active in right wing politics. Could you introduce your movement to our readers and describe it? How big is CasaPound? How many members and how much support do you have?

First of all, linking CasaPound to the right wing is a bit restrictive. CasaPound Italia is a political movement organized as an association for social promotion. It starts from the right and goes through the entire political panorama. Right or left are two old visions of politics, we need to give birth to a new synthesis. CPI has more than 4000 members all over Italy but the supports and sympathy we gain days after days is far larger… Just think that the Blocco Studentesco, our student organization, obtained 11,000 votes in Rome and the Province for the students’ elections.

Please tell us a little about yourself personally and your background.

I was born in August 1973 and started political activism at 14 in the Fronte della Gioventù (Youth Front) in Acca Larenzia, one of Rome's downtown neighborhood. Since then I have never stopped to be part of this world. Journalist since 1999, I worked for TV and radio stations and also wrote for national newspapers on international conflicts, literature, cinema and music.

Why did you become politically active? Was there some event, action, or person that triggered your political activism?

To tell the truth, there is not one thing in particular. I think it was just fate.

What are main policies and objectives of CasaPound, both short-term and long-term?

CPI works on everything that concerns the life of our nation: from sport to solidarity, culture and of course politics. For sports, we have a soccer teams and academy, we do hockey, rugby, skydiving, boxing, Brazilian jiu-jitsu, scuba diving, hiking groups, caving, climbing. For solidarity, we have first aid teams, we do fundraising activities for the Karen people, and we provide help to orphans and single-mums. A phone line called "Dillo to CasaPound" (tell it to CasaPound) is active 24/7 to give free advises on legal and tax issues. On the cultural ground, we host authors and organize book presentations; we have an artist club, a theater school, free guitar, bass guitar and drum lessons, we created an artistic trend called Turbodinamismo, we have a publishing company, dozens of bookshops and websites. Politically we propose various laws like the Mutuo sociale (social mortgage), Tempo di essere Madri (Time to be a mother) or against water privatization and so many more. Speaking about CPI is never easy because all these things are CASAPOUND. All of these represent our challenges and projects for now and the millennium.

Do you have any significant links with groups or parties outside Italy?

No.

The first thing that strikes people in the English-speaking countries is the name of your group, which, of course, refers to the famous American poet Ezra Pound. How important are Pound's ideas to your movement? Why have you chosen to include his name in your movement’s title?

Ezra Pound was a poet, an economist and an artist. Ezra Pound was a revolutionary and a fascist. Ezra Pound had to suffer for his ideas, he was sent to jail for ten years to make him stop speaking. We see in Ezra Pound a free man that paid for his ideas; he is a symbol of the "democratic views" of the winners.

Ezra Pound is also a name routinely associated with Anti-Semitism. Some will automatically see the invocation of his name as a rallying cry for Anti-Semitism. Could you clarify CasaPound's position with regard to the Jews and Israel?

To associate Ezra Pound and anti-Semitism is an absolute twist. It is the same for CasaPound, it has no sense. It is true that we are against Israel politics towards Palestinians, against the bombing of civilians, and the embargo on international help. To say so does not mean to be anti-Semitic, it means analyzing facts.

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You are also known for anti-usury rhetoric. Most sensible people oppose excessive usury, but are you opposed to all usury? If not, where does constructive credit end and destructive usury begin?

Usury is the worst thing. It is the head of the octopus. It is it that initiated the wars that are starting around the Mediterranean Sea, which generates illegal immigration and destruction. It is it which creates unemployment, debts. It is it that threatens the future of our children, which make them weak and ready for the massacre.

My impression of CasaPound is that it is very much a grass roots organization that operates successfully in the "arena of street politics," with marches, parades and events that build identity and community, rather than through conventional elections. In Anglo countries right-wing street politics backfired in the past, allowing the mainstream media to paint very negative images of the National Front in the 1970s and the BNP later. Because of this the BNP now avoids the street as a political arena. Your group's success suggests that the street is a much more acceptable political arena for the right in Italy. Why do you think this is? What are the differences that make this possible?

First of all, England was never a fascist state. This creates a big cultural difference. Also, as I said before CPI works on dozens of projects and with various methods: from conferences to demonstrations, distribution of information, posters. The important thing is to generate counter information and to occupy the territory. It is fundamental to create a web of supporters other than focusing on elections. For election, you are in competition with heavily financed groups and with only one or two persons elected, you can't change anything. Politics for us is a community. It is a challenge, it is an affirmation. For us, politics is to try to be better every day. That is why we say that if we don't see you, it is because you are not there. That is why we are in the streets, on computers, in bookshops, in schools, in universities, in gymnasium, at the top of mountains or in the newsstands. That is why we are in culture, social work and sport. That is a constant work.

Because of the differences between Britain and Italy do you think it is better for the right-wing in the UK to avoid street politics? In this context, what is your view of the English Defence League, a group that obviously sees the street as its arena or forum?

I think that the EDL is going on the ground of the clash of civilization. For me and Casa Pound, this provokes a kind of disgust. If the British right is reduced to this, then let's speak about soccer, it will be better.

mercredi, 25 janvier 2012

Les Serbes sont déçus par l’UE!

Les Serbes sont déçus par l’UE!

 

Entretien avec l’ambassadeur de Serbie à Vienne, Milovan Bozinovic

 

Propos recueillis par Bernhard Tomaschitz

 

Q.: Excellence, le statut de candidat membre de l’UE a été remis à une date ultérieure. Qu’en pensez-vous?

 

MB: La déception des Serbes est très grande, bien entendu. Toutefois, il convient de compléter la décision prise: nous avons rempli tous les critères que l’on nous a demandés de satisfaire, tout comme aux autres pays qui veulent adhérer à l’UE. Or c’est un motif non spécifique aux critères d’élargissement qui justifié le report de la candidature serbe. Il s’agit du rapport que nous entretenons avec la province autonome du Kosovo  —c’est ce statut qu’elle détient à nos yeux. Mais pour la plupart des pays de l’UE, cette province constitue entretemps un Etat indépendant.

 

Q.: Pourrait-on aboutir, à moyen ou long terme, à la tractation suivante: la Serbie adhère à l’UE mais, en contrepartie, elle doit reconnaître le Kosovo comme Etat indépendant?

 

MB: C’est là un débat qui a été ouvert par quelques Etats qui veulent durcir les critères de l’adhésion serbe. Je rappelle qu’en octobre 2010, nous étions convenu d’un accord avec l’UE qui stipulait que le rapprochement de la Serbie ne serait en aucun cas lié au développement des relations serbo-kosovars. Et voilà que tout d’un coup  —les réalistes le savaient déjà depuis longtemps—  ces motifs prennent de plus en plus d’importance, ce qui constitue une dégénérescence des principes et critères préalablement convenus. Tel est le sentiment que partagent les Serbes aujourd’hui.

 

Q.: C’est surtout l’Allemagne qui pense que la Serbie ferait valoir son influence auprès des Serbes du Kosovo. Mais quelle influence exerce réellement Belgrade?

 

MB: Le Kosovo n’est pas un territoire où la Serbie exerce sa propre souveraineté. C’est donc un paradoxe de partir du principe que la Serbie exerce encore une quelconque influence sur les événements là-bas, uniquement parce que les Serbes de la région de Mitrovica se sentent citoyens de la Serbie.

 

(entretien paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°1/2012; http://www.zurzeit.at ).

vendredi, 20 janvier 2012

Pourquoi relire Koestler?

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Pourquoi relire Koestler?

 

Entretien avec Robert Steuckers à l’occasion de ses dernières conférences sur la vie et l’oeuvre d’Arthur Koestler

Propos recueillis par Denis Ilmas

DI: Monsieur Steuckers, vous voilà embarqué dans une tournée de conférences sur la vie et l’oeuvre d’Arthur Koestler, un auteur quasi oublié aujourd’hui, peu (re)lu et dont les livres ne sont plus tous réédités. Pourquoi insistez-vous sur cet auteur, quand commence la seconde décennie du 21ème siècle?

RS: D’abord parce que j’arrive à l’âge des rétrospectives. Non pas pour me faire plaisir, même si cela ne me déplait pas. Mais parce que de nombreuses personnes, plus jeunes que moi, me posent des questions sur mon itinéraire pour le replacer dans l’histoire générale des mouvements non conformistes de la seconde moitié du 20ème siècle et, à mon corps défendant, dans l’histoire, plus limitée dans le temps et l’espace, de la “nouvelle droite”. Commençons par l’aspect rétrospectif: j’ai toujours aimé me souvenir, un peu à la façon de Chateaubriand, de ce moment précis de ma tendre adolescence, quelques jours après que l’on m’ait exhorté à lire des livres “plus sérieux” que les ouvrages généralement destinés à la jeunesse, comme Ivanhoe de Walter Scott ou L’ile au trésor de Stevenson, Les trois mousquetaires de Dumas, Jules Vernes, ou à l’enfance, comme la Comtesse de Ségur (dont mon préféré était et reste Un bon petit diable) et la série du “Club des Cinq” d’Enid Blyton (que je dévorais à l’école primaire, fasciné que j’étais par les innombrables aventures passées derrière des portes dérobées ou des murs lambrisés à panneaux amovibles, dans de mystérieux souterrains ou autres passages secrets). Rien que cette liste de livres lus par un gamin, il y a quarante, quarante-cinq ans, évoque une époque révolue... Mais revenons à ce “moment” précis qui est un petit délice de mes reminiscences: j’avais accepté l’exhortation des adultes et, de toutes les façons, la littérature enfantine et celle de la pré-adolescence ne me satisfaisaient plus.

Koestler m’accompagne maintenant depuis plus de quarante ans

Mais que faire? Sur le chemin de l’école, tout à la fin de la Chaussée de Charleroi, à trente mètres du grand carrefour animé de “Ma Campagne”, il y avait un marchand de journaux qui avait eu la bonne idée de joindre une belle annexe à son modeste commerce et de créer une “centrale du Livre de Poche”. Il y avait, en face et à droite de son comptoir, un mur, qui me paraissait alors incroyablement haut, où s’alignaient tous les volumes de la collection. Je ne savais pas quoi choisir. J’ai demandé un catalogue et, muni de celui-ci, je suis allé trouver le Frère Marcel (Aelbrechts), vieux professeur de français toujours engoncé dans son cache-poussière brunâtre mais cravaté de noir (car un professeur devait toujours porter la cravate à l’époque...), pour qu’il me pointe une dizaine de livres dans le catalogue. Il s’est exécuté avec complaisance, avec ses habituels claquements humides de langue et de maxillaires, par lesquels il ponctuait ses conseils toujours un peu désabusés: l’homme n’avait apparemment plus grande confiance en l’humanité... Dans la liste, il y avait Un testament espagnol d’Arthur Koestler. Je l’ai lu, un peu plus tard, vers l’âge de quinze ans. Et cet ouvrage m’a laissé une très forte impression. Koestler m’accompagne donc depuis plus de quarante ans maintenant.

koestler_un testament espagnol.jpgLe Testament espagnol de Koestler est un chef-d’oeuvre: la déréliction de l’homme, qui attend une exécution promise, les joies de lire dans cette geôle, espace exigu entre deux mondes (celui de la vie, qu’on va quitter, et celui, de l’“après”, inconnu et appréhendé), la fatalité de la mort dans un environnement ibérique, acceptée par les autres détenus, dont “le Poitrinaire”... A quinze ans, une littérature aussi forte laisse des traces. Pendant deux bonnes années, Koestler, pour moi, n’a été que ce prisonnier anglo-judéo-hongrois, pris dans la tourmente de la Guerre Civile espagnole, cet homme d’une gauche apparemment militante, dont on ne discernait plus tellement les contours quand s’évanouissait les vanités face à une mort qu’il pouvait croire imminente.

En 1973, nous nous retrouvâmes en voyage scolaire, sous le plomb du soleil d’août en Grèce. Marcel nous escortait; il avait troqué son éternel cache-poussière contre un costume léger de coton clair; il suivait la troupe de sa démarche molle et avec la mine toujours sceptique, cette fois avec un galurin, type bobo, rivé sur son crâne dégarni. Un jour, alors que nous marchions de l’auberge universitaire, située sur un large boulevard athénien, vers une station de métro pour nous amener à l’Acropole ou à Egine, les “non-conformistes” de la bande —Frédéric Beerens, le futur gynécologue Leyssens, Yves Debay, futur directeur des revues militaires Raids et L’Assaut et votre serviteur— tinrent un conciliabule en dévalant allègrement une rue en pente: outre les livres, où nous trouvions en abondance notre miel, quelle lecture régulière adopter pour consolider notre vision dissidente, qui, bien sûr, n’épousait pas les formes vulgaires et permissives de dissidence en cette ère qui suivait immédiatement Mai 68? Nous connaissions tous le mensuel Europe-Magazine, alors dirigé par Emile Lecerf. La littérature belge de langue française doit quelques belles oeuvres à Lecerf: inconstestablement, son essai sur Montherlant, rédigé dans sa plus tendre jeunesse, mérite le détour et montre quelle a été la réception de l’auteur des Olympiques, surtout chez les jeunes gens, jusqu’aux années de guerre. Plus tard, quand le malheur l’a frappé et que son fils lui a été enlevé par la Camarde, il nous a laissé un témoignage poignant avec Pour un fils mort à vingt ans. Lié d’amitié à Louis Pauwels, Lecerf était devenu le premier correspondant belge de la revue Nouvelle école. Beerens avait repéré une publicité pour cette revue d’Alain de Benoist qui n’avait alors que trente ans et cherchait à promouvoir sa création. En dépit de l’oeuvre littéraire passée d’Emile Lecerf, que nous ne connaissions pas à l’époque, le style journalistique du directeur d’Europe-Magazine nous déplaisait profondément: nous lui trouvions des accents populaciers et lui reprochions trop d’allusions graveleuses. Nous avions soif d’autre chose et peut-être que cette revue Nouvelle école, aux thèmes plus allèchants, allait-elle nous satisfaire?

Koestler et la “nouvelle droite”: le lien? La critique du réductionnisme!

Le conciliabule ambulant d’Athènes a donc décidé de mon sort: depuis cette journée torride d’août 1973 à Athènes, je suis mu par un tropisme qui me tourne immanquablement vers Nouvelle école, même vingt après avoir rompu avec son fondateur. Dès notre retour à Bruxelles, nous nous sommes mis en chasse pour récupérer autant de numéros possible, nous abonner... Beerens et moi, après notre quête qui nous avait menés aux bureaux du magazine, rue Deckens à Etterbeek, nous nous sommes retrouvés un soir à une séance du NEM-Club de Lecerf, structure destinée à servir de point de ralliement pour les lecteurs du mensuel: nouvelle déception... Mais, dans Nouvelle école puis dans les premiers numéros d’Eléments, reçus en novembre 1973, un thème se profilait: celui d’une critique serrée du “réductionnisme”. C’est là que Koestler m’est réapparu. Il n’avait pas été que cet homme de gauche romantique, parti en Espagne pendant la guerre civile pour soutenir le camp anti-franquiste, il avait aussi été un précurseur de la critique des idéologies dominantes. Il leur reprochait de “réduire” les mille et un possibles de l’homme à l’économie (et à la politique) avec le marxisme ou au sexe (hyper-problématisé) avec le freudisme, après avoir été un militant communiste exemplaire et un vulgarisateur des thèses de Sigmund Freud.

A mes débuts dans ce qui allait, cinq ans plus tard, devenir la mouvance “néo-droitiste”, le thème majeur était en quelque sorte la résistance aux diverses facettes du réductionnisme. Nouvelle école et Eléments évoquaient cette déviance de la pensée qui entraînait l’humanité occidentale vers l’assèchement et l’impuissance, comme d’ailleurs —mais nous ne le saurions que plus tard— les groupes Planète de Louis Pauwels l’avaient aussi évoquée, notamment avec l’appui d’un compatriote, toujours méconnu aujourd’hui ou seulement décrié sur le ton de l’hystérie comme “politiquement incorrect”, Raymond de Becker. En entrant directement en contact avec les représentants à Bruxelles de Nouvelle école et du “Groupement de Recherches et d’Etudes sur la Civilisation Européenne” (GRECE) —soit Claude Vanderperren à Auderghem en juin 1974, qui était le nouveau correspondant de Nouvelle école, Dulière à Forest en juillet 1974 qui distribuait les brochures du GRECE, puis Georges Hupin, qui en animait l’antenne à Uccle en septembre 1974— nous nous sommes aperçus effectivement que la critique du réductionnisme était à l’ordre du jour: thème majeur de l’Université d’été du GRECE, dont revenait Georges Hupin; thème tout aussi essentiel de deux “Congrès Internationaux pour la Défense de la Culture”, tenus, le premier, à Turin en janvier 1973, le deuxième à Nice (sous les auspices de Jacques Médecin), en septembre 1974. Ces Congrès avaient été conçus et initiés, puis abandonnés, par Arthur Koestler et Ignazio Silone, dès les débuts de la Guerre Froide, pour faire pièce aux associations dites de “défense des droits de l’homme”, que Koestler, Orwell et Silone percevaient comme noyautées par les communistes. Une seconde équipe les avaient réanimés pour faire face à l’offensive freudo-marxiste de l’ère 68. C’était essentiellement le professeur Pierre Debray-Ritzen qui, au cours de ces deux congrès de 1973 et 1974, dénoncera le réductionnisme freudien. Alain de Benoist, Louis Rougier, Jean Mabire et Dominique Venner y ont participé.

Le colloque bruxellois sur le réductionnisme

Dans la foulée de ce réveil d’une pensée plurielle, dégagée des modes du temps, Georges Hupin, après avoir convaincu les étudiants libéraux de l’ULB, monte en avril 1975 un colloque sur le réductionnisme dans les locaux mêmes de l’Université de Bruxelles. Le thème du réductionnisme séduisait tout particulièrement Jean Omer Piron, biologiste et rédacteur-en-chef, à l’époque, de la revue des loges belges, La Pensée et les Hommes. Dans les colonnes de cette vénérable revue, habituée au plus plat des conformismes laïcards (auquel elle est retourné), Piron avait réussi à placer des articles rénovateurs dans l’esprit du “Congrès pour la Défense de la Culture” et du premier GRECE inspiré par les thèses anti-chrétiennes de Louis Rougier, par ailleurs adepte de l’empirisme logique, veine philosophique en vogue dans le monde anglo-saxon. Le colloque, cornaqué par Hupin, s’est tenu à l’ULB, avec la participation de Jean-Claude Valla (représentant le GRECE), de Piet Tommissen (qui avait participé au Congrès de Nice, avec ses amis Armin Mohler et Ernst Topitsch), de Jean Omer Piron et du Sénateur libéral d’origine grecque Basile Risopoulos. Des étudiants et des militants communistes ou assimilés avaient saboté le système d’alarme, déclenchant un affreux hululement de sirène, couvrant la voix des conférenciers. Alors que j’étais tout malingre à dix-neuf ans, on m’envoie, avec le regretté Alain Derriks (que je ne connaissais pas encore personnellement) et un certain de W., ancien de mon école, pour monter la garde au premier étage et empêcher toute infiltration des furieux. L’ami de W. met immédiatement en place la lance à incendie, bloquant le passage, tandis que je reçois un gros extincteur pour arroser de poudre d’éventuels contrevenants et que Derriks a la présence d’esprit de boucher les systèmes d’alarme à l’aide de papier hygiénique, réduisant le hululement de la sirène à un bourdonnement sourd, pareil à celui d’une paisible ruche au travail. Les rouges tentent alors un assaut directement à l’entrée de l’auditorium: ils sont tenus en échec par deux officiers de l’armée belge, le Commandant M., tankiste du 1er Lancier, et le Commandant M., des chasseurs ardennais, flanqués d’un grand double-mètre de Polonais, qui venait de quitter la Légion Etrangère et qui accompagnait Jean-Claude Valla. Hupin, de la réserve des commandos de l’air, vient vite à la rescousse. Le Commandant des chasseurs ardennais, rigolard et impavide, repoussait tantôt d’un coup d’épaule, tantôt d’un coup de bide, deux politrouks particulièrement excités et sanglés dans de vieilles vestes de cuir. Pire: allumant soudain un gros cigare hollandais, notre bon Ardennais en avalait la fumée et la recrachait aussitôt dans le visage du politrouk en cuir noir qui scandait “Ecrasons dans l’oeuf la peste brune qui s’est réveillée”. Ce slogan vociféré de belle voix se transformait aussitôt en une toux rauque, sous le souffle âcre et nicotiné de notre cher Chasseur. Mais ce ne sont pas ces vaillants militaires qui emportèrent la victoire! Voilà que surgit, furieuse comme un taureau ibérique excité par la muletta, la concierge de l’université, dont le sabotage du système d’alarme avait réveillé le mari malade. Saisissant sa pantoufle rouge à pompon de nylon, la brave femme, pas impressionnée pour un sou, se jette sur le politrouk à moitié étouffé par les effets fumigènes du cigare du Commandant M., et le roue de coups de savate, en hurlant, “Fous le camp, saligaud, t’as réveillé mon mari, va faire le zot ailleurs, bon à rien, smeirlap, rotzak, etc.”. Les deux meneurs, penauds, ordonnent la retraite. L’entrée de l’auditorium est dégagée: les congressistes peuvent sortir sans devoir distribuer des horions ou risquer d’être maxaudés. Essoufflée, la concierge s’effondre sur une chaise, renfile son héroïque pantoufle et Hupin vient la féliciter en la gratifiant d’un magnifique baise-main dans le plus pur style viennois. Elle était rose de confusion.

Jean Omer Piron et “Le cheval dans la locomotive”

Voilà comment j’ai participé à une initiative, inspirée des “Congrès pour la Défense de la Culture”, dont la paternité initiale revient à Arthur Koestler (et à Ignazio Silone). Elle avait aussi pour thème un souci cardinal de la pensée post-politique de Koestler: le réductionnisme. La prolixité du vivant étant l’objet d’étude des biologistes, Jean Omer Piron se posait comme un “libre-penseur”, dans la tradition de l’ULB, c’est-à-dire comme un libre-penseur hostile à tous les dogmes qui freinent l’élan de la connaissance et empêchent justement d’aborder cette prolixité luxuriante du réel et de la vie. Et, de fait, les réductionnismes sont de tels freins: il convient de les combattre même s’ils ont fait illusion, s’ils ont aveuglé les esprits et se sont emparé de l’Université bruxelloise, où l’on est supposé les affronter et les chasser de l’horizon du savoir. Piron inscrivait son combat dans les traces de Koestler: le Koestler des “Congrès” et surtout le Koestler du Cheval dans la locomotive (The Ghost in the Machine), même si, aujourd’hui, les biologistes trouveront sans doute pas mal d’insuffisances scientifiques dans ce livre qui fit beaucoup de bruit à l’époque, en appelant les sciences biologiques à la rescousse contre les nouveaux obscurantismes, soit disant “progressistes”. Koestler fustigeait le réductionnisme et le “ratomorphisme” (l’art de percevoir l’homme comme un rat de laboratoire). Ce recours à la biologie, ou aux sciences médicales, était considéré comme un scandale à l’époque: le charnel risquait de souiller les belles images d’Epinal, véhiculées par les “nuisances idéologiques” (Raymond Ruyer). Les temps ont certes changé. La donne n’est plus la même aujourd’hui. Mais l’obscurantisme est toujours là, sous d’autres oripeaux. Pour la petite histoire, une ou deux semaines après le colloque chahuté mais dûment tenu sur le réductionnisme, les étudiants de l’ULB, dont Beerens et Derriks, ainsi que leurs homologues libéraux, ont vu débouler dans les salles de cours une brochette de “vigilants”, appelant à la vindicte publique contre Piron, campé comme “fasciste notoire”. Beerens, au fond de la salle, rigolait, surtout quand la plupart des étudiants lançaient de vibrants “vos gueules!” ou des “cassez-vous!” aux copains des politrouks dûment défaits par l’arme secrète (la pantoufle à pompon de nylon) de la concierge, mercenaire à son corps défendant d’une peste brune, dont elle ignorait tout mais qui avait été brusquement réveillée, parait-il, par le “fasciste notoire”, disciple de l’ex-communiste pur jus Koestler et rédacteur-en-chef de la bien laïcarde et bien para-maçonnique La Pensée et les Hommes. L’anti-fascisme professionnel sans profession bien définie montrait déjà qu’il ne relevait pas de la politique mais de la psychiatrie.

Ma lecture du “Zéro et l’Infini”

le-zero-et-l-infini-454242-250-400.jpgCe n’est pas seulement par l’effet tonifiant du blanc-seing de Piron, dans le microcosme néo-droitiste bruxellois en gestation à l’époque, que Koestler revenait au premier plan de mes préoccupations. En première année de philologie germanique aux Facultés Universitaires Saint-Louis, il me fallait lire, dès le second trimestre, des romans anglais. Mon programme: Orwell, Huxley, Koestler et D. H. Lawrence. L’un des romans sélectionnés devait être présenté oralement: le sort a voulu que, pour moi, ce fut Darkness at Noon (Le zéro et l’infini), récit d’un procès politique dans le style des grandes purges staliniennes des années 30. Le roman, mettant en scène le “dissident” Roubachov face à ses inquisiteurs, est bien davantage qu’une simple dénonciation du stalinisme par un adepte de la dissidence boukharinienne, zinovievienne ou trotskiste. Toute personne qui entre en politique, entre obligatoirement au service d’un appareil, perclus de rigidités, même si ce n’est guère apparent au départ, pour le croyant, pour le militant, comme l’avoue d’ailleurs Koestler après avoir viré sa cuti. A parti d’un certain moment, le croyant se trouvera en porte-à-faux, tout à la fois face à la politique officielle du parti, face aux promesses faites aux militants de base mais non tenables, face à une réalité, sur laquelle le parti a projeté ses dogmes ou ses idées, mais qui n’en a cure. Le croyant connaîtra alors un profond malaise, il reculera et hésitera, devant les nouveaux ordres donnés, ou voudra mettre la charrue avant les boeufs en basculant dans le zèle révolutionnaire. Il sera soit exclu ou marginalisé, comme aujourd’hui dans les partis dits “démocratiques” ainsi que chez leurs challengeurs (car c’est kif-kif-bourricot!). Dans un parti révolutionnaire comme le parti bolchevique en Russie, la lenteur d’adaptation aux nouvelles directives de la centrale, la fidélité à de vieilles amitiés ou de vieilles traditions de l’époque héroïque de la révolution d’Octobre 1917 ou de la clandestinité pré-révolutionnaire, condamne le “lent” ou le nostalgique à être broyé par une machine en marche qui ne peut ni ralentir ni cesser d’aller de l’avant. La logique des procès communistes voulait que les accusés reconnaissent que leur lenteur et leur nostalgie entravaient le déploiement de la révolution dans le monde, mettait le socialisme construit dans un seul pays (l’URSS) en danger donc, ipso facto, que ces “vertus” de vieux révolutionnaires étaient forcément des “crimes” risquant de ruiner les acquis réellement existants des oeuvres du parti. En conséquence, ces “vertus” relevaient de la complicité avec les ennemis extérieurs de l’Union Soviétique (ou, lors des procès de Prague, de la nouvelle Tchécoslovaquie rouge). Lenteur et nostalgie étaient donc objectivement parlant des vices contre-révolutionnaires. Koestler a vécu de près, au sein des cellules du Komintern, ce type de situation. Pour lui, le pire a été l’entrée en dissidence, à son corps défendant, de Willi Münzenberg, communiste allemand chargé par le Komintern d’organiser depuis son exil parisien une résistance planétaire contre le fascisme et le nazisme. Pour y parvenir, Münzenberg avait reçu d’abord l’ordre de créer des “fronts populaires”, avec les socialistes et les sociaux-démocrates, comme en Espagne et en France. Mais la centrale moscovite change d’avis et pose trotskistes et socialistes comme des ennemis sournois de la révolution: Münzenberg entre en disgrâce, parce qu’il ne veut pas briser l’appareil qu’il a patiemment construit à Paris et tout recommencer à zéro; il refuse d’aller s’expliquer à Moscou, de crainte de subir le sort de son compatriote communiste allemand Neumann, épuré en Union Soviétique (sa veuve, Margarete Buber-Neumann, rejoindra Koestler dans son combat anti-communiste d’après guerre). Münzenberg a refusé d’obéir, de s’aligner sans pour autant passer au service de ses ennemis nationaux-socialistes. Dans le roman Darkness at Noon/Le zéro et l’infini, Roubachov n’est ni un désobéissant ni un traître: il proteste de sa fidélité à l’idéal révolutionnaire. Mais suite au travail de sape des inquisiteurs, il finit par admettre que ses positions, qu’il croit être de fidélité, sont une entorse à la bonne marche de la révolution mondiale en cours, qu’il est un complice objectif des ennemis de l’intérieur et de l’extérieur et que son élimination sauvera peut-être de l’échec final la révolution, à laquelle il a consacré toute sa vie et tous ses efforts. (Sur l’itinéraire de Willi Münzenberg, on se rapportera utilement aux pages que lui consacre François Furet dans Le passé d’une illusion – Essai sur l’idée communiste au XX° siècle, Laffont/Calmann-Lévy, 1995).

L’anthropologie communiste: une image incomplète de l’homme

Koestler s’insurge contre ce mécanisme qui livre la liberté de l’homme, celle de s’engager politiquement et celle de se rebeller contre des conditions d’existence inacceptables, à l’arbitraire des opportunités passagères (ou qu’il croit passagères). L’homme réel, complet et non réduit, n’est pas le pantin mutilé et muet que devient le révolutionnaire établi, qui exécute benoîtement les directives changeantes de la centrale ou qui confesse humblement ses fautes s’il est, d’une façon ou d’une autre, de manière parfaitement anodine ou bien consciente, en porte-à-faux face à de nouveaux ukases, qui, eux, sont en contradiction avec le plan premier ou le style initial de la révolution en place et en marche. Koestler finira par sortir de toutes les cangues idéologiques ou politiques. Il mettra les errements du communisme sur le compte de son anthropologie implicite, reposant sur une image incomplète de l’homme, réduit à un pion économique. Dans la première phase de son histoire, la “nouvelle droite” en gestation avait voulu, avec Louis Pauwels, porte-voix de l’anthropologie alternative des groupes Planète, restaurer une vision non réductionniste de l’homme.

Ma présentation avait déplu à ce professeur de littérature anglaise des Facultés Saint-Louis, un certain Engelborghs aujourd’hui décédé, tué au volant d’un cabriolet sans doute trop fougueux et mal protégé en ses superstructures. Je n’ai jamais su avec précision ce qui lui déplaisait chez Koestler (et chez Orwell), sauf peut-être qu’il n’aimait pas ce que l’on a nommé par la suite les “political novels” ou la veine dite “dystopique”: toutefois, il ne me semblait pas être l’un de ces hallucinés qui tiennent à leurs visions utopiques comme à toutes leurs autres illusions. Pourtant, je persiste et je signe, jusqu’à mon grand âge: Koestler doit être lu et relu, surtout son Testament espagnol et son Zéro et l’Infini. Après les remarques dénigrantes et infondées d’Engelborghs, je vais abandonner un peu Koestler, sauf peut-être pour son livre sur la peine de mort, écrit avec Albert Camus dans les années 50 en réaction à la pendaison, en Angleterre, de deux condamnés ne disposant apparemment pas de toutes leurs facultés mentales, et pour des crimes auxquels on aurait pu facilement trouver des circonstances atténuantes. Force est toutefois de constater que, dans ce livre-culte des opposants à la peine de mort, on lira que les régimes plus ou moins autocratiques, ceux de l’Obrigkeitsstaat centre-européen, ont bien moins eu recours à la potence ou à la guillotine que les “vertuistes démocraties” occidentales, la France et l’Angleterre. Le paternalisme conservateur induit moins de citoyens au crime, ou se montre plus clément en cas de faute, que le libéralisme, où chacun doit se débrouiller pour ne pas tomber dans la misère noire et se voit condamné sans pitié en cas de faux pas et d’arrestation. Le livre de Koestler et Camus sur la peine de mort réfute, en filigrane, la prétention à la vertu qu’affichent si haut et si fort les “démocraties” occidentales. Ce sont elles, comme dirait Foucault, qui surveillent et punissent le plus.

Dans les rangs du cercle de la première “nouvelle droite” bruxelloise, la critique du réductionnisme et la volonté de rétablir une anthropologie plus réaliste et dégagée des lubies idéologiques du 19ème siècle quittera l’orbite de Koestler et de son Cheval dans la locomotive, pour se plonger dans l’oeuvre du Prix Nobel Konrad Lorenz, notamment son ouvrage de vulgarisation, intitulé Les huit péchés capitaux de notre civilisation (Die acht Todsünde der zivilisierten Menschheit), où le biologiste annonce, pour l’humanité moderne, un risque réel de “mort tiède”, si les régimes politiques en place ne tiennent pas compte des véritables ressorts naturels de l’être humain. Nouvelle école ira d’ailleurs interviewer longuement Lorenz dans son magnifique repère autrichien. Plus tard, en dehors des cercles “néo-droitistes” en voie de constitution, Alexandre Soljénitsyne éclipsera Koestler, dès la seconde moitié des années 70. Avec le dissident russe, l’anti-communisme cesse d’être un tabou dans les débats politiques. Je retrouverai Koestler, en même temps qu’Orwell et Soljénitsyne, à la fin de la première décennie du 21ème siècle pour servir, à titre de conférencier, les bonnes oeuvres de mon ami genevois, Maitre Pascal Junod, féru de littérature et grand lecteur devant l’éternel.

DI: Justement, je reviens à ma question, quel regard doit-on jeter sur la trajectoire d’Arthur Koestler aujourd’hui?

RS: Arthur Koestler est effectivement une “trajectoire”, une flèche qui traverse les périodes les plus effervescentes du 20ème siècle: il le dit lui-même car le titre du premier volume de son autobiographie s’intitule, en anglais, Arrow in the Blue (en français: La corde raide). Enfant interessé aux sciences physiques, le très jeune Koestler s’imaginait suivre la trajectoire d’une flèche traversant l’azur pour le mener vers un monde idéal. Mais dans la trajectoire qu’il a effectivement suivie, si on l’examine avec toute l’attention voulue, rien n’est simple. Koestler nait à Budapest sous la double monarchie austro-hongroise, dans une ambiance impériale et bon enfant, dans un monde gai, tourbillonnant allègrement au son des valses de Strauss. Il suivra, à 9 ans, avec son père, le défilé des troupes magyars partant vers le front de Serbie en 1914, acclamant les soldats du contingent, sûrs de revenir vite après une guerre courte, fraîche et joyeuse. Mais ce monde va s’effondrer en 1918: le très jeune Koestler penche du côté de la dictature rouge de Bela Kun, parce que le gouvernement libéral lui a donné le pouvoir pour qu’il éveille le sentiment national des prolétaires bolchévisants et appelle ainsi les Hongrois du menu peuple à chasser les troupes roumaines envoyées par la France pour fragmenter définitivement la masse territoriale de l’Empire des Habsbourgs. Mais ses parents décident de déménager à Vienne, de quitter la Hongrie détachée de l’Empire. A Vienne, il adhère aux Burschenschaften (les Corporations étudiantes) sionistes car les autres n’acceptent pas les étudiants d’origine juive. Il s’y frotte à un sionisme de droite, inspiré par l’idéologue Max Nordau, théoricien d’une vision très nietzschéenne de la décadence. Koestler va vouloir jouer le jeu sioniste jusqu’au bout: il abandonne tout, brûle son livret d’étudiant et part en Palestine. Il y découvrira l’un des premiers kibboutzim, un véritable nid de misère au fin fond d’une vallée aride. Pour les colons juifs qui s’y accrochaient, c’était une sorte de nouveau phalanstérisme de gauche, regroupant des croyants d’une mouture nouvelle, attendant une parousie laïque et agrarienne sur une terre censée avoir appartenu à leurs ancêtres judéens.

Ensuite, nous avons le Koestler grand journaliste de la presse berlinoise qui appuie la République de Weimar et l’idéologie d’un Thomas Mann. Mais cette presse, aux mains de la famille Ullstein, famille israélite convertie au protestantisme prussien, basculera vers la droite et finira par soutenir les nationaux-socialistes. Entretemps, Koestler vire au communisme —parce qu’il n’y a rien d’autre à faire— et devient un militant exemplaire du Komintern, à Berlin d’abord puis à Paris en exil. Il fait le voyage en URSS et devient un bon petit soldat du Komintern, même si ce qu’il a vu entre l’Ukraine affamée par l’Holodomor et la misère pouilleuse du lointain Turkménistan soviétique induit une certaine dose de scepticisme dans son coeur.

Sionisme et communisme: de terribles simplifications

Ce scepticisme ne cessera de croître: finalement, pour Koestler, la faiblesse humaine, le besoin de certitudes claires, l’horreur de la complexité font accepter les langages totalitaires, la tutelle d’un parti tout-puissant, remplaçant la transcendance divine tuée ou évacuée depuis la “mort de Dieu”. Les colons sionistes reniaient les facultés juives —du moins de la judaïté urbanisée, germanisée ou slavisée, d’idéologie libérale ou sociale-démocrate— d’adaptation plastique et constante à des mondes différents, ressuscitaient l’hébreu sous une forme moderne et simplifiée, nouvelle langue sans littérature et donc sans ancrage temporel, et abandonnaient l’allemand et le russe, autrefois véhicules d’émancipation du ghetto. Le sionisme menait à une terrible simplification, à l’expurgation de bonnes qualités humaines. Le communisme également.

Contrairement à l’époque héroïque de ma découverte de Koestler, où nous ne bénéficions pas de bonnes biographies, nous disposons aujourd’hui d’excellents ouvrages de référence: celui du professeur américain Michael Scammell, également auteur d’un monumental ouvrage sur Soljénitsyne, et celui de l’avocat français Michel Laval (Michael Scammell, Koestler – The Indispensable Intellectual, Faber & Faber, 2009; Michel Laval, L’homme sans concessions – Arthur Koestler et son siècle, Calmann-Lévy, 2005). Tous deux resituent bien Koestler dans le contexte politique de son époque mais, où ils me laissent sur ma faim, c’est quand ils n’abordent pas les raisons intellectuelles et quand ils ne dressent pas la liste des lectures ou des influences qui poussent le quadragénaire Koestler à changer de cap et à abandonner complètement toutes ses spéculations politiques dans les années 50, immédiatement après la parenthèse maccarthiste aux Etats-Unis, pays où il a longuement séjourné, sans vraiment s’y sentir aussi à l’aise que dans son futur cottage gallois ou dans son chalet autrichien. Certes, Koestler lui-même n’a jamais donné une oeuvre ou un essai bien balancé sur son itinéraire scientifique, post-politique. Les deux volumes de son autobiographie, Arrow in the Blue (La corde raide) et Invisible Writing (Hiéroglyphes) s’arrêtent justement vers le milieu des années 50. Ces deux volumes constituent un bilan et un adieu. J’en conseille vivement la lecture pour comprendre certaines facettes du 20ème siècle, notamment relative à la guerre secrète menée par le Komintern en Europe occidentale.

Agent soviétique puis agent britannique?

Koestler se lit avec intérêt justement pour le recul qu’il prend vis-à-vis des idéologies auxquelles il a adhéré avec un enthousiasme naïf, comme des millions d’autres Européens. Mais on ne saurait évidemment adhérer à ces idéologies, sioniste ou communiste, ni partager les sentiments, parfois malsains, qui l’ont conduit à s’y conformer et à s’y complaire. Koestler a été un agent du Komintern mais, à part le long épisode dans le sillage de Münzenberg, d’autres facettes sont traîtées trop brièvement: je pense notamment à son travail au sein de l’agence de presse géopolitique, “Pressgeo”, dirigée à Zürich par le Hongrois Rados et pendant soviétique/communiste des travaux de l’école allemande d’Haushofer. Koestler lui-même et ses biographes sont très discrets sur cette initiative, dont tous louent la qualité intrinsèque, en dépit de son indéniable marquage communiste. Koestler a donc été un agent soviétique. Il sera aussi, on s’en doute, un agent britannique, surtout en Palestine, où il se rendra deux ou trois fois pour faire accepter les plans britanniques de partition du pays aux sionistes de gauche et de droite (avec qui il était lié via l’idéologue et activiste de droite Vladimir Jabotinski, père spirituel des futures droites israéliennes). Ses souvenirs sont donc intéressants pour comprendre les sentiments et les réflexes à l’oeuvre dans la question judéo-israélienne et dans les gauches d’Europe centrale. On ne peut affirmer que Koestler soit devenu un agent américain, pour la bonne raison qu’à New York il fut nettement moins “employé”’ que d’autres au début de la Guerre Froide, qu’on le laissait moisir dans sa maison américaine quasi vide et que sa carrière aux Etats-Unis n’a guère donné de fruits. Le maccarthisme se méfiait de cet ancien agent du Komintern. Et Koestler, lui, estimait que le maccarthisme était dénué de nuances et agissait exactement avec la même hystérie que les propagandistes soviétiques, quand ils tentaient de fabriquer des collusions ou d’imaginer des complots.

Koestler et la France

516E%2B8cX4wL.jpegReste à évoquer le rapport entre Koestler et la France. Ce pays est, dans l’entre-deux-guerres, le refuge idéal des antifascistes et antinazis de toutes obédiences. Koestler y pérègrine entre Paris et la Côte d’Azur. La France est la patrie de la révolution et Koestler se perçoit comme un révolutionnaire, qui poursuit l’idéal 150 ans après la prise de la Bastille, devant des ennemis tenaces, apparemment plus coriaces que les armées en dentelles de la Prusse et de l’Autriche à Valmy ou que les émigrés de Coblence. Cet engouement pour la France s’effondre en octobre 1939: considéré comme sujet hongrois et comme journaliste allemand, Koestler est arrêté et interné dans un camp de concentration en lisière des Pyrénées. Il y restera quatre mois. Cette mésaventure, ainsi que sa seconde arrestation en mai 1940, son évasion et son périple dans la France en débâcle, généreront un deuxième chef-d’oeuvre de littérature carcérale et autobiographique, Scum of the Earth (La lie de la Terre). Cet ouvrage est une dénonciation de l’inhumanité du système concentrationnaire de la Troisième République, de son absence totale d’hygiène et un témoignage poignant sur la mort et la déréliction de quelques antifascistes allemands, italiens et espagnols dans ces camps sordides. Avant 1945, la littérature carcérale/concentrationnaire dénonce, non pas le Troisième Reich, mais la Troisième République. Il y a Koestler, qui édite son livre en Angleterre et donne à l’allié français vaincu une très mauvaise presse, mais il y a, en Belgique, les souvenirs des internés du Vernet, arrêtés par la Sûreté belge en mai 1940 et livrés aux soudards français qui les accompagneront en les battant et en les humiliant jusqu’à la frontière espagnole. Eux aussi iront crever de faim, rongés par une abondante vermine, en bordure des Pyrénées. Ce scandale a été largement exploité en Belgique pendant les premiers mois de la deuxième occupation allemande, avec les témoignages de Léon Degrelle (Ma guerre en prison), du rexiste Serge Doring (L’école de la douleur – Souvenirs d’un déporté politique), des militants flamands René Lagrou (Wij Verdachten) et Ward Hermans. La description des lieux par Doring correspond bien à celle que nous livre Koestler. L’un de leurs compagnons d’infortune des trains fantômes partis de Bruxelles, le communiste saint-gillois Lucien Monami n’aura pas l’occasion de rédiger le récit de ses malheurs: il sera assassiné par des soldats français ivres à Abbeville, aux côtés des solidaristes Van Severen et Rijckoort. La lie de la terre rend Koestler impopulaire en France dans l’immédiat après-guerre. En effet, cet ouvrage prouve que le dérapage concentrationnaire n’est pas une exclusivité du Troisième Reich ou de l’URSS stalinienne, que les antifascistes et les rescapés des Brigades Internationales ou des milices anarchistes ibériques antifranquistes ont d’abord été victimes du système concentrationnaire français avant de l’être du système national-socialiste ou, éventuellement, stalinien, que la revendication d’humanisme de la “République” est donc un leurre, que la “saleté” et le manque total d’hygiène reprochés aux services policiers et pénitentiaires français sont attestés par un témoignage bien charpenté et largement lu chez les alliés d’Outre-Manche à l’époque. Les choses s’envenimeront dans les années chaudes et quasi insurrectionnelles de 1947-48, où Koestler évoque la possibilité d’une prise de pouvoir communiste en France et appelle à soutenir De Gaulle. Dans ses mémoires, il décrit Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, avec leur entourage, en des propos peu amènes, se gaussant grassement de leurs dogmatismes, de leurs manies, de leur laideur et de leur ivrognerie. La rupture a lieu définitivement en 1949, quand Koestler participe à un recueil collectif, Le Dieu des Ténèbres, publié dans une collection dirigée par Raymond Aron. La gauche française, communistes en tête, mène campagne contre le “rénégat” Koestler et surtout contre la publication en traduction française de Darkness at Noon (Le Zéro et l’Infini). Pire: l’impression du recueil d’articles de Koestler, intitulé Le Yogi et le commissaire, est suspendue sur ordre du gouvernement français pour “inopportunisme politique”! Une vengeance pour La lie de la Terre?

En Belgique en revanche, où l’emprise communiste sur les esprits est nettement moindre (malgré la participation communiste à un gouvernement d’après-guerre, la “communisation” d’une frange de la démocatie chrétienne et les habituelles influences délétères de Paris), Koestler et Orwell, explique le chroniqueur Pierre Stéphany, sont les auteurs anglophones les plus lus (en 1946, le livre le plus vendu en Belgique est Darkness at Noon). Ils confortent les options anticommunistes d’avant-guerre du public belge et indiquent, une fois de plus, que les esprits réagissent toujours différemment à Bruxelles et à Paris. En effet, la lecture des deux volumes autobiographiques de Koestler permettent de reconstituer le contexte d’avant-guerre: Münzenberg (et son employé Koestler) avaient été en faveur de l’Axe Paris-Prague-Moscou, évoqué en 1935; cette option de la diplomatie française contraint le Roi à dénoncer les accords militaires franco-belges et à reprendre le statut de neutralité, tandis que, dans l’opinion publique, bon nombre de gens se disent: “Plutôt Berlin que Moscou!” (fin des années 70, les émissions du journaliste de la télévision flamande, Maurits De Wilde, expliquaient parfaitement ce glissement). Attitude qui reste encore et toujours incomprise en France aujourd’hui, notamment quand on lit les ouvrages d’une professeur toulousaine, Annie Lacroix-Riz (in: Le Vatican, l’Europe et le Reich de la Première Guerre mondiale à la Guerre Froide, Armand Colin, Paris, 1996 et réédité depuis). L’idéologie de cette dame, fort acariâtre dans ses propos, semble se résumer à un mixte indigeste de républicanisme laïcard complètement abscons, de sympathies communisto-résistantialistes et de germanophobie maurrasienne. Bon appétit pour ingurgiter une telle soupe! Les chapitres consacrés à la Belgique sont d’une rare confusion et ne mentionnent même pas les travaux du Prof. Jean Vanwelkenhuizen qui a démontré que l’éventualité d’un Axe Paris-Prague-Moscou a certes contribué à réinstaurer le statut de neutralité de la Belgique mais que d’autres raisons avaient poussé le Roi et son entourage à changer leur fusil d’épaule: les militaires belges estimaient que la tactique purement défensive du système Maginot, foncièrement irréaliste à l’heure du binôme char/avion et ne tenant aucun compte des visions exprimées par le stratégiste britannique Liddell-Hart (que de Gaulle avait manifestement lu); le ministère de l’intérieur jugeait problématique l’attitude de la presse francophile qui ne tenait aucun compte des intérêts spécifiques du pays; et, enfin, last but not least, la volonté royale de sauver la civilisation européenne des idéologies et des pratiques délétères véhiculées certes par les idéologies totalitaires mais aussi par le libéralisme manchestérien anglais et par le républicanisme et “révolutionnisme institutionalisé” de la France. Aucune de ces recettes ne semblait bonne pour restaurer une Europe conviviale, respectueuse des plus belles réalisations de son passé.

Dans La lie de la terre, les Belges de l’immédiat après-guerre ont dû lire avec jubilation un portrait de Paul Reynaud, décrit comme un “tatar en miniature”; “il semblait, poursuit Koestler (p. 144), que quelque part à l’intérieur de lui-même se dissimulait une dynamo de poche qui le faisait sautiller (jerk) et vibrer énergiquement”; bref, un sinistre bouffon, un gnome grimaçant, animé par des “gestes d’automate”. Braillard vulgaire et glapissant, Paul Reynaud, après ses tirades crapuleuses contre Léopold III, a été le personnage le plus honni de Belgique en 1940: son discours, fustigeant le Roi, a eu des retombées fâcheuses sur un grand nombre de réfugiés civils innocents, maltraités en tous les points de l’Hexagone par une plèbe gauloise rendue indiciblement méchante par les fulminations de Reynaud. Le ressentiment contre la France a été immense dans les premières années de guerre (et fut le motif secret de beaucoup de nouveaux germanophiles) et est resté durablement ancré chez ceux qui avaient vécu l’exode de 1940. Après les hostilités et la capitulation de l’Allemagne, la situation insurrectionnelle en France en 1947-48 inquiète une Belgique officielle, secouée par la répression des collaborations et par la question royale. Une France rouge verra-t-elle le jour et envahira-t-elle le territoire comme lors de la dernière invasion avortée de Risquons-Tout en 1848, où les grenadiers de Léopold I ont su tenir en échec les bandes révolutionnaires excitées par Lamartine? Idéologiquement, les deux pays vont diverger: en France, un pôle politique communiste se durcit, dès le lendemain de la seconde guerre mondiale, et va se perpétuer quasiment jusqu’à la chute de l’Union Soviétique, tandis qu’en Belgique, le mouvement va s’étioler pour vivoter jusqu’en 1985, année où il n’aura plus aucune représentation parlementaire. Julien Lahaut, figure de proue du parti communiste belge, qui avait été chercher tous les prisonniers politiques croupissant dans les camps de concentration français des Pyrénées (communistes, rexistes, anarchistes et nationalistes flamands sans aucune distinction), sera assassiné par un mystérieux commando, après avoir été accusé (à tort ou à raison?) d’avoir crié “Vive la république!” au moment où le jeune Roi Baudouin prêtait son serment constitutionnel en 1951. Le communisme n’a jamais fait recette en Belgique: à croire que la leçon de Koestler avait été retenue.

De Koestler au post-sionisme

253604-L.jpgAujourd’hui, il faut aussi relire Koestler quand on aborde la question judéo-israélienne. Les séjours de Koestler en Palestine, à l’époque du sionisme balbutiant, ont conduit, en gros, à une déception. Ce sionisme, idéologiquement séduisant dans les Burschenschaften juives de Vienne, où le niveau intellectuel était très élevé, s’avérait décevant et caricatural dans les kibboutzim des campagnes galiléennes ou judéennes et dans les nouvelles villes émergentes du Protectorat britannique de Palestine en voie de judaïsation. Même si Koestler fut le premier inventeur de mots croisés en hébreu pour une feuille juive locale, l’option en faveur de cette langue reconstituée lui déplaisait profondément: il estimait qu’ainsi, le futur citoyen palestinien de confession ou d’origine juive se détachait des vieilles cultures européennes, essentiellement celles de langues germaniques ou slaves, qui disposaient d’une riche littérature et d’une grande profondeur temporelle, tout en n’adoptant pas davantage l’arabe. Ce futur citoyen judéo-palestinien néo-hébraïsant adoptait une sorte d’esperanto largement incompris dans le reste du monde: selon le raisonnement de Koestler, le juif, en s’immergeant jusqu’à l’absurde dans l’idéologie sioniste, devenue caricaturale, cessait d’être un être passe-partout, un cosmopolite bon teint, à l’aise dans tous les milieux cultivés de la planète. L’hébraïsation transformait l’immigré juif, cherchant à échapper aux ghettos, aux pogroms ou aux persécutions, en un plouc baraguinant et marginalisé sur une planète dont il n’allait plus comprendre les ressorts. Plus tard, dans les années 70, Koestler rédigera La treizième tribu un ouvrage ruinant le mythe sioniste du “retour”, en affirmant que la masse des juifs russes et roumains n’avaient aucune racine en Palestine mais descendaient d’une tribu turco-tatar, les Khazars, convertie au judaïsme au haut moyen âge. Poser le mythe du “retour” comme fallacieux est l’axiome majeur de la nouvelle tradition “post-sioniste” en Israël aujourd’hui, sévèrement combattue par les droites israéliennes, dont elle ruine le mythe mobilisateur.

Beaucoup de pain sur la planche pour connaître les tenants et aboutissants des propagandes “américanosphériques”

Reste à analyser un chapitre important dans la biographie de Koestler: son attitude pendant la Guerre Froide. Il sera accusé d’être un “agent des trusts” par les communistes français, il adoptera une attitude incontestablement belliciste à la fin des années 40 au moment où les communistes tchèques, avec l’appui soviétique, commettent le fameux “coup de Prague” en 1948, presque au même moment où s’amorcent le blocus de Berlin, métropole isolée au milieu de la zone d’occupation soviétique en Allemagne. Koestler ne sera cependant pas un jusqu’au-boutiste du bellicisme: il s’alignera assez vite sur la notion de “coexistence”, dégoûté par le schématisme abrupt des démarches maccarthistes. Cependant, sa présence, incontournable, dans la mobilisation d’intellectuels “pour la liberté” révèle un continent de l’histoire des idées qui n’a été que fort peu étudié et mis en cartes jusqu’ici. Ce continent est celui, justement, d’un espace intellectuel sollicité en permanence par certains services occidentaux, surtout américains, pour mobiliser l’opinion et les médias contre les initiatives soviétiques d’abord, autres ensuite. Ces services, dont l’OSS puis la CIA, vont surtout tabler sur une gauche non communiste voire anticommuniste, avec des appuis au sein des partis sociaux démocrates, plutôt que sur une droite légitimiste ou radicale. C’est dans cet espace intellectuel-là, auquel Koestler s’identifie, qu’il faut voir les racines de la “nouvelle philosophie” en France et de la “political correctness” partout dans la sphère occidentale, ainsi que des gauches “ex-extrêmes”, dont les postures anti-impérialistes et les velléités auto-gestionnaires ont été dûment expurgées au fil du temps, pour qu’elles deviennent docilement des porte-voix bellicistes en faveur des buts de guerre des Etats-Unis. Un chercheur allemand a inauguré l’exploration inédite de cet espace: Tim B. Müller (Humboldt-Universität, Berlin) dans son ouvrage Krieger und Gelehrte – Herbert Marcuse und die Denksysteme im Kalten Kriege; ce travail est certes centré sur la personnalité et l’oeuvre du principal gourou philosophique de l’idéologie soixante-huitarde en Allemagne et en France (et aussi, partiellement, des groupes Planète de Louis Pauwels!); il relie ensuite cette oeuvre philosophique d’envergure et la vulgate qui en a découlé lors des événements de 67-68 en Europe aux machinations des services secrets américains. La personnalité de Koestler est maintes fois évoquée dans ce livre copieux de 736 pages. Par ailleurs, le Dr. Stefan Meining, de la radio bavaroise ARD, et, en même temps que lui, l’Américain Ian Johnson, Prix Pulitzer et professeur à la TU de Berlin, ont chacun publié un ouvrage documenté sur la prise de contrôle de la grande mosquée de Munich par Said Ramadan à la fin des années 50.

En s’emparant des leviers de commande de cette importante mosquée d’Europe centrale, Ramadan, affirment nos deux auteurs, éliminait de la course les premiers imams allemands, issus des bataillons turkmènes ou caucasiens de l’ancienne Wehrmacht, fidèles à une certaine amitié euro-islamique, pour la remplacer par un islamisme au service des Etats-Unis, via la personnalité d’agents de l’AMCOMLIB, comme Robert H. Dreher et Robert F. Kelley. Ceux-ci parviendront même à retourner le Grand Mufti de Jérusalem, initialement favorable à une alliance euro-islamique. Les Américains de l’AMCOMLIB, largement financés, éclipseront totalement les Allemands, dirigés par le turcologue Gerhard von Mende, actif depuis l’ère nationale-socialiste et ayant repris du service sous la Bundesrepublik. La mise hors jeu de von Mende, impliquait également le retournement d’Ibrahim Gacaoglu, de l’Ouzbek Rusi Nasar et du Nord-Caucasien Said Shamil. Seuls l’historien ouzbek Baymirza Hayit, le chef daghestanais Ali Kantemir et l’imam ouzbek Nurredin Namangani resteront fidèles aux services de von Mende mais sans pouvoir imposer leur ligne à la mosquée de Munich. L’étude simultanée des services, qui ont orchestré les agitations gauchistes et créé un islamisme pro-américain, permettrait de voir clair aujourd’hui dans les rouages de la nouvelle propagande médiatique, notamment quand elle vante un islam posé comme “modéré” ou les mérites d’une armée rebelle syrienne, encadrée par des talibans (non modérés!) revenus de Libye et financés par l’Emirat du Qatar, pour le plus grand bénéfice d’Obama, désormais surnommé “Bushbama”. Il est temps effectivement que nos contemporains voient clair dans ces jeux médiatiques où apparaissent des hommes de gauche obscurantistes et néo-staliniens (poutinistes!), auxquels on oppose une bonne gauche néo-philosophique à la Bernard-Henri Lévy ou à la Finkelkraut ou même à la Cohn-Bendit; des mauvais islamistes afghans, talibanistes et al-qaïdistes, mais de bons extrémistes musulmans libyens (néo-talibanistes) ou qataris face à de méchants dictateurs laïques, de bons islamistes modérés et de méchants baathistes, une bonne extrême-droite russe qui manifeste contre le méchant Poutine et une très méchante extrême-droite partout ailleurs dans le monde occidental, etc. Les médias, “chiens de garde du système”, comme le dit Serge Halimi, jettent en permanence la confusion dans les esprits. On le voit: nos cercles non-conformistes ont encore beaucoup de pain sur la planche pour éclairer nos contemporains, manipulés et hallucinés par la propagande de l’américanosphère, du soft power made in USA.

Il ne s’agit donc pas de lire Koestler comme un bigot lirait la vie d’un saint (ou d’un mécréant qui arrive au repentir) mais de saisir le passé qu’il évoque en long et en large pour comprendre le présent, tout en sachant que la donne est quelque peu différente.

(propos recueillis à Bruxelles, décembre 2011/janvier 2012).

"La Syrie est une tête de pont pour une agression contre l’Iran" ou Le "printemps arabe" lui-même était-il une opération américaine ?

" La Syrie est une tête de pont pour une agression contre l’Iran " ou Le "printemps arabe" lui-même était-il une opération américaine ?

En dépit de la focalisation de l’actualité sur l’Iran, la Syrie demeure sujet à préoccupation de la part des observateurs. Ce pays rétif à l’instauration du Nouvel Ordre Mondial reste est « victime d’actes de terrorisme planifiés et organisés par des puissances étrangères ». Quelle part des services secrets occidentaux dans cette tentative de déstabilisation ? Instrumentalisation de l’OTAN par l’impérialisme US, bras armé de l’ONU ainsi que d’autres questions auxquelles Joëlle Penochet, journaliste, ethnologue et sociologue des mass-médias a répondu dans cet entretien accordé exclusivement à La Nouvelle République.

 

Ex: http://mediabenews.wordpress.com/

La NR/ Quelle est votre analyse de la situation en Syrie?

J.P/ Ce n’est pas Bachar el-Assad qui est visé, mais la Syrie en tant que pays laïc, nationaliste et indépendant, ennemi d’Israël et rétif à l’instauration du Nouvel Ordre Mondial. Après l’Iraq et la Libye, ce pays doit inéluctablement être détruit à son tour pour permettre la réalisation du vieux projet atlantiste de «Grand Moyen Orient». Par ailleurs, la Syrie est une tête de pont pour une agression contre l’Iran et la poursuite de l’encerclement de la Russie et de la Chine.

Après l’élimination du colonel Kadhafi, dans les conditions ignobles que l’on connait, Bachar-el-Assad est le nouvel homme à abattre, l’Hitler du moment. L’agenda atlanto-sioniste (qui correspond à celui des néo-conservateurs du PNAC (Projet pour un nouveau siècle américain) a pris du retard, et le rythme infernal de l’enchaînement des guerres contre les pays ciblés (annoncé par Bush dans le cadre d’une «guerre de cent ans contre le terrorisme) doit s’accélérer. La Syrie est depuis longtemps sur la liste étasunienne des «Etats-Voyous» dont le régime doit être renversé. L’ancien commandant en chef de l’OTAN, le général Wesley Clark, a rapporté en 2007 qu’un officier d’état-major de haut rang lui avait confié, quelques semaines après les attentats du 11 septembre, qu’une campagne militaire de cinq ans était programmée, pour des motifs inconnus, pour attaquer sept pays: l’Irak, la Syrie, le Liban, le Libye l’Iran, la Somalie et le Soudan.

Concernant l’application de ce projet en Syrie, c’est le scénario libyen, à quelques détails près, qui est répété: la même propagande guerrière contre le régime et la diabolisation de son chef, les mêmes mercenaires et combattants professionnels étrangers lourdement armés déguisés en manifestants pacifiques, les mêmes faux-témoignages de «victimes», la création d’un «Conseil national de transition» (le 1er octobre à Istanbul) – un clone du CNT libyen -, et des sanctions économiques répétées pour asphyxier le pays.

Car, depuis la chute du mur de Berlin, c’est toujours le même schéma qui est utilisé pour lancer une guerre «humanitaire» (en Yougoslavie, en Iraq, en Libye…): on déclare que le dirigeant du pays ciblé «massacre son propre peuple», ensuite on fait des discours droits-de-l’hommistes enflammés à l’ONU («nous devons libérer le peuple de son tyran»), on impose des sanctions économiques de plus en plus lourdes, on menace, on lance des ultimatums innacceptables. Siimultanément, on prépare méthodiquement l’opinion publique internationale (que l’on doit émouvoir en lui racontant des histoires atroces préfabriquées – de bébés, de femmes et d’enfants torturés, massacrés par le régime…) à une intervention «humanitaire».

Actuellement, Washington et ses vassaux – en premier lieu la France – se disent «mécontents» des rapports des observateurs de la Ligue arabe, qui les a «trahis» en ne remplissant pas leur mission véritable qui était de de confirmer la version de la Maison Blanche. Ils leur font le même reproche qu’au projet de résolution russe, celui de mettre sur le même plan les violences du régime et celles des «contestataires». Les américains ont d’ores et déjà déclaré que, quelles soient les recommandations de la délégation des observateurs arabes, leur position resterait inchangée. On s’en serait douté!

Mais Washington a oublié que la Syrie n’est pas la Libye. C’est un pays de 23 millions d’habitants, avec des moyens militaires plus importants, des forces militaires aguerries, et des alliances qui semblent plus sûres, du moins pour l’instant. Le pays est toujours en état de guerre larvée avec Israël depuis 1948 – avec l’épisode douloureux de la prise du Golan en 1967 (territoire qu’Afez el-Assad avait toujours essayé de récupérer) et la guerre de 1973 -, et en froid avec l’Egypte et la Jordanie qui ont signé des traités de paix avec Israël.

La Syrie étant alliée de l’Iran, du Hezbollah au Liban, et du Hamas à Gaza, pour contrer l’expansionnisme de l’état d’Israël, elle connait des tentatives de déstabilisation récurrentes: rappelons-nous l’accusation de l’assassinat de Rafic Hariri en 2005, invalidée par la révélation que les chefs d’accusation reposaient totalement sur une série de faux-témoignages. Ce n’est pas à la Syrie que profitait cet assassinat…

Les puissances occidentales, par l’intermédiaire des dictatures théocratiques du Golfe et de la Turquie veulent en finir avec ce pays comme ils l’ont fait de Iraq et de la Libye. On peut malheureusement redouter qu’il ne s’agisse que d’une question de temps, car Washington est déterminé à appliquer son agenda quoi qu’il en coûte, quitte à provoquer l’embrasement de la région entière et le déclenchement d’une troisième guerre mondiale, avec l’utilisation d’armes thermonucléaires.

Une nouvelle fois, il ne s’agit en aucun cas d’une révolte populaire, comme les media mainstream, aux mains des banksters et des multinationales de l’armement, veulent le faire accroire. Le gouvernement syrien est victime d’actes de terrorisme planifiés et organisés par des puissances étrangères pour le renverser. On assiste depuis le début des événements à une militarisation impressionnante de la soi-disant «contestation», et à son escalade sans fin: attaques à l’arme lourde contre les forces armées gouvernementales et les bâtiments publics, tirs de snipers sur les policiers, les manifestants et la population, enlèvements et assassinats de fonctionnaires et de civils qui refusent d’obéir au diktat des bandes armées.

Le niveau d’agression a monté d’un cran avec des sabotages d’infrastructures du pays, comme celui d’un pipe-line approvisionnant l’une des principales centrales électriques, revendiquée par l’Armée syrienne libre (ASL, la branche armée du CNS). Et maintenant l’escalade se poursuit avec des attentats, qui risquent de se multiplier. Ceux de Damas, qui ont fait 44 morts et 166 blessés graves à Damas à la veille de Noël, revendiqués par les Frères musulmans, ont été cyniquement attribués au régime par l’opposition et les puissances occidentales! Le 6 janvier, une nouvelle explosion à la voiture piégée a fait des dizaines de morts et de blessés. Plusieurs milliers de personnes, dont plus de deux mille soldats et membres des forces de sécurité, auraient déjà été tuées par les terroristes depuis l’apparition des troubles.

A l’instar des «rebelles» libyens, qui n’ont jamais existé que sur les écrans de télévision et les photos de presse, les bandes armées qui opèrent en Syrie sont des mercenaires et des terroristes islamistes armés de matériels lourds et sophistiqués par des puissances étrangères et l’OTAN : fusils de chasse, antichars, lance-roquettes, roquettes antiaériennes, mortiers, mitrailleuses lourdes, équipement électronique, lunettes laser…).

Ces gangs instillent un climat de terreur dans la population, menaçant de mort ou exécutant froidement ceux qui refusent de participer à leurs manifestations, ou à leur grève générale. Ces méthodes terroristes ressemblent étrangement à celles du GIA en Algérie dans les années 90′, dont on peut se demander, avec le recul du temps, pour qui il roulaient vraiment… Le gros des troupes de «l’Armée syrienne libre» (ASL) serait composé d’éléments étrangers, principalement des terroristes islamistes armés par le Qatar, monarchie théocratique richissime. Après avoir servi de base à l’état-major américain pour ses opérations en Irak, il avait envoyé cinq mille combattants professionnels en Libye. L’ASL est dirigée par Abdelhakim Belhaj, chef historique d’Al Qaida en Libye déjà sacré gouverneur militaire de Tripoli par l’OTAN.

Abdelhakim Belhaj

C’est pourquoi la population syrienne est en quasi-totalité derrière son président pour contrer l’agression étrangère (les grandes manifestations de soutien au régime n’ont jamais cesser depuis le début – rassemblant plus d’un million de personnes, à Damas et à Alep) et qu’elle ne cesse de réclamer plus de protection de la part de l’armée et de la police. Même les opposants, qui critiquaient la lenteur des autorités à réformer le pays pour éradiquer la corruption et instaurer plus de libertés et de justice sociale, soutiennent activement le régime pour contrer à tout prix une agression étrangère. Les réformes entamées par Bachar el Assad dès son entrée en fonction ont pris d’autant plus de retard qu’après avoir été freiné par la vieille garde de son père Afez, il a du faire face à des menaces extérieures et que le pays est l’objet de sanctions économiques du plus en plus dures.

Les minorités religieuses ont particulièrement menacées par les terroristes islamistes. Grâce au régime laïc, quarante-cinq communautés avaient jusqu’à présent coexisté en harmonie en Syrie: les Chrétiens – qui représentent 15% de la population -, les Druzes, les Kurdes, les Chiites et les Alaouites. Ces minorités soutiennent leur président et craignent l’instauration d’un régime religieux dont les persécutions les contraindraient à l’exil. Deux millions de réfugiés irakiens et près d’un-demi million de Palestiniens ont été accueillis généreusement par la Syrie, où ils ont les mêmes droits que les citoyens syriens. Provoquer et attiser les violences inter-confessionnelles ou inter-ethniques est un moyen classique pour instaurer le chaos, provoquer des guerres civiles, et imposer ensuite un nouvel ordre.

La Soeur Agnès-Mariam de la Croix soutient le régime de Bachar

En revanche, il n’est jamais question de Résolution de l’ONU contre les dictatures sanguinaires amies de l’Occident comme l’Arabie saoudite, théocratie obscurantiste qui a massacré des milliers de manifestants au Barhein depuis le début de 2011. En Iraq, les nouveaux «dirigeants» font tirer à balles réelles sur les rassemblements – faisant à chaque fois des dizaines de morts et de blessés, et ont assassiné un journaliste co-organisateur des «Jours de la colère» contre le régime. Tout cela, dans le silence assourdissant de la dite «communauté internationale».

Ces préparatifs de guerre se déroulent honteusement avec le soutien de l’opinion publique occidentale, façonnée par la propagande des media mainstream. Les slogans (en anglais, donc à destination de l’étranger) sont conçus par des officines américaines spécialisées. Les accusations les plus grotesques ont été lancées contre Bachar el-Assad: enfants torturés, blogueuse lesbienne persécutée et prise en otage (en réalité un étudiant américain émettant d’Ecosse…). Sachant que la guerre de l’information se déroule maintenant sur l’Internet, les rejetons électroniques des media mainstream (comme le Post et Rue89 en France) se répandent en faux témoignages de soi-disant victimes (dont les noms ne sont jamais cités et dont les photos sont floutées…).

Blogueuse syrienne persécutée

Ces accusations odieuses sont basées sur de faux documents audio-visuels provenant généralement d’ Al-Jazira et Al-Arabiya (les Voix de son Maître de l’OTAN et du Pentagone). Ces media prennent aussi leurs «informations» – relayées sans vérification – auprès «d’ONG» basées dans des pays occidentaux (Londres-Paris-Washington), financées paradoxalement par des organisations para-gouvernementales! C’est le cas d’Amnesty International, dont l’antenne américaine est dirigée par une assistante d’Hillary Clinton.

Mais la première source des médias mainstream est l’obscur «Observatoire syrien des Droits de l’Homme» (OSDH), basé à Londres et membre du CNS aux mains des Frères musulmans (les plus radicaux de la région), dont le but est l’instauration d’une république islamique. Son porte-parole, en exil en Turquie, s’exprimant au nom du «peuple syrien» réclame depuis des mois une «intervention extérieure».

En vue d’obtenir le feu vert pour déclencher l’agression, les Etats-Unis ont même fait pondre au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU un rapport sur mesure, totalement bidon sur les «crimes syriens contre l’humanité”. Fabriqué entièrement «en chambre» à Genève, il est basé uniquement sur les pseudo «témoignages» de 223 «déserteurs» et «victimes» dont, bien sûr, l’identité ne peut être révélée! En outre, il a été co-écrit par la directrice d’un Think-Thank de Washington (le Middle East Policy Council), qui inclut des représentants du gouvernement, de l’armée américaine, de la chambre de commerce américano-qatarie (comprenant Chevron, Exxon, Raytheon et Boeing) et agents de la CIA. Comme attendu par la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, ses conclusions préconisent une intervention militaire. Ce «rapport» a permis au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU d’adopter une résolution condamnant «les violations des droits de l’Homme et des libertés fondamentales » en Syrie. La menace d’une “guerre civile” pourrait justifier une intervention militaire «humanitaire».

Mercenaire

Bachar-el-Assad n’a rien d’un dictateur. C’est un médecin formé à Londres qui n’avait aucune ambition de devenir président. Il a été élu par référendum en 2000 et la population – même ses opposants-, est plus que jamais massivement derrière lui. Les forces militaires qu’il déploie – bien insuffisantes au demeurant – pour tenter de contenir cette insurrection armée de grande ampleur, font face à des escadrons de la mort redoutables entraînés par des forces spéciales américaines, françaises et israéliennes en Turquie et au Liban Nord. Le président a regretté publiquement des bavures – attribuées au fait que les forces de l’ordre étaient exaspérées par des assassinats massifs de leurs membres par des «insurgés» armés alors qu’eux-mêmes n’avaient pas le droit de tirer. De nombreux soldats ont été atrocement torturés et mutilés avant d’être jetés d’un pont, comme le montrent des vidéos de témoins directs.

Manifestation de soutien au régime à Tartous

Tout est fait pour isoler la Syrie sur la scène internationale. La décision obtenue le 25 novembre de la Ligue arabe, dominée par l’Arabie Saoudite et autres suppôts des Etats-Unis, de suspendre la Syrie, pays fondateur de l’organisation – et dernier état arabe à s’opposer à Israël – avait pour objectif d’assurer une couverture arabe à l’agression.

Cette fois, c’est la Turquie, membre de l’OTAN et alliée d’Israël, qui tient le rôle de paravent pour les Etats-Unis que la France avait joué en Libye. En effet, ruinés et en campagne électorale (l’opinion publique américaine étant défavorable aux opérations extérieures – c’était le sens du vote à la présidentielle de 2008), les Etats-Unis ne peuvent plus se permettre d’apparaître au premier plan, mais orchestrent toute l’opération en coulisses.

Par ailleurs, on remarquera que les nouvelles guerres sont déclenchées avec l’assentiment quasi-unananime de l’opinion publique occidentale. La démobilisation des anti-guerre ne s’explique pas totalement par le découragement qui a gagné les participants aux grandes manifestations de 2002-2005 contre la guerre en Iraq (qui ont rassemblé plus de 10 millions de personnes dans le monde, et à plusieurs reprises plus d’un demi-million de personnes à New-York, Washington et à Londres). La fièvre de la guerre humanitaire a contaminé les milieux traditionnellement anti-guerre, comme en France, la «Gauche de la gauche» et les «écologistes» – révélant ainsi la véritable nature de ces mouvances très médiatisées-, et aux Etats-Unis les «libéraux», depuis que le milliardiaire Georges Soros (l’inventeur génial des « révolutions colorées ») a mis la main sur le mouvement pacifiste en 2004 pour canaliser ses énergies derrière le candidat belliciste démocrate (à l’aide de slogans aussi fédérateurs que «Anybody but Bush»), en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes.

La NR/ Dans la guerre libyenne, certains observateurs ont souligné le rôle des services secrets occidentaux dans la préparation de l’insurrection ; assisterait-on au même scénario en Syrie ?

Ce type d’opération de déstabilisation ne peut pas se réaliser sans une longue préparation. Les services secrets occidentaux et israéliens fomentent la déstabilisation de la Syrie depuis des années. Des agents de la DGSE (les renseignements français) sont basés au Nord du Liban et en Turquie. On sait que les Frères musulmans, qui dominent le CNS, ont des liens étroits avec les services anglais (MI6) et la CIA depuis des décennies. Les mouvements islamistes ont souvent été manipulés par les puissances occidentales pour contrer le nationalisme arabe (par exemple le nassérisme dans les années 50′). Les mercenaires étrangers (saoudiens, qatari, libanais…) sont armés, formés et financés par les mêmes services, et le Mossad, l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Liban et la Jordanie.

L’émir du Qatar

La NR/ Certains pensent qu’une guerre contre la Syrie aurait de lourdes conséquences sur la région. A quelle configuration géopolitique pourrait-on s’attendre dans ce cas ?

C’est un scénario à la Yougoslave qui se dessine. On essaie de déclencher une guerre civile pour créer des divisions ethniques, politiques et religieuses menant à l’éclatement du pays. Déjà dans l’ex-fédération yougouslave, en Bosnie et au Kosovo, l’objectif avait été atteint grâce à la création d’organisations paramilitaires armées (comme l’UCK) similaires à l’ASL. La propagande mensongère (faux-charnier de Timisoara, faux massacre de Raçac, faux camp de concentration..) voulait démontrer que le gouvernement de Belgrade avait commis des crimes atroces, afin de pouvoir justifier une «guerre humanitaire». Là aussi, on avait utilisé des groupes islamistes, et créé par la suite, en toute illégalité, un état sur des bases ethniques et confessionnelles, le Kosovo (où les rares Serbes et Chrétiens qui n’ont pas fui sont toujours persécutés).

Mais la Syrie n’est une étape de plus après la Libye dans le plan de remodelage de la région programmé par l’axe atlanto-sioniste, qui passe ensuite par l’Iran. Il faut éliminer tous les régimes encore récalcitrants au Nouvel ordre mondial, et les partitionner les pays à l’instar de la Yougoslavie ou du Soudan (en 2011), sur des bases ethniques et/ou confessionnelles.

La NR/ La Russie et la Chine ont opposé leur veto à cette campagne anti-syrienne. Sauront-ils résister face à l’axe américano-occidental ? Et pour combien de temps ?

Les dirigeants chinois et russes portent une part de responsabilité dans les massacres du peuple libyen et la chute du régime. Saurons-nous jamais à la suite de quels marchandages sordides ils en sont arrivés là?

L’intervention militaire en Syrie, qui avait été planifiée pour la mi-novembre 2011, a été stoppée in extremis le 5 octobre par les vétos russe et chinois au Conseil de sécurité. Exaspérée par cette résistance inattendue, les puissances impérialistes ont décidé d’intensifier leur campagne de propagande de guerre et les provocations meurtrières sur le terrain. Les media multiplient les calomnies odieuses contre le régime, et diffusent quotidiennement des bilans des morts fantaisistes de plus en plus lourds. Tout cela pour préparer les opinions publiques à une nouvelle bonne guerre humanitaire qui réduirait le pays en cendres et ferait des dizaines de milliers de morts.

La Chine, qui a dénoncé l’instrumentalisation du rapport du Conseil des Droits de l’Homme pour forcer le Conseil de sécurité à voter une Résolution, a tout de même reconnu le CNS et appelé à deux reprises le régime syrien à «respecter et répondre aux aspirations et aux revendications légitimes du peuple». La Russie a jugé le rapport Pillay «inacceptable», mais elle a finalement opéré un recul tactique en proposant une Résolution au Conseil le 5 décembre. Il semble évident que la nouvelle tentative de déstabilisation de la Russie à l’occasion des récentes élections est liée à sa position, même si elle a été infléchie (les media évoquent même aujourd’hui un «Printemps Russe»!). Se retrouvant isolée, et étant dépendante des ressources pétrolières de la région, elle doit assurer ses arrières. Le 8 janvier, une flotte russe comprennant des navires de guerre, des sous-marins, des avions de combat, des hélicoptères et plusieurs systèmes de missiles anti-aériens a accosté en rade de Tartous, la seule base dont disposerait la Russie en Méditerranée.

Porte-avions russe Amiral-Kuznetsov dans les eaux syriennes

La Syrie offrant plus de résistance que prévu, et les premiers rapports de la Ligue arabe n’étant pas à la mesure des espérances des puissances occidentales, désignent de nouveau à la vindicte publique l’adversaire principal dans la région, l’Iran, le plus gros morceau. Pour l’instant, la Syrie ne fait plus la une des media, même avec les attentats odieux qui ont frappé Damas. Mais les exactions des terroristes continuent de s’amplifier, avec cette fois des attentats à répétition.

La NR/ Vous êtes de ceux qui pensent que le « printemps arabe » lui-même était une opération américaine, une nouvelle « révolution de couleur » ; pouvez-vous explicitez ?

Le renversement des potentats corrompus régnant en Egypte et en Tunisie était espérée depuis longtemps. Mais les multiples révoltes de la faim et les manifestations contre la politique étrangère de ces marionnettes (notamment contre leur alliance tacite avec Israël) avaient toujours été jusqu’à présent matées dans le sang sans que la «communauté internationale» s’en émeuve. La situation en Egypte et en Tunisie, pays rongés par la corruption et en proie à un taux de chômage extrêmement élevé, est très différente de celles de la Libye et de la Syrie. La Tunisie compte 800.000 sans-emploi et un taux de chômage de 30% dans certaines régions (contre 8% en Syrie, et une quasi-inexistence en Libye, grâce au système social mis en place par Mouammar Khadafi). Les soi-disant «Révolutions» arabes louangées par les occidentaux n’ont abouti qu’à la mise en place de régimes islamistes et d’un gouvernement militaire qui continue de réprimer la population.

Beaucoup trop d’indices semblent indiquer que ce dénommé «printemps» n’était pas aussi spontané qu’il a été décrit. Le matériel standardisé, comme les nouveaux drapeaux et les pancartes, fabriqués à grande échelle et distribués aux manifestants, les slogans en anglais, sont également le signe d’une main extérieure, de même que les noms donnés à ces révoltes, baptisées abusivement «Révolutions», comme la «Révolution du Jasmin» tunisienne, après les révolutions «Orange» (en Ukraine), «des Roses» (en Géorgie), Verte, Pourpre, etc. Tout cela a un air de «déjà vu». Tout est bien trop ordonné pour être spontané…

Le nom même de «printemps» était réapparu en 1967 en Tchécoslovaquie (avec le «printemps de Prague»), au moment où son nouveau dirigeant, Dubcek, s’était rapproché de l’Ouest, provoquant l’ire de l’URSS et l’invasion du pays par les troupes soviétiques l’année suivante.

La NR/ Quels enjeux, pour Washington, présentent ces guerres menées par procuration via l’OTAN, notamment dans le monde arabe et en Afrique ; comment voyez-vous la nouvelle répartition des rôles dans ce nouvel ordre mondial ? Quel rôle pourrait jouer Israël dans cette éventuelle redistribution des rôles ?

Une fois débarrassé des régimes qui le gênaient, l’axe atlanto-sioniste pourrait remodeler le Moyen Orient à sa guise. Israël pourrait élargir ses frontières à l’intérieur de l’actuelle Syrie, de l’Iraq et du Liban. La politique d’Israël est une politique d’extension sans limites du pays et de son influence à travers le monde. Sa soif d’extension et de domination mégalomaniaque est inextinguible, et elle peut donner libre cours à la réalisation de tous ses phantasmes, étant assurée que tous ses crimes passés et à venir resteront à jamais impunis. Israël contrôle aujourd’hui pratiquement tous les media occidentaux mainstream, et nombre de gouvernements. Il est impossible à un candidat aux présidentielles américaines d’être élu sans son soutien. Le même phénomène semble s’être étendu à la France où, aujourd’hui, même la candidate du Front National en campagne semble rechercher l’appui d’Israël.

Si le plan occidental réussissait, Israël serait reconnue par les nouveaux dirigeants mis en place par les Etats-Unis. Les nouveaux gouvernements fantoches (comme ceux d’Iraq, d’Afghanistan, et de Côte d’Ivoire…) permettraient également aux grandes multinationales américaines (notamment les géants du pétrole, du bâtiment et de l’agroalimentaire) de s’implanter dans les pays recolonisés.

La NR/ Certains pensent que la guerre de l’OTAN contre la Libye est dirigée contre la Chine notamment pour l’accès aux ressources énergétiques, d’autres avancent qu’elle est dirigée contre l’Afrique, qu’en pensez-vous ?

A la fois contre les deux en réalité. Les Etats-Unis sont en concurrence avec la Chine pour le contrôle des ressources énergétiques. Ils ne peuvent tolérer que la Chine cherche à s’approprier les champs pétroliers les plus riches connus, alors qu’il est prévu que l’économie américaine sera supplantée par celle de la Chine dans les cinq ans à venir. Ils n’avaient pas pardonné à Kadhafi d’avoir refusé, en 2008, de rejoindre l’AfriCom, le commandement régional créé par le Pentagone pour contrer la pénétration de la Chine en Afrique. Il faut savoir que le tiers des importations de pétrole de la Chine provient du continent africain.

Et, en même temps, il faut éviter qu’un nouveau continent (de surcroît le plus riche!) puisse sortir du sous-développement: il faut maintenir l’Afrique la tête sous l’eau pour éviter qu’elle devienne une puissance émergente. Le colonel Kadhafi, symbole de la lutte anti-impérialiste en Afrique parce qu’il avait toujours oeuvré pour le développement et l’indépendance du continent, devait être éliminé. Il avait financé le satellite RASCOM, qui a permis à l’Afrique de sortir de la dépendance des multinationales occidentales en matière de télécommunications. Il était sur le point de lancer une monnaie basée sur l’Or, travaillait à nouveaux projets panafricains, dont les États-Unis d’Afrique et une Organisation du Traité de l’Atlantique Sud. Les puissances impérialistes ne pouvaient le tolérer. L’Afrique est un continent extrêmement riche en matières premières indispensables aux pays développés: pétrole, gaz naturel, minerais rares utilisés pour les nouvelles technologies… La carte des conflits en Afrique se superpose avec celle des richesses de son sous-sol.

C’est pourquoi les pays africains les mieux dotés en matière premières sont voués à la famine et à des guerres civiles programmées de l’extérieur. On pourrait dire que plus un pays est riche, plus il va s’enfoncer dans le sous-développement, car les puissances étrangères ne peuvent piller un pays que s’il est faible et dépendant des «aides» extérieures (du FMI, de la Banque mondiale…) qui l’étranglent, avec des «dirigeants» installés par ses soins. Ce n’était le cas ni de l’Iraq ni de la Libye, comme ce n’est pas le cas de l’Iran ni du Venezuela – également sur la liste noire des Etats-Unis depuis l’élection d’Hugo Chavez à sa tête.

La NR/ Selon ses statuts, l’OTAN est un pacte défensif dont l’objectif consiste dans l’aide mutuelle en cas d’attaque d’un de ses membres. Elle n’est absolument pas habilitée à intervenir hors de son territoire, dans des pays non membres. Or, on constate aujourd’hui qu’elle est instrumentalisée. Elle est devenue une force de frappe militaire de l’ONU pour renverser des gouvernements de part le monde. Comment expliquer ce revirement ?

L’OTAN n’est qu’un instrument au service de l’impérialisme US, le bras armé de l’ONU. C’est en prévision des nouvelles guerres américaines programmées de longue date que Sarkozy, l’agent américain, a fait revenir en 2009 la France dans le commandement intégré de l’OTAN duquel le général de Gaulle l’avait fait fait sortir en 1966. Comme G.W. Bush, Obama – le nègre blanc -, ne fait que suivre la feuille de route.

L’OTAN, qui aurait logiquement du disparaître à la fin de la guerre froide, s’est au contraire notablement renforcée depuis, avec notamment l’adhésion des anciens pays de l’Est. C’est à l’OTAN qu’Obama, prix Nobel de la Paix, a transféré sa guerre contre la Libye lorsque les pays qui lui servaient de paravent se sont trouvés en difficulté. Toujours en contradiction avec sa Charte, L’OTAN participe aussi à des guerres d’occupation et mène avec la CIA des opérations criminelles.

L’accord entre l’OTAN et l’ONU, alliance militaire pourvue d’armes nucléaires, est incompatible avec la Charte de l’ONU, qui exige que les conflits soient résolus pacifiquement. L’OTAN n’est plus qu’un instrument des États Unis pour mettre en œuvre le plan concocté par les néoconservateurs dans les années 90′ (le PNAC) dans le cadre de l’instauration d’un Nouvel Ordre mondial.

Peut-on distinguer les interventions de l’ONU de celles de l’OTAN, si trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sont aussi membres de l’OTAN? Comment les violations du droit commises par l’OTAN pourraient-elles être poursuivies par les tribunaux internationaux?

La NR/ Actuellement, on assiste à une dépravation de l’application du droit international de la part du Conseil de sécurité, comme on l’a constaté notamment en Libye, avec la malversation de la résolution 1973. Quelle crédibilité pourrait avoir l’ONU dont la Charte a été détournée de sa vocation première ?

C’est une vaste fumisterie pour donner l’illusion que le droit international serait respecté, alors qu’il n’y a qu’un seul droit qui régit notre monde, la loi de la jungle.

Certes, la résolution 1973 a été violée, mais elle avait été conçue et votée justement dans le but de pouvoir l’être. C’était un cheval de Troie en vue d’une escalade militaire pour faire tomber le régime. Au demeurant, elle n’avait pas lieu d’être, puisqu’il avait été prouvé rapidement que le Guide libyen n’avait jamais fait bombarder son peuple ni fait tirer sur lui. La Résolution a été votée sans qu’aucune enquête soit diligentée pour vérifier les faits allégués.

Combien de guerres d’agression ont été menées avec ou sans l’aval de l’ONU ? En 2003, les Etats Unis et la Grande-Bretagne ont violé le droit international en attaquant l’Iraq sans résolution du conseil, parce que la France avait prévenu qu’elle utiliserait son droit de veto. Nous avions le précédent de l’attaque de la Yougoslavie, qui avait pour but l’implantation de bases américaines en Europe de l’Est comme nouvelle étape de l’encerclement de la Russie, et contrôle de l’acheminement des produits pétroliers… Israël avait elle obtenu un mandat de l’ONU avant d’attaquer le Liban en 2006 et la bande de Gaza en 2009 ? A-t-elle été poursuivie pour violation du droit international et pour crimes contre l’Humanité?

Le Conseil de sécurité et le secrétariat de l’ONU sont devenus depuis la chute du mur de Berlin (qui avait le mérite au moins de maintenir «l’équilibre de la terreur») sont les premiers responsables des catastrophes humanitaires. Ainsi, l’embargo contre l’Iraq decrété en 1990 (et jamais levé jusqu’à 2003 malgré le respect de ses clauses) a causé 1.500.000 morts, dont un demi-million d’enfants. Pour protester, quelques honnêtes hauts-fonctionnaires de l’ONU avaient préféré démissionner plutôt que de rester complices de ce génocide à petit feu, comme deux coordinateurs des opérations humanitaires en Irak successifs (Dennis Halliday en 1998 et Hans Christof von Sponeck en 2000), suivis par la responsable du Programme alimentaire mondial (PAM).

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont attaqué plus de cinquante pays en totale impunité. Sans compter tous les coups d’Etat organisés à travers le monde pour renverser les dirigeants gênants… Et Israël a été condamnée plus de deux cent cinquante fois par des résolutions de l’ONU, mais n’a jamais été sanctionnée. Le sionisme a été stigmatisé comme «une forme de racisme» par l’ONU en 1975, mais cela n’a pas empêché la construction d’un mur de l’Apartheid aussi ignoble que le mur de Berlin sans que la « communauté internationale» s’en émeuve.

Les dirigeants de tous ces pays-voyous (qui possèdent tous l’arme nucléaire) ont-ils été jugés et condamnés par un tribunal international? Leur a-t-on envoyé les troupes de l’OTAN pour les mater?

Par contre, les dirigeants vaincus des pays attaqués et vaincus sont jugés par des tribunaux fantoches et sont condamnés à mort après un simulacre de jugement (Saddam Hussein, Tarek Aziz, et bientôt Saïf Al Islam Kadhafi), sont laissés mourir à petit feu (Milosevic), quand ils ne sont pas tout simplement lynchés, comme Mouammar Kadhafi, sans que personne n’y trouve à redire. Dans quel monde vivons-nous ?

(On pourra noter au passage que les «grandes» démocraties où la peine de mort a été abolie se réjouissent des exécutions sommaires de dirigeants extra-occidentaux, et acceptent d’être responsables ou complices de millions de morts aux cours des guerres d’agressions. Ceci est pour le moins grotesque…).

Par ailleurs, l’ONU n’est jamais intervenue lorsque des dirigeants démocratiquement élus ont été assassinés ou chassés par les Etats-Unis : Mossadegh en Iran en 1953, Allende au Chili en 1973, Manuel Zelaya au Honduras en 2009 pour n’en citer que quelques uns… Les dictateurs sanguinaires qu’on leur a substitués n’ont jamais été jugés pour crimes de guerres ou crimes contre l’Humanité devant un tribunal international comme comme ils auraient du l’être selon les lois en vigueur. Le général Pinochet est mort tranquillement chez lui, et les généraux argentins n’ont pas été inquiétés malgré toutes les manifestations de familles de dizaines de milliers de « disparus ».

Tous les dirigeants africains intègres qui ont tenté de développer leur pays et d’échapper au Diktat des néo-colonisateurs ont été assassinés (Thomas Sankara au Burkina Faso, Patrice Lumumba au Congo…)… Et le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, aussitôt après avoir démocratiquement réélu en 2011, a été kidnappé et chassé par la France au profit d’Alexandre Ouattara, la marionnette sanguinaire du FMI. C’est le vainqueur des élections qui se retrouve maintenant devant le tribunal international de La Haye! C’est vraiment le monde à l’envers! Un exemple de plus qui démontre que l’ONU n’est qu’un instrument au service de l’Occident et de ses sbires.

Il nous faut donc nous demander si le monde serait différent en l’absence de cet organisme dévoyé et corrompu, au service exclusif des gendarmes du monde.

En effet, depuis sa fondation, l’Organisation des nations unies s’est avérée inefficace pour maintenir la paix et n’a jamais empêché ses membres les plus influents de contourner ses mécanismes pour mener des opérations unilatérales. Les secrétaires généraux du «machin», comme l’appelait si bien le général de Gaulle, sont tous des marionnettes des USA, comme Ban Ki-Moon, après Koffi Annan et bien d’autres. C’est un organisme de convenance, un paravent créé pour servir les intérêts des Etats-Unis et ceux de leurs valets tout en faisant croire à une justice internationale. Point final.

Ainsi, le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye n’a jamais eu à juger les responsables des Etats-Unis et de ses alliés, qui ont commis des massacres à très grande échelle, et utilisé des armes nucléaires et chimiques, que ce soit au Vietnam (avec l’agent Orange), en Iraq, en ex-Yougoslavie, en Palestine, au Liban, en Libye (avec les armes à l’uranium appauvri, au phosphore, au napalm «amélioré»…). Le président Clinton a été inquiété dans son pays pour des délits sexuels, mais il ne sera jamais jugé pour l’assassinat de centaines de milliers d’Iraqiens (pas plus que son acolyte, le prix Nobel de la Paix, Al Gore). De même que Richard Nixon fût chassé pour des écoutes téléphoniques, et non pour ses crimes de guerre. En récompense des atrocités dont il était responsable au Vietnam ou au Chili, son secrétaire d’Etat Henry Kissinger avait lui-aussi reçu le Prix Nobel de la Paix! Ajoutons que les Etats-Unis ont refusé de ratifier le traité instituant la Cour pénale internationale (CPI), afin d’éviter tout jugement à ses dirigeants politiques et militaires.

Les agences spécialisées de l’ONU sont pour la plupart tout aussi inefficaces et dévoyées. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), assujettie à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) par un accord de 1959, n’a pas le droit de reconnaître officiellement la nocivité de l’uranium appauvri, substance à la fois hautement chimiotoxique et radioactive utilisée dans toute la panoplie des armes depuis plus de vingt ans et de façon de plus en plus intensive. Le Programme des nations-unies pour l’environnement (PNUE) ignore ce très grave problème de pollution de l’environnement. Irréversible, il condamne les populations victimes des bombardements à vivre dans un environnement de plus en plus radioactif, et va induire la mort de centaines de milliers, voire de millions de personnes sur plusieurs siècles, et la destruction du génome… L’ONU s’en est-elle souciée ? En Iraq, plus de trois millions de personnes ont déjà été tués depuis vingt ans par les Etats-Unis et ses laquais. Mais on ne pourra jamais inclure parmi les victimes le nombre de morts différées dues à cette substance diabolique.

Certains traités, comme celui de non-prolifération nucléaire (TPN), sont instrumentalisés pour assurer la domination des uns, et menacer d’extermination les autres. Notons qu’Israël, qui posséderait aujourd’hui plus de troix-cents têtes nucléaires, a pu développer en toute illégalité son programme, sans avoir signé le traité de non-prolifération (à l’inverse de l’Iran) et sans que ses installations soient jamais inspectées. (Sans compter toutes les autres armes de destruction de masse qu’elle développe en secret). Cette situation n’a jamais été sanctionnée par l’Organisation censée garantir la Paix entre les nations… Pourtant cet état hors-la-loi ose menacer sans vergogne un pays voisin, l’Iran, d’annihilation.

La NR/ N’est-il pas temps de réformer cette Organisation qui, malheureusement, n’est plus en mesure de remplir la mission essentielle pour laquelle elle a été créée, c’est-à-dire garantir la paix ; alors qu’on en est arrivé au point où l’on mène des guerres d’agression en son nom ? Si oui, comment ?

Une réforme radicale de l’ONU s’impose pour la soustraire au contrôle des USA, mais c’est un voeux pieux. Il faut d’abord se poser la question: a-t-elle jamais garanti la paix? Sa mission a été dévoyée depuis le début de son existence. Elle a pour mission fondatrice la paix internationale, mais elle n’a jamais, à ma connaissance, empêché les guerres (Cf. Vietnam, Yougoslavie, Iraq… ). L’ONU n’a jamais été plus efficace que la Société des nations (SDN,) fondée après la guerre de 14-18, qu’elle a remplacée après la deuxième guerre mondiale.

Bien au contraire, elle a favorisé les guerres d’agression et les coups d’état menés par les Etats-Unis et ses laquais pour renverser des présidents élus démocratiquement – mais qui n’avaient pas l’heur de plaire aux gendarmes du monde -, et les remplacer par des dictateurs sanguinaires à leur botte.

Depuis 1945, et surtout depuis 1989 et 2001, les violations du droit international par les plus puissants se sont intensifiées à l’envi. Nombre de populations (pas seulement dans le Tiers-Monde) se voient privées de leurs droits fondamentaux (à l’alimentation, à la santé, à l’habitat, à la culture, au travail, à un environnement sain et à la liberté d’opinion), et peuvent être victimes d’agressions militaires si leurs ressources naturelles sont convoitées.

Qui pourrait se charger de réformer l’ONU? Ceux qui sont aux commandes aujourd’hui et qui ont dévoyé sa mission originelle à leur profit en bafouant en permanence sa Charte? Il s’agirait d’abord de faire respecter le droit international qu’elle a elle-même fondé! Il y aura certainement un replâtrage censé donner plus de représentativité aux pays du Sud émergents (Inde, Brésil…) au sein du conseil de sécurité, et permettant d’éviter les blocages comme celui qu’on connait actuellement pour la Syrie.

Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm, La Nouvelle République du 14 janvier 2012

lundi, 09 janvier 2012

17 millions de victimes de la traite musulmane

17 millions de victimes de la traite musulmane

Entretien avec le Prof. Jacques Heers

Ex: http://anti-mythes.blogspot.com/

A partir du VIIe siècle, les musulmans ont pratiqué une traite esclavagiste touchant à la fois les Européens et les Africains. Agrégé et docteur en histoire, Jacques Heers a été professeur des universités et directeur du département d'études médiévales à la Sorbonne. Il a consacré plusieurs ouvrages à l'esclavage médiéval en Méditerranée, aux Barbaresques et aux négriers en terre d'islam (1), qui viennent d'être réédités. Autant dire que nul n'est mieux placé que lui pour parler de la traite musulmane.

Le Choc du mois : Y -a-t-il une spécificité de la traite musulmane ?

Jacques Heers : Il y en a deux. Son importance quantitative, d'abord. Les conquêtes musulmanes ont été d'une ampleur et d'une brutalité inédites. Et puis le fait que les musuhnans ont ajouté une dimension religieuse à l'esclavage, en distinguant très nettement le «fidèle», de «l'infidèle». En résumé, la théorisation du djihad et l'expansion territoriale musulmane aboutissent effectivement à l'apparition d'une forme d'esclavage tout à fait spécifique.

Même si certains exégètes affirment le contraire, le Coran tolère parfaitement l'asservissement des «chiens de mécréants». Confrontés à la question cie l'esclavage, les docteurs de la loi rendaient en général le même verdict : le prisonnier infidèle doit demeurer esclave, même s'il se convertit aussitôt ; c'est la punition de sa mécréance passée. En revanche, le captif musulman, même ramené «chargé de chaînes» doit immédiatement retrouver la liberté.

Théoriquement, le Coran interdit de réduire un musulman en esclavage, mais en pratique, les exceptions abondent, pour des raisons plus ou moins légitimes : les victimes sont de « mauvais musulmans », etc.

Quand apparaît la traite musulmane ?

Dès la naissance de l'islam, au VIIe siècle! Mahomet et ses fidèles possédaient des esclaves. C'était toutefois une pratique courante, durant toute l'Antiquité. Il n'est pas étonnant que les peuples orientaux, au cours du Haut Moyen Age, la perpétuent à leur bénéfice.

Au début de l'hégire, les esclaves sont essentiellement blancs...

Comment les musulmans se procurent-ils leurs esclaves ?

Essentiellement par la guerre. Les « cavaliers d'Allah » conquièrent, asservissent ou convertissent les populations cles Balkans, d'Asie Mineure et d'Europe. Ils ramènent d'immenses cohortes de prisonniers, hommes et femmes. On a vu des Sarrasins mener des razzias jusque dans les Alpes, au IX' siècle ! En 997, le calife al-Mansur, qui régnait sur l'Espagne arabo-musulmane - al Andalous - mena une interminable razzia dans les royaumes chrétiens du nord de la péninsule. Il s'enfonça jusqu'au cœur de la Galice, laissant Saint-Jacques-de-compostelle en ruines.

Toujours en Espagne, au XII' siècle, des flottes musulmanes croisent sur les côtes de Galice et, au petit matin, lancent des attaques sur les villages de pêcheurs. En Méditerranée, sur un autre front, les musulmans, maîtres de la Sicile, lancent des chevauchées contre les grands monastères et sur les routes de pèlerinage vers Rome. Ailleurs, les pirates musulmans ravagent les côtes du Languedoc ou de Toscane avec des flottes atteignant parfois cinquante galères ! Et chaque guerre apporte son lot de captifs, qui sont aussitôt convoyés pour être vendus sur les marchés, de l'Espagne au Maghreb et jusqu'en Orient...

Il y a une réelle préférence pour les esclaves blancs...

Les musulmans ont pratiqué la traite des Noirs, mais dans les premiers temps de l'hégire, l'ère d'expansion islamique, les esclaves étaient essentiellement des Blancs. Laissez-moi vous citer le savant Ibn Haukal, qui affirmait, au temps de l'Espagne arabo-musulmane que « le plus bel article importé d'Espagne sont les esclaves, des filles et de beaux garçons qui ont été enlevés dans le pays des Francs et dans la Galice. Tous les eunuques slaves qu'on trouve sur la terre sont amenés d'Espagne et aussitôt qu'ils arrivent, on les châtre. Ce sont des marchands juifs qui font ça ». Le géographe Ibn al-Fakih, lui, racontait que « de la mer occidentale, arrivent en Orient les esclaves hommes, romains, francs, lombards et les femmes, romaines et andalouses ».

Quand la traite musulmane cesse-t'elle en direction de l'Europe ?

Elle s'est considérablement réduite lorsque les Arabes ont passé le Sahara pour aller razzier l'Afrique noire. Mais elle a très vite repris, dès les années 800, avec la piraterie. Elle s'intensifie en 1517, lorsque Alger, véritable nid de pirates, tombe aux mains des Turcs. La guerre de course fait alors partie intégrante du plan de conquête de la Méditerranée par les Ottomans. L'esclavage des chrétiens, méthodiquement mené, redouble.

Dans le même temps, les Barbaresques assiègent Rhodes en 1522 et Malte en 1565. S'ils perdent Rhodes en 1523, les chevaliers de Malte repoussent les musulmans en 1566. L'ordre de Malte devient une véritable sentinelle de la Méditerranée. Ses marins font régner la terreur chez les musulmans et pratiquent eux-mêmes l'esclavage ! Ils jouent un rôle clef dans la bataille de Lépante en 1571, qui marque le grand coup d'arrêt aux incursions musulmanes en Europe.

En 1888, à Médine, 5.000 esclaves sont vendus dans l'année

 

Mais les musulmans poursuivent la traite des chrétiens en Afrique noire...

 

Exact. Il y a trois grandes routes de traite. La première mène en Afrique de l'Ouest sahélienne, où le commerce des esclaves fait traditionnellement partie des échanges transsahariens. La deuxième passe par la mer Rouge et le Soudan. En Arabie, en 1888, sur le seul marché de Médine, l'on peut vendre 5 000 esclaves par an. La troisième traite se passe sur la côte d'Afrique de l'Est, où Zanzibar devient le plus grand marché d'esclaves au monde.

La première traite est la plus longue et occasionne de nombreuses pertes. Elle passe par l'Egypte, dont les musulmans sont devenus maîtres, et le Sahara. Elle est d'abord faite de razzias, puis, à partir du IX' siècle, repose sur la conquête de royaumes noirs et le négoce avec les marchands d'esclaves.

Quelles sont les principales cibles ?

Le royaume chrétien d'Ethiopie. Les Egyptiens l'attaquent en passant par la vallée du Nil. Les Arabes traversent la mer Rouge. A l'ouest, les Marocains osent une traversée de cent jours de marche après Marrakech, dont au moins la moitié à travers le Sahara.

Le retour est un enfer. Le Niger, le Sénégal et le Mali sont également touchés ... Des forbans musulmans lancent des razzias le long des côtes de l'océan Indien avec des boutres - de rapides voiliers. Dans les royaumes islamiques du Soudan, les chasses aux esclaves mobilisent chaque année de forts partis de cavaliers. Ils repèrent les villages les plus intéressants et partent par petits groupes. Ils montent des chameaux de race, s'approvisionnent en eau, marchent la nuit et attaquent au petit matin. Les opérations devant être rentables, ils évitent les lieux trop bien protégés et n'attaquent qu'à coup sûr. Une fois maîtres du terrain, ils massacrent les faibles et les vieillards pour n'emmener que les malheureux en état de servir.

Pour être honnête, il faut ajouter que des négociants sont aussi sur les rangs, car des rois noirs, près du Tchad par exemple, les informent du lancement des grandes chasses aux esclaves. Ils vont s'installer dans les villages, en attendant - à leurs frais - le retour de l'expédition.

Comment les esclaves sont-ils traités ?

Très mal, car ils sont gratuits et en grand nombre. Contrairement à la traite atlantique, il n'a pas fallu négocier avec des rois esclavagistes. Il a suffi de tuer ceux qui se défendaient !

Sur la route de leur captivité, les esclave vivaient un enfer. La traite occasionne des pertes terribles tant dans leurs rangs que dans ceux des convoyeurs. Les plus faibles sont abandonnés sans pitié. Les témoignages sont horribles : les hommes et les femmes meurent de soif, en sont parfois réduits à ouvrir la panse des animaux pour y trouver de l'eau. Les esclaves malades ou affaiblis sont abandonnés en route à une mort certaine. Des négociants expliquent tranquillement à leurs associés, restés en Arabie qu'il a fallu, ici où là, égorger quatre femmes «fanées» et émasculer deux enfants pour ne pas perdre de temps dans le désert et préserver la cargaison. A l'arrivée, selon la difficulté de la traversée, les survivants sont vendus avec une marge de 200 à 300 %. C'est une façon de compenser les pertes.

De quoi se compose une cargaison d'esclaves ?

Essentiellement des jeunes femmes, blanches ou noires. Des enfants et des hommes solides. Ne restent que les personnes en bonne santé. Les autres sont morts en route. En chemin, pour ècouler les «cargaisons»: plus vite, certains campements se transforment en marché, où les grossistes viennent faire un premier choix. Puis on arrive dans les grandes places, comme Zanzibar ou Bagdad. Les acheteurs peuvent examiner leur marchandise, regarder les dent, l'élasticité d'une poitrine, constater si une jeune femme est vierge ou déflorée, mesurer la vivacité intellectuelle ou la force physique d'un esclave, son adresse...

Le Caire est un gigantesque marché, où l'on trouve toute sorte de captifs. Au XIX' siècle, Gérard de Nerval, dans son voyage au Caire(2), raconte comment plusieurs marchands «basanés» l'abordent pour lui proposer «des Noires ou des Abyssiniennes»...

Que deviennent les victimes ?

Elles servent sur les chantiers publics ou au service d'un maître.

A la Bourse aux esclaves, les négriers spéculent

Il y a également les bagnes ?
 
Là, c'est l'époque des Barbaresques et des Ottomans. Alors qu'à Bagdad ou au Caire, on trouve une majorité d'esclaves noirs, les bagnes d'Alger ou de Tunis comportent surtout des Blancs. Ils maintenaient à eux seuls toute l'activité économique locale : les chantiers navals, les fabriques, les commerces ... Alors que les villes d'Egypte achetaient aux caravaniers du désert des milliers d'esclaves venus d'Afrique, les cités corsaires du Maghreb s'épargnaient ces dépenses, grâce à la guerre.

Une fois la part du sultan mise de côté, les captifs des Barbaresques passaient directement de l'entrepont du navire au marché. Des négociants les mettaient aux enchères, à la criée. Ceux visiblement inaptes aux travaux de force, mais dont on espère tirer une bonne rançon, valent jusqu'à sept fois un homme valide. Les Turcs et les Maures spéculent quotidiennement sur la valeur de leurs esclaves. Faut-il acheter ou vendre? C'est un peu une Bourse avant l'heure...

Comment vivaient ces esclaves ?

Le plus souvent en groupes, logés dans les bagnes - sept, rien qu'à Alger. A Tunis ou Tripoli, ils portaient plus de dix kilos de fers. Les esclaves en terre d'islam n'avaient pas le droit de fonder une famille et n'avaient pas ou peu d'enfants. Pour des raisons très simples : le grand nombre d'eunuques, l'interdiction faite aux femmes de se marier et une mortalité très élevée.

Les conditions de vie étaient épouvantables. Les captifs étaient battus à la moindre occasion, dormaient dans de pauvres hamacs, pendus les uns au-Dessus des autres. Ils souffraient du froid en hiver, de la chaleur en été, de l'humidité et des vermines en toute saison.

Et l'hygiène ?

Pas d'hygiène, puisqu'ils devaient payer leur eau ! Elle leur servait essentiellement à boire. Il leur était impossible de se laver régulièrement, encore moins de laver les hardes leur servant de vêtements ... Vous imaginez que, rapidement, les frottements de tissus crasseux sur les peaux sales provoquaient des irritations, des furoncles et de nombreuses maladies, qui concourraient à la mortalité.

Et le travail ?

Le matin, à peine nourris, ils partaient vers les chantiers ou les demeures de leurs maîtres, leur atelier ou leur boutique. Les mieux lotis - une minorité - étaient loués à des diplomates chrétiens : ils menaient alors l'existence d'un domestique européen.

La condition la plus difficile, d'un certain point de vue, était celle des femmes et des enfants. Les femmes avaient généralement un sort misérable, exposées à la vente comme des bêtes, forcées de servir, en butte à tous les abus, parfois prostituées pour le compte de leur maître... Contrairement aux légencles des Mille et Une Nuits, les récits des musulmans tranchent avec les textes des juifs et des chrétiens par le nombre d'histoires et de remarques salaces sur les « qualités », sexuelles des femmes.

Des esclaves chrétiens sont brûlés vifs à Alger !

Etait-il possible de fuir ?

Difficilement. Certains captifs acceptaient de servir de mouchards en échange de menus arrangements. La surveillance était assez stricte et les punitions terribles. Un texte raconte qu'à Alger, « lorsqu'un chrétien était pris à fuir, (le sultan Hassan Pacha) le faisait saisir par ses esclaves et brûler vif en leur présence; il faisait bâtonner les autres jusqu'à la mort, et leur coupait lui-méme les narines ou les oreilles, ou faisait exécuter ce supplice devant lui ». D'autres subissaient la bastonnade, les galères ou on les envoyait aux carrières de pierres, où les travaux étaient particulièrement pénibles...

Comme Cervantès...

Cervantès illustre parfaitement votre question sur les possibilités d'évasion(3). Il a été prisonnier durant cinq ans. Il a tenté une première évasion en subornant un garde. Celui-ci n'honora pas son engagement. Direction : les carrières! En 1577, il fit une deuxième et une troisième tentatives, mais fut toujours pris et passa en tout dix mois aux chaînes, dans un cul-de-basse-fosse. Ses comparses furent pendus ou empalés. Les autres eurent les oreilles tranchées. A la quatrième tentative, il échoua encore! Il ne fut libéré que contre une rançon importante, grâce à l'action des ordres mercédaires, ces chrétiens qui achetaient les esclaves ou s'y substituaient !

Quand cesse l'esclavage musulman ?

Mais il existe encore ! La colonisation de l'Afrique au XIXe siècle a mis un terme que l'on croyait définitif à l'esclavage musulman. Mais celui-ci a repris avec la décolonisation. La traite musulmane, qui a duré mille deux cents ans, perdure, au Soudan par exemple.

Connaît-on les chiffres estimés de la traite ?

Les historiens travaillant sur l'esclavage musulman se heurtent à une désespérante absence de sources. Les registres fiscaux de Zanzibar sont les seuls répertoriés de nos jours mais ils ne remontent pas au-delà de 1850.

Les estimations moyennes se situent à un minimum de 17 millions de victimes. Mais c'est ignorer les « chiffres noirs » très importants : où sont passées les victimes mortes durant le voyage, les opérations dont on ne sait rien, les caravanes perdues dans le désert ou en mer ? Sans compter les esclaves européens que l'on « oublie » de comptabiliser et les Africains tués lors des razzias : défenseurs ou « inutiles », qui étaient des bouches inutiles à nourrir. Faut-il ou non les intégrer au bilan de la traite orientale ?


Propos recueillis par Patrick Cousteau
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1. Les Négriers en terre d'islam. La première traite des Noirs, VIl-XVI siècle, Perrin, 2003 (rééd. Perrin, coll. Tempus, 2008).
Les Barbaresques, la course et la guerre en Méditerranée, XIV-XVI siècle, Perrin, 2001 (rééd. Perrin, coll. Tempus, 2008).
Voir aussi le livre tiré de sa thèse de doctorat; Esclaves et domestiques au Moyen Age dans le monde méditerranéen, Hachette, 1981 (rééd. 2006).
2. A lire dans le Voyage en Orient, de Gérard de Nerval, que viennent opportunément de rééditer en collection Folio les éditions Gallimard.
3. Pour en savoir plus, lire ; Le Captif. Extrait de Don Quichotte, de Cervantès, préface de Jacques Heers, éditions de Paris, 2006.

Source : le Choc du Mois - Juin 2008

jeudi, 05 janvier 2012

La Syrie et le projet de démembrement du monde arabe

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La Syrie et le projet de démembrement du monde arabe
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Interview de Gilles Munier
par Chérif Abdedaïm
(La Nouvelle République – 31/12/11)

http://www.lnr-dz.com/pdf/journal/journal_du_2011-12-31/lnr.pdf

Pour vous la campagne anti-Bachar est un complot. Qui sont les instigateurs de ce complot et à quel dessein ?


Le complot vise la Syrie, Bachar al-Assad se trouve en être le président. L’ordre instauré par les grandes puissances après la Première guerre mondiale est en fin de course. L’élan nationaliste qui a tenu la dragée haute aux Occidentaux est épuisé, faute d’avoir pu évoluer. Les peuples arabes se révoltent contre la corruption, l’arrogance et les compromissions de leurs dirigeants. L’influence grandissante de l’Iran, allié de la Syrie, gêne les plans géostratégiques de l’Otan. L’Occident tente de reprendre en main la situation.


La déstabilisation de la Syrie, comme celle de l’Irak, fait partie du projet de démembrement du monde arabe sur des bases ethniques, tribales ou confessionnelles. Les contre-mesures adoptées pour détourner les « Printemps arabes » de leurs objectifs semblent inspirées du plan Yinon de 1982, du nom d’un fonctionnaire du ministère israélien des Affaires étrangères qui préconisait la création de mini-Etats antagonistes partout dans le monde arabe. En Syrie, il s’agirait, au mieux, de reconstituer la fédération d’Etats confessionnels créée par le général Gouraud en 1920, du temps du mandat français, c'est-à-dire : un Etat d’Alep, un Etat de Damas, un Etat alaouite et un Etat druze. A l’époque, ce fut un échec. Rien ne dit que les occidentaux parviendront cette fois à leurs fins. En Libye, par exemple, le colonel Kadhafi a été renversé, mais la situation est loin d’être stabilisée, la donne peut changer. Le « chaos constructif et maîtrisé », prôné par les néo-conservateurs américains, sous George W. Bush, risque fort d’aboutir au chaos tout court. Cela, les multinationales n’en ont cure, le principal étant pour elles de contrôler les champs pétroliers… et qu’Israël survive en tant qu’Etat juif.


Parmi cette opposition, il faut compter également les Frères Musulmans; n’est-il pas à craindre une guerre civile si demain le régime de Bachar venait à chuter ?


La guerre civile, c’est le scénario du pire. La Syrie l’évitera si un dialogue franc et décomplexé s’instaure entre les Frères Musulmans et les baasistes, s’il aboutit à des élections réellement démocratiques, ouvertes à tous les courants politiques représentatifs. Bachar al-Assad y est favorable, mais il a trop tardé à le proposer. Les Frères Musulmans, incontournables, le refusent pour l’instant. Comme toujours, la confrérie mise sur les anglo-saxons pour accéder au pouvoir, une politique opportuniste à courte vue qui lui fait négliger les réalités du terrain, les arrières pensées de l’Otan et de la France, l’ancienne puissance coloniale.


Dans le cas syrien la situation semble plus complexe qu’on le croit notamment avec plusieurs acteurs dont les intérêts géostratégiques diffèrent. D’un côté, Washington, OTAN, Israël, les monarchies arabes sunnites et la Turquie ; et de l’autre, l’axe Téhéran-Damas comprenant le Hezbollah, le Hamas, soutenu par la Chine et la Russie. Une guerre contre la Syrie ne risquerait-elle pas de déborder et de provoquer un embrasement généralisé de la situation au Proche-Orient, dont les conséquences seraient incalculables.


Fin octobre dernier, le président Bachar al-Assad a déclaré au Sunday Telegraph qui si le but des Occidentaux est de diviser la Syrie, il embraserait toute la région, qu’il y aurait des dizaines d’Afghanistan. Mais, cela ne fera pas reculer les faucons de l’Otan car, au-delà de la campagne contre la Syrie, se profile un conflit de grande ampleur, aux conséquences imprévisibles, avec l’Iran des mollahs…


« Arc chiite » contre « Croissant sunnite » ?


Vous pensez, comme certains, que frapper la Syrie sous couverture « humanitaire » vise à « cacher en fait une opération complexe anti-chiite et anti-Iran »…


Le nombre des victimes civiles annoncé par l’ONU, qui donne une couverture « humanitaire » à l’opération contre la Syrie, n’a jamais été corroboré. Pour l’Otan et Israël, le renversement du régime de Damas, la liquidation du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, ne sont que des étapes. Les Américains et les Français ont demandé à plusieurs reprises à Bachar al-Assad de prendre ses distances avec son allié iranien. Il a refusé, se doutant que son tour viendrait ensuite et qu’à ce moment là, il serait seul face à la machine de guerre occidentale.


Les camps antagonistes font le compte de leurs partisans. A Bagdad, par exemple, la crise traversée par la Syrie a fait naître des clivages contre-nature. Les sunnites pro-américains, Al-Qaïda au Pays des deux fleuves et le conseil de la région d’Al-Anbar soutiennent le CNS (Conseil national syrien), tandis que le régime de Nouri al-Maliki, Moqtada al-Sadr et, dans une certaine mesure, la résistance baasiste réfugiée à Damas, sont du côté de Bachar al-Assad. Nouri al-Maliki s’est débarrassé du vice-président de la République Tarek al-Hashemi, pro-américain et ancien chef du parti islamique issu du mouvement des Frères Musulmans, en l’accusant, sans preuve, de diriger un escadron de la mort et d’avoir voulu l’assassiner. Hashemi s’est réfugié au Kurdistan – sunnite - et la Turquie « néo-ottomane » lui accordera l’asile, s’il le demande. A toute fin utile, si la situation à Bagdad se détériore encore plus, 50 000 GI’s, basés dans cette perspective au Koweït, sont prêts à intervenir à nouveau en Irak.


Face à l’ « arc chiite » pro-iranien - l’expression est du roi Abdallah II de Jordanie – les occidentaux veulent opposer un « croissant sunnite » réunissant les émirs du Golfe, les rois d’Arabie et de Jordanie, et les partis politico-religieux qui leur sont plus ou moins favorables, ne serait-ce que par opportunisme, comme les Frères Musulmans.


A Moscou, le 18 novembre dernier, Vladimir Poutine a dit clairement à François Fillon qu’en Syrie la France ferait mieux « de s’occuper de ses oignons ». Aussi, la flotte russe se dirige vers Tartous. On a le sentiment que cela a valeur de message aux Occidentaux. Qu’en pensez-vous ?


Vladimir Poutine a qualifié la guerre de Libye de « croisade », mais je m’étonne que la Russie se soit laissée berner en votant la résolution 1973 permettant à la France et à l’Otan d’intervenir et de renverser le colonel Kadhafi. Le porte-avion Maréchal Kouznetsov vogue vers Tartous avec une escadre importante. Le message est clair, mais je crains qu’il ne soit pas suffisamment dissuasif pour empêcher les Occidentaux d’effectuer, le moment venu, des « tirs ciblés » en Syrie et au Liban.


La réponse de Barack Obama a été toute aussi claire. Les Etats-Unis se sont fait le porte-voix des blogueurs russes et des ONG qu’ils financent et qui dénoncent des fraudes présumées lors des dernières élections législatives. L’ancien président Mikhaïl Gorbatchev, soutenu par des oligarques réfugiés en Grande-Bretagne, est monté au créneau pour réclamer de nouvelles élections. Hillary Clinton lui a emboîté le pas. Des manifestations anti-Poutine ont été organisées et Gorbatchev est revenu à la charge pour « conseiller » à Poutine de démissionner. Tous les ingrédients utilisés par le milliardaire George Soros, spécialiste des « révolutions oranges », ont été réunis. Des « centaines de millions de dollars de fonds étrangers » auraient d’abord circulé en Russie, selon Vladimir Poutine, pour influencer le scrutin. Les fonds finançant les ONG russes pro-occidentales ont, dit-on, transité par le NDI (National Democracy Institute) que préside l’ancienne secrétaire d’Etat Madeleine Albright, une organisation que l’on retrouve derrière les blogueurs des « Printemps arabes ». Se débarrasser de Poutine, ou le déconsidérer, est crucial pour éviter les veto russes au Conseil de sécurité lorsqu’il sera question d’intervenir militairement en Syrie ou en Iran.


On en est là, mais quand on sait que le président Dmitri Medvedev a décidé de déployer de nouvelles armes pour répondre à l’Otan qui va construire un bouclier anti-missiles aux frontières de la Russie, sous prétexte de protéger l’Europe de tirs provenant d’Iran, on est en droit de s’inquiéter. Il suffirait d’un rien pour déclencher l’apocalypse.


Qatar, dictature obscurantiste


A travers son engagement en Libye et son influence au sein de la Ligue arabe pour sanctionner la Syrie, à quoi joue d’après-vous le Qatar ? Chercherait-il un rôle de leadership arabe ou ne serait-il qu’un simple vassal au service de Washington et de Paris?


Les Al-Thani qui dirigent le Qatar sont des vassaux des Etats-Unis, comme ils l’étaient hier de Londres ou, au 19ème siècle, du gouvernement des Indes britanniques via le Bahreïn dont ils dépendaient. Les réserves financières inépuisables de leur micro-Etat de 11 437 km², l’ombrelle protectrice de la base militaire US d’Al-Eideïd, la plus grande du Proche-Orient et d’une petite base navale française, leur sont monté à la tête.


Ce pays montré en exemple aux militants des « Printemps arabes » n’a rien de démocratique : les partis politiques y sont interdits, les membres du Majlis al-Shoura sont désignés par le pouvoir et n’ont qu’un rôle consultatif, les travailleurs étrangers - 80% de la population de l’émirat - n’ont aucun droit, l’information est bâillonnée. C’est une dictature obscurantiste. Seuls 200 000 nantis profitent, en rentiers à vie, des revenus pétroliers et gaziers. La chaîne Al-Jazeera, devenue un organe de propagande de l’Otan, n’a pas le droit de couvrir l’actualité locale. On ne saura rien sur la tentative de coup d’Etat monté fin février 2011 par des officiers qataris, soutenus par des membres de la famille régnante, qui mettaient en cause la légitimité de l’émir et l’accusaient d’entretenir des relations avec Israël et de créer la discorde entre pays arabes pour le compte des Etats-Unis. Aujourd’hui, l’émir Hamad bin Khalifa Al-Thani et cheikha Mozah, sa seconde épouse, se croient tout permis. Plus dure sera leur chute…


« Il faut accorder à Bachar al-Assad au moins le bénéfice du doute »


Quelle est votre vision personnelle de l’avenir de la Syrie ? Quelle(s) solution(s) possible (s) pour dénouer cette crise ?


La Syrie devrait recouvrer les territoires dont elle a été dépecée par les accords secrets Sykes-Picot de 1916, puis par la France, notamment la province d’Alexandrette. Je regrette que Damas se soit laissé embarquer dans des négociations sans fin avec Israël à propos des territoires syriens occupés. Il y a quelques jours, une manifestation d’opposants druzes syriens a eu lieu à Magdal Shams, gros bourg du Golan. Ils brandissaient l’ancien drapeau syrien, conspuaient Bachar al-Assad, l’accusant de tuer des manifestants syriens alors qu’aucune balle n’a été tirée, depuis 1973, en direction des colons sionistes. Nul doute que ce genre de slogan démagogique atteint son but dans les milieux nationalistes arabes.


L’avenir de la Syrie ne devrait appartenir qu’aux Syriens. Le président al-Assad a engagé le pays sur la voie des réformes. La question de savoir pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt est dépassée. Pour dénouer la crise, il faut lui faire confiance, lui accorder au moins le bénéfice du doute. En août, il a autorisé, par décret, le multipartisme. L’article 8 de la Constitution qui faisait du parti Baas le parti dirigeant a été abrogé. Une nouvelle constitution sera proposée en février. C’est plus que ne réclamaient ses opposants en mars dernier, avant que l’Otan, enivrée par son expérience libyenne, les incitent à adopter des positions jusqu’au-boutistes. J’espère qu’au final les Frères Musulmans s’intègreront, comme en Egypte, dans le jeu démocratique. Sinon, la Syrie s’épuisera dans des combats sanglants, pires que ceux des guerres civiles au Liban.


Vers une 3ème guerre mondiale ?


D’après-vous, quelle serait la responsabilité de l’ONU dans les crimes qu’elle est en train de légaliser, notamment avec l’incongruité de son Conseil de sécurité, le principe des deux poids deux mesures appliqué par les cinq membres permanents et qui sert les intérêts d’une minorité, etc. ?


L’ONU a été créée pour servir les intérêts des vainqueurs de la Seconde guerre mondiale. Aucun membre de l’ONU ne devrait être au-dessus des lois et des conventions internationales, comme c’est le cas des Etats-Unis. Le secrétaire général de l’ONU et les officiers des missions dites de paix qui en dépendent, non plus. En avril dernier, la présidente brésilienne Dilma Roussef a déclaré que le temps des « politiques impériales », des « affirmations catégoriques » et des « sempiternelles réponses guerrières » n’étaient plus acceptables, qu’il fallait réformer l’ONU. Elargir le Conseil de sécurité aux grands pays émergents : Inde, Brésil, Afrique du Sud est nécessaire, mais pas suffisant. La réforme du droit de veto est primordiale ; mais on n’en prend pas le chemin. Estimant l’entreprise trop risquée, certains membres du Council on Foreign Relations, think tank américain qui a contribué au remplacement de la SDN (Société des Nations) par l’ONU, voudrait réduire l’organisation internationale à un « endroit pour faire des discours ». La gouvernance mondiale reviendrait au G20. Trop d’intérêts sont en jeu, il faudra peut-être, malheureusement, attendre une 3ème guerre mondiale pour que naisse une organisation plus représentative.


Certains considèrent que l’Occident est malade économiquement et politiquement, d’où cette politique de la canonnière au jour le jour. Qu’en pensez-vous ?


La politique de la canonnière – ou du porte-avion - est de retour, comme au 19ème siècle au service des intérêts économiques et géostratégiques occidentaux. L’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la Libye et bientôt, peut-être, la Syrie et l’Iran en ont été, sont ou seront les victimes. Je ne suis pas le seul à penser que pour enrayer leur déclin économique et politique, les Etats-Unis et leurs alliés s’en prendront à la Fédération de Russie et à la Chine.


Le plan actuel d’encerclement et de déstabilisation de ces deux pays en est le signe avant-coureur. Dans un discours prononcé à Camberra en novembre dernier, Barack Obama a déclaré que la région Asie-Pacifique est désormais une «priorité absolue» de la politique de sécurité américaine. Il a annoncé que 2 500 Marines seront basés à Darwin, en Australie, déclenchant des protestations de la Chine. Une guerre, inévitablement thermonucléaire, est à craindre à moyen terme. Si elle n’est pas évitée, une grande partie de l’espèce humaine et de l’écosystème de la planète disparaîtra.
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Gilles Munier?
A Alger où il résidait, Gilles Munier a milité dès 1964 dans des associations françaises de solidarité avec le monde arabe et de soutien à la lutte du peuple palestinien. Son père, favorable à l’indépendance de l’Algérie, avait rejoint, symboliquement, le colonel Amirouche au maquis. Arrêté à son retour, il a été plus tard interdit de séjour dans les départements algériens.

Depuis 1986, Gilles Munier est secrétaire général des Amitiés franco- irakiennes. A ce titre, il a milité contre l’embargo et rencontré le président Saddam Hussein à plusieurs reprises. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Les espions de l’or noir, collabore au magazine Afrique Asie, et analyse la situation au Proche-Orient sur le blog France-Irak- Actualite.com .

samedi, 24 décembre 2011

BERNARD LUGAN CENSURE SUR I-TELE !

BERNARD LUGAN CENSURE SUR I-TELE !

9782729870836.jpgAprès un véritable psychodrame, la direction d’I-Télé a censuré un entretien que Robert Ménard avait enregistré avec l’africaniste Bernard Lugan dans le cadre de son émission quotidienne « Ménard sans interdit ». Bernard Lugan avait été invité pour présenter son essai « Décolonisez l’Afrique » qui vient de paraître chez Ellipses.
 
Cette décision relève de la censure et de l’atteinte à la liberté d’expression dont se réclament pourtant les journalistes. Une telle mesure montre que ceux qui se permettent de donner des leçons de démocratie, de tolérance et de « droits de l’homme » au monde entier ne supportent pas le parler vrai.
 
Quelle était donc la teneur des propos « scandaleux » tenus par Bernard Lugan ? Robert Ménard, avait posé à ce dernier quatre grandes questions :
 
1) Dans votre livre vous écrivez que les Africains ne sont pas des « Européens pauvres à la peau noire » ; selon vous, c’est pourquoi toutes les tentatives de développement ont échoué en Afrique ?
 
Le refus de reconnaître les différences entre les hommes fait que nous avons imposé à l’Afrique des modèles qui ne lui sont pas adaptés. Nous l’avons fait avec arrogance, comme des jardiniers fous voulant greffer des prunes sur un palmier et noyant ensuite le porte-greffe sous les engrais. C’est ainsi que depuis 1960, 1000 milliards de dollars d’aides ont été déversés sur l’Afrique, en vain. De plus, nous avons voulu européaniser les Africains, ce qui est un génocide culturel. De quel droit pouvons-nous en effet ordonner à ces derniers de cesser d’être ce qu’ils sont pour les sommer d’adopter nos impératifs moraux et comportementaux ? L’ethno-différentialiste que je suis refuse cette approche relevant du plus insupportable suprématisme. Contre Léon Blum qui déclarait qu’il était du devoir des « races supérieures » d’imposer la civilisation aux autres races, je dis avec Lyautey qu’il s’agit de pure folie car les Africains ne sont pas inférieurs puisqu’ils sont « autres ».
 
2) Dans votre livre vous proposez de supprimer l’aide.
 
Oui, car l’aide, en plus d’être inutile, infantilise l’Afrique en lui interdisant de se prendre en main, de se responsabiliser. Dans la décennie 1950-1960, les Africains mangeaient à leur faim et connaissaient la paix tandis que l’Asie subissait de terribles conflits et d’affreuses famines. Un demi siècle plus tard, sans avoir été aidées, la Chine et l’Inde sont devenues des « dragons » parce qu’elles ont décidé de ne compter que sur leurs propres forces, en un mot, de se prendre en charge. Au même moment, le couple sado-masochiste composé de la repentance européenne et de la victimisation africaine a enfanté d’une Afrique immobile attribuant tous ses maux à la colonisation.
 
3) Vous dénoncez l’ingérence humanitaire que vous définissez comme un hypocrite impérialisme et une forme moderne de la « guerre juste », mais n’était-il pas nécessaire d’intervenir en Libye pour y sauver les populations ?
 
Parlons-en. Nous sommes en principe intervenus pour « sauver » les populations civiles de Benghazi d’un massacre « annoncé ». En réalité, nous avons volé au secours de fondamentalistes islamistes, frères de ceux que nous combattons en Afghanistan. Cherchez la logique ! Violant le mandat de l’ONU et nous immisçant dans une guerre civile qui ne nous concernait pas, nous nous sommes ensuite lancés dans une entreprise de renversement du régime libyen, puis dans une véritable chasse à l’homme contre ses dirigeants. Or, le point de départ de notre intervention reposait sur un montage et nous le savons maintenant. Que pouvaient en effet faire quelques chars rouillés contre des combattants retranchés dans la ville de Benghazi ? On nous a déjà « fait le coup » avec les cadavres de Timisoara en Roumanie, avec les « couveuses » du Koweït ou encore avec les « armes de destruction massive » en Irak. A chaque fois, la presse est tombée dans le panneau, par complicité, par bêtise ou par suivisme.
 
Mais allons plus loin et oublions un moment les incontournables et fumeux « droits de l’homme » pour enfin songer à nos intérêts nationaux et européens, ce qui devrait tout de même être la démarche primordiale de nos gouvernants. Nos intérêts étaient-ils donc menacés en Libye pour que nos dirigeants aient pris la décision d’y intervenir ? Etaient-ils dans le maintien au pouvoir d’un satrape certes peu recommandable mais qui, du moins, contrôlait pour notre plus grand profit 1900 kilomètres de littoral faisant face au ventre mou de l’Europe ? Nos intérêts étaient-ils au contraire dans la déstabilisation de la Libye puis son partage en autant de territoires tribaux livrés aux milices islamistes ? Sans parler des conséquences de notre calamiteux interventionnisme dans toute la zone sahélienne où, désormais, nos intérêts vitaux sont effectivement menacés, notamment au Niger, pays qui fournit l’essentiel de l’uranium sans lequel nos centrales nucléaires ne peuvent fonctionner…
 
4) Votre conception du monde n’a-t-elle pas une influence sur vos analyses et prises de positions ?
 
J’ai une conception aristocratique de la vie, je dis aristocratique et non élitiste, la différence est de taille, et alors ? Depuis 1972, soit tout de même 40 ans, je parcours toutes les Afriques, et cela du nord au sud et de l’est à l’ouest, ce qui me donne une expérience de terrain unique dans le monde africaniste ; c’est d’ailleurs pourquoi mes analyses ont du poids. Dès le mois de décembre 2010, dans ma revue, l’Afrique Réelle, j’ai annoncé ce qui allait se passer en Egypte trois mois plus tard. De même, dès le début, j’ai expliqué que le « printemps arabe » n’était qu’un mirage, un miroir aux alouettes autour duquel tournaient les butors de la sous-culture journalistique cependant que, méthodiquement et dans l’ombre, les Frères musulmans préparaient la construction du califat supranational qui est leur but ultime.
 
Voilà les propos que les téléspectateurs d’I-Télé n’ont pas eu le droit d’entendre.
 
Comment riposter à cette censure ?
 
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dimanche, 11 décembre 2011

Le capitalisme en crise a besoin d’un conflit militaire majeur

Le capitalisme en crise a besoin d’un conflit militaire majeur

 

Pourquoi la CriseEx: http://mbm.hautetfort.com/

Pour Jean-Loup Izambert, journaliste indépendant et écrivain, qui publie son septième ouvrage (1) sous le titre de Pourquoi la crise ? aux éditions Amalthée, la crise du capitalisme est devenue totale. Contrairement aux déclarations de certains économistes et politiciens, il affirme qu’il n’y aura pas de sortie de crise. Pour l’auteur de la seule investigation journalistique sur les origines de la crise(2), le système capitaliste ne peut survivre que par la guerre. Quelle alternative pour les peuples ? Entretien.

Geostrategie : Vous démontrez dans votre livre Pourquoi la crise ? que le capitalisme ne peut plus supporter la démocratie parlementaire avec laquelle il s’est développé. Sommes-nous à un point de rupture avec ce système et les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité ?

Jean-Loup Izambert : C’est évident. Pourquoi et quelles données changent par rapport aux dernières décennies ? Dans ce système les grands propriétaires privés de l’économie contrôlent l’économie et tentent de l’imposer par tous les moyens comme régime aux peuples de la planète, y compris par la guerre. C’est ce qu’ils ont toujours fait avec la seule préoccupation de s’enrichir et de faire main basse sur les richesses des peuples au seul profit des sociétés transnationales qu’ils dirigent. Mais parvenu au stade de l’impérialisme, période actuelle du développement du capitalisme, les grands possédants ont besoin d’un pouvoir politique qui leur soit totalement dévoué pour protéger et accroître encore la concentration des richesses qu’ils cumulent. Il faut bien comprendre qu’il s’agit pour eux d’une question de survie, de rester maîtres du pouvoir et bien sûr de leur privilèges. L’une des contradictions qu’ils doivent gérer vient justement du fait que l’accumulation du Capital et la concentration des richesses qu’ils sont contraints de perpétuer sous peine de perdre pouvoir et privilèges implique aujourd’hui des centres de décisions de plus en plus fermés, dans l’entreprise comme dans la société. Or, cette tendance à la centralisation va à l’inverse de mouvement des sociétés qui pousse vers plus d’ouverture, de démocratie, de participation, de culture notamment avec le développement des sciences et des techniques.

Geostrategie : Quels faits caractérisent aujourd’hui cette concentration des richesses ?

J-L.I. : Aujourd’hui 200 sociétés transnationales contrôlent plus de 23% du commerce mondial et 1% des plus riches détient plus de 57% des richesses produites. L’augmentation des richesses conduit-elle à l’enrichissement des peuples ? Non. Au niveau mondial 103 200 personnes, pour la plupart propriétaires privés de l’économie, détiennent un patrimoine financier de plus de 30 millions de dollars, hors résidence principale et biens de consommation. Mais, si l’on se réfère aux statistiques de l’Organisation des Nations Unies, plus de 80 pays ont aujourd’hui un revenu par habitant plus bas qu’il y a dix ans. D’une part les peuples prennent de plus en plus conscience qu’ils ne profitent pas de l’augmentation des richesses produites, que plus les richesses se concentrent entre quelques mains plus la misère s’accroît dans les sociétés mais également que ce phénomène touche aujourd’hui le cœur même de l’Occident capitaliste qui s’en croyait à l’abri. Selon les chiffres du fisc étasunien, à la veille de l’aggravation de la crise 60 millions de personnes « vivaient » aux Etats-Unis avec moins de sept dollars par jour. Bien que dissimulée par les médias qui appartiennent aux milliardaires, la situation est analogue dans la petite Europe de Maastricht de 20 millions de chômeurs où 80 millions de citoyens – soit quand même 16% de ses 495 millions d’habitants – courent un risque de pauvreté, 17 millions sont répertoriées comme « très pauvres » et 70 millions d’autres n’ont pas accès à un logement décent selon les propres statistiques publiées par la Commission européenne et d’autres organismes « européens ». Dans ce contexte, les grands possédants de l’économie ont besoin de faire courber la tête aux peuples pour maintenir leur système d’exploitation.

Les dirigeants bourgeois organisent le déficit des nations

Geostrategie : Comment le pouvoir politique favorise-t-il ces grands propriétaires privés de l’économie ?

J-L.I.: De différentes manières. Cela va du vote de lois en faveur de la grande bourgeoisie, à une complicité évidente avec le système d’évitement fiscal qui appauvrit la collectivité jusqu’au vote de crédit pour des guerres régionales dans lesquelles vous voyez apparaître et se développer des Sociétés Militaires Privées (SMP) liées aux armées et services occidentaux et financées par les Etats et leurs transnationales. Les provocations répétées à coups de campagnes médiatiques contre la Fédération de Russie, la République Populaire de Chine, la République Islamique d’Iran ou d’autres mais aussi le soutien à des dictatures comme en Irak après avoir ravagé le pays par la guerre, dans plusieurs pays d’Afrique ou l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan sont des illustrations de la tentation totalitaire du capitalisme. L’actuelle présidence française, son Premier ministre et son gouvernement sont au diapason de ce qui se passe dans tous les pays capitalistes sans exception : atteintes répétées aux libertés, vote de lois en faveur des grands possédants, réduction du rôle des assemblées élues – par exemple, avec la volonté de tenter de supprimer les communes ou les départements en France ou en réduisant le rôle du Parlement -, « dépénalisation du droit des affaires » qui a pour conséquence de laisser faire le pillage de la nation par les grands propriétaires privés de l’économie, retrait du rôle de l’Etat dans ses fonctions essentielles de la santé, de l’éducation, du logement, du développement économique et de l’emploi, engagement dans des guerres et occupations de pays contre l’intérêt des peuples.

Geostrategie : La dégradation de la situation économique ne dépend donc pas seulement de la crise comme les médias de masse tentent d’en accréditer l’idée ?

J-L.I. : Comme je l’ai dit, la crise est liée à la nature même du capitalisme. Elle prend une ampleur que n’a jamais connue le système alors que le pouvoir politique n’a cessé de border son lit. Par exemple l’actuel président français s’était engagé lors de sa campagne électorale à mettre en oeuvre une politique de plein emploi. Mais l’explosion du chômage et de la misère que nous connaissons aujourd’hui n’est pas le fait de la seule crise. Bien avant que celle-ci ne se manifeste brutalement, le gouvernement français UMP, à peine installé, procédait déjà à la suppression de dizaines de milliers d’emplois dans la fonction publique sur plusieurs années tandis que les dirigeants de grandes sociétés privées en programmaient la liquidation de centaines de milliers d’autres dans tous les secteurs d’activité. Cette politique au service de la concentration du Capital n’est que la continuité des précédentes politiques menées par les gouvernements de droite comme de gauche. En fait le rôle de l’Etat bourgeois se borne à protéger les intérêts des grands possédants contre l’intérêt général avec pour conséquence l’aggravation du déficit budgétaire, l’endettement de l’Etat et une misère grandissante pour le plus grand nombre. Un exemple : les sociétés transnationales qui auraient dû payer plus de 33 milliards d’euros d’impôts pour la seule année 2006 en ont réglé 6,1 milliards avec la bénédiction de l’Etat ! Dans le même temps, ces entreprises qui ne créent pratiquement pas d’emplois, organisent des plans de licenciements, exportent une partie de leurs bénéfices pour échapper à l’impôt ont reçu de l’Etat 65 milliards d’euros d’aides de toutes sortes et bénéficié de milliards d’euros d’exonérations fiscales. Pour vous donner une idée, sur deux années, cela représente environ 130 milliards d’euros soit pratiquement l’équivalent du budget annuel européen pour la période 2007-2013 ou le montant du déficit record du budget de la France fin 2009 contre 56,3 milliards en 2008. La dette publique de la France atteint aujourd’hui des sommets en se situant, selon l’INSEE, à 1413,6 milliards d’euros pour le premier trimestre 2009 soit 72,9% du Produit Intérieur Brut (montant des richesses créées dans un pays sur une année entière). De même, l’Etat et les dirigeants des grandes sociétés privées doivent des milliards d’euros à la Sécurité Sociale qui ont déjà été payés par les salariés aux entreprises et les consommateurs mais ne sont toujours pas reversés à l’organisation de solidarité nationale par le grand patronat. Voilà comment le gouvernement organise les déficits. Quand le Président de la République et les ministres de l’Intérieur qui se succèdent affirment « qu’il n’y a pas de zone de non droit » en ciblant la jeunesse amputée d’avenir qui se révolte, ils se moquent ouvertement du monde. Les premières zones de non droit se situent au sein même de structures de l’Etat et elles sont le fait de leur politique qui conduit le pays à la ruine ! Ce n’est qu’un aspect qui explique aussi la violence du système vis-à-vis de toutes les résistances qu’il rencontre et de celles qui en découlent de manière plus générale dans les rapports sociaux.

Geopolitique : La violence est donc liée à la fin du système ?

J-L.I. : Oui, un peu comme les derniers sursauts d’une bête blessée à mort. Elle se manifeste par le rejet brutal de millions d’hommes et de femmes du système de production, leur mise à l’écart de la vie sociale, du logement, de la santé, de la culture. Elle se manifeste également par la destruction de pans entiers de l’économie, de régions et de pays comme en Yougoslavie, en Irak, en Palestine, en Amérique centrale ou en Afrique où les derniers « rois-nègres » ne doivent leur trône qu’à la corruption débridée de transnationales et, parmi d’autres, au pouvoir élyséen. Le capitalisme est un système criminel qui a fait la prospérité d’une caste de milliardaires sur la mort de centaines de millions d’êtres humains, sur les souffrances les plus atroces des peuples sur tous les continents par la famine, la surexploitation, le colonialisme, la guerre. Et cela continue. Au moment où nous parlons, selon les chiffres de l’Organisation des Nations Unies, une personne meurt de faim – « seulement » de faim, épidémies et guerres non comprises – toutes les quatre secondes. Dans le même temps les dirigeants occidentaux en sont à faire payer les paysans par les contribuables à coups de primes pour mettre leurs terres en friches, à détruire des pêches entières par des règlements imbéciles décidés par les bureaucrates de Bruxelles. Et au moment où nous parlons ce sont plus de 350 millions d’enfants de 6 à 17 ans qui sont surexploités par les transnationales capitalistes sur tous les continents dans presque tous les types d’industrie, de l’Asie aux Etats-Unis(3). Si ce n’est de la violence et de l’égoïsme, qu’est-ce donc le capitalisme ?!

Une exigence de destruction

Geostrategie : Dans votre livre vous rapportez le témoignage de plusieurs intervenants de différents milieux et pays dont certains évoquent une crise totale contrairement aux précédentes. Quels changements avec les crises précédentes ?

J-L.I. : Effectivement la crise est presque mondiale par le fait qu’elle touche tout le système capitaliste. Des pays comme la Fédération de Russie, la République Populaire de Chine, Cuba, le Venezuela révolutionnaire du président Hugo Chavez, le Brésil, la République démocratique du Vietnam ou d’autres comme la République Islamique d’Iran sont moins touchés car ils sont, pour des raisons diverses – historiques, politiques, culturelles, économiques – moins imbriqués dans le système capitaliste, ses réseaux commerciaux, bancaires et financiers. Jusqu’à présent nous devions faire face à des crises conjoncturelles du capitalisme, des périodes où la concentration du Capital s’accélérait brusquement en mettant en difficulté momentanée des monnaies, des économies, des pays. Face à cette situation inédite il était important que je donne la parole à des intervenants de différents milieux tous concernés par la banque, la finance, l’organisation d’entreprise et de la société. Quelques français comme le Président du groupe Crédit Agricole Société Anonyme, un commissaire aux comptes ou un important cabinet d’avocats d’affaires parisien ont refusé de débattre de la situation et de répondre à des questions portant sur l’évolution de l’activité de leur secteur professionnel dans le contexte actuel. La plupart ont joué le jeu et apportent, comme vous avez pu le lire, une contribution importante à mon travail par leur vécu mais également par leur propre réflexion et leurs travaux. C’est le cas du président Etienne Pflimlin du groupe bancaire mutualiste Crédit Mutuel-CIC, de Pierre-Henry Leroy, fondateur et dirigeant de Proxinvest, l’une des plus importantes sociétés de conseil aux actionnaires, du président Alban d’Amours du Mouvement des Caisses Desjardins, l’un des plus importants instituts financiers du Canada de forme coopérative, d’Hervé Sérieyx, haut fonctionnaire, dirigeant de société, chercheur et conseil en organisation d’entreprise, de Mark Schacter au Canada qui est conseil international en organisation d’entreprise, de l’Institut Canadien des Comptables Agréés faute de trouver un européen qui daigne répondre à de simples questions de droit sur la transparence de gestion et la validité des comptes des transnationales, du réseau SWIFT spécialisé dans les transactions internationales, d’un syndicaliste de la CGT fin connaisseur du monde bancaire ou encore de magistrats comme Jean de Maillard, spécialisé dans les nouvelles formes de criminalité financière, des avocats d’affaires et bien entendu des responsables du mouvement Coopératif international. La rencontre de tous ces acteurs de l’entreprise, de la finance, de la banque, du droit au sein d’un même lieu – un livre -, la transmission aux lecteurs de leur expérience comme de leurs idées et de leurs propres travaux permet de dresser un tableau aussi précis que possible de la situation actuelle pour mieux comprendre les origines et mettre en exergue les responsables de la crise. De même cette démarche permet de mon point de vue de tenter d’esquisser les possibles d’un nouveau mode d’organisation et de gestion économique et social. Ainsi que l’explique Sherron Watkins, l’ancienne vice-présidente de la société étasunienne Enron, transnationale de l’énergie faillie en décembre 2001, la crise du capitalisme est désormais totale. Elle touche tout le système : économie, finance, groupes de surveillance du monde des affaires et institutions internationales, politique, morale et idéologie. La continuité de ce système s’accompagne aujourd’hui d’une exigence de destruction de tout ce qui entrave la concentration des richesses par les grands possédants. Ils appellent cela « déréglementation », « privatisation », « libéralisation » ou « mondialisation » et couvrent la répression, l’esclavage, le colonialisme et la dépendance des mots de « sécurité », « liberté », « droits de l’Homme » n’ayant plus que le mensonge, la tromperie et la falsification pour camoufler la fin de leur système.

Geostrategie : Mais ces pouvoirs sont l’émanation du suffrage universel, du vote des peuples. Si l’on pousse le raisonnement à son terme doit-on en conclure que les peuples occidentaux souhaitent le capitalisme ?

J-L.I. : Effectivement, les peuples occidentaux se sont prononcés jusqu’à aujourd’hui en faveur de représentants du capitalisme, pratiquement sans rien connaître du reste de la nature de celui-ci ni même envisager où ce système les conduit à l’heure actuelle. Prenons l’exemple de la France. En 1981, lors des élections présidentielles puis des élections législatives qui ont suivi, le peuple français a eu l’occasion de choisir entre la continuité du système symbolisée par les partis conservateurs et la rupture que proposait à l’époque le Parti Communiste Français avec le Programme commun de gouvernement des forces de gauche auquel était associé le Parti Socialiste et les radicaux de gauche. Ce Programme commun de gouvernement était lui-même l’aboutissement d’années d’engagement des communistes français pour ouvrir une voie nouvelle dans la construction d’une démocratie avancée. Ce programme venait en effet après plusieurs grandes campagnes nationales du PCF et l’élaboration et la diffusion du propre programme du PCF à des millions d’exemplaires sous le titre de « Changer de cap », programme pour un gouvernement démocratique d’union populaire. Pour la préparation de celui-ci les militants communistes ont mené à l’époque de grandes campagnes d’information, de débats, collecté sur plusieurs mois avec « les cahiers de la misère » le vécu et les espoirs du peuple dans les campagnes, les quartiers, les usines, les universités. Tout cela a permis d’aider les gens dans leurs problèmes quotidiens – par exemple en s’opposant aux licenciements dans des entreprises qui réalisaient des profits ou à empêcher des saisies-expulsions – tout en débattant avec eux des changements à mettre en œuvre pour une nouvelle politique nationale. Au moment du vote, lors des élections présidentielles et des législatives qui ont suivi, une majorité de votants a cédé aux campagnes médiatiques anticommunistes et s’est réfugiée dans le giron du Parti Socialiste. Une fois au pouvoir, celui-ci s’est empressé d’abandonner ses engagements sous la pression de la bourgeoisie et du gouvernement étasunien qui s’opposait à la présence de ministres communistes dans le gouvernement français. Toutes les transformations radicales contenues dans le programme commun de gouvernement, tout particulièrement les nationalisations des secteurs clés de l’économie, le développement de la démocratie et toute mesure qui permettait de rompre avec le système ont ainsi été abandonnées par la « génération Mitterrand ». Démonstration a été faite une nouvelle fois que sans parti révolutionnaire, sans mobilisation et soutien à des propositions de rupture avec le système, il ne peut y avoir de réel changement. Si les mesures préconisées par le PCF avaient reçu à l’époque un large soutien populaire, le cours des choses aurait été bien différent, y compris la question européenne. Du reste, si vous relisez aujourd’hui « Changer de cap », le programme du PCF, ou même le Programme commun de gouvernement de 1972, vous constaterez avec le recul du temps et en regard de la situation actuelle le bien fondé des propositions de l’époque dont certaines ne demandent qu’à être actualisées. Chacun doit donc assumer ses responsabilités face à l’Histoire. Le passage à la construction d’une société socialiste ne peut se faire que sur la base d’un rapport des forces sociales et politiques favorables au peuple et ne peut être que le résultat de sa volonté et de sa lutte. Une trentaine d’années plus tard le peuple français, sans tirer les leçons de ses expériences, continue de voter tantôt à gauche, tantôt à droite sans avoir encore conscience qu’il confie en réalité son pouvoir aux mêmes maîtres de la finance et de l’économie. La politique qu’il vit au quotidien reste par conséquent la même et rien ne change dans l’entreprise, dans la vie économique à laquelle il consacre l’essentiel de son existence. Bien entendu, la situation s’est aggravée au fil des trois décennies qui se sont écoulées depuis 1981 et il commence à payer chèrement sa marche « droite-gauche-droite-gauche » à coups de chômage, d’impôts, de taxes, d’exclusions, de restrictions, de lois liberticides et de guerres. Mais il ne peut s’en prendre qu’à lui-même car c’est en dernier ressort lui qui décide, par ses luttes et ses votes. Souvenons-nous toutefois que l’Histoire a montré que les révolutions ne sont pas prévues dans les calendriers électoraux de la bourgeoisie.

La priorité est à l’action sur des propositions révolutionnaires

Geostrategie : La responsabilité serait-elle uniquement le fait d’un peuple ignorant de la chose politique et de sa propre histoire ou plus préoccupé par ses « petits problèmes » que du devenir de la société et de la planète ?

J-L.I. : Non, bien évidemment. La crise n’incite pas à la réflexion et à l’action. Les médias qui sont la propriété privée des milliardaires par banques et sociétés de communication interposées jouent un rôle important dans la désinformation et l’abrutissement des masses. Le fait qu’un navet comme le film « Bienvenue chez les Chtis » soit élevé au rang de succès cinématographique ou que des foules honorent comme un dieu la mort d’un pantin médiatique comme Michael Jackson qui, en dehors du fait qu’il n’a rien apporté d’essentiel à la musique, se droguait, couchait avec des petits enfants et s’était fait tirer et blanchir la peau pour ne plus être noir en dit assez long sur le niveau culturel d’une frange des sociétés occidentales. Nous sommes bien loin des grands musiciens et chanteurs comme King Oliver, Sindey Bechet, Count Basie, Louis Armstrong, Ray Charles, Otis Redding ou d’autres dont les musiques populaires traversent les générations ! Ce n’est qu’un aspect des conséquences des batailles que se livrent les transnationales étasuniennes, européennes et japonaises pour le contrôle des grands moyens de communication, des groupes de presse aux satellites en passant par les majors du cinéma. Sans doute le peuple sortira-t-il de son hibernation politique lorsque nous passerons de « Qui veut gagner des millions ? » à « Qui va partir à la guerre ? »… Depuis les années quatre-vingt, les dirigeants du PCF ont commis de lourdes erreurs stratégiques. Comme s’ils n’avaient pas compris les leçons du passé, ils continuent de rechercher des alliances électorales avec d’autres partis réformistes au lieu de privilégier des propositions pour éveiller les consciences, organiser de grands débats nationaux sur les questions essentielles et rassembler dans l’action avec audace. Lorsqu’un parti ou un mouvement posera des questions comme « Comment contrôler le système bancaire et financier ? », « Quelle organisation bancaire et financière pour l’économie ? », « Quelles mesures pour la gestion démocratique des entreprises ? » ou « Comment rendre à l’assemblée du peuple sa représentation nationale ? », questions dont les réponses sont essentielles pour s’engager dans une rupture avec le système, alors la société commencera à s’éveiller. Et dans l’immédiat, il ne faut pas compter sur les états-majors syndicaux qui sont surtout préoccupés de canaliser le mécontentement afin d’éviter les grandes colères qui commencent à gronder. Il est particulièrement lamentable de voir des représentants syndicaux négocier la diminution du nombre de licenciés dans des entreprises en pleine santé financière quand ceux-ci devraient non seulement appeler à la lutte pour le maintien et le développement de l’emploi, exiger des licencieurs l’ouverture des comptes de l’entreprise et se battre pour des droits nouveaux afin de participer à leur gestion. Dites-moi un peu à quoi servent les comités d’entreprises quand des salariés découvrent du jour au lendemain des plans de licenciements prévus de longue date ?! Avez-vous remarqué comment le mouvement radical de séquestration de responsables de ces plans de licenciements né à la base a été enrayé ? Ce type d’action très intéressant a pratiquement disparu des journaux télévisés et autres du jour au le demain. Dans l’immédiat, entre des partis dits progressistes sans propositions révolutionnaires et des syndicats au minimum compatissants, le pouvoir des « compteurs de petits pois », pour reprendre la formule d’Hervé Sérieyx, ne pouvait pas mieux espérer.

Geostrategie : Est-ce à dire que la situation est politiquement bloquée et qu’il sera difficile de sortir de la crise ?

J-L.I. : L’idée selon laquelle il pourrait y avoir sortie de crise sans sortie du système qui l’engendre est une hérésie. Autant vouloir soigner une grippe sans tuer son virus. Cette chimère ne vise, une nouvelle fois, qu’à berner le peuple en lui faisant croire que l’avenir sera meilleur s’il accepte de nouvelles mesures antisociales comme par exemple le report de l’âge de la retraite à 65 ans. Ce n’est que la suite logique du « travailler plus pour gagner plus » développé par l’UMP. Il n’y aura pas de sortie de crise pour la simple raison que le capitalisme ne peut plus être aménagé. Vous avez pu remarquer combien les médias des puissances financières se font silencieux tant sur l’origine de la crise, ses conséquences générales et son extension dans d’autres pays. Il faut surtout éviter que les masses prennent conscience de l’ampleur des dégâts comme des responsables de la situation pour mieux les enfermer dans la fatalité et le renoncement à la lutte.

Nous ne sommes plus en démocratie

Geostrategie : Cela signifie-t-il que l’appauvrissement continu de la société va se poursuivre de manière plus brutale au détriment de l’intérêt général et au seul profit des grands propriétaires privés de l’économie ?

J-L.I. : Oui. Nous entrons dans une nouvelle période où le chômage s’accroît de manière considérable et où des millions de citoyens supplémentaires sont écartés du droit de vivre dignement de leur travail, où la collectivité humaine déjà menacée va encore s’appauvrir tandis que le clan des grands propriétaires privés de l’économie va continuer de s’enrichir. Selon le World Wealth Report publié par la banque d’affaires étasunienne Merrill Lynch et Cap Gemini « la croissance de la richesse des grands fortunes financières privées devrait être de 7,7% par an pour atteindre 59100 milliards de dollars à l’horizon 2012 ». Voilà des gens qui sont, eux, dispensés de l’allongement de la durée du travail comme de l’effort national que les gouvernements occidentaux tentent d’imposer aux peuples pour leur faire payer une crise dont ils ne sont pas responsables. Deux options se présentent : la continuité du système et la guerre ou la révolution. La première hypothèse va se traduire par un renforcement du caractère autoritaire du pouvoir politique, dernier stade de l’impérialisme avant la dictature et la guerre, la guerre économique conduisant toujours à la guerre totale. C’est ce à quoi nous assistons en France comme dans la plupart des pays capitalistes. Le pouvoir politique devient plus autoritaire, toutes les libertés sont graduellement réduites sous prétexte de prévention, de sécurité et d’ordre, les assemblées élues sont amoindries dans leur pouvoir de décision et d’intervention, qu’il s’agisse des collectivités, des comités d’entreprise et autres. A ce stade, la bourgeoisie dispose encore des moyens de diviser le peuple en favorisant des « faux-nez » d’opposition comme le Parti Socialiste en France et en introduisant dans la vie politique des courants rétrogrades dont elle sait qu’ils contribueront à jeter le trouble dans la bataille d’idées. C’est le cas du mouvement Vert ou prétendument écologiste qui a germé sur une conséquence du capitalisme – la détérioration de l’environnement humain par les transnationales – et grandit sur son fumier sans remettre en cause le système, les causes profondes de cette détérioration.

Geostrategie : Pourtant le mouvement écologiste dénonce la destruction de l’environnement ?

J-L.I. : Bien sûr et le Parti Socialiste dit vouloir s’opposer à la politique du Premier ministre de Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa. Mais vous pouvez dénoncer tout ce que vous voulez, cela ne gêne nullement la bourgeoisie du moment que vous ne vous en prenez pas à l’essentiel, à la cause, à l’origine de cette destruction : son pouvoir politique et celui des puissances financières, son système et son mode de gestion des entreprises et des sociétés humaines. Le discours de ces écologistes opposés, par exemple, à la maîtrise et au développement de l’énergie nucléaire rappelle ces mentalités arriérées qui accusaient dans les années 1830 les premiers trains à vapeur de répandre la tuberculose dans les campagnes. Quant à la LCR-NPA, quelle que soit ses changements de nom, cette organisation a toujours contribué à diviser et affaiblir le mouvement populaire avec une phraséologie pseudo-révolutionnaire et elle doit être combattue comme telle. Elle est du reste complètement absente des mobilisations ouvrières contre la crise.

La question du Front National

Geostrategie : Et le Front National ?

J-L.I. : Il en va un peu de même pour le Front National qui dénonce les puissances financières mais dont le programme politique n’envisage aucune mesure économique radicale pour mettre un terme à leur domination et contraindre les maîtres de l’économie à rendre gorge. Contrairement aux campagnes de ce parti, ce ne sont pas les immigrés qui sont responsables du chômage. Je parle bien entendu de l’immigration qui vient travailler en France avec une qualification, s’y former dans le cadre de contrats avec des entreprises ou des universités ou y est présente depuis plusieurs génération et non de l’immigration clandestine issue de l’aggravation de la misère qui déserte son combat national pour changer l’ordre des choses. Cette dernière, la plupart du temps inculte, sans formation, analphabète, parfois trafiquante au-lieu d’être parquée dans des camps de rétention aux frais des contribuables devrait être reconduite aux frontières sans atermoiements. Essayez donc comme français de vous rendre clandestinement, « sans papiers », dans un pays d’Afrique ou même en Albanie pour juger de l’hospitalité qui vous sera réservée…Ce qui coûte cher à la France c’est le grand patronat qui attire et utilise cette main d’ouvre bon marché et inculte pour briser le tissu social et les avancées démocratiques qui sont autant d’obstacles à son enrichissement. Et quand cela lui est insuffisant, il délocalise les entreprises, comme le groupe Michelin, pour faire du chômage en France et produire à moindre coût et bien souvent à qualité inférieure dans des pays à la main d’œuvre corvéable à merci. Je le rappelle : 350 millions d’enfants sont actuellement surexploités par les transnationales à travers le monde ! Je rappelle également, puisque personne n’en parle, que le grand patronat français a reçu près de 65 milliards d’euros de subventions de l’Etat tout en bénéficiant de 8,5 milliards d’euros d’exonérations fiscales, de 25 milliards d’euros au titre d’une ribambelle de prêts bonifiés et de la baisse du coût du travail, etc. (4) Dans le même temps l’Etat ne budgétisait que 6 milliards d’euros pour le logement et 5 pour une justice qui se situe déjà parmi les derniers pays d’Europe par son budget !… Ce qui coûte cher à la France, c’est le grand patronat, le chômage qu’il fabrique et son organisation corrompue, le Medef. Le Front National ne reconnaît pas la lutte des classes, condition essentielle du combat pour l’émancipation humaine, raison pour laquelle il ne pourra pas mener jusqu’au bout le combat qu’il prétend mener, ce qui ne veut pas dire qu’il n’aurait pas un rôle à jouer. Mais pour prétendre être « front » et « national » sans doute faudrait-il qu’il se réfère plus à l’avenir qu’au passé dans son discours et ses propositions et que ses militants n’hésitent pas à se trouver aux côtés des travailleurs en lutte pour la défense de leur avenir au lieu de pratiquer un discours antisyndical d’un autre âge. Quand le Front National désignera pour cible le clan des milliardaires qui pille la France au lieu des immigrés qui contribuent à l’enrichir par leur travail, quand ce parti proposera et appellera à la lutte pour nationaliser la haute finance, rendre à la nation ce qui lui appartient, développer la démocratie directe, alors celui-ci commencera à être crédible comme « front national ». Cette logique s’inscrirait d’ailleurs dans la lignée de ses propositions pour une «Europe des peuples » par opposition à « l’Europe des banques ». Pour l’heure il reste enfermé dans un discours anticommuniste, antisyndical, anti-fonctionnaire et s’accroche aux oripeaux du système comme l’église catholique – je parle bien entendu de l’institution et non de la croyance, même si je suis athée – et s’oppose ainsi à tout grand rassemblement national sur des propositions de rupture. Imaginez la force que représenteraient le rassemblement et la mobilisation des organisations – partis politiques, syndicats, associations, etc. – agissant de concert sur des objectifs communs de rupture, chacun conservant, bien évidemment, son identité. Un Front National ouvert, démocratique, aux propositions novatrices, en prise avec la société en lutte pourrait jouer ce rôle de rassembleur. Après chacun prendra ses responsabilités de l’accompagner ou non sur les objectifs en question mais la clarté serait faite dans la société sur qui défend réellement l’intérêt général des français. Pourquoi le Front National ne soutient-il pas les travailleurs qui séquestrent les licencieurs dans des entreprises en bonne santé pour exiger des droits nouveaux dans les entreprises ? Visiblement, les propositions de changement font défaut et se limitent plutôt aux périodes électorales qu’au vécu quotidien des français. Bien entendu le rejet du Front National par la classe politique est injustifiable. Mais pour une part, il porte la responsabilité de cette situation en ne désignant pas les vrais responsables de la crise et en restant enfermé dans un carcan droitier et populiste qui l’empêche, pour partie, de prétendre à devenir national et populaire. Des dirigeants trop souvent issus de partis bourgeois ou à « l’idéologie de reclus » s’identifient par leur propos et leur image plus aux forces du passé qu’à une force porteuse d’avenir et de changement radical. Même si aucune perspective de changement réelle n’existe à l’heure actuelle, la grande bourgeoisie est très préoccupée par la réduction de son assise populaire. Plusieurs faits en attestent comme ses tentatives répétées de faire voter plusieurs fois les peuples ou de remplacer un vote populaire sur des questions qui engagent toute la nation par celui du Parlement lorsque leurs votes ne lui conviennent pas, la tentative de se fabriquer des circonscriptions sur mesure, etc. Nous ne sommes plus en démocratie…

Les forces vives de la nation absentes du Parlement

Geostrategie : …Parlement dont les membres sont pourtant élus par le peuple ?

J-L.I. : Oui, mais les Parlements ne représentent plus vraiment les peuples dans les pays occidentaux et leurs élus nationaux sont de plus en plus coupés des citoyens. Je n’évoque même pas le cas du Sénat français qui est une assemblée inutile et coûteuse qui devra être supprimée afin de renforcer les moyens et l’efficacité de l’assemblée des représentants de la nation. Si vous vous intéressez à la composition de l’Assemblée Nationale française, vous constaterez que sur les 577 députés, ne figure qu’un seul député issu de la classe ouvrière, le député communiste Maxime Gremetz, et un seul salarié agricole, le député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle qui est technicien agricole. Quant aux artisans, la « première entreprise de France », selon leur slogan, ne compte que deux élus ! Par contre vous trouvez vingt-deux « sans profession déclarée » parmi lesquels dix-neuf UMP, la plupart fils et filles de petits bourgeois, quinze permanents politiques, tous de l’UMP et du PS, qui faute de faire métier ont fait carrière dans la fonction d’élu et n’ont jamais participé aux forces vives de la nation, trente-huit avocats et, toutes catégories confondues, 184 fonctionnaires dont l’essentiel n’est pas représentatif de la fonction publique, exception faite des enseignants qui forme le gros de cette troupe avec les hauts fonctionnaires. Dans les faits, ce Parlement français n’est pas représentatif de la société française dans sa composition socioprofessionnelle. Les forces vives, classe ouvrière en tête, celles qui font le pays et connaissent les problèmes du quotidien, les drames de la vie sont quasiment absentes du lieu où se décident les lois ! Où sont les ouvriers, les marins-pêcheurs, les paysans, les ingénieurs, cadres et techniciens ? Ceux qui font vivre la France dans ce qu’elle a d’essentiel, de généreux, de génie créateur délèguent en masse leur voix et leur pouvoir à de petits bourgeois et à des politiciens carriéristes qui, une fois élus, ont tôt fait de les oublier ! De plus, le mode de scrutin ne permet pas une véritable représentation du peuple. L’Assemblée Nationale française est bien moins démocratique dans sa composition et son fonctionnement que la Douma en Fédération de Russie dans laquelle tous les partis ayant obtenus un minimum de suffrages sont représentés. En France, lors du premier tour des élections législatives de juin 2007, l’UMP s’est attribué 98 députés avec 10,28 millions de suffrages alors qu’il en a fallu 6,43 millions au Parti Socialiste pour en obtenir un seul ! Quant au PCF et au Front National ils n’en obtenaient aucun avec un peu plus de 1,11 millions chacun ! Le propos n’est pas de savoir si l’on est d’accord ou pas avec la politique proposée par ces partis mais de constater que le mode de scrutin ne permet pas une représentation équitable des courants de pensée de notre société. Le second tour de scrutin avec ses alliances opportunistes et politiciennes ne fait qu’aggraver la situation en excluant des millions d’électeurs de leurs choix et de la représentation nationale. Faute de proportionnelle intégrale, un français sur trois n’est pas représenté au Parlement.

Geostrategie : S’il n’y a pas grand-chose à attendre des partis politiques et des assemblées élues, comment les citoyens peuvent-ils modifier le cours des choses ?

J-L.I. : La démocratie est d’abord ce que les citoyens en font. Ils peuvent intervenir auprès des maires des communes, généralement plus accessibles pour changer la donne sur des problèmes locaux mais également auprès des députés pour des questions qui relèvent de la politique nationale. Les citoyens peuvent très bien se grouper et agir sur des objectifs de rupture avec le système – par exemple, refuser tout licenciement dans les entreprises qui font des profits, s’opposer aux délocalisations, exiger la construction de nouveaux logements, l’embauche de professeurs pour les écoles, de personnels pour les hôpitaux, les services postaux, etc. – et obliger leurs élus à s’engager sur leurs revendications, à leur rendre des comptes sur leurs votes dans les assemblées, ce qui ne sa fait pratiquement plus. Mais les questions fondamentales du passage à une démocratie politique avancée et du contrôle des grands moyens de production, de financement et d’échange reste toujours à conquérir. D’une manière générale, de mon point de vue, les luttes sociales demeurent encore bien en retrait dans leur contenu et leur combativité pour faire front aux attaques dont le monde du travail est l’objet. Mais l’entreprise reste le cœur des batailles à venir : c’est là que les salariés doivent agir pour obtenir de nouveaux droits leur permettant de participer à la gestion et de bénéficier des bons résultats auxquels ils contribuent. Dans les faits comme l’explique Hervé Sérieyx dans mon livre, « il s’agit de passer du « personnel-instrument » au service de l’organisation à « l’organisation-instrument » au service des personnes. » Il s’agit de cheminer d’une organisation d’entreprise destinée à gérer la docilité à une organisation qui suscite chez chacun de ses membres le désir d’y devenir un acteur engagé. La route est difficile mais les partis politiques classés habituellement comme « progressistes » ont failli à leur tâche. Il ne suffit pas que le monde capitaliste s’écroule pour qu’une nouvelle société prenne le relais. L’émancipation du peuple sera l’œuvre du peuple lui-même et à ce jour l’absence d’un courant révolutionnaire important fait défaut pour éclairer les citoyens sur des propositions de rupture avec le système finissant. C’est l’outil qui manque pour favoriser cette transformation politique et sociale. Le peuple est égaré, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas en attente ou demandeur de solutions pour changer la vie.

Des premières mesures d’un gouvernement révolutionnaire

Geostrategie : Quelle seraient les premières mesures que devrait prendre un gouvernement révolutionnaire ?

J-L.I. : Le pouvoir devra immédiatement stopper toutes transactions financières internationales le temps de procéder immédiatement à la nationalisation de la Banque de France et du secteur bancaire et financier, exception faite des sociétés coopératives de banque qui présentent dans leurs principes de critères de gestion démocratiques. L’un des premiers objectifs du nouveau pouvoir devrait également consister à donner de nouveaux droits aux sociétés coopératives, tout particulièrement afin que leurs sociétaires disposent des moyens réels de faire respecter les principes de gestion par les dirigeants quand ce n’est pas le cas. La banque et la finance sont le cœur de l’activité économique et c’est d’abord là que des mesures nationales et radicales doivent être prises avant d’envisager par la suite une action de proposition plus importante au niveau européen et international, à l’ONU par exemple ou par d’autres organisations internationales. De même, il devra formuler dans un second temps des propositions pour changer ces vieux outils du capitalisme (Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, Organisation Mondiale du Commerce, etc.) Sur ces points, le gouvernement de Vladimir Poutine de la Fédération de Russie peut permettre d’avancer rapidement puisqu’il est déjà prêt à agir, à proposer et à soumettre au débat des solutions. Il ne faut pas perdre de vue que les mesures qui permettraient d’envisager un avenir meilleur sont également valables pour tous les peuples. Parler de la « réglementation de la vie économique » ou de « réguler les marchés financiers » comme le président français et ses homologues occidentaux en passant sous silence la nationalisation du secteur bancaire et financier ou la gestion démocratique des entreprises, en ne s’attaquant pas aux puissances financières c’est tromper les gens en discourant sur des promesses que l’on est décidé à l’avance à ne pas tenir. Comment peut-on prétendre contrôler et réglementer l’économie sans contrôler et réglementer les banques, le cœur de la vie économique, sans unifier la « comptabilité financière » de l’Etat ?!

Geostrategie : Mais la nationalisation démocratique des banques est une opération difficile qui prendra du temps ?

J-L.I. : C’est l’idée que distillent dans l’opinion les milliardaires avec leurs médias qui ont pardessus tout peur de perdre ainsi la maîtrise de l’économie et leurs privilèges. Dans les faits cette opération qui ne présente pas de grande difficulté sur le plan technique peut aller très vite. L’individu qui aura 1500 euros sur son livret d’épargne comme celui qui possédera 15 millions d’euros sous forme d’actions, d’obligations ou autre garderont chacun ce qu’ils possèdent après la nationalisation. Ceux qui propagent l’idée inverse sont uniquement motivés par le fait d’entretenir la confusion entre nationalisation et confiscation des biens privés pour protéger leurs privilèges. Dans un premier temps, le nouveau pouvoir devra surtout voter des lois favorisant la démocratie dans les entreprises par de nouveaux droits pour la gestion et l’élection des dirigeants sur la base de leur formation, de leur compétence et de leur expérience. Les sociétés coopératives seront des outils précieux pour insuffler la démocratie dans l’économie. Comme vous avez pu le lire, je mets en valeur dans mon livre la contribution importante des sociétés coopératives au mouvement pour la gestion démocratique des entreprises en comparant leurs principes de gestion et leur vécu avec les critères des sociétés classiques ou capitalistes si vous préférez. C’est un chantier immense, ardu et passionnant.

Geostrategie : Qu’est-ce qui changerait si une telle mesure était mise en œuvre ?

J-L.I. : Disons que nous ouvririons la porte de la rupture avec le capitalisme en donnant aux acteurs de l’économie, et en premier lieu à la classe ouvrière et à ses alliés qui font fructifier le Capital par leur travail, des ouvriers des chantiers aux analystes financiers, les moyens de définir et contrôler la marche des entreprises auxquelles ils sont associés, la possibilité de s’intéresser à leur organisation, d’intervenir pour participer à leur transformation. Ce serait le début d’un long mouvement d’émancipation, d’appel aux intelligences, d’appropriation de l’économie par tous ses acteurs au profit de l’intérêt général. Par exemple, concernant les banques, comme j’en fais la démonstration dans mon livre avec l’intervention de spécialistes de la comptabilité des grandes entreprises, aucun contrôle effectif de ces établissement n’est actuellement réellement possible tant les capitalistes jouent sur des procédés extrêmement complexes et subtils pour en établir les bilans, les faire « contrôler », fonder des structures dans des places off shore, éviter l’impôt, spéculer à hauts risques avec des produits financiers ultrasophistiqués. Pourquoi avoir tant de banques qui offrent les mêmes produits financiers quand leur réunion en une seule – exception faite des banques coopératives où se trouvent en germe les principes d’une gestion authentiquement démocratique -, laissant à chacun ce qu’il possède, permettrait le contrôle réel du mouvement des capitaux au profit de l’intérêt général ? Cette nationalisation démocratique accompagnée de la démocratisation des coopératives permettrait à l’Etat de savoir où et comment circulent les capitaux, au profit de qui et de les faire revenir à l’économie réelle sous contrôle populaire. Ce serait un véritable poumon d’oxygène pour la société toute entière quand on sait qu’un niveau mondial les pertes annuelles de recettes fiscales par les gouvernements du monde provenant du seul évitement fiscal – fraude et blanchiment non compris – sont estimées à plus de 255 milliards de dollars.

Geostrategie : Les banques ont déjà été nationalisées ainsi que des sociétés transnationales. Pourtant rien n’a vraiment beaucoup changé à l’époque ?

J-L.I. : C’est exact et c’est la raison pour laquelle j’insiste sur l’aspect démocratique que devront avoir les nationalisations. Il ne s’agit pas de remplacer des dirigeants de droite par des dirigeants de gauche à la tête de ces entreprises pour que ceux-ci les gèrent de manière identique, comme des « compteurs de petits pois », sur la base de seuls critères financiers de profit maximum immédiat avec des hiérarchies bardées de pré carré, des atteintes répétées aux libertés démocratiques, une opacité de gestion et de trucage des comptes incompatibles avec la démocratie. Les dirigeants auront à mettre en œuvre immédiatement les décrets et lois du pouvoir révolutionnaire donnant de nouveaux droits aux salariés pour qu’ils puissent intervenir complètement dans la gestion, mettre un terme au détournement d’une partie des bénéfices par les dirigeants actuels des entreprises des secteurs clés de l’économie, démocratiser toutes les fonctions jusqu’à changer l’entreprise, faire que l’entreprise soit un outil au service de ses acteurs et de son environnement et non l’inverse comme aujourd’hui. C’est une étape décisive qui implique une élévation quantitative et qualitative de la conscience de ses acteurs mais également de l’environnement des professionnels qui l’accompagnent dans sa création et son développement : commissaires aux comptes, auditeurs, experts comptables, etc. Sans cela les nationalisations resteront lettre morte et deviendront, comme nous l’avons connu, des « étatisations ». C’est la raison pour laquelle ces grandes orientations du pouvoir pour aller vers une démocratie avancée doivent s’accompagner de ce que Pierrre-Henry Leroy, fondateur et dirigeant de Proxinvest, la principale société de conseil aux actionnaires, appelle « les petits pas ». Ainsi qu’il l’explique, il faudra initier des réformes plus modestes et locales qui vont dans le bon sens.

Geostrategie : Par exemple ?

J-L.I. : Par exemple d’abord décourager le grégaire et encourager la diversité d’opinion dans les marchés en mettant fin aux conflits d’intérêts des établissements financiers des groupes lors des opérations de marché. Comme le souligne Pierre-Henry Leroy, « ceci impose de recourir à des experts vraiment indépendants et non pas, comme aujourd’hui, payés et nommés par les intéressés. Une définition précise des conflits d’intérêts, des interdictions et des sanctions s’imposent. » Ou encore abolir les règlements qui alourdissent l’épanouissement de l’économie au profit de l’intérêt général, ce qui est d’autant plus facilement envisageable à partir du moment où ses acteurs disposent des moyens légaux et culturels favorisant leur intervention.

La seule issue pacifique à la crise : une révolution nationale et radicale

Geostrategie : Mais les économies étant aujourd’hui très liées d’un pays à l’autre avec la mondialisation capitaliste, pensez-vous qu’il soit possible de tenir tête aux dispositions européennes, aux règlements internationaux et aux pressions qui ne manqueraient pas de s’exercer sur une seule nation qui s’engagerait dans cette voie de rupture ?

J-L.I. : Votre question porte sur un point essentiel : le soutien du peuple à des réformes radicales. Un changement social de cette ampleur ne peut être le fait d’une seule avant-garde, aussi éclairée soit-elle. Si celle-ci est nécessaire pour formuler des propositions, porter le niveau de conscience à la hauteur des mesures indispensables, ouvrir le débat sur les questions essentielles, seul un grand soutien populaire à celles-ci peut permettre de rompre avec la situation actuelle, quelle que soit la voie de transition choisie par le peuple, électorale ou non. Le passage de la République du Venezuela d’un Etat sous domination étasunienne à un Etat démocratique, indépendant et progressiste est l’un des exemples les plus intéressants à étudier de notre époque. Toutes les attaques menées contre le gouvernement révolutionnaire du Venezuela, de l’intérieur par le grand patronat et les éléments conservateurs de l’église catholique et de l’extérieur par les Etats-Unis et d’autres pays avec certaines associations plus ou moins liées aux services étasuniens n’ont pu empêcher le processus de rupture de suivre son cours. Aujourd’hui le pays s’engage sur la construction d’une société socialiste en faisant l’apprentissage d’une authentique démocratie directe. Les secteurs clés de l’économie ont été nationalisés, les capitaux qui s’exportaient dans la poche de gros actionnaires étasuniens sont aujourd’hui injectés dans la modernisation des entreprises et des régions, des dizaines de milliers de coopératives se sont créées dans tous les domaines de l’activité économique et le pays se modernise au profit de ses citoyens. Ce qui paraissait impensable à une grande majorité du peuple se réalise aujourd’hui avec son soutien actif. Pourquoi cela a-t-il été possible malgré les accords régionaux, les règlements internationaux et les pressions de toutes sortes, jusqu’à des tentatives de coup d’Etat orchestrées par les Etats-Unis ? Parce que le peuple a su se constituer une avant-garde révolutionnaire exemplaire en bien des domaines, se rassembler, se mobiliser et le rester sur ses objectifs principaux de transformation politique et sociale radicale. Vos comprenez face à ces succès pourquoi le Venezuela révolutionnaire n’existe pratiquement pas dans les médias occidentaux. Le gouvernement français devrait se souvenir qu’il a plus besoin du Venezuela que le Venezuela n’a besoin de la France.

Geostrategie : Est-il possible de faire une telle révolution nationale et radicale en France ?

J-L.I. : Bien évidemment et c’est même la seule issue pacifique pour sortir de la crise et rompre avec le système actuel. Il est envisageable d’organiser en France le contrôle de toute la vie économique, d’opérer sa « réglementation » en la « débureaucratisant », de faire retourner à l’économie les capitaux que les capitalistes évitent de l’impôt et du développement des entreprises sans qu’il leur soit possible de dissimuler des biens et des revenus. Il n’y a nul besoin d’un appareil spécial de l’Etat puisque les salariés et les directeurs pourraient réaliser eux-mêmes la fusion immédiate de toutes les banques capitalistes en quelques semaines, par exemple sous l’autorité du ministère des Finances avec des congrès de travail réunissant les professionnels, cadres-dirigeants, représentants des propriétaires du Capital, salariés, syndicats, associations de consommateurs, etc. par banque, par région et nationalement. Il est évident que ceux qui s’y opposeraient ou feraient traîner les choses en longueur pour se livrer à des opérations malhonnêtes de dernière minute et entraver le processus de rupture en seraient exclus. Les avantages de la nationalisation du secteur bancaire seraient décisifs pour les PME, les collectivités et le peuple entier qui pourrait ainsi s’approprier les richesses qu’il crée et lui échappent. Un gouvernement qui arriverait au pouvoir avec la volonté de rompre avec le capitalisme ne peut être que nationaliste et radical. Etre nationaliste, cela veut dire donner la priorité à l’intérêt général de la communauté de territoire, de langue et de culture à laquelle on appartient. Concernant les accords régionaux ou internationaux que vous évoquiez, la petite Europe de Maastricht n’est pas un problème puisque pour ceux qui en doutaient l’expérience montre, à moins d’être complètement aveugle, qu’elle n’est qu’une organisation au service des grandes banques et des gros propriétaires privés de l’économie. Elle ne pouvait par conséquent résoudre aucun problème, quel qu’il soit, dans les sociétés qui la composent, qu’il s’agisse d’économie, de social, de culture, de liberté, de démocratie ou de droits de l’Homme. Vous remarquerez du reste que les promesses faite sur cette construction européenne par les dirigeants bourgeois et socialistes sur la fin du chômage, l’ouverture des marchés, le développement des entreprises, la solidarité entre les peuples, les libertés n’ont jamais vu le jour et que c’est même le contraire qui s’est produit. Je dresse dans mon livre un descriptif de la situation de cette petite Europe en m’appuyant sur des documents de synthèse de ses propres organismes peu connus du public. Il apparaît que celle-ci, dont les dirigeants sont si prompts à donner des leçons à d’autres peuples, est en recul sur tous les fronts. Il faut se préparer dès maintenant à construire l’Europe des peuples de Dublin à Vladivostock qui donnera la priorité aux qualités et à l’identité de chaque peuple par la recherche de coopérations mutuellement avantageuses, mettra un terme à la bureaucratie de Bruxelles engendrée par les puissances financières. Cela veut dire rompre avec l’actuelle « construction européenne », avec le traité de Maastricht et ceux qui ont suivi. Etre radical c’est avoir conscience que la classe dominante – la grande bourgeoisie – s’accrochera au pouvoir et à ses privilèges par tous les moyens et que seules des mesures radicales bénéficiant d’un fort soutien populaire permettront de la contraindre à respecter les lois nouvelles, de la renvoyer dans ses foyers et de rompre avec son système.

Le capitalisme a besoin de la guerre pour survivre

Geostrategie : La démocratie est-elle possible dans l’entreprise et tout particulièrement dans des sociétés transnationales à l’organisation complexe ?

J-L.I. : Je montre dans mon livre comment la gestion des sociétés coopératives se distingue – du moins dans celles dont les principes de gestion sont respectés – des entreprises classiques. Les entreprises coopératives sont des exemples de gestion à partir du moment où ses acteurs font respecter leurs critères de gestion par les dirigeants qu’ils élisent. Cela fonctionne dans de grandes banques comme le Crédit Mutuel en France ou le Mouvement des caisses Desjardins au Canada et peut donc très bien se mettre en place dans des PME. Chacun doit avoir conscience de la gravité de la situation car le système a aujourd’hui besoin de la guerre pour subsister. Le général russe Leonid Ivashov a mis en garde à plusieurs reprises contre la volonté des Etats-Unis de déclencher un conflit militaire majeur…

Geostrategie : …Vous voulez dire une troisième guerre mondiale ?

J-L.I. : Je dis « conflit militaire majeur » c’est-à-dire pouvant entraîner rapidement plusieurs pays dans des conflits bien plus graves que la guerre contre l’Irak ou contre la République fédérative de Yougoslavie. C’est du reste ce qu’ont tenté les Etats-Unis en foulant le droit international et en tentant de constituer une alliance de guerre contre l’Irak en passant outre l’ONU. Les Etats-Unis sont en pleine faillite, leur dette financière n’est plus remboursable et ne peut plus qu’être remise. Comme le rappelle le général Ivashov dans mon livre, tout se qui se trouve aux Etats-Unis – industries, immeubles, technologies de pointe, etc. – a été hypothéqué plus de dix fois partout dans le monde et nous sommes au bord d’un krach du système financier international sur le dollar étasunien. Le général Ivashov, qui est vice-président de l’Académie russe des problèmes géopolitiques, estime que « les banquiers mondiaux » en faillite ont besoin d’un événement de force majeure de proportions mondiales pour s’en sortir ». Selon son analyse, « l’importance des événements à venir est réellement épique. (…) Les conflits régionaux comme ceux déclenchés contre la Yougoslavie, l’Irak et l’Afghanistan ne donnent que des effets à court terme. Ils ont besoin de quelque chose de beaucoup plus important et ce besoin est urgent ». Les Etats-Unis et leurs sujets anglo-saxons n’ont pas réussi à entraîner les pays occidentaux dans leur croisade contre l’Irak. Ils tentent aujourd’hui de renouveler leur opération contre l’Afghanistan et la République Islamique d’Iran avec l’OTAN et vont de provocation en provocation pour tenter de renverser le régime légitime du peuple Iranien.

Au nom de quoi l’Occident serait-il à l’abri des guerres qu’il provoque ?

Geostrategie : Est-ce à dire que les conflits régionaux actuels peuvent gagner en ampleur ?

J-L.I. : Malheureusement l’heure est à la guerre et les dirigeants occidentaux en portent la responsabilité. Ils font régulièrement la démonstration de leur recherche d’un conflit majeur, pour sauver leur système en faillite. Ils multiplient les provocations médiatiques, économiques et armées de manière répétée contre plusieurs Etats depuis quelques années. Par exemple, les dirigeants Français mènent des opérations militaires hors frontières contre des peuples (Comores, Afrique, Albanie, Kosovo, Bosnie, Afghanistan, etc.) avec une structure militaire, le Commandement des Opérations Spéciales dont le siège est basé à Villacoublay (Yvelines) en région parisienne, la plupart du temps sans consultation du Parlement. L’armée n’est plus au service de la défense du pays tous azimuts mais des besoins des sociétés transnationales et des guerres étasuniennes. Il semble que le président Sarközy de Nagy-Bocsa n’ait pas compris que le retour en puissance sur la scène internationale de la Fédération de Russie, de la République Populaire de Chine, de l’Inde et de l’Amérique latine et centrale mette un terme aux schémas idéologiques et aux alliances des années soixante-dix. Les français peuvent du reste interpeller leurs députés sur ces opérations militaires en se servant de mon livre puisque celles-ci vont leur coûter en 2009 plus d’un milliard d’euros avec l’invasion et l’occupation de l’Afghanistan. Aujourd’hui, le mot d’ordre des militants nationalistes et révolutionnaires doit être « Troupes françaises hors d’Afrique ! », « Troupes françaises hors d’Afghanistan ! » L’action doit se développer afin d’entraver par tous les moyens le fonctionnement des troupes d’invasion et les centres nerveux des Etats qui participent à ces opérations militaires meurtrières dans lesquelles périssent de nombreux civils. Le temps de la guerre qui se déroule à plusieurs heures d’avion des capitales occidentales sans répercussions pour l’agresseur est révolu.

Geostrategie : Selon vous ces conflits sont donc susceptibles aujourd’hui d’avoir des répercussions en Occident même ?

J-L.I. : Les occidentaux doivent comprendre que les bombes qu’ils lâchent sur les autres peuples, que l’uranium appauvri que les armées étasuniennes, françaises et anglaises n’ont pas hésité à utiliser en 1991 lors de la guerre du Golfe, puis en Bosnie en 1995, puis encore contre la Serbie en 1999, puis à nouveau contre l’Irak en 2003 avec les conséquences dramatiques pour les êtres humains et l’environnement peut aussi se répandre au cœur de leurs propres villes, de leurs repaires économiques, financiers et militaires. Comme le rapporte le contre-amiral Claude Gaucherand, à l’hôpital pour enfants de Bassorah, en Irak, l’une des plus modernes maternité du monde arabo-musulman avant la guerre, où naissaient 12000 enfants par an, les femmes qui accouchent ne disent plus « fille ou garçon » mais « monstre ou être humain ? » Les cas de leucémie ont été multipliés par 13 et les cancers par 6 en douze ans et ces chiffres ne font qu’augmenter. Il faut également savoir que le plus moderne institut de production de vaccins du Proche-Orient qui fût créé dans les années 1980 par une coopération de l’Irak avec les établissements Mérieux a été détruit par l’ONU et ses envoyés de l’UNISCOM avec des conséquences dramatiques pour les populations et les animaux bien au-delà de l’Irak et de sa région. L’utilisation de telles armes comme le déclenchement des guerres sans consultation du Parlement fait des dirigeants de l’époque des criminels de guerre. Donnez-moi une seule raison qui justifierait que les populations occidentales soient à l’abri des guerres offensives qu’elles laissent financer avec leurs deniers par leurs dirigeants et leurs représentants sans sourciller ? Les bombes ne seraient-elles bonnes que pour les enfants Serbes, Palestiniens, Irakiens, Africains ou Afghans ? Ce temps là est bien fini.

Les fraudeurs ne sont pas à Téhéran mais à l’UMP

Geostrategie : Les politiciens et médias occidentaux parlent de « dictature » et de « révolution manquée » contre le régime de Téhéran, menaçant d’intervenir pour la protection des droits de l’Homme. Quel est votre avis sur l’évolution de la situation en Iran ?

J-L.I. : Premièrement, le peuple Iranien a réélu le président Ahmadinedjad avec une écrasante majorité, bien plus large que celle que le peuple français a donnée au président français lors de l’élection présidentielle de 2006. Permettez-moi de souligner au passage que l’élection du président français ne respecte même pas la loi qui prévoit qu’aucun citoyen ne peut porter de nom autre que celui exprimé dans son acte de naissance, à savoir pour ce fils d’émigrés juifs hongrois, Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa. Visiblement, « de Nagy-Bocsa » est resté de l’autre côté de la frontière du bulletin de vote. Ensuite, je ne pense pas que le président français et son parti, l’UMP, dont une ribambelle d’élus ont vu leur élection annulée dans différents scrutins parce qu’ils avaient triché – Serge Dassault le « jeune » sénateur-maire UMP de 84 ans de Corbeil-Essonne, fabricant d’armes, a été déclaré inéligible pour un an par le Conseil d’Etat et accusé d’avoir acheté des voix ! – soient en mesure de donner des leçons de démocratie électorale à l’Iran. Ils le sont d’autant moins que d’autres élus de l’UMP ont été également déboutés de leur tentative de remettre en cause plusieurs résultats de scrutin au prétexte que ceux-ci ne leur étaient pas favorables. Le parti des fraudeurs n’est pas à Téhéran mais bien en France. L’UMP est d’ailleurs coutumier de «putsch » contre le peuple et la démocratie.

Geostrategie : « Putsch » contre la démocratie, c’est-à-dire ?

J-L.I. : Je rappelle que le 23 mars 1999, les représentants des dix-neuf pays de l’OTAN ont déclenché les frappes aériennes contre la République Fédérative de Yougoslavie sans consultation des parlements. Puis, ils ont violé une nouvelle fois la Constitution française en 2001 quand le Premier ministre « socialiste » Lionel Jospin a, d’un commun accord avec le président UMP Jacques Chirac, décidé de participer à l’invasion et à l’occupation de l’Afghanistan. Depuis les choses n’ont fait que s’aggraver et les opérations militaires extérieures pèsent de plus en plus lourdement dans le budget de l’Etat. J’ajoute que la France participe au soutien de dictatures sur le continent Africain où elle n’a rien à faire et dont elle ne conteste du reste pas les élections de dirigeants, réellement truquées celles-ci. Et voilà qu’aujourd’hui, avec leurs homologues de la petite Europe de Maastricht, ils s’entendent pour faire revoter les Irlandais qui se sont prononcés majoritairement contre le traité de Lisbonne et dont le vote ne leur convient pas ! Et ce sont ces dirigeants français qui ont la prétention de donner des leçons de démocratie à l’Iran ? Ce n’est pas sérieux. Cette réalité n’est que celle d’une classe sociale, la grande bourgeoisie, qui s’accroche au pouvoir par tous les moyens, jusqu’à la guerre, pour sauvegarder ses privilèges

Un fait dont personne ne parle

Geostrategie : Les reproches formulés au gouvernement iranien par les dirigeants occidentaux procèdent-ils de la volonté de chercher un conflit majeur ? S’agit-il d’une opération concertée ?

J-L.I. : Oui. Plusieurs éléments prouvent que nous assistons à une tentative de déstabilisation du gouvernement Iranien réparée de longue date par les services étasuniens avec la collaboration de membres de services occidentaux et sionistes. La stratégie est la même que celle employée pour la prétendue « révolution orange » en Ukraine ou dans d’autres pays comme la Géorgie avec d’autres couleurs et d’autres valets. Vous retrouvez derrière ces « candidats de la liberté » les mêmes associations financées par des annexes des services étasuniens, les mêmes bailleurs de fonds, les mêmes campagnes médiatiques spontanées avec manifestations, pancartes, mots d’ordre en anglais, provocations, etc. Malheureusement les occidentaux, tous particulièrement les étasuniens, les anglais et les français, devront se faire à l’idée que le président Ahmadinejad jouit d’un fort soutien populaire et de la confiance des forces révolutionnaires d’Iran. J’attire du reste votre attention sur un fait dont personne ne parle : ces conservateurs petits bourgeois qui se présentent comme des défenseurs de la « liberté », de la « démocratie » et des « droits de l’Homme » ont tous le même programme politique : « libérer » l’économie. Cela signifie privatiser avec les conséquences qui s’en suivraient pour le peuple, tout particulièrement dans le domaine de l’énergie puisque l’Iran est un grand pays producteur de pétrole. Avez-vous remarqué le silence entretenu par les médias occidentaux sur le programme politique de cette opposition ? Je ferai le reproche aux dirigeants iraniens de ne pas suffisamment mettre en avant les acquis de la Révolution islamique qui a libéré le pays du joug de l’étranger et a permis de consacrer au développement économique et social des capitaux qui partaient auparavant dans la poche des gros actionnaires des sociétés occidentales. La République Islamique d’Iran se modernise, y compris par la maîtrise de l’énergie nucléaire, et contrôle son activité économique au profit de toute la société : voilà ce que ne supportent pas les occidentaux, français compris, dont les milliardaires dirigeants des sociétés transnationales convoitent les richesses et la place stratégique. Il est évident qu’un Hossein Moussavi comme tout autre dirigeant soutenu par les occidentaux permettrait à Israël de poursuivre tranquillement le génocide du peuple Palestinien sans que cette entité ait à répondre régionalement et internationalement de ses crimes. La politique de paix développée par l’Iran s’accompagne forcément d’une dénonciation de la réalité de la politique raciste et belliciste de l’entité sioniste, que cela plaise ou non. Il ne peut y avoir d’aboutissement à plus de soixante années de conflit sans que la réalité des faits soit posée sur la table.

Il est temps d’en finir avec « l’Etat » raciste israélien

Geostrategie : La communauté internationale peut-elle encore jouer un rôle dans le règlement de la question juive au Proche Orient ?

J-L.I. : La communauté internationale n’existe plus depuis longtemps Pour qu’elle existe encore faudrait-il qu’il y ait une volonté politique commune de régler les conflits dans l’intérêt des peuples, ce qui n’est plus le cas, tout particulièrement avec ce que l’on appelle « l’Etat » d’Israël. Le président Ahmadinejad a souligné avec raison, lors de son intervention à la tribune des Nations Unies à Genève le 11 avril dernier qu’ « après la deuxième guerre mondiale, sous prétexte « des souffrances des juifs », un groupe de pays puissants a eu recours à l’agression militaire pour faire d’une nation entière une population sans abri. Ces pays ont envoyé des migrants d’Europe, des Etats-Unis et d’ailleurs pour établir un gouvernement totalement raciste en Palestine occupée. Il est tout à fait regrettable qu’un certain nombre de gouvernements occidentaux ainsi que les Etats-Unis aient entrepris de défendre ces racistes auteurs de génocide. Ils ont toujours soutenu les actes odieux du régime sioniste ou sont resté silencieux face à ces actes ». Tout cela n’est que la triste vérité et nous sommes aujourd’hui confrontés à une peste sioniste qui se répand comme un poison de manière analogue à celles des nazis : pureté de la « race » qui place le juif , « peuple élu », au-dessus de tout autre être humain – et je vous renvoie sur ce point à La question juive écrit par le juif allemand Karl Marx -, implantation de colonies qui répond au besoin d’espace vital à l’image de l’ancien Reich allemand, populations chassées à coups d’interventions militaires, villages rasés, terres spoliées, torture, etc. L’ouvrage de Serge Thion, Le terrorisme sioniste,(5) est sur ce point révélateur de la terreur qui accompagne l’occupation de la Palestine par l’entité sioniste depuis 1947. Israël n’est pas un Etat mais une entité raciste sans frontières définies et sans constitution. C’est l’amie assassine du président Sarközy de Nagy-Bocsa dont l’historien Paul-Eric Blanrue décrit fort bien l’introduction dans l’appareil d’Etat français dans son ouvrage Sarkozy, Israël et les juifs.(6)

Geostrategie : Vous êtes l’un des rares journalistes français à soutenir l’intervention du président Ahmadinejad. Selon vous, le président Iranien n’a fait que rapporter la réalité des faits à la tribune de l’ONU ?

J-L.I. : L’un des rares à le soutenir ? Je ne pense pas. Sans doute dans les salons dorés des capitales occidentales et de l’ONU à Genève – et encore car il y fût applaudi par la grande majorité des participants à la déception des représentants occidentaux. Je renvoie ceux qui doutent de la triste réalité de la Palestine occupée et du racisme de l’entité sioniste à se rendre dans les pays arabes. Je ne parle pas de descendre dans les hôtels cinq étoiles pour l’interview d’une personnalité et de partager le reste de son temps entre le bar et la piscine de l’hôtel comme le font certains journalistes occidentaux. Je parle de vivre avec le peuple, d’aller à sa rencontre, de l’écouter, d’essayer de le comprendre. Ils verront alors que le président iranien jouit d’une grande popularité dans le monde arabo-musulman. Par ailleurs, un rapport de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme qui fait suite à une importante mission d’enquête en Israël rapporte, je cite, « les nombreuses discriminations raciales (…) tant légalisées qu’empiriques, sans aucun fondement de quelque nature que ce soit » qui constituent « une violation à la Déclaration universelle des droits de l’homme, au Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ». Il est évident que si les occidentaux continuent de soutenir une telle entité raciste, ils devront finir par assumer également la responsabilité du génocide du peuple Palestinien et de la guerre qui se prépare. Depuis 62 ans cette entité viole toutes les lois internationales, procède à une véritable épuration ethnique de la Palestine, refuse d’appliquer les résolutions de l’ONU et poursuit sa guerre d’occupation et d’expansion à l’abri du discours trompeur de ses dirigeants. Vous seriez enfant Palestinien et vous auriez vu votre famille décimée sous les bombes sionistes ou chassée de sa terre, pensez-vous que vous continueriez d’applaudir aux rencontres diplomatiques sans lendemain avec un occupant qui piétine la diplomatie et les pactes internationaux jusqu’au sein de l’ONU ? Quant aux dirigeants des pays arabes au pouvoir qui ne sont, exception faite de la Syrie, que des modérés corrompus agenouillés devant les occidentaux, ils portent une lourde responsabilité dans l’extermination du peuple Palestinien et la présence coloniale dans cette région du monde.

Geopolitique : Dans de telles conditions, pensez-vous qu’après tant d’années une solution diplomatique puisse encore être trouvée ?

J-L.I. : En refusant toute véritable négociation pour que la Palestine retrouve l’intégralité de sa terre et ses droits, l’entité sioniste empoisonne la vie politique internationale et diplomatique depuis plus d’un demi-siècle. Ce racisme religieux que les occidentaux et l’ONU refusent de combattre oblige à considérer que la seule alternative qui reste désormais pour en finir avec Israël est la guerre. Que voulez-vous qu’il reste quand des dirigeants refusent de voir la réalité des choses, d’entendre la voie de la diplomatie et donc de la sagesse ? Ainsi que je le rapporte dans mon livre, une mission d’enquête de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme conclut que « le projet politique fondateur de l’Etat d’Israël, l’instauration d’un « Etat juif » est porteur d’une discrimination à l’égard de la population non juive ». Si « l’Etat d’Israël est « l’Etat des juifs » comme le stipule l’article 7 de la loi fondamentale sur la Knesset, alors tout juif qui se trouve en dehors de cet Etat doit être considéré comme immigré. Une liste noire des Etats et sociétés qui commercent avec Israël, fournissent à cette entité du gaz, du pétrole – comme la Fédération de Russie, la Turquie, la Géorgie et quelques autres -, des armes et autres bien de consommation doit être dressée afin de dénoncer publiquement leur participation au massacre du peuple Palestinien et d’organiser un boycott progressif et massif de leur commerce. Il faut ainsi s’opposer comme le font une centaine d’organisations, de partis politiques, d’associations, y compris juives, à l’implantation de la société israélienne Agrexco à Sète et ailleurs en France. Ce n’est qu’un aspect du combat qu’il faut aujourd’hui mener contre cette entité raciste jusqu’à la contraindre à la raison car chaque jour elle vole la vie et la terre des Palestiniens.

Renforcer l’action commune des peuples contre l’impérialisme

Geostrategie : Revenons à l’Iran. Pensez-vous que la République Islamique d’Iran puisse affronter la crise provoquée par les occidentaux ?

J-L.I. : Crise est un bien grand mot. Je parlerai plutôt de nouvelle provocation occidentale et d’ingérence dans les affaires du peuple iranien. Non seulement elle le peut mais elle en sortira renforcée. Il faut savoir qu’ au-delà d’un appareil d’Etat en pleine modernisation, la République Islamique d’Iran dispose de militants révolutionnaires aguerris à la lutte contre les provocations occidentales, d’une jeunesse formée dans les écoles et Universités ouvertes à toutes les couches de la population qui soutient majoritairement le régime contrairement à ce que diffusent les médias occidentaux, de penseurs et d’intellectuels riches de la culture perse, d’une religion avec laquelle la corruption et l’enrichissement personnel contre l’intérêt général ne sont pas compatibles. Il ne faut pas oublier qu’en août 1953 les occidentaux ont eux-mêmes préparé le coup d’Etat pour renverser le régime démocratique de Mohammad Mossadegh afin d’installer au pouvoir la dictature des Pahlavi qui a plongé l’Iran dans un bain de sang. Quelques mois après son installation au pouvoir par les occidentaux, en 1954, un consortium composé de compagnies étasuniennes, anglaises, françaises et hollandaises se mettait en place pour gérer l’exploitation pétrolière de l’Iran au profit des actionnaires des grandes compagnies occidentales. Un véritable pillage de l’Iran s’est ainsi opéré pendant près de vingt-six années de dictature jusqu’à la Révolution islamique en 1978 et 1979. Il est évident que les dirigeants occidentaux entendent aujourd’hui dicter de nouveau à l’Iran sa politique économique tantôt en lui interdisant d’utiliser l’énergie nucléaire, tantôt en le menaçant, tantôt en exerçant des pressions économiques ou en essayant de déstabiliser son régime démocratiquement élu pour imposer une marionnette à leur solde afin de s’approprier ses richesses.

Geostrategie : Mais vous êtes vous-même athée et vous soutenez le pouvoir religieux de Téhéran ?

J-L.I. : Où est le problème ? Notre foi n’est pas la même mais je constate que le régime de Téhéran défend l’indépendance économique du pays, les nationalisations – même si celles-ci doivent aujourd’hui passer à un niveau qualitatif supérieur – et donc la possibilité pour le peuple Iranien d’améliorer ses conditions d’existence en participant plus fortement à la vie économique. On ne peut en dire de même du Vatican ou de l’entité sioniste qui sont deux des principales destinations du blanchiment de l’argent du crime organisé et du commerce des armes, ni des Etats-Unis avec leurs 60 millions de pauvres où la misère, contrairement à la République Islamique d’Iran, est en pleine expansion ! Quant à l’Union Européenne, donneuse de leçon de droits de l’Homme elle devrait commencer par s’occuper de ses 20 millions de chômeurs, de ses 70 millions de citoyens mal logés, de ses 80 millions d’autres qui courent un risque de pauvreté dont « la moitié d’entre eux est dans une situation de pauvreté durable » si j’en crois le Rapport conjoint 2008 sur la protection sociale et l’inclusion sociale de la Commission européenne ! Où sont les droits de l’homme pour ces habitants de la petite Europe ? Par ailleurs, la France a fait le choix de servir de refuge à une organisation armée logée à Auvers-sur-Oise, en région parisienne, qui était, voici peu de temps, classé sur la liste noire des mouvements terroristes du Département d’Etat étasunien et de l’Union Européenne. Elle vient d’en être retirée car les dirigeants anglo-saxons ont réalisé qu’ils avaient besoin de l’instrumentaliser pour développer une grande campagne contre la République Islamique d’Iran. Tout ce qui peut leur servir contre l’Iran révolutionnaire est bon. Il serait du reste intéressant de savoir de qui cette organisation reçoit des fonds et des armes en quantité impressionnante… Le gouvernement français devrait prendre garde. Que n’entendrait-on si l’Iran abritait sur son sol une organisation dont le but avoué serait de renverser le gouvernement français ?! Sans intervenir dans les affaires intérieures iraniennes, je pense que les dirigeants iraniens devraient revoir les conditions des échanges avec les pays de l’Union Européenne, tout particulièrement la France, et choisir des partenaires commerciaux plus fiables et respectueux de l’indépendance des peuples. Cela vaut pour l’Iran comme pour tous les peuples qui se lèvent sur tous les continents et qui doivent, au-delà de leurs croyances différentes, se rapprocher pour agir en commun contre l’impérialisme.

Geostrategie : Le conflit majeur dont vous parlez pourrait prendre des formes nouvelles ?

J-L.I. : Je le pense car les occidentaux semblent oublier qu’il ne peut y avoir de second Hiroshima puisque cela signifierait la fin de l’Humanité. Le président étasunien Obama qui a pris un ton aux relents de guerre froide vis-à-vis de la Fédération de Russie devrait bien réfléchir à changer d’attitude contre le cœur de l’Eurasie. De même, son implication et celle de son administration – CIA, Institut de l’hémisphère occidental pour la sécurité et la coopération(7) et Commandement Sud des Etats-Unis (Southcom) – dans le coup d’Etat en juin dernier contre Manuel Zelaya, président démocratiquement élu du Honduras, ne fait que confirmer la poursuite de la politique belliciste et agressive de ses prédécesseurs. Vous constaterez au passage la disproportion du traitement dans les médias français entre le coup d’Etat étasunien au Honduras avec des centaines de morts et des milliers d’arrestations qui n’ont eu droit qu’à quelques toutes petites minutes d’antenne et le coup d’Etat manqué des occidentaux en Iran qui a fait chaque jour l’objet de commentaires aussi faux qu’abondants. Les Etats-Unis ne sont plus en état de dicter leur volonté au monde et leur président va devoir faire front sur le plan intérieur aux déceptions qui vont naître des promesses qu’il a faites pour être élu et qu’il ne pourra tenir. Sur le plan extérieur les guerres qu’il entretient et les nouvelles qu’il cherche à provoquer vont accroître l’endettement et contribuer au processus d’affaiblissement majeur des Etats-Unis et du capitalisme en faillite. Imaginez ce qu’il adviendrait de la société étasunienne dans un tel contexte politique, économique et social si son président noir était victime d’un odieux attentat raciste perpétré par un groupe sioniste ou des miliciens extrémistes blancs ?!… Imaginez ce qu’il adviendrait demain si les images captées par satellite et caméras sur le prétendu attentat contre le Pentagone en septembre 2001 étaient publiées ? Certains responsables du Federal Bureau of Investigation en ont une idée pour avoir fait saisir aux Etats-Unis certaines de ces bandes vidéos…Il est étrange, ne trouvez-vous pas, que cette manipulation et mise en scène hollywoodienne ait échappé aux « yeux du ciel » pour l’un des bâtiments les plus surveillés de la planète ? Sans doute faut-il encore laisser du temps au temps. Les occidentaux ne sont plus les seuls à maîtriser les nouvelles technologies et les peuples à qui ils ont pris leurs familles, leurs terres, leurs richesses, leur espoir, leur avenir n’ont plus rien à perdre. Ces « terroristes » là seront les libérateurs d’aujourd’hui comme l’étaient hier communistes et sans partis dans la Résistance contre le nazisme. A mains nues ou en costume cravate nous devons être à leurs côtés car pour eux comme pour nous, l’avenir c’est aujourd’hui la révolution ou la guerre.

Notes :

(1) Diplômé de l’Ecole des Hautes Sociales, de l’Ecole des Hautes Etudes Internationales et de l’ESJ, Jean-Loup Izambert est un journaliste indépendant qui a également exercé comme conseil en communication politique et communication de crise. Spécialisé depuis les années quatre-vingt cinq dans l’investigation économique, politique et financière, il est notamment l’auteur de plusieurs ouvrages : Le krach des 40 banques (Ed. du Félin, 1998), Le Crédit Agricole hors la loi ? (Ed. Carnot, 2001), Crédit Lyonnais, la mascarade (Ed. Carnot, 2003), ONU, violations humaines (Ed. Carnot, 2003), Faut-il brûler l’ONU ? (Ed. du Rocher, 2004), Les Démons du Crédit Agricole (Ed. L’Arganier, 2005), Pourquoi la crise ? (Ed. Amalthée, 2009)

(2) Lire Résistance, n°56, juin 2009 et le site Internet voxnr.com

(3) Source : Organisation Internationale du Travail.

(4) Source : Rapport sur les aides publiques aux entreprises, Inspection générale des Finances, des Affaires sociales et de l’Administration, janvier 2007.

(5) Le terrorisme sioniste, par Serge Thion, Ed. Akribeia, Paris (disponible ici).

(6) Sarkozy, Israël et les juifs, par Paul-Eric Blanrue, Ed. Oser dire (disponible ici).

(7) L’institut de l’hémisphère occidental pour la sécurité et la coopération, aussi appelé « Ecole américaine » est un centre d’entraînement et de formation étasunien destiné à former des militaires et commandos pour contrer les forces progressistes et révolutionnaires du continent d’Amérique centrale et latine. Plusieurs chef militaires des dernières dictatures de ce continent soutenues par Washington en sont issus.

 

vendredi, 09 décembre 2011

„Wir können die Herausforderungen der Zukunft nur zusammen mit Russland meistern“

„Wir können die Herausforderungen der Zukunft nur zusammen mit Russland meistern“
Ex: http://www.eurasischesmagazin.de/
 
Alexander Rahr, Leiter des Berthold-Beitz-Zentrums in der Deutschen Gesellschaft für Auswärtige Politik, über die Rolle Russlands in Europa, die Modernisierung des Landes und die „westliche Arroganz“.

Eurasisches Magazin: Sie haben ein neues Buch über Russland geschrieben. Eine „Insider-Analyse“, heißt es auf dem Umschlag, die untersucht, „warum wir Russland brauchen“.  Wer ist mit „wir“ gemeint?

Alexander Rahr: Gemeint sind wir Europäer, vor allem Deutsche. Die Hauptthese des Buches lautet: Westeuropa scheint tatsächlich zu glauben, dass es seine Zukunft alleine auf die Schicksalsgemeinschaft mit den USA ausrichten und Länder wie Russland und Ukraine ignorieren kann. EU-Europa hat heute keinen Osten. Europa ist nicht fertiggebaut nach dem Kalten Krieg. Zwischen uns und Russland liegt eine neue „Mauer“ – die Visumsbarriere. Manche im Westen sehen Russland nicht als Partner, sondern als potenziellen Feind. Dabei können wir die Herausforderungen der Zukunft nur zusammen mit Russland meistern. Das Buch liefert dafür die notwendigen Argumente. 
  
EM: Inwiefern sind Sie Insider – Sie leben in Deutschland, arbeiten in der „Deutschen Gesellschaft für Auswärtige Politik“ und beraten deutsche Politiker und Wirtschaftsbosse?

„Meine Aufgabe ist es nicht nur den Deutschen Russland zu erklären, sondern auch den Russen den europäischen Gedanken zu vermitteln“

Rahr: Ich leite seit Jahren das Berthold-Beitz-Zentrum im Think Tank Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik. Wer die Biographie des Industriellen Berthold Beitz liest, erkennt in ihm einen weit vorausschauenden Ostpolitiker. Er war ständig im Osten. Ich fühlte mich seinem Erbe verbunden und verheimliche dies auch nicht in meinem Buch. Ich berate gleichzeitig deutsche, russische und ukrainische Politiker und Unternehmer. Ich wandere und lebe zwischen zwei Welten. Meine Aufgabe ist es, nicht nur den Deutschen Russland zu erklären, sondern auch den Russen den europäischen Gedanken zu vermitteln. Ich bin eine wichtige europäische Stimme in der osteuropäischen Medienlandschaft, ein wichtiger Meinungsmacher in den Ländern des postsowjetischen Raums. Wer das nicht glaubt, kann mich entsprechend googeln. Ich hoffe, ich trage mit meinem Engagement zum besseren Dialog zwischen Russland und der EU bei. Wichtig ist, dass ich sowohl hier als auch dort akzeptiert bin. 

EM: Der Titel Ihres Buches lautet: „Der kalte Freund“. Inwiefern Freund?

Rahr: Bundeskanzlerin Angela Merkel sagte vor ihrem Amtsantritt 2005: Deutschland verbindet eine Freundschaft mit den USA, ob Russland irgendwann einmal unser Freund wird, muss sich zeigen. Der Kalte Krieg ist vorbei, aber wir sind noch keine echten Partner und Verbündeten geworden. Wir leben in der Zeit des kalten Friedens, oder – in einer (noch) kalten Freundschaft. Ich glaube, das ist eine passende Beschreibung des Zustands unserer Beziehungen zu Russland. 

„Die Deutschen sind das Lieblingsvolk der Russen“
 

EM: Sie gehen darauf ein, dass Deutsche zu Russland eine „besondere Beziehung“ hätten. Trifft das auch umgekehrt zu? Und wie kann man diese Beziehung von Deutschen und Russen zueinander charakterisieren?

Rahr: Die Russen mögen die Deutschen mehr als umgekehrt. Die Deutschen sind das Lieblingsvolk der Russen. Russland will eine Modernisierungs-Partnerschaft mit Deutschland. Sie wollen deutsches Know-how. Die Ware Made in Germany ist in Russland höchst attraktiv.  Im 20. Jahrhundert haben sich Deutsche und Russen auseinandergelebt und den schrecklichsten Krieg aller Zeiten geführt. Doch die Russen haben die deutsche Wiedervereinigung stärker unterstützt, als viele NATO-Verbündete Westdeutschlands. Deutschland hat 2008 die dritte NATO-Osterweiterung vor Russlands Toren aufgehalten, das vergisst Moskau Deutschland nicht.

EM: Nach dem deutschen Angriff auf die Sowjetunion im Zweiten Weltkrieg sind Millionen Russen gefallen. Zivilisten sind verhungert, wurden verschleppt und umgebracht. Dennoch gibt es kaum Hass von Russen gegenüber Deutschen. In anderen Ländern, die unter der Wehrmacht zu leiden hatten, ist solcher Hass durchaus lebendig. Können Sie das erklären?

Rahr: Die Russen haben das Gefühl, dass sie Deutschland vernichtend geschlagen und für den Hitler-Angriff bestraft haben. Ostdeutschland wurde von der UdSSR für 45 Jahre besetzt. Die tiefe Feindschaft und der Hass sind übergegangen in eine echte Versöhnung. Heute erinnert man sich in Russland wieder an die positiven Seiten der deutsch-russischen Beziehungen, an den Eisernen Kanzler Bismarck, an Willy Brandt. Gerhard Schröder wird als engster Freund Russlands gesehen. Bundespräsident Christian Wulff und Bundesaußenminister Guido Westerwelle haben im vergangenen Jahr Russland eine neue Zusammenarbeit in Rechtsfragen vorgeschlagen. Die Initiative ist in Russland, vor allem bei Präsident Dmitri Medwedew, auf großes Interesse gestoßen.

Deutschland als wichtigster Rechtspartner

EM: Worum geht es beim deutsch-russischen Rechtsdialog? 

Rahr: Ziel ist die Unterfütterung der anvisierten Modernisierungspartnerschaft mit konkreten Inhalten. Russland hat Interesse an einer Integration in den gesamteuropäischen Rechtsraum gezeigt, Deutschland kann mit seiner Erfahrung des Aufbaus eines Rechtsstaates in Ostdeutschland nach der Wende Moskau wertvolle Ideen vermitteln. Der Rechtsdialog ist keine Sackgasse, Deutschland spielt sich hier nicht als „Lehrmeister“ gegenüber dem vermeintlichen „Schüler“ Russland auf. Die zu diskutierenden Themen werden von beiden Ländern entsprechend ihren nationalen Bedürfnissen ausgesucht. Die Rechtsinitiative zielt keineswegs nur auf die Juristen beider Länder, sondern auf Wirtschaftskreise und die Zivilgesellschaft allgemein. Russland begrüßt den Rechtsdialog, denn er hilft bestehende Missverständnisse aus dem Weg zu räumen und zusätzliches Vertrauen zu gewinnen. In Deutschland benötigt vor allem der Mittelstand den Dialog, um in Russland besser Fuß zu fassen. Nach Meinung der offiziellen russischen Seite hätte der Rechtsdialog schon viel früher beginnen müssen, Russland sei in der Zarenzeit immer von der deutschen Rechtskultur beeinflusst gewesen. In den neunziger Jahren hätte Russland zunächst Rechtsnachhilfe von den USA bekommen, heute wünsche es sich Deutschland als wichtigsten Rechtspartner.

„Wenn die Türkei in die EU hinein geholt werden muss, dann Russland erst recht“

EM: Ist das heutige Russland wichtig für die Welt, für den Westen, für Europa, für Deutschland, oder könnte man es auch locker links liegen lassen?

Rahr: Mein Buch „Der kalte Freund“ ist als Appell an den Westen zu verstehen, das Bauwerk Europa mit der Integration Russlands – dem größten europäischen Land – abzurunden. Wir werden die sibirischen Rohstoffe brauchen wie noch nie. Auch sind die Russen vom Geist her Europäer. Wenn die Türkei in die EU hinein geholt werden muss, dann Russland erst recht. Russland wird bei fast allen künftigen Konfliktlösungen auf globaler Ebene benötigt. Wenn wir die letzten Wikileaks-Veröffentlichungen über die russische Außenpolitik betrachten, stellen wir fest, dass die russische Diplomatie in grundsätzlichen Fragen an der Seite der USA und des Westens steht. Das muss sich künftig institutionell für alle Seiten auszahlen. Viele kluge Leute plädieren für eine gemeinsame Raketenabwehr Russland – USA – EU. Sie schweißt uns gegen die kommenden Gefahren zusammen.

EM: Welche „kommenden Gefahren“ meinen Sie?

Rahr: Wir leben doch heute schon in einem Nord-Süd-Konflikt. Die NATO hat drei Kriege in der islamischen Welt geführt. Iran gilt als Hauptfeind des Westens. Europa muss theoretisch damit rechnen, dass in einigen Jahren moderne Raketensysteme aus dem arabischen Teil der Welt gegen den Westen gerichtet werden. Niemand kann voraussagen, wer in 10-20 Jahren den Atomstaat Pakistan wirklich regieren und wie sich Islamabad gegenüber dem Westen positionieren wird. Eine zweite reale Herausforderung ist die Sicherung der künftigen Rohstoff- und Handelsrouten nach Westen. Kommt es zu Konflikten am Persischen Golf, können Transporte zwischen EU und Asien über Russland abgewickelt werden.   

„Die grassierende Korruption ist Russlands größtes Übel“

EM: Warum funktioniert nichts in Russland, wie Wladimir Putin gesagt hat, als das Atom-U-Boot „Kursk“ im Inferno unterging und in Moskau der Fernsehturm brannte. Derzeit ist Russland das Land mit den schrecklichsten Flugzeugunfällen. Gibt es einen speziellen russischen Schlendrian oder hat der Kommunismus das Land so sehr verrotten lassen, dass es noch immer davon kaputt ist?

Rahr: Die industrielle Infrastruktur Russlands stammt noch aus der Zeit der Sowjetunion. Flugzeuge, Schiffe, Lastwagen – sie sind 30-40 Jahre alt. Russlands Modernisierungsbedarf ist riesig. Leider werden die für die Modernisierung bereitgestellten Gelder oft zweckentfremdet.  Die grassierende Korruption ist Russlands größtes Übel. In meinem Buch wird diese Tatsache nicht verschwiegen, im Gegenteil. Der Leser erkennt, vor welchen Herausforderungen Russlands Modernisierer stehen. Die Modernisierung kann durchaus scheitern. Die Frage ist dann, was wir mit einem schwachen Russland machen.    

„Auf Russland wird eingeprügelt, wo es nur geht“

EM: Geschieht dem „kalten Freund“ Unrecht, wird Russland vom Westen schlechter behandelt als andere Länder?

Rahr: Ich erkenne in der westlichen Wertedebatte eine große Arroganz und Doppelzüngigkeit. Auf Russland wird eingeprügelt, wo es nur geht. Stereotypen aus dem Kalten Krieg prägen leider noch immer unser Russlandbild. Manchmal scheint es, als ob manche im Westen ein Vergnügen entwickeln, dem stolpernden Erzfeind Russland vor das Schienbein zu treten. Wir dürfen nicht vergessen, dass Deutschland 25 Jahre nach der Stunde Null auch noch keine funktionierende Zivilgesellschaft hatte. Unser demokratisches Wertesystem hat sich mühsam entwickelt, wir müssen den Russen mehr Zeit geben Demokratie einzuführen. 

EM: Wer hat Russland im Westen eigentlich noch wirklich auf der Rechnung, außer vielleicht dem ehemaligen Bundeskanzler Gerd Schröder?

Rahr: Ich denke, nach der Lektüre des „Kalten Freundes“ werden sich auch bei den kritischsten Russland-Beobachtern positive Eindrücke in Bezug auf eine strategische Partnerschaft mit Russland festsetzen. Amerika schwächelt, wir müssen damit rechnen, dass Washington sich selbst isolieren wird. Die EU muss lernen auf eigenen Beinen zu stehen. Die Welt hat sich verändert. Wir brauchen eigenständige Beziehungen zu den neuen Machtpolen der Weltordnung, zu China, Indien, Russland.

„Möglicherweise wird Russland einmal zu einem zweiten Schutzpatron des Westens“

EM: Was hat Russland zu bieten, außer Gas und Öl?

Rahr: Einen riesigen wachsenden Markt, hochgebildete Menschen, die Brücke nach Asien, Kooperation in der Hochtechnologie, im Weltraum. Möglicherweise wird Russland einmal zu einem zweiten Schutzpatron des Westens neben den USA. Ich habe in meinem Buch den Weg zu einem solchen Bündnis aufgezeigt.

EM: Und was ist mit Gas und Öl?

Rahr: Der Ölpreis wird nicht sinken. Darauf müssen sich Europa und der Westen kurz-, mittel- und langfristig einstellen. Die Schlussfolgerung hieraus kann nur lauten, die strategische Partnerschaft zu Russland weiter zu vertiefen. Russland ist Europas natürlicher Partner, der sich trotz der häufig negativen Wahrnehmung über Jahrzehnte bewährt hat. Wir haben keine Alternativen, als unsere Beziehungen zu intensivieren.  Die Vorteile liegen für beide Seiten auf der Hand: Wir erhalten Zugang zu auf dem Weltmarkt immer teurer und knapper werdenden Ressourcen – Öl, Gas, aber auch anderen wichtigen Rohstoffen, etwa Seltenen Erden – und Russland profitiert vom größten Trumpf, den Deutschland vorzuweisen hat, der Technologie.

EM: Was hat Russland von unserer Technologie?

Rahr: Das Know-how unserer Unternehmen, die Technologieführerschaft Deutschlands wird helfen, das Potenzial der russischen Wirtschaft besser zu entfalten. So können perspektivisch vor Ort geförderte Rohstoffe beispielsweise auch direkt vor Ort veredelt werden. Bedenkt man die vorhandenen und geschätzten Reserven, wird diese Partnerschaft zur Rohstoffsicherheit Europas beitragen und auch die wirtschaftliche Entwicklung in Russland positiv beeinflussen. Man darf sich allerdings nicht täuschen, dass all dies so einfach zu haben und der Rohstoffbezug dann plötzlich für lange Zeit gesichert sein wird. Von beiden Seiten wird hart verhandelt werden müssen. Und auch hier muss sich Deutschland darüber im Klaren sein, dass es in Konkurrenz zu Ländern wie China steht. Der Erfolgsdruck ist auf beiden Seiten sehr hoch. Aber ich wiederhole: Bewähren wird sich diese Partnerschaft für beide Seiten.

„Russland hat keine Feinde, aber auch keine Verbündeten“

EM: Die kommunistische Sowjetunion hatte einst viele erklärte Feinde weltweit. Wie ist es mit dem heutigen Russland – wer sind seine Feinde?

Rahr: Russland hat keine Feinde, aber auch keine Verbündeten. Medwedew und Putin sind Europäer, die sehen, dass ein Bündnis mit China sie für lange Zeit von Europa abschneiden wird. Hinter den heute noch 148 Millionen Russen leben auf der gemeinsamen Festlandsmasse über 1,3 Milliarden Chinesen. Mit der 7.000 Kilometer langen, schwer kontrollierbaren Grenze dazwischen. Ohne den Chinesen Böses zu unterstellen: Russland sucht die Europa-Bande sogar sicherheitspolitisch wegen des gemeinsamen Interesses am europäischen Gleichgewicht. Wenn der Westen Russland als strategischen Interessenspartner stärker integriert hätte, wäre Putin niemals diesen heutigen taktischen Bund mit China eingegangen. Aber gegenwärtig lockt China Russland immer weiter nach Asien. Beijing möchte natürlich nicht, dass Russland der NATO beitritt und sich das Militärbündnis Chinas Grenze nähert.

EM: Eine der vielen plakativ formulierten Kapitelüberschriften Ihres neuen Buches lautet: „Was kann Russland wirklich?“ Das ist die Frage. Können Sie in der knappen Form des Interviews die Antwort geben?

Rahr: Wenn Russland die Gespenster des Kommunismus abwirft, die Korruption besiegt und versteht, dass der Erfolg und die Stabilität des Landes in der Demokratie und im Rechtsstaat liegen, wird es zu einem normalen europäischen Land.  Vor allem Präsident Dmitri Medwedjew stieß mit seinem Artikel „Vorwärts Russland“ eine strategische Debatte über die Modernisierung in Russland an.

„Die Abhängigkeit Russlands vom Rohstoffhandel ist demütigend“

EM: Welche Rolle spielt Wladimir Putin, der Verfechter des starken Staates und der gelenkten Demokratie im Modernisierungskonzept Russlands?

Rahr: Unter dem Eindruck der schweren Auswirkungen der Wirtschaftskrise auf Russland verstärkt sich der Eindruck, dass auch Putin selbst eingesehen hat, dass sein Konzept der engen Verflechtung von Staat und Wirtschaft in eine Sackgasse geführt hat. In Russland ist das Modernisierungskonzept derzeit alternativlos. Putin unterstützt dies durch den Plan, über 5000 Unternehmen zu privatisieren. Russland braucht nach der Krise Gelder aus dem Ausland. Die Staatsholdings haben ihre Chance nicht genutzt, deshalb scheinen die Voraussetzungen für einen nun beschleunigten marktwirtschaftlichen Reformprozess in Russland günstig, obwohl das Problem der staatliche Verwaltungsapparat bleibt.

Russland hat die Modernisierung und technologische Aufrüstung der russischen Wirtschaft zur höchsten Priorität erklärt. Dies sei eine Frage des „Überlebens“. Russland ist durch die Krise härter getroffen worden als die meisten anderen Staaten, dafür sind die Gründe im Inland zu suchen. Anstelle einer auf Rohstoffen basierten Ökonomie gehe es um den Aufbau einer „intelligenten“ und „grünen“ Ökonomie. Von dieser Prämisse ausgehend wird eine tiefgreifende Umgestaltung der russischen Gesellschaft gefordert. Die Abhängigkeit Russlands vom Rohstoffhandel ist „demütigend“, die Wirtschaftsstruktur „primitiv“ und die Wettbewerbsfähigkeit „beschämend niedrig“. Um diese Rückständigkeit aufzubrechen, müssen der staatliche Einfluss auf die Wirtschaft reduziert, Forschung und Entwicklung massiv gefördert, die endemische Korruption bekämpft, die Infrastruktur modernisiert, der Rechtsstaat ausgebaut und das Bildungssystem umfassend reformiert werden.

EM: Ist davon schon etwas zu sehen? Welche Wege wird Russland auf sein Ziel hin beschreiten?

Rahr: Russland will sich in Forschung und Entwicklung wieder an die Spitze bringen. Es spricht sich für vereinfachte Visaverfahren für Spitzenforscher, großzügige Stipendien und die finanzielle Unterstützung innovativer Unternehmen aus. Insbesondere will es das Programm zur Gründung eines prominenten Forschungs- und Entwicklungszentrums nach Vorbild des Silicon Valley zu einem erfolgreichen Ende bringen. Die Investitionsbedingungen in Russland sollen so gut sein wie bei den Wettbewerbern. Die Bürokratie, insbesondere Zertifizierungsprozesse, sollen keine Hürden für Investoren sein und stattdessen neue Abläufe zur Genehmigung von Investitionsprojekten in Russland erarbeiten. Doch Chancen der erfolgreichen Modernisierung sind nur in Kooperation mit dem Westen möglich. Der Druck auf Russland, sich für westliche Investoren nachhaltig zu öffnen, ist groß. Ohne radikale Veränderungen der eigenen Unternehmenskultur kann Russland die Korruption aber nicht besiegen.

EM: Eine abschließende Frage noch: Sie sind nicht nur Autor, sondern auch Politikberater. Welche Politiker suchen Ihren Rat? Gehört Angela Merkel auch dazu?

Rahr: Die DGAP gilt als Think Tank des Auswärtigen Amtes. Meine Kollegen und ich sprechen täglich mit Abgeordneten aller Parteien, Spitzenbeamten der Regierung, Diplomaten und Journalisten. Manche hören auf unseren Rat und kooperieren mit uns beim Aufbau wichtiger außenpolitischer Netzwerke. Die Bundeskanzlerin hat die DGAP einmal besucht und uns Experten aufgefordert, politische Fragen „einfach“ und nicht „zu wissenschaftlich“ zu erklären. Ich hoffe, Frau Merkel wird einen Blick in mein neues Russlandbuch hineinwerfen, denn das Werk entspricht ihren Anforderungen.   

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Siehe auch: „Gelesen“ – Rezension zu „Der kalte Freund – Warum wir Russland brauchen: Die Insider-Analyse“ von Alexander Rahr.

 

Das Interview führte Hans Wagner

mercredi, 07 décembre 2011

„Rußland braucht eine andere Entwicklung“

„Rußland braucht eine andere Entwicklung“

Johannes Hübner im ZZ-Gespräch über das „System Putin“, die Probleme Rußlands und Moskaus geopolitische Ambitionen

Ex: http://www.zurzeit.at/

1249876823.jpgAm Sonntag haben die Delegierten der Partei „Geeintes Rußland“ einstimmig Wladimir Putin als Kandidaten für die Präsidentenwahl im März 2012 vorgeschlagen. Kommt es zur Perpetuierung des „Systems Putin“, sofern es ein solches überhaupt gibt?

Johannes Hübner: Ein System Putin gibt es zweifellos, und eine „Perpetuierung“ dieses Systems wird es auch geben. Allerdings wird es auch Änderungen im System geben, weil Putin sicherlich die Fehler im wirtschaftlichen System verstanden hat. Denn in Rußland ist wieder eine Art Ära der Stagnation eingekehrt, und nach dem Ende des Immobilien- und Ölbooms 2008/2009 ist die russische Wirtschaft nicht mehr wirklich in Schwung gekommen. Die vorhandenen Probleme, vor allem der riesige technologische Rückstand, das Fehlen einer starken industriellen Basis, die erneuten Schwächen in der Finanzwirtschaft, all das macht sich jetzt in der weltweiten Weltwirtschaftsabflachung bemerkbar.

Westliche Kritiker werfen dem Kreml vor, eine gelenkte Demokratie zu betreiben. Braucht Rußland aufgrund seiner geschichtlichen Erfahrungen – 70 Jahre Kommunismus – vielleicht einen Sonderweg und eine andere Entwicklung?

Hübner: Es braucht jedenfalls eine andere Entwicklung als Westeuropa. Hier wurden über 70 Jahre alle politischen Strukturen nicht zur zerstört, sondern regelrecht vernichtet. Abweichende Meinungen wurden ja nicht nur mit dem Ausschalten aus dem politischen Leben, sondern mit der Liquidierung oder in der Endphase mit der Psychiatrisierung bestraft. Aber Rußland hat einen Weg genommen, der im Kern doch ein demokratischer ist, hat aber diejenigen, die die Demokratie mißbraucht und zur Ausplünderung des russischen Volkes verwendet haben...

... also die neoliberalen Reformer der Jelzin-Ära?

Hübner: Ja, diese wurden im „System Putin“ – wenn man diesen Begriff verwenden will – zurückgedrängt bis ausgeschaltet, wodurch für uns der Eindruck ensteht, als ob Rußland keine mit uns vergleichbare Demokratie wäre.

Vor 20 Jahren ist die Sowjetunion von der Landkarte verschwunden. Wie groß sind denn im heutigen Rußland die postimperialen Phantomschmerzen?

Hübner: Die sind sicher vorhanden. Wenn man mit Russen spricht, merkt man immer wieder die Sehnsucht nach vergangener Größe. Schließlich ist es in der russischen Seele über Jahrhunderte verankert gewesen, daß man Teil eines großen Imperiums ist. Zwar ist Rußland immer noch der größte Flächenstaat der Welt, hat aber durch die Amputationen 1991 ungefähr ein Drittel seiner Wirtschaftskraft und seiner Bevölkerung verloren und es hat vor allem in den Jahren unmittelbar vor und nach dem Ende der Sowjetunion einen Großteil seine militärischen Bedeutung eingebüßt, weil durch den wirtschaftlichen und technologischen Niedergang eine mit den USA und heute auch mit China gleichwertige Rüstung nicht mehr finanzierbar war.

Im Oktober kündigte Präsident Medwedew die Gründung einer Eurasischen Union an, der neben Rußland die zentralasiatischen Staaten angehören sollen. Sehen Sie darin den Versuch der Restauration vergangener Größe oder wendet sich Rußland von der EU ab und dem Osten zu?

Hübner: Beides. Die Staaten, die für diese Union vorgesehen sind, sind ehemalige Sowjetstaaten, die stark von der russischen Kultur geprägt sind und deren Verlust bis heute schmerzt. Auf der anderen Seite müssen die Russen realistischerweise sehen, daß sie in der EU, vor allem in der veröffentlichten Meinung, wo der Staat als Diktatur und Neoimperium dargestellt wird, nicht willkommen sind. Deshalb gibt es die Hinwendung nach Osten, die aber nicht neu ist: In der Schanghai-Gruppe reicht die Zusammenarbeit mit China und den asiatischen Ex-Sowjetrepubliken ja schon zehn Jahre zurück. Auch sind sich viele Kreise in Rußland darüber im Klaren, daß die Brücke nach Europa schwer zu schlagen ist, weil es nicht nur die Atlantiker gibt, die Rußland prinzipiell als Feinde der amerikanischen Vormacht ablehnen, sondern auch die ehemaligen Satellitenstaaten, wo es aufgrund der furchtbaren geschichtlichen Erfahrungen sehr starke antirussische Reflexe gibt. Hier sind es vor allem die Polen und die Balten, die sehr stark auf der Bremse stehen.

Kann Moskau aufgrund des rasanten Aufstieg Chinas und wegen des eigenen Bevölkerungsschwunds überhaupt eine gleichwertige Partnerschaft mit Peking bilden?

Hübner: Eine ganz gleichberechtigte nicht mehr, aber eine weitgehend gleichberechtigte, weil China nicht allzuviel Wahl hat. Ein chinesisch-amerikanisches Bündnis ist aufgrund des amerikanischen Selbstverständnisses nicht vorstellbar, und die anderen potentiellen Partner in Südostasien sind entweder zu klein oder aufgrund historischer Ressentiments oder Ängste nur bedingt paktfähig wie etwa Südkorea oder Japan.

Daher kommt nur Rußland als größtmöglicher Partner in Betracht, das alleine aufgrund seiner Weltraumtechnologie und seines Nukleararsenals immer noch eine Macht ist. Zudem hat Rußland Militärtechnologie, die die Chinesen zwar zu entwickeln versuchen, aber wo sie noch sehr weit hinten sind. Das betrifft die Raketentechnologie, aber auch die Flugzeugtechnologie. Hier sind die Chinesen in ihrem Aufholprozeß erstaunlich langsam.

Bei verschiedenen Gipfeltreffen zwischen der Europäischen Union und Rußland werden in blumigen Worten Absichtserklärungen beschlossen, während in der Politik keine konkreten Taten folgen. Besteht seitens der Europäischen Union überhaupt der politische Wille, die Beziehungen zu Moskau zu verändern, bzw. wird die EU, obwohl dieser Wille besteht, von den USA daran gehindert?

Hübner: Die EU ist sehr gespalten: Es gibt Staaten wie Deutschland, wo sich Teile der Politik sehr bemühen, das Verhältnis zu Rußland dauerhaft zu entspannen bzw. zu einer wirtschaftlichen Allianz zu kommen, während Länder wie Großbritannien, die sehr stark im amerikanischen Fahrwasser segeln, das nicht wollen. Frankreich schwankt zwischen starker Annäherung wie unter Chirac und neuer Vorsicht der transatlantisch orientierten Regierung Sarkozy. Auch die Italiener sind schwankend, wobei in der Ära Berlusconi viel Rücksicht auf amerikanische und israelische Wünsche genommen wurde und diese Wünsche gehen nicht in Richtung einer Annäherung an das Putin-Rußland.

Das Gespräch führte Bernhard Tomaschitz.

 

samedi, 19 novembre 2011

PAVEL TULAEV RESPONDS TO QUESTIONS BY ALFRED VIERLING



  Tulaev Pavel Vladimirovich (1959) is a scholar and a writer, the director of the Russian ATHENAEUM. Web-page: http://ateney.ru Ph.D. in History (1985). He is vice-president of the Moscow department of “Synergy European”, one of the leaders of the Slavic and the New Right movement in Russia.

  Tulaev is the author of many publications in different genres about Russia, Europe, Latin and North America: “K Ponimaniyu Russkogo” (Understanding Russia, 1994), “Veneti: predki slovjan” (Veneti: ancestors of Slavs, 2000), “Rodnyje bogui” (Native Gods, 2008), “Istoki rodnogo mira” (The Native World’s roots, 2011); “Russia and Spain: the two Europe’s wings” (getting ready to be published).

  He is the editor of collections: “Rossia i Evropa: opit sobornogo analisa” (Russia and Europe: the Experience of Sobor Analysis, 1992), “Russkaya Perspectiva” (Russian Perspective, 1996), “Varvary” (Barbarians, 1999) and many authors’ works, including Andreas Gottliebe Mash, Yuri Venelin, Francisco Franco, Jose Antonio Primo de Rivera, Dmitry Dudko, Antony Sutton, Guillaume Faye.

  Tulaev’s works have been published in foreign languages. Some of his articles and interviews have been collected in the book “THE WHITE STRUGGLE IN RUSSIA” (Moscow, 2007). Personal web-page with texts in 10 languages and new video interviews: http://.tulaev.ru
 
 

PAVEL TULAEV RESPONDS TO QUESTIONS BY ALFRED VIERLING
augustus 28th, 2011

  ALFRED VIERLING: Dear Mr. Tulaev, let me ask you a few questions?

  PAVEL TULAEV: Yes, of course, Mr. Vierling. Welcome to Russia. I had a chance to read your publication ‘The Netherlands, a failed State in a failed Continent’ in the English-language journal «AB AETERNO», which deserves attention. I am happy to answer your questions.
 

Demography

  ALFRED VIERLING: In 2050, the peoples of European descent will be on the verge of extinction, forming less than 6% of the world’s population. The fertility rate in the European Union and Russia currently stands at 1.57, while the replacement fertility rate, as rate required to stabilize the population is equal to 2.1. And in the European Union and Russia alone there is a muslim population of about 30,000,000. Their birth rate being much higher. What do you think about these phenomena?

  PAVEL TULAEV: Yes, we know this sad statistic and dangerous trend. In the latest issue of “Athenaeum” I have been published demographic study of two Russian authors, entitled ”Do the indigenous peoples of Europe survive?”. This issue is constantly discussed in the pages of our publication.

  ALFRED VIERLING: The European Union intends to add to this current Muslim immigration another 25 million Africans, while Russia, I think, intends to stop non-European immigration.

  PAVEL TULAEV: You know better the plans of the European Union’s immigration policy. As for Russia, it is true, the government limited the number of quota on the entry of migrant workers from Asia. At the same time, it prohibited the Movement Against Illegal Immigration (DPNI), which initially opposed the colonization of the Russian people from the South East and Eurasia. The real situation is very dramatic.

  ALFRED VIERLING: Is it true that the Russian government provides parents with about 18,000 (eighteen thousand) euros for each second or third child?

  PAVEL TULAEV: Your information on government grants on the occasion of the second, third and subsequent children are not fully reliable. As far as I know, the amount of actual subsidies are much lower. Young families in the age of 30 receive a one-time assistance in 2007 about 1.5 thousand euros for the second child (60 thousand) and 2000 euros (85 thousand) for the third and following. Within a month of giving birth an employer must pay an allowance to care for a baby of around 400 euros. From the perspective of many mothers, such financial assistance is low. However it is important from a moral point of view. In Germany and the Nordic countries, there are similar subsidies.

  ALFRED VIERLING: You are the author of “White Struggle in Russia” (Moscow, 2007). What did you write there?

  PAVEL TULAEV: The book “White Struggle in Russia», has been released in a small number of copies and is on display in PDF format on my personal site: http://tulaev.ru. It is a collection of opinion articles and interviews published in English, French, German and Spanish. It is not about demographics and the philosophical-historical and ideological issues. Originally, I wanted to convey to our Western colleagues the thought that we, Russians, are as much white Europeans, as they are. We belong to one race, we have common roots, traditions, values and similar interests. Therefore, the existing differences, such as language or religion, should not interfere with understanding and lead to geopolitical conflicts between sister nations, as it was during the Second World War. My essays are on the meaning of the White Revival, counter to 1917 and beyond, including modernity of the XXI century, and the spiritual and cultural solve the problems, and are not anthropological research.

  ALFRED VIERLING: Will Russia’s population, which is expected to re-establish be about 150 million in 2030, be able to serve as a reservoir population (Hinterland) and a source of inspiration for the endangered white people in the European Union?

  PAVEL TULAEV: Your forecast of the growth of Russia’s population to 150 million in 2030 is unrealistic. First, official data on the 2010 census are strongly distorted. In fact, the number of Russian citizens is not 142 million, but much smaller. Experts call a number about a hundred million (to be specified). Over 20 years of liberal-capitalist reforms, the Russian population has lost in the order of 15 million people (the exact figure is discussed). With increased an mortality rate among Russians, Ukrainians and Belarusians, simultaneously accompanied by a significant increase in fertility among the Armenians, Azerbaijanis, Chechens, Ingush, etc. Compensation for loss of the Slavic population of European origin, is due to the growth of Asians, Caucasians and Chinese. If this trend continues, in the long term it will significantly change the racial composition of the Russian citizens in the direction of East Asian and the Mongoloid will be dominant.

  It is important to note that the quantitative reduction in population is accompanied by a general aging, degeneration, depravity and brainwashing under the influence of Western civilization. It is obvious deterioration in the quality of people, their health and moral character.

  In this regard, philosophers and religious figures are reminiscent of the laws of the Kali Yuga, the era of total degradation, while state statisticians and demographers are recognizing the genocide.

  Who could inspire such a reality? It remains to count on those devotees who go against the tide.
 

Civilization and Culture

  ALFRED VIERLING: The European Union has been subordinated to the United States of America. It will be weakened by America’s “plague of pleasure,” which leads to the individualistic style of life of hic et nunc. In the interest of their Masonic lobby the U.S. is trying to weaken the euro-zone, preaching multiculturalism. This makes the population of European descent a minority in their own land, surrounded by a sea of Muslim and black immigrants. In connection with the rise of nationalist parties in all member states of the European Union recently such national leaders as Sarkozy in France, Merkel in Germany and Cameroon in Britain were forced to admit the failure of multicultural policy. However, after recognition, everything still remains the same like before.

  So, can Russia offer an alternative to multiculturalism?

  PAVEL TULAEV: We are attentively watching what is happening in the European Union and we hope for, eventually, a victory by common sense. Indigenous peoples have the right to a national environment. In this sense, Russia has something to offer as an alternative to the phenomenon which you call “multiculturalism.” After going through the experience of Soviet internationalism and cosmopolitanism, post-Soviet, the Russian people with the persistence of their home states cling to (native) culture against the influence of the globalist TV and the Internet. The current government recognizes the fundamental role of the Russian language and the importance of national culture, while simultaneously pursuing and blocking the Russian political parties for alleged extremism.

  ALFRED VIERLING: What is the role of the Russian Orthodox Church in restoring the traditional way of family life and the revival of Russian civilization as a fundamental culture?

  PAVEL TULAEV: The role of the Russian Orthodox Church in the life of modern Russia is significant. Among other religions, it is the dominant one in status and real impact, such as the Catholic Church in Europe. The church has taken a clear and active role in protecting the traditional family. It also affects the development of culture, seeing it from a Christian perspective. The greatest Russian philosophers of the XX century came from Orthodox values, and there is now a renaissance of religious culture, thousands of churches have been restored many thousands of copies published of Christian books, movies shot on a historical theme with a positive assessment of Orthodoxy. In this sense, the role of the Church – is consolidated. Moreover, its influence reaches beyond the borders of Russia and covers the territory of the former Russian Empire. It is evident in Belarus, Ukraine, the Baltic States. However, Russian culture in general is not limited to the Orthodox Church and the church. It has a liberal, socialist, technocratic, and other currents. Among young people Vedic direction is gaining momentum, which brings together various groups of modern pagans and rodnovery (Native Faith).

  ALFRED VIERLING: How does Russia solve the problem of the present day managing of the huge Muslim population? The EU has not yet tackled this…

  PAVEL TULAEV: This problem is not easy! In Russia live at least 20 million Muslims. Most of them inhabit the south of Russia, Tatarstan and the Volga. The number of citizens who practice Islam is growing in all major cities of our country, especially in Moscow, where two million Muslims have built new moskques. The peak growth of Islamic influence was in the 1990s, when a religious revival led to the wars in Chechnya and Dagestan. As you know, according to the Qur’an, a true believer in God should lead a holy war (jihad) against the “infidels.” This radical position is perceived by Christians as the Islamist extremism and terrorism. The Russian government has to take into account the interests of the dominant religions, including Islam, so it supports the policy of oecumenicalism, peaceful coexistence and dialogue between religions. In the Russian passport and national origin and faith cannot be specified. At the same time, it promotes a cosmopolitan culture in the form of variety, sensuality, all sorts of entertainment and recreation.
 

Security and energy

  ALFRED VIERLING: The European Union does not have its own army and is occupied by NATO under U.S. military command. The European Union countries are forced to participate in U.S. wars, even in relation to European countries such as Serbia, creating Muslim enclaves in Bosnia and Kosovo, or to maintain the artificial revolutions, as in Ukraine, Georgia, Belarus and Kazakhstan.

  Can Russia ensure the European Union sufficiently safe supplies of gas and oil so in order to enable Europeans to free themselves from the United States?

  PAVEL TULAEV: Problems of security and sovereignty are not confined to energy policy, although it is one of the most important strategic factors. Of course, Russia can provide a reliable supply of the EU gas and oil. She is already doing so through the northern and central European pipeline, despite resistance from competitors. It must be borne in mind that there are other modern sources of energy such as nuclear power. They will grow, despite the recent accident in Japan. Europe’s dependence on U.S is rahter in militarily and more technologically and politically, rather than energy-wise. NATO helped Germany reunite, betraying the Soviet leadership, and now takes under its wing western parts of the former Russian Empire, including these into the European Union.

  ALFRED VIERLING: What do you think of the Russian-European Union plan to ensure mutual security, earlier proposed by Gorbachev, and about Putin’s proposal in the spirit of the Treaty of Paris?

  PAVEL TULAEV: The direction of the diplomatic effort to build a strategic axis Paris-Berlin-Moscow axis, it was generally correct. But by agreeing to concessions to Germany, it was necessary instead of opposing blocs of NATO and the Warsaw Pact to create alternative structures of collective security, such as the Northern Union. Unfortunately, Western strategists forced the Russian army to retreat eastward. Endless discussions about the program “Partnership with NATO”, are mere moves of military diplomacy. In this so-called “partnership” the U.S. waged local wars which it did not dare do so under its own name, to the obvious detriment of Russia. For example, the bloody partition of Yugoslavia. Tomorrow NATO swallowed Poland, Czech Republic, Slovakia and other Slavic countries of Europe and they may invite us to “divide Ukraine.” This will be the next hook, followed by a new promotion of strategic weapons of the West to the East. It pushes Russia closely into the arms of China, but China has its own interests. The Shanghai Cooperation Organization (SCO) may be a counterbalance to NATO, but Russia is squeezed in-between. As a result, there is a risk that fragments of the Soviet Union will become a bargaining chip, that is a victim of competition between two superpowers – the U.S. and China.

  ALFRED VIERLING: All countries that have no debt to the banking system, the IMF (International Monetary Fund) are under threat. If the IMF has the tools of influence, as we see in modern Greece, it puts pressure on the country and brings it almost to bankruptcy, to the point of where the Anglo-Saxon banks are able to gain power over key primary resources.

  PAVEL TULAEV: Indeed, today, as to the world’s banking systems not only small but also large countries are threatened. The International Monetary Fund (IMF) has nodifficulty in destroying Greece, and then arrange the sale of its economic resources. The mechanism of financial and political power has long been realized. It is well known also that the state itself of the USA has long been in terrible financial debt to the bankers. Its total amount is calculated to astronomical figures and growing. As a result, dollars are not backed with gold, and gradually depreciate. However, the bankers and their well-paid analysts – are not fools. They will look more and more new to forms of protection of their interests. For example, after the euro can be introduced a transcontinental currency, AMERICO. Of these financial games the relatively well protected China by the features of its independent economy will survive with a strong Yuan.

  If Russia is to ensure its security with China, it will further strengthen the threat of sinicization of the eastern regions of our country in the process.
 

The utopian promise of the future

  ALFRED VIERLING: In the spirit of Guillaume Faye’s archeofuturism you return to the traditional European gods. You are the author of this book with pictures of gods who represent the origin of the Slavs as the Indo-Europeans. What have they taught you?

  PAVEL TULAEV: I am well acquainted with Guillaume Faye, not only from books, but also personally. At my invitation he came to Russia again. Here we have published in Russian two books, "World Revolution. An essay on the new American imperialism” and "What are we fighting for?", as well as several articles. I respect the author as a thinker and one of the most prominent ideologues of the New Right, but do not completely agree with him. My debate with Guillaume Faye is contained in the article "What we advocate?".

  The philosophy of “archeofuturism” of Guillaume Faye is close to me, because it is addressed to the future. However, the European gods, I learned not from him, and, in general, not from Western authors. Russia has had a fundamental school of Indo-evolved scholars by the end of the XIX century. Let me mention only the names of Alexander Afanasiev, Alexander Hilferding, Boris Rybakov, Oleg Trubachev. Studies of these and many other authors suggest that Eurasia for millennia been a single cultural space. The motion passed as people from north to south (Hyperboreans and Arians), and from east to west (the Scythians, the Wends and Slavs), and then from south to north (the Romans), and from west to east (the Germans).

  Along with these peoples have developed the presentation of the gods. For example, the cult of the thunderer, well-known in the Western tradition under the name of Zeus and Jupiter, in ancient times has been widely distributed on the Danube and the Dnieper under the name of Perun. Odin (Votan) came to Scandinavia, from Asia Minor, after passing through northern the Black Sea region. The European cult of the Holy Trinity was first known in India as the Trimurti. The ethical teachings of the Buddha were also preceded by the gospel of Jesus Christ, by not a few centuries.

  The Album published by me includes 230 artistic images of Indo-European gods, and has 14 contemporary artists. I am the author of a popular science introduction to the book and co-author of an academic explanatory dictionary (96 articles of the gods). In fact, this book – as an illustrated encyclopedia of the Slavic-Aryan mythology- is a wonderful gift for both children and adults.

  After all, gods – are the living principles of existence of the universe. We receive them from a single organism, we have a common genetic line. Not only people and nations, but also the gods could be close or distant relatives. Awakening of the Gods – is not only a religious activity, but creating a quality environment for the creation of new worlds better than the current civilization.

  ALFRED VIERLING: How did you come to the conclusion that our rebirth depends on the axioms “first blood of the soil” and “biopolitics before geopolitics?” As a saviour concept for our race and our earth?

  PAVEL TULAEV: There are the obvious facts that some people will recognize, while others either do not understand or do not want to understand. Human races and types – are as much an objective reality, as the species of animals or plants. To deny the diversity of biological life forms – is silly. The white man – even in Africa remains white, brings to the exploitation of the land their civilization. A Black (black race) and in the European world is black, as in psychology, and culture. Contemporary African-American music in the U.S. constitutes a glaring example. The same thing happens with the Arabs, who carry with them the religion of Islam to Europe and engage in trade, rather than the advancement of science or technology. And also Chinese. Once in Russia, they study the Russian language for communication with the indigenous population and for business, but the Chinese keep their traditional culture: native language, philosophy, ethics, Eastern martial arts.

  ALFRED VIERLING: Tell me frankly, what do you think of racial mixing?

  Mixed racial types and their development in new social conditions constitute a special theme. However, at odds of 10:1 if we talk of the relationship between European and non-European populations on a global scale, it is no longer about crossing or complementarity, but about the absorption of the white minority overwhelmed by much more numerous races. Therefore, the genetic principle must be taken into account in strategic planning in the interests of national security. Biopolitics must prevail over geopolitics, because it is very important, who will live in our land, who will manage it, who will create new values and laws? Will here still be the rightful place for White peoples of our sacred culture?
 

Strategy and tactics

  ALFRED VIERLING: How did you imagine, the “Aryan Revolution ‘?

  PAVEL TULAEV: I would prefer to speak of Aryan Renaissance or Rebirth, rather than revolution. The latter term is usually associated with political events, while we are faced with spiritual, intellectual and educational tasks.

  In general, this question is very complicated, so a brief response to all exhausted. First of all, we should understand that the term “Arya” in Sanskrit means a person worthy of respect, a smart person and committed to faithful tradition. In India, it may be a man or woman of some kind, usually belonging to one of the three ruling castes: Brahmins (priests), Kshatriyas (warriors), Vaishyas (traders, farmers and pastoralists). In the modern consciousness, the distorted propaganda of the media, this historical and scientific concept is associated with the theory of “Aryan race” in the Third Reich, which means the people of Nordic origin. Hitler and his destructive war discredited the idea of Aryan, as it belongs to the swastika (in Russian “Kolovrat” or “Yarga”), which means heavenly blessing, and to this day is one of the main symbols of Buddhism. So the first task is to separate the indigenous knowledge of ideological propaganda and Nazi policy, dispelling myths of the XX century.

  The second fundamental problem constitutes a thorough study and development of the Aryan notion, as if to say in a scientific way – the Vedic tradition. The Vedas – are vast ocean of sacred knowledge. It’s not just the famous “Rigveda”, “Atharvaveda”, “Samaveda” which contain hymns of the ancient rishis (priests), but also “Ayurveda” (traditional medicine and the science of zdovove), the Upanishads (the philosophical and religious tracts), the richest body Puranas (sacred stories about gods, kings and heroes), the shastras (treatises on war, state of art). For spiritual growth, regeneration and prosperity of this knowledge (Veda), we need these Veda like the European science needed Hellenic philosophers Pythagoras, Plato, Aristotle.

  Spiritual knowledge (Veda) and the Aryan ethic will help us to consolidate the fraternal peoples of Eurasia, from Spain to India – on a positive basis (the traditional religion, a strong family, a healthy lifestyle, the teaching of the Dharma – the highest debt service). And ultimately, build a fair, efficient and technologically advanced society, what we ourselves want to be, rather than that imposed on us.

  ALFRED VIERLING: What do you mean by tactics of “leaderless resistance? In the USSR, Stalin was as the tough leader needed to throw off Masonic conspirators and contain the spread of Islam: In 1917, in the Soviet Union, at the disposal of 47 forty-seven million Muslims were 23 000 mosques. In 1989 80 million Muslims had only 300 mosques at their disposal.

  PAVEL TULAEV: The term LEADERLESS RESISTANCE does not belong to me, but to Simson Garfinkel, an article by him we reprinted in “Athenaeum.” He describes the tactics of guerrilla warfare of a world network type, which is qualitatively different from the old system of political parties and trade unions, built on a pyramid.

  I think that the leaders we need have all the qualities according to dedicated leadership theory, on which there are many publications. The question is, what exactly is meant by the leader. Führer of the old type (the speakers for the area and narcissistic dictators) – do not suit us. A wise leader operates on the principle of 道 dao “Tao”: he knows things, understands how things happen and gives what already has essentially been realized. He is like a midwife that takes an unborn child. He knows how to listen, not just talk. And knows how to make his ideas sound as if they were put forward by others. A good leader successfully operates in a team.

  Stalin (Dzhugashvili) was indeed a very strong leader, so much he could do. However, do not deify him. He brought a lot of grief to the people of Russia, including the Russian nation, though, and flatterned her. Stalin destroyed not only the Freemasons, but all dissidents. During his personal dictatorship he has killed millions of people for their beliefs. Yes, the mosques in the Soviet Union were in magnitude smaller, but it was the same proportion in the destruction of Christian churches. The Communists were atheists, and fought against religion as such, it had nothing to do with Christian orthodoxy versus Islam.

  Dictatorship doesn’t appeal to me. As a professional Hispanist I was interested in the experience of Generalissimo Franco, who ruled the country for 40 years! I have issued in Russia, his book “Freemasonry.” However, I do not worship Franco. Today it is impossible to return to the days of the Catholic Inquisition, and it is not desirable.

  ALFRED VIERLING: You seem to think about the possibility of restoring the autonomy of ethnic revival in Russia and Russian people, by self-esteem, to ensure the independence of national sovereignty or even of its civilization?

  PAVEL TULAEV: Indeed, I devoted much of my life to the Russian national liberation movement and understanding of contemporary problems of my people. We can say that in the 1990s of the XX century in Russia there was an information boom, which allowed us to talk about the Russian Renaissance. While this has led to the return of national cultural heritage, it did not consolidate into the formation of Russian statehood.

  The fact is that today the Russian Federation is inhabited by representatives of 180 nationalities that make up 83 territorial entities. Together, they form, according to the Constitution, “the multinational people of Russia.” It is believed that the Russians are about 80% of all citizens, but our federation is not a nation state. The Russian people are not recognized as a legal entity, which is why there are many political conflicts and problems. However, the general direction of this movement is striving towards a homogeneous society with a clear lead of Russian and Slavic ethnic groups.

  ALFRED VIERLING: Please tell us about the importance of strategy and tactics of the “Athenaeum” for the White Revival throughout the world.

  PAVEL TULAEV: “Athenaeum” as you know, the tradition goes back to the temples to Athena – goddess of wisdom. In the Age of Enlightenment in all European countries there emerged as the centers of the Athenaeum of Arts and Sciences. Russia before the Revolution, had also a magazine called “Athenaeum.” Our publication was founded in 2000, and has as its main objective the development of strategy and the semantic fields (information space) in the new Rules. These are disruptive (that is, revolutionary in fact) as the direction of Native Faith, Raciologie, white culture, technology, conspiracy, World War IV. We are not conservatives or progressives, but as you surely noticed, archaeo-Futurists. That is our goal – the birth and upbringing of a qualitatively new entity the White Revolution, which will be able to provide leadership to a national avant-garde.

  By combining the best minds of Russia and Europe, our “Athenaeum” is best known outside the country. This enabled us to organize in 2006 a conference on “The Future of White World”, and in 2007, “Russia and Europe” which was attended by eminent Western thinkers [such as Guillaume Faye, Pierre Krebs, Pierre Vial, Robert Steuckers, Enrique Ravelo, Jann-Ber Tillenon, Gerhoh Rayzegger, David Duke, Manfred Roeder, Silvano Lorenzoni, Stefonos Gekas, Chris Roman, Anton Rachev, and from us, Anatoly Ivanov, Vladimir Avdeev and others]. Proceedings were issued in Moscow and we published a multilingual web site http://ateney.ru

  True, our ideological opponents don’t like the active position of the leaders of the new rules. They tried to discredit both the conference in Moscow, its members have been exposed to initiated legal proceedings against the publishers of ‘right-wing’ literature. I have reported widely about this in the statement, “Athenaeum under threat.”

  ALFRED VIERLING: Let me ask, what has happened to the Athenaeum recently?

  PAVEL TULAEV: Oh, it’s an unpleasant story. In Russia there is a law about the Media and so called “Extremism”. If some statement, that could be treated as extremists is published, then that material is confiscated and its name is included in the list of forbidden literature. It’s very bad news. It’s inquisition. As a result, some publications of the last issue of the Athenaeum, including a report from David Duke criticizing Jewish politics, have been declared extremist and banned for distribution, although they do not contain any incitement to violence, but only objective information.

  I think it’s wrong. We organize conferences of scientists, seminars, we discuss stuff. It’s the freedom of thoughts. How is it possible to forbid the freedom of thoughts in the XXI century, when there is internet? This policy has no future.

  ALFRED VIERLING: Is it possible to create the “Alliance of the White nations” to fend off the approaching Fourth World War? What are its characteristics?

  PAVEL TULAEV: The name “Alliance of White nations,” can hardly be taken seriously for any inter-state union. When the organizing committee of this conference in 2006 discussed the name of the forum, the French and Germans insisted on the term “people of European descent” and not “white people”. Whatever it was, we formed a coordinating council, which operates in the free exchange of information and opinions. The real breakthrough in this direction was the creation of an organization of “Euro-Russia” led by Kris Roman. Through its website it regularly informs our partners about the main news on the continent and within the movement.

  The persecution of free thought, illegal from the standpoint of Russian and international law, is precisely a form of the fourth world war. It is carried out not by only nations or states, but also by latent international organizations for the benefit of transnational companies and banks, with their subordinate media. Their goal is world domination by their weapons, money, violence and depravity. Humans, like animals, are driven into the golden cage of consumerism, from which they cannot escape. During this “sweet war”, millions of people each year are destroyed by abortion, alcohol, tobacco and other drugs. It is the ‘Stylists’ new world order, modeling desirable from their point of view human types as selfish, idiot, playboy, bitch-like creatures.

  These degenerative phenomena again remind us of the Vedic teachings of the Kali Yuga. Is it possible to save all people in an apocalypse? In any case, modern idiocy, and slavery in all its forms, that is what we must confront with our spiritual awakening and knowledge, without which there cannot be a true elite of reasonable humanity.

  ALFRED VIERLING: Dear Pavel, I sincerely thank you for such thorough answers to my questions.
 

  PAVEL TULAEV: Thank you, dear Alfred for coming to Russia, for this interview. And I hope our Friends from EuroRus would cooperate with us, learn about Russia, understand Russia and search for ways of cooperative peaceful building. We are not extremists, we represent the European Civilization and Culture. We want peace, so that our nations would prosper.

vendredi, 18 novembre 2011

Crise du futurisme en Euro-Occident

Crise du futurisme en Euro-Occident

Diagnostic de deux intellectuels européens : Peter Sloterdijk et Slavoj Zizek

Ex: http://www.metamag.fr/

La mèche a certes été allumée de longue date aux Etats Unis avec la dérégulation monétaire (extinction des accords de Bretton Wood) unilatéralement décidée par les Américains en 1971, la dérégulation commerciale préparée par le GATT en 1945 qui a engendré l’OMC, puis la dérégulation financière en 1999. N’empêche, si la crise de l’endettement qui ébranle tous les Etats d’Europe a connu une telle virulence, c’est parce que, sous la conduite d’élites indignes, la flamme a été alimentée par notre aveuglement, notre paresse et notre soif inextinguible de jouissance qui ont aboli toutes les règles, fait sauter toutes les sécurités. A la place, un vaste no mans land parcouru d’individus sans foi, ni loi, aux vécus et aux horizons disparates ou amnésiques, angoissés ou cyniques.

Au printemps dernier, le quotidien Le Monde a invité deux philosophes –l’allemand Peter Sloterdijk (Nietzsche et Heidegger) et le slovène Slavoj Zizek (Jacques Rancière, Etienne Balibar, Gilles Deleuze ou encore Alain Badiou)- à se pencher et échanger sur cet état d’apesanteur déliquescent où gît ce que certains appellent l’Europe, d’autres l’Occident. L’Euro-occident.
Metamag

Nicolas Truong-Le Monde: Pour la première fois depuis 1945, l'idée d'avenir est en crise en Europe. Et l'Occident peine à croire au progrès, à l'image de ces nouvelles générations qui n'imaginent plus qu'elles vivront mieux que celles de leurs aînés. Désaffection politique, crise économique ou crispation identitaire : comment caractériser le moment que nous traversons ? Et peut-on, selon vous, parler d'une crise de civilisation ?

Peter Sloterdijk: Que voulons-nous dire, lorsque nous employons le terme de "civilisation occidentale", dans laquelle nous vivons depuis le XVIIe siècle ? A mon avis, nous parlons d'une forme de monde créé sur l'idée de la sortie de l'ère du passéisme. La primauté du passé a été rompue ; l'humanité occidentale a inventé une forme de vie inouïe fondée par l'anticipation de l'avenir. Cela signifie que nous vivons dans un monde qui se "futurise" de plus en plus. Je crois donc que le sens profond de notre "être-dans-le-monde" réside dans le futurisme, qu'il est le trait fondamental de notre façon d'exister.



La primauté de l'avenir date de l'époque où l'Occident a inventé ce nouvel art de faire des promesses, à partir de la Renaissance, au moment où le crédit est entré dans la vie des Européens. Pendant l'Antiquité et le Moyen Age, le crédit ne jouait presque aucun rôle parce qu'il était entre les mains des usuriers, condamnés par l'Eglise. Tandis que le crédit moderne, lui, ouvre un avenir. Pour la première fois, les promesses de remboursements peuvent être remplies ou tenues. La crise de civilisation réside en ceci: nous sommes entrés dans une époque où la capacité du crédit d'ouvrir un avenir tenable est de plus en plus bloquée, parce qu'aujourd'hui on prend des crédits pour rembourser d'autres crédits.

Autrement dit, le "créditisme" est entré dans une crise finale. On a accumulé tant de dettes que la promesse du remboursement sur laquelle repose le sérieux de notre construction du monde ne peut pas être tenue. Demandez à un Américain comment il envisage le remboursement des dettes accumulées par le gouvernement fédéral. Sa réponse sera surement: "personne ne le sait", et je crois que ce non-savoir est le noyau dur de notre crise. Personne sur cette Terre ne sait comment rembourser la dette collective. L'avenir de notre civilisation se heurte à un mur de dettes.

Slavoj Zizek: J'adhère pleinement à cette idée d'une crise du "futurisme" et de la logique de crédit. Mais prenons la crise économique dite des subprimes de 2008: tout le monde sait qu'il est impossible de rembourser ces crédits hypothécaires, mais chacun se comporte comme s'il en était capable. J'appelle cela, dans mon jargon psychanalytique, un désaveu fétichiste: "Je sais bien que c'est impossible, mais quand même, je vais essayer…" On sait très bien qu'on ne peut pas le faire, mais on agit en pratique comme si on pouvait le faire. Cependant, j'emploierais le terme "futur" pour désigner ce que Peter Sloterdijk appelle le "créditisme". Le terme "avenir", d'ailleurs, me semble plus ouvert. La formule "no future" est pessimiste mais le mot "avenir" est plus optimisme. Et je ne cherche pas, ici, à relancer le communisme de Marx qui s'apparente, en effet, à un créditisme démesuré.



Afin de caractériser notre situation, économique et politique, idéologique et spirituelle, je ne peux que rappeler une histoire probablement apocryphe. Il s'agit d'un échange de télégrammes entre les états-majors allemand et autrichien pendant la Grande Guerre. Les Allemands avaient envoyé un télégramme aux Autrichiens en leur disant: "Chez nous, la situation sur le front est sérieuse mais pas catastrophique", et les Autrichiens avaient répondu: "Chez nous la situation est catastrophique mais pas sérieuse" ! Et c'est cela le catastrophique: on ne peut pas payer ses dettes, mais, d'une certaine façon, on ne prend pas ça au sérieux. Outre ce mur de dettes, l'époque actuelle s'approche d'une sorte de "degré zéro".

Premièrement, l'immense crise écologique nous impose de ne pas continuer dans cette voie politico-économique. Deuxièmement, le capitalisme, à l'image de la Chine, n'est désormais plus naturellement associé à la démocratie parlementaire. Troisièmement, la révolution biogénétique nous impose d'inventer une autre biopolitique. Quant aux divisions sociales mondiales, elles créent les conditions d'explosions et d'émeutes populaires sans précédent…

Pour une nouvelle logique de la discrétion, de la distance, voire de l'ignorance

Le Monde : L'idée de collectif est également touchée par la crise. Comment, à l'heure de l'individualisme débridé, redonner sens au "commun"?


Slavoj Zizek : Même si nous devons rejeter le communautarisme naïf, l'homogénéisation des cultures, tout comme ce multiculturalisme qui est devenu l'idéologie du nouvel esprit du capitalisme, nous devons faire dialoguer les civilisations et les individus singuliers. Au niveau des particuliers, il faut une nouvelle logique de la discrétion, de la distance, voire de l'ignorance. Alors que la promiscuité est devenue totale, c'est une nécessité vitale, un point crucial.

Au niveau collectif, il faut en effet inventer une autre façon d'articuler le commun. Or, le multiculturalisme est une fausse réponse au problème, d'une part parce qu'il est une sorte de racisme désavoué, qui respecte l'identité de l'autre mais l'enferme dans son particularisme. C'est une sorte de néocolonialisme qui, à l'inverse du colonialisme classique, "respecte" les communautés, mais du point de vue de sa posture d'universalité. D'autre part, la tolérance multiculturelle est un leurre qui dépolitise le débat public, renvoyant les questions sociales aux questions raciales, les questions économiques aux considérations ethniques.

Il y a aussi beaucoup d'angélisme dans cette posture de la gauche postmoderne. Ainsi le bouddhisme, par exemple, peut-il servir et légitimer un militarisme extrême: dans les années 1930-1940, l'établissement du bouddhisme zen n'a pas seulement soutenu la domination de l'impérialisme japonais, mais l'a même légitimé. J'utilise volontiers le mot de "communisme", car mes problèmes, en réalité, sont ceux des biens "communs", comme la biogénétique et l'écologie.

Peter Sloterdijk : Il faut retrouver la véritable problématique de notre ère. Le souvenir du communisme et de cette grande expérience tragique de la politique du XXe siècle nous rappelle qu'il n'y a de solution idéologique dogmatique et automatique. Le problème du XXIe est celui de la coexistence au sein d'une "humanité" devenue une réalité physiquement. Il ne s'agit plus de "l'universalisme abstrait" des Lumières, mais de l'universalité réelle d'un collectif monstrueux qui commence à être une communauté de circulation réelle avec des chances de rencontres permanentes et des chances de collisions élargies.

La question du lien social au sein d'une trop grande société

Nous sommes devenus comme des particules dans un gaz, sous pression. La question est désormais celle du lien social au sein d'une trop grande société; et je crois que l'héritage des prétendues religions est important, parce qu'elles sont les premières tentatives de synthèses méta-nationales et méta-ethniques.

Le sangha bouddhiste était un vaisseau spatial, où tous les déserteurs de toutes les ethnies pouvaient se réfugier. De la même manière, on pourrait décrire la chrétienté, sorte de synthèse sociale qui transcende la dynamique des ethnies fermées et les divisions des sociétés de classes. Le dialogue des religions à notre époque n'est rien d'autre que le reformatage du problème du "communisme".

La réunion qui a eu lieu à Chicago en 1900, le congrès des religions mondiales, était une façon de poser la question de notre actualité à travers ces fragments, ces représentants de n'importe quelle provenance, les membres de la famille humaine qui s'étaient perdus de vue après l'exode africain… A l'âge du rassemblement, il faut poser et reformater tout ce qu'on a pensé jusqu'ici sur le lien de coexistence d'une humanité débordante. C'est pour cela que j'emploie le terme de "co-immunisme"

Toutes les associations sociales de l'histoire sont en effet des structures de co-immunité. Le choix de ce concept rappelle l'héritage communiste. Dans mon analyse, le communisme remonte à Rousseau et à son idée de "religion de l'homme". C'est un concept immanent, c'est un communautarisme à l'échelle globale. On ne peut pas échapper à la nouvelle situation mondiale. Dans mon livre, la déesse ou entité divine qui apparaît dans les dernières pages, c'est la crise: elle est la seule instance qui possède assez d'autorité pour nous pousser à changer notre vie. Notre point de départ est une évidence écrasante: on ne peut pas continuer comme ça.

Slavoj Zizek : Mon idée ne consiste pas tant à chercher un "co-immunisme" qu'à revivifier l'idée d'un véritable communisme. Mais rassurez-vous, il s'agit plutôt de celui de Kafka que celui de Staline, davantage celui de d'Erik Satie que celui de Lénine! En effet, dans son dernier récit, Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris, dessine l'utopie d'une société égalitaire, un monde où les artistes, comme cette cantatrice Joséphine, dont le chant rassemble, subjugue et méduse les foules, et qui est célébrée sans pour autant obtenir d'avantages matériels.


Une société de reconnaissance qui maintient le rituel, revivifie les fêtes de la communauté, mais sans hiérarchie ni grégarité. Idem pour Erik Satie. Tout pourtant, semble éloigner de la politique le fameux auteur des « Gymnopédies », qui déclarait composer une "musique d'ameublement", une musique d'ambiance ou de fond. Et pourtant, il fut membre du Parti communiste. Mais loin d'écrire des chants de propagande, il donnait à écouter une sorte d'intimité collective, à l'exact opposée de la musique d'ascenseur. Et c'est cela mon idée du communisme.

Le Monde : Pour sortir de cette crise, Peter Sloterdijk, vous optez sur la réactivation des exercices spirituels individuels alors que vous, Slavoj Zizek, insistez sur les mobilisations politiques collectives ainsi sur la réactivation de la force émancipatrice du christianisme. Pourquoi de telles divergences ?

Peter Sloterdijk : Je propose d'introduire le pragmatisme dans l'étude des prétendues religions; cette dimension pragmatique vous oblige à regarder de plus près ce que font les religieux, à savoir des pratiques intérieures et extérieures, que l'on peut décrire comme des exercices qui forment une structure de personnalité. Ce que j'appelle le sujet principal de la philosophie et de la psychologie, c'est le porteur des séries d'exercices qui composent la personnalité. Et quelques-unes des séries d'exercices qui constituent la personnalité peuvent être décrites comme religieuses.

Mais qu'est-ce que ça veut dire ? On fait des mouvements mentaux pour communiquer avec un partenaire invisible, ce sont des choses absolument concrètes que l'on peut décrire, il n'y a rien de mystérieux en tout cela. Je crois que jusqu'à nouvel ordre, le terme "système d'exercices" est mille fois plus opératoire que le terme de "religion" qui renvoie à la bigoterie d'Etat des Romains. Il ne faut pas oublier que l'utilisation des termes "religion", "piété" ou "fidélité" était chez les Romains réservée aux épithètes que portaient les légions romaines stationnées dans la vallée du Rhin et partout ailleurs.

Le plus grand privilège d'une légion était de porter les épithètes pia fedilis, parce que cela exprimait une loyauté particulière à l'empereur à Rome. Je crois que les Européens ont tout simplement oublié ce que "religio" veut dire. Le mot, signifie littéralement "diligence". Cicéron en a donné la bonne étymologie : lire, legere, religere, c'est-à-dire étudier attentivement le protocole pour régler la communication avec les êtres supérieurs. C'est donc une sorte de diligence, ou dans ma terminologie, un code d'entraînement. Pour cette raison je crois que "le retour du religieux" ne serait efficace que s'il pouvait conduire à des pratiques d'exercices intensifiés.

En revanche, nos "nouveaux religieux" ne sont que des rêveurs paresseux la plupart du temps. Mais au XXe siècle, le sport a pris le dessus dans la civilisation occidentale. Ce n'est pas la religion qui est revenue, c'est le sport qui est réapparu, après avoir été oublié pendant presque 1 500 ans. Ce n'est pas le fidéisme, mais l'athlétisme qui a occupé le devant de la scène. Pierre de Coubertin voulait créer une religion du muscle au tournant du XXe siècle. Il a échoué comme fondateur d'une religion, mais il a triomphé comme créateur d'un nouveau système d'exercices.

Slavoj Zizek : Considérer la religion comme ensemble de pratiques corporelles, cela existait déjà chez les avant-gardes russes. Le réalisateur soviétique Sergueï Eisenstein (1898-1948) a écrit un très beau texte sur le jésuite Ignace de Loyola (1491-1556), pour qui il s'agissait d'oublier Dieu, sinon comme quelqu'un qui a mis en place certains exercices spirituels. Ma thèse du retour au christianisme est très paradoxale : je crois que ce n'est qu'à travers le christianisme que l'on peut véritablement se sentir vraiment athée.

Si vous considérez les grands athéismes du XXe siècle, il s'agit en réalité d'une tout autre logique, celle d'un "créditisme" théologique. Le physicien danois Niels Bohr (1885-1962), l'un des fondateurs de la mécanique quantique, a été visité par un ami dans sa datcha. Mais celui-ci hésitait à passer la porte de sa maison à cause d'un fer de cheval qui y était cloué – une superstition pour empêcher les mauvais esprits d'entrer. Et l'ami dit à Bohr : "Tu es un scientifique de premier rang, alors comment peux-tu croire à ses superstitions populaires?" "Je n'y crois pas !", répondit Niels Bohr. "Mais pourquoi laisses-tu donc ce fer à cheval, alors", insista l'ami. Et Niels Bohr eut cette très belle réponse: "Quelqu'un m'a dit que ça fonctionne, même si on n'y croit pas !" Ce serait une assez bonne image de notre idéologie actuelle.

Je crois que la mort du Christ sur la croix signifie la mort de Dieu, et qu'il n'est plus le Grand Autre qui tire les ficelles. La seule façon d'être croyant, après la mort du Christ, est de participer à des liens collectifs égalitaires. Le christianisme peut être entendu comme une religion d'accompagnement de l'ordre existant ou une religion qui dit "non" et aider à y résister. Je crois que le christianisme et le marxisme doivent combattre ensemble le déferlement des nouvelles spiritualités ainsi que la grégarité capitaliste. Je défends une religion sans Dieu, un communisme sans maître.

Peter Sloterdijk : Admettons que nous soyons dans la séance de clôture du concile du Nicée et que l'un des archevêques pose la question dans la réunion: faut-il mettre à l'index notre frère Slavoj Zizek ? Je crois que la grande majorité voterait l'anathème, car il commet ce que les anciens appelaient une "hérésie". Slavoj Zizek assume une attitude sélective par rapport à la vérité entière : hérésie signifie sélection. Et la sélection dans ce cas précis, c'est d'omettre la suite de l'histoire biblique, qui parle de résurrection après la mort du Christ. Mais si l'on omet la résurrection, on oublie l'essentiel parce que le message du christianisme c'est que la mort ne nous menace plus.

Le succès mondial du christianisme ne reposait pas seulement sur le message de l'amour universel mais surtout sur la neutralisation des menaces que faisait peser la mort sur chaque conscience. Sans omettre la phobocratie païenne : Tous les empires sont fondés sur le pouvoir de la peur. On peut raconter l'histoire comme Slavoj Zizek l'a fait, mais il faut ajouter une deuxième dimension libératrice : sans rupture avec la phobocratie, il n'y a pas de liberté, ni chrétienne ni athée. Sinon, on ne fait que changer de seigneur ; Jupiter ou le Christ, ça ne fait aucune différence tant que les deux divinités demeurent des puissances phobocrates.

Malheureusement, le christianisme est devenu la phobocratie la plus terrible de toute l'histoire des religions, surtout grâce à Augustin qui, avec sa théorie de la prédestination, a créé un véritable réacteur de peurs, que la philosophie des Lumières a heureusement interrompu. Même dans l'aventure communisme, la phobocratie chrétienne a persisté sous la forme du terrorisme d'Etat !

Et ce n'est pas terminé. La phobocratie musulmane n'est pas prêt de s'arrêter. Pour tous ceux qui cherchent une sortie de l'univers concentrationnaire des phobocraties classiques, il faut reconstruire la dimension émancipatrice d'un christianisme éclairé. Et j'accepte volontiers une reconstruction athée, à condition de mettre l'accent sur la suppression de l'élément phobocrate de l'ancien paganisme.

Le Monde : Le moment historique que nous traversons semble être marqué par la colère. Une indignation culmine dans le mot d'ordre "Dégage!" des révolutions arabes ou des protestations démocratiques espagnoles. Or, à croire Slavoj Zizek, vous êtes trop sévère, Peter Sloterdijk, à l'égard des mouvements sociaux qui proviendrait selon vous du ressentiment.

Imaginer une nouvelle gauche au-delà du ressentiment

Peter Sloterdijk : Il faut distinguer la colère et le ressentiment. A mon avis, il y a toute une gamme d'émotions qui appartiennent au régime du thymos, c'est-à-dire au régime de la fierté. Il existe une sorte de fierté primordiale, irréductible, qui est au plus profond de notre être. Sur cette gamme thymotique s'exprime la jovialité, contemplation bienveillante de tout ce qui existe. Ici, le champ psychique ne connaît pas de trouble. On descend un peu dans l'échelle des valeurs, c'est la fierté de soi.

On descend encore un peu, c'est la vexation de cette fierté qui provoque la colère. Si la colère ne peut pas s'exprimer, condamnée à attendre, pour s'exprimer plus tard et ailleurs, cela conduit au ressentiment, et ainsi de suite jusqu'à la haine destructrice qui veut anéantir l'objet d'où est sortie l'humiliation. N'oublions pas que la bonne colère, selon Aristote, c'est le sentiment qui accompagne le désir de justice. Une justice qui ne connaît pas la colère reste une velléité impuissante. Les courants socialistes du XIXe et XXe siècle ont créé des points de collecte de la colère collective, sans doute quelque chose de juste et d'important. Mais trop d'individus et trop d'organisations de la gauche traditionnelle ont glissé vers le ressentiment. D'où l'urgence à penser et imaginer une nouvelle gauche au-delà du ressentiment.

Slavoj Zizek : Ce qui satisfait la conscience dans le ressentiment, c'est plus de nuire à l'autre et de détruire l'obstacle que de profiter de moi-même. Nous, slovènes, sommes comme ça par nature. Vous connaissez la légende où un ange apparaît à un paysan et lui demande: "Veux-tu que je te donne une vache? Mais attention, je vais aussi donner deux vaches à ton voisin !" Et le paysan slovène dit: "Bien sûr que non !" Mais pour moi, le ressentiment, ce n'est jamais vraiment l'attitude des pauvres. Plutôt l'attitude du pauvre maître, comme Nietzsche l'a très bien analysée. C'est la morale des "esclaves".

Seulement, il s'est un peu trompé du point de vue social: ce n'est pas l'esclave véritable, c'est l'esclave qui, comme le Figaro de Beaumarchais, veut remplacer le maître. Dans le capitalisme, je crois qu'il y a une combinaison très spécifique entre l'aspect thymotique et l'aspect érotique. C'est-à-dire que l'érotisme capitaliste est médiatisé par rapport à un mauvais thymotisme, qui engendre le ressentiment. Je suis d'accord avec Peter Sloterdijk : au fond le plus compliqué c'est de savoir comment penser l'acte de donner, au-delà de l'échange, au-delà du ressentiment.

Je ne crois pas vraiment dans l'efficacité de ces exercices spirituels que propose Peter Sloterdijk. Je suis trop pessimiste, pour cela. A ces pratiques auto-disciplinaires, comme chez les sportifs, je veux y ajouter une hétérotopie sociale. C'est pourquoi j'ai écrit le chapitre final de « Vivre la fin des temps » où j'entrevois un espace utopique communiste, en me référant à ces œuvres qui donnent à voir et à entendre ce que l'on pourrait appeler une intimité collective. Je m'inspire aussi de ces films de science-fiction utopiques, où il y a des héros errants et des types névrosés rejetés qui forment de véritables collectivités. Des parcours individuels peuvent aussi nous guider.

Ainsi, on oublie souvent que Victor Kravtchenko (1905-1966), le dignitaire soviétique qui dénonça très tôt les horreurs du stalinisme dans J'ai choisi la liberté et qui fut ignoblement attaqué par les intellectuels pro-soviétiques, écrivit une suite, intitulée « J'ai choisi la justice », alors qu'il luttait en Bolivie et organisait un système de production agraire plus équitable. Il faut suivre et encourager les nouveaux Kravtchenko qui émergent de partout aujourd'hui, de l'Amérique du Sud aux rivages de la Méditerranée.

Peter Sloterdijk : Je pense que vous êtes victime de l'évolution psycho-politique des pays de l'Est. En Russie, par exemple, chacun porte en soi un siècle entier de catastrophe politique et personnelle sur ses épaules. Les peuples de l'Est expriment cette tragédie du communisme et n'en sortent pas. Tout cela forme une espèce de boucle de désespoir autogène. Je suis pessimiste par nature, mais la vie a réfuté mon pessimisme originel. Je suis donc pour ainsi dire un apprenti-optimiste. Et là je pense que nous sommes assez proches l'un de l'autre parce que nous avons parcouru des biographies parallèles dans un certain sens à partir de points de départ radicalement différents, tout en lisant les mêmes livres.

Le Monde : Juste un mot sur l'affaire Dominique Strauss-Kahn. S'agit-il d'une simple affaire de mœurs ou bien du symptôme d'un malaise plus important?

Peter Sloterdijk : Indéniablement, il s'agit d'une affaire planétaire qui dépasse le simple fait divers. Dominique Strauss-Kahn est peut-être innocent. Mais cette histoire révèle que le pouvoir exorbitant détenu par un individu peut créer une sorte de religion des puissants que je qualifierais de panthéisme sexuel. Nous croyions en avoir terminé avec les rois soleil. Mais, curieusement, le XXIe siècle multiplie par dix mille ces hommes de pouvoir qui s'imaginent que tous les objets de leur désir peuvent être pénétrés par leur rayonnement.

Slavoj Zizek : Le seul aspect intéressant de l'affaire DSK, c'est la rumeur selon laquelle ses amis auraient approché la famille de la victime supposée en Guinée, offrant une somme exorbitante d'argent si Nafissatou Diallo retirait sa plainte. Si cela est vrai, quel dilemme ! Faut-il choisir la dignité ou l'argent qui peut sauver la vie d'une famille, en lui donnant la possibilité de vivre dans la prospérité ? C'est cela, qui résumerait la véritable perversion morale de notre temps.

Titres sous-titres et inter sont de la rédaction
Propos recueillis par Nicolas Truong
Article paru dans l'édition du 28.05.11 http://www.lemonde.fr/idees

dimanche, 30 octobre 2011

« La finance grise doit être mise à contribution pour solder la dette des Etats »

« La finance grise doit être mise à contribution pour solder la dette des Etats »

Entretien avec Jean-Philippe Robé, avocat aux barreaux de Paris et New York.

Carte des paradis fiscaux, 2009 - Cliquez sur l'image pour l'agrandir

Vous établissez un lien entre la crise de la dette et les paradis fiscaux. Pourquoi ?

On estime qu’actuellement plus de 10.000 milliard de dollars sont détenus dans ces «pays à fiscalité privilégiée» via 400 banques, les deux tiers des 2.000 fonds spéculatifs (hedge funds) et deux millions de sociétés écrans installés – de façon très virtuelle – dans ces Etats. Et ce stock augmenterait à un rythme actuel de 1.200 milliards de dollars par an. Ce sont autant de capitaux qui, pour l’essentiel, échappent à la fiscalité des Etats classiques qui ont des besoins budgétaires réels à satisfaire.

La crise de la dette n’est pas qu’une crise de la dépense publique ; c’est aussi une crise de la recette et les stratégies prédatrices des paradis fiscaux, en érodant la base fiscale des Etats classiques, créent un problème fondamental.

Mais comment le traiter, sachant qu’on se heurte au principe fondateur du droit international, la souveraineté des Etats ?

 

En effet, si un Etat ne veut pas taxer les capitaux détenus chez lui, s’il veut assurer le secret absolu des transactions et des investisseurs, tel est son droit. On ne peut imposer à un paradis fiscal… de ne pas l’être, si ce n’est en modifiant les conventions fiscales internationales, ce qui est un exercice très difficile par les désavantages comparatifs que cela peut entrainer. Mais la crise de la dette nous donne l’opportunité de contourner ce problème.

Par quel moyen ?

Le traitement d’un problème de solvabilité tel qu’il se pose aujourd’hui est d’une simplicité brutale : tous les créanciers ne seront pas remboursés de la totalité de leurs créances. La question qui se pose est de déterminer qui va supporter la charge du non-remboursement, et dans quelle proportion. Les discussions portent aujourd’hui sur l’identification de la nationalité des contribuables à qui on va imposer un transfert de ressources au profit des créanciers.

Il y a pourtant une alternative simple dans son principe : décider par traité que ne seront payées dans leur intégralité que les créances dont les bénéficiaires finaux, personnes physiques, seront identifiés. Dans le cas où le créancier est une personne morale, une société, un trust, une fondation, etc., il lui reviendrait d’identifier les personnes physiques bénéficiaires ultimes du remboursement de la créance ; ou de donner les informations permettant de remonter la chaine des détentions des titres de créances ou de capital jusqu’à arriver aux personnes physiques. Seuls certains types de personnes morales strictement définis selon des critères de transparence, celles qui obéissent aux règles du KYC («know your customer» [connaissez votre client]) par exemple, pourraient échapper à cette obligation de déclaration.

Et c’est là que l’on retrouve nos fameux paradis fiscaux. Sur les 10.000 milliards de dollars détenus via les écrans juridiques qu’ils offrent, une partie au moins l’est en titres de créances émis par les Etats ou les banques. En mettant une condition de déclaration du bénéficiaire final du paiement, on ne touche pas à leur souveraineté ; on ne touche pas aux droits de créance. Seulement, les individus bénéficiaires indirects de droits de créance auront le choix : soit ne pas se faire connaître, et ils ne toucheront rien ; soit se faire connaître et, éventuellement, devoir rendre des comptes…

Nul doute qu’un certain nombre d’entre eux préféreront le premier choix ; mais qui viendra les plaindre ? Ce faisant, on aura réglé au moins en partie le problème d’un stock de dettes excessif ; on aura en partie purgé l’économie mondiale des circuits de recyclage des fonds accumulés grâce à la fraude, aux trafics ou aux crimes. On aura commencé à nettoyer les écuries d’Augias de la finance grise.

Mais les techniques juridiques utilisées sont tellement opaques que certaines structures n’ont elles-mêmes pas de moyen de connaître leurs bénéficiaires.

Rien ne les empêche d’inviter, par exemple par voie de presse, leurs bénéficiaires à se faire connaître. A défaut de quoi, la structure détenant des créances ne pourra pas les recouvrer. Et ainsi de suite le long de la chaîne de détention des créances qui va des émetteurs de titres aux personnes physiques bénéficiaires. Si on décide d’un transfert de ressources des contribuables aux créanciers, qu’au moins ce transfert ne bénéficie pas à ceux des créanciers qui ont un titre de créance obtenu grâce à la fraude ou au crime !

Le Monde

dimanche, 16 octobre 2011

The Sunic Journal Robert Steuckers on Europe vs. the Turks

The Sunic Journal

Robert Steuckers on Europe vs. the Turks

vendredi, 14 octobre 2011

Questions à Raymond Abellio sur sa vision de l’Occident

Questions à Raymond Abellio sur sa vision de l’Occident

(Revue Question De. No 4. 1974)

Vers la fin d’un certain ésotérisme

Q. Quelle place accordez-vous à ce que chacun aujourd’hui nomme « l’ésotérisme » ? Voyez-vous dans l’ésotérisme une situation radicalement nouvelle de la vie sociale et religieuse, un signe de transformation de l’Histoire présente ? Est-ce une révolte, le dernier soubresaut d’un monde en train de disparaître ou l’annonce d’une renaissance spirituelle ? Vous avez d’ailleurs intitulé votre dernier ouvrage « la fin de l’ésotérisme ». Qu’entendez-vous par là ?

R. Bien entendu, j’ai choisi un titre provocant, la provocation étant un moyen de communication utile aujourd’hui. Il faut secouer les gens pour qu’ils s’éveillent. Il est bien évident que l’ésotérisme, de par son essence, ne peut pas avoir de fin, dans la mesure où l’on admet que la connaissance en soi est toujours inachevée et inachevable, étant donné que c’est une question d’intensité. Mais « fin » signifie aussi que nous sommes dans une période de désoccultation et qu’il convient de réagir contre une certaine tendance des ésotéristes traditionnels à s’enfermer dans ce qu’ils appellent le secret. Certes, l’ésotérisme, en tant que corps de connaissance, aura toujours une frange secrète, ou plutôt un noyau secret (puisqu’encore une fois il est d’une intensité inachevable) ; mais le secret, en tant que forme moralisatrice de protection d’un corps de doctrine dont on ne connaît d’ailleurs pas le développement, me paraît quelque chose de très dégradé comme conception. C’est contre cela, finalement, que j’ai voulu être provocant. Attaquer les ésotéristes qui se servent dans leurs livres de ces formules : « Je connais beaucoup de choses, mais je ne peux pas les dire », « Je ne veux pas les dire ». Mais qu’ils n’écrivent pas de livres, alors ! Ce qu’on sait, on le sait, et l’on doit le dire. Pourquoi craindre le danger ? Les mots « danger » et « décadence », je ne les emploie pas ou je les mets entre guillemets.

Q. Mais je pense que, pour les ésotéristes qui sont, je crois, beaucoup plus occultistes qu’ésotéristes, il s’agit d’intéresser à tout prix par un pseudo-secret, par des points d’interrogation, par des conditionnels en succession infinie. Alors on voit apparaître dans ce sens de nombreuses collections d’ouvrages qui sont effectivement  la fin d’un certain ésotérisme, qui sont l’extrême du vulgaire. Par contre, on peut entendre aussi la fin de l’ésotérisme comme étant son accomplissement.

R. Parfaitement. C’est ainsi que je l’entends, dans le sens supérieur. Quand je parle de désoccultation, il est certain que c’est d’un accomplissement qu’il s’agit. C’est le besoin qu’a tout être qui cherche la connaissance, d’être illuminé par elle, et il est incontestable que l’illumination est un accomplissement. C’est assurément une fin, fin toute relative, bien entendu, que vous ressentez comme un absolu et dont vous savez bien que vous retomberez, quitte ensuite à rechercher une intensité supérieure. Mais il est certain que, chez les ésotéristes dont nous parlons, se développe aujourd’hui une sorte de « décadence ». Par exemple, le mépris qu’ils témoignent à l’Occident, à l’effort scientifique de l’Occident, est quelque chose d’incompréhensible.

Q. Le mépris de René Guénon à l’égard de l’Occident en est le meilleur exemple.

R. Il est très provocant, injuste. Mais Guénon vivait à une époque où il était nécessaire de détruire le scientisme.

Q. Guénon ne pouvant se convertir à l’hindouisme, se convertit à l’islam. Tout plutôt que l’Occident ! Partant de là, il échafaude des théories qui sont en soi assez discutables, celles de la Tradition primordiale. Celle-ci est reléguée dans un temps historique indéterminé, où les hommes sont parfaits, purs et connaissants. Il énonce alors ses idées sur l’initiation. Qu’en pensez-vous ?

 

R. Les moyens de communication que ces hommes pouvaient avoir avec le monde supérieur, avec le monde invisible, les forces divines ? Je crois qu’il est préférable de ne pas en parler, parce qu’on ne peut pas en parler. Alors, faire de ces êtres du début des temps de la Tradition, des êtres purs, omniscients, etc., cela ne fait pas très sérieux.

Q. Non seulement cela ne fait pas très sérieux, mais on retrouve tout un courant qui est pris chez Saint-Yves d’Alveydre et chez quelques autres, et la tradition de l’Aggartha n’est pas de Guénon.

R. Enfin, ces yeux tournés vers le passé, vers une sorte d’âge d’or perdu, non ! Ce n’est pas conforme à la vocation de l’Occident.

Le rôle de l’initiation

 

Q. Comment vous situez-vous par rapport aux doctrines « initiatiques » ? Pensez-vous qu’il y ait une initiation possible pour l’homme, la réalisation du « passage », faire mourir le vieil homme et renaître à la vie transcendante ? Qu’est-ce que l’initiation pour vous, et que pensez-vous des ordres initiatiques ?

R. Il se peut très bien qu’à une certaine époque historique, mal déterminée, les rites aient été un mode de communication nécessaire et privilégié, dans la mesure où l’on n’en connaissait pas la signification exacte : une sorte de magie que l’on retrouve dans certaines peuplades d’Afrique. Je crois que les rites d’initiation, tels que les conçoit Guénon, ont eu leur nécessité en Occident à une époque où, justement, la conceptualisation n’avait pas atteint le degré de nécessité et de clarté qu’elle peut atteindre aujourd’hui : de même que, dans certaines peuplades d’Afrique noire, la magie joue un rôle que joue en Europe la science. Je me rappelle l’histoire que me racontait un de mes amis. Il avait été désigné par je ne sais quelle société savante américaine pour faire une enquête auprès de peuplades primitives. Il voit, un jour, une vieille femme qui était en train de regarder le feuillage d’un arbre qui bougeait. Il dit : « Qu’est-ce que vous faites ? » Elle répondit : « Je passe » un message à mon petit-fils qui est à l’école et à qui j’ai oublié de dire ce matin de me rapporter du café. Je lui passe un message par le vent des arbres. » Il s’étonna, bien qu’il fût là pour faire des études sur la télépathie. Il demanda des explications. La femme était très gênée ; elle disait : « Vous êtes très forts, vous êtes de grands magiciens, vous avez le téléphone. » Elle considérait le téléphone comme un instrument de magie plus perfectionné. Le rite est simplement un medium de magie, moins perfectionné que le medium scientifique. C’est tout. Et l’on comprend que, selon les époques, les besoins de rites d’initiation diffèrent.

Q. Ce qui semblerait indiquer qu’aujourd’hui, selon vous, les rites d’initiation, l’appartenance à des sociétés secrètes, choses tant prônées par les milieux ésotériques de la fin du siècle dernier, ne représentent plus que l’ultime chatoiement d’un monde en voie de disparition.

R. C’est en ce sens, d’ailleurs, que j’ai parlé de la fin de l’ésotérisme — la fin d’un certain ésotérisme.

Le Renouveau de l’Occident

 

Q. Votre recherche politique se fonde sur une double connaissance : connaissance du monde spirituel traditionnel et connaissance de la technocratie moderne. Dès après la Seconde Guerre mondiale, vous avez entrepris une pénétrante méditation sur le rôle de l’Europe dans la politique future.

R. Depuis la guerre, l’Europe ne joue plus de rôle politique, ou, si elle essaie d’en jouer un, vous voyez au milieu de quelles difficultés et à quel niveau inférieur ! Actuellement, l’Europe, par l’intermédiaire des sociétés multinationales, est colonisée par l’aire américano-russe. De même, sur le plan de la recherche intellectuelle, palle marxisme russe. Nous avons à présent une aire américano-russe occidentale et une aire tibéto-chinoise. C’est dans ce sens que je donne à l’absorption du Tibet par la Chine une signification sacrée. Il y a là une véritable « théophagie ». Et c’est cela qui donne toute son amplitude au conflit est-ouest maintenant. L’Orient apparaît, de nos jours, devant la dégénérescence des religions occidentales, comme le porteur d’une puissance spirituelle par la révolution culturelle. Mais ce n’est là qu’une vision profane.

Q. Alors, selon vous, la Chine ne pourrait pas nous apporter, à nous Occidentaux, un renouveau des forces ordonnées face à une évidente dégénérescence des croyances judéo-chrétiennes et à un retour brutal des formes les plus frustes du paganisme ?

R. Je ne crois pas. Je crois que la révolution culturelle chinoise est une révolution collectiviste. Il est incontestable qu’en Chine, par exemple, les problèmes de l’homme intérieur ne sont pas posés. Le problème du sexe, celui de l’art, le problème métaphysique de la mort et de la religion sont éludés par le marxisme chinois. Or ce sont ces problèmes-là qui, dans l’invisible, commandent l’activité de la « prêtrise » occidentale à venir.

Les nouveaux prêtres… et les hippies

Q. Cette « prêtrise » invisible est-elle la suite moderne de l’antique caste des brahmanes védiques ? Voyez-vous en cela un renouveau possible à l’idée de castes ?

R. Absolument pas. Les prêtres invisibles sont des hommes qui passent au-delà des castes. Alors que les hommes de connaissance, les brahmanes, veulent institutionnaliser la connaissance, c’est-à-dire l’enfermer dans des églises, les prêtres invisibles refusent de se laisser institutionnaliser. Eux seuls sont les prêtres de la fin des temps, les nouveaux prophètes.

Q. Il est bon alors de rappeler qu’aux trois castes le plus communément admises prêtres, guerriers, agriculteurs vous opposez une vision nettement plus équilibrée de la société avec une division en quatre castes. Ces quatre castes seraient sommairement ordonnées comme suit : hommes de connaissance, de puissance, de gestion, d’exécution. Mais se pose à nouveau aujourd’hui le problème des hors-castes, les hippies et autres contestataires modernes.

R. Vous avez raison, et je suis persuadé que la mauvaise conception actuelle des quatre castes conduit à une méconnaissance de la hors-caste : celle d’en-bas disons les hippies — mais également celle d’en haut, les prêtres invisibles. Il y a incontestablement la caste des hippies qui refusent justement d’être des hommes d’exécution, de travail, mais qui ne sont pas, bien entendu, des « brahmanes ». Ils sont dans une hors-caste indéfinissable, et je crois cependant que leur rôle est capital, car c’est là que germent, dans ce terreau d’humus indifférencié, les nouvelles générations de castes. De ce point de vue, on peut même imaginer toute une sorte de géographie sacrée qui préciserait les zones de l’hémisphère occidental où apparaissent ces castes.

La notion de géographie sacrée

Q. L’existence de certaines zones privilégiées, de régions chargées de forces, d’énergies particulières, c’est pour vous, je crois, la géographie sacrée ou, tout au moins, sa structure de base. Ainsi, dans cette conception du monde, vous accordez à la Californie un rôle déterminant dans l’évolution et le développement des nouvelles hors-castes.

R. Oui, pour moi, sur un plan symbolique, la Californie est une ligne qui marque la limite à l’extrême ouest de l’Occident. Elle s’oppose à l’Amérique ; la Californie n’est pas du tout l’Amérique. Et c’est justement ce qui m’a conduit à penser qu’il y avait un symbolisme considérable dans la révolte des étudiants de Berkeley en 1964, qui a été la première manifestation dans le monde de la révolte des étudiants.

Q. Si la Californie n’est pas l’Amérique, mais l’Extrême-Occident, l’Occident n’est pas l’Europe. Je crois même que vous faites une différence fondamentale qui est, en quelque sorte, l’assise de votre géographie sacrée.

R. La distinction entre l’Europe et l’Occident est, pour moi, fondamentale. Dans notre cycle de temps, nul lieu au monde n’eut plus que l’Europe l’illusion de faire naître l’Histoire. L’Europe s’est vue comme déterminant et écrivant l’Histoire tout entière du cycle terrestre actuellement en cours, et une Histoire de plus en plus dense et dramatique. Je fais de la distinction Europe-Occident une clef fondamentale. Ainsi, l’Europe est construite, l’Occident est constitué. L’Est est le support d’une infinité passée, l’Ouest celui d’une infinité à venir : l’Occident est, entre eux, celui d’une infinité présente. Mais c’est justement parce que l’homme européen est pris actuellement dans l’implication infinie des liaisons historiques, et qu’il y est pris seul, qu’il est, à l’état naissant, le porteur de l’être occidental capable de transcender l’Histoire, de la vider de ses événements isolés et passagers et de faire émerger, ici et maintenant, une nouvelle conscience dans le monde. L’Occident est d’abord vision absolue du monde et de lui-même par la découverte d’une structure absolue. L’Europe vit en mode d’ampleur, l’Occident en mode d’intensité. L’Europe veut progresser en mode de sédimentation, l’Occident se résout en mode de cristallisation.

Q. Quel sens donnez-vous à cette opposition ?

R. Un sens dialectique. Ainsi l’Europe se livre au temps tandis que l’Occident lui échappe. L’Europe paraît fixe dans l’espace, c’est-à-dire dans la géographie, tandis que l’Occident y est mobile et déplace son épicentre terrestre selon le mouvement des avant-gardes civilisées. L’Europe est provisoire, l’Occident est éternel. Un jour, l’Europe sera politiquement effacée des cartes, mais l’Occident vivra toujours. L’Occident est partout où la conscience devient majeure.

Révélation et illumination

Q. Vous accordez une importance fondamentale à la notion de révélation dans toute votre œuvre. Vous acceptez l’idée qu’une connaissance peut venir subitement, sans apport intellectuel ; cette connaissance résume alors des formes très diverses du savoir. Elle est la gnose à l’état pur, une réalité universelle qui, soudain, relie l’homme à l’infini.

R. Tous, autant que nous sommes, nous avons eu des moments où la certitude en nous se passait de preuves. Ma propre certitude, à certains moments de ma vie, a été totale, immédiate, fulgurante. C’est ainsi que je puis vous dire, et de façon très précise, que j’ai reçu la révélation de ma clef numérique de la Kabbale le 5 avril 1946 à dix heures du matin, le Vendredi saint de cette année-là. La liste des valeurs ésotériques des nombres m’est venue globalement, sans nuance. Elle m’est tombée dessus comme un coup de tonnerre, à tel point que, pendant trois heures, je suis resté paralysé, dans un état d’immobilité absolue. Je brûlais et j’avais l’impression que ma tête allait éclater. Quand j’ai enfin pu me déplacer, je suis allé me coucher sous une tente qui était au fond du jardin. Pendant ce repos, chaque fois que j’essayais de deviner le sens précis de ma révélation, j’avais l’impression que tout pouvait sauter en moi. Une idée de plus, et mon cerveau sautait ; c’était bien un court-circuit qui s’était produit entre deux univers, le mien, celui de l’homme, et l’autre, celui de la révélation, du savoir infini, de la gnose abrupte. La notion de choc dans la révélation est, pour moi, très importante ; car je l’ai reçue comme un coup de bâton, direct, sans pitié, sans faiblesse. Mais il est, je crois, bien inutile de vous dire qu’au moment où j’ai reçu cette connaissance subite, je n’avais qu’une idée très vague de ce que la révélation m’apportait. Disons que je venais d’accrocher l’idée centrale. Ensuite, j’ai dû procéder aux applications intellectuelles. La révélation est comme un objet brut ; le stade de l’exégèse intellectuelle est celui du raffinement.

Q. Considérez-vous la découverte abrupte, la révélation comme la vérité absolue ?

R. Pas nécessairement. La certitude, aussi forte soit-elle, n’est pas forcément la vérité, même si elle s’accompagne de phénomènes étranges qui s’apparentent à ce que communément l’on nomme « Révélation ». La révélation n’est pas, pour autant, un terrain vague, une certitude reçue à travers un voile, le donné abstrait à partir duquel on tirera des élucubrations plus ou moins confuses. Elle est, au contraire, parfaite et précise ; elle s’apparente totalement à la gnose, c’est vrai ; or la gnose, c’est le domaine de la certitude absolue, instantanée et totale, sinon celui de la vérité.

Q. Du reste, dès que l’on se situe à ce niveau de la perception spirituelle, le mot « vérité », tel qu’il est communément utilisé, ne veut plus rien dire. La révélation transmise à l’homme qui vit dans le temps, dans les dimensions de l’espace, se heurte évidemment à un mur, le mur du temps. La connaissance ou la certitude intemporelles sont récupérées par des êtres qui vivent dans le temps. Ce glissement de l’intemporel au temporel affaiblit sans doute la révélation, lui fait perdre cette force immédiate, totale, instantanée et infinie qu’elle possède en elle-même.

R. Vous avez raison. Mais c’est la force de la loi du progrès : la loi de l’homme. La loi étant historique, soumise à la succession du temps, nous n’avons pas la prétention de tout vivre, de tout assumer, de tout comprendre, même nos propres moments de certitude, de révélation. Nous vivons cependant à certains moments dans des rapports privilégiés avec l’étincelle éternelle, avec l’Un informel : c’est alors la réalisation de l’homme intérieur, l’homme intérieur qui est en assomption tout au long des siècles, une assomption qui trouve sa plénitude, sa pleine réalité à chaque instant éternel de la révélation.

***

MEDITATION POUR LES DERNIÈRES FOIS

Heureux celui qui sait ne pas donner de raisons vaniteuses à ses défaites. Et encore plus heureux celui qui sait qu’il n’est pas de défaites.

Partout où nous irons désormais nous porterons en nous ce monde horizontal. Il est celui des ténèbres extérieures.

Mais la grande nouveauté est celle-ci : Ce monde ne sera plus jamais trop grand pour nous, c’est nous qui sommes devenus trop grands pour lui. Jamais plus nous ne pourrons dire comme Moïse : Je verrai la terre promise et je mourrai.

Nous avons déjà vu toutes les terres promises et nous survivons.

Ce soir, je rêve d’Archimède, insensible au tumulte des guerres et traçant sur le sable, du bout de sa canne, les figures géométriques de son énigme intérieure, tandis que le soldat, irrité, l’interpelle et se prépare à le tuer. Nous sommes voués comme lui à une connaissance et une immobilité infinies. En elles se tiennent toute dévotion, tout amour, toute adoration, tout accomplissement, tout service.

Et même si le sens de ce dernier mot nous échappe car il englobe tous les sens, et si, plus encore qu’à nous, il échappe aux Barbares, que ces derniers au moins, quand ils viendront, nous trouvent d’abord attentifs à notre art.

Rien ne peut sauver les corps. Mais on peut rêver d’un regard si plein de connaissance humaine que les corps tout entiers se perdent dans ce regard. Un jour, en rencontrant les yeux de l’homme immobile, l’assassin le moins capable de retour sur soi saura que cet assassiné était plus grand que lui. Au cœur le plus sensible de l’Europe, à l’endroit d’où elle se croit le plus absente, s’accumulent ce comble de refus et ce comble d’attention qui, par la réversibilité mystérieuse du rachat, constituent au contraire sa vraie présence.

Le goût des formes et des bavardages, la hâte du présent et la déception du lendemain, les petits brigandages politiques, le cynisme sans risques, la vulgarité des riches et la soumission des pauvres, et, par-dessus tout, l’impuissante nostalgie d’une beauté qui se refuse et d’une vérité qui se perd, composent une sorte de cri profond qui monte des plaines d’Europe, mais qui stagne dessus comme un brouillard d’hiver.

Ce désordre est trop grand. Comment en démêler les fils ? On peut aujourd’hui donner une sorte de curiosité fraternelle à ceux qui veulent mettre de l’ordre dans ce qu’on appelle le monde, et qui se jettent dans la foule.

Mais il y a temps pour tout sous le soleil.

Aujourd’hui, ce n’est pas dans ce monde qu’il faut mettre de l’ordre, mais dans nos pensées. Nous avons fait dans le monde assez d’expériences, et ce n’est pas en vain que nous en avons traîné le poids si haut. Le monde est ici, pas ailleurs.

J’essaie d’imaginer ce que pourront être ces heures de la transfiguration, quand les guerriers se feront prêtres, et, n’ayant plus rien à défendre qui ne soit détruit, se découvriront les hommes les plus riches du monde.

Extrait de l’Assomption de l’Europe (Paris, Flammarion, 1953).

POUR MIEUX CONNAÎTRE RAYMOND ABELLIO

De son vrai nom Georges Soulès, Raymond Abellio est ne le 11 novembre 1907 d Toulouse.

De 1930 à 1932, il est élève de l’École des ponts et chaussées. Ingénieur enfin, il commence une carrière qui le conduit dans la Drôme. C’est là qu’il prend contact avec le monde politique. Des 1932, il est nommé secrétaire fédéral adjoint de la S.F.I.O. En 1935, il est un des dirigeants de la dissidence socialiste connue sous le nom de Gauche révolutionnaire. A Paris, en 1936, il entre au cabinet de Jules Much. A partir de 1937, il est un des dirigeants du Parti socialiste, tout en gardant très évidente son optique Gauche révolutionnaires, que développent encore ses études marxistes et trotskystes.

Au cours des combats de 1940, il est fait prisonnier à Calais et se retrouve, pour quelque temps, dans un camp d’internement en Allemagne. Cette triste période sera occupée par quantité de réflexions. Il se lie avec différents officiers cagoulards qui partagent la même captivité. Ses options politiques sont remises en cause. Le marxisme, qu’il considéra toujours comme valable du point de vue de l’analyse économique et comme philosophie réflexive, l’a déçu, au moment de la guerre d’Espagne et du pacte Staline-Laval.

Pendant la guerre

En 1941, il est libéré et rentre en France. Il s’inscrit au Mouvement social révolutionnaire de Deloncle, dont il devient l’adjoint. Les rapports avec l’occupant restent tendus, malgré l’apparente reconnaissance du Mouvement social révolutionnaire par le nazisme.

L’année suivante, en 1942, un fait va déterminer le cours de l’évolution intellectuelle de Georges Soulès : sa rencontre avec Pierre de Combas. Ce dernier a une connaissance remarquable des grandes philosophies et doctrines traditionnelles, du judaïsme à l’hindouisme. Il a étudié les mouvements occultes et ésotériques occidentaux par ailleurs, il possède une excellente documentation sur les différents mystiques.

C’est Pierre de Combas qui, notamment, déterminera son évolution critique en face de la pensée de René Guénon.

La découverte de Husserl

Georges Soulès est bien à la recherche de tout autre chose. Son but : découvrir le véritable cheminement qui irait de la Tradition jusqu’à l’exploitation de toutes les ouvertures scientifiques offertes par le monde moderne. C’est dans ce sens, la découverte de Husserl et de la phénoménologie, découverte qui restera un des premiers événements de sa vie spéculative. La tradition hébraïque lui apporte, avec la Kabbale, les éléments du savoir religieux initiatique, tandis que la phénoménologie lui permet d’acquérir une méthode prospective et une charpente méthodique qui manquent aux traditions étudiées comme telles.

Dès cette époque sont en gestation les thèmes fondamentaux qui formeront la trame philosophique de ses livres. Selon lui, le politicien moderne est loin de représenter une vision réelle de ce que devrait être la politique authentique. Celle-ci serait, selon Soulès, appuyée à la fois sur un organisme de sociétés secrètes recelant des connaissances traditionnelles et sur un développement scientifique des facultés métapsychiques, afin d’influer, sans autres moyens que la réalisation mentale, sur les foules. La géopolitique occupe également une place dans la construction de son système. Les différents États, les continents eux-mêmes sont, certes, des réalités évidentes. Mais celles-ci ne sont quand même que les jouets de forces cosmiques et telluriques dont une plus exacte connaissance serait indispensable, afin d’accéder à la parfaite réalisation d’un pouvoir à la fois occulte et politique.

Après la guerre

En 1944, sa position devient de plus en plus difficile. Bientôt, on le recherche, et il doit se cacher.

En 1945, ce sont les gaullistes qui, à leur tour, le poursuivent. Commence alors pour lui une vie de traqué et de vagabond. Enfin, il quitte la France A la fin de février 1947. La Suisse sera son lieu d’exil jusqu’en 1951, époque à laquelle, à la suite d’un non-lieu, il rentre à Paris.

Ses années de fuite et d’exil furent les plus fructueuses, spirituellement. Sa vision du monde atteint un aspect prophétique. En 1946, il fait paraître, sous le pseudonyme d’Abellio, son premier livre. C’est un roman, Heureux les pacifiques, qui sera suivi de Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts ; enfin, beaucoup plus tard, de la Fosse de Babel. Ces trois livres forment une trilogie romanesque sur laquelle il fonde la partie la plus publique de son œuvre. Parallèlement, il développera des recherches, avec la Bible, document chiffré, Vers un nouveau prophétisme, Assomption de l’Europe et la Structure absolue (1965).

Ce dernier ouvrage, véritable somme philosophique, est une recherche fondée sur l’ésotérisme et la phénoménologie afin de cerner la clé universelle de l’être et du devenir, des situations et des mutations.

Le monde futur

Vers un nouveau prophétisme est un « essai sur le rôle du sacré et la situation de Lucifer dans le monde moderne ». L’Occident — et l’Europe en particulier — n’a pas terminé son rôle sur la grande scène de l’Histoire. L’ultime Occident est à naître, « quand les guerriers se feront prêtres et, n’ayant plus rien à défendre qui ne soit détruit, se découvriront les hommes les plus riches du monde » (Abellio, Assomption de l’Europe).

Abellio reconnaît que nous vivons la fin d’un cycle, les dernières saccades de l’agonie. Mais cette agonie est à la mesure de notre formidable destin luciférien. L’Europe accède à son assomption et le monde entier se développe et vit et meurt selon nos concepts, nos religions, nos hérésies et nos systèmes politiques.

Une situation retient tout particulièrement son attention : celle de la Chine, Abellio ne cache pas un certain pessimisme qui s’accompagne de visions apocalyptiques dans la Fosse de Babel.

OEUVRES DE RAYMOND ABELLIO

Aux éditions Flammarion :

« Heureux les. Pacifiques », roman

« Assomption de l’Europe », essai

« La fin de l’ésotérisme », essai

Aux éditions Gallimard :

« Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts », roman

« Vers un nouveau prophétisme », essai

« La Bible, document chiffré », 2 vol., essai

« La fosse de Babel », roman

« La structure absolue », essai

« Ma dernière mémoire », récit, le tome I est, jusqu’à présent, seul paru

« Un faubourg de Toulouse »

Dans une âme et un corps », Journal de l’année 1971

jeudi, 13 octobre 2011

« Sarkozy sous BHL » : une grenade dégoupillée dans la cour de l'Elysée !

« Sarkozy sous BHL » : une grenade dégoupillée dans la cour de l'Elysée !

Interview de Roland Dumas et Jacques Vergès

Propos recueillis par Gilles Munier

Il y a quelque chose de pourri au royaume de France ! On attendait les révélations de Saif al-islam sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par la Libye... À la place, on a eu droit, sur le même sujet, à la relance de l'affaire Bettencourt, le scandale politico-fiscal de la principale actionnaire de la société L'Oréal, puis à un déluge de révélations sur la remise de valises de billets en provenance de présidents africains, par l'entremise de l'avocat de la Françafrique Robert Bourgi (l'un des dénonciateurs, qui reconnaît avoir porté des valises) à des hommes politiques français, toutes tendances confondues. Dans cette atmosphère de fin de règne, on lira avec délectation le pamphlet de Jacques Vergès et Roland Dumas qui connaissent bien les dessous crapuleux du renversement du colonel Kadhafi. Un pamphlet à lire d'une traite*. 

Afrique Asie : « Sarkozy sous BHL », le pamphlet que vous venez de publier, est une volée de bois vert contre le pouvoir de l'argent en politique. Pouvoir et argent ont toujours cohabité, sauf peut-être dans certains pays socialistes. Qu'apporte de nouveau la présidence Sarkozy dans ce domaine ? 

Roland Dumas : Le pouvoir de l'argent a toujours existé. Au travers des siècles. Dans tous les régimes. Il est triste de voir une grande démocratie ou « prétendue telle » comme la République française, être en proie à un phénomène aujourd'hui décuplé. 

Les révélations qui sortent chaque jour sont édifiantes à ce sujet mais la « France Afrique » n'est pas simplement un problème d'argent et de valises de billets. C'est aussi une méthode qui nous ramène des siècles en arrière et qui repose sur des actions militaires, en bref, sur le colonialisme : « Un régime vous déplaît, on le change, on en installe un autre ». Peut-on dire que c'est là le progrès ? 

Jacques Vergès : Ce que la présidence Sarkozy apporte de nouveau dans les relations entre pouvoir et argent est l'hypertrophie du rôle de l'argent sale et de la corruption qui s'ensuit, faisant de la République française une République bananière. Ses relations avec les pays africains et arabes ne se font plus à travers des diplomates mais à travers des affairistes douteux. 

Afrique Asie : Vous vous en prenez à « Lévy d'Arabie »... BHL. Est-ce la première fois, sous la République, qu'un intellectuel détient publiquement un tel pouvoir? Peut-on comparer son influence à celle de Jacques Attali sur François Mitterrand ou de Marie-France Garaud sur Georges Pompidou puis Jacques Chirac ? 

Jacques Vergès : On ne peut comparer les rôles discrets de M. Attali auprès du président Mitterrand ou de Madame Garaud auprès de Georges Pompidou avec le rôle de M. Lévy auprès de Sarkozy qui est un rôle de décideur. Le président Sarkozy entérine les conciliabules de M. Lévy avec des émissaires libyens dans les hôtels parisiens. 

Roland Dumas : C'est sans doute la première fois qu'un intellectuel aussi médiocre que M. Bernard-Henry Lévy joue un rôle aussi important dans la République. On ne peut le comparer ni à Jacques Attali qui était une institution dans la République ou à Marie-France Garaud qui disposait d'une relation personnelle avec Georges Pompidou. La situation insolite de M. BHL ne relève ni d'un cas ni d'un autre. Il n'est rien dans la République. Il s'impose. Il virevolte. Il joue les « mouches du coche ». 

Afrique Asie : En Libye, le CNT occupe Tripoli. Qu'en est-il de la plainte que vous comptiez déposer accusant Nicolas Sarkozy de crime de guerre ? 

Jacques Vergès : Cette plainte attend que M. Sarkozy ne soit plus à même d'empêcher cette plainte de suivre son cours. 

Afrique Asie : Après la Libye, Sarkozy menace la Syrie et l'Iran. Où s'arrêtera-t-il ? 

Jacques Vergès : M. Sarkozy est irresponsable, il est capable désormais de toutes les folies à moins que le peuple français ne lui passe une camisole de force auparavant. 

Roland Dumas : C'est cela qui nous inquiète. Les menaces contre la Syrie sont précises. Elles sont sérieuses. Les menaces contre l'Iran existent. On a l'impression que tout est fait pour embraser le Proche-Orient. A quoi cela correspond-il ? On peut se le demander. Je ne peux séparer la situation actuelle de ce qui se passe à l'ONU au sujet des Palestiniens. 

L'humanité se déshonore en laissant tomber le peuple palestinien qui est raisonnable, paisible et ne demande pour lui que ce que les israéliens ont obtenu pour eux-mêmes. 

Afrique Asie : Après le renversement de Saddam Hussein, de Laurent Gbagbo et du colonel Kadhafi, ne sommes-nous pas en définitive en train d'assister à un retour accéléré du colonialisme ? 

Roland Dumas : Tout à fait. Nous assistons à un retour, non seulement accéléré mais amplifié, démultiplié du colonialisme avec des moyens énormes. Saura-t-on un jour le coût des campagnes de l'Afghanistan et de la Libye ? Le peuple français a le droit de savoir. Au moment où tout le monde s'agite autour de la crise, n'est-il pas raisonnable de poser la question du coût de guerres inutiles et monstrueuses ? 

Jacques Vergès : C'est évident que la politique de M. Sarkozy marque un retour du colonialisme à un moment où la France et l'Occident en général n'en ont plus les moyens. Il peut renverser les gouvernements mais ne peut assurer l'ordre ensuite. 

Afrique Asie : Pensez-vous que l'Algérie soit sur la liste des « pays à casser » ? 

Roland Dumas : Pourquoi pas. Le contentieux entre la France et l'Algérie est durable. Quand vous imaginez que les Français n'ont pas encore souscrit à la proposition de négociations avec l'Algérie sur un contrat d'amitié, parce que trop de blessures sont encore saignantes... Tout est à craindre pour l'Algérie, mais ce sera pour M. Sarkozy un autre « morceau »...

Notes

* Lire « Bonnes feuilles » dans Afrique Asie d'octobre 2011 

** « Sarkozy sous BHL », par Roland Dumas et Jacques Vergès (Ed. Pierre-Guillaume de Roux) - 126 pages - 13,90 euros 

Source Afrique Asie via Vox NR cliquez ici et NDP Ile-de-France cliquez là